JAY MA n°45

PAROLES DE MA

 

Si on s'arrête avant d'avoir atteint tout ce qui peut l'être en suivant une voie donnée, on n'est pas parvenu au but de la vie humaine. Ce qui est nécessaire, c'est une réalisation qui va déraciner les conflits et les divergences d'opinion, qui est complète et libérée d'antagonismes intrinsèques. Stopper en-deçà signifie que son expérience intérieure est partiale et incomplète. Dans un éveil authentique, on ne peut avoir de querelle avec quiconque ; on est pleinement éveillé au sujet de tous les credos, fois, doctrines et écoles et on considère tous les chemins comme également bons. C'est la Réalisation parfaite, absolue. Tant qu'il y a dissension, on ne peut dire qu'on est arrivé.

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Soyez comme un enfant qui ne grandit jamais : la seule raison pour laquelle l'état d'enfance ne dure pas s'appelle 'désir'.

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Je suis une petite enfant et je ne sais pas comment donner des conférences ou faire des discours. De même qu'un enfant, quand il trouve quelque chose de bon et sucré l'apporte à sa mère et a son père, de même je mets devant vous ce qui est bon et sucré. Prenez-y ce qui vous plaît. De mon côté, il n'y a qu'un babillage d'enfant. En rivalité, c'est seulement vous qui posez les questions et c'est seulement vous qui donnez les réponses. Vous battez du tambour, et vous entendez le son.

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La vie à la maison en elle-même peut être un ashram.

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Vous cherchez à apaiser le manque par le manque. c'est pourquoi le manque ne disparaît pas, et le sens du manque non plus. Quand l'être humain s'éveille à la conscience aiguë du manque, c'est alors que le questionnement spirituel devient authentique. Vous devez garder présent à l'esprit que ce n'est que lorsque le sens du manque devient sens du manque de connaissance du Soi que la Quête réelle débute.

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Les activités diverses qui aident à la vie spirituelle doivent étre 'cousues' ensemble par des efforts toujours renouvelés, sans intervalle, de même que dans une guirlande on ne peut voir le fil (tellement les fleurs sont bien serrées). Aussitôt que le mental sent une faille. il dirigera toutes ses actions vers le bas. vers le périssable.

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Un visiteur : Je n'ai pas d'aspirations spirituelles, je suis heureux comme je suis.

Ma : C'est bon; nous aussi, nous parlons de bonheur. Si vous avez trouvé le secret du bonheur, pourquoi faites-vous cette déclaration au lieu d'étre dans cet état afin que tous, nous puissions le voir ? (Elle sourit, le visiteur rit et reconnaît qu'il en est ainsi). Etre avec Dieu est le vrai bonheur.

Si après être redescendu de l'état de contemplation, vous êtes capable de vous comporter comme avant, vous n 'avez pas été transformé.

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Question : Comment puis-je savoir quel est le chemin véritable?

Ma : Si vous êtes assis toutes portes et fenêtres fermées, comment pouvez-vous voir le chemin? Ouvrez la porte et sortez; le chemin deviendra visible.

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Question : peut-on jamais 'acheter' Dieu?

Ma : En cherchant à tromper, ce n'est que vous-même que vous tromperez.

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Il y a un temps pour tout. Nul ne peut venir à moi avant que le temps pour cela ne soit arrivé.



QUESTIONS A VI]AYANANDA


1) On dit souvent que la relation de maître à disciple est au-delà de la personne, mais ne serait-il pas plus exact de dire que la relation est d'abord très personnelle, et qu'ensuite seulement elle arrive à l'impersonnel?

Vijayananda :La relation entre un vrai maître et un authentique disciple est une chose merveilleuse. Il faut l'avoir vécue pour la comprendre. C'est à la base une relation d'amour mystique. Elle est très différente de l'amour humain, qui recherche le contact physique. L'amour mystique est sur le niveau de la Conscience pure. L'étincelle de la Conscience divine qui est dans le disciple est attirée comme par un puissant aimant par le Divin Omniprésent qui rayonne à travers la forme physique du Maître Parfait.

Mais au début le disciple souvent confond ou plutôt limite le Divin à la forme physique du maître. Il se crée alors une relation personnelle, mais qui n'existe que du point de vue du disciple. Cette relation est utile au début d'une sadhana car elle agit comme un transfert affectif et permet de se libérer des attachements mondains. Quand le disciple est arrivé à une certaine maturité, le maître le libère de l'attachement personnel en lui faisant découvrir le Divin qui réside dans son propre coeur est qui est un avec le Divin omniprésent.

2) Dans l' hindouisme, on tolère le fait qu'un des membres du couple prenne le sannyas même si l'autre n'est pas d'accord. Cela ne pose-t-il pas un problème éthique dans la mesure où le mariage, comme dans le christianisme, est considéré comme un engagement pour la vie?

V : En règle générale, le sannyas ne doit pas être pris sans la permission ou l'assentiment du conjoint; et il me semble qu'un maître ne donnera pas l'initiation du sannyas en sachant que le conjoint n'est pas d'accord. Mais il y a des cas exceptionnels. Quand l'esprit de renonciation est extrêmement intense, plus rien ne compte. C'est alors comme quelqu'un qui s'échappe d'une maison en flammes.

3) La Plupart des Occidentaux inspirés par Ma ne lui font pas de puja, alors que c'est une pratique très courante chez les hindous, qu'ils vivent dans les ashrams ou chez eux. Est-ce que les Occidentaux y perdent quelque chose?

V : La vraie puja est une attitude mentale. Le rituel sert à éveiller cette attitude d'amour et de vénération. Les Occidentaux n'ont pas besoin d'utiliser le même rituel que les hindous; mais quand on va commencer la méditation, il est bon de former un contact avec le maître (Ma en l'occurence) pour qu'il (ou Elle) vous transmette l'énergie spirituelle nécessaire. Et pour cela une certaine forme de puja peut être utile : réciter quelques mantras, allumer une baguette d'encens, faire le pranam, etc...

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EDITORIAL


Dans ce numéro d'été, nous ferons une large place au livre récent de Richard Lannoy ( Lannoy Richard 'Anandamayi' Elements Books Limited, Shaftesbury, Dorset, SP7 8BP 1996) qui a fait un effort de valeur pour présenter Ma à un public occidental cultivé. Les paroles de Ma en début de numéro sont également extraites de son ouvrage. Richard Lannoy a rencontré Ma vers 1954-1955; il était non seulement photographe de son métier, mais ausi auteur d'un livre de synthèse réputé sur la culture indienne 'The speaking tree' toujours disponible en librairie (Oxford University Press, 1971).

Comme autres Occidentaux qui s'expriment dans ce volume, il y a Shraddha, une dame américaine qui est venue souvent voir Ma avec son mari et qui raconte ses souvenirs de bhakta dans un livre paru récemment :'In Her Perfect Love'. Martine Quentric-Seguy nous a également livré certaines expériences qu'elle a eues de la présence de Ma. Martine a vécu une vingtaine d'année en Asie du Sud, dont trois ans en Inde. Sous donnerons une place aussi à un extrait d'un livre paru tout récemment pour l'anniversaire de Ma par Brahmachari Sanandan, qui vient d'être pendant un an le pujari du samadhi de Ma. Il fait une sadhana intense à Kankhal et ceux qui sont venus ici ont pu voir sur son visage qu'il portait bien ce nom que Ma lui a donné 'Sa-nandan' 'avec joie'.

L'anniversaire de Ma en France s'est tenu chez Claude Portal à Saint-Germain-en-Laye avec 24 heures de chants, mantras, et méditations. A Kankhal, la particularité de l'anniversaire de cette année a été l'inauguration du Centre international dans un terrain juste à côté de l'ashram. L'idée suggérée par Ram Alexander, un fidèle américain, à Ma dans les annees 1970 a fini par se concrétiser grâce à la persévérance de Mr Dhamija, un ambassadeur à la retraite qui a maintenant 87 ans, et qui a collecté les fonds nécessaires à ce bâtiment de 16 chambres. Le confort de ces chambres est meilleur que dans l'ashram (eau chaude, pièces plus claires plus spacieuses, cuisine à disposition...) et le centre est conçu pour recevoir en priorité les visiteurs occidentaux. Shantimayi, Karine Huvelle de son nom français, doit superviser l'accueil une fois qu'elle sera revenue de son séjour d'été en Occident. Ma avait encouragé ce projet, car elle voulait être ouverte à tous en évitant cependant trop de mélanges hindous-occidentaux générateurs de multiples frictions dans la vie pratique, et Swami Paratmananda, le bras droit de Ma avait demandé avant sa mort à Ram Alexander de mener le projet à bien. L'inauguration elle-même a été accomplie par Swami Chidananda le 25 mai, c'est à dire le matin juste avant l'anniversaire de Ma.

De retour d'un pèlerinage aux Sources du Gange avec un groupe de Terre du Ciel en fin mai également, nous avons eu un long satsang avec Vijayananda au ghat de Ma, avec la pleine lune qui se levait sur le lit du Gange. Une partie du groupe a tellement aimé l'atmosphère qu'elle est restée là à méditer dans la nuit pendant encore une bonne heure. Ce voyage nous a permis non seulement de voir des lieux sacrés, mais aussi de rencontrer des ermites et yoguis dans la montagne et d'échanger avec eux. Penny Ma, une Canadienne qui vit depuis une vingtaine d'années en Inde et a été longtemps responsable à l'ashram de Chandra Swami, nous a raconté des souvenirs étonnants de ses rencontres avec Ma que j'espère pouvoir pubier dans un prochain numéro.

Jacques Vigne



ANANDAMAYI

Par Richard Lannoy

...La doctrine que Ma exposait s'approchait le plus possible de l'universalité qu'un individu isolé peut atteindre. Bien qu'elle vivait pour le bien de tous, elle n'avait pas de motivations de sacrifice de soi au sens chrétien du terme. 'Il n'y a pas d'autres' disait-elle, 'il n'y a que le Un'. Elle était d'une origine rurale extrêmement humble, bien que sa famille se soit distinguée par son niveau spirituel d'une génération sur l'autre. Au fil du temps elle s'était mise à avoir des conversations avec les plus grands du pays, mais elle n'établissait pas de distinction entre le statut de riche et celui de pauvre, ou entre les castes et les affiliations religieuses ou d'école. Elle personifiait la chaleur et la tolérance ouverte de la sensibilité spirituellle indiennne dans son aspect le plus frais et le plus accessible.

Le fait qu'elle ait été une femme accentue certainement les traits caractéristiques de sa manifestation. Des femmes sages ('sage' étant distinct de 'saint', qui représente une notion plus limitée à l'héroïsme des vertus dans un contexte dévotionnel) qui aient été capables de soutenir des conversations avec les savants sont tout à fait exceptionnels en Inde. Sa féminité communique certainement à l'héritage spirituel indien (et global) des qualités de souplesse et de bon sens, de lyrisme et d'humour qu'on associe peu souvent avec ses sommets. Son tempérament vif-argent et sa lila (jeu sacré) abondante contractent fortement avec la sérénité de ce modèle incomparable d'Advaita Védanta, Shri Ramana Maharshi de Tiruvanamalai, la quintessence de la quiétude austère. Qu'une femme d'une telle distinction et d'une activité tellement large ait émergé dans l'Inde du XXe siècle (le siècle du féminisme mondial et de la réévaluation de la phénomènologie féminine) ne semble guère une coïncidence. Le Guru, par définition, reflète les besoins les plus profonds et urgents de tous les fidèles. Tout en incarnant l'accomplissement des voeux de myriades de fidèles, le Guru, homme ou femme, fait se prolonger, se répandre et s'élever ceux qui y font attention dans des zones de sensibilité nouvelles et peu familières.

Je crois qu'Anandamayi a ajouté une dimension spirituelle entièrement neuve au réveil de la conscience des femmes à leur propre héritage. Anne Bancroft, dans une belle étude sur les femmes mystiques des temps modernes ('Femmes en quete d'absolu', Spiritualités vivantes grand format, Albin Michel), cite ce témoignage émouvant d'une Anglaise :'J'ai senti que Ma m'aimait si profondément que je ne pourrais jamais être la même par la suite. Bien que je ne l'aie vue que quelques minutes, je n'ai jamais perdu ce sentiment et sa présence est toujours avec moi. Elle était une personne qui avait une vision de la vie et de la réalité qu'elle pouvait transmettre d'une telle façon que j'ai toujours su depuis que je l'ai vue qu'il y avait une harmonie et une finalité dans l'univers.' (pl2)

...(Richard Lannoy réfléchit maintenant sur sa position de photographe dans l'ashram de Ma) :'Etais-je en train de commettre un sacrilège dans un lieu saint en gelant l'action avec mes diaphragmes à temps d'exposition courts, ou est-ce que je poussais les limites de l'optique pour évoquer ce qui est au-delà du temps? Anandamayi n'a pas réfréné mon zèle immodéré; un de ses leitmotifs les plus persistants était la nécessité de 'l'habileté dans l'action'. Elle tolérait ma proximité avec mes appareils encombrants pendant des journées d'affilée, par périodes pendant quatre ans. Ce fut l'attitude également d'un bon nombre de ses fidèles, qui à l'évidence, avaient pourtant bien mieux à faire que de se torturer les méninges pour mes besoins.

Qu'est-ce que j'étais en train d'essayer? Tout d'abord, j'essayais d'être absolument fidèle à l'expérience. Un de mes amis, l'éducateur confirmé Sanjiva Rao, a comparé le mental d'Anandamayi à une plaque photographique extrêmement sensible. 'Elle entre en contact avec le monde autour d'elle sans la médiation ou l'interprétation d'un esprit encombré. Le mental n'a pas d'activité indépendante, mais est un mirroir clair pour réfléchir la Vérité. Sa plaque photographique enregistre sans distorsion les événements physiques et psychiques qui surviennnent autour d'elle. Anandamayi possède un don extraordinaire de se souvenir des gens qu'elle a rencontrée malgré le défilé incessant et innombrable de visages qui passaient quotidiennement devant elle'. J'avais devant les yeux mon modèle au double sens du terme : d'une part, le meilleur exemple de cette fidélité du genre 'je suis une caméra' que je devais émuler; de l'autre, un 'modèle' de photographe que je pouvais enregistrer sous tous les angles. Par une série de moments décisifs, saisis par des lentilles et des films ultra-efficaces, je me rapprochais de cette personne hyper-sensible tandis qu'à son tour elle venait à ma rencontre. Dans cette conjonction de prises de conscience réciproques, une troisième réalité prenait naissance, une image, échappée des pièges du temps, qui enregistrait un événement assez puissant pour éclipser mon égo importun.

Tout cela s'est avéré être un rude apprentissage : les séances impliquaient une concentration visuelle intense et bien souvent sans résultat, la prise de photos étant empêchée par la foule excessive de fidèles ou une lumière insuffisante. Presque tous les meilleurs moments avec Anandamayi survenait la nuit ou dans une ombre profonde, quand je ne pouvais utiliser mon appareil. Qui plus est, son attention était si vive qu'elle semblait parfois anticiper chacun de mes mouvements, quels que discrets qu'ils soient, me permettant de n'utiliser mon appareil que brièvement -il n'y avait pas de refus verbal, seulement un évitement ingénieux- et tout cela au moment où elle le voulait! Il n'y avait pas de doute qu'il s'agissait de circonstances où la photographie n'était pas considérée comme acceptable. A d'autres moments, l'accord était tacite et le travail s'effectuait sans accrocs. Le facteur décisif dans tout cela, je m'en aperçus bientôt, c'était le coeur. Rien ne fonctionnait si je n'étais pas centré coeur et âme sur ma tâche - tout simplement ça ne 'passait' pas et j'étais bloqué. Ce n'était que quand ma température émotionnelle était suffisamment élevée, ou suffisamment fraîche semblet-il, qu'elle saisissait au vol le signal correct et me laissait faire. C'était une leçon dans un nouveau type de concentration. La photographie devint ma sadhana, tout comme la méditation et le yoga étaient la sadhana de mes compagnons qui résidaient dans l'ashram. C'était mon chemin vers la Vérité.(p.16)

A cette époque, dans les années cinquante , il n'y avait pratiquement pas d'occidentaux auprès de Ma. Ses ashrams étaient considérés comme 'difficiles', avec les règles de pureté orthodoxe suivies scrupuleusement, les seuls langages parlés étant le bengali et le hindi, et l'emploi du temps quotidien consistant en un mélange paradoxal de style informel poussé jusqu'au génie et d'une discipline sévère. Point de doute qu'il s'agissait d'un lieu d'ascèse absolument strict. Et il était intéressant de noter que on ne se posait même pas la question de savoir s'il pouvait en être autrement. C'était un régime chaste de façon irréductible et cette simplicité donnait à l'institution une tonalité de fraîcheur et légèreté. A cette époque il n'y avait que deux non- Indiens qui résidaient dans les ashrams d'Anandamayi (Atmananda et Vijayananda). Un an avant mon arrivée, le célèbre anthropologue des pygmée Ituri, Colin Turnbull, avait passé du temps à s'imprégner des manières d'être irrésistibles de Ma:

"Elle avait exactement rempli ce vide que je ressentais dans le monde occidental, et grâce à elle j'ai appris comment vivre une vie entière, comment faire pénétrer l'Esprit dans le monde quotidien, comment mener une vie de tous les jours qui soit en même temps une vie consacrée, et intensément spirituelle Dans son ashram, j'ai ressenti le lien de fraternité qui finira par unir le monde, et dans l'amour mutuel et la considération qui imprégnait tous ceux qui étaient rassemblés autour de Mataji, j'ai trouvé un mode de vie qui n'est encore qu'un rêve pour la majorité des gens dans le monde occidental. Il n'y avait par de question de riche ou de pauvre, de bon ou de mauvais, de condition élevée ou basse, il y avait une fraternité parfaite entre tous. Je pense que la chose peut-être la plus importante que j'aie apprise était un amour pour la Vérité et un amour pour tous mes prochains. La Vérité peut être un maître dur, mais il n'y en a pas de meilleur, car la Vérité est une des voies par laquelle l'Esprit est révélé. Ceux qui entouraient Mataji ne pouvaient s'empêcher d'être imprégnés par cet idéal merveilleux, et en même temps de sentir disparaître toutes les différences et distinctions mesquines qui normalement nous entourent. C'était la vie qu'on devait mener, la vie pour le Soi Un, non pas pour le petit soi individuel, une vie à laquelle nous tous nous pouvions nous rallier, quelles que soient notre faiblesse et nos lacunes. (P.18)

...L'étage supérieur de l'ashram de Vindhyachal contenait l'appartement très simple d'Anandamayi avec des balcons tout autour. Elle s'asseyait d'habitude sur le balcon sud chaque matin, dans une ombre légère, dictant peut-être quelque lettre tout en ayant ses cheveux longs et fins peignés par une assistante. Un matin, il fut 'silencieusement clair' que je pouvais m'approcher avec un appareil photo. La lumière était parfaite; tout était complètement calme. Je me tenais dirtectement en face d'elle, en silence, pris le temps de recueillir mes pensées, fit quelques mises au point de mon appareil, réglais l'objectif au plus près et m'avançais jusqu'à ce que ses traits apparaissent bien centrés sur le miroir de mon appareil réflexe. Je tenais mon appareil en dessous du niveau de mes yeux, et je me mis à relever lentement le regard. J'avais maintenant les yeux à son niveau et elle était précisément à 68 cm de distance. Pour une durée qui sembla une éternité, je calmai mon souffle et nous nous regardâmes dans les yeux très doucement. Ou c'est du moins ce que je fis, alors que c'était en fait au loin qu'elle lança à travers moi un regard qui nettoyait. Pour un temps, je ressentis que j'étais complètement transparent, sans substance. Je pressais alors l'obturateur une fois et je m'éloignais. Je n'ai jamais eu besoin, ni souhaité refaire cela. (p.20)

Une ou deux fois en certaines occasions avec Anandamayi, nos yeux se sont rencontrés; mais même alors, il était difficile de dire si oui ou non ils s'étaient effectivement rencontrés, car le pouvoir de radar de ses yeux semblait couvrir un large champ. Il était également difficile de dire de quelle couleur ils étaient, mais je suppose qu'ils étaient un mélange de noir, marron et roux. Les iris étaient tachetés irrégulièrement, s' émiettant en des reflets dorés. Je pouvais me concentrer sur un oeil facilement puisque j'étais si proche; je pouvais le fixer confortablement méme quand elle semblait me regarder droit dans les yeux. Mais si je me concentrais pour regarder dans l'autre oeil, il était non seulement extrêmement difficile de tenir mon regard, mais l'oeil se mettait à se perturber et à cligner d'une façon étrange. Ma description de cet examen parait sans nul doute détachée, clinique, contrôlée. En fait, c'était bien plus saturé de sentiment et de communication que ce que je peux verbaliser. C'était vraiment une expérience extraordinaire qui inspirait, élevait et consolidait. Il est naturel pourtant que je puisse décrire ce visage particulier dans de tels termes impersonnels, compte tenu de ce qu'elle était. Dans son silence, elle était semble-t-il 'de côté', détachée , à part . Elle ne donnait pas le moins du monde une impression de froideur, mais sa présence même était paradoxale. On devait porter un regard long et inquisiteur avant de trouver cette redoute ultime du Soi.

Aussitôt qu'on a fait une affirmation de sa vraie nature, on est obligé de la qualifier! Je pourrais dire qu'elle a la simplicité d'une rose, mais je pourrais dire également qu'elle en a toute la complexité. Sa qualité de type 'rien de spécial' ne cachait pas pour autant ses manières et ses mouvements distingués, surtout dans une foule. Sa démarche était inhabituelle, et cela suffisait à la démarquer même de loin. Elle avait une sorte d'élasticité confortable, elle semblait goûter avec délices la sensation de la marche. (p.21-22)

...Bhaiji, le premier grand disciple d'Anandamayi, raconte le souvenir suivant :

"Un jour à l'ashram de Dhaka, Sri Ma prit une fleur et cueillit tous ses pétales en me disant :'Beaucoup de tes samskaras (conditionnements passés) sont déjà tombés et beaucoup plus encore vont tomber comme ces pétales de fleurs, jusqu'au moment où je serai ton support principal, comme la tige unique de cette fleur. Comprends-tu?' Ayant dit cela, elle se mit à rire. Je demandai :'Ma, comment puis-je atteindre cet état?' Elle répliqua :'Chaque jour, souviens-toi de cela une fois; tu n'as pas besoin de faire quoi que ce soit d'autre.'

Nous étions à Almora pour les célébrations du 59e anniversaire d'Anandamayi. Un des orateurs du matin était un moine éminent et puissant qui dirigeait le monastère de Shankaracharya à Bombay. C'était une silhouette grande et imposante, le crâne chauve, un cou de taureau et un front enduit de cendres; c'était une présence intimidante sous son dais au centre du hall, tandis qu'Anandamayi était assise bien de côté, ne prenant aucune part à tout ce qui se déroulait. Elle était d'une humeur rebelle, regardant tout autour d'elle, n'écoutant apparemment pas ce que le moine disait. Il conférençait sur le védanta, entrelardant ses phrases avec une terminologie sanskrite formidable, le tout sur un ton plus ou moins digne d'Hector dans l'Iliade. Tout en jouant avec le fil d'une guirlande de fleurs, sans en avoir l'air, presque distraitement, Mataji plaça une remarque d'une phrase, s'adressant au Swami respectueusement sous le nom de Pitaji,'Père', mais sur un ton des plus légers. Le Swami s'arrêta au milieu de sa phrase, fit une pause, baissa les yeux et soudain éclata en larmes. A la surprise de tous, le moine géant venait de s'effondrer sous nos yeux. D'un mot à une de ses assistantes, Ma entraîna les filles de l'école de l'ashram dans des bhajans et chacun s'y associa. L'humeur se détendit, le Swami retrouva son calme et bientôt le 'char' de sa prédication se remit à rouler bruyamment...Ce qui l'avait touché au vif, personne ne put le dire. (p.23-24)



L'AMOUR-ATTACHEMENT ET LE VERITABLE AMOUR

Une histoire racontée par Ma

" Il était une fois un seth (nom des hommes riches dans les villages indiens) qui avait un fils, qu'il avait marié. Il ne recherchait pas la compagnie des hommes de Dieu (satsang, et ne la voulait pas non plus pour son fils; mais celui-ci avait de l'intérêt pour le satsang. Il allait en cachette chez un certain mahatma. Un jour il lui dit :'J'aime bien venir passer du temps auprès de vous, mais si mon père apprend cela. Il m'interdira de venir'. Le Mahatma demanda :'est-ce que tu aimes bien la vie de famille?' ce à quoi il répondit :'J'aime bien la vie de famille. Parce qu'ils ont tous beaucoup d'affection pour moi. mais je préfère rester chez vous.' Le Mahatma dit:'Tu vas bientôt apprendre comment on aime dans la famille et dans le monde'. Là-dessus, le Mahatma lui enseigna une pratique de Yoga par laquelle le corps paraît inerte, sans vie, mais pourtant la conscience demeure entière. Il dit au jeune homme de rentrer à la maison et d'utiliser cette pratique. Il suivit ces directives et un jour, chez lui, il accomplit cet exercice de Yoga. En conséquence, son corps devint comme mort et tomba au sol. Les gens de la maison virent cela et pensèrent qu'il devait avoir quelque chose de grave; ils appelèrent le docteur, qui fit l'examen et le déclara mort. Ce fut le début d'une séance de larmes dans la maisonnée. Les gens entendirent ces lamentations et acccoururent en foule. Tous étaient stupéfaits de la mort de ce jeune homme sain et fort.

Quand ces lamentations battaient leur plein, le Mahatma passait juste devant la maison.

On le vit et on alla le prier de rentrer voir le garçon. Ces gens pensaient que ce Mahatma pouvait, par sa grâce, lui rendre la vie. A la requête de tous, le Mahatma rentra dans la maison du Sethji. Celui-ci le vit et tomba à ses pieds en le suppliant de rendre la vie au garçon, fût-ce au prix de la leur propre. Le Mahatma entendit cela, demanda qu'on lui apporte un verre de lait, le bénit avec certains mantras, fit le tour du garçon et dit :'Ce lait, quiconque le boira en mourra, mais par contre le garçon sera sauvé à coup sur'. Là-dessus, il mit le verre sous le nez du Sethji. Celui-ci dit :'Ce qui devait arriver est arrivé, mais maintenant, quelle est la garantie que, si je donne ma vie, l'enfant ressuscitera? Et si je m 'en vais, qui prendra soin de mes veuves?' Sur ce, il refusa de boire le lait; quand l'épouse du Seth fut sollicitée pour le boire, elle dit :'Si je m'en vais, qui fera le service du vieux Seth? Ce qui est arrivé, il est convenable de l'endurer'. Quand on sollicita la femme du jeune homme elle dit :'N'est arrivé que ce qui devait arriver, pourquoi donc irai-je mourir pour cela?' Quand personne n'eut accepté de donner sa vie pour sauver le garçon, le Mahatma le secoua brièvement et lui dit :'Tu as bien vu à présent ce qu'est l'amour du monde? Maintenant viens avec moi'. Là-dessus, il prit le jeune homme avec lui et s'en alla."

Traduit du hindi par J.Vigne

(Amritavarta Avril 97)



Shri Shri Ma AnandamaYi 'masse indivisible de félicité'

par Brahamachari Sananda


Il y a un mantra de la Mère divine célèbre 'Om bhavatapa pranashinye...' qui dit d'elle est 'anandaghanamurtaye' littéralement 'forme le la masse de félicité'. C'est sans doute en pensant à cette expression qui évoque également les Upanishads que Brahmachari Sanandan a intitulé les paragraphes que nous traduisons. Il sont extraits du petit livre 'Matrinamamahira' 'La louange du nom de la Mère', écrit dans le plus pur style de la bhakti hindoue et publié à Kankhal pour le dernier anniversaire de Ma en fin mai 97. 'Anandamayi' est en fait un des noms de la Mère divine, et Sanandan nous explique la signification de la félicité (ananda) dans le processus mental de la sadhana.

Il n'y a qu'un bonheur (ananda) temporaire et faible dans les objets des sens. Par l'association (yoga) avec les objets des sens, le mental expérimente le bonheur; mais la capacité qu'ont nos organes des sens à percevoir le bonheur qui vient des objets est temporaire et faible. Le papillon se promène indéfiniment d'une fleur à l'autre, s'il y trouve quelque chose de doux il s'apaise, sinon il s'agite et se remet à se promener. De même, comme le papillon, notre mental est un bébé qui bouge sans cesse en recherche du bonheur.

Dans les objets des sens il y a un peu de bonheur. Le mental-bébé n'est pas satisfait par cette parcelle de bonheur, c'est pourquoi il est toujours instable. Il désire le bonheur indivisible. Shri Shri Ma Anandamyi est toute constituée de bonheur suprême (param-anandamayi), la base même du bonheur indivisible...De même que du soleil sort la lumière, de même de Shri Shri Ma Anandamyi sort l'ananda.

La grâce est présente en chaque objet de la création. C'est pourquoi le mental-bébé va et vient sans cesse dans la forêt du monde à la recherche de Ma, la 'forme' du bonheur donné par les objets des sens. Comme il ne le trouve pas, Ma Anandamayi même dans un océan de bonheur, il reste toujours instable. Dans le monde, le bebé ne connaît qu'une seule maman, et rien d'autre, que désirer de plus? C'est pour cela que quand la maman donne à l'enfant ce qui lui fait plaisir, ce dernier trouve le bonheur et s'apaise. C'est pour cela aussi que Shri Shri Ma Anandamayi, 'Mère du monde' (vishvajanani), 'masse indivisible de bonheur' exauce les désirs du mental-bebé et le prépare ainsi en en faisant un digne réceptacle, à être capable d'en même temps expérimenter le bonheur venant de l'association aux objets des sens et le bonheur suprême.(p.8-9)

...Shri Shri Ma Anandamayi est au-delà des désirs conscients ou inconscients (kamana-vasana). Elle n'est pas simplement accomplie (purna), elle est pleinement accomplie (paripurna); c'est pourquoi grâce au bénéfice de sa présence, chacun de ses désirs s'accomplit facilement...Elle se sert du fil des désirs mesquins d'une personne donnée pour la lier, l'attacher au dieu ou à la déesse que cette personne adore. Le lien une fois établi, sont détruits tous les désirs de 'celui qui désire les désirs' ('kama Kami', une expression de la Bhagavad-Gita pour désigner l'être ordinaire). Shri Shri Mataji, toute pénétrée de la compassion suprême, le libère pour toujours du lien des désire. C'est là le succès ultime et plein de significations du chant du précieux nom de Ma. (p.22-23)

 

Traduit du hindi par J.Vigne



EN SON AMOUR PARFAIT

Par Shraddha


Manubhai nous relata une expérience remarquable qu'il avait eu deux ans auparavant. Les membres de sa famille étaient fidèles de Mère, mais lui-même était un athée confirmé quand il a eu un accident grave. On l'emmena à l'hôpital où les membres de sa familles, désespérés, n'ont pu accepter la nouvelle quand on leur annonça qu'il était mort, et il se précipitèrent pour dire cela à Ma. Celle-ci leur dit de ne pas retirer son corps de l'hôpital ce jour-là. Le corps resta sans vie pendant dix-huit heures. Quand enfin il ouvrit les yeux, il n'était plus athé, et bien vivant...(p.87)

(Shraddhe raconte maintenant un de ses derniers darshans avec Ma à Kankhal, en mars-avril 81. Elle était venue des Etats-Unis avec son mari Satya):

"Peu de temps après, Ma sortit sous le porche. De nouveau, la grâce fit que nous avons pu nous tenir à la rembarde à environ un mètre de Ma.

Son darshan ce soir là a été pour moi si puissant et personnel qu'aucun mot ne saurait en rendre compte. De nouveau, Ma me regarda avec des yeux tellement tristes et pleins de souffrance, mais en même temps remplis d'une telle douceur que je sentis que mon coeur allait se briser. Tandis qu'elle me fixais dans les yeux de cette façon, je pus me souvenir mieux que jamais de cette expérience de félicité qu'elle me donna avec ces mêmes yeux lors de mon premier darshan, c'était en rêve. Si elle m'avait fixée avec ce regard pour même un moment de plus, je sens que je me serais évanouie.

Quelle bénédiction d'aimer cette amante parfaite! Elle est tout pour moi. Sans elle, il n'ya que ténèbres...(p.211)

(Shraddha conclut son livre par son dernier darshan de Ma, toujours à Kankhal, en avril 81)

''Mère sortit jusqu'au porche avec Udas afin que nous puissions lui faire pranam (nous prosterner) une dernière fois. Nous avons déposé nos guirlandes à ses pieds et nous nous sommes inclinés. Mère donna des instructions pour qu'on nous donne deux oranges à chacun et un petit sac de plastic plein de noix, de fruits secs et de sucre candi. Elle nous demanda de lui faire savoir quand nous serions bien arrivés .

Au début, Ma regardait partout sauf dans notre direction. Je me demandais pourquoi elle évitait mon regard. Aprés s'être tenue là quelques temps, elle me regarda effectivement dans les yeux quand je lui dit mentalement mon amour. C'était comme lors de notre premier voyage, en ce sens que je savais qu'elle ne me quitterait pas du regard si je ne détournais pas les yeux. Cette fois-ci je ne les détournais pas, et elle était là, me fixant profondément du regard. Je ne pouvais bouger.

Après un certain temps, Satya s'inquiéta de voir Mère rester debout si longtemps et il demanda 'Darshan ho gaya?' ('le darshan est-il fini?') Comme si on les y avait autorisées, Mère et Udas passèrent la porte et disparurent.

Un sens d'irréalité m'enveloppa lentement lorsque nous quittâmes ce lieu vide où elle s'était tenue.

Prenant place dans la voiture, nous étions silencieusement emportés le long de la route de terre qui s'éloignait de Kankhal.

Le Jeu (fila) magique touchait à sa fin, et il ne peut rien avoir qui l'égale en cette vie. Pourtant, elle ne peut jamais être perdue pour moi, comme elle me l'a dit elle-même il y a bien des années: 'Je suis toujours avec vous où que vous soyiez, je vous vois toujours assise à mes pieds.'

Parfois, Mère me bénit en m'apparaissant dans un rêve. Cette histoire a commencé avec un rêve, et je l'achèverai par un rêve qui m'est venu trois ans après que Ma ait quitté son corps.

J'étais assise aux pieds de Mère et elle m'avait donné sa bénédiction. C'était tellement merveilleux d'être avec elle! Mais soudain je me rappelai qu'elle avait quitté son corps et je sus que j'étais en train de rêver.

Instantanément, j'eus l'intuition évidente ('knowing') qu'elle n'était pas moins réelle dans cet état de réve que dans cet autre état de rêve qu'on appelle 'veille'.

Elle a dit qu'il n'y a pas de lieu où Elle ne soit, qu'Elle n'a pas pas même la place de se retourner.

Cette Maya lui appartient, ce n'est pas Elle qui appartient à cette Maya.

 

PSII Charitable Publication, 'Parishram', Petlad Road, Nadiyad 387001



UN TEMOIGNAGE

par Martine Quentric-Seguy

 

"Longtemps j'ai résisté à tous ceux qui me disaient d'aller voir Ma Anandamyi. Je trouvais toutes les excuses possibles, depuis le manque d'argent jusqu'au fait que ceux qui m'en parlaient n'avaient pas suffisamment l'air 'éveillé'.

Lorsqu'elle a quitté son corps, j'ai su que j'avais une peur panique d'être 'saisie', 'aspirée' par Elle, et que toutes mes excuses étaient des fuites. Je l'ai su à la douleur qui m'a saisie lorsque j'ai pu me dire que je ne la rencontrerai assurément pas.

Quelques temps après, j'ai accompli un étrange pèlerinage je suis venue vers son samadhi en toute tranquillité, sûre de ne prendre aucun risque. Je suis arrivée, je suis entrée dans l'enceinte autorisée à l'intouchable que je suis, et j'ai été 'saisie'. Je me suis prosternée en larmes et j'ai su que la rencontre venait d'avoir lieu malgré moi, malgré tout. Les questions que je portais ont trouvé leur réponse, 'Ma' m'accompagnait, m'accueillait.

Le temps a passé, je suis revenue avec toutes sortes de questions, futiles ou graves, je ne suis jamais ressortie du samadhi-mandir sans réponse.

Le corps de Ma, cette belle apparence, n'est plus là. Son absence m'évite tout attachement. Il reste 'Cela', cette Présence incroyable qui n'a ni lieu, ni âge, et j'entends Jésus dire :'Il faut que je parte pour que l'Esprit vienne'.

Ma était bien plus que Ma! Ma est

Il suffit de marcher vers cette Présence, de l'appeler, d'accepter la rencontre : il n'y a aucune séparation, Elle nous est plus intime que nous-mêmes.



LAGHU YOGA-VASISHTHA

Traduit de l'édition anglaise par Ken


Rien de ce qui existe ne naît ni ne meurt en quelqu'endroit ou moment que ce soit. C'est le Brahman seul qui apparaît illusoirement sous la forme du monde.

Le Soi est plus vaste que l'espace. Il est pur, subtil, inaltérable et favorable. Comme tel, comment peut-il être né et comment peut-il mourir?

Tout ceci est l'Un serein, sans commencement, milieu ou fin, dont on ne peut pas dire qu'il soit existant ou non-existant. Sache cela et sois heureux.

O Rama, il est vraiment plus sublime d'errer dans les rues des hors-castes (chandalas), un bol en terre cuite à la main, que de vivre une vie plongée dans l'ignorance.

Ni la maladie, ni le poison, ni l'adversité, ni aucune autre chose en ce monde ne causent plus de souffrances aux hommes que cette stupidité qui a pris corps en eux.

 

CHAPITRE II

L'IRRÉALITE DU MONDE

 

Tout comme le grand océan de lait devint immobile quand le Mont Mandara (avec lequel il fut baratté par les Dévas et les Asuras) s'immobilisa, de même l'illusion du samsara arrive à sa fin lorsque le mental est calme.Le samsara fait son apparition lorsque le mental est actif, et cesse lorsque ce dernier est immobile. Aussi, rends le mental silencieux en maîtrisant le souffle (prana) et les désirs latents (vasanas).

Ce samsara inutile naît de l'imagination et se dissipe en l'absence de celle-ci. Il est certain qu'il est absolument non-substantiel.

L'idée d'un serpent (vivant) dans une image de serpent cesse d'être entretenue quand la vérité est connue. De façon similaire, le samsara cesse d'exister (quand la Vérité est réalisée) même s'il continue d'apparaître.

Ce fantôme tenace du samsara, qui est la création du mental trompé de l'homme et la cause de ses souffrances, disparaît lorsqu'on médite sur lui.

O Rama, maya est telle qu'elle apporte la réjouissance par sa propre destruction. Sa nature est impénétrable, elle cesse d'exister au moment même où elle est observée.

Mon garçon, merveilleuse vraiment est cette maya qui trompe le monde entier. C'est à cause d'elle que le Soi n'est pas perçu, bien qu'il imprègne toutes les parties du corps.

Tout ce qui est vu n'existe pas en vérité. C'est comme la ville mythique des Gandharvas (fêta morgana), ou bien comme un mirage.

Ce qu'on ne voit pas bien qu'étant à l'intérieur de nous est appelé le Soi éternel et indestructible.

* * *



HASSIDISME ET EXPERIENCE DE L'UNITE


L'hymne que le Rabbi Lévi Yitzhak de Berditshev aimait particulièrement à chanter, le voici:

'' Où que j'aille : c'est Toi!

Où que je sois : c'est Toi!

Seulement Toi, rien que Toi. toujours Toi !Toi! Toi!

 

Tout va-til bien? C'est toi!

Suis-je en douleur? C'est Toi!

Seulement Toi. rien que Toi, toujours Toi Toi! Toi!

 

Le ciel : c 'est Toi; la terre : Toi!

En-haut, c'est Toi! En bas, c'est Toi,

Où que ce soit que je me tourne,

Au bout de tout, c'est Toi Seulement Toi, rien que Toi, toujours Toi Toi! Toi! ''

 

Martin Buber 'Les récits hassidiques' Le Rocher

 



EN COMPAGNIE DE MA ANADAMUYI

par Amulya Kumar Datta Gupta


Ma déclara ' La paix, la libération et tout le reste vient de la récitation du Nom de Dieu'. Je dis alors :'S'il en est ainsi, où le Guru rentre-t-il en ligne de compte?'

Jusqu'ici, Ma faisait face à Jagadish Babu en parlant. Ma question la fit se tourner vers moi. Elle dit :'Eh bien, si vous pensez que vous pouvez opérer sans guru, il n'y a pas de mal. Récitez le Nom par vous-même, et vous y arriverez. Rien sur terre n'est laissé au hasard. Même une feuille qui tombe d'un arbre a sa signification. Vous pouvez en être ou non conscient, mais cela laisse une impression en vous qui peut-être ressuscitera quand l'heure sera venue. De meme, la récitation du Nom ne peut manquer de porter son fruit. Avec cependant une différence : une personne affaiblie et prostrée par une longue période de maladie pensera probablement que si elle avait quelqu'un à son chevet, elle pourrait être aidé à s'asseoir, ne pouvant y arriver par elle-même. D'une façon analogue celui qui suit une discipline spirituelle sans être aidé peut ressentir à des moments de fatigue ou de désespoir le besoin d'un guru pour le mener plus loin sur le chemin. Un guru est nécessaire car il est difficile d'avancer sans support; mais cela ne signifie pas qu'une personne ne puisse s'adresser directement à Dieu sans guru.' Ma dit de cette façon bien d'autres choses, avec une douceur qui vous ravissait. Et il y avait toujours un sourire sur son visage, un sourire qui débordait à tout moment comme un torrent. C'était un type différent de sourire que ceux que nous avons, ombragés qu'ils sont par le chagrin et le désespoir. C'était comme le fleuve du Gange jaillissant de sa source à Gomukh, pur et libre. Que ce soit le corps, le mental ou l'âme, tout est saturé par ce débordement sacré.(P.5)

(Ma raconte elle-même Comment elle a été mordue par un cobra) :

A cette époque, sans laisser de message à qui que ce soit, même pas à Bhaiji que nous n'avions pas vu chez lui, nous sommes partis de Dhaka (au Bangladesh) à Vindyachal (près de Bénarés). A ce moment-là, Kunja Babu était à Vindhyachal avec sa famille. Un jour, nous avons fait une sortie pour aller voir les temples avec sa femme, ses enfants et Bholonath. Nous grimpions la colline par des escaliers très étroits, avec moi en avant. J'étais suivie par Bholonath, tandis que la femme de Kunja Babu et les enfants étaient à l'arrière. Je grimpais distraitement, sans faire attention à ce sur quoi je marchais. C'est toujours comme cela quand je me promène dans les collines. En avançant ainsi, je marchai sur un serpent. Le contact froid me fit retirer mon pied de suite, et je me tins sur la marche suivante. Aussitôt que mon pied a été levé, le serpent le mordit par dessous, resta où il était et se redressa en me regardant. Je le fixais des yeux également en retour. Dans l'intervalle, tous se mirent à crier 'Le serpent! Le serpent!' et tous les regards étaient sur lui. Bholonath était derrière moi et le serpent. Trés inquiet, il me demanda si le serpent m'avait mordu et s'il devait le tuer. Je répondis 'Non, non!'. Quand Bholonath me demanda s'il devait tuer le serpent, celui-ci tourna sa tête de côté, regarda son visage un moment, puis se glissa le long de la pente dans les bois. A ce moment-là, le fils de Kunja Babu (dont le grand frère avait eu une mort par morsure prévue par horoscope pour cette époque) dit d'une façon abrupte à sa mère :'Tu vois, Maman, c'était la morsure de serpent prévue pour mon grand frère. Ma l'a prise à la place.' C'était très étrange qu'une affirmation aussi catégorique doive venir de lui, un enfant très petit.

Plus tard, après avoir fini la promenade et pris le déjeuner, j'observais sous mon gros orteil deux marques bleues comme des piqûres d'aiguilles. Le serpent était un cobra, et après la morsure j'avais ressenti les effets du poison pendant quelques temps. De retour à la maison, je me laissai aller à faire des jeux de mots avec le fils de Kunju Babu :'Le serpent m'a 'mangée' (une tournure bengali pour 'mordue', et ce midi j'ai mangé tout le riz.' (p.23-24)

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Rédactrice: Nathalie MASIA