Les mots ouverts

Quelques techniques pour enrichir rapidement son vocabulaire dans une langue étrangère



 Le Dr Jacques Vigne a une formation de psychiatre et réside depuis douze ans en Inde pour sa pratique spirituelle et l'écriture. En plus du latin, du grec et de l'allemand qu'il a appris dans ses jeunes années, il pratique et lit le hindi régulièrement et a de bonnes bases de sanskrit. Récemment, il a appris en quelques semaines à lire la presse en Népali et à lire également facilement en espagnol. Il explique ici les méthodes principales qu'il a élaborées pour mémoriser rapidement et de façon durable une quantité importante de vocabulaire. Chaque domaine a son type de mémoire, celle nécesssaire pour apprendre la médecine par exemple est assez différente de celle pour apprendre du vocabulaire nouveau.

L'originalité de cette méthode est de penser à 'ouvrir' les mots qu'on souhaite associer, et à créer des mots intermédiaires, mi-anglais mi-français si par exemple on est en train d'apprendre l'anglais. Par exemple, pour apprendre 'puny' qui signifie 'chétif' on crée les mots hybrides *pu-tif et *che-ny qu'il suffira alors de répéter dix ou vingt fois de plus en plus rapidement pour créer un lien trés solide entre les deux mots. L'efficacité de cette méthode peut être évoquée par une comparaison; si l'on veut coller deux boules de billard (cad deux mots) ensemble et qu'on les met juste près l'une de l'autre avec un peu de colle, elles ne tiendront pas car il n'y aura qu'un seul point de contact; Par contre, si on les coupe en deux et qu'on colle les demi-sphères l'une à l'autre, l'adhésion sera maxima. C'est le principe de base. On pourra objecter qu'on va s'encombrer la mémoire de mots qui n'existent pas et qu'on confondra avec les nouveaux mots à apprendre; mais ce n'est pas le cas: l'inconscient comprend trés bien qu'un mot qui est à moitié français ne peut-être le mot anglais final.

En pratique, les mots pour lesquels on peut faire un croisement sur une lettre commune ou similaire seront plus facilement retenus: par exemple criquet qui se dit locust a le son k en commun en milieu de mot et donnera lieu à un croisement efficace du point de vue mnémonique: *cri-cust et *lo-quet.

De plus, on peut s'aider de structure du mot similaire, en intervertissant les préfixes ou les suffixes d'une langue sur l'autre: submergé (par l'émotion) se dit overwhelmed, d'où: *sub-whelmed et *over-mergé. Nuisible se dit harmful; d'où les hybrides *nuis-ful et *harm-ible. Même avec des mots composés, le croisement sera efficace, tout dépourvu de sens qu'il soit bien évidemment. Pomme de pin se dit pine cone, d'où *pomme de cone et *pine pin. Cela suffit pour que les aires mnémoniques des deux mots se recouvrent, leur rythmes s'interpénètrent et qu'il y ait donc un bon lien entre eux.

Pour les mots courts, on peut passer de l'un à l'autre en changeant l'un en l'autre lettre par lettre, continûment comme les couleurs d'un arc-en-c iel:

On peut aussi inclure un mot court dans un mot long en se servant de lettres similaires si possible: tohu-bohu peut se dire hubbub, d'où le mot hybride to-hubbub-hu en se servant du 'hu' commun.

Si la lettre commune ou similaire est au début d'un des deux mots, on s'en sert aussi comme lettre-charnière: matraque se dit truncheon, le t commun est exploité en faisant *ma-truncheon.

S'il n'y a pas de lettre commune ou similaire, on peut chercher en français un mot synonyme dont le son se rapproche plus du mot à apprendre.

Faire des jeux de mots, des calembours dans la langue qu'on apprend est aussi une aide précieuse. Par exemple, pour apprendre à distinguer les mots courts en 'un' rapidement, on peut faire le calembour suivant: 'He made a pun saying that the nun's fun was to run after buns' ce qui en français n'a guère de sens (il a fait un calembour en disant que le jeu de la religieuse était de courir après les chignons), mais là n'est pas la question...

Ces techniques de mots ouverts peuvent aussi être utilisées à l'intérieur de la langue qu'on apprend, pour mêler intimement un synonyme nouveau un peu rare, avec le mot plus simple qui nous viendra en premier lieu à l'esprit quand on cherchera à parler. Cela permet d'intégrer dans son vocabulaire actif des mots qu'on comprend quand on les lit mais qu'en pratique on n'arrive pas à utiliser car ils sont 'recouverts' par des mots plus faciles qu'on connaît mieux.

Ces mélanges de mots peuvent aider à mémoriser des poèmes aussi. En mêlant un des derniers mots d'un vers ou d'une strophe avec un des premiers du vers ou de la strophe suivante, on évite ces trous de mémoire à la reprise qui sont particulièrement traîtres et désespérants pour ceux qui ont fait un gros effort pour mémoriser le poème. Là encore, associer deux mots qui ont des lettres communes ou similaires favorisera une mémorisation rapide. Pour plus d'exemples, on pourra se référer à la version anglaise de cette article qui est plus complète et détaillée. Je donne en particulier une série d'exemples pour apprendre rapidement du vocabulaire dans une langue a priori difficile, le Tibétain: je reproduis cette partie du texte anglais si dessous pour plus de commodité.
 
 

IV) HOW TO LEARN A DIFFICULT LANGUAGE: THE EXAMPLE OF TIBETAN

 Tibetan is a difficult language because it is completely different of the indian-european languages, and it has many monosyllabic words which sound like. It seems that memory has no grasp on them. I summarized here the methods which seemed to me the most fitted to memorize Tibetan vocabulary. This time, I take the presence or absence of common or similar letters as the main criterion to classify the different methods. I imply by 'similar letters' those of the same group: dental, labial, liquids, but also voiced or voiceless consonants.

 1) Presence of common or similar letters

 10) Presence of several letters

100) Presence of several letters in the same order

1000) Techniques of condensation

mental wandering

*l'wandering

*l'phandering

*l'phring

*l'phro

l'phro ba

with the usual termination in -ba for a noun. The part -and which was superfluous has been dropped by condensation.

obscuration

*scuration

*sguration

*sgration

*sgrition

sgrib
 
 

1001) technique of dilatation
  •  Impure corresponds to ma dag pa.'i; m and p are common:

  • impure

    *ima dag pur

    ma dag pa'i
     
     

    101) Presence of several similar letters in a different order

     One should make inversions which, if not consciously done at the time of learning will lead to confusions at the time of use:

    secret

    *cseret

    *gseret

    gsang


     
      gross
    *rgoss

    *rgass

    rgas



    11) Words who have only one common or similar letter

     These are frequent cases, which seem to offer little hold for memory. The following techniques may however be useful:

     110) Crossing on hinge-letter

    111) Inclusion which is built from the similar letter
     
     

    transference

    *transpho-rence

    *transpo-bence

    *transphoba

    1. Words who have no common or similar letters
     These words are those which are spontaneously the most difficult to memorize; the following methods may however be of some use :

     20) Synonyms in the 'departure language'

    Enjoyment corresponds to 'longs'; if one simply thinks of the similarity of meaning with longing, even if it not equivalent, it will help. The system consists in looking for synonyms which have more common letters with the Tibetan word. Rather than associating bdeba to bliss, better to link it with beatitude which has more common letters.
     
     

    21) Rainbow technique

     It is instrumental to associate short words which have nothing in common:

    truth

    *chuth   *trus

    *choth   *tros

    chos
     
     

    form

    *gzorm   *fors

    *gzurm   *fogs

    *gzugm   *fugs

    gzugs



    22) Scanning-inclusion is less effective but may be used to associate a short word to a long one: sa means 'territory', the following hybrids may be created: *sa-ritory, *ter-sa-tory, *terri-sa
     
     

    3) Association by family of sound and meaning

    These techniques are quite useful when we learn many words at the same time, not to mix them together or with the ones learned before:

     30) Family of sounds

    It comes to make a pun in Tibetan, for instance: "After the dzin (prise) du zhing (country) has come its zhig (destruction)"

     31) Family of meaning

    The synonyms or opposite are put together. This system is well known in the learning of languages, it is used quite systematically in the sanskrit schools in India for instance.

    Better to do this kind of associations between an old word and a new one, if not there may be some confusion.



     
    Commentaires & suggestions adressés à la rédactrice:Nathalie MASIA