JAY MA n°43 |
PAROLES
de MA
Dieu tout-puissant est dépourvu de nom
et de forme; pourtant tous les noms et toutes les formes sont siennes.
*
Essayez de voir Dieu en tout et en
tous, y compris en vous-même.
*
Dieu lui-même se révèle de façon
voilée même sous la forme d'individus qui paraissent être pêcheurs, ou dqns des
souffrances qui semblent insurpportables.
*
A chaque respiration, essayez d' étre
en communion avec Lui par son Nom.
*
La nature du feu est de tout
transformer en lui -même. D'une façon similaire, l'association avec Son Nom
mène inévitablement à l'identification avec Lui.
*
Si vous vivez avec la conviction que
Dieu est votre contact le plus proche, vous découvrirez petit à petit qu'il n'y
a rien d'autre que Dieu.
*
Ne relâchez jamais votre effort avant
d'avoir atteint l'illumination. Qu'il n'y ait pas d'interruption dans vos
tentatives, car une interruption produira un remous alors que votre lutte doit
Être aussi continue qu'un écoulement d'huile, elle doit être soutenue,
constante, comme le courant régulier d'un fleuve.
*
Qui appartient à qui en ce monde? En
épuisant son karma, chacun doit s'efforcer d'accomplir le pèlerinage de
l'existence.
*
Après une vraie méditation, les
plaisirs du monde deviennent ennuyeux, ils perdent tout attrait et saveur. Que
signifie 'vairagya' ? Quand chaque objet du monde allume pour ainsi dire le feu
de la renonciation, au point de nous rejeter sur nous-même comme si nous avions
reçu un choc, il y a alors un éveil tant intérieur qu'extérieur.
*
Le monde est en lui-même la
matérialisation de la frustration, et donc le chagrin lié à l'absence de
satisfaction complète ne peut que perdurer. C 'est pourquoi on dit qu'il y a
deux sortes de courants dans la vie humaine: celui du monde, dans lequel un
manque succède à un autre, est celui de l 'Etre authentique. La caractéristique
du premier courant c'est qu'il ne peut jamais atteindre son but -au contraire
le sens de manque, est perpétuellement restimulé, alors qu'en pénétrant dans le
second courant l'homme s'établit dans sa nature authentique et fait aboutir les
efforts qui en sont l'expression.
*
En toute situation, demeurer
imperturbable. Ma dit toujours :'Que ce qui est, soit; en tous et en tout, il y
a ananda; pas de souci à se faire : cela aussi est un grand miracle'.
*
Allez jusqu'à la limite de vos forces.
Certes. Sa grâce est présente, mais utilisez vos forces pour creuser le canal;
c'est en empruntant ce canal qu'il viendra à vous. Votre tâche consiste à faire
vraiment tout votre possible.
*
Ayez une intensité intérieure aussi
vive que celle d'une personne s'enfuyant d'une maison en flamme.
*
Le devoir de l'être humain : Éveiller
en lui L'humamité, se détacher de l'animalité, choisir le bénéfique (sherya),
se détacher de ce qui est désagréable (preya).
*
C'est le désir qui provoque le
chagrin; mais la volonté de réaliser Dieu est en soi félicité ( ananda).
****
EDITORIAL par Jacques Vigne
Onze ans après sa création par
Danielle Pérez à l'instigation d'Atmananda, le journal Jay Ma continue; il y a
eu un peu de flottement dans la parution depuis un an, principalement à cause
de mon retour en France, et du temps qu'a mis l'administration indienne pour
m'accorder un nouveau visa d'entrée renouvelable. Cela m'a amené à passer dix
semaines cet été dans l'Himalaya népalais où j'ai pu faire une méditation
intensive, puis un mois à Ceylan, avant de revenir à Kankhal le 11 novembre, en
principe pour plusieurs années. Mon retour en France a eu l'avantage de me
permettre de percevoir l'intérêt éveillé par Ma Anandamayi. J'ai fait des
tournées de conférences et de stages à travers le pays, ainsi qu'en Belgique et
en Suisse; bien que ces conférences aient eu pour thème général la méditation
et la psychologie, je parlais un petit peu de ma vie à Kankhal et je mettais
surtout à la disposition du public les livres ou polycopiés sur Ma en Français.
Cet intérêt du public a été stimulé par la sortie de plusieurs titres à
l'occasion du Centenaire de la naissance de Ma, en particulier la trilogie de
Marol (cf rubrique 'nouvelles parutions'). Les 'Entretiens de Kankhal', un
polycopié rapportant des questions réponses avec Vijayananda durant les cinq
dernières années, ont touché par leur authenticité des personnes variées.
Environ 170 exemplaires circulent maintenant dans le public; ce texte est
repris avec des articles de Vijayananda sur Ma et une autre série d'entretien
dans l'ouvrage 'Un Français dans l 'Himalaya ' en cours de parution aux
éditions 'Terre du Ciel'. Il ne faut pas oublier pour comprendre l'impact de Ma
en France, les films et ouvrages d'Arnaud Desjardins ainsi que
"L'enseignement de Ma Anandamayi" traduit par Josette Herbert, qui
d'après les informations données par Albin Michel a passé les vingt mille
exemplaires vendus depuis la première publication en 1973.
Il y a une relation particulière
entre ceux qui suivent l'enseignement d'un
même maître spirituel, ceux qu'on appelle
les 'gurubhai', les frères -ou soeurs - par le guru. Nous ressentons cela jour
après jour à Kankhal avec des visiteurs qui viennent non seulement de toutes
les régions d'Inde, mais aussi du monde entier. Nous le ressentons également
dans le courrier que nous recevons avec Vijayananda. La fonction de ce Jay Ma
est de concrétiser le lien entre ceux qui se sentent attirés par Ma, au moins
dans le monde francophone. Il n'est pas toujours possible à Vijayananda de
répondre rapidement et en détail aux lettres qu'il reçoit, mais les questions
qui lui sont posées au début de chaque numéro peuvent contribuer à pallier
cela. Peut-être que dans le prochain numéro votre question figurera, si vous
nous autorisez dans votre lettre à la publier avec sa réponse. Ceux qui sont
intéressés par un rapport détaillé entre psychologie et méditation peuvent lire
mon ouvrage sur le sujet paru en mai dernier dans Spiritualité vivantes.
Il a été écrit dans l'ambiance de
Kankhal et est basé dans le fond sur l'enseignement de Ma, même si dans la
forme j'ai fait attention d'utiliser un vocabulaire et des notions familières
au public français au sens large du terme, faisant ainsi une sorte de travail
de traducteur.
Les prochains numéros comprendront
régulièrement des textes d'Amulya Kumar Datta Gupta, un proche de Ma qui avait
une formation universitaire et a rapporté avec beaucoup de clarté les
conversations avec Ma ainsi que de nombreuses anecdotes qui nous donnent un
aperçu sur la façon qu'avait celle-ci d'aider les gens sur leur chemin
spirituel. Les contributions sont bienvenues; jusqu'ici, j'ai pu publier toutes
celles que je recevais. Une ou deux fois seulement, j'ai fait une sélection
dans des témoignages qui dans leur forme complète aurait occupé un an au moins
de publication du Jay Ma... Vyasa (Ken Damjanovic) est en train de traduire le
Yoga Vashishta Sara, un petit livret qui donne l'essence du Yoga Vasishta sous
forme de courts aphorismes. Nous en commençons la publication par épisode dés
ce numéro. On trouvera une table des matières en 3ème de couverture.
Si vous décidez de vous abonner,
nous préférerions que vous le fassiez pour deux ans directement en versant la
somme de 80 francs.
Cela évitera à Danielle Pérez d'envoyer
des courriers de rappel juste pour réclamer 40 Frs... Essayons de lui
simplifier le travail; elle a accepté de rassembler les abonnements malgré une
période d'activité professionnelle chargée qu'elle est en train de traverser.
Son adresse est 79 rue de Paris, 92100 Boulogne, et son téléphone au travail en
cas de nécessité est le 01 46 45 11 87. Pour ceux qui ont versé un abonnement
en mai 95, nous reportons l'année et ils n'ont qu'à verser 40 Frs pour être
inscrits jusqu'en décembre 98.
Etant né à Paris et y ayant vécu
pratiquement jusqu'à mon départ en Inde, je sais que la plus grande difficulté
dans le rythme occidental n'est pas de s'abonner à un journal spirituel, mais
de trouver le temps de le lire tranquillement quand on en reçoit des
numéros...Dans le présent numéro, vous trouverez beaucoup de nouvelles et
d'informations, car nous finissons juste l'année du Centenaire. Après, il y
aura moins d'événements extérieurs à annoncer, mais comme le suggère Vijayananda
en répondant ci-dessous à la dernière des questions, le fait que nous puissions
être touchés maintenant par l'enseignement de Ma représente en soi un événement
intérieur : et l'essentiel n'est-il pas à l'intérieur?
Une histoire de Ma
REFLETS D'ANANDA
Un collier d'or apparaissait au fond d'un
lac, visible à travers des eaux claires comme du cristal. Des passants, en le
voyant, avaient envie de s'en emparer et plongeaient dans le lac pour le
récupérer; mais, fait étrange, chaque fois qu'ils atteignaient le fond, ils ne
pouvaient pas y trouver trace de collier. Déçus, ils remontaient à la surface,
mais quand ils regardaient de nouveau le fond du lac à partir du bord, le
collier était encore visible. Cela les intriguait fortement, ils ne pouvaient
percer ce mystère. Perplexes, ils se regardaient les uns les autres. Ils
découvrirent que le collier était suspendu tout en haut d'une branche d'un
arbre proche. A l'évidence, un oiseau l'avait volé quelque part et l'avait
laissé là. En plongeant pour s'emparer d'un reflet, ils s'éloignaient en fait
de l'objet réel.
En finissant cette histoire, Ma
ajouta :'De même, la source première de tout bonheur est l 'Etre Absolu. Le
plaisir des sens que les gens du monde éprouvent ne sont qu'un reflet insignifiant
de la félicité de Brahma (Anandamaya Brahma).'
QUESTIONS à VIJAYANANDA
1) Certains voient dans le Védanta un
intellectualisme desséché. En quoi le Vedanta et l'amour sont-ils liés?
- C'est un reproche qui a souvent été fait à ceux
qui pratiquent exclusivement la voie de la Connaissance. Dans cette voie,
l'élément intellectuel est utilisé au maximum, par La pratique de la
discrimination entre ce qui est transitoire et ce qui est Réel; par
l'observation du mental et la remontée à sa source -notre 'moi'; ou bien aussi
par la recherche du "Qui suis-je", comme l'enseignait le grand sage
Ramana Maharshi. Mais se limiter seulement à l'élément intellectuel, c'est du
faux Védanta, c'est vouloir voler avec une seule aile. Il faut deux ailes pour
voler, et la deuxième aile, c'est l'élément affectif, c'est la Bhakti. Le
védantin en général n'adore pas de Dieu personnel (bien qu'il n'y ait aucun
inconvénient à ce qu'il le fasse s'il en éprouve le besoin). Son amour est
dirigé vers le Gourou, pas la personne physique du Gourou, mais vers celui qui
est Gyana mourti, ]'incarnation de la Connalssance; Celui qui nous mène vers le
Suprême Omniprésent, le Sans-Forme, l'Akshara Brahma qui est notre Soi REEL
Pour le vrai Védantin, l'amour qu'il a pour son Gourou s'adresse à travers lui
à cet EterneI Omniprésent impérissable, qui n'est affecté par rien, même pas
par la dissolution finale. C'est un amour d'une haute qualité qu'il faut avoir
éprouvé pour savoir ce que c'est.
En réalité, il n'y a pas deux voies
différentes, celle de la Connaissance et celle de l'Amour. Gyana et Bhakti sont
les deux aspects de la même sadhana; ils sont inséparables. Chez certains,
Gyana est en surface et Bhakti dans les profondeurs; chez d'autres, c'est
l'inverse.
2) Dans les Oupanishads, on
parle du rasa (l'essence du bonheur) qui motive toutes nos actions et pensées :
pouvez-vous développer ce point?
- Les mots sanskrits ont souvent des
significations différentes selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. Il
en est ainsi pour le mot rasa; mais dans la Taittiriya Oupanishad, ce mot est
utilisé dans un sens spécial (II7). Rasa ici est la substance même dont le
Suprême est fait. Raso veisa : Cela en vérité est rasa. Dans tous les objets de
nos désirs, ce que nous recherchons, c'est le plaisir qu'ils nous donnent,
c'est à dire le rasa (le goût de ces objets`. Ces plaisirs sont seulement une
réflexion du Rasa suprême. 'Celui qui obtient ce Rasa' dit l'Oupanishad,
devient heureux (ananda bhavati). Tous nos mouvements, toutes nos pensées, même
notre respiration sont mus par ce Bonheur Supréme qui remplit l'Espace.
3) Est-ce que la méditation
bouddhiste fondamentale, beaucoup basée sur l'observation des sensations du
corps ne risque pas de renforcer paradoxalement l'attachement au corps?
- L'observation des sensations du
corps est une des méthodes utilisées dans la voie de la Connaissance, et n'est
pas spéciale au bouddhisme. Les mouvements du mental peuvent toujours être
ramenés à une sensation qui a été leur point de départ. Se familiariser avec
ces sensations peut devenir une aide considérable pour connaître et maîtriser
notre mental. Je ne crois pas que cette méthode puisse renforcer l'attachement
au corps physique, parce que la découverte de ce que notre corps est en
réalité, une usine de décomposition et de pourriture, devrait amener plutôt à
un degout de notre forme physique; - mais cette méthode n'est pas à conseiller
à des psychopathes ou à des hypocondriaques qui pourraient se découvrir toutes
sortes de maladies imaginaires.
En règle générale, des psychopathes ou
des aliénés mentaux ne doivent pas avoir accès à des pratiques spirituelles
sérieuses.
4) L'année du Centenaire de la
naissance de Ma se termine. Elle nous a permis dé faire mémoire des aspects
temporels de Ma, des évènements de sa vie, de ses paroles, etc... Comment
maintenant méditer sur son aspect intemporel?
- MA a dit qu'Elle était venue parmi nous
parce qu'il y avait un appel qui l'avait attirée sur notre plan. Nous supposons
qu'un groupe de personnes spirituellement développées et ayant une intense
dévotion pour l'aspect féminin du Divin avaient lancé cet appel; mais en fait
d'où venait- elle? Ces choses bien entendu ne peuvent pas se concevoir par le
mental. Mais schématiquement nous pouvons dire qu'il existe une masse indivise
et omniprésente de Conscience-Bonheur qui n'a pas de forme ni de lieu mais qui
est le support et la base de tout ce qui existe. Les savants modernes s'en
rapprochent quand ils parlent du 'Champ unifié' qui est à la base de tous les
atomes, molécules, etc...
Ainsi donc, ce qui nous est apparu
sous la forme physique de MA était en quelque sorte une cristallisation de cet
Omniprésent qui nous permettait d'entrer plus facilement en contact avec le
Suprême. La forme physique a été retirée de notre champ visuel, mais le Suprême
dont elle était la cristallisation est toujours le même, Il (ou Elle) répondra
toujours à notre appel si nous le faisons avec une dévotion suffisamment
intense. Bien sûr, la plupart des gens ne peuvent pas entrer directement en
contact avec le Sans Forme et ont besoin d'un support visuel. Pour ceux qui ont
été touchés par la splendeur de cette apparition divine qu'était Ma Anandamayi
(même s'ils ne l'ont pas rencontrée personnellement), une photo, la lecture
d'un livre ou une méditation devant son Samadhi (tombeau) peuvent produire
l'intensité nécessaire pour que l'appel soit efficace.
LOST In my house I searched for You With a broken heart I searched for You In my prayers I searched for You Searched, and found You not.
I ran outside to loock for you To ask the trees if they'd seen You To ask the sun if she had seen You They smiled, and answered not.
The rustling leaves, they spoke of You They spoke of You as I rushed through Their carpet of autumn gold for You But my question they answered not
The giggling leaves laugted as they fell Teasing me, teasing me with their spell Your tricks, your love, they know so well Sweet secrets! But me, they will not tell
I dance with tipsy evergreen yevs They saw me drunk with love for You And prevented me from passing through Til I shared with them my love of You
Wherever I look I see signs of You To make me chase You, You've left clues You tease me, turn me round and round Til I fall laughing, to the ground
The butterfly 's wings, they promise You On them You have painted Your face a new And on every leaf, on every tree Thousands and thousands, dancing with glee
Ecstatic images of You And look! Your tears shine in the dew I kiss the brambles, your tangled curls You bite my lips with thorns like pearls
The stones sing rapturous praise for You The trees fling leaves in the sky for You The sun pours out her gold for You The clouds weep tears of bliss for You
The deer they lead me back to You Inside my house, there I find You Inside my heart, Your dwelling true O now I'm lost, I'm lost in You
O squirrels and hares, you beat the drum And birds, you call the moon and the sun We'll dance to that rythm that makes us one My Beloved has come; My Beloved has come
Now every step I take's for You And every breath I breath 's for You And all my love is love for You Every thing is You. |
PERDU Dans ma demeure je
T'ai cherché D'un coeur brisé je
T'ai cherché Dans mon oraison je
T'ai cherché Cherché, mais point
trouvé. J'ai couru à l'extérieur
en quête de Toi Pour demander aux
arbres s'ils T'avaient vu Pour demandere au
soleil s'il T'avait vu Ils sourirent, et
ne repondirent point. Les feuilles
frémissantes, elles parlaient de Toi Elles parlaient de
Toi lorsque je me ruais au travers De leur tapis
d'automne doré en quête de Toi Mais à mes
questions elles ne répondirent point Les feuilles,
prises de fou rire, s'esclaffaient dans leur chute Elles se jouent de
moi, se jouent de moi et me séduisent Tes ruses, ton
amour, elles le connaissent si bien Doux secrets! Mais
à moi, elles ne révèleront rien. Je danse avec des
ifs enivrés, verdoyants à tout jamais Ils m'ont vue
intoxiquée d'amour pour toi Et m'ont empechée
de les quitter Avant que je n'aie
partagé avec eux mon amour pour Toi. Où que se portent
mes regards, je vois des signes de Toi Pour m'inciter à te
poursuivre, tu m'as laissé des indices Tu m'as fait sortir
de mes gonds et tourner en rond, tu m'as tournée et retournée Au point
qu'éclatant de rire, je me suis effondrée au sol. Les ailes des
papillons T'annoncent comme une promesse Sur elles Tu as
peint Ton nouveau portrait Sur chaque feuille,
sur chaque arbre C'est par milliers
qu'ils dansent de joie Images extatiques
de Toi. Regarde! Tes larmes
brillent dans la rosée J'embrasse les
mûriers sauvages entrelacés comme les boucles de Ta chevelure Tu mords mes lèvres
avec des perles en forme d'épines. Les pierres
chantent avec ravissement des louanges pour Toi Les arbres font
s'envoler leurs feuilles dans le ciel pour Toi Le soleil déverse
son or à flot pour Toi Les nuages pleurent
des pleurs de joie intense pour Toi Les daims m'ont
ramenée à Toi Dans ma demeure je
T'ai trouvé, Dans mon coeur,Ta
véritable résidence O maintenant je
suis perdue, perdue en Toi. Et vous, écureuils
et renards, vous jouez du tambour Et vous, oiseaux,
vous conviez soleil et lune Nous danserons à ce
rythme qui nous unit Mon Bien-aimé est
arrivé; Mon Bien-aimé est arrivé. A présent, chacun
de mes pas est pour Toi Si je respire, je
respire pour Toi Et tout mon amour
est pour Toi Toute chose est Toi. |
par Anna Hall
(Poème
commencé chez les Petites Soeurs de Bethléem au Val Saint-Benoit en Bourgogne,
et achevé à Kankhal en fin novembre 96)
Note : Ceux qui lisent l'anglais auront remarqué
qu'Anna a évite de suggérer Si le 'You' divin était masculin ou féminin, s'il
s'agissait du Père divin ou de la Mère divine. Dans la mesure où en français il
faut faire un choix, nous avons décidé après discussion de garder le genre
masculin qui est coutumier dans la littérature mystique occidentale.
YOGA VASISTHA SARA
Traduit par Vyasa
(Alias Ken Damjanovic, qui étudie
l'indologie et le sanskrit en plus de la préparation au CAPES de Lettres)
Préface :
La version anglaise du Yoga Vasishtha Sara
est fondée sur la traduction de Swami Sureshwarananda, un fidèle âgé de
Bhagavan Ramana Maharshi qui a fondé un ashram du nom de Vijnana Ramaneeya à
Palghat, et a traduit plusieurs ouvrages de Bhagavan, ainsi que le Yoga
Vasishtha Sara en Malayalam. Celui-ci a été publié par épisodes dans le
'Mountain Path', la revue éditée par le Sri Ramanashram, entre 1969 et 1971, et
paraît maintenant sous la forme d'un livre pour une facilité de consultation.
Introduction :
Le Grand (Brihat) Yoga Vasishtha ou Yoga Vasishtha
Maha Ramayana, comme on l'appelle également, est une oeuvre d'environ 32000
strophes en sanskrit, traditionnellement attribué à Valmiki, l'auteur du Srimad
Ramayana. C'est un dialogue entre le sage Vasishtha et Sri Rama, dans lequel
l'Advaita (la doctrine de la non-dualité) est exposée sous sa forme pure de
ajatavada (theorie de la non-origine), avec, intercalées, des histoires qui
l'illustrent. Cette oeuvre vaste a été abrégée il y a quelques siècles par
Abhinanta Pandita, un savant du Cachemire, en 6000 couplets, sous le nom de
Laghu Yoga Vasishtha. C'est un chef d'oeuvre en soi, comme l'original 'Brihat'.
Bhagavan Sri Ramana Maharshi se référait souvent au Yoga Vasishtha, et en avait
même incorporé six couplets dans son 'Supplément aux quarantes versets' (v. 21
à 27)
Un autre abrégé de cette oeuvre fut
réalisé il y a longtemps par un auteur inconnu, en 230 couplets divisés en dix
chapitres, le Yoga Vasishtha Sara (l'essence du Yoga Vasishtha), dont la
traduction est ici présentée pour la première fois. En faisant cet abrégé,
l'auteur a rendu un grand service à tous les sadhaks. C'est vraiment une mine
d'or propre à une lecture et à une méditation renouvelées.
Chapitre I
Le détachement
1. Salutations à cette calme
effulgence qui est sans fin et non limitée par l'espace, le temps, etc..., la
pure conscience qui ne peut être connue que par l'expérience.
2. Ni celui qui est complètement
ignorant, ni celui qui connaît (la Vérité) ne sont habilités à étudier ce
livre. Seul celui qui pense 'Je suis lié, je dois devenir libre' est fait pour
l'étudier.
3. Jusqu'à ce que l'on soit
vraiment béni par le Seigneur suprême, on ne trouve ni le Guru approprié, ni
l'Ecriture sainte qui convient.
4. De même qu'un solide bateau,
ô Rama, s'obtient chez un batelier, de même la méthode pour traverser l'océan
du samsara s'apprend par la fréquentation des grandes âmes.
5. Le grand remède, pour la
maladie de longue durée qu'est le monde (samsara), est la poursuite de la
question 'Qui suis-je? A qui ce samsara appartient-il?' qui la guérit
entièrement.
6. On ne devrait pas passer une
seule journée dans un lieu ne possédant pas l'arbre d'un sage connaissant la
Vérité, avec ses bons fruits et son ombre fraîche.
7. Il faut approcher les sages,
même s'ils n'enseignent pas. Même leurs paroles sur des sujets anodins
contiennent la sagesse.
8. La compagnie des sages
transforme le vide en plénitude, la mort en immortalité, l'adversité en
prospérité.
9. Si les sages n'étaient
concernés que par leur propre bonheur, en qui pourraient se réfugier ceux qui
sont tourmentés par le chagrin du samsara ?
10. Ce qui est transmis, ô âme
bonne, à un disciple méritant qui est devenu sans passions, c'est la réelle
sagesse. C'est la véritable signification des textes sacrés, et c'est aussi la
sagesse qui comprend.
CELEBRATION DU CENTENAIRE DE MA A KANKHAL
Compte-rendu d'une disciple
C'est entièrement par la grâce de Ma que je me
trouvais à Kankhal durant les fêtes du Centenaire. Certaines obligations
familiales m'appelaient à rentrer en Occident vers la fin; février (après plus
de six mois en Inde), mais à la suite d'une communication téléphonique
inattendue, tout s'arrangea comme par miracle -le billet d'avion à modifier,
une soeur qui se chargerait des obligations jusqu'à une chambre près de
l'ashram qui se libéra par hasard alors qu'eue avait été réservée depuis des
mois... Par ailleurs, je vis deux occidentales qui avaient tout prévu pour être
présentes et qui furent rappelées d'urgence au début des festivités à cause du
décès d'un parent. Il faut dire que, n'ayant pas eu la chance de connaître Ma
dans sa forme physique, j'avais un désir ardent d'être présente pour son
Centenaire : c'était pour moi une petite compensation...
Les célébrations commencèrent le 22
avril avec l'Atitudra Mahayajna et c'est à cette date que la plupart des
fidèles de Ma arrivèrent. Bien qu'en tant qu'occidentaux et surtout non
brahmines, nous n'ayons pas eu la possibilité de pénétrer à l'intérieur du
bâtiment où se déroulait le Yajna, nous pouvions en faire des circambulations
(toujours dans le sens des aiguilles d'une montre). On m'a dit que pendant
toute la durée du Yajna il fallait en faire 108 au moins. Le grand bâtiment
n'était pas fermé mais seulement entouré de moustiquaires et il était aisé d'observer
les différents foyers où brûlait le feu sacré et autour desquels un grand
nombre de pandits récitaient des montras en jetant du ghee et autres éléments
sur les flammes. Il se dégageait du temple des sons paisibles et pleins
d'intensité à la fois et nombre de fidèles s'asseyaient autour du bâtiment pour
méditer. Le Yajna se poursuivit pendant deux semaines sans interruption à la
fin desquelles eu lieu une cérémonie de clôture et une distribution de cendres
à tous les assistants.
Le 2 mai au matin, une puja eut
lieu en l'honneur de la petite murti (statue) de Ma qui avait été préparée
spécialement pour le Centenaire. Bien que très petite, la murti était imprégnée
d'une beauté et d'une vie extraordinaires. Elle était constituée de huit métaux
(ashta dhatu). Le lendemain dés 5 heures du matin commença la procession qui
transportait la murti en grande pompe jusqu'à Harki-pèri, le lieu le plus sacré
d'Hardwar à 5 km de l'ashram. La statue fut consacrée dans l'eau du Gange et
ramenée à l'ashram pour être installée dans le temple de Shiva. Durant la
procession plusieurs portraits de Ma, Didima et Bholanath se trouvaient sur des
sortes de chariots tirés par des tracteurs et une immense photo de Ma était
perchée sur le dos d'un éléphant dont le corps était entièrement peint. De
longues files de fidèles se promenèrent ainsi au son des fanfares dans toute la
ville et la bénédiction dans le Gange eut lieu vers 10 heures du matin.
A partir du deux mai se déroula
également le programme du Ras Lila sous une immense tente qui avait été érigée
juste en face de l'ashram sur un terrain vague. La tente était souvent pleine
et toute sorte de gens qui apparemment n'avaient pas pu obtenir de logement s'y
reposaient la nuit.
Entre le 2 et le 6 mai la Durga
Saptashati (les sept cent vers de louange à la Dévi, aussi appelés Chandi)
furent répétés mille fois dans le hall de l'ashram, en face de la statue de
Shankaracharya. Nombre d'occidentaux étaient présents, en particulier le groupe
de français organisé par Claude Portal qui avait fait juste auparavant une
retraite de plusieurs jours avec Swami Chidananda à Uttar Kashi. Il y avait
aussi un groupe d'Italiens comprenant le Père Massimiliano Misi d’Assise. Ce
dernier fut présenté à l'assistance par Swami Chidananda, et exprima son respect
profond pour Ma et son message universel considérant les diverses religions
comme des chemins variés allant vers le même but.
Je pense que les deux cérémonies les plus
sacrées et les plus intenses furent les deux pujas qui eurent lieu dans les
nuits des 2 et 6 mai, et qui furent conclues le 7 par 24 heures de chant du
Mahamantra, avec une procession de cent tambours bengalis (khôls) à travers
Kankhal et Hardwar jusqu'à Harki-pèri. La tithi puja (le 6 mai) fut
exceptionnelle. Bien qu'elle ait été censée commencer vers 2h 30 du matin, le
hall du samadhi était déjà complètement plein vers lh. On ne pouvait y pénétrer
que très difficilement, même si nous y avions disposé un asana pour réserver
une place. Après avoir enjambé une cinquantaine de personnes, je suis parvenue
à m'asseoir et à avoir une vue fabuleuse sur le Samadhi. Il était complètement
submergé par toutes sortes de fleurs -des malas de lotus et de roses
enchevêtrés et déposés sur des offrandes de saris de soie et de châles tous
plus colorés les uns que les autres. La décoration était exquise et des
montagnes de fruits et de sucreries bengalies étaient amassées sur le sol. On
apercevait les flammes de bougies un peu partout et il y eut même un feu qui
fut allumé à l'intérieur de l'endroit où avait lieu la puja. On fit également
une puja spéciale à la Kumari (petite file de dix ans environ) toute vêtue de
vert. A la fin de la nuit, environ 3500 personnes vinrent faire pranam et
offrir des fleurs dans l'enceinte du samadhi de Ma, d'où se dégageait une
atmosphère extrêmement sacrée et divine, et la présence de Ma se ressentait
intensément. Vijayananda lui-même me confia que c'était trés proche du
sentiment que l'on pouvait avoir lorsque Ma était encore dans sa forme
physique. J'avais le sentiment qu'une immense vague de dévotion se formait et
reformait sans cesse autour de moi. Un grand nombre de ceux qui avaient vu leur
vie changée par sa présence divine et qui l'avaient aimée dans cette vie ou une
autre avaient été rassemblés ici pour être témoins encore une fois de sa
beauté, de son amour divin et de son omniprésence. Je me fis plusieurs fois la
réflexion que durant ces quelques jours à Kankhal, ce n'était pas la vie sur
terre que nous vivions; c'était un moment sacré dans lequel nous avions étés transportés.
INFORMATIONS
Activités pour le Centenaire en France
- Jean-Claude Marol a fait différentes
conférences à propos de Ma, en particulier à la Mission Ramakrishna de Gretz et
au Salon 'Vivre et travailler autrement', où les gens ont été trés touchés par
les paroles et les diapositives de Ma.
- Le 23 mai a eu lieu à
Espace-Expression, dans une salle archi-pleine, une conférence-débat sur Ma
animée par Jean-Claude Marol avec la collaboration d'Elvire Ferle-Marol, de
Claude Portal et de Jacques Vigne. L'intérêt du public ne s'est pas limité à la
conférence elle-même, mais s'est manifesté par l'achat d'un nombre considérable
de livres, polycopiés et cassettes de Ma. Les bénéfices de ces ventes ont été
versés au fond de la Sangha de Ma, et destinés aux dépenses de santé des sadhus
âgés.
- Comme il a été mentionné dans un
article ci-dessus, Claude Portal a organisé un groupe qui a passé la semaine du
Centenaire à Kankhal après cinq jours de retraite avec Swami Chidananda à
Uttar-Kashi, dans les Himalayas.
- En France, nous avons fait une nuit de
méditation près de Paris. La présence de Joëlle Mayeur qui a chanté des chants
Bauls a donné une touche bengali à l'anniversaire. Vijayananda dit que la
manière dont elle chante lui rappelle Ma quand il l'a connue dans les années
50.
- Swami Swaropananda, le secrétaire
général de la Sangha de Ma qui a été son disciple depuis 45 ans et bien souvent
son bras droit est venu deux semaines à Paris en juin. A 76 ans, c'était son
premier voyage en Occident. Nous avons eu un satsang avec lui chez B.Pernel et
Christophe Massin dont l'épouse Muriel, la fille des Desjardins, était aussi
présente. Il s'est rendu également chez Claude Portal et Jean-Claude Marol,
pour des temps de silence et d'échanges. Il était accompagné de Pushparaj, le
jeune secrétaire népalais de l'ashram que ceux qui sont venus à Kankhal
connaissent. Celui-ci pleurait d'émotion à son retour en Inde.
Publications
- Les trois livres de Marol sont 'Vie en
Jeu' aux Editions Accarias/L'Originel, et avec photos 'En tout et pour tout' au
Fennec et '...Une fois, Ma Anandamayi' au Courrier du Livre.
- 'Perles de Lumière' à la Table
Ponde
- Les Carnets du Yoga (3 rue
Aubriot, 75004) ont consacré leur numéro de janvier 96 à Ma, et il donne des
témoignages inédits ainsi qu'une bonne vue d'ensemble de son enseignement (Prix
:40Frs)
- Le livre de BhaiJi 'Matri
darshan' traduit par J.Vigne est paru aux Editions Terre du Ciel à Lyon juste
pour le Centenaire de Ma en mai.
- 'Un Français dans l'Himalaya' de
Vijayananda doit paraître incessamment chez le même éditeur. Il comprendra ses
articles sur Ma, des extraits de son livre 'In the steps of the Yogis' publié
en Inde seulement en 1978, et des séries d'entretiens qui existaient déjà sous
forme de polycopiés (cf en particulier "Les entretiens de Kankhal")
- 'Aux sources de la joie', le
premier livre sur Ma à être paru en Français en 1943 grâce à Jean Herbert doit
être réédité l'an prochain. Il s'est trouvé que j'ai rencontré Marc de Smedt à
Avignon en mai, et je lui ai donné un exemplaire de ce petit livre pour la
réédition. Le lendemain, de retour à Paris, j'ai ouvert mon courrier et j'ai
trouvé un autre exemplaire du même ouvrage, mais cette fois-ci en édition
reliée de luxe. C'était Josette Herbert qui croyait l'avoir perdu, puis l'avait
retrouvé en déménageant et avait eu l'intuition de me l'envoyer alors que nous
n'en avions jamais parlé. Plus d'un demi-siècle après la publication, était-ce
une coïncidence?
Signalons également quelques
publications qui, bien que n'étant pas sur Ma, lui sont reliées
indirectement.
- Un livre sur l'enfance de Marol aux
Editions Le Fennec, où il nous fait part de sa riche expérience de stages de
développement de la créativité avec des classes d'enfants à travers toute la
France, et de ses réflexions sur ce que peut être l'enfance spirituelle.
- Un numéro hors série de Nouvelles
Clés sur la féminité de l'être qui doit ou vient de paraître. Marol y parle de
l'amour courtois, et moi-même de la Mère divine en Inde.
- Un livre d'enseignements de Swami
Chidananda devrait paraître avec un autre ouvrage de Swami Shivananda pour Noël
aux éditions Terre du Ciel.
- 'La vision transpersonnelle'
ouvrage collectif dirigé par Michel Random et Hélène Barrère est paru aux
Éditions Dervy en septembre. La quatrième et dernière partie est un texte en
prose poétique que j'ai écrit à Kankhal. Hélène Barrère m'avait demandé de
présenter un aspect du Yoga dans ce style, j'ai choisi de parler de Shiva, dieu
de la forêt, de la montagne et de la méditation solitaire. La forme est celle
des agamas et tantras médiévaux, c'est à dire un dialogue entre Shiva et son
épouse Parvati au sommet du Mont Kailash.
- L'association internationale de psychiatrie
spirituelle dirigée par Jean-Marc Mantel prépare un ouvrage collectif sur les
sectes. J'ai déjà signé avec Jean-Marc une lettre ouverte parue dans le 'Terre
du Ciel' de mai 96. Il est important que des spécialistes qui à la fois
connaissent les déviations du psychisme et suivent eux-mêmes une voie
spirituelle puissent s'exprimer sur ce sujet d'actualité, traité en général par
les médias de façon superficielle et émotionnelle. Quoiqu'en pense
l'establishment étatique ou ecclésiastique, la pluralité des groupes religieux
est une réalité et une richesse de notre époque. La France a plus de difficulté
à l'accepter que les Etats-Unis ou l'Inde par exemple. En dernière analyse,
chacun est responsable pour soi-même de faire la part du bon grain et de
l'ivraie, mais ce livre pourra donner des éléments de réflexion. Je suppose qu'il
sera publié, comme les autres ouvrages de Spiramed-AIPS, par les éditions Le
Fennec.
Annonces diverses
- 8 cassettes audio et un disque compact
avec la voix de Ma, sont disponibles à Mangalam Verlag Redornweg 18 26180
Rastede Allemagne, tél 04402 4540. Ils produisent aussi deux vidéos de Ma de
bonne qualité, l'une de 2O mn, Matri Darshan sur la jeunesse de Ma et l'autre
sur l'ensemble de sa vie.
- Les souscriptions à l'édition anglaise
d'Amrita Varta peuvent être obtenues en envoyant un mandat postal international
de 12 US 'To the Managing Editor, Ma Ananda Mayee Amrit Varta / Mata
Anandamayee Ashram Bhadaini Varanasi-221001 UP Inde
- Une annonce qui arrive trop tard,
mais que je donne pour votre information : Swami Chidananda fait une retraite
de Noël d'une semaine pour les occidentaux à Rishikesh. Il y aura en
particulier Léonard Appel avec le groupe d'Initiations de Bruxelles. Ils
s'arrêteront a Hardwar avant d'aller vers Rishikesh.
- du 3 au 24 mai S7, je ferai
l'accompagnement d'un groupe de Terre du Ciel aux sources du Gange. Nous
verrons le 9 mai l'ouverture annuelle du temple de Badrinath avec la procession
de la statue de Badrlnarayan et ferons la randonnée de Kedarnath et Gomukh le
glacier au-dessus de Gangotri d'où le Gange jaillit, sans oublier les
rencontres d'ermites et de yogis. Renseignements BP- 2050- 69227 Lyon Cedex 02
- Shantimayi a ouvert un ashram dans les Pyrénées
orientales entre Perpignan et Foix. Elle y résidera pendant les six mois d'été,
passant les six mois d'hiver à Rishikesh où elle a vécu dix ans auprès de son
guru, Maharaji de Satchadham Ashram, Laxman Jhula. Ce dernier, qui est toujours
vivant, lui a demandé de s'occuper des Occidentaux, ce de quoi elle s'acquitte
avec beaucoup de succès.
Bien que n'ayant pas connu Ma de son
vivant, elle a une grande bhakti pour elle et passe régulièrement avec son
groupe se recueillir et chanter auprès du samadhi a Kankhal, et à des satsangs
avec Vijayananda. Je tâcherai de donner dans le prochain numéro l'adresse
exacte de son ashram en France.
- Chandra Swami, que nombre de
Français vont visiter et considèrent comme leur guru, a visité l'ashram de
Kankhal récemment.
- L'International Guest House près
de l'ashram de Kankhal est terminée en ce qui concerne le gros oeuvre.
L'ouverture est prévue pour l'anniversaire de Ma en mai 97. Le logement offert
sera plus confortable et plus silencieux que ce qui existe actuellement sur
Kankhal; une bibliothèque spirituelle bien fournie sera probablement
disponible.
- Si vous souhaitez faire circuler
des informations parmi les fidèles francophones de Ma, n'hésitez pas à nous
écrire afin que nous les insérions dans cette rubrique.
Jagat (le monde) signifie le
mouvement perpétuel, et à l'évidence il ne peut y avoir de repos dans le
mouvement. Comment pourrait-il y avoir de la paix dans des allées et venues
perpétuelles ? La paix règne là où il n'y a ni allée ni venue, ni fonte ni
destruction par le feu. Inversez le cours que vous suivez, avancez vers Lui
-c'est alors qu'il y aura espérance de Paix.
JAY MA n°44 |
PAROLES DE MA
La vision par excellence, c'est celle
qui, une fois vue, ne laisse plus rien à voir et fait s'éteindre même le désir
de voir.
Quand le royaume de la Pure conscience
est atteint, la Forme se révèle en tant qu’Essence même.
*
Qu'est-ce que signifie la perception
directe du Soi, l'Atma darshan? L'observateur, ce qui est observé et l'acte
d'observation, quand ces trois (triputi) font un, on réalise Brahman.
*
Ne vous laissez pas aller à un
désespoir cynique. Ne dites pas : 'La Réalisation n'est pas pour moi, pas pour
moi'. Prenez la ferme résolution :'Je dois atteindre la Réalisation du Soi, je
dois vraiment.' Douter, c'est pécher.
*
L'acceptation parfaite donne la joie
la plus profonde. Appuyez-vous sur elle comme sur votre seule ressource.
*
L'effort a faire, c'est de
s'abandonner sans réserve à Lui. Vous n'aurez alors ni chagrin, ni douleur, ni
déception ni frustration.
*
Un désir d'objet mondain vous rend
misérable s'il n'est pas satisfait; s'il l'est, il est presqu'obligatoirement
suivi par d'autres désirs, et leur enchaînement trouble la paix de votre
esprit.
*
Le Soi contenu en lui-même et se
lançant un appel à lui-même pour sa propre Révélation -c'est cela le bonheur.
***
QUESTIONS A VIJAYANANDA
Q :
Vous dites parfois qu'une posture stricte est nécessaire quand on fait le yoga
de l'éveil de l'énergie (kundalini), mais qu'on peut faire le japa ou observer
l'esprit dans n'importe quelle position. Pourtant, ces deux dernières formes de
méditation ne demandent-elles pas elles aussi d'avoir une bonne énergie?
V : Tout dépend ce que
vous entendez par le mot "énergie". Dans le Yoga de la Kundalini, ce
que l'on veut éveiller, c'est une "super-énenergie" qui vous permette
d'aller plus rapidement dans l'illumination. Cette énergie est une sublimation
(ou plutôt une divinisation) du pouvoir qui chez l'homme ordinaire est gaspillé
dans les relations sexuelles. Pour suivre ce Yoga, il faut donc observer une
chasteté totale et une vie de reclus. Quand la Kundalini s'éveille et monte dans
le canal central, une mauvaise position du dos risque de bloquer cette montée.
De toutes façons quand cette montée se fait, la colonne vertébrale devient
droite spontanément.
Quant aux méthodes
basées sur le japa et l'observation de l'esprit, ce sont des méthodes
préliminaires pour purifier le mental, et le préparer à la possibilité d'un
éveil du pouvoir Divin. Elles peuvent être pratiquées dans les conditions de la
vie de tous les jours. Elles sont encore du domaine de la pensée parlée. Quand
la force vitale rentre dans le canal central (c'est à dire quand la Kundalini
monte le long de la sushumna nadi), le mental devient silencieux et il n'est
plus question ni de vichara ni d'observation du mental.
Q :
(un visiteur italien) Où se trouve la félicité?
V : La Félicité,
l'Ananda est partout, elle est la base, le motif essentiel de toutes nos
activités, en fait de toute vie. La Taittiriya Upanishad dit :'Qui donc
agirait, qui donc respirerait si cette Félicité n'était pas dans l'espace?...'
Cette base de toute existence, le 'champ unifié' des physiciens est fait d'une
masse indivisée de Conscience-Bonheur (chidananda). Nous la percevons à travers
l'épais voile de notre agitation mentale. Les nuages nous cachent le soleil;
mais même leur couleur noire n'est visible que parce que le soleil est derrière
eux.
Q :
Parfois, vous dites qu'il faut regarder ses peurs, voire même ses désirs en
face, et à d'autres moments qu'il est meilleur de regarder le mental du coin de
l'oeil. N'est-ce pas contradictoire?
V : Oui, c'est vrai que
la bonne méthode pour observer le mental est de le regarder 'du coin de l'oeil'
en concentrant l'attention sur un support (un mantra ou une image, etc..) parce
que si on regarde le mental de face, il risque de créer des formations artificielles;
c'est en effet sa nature de proliférer quand on tente de l'analyser. Quand je
disais qu'il faut faire face à une peur, car si on essaye de la fuir elle ne
fera que s'intensifier, c'est que dans ce cas il s'agit de regarder en face
l'objet qui a produit cette peur et non la pensée peur. Il ne faut pas se
concentrer sur le sentiment-peur, car cela risque de l'intensifier, mais sur la
cause qui a produit cette peur. En lui faisant face, on peut vaincre la peur
plus facilement.
Jiten Babu : Si on cherche a se raccrocher au bonheur de la vie de
famille quand on mène celle-ci, on ne doit pas avoir besoin d'autre chose?
Ma : Si vous cherchez à vous raccrocher à quelque chose. vous êtes partis pour le perdre. Le bonheur (ananda) dont je parle déjoue toute appropriation. Il vient de lui-même et demeure à tout jamais. Dans ce cas. le bonheur n'est pas quelque chose de travaillé laborieusement; c'est un don de la nature. Le bonheur qui provient des objets matériels est le produit d'un effort, est transitoire, tandis que le bonheur qui vient de Satchidananda est éternel; mais on doit mettre de côté ce bonheur aussi, et s'élever au-dessus; ceci cependant fait référence à un stage ultérieur. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c'est que nous avons à l'intérieur une joie plus durable que celle que nous pouvons expérimenter dans la vie de famille. Nous devons essayer de nous y installer.
QUELQUES SOUVENIRS DE MA
Par Claude Portal
C'était en 1971, je
préparai un projet pour aller en voiture en Inde avec mon épouse, mais elle
était réticente et l'idée a dû être abandonnée avec la naissance de notre
premier garçon en mars 1972!
Ma me donna son premier
darshan grâce au livre 'L'hindouisme vivant' de Jean Herbert (1975). La
troisième section de ce livre présentait quelques maîtres spirituels de ce
siècle en deux ou trois pages avec une photo pour chaque. Le nom de Ma
Anandamayi y était avec ceux de Ramakrishna, Tagore, Aurobindo, Papa Ramdas et
Vivekananda.
Pour ouvrir cette
partie, il y avait une belle image de Ma souriante, dans une position
inhabituellement relaxée, assise sur le sol avec les genoux sous le menton. Je
commençais à lire cette partie en cherchant si l'un de ces Grands était encore
de ce monde, j'avais un fort désir de voir un saint vivant. Le seul dont la
date 'd'abandon du corps' n'était pas mentionnée était Ma! Les commentaires et
les paroles de Ma qui étaient cités étaient très attirants. Un grand intérêt
s'éveilla en moi et je me dis 'je dois la voir absolument!'. Je trouvai alors
un second livre de Jean Herbert 'L'enseignement de Ma Anandamayi'. J'acceptai
comme Vérité la compagnie de ces trois cents pages d'enseignement de Ma,
c'était une préparation. Je fis aussi en 76-77 une année de sanskrit à
l'Université. Mais comment trouver Ma en Inde lorsque vous vivez en France et
connaissez si peu sur l'Inde?
Notre première visite
en Inde eut lieu en 1977. C'était un itinéraire touristique habituel en
compagnie de mon épouse. Nous avons visité Delhi, Agra, Jaipur, Udaipur et
Bénarès. En préparant le voyage, j'ai vu dans le guide qu'on mentionnait un
ghat appelé 'Anandamayi ghat' à Bénarès, ce qui était exceptionnel dans la
mesure où Ma était encore vivante. C'était le signe que j'attendais et donc,
une fois à Bénarès, je cherchais dans le bottin de téléphone et j'appelais Ma!
On me dit qu'elle n'était pas là. Nous avons visité l'ashram le 3 novembre. Je
m'inclinais dans le hall principal en face de la photo de Ma, c'était mon
premier pranam. J'achetai quelques livres, et on me dit d'écrire à un Swami français
à Kankhal.
De retour en Errance,
je me mis à lire et apprendre chaque jour du second volume de 'Matri Vani'.
J'ai écrit à Swami Vijayananda, pris deux semaines de vacances et suis revenu
en Inde pour voir Ma en mai 1978. J'arrivai à Kankhal le 2 mai et fut accueilli
par Swami Vijayananda. Le matin suivant, j'avais mon premier darshan de Ma sous
forme physique. Elle arriva comme prévu à dix heures du matin et entra dans
l'ancien ashram entouré par la foule qui l'avait attendue.
Je restais en retrait et
regardais respectueusement Ma. On lui proposa de s'asseoir sur une chaise au
milieu d'une petite cour avec un grand nombre de gens tout autour. Je m'adossai
au mur de gauche, joignis mes mains et fermai les yeux. Après quelques temps,
je les ouvris, Ma était en face de moi, me regardant, toujours assise à la même
place, la cour était vide, personne d'autre n'était là ! Je fermais les yeux à
nouveau et restais immobile. Je sentais que j'étais sous le regard du Seigneur,
pleinement conscient de Sa Présence, avec une résonance intérieure profonde et
au-delà de mon contrôle, en dehors du temps et de l'espace. Des larmes me
vinrent. J'avais vu 'le Père qui est aux cieux'.
Le même jour à six
heures je pus me retrouver dans une réunion à Surat Giri ashram, et j'eus mon
second darshan de Ma qui m'adressa un sourire de bienvenue que je reçus comme
un éclair. Je ressentis ces deux darshan comme un privilège extrême et en même
temps l'impression de quelque chose de déjà connu. Le lendemain Swami
Vijayananda me dit que je n'étais pas autorisé à aller à la rencontre de six
heures mais qu'il n'avait pas réussi à me le dire à temps!
Les jours qui ont
suivi, je participais aux darshans et Ma m'offrait quotidiennement une
communion intense et directe avec Elle à travers ses yeux ou son sourire. Le
10, j 'allais à pied derrière la voiture de Ma durant la procession qui
accompagnait dans Hardwar la statue de Shankaracharya destinée à étre installée
dans le hall de l'ashram. Depuis 1978, je suis venu à la plupart des Samyam Saptah,
la première fois à Nadiad avec mon épouse, ensuite à Kurukshetra, puis de
nouveau avec mon épouse à Rishikesh en 1980.
Pendant les vacances de
Pâques 1980, j'emmenai toute ma famillle, ma femme et les deux garçons qui
avaient 7 et 9 ans à Kankhal pour le darshan de Ma que nous avons eu le 11
avril. Nous avons passé plus d'une semaine au Tourist Bungalow d'Hardwar et
sommes venus chaque jour pour le darshan à Kankhal. Les garçons s'attendaient
aussi à une visite du Corbett National Park que j'avais évoquée pour avoir le
'darshan' du tigre blanc du Bengale, mais je ne pouvais me résoudre à faire
perdre à ma famille tant qu'elle était en Inde un quelconque darshan de Ma, 'le
tigre ne relâche jamais sa proie'!
A cette époque, je
demandai à Swami Bhaskarananda si je devais faire une requête en vue d'une
initiation. Il me dit 'nous verrons, Ma n'est pas très bien'. Mon épouse et
moi-même sommes venus à la Samyam Saptah de Kankhal en 1981. Le 3 novembre,
trois français reçurent l'initiation, c'était mon quarantième anniversaire, la
pensée de demander l'initiation me passa à l'esprit, mais fut remplacée par une
autre : la fête du Guru, gurupurnima, est la meilleure date pour ce type de
cérémonie. Le 11 janvier 1982, Ma me dit en rêve :'Je vais te donner l'initiation.'
Je décidai donc d'aller en Inde pour la gurupurnima 1982 afin de recevoir la
diksha. Je pris quatre semaines de vacances et arrivai à Dehra-
Dun le 31 juin. Le 6
juillet, jour de gurupurnima, Ma me donna un guru mantra par l'intermédiaire de
Bhaskarananda. Le mardi 8 juillet, Ma me conféra la diksha et sa bénédiction.
Je dois dire qu'avant
la diksha en 1982, pendant la méditation silencieuse avec Ma, j'avais reçu un
mantra que j'avais pratiqué jusqu'à la Samyam suivante. Ma femme vécut un
procesus similaire, avec une initiation de Ma en 83 un matin juste avant son
réveil.
Parler des faits, des
dates et des évènements extérieurs n'est pas difficile. Mais se souvenir et
révéler ce qui est arrivé en même temps que les faits matériels ou en leur
absence est bien plus délicat, étant limité par la mémoire, la compréhension,
la conscience et la capacité à l'exprimer par des mots. Je n'ai jamais demandé
un entretien privé ni n'ai utilisé ma voix pour parler avec Ma.
Je me suis trouvé
incapable de formuler une question, toutes se dissipaient ou je les percevais
comme sans intérêt; après un certain temps, j'eus l'attitude intérieure
suivante :'Pourquoi poser des questions au Seigneur, à l'absolu?' Une fois, à
Kurukshetra, lors de mon dernier soir là-bas, je vis une longue queue à la
porte de Ma, je me suis mis à attendre aussi et quand ce fut mon tour après
longtemps, la dame qui gardait la porte me dit :'C'est tout pour aujourd'hui '.
Quand on était en face
de Ma, c'était si facile d'ouvrir les yeux et de voir le Non-manifesté dans le
manifesté, le Seigneur dans 'ce corps' en face de vous, quel miracle! C'était
quand même extraordinaire également d'écouter Sa voix, Ses paroles. Le manque
de compréhension du hindi et du bengali, la distance et les règles de séparation
imposées par l'entourage de Ma ont été des facteurs qui m'ont aidé à ne pas
m'attacher à Son corps, de plus cela me donna une occasion unique de faire le
maximum pour aller au-delà de ce qui était dit ou entendu, pour tenter de
saisir l'essence et en même temps de m'abandonner au Seigneur. 'Que Ta volonté
soit faite'. Et cette expérience s'est répétée chaque année, quand j'observais
le silence (maun) pendant la semaine que durait la Samyam Saptah.
Servir le Seigneur,
recevoir des conseils et des instructions de sa part, être embrassé par Lui,
lui porter de la nourriture à la bouche, recevoir dans ma propre bouche de la
nourriture de Ses mains, conduire Sa voiture, coucher dans Sa chambre, faire le
pranam complet à Ses pieds, Lui parler, être appelé au téléphone par Lui..tout
cela ne s'est pas produit physiquement entre le corps de Ma et moi-même. Mais
tout ceci - et bien plus - m'a été donné par Sa grâce, par Elle-même sous la
forme de Swami Chidananda, de Mère Krishnabai, de Mata Amritanandamayi. Tout est
la grâce et la bénédiction de Ma! Jay Ma!
(Amrita Varta, avril 1996)
LA MORT DE KAWNA
Bithika Mukerjee est la
biographe de Ma. Dans un livre en préparation,'My days with Sri Ma
Anandamayee', elle parle de son lien et de celui de ses parents et de sa famille
avec Ma. Dans le passage ci-dessous, publié dans Amrita Varta en 1996, elle
décrit en détail la mort de sa cousine Kawna, décédée de tuberculose
intestinale à l'ashram de Ma à Dehra-Dun en 1942, alors qu'elle était encore
étudiante. Il est intéressant de voir en détail comment Ma s'est occupée d'elle
et a mis en évidence la dimension spirituelle d'un événement qui pour d'autres
n'aurait semblé que cruel ou absurde.
Renudi se souvient que
quand elle arriva à l'ashram de Raipur (Dehra-Dun) avec Kawna, elle vit
immédiatement Sri Ma qui était debout au bord de la terrasse, les regardant
descendre de leur voiture à cheval (tonga). Kawna, sans un regard vers
l'arrière, s'avança et monta les escaliers (très raides) qui montaient avec
deux paliers jusqu'à la terrasse. Elle ne paraissait pas malade du tout. Ma
reçut Kawna, Renudi et ma mère avec bonté et on leur donna deux chambres dans
la cour, du côté opposé à la terrasse.
Sri Ma elle-même veilla
à tous les détails du confort de Kawna ! Comment arranger le lit et la chambre,
quelle nourriture on devait lui donner, etc...Un fidèle de Sri Ma qui était un
docteur, Bharat Bhai de Jullundhar l'examina et prescrivit des médicaments.
Sous peu, c'était tout l'ashram qui se mit à s'impliquer pour le bien-être de
Kawna. Comme la fièvre persistait, Sri Ma lui demanda de garder le lit. Elle
visitait la chambre chaque jour et s'asseyait sur une cantine en métal sur
laquelle Renudi avait disposé une couverture pliée. Chaque soir, lorsque Ma se
promenait sur la terrasse, elle marchait seulement dans un coin de celleci.
Après quelques jours, les gens réalisèrent qu'elle marchait à l'endroit qui
était visible à Kawna quand elle reposait sur son lit, et donc le peu de
visiteurs qui venaient prenaient soin de ne pas s'interposer.
Tout le monde s'attacha
à cette jeune fille (elle n'avait pas vingt ans) qui supportait sa maladie si
bravement et en se plaignant si peu. Sevaji vint tous les jours pour voir
Kawna, ses grands yeux brillants en fleur de lotus et son sourire charmant qui resta
tel jusqu'au dernier jour.
Les temps étaient durs.
Le mouvement 'Quit India' ('quittez l'Inde', pour faire partir les anglais)
lancé par Gandhiji avait affecté la plus grande partie du pays. Le gouvernement
britannique le réprimait impitoyablement. Pour quelques temps, l'euphorie d'une
poussée de sentiment en faveur de l'indépendance était masquée par le règne de
la terreur. Les postes ne fonctionnaient plus, les trains étaient très rares et
servaient principalement pour le mouvement des troupes. Mais les fidèles de
Dehra-Dun venaient régulièrement à pied jusqu'à Raipur. Ils se proposèrent pour
faire les quelques courses nécessaires. Kawna semblait s'affaiblir chaque jour
un peu plus. Ma mère et ma soeur étaient constamment auprès d'elle,
particulièrement ma mère qui demeurait presque continûment à son chevet. Renudi
se lia d'amitié avec deux autres jeunes filles qui habitaient à l'ashram,
Maranidi et Savitri Manima. En dehors de Didima, Didi et Ruma Devi, c'étaient
surtout des brahmacharis et des sadhous qui vivaient là.
Rien ne semblait
pouvoir améliorer l'état de Kawna. On alla chercher un docteur éminent de
Dehra-Dun pour l'examiner. Le Dr Mitra diagnostiqua une tuberculose
intestinale. On se souvient qu'à cette époque, il n'y avait pas de médicaments pour
cette atteinte terminale, si ce n'est de l'air frais et une bonne nourriture.
On ne dit pas à ma mère et à ma soeur que d'après le Dr Mitra, Kawna n'en avait
plus que pour trois mois. Sri Ma elle-même supervisait tous les repas. Une nuit
elle sortit avec une lampe-torche dans les zones de forêt dense alentour. Didi
et Renudi allèrent avec elle. Sri Ma montra certaines plantes médicinales à
Didi, qui les cueillit et les prépara sous sa direction. Elles revinrent chez
Tanna, et Didi porta à la bouche de Kawna une cuillerée de la substance.
Celle-ci l'avala non sans difficulté. Sri Ma resta longtemps pour voir les
réactions (peut-être?). Aussitôt qu'elle s'en alla, Kawna rendit le tout. Elle
se retenait non sans mal par politesse. Renudi alla dire à Ma que le médicament
n'avait pas été toléré. Sri Ma remarqua d'une voix douce :'Vous voyez, le corps
rejette tout effort d'inverser le processus. Désormais, il ne durera pas
longtemps.'
Le jour suivant, Sri Ma
apporta une sorte de robe qui lui appartenait et des sous-vêtements, et dit à
ma mère :'Vous trouverez que ces vêtements sont plus commodes tant qu'elle
garde le lit'. Elle aida elle-même ma mère à changer Kawna. Sri Ma invita alors
tous les sadhous à venir dans la chambre et à la bénir en lui touchant la tête.
Après que tous l'aient fait, Didi demanda à Sri Ma si elle même ne voulait pas
aussi bénir Kawna. 'Vraiment?' dit-elle, et elle passa ses mains trois fois sur
elle, de la tête vers les pieds. Elle lui demanda ensuite :'Tu aimes bien les
kirtans : voudrais-tu qu'on en chante prés de ta chambre?'
'Oui' dit-elle avec un
grand sourire.
'Quel nom?' Kawna
hésita, car elle pensait que tout le monde s'attendait à ce qu'elle demande de
réciter le nom de Ma. Sri Ma dit de nouveau :'Dis le Nom de ton choix!' 'Krishna'.
Ainsi donc, Abhayda et ses companions chantèrent du kirtan tous les soirs en
face de la chambre de la patiente. Abhayda n'était pas du genre à se laisser
imposer un emploi du temps régulier, mais d'une façon ou d'une autre tous les
résidents de l'ashram et les quelques visiteurs de passage faisaient tout leurs
possible pour rendre service à cette jeune fille dévouée, qui restait là, si
patiente, avec les yeux fixés sur la porte en attendant l'arrivée de Ma. Elle
ne demanda jamais la présence de Sri Ma, ni ne chercha à prolonger ses visites.
A chaque fois que Sri Ma disait 'Est-ce le moment de m'en aller?' elle faisait
un signe de tête et souriait.
Après que Sri Ma ait
changé les vêtements de Kawna, elle sembla avoir une légère amélioration.
C'était l'impression de ma soeur que Sri Ma lui avait aussi donné un mantra,
car elle était restée quelques minutes seule avec elle alors que ma mère
attendait dehors. La sensation persistante de nausée et de mal d'estomac la
quitta. Elle recouvrit quelque peu l'appétit Sri Ma lui demanda si elle
désirait quelque chose de particulier à manger. Kawna, avec son sourire franc,
dit 'Oui, du pain!' Il se trouvait que le pain des boulangeries n'était pas
consommé dans les ashrams, on pensait que ce n'était pas une nourriture
convenable pour les résidents. Cependant, Sri Ma ne fit pas d'objection et
Bharat Bhai s'en alla à pied jusqu'à Dehra-Dun pour aller en chercher. Pendant
trois ou quatre jours Kawna mangea toutes sortes de nourritures qu'on croyait
ne pas lui convenir et les digéra bien. Ma soeur lui fit des frites. Elle nous
dit que Kawna avait nombre de souvenirs qui lui revenaient.
Elle parlait beaucoup
de sa vie à l'université et de ses amies d'Allahabad.
Cependant, un jour (le
14 septembre 1942), la nausée revint, elle ne pouvait plus rien digérer; on
remarqua dans ses vomissements quelques gouttes de sang. Ma soeur rendait
compte des moindres changements de l'état de la patiente à Sri Ma. Quand
celle-ci entendit ces nouvelles, elle dit 'Le temps est venu. J'espère qu'ils
ont fait tous les préparatifs.' Elle avait elle-même mis de côté une grande
guirlande qu'on lui avait apportée un peu plus tôt. Sri Ma vint dans la chambre
de Kawna avec Swami Akhandanandaji (le père de Didi). Elle lui parla à sa
manière habituelle, de façon intéressante et en la faisant beaucoup rire. Puis
elle lui dit :'C'est un honneur d'être initiée au mantra du sannyas dans
l'enceinte sacrée de l'Uttarakhand (la 'partie nord', la région qui va de la
plaine aux sources du Gange). Quelle chance tu as que de tels sadhous soient là
pour s'occuper de toi! Il y a seulement Brahman, le Un sans second
(ekamevadvitiya Brahman)'
Le regard de Kawna
était fixé comme d'habitude sur le visage de Ma. Elle manifesta son accord d'un
signe de tête. Sri Ma demanda à tous de quitter la pièce. Elle resta elle-même
avec Swamiji, qui recita le mantra du renoncement total de tout son coeur à la
patiente qui n'avait plus que quelques minutes à vivre; mais cela, personne ne
le savait.
Sri Ma rappela tout le
monde dans la chambre et on reprit une conversation normale. Didi fit
'charanamrita (l'onction des pieds du guru) et mit paisiblement quelques
gouttes du liquide dans la bouche de Kawna (selon une tradition répandue en
Inde). Abhayda, Shobanda, Kanu et d'autres brahmacharis étaient assis à
l'extérieur de la chambre et chantaient le mahamantra, la pièce était pleine de
sadhus en robe orange. Après quelques temps, Kwana dît à Swamiji de façon un
peu précipitée: 'Je ne pense pas que j'ai oublié le mantra; pouvez-vous me le redire?'
Tout le monder se disposa à quitter la pièce, mais avant qu'ils n'aient bougé,
elle dit :'Non, non, c'est bon, je m'en souviens!' Elle paraissait se relaxer
et être sereine comme à son habitude. A l'extérieur, la nuit tombait. Sri Ma se
leva, s'approcha d'elle et lui dit 'est-ce que c'est le moment que je m'en
aille?' Kawna approuva d'un signe de tête. Sri Ma passa trois fois ses mains de
la tête aux pieds de Kawna dans un geste de bénédiction et de caresse qui la
caractérisait d'une façon inimitable. Elle s'en alla lentement vers la porte en
regardant par derrière la jeune fille dont les yeux grand ouverts et plus
brillant que jamais étaient fixés sur son visage. Sri Ma sortit de la pièce
suivie par seulement Renudi. Tous les autres, y compris Didi, restèrent au
chevet de Kawna. Aussitôt que Sri Ma sortit de la pièce, le regard brillant
s'arrêta. Didi, Swamiji et les autres dirent par la suite qu'il semblait que
Sri Ma avait pris Kawna avec elle. Ma soeur vint avec Sri Ma dans sa chambre;
celle-ci s'assit tranquillement sur son lit et lui dit
:'Ne pleure pas; les
lamentations à propos de ceux qui partent mettent ceux-ci dans un état de
détresse.' Renudi comprit par ces mots que Kawna n'était plus. Il n'y avait pas
eu d'indications que Kawna s'enfonçait ou n'était plus comme d'habitude. Sri Ma
dit à nouveau :'Les sons du mahamantra, tant de sadhous en robe orange assis à
ses côtés, on dirait qu'elle a provoqué la survenue d'une grande cérémonie
(mahotsava) pour l'heure de son départ'.
Après quelques temps,
ma mère s'aperçut aussi que Kawna s'en était allée au-delà de ses attentions et
de sa tendresse. Elle vint dans la chambre de Ma et s'assit tranquillement à
ses pieds avec Babu sur les genoux. Renudi était debout tout près. Tous les
autres étaient occupés dans la chambre de Kawnadi. Swami ParamanandaJi organisa
la procession funéraire composée des brahmacharis et de quelques sadhus. Dans
notre tradition, la crémation se doit d'étre accomplie au plus tôt. A cette
époque, il n'était pas question d'informer mon père ou d'attendre sa venue à
temps. De toutes façons Sri Ma considéra comme acquis son accord complet pour
la manière dont elle résolvait ses affaires, que ce soit à cette époque là où
plus tard.
Le ciel se couvrit et
il se mit à pleuvoir. Le petit groupe de femmes auprès de Ma suivit des yeux
les brahmacharis qui ramassèrent le brancard en bois sur lequel on avait déposé
le corps de Kawna. Didi l'avait orné de guirlandes et de tissus neufs procurés
par Ma elle-même. Elle paraissait endormie et paisible.
Tous les sadhous, mis à
part Swami Akhandanandaji et Mukti Maharaj accompagnèrent le cortège. Les échos
du mahamantra s'élevaient Sans l'atmosphère. Comme les hommes se frayaient un
chemin à travers la vallée, on pouvait facilement les distinguer grâce à
l'oscillation de leurs lanternes. L'ashram de Raipour donnait sur de grands
éboulis entrecoupés par le ruban les torrents. Sri Ma dit :'Il pleut,
pourront-ils allumer un feu dans ces conditions? Voyons quelle sera la volonté
de Dieu.' Sri Ma continua à regarder les lumières qui scintillaient dans la
vallée. Elle restait pour un temps sur son lit en bois, puis sortait du hall et
retournait près des fenêtres grandes ouvertes qui donnaient du côté de la
vallée. Tous virent un feu éclatant s'élever. Malgré la pluie, les charmants
coteaux furent illuminés par les reflets du feu qui brillait. 'Mukti Maharaj
avait été saisi d'émotion sans s'y attendre et ses yeux se brouillèrent de
larmes. Il dit sur un ton bouleversé qui lui était inhabituel :'Quelle façon
glorieuse de partir de ce monde! Ma, seulement une! Pourquoi seulement une!
Pourquoi n'aidez-vous pas des dizaines d'entre nous à passer de l'autre côté de
cette façon?'
Les hommes retournèrent
à l'aube. Sri Ma n'avait eu que peu de repos pendant la nuit. Elle avait parlé
de temps en temps de la nature brillante et ouverte de Kawna, de son
acceptation totale, de sa sérénité dépourvue de toute revendication et ce ses
bons samskaras (impressions profondes, inconscientes venant du passé) qui avait
rendu possible la confluence de tant d'éléments de bonne augure : la sainteté
de l' Uttarakhand (cette partie des Himalayas), rien que des brahmacharis pour
porter sa civière et des sadhous pour accomplir les derniers rites.
L'assistance ajouta le plus important des facteurs, la présence de Sri Ma. Didi
déclara qu'elle n'avait jamais vu Sri Ma autant impliquée lors de la mort de
quelqu'un, pas même lors de celle de Bhaiji. A son retour, Paramanandaji dit
qu'ils avaient eu peur que le bois mouillé ne prenne pas, mais ils furent tous
stupéfaits de voir des flammes brillantes s'élever, qui paraissaient avoir une
énergie et une vie qui leur était propre. Sri Ma dit :'La chasteté
(brahmacharya) stricte de plusieurs vies a créé cette énergie (brahmateja,
littéralement la chaleur, l'éclat de Brahman); point n'a été besoin d'une
grande énergie pour consumer le corps qui était sattvique et donc léger,
brillant et prêt à se mêler aux éléments.
Le lendemain, l'ashram
semblait étrangement vide. Les visiteurs étaient frappés par la nouvelle du
décès de Kawna. Sevaji se mit à pleurer, en disant que ce sourire qu'elle avait
attendu et désiré jour après jour lui manquerait. Sri Ma continua à parler à
tout un chacun de Kawna pendant les quelques jours qui suivirent...
(Extrait d'Amrita Varta, octobre 1996)
ADVAITA BODHA DIPIKA
Nous donnons
ci-dessous des extraits de 'La lampe de la Connaissance non-duelle qui est un
texte classique hautement recommandé par Ramana Maharshi et dont la traduction
anglaise a été révisée en sa présence. Il s'agit du chapitre VIII consacré à
manonasha, la destruction, l'extinction du mental.
Le maître parle
maintenant de l'extinction du mental (manas, mind) comme du seul moyen de
réaliser Brahman :
Le maître : Ô fils, toi
qui es sage, abandonne le mental qui est un voile limitant et engendrant
l'individualité, et qui cause ainsi la grande maladie des naissances et des
morts répétées, et réalise Brahman.
Le disciple :
Maître, comment le mental peut-il s'éteindre? N'est-il pas très difficile de
faire ainsi? Est-ce que le mental n'est pas puissant, indiscipliné et
constamment en train de vaciller?
M : Abandonner le
mental est très facile, aussi facile qu'écraser une fleur délicate, retirer un
cheveu collé à la surface du beurre ou cligner des yeux. N'en doute pas. Pour
un chercheur résolu, qui se tient bien en main et qui n'est pas ensorcelé par
les sens, mais qui est devenu indifférent aux objets extérieurs grâce à un
détachement intense, il ne peut y avoir la moindre difficulté à abandonner le
mental.
D : Comment est-ce
si facile?
La question de
difficulté ne se pose que s'il y a un mental à abandonner. A vrai dire, il n'y
en a pas. Quand on dit à un enfant :'Il y a un fantôme', l'enfant ignorant
s'illusionne en croyant à l'existence d'un fantôme non-existant, et il est
sujet à la peur, la misère et les ennuis, de même la fausse entité du mental se
manifeste quand on imagine des choses qui ne sont pas comme étant ceci ou cela
dans le Brahman sans tache. Le mental se met alors à fonctionner comme ceci ou
cela, et à s'avérer incontrôlable et puissant pour celui qui ne se méfie pas,
tandis qu'il est facile à délaisser pour le chercheur qui se tient bien en
main, est doué de discernement et connaît sa propre nature. Seul l'idiot qui
l'ignore dit que c'est vraiment difficile...Dans le Yoga Vasishta, Vasishta dit
'Ecoute, ô Rama, il n'y a rien qu'on puisse appeler le mental. De même que
l'éther existe sans forme, de même le mental existe comme un état de stupeur où
l'on ne sent rien (blank insentience). Seul son nom persiste, il n'a pas de
forme, il n'est ni à l'extérieur, ni dans le coeur; et pourtant, comme l'éther,
le mental remplit tout bien qu'étant lui-même dépourvu de forme.
D : Comment cela se
peut-il?
M : A chaque fois que
la pensée se manifeste comme ceci ou cela, il y a mental...
D : Comment amener
celui-ci à l'extinction?
M : Tout oublier est le
moyen ultime. Si ce n'est dans la pensée, le monde ne se manifeste pas. Ne
pense pas, et il ne se manifestera pas. Ouand rien ne se manifeste dans le
mental, il est lui-même perdu. Ne pense donc à rien, oublie tout. C'est la
meilleure façon de tuer le mental.
D : Est-ce que
quelqu'un a déjà dit cela auparavant?
M : Vasishta a dit à
Rama :'Efface les pensées de tout genre, que ce soit celles des choses dont tu
as joui ou non, ou celles de tout le reste. Comme le bois ou la pierre, demeure
libre des pensées.
Rama : Est-ce que je
dois tout oublier complètement?
Vasishta : Exactement;
oublie tout complètement et demeure comme du bois ou de la pierre.
Rama : Il en
résultera une inertie stupide comme celle des pierres ou du bois.
Vasishta : Ce n'est pas
le cas. Tout ceci n'est qu'illusion. En oubliant l'illusion tu t'en libères.
Bien que paraissant inerte, tu seras la Félicité Elle-même. Ton intellect sera
complètement clair et acéré. Sans te laisser piéger par la vie du monde, mais
en apparaissant actif aux yeux des autres, continue à être la Félicité même de
Brahman et sois heureux. Que l'illusion du monde ne soit pas comme la couleur
bleue du ciel, qu'elle ne réapparaisse pas dans l'éther pur du Soi- Conscience.
Oublier cette illusion est le seul moyen de tuer le mental et de continuer à
étre Félicité. Sans en passer par là, la réalisation n'est pas possible même si
Brahma, Vishnouet Shiva te donnaient leurs instructions. Si tu n'oublies pas
tout, tu ne pourras devenir cette immobilité qui n'est autre que le Soi.
D : N'est-ce pas
très difficile d'y arriver?
M : Certes, pour
l'ignorant, c'est difficile, mais c'est aisé pour les quelques uns qui sont
doués de discernement. Ne pense jamais à quelque chose d'autre que le Brahman
unique et d'un seul tenant. Par une longue pratique dans ce sens, tu oublieras
facilement ce qui n'est pas le Soi. Il ne peut être difficile de rester calme
et silencieux sans penser à quoi que ce soit. Ne laisse pas de pensées s'élever
dans le mental; pense constamment à Brahman. De cette façon, toutes les pensées
du monde vont s'épanouir et la pensée de Brahman seule demeurera. Quand cette
pensée se stabilisera, va jusqu'à l'oublier, et sans même penser 'Je suis
Brahman', sois ce Brahman même. Ceci ne peut être difficile à pratiquer.
Maintenant, mon fils,
toi qui es sage, suis ce conseil. Cesse de penser à quoi que ce soit, si ce
n'est Brahman; par cette pratique, ton mental s'éteindra; tu oublieras tout et
tu demeureras en tant que pur Brahman.
Celui qui étudie ce
chapitre et suit les instructions qu'il contient deviendra rapidement Brahman
lui-même!
(Extrait de 'The Mountain Path', décembre 96)
LAGHU YOGA VASISTHA
(Traduit de l'édition anglaise de Ramanash ram par Vyasan)
Suivre la méthode habituelle d'enseignement sert
seulement à maintenir la tradition. La conscience pure résulte uniquement de la
clarté de compréhension du disciple.
Le Seigneur ne peut Être vu à l'aide des
textes sacrés ou du Guru. Le Soi est vu uniquement par le Soi, grâce au pur
intellect (buddhi).
Tous les arts acquis par les hommes sont
perdus lorsqu'ils ne sont pas pratiqués; mais l'art de la sagesse croît
constamment une fois que celle-ci est éveillée.
Tout comme un ornement porté autour du
cou est considéré comme perdu si on l'oublie, puis est retrouvé lorsqu'on
s'aperçoit de son erreur, de même le Soi est atteint (lorsque l'illusion
s'efface) par les paroles du Guru.
Il n'a vraiment pas de chance celui qui,
ne connaissant pas son propre Soi, tire plaisir des objets des sens; il est
comme quelqu'un qui réalise trop tard que la nourriture qu'il a avalée était
empoisonnée.
L'homme perverti qui, même en sachant que
les objets du monde sont trompeurs, pense encore à eux, est un âne, et non pas
un homme.
Même la moindre pensée plonge l'homme
dans le chagrin; lorsqu'il n'a plus de pensée du tout, il goûte la félicité
impérissable.
Tout comme nous avons l'illusion de
l'écoulement de plusieurs centaines d'années dans un rêve qui ne dure qu'une heure,
de même avons-nous l'expérience du jeu de maya durant l'état de veille.
Est un homme heureux celui dont le mental
est calme intérieurement, libre de l'attachement et de la haine et qui regarde
ce monde comme un simple spectateur.
La vie de celui qui a bien compris
comment abandonner toute idée d'acceptation et de rejet, et qui a réalisé cette
conscience qui est à l'intérieur, au plus profond du coeur, cette vie-là est
illustre.
Au moment de la dissolution du corps,
seul l'éther (la conscience) limitée par le coeur (hadayam) cesse d'exister.
Les gens se lamentent inutilement que le Soi est éteint.
Lorsque des pots, etc... sont brisés,
l'espace qu'ils contenaient devient illimité. De même, lorsque le corps cesse
d'exister, le Soi persiste, éternel et indépendant.
EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI
par Amulya Kumar Datta Gupta
Nous entamons maintenant la traduction
par épisode de larges extraits du journal d'Amulya Kumar Datta Gupta. Ce
dernier avait un poste de responsable dans l'éducation à Dhaka. Il rencontra Ma
pour la première fois en 1933, et devint un disciple proche d'elle tout en
continuant à vivre dans le monde. Il est connu dans le milieu de Ma pour la
précision et l'intelligence avec lesquelles il rendait compte des dialogues
avec Ma et de leur contexte. Quand il était proche de Ma, il n'avait pas comme
Didi mille choses pratiques à faire pour l'ashram et pouvait se concentrer plus
facilement sur ce qu'enseignait Ma. Ses carnets de notes d'abord publiés en
bengali n'ont été traduits que relativement récemment en anglais. Le texte
ci-dessous concerne sa première rencontre avec Ma à l'ashram de Ramna à Dhaka,
accompagné de son ami Jagadish Babu.
Jagadish Babu toucha les pieds de Ma
tandis que je la saluais un peu à distance. A la vue de Jagadish Babu, elle se
laissa aller à un sourire serein et immaculé et dit :'Babaji, j'espère que ça
va!' 'Oui, Ma, pas mal!' Ma s'enquit aussi de la santé de ses filles. Il y eut
ensuite un silence après lequel il demanda pour faire parler Ma :' je ne trouve
de vrai plaisir en rien.' Ma répondit 'C'est ainsi qu'il doit en être. Vous
êtes modelé sur la joie parfaite. Comment une joie tronquée pourrait vous
satisfaire? Vous avez en vous un avant-goût de la joie pure. Vous voyez comment
c'est. Quand quelqu'un va au marché, vous lui demandez de rapporter certains
légumes. C'est parce que vous les avez déjà goûtés, vous avez mémorisé leur
goût et vous voulez le retrouver. De même, vous avez tous eu un avant-goût de
Sat-chit-ananda et vous cherchez à le retrouver dans les objets du monde, que
ce soit dans les richesses, dans la situation sociale ou dans les enfants. De
cette façon vous courez de ci de là, mais rien ne vous donne la joie qui est
inhérente à Sat-chit- ananda. Ainsi vous n'avez pas de paix, de satisfaction qui
demeure.' Jagadish Babu dit 'Que doit-on donc faire?' Ma dit'Continuez à
chanter le Nom; que ce soit chez vous la préoccupation de chaque instant, et
vous obtiendrez tous vos désirs. La paix, la libération et tout le reste vient
du Nom.'
(Vol I p3,p4 )
LISTE DES LIVRES
disponibles en anglais sur Ma
Pour les commandes de livres à
envoyer par avion, faire le calcul suivant : si un livre est 50 Rps, il faut
compter environ 75 Rps de frais d'envoi par avion, donc 125 Rps, sachant que 1
Fr=6,5 Rps, cela fait environ 20Frs. Pour simplifier les paiments
internationaux, envoyer le chèque à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne, 95
rue J.Dulud, 92200 Neuilly. Je paierai de mon côté le libraire de l'ashram
quand il enverra les commandes.
Mother as revealed to me Rp 40; Sad Vani
15; Matri Vani I 15, II 20, Ma Anandamayi Lila (Hari Pam Joshi) 40; Biography
by Bithika Mukerjee, 2 volumes, chacun 50, le journal de Gurupriya Devi (Didi),
5 volumes, dont le dernier raconte le pèlerinage de Ma au Mont Kailash et la
mort de Bhaiji, chacun 40; I am ever with you, deux volumes sur les
déplacements de Ma, chacun 40, Words of Ma, 30; As the flower sheds its
fragrance (='Présence de Ma' d'Atmananda) 50, The Mother Bliss Incarnate
(Ganguli) 50; In Association with Ma (Amulya DK Gupta), 3 volumes, chacun 30
Rps, Matri Lila darehan, 50; Matri Kripa hi Kevalam, 40; Life and Tenching (by
A.Lipski) 65, Mother as seen by her devotees (avec des contributions de
J.Herbert, A.Desjardlns, Vijayananda et Gopinath Kaviraj) 30, Anandamayi, the
Universal Mother (beau livre, avec des peintures) 450, The Divine Mother,
Srivastava, 250, In Her Perfect Love, Shraddha (une bhakta américaine) 125, In
your heart is my abode (B.Mukerjee), 20.
Signalons également la sortie du beau
livre de photos grand format de Richard Lannoy 'Anandamayi, Her words and
Wisdom' à Element Boos, Sheftesbury, Dorset SP78BP, Royaume-Uni, 1996, prix £20
parution prochaine de 'Un Français dans l'Himalaya' de Vijayananda aux éditions
Terre du Ciel.
JAY MA n°44 |
PAROLES DE MA
La vision par excellence, c'est celle
qui, une fois vue, ne laisse plus rien à voir et fait s'éteindre même le désir
de voir.
Quand le royaume de la Pure conscience
est atteint, la Forme se révèle en tant qu’Essence même.
*
Qu'est-ce que signifie la perception
directe du Soi, l'Atma darshan? L'observateur, ce qui est observé et l'acte
d'observation, quand ces trois (triputi) font un, on réalise Brahman.
*
Ne vous laissez pas aller à un
désespoir cynique. Ne dites pas : 'La Réalisation n'est pas pour moi, pas pour
moi'. Prenez la ferme résolution :'Je dois atteindre la Réalisation du Soi, je
dois vraiment.' Douter, c'est pécher.
*
L'acceptation parfaite donne la joie la
plus profonde. Appuyez-vous sur elle comme sur votre seule ressource.
*
L'effort a faire, c'est de
s'abandonner sans réserve à Lui. Vous n'aurez alors ni chagrin, ni douleur, ni
déception ni frustration.
*
Un désir d'objet mondain vous rend
misérable s'il n'est pas satisfait; s'il l'est, il est presque obligatoirement
suivi par d'autres désirs, et leur enchaînement trouble la paix de votre
esprit.
*
Le Soi contenu en lui-même et se
lançant un appel à lui-même pour sa propre Révélation -c'est cela le bonheur.
***
QUESTIONS A VIJAYANANDA
Q :
Vous dites parfois qu'une posture stricte est nécessaire quand on fait le yoga
de l'éveil de l'énergie (kundalini), mais qu'on peut faire le japa ou observer
l'esprit dans n'importe quelle position. Pourtant, ces deux dernières formes de
méditation ne demandent-elles pas elles aussi d'avoir une bonne énergie?
V : Tout dépend ce que
vous entendez par le mot "énergie". Dans le Yoga de la Kundalini, ce
que l'on veut éveiller, c'est une "super-énenergie" qui vous permette
d'aller plus rapidement dans l'illumination. Cette énergie est une sublimation
(ou plutôt une divinisation) du pouvoir qui chez l'homme ordinaire est gaspillé
dans les relations sexuelles. Pour suivre ce Yoga, il faut donc observer une
chasteté totale et une vie de reclus. Quand la Kundalini s'éveille et monte
dans le canal central, une mauvaise position du dos risque de bloquer cette
montée. De toutes façons quand cette montée se fait,la colonne vertébrale
devient droite spontanément.
Quant aux méthodes
basées sur le japa et l'observation de l'esprit, ce sont des méthodes
préliminaires pour purifier le mental, et le préparer à la possibilité d'un
éveil du pouvoir Divin. Elles peuvent être pratiquées dans les conditions de la
vie de tous les jours. Elles sont encore du domaine de la pensée parlée. Quand
la force vitale rentre dans le canal central (c'est à dire quand la Kundalini
monte le long de la sushumna nadi), le mental devient silencieux et il n'est
plus question ni de vichara ni d'observation du mental.
Q :
(un visiteur italien) Où se trouve la félicité?
V : La Félicité,
l'Ananda est partout, elle est la base, le motif essentiel de toutes nos
activités, en fait de toute vie. La Taittiriya Upanishad dit :'Qui donc
agirait, qui donc respirerait si cette Félicité n'était pas dans l'espace?...'
Cette base de toute existence, le 'champ unifié' des physiciens est fait d'une
masse indivisée de Conscience-Bonheur (chidananda). Nous la percevons à travers
l'épais voile de notre agitation mentale. Les nuages nous cachent le soleil;
mais même leur couleur noire n'est visible que parce que le soleil est derrière
eux.
Q :
Parfois, vous dites qu'il faut regarder ses peurs, voire même ses désirs en
face, et à d'autres moments qu'il est meilleur de regarder le mental du coin de
l'oeil. N'est-ce pas contradictoire?
V : Oui, c'est vrai que
la bonne méthode pour observer le mental est de le regarder 'du coin de l'oeil'
en concentrant l'attention sur un support (un mantra ou une image, etc..) parce
que si on regarde le mental de face, il risque de créer des formations
artificielles; c'est en effet sa nature de proliférer quand on tente de
l'analyser. Quand je disais qu'il faut faire face à une peur, car si on
,essaye. de la fuir elle ne fera que s'intensifier, c'est que dans ce cas il
s'agit de regarder en face l'objet qui a produit cette peur et non la pensée
peur. Il ne faut pas se concentrer sur le sentiment-peur, car cela risque de
l'intensifier, mais sur la cause qui a produit cette peur. En lui faisant face,
on peut vaincre la peur plus facilement.
Jiten Babu : Si on cherche a se raccrocher au bonheur de la vie de
famille quand on mène celle-ci, on ne doit pas avoir besoin d'autre chose?
Ma : Si vous cherchez à vous raccrocher à quelque chose. vous êtes partis pour le perdre. Le bonheur (ananda) dont je parle déjoue toute appropriation. Il vient de lui-même et demeure à tout jamais. Dans ce cas. le bonheur n'est pas quelque chose de travaillé laborieusement; c'est un don de la nature. Le bonheur qui provient des objets matériels est le produit d'un effort, est transitoire, tandis que le bonheur qui vient de Satchidananda est éternel; mais on doit mettre de côté ce bonheur aussi, et s'élever au-dessus; ceci cependant fait référence à un stage ultérieur. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c'est que nous avons à l'intérieur une joie plus durable que celle que nous pouvons expérimenter dans la vie de famille. Nous devons essayer de nous y installer.
QUELQUES SOUVENIRS DE MA
Par Claude Portal
C'était en 1971, je
préparai un projet pour aller en voiture en Inde avec mon épouse, mais elle
était réticente et l'idée a dû être abandonnée avec la naissance de notre
premier garçon en mars 1972!
Ma me donna son premier
darshan grâce au livre 'L'hindouisme vivant' de Jean Herbert (1975). La
troisième section de ce livre présentait quelques maîtres spirituels de ce
siècle en deux ou trois pages avec une photo pour chaque. Le nom de Ma
Anandamayi y était avec ceux de Ramakrishna, Tagore, Aurobindo, Papa Ramdas et
Vivekananda.
Pour ouvrir cette
partie, il y avait une belle image de Ma souriante, dans une position
inhabituellement relaxée, assise sur le sol avec les genoux sous le menton. Je
commençais à lire cette partie en cherchant si l'un de ces Grands était encore
de ce monde, j'avais un fort désir de voir un saint vivant. Le seul dont la
date 'd'abandon du corps' n'était pas mentionnée était Ma! Les commentaires et
les paroles de Ma qui étaient cités étaient très attirants . Un grand intérêt
s'éveilla en moi et je me dis 'je dois la voir absolument!'. Je trouvai alors
un second livre de Jean Herbert 'L'enseignement de Ma Anandamayi'. J'acceptai
comme Vérité la compagnie de ces trois cents pages d'enseignement de Ma,
c'était une préparation. Je fis aussi en 76-77 une année de sanskrit à
l'Université. Mais comment trouver Ma en Inde lorsque vous vivez en France et
connaissez si peu sur l'Inde?
Notre première visite
en Inde eut lieu en 1977. C'était un itinéraire touristique habituel en
compagnie de mon épouse. Nous avons visité Delhi, Agra, Jaipur, Udaipur et
Bénarès. En préparant le voyage, j'ai vu dans le guide qu'on mentionnait un
ghat appelé 'Anandamayi ghat' à Bénarès, ce qui était exceptionnel dans la
mesure où Ma était encore vivante. C'était le signe que j'attendais et donc,
une fois à Bénarès, je cherchais dans le bottin de téléphone et j'appelais Ma!
On me dit qu'elle n'était pas là. Nous avons visité l'ashram le 3 novembre. Je
m'inclinais dans le hall principal en face de la photo de Ma, c'était mon
premier pranam. J'achetai quelques livres, et on me dit d'écrire à un Swami
français à Kankhal.
De retour en Erance, je
me mis à lire et apprendre chaque jour du second volume de 'Matri Vani'. J'ai
écrit à Swami Vijayananda, pris deux semaines de vacances et suis revenu en
Inde pour voir Ma en mai 1978. J'arrivai à Kankhal le 2 mai et fut accueilli
par Swami Vijayananda. Le matin suivant, j'avais mon premier darshan de Ma sous
forme physique. Elle arriva comme prévu à dix heures du matin et entra dans
l'ancien ashram entouré par la foule qui l'avait attendue.
Je restais en retrait
et regardais respectueusement Ma. On lui proposa de s'asseoir sur une chaise au
milieu d'une petite cour avec un grand nombre de gens tout autour. Je m'adossai
au mur de gauche, joignis mes mains et fermai les yeux. Après quelques temps,
je les ouvris, Ma était en face de moi, me regardant, toujours assise à la même
place, la cour était vide, personne d'autre n'était là ! Je fermais les yeux à
nouveau et restais immobile. Je sentais que j'étais sous le regard du Seigneur,
pleinement conscient de Sa Présence, avec une résonance intérieure profonde et
au-delà de mon contrôle, en dehors du temps et de l'espace. Des larmes me
vinrent. J'avais vu 'le Père qui est aux cieux'.
Le même jour à six
heures je pus me retrouver dans une réunion à Surat Giri ashram, et j'eus mon
second darshan de Ma qui m'adressa un sourire de bienvenue que je reçus comme
un éclair. Je ressentis ces deux darshan comme un privilège extrême et en même
temps l'impression de quelque chose de déjà connu. Le lendemain Swami
Vijayananda me dit que je n'étais pas autorisé à aller à la rencontre de six
heures mais qu'il n'avait pas réussi à me le dire à temps!
Les jours qui ont
suivi, je participais aux darshans et Ma m'offrait quotidiennement une
communion intense et directe avec Elle à travers ses yeux ou son sourire. Le
10, j 'allais à pied derrière la voiture de Ma durant la procession qui
accompagnait dans Hardwar la statue de Shankaracharya destinée à étre installée
dans le hall de l'ashram. Depuis 1978, je suis venu à la plupart des Samyam
Saptah, la première fois à Nadiad avec mon épouse, ensuite à Kurukshetra, puis
de nouveau avec mon épouse à Rishikesh en 1980.
Pendant les vacances de
Pâques 1980, j'emmenai toute ma famillle, ma femme et les deux garçons qui
avaient 7 et 9 ans à Kankhal pour le darshan de Ma que nous avons eu le 11
avril. Nous avons passé plus d'une semaine au Tourist Bungalow d'Hardwar et
sommes venus chaque jour pour le darshan à Kankhal. Les garçons s'attendaient
aussi à une visite du Corbett National Park que j'avais évoquée pour avoir le
'darshan' du tigre blanc du Bengale, mais je ne pouvais me résoudre à faire
perdre à ma famille tant qu'elle était en Inde un quelconque darshan de Ma, 'le
tigre ne relâche jamais sa proie'!
A cette époque, je
demandai à Swami Bhaskarananda si je devais faire une requête en vue d'une
initiation. Il me dit 'nous verrons, Ma n'est pas très bien'. Mon épouse et
moi-même sommes venus à la Samyam Saptah de Kankhal en 1981. Le 3 novembre,
trois français reçurent l'initiation, c'était mon quarantième anniversaire, la
pensée de demander l'initiation me passa à l'esprit, mais fut remplacée par une
autre : la fête du Guru, gurupurnima, est la meilleure date pour ce type de
cérémonie. Le 11 janvier 1982, Ma me dit en rêve :'Je vais te donner
l'initiation.' Je décidai donc d'aller en Inde pour la gurupurnima 1982 afin de
recevoir la diksha. Je pris quatre semaines de vacances et arrivai à Dehra-
Dun le 31 juin. Le 6
juillet, jour de gurupurnima, Ma me donna un guru mantra par l'intermédiaire de
Bhaskarananda. Le mardi 8 juillet, Ma me conféra la diksha et sa bénédiction.
Je dois dire qu'avant
la diksha en 1982, pendant la méditation silencieuse avec Ma, j'avais reçu un
mantra que j'avais pratiqué jusqu'à la Samyam suivante. Ma femme vécut un processus
similaire, avec une initiation de Ma en 83 un matin juste avant son réveil.
Parler des faits, des
dates et des évènements extérieurs n'est pas difficile. Mais se souvenir et
révéler ce qui est arrivé en même temps que les faits matériels ou en leur
absence est bien plus délicat, étant limité par la mémoire, la compréhension,
la conscience et la capacité à l'exprimer par des mots. Je n'ai jamais demandé
un entretien privé ni n'ai utilisé ma voix pour parler avec Ma.
Je me suis trouvé
incapable de formuler une question, toutes se dissipaient ou je les percevais
comme sans intérêt; après un certain temps, j'eus l'attitude intérieure
suivante :'Pourquoi poser des questions au Seigneur, à l'absolu?' Une fois, à
Kurukshetra, lors de mon dernier soir là-bas, je vis une longue queue à la
porte de Ma, je me suis mis à attendre aussi et quand ce fut mon tour après
longtemps, la dame qui gardait la porte me dit :'C'est tout pour aujourd'hui '.
Quand on était en face
de Ma, c'était si facile d'ouvrir les yeux et de voir le Non-manifesté dans le
manifesté, le Seigneur dans 'ce corps' en face de vous, quel miracle! C'était
quand même extraordinaire également d'écouter Sa voix, Ses paroles. Le manque
de compréhension du hindi et du bengali, la distance et les règles de
séparation imposées par l'entourage de Ma ont été des facteurs qui m'ont aidé à
ne pas m'attacher à Son corps, de plus cela me donna une occasion unique de
faire le maximum pour aller au-delà de ce qui était dit ou entendu, pour tenter
de saisir l'essence et en même temps de m'abandonner au Seigneur. 'Que Ta
volonté soit faite'. Et cette expérience s'est répétée chaque année, quand
j'observais le silence (maun) pendant la semaine que durait la Samyam Saptah.
Servir le Seigneur,
recevoir des conseils et des instructions de sa part, être embrassé par Lui,
lui porter de la nourriture à la bouche, recevoir dans ma propre bouche de la
nourriture de Ses mains, conduire Sa voiture, coucher dans Sa chambre, faire le
pranam complet à Ses pieds, Lui parler, être appelé au téléphone par Lui..tout
cela ne s'est pas produit physiquement entre le corps de Ma et moi-même. Mais
tout ceci - et bien plus - m'a été donné par Sa grâce, par Elle-même sous la
forme de Swami Chidananda, de Mère Krishnabai, de Mata Amritanandamayi. Tout
est la grâce et la bénédiction de Ma! Jay Ma!
(Amrita Varta, avril 1996)
LA MORT DE KAWNA
Bithika Mukerjee est la
biographe de Ma. Dans un livre en préparation,'My days with Sri Ma Anandamayee',
elle parle de son lien et de celui de ses parents et de sa famille avec Ma.
Dans le passage ci-dessous, publié dans Amrita Varta en 1996, elle décrit en
détail la mort de sa cousine Kawna, décédée de tuberculose intestinale à
l'ashram de Ma à Dehra-Dun en 1942, alors qu'elle était encore étudiante. Il
est intéressant de voir en détail comment Ma s'est occupée d'elle et a mis en
évidence la dimension spirituelle d'un événement qui pour d'autres n'aurait
semblé que cruel ou absurde.
Renudi se souvient que
quand elle arriva à l'ashram de Raipur (Dehra-Dun) avec Kawna, elle vit
immédiatement Sri Ma qui était debout au bord de la terrasse, les regardant
descendre de leur voiture à cheval (tonga). Kawna, sans un regard vers
l'arrière, s'avança et monta les escaliers (très raides) qui montaient avec
deux paliers jusqu'à la terrasse. Elle ne paraissait pas malade du tout. Ma
reçut Kawna, Renudi et ma mère avec bonté et on leur donna deux chambres dans
la cour, du côté opposé à la terrasse.
Sri Ma elle-même veilla
à tous les détails du confort de Kawna ! Comment arranger le lit et la chambre,
quelle nourriture on devait lui donner, etc...Un fidèle de Sri Ma qui était un
docteur, Bharat Bhai de Jullundhar l'examina et prescrivit des médicaments.
Sous peu, c'était tout l'ashram qui se mit à s'impliquer pour le bien-être de
Kawna. Comme la fièvre persistait, Sri Ma lui demanda de garder le lit. Elle
visitait la chambre chaque jour et s'asseyait sur une cantine en métal sur
laquelle Renudi avait disposé une couverture pliée. Chaque soir, lorsque Ma se
promenait sur la terrasse, elle marchait seulement dans un coin de celleci.
Après quelques jours, les gens réalisèrent qu'elle marchait à l'endroit qui
était visible à Kawna quand elle reposait sur son lit, et donc le peu de visiteurs
qui venaient prenaient soin de ne pas s'interposer.
Tout le monde s'attacha
à cette jeune fille (elle n'avait pas vingt ans) qui supportait sa maladie si
bravement et en se plaignant si peu. Sevaji vint tous les jours pour voir
Kawna, ses grands yeux brillants en fleur de lotus et son sourire charmant qui
resta tel jusqu'au dernier jour.
Les temps étaient durs.
Le mouvement 'Quit India' ('quittez l'Inde', pour faire partir les anglais)
lancé par Gandhiji avait affecté la plus grande partie du pays. Le gouvernement
britannique le réprimait impitoyablement. Pour quelques temps, l'euphorie d'une
poussée de sentiment en faveur de l'indépendance était masquée par le règne de
la terreur. Les postes ne fonctionnaient plus, les trains étaient très rares et
servaient principalement pour le mouvement des troupes. Mais les fidèles de
Dehra-Dun venaient régulièrement à pied jusqu'à Raipur. Ils se proposèrent pour
faire les quelques courses nécessaires. Kawna semblait s'affaiblir chaque jour
un peu plus. Ma mère et ma soeur étaient constamment auprès d'elle,
particulièrement ma mère qui demeurait presque continûment à son chevet. Renudi
se lia d'amitié avec deux autres jeunes filles qui habitaient à l'ashram,
Maranidi et Savitri Manima. En dehors de Didima, Didi et Ruma Devi, c'étaient
surtout des brehmacharis et des sadhous qui vivaient là.
Rien ne semblait
pouvoir améliorer l'état de Kawna. On alla chercher un docteur éminent de
Dehra-Dun pour l'examiner. Le Dr Mitra diagnostiqua une tuberculose
intestinale. On se souvient qu'à cette époque, il n'y avait pas de médicaments
pour cette atteinte terminale, si ce n'est de l'air frais et une bonne
nourriture. On ne dit pas à ma mère et à ma soeur que d'après le Dr Mitra,
Kawna n'en avait plus que pour trois mois. Sri Ma elle-même supervisait tous
les repas. Une nuit elle sortit avec une lampe-torche dans les zones de forêt
dense alentour. Didi et Renudi allèrent avec elle. Sri Ma montra certaines
plantes médicinales à Didi, qui les cueillit et les prépara sous sa direction.
Elles revinrent chez Tanna, et Didi porta à la bouche de Kawna une cuillerée de
la substance. Celle-ci l'avala non sans difficulté. Sri Ma resta longtemps pour
voir les réactions (peut-être?). Aussitôt qu'elle s'en alla, Kawna rendit le
tout. Elle se retenait non sans mal par politesse. Renudi alla dire à Ma que le
médicament n'avait pas été toléré. Sri Ma remarqua d'une voix douce :'Vous
voyez, le corps rejette tout effort d'inverser le processus. Désormais, il ne
durera pas longtemps.'
Le jour suivant, Sri Ma
apporta une sorte de robe qui lui appartenait et des sous-vêtements, et dit à
ma mère :'Vous trouverez que ces vêtements sont plus commodes tant qu'elle
garde le lit'. Elle aida elle-même ma mère à changer Kawna. Sri Ma invita alors
tous les sadhous à venir dans la chambre et à la bénir en lui touchant la tête.
Après que tous l'aient fait, Didi demanda à Sri Ma si elle même ne voulait pas
aussi bénir Kawna. 'Vraiment?' dit-elle, et elle passa ses mains trois fois sur
elle, de la tête vers les pieds. Elle lui demanda ensuite :'Tu aimes bien les
kirtans : voudrais-tu qu'on en chante prés de ta chambre?'
'Oui' dit-elle avec un
grand sourire.
'Quel nom?' Kawna
hésita, car elle pensait que tout le monde s'attendait à ce qu'elle demande de
réciter le nom de Ma. Sri Ma dit de nouveau :'Dis le Nom de ton choix!'
'Krishna'. Ainsi donc, Abhayda et ses companions chantèrent du kirtan tous les
soirs en face de la chambre de la patiente. Abhayda n'était pas du genre à se
laisser imposer un emploi du temps régulier, mais d'une façon ou d'une autre
tous les résidents de l'ashram et les quelques visiteurs de passage faisaient
tout leurs possible pour rendre service à cette jeune fille dévouée, qui
restait là, si patiente, avec les yeux fixés sur la porte en attendant
l'arrivée de Ma. Elle ne demanda jamais la présence de Sri Ma, ni ne chercha à
prolonger ses visites. A chaque fois que Sri Ma disait 'Est-ce le moment de
m'en aller?' elle faisait un signe de tête et souriait.
Après que Sri Ma ait
changé les vêtements de Kawna, elle sembla avoir une légère amélioration.
C'était l'impression de ma soeur que Sri Ma lui avait aussi donné un mantra,
car elle était restée quelques minutes seule avec elle alors que ma mère
attendait dehors. La sensation persistante de nausée et de mal d'estomac la
quitta. Elle recouvrit quelque peu l'appétit Sri Ma lui demanda si elle
désirait quelque chose de particulier à manger. Kawna, avec son sourire franc,
dit 'Oui, du pain!' Il se trouvait que le pain des boulangeries n'était pas
consommé dans les ashrams, on pensait que ce n'était pas une nourriture
convenable pour les résidents. Cependant, Sri Ma ne fit pas d'objection et
Bharat Bhai s'en alla à pied jusqu'à Dehra-Dun pour aller en chercher. Pendant
trois ou quatre jours Kawna mangea toutes sortes de nourritures qu'on croyait
ne pas lui convenir et les digéra bien. Ma soeur lui fit des frites. Elle nous
dit que Kawna avait nombre de souvenirs qui lui revenaient.
Elle parlait beaucoup
de sa vie à l'université et de ses amies d'Allahabad.
Cependant, un jour (le
14 septembre 1942), la nausée revint, elle ne pouvait plus rien digérer; on
remarqua dans ses vomissements quelques gouttes de sang. Ma soeur rendait
compte des moindres changements de l'état de la patiente à Sri Ma. Quand
celle-ci entendit ces nouvelles, elle dit 'Le temps est venu. J'espère qu'ils
ont fait tous les préparatifs.' Elle avait elle-même mis de côté une grande
guirlande qu'on lui avait apportée un peu plus tôt. Sri Ma vint dans la chambre
de Kawna avec Swami Akhandanandaji (le père de Didi). Elle lui parla à sa
manière habituelle, de façon intéressante et en la faisant beaucoup rire. Puis
elle lui dit :'C'est un honneur d'être initiée au mantra du sannyas dans
l'enceinte sacrée de l'Uttarakhand (la 'partie nord', la région qui va de la
plaine aux sources du Gange). Quelle chance tu as que de tels sadhous soient là
pour s'occuper de toi! Il y a seulement Brahman, le Un sans second
(ekamevadvitiya Brahman)'
Le regard de Kawna
était fixé comme d'habitude sur le visage de Ma. Elle manifesta son accord d'un
signe de tête. Sri Ma demanda à tous de quitter la pièce. Elle resta elle-même
avec Swamiji, qui recita le mantra du renoncement total de tout son coeur à la
patiente qui n'avait plus que quelques minutes à vivre; mais cela, personne ne
le savait.
Sri Ma rappela tout le
monde dans la chambre et on reprit une conversation normale. Didi fit
'charanamrita (l'onction des pieds du guru) et mit paisiblement quelques
gouttes du liquide dans la bouche de Kawna (selon une tradition répandue en
Inde). Abhayda, Shobanda, Kanu et d'autres brahmacharis étaient assis à
l'extérieur de la chambre et chantaient le mahamantra, la pièce était pleine de
sadhus en robe orange. Après quelques temps, Kwana dît à Swamiji de façon un
peu précipitée: 'Je ne pense pas que j'ai oublié le mantra; pouvez-vous me le
redire?' Tout le monder se disposa à quitter la pièce, mais avant qu'ils
n'aient bougé, elle dit :'Non, non, c'est bon, je m'en souviens!' Elle
paraissait se relaxer et être sereine comme à son habitude. A l'extérieur, la
nuit tombait. Sri Ma se leva, s'approcha d'elle et lui dit 'est-ce que c'est le
moment que je m'en aille?' Kawna approuva d'un signe de tête. Sri Ma passa
trois fois ses mains de la tête aux pieds de Kawna dans un geste de bénédiction
et de caresse qui la caractérisait d'une façon inimitable. Elle s'en alla
lentement vers la porte en regardant par derrière la jeune fille dont les yeux
grand ouverts et plus brillant que jamais étaient fixés sur son visage. Sri Ma
sortit de la pièce suivie par seulement Renudi. Tous les autres, y compris
Didi, restèrent au chevet de Kawna. Aussitôt que Sri Ma sortit de la pièce, le
regard brillant s'arrêta. Didi, Swamiji et les autres dirent par la suite qu'il
semblait que Sri Ma avait pris Kawna avec elle. Ma soeur vint avec Sri Ma dans
sa chambre; celle-ci s'assit tranquillement sur son lit et lui dit
:'Ne pleure pas; les
lamentations à propos de ceux qui partent mettent ceux-ci dans un état de
détresse.' Renudi comprit par ces mots que Kawna n'était plus. Il n'y avait pas
eu d'indications que Kawna s'enfonçait ou n'était plus comme d'habitude. Sri Ma
dit à nouveau :'Les sons du mahamantra, tant de sadhous en robe orange assis à
ses côtés, on dirait qu'elle a provoqué la survenue d'une grande cérémonie
(mahotsava) pour l'heure de son départ'.
Après quelques temps,
ma mère s'aperçut aussi que Kawna s'en était allée au-delà de ses attentions et
de sa tendresse. Elle vint dans la chambre de Ma et s'assit tranquillement à
ses pieds avec Babu sur les genoux. Renudi était debout tout près. Tous les
autres étaient occupés dans la chambre de Kawnadi. Swami ParamanandaJi organisa
la procession funéraire composée des brahmacharis et de quelques sadhus. Dans
notre tradition, la crémation se doit d'étre accomplie au plus tôt. A cette
époque, il n'était pas question d'informer mon père ou d'attendre sa venue à
temps. De toutes façons Sri Ma considéra comme acquis son accord complet pour
la manière dont elle résolvait ses affaires, que ce soit à cette époque là où plus
tard.
Le ciel se couvrit et
il se mit à pleuvoir. Le petit groupe de femmes auprès de Ma suivit des yeux
les brahmacharis qui ramassèrent le brancard en bois sur lequel on avait déposé
le corps de Kawna. Didi l'avait orné de guirlandes et de tissus neufs procurés
par Ma elle-même. Elle paraissait endormie et paisible.
Tous les sadhous, mis à
part Swami Akhandanandaji et Mukti Maharaj accompagnèrent le cortège. Les échos
du mahamantra s'élevaient Sans l'atmosphère. Comme les hommes se frayaient un
chemin à travers la vallée, on pouvait facilement les distinguer grâce à
l'oscillation de leurs lanternes. L'ashram de Raipour donnait sur de grands
éboulis entrecoupés par le ruban les torrents. Sri Ma dit :'Il pleut,
pourront-ils allumer un feu dans ces conditions? Voyons quelle sera la volonté
de Dieu.' Sri Ma continua à regarder les lumières qui scintillaient dans la
vallée. Elle restait pour un temps sur son lit en bois, puis sortait du hall et
retournait près des fenêtres grandes ouvertes qui donnaient du côté de la
vallée. Tous virent un feu éclatant s'élever. Malgré la pluie, les charmants
coteaux furent illuminés par les reflets du feu qui brillait. 'Mukti Maharaj
avait été saisi d'émotion sans s'y attendre et ses yeux se brouillèrent de
larmes. Il dit sur un ton bouleversé qui lui était inhabituel :'Quelle façon
glorieuse de partir de ce monde! Ma, seulement une! Pourquoi seulement une!
Pourquoi n'aidez-vous pas des dizaines d'entre nous à passer de l'autre côté de
cette façon?'
Les hommes retournèrent
à l'aube. Sri Ma n'avait eu que peu de repos pendant la nuit. Elle avait parlé
de temps en temps de la nature brillante et ouverte de Kawna, de son
acceptation totale, de sa sérénité dépourvue de toute revendication et ce ses
bons samskaras (impressions profondes, inconscientes venant du passé) qui avait
rendu possible la confluence de tant d'éléments de bonne augure : la sainteté
de l' Uttarakhand (cette partie des Himalayas), rien que des brahmacharis pour
porter sa civière et des sadhous pour accomplir les derniers rites.
L'assistance ajouta le plus important des facteurs, la présence de Sri Ma. Didi
déclara qu'elle n'avait jamais vu Sri Ma autant impliquée lors de la mort de
quelqu'un, pas même lors de celle de Bhaiji. A son retour, Paramanandaji dit
qu'ils avaient eu peur que le bois mouillé ne prenne pas, mais ils furent tous
stupéfaits de voir des flammes brillantes s'élever, qui paraissaient avoir une
énergie et une vie qui leur était propre. Sri Ma dit :'La chasteté
(brahmacharya) stricte de plusieurs vies a créé cette énergie (brahmateja,
littéralement la chaleur, l'éclat de Brahman); point n'a été besoin d'une
grande énergie pour consumer le corps qui était sattvique et donc léger,
brillant et prêt à se mêler aux éléments.
Le lendemain, l'ashram
semblait étrangement vide. Les visiteurs étaient frappés par la nouvelle du
décès de Kawna. Sevaji se mit à pleurer, en disant que ce sourire qu'elle avait
attendu et désiré jour après jour lui manquerait. Sri Ma continua à parler à
tout un chacun de Kawna pendant les quelques jours qui suivirent...
(Extrait d'Amrita Varta, octobre 1996)
ADVAITA BODHA DIPIKA
Nous donnons
ci-dessous des extraits de 'La lampe de la Connaissance non-duelle qui est un
texte classique hautement recommandé par Ramana Maharshi et dont la traduction
anglaise a été révisée en sa présence. Il s'agit du chapitre VIII consacré à
manonasha, la destruction. l'extinction du mental.
Le maître parle
maintenant de l'extinction du mental (manas, mind) comme du seul moyen de
réaliser Brahman :
Le maître : Ô fils, toi
qui es sage, abandonne le mental qui est un voile limitant et engendrant
l'individualité, et qui cause ainsi la grande maladie des naissances et des
morts répétées, et réalise Brahman.
Le disciple :
Maître, comment le mental peut-il s'éteindre? N'est-il pas très difficile de
faire ainsi? Est-ce que le mental n'est pas puissant, indiscipliné et
constamment en train de vaciller?
M : Abandonner le
mental est très facile, aussi facile qu'écraser une fleur délicate, retirer un
cheveu collé à la surface du beurre ou cligner des yeux. N'en doute pas. Pour
un chercheur résolu, qui se tient bien en main et qui n'est pas ensorcelé par
les sens, mais qui est devenu indifférent aux objets extérieurs grâce à un
détachement intense, il ne peut y avoir la moindre difficulté à abandonner le
mental.
D : Comment est-ce
si facile?
La question de
difficulté ne se pose que s'il y a un mental à abandonner. A vrai dire, il n'y
en a pas. Quand on dit à un enfant :'Il y a un fantôme', l'enfant ignorant
s'illusionne en croyant à l'existence d'un fantôme non-existant, et il est
sujet à la peur, la misère et les ennuis, de même la fausse entité du mental se
manifeste quand on imagine des choses qui ne sont pas comme étant ceci ou cela
dans le Brahman sans tache. Le mental se met alors à fonctionner comme ceci ou
cela, et à s'avérer incontrôlable et puissant pour celui qui ne se méfie pas,
tandis qu'il est facile à délaisser pour le chercheur qui se tient bien en
main, est doué de discernement et connaît sa propre nature. Seul l'idiot qui
l'ignore dit que c'est vraiment difficile...Dans le Yoga Vasishta, Vasishta dit
'Ecoute, ô Rama, il n'y a rien qu'on puisse appeler le mental. De même que
l'éther existe sans forme, de même le mental existe comme un état de stupeur où
l'on ne sent rien (blank insentience). Seul son nom persiste, il n'a pas de
forme, il n'est ni à l'extérieur, ni dans le coeur; et pourtant, comme l'éther,
le mental remplit tout bien qu'étant lui-même dépourvu de forme.
D : Comment cela se
peut-il?
M : A chaque fois que
la pensée se manifeste comme ceci ou cela, il y a mental...
D : Comment amener
celui-ci à l'extinction?
M : Tout oublier est le
moyen ultime. Si ce n'est dans la pensée, le monde ne se manifeste pas. Ne
pense pas, et il ne se manifestera pas. Ouand rien ne se manifeste dans le
mental, il est lui-même perdu. Ne pense donc à rien, oublie tout. C'est la
meilleure façon de tuer le mental.
D : Est-ce que
quelqu'un a déjà dit cela auparavant?
M : Vasishta a dit à
Rama :'Efface les pensées de tout genre, que ce soit celles des choses dont tu
as joui ou non, ou celles de tout le reste. Comme le bois ou la pierre, demeure
libre des pensées.
Rama : Est-ce que je
dois tout oublier complètement?
Vasishta : Exactement;
oublie tout complètement et demeure comme du bois ou de la pierre.
Rama : Il en
résultera une inertie stupide comme celle des pierres ou du bois.
Vasishta : Ce n'est pas
le cas. Tout ceci n'est qu'illusion. En oubliant l'illusion tu t'en libères.
Bien que paraissant inerte, tu seras la Félicité Elle-même. Ton intellect sera
complètement clair et acéré. Sans te laisser piéger par la vie du monde, mais
en apparaissant actif aux yeux des autres, continue à être la Félicité même de
Brahman et sois heureux. Que l'illusion du monde ne soit pas comme la couleur
bleue du ciel, qu'elle ne réapparaisse pas dans l'éther pur du Soi- Conscience.
Oublier cette illusion est le seul moyen de tuer le mental et de continuer à
étre Félicité. Sans en passer par là, la réalisation n'est pas possible même si
Brahma, Vishnouet Shiva te donnaient leurs instructions. Si tu n'oublies pas
tout, tu ne pourras devenir cette immobilité qui n'est autre que le Soi.
D : N'est-ce pas
très difficile d'y arriver?
M : Certes, pour
l'ignorant, c'est difficile, mais c'est aisé pour les quelques uns qui sont
doués de discernement. Ne pense jamais à quelque chose d'autre que le Brahman
unique et d'un seul tenant. Par une longue pratique dans ce sens, tu oublieras
facilement ce qui n'est pas le Soi. Il ne peut être difficile de rester calme
et silencieux sans penser à quoi que ce soit. Ne laisse pas de pensées s'élever
dans le mental; pense constamment à Brahman. De cette façon, toutes les pensées
du monde vont s'épanouir et la pensée de Brahman seule demeurera. Quand cette
pensée se stabilisera, va jusqu'à l'oublier, et sans même penser 'Je suis
Brahman', sois ce Brahman même. Ceci ne peut être difficile à pratiquer.
Maintenant, mon fils,
toi qui es sage, suis ce conseil. Cesse de penser à quoi que ce soit, si ce
n'est Brahman; par cette pratique, ton mental s'éteindra; tu oublieras tout et
tu demeureras en tant que pur Brahman.
Celui qui étudie ce
chapitre et suit les instructions qu'il contient deviendra rapidement Brahman
lui-même!
(Extrait de 'The Mountain Path', décembre 96)
LAGHU YOGA VASISTHA
(traduit de l'édition anglaise de Ramanash ram par Vyasan)
Suivre la méthode habituelle d'enseignement sert
seulement à maintenir la tradition. La conscience pure résulte uniquement de la
clarté de compréhension du disciple.
Le Seigneur ne peut Être vu à l'aide des
textes sacrés ou du Guru. Le Soi est vu uniquement par le Soi, grâce au pur
intellect (buddhi).
Tous les arts acquis par les hommes sont
perdus lorsqu'ils ne sont pas pratiqués; mais l'art de la sagesse croît
constamment une fois que celle-ci est éveillée.
Tout comme un ornement porté autour du
cou est considéré comme perdu si on l'oublie, puis est retrouvé lorsqu'on
s'aperçoit de son erreur, de même le Soi est atteint (lorsque l'illusion
s'efface) par les paroles du Guru.
Il n'a vraiment pas de chance celui qui,
ne connaissant pas son propre Soi, tire plaisir des objets des sens; il est
comme quelqu'un qui réalise trop tard que la nourriture qu'il a avalée était
empoisonnée.
L'homme perverti qui, même en sachant que
les objets du monde sont trompeurs, pense encore à eux, est un âne, et non pas
un homme.
Même la moindre pensée plonge l'homme
dans le chagrin; lorsqu'il n'a plus de pensée du tout, il goûte la félicité
impérissable.
Tout comme nous avons l'illusion de
l'écoulement de plusieurs centaines d'années dans un rêve qui ne dure qu'une
heure, de même avons-nous l'expérience du jeu de maya durant l'état de veille.
Est un homme heureux celui dont le mental
est calme intérieurement, libre de l'attachement et de la haine et qui regarde
ce monde comme un simple spectateur.
La vie de celui qui a bien compris
comment abandonner toute idée d'acceptation et de rejet, et qui a réalisé cette
conscience qui est à l'intérieur, au plus profond du coeur, cette vie-là est
illustre.
Au moment de la dissolution du corps,
seul l'éther (la conscience) limitée par le coeur (hadayam) cesse d'exister.
Les gens se lamentent inutilement que le Soi est éteint.
Lorsque des pots, etc... sont brisés,
l'espace qu'ils contenaient devient illimité. De même, lorsque le corps cesse
d'exister, le Soi persiste, éternel et indépendant.
EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI
par Amulya Kumar Datta Gupta
Nous entamons maintenant la traduction
par épisode de larges extraits du journal d'Amulya Kumar Datta Gupta. Ce dernier
avait un poste de responsable dans l'éducation à Dhaka. Il rencontra Ma pour la
première fois en 1933, et devint un disciple proche d'elle tout en continuant à
vivre dans le monde. Il est connu dans le milieu de Ma pour la précision et
l'intelligence avec lesquelles il rendait compte des dialogues avec Ma et de
leur contexte. Quand il était proche de Ma, il n'avait pas comme Didi mille
choses pratiques à faire pour l'ashram et pouvait se concentrer plus facilement
sur ce qu'enseignait Ma. Ses carnets de notes d'abord publiés en bengali n'ont
été traduits que relativement récemment en anglais. Le texte ci-dessous
concerne sa première rencontre avec Ma à l'ashram de Ramna à Dhaka, accompagné
de son ami Jagadish Babu.
Jagadish Babu toucha les pieds de Ma tandis
que je la saluais un peu à distance . A la vue de Jagadish Babu, elle se laissa
aller à un sourire serein et immaculé et dit :'Babaji, j'espère que ça va!'
'Oui, Ma, pas mal!' Ma s'enquit aussi de la santé de ses filles. Il y eut
ensuite un silence après lequel il demanda pour faire parler Ma :' je ne trouve
de vrai plaisir en rien.' Ma répondit 'C'est ainsi qu'il doit en être. Vous
êtes modelé sur la joie parfaite. Comment une joie tronquée pourrait vous
satisfaire? Vous avez en vous un avant-goût de la joie pure. Vous voyez comment
c'est. Quand quelqu'un va au marché, vous lui demandez de rapporter certains
légumes. C'est parce que vous les avez déjà goûtés, vous avez mémorisé leur
goût et vous voulez le retrouver. De même, vous avez tous eu un avant-goût de
Sat-chit-ananda et vous cherchez à le retrouver dans les objets du monde, que
ce soit dans les richesses, dans la situation sociale ou dans les enfants. De
cette façon vous courez de ci de là, mais rien ne vous donne la joie qui est
inhérente à Sat-chit- ananda. Ainsi vous n'avez pas de paix, de satisfaction
qui demeure.' Jagadish Babu dit 'Que doit-on donc faire?' Ma dit'Continuez à
chanter le Nom; que ce soit chez vous la préoccupation de chaque instant, et
vous obtiendrez tous vos désirs. La paix, la libération et tout le reste vient
du Nom.'
(Vol I p3,p4 )
LISTE DES LIVRES
disponibles en anglais sur Ma
Pour les commandes de livres à
envoyer par avion, faire le calcul suivant : si un livre est 50 Rps, il faut
compter environ 75 Rps de frais d'envoi par avion, donc 125 Rps, sachant que 1
Fr=6,5 Rps, cela fait environ 20Frs. Pour simplifier les paiments
internationaux, envoyer le chèque à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne, 95
rue J.Dulud, 92200 Neuilly. Je paierai de mon côté le libraire de l'ashram
quand il enverra les commandes.
Mother as revealed to me Rp 40; Sad Vani
15; Matri Vani I 15, II 20, Ma Anandamayi Lila (Hari Pam Joshi) 40; Biography
by Bithika Mukerjee, 2 volumes, chacun 50, le journal de Gurupriya Devi (Didi),
5 volumes, dont le dernier raconte le pèlerinage de Ma au Mont Kailash et la
mort de Bhaiji, chacun 40; I am ever with you, deux volumes sur les
déplacements de Ma, chacun 40, Words of Ma, 30; As the flower sheds its
fragrance (='Présence de Ma' d'Atmananda) 50, The Mother Bliss Incarnate
(Ganguli) 50; In Association with Ma (Amulya DK Gupta), 3 volumes, chacun 30
Rps, Matri Lila darehan, 50; Matri Kripa hi Kevalam, 40; Life and Tenching (by
A.Lipski) 65, Mother as seen by her devotees (avec des contributions de
J.Herbert, A.Desjardlns, Vijayananda et Gopinath Kaviraj) 30, Anandamayi, the
Universal Mother (beau livre, avec des peintures) 450, The Divine Mother,
Srivastava, 250, In Her Perfect Love, Shraddha (une bhakta américaine) 125, In
your heart is my abode (B.Mukerjee), 20.
Signalons également la sortie du beau
livre de photos grand format de Richard Lannoy 'Anandamayi, Her words and
Wisdom' à Element Boos, Sheftesbury, Dorset SP78BP, Royaume-Uni, 1996, prix £20
parution prochaine de 'Un Français dans l'Himalaya' de Vijayananda aux éditions
Terre du Ciel.
JAY MA n°46 |
PAROLES DE MA
(A propos de la
prière) : 'jitna bhav, itna labh' 'tel est le sentiment, tel est le bénéfice'.
***
Tout ce qui existe
n'importe où en ce monde, que ce soit les arbres ou les plantes, les insectes
ou les reptiles, ou tout autre être vivant, leur naissance est en fait votre
naissance, et leur mort est en fait votre mort. Au niveau où tout est contenu
en vous et vous êtes présents en tout, il y a seulement le Un.
***
Guru signifie
'gurutva', la pesanteur, la gravité qui est attachée au Divin. Lui seul est
guru, ou uniquement celui qui Le connaît. L'initiation signifie que c'est
uniquement le guru ou la divinité d'élection qui se manifeste, car le mantra,
le guru et la divinité, tous ne font qu'un.
***
Qui est guru? Non
seulement le père et là mère mais aussi celui auprès duquel nous obtenons une
connaissance sur des sujets secrets (gur). Tous ceux-ci sont gurus. Celui qui
nous indique un tant soit peu le chemin est aussi guru.
***
Poursuis la pratique
du Nom en l'associant à la respiration. Cet exercice induit un état de
stabilité dans le mental. De plus, ce souffle (prâna) qui est en nous recouvre
le monde entier. Quand on pénètre au coeur de cette grande expérience (mahan
bhav), c'est cette source elle-même qui nous attirera à elle. Essaie d'arriver
au moment où tu plonges dans cette source.
***
Il faut empêcher le
'renforcement' ('khurak' signifie la nourriture mais aussi la dose de
médicament ou le rappel de vaccin) de la tendance à l'extériorisation vritti)
et favoriser le renforcement de la tendance à l'intériorisation. En effet, les tendances
que vous renforcez deviendront un jour si puissantes que vous ne pourrez plus
les arrêter. Ce sont elles qui vous mettront dans un état d'impuissance, c'est
pourquoi on dit qu'il faut décourager l'extériorisation et renforcer
l'intériorisation.
***
Certes, c'est le
monde, c'est pour cela qu'il y a des difficultés, quand on va vers le monde on
est obligé d'avoir des difficultés. Savez-vous ce que signifie aller vers le
monde? Cela revient, après s'être blessé, à ouvrir encore plus la plaie. D'autre
part, aller vers Dieu signifie mettre un pansement sur cette plaie. C'est le
lien même avec le monde qui est source de difficulté...Le samadhi aussi est un
stade : quand vous faites une longue route, vous sentez de vous arrêter un peu
pour prendre du repos, Mais une fois que vous êtes arrivés à la maison, que
vous êtes à l'étage ou sur le toit, vous n'avez plus besoin de vous reposer; la
question de détente et de fatigue ne se pose plus.
***
Vous n'avez pas le
droit de dire 'c'est Dieu qui fait tout, il est présent en tout lieu'. Il
arrive un état où l'on expérimente vraiment qu'il fait tout, qu'il est avec
vous partout. Tout ce que vous dites vient d'une connaissance livresque ou par
ouie-dire.
***
Sans une forme
divine (sakar), vous ne pouvez aller vers le Sans-forme (nirakar). On va vers
le Sans-forme en passant par l'intérieur de la forme. De même, nous allons au
Gange en passant par un chemin, c'est à dire par une forme; en suivant
celui-ci, on parvient au fleuve. A ce moment-là, la forme ne tient pas plus que
la boue sur les pieds. Et puis quand on sort de là, regardez!. tout est Cela,
que ce soit la forme ou le Sans-forme.
***
QUESTIONS A VIJAYANANA
Q : Est-ce qu'on
peut considérer la colère comme une drogue? Comment la dépasser?
V : Le mécanisme
psychologique de la colère est le suivant : le point de départ est toujours une
sensation pénible venant de notre corps qui nous met mal à l'aise. La tendance
instinctive est de nous en libérer au plus vite et de revenir à un état
d'euphorie. Ces sensations ne sont pas en général dans la conscience claire, et
le mental cherche une cause dans le monde extérieur à laquelle il pourrait
attribuer ce malaise, et en détruisant cette cause, il espère retrouver son
équilibre. Survient tout à coup un individu qui vous insulte ou se conduit
d'une manière grossière. ça y est! C'est lui, la cause de mon malaise!
Le mental fait alors
appel à cette énergie de base toujours présente dans le muladhara et la
transforme en une force destructrice qu'on appeIle colère. Il la dirige vers
l'ennemi. Le malaise étant projeté vers l'extérieur disparaît du champ de
conscience clair. L'énergie libérée momentanément lui donne une impression
agréable de puissance, mais quand la crise de colère est passée, elle est
remplacée par une dépression et l'état de malaise redevient conscient.
Une autre crise de
colère et le même processus a lieu. Il se crée donc une association d'idée
entre les malaises et la colère qui les soulagent pour un moment. II y a alors
chez certaines personnes une addiction aux crises de colère où ils trouvent une
euphorie relative et une impression de puissance. Naturellement, il y a tout le
mauvais karma qu'on a créé dans ces colères et qu'il faudra payer par d'autres
souffrances. Comment se guérir de la colère? Tout d’abord, bien prendre
conscience du mécanisme de projection d'une sensation pénible vers un objet
extérieur. Et aussi comprendre tout le mal qu'on fait aux autres et à soi-même
quand on se met en colère. La colère, comme disent les Ecritures, est une des
portes de l'enfer.
Q :Quel est le rapport du mariage et de la vie spirituelle?
Pour ceux qui veulent
atteindre le sommet de la voie spirituelle (moksha, nirvana, illumination,
Réalisation du Soi), une chasteté parfaite est indispensable, mais ceux qui
veulent et peuvent atteindre cet état sont très rares. La voie du célibat est
donc une voie d'exception. C'est pourquoi les grands sages ont établi et
enseigné des voies progressives qui permettent à la personne ordinaire d'aller
d'étape en étape, jusqu'à ce qu'elle ait assez de maturité pour aborder le
grand problème qu'est la découverte de la Réalité suprême, et le mariage est
une de ces étapes. L'énergie sexuelle chez l'être humain commun doit être
canalisée, puis être sublimée et divinisée. Les rapports entre un homme et une
femme font partie de la nature, mais de la nature grossière (la prakriti
inférieure). Il existe un niveau où cette union se fait au niveau de la pure
conscience sans contact physique. Dans le mariage physique l'homme doit
considérer sa femme comme un aspect de la Mère divine, et la femme doit voir dans
son mari le Divin masculin. Ainsi pourra se développer un rapport d'amour et de
respect mutuel qui pourra les préparer au véritable amour qui est impersonnel.
Et les rapports sexuels doivent être aussi rares que possible afin de conserver
une précieuse énergie qui pourra les aider à atteindre le Suprême quand le
moment sera venu.
Q : Dans les pays
riches comme la France et La Suède, le taux de suicide est beaucoup plus élevé
qu' en Inde; Pourquoi cela?
V : La personne qui se
suicide le fait pour échapper à la souffrance soit physique soit le plus
souvent mentale. Une personne qui va se suicider (à moins que ce soit un aliéné
mental) a longuement réfléchi avant de prendre cette décision. Ce sont en
général des athées nourris par la philosophie existentialiste qui pensent
qu'après la mort c'est le grand néant. Ce type est commun en Occident; en Inde,
les véritables athées sont trés rares. Chaque hindou a quelque part dans son
subconscient la croyance en un Pouvoir divin ou au moins que chaque action
produit un karma, qu'il y a des vies futures conditionnées par les actes que
l'on fait. Le suicide est considéré comme un crime, et il est censé produire
des renaissances très fâcheuses. Le suicidé, dit-on, devient un preta, un
fantôme très misérable qui a toujours faim et soif et a une bouche trop petite
pour satisfaire ses besoins. Quand ces croyances vous ont été inculquées dès
l'enfance, on réfléchit à deux fois avant de mettre fin à sa vie.
Q : Vous dites que
si les bhaktas de Ma avaient eu plus d'intensité, elle aurait pu rester plus
longtemps dans son corps; pourtant, quand on voit des films de bhajans en sa
présence, n'avait-on pas l'impression qu'ils avaient beaucoup d'enthousiasme
pour chanter avec elle?
La vidéo que vous avez
vu et entendu ne représente qu'un court moment d'enthousiasme. Ce qui est
important, c'est la conduite dans la vie de tous les jours : la droiture,
l'honnêteté et surtout la sincérité dans la recherche de la Vie divine.
EXTRAITS DU JOURNAL DE DIDI
12 juin 1959
Un fidèle arriva avec
son épouse et sa belle-fille. C'était une personne qui était vanaprasthi (le
stade intermédiaire entre la vie de famille et le sannyas); sa belle-fille elle
aussi avait l'intention d'embrasser ce type de vie. Elle semblait être dans un
état particulier; en tout cas, son beau-père ne tarissait. pas d'éloges à son
propos. Il disait que leur Gourou qui vivait à Bénarès avait déclaré, en la
voyant, qu'elle avait un niveau spirituel élevé. Il désirait connaître
l'opinion de Mataji à ce propos.
Ma demanda à la jeune
femme :'Quelles sont tes expériences quand tu médites?' Elle répondit :'Tout
d'abord, je sens une félicité intense, et à la fin de même' répliqua-t-elle, '
et rien du tout entre les deux'.
Mataji expliqua au
beau-père :'C'est encore un stade élémentaire. Vous pouvez le comprendre de
vous même : tant que le mental-ego persiste, il ne peut y avoir de samadhi.
Néanmoins, on peut dire que son mental et son corps ont atteint un certain
degré de calme. Quant elle dit 'Ensuite, rien du tout ,' qui est celui qui
expérimente tout cela ? C'est le mental individuel qui est actif, il n'y a pas
de Samadhi.
Après quelque temps,
Mataji poursuivit :'Quelqu'un d'autre vint aussi à ce corps, en déclarant qu'il
n'avait plus aucun intérêt dans quelque travail ou occupation que ce soit,
puisque son esprit était absorbé en samadhi et que son pouvoir de Kundalini
s'était éveillé. En parlant, il utilisait fréquemment les mots 'je' et 'le
mien'. II a eu l'occasion de comprendre juste à ce moment-là qu'on ne pouvait
parler de samadhi tant qu'il y avait 'je' et 'le mien'. Dans le samadhi réel,
rien de tout cela ne survit. Regardez, la mangue qui est mûre sur l'arbre
n'appelle pas à grand cris :'Je suis mûre, venez et prenez-moi!' Si personne ne
la cueille, elle tombe d'elle-même sur le sol. Voyez-vous la beauté de cela?
Elle retourne à la place même d'où elle est venue.'
Extraits du
Volume VI (traduction
anglaise parue cette année)
10 décembre 1937
Ma poursuivit 'Le coeur
est le siège de toutes les expériences, heureuses ou malheureuses. C'est en
fait l'asana (siège et aussi tapis pour la méditation) de Dieu lui-même. Si la
personne à laquelle l'asana appartient n'y est pas assise, on ne peut obtenir
de paix permanente. Si on y installe une autre entité, cela ne peut mener qu'à
l'inquiétude et l'instabilité, car elle ne sera pas capable de maintenir le
caractère sacré du pur asana. Cela aboutit aux allers et retours (de naissance
en naissance). C'est pourquoi il est particulièrement avantageux pour nous
d'installer Celui auquel l'asana appartient de droit.
Il est en fait toujours
assis sur cet asana et le but de notre sadhana est d'essayer de Le manifester.
Quand ceci arrive, nos conditionnements (samskaras) liés à la notion
d'individualité disparaissent, on atteint le chakra situé entre les sourcils et
la forme brillante avec tant de couleurs s'épanouit.
Ma rit et dit,
'Savez-vous ce que j'ai vu? C'était comme un système d'irrigation, quand vous
versez l'eau dans un canal, elle s'écoule par d'autre canaux jusqu'à un grand
réservoir éventuellement qu'elle remplit, et tout ceci naturellement. De même
qu'un fleuve s'écoule vers l'océan, de même c'est la règle que la kundalini
shakti aille seulement vers le haut à partir du muladhara d'une place à
l'autre, progressivement, du premier. chakra au second, etc jusqu'au moment où
elle atteint le sahasrara."(p.5)
Après un long
intervalle sans kriyas (manifestations visibles de l'extase), Ma de nouveau
rentra en transe pendant un kirtan. Jyotish Dada (Bhaiji) lui demanda :'On dit
que certains kriyas sont apparus pendant une phase précédente de votre
existence, et ensuite il y a eu de grands changements dans votre état. Pourquoi
donc ces kriyas reviennent-ils maintenant ?' Ma répondit : 'Vous pouvez poser
ce genre de questions, mais savez-vous ce qui arrive à l'intérieur d'un
sadhaka? Chaque état est remplacé par un autre et un progrès régulier s'ensuit;
mais dans le cas de ce corps tout est différent, c'est pourquoi tout apparaît
sens dessus-dessous et l'écoulement se fait au hasard. Il se peut qu'à vos yeux
un kriya associé avec un état très élevé se manifeste dans ce corps et que plus
tard, vous observiez un kriya plus ordinaire. Dans ce corps, il n'y a rien
d'élevé ou de bas. Quelque soit le besoin de vous, les gens, à un moment donné,
ce corps agit en fonction pour y répondre.
Je posais la même
question que Bhaiji plus tard; et Ma me répondit de façon similaire; quand je
l'interrogeais sur l'éclat de son corps, elle dit : 'Savez-vous ce que j'ai
observé à certains moments? C'était comme si ce corps était la lumière
personnifiée; et l'endroit où je me trouvais était inondé par la même lumière.'
Ma s'est réveillée
aujourd'hui à environ dix heures. On a lavé son visage et ses mains. Elle
s'assit sous un arbre et je m'assis auprès d'elle. Après avoir entendu dire
qu'elle était arrivée, de nombreuses personnes vinrent pour lui présenter leurs
respects (littéralement : 'prendre la poussière de ses pieds) et lui faire
pranam. J'étais en conversation avec elle. Nous en vînmes à parler des shastras
(écritures sacrées). Ma dit :'Savezvous ce que sont les shastras? 'sva astre',
cette arme (astra) qui peut couper les liens qui attachent au monde.' Ensuite
on en arriva à la question de savoir quelle était la signification du mot
'shishya' (disciple) Ma dit :'Sva, Éva, c'est à dire établir sa personnalité
réelle, expliquer la nature véritable qui est indivisible, c'est à dire la
révéler. 'Shasya' signifie semer une graine et cultiver une plante (shasya).
Cela revient à planter une graine, faire pousser la plante et révéler la nature
du fruit.' En entendant tout ceci de la bouche de Ma, un chant me revint à
l'esprit :
'Mon re krishi kaj ja no na.
Emon manob jomin roilo potit
abad korle pholto shona.'
c'est à dire : 'O
mental, tu ne connais pas l'art de la culture. Ce terrain excellent d'une
naissance humaine est en jachère. Si tu le labourais, il produirait de l'or' Nous
allâmes nous coucher vers deux heures du matin.
LA RECONNAISSANCE DU SEIGNEUR
Pratyabhijrna, ou la
reconnaissance du Seigneur, est une notion centrale du Shivaïsme du Cachemire,
une école qui a d'abord été illustrée par Utpaladeva (cf ses hymnes à Shiva, un
bel exemple de dévotion débouchant sur la non-dualité, publiées par
A.Maisonneuve) puis s'est épanouie avec Abhinavagupta (Xe-XIe siècle). Ce
dernier a écrit un commentaire (vimarsini) sur des versets d'Utpaladeva à ce
sujet. Colette Poggi nous a envoyé des pages de sa thèse de doctorat en
philosophie où elle traduit ce texte; nous reproduisons les derniers versets de
l'ouvrage. Colette, une lectrice de Jay Ma, vient de retravailler ce texte pour
la collection 'La Pléïade' qui prépare une publication sur les philosophes
indiens. Ceux qui veulent en savoir plus sur Abhinavagupta peuvent se référer
aux ouvrages de Lilian Silburn (Paramarthasara chez de Boccard par exemple).
L'histoire classique qui illustre la reconnaissance du Divin est celle du
prince qui est enlevé bébé par des voleurs. Quand il est adolescent, les
ministres du roi le retrouvent élevé par une famille pauvre dans la forêt. Pour
ne pas le choquer, ils ne lui disent rien mais l'engagent au palais dans un
emploi peu élevé, puis petit à petit le font progresser jusqu'à ce qu'il
devienne le serviteur particulier du roi; à ce moment-là, il est devenu mûr
pour la 'reconnaissance' et ils lui révèlent la vérité.
Verset 1 (d'Utpaladeva)
: Seul le Seigneur suprême et unique est le Soi intime de tous les êtres
vivants, il est pleinement imprégné de cette prise de conscience exempte de
dualité "Je suis l'essence universelle ! ''
verset 15 : Ayant
acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et d
'action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être
réalisé agit à son gré et connaît tout ce qu'il désire.
Sachant que le Soi a
pour essence Shiva, que les énergies de connaissance et d'action se ramènent en
fait à sa liberté suprême, et que celle-ci ne fait en fait qu'un avec Lui, il
réalise qu'il est le Soi, et non tel principe qu'évoquent les Kanadas.. Il
prend conscience que les énergies. de connaissance et d'action ne sont pas
distinctes du Seigneur. Se consacrant alors de tout son Coeur à l'absorption
(samavesha) il est capable de faire et connaître tout ce qu'il désire, alors,
même qu'il est lié à un corps. Celui qui cependant n' adopte pas cette attitude
est délivré de son vivant, mais ne devient le Seigneur suprême qu'une fois la
mort venue.
Même si l'expérience
personnelle (svapratyaya) tient dans ce domaine une place importante, on
considère néanmoins que (la transmission de) l'enseignement, sauvegardée par la
lignée des maitres (guruparampara) doit venir confirmer celle-ci;
l'intelligence des traités (shastradrishti) a été ainsi considérée comme
critère essentiel de qualification (adhikara) dans le livre des Agamas
(écritures sacrées shivaïtes du Moyen-Age). Cet enseignement se fonde donc à la
fois sur le maître, les traités et sa propre expérience. L'auteur indique ainsi
quelle est, dans cette école, la lignée des maîtres.
Verset 16 - Ainsi cette
nouvelle voie est aisément praticable; je la révèle ici telle qu'elle fut
naguère évoquée par notre vénéré maître dans le traité intitulé 'La vision de
Shiva' (Shivadrishi). Quiconque, de ce fait, s'engage sur ce chemin et se reconnaît
soi-même créateur de l'univers parvient à la réalisation (siddhyati) sitôt
qu'il pénètre le domaine indifférencié qu'est l'état de Shiva (shivata).
Voie méconnue, enfouie
au coeur de tous les textes sacrés, et de ce fait restée secrète, cette
(approche) toute nouvelle (abhinava) apparaît aisée car dénuée des tourments
(klesha) liés aux pratiques internes et externes telles que le contrôle du
souffle (pranayama), etc...C'est ainsi que l'évoque l'excellent et illustre
maître Somananda dans son traité intitulé 'Vision de Shiva'. Et nous avons
tenté, tout au long de cet ouvrage, de mettre en lumière le contenu de son
enseignement, chassant les doutes et repoussant les objections émises à son
encontre par les protagonistes des autres systèmes. En vérité, la teneur de cet
enseignement trouve un écho favorable auprès de maîtres divers, en de nombreux
textes sacrés, et se vérifie également à l'épreuve de notre expérience
personnelle! (Fort de cette foi en notre traité) l'aspirant fervent focalise
toute l'énergie de la conscience sur le sens de ses propos, et réalise qu'il
détient en soi la souveraineté (aisvarya) caractérisée par l'efficience
cosmique (vishvakartritva); grâce à cet élan d'adhésion totale et à travers
cette prise de conscience (paramarsha) il devient libéré-vivant (jivanmukta) et
le Seigneur Shiva en personne. Voici à ce propos quelques versets du maître
extraits de la Shivadrishti :
''Lorsqu'on sait, grâce
à une conscience (pratipati) inébranlable, l'essence de Shiva présente en tout
ce qui existe, à quoi bon avoir recours à la contemplation (bhavana) ou à tout
autre moyen? Sitôt l'or connu, a-t-on encore besoin de l'évoquer (bhavana) ou
de quelque autre investigation? Cette connaissance-là, en effet, est
irréfutable, à l'image de celle que nous avons de nos parents!"
Ayant ainsi réalisé son
identité à Shiva, si l'on demeure à jamais imprégné de cette réalité et que
l'on y plonge la triade complète composée du corps et du souffle, de
l'intellect et du vide (shunya, cad le monde des objets non-sensibles), ou bien
deux sinon un seul de ces éléments, on a alors accès à l'intégralité des
pouvoirs surnaturels (vibhuti) et même au suprême (parivibhuti)
Verset 17 - Même si
elle se tient auprès de ce bien-aimé dont elle a enfin gagné la faveur au prix
d'infinies prières, cette présence ne comblera pas de joie celle qui l'attend aussi
longtemps que cette jeune femme ne l'aura pas reconnu d'entre les hommes
ordinaires !
Ainsi, à l'image de ce
héros dont les vertus passent inaperçues, le Seigneur universel, essence de
toute chose, n'apparaît pas dans sa gloire innée.
Une jeune femme sent
grandir en elle un puissant amour pour un héros dont elle a appris les
(merveilleuses) qualités. Pleine de désir pour lui, aspirant par-dessus tout à
le rencontrer, elle se montre impuissante à maîtriser les élans de son coeur;
nuit et jour, elle implore les dieux, demande des messagers qui emportent vers
l'aimé ses lettres et lui révèlent le trouble profond qui la tourmente. Elle ne
quitte plus le seuil de sa demeure, et son corps de jeune liane, éprouvé par un
éloigement trop cruel, se dessèche. Mais cédant enfin à ses prières et à son
désir, voici que ce héros soudain se tient devant elle; mais bien qu'elle
regarde son bien-aimé, elle ne le distingue aucunement des hommes ordinaires,
car elle n'emprunte pas la voie de la prise de conscience (paramarsha marga)
(qui lui révèlerait) l'excellence de ses qualités. Ainsi sa vision, bien
qu'effective, ne comble pas son coeur!
Il en va de même pour
le Seigneur, Soi universel, car, bien qu'il resplendisse sans trêve, ce
rayonnement (nirbhasana) ne comble pas de plénitude le coeur des hommes. Ils ne
réalisent pas en effet que ce Soi détient la souveraineté ultime
(paramaishvarya) caractérisée par sa propre énergie de connaître, d'agir,
etc... dénuée d'obstacles et universelle; de même, tout ce qui existe, jarre,
etc, brille (non distinct du Soi).
Mais, lorsque soudain,
sur une parole (du messager) ou par la reconnaissance d'une caractéristique du
héros ou à l'aide d'un autre moyen peut-être, la jeune femme prend enfin
parfaitement conscience des qualités éminentes du héros (qui se tient devant
elle) comme étant celles-là mêmes de son bien-aimé, alors en un instant cette
subite réalisation fait s'épanouir son coeur et la comble de plénitude. Ainsi,
grâce au plaisir renouvelé de l'union, elle accède à la quiétude et aux autres
(saveurs de l'apaisement).
De même, lorsque dans
son coeur on identifie son propre soi à la sublimité de Seigneur suprême grâce
à la parole du maître, ou la reconnaissance (abhijnana) de traits
caractéristiques (qui lui sont propres telles) les énergies de connaissance et
d'action etc..., alors survient à cet instant la libération dans la vie
(Jivanmukti) qui est la plénitude même. Par la saveur réitérée de l'absorption
(samavesha), l'on accède aux pouvoirs divins (vibhuti). Seule la reconnaissance
du Soi est donc à l'origine des perfections surnaturelles (siddhi), inférieures
et supérieures.
Ce traité (shastra) est
un bienfait ineffable accordé à tous les hommes car il offre le fruit suprême
(mahaphala). Souhaitant éveiller chacun
à la reconnaissance et
éveiller la confiance envers cette voie par la remémoration des qualités
éminentes qui en résultent, ainsi que du nombre important d'êtres pleinement
réalisés (prasiddha) qui l'ont empruntée,l'auteur cite le nom de son père en
conclusion :
verset 18 - Voici la
Reconnaissance du Seigneur, composée par Utpaladeva, fils d'Udayakara, afin que
chacun accède sans effort (ayatna) à la Réalisation (siddhi, avec ses deux sens
de pouvoirs surnaturels et de Réalisation complète).
Traduit du sanskrit par Colette Poggi
LE MARCHAND ET SES TROIS FILS
Conte du sud de l'Inde
Il était une fois un
marchand qui avait trois fils. Sentant sa fin prochaine, il appela et leur dit
: je lèguerai mon commerce à celui d'entre vous qui saura le plus faire preuve
d'intelligence. L'épreuve consiste à remplir complètement une pièce en
dépensant le moins d'argent possible.
Le premier fils remplit
une pièce entièrement de coton : lorsqu'il ouvrit la porte, le père ne fut pas
convaincu. Le second fils en remplit une autre de paille, qui tomba sur la tête
du père quand ce dernier ouvrit la porte; il ne fut pas non plus convaincu. Le
troisième fils ramassa sur le bord de la route un tesson de poterie et un bout
de ficelle, acheta pour un dixième de roupie d'huile, constitua une petite
lampe et l'alluma au milieu de la chambre obscure, si bien qu'elle était
remplie de lumière quand le père en ouvrit la porte. Ravi, le vieil homme
confia son héritage au troisième fils.
LA COMPASSION DE MA A TRAVERS SA
CORRESPONDANCE
(Raconté par Rajat Rumar Narayan le
soir de Guru Purnima)
Rana Gosh, le fils de
Shailen Gosh, un ancien fidèle de Ma trés connu à Calcutta, partait faire des
études en Occident pour environ deux ans. Au moment de prendre la bénédiction
de Ma, celle-ci lui dit 'Ecris-moi toutes les semaines.' 'Ma, je vais sans
doute être à court de choses intéressantes à raconter!' 'Ce n'est pas grave,
parle-moi de ta vie, de ce que tu penses, de ce que tu manges, dis-moi ce que
tu veux mais écris-moi toutes les semaines.'
Et la chose étonnante,
c'est que Ma lui a aussi répondu toutes les semaines, ce qui fait que Rana a
une collection d'environ 108 lettres dictées par Ma. L'autre chose étonnante
était que lorsqu'une réponse de Ma 'arrivait', c'est à dire environ trois
semaines après avoir été écrite, il y avait dedans la solution de problèmes
qu'il se posait au moment même ou dans les jours juste précédents. Maintenant
encore, il reprend ces lettres de Ma et trouve des solutions à ses problèmes
actuels.
En 1981, ma mère
(elle-même la fille de Bajaj, qui a connu Ma, était trésorier du Congrès et
parmi les proches de Mahatma Gandhi) avait 65 ans environ. Sa santé n'avait pas
été bonne dans les années précédentes, et elle a fini par avoir une occlusion
intestinale à cause d'adhérences dues à une tuberculose de la région. C'était
une urgence chirurgicale, on a ouvert l'abdomen, retiré cinq litres de liquide
d'ascite, vu qu'on ne pouvait pas opérer l'intestin lui-même qui était trop
atteint, et on a refermé. A ce moment-là, Ma était à Naimisharanya où il n'y
avait pas de téléphone. J'ai quand même réussi à joindre un opérateur qui
habitait à trois kilomètres de là où se trouvait Ma et qui a été faire la
Commission à Bhaskarananda. Ma a répondu un télégramme où elle disait comme à
son habitude dans ces cas-là :'Faites le meilleur traitement et priez Dieu.'
Peut-être avait-elle ajouté 'Tenez-moi informée'. Pendant les vingt jours
post-opératoires où l'état de ma mère restait grave, j'ai envoyé à Ma un
télégramme quotidien. Cinq jours après l'intervention, les intestins ont
recommencés à fonctionner, les médecins ont dit que c'était un miracle, et
finalement elle s'en est sortie. Elle est toujours bien vivante et va fêter ses
80 ans le mois prochain.
Ma, j'ai entendu dire
qu'il est nécessaire de tester le Guru et que le disciple doit aussi être testé
par le Guru. Avant même que la question ait été complètement énoncée, Ma
répliqua 'Savez-vous comment c'est? C'est exactement comme on examine le gendre
avant de lui donner la fille en mariage. Une fois que le mariage est célébré,
on est supposé ne plus poser de questions'.
ENTRE REVE ET REALITE
Pensées extraites du Yoga-Vasishta
Introduction
Le Yoga-Vasishtha est
un texte médiéval indien qui présente l'enseignement du sage (rishi) Vasishta à
Rama adolescent, celui-ci étant un avatar, c'est à dire une descente du divin
venue sur terre pour rétablir la loi juste, l'ordre du monde (dharma). Il est
intéressant de noter qu'en Inde, même des avatars comme Rama et Krishna jouent
le jeu du disciple pour s'adapter à la société et à la culture dans laquelle
ils sont venus.
La première partie de
l'ouvrage est une longue réflexion de l'adolescent Rama frappé par l'absurdité
de l'existence, et se mettant à chercher un sens. Par son discernement aigu, il
développe un intense sens du détachement. Il conclut en demandant à Vasishtha
qui l'écoutait avec toute la cour :'Qui sont ces héros qui le sont libérés de
l'illusion? Et quelles méthodes ont-ils adopté pour se libérer? Si vous
considérez que je suis ni compétent, ni capable de comprendre cela, je vais
jeûner jusqu'à ce que mort s'ensuive." (I, 31) Vasishtha et toute la cour
louent l'intensité du jeune prince, et à partir de là commence l'enseignement à
proprement parler.
Une ides fondamentale
du texte, c'est que le monde est un rêve, et que seule la Conscience absolue
peut être considérée comme réelle. En philosophie, on appelle ce point de vue
le subjectivisme absolu. Cette doctrine est directement influencée par l'école
bouddhiste du vijnanavada. C'est en quelque sorte une exagération du védanta
classique de Shankarâcharya, qui ne va pas jusqu'à dire que tout est rêve, mais
qui dit simplement qu'on ne peut affirmer formellement ni l'existence, ni la
non-existence du monde tel qu'il nous apparaît. Pour le sage, cette question
reste comme en suspens. Au départ, le chercheur spirituel est influencé par le
matérialisme environnant, et cette méditation consistant à voir le monde comme
un rêve est une étape permettant de le déconditionner de cette influence. Si un
carton est plié dans un sens, on le plie complètement dans l'autre sens pour
que finalement il redevienne droit.
Cet enseignement
non-dualiste est considéré dans la tradition indienne comme le couronnement de
toute une évolution qui passe par la pratique des rituels, une vie religieuse
et le plus souvent l'expérience durant de nombreuses années de la dévotion à un
Dieu personnel. Il s'agit d'un enseignement élevé, nécessitant en pratique une
préparation pour être réalisé. Cependant, une vision intellectuelle claire du
but non-duel de l'évolution intérieure est une grande aide même pour le
débutant.
L'enseignement est
illustré par nombre d'histoires à tiroir où le héros s'endort au cours d'un
rêve, et fait un autre rêve où il revient à la réalité de départ, sans plus
trop savoir où il en est. Tout ceci a pour but d'assouplir notre croyance
dogmatique et quasiment jamais remise en question en la réalité de l'apparence
du monde extérieur. Pour le Yoga-Vasishtha, l'étre libéré (jivan-mukta) est
celui qui peut agir tout en gardant un état de sérénité et d'unité intérieure
comme, s'il était en état de sommeil profond.
Comme dans le zen, le
Yoga-Vasishtha insiste sur la nécessité d 'aller au-delà du corps et du mental.
Le méditant avancé qui y réussit peut alors avoir une expérience trés positive
de ces deux niveaux, qui deviennent des serviteurs obéissants pour celui qui
sait comment les prendre. Nous citons ci-dessous un beau passage sur le sage
considéré comme roi de son propre corps.
Voir le monde comme un
rêve a été source de sagesse et d'inspiration non seulement pour l'Orient, mais
aussi pour l'Occident, bien que de façon moins systématisée philosophiquement
et mystiquement parlant. Nous pouvons citer par exemple ces réflexions de
Clotaldo extraites de 'La vie est un rêve' de Pedro Calderon de la Barca
(1600-1681), le célèbre dramaturge madrilène : "Et qu'arriverait-il si
notre vie à l'état de veille, comme notre sommeil, n'était qu'un rêve dans
cette vie éternelle à laquelle nous ne nous éveillerons qu'au moment de nous
endormir dans la mort?"...."Et toute cette scène de théâtre de note
vie sur terre, où nous semblons être des acteurs si occupés, et les rôles que
nous jouons ne sont pas plus substantiels que l'ombre d'une ombre, et le fait
de rêver n'est qu'un rêve dans le rêve!"(Acte III)
Les extraits
ci-dessous ont été traduits de l'édition anglaise de Swami Venkatesananda
(Divine Life Society, Rishikesh). C'est une version semi-abrégée, en 750 pages,
du texte sanakrit oiginal.
Quand l'esprit est en
paix et que le coeur va d'un bond jusqu'à la vérité suprême, quand toutes les
vagues de pensées gênantes qui agitent la substance mentale se sont apaisées,
qu'il y a un flot de paix ininterrompu et que le coeur est empli de la félicité
de l'Absolu, quand on a vu de cette façon la vérité dans le coeur, ce monde
même devient une demeure de félicité.(II,12)
Celui qui n'est pas
affecté par les autres tout en vivant au milieu d'eux, qui n'a ni excitation ni
haine comme quelqu'un pendant le sommeil, celui-là a atteint le Contrôle de
soi.(II,13)
Même les paroles d'un
jeune garçon doivent être acceptées si ce sont des paroles de sagesse; si elles
n'en sont pas, rejette-les comme de la paille, fussent-elle prononcées par
Brahman le créateur lui-même.(II,18)
Ce n'est pas faire preuve
de sagesse que de déclarer la vérité ('Brahman seul est réel') à l'ignorant. En
effet, la réalité de l'apparence du monde qui a pris profondément racine dans
le coeur de l'ignorant, ne sera pas dissipée si ce n'est par un questionnement
profond à propos du sens des Ecritures.(IV, 31)
Ne sois pas mené par
les autres; seul les animaux sont menés par les autres. Réveille-toi du sommeil
de l'ignorance. Réveille-toi et bats-toi pour mettre fin à la vieillesse et à
la mort.(IV,32)
La non-reconnaissance
de l'existence de la paix suprême dans le coeur et la croyance a priori en la
réalité de facteurs en faits imaginaires, tout cela est né d'une connaissance
imparfaite et de la logique pervertie qui en résulte. (II, 20)
Pour l'ignorant, ce
corps est source de souffrance; mais pour celui qui est éveillé, ce corps est
la source d'une joie intense et infinie. Tant que le corps existe, le sage en
retire un grand plaisir et la joie de l'éveil, et quand le compte de ses jours
touche à sa fin, il ne considère pas du tout cela comme une perte. Puisque
c'est par le corps que le sage fait l'expérience des différents sens et gagne
l'affection et l'amitié des autres, c'est pour lui une source de bénéfice. Tant
qu'il demeure dans cett cité appelée corps, l'être éveillé règne avec bonheur,
à la manière d'Indra le roi des cieux dans sa capitale...Celui qui habite un
corps entre légèrement en contact avec celui- ci tant qu'il dure, mais n'est
plus touché par lui quand il s'en va, de même que l'air touche un vase qui
existe, et non pas un qui n'existe pas... De même que si vous savez que
quelqu'un est un voleur et que vous êtes en rapport avec lui en tenant compte
de cette information, il peut devenir votre ami, de même quand vous profitez
des objets extérieurs en connaissant leur vraie nature, ils vous procurent de
la joie. Le sage qui a dépassé tous les doutes et dans lequel il n'y a pas d'image
de soi règne suprême dans le corps.(IV,23)
Pour le sage, le mental
est un serviteur obéissant, un bon conseiller, un maître des sens compétent,
une femme agréable, un père protecteur et un ami fidèle. Il le pousse à faire
de bonnes actions.(IV, 24)
Tel l'effort, tel son
résultat, ô Rama; c’est ce que signifie l'effort qu 'on fait
Par soi-même sur
soi-même et on l'appelle aussi destinée ('daiva'; qui peut également signifier
'dieu' ). Quand ils sont en proie à la souffrance, les gens se mettent à
pleurer 'Malheur ! Quelle tragédie!' 'Hélas, voyez quel est ma destinée!', les
deux signifiant la même chose. Ce qui est appelé destinée ou volonté divine
n'est rien d'autre que l'action ou l'effort du passé. Le présent est infiniment
plus puissant que le passé. Il sont en fait stupides, ceux qui sont satisfaits
avec les fruits de leurs efforts passés (qu'ils considèrent comme la volonté
divine) et ne s'engagent pas dans un effort sur eux-mêmes dans le présent...Le
sage doit bien sûr savoir ce qu'on peut obtenir par l'effort, et ce qu'on ne
peut pas...Rama, ce sage Vishvamitra est devenu un Brahmarishi par l'effort;
nous tous (les autres rishis, les sages à l'origine de l'hindouisme) avons
atteint la connaissance de nous-même par l'effort seulement. C'est pourquoi,
renonce au fatalisme et fais effort. L'effort spirituel est rendu en sanscrit
par 'purusharta' qui signifie aussi ' le but de l'homme ', et éventuellement
'la richesse de l'homme.(II, 6, 8)
Celui qui voit que le
plaisir et la douleur se chassent et s'annulent l'un l'autre retire de cette
sagesse le contrôle de lui-même et la paix. Celui qui ne voit pas cela dort
dans une maison en flammes.(II,13)
L'Un ne devient jamais
multiple, ô Rama. Quand de nombreuses bougies sont allumées successivement
l'une à partir de l'autre, c'est la même flamme qui brûle en chacune d'elle; de
même, le Brahman unique semble être multiple. Quand on contemple l'irréalité de
cette diversité, on est libéré de la souffrance.(lII, 66)
(Vasishtha raconte
l'histoire d'une femme démon, Karkati, qui après un certain temps se retire
dans l'Himalaya, tourne complètement son attention vers l'intérieur et obtient
la Réalisation. Il en fait l'éloge en ces termes) : 'Elle a atteint la
connaissance directe de la cause suprême de toute chose, de la cause sans cause
par son propre examen de l'intelligence au-dedans d'elle même. ô Rama, il est
certain qu'une recherche directe dans les mouvements de pensée de sa propre
conscience ne représente nul autre que le guru ou le précepteur suprême.(III,
75)
(Comme il faut quand
même qu'elle se nourrisse, Karkati obtient des dieux l'autorisation de dévorer
ceux qui sont réfractaires à l'enseignement de sagesse... Elle rencontre dans
une forêt profonde un roi et son ministre et pose au monarque des sortes de
questions de Sphinx à propos du Soi) : '0 roi, qu'est-ce qui est un et pourtant
multiple, et dans lequel des millions d'univers se fondent comme les vagues
dans un océan? Qu'est-ce qui est pur espace, bien qu'il ne semble pas être
ainsi? Qu'est-ce qui est moi en toi et toi en moi; qu'est-ce qui bouge et
pourtant ne bouge pas, qui demeure immobile bien qu'en fait il n'en soit pas
ainsi; qu'estce qui est un rocher, bien que conscient, et qui joue des tours
merveilleux dans l'espace vide; qu'est-ce qui n'est ni le soleil, ni la lune ni
le feu et pourtant brille éternellement; qu'est-ce qui n'est autre que le soi à
l'intérieur de chacun, mais qui pourtant n'est retrouvé qu'après de nombreuses
existences d'efforts persistants et intenses ?
Qu'est-ce qui se
manifeste et s'évanouit en alternance, de même que l'arbre vient de la graine
et que la graine vient de l'arbre successivement.' O roi, quel est le créateur
de cet univers, par le pouvoir duquel tu fonctionnes comme roi, protégeant tes
sujets et punissant les méchants? Qu'est-ce qui, par le simple fait d'être vu,
purifie votre vision et vous fait exister comme 'cela' seulement, sans
division? O roi, pour échapper à une mort certaine, réponds à ces questionne
(III, 79). Le roi répond qu'il s'agit du Soi, et il est sauvé avec son
ministre.
Vashista dit: Quand
deux êtres éveillés se rencontrent, leurs coeurs fusionnent dans la paix et la
félicité, de même que les eaux de deux torrents se mêlent à leur
confluent.(III, 78)
Dans l'espace de la
conscience, qui est aussi minuscule qu'un atome, toutes les expériences
existent, de même que dans une goutte de miel il y a l'essence subtile des
fleurs, des feuilles et des fruits. De cette conscience se développent toutes
les expériences, car le fait d'expérimenter est le seul expérimentateur (les
deux n'étant pas différents de la conscience).(III, 81)
Le sage ne désire pas
agir; et il ne désire pas non plus abandonner l'action. (III , 88)
La maladie physique ou
psychique, pas plus que les malédictions ou le 'mauvais oeil', ne peuvent
toucher le mental de celui qui se consacre au Soi; de même, une fleur de lotus
ne peut casser en deux un rocher en tombant dessus. C'est pourquoi on doit
s'efforcer avec le mental même d'amener le mental à prendre la route qui est
pure.(III, 92)
Quand la conscience
abandonne la recherche consistante de soi (et du Soi) et se laisse aller à
jouer avec les innombrables pensées qui vont et viennent, on l'appelle
conscience individuelle.(III, 96)
Quand on l'observe en
profondeur, le mental s'absorbe dans son substrat, et quand il s'absorbe de
cette façon, il y a la félicité suprême. (III, 97)
(Voici maintenant un
conte typique du Yoga-Vasishtha, nous donnant le goût de dépasser le labyrinthe
de nos formations mentales) :
"Un jeune garçon
demanda à sa grand mère de lui raconter une histoire, ce qu'elle fit tandis
qu'il écoutait avec grande attention :
"Il était une fois
une cité qui en fait n'existait pas; y demeuraient trois princes qui étaient
joyeux et pleins de valeur. Des trois, deux n'étaient pas nés et le troisième
n'était pas conçu. Le malheur voulut que toute leur famille meure. Les princes
quittèrent leur ville de naissance pour aller ailleurs. Incapable de supporter
la chaleur du soleil, ils s'évanouirent au bout de peu de temps. Leurs pieds
étaient brûlés par la chaleur intense du sable, les pointes des herbes
desséchées les perçaient. Ils parvinrent à l'ombre de trois arbres, parmi lesquels
deux n'existaient pas et le troisième n'était pas même planté. Après s'être
reposés là pendant quelques temps et avoir mangé les fruits de ces arbres, ils
reprirent la route.
Ils atteignirent les
berges de trois rivières; des trois, deux étaient sèches et dans le troisième
il n'y avait pas d'eau. Les princes y prirent un bain rafraîchissant et y
apaisèrent leur soif. Ils arrivèrent ensuite dans une grande cité qui était sur
le point d'être construite. En y entrant, ils y trouvèrent trois palais d'une beauté
sans égale. Des trois, deux n'avaient pas étés du tout construits, tandis que
le troisième n'avait pas de murs. Ils pénétrèrent dans le palais et trouvèrent
trois plats en or; deux d'entre eux avaient été brisés, et le troisième
franchement réduit en poussière. Ils saisirent celui qui avait été pulvérisé.
Ils prirent 99 moins 100 grammes de riz et le mirent à cuire. Ils invitèrent
alors trois hommes de Dieu pour être leurs hôtes; des trois, deux n'avaient pas
de corps et le troisième n'avait pas de bouche. Une fois qu'ils se furent
restaurés, les trois princes mangèrent les restes ('prasad', considéré comme nourriture
sacrée). Ils en retirèrent un grand plaisir. C'est ainsi qu'ils vécurent en
cette cité pour bien longtemps, dans la paix et la joie." Mon enfant,
voici une légende extrêmement belle; je t'en prie, souviens-t-en toujours et tu
deviendras un homme de savoir.'(III, 101)
Le mental prend la
forme même de ce qu'on contemple, que ce soit un élément de la nature ou de la
culture. C'est pourquoi contemple résolument, mais intelligemment aussi l'état
au-delà de la souffrance, libre de tous les doutes. Le mental est capable de se
maîtriser lui-même; de fait, il n'y a pas d'autre voie.(III, 112)
O Rama, abandonne le
conditionnement mental qui est seul responsable pour la perception de la
dualité, et demeure totalement non-conditionné. Tu parviendras alors à un
niveau de prééminence vis-à-vis de tous. (III, 114)
Toute relation est
réalisation de l'unité qui existe déjà; on ne la regarde comme relation qu'à
cause de la croyance fausse et illusoire d'une division entre sujets et objet.
En fait, il n'y a qu'un Tout, la Conscience infinie.(III, 121)
Le jeune méditant dans
la forêt paraissait avoir atteint un état de quiétude totale du mental, où le
jeu des pensées et contre-pensées avait cessé. Il était absolument pur, comme
un cristal qui n'est pas même intéressé à refléter ce qui est autour de
lui.(IV, 14)
Aussi longtemps qu'on
voit ce qui est vu avec le sentiment intérieur qu'il s'agit d'objets de
perception (différent de soi-même), la réalisation de Brahman est de fait bien
éloignée.(IV, 18)
C'est quand on
expérimente la vérité qu'on est libéré de l'illusion. Du même coup, son désir
forcené pour les plaisirs s'atténue. C'est la seule preuve de sagesse. Un pot
de nectar en peinture n'est pas du nectar, ni une flamme en peinture une
flamme, et la peinture d'une femme n'est pas une femme : les paroles de sagesse
ne sont que des mots, pas de la sagesse tant qu'elles ne sont pas concrétisées
par l'absence de désir et de colère.(IV, 18)
Celui qui est empli du
lait de la douceur humaine est sûrement la demeure du Seigneur Hari (Vishnou,
qu'on dit reposer allongé sur l'océan de lait). (IV, 32)
Quand le mental a été
purifié par des pensées et des actions pures, il adopte la nature de l'infini,
de même qu'un vêtement pur prend la couleur facilement. .
Quand le mental
abandonne la relation de sujet à objet qu'il a avec le monde, il est absorbé instantanément
dans l'infini.(IV, 35)
NOUVELLES
- Mort de Maroni au
mois d'août : Maroni était la petite fille de la soeur de Didima (la mère de
Ma). Le mari de Ma, Bholonath, s'était pris d'affection pour elle et l'avait
adopter. Elle avait donc été éduquée de très près par Ma, elle dormait quand
elle était petite avec Ma et Bholanath. Elle était souvent à Kankhal. Au
dernier anniversaire de Ma, elle avait chanté des bhajans, ce qu'elle faisait
toujours avec une grande énergie. Elle avait plus de 70 ans, avait été mariée
mais vivait depuis longtemps dans les ashrams de Ma. Quelques jours avant son décès
subit et inattendu, elle était venue saluer Vijayananda comme elle le faisait
souvent le soir en face du samadhi, mais cette fois-ci elle lui avait dit :
'Vijayananda, je vous aime beaucoup'. A la fin de sa vie, elle avait pris comme
nom 'Niropa Ma' 'mère sans forme', comme si elle se préparait à quitter sa
forme corporelle.
- Le Centre
international a commencé à être fonctionnel début août, avec comme premiers
hôtes Chantale et Jean-Luc de Plougastel en Bretagne, lecteurs de Jay Ma et
suivant la voie spirituelle du Yoga. Une bibliothèque a été constituée, et
Shantimayi (Karine Huvelle) va s'installer au Centre à long terme à partir de
début Octobre. Elle a eu un visa de touriste de cinq ans pour l'Inde tout
récemment, ce qui est une sorte de miracle car cette forme de visa ne se donne
plus.
- Nous avons reçu la
visite de deux groupes français, l'un avec Daniel Maurin et l'autre avec
Jean-Yves Leloup.
- La samyam saptah aura
lieu du 6 au 13 novembre. Mieux vaut réserver pour ceux qui voudraient résider
à cette époque au Centre International; le Centre n’a pas encore la liaison
téléphonique, mais en cas de besoin on peut téléphoner à l'ashram :19 91 133 42
65 75
- La pleine Kumbha-Mela
d'Hardwar, où l'on attend une dizaine de millions de personnes, commencera
progressivement à partir de mi-janvier pour battre son plein à partir de
Shiva-Ratri (fin février environ) et atteindre son maximum pour Mesh Sankranti,
le 13 avril. Les trustees du Centre international ne sont toujours pas décidés
pour savoir s'ils doivent prendre des réservations pour cette période.
ABONNEMENTS
Pour les nouveaux
souscripteurs, l'abonnement est de 40 Frs et va du prochain numéro jusqu'à
l'automne 98 inclus. Chèques à adresser à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne
95 rue J.Dulud 92200 Neuilly
JAY MA n°46 |
PAROLES DE MA
(A propos de la
prière) : 'jitna bhav, itna labh' 'tel est le sentiment, tel est le bénéfice'.
***
Tout ce qui existe
n'importe où en ce monde, que ce soit les arbres ou les plantes, les insectes
ou les reptiles, ou tout autre être vivant, leur naissance est en fait votre
naissance, et leur mort est en fait votre mort. Au niveau où tout est contenu
en vous et vous êtes présents en tout, il y a seulement le Un.
***
Guru signifie 'gurutva',
la pesanteur, la gravité qui est attachée au Divin. Lui seul est guru, ou
uniquement celui qui Le connaît. L'initiation signifie que c'est uniquement le
guru ou la divinité d'élection qui se manifeste, car le mantra, le guru et la
divinité, tous ne font qu'un.
***
Qui est guru? Non
seulement le père et là mère mais aussi celui auprès duquel nous obtenons une
connaissance sur des sujets secrets (gur). Tous ceux-ci sont gurus. Celui qui
nous indique un tant soit peu le chemin est aussi guru.
***
Poursuis la pratique
du Nom en l'associant à la respiration. Cet exercice induit un état de
stabilité dans le mental. De plus, ce souffle (prâna) qui est en nous recouvre
le monde entier. Quand on pénètre au coeur de cette grande expérience (mahan
bhav), c'est cette source elle-même qui nous attirera à elle. Essaie d'arriver
au moment où tu plonges dans cette source.
***
Il faut empêcher le
'renforcement' ('khurak' signifie la nourriture mais aussi la dose de
médicament ou le rappel de vaccin) de la tendance à l'extériorisation vritti)
et favoriser le renforcement de la tendance à l'intériorisation. En effet, les tendances
que vous renforcez deviendront un jour si puissantes que vous ne pourrez plus
les arrêter. Ce sont elles qui vous mettront dans un état d'impuissance, c'est
pourquoi on dit qu'il faut décourager l'extériorisation et renforcer
l'intériorisation.
***
Certes, c'est le
monde, c'est pour cela qu'il y a des difficultés, quand on va vers le monde on
est obligé d'avoir des difficultés. Savez-vous ce que sigifie aller vers le
monde? Cela revient, après s'étre blessé, à ouvrir encore plus la plaie.
D'autre part, aller vers Dleu signifie mettre un pansement sur cette plaie.
C'est le lien même avec le monde qui est source de difficulté...Le samadhi aussi
est un stade : quand vous faites une longue route, vous sentez de vous arrêter
un peu pour prendre du repos, Mais une fois que vous êtes arrivés à la maison,
que vous êtes à l'étage ou sur le toit, vous n'avez plus besoin de vous
reposer; la question de détente et de fatigue ne se pose plus.
***
Vous n'avez pas le
droit de dire 'c'est Dieu qui fait tout, il est présent en tout lieu'. Il
arrive un état où l'on expérimente vraiment qu'il fait tout, qu'il est avec
vous partout. Tout ce que vous dites vient d'une connaissance livresque ou par ouie
dire.
***
Sans une forme
divine (sakar), vous ne pouvez aller vers le Sans-forme (nirakar). On va vers
le Sans-forme en passant par l'intérieur de la forme. De même, nous allons au
Gange en passant par un chemin, c'est à dire par une forme; en suivant
celui-ci, on parvient au fleuve. A ce moment-là, la forme ne tient pas plus que
la boue sur les pieds. Et puis quand on sort de là, regardez! Tout est Cela,
que ce soit la forme ou le Sans-forme.
***
QUESTIONS A VIJAYANANA
Q : Est-ce qu'on
peut considérer la colère comme une drogue? Comment la dépasser?
V : Le mécanisme
psychologique de la colère est le suivant : le point de départ est toujours une
sensation pénible venant de notre corps qui nous met mal à l'aise. La tendance
instinctive est de nous en libérer au plus vite et de revenir à un état
d'euphorie. Ces sensations ne sont pas en général dans la conscience claire, et
le mental cherche une cause dans le monde extérieur à laquelle il pourrait
attribuer ce malaise, et en détruisant cette cause, il espère retrouver son
équilibre. Survient tout à coup un individu qui vous insulte ou se conduit
d'une manière grossière. ça y est! C'est lui, la cause de mon malaise!
Le mental fait alors
appel à cette énergie de base toujours présente dans le muladhara et la
transforme en une force destructrice qu'on appeIle colère. Il la dirige vers
l'ennemi. Le malaise étant projeté vers l'extérieur disparaît du champ de
conscience clair. L'énergie libérée momentanément lui donne une impression
agréable de puissance, mais quand la crise de colère est passée, elle est
remplacée par une dépression et l'état de malaise redevient conscient.
Une autre crise de
colère et le même processus a lieu. Il se crée donc une association d'idée entre
les malaises et la colère qui les soulagent pour un moment. II y a alors chez
certaines personnes une addiction aux crises de colère où ils trouvent une
euphorie relative et une impression de puissance. Naturellement, il y a tout le
mauvais karma qu'on a créé dans ces colères et qu'il faudra payer par d'autres
souffrances. Comment se guérir de la colère? Tout d’abord, bien prendre
conscience du mécanisme de projection d'une sensation pénible vers un objet
extérieur. Et aussi comprendre tout le mal qu'on fait aux autres et à soi-même
quand on se met en colère. La colère, comme disent les Ecritures, est une des
portes de l'enfer.
Q :Quel est le rapport du mariage et de la vie
spirituelle?
Pour ceux qui veulent
atteindre le sommet de la voie spirituelle (moksha, nirvana, illumination,
Réalisation du Soi), une chasteté parfaite est indispensable, mais ceux qui
veulent et peuvent atteindre cet état sont très rares. La voie du célibat est
donc une voie d'exception. C'est pourquoi les grands sages ont établi et
enseigné des voies progressives qui permettent à la personne ordinaire d'aller
d'étape en étape, jusqu'à ce qu'elle ait assez de maturité pour aborder le
grand problème qu'est la découverte de la Réalité suprême, et le mariage est
une de ces étapes. L'énergie sexuelle chez l'être humain commun doit être
canalisée, puis être sublimée et divinisée. Les rapports entre un homme et une
femme font partie de la nature, mais de la nature grossière (la prakriti
inférieure). Il existe un niveau où cette union se fait au niveau de la pure
conscience sans contact physique. Dans le mariage physique l'homme doit
considérer sa femme comme un aspect de la Mère divine, et la femme doit voir
dans son mari le Divin masculin. Ainsi pourra se développer un rapport d'amour
et de respect mutuel qui pourra les préparer au véritable amour qui est
impersonnel. Et les rapports sexuels doivent être aussi rares que possible afin
de conserver une précieuse énergie qui pourra les aider à atteindre le Suprême
quand le moment sera venu.
Q : Dans les pays
riches comme la France et La Suède, le taux de suicide est beaucoup plus élevé
qu' en Inde; Pourquoi cela?
V : La personne qui se
suicide le fait pour échapper à la souffrance soit physique soit le plus
souvent mentale. Une personne qui va se suicider (à moins que ce soit un aliéné
mental) a longuement réfléchi avant de prendre cette décision. Ce sont en
général des athées nourris par la philosophie existentialiste qui pensent
qu'après la mort c'est le grand néant. Ce type est commun en Occident; en Inde,
les véritables athées sont trés rares. Chaque hindou a quelque part dans son
subconscient la croyance en un Pouvoir divin ou au moins que chaque action
produit un karma, qu'il y a des vies futures conditionnées par les actes que
l'on fait. Le suicide est considéré comme un crime, et il est censé produire
des renaissances très fâcheuses. Le suicidé, dit-on, devient un preta, un
fantôme très misérable qui a toujours faim et soif et a une bouche trop petite
pour satisfaire ses besoins. Quand ces croyances vous ont été inculquées dès
l'enfance, on réfléchit à deux fois avant de mettre fin à sa vie.
Q : Vous dites que
si les bhaktas de Ma avaient eu plus d'intensité, elle aurait pu rester plus
longtemps dans son corps; pourtant, quand on voit des films de bhajans en sa
présence, n'avait-on pas l'impression qu'ils avaient beaucoup d'enthousiasme
pour chanter avec elle?
La vidéo que vous avez
vue et entendue ne représente qu'un court moment d'enthousiasme. Ce qui est
important, c'est la conduite dans la vie de tous les jours : la droiture,
l'honnêteté et surtout la sincérité dans la recherche de la Vie divine.
EXTRAITS DU JOURNAL DE DIDI
12 juin 1959
Un fidèle arriva avec
son épouse et sa belle-fille. C'était une personne qui était vanaprasthi (le
stade intermédiaire entre la vie de famille et le sannyas); sa belle-fille elle
aussi avait l'intention d'embrasser ce type de vie. Elle semblait être dans un
état particulier; en tout cas, son beau-père ne tarissait. pas d'éloges à son
propos. Il disait que leur Gourou qui vivait à Bénarès avait déclaré, en la
voyant, qu'elle avait un niveau spirituel élevé. Il désirait connaître
l'opinion de Mataji à ce propos.
Ma demanda à la jeune
femme :'Quelles sont tes expériences quand tu médites?' Elle répondit :'Tout
d'abord, je sens une félicité intense, et à la fin de même' répliqua-t-elle, '
et rien du tout entre les deux'.
Mataji expliqua au
beau-père :'C'est encore un stade élémentaire. Vous pouvez le comprendre de
vous même : tant que le mental-ego persiste, il ne peut y avoir de samadhi.
Néanmoins, on peut dire que son mental et son corps ont atteint un certain
degré de calme. Quant elle dit 'Ensuite, rien du tout ' qui est celui qui
expérimente tout cela ? C'est le mental individuel qui est actif, il n'y a pas
de Samadhi.
Après quelque temps,
Mataji poursuivit :'Quelqu'un d'autre vint aussi à ce corps, en déclarant qu'il
n'avait plus aucun intérêt dans quelque travail ou occupation que ce soit,
puisque son esprit était absorbé en samadhi et que son pouvoir de Kundalini
s'était éveillé. En parlant, il utilisait fréquemment les mots 'je' et 'le
mien'. II a eu l'occasion de comprendre juste à ce moment-là qu'on ne pouvait
parler de samadhi tant qu'il y avait 'je' et 'le mien'. Dans le samadhi réel,
rien de tout cela ne survit. Regardez, la mangue qui est mûre sur l'arbre
n'appelle pas à grand cris :'Je suis mûre, venez et prenez-moi!' Si personne ne
la cueille, elle tombe d'elle-même sur le sol. Voyez-vous la beauté de cela?
Elle retourne à la place même d'où elle est venue.'
Extraits du
Volume VI (traduction
anglaise parue cette année)
10 décembre 1937
Ma poursuivit 'Le coeur
est le siège de toutes les expériences, heureuses ou malheureuses. C'est en
fait l'asana (siège et aussi tapis pour la méditation) de Dieu lui-même. Si la
personne à laquelle l'asana appartient n'y est pas assise, on ne peut obtenir
de paix permanente. Si on y installe une autre entité, cela ne peut mener qu'à
l'inquiétude et l'instabilité, car elle ne sera pas capable de maintenir le
caractère sacré du pur asana. Cela aboutit aux allers et retours (de naissance
en naissance). C'est pourquoi il est particulièrement avantageux pour nous
d'installer Celui auquel l'asana appartient de droit.
Il est en fait toujours
assis sur cet asana et le but de notre sadhana est d'essayer de Le manifester.
Quand ceci arrive, nos conditionnements (samskaras) liés à la notion
d'individualité disparaissent, on atteint le chakra situé entre les sourcils et
la forme brillante avec tant de couleurs s'épanouit.
Ma rit et dit,
'Savez-vous ce que j'ai vu? C'était comme un système d'irrigation, quand vous
versez l'eau dans un canal, elle s'écoule par d'autre canaux jusqu'à un grand
réservoir éventuellement qu'elle remplit, et tout ceci naturellement. De même
qu'un fleuve s'écoule vers l'océan, de même c'est la règle que la kundalini
shakti aille seulement vers le haut à partir du muladhara d'une place à
l'autre, progressivement, du premier. chakra au second, etc jusqu'au moment où
elle atteint le sahasrara."(p.5)
Après un long
intervalle sans kriyas (manifestations visibles de l'extase), Ma de nouveau
rentra en transe pendant un kirtan. Jyotish Dada (Bhaiji) lui demanda :'On dit
que certains kriyas sont apparus pendant une phase précédente de votre
existence, et ensuite il y a eu de grands changements dans votre état. Pourquoi
donc ces kriyas reviennent-ils maintenant ?' Ma répondit : 'Vous pouvez poser
ce genre de questions, mais savez-vous ce qui arrive à l'intérieur d'un
sadhaka? Chaque état est remplacé par un autre et un progrès régulier s'ensuit;
mais dans le cas de ce corps tout est différent, c'est pourquoi tout apparaît
sens dessus-dessous et l'écoulement se fait au hasard. Il se peut qu'à vos yeux
un kriya associé avec un état très élevé se manifeste dans ce corps et que plus
tard, vous observiez un kriya plus ordinaire. Dans ce corps, il n'y a rien
d'élevé ou de bas. Quelque soit le besoin de vous, les gens, à un moment donné,
ce corps agit en fonction pour y répondre.
Je posais la même
question que Bhaiji plus tard; et Ma me répondit de façon similaire; quand je
l'interrogeais sur l'éclat de son corps, elle dit : 'Savez-vous ce que j'ai
observé à certains moments? C'était comme si ce corps était la lumière
personnifiée; et l'endroit où je me trouvais était inondé par la même lumière.'
Ma s'est réveillée
aujourd'hui à environ dix heures. On a lavé son visage et ses mains. Elle
s'assit sous un arbre et je m'assis auprès d'elle. Après avoir entendu dire
qu'elle était arrivée, de nombreuses personnes vinrent pour lui présenter leurs
respects (littéralement : 'prendre la poussière de ses pieds) et lui faire
pranam. J'étais en conversation avec elle. Nous en vînmes à parler des shastras
(écritures sacrées). Ma dit :'Savez-vous ce que sont les shastras? 'sva astre',
cette arme (astra) qui peut couper les liens qui attachent au monde.' Ensuite
on en arriva à la question de savoir quelle était la signification du mot
'shishya' (disciple) Ma dit :'Sva, Éva, c'est à dire établir sa personnalité
réelle, expliquer la nature véritable qui est indivisible, c'est à dire la
révéler. 'Shasya' signifie semer une graine et cultiver une plante (shasya).
Cela revient à planter une graine, faire pousser la plante et révéler la nature
du fruit.' En entendant tout ceci de la bouche de Ma, un chant me revint à
l'esprit :
'Mon re krishi kaj ja no na.
Emon manob jomin roilo potit
abad korle pholto shona.'
c'est à dire : 'O mental, tu ne connais pas l'art de la culture. Ce terrain excellent d'une naissance humaine est en jachère. Si tu le labourais, il produirait de l'or.' Nous allâmes nous coucher vers deux heures du matin.
LA RECONNAISSANCE DU SEIGNEUR
Pratyabhijrna, ou la
reconnaissance du Seigneur, est une notion centrale du Shivaïsme du Cachemire,
une école qui a d'abord été illustrée par Utpaladeva (cf ses hymnes à Shiva, un
bel exemple de dévotion débouchant sur la non-dualité, publiées par
A.Maisonneuve) puis s'est épanouie avec Abhinavagupta (Xe-XIe siècle). Ce
dernier a écrit un commentaire (vimarsini) sur des versets d'Utpaladeva à ce
sujet. Colette Poggi nous a envoyé des pages de sa thèse de doctorat en
philosophie où elle traduit ce texte; nous reproduisons les derniers versets de
l'ouvrage. Colette, une lectrice de Jay Ma, vient de retravailler ce texte pour
la collection 'La Pléïade' qui prépare une publication sur les philosophes
indiens. Ceux qui veulent en savoir plus sur Abhinavagupta peuvent se référer
aux ouvrages de Lilian Silburn (Paramarthasara chez de Boccard par exemple).
L'histoire classique qui illustre la reconnaissance du Divin est celle du
prince qui est enlevé bébé par des voleurs. Quand il est adolescent, les
ministres du roi le retrouvent élevé par une famille pauvre dans la forêt. Pour
ne pas le choquer, ils ne lui disent rien mais l'engagent au palais dans un emploi
peu élevé, puis petit à petit le font progresser jusqu'à ce qu'il devienne le
serviteur particulier du roi; à ce moment-là, il est devenu mûr pour la
'reconnaissance' et ils lui révèlent la vérité.
Verset 1 (d'Utpaladeva)
: Seul le Seigneur suprême et unique est le Soi intime de tous les êtres
vivants, il est pleinement imprégné de cette prise de conscience exempte de
dualité "Je suis l'essence universelle ! ''
verset 15 : Ayant
acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et d
'action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être
réalisé agit à son gré et connaît tout ce qu'il désire.
Sachant que le Soi a
pour essence Shiva, que les énergies de connaissance et d'action se ramènent en
fait à sa liberté suprême, et que celle-ci ne fait en fait qu'un avec Lui, il
réalise qu'il est le Soi, et non tel principe qu'évoquent les Kanadas.. Il
prend conscience que les énergies. de connaissance et d'action ne sont pas
distinctes du Seigneur. Se consacrant alors de tout son Coeur à l'absorption
(samavesha) il est capable de faire et connaître tout ce qu'il désire, alors,
même qu'il est lié à un corps. Celui qui cependant n'adopte pas cette attitude
est délivré de son vivant, mais ne devient le Seigneur suprême qu'une fois la
mort venue.
Même si l'expérience
personnelle (svapratyaya) tient dans ce domaine une place importante, on
considère néanmoins que (la transmission de) l'enseignement, sauvegardée par la
lignée des maitres (guruparampara) doit venir confirmer celle-ci;
l'intelligence des traités (shastradrishti) a été ainsi considérée comme
critère essentiel de qualification (adhikara) dans le livre des Agamas
(écritures sacrées shivaïtes du Moyen Age). Cet enseignement se fonde donc à la
fois sur le maître, les traités et sa propre expérience. L'auteur indique ainsi
quelle est, dans cette école, la lignée des maîtres.
Verset 16 - Ainsi cette
nouvelle voie est aisément praticable; je la révèle ici telle qu'elle fut
naguère évoquée par notre vénéré maître dans le traité intitulé 'La vision de
Shiva' (Shivadrishi). Quiconque, de ce fait, s'engage sur ce chemin et se
reconnait soi-même créateur de l'univers parvient à la réalisation (siddhyati)
sitôt qu'il pénètre le domaine indifférencié qu'est l'état de Shiva (shivata).
Voie méconnue, enfouie
au coeur de tous les textes sacrés, et de ce fait restée secrète, cette
(approche) toute nouvelle (abhinava) apparaît aisée car dénuée des tourments
(klesha) liés aux pratiques internes et externes telles que le contrôle du
souffle (pranayama), etc...C'est ainsi que l'évoque l'excellent et illustre
maître Somananda dans son traité intitulé 'Vision de Shiva'. Et nous avons
tenté, tout au long de cet ouvrage, de mettre en lumière le contenu de son
enseignement, chassant les doutes et repoussant les objections émises à son
encontre par les protagonistes des autres systèmes. En vérité, la teneur de cet
enseignement trouve un écho favorable auprès de maîtres divers, en de nombreux
textes sacrés, et se vérifie également à l'épreuve de notre expérience
personnelle! (Fort de cette foi en notre traité) l'aspirant fervent focalise
toute l'énergie de la conscience sur le sens de ses propos, et réalise qu'il
détient en soi la souveraineté (aisvarya) caractérisée par l'efficience
cosmique (vishvakartritva); grâce à cet élan d'adhésion totale et à travers
cette prise de conscience (paramarsha) il devient libéré-vivant (jivanmukta) et
le Seigneur Shiva en personne. Voici à ce propos quelques versets du maître
extraits de la Shivadrishti :
''Lorsqu'on sait, grâce
à une conscience (pratipati) inébranlable, l'essence de Shiva présente en tout
ce qui existe, à quoi bon avoir recours à la contemplation (bhavana) ou à tout
autre moyen? Sitôt l'or connu, a-t-on encore besoin de l'évoquer (bhavana) ou
de quelqu'autre investigation? Cette connaissance-là, en effet, est
irréfutable, à l'image de celle que nous avons de nos parents!"
Ayant ainsi réalisé son
identité à Shiva, si l'on demeure à jamais imprégné de cette réalité et que
l'on y plonge la triade complète composée du corps et du souffle, de
l'intellect et du vide (shunya, cad le monde des objets non-sensibles), ou bien
deux sinon un seul de ces éléments, on a alors accès à l'intégralité des
pouvoirs surnaturels (vibhuti) et même au suprême (parivibhuti)
Verset 17 - Même si
elle se tient auprès de ce bien-aimé dont elle a enfin gagné la faveur au prix
d'infinies prières, cette présence ne comblera pas de joie celle qui l'attend
aussi longtemps que cette jeune femme ne l'aura pas reconnu d'entre les hommes
ordinaires !
Ainsi, à l'image de ce
héros dont les vertus passent inaperçues, le Seigeur universel, essence de
toute chose, n'apparaît pas dans sa gloire innée.
Une jeune femme sent
grandir en elle un puissant amour pour un héros dont elle a appris les (merveilleuses)
qualités. Pleine de désir pour lui, aspirant par-dessus tout à le rencontrer,
elle se montre impuissante à maîtriser les élans de son coeur; nuit et jour,
elle implore les dieux, demande des messagers qui emportent vers l'aimé ses
lettres et lui révèlent le trouble profond qui la tourmente. Elle ne quitte
plus le seuil de sa demeure, et son corps de jeune liane, éprouvé par un éloignement
trop cruel, se dessèche. Mais cédant enfin à ses prières et à son désir, voici
que ce héros soudain se tient devant elle; mais bien qu'elle regarde son
bien-aimé, elle ne le distingue aucunement des hommes ordinaires, car elle
n'emprunte pas la voie de la prise de conscience (paramarsha marga) (qui lui
révèlerait) l'excellence de ses qualités. Ainsi sa vision, bien qu'effective,
ne comble pas son coeur!
Il en va de même pour
le Seigneur, Soi universel, car, bien qu'il resplendisse sans trêve, ce
rayonnement (nirbhasana) ne comble pas de plénitude le coeur des hommes. Ils ne
réalisent pas en effet que ce Soi détient la souveraineté ultime
(paramaishvarya) caractérisée par sa propre énergie de connaître, d'agir,
etc... Dénuée d'obstacles et universelle; de même, tout ce qui existe, jarre,
etc..., brille (non distinct du Soi).
Mais, lorsque soudain,
sur une parole (du messager) ou par la reconnaissance d'une caractéristique du
héros ou à l'aide d'un autre moyen peut-être, la jeune femme prend enfin
parfaitement conscience des qualités éminentes du héros (qui se tient devant
elle) comme étant celles-là mêmes de son bien-aimé, alors en un instant cette
subite réalisation fait s'épanouir son coeur et la comble de plénitude. Ainsi,
grâce au plaisir renouvelé de l'union, elle accède à la quiétude et aux autres
(saveurs de l'apaisement).
De même, lorsque dans
son coeur on identifie son propre soi à la sublimité de Seigneur suprême grâce
à la parole du maître, ou la reconnaissance (abhijnana) de traits
caractéristiques (qui lui sont propres telles) les énergies de connaissance et
d'action etc, alors survient à cet instant la libération dans la vie
(Jivanmukti) qui est la plénitude même. Par la saveur réitérée de l'absorption
(samavesha), l'on accède aux pouvoirs divins (vibhuti). Seule la reconnaissance
du Soi est donc à l'origine des perfections surnaturelles (siddhi), inférieures
et supérieures.
Ce traité (shastra) est
un bienfait ineffable accordé à tous les hommes car il offre le fruit suprême
(mahaphala). Souhaitant éveiller chacun
à la reconnaissance et
éveiller la confiance envers cette voie par la remémoration des qualités
éminentes qui en résultent, ainsi que du nombre important d'êtres pleinement
réalisés (prasiddha) qui l'ont empruntée,l'auteur cite le nom de son père en
conclusion :
verset 18 - Voici la
Reconnaissance du Seigneur, composée par Utpaladeva, fils d'Udayakara, afin que
chacun accède sans effort (ayatna) à la Réalisation (siddhi, avec ses deux sens
de pouvoirs surnaturels et de Réalisation complète).
Traduit du sanskrit par Colette Poggi
LE MARCHAND ET SES TROIS FILS
Conte du sud de l'Inde
Il était une fois un
marchand qui avait trois fils. Sentant sa fin prochaine, il appela et leur dit
: je lèguerai mon commerce à celui d'entre vous qui saura le plus faire preuve
d'intelligence. L'épreuve consiste à remplir complètement une pièce en
dépensant le moins d'argent possible.
Le premier fils remplit
une pièce entièrement de coton : lorsqu'il ouvrit la porte, le père ne fut pas
convaincu. Le second fils en remplit une autre de paille, qui tomba sur la tête
du père quand ce dernier ouvrit la porte; il ne fut pas non plus convaincu. Le
troisième fils ramassa sur le bord de la route un tesson de poterie et un bout
de ficelle, acheta pour un dixième de roupie d'huile, constitua une petite
lampe et l'alluma au milieu de la chambre obscure, si bien qu'elle était
remplie de lumière quand le père en ouvrit la porte. Ravi, le vieil homme
confia son héritage au troisième fils.
LA COMPASSION DE MA A TRAVERS SA
CORRESPONDANCE
(Raconté par Rajat Rumar Narayan le
soir de Guru Purnima)
Rana Gosh, le fils de
Shailen Gosh, un ancien fidèle de Ma très connu à Calcutta, partait faire des
études en Occident pour environ deux ans. Au moment de prendre la bénédiction
de Ma, celle-ci lui dit 'Ecris-moi toutes les semaines.' 'Ma, je vais sans
doute être à court de choses intéressantes à raconter!' 'Ce n'est pas grave,
parle-moi de ta vie, de ce que tu penses, de ce que tu manges, dis-moi ce que
tu veux mais écris-moi toutes les semaines.'
Et la chose étonnante,
c'est que Ma lui a aussi répondu toutes les semaines, ce qui fait que Rana a
une collection d'environ 108 lettres dictées par Ma. L'autre chose étonnante
était que lorsqu'une réponse de Ma 'arrivait', c'est à dire environ trois
semaines après avoir été écrite, il y avait dedans la solution de problèmes
qu'il se posait au moment même ou dans les jours juste précédents. Maintenant
encore, il reprend ces lettres de Ma et trouve des solutions à ses problèmes
actuels.
En 1981, ma mère
(elle-même la fille de Bajaj, qui a connu Ma, était trésorier du Congrès et
parmi les proches de Mahatma Gandhi) avait 65 ans environ. Sa santé n'avait pas
été bonne dans les années précédentes, et elle a fini par avoir une occlusion
intestinale à cause d'adhérences dues à une tuberculose de la région. C'était
une urgence chirurgicale, on a ouvert l'abdomen, retiré cinq litres de liquide
d'ascite, vu qu'on ne pouvait pas opérer l'intestin lui-même qui était trop
atteint, et on a refermé. A ce moment-là, Ma était à Naimisharanya où il n'y
avait pas de téléphone. J'ai quand même réussi à joindre un opérateur qui
habitait à trois kilomètres de là où se trouvait Ma et qui a été faire la
Commission à Bhaskarananda. Ma a répondu un télégramme où elle disait comme à
son habitude dans ces cas-là :'Faites le meilleur traitement et priez Dieu.'
Peut-être avait-elle ajouté 'Tenez-moi informée'. Pendant les vingt jours
post-opératoires où l'état de ma mère restait grave, j'ai envoyé à Ma un
télégramme quotidien. Cinq jours après l'intervention, les intestins ont
recommencés à fonctionner, les médecins ont dit que c'était un miracle, et
finalement elle s'en est sortie. Elle est toujours bien vivante et va fêter ses
80 ans le mois prochain.
Ma, j'ai entendu dire
qu'il est nécessaire de tester le Guru et que le disciple doit aussi être testé
par le Guru. Avant même que la question ait été complètement énoncée, Ma
répliqua 'Savez-vous comment c'est? C'est exactement comme on examine le gendre
avant de lui donner la fille en mariage. Une fois que le mariage est célébré,
on est supposé ne plus poser de questions'.
ENTRE REVE ET REALITE
Pensées extraites du Yoga-Vasishta
Introduction
Le Yoga-Vasishtha est
un texte médiéval indien qui présente l'enseignement du sage (rishi) Vasishta à
Rama adolescent, celui-ci étant un avatar, c'est à dire une descente du divin venue
sur terre pour rétablir la loi juste, l'ordre du monde (dharma). Il est
intéressant de noter qu'en Inde, même des avatars comme Rama et Krishna jouent
le jeu du disciple pour s'adapter à la société et à la culture dans laquelle
ils sont venus.
La première partie de
l'ouvrage est une longue réflexion de l'adolescent Rama frappé par l'absurdité
de l'existence, et se mettant à chercher un sens. Par son discernement aigu, il
développe un intense sens du détachement. Il conclut en demandant à Vasishtha
qui l'écoutait avec toute la cour :'Qui sont ces héros qui le sont libérés de
l'illusion? Et quelles méthodes ont-ils adopté pour se libérer? Si vous
considérez que je suis ni compétent, ni capable de comprendre cela, je vais
jeûner jusqu'à ce que mort s'ensuive." (I, 31) Vasishtha et toute la cour
louent l'intensité du jeune prince, et à partir de là commence l'enseignement à
proprement parler.
Une ides fondamentale
du texte, c'est que le monde est un rêve, et que seule la Conscience absolue
peut être considérée comme réelle. En philosophie, on appelle ce point de vue
le subjectivisme absolu. Cette doctrine est directement influencée par l'école
bouddhiste du vijnanavada. C'est en quelque sorte une exagération du védanta
classique de Shankarâcharya, qui ne va pas jusqu'à dire que tout est rêve, mais
qui dit simplement qu'on ne peut affirmer formellement ni l'existence, ni la
non-existence du monde tel qu'il nous apparaît. Pour le sage, cette question
reste comme en suspens. Au départ, le chercheur spirituel est influencé par le
matérialisme environnant, et cette méditation consistant à voir le monde comme
un rêve est une étape permettant de le déconditionner de cette influence. Si un
carton est plié dans un sens, on le plie complètement dans l'autre sens pour que
finalement il redevienne droit.
Cet enseignement
non-dualiste est considéré dans la tradition indienne comme le couronnement de
toute une évolution qui passe par la pratique des rituels, une vie religieuse
et le plus souvent l'expérience durant de nombreuses années de la dévotion à un
Dieu personnel. Il s'agit d'un enseignement élevé, nécessitant en pratique une
préparation pour être réalisé. Cependant, une vision intellectuelle claire du
but non-duel de l'évolution intérieure est une grande aide même pour le
débutant.
L'enseignement est
illustré par nombre d'histoires à tiroir où le héros s'endort au cours d'un
rêve, et fait un autre rêve où il revient à la réalité de départ, sans plus
trop savoir où il en est. Tout ceci a pour but d'assouplir notre croyance
dogmatique et quasiment jamais remise en question en la réalité de l'apparence
du monde extérieur. Pour le Yoga-Vasishtha, l'étre libéré (jivan-mukta) est
celui qui peut agir tout en gardant un état de sérénité et d'unité intérieure
comme, s'il était en état de sommeil profond.
Comme dans le zen, le
Yoga-Vasishtha insiste sur la nécessité d 'aller au-delà du corps et du mental.
Le méditant avancé qui y réussit peut alors avoir une expérience trés positive
de ces deux niveaux, qui deviennent des serviteurs obéissants pour celui qui
sait comment les prendre. Nous citons ci-dessous un beau passage sur le sage
considéré comme roi de son propre corps.
Voir le monde comme un
rêve a été source de sagesse et d'inspiration non seulement pour l'Orient, mais
aussi pour l'Occident, bien que de façon moins systématisée philosophiquement
et mystiquement parlant. Nous pouvons citer par exemple ces réflexions de
Clotaldo extraites de 'La vie est un rêve' de Pedro Calderon de la Barca
(1600-1681), le célèbre dramaturge madrilène : "Et qu'arriverait-il si
notre vie à l'état de veille, comme notre sommeil, n'était qu'un rêve dans
cette vie éternelle à laquelle nous ne nous éveillerons qu'au moment de nous
endormir dans la mort?"...."Et toute cette scène de théâtre de note
vie sur terre, où nous semblons être des acteurs si occupés, et les rôles que
nous jouons ne sont pas plus substantiels que l'ombre d'une ombre, et le fait
de rêver n'est qu'un rêve dans le rêve!"(Acte III)
Les extraits
ci-dessous ont été traduits de l'édition anglaise de Swami Venkatesananda
(Divine Life Society, Rishikesh). C'est une version semi-abrégée, en 750 pages,
du texte sanskrit oiginal.
Quand l'esprit est en
paix et que le coeur va d'un bond jusqu'à la vérité suprême, quand toutes les
vagues de pensées gênantes qui agitent la substance mentale se sont apaisées,
qu'il y a un flot de paix ininterrompu et que le coeur est empli de la félicité
de l'Absolu, quand on a vu de cette façon la vérité dans le coeur, ce monde
même devient une demeure de félicité.(II,12)
Celui qui n'est pas
affecté par les autres tout en vivant au milieu d'eux, qui n'a ni excitation ni
haine comme quelqu'un pendant le sommeil, celui-là a atteint le Contrôle de
soi.(II,13)
Même les paroles d'un
jeune garçon doivent être acceptées si ce sont des paroles de sagesse; si elles
n'en sont pas, rejette-les comme de la paille, fussent-elle prononcées par
Brahman le créateur lui-même.(II,18)
Ce n'est pas faire
preuve de sagesse que de déclarer la vérité ('Brahman seul est réel') à
l'ignorant. En effet, la réalité de l'apparence du monde qui a pris
profondément racine dans le coeur de l'ignorant, ne sera pas dissipée si ce
n'est par un questionnement profond à propos du sens des Ecritures.(IV, 31)
Ne sois pas mené par
les autres; seul les animaux sont menés par les autres. Réveille-toi du sommeil
de l'ignorance. Réveille-toi et bats-toi pour mettre fin à la vieillesse et à
la mort.(IV,32)
La non-reconnaissance
de l'existence de la paix suprême dans le coeur et la croyance a priori en la
réalité de facteurs en faits imaginaires, tout cela est né d'une connaissance
imparfaite et de la logique pervertie qui en résulte. (II, 20)
Pour l'ignorant, ce
corps est source de souffrance; mais pour celui qui est éveillé, ce corps est
la source d'une joie intense et infinie. Tant que le corps existe, le sage en
retire un grand plaisir et la joie de l'éveil, et quand le compte de ses jours
touche à sa fin, il ne considère pas du tout cela comme une perte. Puisque
c'est par le corps que le sage fait l'expérience des différents sens et gagne
l'affection et l'amitié des autres, c'est pour lui une source de bénéfice. Tant
qu'il demeure dans cett cité appelée corps, l'être éveillé règne avec bonheur,
à la manière d'Indra le roi des cieux dans sa capitale...Celui qui habite un
corps entre légèrement en contact avec celui- ci tant qu'il dure, mais n'est
plus touché par lui quand il s'en va, de même que l'air touche un vase qui
existe, et non pas un qui n'existe pas... De même que si vous savez que
quelqu'un est un voleur et que vous êtes en rapport avec lui en tenant compte
de cette information, il peut devenir votre ami, de même quand vous profitez
des objets extérieurs en connaissant leur vraie nature, ils vous procurent de
la joie. Le sage qui a dépassé tous les doutes et dans lequel il n'y a pas d’image
de soi règne suprême dans le corps.(IV,23)
Pour le sage, le mental
est un serviteur obéissant, un bon conseiller, un maître des sens compétent,
une femme agréable, un père protecteur et un ami fidèle. Il le pousse à faire
de bonnes actions.(IV, 24)
Tel l'effort, tel son
résultat, ô Rama; c'est ce que signifie l'effort qu’on fait
Par soi-même sur
soi-même et on l'appelle aussi destinée ('daiva'; qui peut également signifier ‘dieu’).
Quand ils sont en proie à la souffrance, les gens se mettent à pleurer 'Malheur
! Quelle tragédie!' 'Hélas, voyez quel est ma destinée!', les deux signifiant
la même chose. Ce qui est appelé destinée ou volonté divine n'est rien d'autre
que l'action ou l'effort du passé. Le présent est infiniment plus puissant que
le passé. Il sont en fait stupides, ceux qui sont satisfaits avec les fruits de
leurs efforts passés (qu'ils considèrent comme la volonté divine) et ne
s'engagent pas dans un effort sur eux-mêmes dans le présent...Le sage doit bien
sûr savoir ce qu'on peut obtenir par l'effort, et ce qu'on ne peut pas...Rama,
ce sage Vishvamitra est devenu un Brahmarishi par l'effort; nous tous (les
autres rishis, les sages à l'origine de l'hindouisme) avons atteint la
connaissance de nous-même par l'effort seulement. C'est pourquoi, renonce au
fatalisme et fais effort. L'effort spirituel est rendu en sanscrit par
'purusharta' qui signifie aussi ' le but de l'homme ', et éventuellement 'la
richesse de l’homme’.(II, 6, 8)
Celui qui voit que le
plaisir et la douleur se chassent et s'annulent l'un l'autre retire de cette
sagesse le contrôle de lui-même et la paix. Celui qui ne voit pas cela dort
dans une maison en flammes.(II,13)
L'Un ne devient jamais
multiple, ô Rama. Quand de nombreuses bougies sont allumées successivement
l'une à partir de l'autre, c'est la même flamme qui brûle en chacune d'elle; de
même, le Brahman unique semble être multiple. Quand on contemple l'irréalité de
cette diversité, on est libéré de la souffrance.(lII, 66)
(Vasishtha raconte
l'histoire d'une femme démon, Karkati, qui après un certain temps se retire
dans l'Himalaya, tourne complètement son attention vers l'intérieur et obtient
la Réalisation. Il en fait l'éloge en ces termes) : 'Elle a atteint la
connaissance directe de la cause suprême de toute chose, de la cause sans cause
par son propre examen de l'intelligence au-dedans d'elle même. ô Rama, il est
certain qu'une recherche directe dans les mouvements de pensée de sa propre
conscience ne représente nul autre que le guru ou le précepteur suprême.(III,
75)
(Comme il faut quand
même qu'elle se nourrisse, Karkati obtient des dieux l'autorisation de dévorer
ceux qui sont réfractaires à l'enseignement de sagesse... Elle rencontre dans
une forêt profonde un roi et son ministre et pose au monarque des sortes de
questions de Sphinx à propos du Soi) : '0 roi, qu'est-ce qui est un et pourtant
multiple, et dans lequel des millions d'univers se fondent comme les vagues
dans un océan? Qu'est-ce qui est pur espace, bien qu'il ne semble pas être
ainsi? Qu'est-ce qui est moi en toi et toi en moi; qu'est-ce qui bouge et
pourtant ne bouge pas, qui demeure immobile bien qu'en fait il n'en soit pas
ainsi; qu'est-ce qui est un rocher, bien que conscient, et qui joue des tours
merveilleux dans l'espace vide; qu'est-ce qui n'est ni le soleil, ni la lune ni
le feu et pourtant brille éternellement; qu'est-ce qui n'est autre que le soi à
l'intérieur de chacun, mais qui pourtant n'est retrouvé qu'après de nombreuses
existences d'efforts persistants et intenses ?
Qu'est-ce qui se
manifeste et s'évanouit en alternance, de même que l'arbre vient de la graine
et que la graine vient de l'arbre successivement.' O roi, quel est le créateur
de cet univers, par le pouvoir duquel tu fonctionnes comme roi, protégeant tes
sujets et punissant les méchants? Qu’est-ce qui, par le simple fait d'être vu,
purifie votre vision et vous fait exister comme 'cela' seulement, sans
division? O roi, pour échapper à une mort certaine, réponds à ces questionne
(III, 79). Le roi répond qu'il s'agit du Soi, et il est sauvé avec son
ministre.
Vashista dit: Quand
deux êtres éveillés se rencontrent, leurs coeurs fusionnent dans la paix et la
félicité, de même que les eaux de deux torrents se melent à leur
confluent.(III, 78)
Dans l'espace de la
conscience, qui est aussi minuscule qu'un atome, toutes les expériences
existent, de même que dans une goutte de miel il y a l'essence subtile des
fleurs, des feuilles et des fruits. De cette conscience se développent toutes
les expériences, car le fait d'expérimenter est le seul expérimentateur (les
deux n'étant pas différents de la conscience).(III, 81)
Le sage ne désire pas
agir; et il ne désire pas non plus abandonner l'action. (III , 88)
La maladie physique ou
psychique, pas plus que les malédictions ou le 'mauvais oeil', ne peuvent
toucher le mental de celui qui se consacre au Soi; de même, une fleur de lotus
ne peut casser en deux un rocher en tombant dessus. C'est pourquoi on doit
s'efforcer avec le mental même d'amener le mental à prendre la route qui est
pure.(III, 92)
Quand la conscience
abandonne la recherche consistante de soi (et du Soi) et se laisse aller à
jouer avec les innombrables pensées qui vont et viennent, on l'appelle
conscience individuelle.(III, 96)
Quand on l'observe en
profondeur, le mental s'absorbe dans son substrat, et quand il s'absorbe de
cette façon, il y a la félicité suprême. (III, 97)
(Voici maintenant un
conte typique du Yoga-Vasishtha, nous donnant le goût de dépasser le labyrinthe
de nos formations mentales) :
"Un jeune garçon
demanda à sa grandmère de lui raconter une histoire, ce qu'elle fit tandis
qu'il écoutait avec grande attention :
"Il était une fois
une cité qui en fait n'existait pas; y demeuraient trois princes qui étaient
joyeux et pleins de valeur. Des trois, deux n'étaient pas nés et le troisième
n'était pas conçu. Le malheur voulut que toute leur famille meure. Les princes
quittèrent leur ville de naissance pour aller ailleurs. Incapable de supporter
la chaleur du soleil, ils s'évanouirent au bout de peu de temps. Leurs pieds
étaient brûlés par la chaleur intense du sable, les pointes des herbes
desséchées les perçaient. Ils parvinrent à l'ombre de trois arbres, parmi
lesquels deux n'existaient pas et le troisième n'était pas même planté. Après
s'être reposés là pendant quelques temps et avoir mangé les fruits de ces
arbres, ils reprirent la route.
Ils atteignirent les
berges de trois rivières; des trois, deux étaient sèches et dans le troisième
il n'y avait pas d'eau. Les princes y prirent un bain rafraîchissant et y
apaisèrent leur soif. Ils arrivèrent ensuite dans une grande cité qui était sur
le point d'être construite. En y entrant, ils y trouvèrent trois palais d'une
beauté sans égale. Des trois, deux n'avaient pas étés du tout construits,
tandis que le troisième n'avait pas de murs. Ils pénétrèrent dans le palais et
trouvèrent trois plats en or; deux d'entre eux avaient été brisés, et le
troisième franchement réduit en poussière. Ils saisirent celui qui avait été
pulvérisé. Ils prirent 99 moins 100 grammes de riz et le mirent à cuire. Ils
invitèrent alors trois hommes de Dieu pour être leurs hôtes; des trois, deux
n'avaient pas de corps et le troisième n'avait pas de bouche. Une fois qu'ils
se furent restaurés, les trois princes mangèrent les restes ('prasad',
considéré comme nourriture sacrée). Ils en retirèrent un grand plaisir. C'est
ainsi qu'ils vécurent en cette cité pour bien longtemps, dans la paix et la
joie." Mon enfant, voici une légende extrêmement belle; je t'en prie,
souviens-t-en toujours et tu deviendras un homme de savoir.'(III, 101)
Le mental prend la
forme même de ce qu'on contemple, que ce soit un élément de la nature ou de la
culture. C'est pourquoi contemple résolument, mais intelligemment aussi l'état
au-delà de la souffrance, libre de tous les doutes. Le mental est capable de se
maîtriser lui-même; de fait, il n'y a pas d'autre voie.(III, 112)
O Rama, abandonne le
conditionnement mental qui est seul responsable pour la perception de la
dualité, et demeure totalement non-conditionné. Tu parviendras alors à un
niveau de prééminence vis-à-vis de tous. (III, 114)
Toute relation est
réalisation de l'unité qui existe déjà; on ne la regarde comme relation qu'à
cause de la croyance fausse et illusoire d'une division entre sujets et objet. En
fait, il n'y a qu'un Tout, la Conscience infinie.(III, 121)
Le jeune méditant dans
la forêt paraissait avoir atteint un état de quiétude totale du mental, où le
jeu des pensées et contre-pensées avait cessé. Il était absolument pur, comme
un cristal qui n'est pas même intéressé à refléter ce qui est autour de
lui.(IV, 14)
Aussi longtemps qu'on
voit ce qui est vu avec le sentiment intérieur qu'il s'agit d'objets de
perception (différent de soi-même), la réalisation de Brahman est de fait bien
éloignée.(IV, 18)
C'est quand on
expérimente la vérité qu'on est libéré de l'illusion. Du même coup, son désir
forcené pour les plaisirs s'atténue. C'est la seule preuve de sagesse. Un pot
de nectar en peinture n'est pas du nectar, ni une flamme en peinture une flamme,
et la peinture d'une femme n'est pas une femme : les paroles de sagesse ne sont
que des mots, pas de la sagesse tant qu'elles ne sont pas concrétisées par
l'absence de désir et de colère.(IV, 18)
Celui qui est empli du
lait de la douceur humaine est sûrement la demeure du Seigneur Hari (Vishnou,
qu'on dit reposer allongé sur l'océan de lait). (IV, 32)
Quand le mental a été
purifié par des pensées et des actions pures, il adopte la nature de l'infini,
de même qu'un vêtement pur prend la couleur facilement.
Quand le mental abandonne la relation de sujet
à objet qu’il a avec le monde, il est absorbé instantanément dans l'infini.(IV,
35)
NOUVELLES
- Mort de Maroni au
mois d'août : Maroni était la petite fille de la soeur de Didima (la mère de
Ma). Le mari de Ma, Bholonath, s'était pris d'affection pour elle et l'avait
adopter. Elle avait donc été éduquée de très près par Ma, elle dormait quand
elle était petite avec Ma et Bholanath. Elle était souvent à Kankhal. Au
dernier anniversaire de Ma, elle avait chanté des bhajans, ce qu'elle faisait
toujours avec une grande énergie. Elle avait plus de 70 ans, avait été mariée
mais vivait depuis longtemps dans les ashrams de Ma. Quelques jours avant son décès
subit et inattendu, elle était venue saluer Vijayananda comme elle le faisait
souvent le soir en face du samadhi, mais cette fois-ci elle lui avait dit :
'Vijayananda, je vous aime beaucoup'. A la fin de sa vie, elle avait pris comme
nom 'Niropa Ma' 'mère sans forme', comme si elle se préparait à quitter sa
forme corporelle.
- Le Centre
international a commencé à être fonctionnel début août, avec comme premiers
hôtes Chantale et Jean-Luc de Plougastel en Bretagne, lecteurs de Jay Ma et
suivant la voie spirituelle du Yoga. Une bibliothèque a été constituée, et
Shantimayi (Karine Huvelle) va s'installer au Centre à long terme à partir de
début Octobre. Elle a eu un visa de touriste de cinq ans pour l'Inde tout
récemment, ce qui est une sorte de miracle car cette forme de visa ne se donne
plus.
- Nous avons reçu la
visite de deux groupes français, l'un avec Daniel Maurin et l'autre avec
Jean-Yves Leloup.
- La samyam saptah aura
lieu du 6 au 13 novembre. Mieux vaut réserver pour ceux qui voudraient résider
à cette époque au Centre International; le Centre n’a pas encore la liaison
téléphonique, mais en cas de besoin on peut téléphoner à l'ashram : 19 91 133
42 65 75
- La pleine Kumbha-Mela
d'Hardwar, où l'on attend une dizaine de millions de personnes, commencera
progressivement à partir de mi-janvier pour battre son plein à partir de
Shiva-Ratri (fin février environ) et atteindre son maximum pour Mesh Sankranti,
le 13 avril. Les trustees du Centre international ne sont toujours pas décidés
pour savoir s'ils doivent prendre des réservations pour cette période.
ABONNEMENTS
Pour les nouveaux
souscripteurs, l'abonnement est de 40 Frs et va du prochain numéro jusqu'à
l'automne 98 inclus. Chèques à adresser à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne
95 rue J.Dulud 92200 Neuilly
JAY MA n°48 |
PAROLES DE MA
Gardez présent à l'esprit que le nom
de Dieu, c'est Lui-même: qu'il soit votre compagnon inséparable. Faites de
votre mieux pour ne jamais vous trouver sans Lui. Plus votre effort pour
demeurer en sa présence sera intense et continu, plus vous aurez de chances de
devenir joyeux et sereins.
***
L'intensité du désir pour la
Réalisation de Dieu est en soi la voie qui y mène.
Combien de temps allez-vous passer
dans une auberge en chemin? N'avez-vous pas envie de revenir à la maison? Comme
tout ceci est merveilleux!...En son propre Soi, on est à la fois le pèlerin,
l'exil, le retour à la maison et la maison elle-même...on est soi-même tout ce
qui existe...
***
Question: Ma, pourquoi perdez-vous
votre temps avec nous? Nous n'avons pas d'appétit pour ce type de vie.
Shri Ma: Comme vous avez raison! Mais
serez-vous d'accord avec moi qu'un état de 'non-appétit' est un état de
mauvaise santé? (rires) Eh bien, dans ce cas on peut retrouver une bonne santé
en prenant un régime et des médicaments appropriés. Le régime approprié, c'est
la satsang -chercher la compagnie de gens spirituels et lire de bons livres, et
le médicament, c'est le japa régulier. Que vous aimiez cela ou non, consacrez
un peu de temps chaque jour à l'habitude de faire un peu de nama-japa; vous
verrez que petit à petit votre 'appétit' va s'éveiller et fonctionner
normalement!
***
Q: On dit que Brahman est inconnu,
donc pourquoi essayer de le découvrir.
Shri Ma: Si je vous demande de décrire
cette fleur, vous direz qu'elle est rouge, que c'est une rose, etc... mais vous
n'arriverez jamais à exprimer pleinement ce que cette fleur est. Il en va ainsi
de chaque chose, qui est à la fois connue et inconnue, manifestée et
non-manifestée. C'est comme c'est.
***
Q: Ma, la vision de Dieu est-elle
possible de nos jours?
Shri Ma: Pourquoi 'de nos jours'? Elle
a toujours été possible.
***
Q: Je veux dire directement, avec
vos yeux?
Shri Ma: Une vision claire comme le
jour, voilà sa nature; si vous L'appelez, il va apparaître. L'âme humaine
s'appelle jivatma et non pas paramatma. Le jiva tourne en
un cercle clos de naissance et de mort. Dans une mare d'eau stagnante les
bactéries se multiplient et des êtres vivants se développent également; mais
après un processus de purification l'eau redevient pure. Ainsi, jiva est
en réalkité paramatma. Ce qui vous fait être un jiva (créature),
c'est le doute que Dieu n'est pas en vous. C'est un écran illusoire, retirez-le
et Dieu se tiendra devant vous dans toute sa Gloire!
***
A: Pourquoi doit-on considérer le
Guru comme Dieu?
Shri Ma: Lui seul est, c'est pour cela
que le guru est Dieu. Qui donc si ce n'est Dieu peut vous enseigner à propos de
vous-même? Si vous pensez à votre Guru comme un homme, alors il n'est pas Guru,
et si il est Guru, il n'est pas un homme. Si vous voyez Shiva comme un pierre,
il n'est pas Shiva mais une pierre. Un voile vous empêche de réaliser la
Vérité. Ce voile est retiré par la grâce du Guru.
(Extraits de Bithika Mukerji 'In your Heart is my Abode' Shree Shree Ma Anandamayee Sangha, 1995)
REPONSES DE VIJAYANANDA
Q: La Kumbha-Mela est en cours à
Hardwar; comment vous situez-vous par rapport à cette forme de l'hindouisme
pour les masses?
V: La Kumbha-Mela est une grande réunion
(je dirais presque une foire) qui a lieu tous les douze ans à quatre endroits
différents (Hardwar, Allahabad, Ujjain et Nasik) à des dates différentes. Elle
attire d'énormes foules de pèlerins et de sadhus (on dit une dizaine de
millions ou plus). La tradition dit que c'est un devoir religieux pour les
sadhus de sortir de leur retraite pour venir y assister. C'est donc une
occasion de rencontrer des sages qui, le reste du temps, seraient
inaccessibles. Et même si on ne les rencontre pas, leurs vibrations associées à
la ferveur religieuse des grandes foules créent une atmosphère spirituelle
formidable qui vous imprègne qu'on le veuille ou non. C'est une occasion
importante de parfaire sa vie spirituelle soit par les vibrations soit même par
les conseils pratiques si on a la chance de rencontrer un grand sage. En outre,
le bain dans le Gange à l'endroit sacré et à l'heure de bon auspice est censé
donner la libération du cycle des naissances et des morts (post mortem)
ou du moins purifier des péchés les plus sérieux.
La légende veut qu'au début de la
création quand il y eut le barattage de la mer de lait il en sortit entre
autres merveilles une jarre (kumbha) pleine de nectar d'immortalité. Une grande
bataille commença entre les dieux et les démons; chacun voulant prendre
possession de cette jarre. Au cours du combat, quelques gouttes du précieux
liquide tombèrent à quatre endroits en Inde : Hardwar, Allahabad (Prayag),
Ujjain et Nasik. Et la Kumbha-Mela veut commémorer ces évènements.
La foi intense des pèlerins et des moines
crée une énorme atmosphère spirituelle qui influence même ceux qui ne croient
pas à ces légendes. Et cette imprégnation peut être le départ d'une vie
spirituelle ou intensifier les pratiques de ceux qui sont déjà sur e chemin.
A: Si quelqu'un de proche ne va pas
bien mais ne veux pas écouter ce qui peut l'aider, que faire?
V: Ramakrishna disait qu'il y avait
quatre sortes de guides spirituels comme il y avait quatre sortes de médecin.
1) Le médecin ordinaire fait son
ordonnance, donne des conseils à ses malades puis ne s'en occupe plus.
2) Le médecin de la seconde catégorie va
revoir son malade et s'enquiert s'il a bien suivi ses conseils et s'il a pris
ses médicaments; mais s'il voit que le malade est réticent, il ne s'en occupe
plus.
3) Le médecin de la troisième catégorie
essaye de convaincre son malade, lui explique tous les avantages qu'il a à
suivre son régime, et y consacre beaucoup de son temps. Mais s'il voit que
l'individu est complètement bouché, il le laisse finalement tomber.
4) Mais le médecin de la quatrième catégorie
(la meilleure selon Ramakrishna) ne se décourage pas. S'il n'a pas réussi à
convaincre son malade, il l'immobilise et lui fait avaler les médicaments de
force. Maintenant; si un de vos proche ne vous écoute pas, à vous de choisir la
méthode qui convient le mieux. Cela dépend de la nature de la personne et du
degrè d'amour qu'on a pour elle. Mais qui sait ce qui est bien pour telle ou
telle personne? Seul un sage parfait peut le savoir. Et si ce sage parfait a
une relation authentique avec ce disciple, il emploiera la force, si
nécessaire, pour le ramener sur le bon chemin.
Q: Comment dépasser la négativité du
mental en méditation?
V: Quand le mental est en tamoguna
(la qualité de torpeur), il donne une impression de négativité. Il faut
attendre que le guna change en Raja ou en Satva, et utiliser la période
de torpeur comme on peut, en répétant le mantra (japam), en lisant des
textes sacrés, ou en utilisant d'autres méthodes qui se sont montrées utiles
dans des occasions semblables.
LETTRES A PRAN GOPAL MUKERJEE
Les pages qui suivent consistent en
la traduction de lettres à propos de Ma; elles ont été écrites en Bengali dans
les années 1925-1926; c'est à dire le tout début de la vie publique de Ma; leur
point commun, c'est qu'elles ont le même destinataire, Pran Gopal Mukerjee,
l'un des premiers fidèles de Ma, un des premiers aussi à parler d'elle à un
vaste public. Il occupait des fonctions administratives importantes, étant
Directeur général adjoint des Postes à Dhaka, la capitale actuelle du
Bengladesh, et il était disciple d'un maître renommé, Vallananda Brahmachari de
Deogarh au Bihar.
Le fils de Pran Gopal, Govind Gopal est
lui-même un pandit réputé: il a donné le paquet de lettres à Swami Nirvanananda
de Dehradun. Swami Nirgunananda (Shantivrat) en a fait des copies et les a
traduites du bengali en anglais à l'ashram de Ma Anandamayi à Dhaulchina (près
d'Almora, Kumaon, Himalaya), qui est à vrai dire un ermitage où il réside
depuis douze ans; avant lui, Swami Vijayananda avait passé sept ans de solitude
à cet endroit. Swami Nirgunananda fait partie du cercle intérieur des disciples
de Ma. La traduction a été prise en note et tapée par Jacques Vigne qui était à
cette époque (mars 98) en retraite à Dhaulchina.
Cette sélection de textes est
simultanément publiée pour ce numéro du Jay Ma, pour le site Internet de Ma en
français et en anglais et pour la version bengali d'Amrita Varta. Bien que
cette correspondance n'apporte pas de notions révolutionnaires à propos de Ma,
elle offre un matériel de première main qui a le parfum de fraîcheur émanant des
récits de témoins directs des évènements.. De plus, ils confirment
l'authenticité d'épisodes rapportés par Gurupriya Devi dans son journal, ou par
Bhaiji dans Matri Darshan, comme la Kali Puja de 1925 à Dhaka ou la maladie de
Bholonath en 1926, qui a été suivie par une période de jada samadhi
(samadhi inerte) de Ma.
En avril 1924, Ma et Bholonath ont
déménagé de Bajitpur à Shahbag, un grand jardin de Dhaka appartenant à la fille
du Nawab de la ville. Ma avait commencé à cette époque son 'jeu de sadhana' qui
lui a permis d'explorer en un temps court les différentes sortes de sadhana
possibles, mis à part le tantrisme de la main gauche. Cela lui a permis de
guider par la suite chaque sadhaka dans sa propre voie spirituelle, une
capacité rare chez les autres gurus. Elle avait observé une période de 23 mois
de silence jusqu'en décembre 1925 et elle avait annoncé en début 1926 qu'elle
souhaitait reprendre une période de semi-silence pendant cinq ans, où elle ne
répondrait qu'aux questions portant sur des sujets religieux.
Finalement, elle abandonna cette idée à
cause des supplications de ses fidèles et de son entoura ge familial. A cette
époque, et ce pendant plusieurs mois, elle ne mangeait que très peu : trois
bouchées de nourriture, y compris l'eau, les lundis et jeudis, et seulement
cinq grains de riz les autres jours. Malgré cela, elle était en bonne forme
physique. C'est à cette époque également qu'elle a cessé de s'alimenter
elle-même. Le 26 janvier 1926, Ma est rentrée pour la première fois en extase
devant un vaste public. Bholonath avait organisé un kirtan à l'occasion
d'une éclipse du soleil, évènement qui est célébré par des pratiques
spirituelles dans la tradition hindoue. Ma a aussi pour la première fois en
public émis des mantras et des hymnes spontanés dans une langue ressemblant au
sanskrit sans cependant en être vraiment. Elle se mit à être enveloppée par une
aura de miracle, et les gens commencèrent à se presser autour d'elle avec
toutes sortes de demandes -souvent mondaine il faut bien le dire : réussite aux
examens, guérison de maladies, etc...
L'auteur principal de ces lettres est
Atal Bihari Bhattacharya, aussi désigné sous le nom de Atal ou Atul Babu.. Il
était enseignant à l'Université de Rajshahi, une ville du Bangladesh. Ma lui a
dit qu'il était son fils, mais l'a découragé de s'engageait sur la voie du
renoncement complet, lui faisant sentir qu'il s'agissait d'une décision prématurée.
L'autre auteur des lettres est Baul Basak, aussi appelé Baul Dada (Dada
signifie 'grand frère'). C'était l'ami d'enfance de Bholonath, et à cet époque
il était toujours alentour prêt à rendre service. C'est lui qui a fait
découvrir à Ma Siddeshari, un temple dans un endroit isolé dont Ma qvait eu la
vision avant même d'y aller physiquement. C'est là que de nombreux épisodes
important se sont passés, et que Bholonath s'est initié progressivement à la
vie de renonçant. Dans une des lettres ci-dessous, il est intéressant de voir
comment Ma a permis à Baul Basak de rejouer en réalité une vision mystique
qu'il avait eu à propos d'elle.
En troisième partie de ces textes, nous
avons mis quelques questions et réponses de Ma extraites des lettres, et en
quatrième une hymne à la Mère divine composée par Girija Shankar Bhattacharya,
qui était aussi un visiteur de Ma à cette période.
Celle-ci a eu un effet durable sur le
destinataire de ces lettres, Pran Gopal Babu. Son fils écrit à son sujet après
sa mort:"A chaque fois que mon père parlait de Shri Ma, il y avait dans sa
voix un frémissent de crainte sacrée et de respect profond qui est resté intact
au fil des années.. il savait qu'elle était une enseignante venue pour montrer
la voie. Il lui demandait très souvent:"Ma, quand vous
révèlerez-vous?" et elle se contentait de sourire..." (cité par
Bithika Mukerjee dans A Bird on the Wing (Un oiseau sur la branche), la
version révisée de sa biographie de Ma, parue tout récemment à Delhi
(Satguru Publications, 1998)
A la fin de cette introduction, nous
pouvons mentionner l'intérêt de l'Internet pour porter rapidement ces documents
authentiques sur les premières années de Ma comme Guru à la connaissance d'un
public mondial de chercheurs spirituels et d'étudiants ou chercheurs en
sciences religieuses. Cette diffusion aurait été impensable il y a seulement
quelques années, quand la communication du savoir était presque monopolisée par
le système lourd et lent de la publication de livres.
A) LETTRES D'ATTAL BIHARI
(principalement mars 1926)
Dans ces lettres, nous voyons clairement
la manière dont le monde des dieux et celui des hommes se mélangent en présence
d'une sage comme Ma. A cette époque, nous avons déjà mentionné qu'elle avait
annoncé qu'elle observerait cinq ans de semi-silence, où elle ne répondrait
qu'aux questions spirituelles. La veille au soir du jour fatidique où elle devait
commencer son voeu, une foule avide de grâces et de faveurs plutôt pour leur
vie mondaine s'était rassemblée auprès de Ma... Finalement, Atal Bihari et
Pishi Ma (la soeur de Bholonath, qui aidait Ma dans le travail de la maison à
cette époque) insistèrent tellement que Ma abandonna son idée. Dans le texte
ci-dessous, elle discute avec Atal Babu de son désir de renonciation.
1) "Pourriez-vous supporter
de me voir uniquement vêtue d'oripeaux et d'écorces d'arbres?"
Ma: Trouvez-vous difficile d'aller vivre
à Rajshahi en me laissant là
Atal Babu: Certainement; Ma.
Ma: Mais ce n'est pas possible de rester
auprès de moi et d'accomplir ses devoirs d'homme dans le monde en même temps.
Si vous voulez rester, vous devez mener la vie d'ermite en forêt; et
évidemment, j'aurai aussi à la mener en votre compagnie.
Atal: Qu'il en soit ainsi, Ma!
Ma: Pouvez-vous endurer les difficultés
de ce type de vie?
Atal: Avec votre bénédiction et en votre
compagnie, je suis sûr d'en être capable.
Ma: Vous souvenez-vous, tout récemment,
c'était très important pour vous de ranger ma cuisine qui était quelque peu
désordonnée. Vous m'achetez sans cesse des vêtements et vous vous souciez
beaucoup de moi. Que va-t-il donc se passer quand vous me verrez vêtues
simplement d'oripeaux et d'écorces d'arbres (la tenue traditionnelle des
renonçants dans la forêt). Serez-vous capable de tenir le choc? Et si vous me
dites:"Je n'arrive pas à vous voir dans cette tenue!", je m'en
irai...
Atal: Ma, vous me soumettez à la plus
difficile des épreuves. Il vous reste à me donner la force de la réussir! Que
votre volonté soit faite de toutes façons; mais ce sera réellement une
pénitence pour moi de vivre à Rajshahi en vous laissant ici. Après cette
converstaion, Ma consola Atal et lui donna des conseils pour sa pratique.
2) Ma reconnaît qu'Atal est son
fils, mais ne lui permet pas de toucher ses pieds
Un jour, Pishi Ma ainsi que moi-même
demandèrent à Ma la grâce de mourir avant elle.. Elle répondit à Pishi
Ma:"C'est à vous de me donner votre bénédiction pour que je meure avant
toi et avant Bholonath!" Et elle ajouta en se tournant vers
moi:"Comment cela se pourrait-il qu'un fils meure avant sa mère?"
cela me fit très plaisir que Ma me reconnaisse comme son fils pour la seconde
fois en ses propres termes. C'est à ce moment que je compris qu'elle ne
prendrait pas son voeu de silence tant que Pishi Ma et moi-même serions en sa
compagnie. Telle était sa compassion.
Après cela, je décrivis à Ma certaines
expériences spirituelles et lui demandai la grâce de pouvoir les maintenir ma
vie durant. Elle me répondit:"Avez-vous parlé de tout cela à Pran Gopal
Babu?" "Oui, Ma, non seulement à Pran Gopal, mais aussi à son Guru
Vallananda de Déogarh, et les deux m'ont dit que j'étais sur le bon chemin et
que si je continuais comme cela je finirai par atteindre le but. De plus, Pran
Gopal m'a demandé de vous décrire tout ceci en détail et de vous demander votre
grâce." En entendant cela, Ma sourit et se tournant vers Bholonath lui
demanda:"Que dois-je dire?" Bholonath répondit"Ce que vous
voulez!"
Atal Babu: Ma, à chaque fois que je vous
pose une question, vous demandez la permission de répondre à quelqu'un d'autre,
mais un fils a toujours envie de communiquer directement avec sa mère.
Ma: Ne demandez-vous pas la permission à
votre Guru pour faire tout ce que vous avez à faire?
Atal: Certes, et je demande même la
permission avant de dire quelque chose!
Ma: Ne parlez pas alors de quelqu'un
d'autre (ce qui veut dire que non seulement Ma considère son mari comme son
guru, ainsi que le conseille la tradition indienne, mais qu'elle estime qu'il
n'est pas différent d'elle-même.) Ma ajouta au sujet du désir d'Atal de
maintenir le haut niveau d'expériences spirituelles qu'il avait eues" Je
ne dirai rien maintenant, je répondrai quand le moment sera venu".
Atal: Donnez-moi au moins votre assurance
spirituelle (lit 'abhay vani' 'paroles de non-peur')
Ma déclara par la suite à
Bholonatn:"Si je décris à Atal son futur spirituel, il sera débordant de
joie et en retirera un grand encouragement." Atal dit à Bholonath:"Je
ne me soucie pas du tout de mon furtur. Ce que je souhaite, c'est son assurance
spirituelle: que ce soit aujourd'hui, demain, dans dix ou vingt ans ou après ma
mort, je désire revenir en Ma".
Atal avait reçu la permission de toucher
les pieds de Ma à chaque fois qu'il venait, ce qu'il faisait avec une grande
satisfaction, mais non sans redemander la permission à chaque fois. (toucher
les pieds est un signe de respect courant pour un supérieur, professeur, parent
ou guru). Mais un jour, Ma exprima son désaccord à ce sujet. Atal fut piqué au
vif. Ma le prit avec Bholonath pour un entretien privé, lui expliqua les
raisons pour lesquelles elle n'autorisait plus à ce qu'on lui touche les pieds
et lui demanda de ne pas les divulguer. Ce qui est remarquable, c'est qu'à
partir de ce moment, le désir qu'avait Atal pour toucher les pieds de Ma
disparut complètement.
3) Ma s'identifie avec Bhadra
Kali
Près du temple de Ramna Kali (Ramna
Kalibari), il y avait un vieux temple de Shiva en ruines. J'allai à ce temple
en compagnie de Ma et de Sonu, le fils de Pishi Ma (donc le neveu de Ma). Pour
rire, nous avons décidé de faire la course. Sonu et moi-même avions beaucoup
d'avance sur Ma, et au moment d'arriver au temple nous nous sommes tournés vers
elle en plaisantant et en disant:"Vous avez perdu!" Mais à notre
grande surprise, elle se mit à courir, nous dépassa et parvint au temple avant
nous.
Nous sommes alors rentrés dans celui-ci
où elle retrouva un étudiant qui lui avait demandé la veille sa grâce pour
réussir un examen qu'il devait aller passer sous peu à Calcutta. Elle lui
indiqua comment offrir les fleurs d'hibiscus une à une à la déesse tout en
récitant les prières appropriées. Il était onze heures ou midi, et nous nous
sommes rendu compte qu'elle était venu jusque là uniquement pour répandre sa
grâce sur cet étudiant.
Le soir même, Ma était de retour à Ramna
Kalibari avec quelques fidèles. Le responsable, Nityananda Giri, était en
conflit pour des questions de propriétés du temple. Il avait demandé à Ma le
moment favorable pour intenter un procès; elle lui dit ce soir-là de s'y
prendre durant le mois de Magh (après le 14 janvier, le début des six mois
favorables d'après la croyance hindoue). Tout d'un coup, Ma se mit à
crier:"Où est-ce que vous en êtes, vous tous, ici!" Nous étions
stupéfaits d'entendre de tels éclats. Ensuite elle s'adressa à Nityananda
Thakur:"Tu ne peux plus me garder ici pour quelques temps, je m'en vais
résider à Shabag (le lieu d'habitation de Ma et Bholonath). Vous pouvez venir
là-bas si vous le souhaitez, mais je ne viendrai pas ici!" Ma disait cela
d'une voix réellement rauque, puis elle éclata d'un rire violent et sortit du
temple. Elle agitait la main comme si elle expulsait quelqu'un en
disant:"Vas-t-en! Vas-t-en!" Elle alla ensuite à l'intérieur du
samadhi (temple autour de la tombe) d'un saint qui se trouvait dans la cour et
nous demanda de retourner à l'intérieur du bâtiment principal car elle voulait
rester un certain temps dans le samadhi.
(Dans une autre lettre) Atal Babu
rapporte qu'ils ont demandé à Ma les raisons de son comportement inhabituel.
Elle se mit à dire quelques mots, mais s'arrêta tout d'un coup et
dit:"J'ai le kheyal (une inspiration divine qui ne laisse aucun doute) que
si j'explique cela juste maintenant, je vais perddrre ma capacité de
parler". Cependant, elle fit allusion à la façon dont Bhadra Kali avait
été mécontente du comportement malvenu, pour ne pas dire mécréant de Nityananda
Giri et à la manière dont elle avait choisi de s'exprimer à travers le corps de
Ma. Sonu demanda:"Si la Déesse-mère n'est plus à Kalibari, est-ce que les
offrandes de ceux qui vont la visiter seront acceptées; et leurs prières
exaucées?" Ma répliqua:"La Mère est présente toujours et partout,
mais dans les lieux de pèlerinage (tirtha) et dans les endroits sacrés, son
pouvoir se manifeste tout particulièrement. D'habitude, elle sera toujours à
Ramna, mais pour quelques jours on n'y sentira plus son pouvoir spécial.
Cependant, ceux qui ne le savent pas et qui viendront la prier de bonne foi
verront leurs prières exaucées."
4) Baul Bask est autorisé à
rejouer sa vision
En méditation profonde, Baul Dada s'était
vu lui-même en train de faire des cercles avec le trident de Shiva (trishul)
autour de la tête de Ma et de Bholonath. Il parla de cette vision à cette
dernière. Pendant que tout le monde discutait à ce sujet, Pishi Ma dit à
Bholonath:"Je vais te mettre entre les mains un trident"; et Ma
approuva l'idée. Le lendemain matin à 10 heures, Baul Dada vint à Shahbag. Ma
lui demanda d'aller immédiatement à Siddeshwari, de rencontre là-bas une bhairavi
(une ascète tantrique) et de rapporter son trident. Je l'accompagnai; en
chemin, nous avons pris des fleurs et des fruits en guise d'offrande au temple
mais en arrivant, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait foule, et avons
décidé de les disposer plutôt sur le mahasana (une plateforme de ciment
qu'on avait spécialement construit pour Ma dans la cour du temple). Nous avons
placé le trident sur la plate-forme, l'avons honoré par un rituel puis nous
l'avons rapporté à Shahbag pour le déposer dans la chambre de Ma. Sur le chemin
du retour, Baul chantait continûment le nom de Shambu (Shiva)
Ce soir-là, je plaçai deux asanas (petits
tapis de méditation) et demandai à Bholonath de s'asseoir sur celui de droite
tandis que Baul Dada priait Ma de prendre celui de gauche. Celle-ci dit non
sans humour:"Je suis si fatiguée que je ne peux sortir du lit!" Nous
pouvions nous apercevoir sans doute possible qu'elle était en fait dans un état
spirituel particulier (bhâva), tous ses membres étaient raidis. Après quelques
temps, elle redevint normale. Voyant Pishi Ma qui revenait avec le trident de
la chambre d'à côté, elle se mit à plaisanter:'Tu me fais peur! Vas-tu me
donner un coup de trident?" A ce moment-là, Pishi Ma avait vraiment l'air
d'une bhairavi avec son trident et son visage resplendissait d'un éclat
qui éveillait une crainte sacrée. Elle mis le trident dans les mains de
Bholonath et rentra de suite dans une méditation profonde qui dura quelques
temps. Bholonqth donna le trident à Baul Dada, qui commença à le passer au
dessus de la tête de Ma et de Bholonath en faisant des cercles. Il paraissait
saisi d'une folie sacrée (de fait, Baul en bengali signifie 'fou', avec une
nuance de folies sacrée, comme dans le cas des chanteurs mystiques errants du
même nom; cf le livre d'Aurore Gauer sur le sujet). Au bout d'un certain temps,
Ma lui dit:"Maintenant; tu comprends pourquoi il y a un trident dans la
main de Shiiva". De fait, Baul Dada avait posé cette question à Ma,
quelques jours auparavant, mais elle n'avait pas donné de réponse.
Baul Dada se mit alors à expliquer ce qui
suit:"Le Seigneur Shiva est Mahadev (le grand Dieu, un nom qui peut
s'appliquer également à Vishnu, celui qui protège l'univers); Mahakal (lit 'le
grand Temps', c'est à dire le destructeur, rôle attribué à Shiva) et le
Créateur de cet univers. (Ceci indique que l'essence de Shiva est supérieure à
la Trimurti de brahma, Vishnu et Shiva dans sa forme réduite seulement à la fonction
de destruction).
Il a en main la Nature sous forme de
trident, dont les trois flèches correspondent aux trois gunas (tamas, rajas et
sattva). Il frappe sans cesse le monde avec, d'où le malheur. Il
ajouta:"Kashi ('la resplendissante'; le nom traditionnel de Bénarès) est
la capitale de Shankar (Shiva) et elle est placée sur le trident, ce qui
signifie qu'elle ne fait pas partie de cet univers. Ce royaume est au-delà du
monde physique, c'est pour cela qu'on n'y trouve ni plaisir, ni douleur et
qu'on dit qu'il n'y a pas là-bas de tremblement de terre. Dans ce microcosme
qu'est le corps, les cinq éléments et les trois qualités (gunas)
correspondent aux cinq chakras inférieurs et au trois canaux (ida, pingala
et sushumna). Le chakra entre les deux yeux (ajna) est au-delà, et de fait
les pratiquants du tantrisme l'appellent 'Kachi'. Quand le mental se stabilise
à cet endroit, il n'y a pas de 'tremblement de terre', c'est à dire que les
perturbations émotionnelles et mentales se calment). Ma approuva ces explications.
B) EXTRAITS D'UNE LETTRE DE BAUL
BASAK
Ma évoque sa propre expérience
A Siddheshwari, les fidèles de Ma avait
construit une petite plateforme pour qu'elle puisse s'y asseoir quand elle se
trouvait là-bas. Ils souhaitaient la consacrer pendant les neuf nuits
(nava-ratri) consacrés à la déesse à l'occasion de Durga-Puja (en octobre
1925). Ils préparèrent un repas pour cent personnes, mais en fait trois cent
vinrent. Malgré cela, tout le monde a été rassasié et il y avait encore des
restes. Ce genre de fait se reproduisait souvent avec Ma.
Ensuite Ma se mit à évoquer certaines de
ses expériences spirituelles:"Dans la période qui suit le réveil, j'oublie
complètement le monde extérieur, je ne sais plus où je me trouve, si c'est sur
le sol, dans l'eau ou en l'air, si j'habite un bâtiment en dur ou une cabane,
s'il fait jour ou nuit et si j'ai ou non du monde qui m'entoure. Après un temps
assez prolongé, la perception de l'extérieur revient. Le corps est complètement
inerte. Je n'ai pas de sensation particulière de ses parties comme les mains,
les pieds, les yeux, les oreilles ou le visage... J'ai simplement le sentiment
qu'il y a une motte de terre qui se trouve là. A l'intérieur, c'est comme si il
y avait du verre propre et massif qui ne laisse pénétrer ni mauvaise odeur ni
air vicié. Si pourtant ils réussissent à rentrer, il est très difficile de s'en
débarrasser. Je ne peux faire quoi que ce soit contre cela de mon propre chef.
Si on me force à faire quelque chose pendant cette période, cela me fait mal. Il
vaut mieux ne pas s'alimenter. Si je le fais, mon corps me brûle, il y a une
transpiration abondante et la respiration est perturbée. Et si on m'appelle,
j'ai l'impression qu'on me frappe la tête. Si je réponds à l'appelle de
quiconque dans ces moments, il se peut que je devienne folle."
C) QUELQUES QUESTIONS ET
REPONSES
(Dans une lettre , Pran Gopal Babu avait
probablement critiqué quelqu'un; Ma lui répond ce qui suit:)
- Celui qui cherche Dieu ne doit pas
critiquer ou dire du mal des autres. Si vous voyez quelqu'un, n'essayer pas de
l'étiqueter "bon" ou "mauvais". Sinon, votre attrait pour
Dieu en sera diminué et vous aurez la tentation de vous auto-glorifier. Mieux
vaut regarder en dedans de soi-même.
Q: Comment puis-je me débarrasser du sens
de 'moi' et de 'mien'"?
- Ma : Effacez ce 'a' au début de 'amar'
(mien), ce qui restera 'mar' signifie 'appartenant à la Mère, de la Mère'...Les
cinq organes d'actions et les cinq sens peuvent faire leur travail, mais restez
fixés sur le nom; à ce moment-là, votre égo s'atténuera progressivement. Quand
vous sentez que le mantra commence à se réciter spontanément à l'intérieur, cela
veut dire également que l'ego diminue.
Q: Ma, vous avez atteint le sommet de la
sadhana avez-vous vraiment besoin d'observer toutes ses règles qui sont si
strictes.
- Il faut bien que je demeure en ce
monde; le contrôle de soi est nécessaire pour que l'ego ne prenne pas le
dessus. (Ma veut donner l'exemple aux autres, car en tant que sage elle est
prise comme une référence).
Nani Babu demanda à Ma:;"Vous êtes
la miséricorde même, vous devez enseigner au monde la non-violence (ahimsa).
Pourquoi donc à ce moment-là vous avez si soif de sang?" (Ma était d'une
famille de Shakta, les adorateurs de la Mère divine Shakti; dans cette tradition,
il y a des sacrifices animaux, alors que dans la tradition vishnouïte également
très répandue au Bengale, ceux-ci sont sévèrement condamnés. D'où un perpétuel
point de frottement entre les deux groupes.)
- Ma, dans un état d'être particulier
(Nani Babu venait de s'adresser à elle comme si elle était directement la
déesse): "Je suis en train de boire mon propre sang (une allusion à Chinnamasta,
'celle à la tête coupée' qu'on représente en train de boire son propre sang et
d'en offrir à ses deux compagnes Jayâ et Vijayâ qui étaient
assoiffées). Je suis nirahara ('sans nourriture', ce qui peut signifier
soit 'je ne prends pas d'autre nourriture' ou bien 'je n'ai pas pris de
nourriture', donc 'je suis affamée'). Je suis l'univers tout entier.
- Pourquoi avez-vous une telle avidité
pour les sacrifices sanglants?
- Pour moi, tout se vaut. Qu'est-ce que
le sacrifice? Qu'est-ce qui n'est pas sacrifice? Pourquoi cueillez-vous des
fleurs et des fruits des arbres? Pourquoi récoltez-vous ce qui pousse dans les
champs? Tout ce que vous prenez n'est que sacrifice. La divinité principale de
ce lieu (Chinnamasta) est en train de boire son propre sang? Elle
absorbe tout et donne tout en retour.
D) UNE HYMNE A LA MERE
Par Girija Shankar Bhattacharya, qui
était à l'origine d'Ashtagram et est devenu Professeur à Calcutta). Cette hymne
a été écrite en 1943 en bengali et immédiatement traduite en anglais par
l'auteur lui-même. A cette époque, les gens qu'il évoque comme Bhaiji et
Bholonath étaient déjà décédés).
1) Je m'incline devant la Mère de
l'univers toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore, je
m'incline devant celle dont le sourire radieux dissipe complètement les
ténèbres du mental; dont les paroles de douceur sont fascinantes pour chacun et
dont l'affection transforme toute personne en la Mère elle-même.
2) Je m'incline devant la Mère de
l'Univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore je
m'incline devant celle dont la vie mystérieuse (lit 'dont la vérité à propos
d'elle-même) est au-delà de la compréhension des êtres humains; et qui, bien
que vivant toujours et sans interruption dans la joie de Brahman se déplace
dans le monde librement pour le bien de ceux qui sont rejetés; comme un mère
véritable, pleine de patience infinie et d'une promptitude infinie à pardonner
les transgressions.
3) Je m'incline devant la Mère de
l'univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi) dont la miséricorde
est ma seule espérance; oui, d'une manière infiniment gracieuse se manifeste
même dans les esprits qui ont tendance aux mauvaises pensées et les remplit
d'extase; celle qui reçoit l'abandon (surrender) total des êtres humains sensés
qui considèrent ceci comme étant leur seul devoir.
4) Je m'inclinedevant Bholonath qui
possède un corps de joie (ou 'qui est un second Nityanand, le disciple
principal de Chaitanya Mahaprabhu) et je m'incline devant le suprême bhakta qui
est parvenu à l'unité avec l'éclat foudroyant de Brahman (allusion qu premier
nom de Bhaiji, Jyotish qui signifie littéralement dieu de la lumière).
Je m'incline mille fois devant celui qui répond au nom de Gopal et qui a
consacré son souffle (prana) au service du Seigneur (ou 'au vénéré Pran Gopal,
Pran signifiant 'le souffle', Pran Gopal Babu étant, rappelons-le, le
destinataire des lettres ci-dessus). Encore et encore je m'incline devant Ram
Chandra, qui a accès aux mystères les plus profonds. (Ram Chandra Chakravarti
avait une réputation de sainteté et il fut le premier a déclarer que Ma était Jagadamba,
la Mère de l'univers elle-même).
YOGA-VASISHTHA SARA
Traduit de l'anglais par Vyasan
L'irréalité du
monde (suite)
Tout comme les arbres sur la rive d'un
lac sont reflétés par l'eau, de même tous ces objets variés se reflètent dans
le vaste miroir de notre conscience.
Cette création, qui est un simple jeu de
la conscience, apparaît de la même manière qu'une corde qu'on prend pour un
serpent (lorsqu'il y a ignorance), et elle prend fin lorsqu'il y a connaissance
juste.
Bien qu'en réalité l'asservissement
n'existe pas, il s'accroît par le désir envers les jouissances du monde;
lorsque ce désir diminue, l'asservissement s'affaiblit.
'Cela' imagine toute chose à chaque
instant, rapidement et librement: c'est la raison de la projection de ce
spectacle magique qu'est le monde à l'état de veille.
Ce monde, bien qu'irréel, semble exister,
et il est la raison de la souffrance tenace de l'ignorant, tout comme un
fantôme est cause de frayeur pour un enfant.
Celui qui ne sait pas ce qu'est l'or ne
voit que le bracelet. Il n'a pas la moindre idée que c'est purement de l'or.
De la même façon, villes, maisons,
montagnes, serpents etc... sont tous des objets séparés. Du point de vue de
l'Absolu, ce monde objectif est le sujet (le Soi) lui-même; il n'est pas séparé
du Soi.
Le monde est empli de souffrance pour
l'ignorant, et de félicité pour le sage. Le monde est obscur pour l'aveugle, et
lumineux pour celui qui a des yeux.
La félicité, pour un homme de discrimination
qui a rejeté le samsara et abandonné tous les concepts mentaux, augmente constamment.
Comme les nuages qui apparaissent
soudainement dans un ciel clair et se dissolvent aussi vite, l'univers entier
apparaît dans le Soi et se dissout en lui.
Celui qui considère que les rayons du
soleil ne sont pas différents de celui-ci et qu'ils sont le soleil lui-même,
est déclaré être nirvikalpa (l'homme qui ne différencie pas).
De même que quand on analyse un vêtement,
on s'aperçoit qu'il n'est fait que de fil, de même, lorsqu'on fait une
recherche sur ce qu’est le monde, on le perçoit comme étant uniquement le Soi.
Ce monde fascinant se dresse comme une
vague dans l'océan d'ambroisie de la conscience et se dissout dans celle-ci.
Alors, comme pourrait-il être différent d'elle en ce moment (entre son
apparition et sa disparition)?
Tout comme l'écume, les vagues, les
embruns et les bulles ne sont pas différents de l'eau, de même ce monde qui est
sorti du Soi n'est pas différent du Soi.
Tout comme l'arbre avec ses fruits, ses
feuilles, ses lianes, ses ramilles et ses racines existe dans la graine de l'arbre,
de même ce monde manifesté existe en Brahman.
De même qu'un pot en terre redevient
ultimement de la boue, les vagues de l'eau et les bijoux de l'or, de même ce
monde qui est sorti du Soi retourne ultimement au Soi.
Le serpent apparaît lorsqu'on ne reconnaît
pas la corde. Il disparaît lorsqu'on reconnaît la corde. De la même façon, ce
monde apparaît quand le Soi n'est pas reconnu. Il disparaît quand le Soi est
reconnu.
C'est uniquement notre oubli du Soi
invisible qui cause l'apparition du monde, de même que l'ignorance du fait que
c'est une corde cause l'apparition du serpent.
Tout comme le rêve devient irréel durant
l'état de veille et l'état de veille durant le rêve, de même la mort devient
irréelle dans la naissance et la naissance dans la mort.
Ils ne sont donc ni réels, ni irréels.
Ils sont effets de l'illusion, simple impression surgissant de quelques
expériences passées.
La dissolution du mental
1. La conscience qui n'est pas divisée
s'imagine les objets désirables et se rue après eux. Elle est alors connue
comme étant le mental.
2. A partir de ce Seigneur suprême
omniprésent et omnipotent apparaît, comme des ondulations sur l'eau, la
puissance d'imaginer des objets séparés.
3. De même que le feu attisé par le vent
est éteint par ce même vent, de même, ce qui est né de l'imagination est
détruit par l'imagination elle-même.
4. Le mental est venu à l'existence par
cette imagination, à cause de l'oubli. Comme l'expérience de notre mort que
l'on peut faire en rêve, il cesse d'exister lorsqu'il est examiné
minutieusement.
5. L'idée d'un Soi dans ce qui n'est pas
le Soi est dû à une compréhension incorrecte. L'idée de la réalité dans ce qui
n'est pas réel, sache, ô Rama, que c'est le mental. (chittam)
6. 'Il est ceci' 'je suis cela' 'ceci est
à moi': le mental est constitué de telles idées. Il disparaît quand on médite
sur ces fausses idées.
7. C'est la nature du mental d'accepter
certaines choses et d'en rejeter d'autres. Cela est de l'asservissement; rien
d'autre.
8. Le mental crée le monde; le mental est
l'individu (autre traduction possible: le particulier, purusha); seul ce
qui est fait part le mental est considéré comme réalisé, et non pas ce qui est
fait avec le corps. Le bras avec lequel un homme enlace sa femme est le même
que celui avec lequel il enlace sa fille.
8. Le mental est la cause, ce qui produit
les objets de perception. Les trois mondes reposent sur lui. Il doit être
éliminé, purifié par l'effort.
10. Le mental est lié par les impressions
latentes (vasanas). Lorsqu'il n'y a pas d'impressions, il est libre.
Ainsi donc, ô Râma, fais surgir rapidement par la discrimination l'état dans
lequel il n'y a pas d'impression.
11. Tout comme une traînée de nuage
ternit la lune (semble la ternir) ou une tache d'encre un mur blanchi à la
chaux, ainsi l'esprit malin du désir ternit-il l'homme intérieur.
12. O Râma, celui qui a l'esprit tourné
vers l'intérieur offre les trois mondes comme une oblation d'herbe sèche dans
le feu de la connaissance.
13. Lorsqu'on connaît la vérité au sujet
de l'acceptation et du rejet et que l'on ne pense à rien d'autre qu'à demeurer
en soi-même, abandonnant toute chose, alors le mental n'apparaît pas.
14. Le mental est abominable à l'état de
veille, doux dans l'état de rêve, engourdi dans le sommeil et mort lorsqu'il
n'est pas dans un de ces trois états.
15. De même que la poudre de la graine de
kataka, une fois qu'elle a condensé les impuretés de l'eau, se fond dans l'eau,
de même le mental, après que les impressions aient été effacées, s'immerge
(dans le Soi).
OTONO Gota a gota al viento al vacio todo aquello que formaba mi yo: el ser humano que creao ser la mujer que creo ser la amiga que creo ser la hija que creqo ser la aventurera que creo ser... Se me caen las hojas Y me quedo libre, Libre para ser Lo que en realidad soy, Para serlo todo todo y nada, que es lo mismo y tambien la nada cae |
AUTOMNE Goutte à goutte Au vent Au vide Tout ce qui formait mon moi: L'être humain que je crois être la femme que je crois être l'amie que je crois être la fille que je crois être l'aventurière que je crois être... Les feuilles se détachent de moi, et je me retrouve libre, libre d'être ce qu'en réalité je suis, pour l'être tout entier tout et rien ce qui est le même et le rien aussi se détache. |
TAN SOLO Reflejos en el lago. Azul esperado que nunca llega. Entre mis dedos Se me escapa el cielo. Un cielo de azules brillantes profundos abiertos. Un cielo que no tiene dueno Ni puedo poseer. Un anhalo. Un sueno que es tan solo eso... Un cielo reflejado En las aguas del lago. Tan solo eso. |
SI SEUL Reflexions sur le lac. Azur espéré qui jamais n'arrive. Entre mes doigts M'échappe le ciel. Un ciel d'azurs brillants profonds ouverts. Un ciel qui n'a ni maître Ni ne peut posséder. Une aspiration. Un rêve qui est si seul Un ciel reflété Dans les eaux du lac. Si seul. |
EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI
par Amulya Kumar Datta Gupta
(Suite)
Une autre fois, je partis le matin
pour rencontrer Ma et m'asseoir tranquillement avec elle en récitant le Nom de
Dieu. Je rencontrai en chemin Ganesh Babu. Il allait également à l'ashram de
Siddheshvari. En le voyant, je ne pus m'empêcher de penser que peut-être le but
que j'avais en allant voir Ma ce jour-là ne pourrait se réaliser. Car
lorsqu'elle était avec moi seulement, Ma ne se laissait guère aller à parler.
En fait, elle ne parlait que rarement, et il fallait pour cela qu'elle y soit
poussée par des questions. Mais Ganesh Babu n'était pas du genre à se tenir
tranquille. Il avait l'habitude de pousser Ma dans ses derniers retranchements
en la mitraillant litéralement de questions. Quoi qu'il en soit, nous arrivâmes
à l'ashram de Siddhesvari. Nous nous étions à peine assis après avoir salué Ma
qu'elle nous dit:"Babaji, attendez juste un petit peu, j'ai tout à coup
vraiment envie de dormir'. En disant cela, elle s'allongea pendant que Didi
l'éventait. Nous étions quatre dans la pièce, mais tous silencieux. Sashanka
Babu était plongé en méditation, Ma faisait semblant ou essayait de dormir et à
force de l'éventer, Didi était prise de somnolence. Ni Ganesh Babu ni moi-même
n'aurions eu l'audace de troubler le silence profond de la pièce en parlant.
Nous avons donc continué à chanter le Nom mentalement. Deux heures complètes
s'écoulèrent de cette façon. La journée s'avançait et j'avais trés envie de
retourner chez moi; mais Ma s'était endormie en nous disant d'attendre: comment
aurai-je pu m'en aller sans l'informer? Aussitôt que j'en étais arrivé à penser
cela, Ma s'assit et dit, 'Babaji, il se fait tard, n'est-il pas grand temps que
vous rentriez chez vous?' Sans dire quoi que ce soit d'autre, nous la saluèrent
et partirent. Sur le chemin du retour, je me disais sans cesse mentalement
'Notre Ma est une lectrice des coeurs, elle n'a pas besoin qu'on lui dise les
choses avec beaucoup de mots: elle sait déjà tout par nos prières mentales.
J'ai relevé nombre d'incidents de ce genre à lla fois banals et pourtant plein
de signification, ce qui suggère que Ma peut facilement percer le
fonctionnement de notre mental; même dans ses parties les plus cachées.
Des prières et des billets d'avion
Claude L. est passée par le Centre
International de Ma à Kankhal à Noël l'an dernier. Elle nous a raconté la
manière dont elle a eu son billet pour venir en Inde pour ce séjour. Elle était
déjà venue en mai 96 avec le groupe de Claude Portal pour le Centenaire de Ma
et la retraite avec Swami Chidananda à Uttar Kashi. Un jour, vers le milieu de
1997, Ram Swarup, l'assitant de Chidananda, l'a appelée et lui a dit:"Il
faut que vous veniez à l'ashram de Shivananda à Rishikesh pour la retraite de
Noël 97!" Elle lui a répondu "Je ne peux pas, je n'ai vraiment pas de
fonds pour ce grand voyage!" Quelques temps plus tard, elle remarque qu'il
y avait sur les boîtes aux lettres un courrier d'Air France destiné à quelqu'un
qui ne devait pas habiter là puisqu'il n'était pas pris. Après quelques jours
et malgré ses enfants qui ne lui disaient de ne pas s'en mêler, elle ouvre la
lettre et voit qu'il s'agissait d'un billet d'avion. Elle téléphone dans la
matinée à l'agence, la dame vérifie et lui dit qu'ils ont inversé les deux
chiffres du numéro dans le Boulevard. Du coup, Claude convient avec elle
qu'elle portera le billet un peu plus loin à la bonne adresse, ce qu'elle a
fait. L'après-midi, le directeur de l'agence l'appelle, lui dit qu'il a déjeuné
avec son employée, qu'il trouve que des gens honnête et serviables comme
Claude, il n'y en a pas beaucoup, parle avec elle et lui propose en
remerciement un billet pratiquement gratuit pour la destination qu'elle
voulait. Elle lui dit qu'elle veut aller en Noël en Inde, les dates pour venir
et repartir de la retraite était juste en dehors des journées de grands
départs, et elle a donc pu avoir son billet...
QUAND
MA MONTRE DU DOIGT..
Par Ram Alexander
Cette histoire nous a été raconté par
Ram Alexander, qui a passé dix ans avec Ma et s'était fait construire à
l'époque une maisonnette dans l'ashram de Kankhal. Il est repassé à Noël pour
aider à finir d'installer le Centre International et sa bibliothèque, qui
compte maintenant plus de douze cent livres. Il nous a raconté le souvenir
suivant à propos de Ma:
"C'était vers 1981, l'année avant
que Ma ne quitte son corps. Nous devions tous aller à Uttar-Kachi à deux cent
kilomètres environ en amont d'Hardwar, sur le Gange. Comme d'habitude, il y
avait un convoi de véhicules qui suivaient la voiture de Ma, et comme
d'habitude aussi, il y avait une jeu de compétition idiote à qui serait juste
derrière elle. Cette fois-ci, nous avions décidés avec Gadadhar que ce serait
nous coûte que coûte. Mais ce n'était pas du goût de notre chauffeur de taxi
qui, lui, avait décidé de rouler lentement. Pris par le jeu, je montrais au
chauffeur mon poing pendant que Gadadhar appuyait de son propre pied le pied du
chauffeur qui pressait l'accélérateur...De cette façon, nous pouvions suivre Ma
au plus près.
Sa voiture s'arrêta dans une station
d'essence pour faire le plein. Nous nous étions embusqués sur le bord de la
route juste après pour pouvoir de nouveau colller à son véhicule: mais voilà
qu'arrivée à notre niveau, Ma fait ralentir et s'arrêter la voiture. Elle
baisse la fenêtre et se met à pointer le doigt vers nous avec le bras tendu.
Cette scène étrange a peut-être duré trente seconde, un temps qui nous a paru
très très long. Tout le monde était plutôt déconcerté, car on ne se souvenait
pas l'avoir jamais vue agir de cette façon. Quand elle est repartie, le
chauffeur a voulu la suivre, mais la voiture n'a plus voulu s'ébranler: il ne
comprenait pas d'où venait la panne, car son véhicule était plutôt récent.
Finalement, il a été obligé de nous laisser sur le bord de la route et de le
faire rapporter au garage d'Hardwar. Ils se sont aperçus là-bas que c'était
l'essieu qui était cassé...
NOTRE MA ANANDAMAYI UNIVERSELLE
Personification de l'amour et de la compassion
par Chitra Ghosh
Ma était en mai 1961 à Bombay. Elle
allait chercher à l'hôpital Gopinath Kaviraj qui s'était sorti
quasi-miraculeusement d'une opération pour cancer.
Quand Ma rentra dans la chambre de
Gopibaba, il était fin prêt pour sa sortie de l'hôpital en sa compagnie. Les
docteurs et infirmières étaient très désireux de voir Ma, et s'étaient mis en
ligne pour la saluer avec des guirlandes. Ma les accepta mais les leur retourna
après les avoir bénites. Néanmoins, elle mis à part une grande guirlande de
fleurs. On lui offrit aussi un panier de grosses pommes rouges. Elle les
distribua toutes sauf deux belles pièces qu'elle me demanda de conserver avec
la guirlande en me disant en bengali "Rakho parey lagbe"
"Mets-les de côté pour les distribuer par la suite".
Puis Ma, avec sa douce voix débordante de
compassion, remercia les docteurs et infirmières pour les services infatigables
et désintéressés qu'ils avaient rendus au Baba. Ils lui dirent tous:"Ce
sont vos bénédictions; votre kheyal (inspiration divine) et votre grâce
qui ont sauvé Baba par miracle. Nous ne sommes que les instruments de Dieu,
rien d'autre!"
A ce moment-là, j'ai entendu une voix
faible qui semblait pleurer et marmonner trois fois "Ha Allah".
J'allais voir à la porte de la chambre d'à côté. Ma s'occupait à ce moment-là
de l'organisation du départ de Baba en chaise roulante. Dans la chambre d'à
côté je vis un musulman arabe, un patient cancéreux avec une barbe et des
cheveux noirs qui gisait étendu de tout son long sur le lit. Son corps était
tellement émacié qu'on aurait dit un sqelette. Sa poitrine était enfoncée, et
des larmes de souffrance aigües roulaient sur ses joues creusées. Il était
secoué de hoquets intermittents. De temps à autre il disait faiblement:'Ah,
Allah!' Il avait les yeux fermés. L'infirmière qui s'en occupait me dit qu'il
était un cancéreux au stade terminal.
Je retournai auprès de Ma. Elle commença
à se diriger vers le couloir et les ascenseurs avec Gopibaba et sa troupe de
docteurs et d'infirmières. Soudain, elle revint sur ses pas et sans un mot se
dirigea d'un pas ferme vers la chambre du patient arabe. Bhaiya avait l'air
stupéfait, Paramanandaji serein; Gopibaba et les autres étaient comme envoûtés
et stoppèrent en chemin, tout ébaubis!
J'entrai avec Ma dans la chambre du
patient arabe. Bhaiya et les autres restèrent dehors. Ma dit en
souriant:"Baba, je suis venue, regardez-moi!" Tout en disant cela, elle
caressa la poitrine affaissée du cancéreux au stade terminal trois fois d'un
geste de la main doux, céleste et plein de félicité. Je ressentis qu'en faisant
ainsi, Ma lui donnait la libération de ses liens humains et de ses attaches
mortelles. Elle essuya ensuite ses larmes qui coulaient à flot avec le coin de
son dhoti. Puis elle prit la guirlande de roses rouges et la plaça sur
la poitrine et le cou du patient musulman. Peu après, elle me pris une des deux
pommes et la déposa dans ses mains jointes. Elle donna la seconde à
l'infirmière. A ce moment-là, le patient ouvrit lentement les yeux et lança un
long regard plein de gratitude vers Ma -il lui prit les mains et les mis sur sa
tête. Ma lui fit signe de répéter à l'intérieur son mantra du Coran. Leurs regards
plongèrent l'un dans l'autre. Elle resta debout cinq minutes à son chevet, et
ses yeux le traversait comme des rayons X: elle donnait l'impression
d'embrasser d'un seul regard son passé, son présent et son futur. Je ne pus que
pleurer en voyant cette union spirituelle entre un fidèle authentique et Dieu (bhakta
bhagabaner milon en bengali) qui transcendait de loin les barrières de
castes, de croyances et de nationalités. Notre Ma toute pénétrée de joie savait
bien que ce premier darshan qu'il avait d'elle serait aussi le dernier.
Elle marcha à reculons à la place de faire demi-tour afin que le patient puisse
la voir de face jusqu'à ce qu'elle sorte. Les docteurs dirent à Ma que ses
jours étaient comptés.
Le matin suivant je pris l'initiative de demander à Bhaiya de se renseigner sur l'état du patient. Il m'annonça dans l'après-midi qu'il venait de s'éteindre paisiblement dans la nuit. Je me précipitais pour le dire à Ma, mais avant que je n'ai pu ouvrir la bouche elle me dit en bengali:"arab desher baba chole gachhey? Le Baba arabe s'en est allé?" C'est ainsi que la grâce spontanée de Ma (ahetuki kripa) a accéléré son retour vers le Royaume des cieux où il y a une paix qui dure à tout jamais. "Le Baba arabe s'en est allé."
QUINZE MINUTES POUR DIEU
Par Kirpal
24-10-59, Vindyachal
Ma: "Un jour, ce corps eut le kheyal
(inspiration divine) suivant:'N'est-il pas possible qu'on puisse aspirer à la
réalisation de dieu sans distinction de caste ou de croyance? Dieu est
indivisible, complet et parfait. Dans cette vie du monde, il est difficile
d'aspirer à Dieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous êtes à la fois
père, mari et fils. Dans chaque rôle vous êtes seulement le Un et vous êtes
sous des formes séparées le tout dans sa complétude même. L'arbre contient la
semence. Une graine de moutarde, une semence de banyan (un des plus grands
arbres en Inde) contiennent d'innombrables semences. D'une semence sortent
d'innombrables semences. Durant les vingt-quatre heures, quand quinze minutes
sont données, elles restent. C'est comme un zéro qui, lorsqu'il est ajouté à un
autre chiffre donne un nombre complet. Que ce soit même seulement quinze
minutes. Fixez-vous une durée d'un quart d'heure pour toujours. Il y a
vingt-quatre heures de disponibles pour les affaires du monde, quinze minutes
ne risquent pas d'interrompre la séquence. Ces quinze minutes appartiendront à
Dieu. Pas de question de pureté ou d'impureté, de caste ou de confession,
hindoue, musulmane ou chrétienne. Quelque soit sa religions, on doit consacrer
ces quinze minutes à Dieu. Quelque soit votre situation, si vous pouvez vous
laver les mains et les pieds, c'est bien. L'objet de ces quinze minutes, c'est
de réaliser Dieu en observant le silence, vak samyam, et de méditer
pendant quinse minutes sur la forme divine ou réciter un mantra sans
interruption. Qui peut dire si ces quinze minutes ne deviendront-elles pas, par
la grâce de Dieu; vingt-quatre heures?
Ces quinze minutes sont le bateau qui
vous prendra au-delà de l'océan. La divinité (Atman) est une. Il n'y a
pas de différenciation. L'éternel est en vous. Dieu est en vous. Pour se
souvenir de cela, on doit consacrer quinze minutes à Dieu.
NOUVELLES
- La Kumbha-Mela
commence à battre son plein à Hardwar. C'est une des raisons pour laquelle vous
recevrez ce Jay Ma un peu plus tard que d'habitude. L'autre raison, c'est que
j'ai été pour une petite retraite dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina
où Vijayananda a vécu pendant six ans; et que je ne suis redescendu que
récemment. Il est possible que le numéro d'été soit aussi quelques semaines en
retard si je suis de nouveau là-haut jusqu'en début juillet. Vous trouverez au
début de ce numéro une réponse de Vijayananda sur le sens de cette réunion de
sadhus et de laïcs qui attire plus de dix millions de personnes.
- Au jourd'hui même, Aurore Gauer est
arrivé à Kankhal avec son nouveau livre sur les chants Bâuls qu'elle a offert à
Vijayananda. Elle a réuni les textes et les a introduits tandis que Marol les a
traduits de l'anglais en français. Au coeur du vent - Les mystères des
chants bâuls Editions Accarias-L'Originel/ Editions de l'Unesco. JL
Accarias 5 Passage de la Folie-Régnault 75011 Paris 95 Frs.
Aurore
est connue pour ses articles dans Terre du Ciel en particulier non seulement
sur les bâuls, mais aussi sur Arunachala et Vijayananda. Elle s'est formée
depuis plusieurs années au Bengale et a créée une association pour soutenir
cette forme de chant et de mystique traditionnelle, qui a inspiré Tagore,
Ramakrishna et Ma également en particulier à travers son père Bipin Bihari qui
était un grand chanteur de kirtans et a passé une pèriode sur les routes. Les
chants sont ordonnés par thèmes en partant du désarroi et de la souffrance pour
arriver à la joie en passant par les secrets de l'amour que chacun comprend
selon son niveau d'expérience spirituelle. Nous donnons ci-dessous des extraits
d'un poème sur la joie de Norohori Gossaïn :
- Le projet de Ma sur Internet prend
forme. Quand j'avais regardé le site online le mois dernier de Delhi, il y
avait déjà deux livres sur Ma dont celui de Richard Lannoy, Anandamayi, avec de
très belles photos et un texte intéressant à l'adresse suivante :
http://www.bogo.co.uk/kalina
Cette adresse va probablement changer
quand Valentin Mazlov qui s'occupe du site en mettra une avec le nom de Ma pour
faciliter les recherches. Nous avons obtenu les autorisations de divers
éditeurs dont la Sangha de Ma pour mettre environ 3000 pages de textes en
anglais et 800 pages en français, ainsi que de nombreuses photos de qualité et
la revue de la Sangha, Amrita Varta. Nous travaillons dans une école religieuse
de Kankhal qui a un ordinateur perfectionné pour préparer le site en français
de Ma. Nous avons aussi préparé un site sur la Kumbha-Mela avec 120 pages de
textes extraits de deux livres difficiles à trouver, un premier sur la
Kumbha-Mela elle-même publiée par un petit éditeur de Bénarès et un autre de
Swami Abhishiktananda (Henri Le Saux) qui présente l'idéal du renoncement en
Inde dans The Hindu sannyas. Nous espérons que le site à peu près
complet sera en ligne courant juin, y compris la nouvelle série des Jay Ma
(depuis l'hiver 96-97) jusqu'à ce numéro inclus. A beaucoup de signes, on
pouvait sentir que le moment était venu de mettre la littérature de Ma sur
Internet, et le projet est maintenant bien avancé.
ABONNEMENTS
Envoyer un chèque au nom de J.Vigne à Mme
Vigne, 95 rue J.Dulud 92200, ceci seulement pour les nouveaux souscripteurs,
qui peuvent envoyer la somme de cent francs et être abonnés jusqu'en fin 2001. Les
autres auront à renouveler après le numéro d'automne.
JAY
MA N°51 - PRINTEMPS 1999
Paroles de Ma
Je ne suis qu'une enfant et je ne sais
pas donner des conférences ou des discours: De même qu'une enfant; lorsqu'elle
trouve quelque chose de sucré; de bon; l'apporte à son père ou sa mère, de même
je dispose devant vous ce qui et bon et sucré. Prenez ce qu'il vous plaît.
Ce sentiment avec lequel vous vous
mariez, il n'y en a pas même eu l'ombre en ce corps.
Votre désir intense de voir ce corps en
samadhi en provoque parfois les symptômes. A chaque fois qu'une pensée atteint
sa pleine intensité, son expression physique suivra ineluctablement. Si l'on
perd son être dans la contemplation du Nom divin, on peut se fondre dans
l'océan de la Beauté divine. Dieu et les noms qui le symbolisent sont
un…aussitôt que la conscience du monde extérieur s'évanouit, le pourvoir du Nom
qui se révèle de lui-même trouve son expression objective.
L'univers est un Jeu divin, vous avez un
désir de jouer et vous interprétez donc ce jeu selon votre propre éclairage
dans toutes les activités joueuses de ce corps, dans ses sourires et ses
amusements: S'il avait pris une posture grave, vous vous en seriez tenu à
distance. Apprenez à vous plonger dans la Joie divine en toutes Ses
manifestions et vous attendrez le but final de tout jeu. Est-ce que vous
comprenez?
Le désitr intense pour la Réalisation de
Divin est en soi-même la voie qui y mène.
Un monsieur posa à Ma le problème
suivant: "Quel est le mieux; para seva, le service aux autres, ou bhajanam,
le chant du Nom divin?"
Mataji: "Il n'est pas juste de
considérer le service comme le seva de quelqu'un d'autre. Cela ne fait
qu'accroître l'égo. Vous devez considérer chacun comme 'Cela' (tat) et ainsi ne
faire que Son service.
Questions à
Vijayananda
Dasuda raconte…
Propos recueillis par Jacques Vigne
à Kankhal
Dasuda vient de fêter ses soixante ans
dans les ashrams de Ma. Il était le frère de Maroni, la fille adoptive de
Bholonath dont Ma s'est beaucoup occupée, et il est venu chez Ma à l'âge de
neuf ans. Il a été son chauffeur pendant 26 ans. Il dit que faire le service de
Ma était sa sadhana. Il y a un proverbe qui affirme qu'il n'y a pas de grand
homme pour son valet de chambre, mais après plus de quarante ans de vie au
service d'Anandamayi, Dasuda témoigne de la grande dévotion qu'il a développée
et qu'il garde envers elle. Le texte ci-dessous condense un entretien en hindi
que nous avons eu ce matin même à propos de ses réminiscences de Ma. Tout
d'abord, l'itinéraire de Dasuda est présenté, puis dans une seconde partie
diverses anecdotes sont rapportées. Pour la plupart d'entre elles, Dasuda en a
été le témoin ou l'acteur direct.
Dasuda est né
en 1929 au Bengale oriental. Sa grand -mère paternelle était la soeur de
Bholonath, le mari de Ma. Après l'adoption de sa soeur Maroni par Bholonath,
ses parents ne sont pas sortis de leurs difficultés si facilement. Finalement,
quand il n'avait que neuf ans, Ma leur a proposé de prendre Dasuda également à
l'ashram de Dhaka. A cette époque là; il était atteint de fièvre chronique. Il
a rejoint Ma qui était partie entre temps à Vindyachal, près de Bénarès, et là
il lui a demandé un entretien privé. Didi s'est moquée de lui en lui disant
'Toi, un enfant, pourquoi donc as-tu besoin d'un entretien privé avec Ma?' En
fait, il ne voulais dire qu'une chose à Ma, et il l'a dite effectivement: 'Je
vous considère comme ma seule vraie mère.' Et Ma l'a pris en charge à partir de
ce moment-là. Les débuts ont été difficiles. La fièvre qu'il avait s'est révélé
être un kala-azar, et les médecins à un moment donné ne lui avait pas donné
plus d'une demi-heure à vivre. Finalement, il a été envoyé à la Ramakrishana
Mission de Bénarès où il a été hospitalisé pendant six mois.
Quand il avait
vingt ans environ, on lui a dit d'aller à l'école de garçons de l'ashram
d'Almora, le Vidyapith, de rendre quelques services là-bas et d'y étudier
aussi; mais l'étude n'était pas son point fort, il voulait surtout retourner
auprès de Ma pour faire son service. Il est donc reparti sans demander de
permission vers Bénarès, avec en poche simplement l'argent pour le tiers du
voyage. Arrivé à l'ashram, Didi n'était pas contente à son sujet. Finalement,
le grand frère de Shivananda et Nirvanananda était là à cette époque. Ma lui a
demandé de lui trouver un emploi, et finalement il a abouti comme aide dans le
garage des bus gouvernementaux à Allahabad. Pendant deux-trois ans il y a
travaillé, a appris des rudiments de mécanique et quand il a su qu'on avait
offert à Ma une voiture, il a été passé son permis de conduire à Calcutta et
est devenu rapidement le chauffeur attitré de Ma. Ainsi, sa décision qui
semblait l'avoir éloigné de l'ashramet d'elle a permis en fait de pouvoir mieux
lui rendre service ensuite pendant des dizaines d'années. Il s'est aussi occupé
de la boutique de l'ashram pendant longtemps, et continue à jouer du tambour
pendant les pujas et les fêtes de Ma, ainsi qu'à rendre toutes sortes de
services à l'ashram de Kankhal auprès duquel il réside. Quand il parle du jeu, 'lila'
de Ma, l'expression qui lui revient le plus souvent est "aparamparik",
c'est à dire "peu commun, non traditionnel, qui n'a été reçu de nul autre,
spontané"…
§ Un jour, j'étais dans le train avec Ma.
A une gare, la foule était venue pour la voir. Elle m'a demandé d'appeler un
vendeur de chikkus (fruits bruns et sphériques assez sucrés, courants dans le
nord de l'Inde) qui demandait soixante roupies pour tout son panier de fruits.
Ma tenta de marchander à cinquante-cinq, mais le vendeur refusa. A ce
moment-là, elle lui proposa soixante-cinq, et avant qu'il ait eu le temps
d'accepter, elle monta à soixante-dix, puis de cinq en cinq jusqu'à cent. Quand
il a reçu les cent roupies, le vendeur était tellement ému qu'il a fait la
prosternation complète devant Ma et lui a demandé de lui donner un Nom de Dieu
à réciter. Ma s'est enquise: 'Quelle est la divinité que tu préfères.' 'Ram'
'Eh bien, récite Ram!' C'est ainsi que le vendeur de fruits a été initié par Ma
sur le quai même de la gare.
§ Quand Dasuda, avec d'autres, lavait les
vêtements de Ma, ils pouvaient régulièrement sentir qu'ils avait une odeur
excellente alors que Ma ne mettait aucun parfum.
§ Un voisin de l'ashram de Kalyanvan
au-dessus de Dehra-Dun, un ingénieur avait organisé une lecture du Ramayana où
il avait invité Ma. La cérémonie se déroulait au rez-de-chaussé, et Ma était
montée pour quelques temps se reposer au premier étage. Udas avait gardé comme
d'habitude la literie de Ma d'une propreté absolument irréprochable; mais à un
moment, celle-ci souleva le drap et appela les jeunes filles qui l'assistaient:
il y avait là un petit serpent qui était mort. Ma fit venir une grande feuille
avec lequel elle le ramasssa, puis le mit dans une autre feuille et le tout
dans un panier. Elle me convoqua alors et me demanda d'emporter le corps de
l'animal à Hardwar et de l'immerger à Brahmakund (l'endroit de bain le plus
sacré d'Hardwar, là où les pontes du monachisme hindou viennent predre leur
bain tous les douze ans lors de la pleine Kumbha-Méla).
§ Ma était dans son premier ashram près
de Dehra-Dun, Raipur, tout à fait aux pieds de l'Himalaya. Un jour, Didi a vu
que ses vêtements étaient trempés. Elle demanda à Ma pourquoi, car il ne
semblait y avoir aucune raison pour cela. Celle-ci ne répondit pas, et ce n'est
que plus tard qu'elle apprit qu'à ce moment-même; Bhaiji avait failli se noyer
à Bénarès en descendant trop loin sur les ghats alors au'il ne sanvait pas
nager. Il s'était senti rattrappé par les cheveux et avait entendu une voix qui
le réprimandait :"Toi qui ne sait pas nager, pourquoi donc prends-tu des
risques commme cela?"
§ Nous étions avec Ma à Bhagat House, le
premier ashram de Ma dans la partie nord d'Hardwar. Ellle allait et venait sur
la vérandah au fond de la cour quand un groupe de cinquante ou soixante
personnes fit son entrée. Elle me dit immmédiatement: "Vas vite au marché
acheter du prasad pour tous ces gens. Et si tu vois une voiture qui passe,
arrête-la et demande aux gens dedans de t'accompagner. Il s'est trouvé que la
première voiture qui passait avait une énorme corbeille de fruits sur le toit,
et appartenant à des fidèles de Ma qui venaient justement la visiter…
§ C'était vers la fin de la vie de Ma. Il
y avait un sacrifice au feu (laghu rudra havan) qui était organisé par
Mr Kheitan, un voisin de l'ashram de Ma à Kalyanvan, Dehra-Dun. Soudain, un
garçon a été mordu par un scorpion. Il tremblait de tous ses membres, et son
lit était entouré d'une foule non moins affollée que lui. Ma m'appella et me
dit: "Te souviens-tu de la manière don’t Narayan Swami (un ancien disciple
de Ma) soignait les piqûres de scorpion?" Je ne me souvenais plus exactement;
mais elle me rapppella la conduite à tenir et le mantra à reciter. A peine
avais-je commencé quelques passes sur le corps du garçon qu'il devint
complètement calme, et finalement il se tira d'affaire sans conséquences de la
piqûre pour sa santé.
§ Lors des jours sombres de la Partition,
des gens vinrent mettre le feu derrière le temple d'Annapurna à l'ashram de
Dhaka. Le responsible de l'ashram écrivit à Ma qui était alors à Solan en
Himachal Pradesh pour lui suggérer de mettre la statue en lieu sûr. Elle envoya
immédiatement deux hommes pour ce travail. Ils disposèrent la divinité dans une
grande caisse, ils mirent aussi dans un seau de métal les braises de l'akhand
jyoti, le feu sacré qui brûlait continûment depuis une vingtaine d'années
déjà à Dhaka et ont été vers la frontière; Les douaniers à l'époque fouillaient
tout le monde et ne laissainet pas sortir d'objets religieux hindous du pays,
car la tension interreligieuse était à son maximum. Mais ils ont laissé passer
les envoyés de Ma sans même regarder ce qu'ils avaient dans leur caisse. La
statue d'Annapurna et le feu sacré ont été installés peu après à l'ashram de
Bénarès, où ils ont toujours.
§ Shankar Bharati était un grand bhakta
de Lalita Devi, dont le temple était à Lalita Ghat, sur les bords du Gange au
nord de Bénarès. Une nuit, il a eu en rêve la vision de cette déesse qui lui a
dit: "Sous forme de statue, je réside dans ton temple, mais sous forme
'éveillée' (dans la tradition hindoue, la statue de la déesse peut être éveillée;
jagrit, par des prières intenses), je réside en Ma Anandamayi. Va pour
avoir son darshan!" Le lendemain même, alors que la chaleur était intense,
Shankar Bharati descendit toute l'enfilade des ghats, peut-être six ou sept
kilomètres pour aller rencontrer Ma.. Celle-ci a appris par la suite qu'il
avait des problèmes de digestion à cause de l'alimentation plus qu'austère
qu'il avait adoptée; il demandait à son disciple d'aller à la fin du marché
ramasser les restes de légumes qu'en général on laisse pour les vaches, il les
faisait cuire et ne mangeait que cela. Pendant un certain temps, Ma lui a fait
porter les repas de l'ashram lui-même; après, les disciples de Shamkar Bharati
ont arrangés eux-même des repas normaux.
§ Pendant le grand sacrifice au feu entre
1947 et 1950 à Bénarès, j'étais responsible du soin des vaches. L'une d'elle
avait accouché d'un veau extrêmement beau, mais qui était malade. Il avait un
genou qu'il ne pouvait étendre; et il était donc incapable de marcher; Au bout
de quelques temps, son état s'est aggravé. Ma a demandé à certaines
brahmacharinis de venir réciter le Mahamantra auprès de lui. Une fois qu'il est
mort peu après, elle m'a demandé de l'envelopper dans un tissu, de l'attacher à
une pierre et de le jeter dans le Gange (c'est la façon dont on dispose du
corps des sadhous également).
§ Lors de la Purna Kumbha-Mela
d'Allahabad, c'était peut-être en 1954, ou alors en 1966, tout le monde était
parti au bain car c'était le grand jour et il n'y avait que quelques personnes
qui étaient restées auprès de Ma, celle-ci n'ayant pas envie de s'y rendre.
Soudain, elle dit qu'elle s'est sentie attirée par trois jeunes filles sous
forme subtile. Il s'agissait de Ganga, Yamuna et Saraswati (correspondant aux
deux rivières visibles et au cours d'eau souterrain, qui se rencontrent au
confluent, 'Prayag' ; d'Allahabad). Elles entrainèrent Ma vers la confluence
des rivières, c'est à dire l'endroit le plus sacré pour le bain, et celle-ci y
parvint, malgré une foule des plus denses, juste au moment du 'mouhourt',
c'est à dire à l'heure la plus favorable d'après la tradition.
§ Nous ramenions vers Calcutta avec Ma
Didi qui s'était faite traiter à Bombay pour une maladie sérieuse. Ma décida de
faire une halte à Bodhgaya, l'endroit de l'illumination du Bouddha au Bihar,
entre Bénarès et le Bengale. C'était la nuit, et soudain nous avons senti un
parfum de fleur tout à fait remarquable; Nous pensions que Ma avait apporté
avec elle un énorme panier de fleurs sans que nous nous en apercevions, mais ce
n'était pas le cas. Finalement, celle-ci nous dit: "C'est le Seigneur
Bouddha qui s'est manifesté à nous de cette manière."
Dasuda aime à raconter le rapport
particulier qu'avait Ma avec les mourants, ou même ceux qui étaient déjà morts.
Dans la tradition indienne, le guru doit être présent au moment de la mort, que
ce soit sous forme physique ou subtile, pour aider ses disciples au grand
passage. Nous terminons par quelques anecdotes à ce sujet:
§ C'était quelque temps après la fin
tragique de Vibhuda: il s'agissait d'un chanteur très doué, mais instable
physiquement à cause d'un asthme et déséquilibré psychologiquement aussi. Ma le
gardait près de lui dans l'espoir qu'il se rééquilibrerait. Il avait déjà fait
plusieurs tentatives de suicide, quand un jour Swami Paratmananda avait donné
l'ordre de le changer de chambre et de le mettre dans le bâtiment des sadhous.
Il a dit: "Si je vais là -bas, je ne survivrai pas longtemps" Et
trois jour plus tard, il a réussi son suicide en se jetant sous un train à
Motichur, la première petite gare juste au nord d'Hardwar. Quelques temps plus
tard, Ma passait en train sur cette ligne. Panuda me dit: "Vas informer Ma
que nous approchons de l'endroit où Vibhuda a rendu l'âme" Mais quand
j'approchais de la couchette de celle-ci, je vis qu'elle reposait avec la tête
recouverte, je n'osais donc pas la déranger; mais pourtant, au moment où nous
passions à l'endroit tragique, elle s'est rassise immobile en méditation. Nous
avons compris qu'elle envoyait une bénédiction à l'âme en peine de Vibhuda.
§ C'était à Vrindavan. Bunidi était une
brahmacharini très proche de Ma; elle avait une maladie cardiaque et venait de
passer deux journées très difficile, avec de l'oxygène. Ma était restées dans
sa chambre, de six heures du matin à onze heures du soir. Un médecin occidental
qui travaillait à l'hôpital de la Mission Ramakrishna juste en face de l'ashram
était passé dans la soirée, avait constaté une certaine amélioration et avait
demandé qu'on retire le tuyau d'oxygène. Il avait dit qu'il repasserait le
lendemain matin. Il s'était trouvé que Nirvanananda avait été également
immobilisé deux jours avant à cause d'un traumatisme au genou. On avait apporté
pour lui un bassin dont il n'avait finalement pas voulu se servir. Ma m’a
demandé de l'apporter dans la chambre de Bunidi pour que celle-ci puisse
l'utiliser et évite de se déplacer jusqu'aux toilettes. Quelques temps après le
départ de Ma, Bunidi s'est levée; les brahmacharinis qui la veillaient ont
essayé de l'en empêcher, en lui conseillant d'utiliser le bassin. Mais celle-ci
refusa catégoriquement et d'une voix irritée. Les assistantes la laissèrent
donc aller aux toilettes, et là, elle tomba et rendit l'âme. Un fait
intéressant est qu'à ce moment-même; Ma était en chemin pour revenir voir la
malade, mais avait été stopppée par Swami Swarupananda qui souhaitait
l'entretenir d'affaires de construction dans l'ashram.
§ A Rajghir dans l'ashram de Ma aux
environs des années 1970 vivait un vieux Swami, Upen Maharaj. Ma vint le
visiter un jour avec trois ou quatre disciples renonçants, Bhaskarananda,
Nirvanananda, Keshavananda et un autre. Sans donner de raisons, elle dit
qu'elle s'en allait pour quelques jours et demanda aux disciples de rester avec
Upen Maharaj. Le lendemain, celui-ci leur offrit un véritable festin, il aimait
beaucoup offrir des repas de fête aux sadhous. Quand après la sieste,
Keshavananda est venu l'inviter à se joindre aux autres pour le thé, il n'a pas
répondu. En plaisantant, Keshavananda l'a secoué pour le réveiller; ce n'est
qu'à ce moment-là qu'il s'est aperçu qu'il était mort.
§ Hindu Didi était très malade à l'ashram
de Naimisharanya (près de Lucknow, l'endroit où, dit la tradition, les dix-huit
Puranas ont été écrits). Ma avait conseillé qu'on l'emmène à Bénarès, la
voiture était venue la chercher, je l'ai installée près de l'arbuste de tulsi
qu'il y avait aux environs du temple du Puran-Purush (la statue qui représente
les Puranas) et j'étais reparti pour ranger sa literie pour le voyage. Quand je
suis revenu, Ma était descendue 'par hasard' et Hindudi venait de rendre l'âme.
D'après la tradition vaishnava, mourir à l'ombre d'un tulsi est une bénédiction
qui vous fait aller tout droit à Vaikhunta, le paradis de Vishnu.
§ Miradi habitait dans une ruelle de
Bénarès une petite chambre en rez-de-chaussé; elle était très malade. Ma est
venue lui rendre visite avec des fleurs et des fruits qu'elle lui a offerts.
Elle n'est pas rentrée à l'intérieur, mais lui a parlé par la fenêtre ouverte,
et au bout de quelques temps, elle lui a demandé si elle pouvait s'en aller.
Miradi a dit: "Reste encore deux minutes!" Et au bout de deux
minutes, elle est morte.
§ Hari Baba, le grand bhakta de Ma qui
était lui-même aussi guru, avait demandé longtemps auparavant à Didi de faire
en sorte qu'il puisse passer sa dernière heure avec la main de Ma dans la
sienne. Il était très malade à Delhi (Vijayananda raconte qu'à ce moment-là les
médecins traitants de l'hôpital l'avaient même déclaré mort. Ma est venu le
voir, et il s'est réveillé: c'est le seul cas authentifié où Ma ait resuscité
un mort). En accord avec le Baba et ses disciples, Ma a décidé de partir avec
eux à Bénarès. Quand l'agonie est venue, Ma a été au chevet du malade de six
heures du soir jusqu'à une heure du matin, le moment du décès, et elle lui
tenait continûment la main.
* * *
Nouvelles
Shri Ma compose une
pièce de théâtre sacré
Par Bithika Mukerjee
Une parole de Shri Ma dit que les petites
filles (kanyas) ou garçons sont comme des fleurs fraîches et immaculées, digne
du Divin. Pour eux, rentrer en contact avec la dimension de la grâce toujours
présente est facileet naturelle. Le kheyala de Shri Ma était toujours
avec le Kanyapith. Il était donc peut-être juste que quand elle avait le
kheyala de faire jouer un lila (une pioèce de théâtre sacrée, cela se passait
au Kanyapith.
Lors d'une de ces soirées de
représentation, Mauni Ma dit à Shri Ma; "Ma, pourquoi ne faites-vous pas
une pièce de théâtre vous-même?" Shri Ma répondit immédiatement:
"Dois-je faire ainsi? Participerez-vous si je dirige une
représentation?" Tout le monde fut d'accord avec enthousiasme. Le jour
suivant, Shri Ma me fit appeler et exprima son sentiment sur le lila qu'on
devait mettre en scène le soir-même. Rétrospectivement, je réalise qu'en ceci
Ma s'est révélée pleinement. Le lila, simple en lui-même, nécessiterait de
nombreuses pages pour une étude approfondie de sa signification. Déjà, Shri Ma
organisa une scène où acteurs et spectateurs pouvait former un groupe homogène.
Shri Ma n'avait jamais le temps de me donner des instructions complètes, jer la
suivais d'un endroit à l'autre avec un carnet et un crayon et je notais ce
qu'elle parvenait à me dicter de temps en temps, parfois même en allant d'une
réunion à l'autre. J'ai compris ses instructions de la faàon suivante:
On devait diviser le hall en huit
sections ou plus. On devait en laisser les limites fluides et permettre à
l'assistance de remplir sans difficulté l'ensemble de l'espace disponible, y
compris celui traditionnellement réservé à la scène. Il y aurait deux
personnages au centre de chaque partie. L'un représenterait un forme de Dieu,
et l'autre son adoratuer. Le salle entière serait une assemblée où les gens
seraient assis en groupe autour d'une 'statue' donnée. Ces groupes pourrait se
fondre l'un dans l'autre; mais il y aurait des petis chemins distincts qui y
mèneraient. Les groupes don’t Ma a donné le détail étaient les suivant, autant
que je me souvienne: le premier des deux groupes à une extremité de la salle
devait être cemlui des fidèles de Vishnou et Shiva. Dans le premier carré deux
filles du Kanyapith devait prendre la posture classique de Radha et Krishna.
Dans le second Didi était assise en méditation en face du Gange, et une autre
étudiante était ornée comme Shiva. Deux autres groupes représentaient les
fidèles de ram et du Bouddha. Dans le groupe suivant, nous avions des ascètes
qui levaient les yeux avec une expression calme et seriene vers une
représentation d'Adi Shankaracharya (le premier Shankaracharya). Dans une
partie plutôt informe il y avait des yogis, des ganapatis et Hanuman joué par
Vishuddha, qui à cette époque était bien malicieux. Je pense qu'il y afvait
d'autres personnages moins clairement définis censés représentés les divinités
et fidèles des formes de religions non hindoues.
Il y avait un petit balcon de l'autre
côté de la salle. Les nombreux accessoires simples de ce lila y étaient
rassemblés: un livre, une paire de cymbale, un colliere de rudraksha, une
guirlande de fleurs, des pétales de tulsi, des feuilles de bilva et beaucoup
d'autres articles de ce genre. Pendant toute la journée, Ma me dictait des
bouts de lignes que je devais dire. L'idée é"tait que je devait
dé"crire les diverses représetations divines en mettant en avant leur
majesté et leur grandeur ainsi que leurs qualités qui captivaient le coeur de
leurs fidèles. Ensuite j'appelais un assistant (Shri Ma déguisée) pour fournir
aux fidèles les objets utiles qu culte de leur divinité d'élection. Shri Ma me
dit: "Tu donneras l'ordre suivant, 'o toi, servate, viens ici!"
J'étais étonnée et dit: "Qui suis-je donc pour appeler Ma une
servante?" (dasi, un mot qui signifie aussi 'esclave')
"Il s'agit de ce corps, bien
sûr!"
"Mais je ne peux vous appeler
"dasi"!
"Vraiment pas."
"Non, vraiment; vraiment pas!"
Shri Ma prut un peu stupéfaite, mais didi
qui était à mes côtés me soutint. Elle dépassa alors cet obstacle à son kheyal
en disant, "Eh bien, j'ai eu de nombreux surnoms lorsque j'étais petite,
l'un d'entre eux était Tirthavasini Mai (la dame qui réside dans les lieux de
pèlerinage). Je n'avais pas d'objection à ce nom que je trouvais tout à fait
adapté. Ainsi, je devais l'appeler en lui disant quelque chose de ce genre;
"O Tirthavasini Mai, venez par ici, voyez comme ce verger est vbeau, comme
ces personnages de Radha et Krishna sont captivants! Voyez comme les gens qui
chantent le kirtan sont impliqués! On est vraiment transport& dans un autre
monde dans une telle atmosphère".
Qprès ce commentaire, Shri Ma devait
sortir du balcon voilée si complètement qu'elle espérait ne pas être reconnue
et apporter aux fidèles des paires de cymbales qu'elle leur remettait en mains
propres.
JAY
MA N°51 PRINTEMPS 1999
Paroles de Ma
Je ne suis qu'une enfant et je ne sais
pas donner des conférences ou des discours: De même qu'une enfant; lorsqu'elle
trouve quelque chose de sucré; de bon; l'apporte à son père ou sa mère, de même
je dispose devant vous ce qui et bon et sucré. Prenez ce qu'il vous plaît.
Ce sentiment avec lequel vous vous
mariez, il n'y en a pas même eu l'ombre en ce corps.
Votre désir intense de voir ce corps en
samadhi en provoque parfois les symptômes. A chaque fois qu'une pensée atteint
sa pleine intensité, son expression physique suivra ineluctablement. Si l'on
perd son être dans la contemplation du Nom divin, on peut se fondre dans
l'océan de la Beauté divine. Dieu et les noms qui le symbolisent sont
un…aussitôt que la conscience du monde extérieur s'évanouit, le pourvoir du Nom
qui se révèle de lui-même trouve son expression objective.
L'univers est un Jeu divin, vous avez un
désir de jouer et vous interprétez donc ce jeu selon votre propre éclairage
dans toutes les activités joueuses de ce corps, dans ses sourires et ses
amusements: S'il avait pris une posture grave, vous vous en seriez tenu à
distance. Apprenez à vous plonger dans la Joie divine en toutes Ses
manifestions et vous attendrez le but final de tout jeu. Est-ce que vous
comprenez?
Le désitr intense pour la Réalisation de
Divin est en soi-même la voie qui y mène.
Un monsieur posa à Ma le problème
suivant: "Quel est le mieux; para seva, le service aux autres, ou bhajanam,
le chant du Nom divin?"
Mataji: "Il n'est pas juste de
considérer le service comme le seva de quelqu'un d'autre. Cela ne fait
qu'accroître l'égo. Vous devez considérer chacun comme 'Cela' (tat) et ainsi ne
faire que Son service.
Questions à
Vijayananda
Dasuda raconte…
Propos recueillis par Jacques Vigne
à Kankhal
Dasuda vient de fêter ses soixante ans
dans les ashrams de Ma. Il était le frère de Maroni, la fille adoptive de
Bholonath dont Ma s'est beaucoup occupée, et il est venu chez Ma à l'âge de
neuf ans. Il a été son chauffeur pendant 26 ans. Il dit que faire le service de
Ma était sa sadhana. Il y a un proverbe qui affirme qu'il n'y a pas de grand
homme pour son valet de chambre, mais après plus de quarante ans de vie au
service d'Anandamayi, Dasuda témoigne de la grande dévotion qu'il a développée
et qu'il garde envers elle. Le texte ci-dessous condense un entretien en hindi
que nous avons eu ce matin même à propos de ses réminiscences de Ma. Tout
d'abord, l'itinéraire de Dasuda est présenté, puis dans une seconde partie
diverses anecdotes sont rapportées. Pour la plupart d'entre elles, Dasuda en a
été le témoin ou l'acteur direct.
Dasuda est né
en 1929 au Bengale oriental. Sa grand -mère paternelle était la soeur de
Bholonath, le mari de Ma. Après l'adoption de sa soeur Maroni par Bholonath,
ses parents ne sont pas sortis de leurs difficultés si facilement. Finalement,
quand il n'avait que neuf ans, Ma leur a proposé de prendre Dasuda également à
l'ashram de Dhaka. A cette époque là; il était atteint de fièvre chronique. Il
a rejoint Ma qui était partie entre temps à Vindyachal, près de Bénarès, et là
il lui a demandé un entretien privé. Didi s'est moquée de lui en lui disant
'Toi, un enfant, pourquoi donc as-tu besoin d'un entretien privé avec Ma?' En
fait, il ne voulais dire qu'une chose à Ma, et il l'a dite effectivement: 'Je
vous considère comme ma seule vraie mère.' Et Ma l'a pris en charge à partir de
ce moment-là. Les débuts ont été difficiles. La fièvre qu'il avait s'est révélé
être un kala-azar, et les médecins à un moment donné ne lui avait pas donné
plus d'une demi-heure à vivre. Finalement, il a été envoyé à la Ramakrishana
Mission de Bénarès où il a été hospitalisé pendant six mois.
Quand il avait
vingt ans environ, on lui a dit d'aller à l'école de garçons de l'ashram
d'Almora, le Vidyapith, de rendre quelques services là-bas et d'y étudier
aussi; mais l'étude n'était pas son point fort, il voulait surtout retourner
auprès de Ma pour faire son service. Il est donc reparti sans demander de
permission vers Bénarès, avec en poche simplement l'argent pour le tiers du
voyage. Arrivé à l'ashram, Didi n'était pas contente à son sujet. Finalement,
le grand frère de Shivananda et Nirvanananda était là à cette époque. Ma lui a
demandé de lui trouver un emploi, et finalement il a abouti comme aide dans le
garage des bus gouvernementaux à Allahabad. Pendant deux-trois ans il y a
travaillé, a appris des rudiments de mécanique et quand il a su qu'on avait
offert à Ma une voiture, il a été passé son permis de conduire à Calcutta et
est devenu rapidement le chauffeur attitré de Ma. Ainsi, sa décision qui
semblait l'avoir éloigné de l'ashramet d'elle a permis en fait de pouvoir mieux
lui rendre service ensuite pendant des dizaines d'années. Il s'est aussi occupé
de la boutique de l'ashram pendant longtemps, et continue à jouer du tambour
pendant les pujas et les fêtes de Ma, ainsi qu'à rendre toutes sortes de
services à l'ashram de Kankhal auprès duquel il réside. Quand il parle du jeu, 'lila'
de Ma, l'expression qui lui revient le plus souvent est "aparamparik",
c'est à dire "peu commun, non traditionnel, qui n'a été reçu de nul autre,
spontané"…
§ Un jour, j'étais dans le train avec
Ma.. A une gare, la foule était venue pour la voir. Elle m'a demandé d'appeler
un vendeur de chikkus (fruits bruns et sphériques assez sucrés, courants dans
le nord de l'Inde) qui demandait soixante roupies pour tout son panier de
fruits. Ma tenta de marchander à cinquante-cinq, mais le vendeur refusa. A ce
moment-là, elle lui proposa soixante-cinq, et avant qu'il ait eu le temps
d'accepter, elle monta à soixante-dix, puis de cinq en cinq jusqu'à cent. Quand
il a reçu les cent roupies, le vendeur était tellement ému qu'il a fait la
prosternation complète devant Ma et lui a demandé de lui donner un Nom de Dieu
à réciter. Ma s'est enquise: 'Quelle est la divinité que tu préfères.' 'Ram'
'Eh bien, récite Ram!' C'est ainsi que le vendeur de fruits a été initié par Ma
sur le quai même de la gare.
§ Quand Dasuda, avec d'autres, lavait les
vêtements de Ma, ils pouvaient régulièrement sentir qu'ils avait une odeur
excellente alors que Ma ne mettait aucun parfum.
§ Un voisin de l'ashram de Kalyanvan
au-dessus de Dehra-Dun, un ingénieur avait organisé une lecture du Ramayana où
il avait invité Ma. La cérémonie se déroulait au rez-de-chaussé, et Ma était
montée pour quelques temps se reposer au premier étage. Udas avait gardé comme
d'habitude la literie de Ma d'une propreté absolument irréprochable; mais à un
moment, celle-ci souleva le drap et appela les jeunes filles qui l'assistaient:
il y avait là un petit serpent qui était mort. Ma fit venir une grande feuille
avec lequel elle le ramasssa, puis le mit dans une autre feuille et le tout
dans un panier. Elle me convoqua alors et me demanda d'emporter le corps de
l'animal à Hardwar et de l'immerger à Brahmakund (l'endroit de bain le plus
sacré d'Hardwar, là où les pontes du monachisme hindou viennent predre leur
bain tous les douze ans lors de la pleine Kumbha-Méla).
§ Ma était dans son premier ashram près
de Dehra-Dun, Raipur, tout à fait aux pieds de l'Himalaya. Un jour, Didi a vu
que ses vêtements étaient trempés. Elle demanda à Ma pourquoi, car il ne
semblait y avoir aucune raison pour cela. Celle-ci ne répondit pas, et ce n'est
que plus tard qu'elle apprit qu'à ce moment-même; Bhaiji avait failli se noyer
à Bénarès en descendant trop loin sur les ghats alors au'il ne sanvait pas
nager. Il s'était senti rattrappé par les cheveux et avait entendu une voix qui
le réprimandait :"Toi qui ne sait pas nager, pourquoi donc prends-tu des
risques commme cela?"
§ Nous étions avec Ma à Bhagat House, le
premier ashram de Ma dans la partie nord d'Hardwar. Ellle allait et venait sur
la vérandah au fond de la cour quand un groupe de cinquante ou soixante
personnes fit son entrée. Elle me dit immmédiatement: "Vas vite au marché
acheter du prasad pour tous ces gens. Et si tu vois une voiture qui passe,
arrête-la et demande aux gens dedans de t'accompagner. Il s'est trouvé que la
première voiture qui passait avait une énorme corbeille de fruits sur le toit,
et appartenant à des fidèles de Ma qui venaient justement la visiter…
§ C'était vers la fin de la vie de Ma. Il
y avait un sacrifice au feu (laghu rudra havan) qui était organisé par
Mr Kheitan, un voisin de l'ashram de Ma à Kalyanvan, Dehra-Dun. Soudain, un garçon
a été mordu par un scorpion. Il tremblait de tous ses membres, et son lit était
entouré d'une foule non moins affollée que lui. Ma m'appella et me dit:
"Te souviens-tu de la manière don’t Narayan Swami (un ancien disciple de
Ma) soignait les piqûres de scorpion?" Je ne me souvenais plus exactement;
mais elle me rapppella la conduite à tenir et le mantra à reciter. A peine
avais-je commencé quelques passes sur le corps du garçon qu'il devint
complètement calme, et finalement il se tira d'affaire sans conséquences de la
piqûre pour sa santé.
§ Lors des jours sombres de la Partition,
des gens vinrent mettre le feu derrière le temple d'Annapurna à l'ashram de
Dhaka. Le responsible de l'ashram écrivit à Ma qui était alors à Solan en
Himachal Pradesh pour lui suggérer de mettre la statue en lieu sûr. Elle envoya
immédiatement deux hommes pour ce travail. Ils disposèrent la divinité dans une
grande caisse, ils mirent aussi dans un seau de métal les braises de l'akhand
jyoti, le feu sacré qui brûlait continûment depuis une vingtaine d'années
déjà à Dhaka et ont été vers la frontière; Les douaniers à l'époque fouillaient
tout le monde et ne laissainet pas sortir d'objets religieux hindous du pays,
car la tension interreligieuse était à son maximum. Mais ils ont laissé passer
les envoyés de Ma sans même regarder ce qu'ils avaient dans leur caisse. La
statue d'Annapurna et le feu sacré ont été installés peu après à l'ashram de
Bénarès, où ils ont toujours.
§ Shankar Bharati était un grand bhakta
de Lalita Devi, dont le temple était à Lalita Ghat, sur les bords du Gange au
nord de Bénarès. Une nuit, il a eu en rêve la vision de cette déesse qui lui a
dit: "Sous forme de statue, je réside dans ton temple, mais sous forme
'éveillée' (dans la tradition hindoue, la statue de la déesse peut être
éveillée; jagrit, par des prières intenses), je réside en Ma Anandamayi.
Va pour avoir son darshan!" Le lendemain même, alors que la chaleur était
intense, Shankar Bharati descendit toute l'enfilade des ghats, peut-être six ou
sept kilomètres pour aller rencontrer Ma.. Celle-ci a appris par la suite qu'il
avait des problèmes de digestion à cause de l'alimentation plus qu'austère
qu'il avait adoptée; il demandait à son disciple d'aller à la fin du marché
ramasser les restes de légumes qu'en général on laisse pour les vaches, il les
faisait cuire et ne mangeait que cela. Pendant un certain temps, Ma lui a fait
porter les repas de l'ashram lui-même; après, les disciples de Shamkar Bharati
ont arrangés eux-même des repas normaux.
§ Pendant le grand sacrifice au feu entre
1947 et 1950 à Bénarès, j'étais responsible du soin des vaches. L'une d'elle
avait accouché d'un veau extrêmement beau, mais qui était malade. Il avait un
genou qu'il ne pouvait étendre; et il était donc incapable de marcher; Au bout
de quelques temps, son état s'est aggravé. Ma a demandé à certaines
brahmacharinis de venir réciter le Mahamantra auprès de lui. Une fois qu'il est
mort peu après, elle m'a demandé de l'envelopper dans un tissu, de l'attacher à
une pierre et de le jeter dans le Gange (c'est la façon dont on dispose du
corps des sadhous également).
§ Lors de la Purna Kumbha-Mela
d'Allahabad, c'était peut-être en 1954, ou alors en 1966, tout le monde était
parti au bain car c'était le grand jour et il n'y avait que quelques personnes
qui étaient restées auprès de Ma, celle-ci n'ayant pas envie de s'y rendre.
Soudain, elle dit qu'elle s'est sentie attirée par trois jeunes filles sous
forme subtile. Il s'agissait de Ganga, Yamuna et Saraswati (correspondant aux
deux rivières visibles et au cours d'eau souterrain, qui se rencontrent au
confluent, 'Prayag' ; d'Allahabad). Elles entrainèrent Ma vers la confluence
des rivières, c'est à dire l'endroit le plus sacré pour le bain, et celle-ci y
parvint, malgré une foule des plus denses, juste au moment du 'mouhourt',
c'est à dire à l'heure la plus favorable d'après la tradition.
§ Nous ramenions vers Calcutta avec Ma
Didi qui s'était faite traiter à Bombay pour une maladie sérieuse. Ma décida de
faire une halte à Bodhgaya, l'endroit de l'illumination du Bouddha au Bihar,
entre Bénarès et le Bengale. C'était la nuit, et soudain nous avons senti un
parfum de fleur tout à fait remarquable; Nous pensions que Ma avait apporté
avec elle un énorme panier de fleurs sans que nous nous en apercevions, mais ce
n'était pas le cas. Finalement, celle-ci nous dit: "C'est le Seigneur
Bouddha qui s'est manifesté à nous de cette manière."
Dasuda aime à raconter le rapport
particulier qu'avait Ma avec les mourants, ou même ceux qui étaient déjà morts.
Dans la tradition indienne, le guru doit être présent au moment de la mort, que
ce soit sous forme physique ou subtile, pour aider ses disciples au grand
passage. Nous terminons par quelques anecdotes à ce sujet:
§ C'était quelque temps après la fin
tragique de Vibhuda: il s'agissait d'un chanteur très doué, mais instable
physiquement à cause d'un asthme et déséquilibré psychologiquement aussi. Ma le
gardait près de lui dans l'espoir qu'il se rééquilibrerait. Il avait déjà fait
plusieurs tentatives de suicide, quand un jour Swami Paratmananda avait donné
l'ordre de le changer de chambre et de le mettre dans le bâtiment des sadhous.
Il a dit: "Si je vais là -bas, je ne survivrai pas longtemps" Et
trois jour plus tard, il a réussi son suicide en se jetant sous un train à
Motichur, la première petite gare juste au nord d'Hardwar. Quelques temps plus
tard, Ma passait en train sur cette ligne. Panuda me dit: "Vas informer Ma
que nous approchons de l'endroit où Vibhuda a rendu l'âme" Mais quand j'approchais
de la couchette de celle-ci, je vis qu'elle reposait avec la tête recouverte,
je n'osais donc pas la déranger; mais pourtant, au moment où nous passions à
l'endroit tragique, elle s'est rassise immobile en méditation. Nous avons
compris qu'elle envoyait une bénédiction à l'âme en peine de Vibhuda.
§ C'était à Vrindavan. Bunidi était une
brahmacharini très proche de Ma; elle avait une maladie cardiaque et venait de
passer deux journées très difficile, avec de l'oxygène. Ma était restées dans
sa chambre, de six heures du matin à onze heures du soir. Un médecin occidental
qui travaillait à l'hôpital de la Mission Ramakrishna juste en face de l'ashram
était passé dans la soirée, avait constaté une certaine amélioration et avait
demandé qu'on retire le tuyau d'oxygène. Il avait dit qu'il repasserait le
lendemain matin. Il s'était trouvé que Nirvanananda avait été également
immobilisé deux jours avant à cause d'un traumatisme au genou. On avait apporté
pour lui un bassin dont il n'avait finalement pas voulu se servir. Ma m’a
demandé de l'apporter dans la chambre de Bunidi pour que celle-ci puisse
l'utiliser et évite de se déplacer jusqu'aux toilettes. Quelques temps après le
départ de Ma, Bunidi s'est levée; les brahmacharinis qui la veillaient ont
essayé de l'en empêcher, en lui conseillant d'utiliser le bassin. Mais celle-ci
refusa catégoriquement et d'une voix irritée. Les assistantes la laissèrent
donc aller aux toilettes, et là, elle tomba et rendit l'âme. Un fait
intéressant est qu'à ce moment-même; Ma était en chemin pour revenir voir la
malade, mais avait été stopppée par Swami Swarupananda qui souhaitait
l'entretenir d'affaires de construction dans l'ashram.
§ A Rajghir dans l'ashram de Ma aux
environs des années 1970 vivait un vieux Swami, Upen Maharaj. Ma vint le
visiter un jour avec trois ou quatre disciples renonçants, Bhaskarananda,
Nirvanananda, Keshavananda et un autre. Sans donner de raisons, elle dit
qu'elle s'en allait pour quelques jours et demanda aux disciples de rester avec
Upen Maharaj. Le lendemain, celui-ci leur offrit un véritable festin, il aimait
beaucoup offrir des repas de fête aux sadhous. Quand après la sieste,
Keshavananda est venu l'inviter à se joindre aux autres pour le thé, il n'a pas
répondu. En plaisantant, Keshavananda l'a secoué pour le réveiller; ce n'est
qu'à ce moment-là qu'il s'est aperçu qu'il était mort.
§ Hindu Didi était très malade à l'ashram
de Naimisharanya (près de Lucknow, l'endroit où, dit la tradition, les dix-huit
Puranas ont été écrits). Ma avait conseillé qu'on l'emmène à Bénarès, la
voiture était venue la chercher, je l'ai installée près de l'arbuste de tulsi
qu'il y avait aux environs du temple du Puran-Purush (la statue qui représente
les Puranas) et j'étais reparti pour ranger sa literie pour le voyage. Quand je
suis revenu, Ma était descendue 'par hasard' et Hindudi venait de rendre l'âme.
D'après la tradition vaishnava, mourir à l'ombre d'un tulsi est une bénédiction
qui vous fait aller tout droit à Vaikhunta, le paradis de Vishnu.
§ Miradi habitait dans une ruelle de
Bénarès une petite chambre en rez-de-chaussé; elle était très malade. Ma est
venue lui rendre visite avec des fleurs et des fruits qu'elle lui a offerts.
Elle n'est pas rentrée à l'intérieur, mais lui a parlé par la fenêtre ouverte,
et au bout de quelques temps, elle lui a demandé si elle pouvait s'en aller.
Miradi a dit: "Reste encore deux minutes!" Et au bout de deux
minutes, elle est morte.
§ Hari Baba, le grand bhakta de Ma qui
était lui-même aussi guru, avait demandé longtemps auparavant à Didi de faire
en sorte qu'il puisse passer sa dernière heure avec la main de Ma dans la
sienne. Il était très malade à Delhi (Vijayananda raconte qu'à ce moment-là les
médecins traitants de l'hôpital l'avaient même déclaré mort. Ma est venu le
voir, et il s'est réveillé: c'est le seul cas authentifié où Ma ait resuscité
un mort). En accord avec le Baba et ses disciples, Ma a décidé de partir avec
eux à Bénarès. Quand l'agonie est venue, Ma a été au chevet du malade de six
heures du soir jusqu'à une heure du matin, le moment du décès, et elle lui
tenait continûment la main.
* * *
Nouvelles
Shri Ma compose une
pièce de théâtre sacré
par Bithika Mukerjee
Une parole de Shri Ma dit que les petites
filles (kanyas) ou garçons sont comme des fleurs fraîches et immaculées, digne
du Divin. Pour eux, rentrer en contact avec la dimension de la grâce toujours
présente est facileet naturelle. Le kheyala de Shri Ma était toujours
avec le Kanyapith. Il était donc peut-être juste que quand elle avait le
kheyala de faire jouer un lila (une pioèce de théâtre sacrée, cela se passait
au Kanyapith.
Lors d'une de ces soirées de
représentation, Mauni Ma dit à Shri Ma; "Ma, pourquoi ne faites-vous pas
une pièce de théâtre vous-même?" Shri Ma répondit immédiatement:
"Dois-je faire ainsi? Participerez-vous si je dirige une
représentation?" Tout le monde fut d'accord avec enthousiasme. Le jour
suivant, Shri Ma me fit appeler et exprima son sentiment sur le lila qu'on
devait mettre en scène le soir-même. Rétrospectivement, je réalise qu'en ceci
Ma s'est révélée pleinement. Le lila, simple en lui-même, nécessiterait de
nombreuses pages pour une étude approfondie de sa signification. Déjà, Shri Ma
organisa une scène où acteurs et spectateurs pouvait former un groupe homogène.
Shri Ma n'avait jamais le temps de me donner des instructions complètes, jer la
suivais d'un endroit à l'autre avec un carnet et un crayon et je notais ce
qu'elle parvenait à me dicter de temps en temps, parfois même en allant d'une
réunion à l'autre. J'ai compris ses instructions de la faàon suivante:
On devait diviser le hall en huit
sections ou plus. On devait en laisser les limites fluides et permettre à
l'assistance de remplir sans difficulté l'ensemble de l'espace disponible, y
compris celui traditionnellement réservé à la scène. Il y aurait deux
personnages au centre de chaque partie. L'un représenterait un forme de Dieu,
et l'autre son adoratuer. Le salle entière serait une assemblée où les gens
seraient assis en groupe autour d'une 'statue' donnée. Ces groupes pourraient
se fondre l'un dans l'autre; mais il y aurait des petis chemins distincts qui y
mèneraient. Les groupes don’t Ma a donné le détail étaient les suivant, autant
que je me souvienne: le premier des deux groupes à une extremité de la salle
devait être cemlui des fidèles de Vishnou et Shiva. Dans le premier carré deux
filles du Kanyapith devait prendre la posture classique de Radha et Krishna.
Dans le second Didi était assise en méditation en face du Gange, et une autre
étudiante était ornée comme Shiva. Deux autres groupes représentaient les
fidèles de ram et du Bouddha. Dans le groupe suivant, nous avions des ascètes
qui levaient les yeux avec une expression calme et seriene vers une
représentation d'Adi Shankaracharya (le premier Shankaracharya). Dans une
partie plutôt informe il y avait des yogis, des ganapatis et Hanuman joué par
Vishuddha, qui à cette époque était bien malicieux. Je pense qu'il y afvait
d'autres personnages moins clairement définis censés représentés les divinités
et fidèles des formes de religions non hindoues.
Il y avait un petit balcon de l'autre
côté de la salle. Les nombreux accessoires simples de ce lila y étaient
rassemblés: un livre, une paire de cymbale, un colliere de rudraksha, une
guirlande de fleurs, des pétales de tulsi, des feuilles de bilva et beaucoup
d'autres articles de ce genre. Pendant toute la journée, Ma me dictait des
bouts de lignes que je devais dire. L'idée é"tait que je devait
dé"crire les diverses représetations divines en mettant en avant leur
majesté et leur grandeur ainsi que leurs qualités qui captivaient le coeur de
leurs fidèles. Ensuite j'appelais un assistant (Shri Ma déguisée) pour fournir
aux fidèles les objets utiles qu culte de leur divinité d'élection. Shri Ma me
dit: "Tu donneras l'ordre suivant, 'o toi, servate, viens ici!"
J'étais étonnée et dit: "Qui suis-je donc pour appeler Ma une
servante?" (dasi, un mot qui signifie aussi 'esclave')
"Il s'agit de ce corps, bien
sûr!"
"Mais je ne peux vous appeler
"dasi"!
"Vraiment pas."
"Non, vraiment; vraiment pas!"
Shri Ma prut un peu stupéfaite, mais didi
qui était à mes côtés me soutint. Elle dépassa alors cet obstacle à son kheyal
en disant, "Eh bien, j'ai eu de nombreux surnoms lorsque j'étais petite,
l'un d'entre eux était Tirthavasini Mai (la dame qui réside dans les lieux de
pèlerinage). Je n’avais pas d'objection à ce nom que je trouvais tout à fait
adapté. Ainsi, je devais l'appeler en lui disant quelque chose de ce genre;
"O Tirthavasini Mai, venez par ici, voyez comme ce verger est vbeau, comme
ces personnages de Radha et Krishna sont captivants! Voyez comme les gens qui
chantent le kirtan sont impliqués! On est vraiment transport& dans un autre
monde dans une telle atmosphère".
Qprès ce commentaire, Shri Ma devait
sortir du balcon voilée si complètement qu'elle espérait ne pas être reconnue
et apporter aux fidèles des paires de cymbales qu'elle leur remettait en mains
propres.
JAY MA N° 53 - ETE 1999
Paroles de Ma
Pourquoi doit-on avoir le regard focalisé
quand on suit le Chemin? Le regard, c’est Lui et le ‘pourquoi’, c’est aussi
Lui. Tout ce qui est révélé ou caché où que ce soit et de quelque manière que
ce soit est ‘Toi’, est ‘Je’. La négation, tout comme l’affirmation, est
également ‘Tu’ –le Un.
Essayez de saisir la signification de
‘tout est à Lui’ et vous vous sentirez immédiatement libéré de quelque fardeau
que ce soit.
Pendant le satsang, deux aveugles vinrent
pour parler avec Mataji. L’un d’eux demanda: ‘Comment avoir la vision de Dieu?
S’il vous plaît, dites-moi la manière la plus facile d’y arriver!’ Ma répliqua,
‘Cherchez-Le pour Lui-même’… Ne soyez pas même intéressé par votre progrès
spirituel, car c’est une préoccupation qui n’est pas dépourvue d’égo. Cherchez
Dieu parce que c’est votre nature de faire ainsi, parce que vous ne pouvez pas
rester sans Lui.
Question: ‘Parfois, je suis désespéré
parce que je ne semble pas capable de réussir.’
Ma: ‘Vous êtes désespéré quand vous avez
des désirs et qu’ils restent insatisfaits. Mais quand on aspire à Dieu pour
Lui-même, comment est-il possible d’être désespéré?’
Il y a deux genre de pélerins dans le
voyage de la vie: le premier groupe est constitué de touristes qui aiment aller
ici ou là pour voir des paysages; ils papillonnent d’une expérience à l’autre
pour s’amuser. L’autre groupe chemine sur la voie qui est cohérente avec l’être
véritable de l’homme et qui mène à sa demeure réelle, le connaissance de soi et
du Soi
Le Nom de Dieu est en lui-même le rite
pour exorciser les influences indésirables. Les démons et les fantômes ne
peuvent demeurer en sa présence.
Le mot ‘manush’, ‘être humain’ en
lui-même donne la clé de que l’homme doit être: une être qui est conscient de
lui-même (man signifie le mental). Même s’il a glissé et qu’il est
tombé, n’est-ce pas son devoir obligé d’utilsier la terre même sur laquelle il
a buté comme un appui et de se remettre debout une fois de plus?
J’appartiens à tous les lieux et à tout
le monde. C’est donc ma demande instante que vous me fassiez une place dans
votre coeur.
Tout ce que les gens font appartient au
royaume de la mort, du changement incessant. Rien ne peut être exclu. Sous la
forme de la mort, c’est Toi, et sous la forme du désir c’est encore Toi qui
devient et qui est à la fois différenciation et identité car Tu es infini, sans
fin. C’est Toi qui va sous le déguisement de la Nature; quel que soit le point
de vue à partir duquel on fasse une assertion, je n’y objecte jamais, car Lui
seul est tout en tout, Lui seul est celui qui a une forme et en est dépourvu.
Un arbre est arrosé par ses racines. Les
racines de l’homme, c’est son cerveau où le raisonnement, son intellect est
constamment au travail. Grâce au japa, à la méditation, à l’étude approfondie
des Ecritures, on progresse vers le but.
Questions à Vijayananda
Q: Quelle importance
doit-on donner au corps quand on a un désir sincère de vie spirituelle? Est-ce
différent lorsqu'on est encore dans le monde?
V: Le corps est un
instrument, et c'est un instrument précieux pour nous aider dans notre voie
spirituelle. Il faut le traiter commme un cavalier traite son cheval. Il faut
le nourrir, mais pas trop, le maintenir propre, ne pas trop le fatiguer, ne pas
le battre inutilement. En bref, il faut en faire un ami et un bon serviteur,
mais bien prendre garde qu'il ne devienne pas le maître. Ceci est dit pour un
sadhaka mais celui qui a atteint la Connaissance n'est plus identifié au corps
et il laisse à Prakriti, la nature, le soin de s'occuper du corps jusqu'à ce
qu'il ait atteint le terme de son existence.
Q: La vie spirituelle
ne peut-elle pas devenir une fuite d'un malaise dans son corps et dans le monde
physique?
V: Nous essayons
constamment de fuir les sensations pénibles qui nous viennent de notre corps ou
de notre entourage; mais les gens ordinaires n'en sont que vaguement
conscients. L'âge progressant, ils se sont trouvé toutes sortes de moyens
d'échapper à ces états pénibles: le tabac, l'alcool, le sexe, la lecture, le cinéma,
etc…et pour certains même les drogues. Dans la vie spirituelle, il nous faut
d'abord prendre conscience de ces sensations et de notre tendance
presqu'irrésistible d'essayer d'y échapper. Puis il faut leur faire face et on
s'aperçoit qu'elles ne sont pas si terribles qu'on l'imagine et on les
supporte. Ceci fait, dans un troisième temps, par la méditation, la maîtrise
des nadis, on peut à volonté détourner l'attention vers le saharasa, le
bonheur du Soi qui est l'essence même de tous le plaisirs et de toutes les
joies. Alors le corps apparaît comme un appendice sans grande importance.
Q: De nos jours, le
terme spiritualité est si souvent utilisé qu'il semble perdre de son intensité.
Quelle serait votrre définition de la spiritualité?
V: La spiritualité -la
vraie- est l'attitude mentale et la conduite qui permet de révéler le Divin
éternel qui est en chacun de nous et qui est en fait notre Soi le plus intime.
Ce Divin est voilé par les émotions négatives, par la tendance du mental à
rechercherla Paix et le Bonheur dans la réflexion du Soi sur les objets des
sens. Il faut donc faire une réversion vers le subjectif du mouvement du
mental. Comme le dit la Kathopanishad; auriti chakshu, le regard tourné
vers l'intérieur.
A Bénarès avec Gopinath Kaviraj et Ma
Par Melitta Mashman
Hier, j’ai rendu visite à Shri Gopinath
Kaviraj (un des pandits les plus connus de Bénarès, qui était très dévoué à Ma
et qui a fini ses jours dans son ashram sur les bords du Gange). Il m’y avait
autorisé. Dès qu’on franchit la grille du jardin, on pénètre dans une zone de
silence qui entoure ce personnage peu ordinaire de cercles concentriques de
plus en plus silencieux. On y trouve un palmier vigoureux, avec un sous-bois
sauvage rempli de fleurs blanches. Sur la terrasse un petit feu entretenu par
un servant qui, sans un mot, indique d’un geste par dessus l’épaule l’entrée de
la maison. Un couloir au plafond élevé, sombre, puis un escalier raide, tout
cela dépourvu de décorations inutiles, austères. Quant à l’étude du sage, elle
ressemble plus à une cellule monastique qu’à une chambre, avec des livres, des
magazines et des manuscrits en piles imposantes aux quatres coins de la couche
sur laquelle il est assis. Il montre du doigt un tabouret: ‘Asseyez-vous!’ Mais
je préfère m’asseoir sur le sol. Sans efforts, quelques minutes de silence.
Finalement il se met à parler de l’essai dans lequel j’ai décrit ma première
rencontre avec Mataji. Une grande ‘appréciation feutrée’. Ensuite silence de
nouveau, que cette fois-ci j’interromps. Je demande si je puis lui expliquer où
j’en suis spirituellement à ce moment-ci de mon itinéraire. Il approuve d’un
signe de tête avec les yeux mi-clos. Parfois, un sourire d’appréciation passe
rapidement sur son visage.
Quand je lui dis que je n’ai pas de désir
particulier de parler avec Mataji, il écarquille les yeux d’étonnement. ‘
Excellent, dit-il, ne cherchez pas à vous entretenir avec elle, regardez-la
seulement avec une attention soutenue et cherchez le contact qui est au-delà
des mots.’ Je lui demandai alors si je devais méditer malgré le fait que je
n’aie semble-t-il aucun don en ce sens. ‘Cela vous serait d’un grande secours’.
Nous restâmes silencieux quelque temps, puis il me dit de revenir d’ici
quelques jours; il me donnerait certaines suggestions pratiques. Sans un mot il
joint les mains, un sourire distant, un inclinaison de tête à peine
perceptible, il prend congé de moi. Une fois levée, je reste là, debout un
moment. Cette pièce avec ses murs dénudés et ses montagnes de livres me semble
plus familière que toutes les chambres où j’ai pu moi-même vivre. Le sage sur
le lit, avec ses rares cheveux argentés et ses lourdes paupières a été mon père
auparavant, et sera un jour ou l’autre mon frère. Je ne sais rien de sa vie et
pourtant j’ai l’impression de tout connaître.
En revenant en rickshaw par les rues
pleines de monde, j’ai la sensation physique que tout ce que je vois alentour
n’était pas à l’extérieur mais à l’intérieur de moi-même. La peau qui délimite
et emprisonne mon corps semble s’être étirée infiniment et contenir tout ceci
également. Je me souviens tout d’à coup de la sensation que j’ai eue il y a un
an après mon premier darshan avec Mataji. Je sentais que mon coeur –mon coeur
physique- doublait de taille. Pendant des journées entières je pouvais
expérimenter qu’il se dilatait progressivement. C’était une sensation qui
engendrait à la fois souffrance et félicité…
Mélitta raconte ensuite une visite
matinale à Sarnath, près de Bénarès, où elle sent de façon vivide la présence du Bouddha, de l’Eveillé.
Il était presque midi quand je suis retournée à l’Ashram. Mataji est assise
dans la petite cour de la maison de son frère en face du sanctuaire dans lequel
celui-ci accomplissdait une puja. La cour est pleine à craquer. Je reste
debout à l’entrée. Un quart d’heure plus tard, Mataji me fait signe de venir à
l’intérieur. J’avais cueilli, aux pieds de l’arbre sous lequel je m’étais
allongée à Sarnath, une plante jaune-rouge, flamboyante, dont les graines
étaient tombées. Je l’avais prise avec moi à cause de sa grande beauté, et
maintenant je l’offre à Mataji. Je demande à quelqu’un de lui expliquer que je
l’ai trouvée à Sarnath. ‘Considérez-la comme un symbole de quelque chose pour
lequel je veux lutter avec votre aide, Mataji. Je souhaite devenir vidée de
toute semence karmique tout comme cette coque a été vidée de ses graines.’ Avec
grand soin je fis tomber la plante dans les mains de Mataji. La vénération me
rendait trop timide pour la toucher.
Avec un sourire, Mataji regarde mon
cadeau tout en répétant à voix haute mes paroles en bengali. Soudain, elle met
la plante dans sa main gauche et me tend la droite. Chez les hindous, on n’a
pas l’habitude de serrer la main; je n’ai jamais vu Mataji le faire. Elle me
donne sa main délicate et menue comme on offrirait une fleur. Je me surprends à
voir que j’hésite à la serrer. Finalement je me risque à ne toucher prudemment
que la partie supérieure de ses doigts pendant quelques secondes comme s’il
s’agissait de joyaux précieux, vénérables. Il me vient à l’esprit que j’aimerai
les toucher avec mon front, mais immédiatement j’ai honte d’une impulsion aussi
crue et avec beaucoup de soin je restitue ce qu’on m’avait prêté pour quelques
instants. Plus tard, plusieurs personnes sont venues et m’ont demandé de leur
serrer la main. Ce qu’il recherchaient sûrement, c’était un contact indirect
avec la main de Ma.
L’enfant errant
Au mois de février nous avons rencontré
avec un groupe de Français, membres d’une association de Yoga intitulée Lumière
à Brest Swami Jnanananda, d’orignie suisse mais qui vit depuis maintenant
pratiquement un demi-siècle en Inde. Il a passé quinze ans à Kankhal et a bien
sûr eu souvent le darshan de Ma. Il nous a raconté qu’un jour un enfant d’une
dizaine d’années est venu à elle. Il était déjà renonçant, allant d’un endroit
à l’autre avec des tresses dans les cheveux (jatas) et un trident en main à la
manière de Shiva. Ma lui a demandé ‘Où habites-tu?’ Il a immédiatement répondu:
‘A vos pieds!’ Quelques années plus tard, alors qu’il n’avait guère que quinze
ans, il a composé un chant que Swami Jnanananda reprend très souvent, et que
nous avons appris avec lui lors de notre dernière rencontre à Dehra-Dun: les
paroles sont très simples, ‘Anandamayam, ce qui désigne le Soi pénétré,
constitué (mayam) de félicité, Krishnamayam, qui évoque le
Dieu-Guru enseignant Arjuna sur le champ de bataille; Govindamayam, qui
fait allusion à l’aspect de Dieu comme un ami intime, l’adolescent Govinda de
Vrindavan; et ensuite Brahmamayam, pénétré d’Absolu; et pour conclure on
reprend une fois Anandamayam, car la félicité est l’alpha et l’oméga de
l’évolution intérieure. C’est parce qu’on en a une intuition de départ qu’on se
met en chemin, c’est parce qu’on l’expérimente pleinement qu’on réalise ce
qu’il y a à réaliser.
Ma est sa propre lumière
Par GC Das Gupta
Le 3 août 1944 l’auteur de cet article a
rendu visite à Ma à Navadvip car il avait appris qu’elle était fort malade.
C’était la veille de Jhulan Purnima (pleine lune de Krishna, fête aussi des frères
et soeurs à l’occasion de laquelle Ma avait coutume d’attacher le raksha
bandhan, le lien, le bracelet de protection au poignet de ses disciples).
Ma était au premier étage des bâtiments attachés au temple de Govinda. Quand
l’auteur de ces lignes est arrivé avec deux dames il était environ onze heures
du soir. Une ampoule électrique était allumée. En pénétrant dans la pièce, nous
avons vu Ma, assise, resplendissante de joie. Tout son corps rayonnait comme
une sphère de lumière éblouissante rendant l’ampoule presque pâle et rougeâtre.
Un rayonnant si merveilleux provenant d’un visage humain était au-delà de ce
que l’on pouvait concevoir. Son corps brillait en même temps d’une lumière
tellement douce que la pièce entière semblait remplie d’une présence divine
éthérée. Par la suite, lorsqu’on demanda à Ma ce qui avait rendu son corps si
brillant cette nuit-là, en dépit de son état de santé grave, elle dit doucement
avec le sourire attachant qui la caractérisait, ‘N’avez-vous pas vu comme la
plupart des dieux et des déesses des temples de Navadvip étaient joliement
habillés et illuminés pour les célébrations de Jhulan Purnima? Ne pensez-vous
pas qu’il était convenable que ce corps aussi ait manifesté un certain éclat,
une certaine grâce?
Le lendemain matin, nous étions tous
assis en face de Ma. On distribuait le prasad du temple de Govindaji. Une dame
avec un bébé dans les bras était venue voir Ma qui s’entretenait avec de
nombreux visiteurs et visiteuses. En entrant, la dame demanda: ‘Où est la Mère
ici?’ On lui désigna Ma. Eut lieu alors la conversation suivante:
Q : On dit que vous êtes Mère. Où
sont vos fils et vos filles.
Ma : Ici (en désignant son coeur)
A : Où est votre mari ?
Ma : Ici (avec le même geste)
A : Où sont vos parents ?
Ma : (avec un sourire) Ici en ce
coeur
Q : Votre maison ?
Ma : (Avec le même geste) Ici !
La dame qui posait ces questions semblait
complètement déconcertée, n’arrivant pas à comprendre ce à quoi Ma faisait
allusion. Ma le remarqua et avec sa façon habituelle d’apaiser et de convaincre
lui dit, ‘Ici en ce corps il y a tout ce qui se trouve dans l’univers –père,
mère, fils et fille et tous les êtres crées. De cet Un tout tient son être.
Dans cet Un tout existe, tout persiste et finallement tout se fond.
…Quand Ma chante, que ce soit en bengali,
hindi ou sanskrit, la douceur et la pureté solennelle de la mélodie, la
profondeur du sentiment et le monde qu’on pouvait entrevoir en écoutant
simplement, tout cela contribuait à produire un effet étrange et profond sur
les auditeurs qui en gardait fréquemment un souvenir inoubliable. Elle
insistait sur le chant dévotionnel de type kirtan où, disait-elle, le coeur des
êtres vivants, les âmes des saints qui sont partis dans l’au-delà et les
pouvoirs subtils qui nous entourent pouvaient participer et s’unir.
(Amrita Varta, avril 1997, p.12)
En parlant de conversions
Nouvelles pages du journal
d’Atmananda
Un journaliste irlandais et un étudiant
chercheur à l’Université hindoue de Bénarès vinrent pour le darshan de Mataji.
Auestion : Qu’avez-vous à dire sur
ceux qui insistent sur le fait qu’il n’y a qu’une religion qui soit la bonne?
Ma : Toutes les religions sont des
chemins vers Lui.
A : Je suiis chrétien…
Ma : Moi aussi, je suis chrétienne,
musulmane, tout ce que vous voulez.
A : Serait-il juste pour moi de
devenir un hindou ou est-ce que mon approche doit se faire par la voie
chrétienne ?
Ma : Si c’est votre destinée de
devenir hindou, cela se produira de toutes façons. C’est comme vous ne pouvez
pas demander ce qui arrivera en cas d’accident de voiture. Quand l’accident
arrivera, vous verrez bien.
Q: Si je sens le besoin impérieux de
devenir hindou, dois-je y céder ou est-il juste de le refouler, puisqu’on dit
que chacun est né à la place qui est meilleuere pour lui ?
Ma : Si vous sentez réellement le
besoin de devenir hindou vous ne poseriez pas cette question, vous le feriez
effectivement. Cependant, ce problème a un autre aspect. Il est vrai que vous
êtes chrétien, mais il y quelque chose d’un hindou en vous, sinon vous ne
pourriez même pas connaître quoi que ce soit au sujet de l’hindouisme. Tout est
contenu dans tout. De même qu’un arbre produit des graines et que d’une seule
graine des centaines d’arbres peuvent se développer, de même la graine est
contenue dans l’arbre et l’arbre tout entier, potentiellement, dans une graine
minuscule.
Q: Comment trouver le bonheur ?
Ma : Dites-moi d’abord si vous êtes
d’accord pour faire ce que ce corps vous demandera.
Q : Oui, je le suis.
Ma : L’êtes-vous réellement? Très
bien. Maintenant, supposez que je vous demande de rester ici, en serez-vous
capable?
A : Non, pas vraiment… (rires)
Ma : Vous voyez, le bonheur qui
dépend de quelque chose d’extérieur, femme, enfants, réputation, amis ou
n’importe quoi d’autre, ne peut durer ; mais trouver le bonheur en Lui qui
est présent partout, votre propre Soi, voilà lla chose réelle.
A : Vous dites donc que le bonheur
réside dans le fait de trouver mon propre Soi ?
Ma : Oui. Trouver votre Soi,
découvrir ce que vous êtes réellement signifie trouver Dieu, car il n’y a rien
en dehors de Lui.
Q : Vous dites que tout est
Dieu ; mais certaines personnes ne sont-elles pas plus Dieu que
d’autres ?
Ma : Pour celui qui pose cette
question, il en est ainsi ; mais en réalité, Dieu est pleinement et
également présent partout.
A : N’y a-t-il pas de substance en
moi en tant qu’individu ? N’y a-t-il rien en moi qui ne soit pas
Dieu ?
Ma : Non. Même dans le fait de ‘ne
pas être Dieu’, il n’y a que Dieu seul. Tout est Lui.
A : N’y a-t-il aucune justification
au travail professionnel ou dans le monde ?
Ma : S’occuper d’affaires mondaines
agit comme un poison lent (jeu de mot probable entre vishay, les objets
mondains et vish, le poison). Progressivement, sans même s’en
apercevoir, cela mène à la mort. Est-ce que je dois conseiller aux Pitaji et
Matajis qui viennent me visiter de suivre ce chemin ? Je ne le peux. Ce
que ce corps dit est : Choisissez la Voie de l’Immortalité, prenez le
chemin qui, d’après ce que vous sentez de votre tempérament, peut mener à la
Réalisation de votre Soi. Néanmoins, même en travaillant dans le monde, il y a
une chose que vous pouvez faire. Quoi que vous fassiez tout au long de la
journée, essayez de le faire dans un esprit de service. Servez Dieu en chacun,
considérez tous et tout comme Ses manifestations et servez-Le quel que soit le
travail que vous entrepreniez. Si vous vivez dans cet état d’esprit, le chemin
vers la Réalité s’ouvrira devant vous.
(Amrita Varta, avril 1997, p.17-18)
Sur les bords de la
rivière Gomati
Par Krishnanath
Après la Samyam Saptah de 1960 à
Naimisharanya (près de Lucknow, l’endroit où d’après la Tradition les Puranans
ont été écrites), Ma est restée dans une petite maisonnette sur les bords de la
rivière locale, la Gomati, et Krishnanath a eu la chance de faire partie du petit
groupe qui a pu demeurer auprès d’elle pendant deux semaines de plus. Il
raconte quelques épisodes de ce séjour.
En soirée, Mataji marchait parfois près
de sa maisonnette ; Un soir un groupe d’oiseaux passa en formation au
dessus de nos têtes et Mataji demanda au Dr Pannalal combien d’oiseaux il
comptait. Il répondit rapidement, ‘treize !’. Le groupe fit une courbe et
repassa au-dessus de nos têtes ; certains d’entre nous essayèrent de
compter. Les uns dénombrèrent douze oiseaux, les autres quatorze. Mataji dit
que treize était le nombre exact, et demanda au Dr Pannalal s’il les avait
compté pour de bon. Il admit qu’il avait juste donné un chiffre qui lui passait
par la tête. Mataji nous dit alors qu’elle avait pensé au chiffre 13 et que
parfois d’autres expriment à voix haute ses pensées…
Un autre jour, un brahmachari demanda à
Ma : ‘Comment pouvons nous aimer ce que nous n’avons jamais vu ?
C’est pour cela que tous, nous voulons que Dieu nous donne un aperçu de
Lui-même.’ Mataji répliqua que c’était une durbuddhi (idée fausse), mot
qu’elle interprétait comme dur (à distance) et buddhi (pensée),
c’est à dire le fait de penser que Dieu est à distance, et cela menait à
dur-gati (littéralement ‘malheur’), ce qui signifiait d’après elle ‘aller loin
de Dieu’ à la place de le réaliser (comme immédiatement présent). Comme elle
exprime d’une façon magnifique cette vérité selon laquelle Dieu est au-dedans
de nous! Ma poursuivit en disant que si l’on ne pouvait pas visualiser une
forme particulière de Dieu, on pouvait considérer que les lettres elle-mêmes de
Son Nom étaient Dieu. En Sanskrit le mot pour ‘lettre’ est akshara qui
signifie également ‘impérissable’ et qui est appliqué à l’Absolu dans la Gita.
Le terme mantra est en général dérivé de mannat trayate ‘ce qui
protège par la contemplation’, mais Ma fait dériver ce terme de man tera ‘Mon
esprit est tien’ –en d’autres termes l’abandon complet.
…Un homme qui s’est présenté come un
employé des Chemins de fer désirait connaître un voie simple pour atteindre
Dieu sans avoir à passer du temps en japa, méditation, etc…
Ma lui conseilla d’aller régulièrement
dans des satsangs et de rencontrer des saints ; il demanda ce qu’il devait
faire si même cela n’était pas possible. Ma lui conseilla alors la lecture des sadgrantha,
les bons livres spirituels, c’est à dire ceux qui mènent à l’être (sat). Il
posa ensuite la question de savoir comment il gagnerait sa vie s’il abandonnait
son métier pour partir à la recherche du Divin. Ma dit ‘Dieu pourvoit’ et
raconta une histoire à ce propos : Deux amis essayaient de vérifier la
vérité de cette maxime en méditant dans la forêt. Au bout de plusieurs heures,
l’un d’entre eux eu faim et ne voyant pas de perspective de nourriture venant
jusque là, retourna à la ville et eut un bon repas. Ensuite, il eut pitié de
son ami et lui rapporta de quoi manger juste à l’endroit, sous l’arbre, où il
était assis en méditation. Il le provoqu en lui disant : ‘Tu vois !
Dieu ne t’a apporté aucune nourriture!’ L’autre répliquan, ‘Mais si, il vient
de m’en apporter par ton intermédiaire, malgré le fait que tu doutes.’ Le
monsieur qui interrogeait Ma continua à exprimer sa méfiance et certains
d’entre nous était fâchés de ses façons hautaines, mais Mataji lui offrit du
prasad, lui parla avec une grande douceur et lui demanda d’essayer.
…Un jour de nouvelle lune, une foule de
gens étaient venus pour se baigner au Chakra Tirtha. Mataji nous dit de nous
rendre là-bas et de voir Bhagavan (Dieu) sous le déguisement de la
foule. Nous nous rendîmes donc au bassin sacré et en regardant du point de vue
suggéré par Ma, nous fûmes réellement touchés par la scène de ces centaines
d’hommes, de femmes et d’enfants qui se pressaient pour prendre leur bain. Ils
étaient venus à pied, certain d’aussi loin que soixante km. Nous vîmes deux
garçons mesurant la distance en se prosternant tout du long à chaque pas et
progressant de cette façon vers le bassin. Un autre trait intéressant, c’était
les pandas (prêtres) qui étaient assis autour du bassin soit sur des petits
lits en bois soit accroupis à même le sol ; ils avaient en face d’eux des
paniers dans lesquels les pélerins déposaient leurs vêtements et leurs
affaires.On leur donnait de l’herbe kusha pour faire des aspersions
d’eau lustrale, et en revenant du bain ils plaçaient dans le panier pour
récompenser le prêtre de ses services ce qu’ils avaient apporté, le plus
souvent des poignées de grains ou de légumes de leurs propres fermes. A chaque
fois que je verrai des foules dans les lieux sacrés, je me souviendrai de ne
pas être gêné par elles, mais de les considérer comme des manifestations du
Divin.
L’armoire vide
Une histoire racontée par Ma
Un homme très riche mourut en laissant sa
fortune à son fils. Avant de fermer les yeux pour toujours il lui dit que s’il
en arrivait à être vraiment dans la misère, il devrait ouvrir un certain
placard de la maison; mais il ne devait le faire sous aucun autre prétexte. Le
fils était prodigue et bientôt il eut épuisé toute la fortune. A la fin, il en
est arrivé à la ruine quasi complète, il ne pouvait même plus assurer les
premières nécessités à sa famille; de plus, la maladie ainsi que toutes sortes
d’autres misères avait frappé la famille. Il se souvint de l’armoire et parvint
non sans mal à l’ouvrir. A son grand désespoir il découvrit qu’elle était vide.
C’était une armoire de couleur noire tout à fait ordinaire, il la jeta donc aux
ordures et se mit à chercher et creuser partout pour trouver le trésor caché. A
court de ressources il eut finalement l’idée de demander son aide à un mahatma.
Celui-ci accepta de venir chez lui et de voir ce qu’on pouvait faire. En
arrivant il regarda alentour et dit: ‘Donnez-moi un siège près de l’armoire
noire’, il s’assit et gratta le vernis du vieux meuble et voilà qu’il s’avéra
être constitué d’or pur. ‘De même, conclua Mataji, on trouvera de l’or dans le
coeur de chacun, là où l’Un trône sur son siège de lotus. Mais tant qu’on n’est
pas complètement vide, on ne peut découvrir l’or.’
(Amrita Varta, juillet 1997, p.18)
Lire le livre du coeur
Extraits du journal de Gurupriya Didi
Nous essayons de transcrire ce que Ma dit,
de notre mieux. En entendant ceci Ma rit et dit, ‘Qu’est-ce que cela va vous
apporter d’écrire tout cela ? Il y a tant de mahatmas qui ont écrit
tellement de choses. Dieu vous donne des leçons d’un si grand nombre de
manières différentes, n’est-ce pas suffisant ? Cela ne fera qu’un ouvrage
de plus du même genre ; Qu’allez-vous écrire de nouveau ? Rien n’est
nouveau, tout est ancien.’ En disant cela, elle se mit à rire comme une
enfant…. Quelqu’un posa à Ma la question suivante, ‘Si personne ne peut faire
quoi que ce soit en dehors de la volonté de Dieu, pourquoi devrais-je souffir
ou bénéficier des conséquences de mes actes mauvais ou vertueux ? Ma rit
et dit : ‘Vous croyez fermement que rien ne peut survenir sans la volonté
divine, n’est-ce pas ?’ Il répondit par l’affirmative. ‘A ce moment-là, il
n’est pas question que Baba ait des actions mauvaises ou vertueuses ; mais
comme la question s’est posée en vous, je dirai que vous n’avez pas la volonté
ferme que rien ne peut survenir sans la volonté de Dieu. Le monsieur fut
d’accord avec ce qu’affirmait Ma. Elle ajouta, ‘la foi est toujours aveugle.
Par la suite elle devient évidente, comme je vous vois et vous me voyez, mais
au départ vous commencez par la foi aveugle et ensuite vous entrez le royaume
de l’expérience. Vous devez lire, Baba. Qu’est-ce que lire ? Je ne me
réfère pas à la lecture des livres ; mais de même que les livres nous
donnent des connaissances sur des sujets extérieurs et aident à transformer
même un enfant ignorant en un savant compétent, de même il est un livre au fond
de chacun d’entre nous. Essayez de lire ce livre. En le lisant vous n’aurez
plus aucun doute sur quelque sujet que ce soit et les questions ne sélèveront plus
en vous; vous comprendrez par vous-même ce sujet sur lequel vous m’avez
interrogée.
(Gurupriya Devi, Sri Sri Ma
Anandamayi, vol.VI p.140, 142)
Ma en famille
Amulya Kumar Datta Gupta
Un peu plus tard Ma et Baba Bholonath
partirent pour le jardin de feu Ishwar Ghosh pour rencontrer ‘grand-papa’ (le
père de Ma, Sri Bipin Bihari Bhattacharya). Nous avons aussi suivi. En arrivant
là-bas Ma fit pranam à son père et s’assit ensuite au bord de l’étang. Swami
Shankarananda lui dit, ‘Vous avez fait le pranam à votre père, pourquoi
avez-vous laissé de côté votre mère?’ Avec un sourire, Ma répliqua; ‘J’ai
complètement oublié’. Après, elle alla faire pranam à sa mère. Elle se
prosterna aussi devant nous avec la tête qui touchait le sol. Elle mit
également la tête sur ses propres pieds pour se faire pranam à elle-même.
Swamiji dit, ‘Ma, vos pranams sont presque parfaits mis à part un détail’
‘Lequel?’ ‘Vous avez oublié Bholonath’ Ma retourna auprès de Bholonath et
s’inclina devant lui. Elle vint à travers tout ce processus en souriant, comme
si elle jouait un rôle. Je ne la quittais pas des yeux, bouche-bée. Jetant un
coup d’oeil de notre côté, Ma éclata de rire.
…A la fin du kirtan, quand on l’invita à
rentrer dans la maison, Ma déclara qu’elle dormirait sur la vérandah du temple
d’Annapurna. Akhandanandaji éleva des objections en disant que les brahmacharis
allaient y dormir. ‘Qu’ils le fassent donc! dit Ma, une fois que j’ai décidé de
rester là il faut que je le fasse.’ Peu de temps après, Akhandanandaji vint informer
Ma que Bholonath voulait s’entretenir avec elle. Ma alla dans la maisonnette où
il demeurait. A ce moment-là nous nous aperçûmes que les choses étaient
devenues graves. Baba Bholonath essayait de démontrer à Ma que puisqu’il n’y
avait rien de mal dans la chambre, elle ne devait pas aller dormir dehors.
D’une voix douce mais ferme, Ma répéta sa décision d’aller s’allonger dans la
véranda, mais elle ne donna pas de raison pour cela. Baba Bholonath faisait
voeu de silence et devait donc donner ses réponses par écrit –c’était pour cela
qu’il avait eu des réserves au moment de se rendre à Dhaka. Il avait eu le
pressentiment qu’il y aurait des ennuis s’ils y venaient et cela semblait se
confirmer dès le départ avec cette insistance qu’avait Ma pour aller dormir
dans la véranda. (il paraissait penser que Ma n’entrerait plus dans aucune
pièce construite en dur mais se déplacerait sans but dans les montagnes comme
une renonçante). Il alla jusqu’au point de déclarer avec un mouvement de colère
que si Ma dormait dans la véranda, il s’en irait n’importe où selon son bon
plaisir. En entendant cela, Ma devint quelque peu grave et dit, ‘Pourquoi t’en
aller? Si tu veux tu peux aller dans la véranda et y dormir, sinon dors dans la
chambre; tu connais très bien mon sens de la liberté; Si je me suis mis dans la
tête de dormir dans la véranda, je dois le faire. Ce n’est pas toujours que les
raisons d’un de mes comportements m’échappent des lèvres. Sache simplement que
j’ai une raison spécifique pour désirer rester là-bas. Elle se tourna vers nous
en disant, ‘Persuadez donc Bholonath de me laisser dormir dans la véranda’
Pramatha Babu: ‘Pourquoi ce serait à nous
de lui extraire une permission? Demandez-lui directement son consentement.’
Mais celui-ci ne voulait pas bouger d’un pouce, et Ma ne voulait pas céder non
plus. A ce moment-là, Ganesh Babu intervint et dit, ‘Ma, est-ce que Shiva et
Parvati se disputent ainsi sur le Mont Kailash?’ Ma répondit d’un ton grave,
‘Avez-vous déjà vu Shiva et Parvati’ ‘Non, j’en ai simplement entendu parler’
‘Eh bien, continua Ma avec son expression grave, ne vous fiez pas à des
on-dits; voyez d’abord Shiva et Parvati et après, vous pourrez déclarer ce que
vous voudrez sur eux.’ Bien que Ma ait dit ces paroles doucement et
paisiblement, elles paraissaient être comme un coup de fouet sur le visage de
celui qui lui avait posé la question. Après cela, plus personne n’osait parler
à Ma de façon humoristique. Je n’aimais pas la manière dont les choses
évoluaient. En sortant de la pièce, j’informais Nishi Babu de tout ce qui se
passait, et lui aussi se mit à être profondément inquiet. Il dit, ‘Il y a eu
des empêchements au moment où nous quittions Tarapith, j’espère qu’il ne
s’agissait pas d’un mauvais présage.’ Je m’aperçus qu’il n’était pas bon non plus
de rester dehors; plus la résolution de cette dispute inquiétante serait
rapide, mieux ce serait; Avec cette idée en tête, je rentrai à nouveau près de
Ma, m’assis et dit à Bholonath, ‘Baba, j’ai quelque chose à vous dire’ Il leva
les yeux vers moi. Je lui expliaquai la chose suivante, ‘Quand Ma a décidé
quelque chose, nous avons déjà pu vérifier auparavant qu’il ne faut pas s’y
opposer si l’on veut éviter des conséquences fâcheuses. Une fois, pendant le
ratha-Yatra à Puri, Ma souhaitait s’en aller avant la grande procession. On l’empêché
de le faire, et le résultat a été que le fils de Nirmal Babu est tombé dans un
puit et s’est tué.
Après de longs palabres, Bholonath
finit par accepter que Ma couche dans la véranda, et celle-ci laisse entendre
que cela ne signifiera pas qu’elle se mettrait à vivre complètement comme une
renonçante…
…Quelque temps plus tard, Ma nous raconta
sa rencontre avec Vishudananda, (le ‘Baba aux parfums’ de Bénarès dont parle
Yogananda dans ‘l’autobiographie d’un Yogi). ‘Lorsque je suis revenue par
Bénarès cette fois-ci, j’ai rencontré le Babaji, mais pas pour longtemps.
Peut-être pour une demi heure ou une heure’ au maximum. Gopi Babu nous a mené
là-bas. Je me suis assis auprès du Babaji qui avait en fait déjà préparé un
siège pour moi. Vous connaissez la façon dont je parle. Je pressais Babaji
comme une petite enfant, ‘Babaji, on dit que vous montrez des faits magiques à
beaucoup de monde, est-ce que vous ne nous en montrerez pas un petit peu?’ Il
me répondit, ‘Vous avait une assise très paisble. Avez-vous découvert quelque
secret de votre côté?’ Je me suis tout de suite mise dans la position d’une
petite fille ‘Baba, je suis votre fille, qu’est-ce que je connais? Je vais
apprendre ce qu’il vous plaira de m’enseigner. Enseignez-moi tous vos secrets!’
Le Babji appela Jyotish auprès de lui et lui montra un cristal qu’il avait fait
à partir de pétales de fleurs; il produisit aussi nombre de parfums. A ce
moment-là, j’ai battu des mains et je me suis exclamée, ‘Babaji, je sais ce que
vous faites, mais je ne le divulguerai à personne.’ Tout le monde se mit à me
demander, ‘Donnez-nous les secrets de Babaji’. Je leur répondis, ‘Si je fais
cela, il me donnera un coup de matraque sur la tête!’ Il dit alors ‘Ma fille,
qu’y a-t-il que je puisse vous montrer? Vous savez tout; Ce que je montre,
c’est pour les autres.’ Ensuite il apporta des friandises et nous les offrit.
Il me nourrit directement, et j’en fis de même avec lui. Le Babaji dit, ‘Ma
fille, souvenez-vous de moi, ne m’oubliez jamais; et à chaque fois que vous
venez par ici, ne manquez pas de venir me rendre visite.’ Avant de m’en aller
je dit à Gopal Babu, ‘Babaji vous tient à distance avec ces démonstrations.
Vous ne devez pas lui permettre de vous distraire; essayez de tirer de lui les
autres choses qu’il a au-dedans’.
En voyant qu’il était déjà midi, je pris
congé de Ma avec les mots suivants, ‘Ma, maintenant je me lève’ ce à quoi elle
répondit, ‘Essaie toujours de t’élever. Ne vas jamais vers le bas!’ Je souris
et me dit en moi-même, ‘Ma, qu’il en soit ainsi avec votre bénédiction’.
(In Association with Ma Anandamayi, I, p.122, 126,127, 134)
Aspiration
lointaine
Par
Shoba
O Ma Anandamayi, en étant
proche de mon coeur
Tu es toujours loin, loin de
moi.
Conciente es tu de mon anxiété
D’être en contact avec ton Soi
sacré
J’’ai embelli mon univers des
murmures de la solitude
Qui pouvaient s’emplir de ta
présence.
Je l’ai rendu tranquille pour
entendre ta douce mélodie:
‘Hari bol…Hari bol’
Accorde-moi l’espace pour
marcher avec toi, côte à côte
En regardant droit devant pour
atteindre ma ‘véritable demeure’
‘Ma’, ta conscience éveillée me
touche comme une bouffée de parfum
En provenance des fleurs qui
nous font un petit signe, accrochées à la falaise.
Nous sommes touchés par le
Gange de la montagne qui nous asperge
Et qui danse haut pour
atteindre le faîte des temples
Touchés par le soleil levant au
petit matin
Qui trouve un passage au
travers des scintillements du feuillage
Touchés par la rosée matinale
Allant sur la pointe des pieds
pour cueillir les marguerites destinées à être offertes
Nous passons par les prairies
Avec au loin le son des cloches
et des conques
En nous hâtant pour être
touchés par cette main sacrée
Qui bénit le chemin qu’on
suivra avec gravité
Il est une force qui nous
permet de garder le Nom éveillé,
C’est d’être touchés et d’ainsi
pouvoir supporter tout ce qui passe
Dans le choc de la souffrance,
la joie est là…dans la perte il y a le gain
Dans la distance…la proximité.
Ô Ma Anandamayi tu m’as touchée
comme un murmure!
Table des Matières
Paroles de Ma
Questions à Vijayananda
A Bénarès avec Gopinath
Kaviraj et Ma par Melitta Mashmann
L'enfant errant
Ma est sa propre lumière
par GC Das Gupta
En parlant de
conversions par Atmananda
Sur les bords de la
rivière Gomati par Krishnananth
L'armoire vide Une
histoire de Ma
Lire le livre du coeur
par Gurupriya Devi
Ma en famille par AK
Daztta Gupta
Aspiration lointaine par
Shobha
Jay Ma N°54
- Automne 1999
1
Je ne dis jamais :’je vais faire ceci, je vais faire cela’. C’est vous
qui me faites faire toutes les oeuvres qu’il est en votre pouvoir de me faire
faire.
Ce corps répnd au niveau de compréhension de
l’interlocuteur. Quelle limite peut-on donner aux opinions de ce corps ?
Mais si vous suivez une voie d’approche traditionnelle, vous pouvez atteindre
le but et au-delà demeure ce qui n’a pas été atteint. Mais là où il n’y a pas
de distinction entre ce qui est atteignable et ce qui n’a pas été atteint,
c’est ‘Cela’ même. Ce que vous entendez dépend de la façon don’t vous juez de
l’instrument. Pour ce corps les différences d’opinions représentent une
question qui ne se pose pas.
C’est en cherchant à vous connaître vous-même qu’on peut trouver la Grande
Mère de tous.
Vous ne pouvez pas ? Pourquoi ? Vous devrez le faire de toutes
façons. En vérité, l’être humain peut tout faitre. Qui peut dire ce qu’Il
donnera à qui et par quel intermédiaire ? Tout est Sien, entièrement Sien ?
Qu’avez-vous apporté avec vous à la naissance ? N’étiez-vous pas les mains
vides ? Et tout ce que vous avez acquis, était-ce réellement à vous ?
2
Vous
utilisez les termes ‘ordinaire’, ‘extraordinaire’ ; A mes yeux il n’y a
pas de différence ; c’est comme un clignement des yeux.
Je n’ai pas eu ce genre de renoncement dans votre sens ordinaire du terme. Car ce corps a vécu avec un père, une mère, un mari et d’autres parents ; ce corps a servi son mari donc vous pouvez l’appeler une femme. Il a préparé les repas pour tout le monde, vous pouvez donc l’appeler une cuisinière ; il a fait toutes sortes de travaux de récurage des plats et de ménage, vous pouvez donc l’appeler une servante ; mais si vous regardez les choses d’un autre point de vue vous réaliserez que ce corps n’a servi personne si ce n’est Dieu. Car… j’ai simplement considéré chacun comme une manifestation du Tout-puissant. (AKD Gupta ‘A page from my Diary’ Mother as seen by Her Devotees, Varanasi, 1956, p.13)
Un jour
un monsieur demanda à Ma après l’avoir vue en samadhi : ‘vous étiez évidement en communion
avec Dieu ; maintenant vous devez redescendre à notre niveau pour nous
dire des choses qui puissent nous aider.’ Shri Ma sourit et dit :’Etes-vous
différents de Dieu ? je ne sens ni montée ni descente. A mes yeux tout est
identique. Seules les réactions corporelles diffèrent’.
Vous voir vous-même en chacun et réaliser que
chacun est en vous-même, c’est le but suprême de la connaissance spirituelle.
3
Réponses de Vijayananda
Dans ce numéro, les réponses de Vijayananda
ne sont pas écrites pour Jay Ma comme d’habitude, mais sont des réponses orales
données au satsang quotidien du soir à Kankhal qui ont été compilées récemment
sous forme d’une nouvelle série d’entretiens couvrant lapériode de 1996 à 1999.
Question:
Qui est le guru?
Vijayananda : Il n’y a qu’un seul Guru, c’est
Dieu. Ma disait souvent cela, mais ce n’est que maintenant que je le réalise
complètement. Le Guru physique peut avoir des défauts, le corps a toujours des
défauts, mais le Guru est un instrument, un canal du divin. Il y a les mauvais
conducteurs, les bons conducteurs et les super-conducteurs. Ma était un
super-conducteur.
Q : Ce
point de vue aide-t-il le disciple à ne pas voir le guru de façon personnelle?
V: Ma disait que même si le disciple tombait
amoureux du Guru, si celui-ci était un Sadguru il pouvait transformer cet amour
et le diriger vers Dieu.
Q: Ma
donnait-elle des instructions pendant des discours?
V : Non, Ma ne faisait pas de discours, mais elle
donnait des instructions individuelles précises durant les entretiens privés.
Par ailleurs, elle pouvait donner des suggestions pratiques aux gens; s’ils
étaient capables de les saisir au vol, il pouvait éviter
4
l’accomplissement d’un mauvais karma du passé, un
accident par exemple. Ma pouvait aussi faire monter et descendre la kundalini
de ses disciples d’un seul regard, de façon tout à fait informelle et sans en
avoir l’air. C’était parfois important de pouvoir faire redescendre la
kundalini de ceux chez laquelle elle était monté trop vite et qui ne pouvaient
faire face à l’afflux d’énergie.
Q: Ma
pouvait-elle faire des miracles avec tout le monde?
V: Non. Celui qui fait le miracle et celui qui le reçoit
doivent être complètement en harmonie comme un couple de danseur. Même avec le
Christ, c’était comme cela; ceux qui n’avaient pas la foi ne pouvaient être
sauvés. Quand Ma était âgée, j’ai fait un rêve, mais les images que j’ai vues étaient
aussi vives que la réalité: j’étais avec un groupe de visiteurs, principalement
des étrangers sur une vérandah pour garder la porte de Ma, et elle est passée;
je leur ai demandé:’avez-vous vu Ma?’
Ils m’ont répondu ‘non’. Quand Ma était jeune, tout le monde était
boulversé (enthralled) à son contact. Après, elle était plus à l’intérieur, et
seuls ceux qui avaient l’intensité et une grande foi en elle pouvaient
percevoir directement son pouvoir.
Q : Ma
aurait-elle pu rester plus longtemps dans son corps?
V : Oui, bien plus, mais elle en avait assez. Les gens
n’avaient pas assez d’intensité pour la faire rester.
Q : Mais pourtant, les
foules paraissaient électrisées pendant ses kirtans!
V : C’était de l’excitation, ce n’était pas de la
véritable intensité.
5
Q : Certains disent que
Ma était tantrique:
V : Le Tantra, c’est l’adoration de la Mère divine.
Comment aurait aurait-elle pu adorer la Mère divine alors qu’elle était
elle-même la Mère divine? Par ailleurs, pour Ma, et même tout simplement pour
un sadhaka avancé, toutes les voies confluent en un seul Yoga, la synthèse des
Yogas si l’on peut dire. Il s’agit d’un Yoga total où toutes les chemins sont
comprises et intégrées. Ce n’est qu’au début que les voies sont séparées.
Q :
Arrivait-il que Ma se guérisse elle-même?
V : Une fois, un médecin avait prescrit à Ma de
prendre des hautes doses de turméric. Après elle a développé un paralysie
débutante aux jambes et elle m’a dit:’Je pense que c’est à cause de l’excès de
turméric’. A cette époque, je n’ai pas pu l’approuver car cela n’était pas dans
les connaissances de la médecine occidentale; mais par la suite on a découvert
que les excès de vitamine A, contenue en grande quantité dans le turméric,
peuvent donner des neuropathies périphériques c’est à dire entre autres des
paralysies.
Q :
Quelle est la place de la méditation dans la sadhana?
V : Les gens qui ont une expérience spirituelle
savent que la méditation est un des derniers stades du Yoga à huit membres de
Patanjali, et qu’il faut donc des bases très solides pour pouvoir la pratiquer
à fond. Ce que font même les sadhakas assez avancés correspond à la dhâranâ
(qu’on traduit en général par concentration). La véritable dhyâna est très
rare, c’est presque le sâmadhî. C’est la seconde vague de hippies, celle qui
bien que prenant des drogues avait un certain intérêt pour les choses
spirituelles, qui a lancé l’idée de la méditation comme une panancée
universelle. En fait, cela ne marche pas comme cela.
Il faut méditer à heures fixe, certes, mais cela
ne signifie pas qu’il faille se forcer. Il faut plutôt donner au corps la bonne
habitude de s’asseoir régulièrement. On dit que notre prarabdha karma, c’est à
dire en pratique notre destinée n’est pas comptée en nombres de jours à vivre
mais en nombre de respirations.Ainsi ceux qui respirent paisiblement auront une
vie plus longue. Plusieurs fois dans ma
sadhana je me suis trouvé en face d’un mur et je me suis dit :’C’est
impossible à traverser!’ Mais je l’ai fait, et ensuite c’était tout à fait
facile: impossible n’est pas français…Evidemment dans la vie quotidienne, il
faut savoir s’adapter et contourner les
obstacles.
6
Q : Une
jeune femme était en cours de remariage après un divorce : ‘Comment gérer les
problèmes relationnels?’
V : Il faut s’habituer à voir le Divin dans les
autres.
Q : Quand
on les aime, c’est trop facile.
V : Pas tant que ça, il faut les voir au-delà de
leur aspect personnel, c’est à dire sans attachement. Pour ceux qu’on n’aime
pas, mieux vaut les éviter, à moins d’être déjà dans un état très élevé. Si on
ne peux faire ainsi, il faut prendre le fait de les côtoyer comme une sadhana.
Q : Comment être introverti sans être égoïste?
V : En s’apercevant que le Soi qui est fond de soi
n’est pas différent du Soi qui est au fond des autres. A ce momeent-là, l’amour
pour les autres devient complètement naturel.
7
Q : La
sadhana dans le monde doit-elle être spontanée, facile ou le
résultat
d’un effort persévérant?
V : Il ya l’histoire hassidique suivante: un jour
deux enfants vinrent rendre visite à un grand sage qui leur donna de la bière à
boire; l’aîné ne dit trop rien, mais le plus petit qui n’avait guère que trois
ou quatre ans s’exclama tout de suite :’cest amer mais c’est bon!’ Le sage conclut immédiatement :’Cet enfant
deviendra un grand spirituel!’
Q : Une
personne revient de chez un guru qui dit que l’état de mariage et celui de
célibat consacré à la vie spirituelle sont pareils, dans les deux on peut avoir
la même vie spirituelle.
V : Je ne suis pas d’accord! Si on est déjà marié
et qu’on le reste tout en développant une vie spirituelle, c’est bien, mais si
l’on n’est pas marié avec une vie spirituelle intense et qu’on se marie, à ce
moment-là, c’est un échec, une régression.
Q : Un
père de famille dont la fille déjà assez âgée n’est toujours pas mariée :
‘C’est un problème pour une femme de se
marier tard!’
V : C’est au contraire bien de se marier tard, de
cette façon le nombre d’années qu’on passe avec des problèmes de couple est
moindre!…Certains prennent prétexte qu’ils vivent dans le monde pour dire
qu’ils n’ont pas le temps, qu’ils ne peuvent pas faire une sadhana; mais on
peut créer un environnement favorable à celle-ci: une pièce pour la puja, ne
pas voir n’importe qui, le satsang (rencontre avec des gens spirituels) et si
cela est difficile, au moins la pratique de cette forme de satsang que
représente la lecture de livres de saints ou de sages. De toutes façons, si on
a un désir intense de trouver des conditions favorables pour la sadhana, les
choses s’arrangeront d’elles-mêmes dans ce sens.
8
Q :
Comment développer l’intensité dans la sadhana?
V : Notre intérieur est comme un seau percé; il
faut boucher les trous qu’il a pour qu’il puisse se remplir. Il faut bien
observer les endroits où le mental part vers l’extérieur, ‘a des fuites’, et il
faut boucher les trous, c’est le propos des yamas et des niyamas. Nous
connaissons ici une aspirante spirituelle qui a été fort attachée à son chien
pendant des années; après la mort de celui-ci, son désir de se marier est devenu
très intense, et après son mariage son désir d’enfant est devenu encore plus
intense. Si elle avait pu diriger la grande intensité qu’elle avait en elle
vers le Divin, elle serait devenu une grande sainte.
Q : Une
jeune visiteuse qui suit la voie de la bhakti : on dit qu’il y a deux moyens de
faire en sorte qu’une porte s’ouvre, soit l’enfoncer, soit se prosterner
devant.
V : Un sage juif disait que Dieu aimait ceux qui
enfonçaient les portes; le Soi est un château avec de multiples orifices, mais il
vient un moment où le mieux est d’enfoncer les portes.
Q : Le meilleur dans la sadhana n’est-il pas de se
dire qu’on ne manque de rien?
V : Oui, quand on a l’éveil du bonheur intérieur;
avant, ce ne sont que des mots.
Q : Faut-il aller à l’extrême dans la sadhana?
V : dans l’ensemble, il faut suivre la voie du
juste milieu. Mais dans son désir de consécration à Dieu, au Guru, à la
pratique c’est bien d’aller à l’extrême. On raconte que quand Ramatirtha était
encore un jeune professeur de mathématiques, il recherchait la solution d’un
problème. Il est monté le soir sur la terrasse avec un rasoir et s’est dit en
lui-même: si demain à l’aube je n’ai pas trouvé la solution de ce problème, je
me coupe la gorge. Et le lendemain, quand le soleil commençait à poindre, il
n’avait toujours pas trouvé la solution… il a saisi le rasoir pour mettre fin à
ses jours, mais à ce moment-là il a eu une sorte d’illumination et la solution
est venue. Les gens qui comme Ramatirtha sont très intenses réussissent dans la
sadhana.
9
Q : Un
visiteur parle d’un grand ashram du sud de l’Inde où ceux qui deviennent
sannyasi ont plus de confort que les autres même s’ils doivent beaucoup
travailler.
Vijayananda commente avec un sourire : Quand ils
prennent les voeux de renonçants, ils se mettent à renoncer à l’inconfort…
Q : Qu’y a-t-il de plus important, le détachement
extérieur ou l’attitude mentale en ce sens?
V : C ‘est l’attitude mentale; c’est ce qu’indique
l’histoire des deux amis en vacances; l’un décide d’aller à l’église tandis que
l’autre part visiter une maison close. Pendant l’office, le garçon pieux
n’arrêtait pas de penser au ‘bon temps’ qu’avait son copain dans la maison
close, alors que l’autre, pris de remords, avait l’esprit intensément fixé sur
Dieu présent dans l’église pour lui demander pardon de céder à ses mauvais
penchants. Il se trouve que juste à ce moment-là, les deux compères décèdent
simultanément de mort subite. Celui qui était dans la maison close va au
paradis et l’autre en enfer.
Ceci dit, le renoncement extérieur est aussi
important : un changement que j’ai vu en Inde depuis cinquante ans que j’y vis,
c’est que les sannyasis ont l’air de regarder avec un sourire condescendant
maintenant ceux qui ont les signes de renoncement extérieur et ils accumulent
les biens matériels. Quand je suis arrivé en Inde au début des années
cinquante, on s’attendait à ce qu’un sannyasi ait tout les signes extérieurs du
renoncement.
10
Journal de Gurupriya Didi
En 1935 quand Ma
visita Tarapith (un célèbre lieu de pèlerinage à la Mère divine sous le nom de
Tara à deux cent km environ au nord de Calcutta, où Ma avait envoyé Bholonath
faire des pratiques intensives) elle rencontra un père de famille musulman et
l’appela Baba (père). L’homme déborda
de joie qu’on s’adresse ainsi à lui et vint voir Ma tous les jours. La maison du musulman était près d’unne
mosque qui était à quelque distance de Siddhashram. Ma visita sa maison très
souvent, prenant tous ses fidèles avec elle. Le vieil homme faisait signe à ses
épouses (il en avait deux) et disait :’Notre fille est venue, sortez pour
la recevoir’. Elle arrivaient alors toutes les deux et s’asseyaient
affectueusement auprès de Ma. Celle-ci allait là-bas et s’y comportait comme
une petite fille avec grand plaisir. A chaque fois qu’elle recevait quelque
chose à Tarapith, elle me disait immédiatement :’envoies-en une partie à
Baba’. Quand le vieil homme venait voir Ma, s’il s’apercevait qu’il aurait à
attendre pour la rencontrer, il lui faisait passer le message
suivant :’Dites à Ma que son Baba est venu et voudrait la rencontrer’. Dès
qu’elle apprenait cela, elle le recevait tout de suite.
Tandis que Ma
était à Tarapith, un autre Mavlavi de Calcutta (un enseignant religieux
musulman, parfois rattaché à l’Ordre soufi
fondé par Rumi) vint et resta avec elle pendant plusieurs jours. Il
appartenait à un clan prestigieux de Delhi. Il fut extrêment heureux de
rencontrer Ma. Elle l’avait appelé Prem
Gopal (Prem signifie l’amour spirituel). Il écrivait de nombreux poèmes en
Urdu sur Ma et les lui lisait . Après être resté quelques jours à Tarapith
il retourna à Calcutta à la demande de Ma. Mais nous avons appris qu’en
retournant à Calcutta il se mit à désirer si ardemment être avec Ma qu’il ne
pouvait même plus s’alimenter. Il
pleurait et son impatience augmentait ; on le renvoya alors à Tarapith, et
il resta de nouveau quelques jours avec Ma ; il se calma alors
considérablement et retourna à Calcutta selon le voeu de Ma.
En se rendant
compte de la dévotion d’un Mavlavi musulman envers une Mataji hindoue, les
musulmans de Tarapith se rassemblèrent pour manifester leur désaccord. Le
Mavlavi sahib les pris alors tous à la mosquée et leur adressa la parole
pendant une heure ; il leur expliqua ce qu’il en était et pourquoi leur
religion n’était pas rendue impure le moins du monde par le fait d’aller à Ma.
Il fit venir Ma à cette réunion, lui demanda de s’asseoir sur un asana sur
l’estrade et donna sa causerie après s’être inclinée devant elle. Il avait une
immense révérence pour Ma.
Prem Gopal avait
apporté pour elle de la nourriture de Calcutta. Il souhaitait donner lui-même à
manger à Ma mais n’avait pas le courage de se lancer. Elle fut informée de ce
fait, le fit venir et lui demanda de la nourrir. Il déposa une petite friandise
dans la bouche de Ma avec grand délice et reçut du prasad.(dans l’ambiance de l’époque une femme brahmane nourrie par
un homme musulman était quelque chose d’impensable)
Une fois le Baba
(père) musulman de Ma invita le Mavlavi pour un repas chez lui ; il se mit
à le considérer comme son petit-fils en lui donnant toutes sortes de marques
d’affection. Prem Gopal également considérait le vieil homme comme le père de
Ma et s’adressait à lui comme son grand-père. Parfois Prem Gopal chantait des
kirtans en présence de Ma tandis que les fidèles hindous écoutaient. Les
musulmans étaient aussi présents durant le chant du Nom de Hari. Ainsi les deux
communautées pouvaient se mêler l’une à l’autre auprès de Ma.
(Extrait
d’Amrita Varta, avril 1999)
11
L’essence
d’ananda
Extraits du journal d’Atmananda
Une nuit à
Vrindavan en 1948, une conversation animée battait son plein quand l’un des
fidèles de Mataji, un vieux et savant sannyasi qui d’habitude prenait une part
fort active dans les discussions, s’endormit profondément et se mit à
ronfler sans soucis, oubliant
complètement son environnement. Mataji l’appela une ou deux fois sans aucune
réponse de sa part. L’assistance s’amusait beaucoup. Enfin quelqu’un, pour lui
faire une farce, lui déposa dans la bouche à moité ouverte un rasgulla (une
boule de sucrerie au lait dans un sirop). Même ceci n’eut pas l’effet désiré,
pas même les éclats de rire qui suivirent ; mais quand le sirop se mit à
s’infiltrer au fond de la gorge, il fut bien obligé de se réveiller.
Et comme cela
arrive si souvent, Ma fit de cet épisode comique une occasion pour exprimer des
vérités très profondes. Elle parla à propos du rasa ; c’est un mot difficile à traduire puisqu’il peut
signifier autant le jus, la sève que le nectar, l’essence, n’importe quel sorte
de délice, qu’il soit physique ou subtil, et enfin la joie Suprême. Il n’y a
pas d’équivalent en anglais ou français. Mataji expliqua donc : « Tant
que le goût de Dieu n’a pas pénétré dans l’homme, tant que le nectar du Divin
ne rentre pas en profondeur en lui, son âme ensommeillé ne se réveille pas. Le
védanta est rasa, de même que la
bhaklti est rasa ; pourquoi
devrait-on qualifier le védanta de sec ? C’est un fait bien connu que le
poison neutralise le poison. De même,
quand l’homme transcende les plaisirs de la nature qui sont éphémères, il goûte
la saveur délicieuse de sa vraie nature, svabhaver
rasa, le plaisir suprême, param rasa;
l’anxiété torturante du poison des plaisirs matériels est détruite.
Au delà des
plaisirs physiques, manger, dormir, se promener, etc… il y a le Joie suprême.
Ne récitez-vous pas : brahmanandam
paramasukhadam ‘félicité absolue, bonheur suprême’? Il est le bonheurs
lui-même, le bonheur est Sa véritable essence. Le bonheur du monde a son
contraire, le malheur. Mais là où le
bonheur existe en sa forme essentielle et inconditionnée, ânanda svarûpa, la paire d’opposé joie-souffrance ne trouve pas de
place. Là où il n’y a que svarasa, il
ne peut être question de a-rasa,
c’est à dire d’un sens de sécheresse, de vide, d’anxiété due à l’absence de
Dieu. Il est la fontaine de Joie, la Joie et la Joie seule est son Etre. Un
état existe dans lequel il n’y a que Félicité, Béatitude, Bonheur suprême. A
votre niveau la joie a son contraire, vous parlez des joies du ciel et des
tourments de l’enfer . Mais là où se trouve la félicité éternelle, la
félicité en elle-même, les mots ne peuvent pas parvenir. LA-BAS, qu’y a-t-il,
qu’est-ce qui est absent ? Parler signifie flotter à la surface ;
quel langage peut-il exprimer ce qui ni ne flotte ni ne plonge en profondeur? »
12
A propos des fruits donnés en prasad :
Ma est
complète en elle-même.
Le chant des
écritures sacrées venait de se terminer. Une dame du Cachemire apporta une
corbeille pleine de fruits et l’offrit à Ma ; quelque temps plus tard
Mataji appela deux fidèles et leur demanda de distribuer le contenu du panier à
tous les gens présents. ‘Donnez un fruit entier à chacun’ dit-elle. Quelqu’un
craignait qu’il n’y en ait pas assez et objecta :’Pourquoi un fruit
entier ? Ne serait-il pas plus sûr de les couper en morceau ?’
Mataji : Non,
pourquoi les diviser s’il y en a pour tout le monde ?
Après que chacun
ait reçu sa part, il ne resta plus qu’un seul fruit pour les deux personnes qui
distribuaient. Mataji leur dit :’le travail de distribution est
unique. Vous pourriez avoir été trois
pour le faire, mais maintenant il vous faudra diviser le fruit entre vous.’
Quelqu’un remarqua :’De la même façon, chanter les Ecritures représente
une seule action même si nombreux sont ceux qui y prennent part; il aurait donc
été judicieux pour tout ceux qui y ont participé de partager un seul et même
fruit’. Ce sur quoi quelqu’un d’autre ajouta :’Mais alors écouter le chant
ensemble est également un seul et même travail’…
Mataji :
exactement, il n’y a que le UN ; tout ceci est pour vous faire saisir ce
fait. Quoique vous fassiez à quelque moment que ce soit, quelqu’en soit le but,
cela doit viser cet UN afin de parvenir à la plénitude. De fait, ceci est
toujours valable, on doit avoir pour but CELA.
Un fidèle :
Pour Ma, tout est complet
Mataji : Que
vous disiez ‘pour Ma’ ou ‘pour moi’ (en signifiant vous-même), tout est en
réalité complet. Que veut dire ‘ici’ et ‘là’ ? Ce qui est complet inclut
tout, pas même la mort ne peut être exclue. Tout angle de vision particulier et
comme une fissure ou une faille dans le Tout. Même tous les points de vue, tout
ce qui vous plaît est contenu dans ce qui est complet ; en fait dans
l’incomplétude aussi se manifeste le UN parfait – dans tous les aspects Lui
seul est.
13
Un fidèle :
de la complétude naît l’incomplétude et vice-versa ; le mouvement évolue
en stabilité, car il est évident qu’il faudra bien fermer la bouche à un moment
où à un autre si on veut prononcer le son ‘m’ (rires)
Question :
mais ne dites-vous pas Hari kathâ hi
kathâ aur dab vrithâ viathâ : on doit parler de Lui seul, tout le
reste n’est que vanité et souffrance. S’il n’y a que le Un-sans-second, comment
peut-il y avoir des paroles et un discours ?
Mataji :
Demeurez seulement en Lui, habitez seulement en Lui ! On ne peut Le
laisser de côté, bien qu’on puisse essayer de L’exlcure. Il est toujours là,
mais si vous Le reconnaissez, Il sera aussi là sur le plan où les conversations
et les discussions existent.
A ce moment-là la dame qui avait apporté les
fruits se leva tout d’à coup et dit :’Quand le prasad a été distribué, j’ai reçu deux portions’. A présent enfin,
nous savions pourquoi un fruit manquait ! Ensuite la dame expliqua :
‘quand j’étais dans la rue en transportant le panier, une vache m’a suivie et a
essayé de me dérober un fruit. En dépit de tous mes efforts pour éloigner le
panier, elle était tellement insistante que finalement je lui ai donné un des
fruits.’
‘C’était ma
part !’ s’exclama Mataji. ‘Vous voyez, maintenant, le compte y est !’
La dame du Cachemire confirma :’de fait,
quand j’ai tendu le fruit à la vache, une pensée m’a traversé
l’esprit :’ce doit être Mataji qui est venu réclamer ce fruit sous ce
déguisement !’
Ananda Varta, avril 1999
14
Comme un oiseau sur la branche
par Bithika Mukherjee
Nous
avons déjà traduit dans le numéro 51 de l’hiver 98-99 des pages que Bhitika a
consacré à Bholonath dans sa biographie de Ma refondue à l’occasion du
Centenaire (Sri Satguru Publications 40/5, Shakti Nagar, Delhi 110007). Elle a
travaillé deux ans de façon quasiment continue pour cette nouvelle publication,
qui est une des meilleurs synthèses sur Ma. Nous allons extraire un certain
nombre de textes et d’anecdotes de cet ouvrage qui fait autorité ;
ils nous permettront de mieux connaître
Ma. Nous allons commencer par donner un poème du Gitanjali de Rabindranath Tagore
où il évoque le divin. Bithika l’ a mis
en exergue de sa biographie de Ma :
Gitanjali (n°102)
Je m’étais vanté
parmi les hommes que je te connaissais. Ils voient ton image dans toutes mes
oeuvres. Ils viennent me demander :’qui est-il ?’ Je ne sais comment
leur répondre. Ils me blâment et s’en vont pleins de mépris. Et tu es assis
là, souriant.
J’ai mis mes
récits à ton propos sous forme de chants qui dureront. Le secret déborde de mon
coeur. Il viennent me demander : ‘expliquez-nous tout ce que vous avez
voulu dire’. Je ne sais comment leur répondre. Je soupire :’ah, qui
connaît leur siginification!’ Ils sourient et ils
s’en vont débordant de mépris. Et tu es assis là, souriant.
15
Simplicité enfantine ou retard
mental ?
Quand Shri Ma
était enfant son absence totale d’égo qui menait à une acceptation spontanée de
tout ce que pouvait lui être suggéré par les aînés était perçu comme une
docilité avoisinant peut-être un léger retard mental. Elle était parfois
considérée comme douée d’une intelligence un peu inférieure à la moyenne car
aucune enfant normale ne pouvait être aussi uniformément joyeuse et bonne. Même
si les gens doutaient de ses capacités intellectuelles, elle ne manquait pas
d’amour et d’indulgence, on lui en donnait en abondance ; de plus, on devait aussi prendre en compte
qu’elle ne déviait pas de la vérité d’un millimètre. Avec le temps on prit
l’habitude de s’appuyer implicitement sur sa version des faits dans une
situation sujette à contreverse parce qu’on avait remarqué qu’on ne pouvait
jamais l’entraîner dans quoique ce soit de fâcheux ou de malhonnête. Il et
possible que Nirmala se soit bien amusée de toutes ces rumeurs ; un jour
elle avait un pot d’eau sur la hanche et observait son ombre sur le sol. Quand
elle fut debout en face de sa mère elle lui dit ‘Vous pouvez dire que je suis
droite (soja, qui signifie aussi
simplette), mais ne vois-tu pas maintenant que je suis tordue (banka, qui veut aussi dire rusée).n doit
expliquer le mot kheyal car on va
l’utiliser très souvent dans ce récit. Shri Ma l’utilisait quand d’autres
auraient dit ‘je souhaite’ ou ‘je veux’. Elle avait ni souhait, ni volonté ni
désirs mais parfois une inclination pour une manière de faire les choses,
dictée peut-être par les gens autour d’elle ; une pensée spontanée qui
prenait forme par les circonstances plutôt qu’une impulsion à l’action qui
serait venue de son intérieur à elle. Cela prit un temps considérable à sa
famille et à ses fidèles de saisir ce qu’elle voulait dire par ce terme, si
même on a réussi à le comprendre.(p.11)
Nirmala (c’était le nom de jeunesse de Ma)
avait de nombreuses aires de jeu à Khéora. Il y avait un grand tas de sable
près de leur maisonnette. On la voyait qui moulait de ses mains dans ce sable
de nombreuses formes. Un jour elle fit une grosse boule ronde ; quand sa
mère lui demanda de qui il s’agissait, elle répondit : « C’est
Narayan, Laxmi, Siva, Parvati, Radha, Krishna ainsi que bien d’autres dieux. Ne
m’as-tu pas dit que tout est contenu dans le un et que le un est toute chose ? »(p.12)
16
Ma reconnue par sa propre famille
comme une femme d’intérieur idéale.
La
nuit était déjà avancée, tous les visiteurs étaient partis et l’ashram avait
été se reposer quand Ma sortit discrètement de sa chambre. Suivie d’une ou deux
personnes elle vint au chevet d’une vieille dame dans le hall et l’éveilla
doucement. Assise par terre près d’elle, Shri Ma lui prit les mains dans les
siennes et lui parla gaiement dans son dialecte natal de village que ceux
d’entre nous qui étaient réveillées autour pouvait à peine comprendre. On nous
dit que la vieille dame était Pramoda Devi, l’aînée des belles-soeurs de Ma
avec laquelle elle avait vécu quatre
ans, après avoir quitté Khéora. Les circonstances avaient changées au-delà de
tout ce que Pramoda Devi aurait pu imaginer. Elle n’avait pas eu jusqu’ici la
possibilité de s’approcher de Shri Ma qui était entourée par un groupe
gigantesque de fidèles. Bien que surprise au début, Pramoda Devi prit vite de
l’assurance et se mit à sembler heureuse.
Auparavant elle avait dû désespérer de pouvoir échanger même quelques
mots avec sa jeune belle-soeur. Elle
paraissait reconnaître maintenant dans la personnalité auguste qu’elle voyait
la fille bien-aimée qui l’avait servie si fidèlement dans le passé. Cela lui faisait
particulièrement plaisir de voir comme
Ma se souvenait bien des jours anciens, de quelques incidents amusants
et d’amis perdus depuis longtemps. La façon dont Ma rendait le dialecte de
village était très drôle ; celles qui s’était réveillées rapidement
riaient aux éclats, ce qui eut le don de tirer de leur sommeil celles qui dormaient encore et la chambre fut
bientôt pleine à craquer. Shri Ma se
tourna vers sa belle-soeur et lui dit : « Regardez, toutes ces
femmes pensent qu’elles sont de bonnes maîtresses de maison et expertes dans ce
qu’elles font. Dis-leur si je m’occupais bien aussi de votre maison »
Pramoda Devi paru réfléchir sérieusement à cette question et ensuite fit cette
réponse sans réticence : « vous ne pouvez pas imaginer comme
elle était douce et gentille. Elle
faisait non seulement tout mon travail mais je dois reconnaïtre qu’elle me ne
donna jamais la moindre cause de mécontentement pendant toutes ces années
qu'elle était avec moi. Pour dire vrai, un tel esprit de service est rare. »
17
A mes yeux (de l’auteur), ce qui qui m’est
apparu encore plus extraordinaire que ce témoignage spontané était l’aspect de
contentement qu’avait Shri Ma. Cela lui faisait de fait plaisir d’avoir ses
services reconnus et appréciés. Elle ne considérait rien comme acquis a priori,
et elle n’avait pas ‘joué un rôle’ seulement en tant que jeune mariée chez sa
belle-famille. Elle était vraiment ce qu’on attendait qu’elle soit. En fait, cette caractéristique était le
leit-motiv de son existence; ainsi, elle avait également été une sadhaka pour
une brève période de sa vie ; il n’y avait pas d’idée de faire ‘comme si’,
on ne pouvait parler que de lila
(jeu). (p.27-28)
Kushir Ma
( la ‘Ma heureuse’ : c’était un des noms
d’enfance de Ma que son entourage lui a donné de nouveau quand elle était jeune
mariée à Ashtagram) Un voisin et ami écrivait à cette époque : « Ramani Babu (Bholonath) a ramené avec lui sa
femme. Il y a autour d’elle une aura lumineuse tout à fait extraordinaire –elle
est comme une flamme brillant doucement dans une lanterne ! » Pour
commencer, Sri Ma enchanta tous ses voisins par son sourire radieux et sa façon
de se comporter. La femme de Jaishankar Sen l’appelait Kushir Ma, ce qui était
un de ses noms d’enfance. C’est ainsi qu’on en vint à la désigner à Ashtagram.
Très vite toutes les dames du voisinage développèrent une admiration pour la
propreté et le bon entretien des piècees où elle habitait, pour ses capacités
culinaires hors-pair et pour son esprit de service exemplaire envers Bholonath.
Elle observait scrupuleusement toutes les règles de comportement en vigueur
dans les villages à cette époque. Sa simplicité enfantine et son ouverture
était charmante et empêchait toutes sortes de bavardages et de cancans.(p.30)
18
En lotus
Un jour elle s’est
vu prendre padmasana, la posture du
lotus. Son dos se redressa ; elle sentit une vibration près de la base de
la colonne accompagnée d’un son légèrement rythmique ; la colonne
vertébrale semblait se vérouiller en une position verticale morceau par
morceau. Il lui vint dans son kheyala
(intuition complètement évidente) que c’était presque comme ce qu’elle avait vu
à Narundi quand un train qui avait déraillé avait été hissé de nouveau sur les
rails wagon après wagon en faisant un bruit rythmique. Elle décrivit ce
phénomène en utilisant une autre image, celle qui consiste à placer des pots de
plus en plus petit sur la base solide d’un grand pot, comme on voit parfois
dans la partie supérieure des temples. A ce moment-là elle dit qu’elle avait un
sentiment de facilté complète et de liberté. Le corps était lui-même une aide
plutôt qu’une gêne à la méditation et au namajapa ; elle ressentait un
pouvoir formidable à l’intérieur. Ensuite, elle pensa qu’il était temps d’aller
se coucher car il était très tard, elle s’endormit et donc immédiatement tout
le phénomène paru comme ‘déconnecté’.
Shri Ma a de temps à autre décrit bien
d’autres expériences de ce genre qui défient un compilation exhaustive
tellement elles sont variées. De plus, elle a dit qu’elle n’a pas même décrit
un centième de l’ensemble de ses aventures spirituelles. Il était néanmoins
clair d’après les descriptions qu’elle était consciente de ce qui prenait place
et qu’elle n’était pas emportée par la marée montante de jeu spirituel, lîlâ, de la shakti.(p.35)
19
Les débuts de Ma avec Bholonath
Bholonath savait
que Shri Ma était une jeune fille gaie et sympathique, obéissant sans
questionner et fidèle de façon scrupuleuse à ses aînés. Sa mère lui avait dit
qu’elle devait respecter et obéir à Bholonath exactement comme elle le faisait
pour ses parents. Cela a donné la
couleur fondamentale de sa relation à celui-ci. Durant toute leur vie en
commun, elle ne fit jamais quoique ce soit sans sa permission ou son accord
préalable. Quant à lui, il apprit très tôt à respecter ses kheyalas et ne s’y opposa que rarement, ou au moins pas pour bien
longtemps.
Quand Shri Ma vint
à Ashtagram afin de garder la maison pour lui pendant son absence, il lui
demanda un jour par curiosité si elle n’avait jamais ressenti le moindre désir
d’avoir de ses nouvelles. Sa motivation pour s’enquérir de cela était que, bien
qu’elle répondait scrupuleusement à ses lettres, il avait deviné correctement
qu’elles lui étaient dictées soit par ses parents si elle était à Khéora soit
par Pramoda Devi si elle était à Narundi ou Sripur. Shri Ma réponduit que non,
que cela ne lui était jamais passé par l’esprit, qu’elle n’avait jamais eu le
kheyala de penser à lui. Bholonath persista en disant :’Si je devais m’en
aller, ou si je tombais malade, ou même si j’en arrivais à décéder, cela ne te
poserait-t-il pas de problème ?’ Shri Ma répondit :’Quel
problème ? Où sera la différence ?’ Bholonath ne fut pas offensé ou
attristé par cette attitude d’équanimité parfaite. Il dit avec un étonnement
admiratif :’tu es innocente comme une enfant. Cela s’ajustera quand tu
grandiras’. Shri Ma, en rappelant cet incident, ajouta avec un
sourire :’Il semble bien que je n’ai jamais grandi !’
Un jour où elle était d’une humeur plus
sérieuse, Shri Ma évoqua les débuts de sa vie avec Bholonath en ces
termes :’Après tout, ce corps lui était confié, c’était son rôle de faire
comme bon lui semblait ; mais il s’aperçut quce corps repoussait même une
trace de pensée charnelle. Même le moindre changement dans le comportement de
Bholonath en ce sens provoquait des symptômes de mort apparente ; il
prenait peur et se mettait à faire du nama-japa afin de faire revenir ce corps
à son état antérieur . Son comportement était toujours exemplaire ;
il se préoccupait entièrement de mon bien-être.’
En réponse à la question de savoir pourquoi
Ma avait rejeté les possibilités légitimes de plaisir pour un couple marié, Ma
déclara un jour :’Pour ce corps il n’y a pas de question de plaisir ou de rejet.
Tout ce qui arrive à ce corps est nécesaire pour vous tous –peut-être cet
aspect ne l’est pas tant que cela.’(p.36)
Sri Ma était déjà bien connue à Atpara. Elle était restée dans
ce village pendant six mois avec Pramoda Dévi et sa famillle à la suite du
décès de Révati Mohan (le frère de Bholonath). Il y avait un quartier de hors-caste dans les environs.
Les filles qui y habitaient s’attachèrent beaucoup à Shri Ma. Elles l’aidaient
dans ses tâches ménagères lorsqu’elles voyaient à quelles pressions elle était
soumise pour pouvoir assumer la cuisine et le ménage d’une grande famille. Shri
Ma de son côté leur donnait ce qu’elle pouvait économiser de son cellier ou
même sa propre part de fruits ou de desserts. Elles lui peignaient parfois les
cheveux, ou lavaient ses vêtements. Shri Ma aussi arrangeait les cheveux de ces
jeunes filles dans des styles variés.(p.39)
20
A propos
de Niranjan Rai et de son épouse Vinodini Devi :
Il s’agissait d’un
couple pieux qui était très cher à l’ensemble de la communauté des fidèles de
Dhaka. Il se trouva que Vinodini Dévi mourut après avoir souffert d’une brève
maladie. Shri Ma la visitait chaque jour. L’invalide attendait anxieusement
cette visite quotidienne. S’il y avait
des nuages dans le ciel, son anxiété n’avait plus de limites car elle avait
peur que Shri Ma ne puisse pas venir mais celle-ci venait quoiqu’il arrive et
s’asseyait un moment avec elle. La mort de Vinodini Devi eut une conséquence
tout à fait tragique. Niranjan Rai ne fit pas attention aux conseils de ses
amis et prit l’habitude d’aller tous les jours au champ de crémation et d’y
demeurer des heures assis en méditation à l’endroit du bûcher où avait été
brûlé sa femme. Bhaiji parla de lui à Shri Ma.
Elle accompagna elle-même un jour Niranjan au ghat et lui expliqua longuement
l’inutilité de telles veilles. Il ne put reprendre le dessus malgré de tels
efforts. Il mourut peu après. Durant la dernière année de son existence, son seul travail dans le monde fut pour la
construction de l’ashram de Ramna destiné à Shri Ma et Bholonath. Beaucoup
seront peut-être intéressés de savoir que le bracelet d’or qu’on voyait au
poignet gauche de Ma était un cadeau de Vinodini Devi. (p.62)
21
Auprès de Ma Anandmayi
par Amulya Kumar Datta Gupta (suite)
Ma : « Je vous ai dit
auparavant qu’à votre niveau vous avez une nature qui fondée sur le manque.
Tout ce qui vouspréoccuppe est transitoire. Ce que vous ganez par votre métier
est consommé par les besoins de la famille ; Rien ne demeure. Hier, ils
ont pris une photo de ce corps ; J’ai dit :’Qu’allez-vous faire avec
la photo de ce corps. Il est aussi changeant. Ce qui est ç présent sera
ttransformé dans quelques jours.’ Par ‘nature fondée sur le manque’, je signifie focalisée
Sur les choses qui
s’en vont. On doit s’essayer à rechercher ce qui dure toujours et cela requiert
un esprit complètement centré. Et il nous faut avoir recours à l’une des deux
approches, des deux identifications de toute chose avec le ‘Je’ ou le ‘Tu’.
Ensuite, on découvre qu’il n’y a qu’une seule chose dans l’univers. Rien
d’autre n’existe ; en d’autres termes, il est présent en sa plénitude dans chaque objet du monde.
Je dis donc que l’état de jiva ‘individu)
est un état de servitude. C’est comme un espace donné dans une prairie délimité
par une haie qui est aussi dans la prairie. Je dis donc que bien qu’un individu
est voilé par un écran d’ignorance, il y a inclus dans ce fait une porte vers
la connaissance. C’est tout à fait comme si nous étions assis dans une chambre
avec la lumière du soleil qui rentre par les portes et les fenêtres. Nous
pouvons voir cette lumière, mais notre corps n’y est pas exposé. Si nous le
souhaitons nous pouvons sortir par la porte et nous installer au soleil. De la
même façon, l’individu a de nombreuses façons d’aller de l’état de servitude à
celui de liberté ; Qu’on l’appelle un guru ou une statue de divinité,
c’est une porte qui mène de la servitude à la liberté. Ce qui est nécessaire,
c’est la concentration de l’esprit. Tous
proviennent de l’Absolu, l’Atma ; C’est pourquoi on doit considérer le
guru comme divin. Pon n’obtient rien tant qu’on voit le guru comme être humain
sans percevoir la divinité en lui, de meême qu’une statue d’un dieu qu’on
considère comme une simple pierre ne servira à rien. C’est pourquoi je dis
qu’un individu, jiva, ne peut jamais tre en meme temps Dieu. Si c(est un
individu, c’est un individu. Et dans le même sens, si on le considère comme
Dieu, il n’est rien moins que Dieu. Il en va de même pour le Guru. Il est Dieu
ou un être humain, cela dépend de son point de vue. On doit regarder comme
divin celui dont on recherche l’aide pour obtenir l’absorption complète de
l’esprit. » (p.186)
« Pour celui qui est dans la Vérité
pure, tout est soit Je soit Tu. Je le répète,
Je, Tu et l’univers, tous trois se dissolvent dans le Suprême. C’est
ceci, atteindre Dieu ou avoir la vision de Brahman.
Pramatha
Babu : Mais on dit que Dieu vient
et se manifeste ; Les gens peuvent parler
avec Lui. Est-ce que tout cela est faux ?
Ma : je dis
que c’est tout à fait faux. (Après un bref intervalle) Je dis encore que c’est
tout à fait vrai. C’est ce don’t nous parlions ce matin. Cess visions, ces vibrations sont vraies tant
que nous sommes au niveau d’une nature fondée sur le besoin. Au moment-même où
nous nous installons dans notre véritable nature, toutes les disctinctions
disparaissent.
22
Nouvelles
Nous
préparons le 85e anniversaire de Vijayananda qui aura lieu 26 novembre. Dans ce
sens, nous sommes en train de mettre ses entretiens de Kankhal au complet dans
le domaine de Ma sur Internet. Pour le français, il y a déjà la section
correspondant aux années 90-95 qui est en ligne en tant que partie du livre Un Français dans l’Himalaya.
Tout récemment, une dernière partie correspondant à la période 96-99 vient
d’être compilée et sera en ligne fin novembre début décembre, ainsi qu’une
première partie (86-89) qui est en train d’être retapée pour l’Internet par
Annick à Brest. En anglais, les deux premières parties devraient être mises en
ligne courant octobre et la troisième fin décembre. Courant novembre, la
douzaine articles de Vijayananda sur Ma
en anglais (ceux en français sont déjà dans Un
Français dans l’Himalaya)
passeront aussi dans le domaine : www.anandamayi.org
Swami
Nirgunanda a pu rencontrer les français intéressés ou engagés avec Ma lors
d’une retraite dans une maison tranquille de Bourgogne entre le 9 et le 13
juillet et il n’a pas ménagé son énergie et sa parole pour faire passer le
message de Ma au-delà des différences de culture. Il a retrouvé d’autres
français en août : c’était un groupe d’une vingtaine de personnes venues
par Terre du Ciel et guidées par Jacques Vigne. Elles ont passé trois jours là-haut, une partie du
groupe a même pu coucher sur place. Ils étaient venus directement de l’aéroport
de Delhi dans le Kumaon où il y a l’ermitage. Il y eut aussi trente kilomètre
de randonnée le long de la crête où est l’ashram dans les forêts de pin en vue
du pic de Nanda Devi qui domine la région de ses 7860m, mais qui est le plus
souvent dans les nuages en cette période de mousson. Le livret sur la
méditation de Swami Nirgunananda va passer en ligne dans le domaine de Ma vers
fin novembre, la version anglaise y est déjà depuis six mois.
Jacques Vigne se
rend au Bangla-Desh début octobre pour un renouvellement de visa. Il en
profitera probablement pour y visiter les lieux de Ma, en particulier
Siddheshari à Dhakka et Khéora, son village de naissance près de la frontière
orientale du pays. Il sera en principe à Dhaulchina (Shri Ma Anandamayi Ashram,
Dhaulchina, 263881, Almora, UP) du 20 octobre au 20 novembre, et de nouveau du
5 janvier au 15 mars 2000. Il sera à Kankhal la première moité de décembre et
ira accompagner un tour de Terre du Ciel ‘Sages et Temples du Sud de l’Inde’ à
la fin de l’année. Le changement de millénaire se passera ppour ce groupe
auprès d’Amma dans son ashram du Kérala. Un article de lui ‘Ermite en Himalaya’
doit paraître dans le prochain numéro de
Troisième Millénaire, et un texte d’une trentaine de pages ‘Scènes de la vie de Jésus’ qu’il a écrit
à Dhaulchina doit être mis en ligne à www.anandamayi .org/devotees/jv Il s’agit d’un texte proposant des
méditations sur Jésus selon le raja-yoga et le système des canaux d’énergie et
des chakras. Il a aussi écrit une quarantaine de pages de pensées sur le Yoga
avec commentaires qui pour l’instant ne seront
diffuséees qu’à ceux qui lui en font la demande.
La
revue ‘L’âme et le coeur’ a publié un entretien avec Vijayananda, ce qui nous a
valu une série de nouveaux abonnements à Jay Ma, qui est maintenant tiré à 150
exemplaires. Merci à Aurore Gauer pour cette initiative. Jean-Claude Marol va
donner un séminaire d’un week-end sur Ma à Bruxelles avec Initiations les 22 et
23 janvier. Renseignements : Initiations Montagne Saint-Job 92, 1180
Bruxelles Fax 32 2 375 28 96 ou JC Marol 10 rue d’Orchampt 75018 Paris
Abonnements
Les nouvelles
personnes qui souhaitent s’abonner peuvent le faire en envoyant un chèque de 50
Frs à Mme Vigne, 95 rue Jacques Dulud 922OO Neuilly ; Pour toute autre
correspondance regardant Jay Ma, écrire directement à Jacques.(Ma Anandamayi
Ashram Kankhal, 249408 Hardwar UP ou voir ci-dessus). Les abonnements vont
jusqu’en fin 2000.
Table des matières
Paroles de Ma p.1
Réponses de
Vijayananda
p.3
Ma est pour tous Gurupriya Didi p.10
L’essence
d’Ananda Atmananda
p.12
Comme un oiseau
sur la branche B.Mukerji p.16
Auprès de Ma
Anandamayi AKD Gupta p.24
Nouvelles
p.28
Abonnements
p.30
Table des
matières
p28
NUMERO 56 PRINTEMPS 2000
Jay Ma
Shree Shree Ma Anandamayi
1
Paroles de Ma
Q : Ma,
comment se fait-il qu'aussitôt qu'on se met en méditation toutes sortent de
pensées se mettent à surgir et à s'imposer au mental?
Ma : Ne
savez-vous pas pourquoi on ne peut se concentrer? Le désir agit comme une force
de dissuasion: de même, lorsque vous cherchez à pénétrer dans la mer, les
vagues vous repoussent vers la plage; si vous persévérez et atteignez un niveau
plus profond, les vagues cesseront de vous empêcher d'aller plus loin.
Comment un
être humain peut-il être dépourvu de courage? Pour atteindre la vérité, on doit
endurer toutes les difficultés en demeurant à tout jamais dans la patience: Ce
sont les obstacles qui engendrent la patience: Ecrivez à mon ami et dites-lui
qu'il doit devenir un voyageur sur le sentier où la Paix peut être trouvée.
Un pélerin sur le chemin de l'Immortalité ne
contemple jamais la mort. Par la méditation sur l'Immortel, la peur de la mort
s'éloigne considérablement. Souvenez-vous de ceci: c'est dans la mesure où
votre contemplation de l'Un deviendra ininterrompue que vous avancerez vers une
Réalisation pleine et entière
La quête
de la vérité devrait déterminer toute la quête de la vie hamaine. Le désir
authentique ouvre lui-même la voie à la Réalisation.
Dans notre
périple pour traverser la vie de ce monde personne ne demeure heureux. Le
pèleninage jusqu'au But
2
de
l'existence humaine est la seule voie vers le bonheur suprême.
Tout d'abord, il doit être clair que c'est
l'action du pouvoir du Guru qui met en branle le pouvoir de votre propre
volonté; en d'autres termes, on peut dire que ce pouvoir de la volonté vient du
pouvoir du Guru.
Le Bonheur Divin -ce que vous appelez
parama sukhadam- est une félicité pure et sans mélange, un bonheur en soi.
"Je suis Ton instrument; daigne oeuvrer
à travers Ton instrument" En
regardant toutes la manifestation comme l'Etre Supreme, on obtient la
communion. Quelque soit le travail qu'on entreprenne, qu'on le fasse avec tout
son être et dans l'esprit suivant: 'Il n' ya que Toi qui travaille!'. Ainsi, il
n'y aura pas d'occasion d'affliction, de détresse ou de chagrin.
Tout devient fluide et doux quand on a
resssenti qu'on a été touché par la
bénédiction de son contact.
Dépendez absolument de Lui, quelques soient
les conditions dans lesquelles vous puissiez vous trouver, maintenez Son
souvenir uniquement. Que ceci soit votre prière: 'Seigneur, il t'a plu de venir
à moi sous forme de maladie. Donne moi la force de la supporter, ceins-moi les
reins de patience et fais moi comprendre que c'est Toi qui demeures en moi
caché de cette façon.
3
En tout
temps, soutenez en vous la contemplation deu Divin et le fllus de son Nom. Par
le Nom, toutes les maladies se remetent facilement.
Abandonnez-vous à Dieu dans tous les domaines
sans exception. Qu'il fasse ce qu'il veut de moi, je ne suis qu'une créature entre ses mains, voilà qui doit être votre attitude
d'esprit.
Rester
calme et paisible en toutes circonstances est le devoir de l'être humain.
Questions à Vijayananda
Comme dans
le numéro précédent, ces questions-réponses proviennent des échanges durant le
satsang de chaque soir auprès du samadhi de Ma.
Q :
Qu’est-ce que la psychologie spirituelle?
V : C’est le silence.
Q : Le
meilleur fil directeur en méditation n’est-il pas le ressenti?
4
V : D’habitude, ce ressenti correspond à un paquet
de surimpositions, mais lorsqu’on réussit à calmer le mental et à avoir un
perception vraiment pure, on est très proche de l’Absolu.
Q : Quand on a les yeux fermés en méditation, la
seule perception pure est celle du corps.
V : Peut-être, mais en fait la perception du corps
est complètement déformée par les représentations qu’on s’en fait. Quand on a
atteint l’arrêt du mental, il n’y a même plus de sensations à percevoir.
Q : C’est la perception directe de l’être.
V : Il n’y a même plus de perceptions; c’est la
subjectivité pure.
Q :
Est-il utile de faire des voeux de silence?
V : En fait, je connais la meilleure manière de
garder le silence : c’est d’être silencieux quand on ne parle pas. Cela paraît
une plaisanterie, mais c’est au fait le signe d’un haut niveau spirituel : dire
brièvement ce qu’on a à dire, et après avoir un mental complètement vide,
‘blank’ comme on dit en anglais.
Q : (Un
Allemand qui avait visité quelques védantins) Pour me débarrasser de l’égo,
j’observe ma colère, toutes mes émotions et je me dis qu’au milieu de tout cela
il n’y a pas d’égo.
V : Ce sont des mots. Là où il y a de la colère,
il y a de l’ego, là où il n’y a pas de colère il n’y a pas d’ego. Ceci dit, il
est vrai qu’il ne faut pas chercher à ‘tuer’ un ego qui de toutes façons n’a
pas d’existence fondamentale. Ce serait comme
5
prendre un bâton et essayer de tuer une
ombre en lui administrant de grand coups.
Q : Vous
vous êtes mis à la sadhana pendant la guerre où votre vie était constamment en
danger, et après où les horreurs de cette guerre sont venues en surface. N’en
avez-vous pas été perturbé?
V : Non, pas même pendant que cela ce passait. Je
prenais cela comme un jeu, les uns poursuivaient les autres, c’était comme une
parite de gendarmes et de voleur; Et puis après les évènements, comme le passé
n’a plus de réalité, il n’y avait pas lieu d’en être perturbé non plus.
Q : Si le
passé n’a pas de réalité, quel sens reste-t-il à la Tradition?
V : En fait, la tradition est vécue dans le
présent, quand on suit ce que le guru nous dit de faire. Du point de vue
relatif et empirique, la question du passé et de son héritage existe, mais du
point de vue absolu et dans l’expérience du sage, ce genre de questions ne se
pose plus. Si vous vous les posez, c’est que vous êtes encore sur le plan
empirique.
Q :
Comment différencier l’être mental et l’être vital?
V : Pour connaître l’être mental d’une personne on
se base sur son visage et sur sa voix; pour percevoir son état vital, il suffit
d’être proche physiquement de l’autre ou de lui prendre la main pendant
quelques temps. Le corps yoguique est atteint quand il y a l’union du masculin
et du féminin à l’intérieur; le corps causal est appellé ainsi car il
correspond à cette partie de l’égo qui passe d’une existence à l’autre, et
représente donc la cause des renaissances. A un stade de la
6
sadhana, le corps
subtil peut être vécu comme un manteau merveilleux donné par le Guru; on
voudrait que personne ne vienne y toucher; Mais c’est de l’orgueil, on doit
aller au-delà. Tout ceci est une question d’expérience.
Q :
Peut-on dire que le samadhi est une forme de sommeil?
V : J’ai trouvé une façon d’être complètement
conscient alors que le corps est comme endormi, par exemple quand je reste
allongé au peit matin, ou même assis. Ceci dit, ce n’est pas le samadhi, car
dans celui-ci il y a en plus une joie intense. Les expériences proches de la
mort ne sont pas réellement des expériences de mort mais donnent une expérience
de bonheur et de lumière comme on peut avoir dans le sommeil profond.
Q :
Beaucoup de gens venaient à Ma, ou viennent actuelllement à Amma pour une
guérison. Peut-on dire que ces sages voient les maladies?
V : Ils voient l’origine spirituelle des maladies
sous forme d’esprits qui possèdent le corps et apparaissent dans certaines
parties.
Eléments méditation
par Swami
Nirgunananda
7
Swami Nirgunananda vit depuis douze ans à
l'ermitage de Dhaulchina. Il est passé en France pour quelques jours durant
l'été 99 et reviendra probablement en
fin aoüt ou début septembre 2000. Il est intéressant de lire quels sont les
conseils de base qu'il donne pour la méditation après toutes ces années d'expérience.
Même s'ils sont souvent simples, ils véhiculent une longue expérience de la vie
intérieure.
I) LE
CONTEXTE DE LA PRATIQUE
Le Yoga
n’est pas seulement pour le confort du corps et de l’esprit, mais est une voie
complète de Libération. Il il y a quatre stades d’évolution : La Réalité
ultime, la manifestation, la servitude et la Libération. Le premier et le
dernier stages ne font qu’un. On doit garder présent à l’esprit que les
pratiques de Yoga ne peuvent en elles-mêmes mener l’individu à l’Ultime. Elles
représentent une préparation pour la descente de la Grâce, ou la survenue
spontanée de la Connaissance (Jnana). Sinon, l’Ultime deviendrait conditionné,
relationnel et relatif, ce qui est en contradiction avec le concept même
d’Absolu.
Le Yoga retire
les obstacles à la manifestation de l’immuable qui réside derrière tous les
changements de la création. La Réalité ultime n’est pas un objet d’expérience,
mais se manifeste quand celui qui expérimente, l’objet d’expérience et
l’expérience elle-même ne font plus qu’un. On peut être déconcerté de voir que
certaines personnes pratiquent la méditation pendant des années sans beucoup de
résultats apparents. C’est souvent dû à la dissipation d’énergie venant de la
négligence des règles préliminaires
8
disciplinant le style de vie (yama-niyama) et le manque de contrôle des sens. La méditation
produit de l’énergie, c’est certain, mais cette énergie restera comme de l’eau
versée dans un seau percé si on ne respecte pas les règles préliminaires. Le
niveau ne risque pas de monter. Parmi bien d’autres facteurs, les habitudes
alimentaires jouent un rôle majeur dans la pratique spirituelle. La condition
mentale dépend du type de nourriture ingérée. La méditation est reliée au
mental de deux façons : déjà, elle aide à le connaître, lui qui est si
proche de nous, et pourtant inconnu. Par ailleurs, elle tend à former l’esprit;
bien que celui-ci soit insoumis et rebelle, on peut cependant le faire plier.
Ma conseillait de préparer sa propre nourriture pendant les périodes de
retraite au moins pour développer l’indépendance, un facteur important de
réussite dans la voie du Yoga. Bien entendu, une alimentation végétarienne est de première importance. Par exemple,
Swami Vijayananda qui a été avec Ma depuis 1951 suit un régime très régulier
qu’elle lui avait conseillé. Il dit d’après sa propre expérience que si vous
trouvez un régime équilibré du point de vue diététique et que vous le répétez
tous les jours, le mental se libère complètement du désir de nourriture, il n’y
pense plus, c’est le mieux pour la sadhana. Ma n’insitait pas sur le jeûne, à
part quelques jours dans l’année qui sont recommendés par la tradition (Shiva Ratri en février, la naissance de
Krishna en août) ; elle citait souvent le proverbe, l’homme
doit manger pour vivre et non vivre pour manger.
En hindi
et sanskrit, asan signifie non
seulement posture, mais facile également. Ceci nous rappelle
l’aphorisme de Patanjali sthira-sukh-asana,
‘la posture (doit être) stable et facile’.On doit revenir régulièrement à la
relaxation du corps pendant la pratique, seule la colonne et le cou doivent
être dynamiques, bien perpendiculaires au sol. La posture du lotus (padmasana) et les autres postures jambes
croisées sont plus faciles si l’on est assis sur un coussin. Les genoux
touchent le sol avec moins de tension et forment un triangle stable. Pendant
longtemps, la méditation requiert un objet,
et le corps est l’un des meilleurs. Il nous permet de comprendre comment
fonctionne la base du mental. Parce que nous nous identifions au corps,
‘revenir à soi-même’ signifie au moins au début revenir au corps et ête
conscient de ce qui est la forme grossière du Soi. Cela peut être une bonne
habitude de revenir au corps au début de chaque session.
Si la
pression des chevilles l’une sur l’autre est trop intense on peut mettre un
serviette entre. Par ailleurs, si l’on médite avec les deux mains l’une sur
l’autre, on peut mettre un tissu plié sous la main inférieure pour compenser un
déséquilibre qui sinon a tendance à se propager jusqu’à la nuque et y provoquer
des tensions qui peuvent être gênantes surtout quand on pratique de façon
prolongée. Quoi qu’il en soit, on doit régulièrement vérifier la relaxation de
la nuque. Vajrasana (la posture du
diamant, assis sur les talons) peut être maintenue pendant plus longtemps si
l’on dispose deux coussins, l’un en dessous et l’autre au-dessus des chevilles.
Cette posture est conseillée après les repas. Certains hatha-yoguis
recommandent également à cette période-là de masser
10
le cuir chevelu, de se peigner et d’éternuer trois
fois ; l’idée est probablement de ramener vers la tête l’énergie et le
flux sanguin qui est attiré principalement vers les intestins durant la période
post-prandiale. Si on trouve certains moyens pour ramener l’énergie vers la
tête, cela diminuera la somnolence spontanée. Pour trouver l’équilibre entre
les latéralités du corps, on peut commencer la séance par des oscillations d’un
côté à l’autre, et en réduire l’amplitude progreessivement jusqu’à ce que la
colonne devienne exactement verticale, comme le mât du bateau qui a du roulis
sur un lac après le passage d’une vague. La conscience (mindfulness) de la posture au début d’une séance consiste à décrire
mentalement cette posture point par point tout en relaxant le corps. Ma
conseillait ausi une prièère à la forme divine qu’on adore (ishta-devata) ou un genre
d’auto-suggestion avant la méditation, par exemple : ‘je veux dépasser
tous les obstacles. Que mon esprit soit concentré sur mon objet de méditation.
Que le Tout-Puissant répandre sa grâce sur moi,’ etc…
III)
SAHAJA (NATURAL) PRANAYAMA
Il faut
essayer d’avoir une respiration qui est harmonieuse, régulière et sans effort.
Pour aider l’attention au souffle, on peut percevoir deux points appelés dvadashantas (cad la fin des douze) à
douze travers de doigts de l’extrémité du nez, l’un à l’extérieur, l’autre à
l’intérieur. En fait, le dvadashant
interne est souvent placé au niveau du coeur. Dans le Shivaisme du Kashmir,
l’inspir s’appelle prana et l’expir apana. Ainsi, le dvadashanta est considéré comme le lieu d’origine et de dissolution
du prana et de l’apana. En fait, la
11
première respiration de l’enfant nouveau-né est
une inspiration, et la dernière d’un mourant est une expiration, ainsi la durée
totale de la vie d’un individu (jiva)
est encadrée par une inspiration et une expiration. C’est pourquoi cette
méditation sur les dvadashantas est
ausi une méditation sur la vie et la mort. L’inspiration correspond à jiva et
Shiva, l’expiration à Shakti, ainsi donc les dvadashantas sont considérés comme les lieux d’union de Shiva et
Shakti. En pratique, il est très difficile de situer exactement ces lieux
d’union.C’est pour cela que Ma conseillait un léger kumbhaka (arrêt du souffle avec les poumons soit vides soit pleins)
pour avoir une perception plus claire de la dissolution et de l’origine du
souffle. Avec la pratique, la période du kumbhaka
décroît et le kumbhaka volontaire
finit par disparaître; mais paradoxalement, quand on sent le point, un kumbhaka se développe de lui-même et
peut se prolonger pendant une longure durée.
Il ya une
façon de se préparer au Svara Yoga
–l’observation des différences de latéralités du corps et leur rééquilibrage-
il s’agit d’utiliser un pranyama appelé nadi-shodana,
la purification des nadis. Classiquement, le pouce et l’annulaire ferment
chaque narine en alternance, en changeant de côté entre l’inspiration et
l’expiration. Après quelques temps, on peut faire la même pratique avec
seulement la conscience, sentant les latéralités du corps en alternance. Les
gens qui souhaitent pratiquer une sadhana avec une grande partie consacrée aux
pranayamas physiques doivent recevoir les conseils éclairés d’un maître qui a
pratiqué lui-même cette voie. Ce qui est écrit dans les livres correspond à une
pratique générale, mais concrètement, on
peut éprouver des difficultés à cause de différences
12
individuelles; on les résoudra mieux avec l’aide
d’un guide expérimenté.
IV) MANTRA
Une
étymologie traditionnelle du mot mantra est manonat
trayati –‘(le pratiquant) est libéré par la contemplation.’ Une difficulté
du mantra, c’est que sa répétition peut devenir automatique tandis que le
mental continue à se promener n’importe où. Pour empêcher cela, Ma disait
souvent : Shvas shvas men jap karo ‘faites confluer la répétition de
votre mantrtra dans votre respiration’. Déjà, le simple fait de faire un nombre
régulier de mantras à chaque inspiration et expiration résultera dans une
rythmicité et une régularité du souffle. De plus, on peut essayer d’être
conscient de l’intervalle entre ces courtes séquences de mantra. De fait, le
meilleur moment pour le faire est entre l’inspiration et l’expiration ;
cela reviendra à une méditation du type de celle des dvadashantas que nous avons évoqué ci-dessus. Une autre façon
d’intensifier l’expérience du mantra est nyasa,
c’est à dire le fait de le placer dans chacune des parties du corps. Nyasa signifie installer, déposer, et
aussi investir. C’est donc une façon
‘d’investir’ Dieu dans le corps, un processus pratique d’incarnation si l’on
peut dire. Nyasa signifie aussi le
fait d’abandonner. Quand son abandon au Divin est complet, on atteint l’état de
renoncement, san-nyasa.
En pratique, si l’on a déjà un mantra avec
le nom d’une divinité, il suffit de mettre seulement ce nom, ou même le bija-mantra, une syllabe correspondant à
la divinité, dans
13
chaque partie du corps.
Les fidèles de Ma peuvent placer le nom ‘Ma’ lui-même. Une première sorte de
lieux pour faire nyasa correspond aux chakras. On conseile d’habitude de sentir
les chakras le long de la colonne vertébrale, une ligne qui correspond au
‘méridien gouverneur’ de l’acuponcture ; cette méditation sur les chakras
aide de fait à ‘gouverner’, maîtriser le mental rebelle. Une méthode efficace
peut être d’imaginer le guru assis en face de soi. On trace une sorte de cercle
qui part de son propren muladhara (à
la base) vers le sommet de la tête et qui traverse jusau’au sommet de la têtre
du guru, puis redescend par ses chakras jusqu’au muladhara. Pour les débutants, il est meilleur de n’inclure que les
quatre chakras supérieurs, en commençant par le anahata au niveau du coeur. Le nyasa peut être également effectué
avec les lettres de l’alphabet (qui sont les racines de tous les mantras
possibles) et il est de deux sortes, interne ou externe, selon sa localisation
dans les chakras ou dans la tête, les membres ou le tronc.
On dit
dans un fameux distique en sanskrit mantra-mulam
guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c’est la parole du guru’. Ceci signifie
qu’en un sens chaque parole du guru peut être prise comme un mantra. En faisant
le nyasa de ces paroles de vie les
unes après les autres, on atteindra le san-nyasa,
c’est à dire le renoncement à son égo mesquin en se laissant imprégner par la
seule présence du guru, présence qui n’est pas différente du Soi.
V) NADA YOGA
Nada est le son éternel
qu’on percevoir directement à l’intérieur de nous-même. Nada, à la différence des autres sons engendrés habituellement par
le choc de deux
14
objets (ahata), n’est pas produit de cette
façon ; c’est pourquoi on l’appelle aussi anahata. Nada était là
lors de la création du monde sous la frome du Pranava (Om). Tout l’univers provient de la rencontre de Shiva (nada) et de Shakti (bindu, le point, la première étincelle d’activité par laquelle
Shiva a crée le monde). Le bindu
correspond aussi au centre sur lequel on focalise son attention pendant la
pratique de la concentration, comme par
exemple le point au milieu du Shri Chakra.
En pratique, les débutants qui souhaitent avoir un avant-goût du Nada-yoga
peuvent pratiquer le brahmari-mudra
(la mudra du bourdon) après s’y être préparé par la pratique des préliminaires
du Yoga : les deux pouces ferment les oreilles, les index les yeux, les
médians les narines les annulaires poussent les lèvre supérieures et les petits
doigts la lèvre inférieure. On peut le pratiquer avec les poumons pleins ou
vides. On aura ainsi une idée de ce que peut être le nada dans sa forme la plus
matérielle. Par la suite, deux autres mudras peuvent aider à saisir le nada
spontané : d’abord, le jnana mudra
avec les extrémités des pouces et des index dirigées vers le haut, et ensuite
le mudra qui consite à diriger le bout de la langue vers le haut, mais sans
pour autant toucher le palais. Dans le vide à cet endroit, on peut percevoir le
nada. Classiquement, dix sortes de sons dont décrites, amais cela dépend en
fait de la persone et de sa capacité à les différencier, de même qu’un expert
en parfum peut distinguer dans une seule odeur un grand nombre de composantes
grâce à sa pratique et à la précision de son intuition. Par exemple dans mon
cas j’entends d’abord un son aigu et continu comme celui d’un groupe de
criquets, ensuite un son
15
pulsatile comme celui de
cloches, puis le son continu de conches et de flûtes, et enfin le pranava. Dans la Brihad-Aranyaka
Upanishad, on donne une comparaison à propos de la connaissance de Brahman (brahma-vidya) qu’on peut appliquer aussi
au son intérieur. Quand un père entend d’abord de loin un choeur d’enfant qui
chantent les védas, il ne peut y distinguer la voix de son fils; mais lorsqu’il
s’approche, il peut finalement la reconnaître. En fait, tous les timbres de
sons peuvent être perçus comme le pranava
si on réussit à les entendre d’une façon parfaitement continue ;
cependant, il n’y a pas de raison de se faire croire qu’on entend une certaine
sorte de son sous prétexte qu’on l’a vue décrite dans les textes.
Ce type de méditation est basé sur la
visualisation. Il correspond à la méditation avec forme, qui est une
préparation pour la méditatation sans forme. Elle est largement utilisée par le
bouddhisme tibétain par exemple, alors que le zen préfère orienter sa pratique
directement vers le sans forme. J’ai pu parcourir un journal spirituel de
Bholonath qui est maintenant détruit ; il y décrit une méditation sur les
cinq éléments probablement d’après des instructions de Ma. La terre est
visualisée dans le muladhara, l’eau
dans le svadhisthana, le feu dans le manipura, l’air dans l’anahata et l’éther dans le vishuddha. On visualise d’abord l’eau
qui inonde toute la terre, ensuite le feu évapore l’eau, le vent éteint le feu
et finalement se dissout dans l’éther ; Cette pratique aide à dissoudre la
conscience habituelle du corps et oà se fondre dans le sans forme (évoqué par
les deux chakras supérieurs, l’ajna
et le sahasrara).
Des visualisations simples peuvent aider la
méditation : par exemple visualiser deux anneaux qui remontent à partir
des doigts de pieds les jambes et le ventre jusqu’à l’ajna, aspirant l’énergie vitale et la poussant vers ce centre. De
là, on envoie des vibrations vers sa divinité d’élection en face de soi, et on
en rapporte une lumière neuve qu’on répand dans son propre corps. Deux autres
pratiques de visualisation s’appuient sur des faits scientifiques ;
D’abord, la ‘méditation atomique’ est basée sur la notion que si l’on pouvait
coller toutes les particules subatomiques ensemble, la Terre entière
17
pourrait tenir dans un
sac à main. Dans ce cas, le corps du méditant n’existerait plus et ce qui
resterait serait la conscience elle-même. Dans la seconde méthode, la
'méditation génétique’, on sent qu’on
retourne au moment de sa conception en visualisant la régression de son état physique et mental,
etc… Si l’on continue à essayer de retracer le processus qui a conduit à cet
instant, on réalisera que son existence individuelle a été divisée entre les
matériels génétiques de la mère et du père et divisée encore de plus en plus au
fur et à mesure qu’on remonte l’arbre généalogique pour finalement se dissoudre
dans le Soi universel. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’une excellente méthode
pour surmonter la difficulté principale de la méditation, c’est à dire perdre
sa propre individualité et éveiller la conscience universelle.
Les cinq chakras inférieurs correspondent
aux cinq éléments matériels qui constituent le monde tel que nous le voyons. L’ajna et le sahasrara représentent le monde spirituel. Des textes comme le Shatchacra-nirupanam, ‘la localisation
des six chakras’ distinguent deux sous-chakras dans l’ajna, l’inférieur qui correspond au mental, et le supérieur, un
peu au-dessus, aui correspond au Suprême, paramatman.
Encore au-dessus, après avoir passé la ligne des cheveux, il y a un-mani, le chakra après lequel on
pénètre dans la région du ‘non-mental’. Juste au-dessus du sahasrara est le maha-bindu,
la demeure de Shiva et la place de son union avec Shakti.
En conclusion, il est utile de souligner
l’importance de savoir pourquoi nous méditons. Parfois, certains sadhakas se
plaignent de ne pas avoir de résultats dans leur pratique et se sentent
frustrés. Une des raisons pour cela est qu’ils n’ont pas les conditions
requises et la préparation pour bénéficier de leur pratique. Une seconde raison
est qu’il travaillent mécaniquement, sans être conscient du but principal qu’ils
poursuivent. Le souvenir du but doit être le fil conducteur dans toutes ces
pratiques
19
de méditation. Ma disait
souvent : ‘La grâce de Dieu est ici et maintenant, comme la pluie qui
tombe continûment ; tout ce dont vous avez besoin, c’est de simplement
tenir votre bol tourné vers le haut.’
Quelques conseils pratiques de
Ma
Extraits
du journal d'Atmananda
Pendant le
séjour de Ma à Kishenpur (Dehra-Dun) en avril 1957, un dame américaine posa
nombre de questions d'intérêt général:
Q: Juste quand
je me réveille le matin je me sens proche de Dieu mais cet état intérieur
s'évapore jusqu'à un certain point le
temps que je me lève et que je m'assoie pour la méditation. Est-ce bien de
méditer allongée
Mataji : Quand vous apprenez par coeur, dans quelle
position le faites-vous? Certaines personnes apprennent mieux assises, d'autres
allongées et d'autres en marchant de long en large. Si vous trouvez facile de
concentrer votre esprit sur Dieu en étant allongée, vous pouvez le faire en
restant néanmoins bien droite dans cette position couchée. Mais la meilleure
position de méditation est d'être assis droit et complètement immobile dans la
posture qui est la plus confortable pour
une personne donnée.
Q : Est-il
bon de dormir pendant la journée?
20
Mataji : La vie est de toutes façons une sorte de
sommeil dont on doit se réveiller (Ma disait à peu près la même chose à propos
des rêves : cette vie elle même est un rêve dont il faut s'éveiller). Il est
donc bon de rester réveillé autant que possible. Les brahmacharis et sadhous ne
sont même pas autorisés à dormir pendant la journée. Quand on progresse en
méditation, on a besoin de moins en moins de sommeil. Une personne ordinaire ne
rentre en contact avec son Soi que dans le sommeil profond et en demeure séparé
pendant tout le reste du temps. Le contact est inconscient, pourtant il est là
et rend la vie supportable. Par conséquent, le sommeil est absolument
nécessaire pour les individus ordinaires.
Le but de
la sadhana est de devenir complètement conscient de son soi. Quand on a
accompli cela on a atteint un état où l'on transcencde à la fois le sommeil et
ce qu'on appelle communément l'état de veille. Dans le sommeille le corps se
repose et récupère. C'est pour cela
qu'on donne des somnifères aux personnes quand elles sont malades. Quand vous êtes très intéressé à quelque
chose vous ne vous sentez pas somnolent, vous pouvez veiller jusque tard dans
la nuit; mais après, vous provoquez une réaction et vous avez à recupérer le
manque de sommeil.
Quand vous vous mettez à vous intéresser
réellement à la quête du Divin ou de la Vérité, vous trouverez toujours plus de
joie dans la méditation et aurez besoin de moins en moins de sommeil. On doit
réduire petit à petit le temps de sommeil. C'est un besoin qui doit décroître
spontanément. Sinon, on est fatigué et on ne peut faire son travail
correctement. Néanmoins, si l'on retire dix minutes sur un sommeil de six
heures, il n'y aura pas d'effets défavorables. Le besoin de sommeil dépend
jusqu'à un certain point de son
21
état de santé et de la
qualité et quantité de nourriture.
Q : Bien
des gens mendient par habitude alors qu'ils ne sont pas réellement dans le
besoin. Doit-on donner à de tels mendiants?
Mataji : Si l'on se trouve être informé qu'ils ne
sont pas dans le besoin on ne doit
certainement pas leur donner. Car s'ils font un mauvais usage du cadeau, une
partie des mauvais résultats devra être supportée par le doneur. Parfois, on
sent intuitivement si un mendiant est dans le besoin ou non, mais c'est loin
d'être le cas tout le temps. Dans ces cas on doit donner avec la pensée que
c'est Dieu lui-même qui demande l'aumône. Quand on donne avec une telle
attitude, il n'y aura pas pour soi de mauvaises conséquences qui s'ensuivront.
(Amrita
Varta, octobre 1999)
MA ANANDAMAYI
La joie de la sagesse et la sagesse de la joie
par
Jacques Vigne
Ce court article sur Ma avait été demandé
par Charles Abot, directeur de la revue 3e Millénaire, pour leur numéro 53
d'été sur les femmes enseignantes spirituelles. Pour des raisons de délais trop
brefs, il n'a pas pu être publié, cependant l'équipe de 3e Millénaire a fait
une présentation de Ma d'après divers ouvrages qui était brève, mais de bonne
qualité. La reprise de cet article dans Jay Ma permet
22
également
de redonner aux lecteurs une bibliographie à jour de Ma.
Charles
Abot m'a demandé de développer particulièrement les aspects pratiques et
concrets de la pédagogie sacrée de Ma Anandamayi. Je n'ai pas été directement
formé par elle, étant arrivé trois ans après qu'elle a quitté son corps en
Inde, mais je suis proche depuis quatorze ans de son disciple français
Vijayanananda qui a passé trente ans à son école et vit actuellement à son
ashram de Kankhal. J'ai écrit cet article dans un ermitage de Ma en Himalaya.
Ma avait une approche de la pédagogie spirituelle éminemment féminine et
maternelle. Ce n'est pas sans raison que son entourage et les foules de
visiteurs voyait en elle une manifestation de la mère divine. Elle disait que
le mental lui-même était comme un enfant à éduquer, avec ce mélange de fermeté
de tendresse qui font les bons parents: s'il n'y a pas de fermeté envers le
mental, on risque de tomber dans un pseudo-non- dualisme du genre " tout
est là, il n'y a rien à faire ". C'est vrai dans l'absolu qu'il n'y a rien
à faire, mais en pratique il y a beaucoup à défaire, d'où la nécessité d'un
travail sur soi. Par ailleurs s'il n'y a pas de tendresse envers le mental,
celui-ci risque de se dégoûter de la pratique spirituelle, ou de se venger
comme un enfant qui a été battu par son père prend sa revanche à l'adolescence.
La base
de l'enseignement de Ma était solidement non- dualiste mais cela ne empêchait
pas de revenir souvent à l'amour du divin. Elle exprimait la convergence des
deux voies, celle de la connaissance et celle de l'amour, en des mots simples «
se connaître soi-même, c'est connaître Dieu et connaître Dieu, c'est se connaître
soi-même ». Ma, comme
23
les autres grands sages, n'aimait pas se lancer
dans de long discours. Un jour en prenant son bain elle a eu l'intuition
certaine (kheyal) qu'elle devait entamer différentes voies de sadhana;
celles-ci se sont manifestées en elles spontanément et sont arrivées à leur
perfection de façon rapide. Ella a été cinq ans en silence quand était jeune
mariée, et de nouveau un an en 1976, mais ceci ne doit pas laisser penser
qu'elle ne transmettait que par sa présence et qu'elle n'avait pas
d'enseignement construit. Elle en avait un, qui correspondait à l'ancienne
tradition de l'Inde. Certains occidentaux qui espéraient parler abondamment de
leur vie intérieure avec elle comment avec un psychanalyste ont été déçus et
ont quitté. Ils n'ont pu supporter sa simplicité brûlante qui éloignait les
pensées superflues comme le fer chauffé à blanc fait fuir les insectes.
Elle a amené les gens à aller au-delà du mental de
façon naturelle, en établissant avec elle un lien d'amour. La plupart des
visiteurs, même s'ils avaient du mal à sonder sa profondeur sentait qu'il
ressortaient de chez elle en ayant reçu le « don de l'amour ». Avec ses fidèles
proche ce lien était très intense, même si avec les années il devenait de plus
en plus intériorisé. Si ce lien n'est pas fortement établi, dès que le maître
se met à travailler d'un peu près sur l'égo du fidèle, celui-ci s'enfuit ne
revient plus ; cela représente en pratique le problème principal de
l'enseignement spirituel. D'où la douceur de Ma dans son rapport aux autres.
Elle était en faveur du système des quatre ashrams où les étudiants se marient
et vers la fin de la vie prend le vanaprastha,
ceci n'empêchant pas pour certains si l'appel était intense, de choisir le
renoncement en étant encore jeune. Ma enseignait par la joie; elle décrivait
parfois l'atmosphère autour d'elle
24
comme « l'ananda ka bazar » « le marché de la
joie". Une des fonctions principales du maître spirituel est d'éveiller
cette expérience de joie intérieure chez le disciple. Même si elle n'est pas
durable celui-ci en gardera l'arrière-goût, n'aura de cesse de la retrouver et
de se mettre à la pratique spirituelle avec une intensité véritable. Quand on
lit ou entend les témoignages de la vie de Ma, il était évident qu'elle avait
rapport à distance avec ses fidèles. Elle disait qua quand quelqu'un la priait,
elle voyait son visage apparaître sur son écran mental.
Elle
portait peu d'attention gens qui faisait tout un plat de leurs expériences
spirituelles, il lui arrivait même de détourner la tête quand ils en parlaient
; mais si la même personne quelques jours plus tard, faisait une grosse colère
dans l'ashram, elle l'appelait et pouvez passer une heure à le faire réfléchir
sur ce pourquoi il avait cédé à l'impulsion de colère. Elle attendait que les
gens soient en situation pour donner un enseignement, de cette façon ils en
gardaient un souvenir inoubliable.
Nous
avons vu que dans sa jeunesse, Ma avait pratiqué de façon condensée différents
types de pratiques spirituelles, ce qui lui permettait de guider chacun sur sa
propre voien ce que les maîtres en général ont du mal à faire. Cependant, quand
on lui demandait si elle avait pratiqué le tantrisme de la main gauche, celui
qui utilise les relations sexuelles, elle répondait qu'elle n'en avait pas eu
besoin, car elle était arrivée la perfection du mariage mystique, de l'union du
masculin et du féminin à l'intérieur. Ceci est rapporté par Amulya Datta Gupta
dans la version bengali de 'En
association avec Ma Anandamayi'. Il a traduit lui-même ce passage où il
parle du jeu de sadhana de Ma en anglais pour Vijayananda.
25
Elle
enseignait par l'exemple la perfection dans la vie quotidienne et en cela se
rapprochait et de la « petite voie » pratiquée par Thérèse de Lisieux, ainsi
que d'autres grands saints de diverses traditions. Au cours de l'évolution
spirituelle, on peut avoir souvent l'impression que Dieu, ou le Sir, sont
éloignés, comme insaisissable. Cependant, ceux qui auront établi la relation
intérieure avec Ma la sentent intensément et peuvent dire : "Dieu est
loin, mais Ma est proche"
Pour aller
plus loin
Nous
avons la chance français d'avoir une littérature assez développée sur Ma
Anandamayi : déjà le classique Enseignement de Ma Anandamayi dans Spiritualités vivantes et dans la même
collection la réédition de Aux sources de
la joie. La Table Ronde à édité le petit livre Perles de sagess, et Jean-Claude Marol a fait une trilogie de
paroles de Ma Vie en jeu (Accarias) En tout et pour tout (Le Fennec) et Une fois Ma Anandamayi (Le Courrier du Livre), ces deux derniers ouvrages
contenant une série de photos e Ma. Il y a aussi Présence de Ma Anandamayi aux Deux Océans et Visage de ma Anandamayi au Cerf et récemment à Terre du ciel la
traduction du Matri darshan de Bhaiji
et Un Français dans l'Himalaya de
Vijayananda présentant une vision authentique de la grande sage par des témoins
très proches d'elle. A par ces deux ouvrages, les livres sur Ma sont souvent
centrés sur ses paroles alors que la pédagogie d'un grand sage se manifeste
plus clairement dans les anecdotes de ses relations avec ses disciples et
visiteurs. Pour en savoir plus les lecteurs peuvent visiter le site que nous
avons créé sur Ma http://www.anandamayi.org en français et en anglais, qui
contient neuf livres complets, ainsi que des
26
extraits de cassettes audio et vidéo de Ma. On
trouvera des liens également à d'autres sites sur des enseignement apparentés à
celui de Ma.
En anglais
disponible facilement en Europe et aux Etats-Unis, signalons les deux livres
d'Oxford, Anandamayi de Richard
Lannoy, un grand livre de photos mais avec un texte aussi qui mérite d'être lu,
et le livre tout recent Mother of Bliss
de Lisa L Hallstrom dont nous parlons dans les nouvelles.
Un chant à Ma Ananandamayi
Sarada
Ma est française, elle a un ashram près d'Aix-en-Provence, et un autre à Laxman
Jhula à Rishikesh. Elle a été ordonnée sannyas par un rite mixte hindou et
chrétien avec Swami Shankarananda de la lignée du Kriya Yoga de Yogananda
Paramahamsa et par un prêtre chrétien indien qui avait aussi pris le sannyas.
Elle a été inspirée en cela par l'exemple de Swami Abhishiktananda (le Père Le
Saux) qui portait la robe orange et avait organisé un rituel d'initiation
monastique mixte pour son disciple Marc Chaduc en 1973 sur la plage du Gange à
Rishikesh avec Swami Chidananda. Les paroles et la musique de ce chant lui
était venu spontanément en fin avril 1983 au moment du premier anniversaire de
Ma après que celle-ci ait quitté son
corps. Elle nous a fait entendre la mélodie elle-même en s'accompagnant de la
guitare avec quelque qu'un qui jouait aussi de la tampoura un soir près du
samadhi de Ma, et la musique et la voie était très inspirées. Ceux qui
souhaiteraient l'écouter peuvent sans doute lui envoyer une cassette avec une
enveloppe réponse et elle leur copiera
27
l'enregistrement du chant quand elle reviendra en
France fin avril. (Kriya Yoga Ashram
Chemin des Pesses 13840 Rognes)
28
29
Nouvelles
- Swami Nirgunananda
reviendra probablement en fin aoüt ou début septembre pour une retraite d'une
semaine avec les Français. Claude Portal qui organise souhaite que les gens
voudraient y participer se manifestent dès maintenant car il a besoin de
connaïtre le nombre de participants pour pouvoir choisir un lieu ad hoc. 12 rue
Lamartine 78100 St Germain en Laye Tel 01 34 51 74 41: Par ailleurs il y a un
projet de retraite à l'ermitage de Dhaulchina à Pâques 2001 avec Nirgunanda
assisté de Jacques Vigne. Léonard Appel et Initiations (92 Montagne Saint-Job
1180 Bruxelles) organiseront le transport à partir d'Europe.
- Swami Chidananda a
annoncé qu'il prenait sa retraite à partir d'avril 2000:
- Il y a une nouvelle
adresse pour la Maison Amrita en France: Ceux qui veulent connaître les
activités de Ma Amritanandamyi doivent désormais contacter Mr et Mme
Tailhardat, 32 rue du Moulin de la Pointe 75013 Paris Tél 01 45 80 39 42
- Lisa L Hallstrom qui
étudiait les religions à Harvard et maintenant les enseigne dans les
universités américaines était venue il y a déjà plusieurs années en Inde, en
particulier à Kankahl, faire une travail de recherche sur Ma Anandamayi et ses
disciples. Elle a rencontré et s'est entretenue avec une quarantaine d'entre
eux de par le pays et a finalement sorti un livre sur Ma chez Oxford: Mother of
Bliss, London, New-York, 1999: Nous venons de l'avoir, nous en ferons une
recension plus complète dans le prochain numéro.
30
- La composition d'un
livre de Vijayananda en anglais de presque trois cent pages, plus complet que
Un Français dans l'Himalaya a été terminée en janvier à Kankhal. A l'époque où
vous lirez ces lignes, il sera très probablement déjà en ligne dans le domaine
de Ma http://www.anandamayi.org
- un article de Jacques
Vigne intitulé Etre seul avec le seul- la
vie d'ermite qui avait été demandé par Charles Abot, directeur de la Revue
3e Millénaire, a été publié dans leur numéro d'hiver; 54. Comme nous l'avons
mentionné précédemment dans ce numéro, l'équipe de 3e Millénaire a fait aussi
une présentation de Ma brève, mais réussie dans leur numéro 53 consacré aux
femmes enseignantes spirituelles.
- Pour la correspondance,
Jacques Vigne sera à Kankhal (Ma Anandamayee Ashram 249408 Kanakhal Hardwar UP
Inde) de fin avril à fin mai environ:
Abonnements
Le
renouvellement général de deux ans sera après le numéro d'automne. Les nouveaux
venus qui voudraient cependant s'abonner maintenant peuvent le faire pour 11
numéros (jusqu'en fin 2002) en réglant 130 Frs à l'ordre de Jacques Vigne et en
envoyant le chèque à Mme Vigne, 95 rue Jacues Dulud, 92200 Neuilly
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Table des matières
Paroles de
Ma p.1
Questions
à Vijayananda p.3
Elements
de méditation Swami Nirgunanandanda p.7
Quelques
conseils pratiques de Ma
par Atmananda p.15
Ma- la
joie de la sagesse et la sagesse de la joie
par J.Vigne p.22
Un chant à
Ma Saradama p.26
Nouvelles p.29
Abonnements p.29
Numéro 57 - été 2000
Paroles de Ma
Satsang signifie Dieu lui-même dans son être essentiel. Sa
(Cela) veut dire l’Atma qui est éternellement et spontanément lumineux. Quand
il y a un rassemblement de personnes dans la lumière de cette atma, c’est le
satsang. Satsang, l’association à l’Etre, est la seule association et tout le
reste n’est que non-satsang. Là où il n’y a pas d’Etre, sat, là est la
destruction. Le seul devoir de l’humanité est de renoncer complètement à la
destruction, de s’en détacher totalement (asang-nisang) et de diriger
son regard vers cette Lumière essentielle. C’est pour cela qu’il faut chercher
à être dans un satsang permanent.
Si l’on veut connaître son monde
intérieur il ne suffit pas d’abandonner le monde extérieur, car l’image de
celui-ci est comme gravée en nous. Ce monde, jagat, est une réflexion,
une évocation de l’Eveil, jagrat. Ne vous laissez pas hypnotiser par des
bonheurs, ananda, éphémères et prenez refuge auprès du Seigneur qui
règne au-dedans de vous (antaryamin). (Amritavarta hindi, janvier 2000)
(Extraits de satsangs pendant des Samyam Saptas,
Amritavarta, avril 2000):
Dieu
vous a pourvu de mains pour adorer le Seigneur, d’une bouche pour louer le nom
du Seigneur, d’yeux pour voir l’image de Seigneur, d’oreilles pour entendre les
paroles du Seigneur, de pieds pour faire le parikrama (circambulation)
du Seigneur. Maintenant, qu’attendez-vous de plus?
Celui qui est assis dans son coin (kona)
a trouvé le trikona, les trois mondes la terre et les mondes supérieurs
et inférieurs).
Quand on a demandé à Ma pourquoi tout le
monde l’aime, Ma a répondu: il y a relation avec l’Atma, c’est pour cela que
vous aimez ce corps. Ce corps restera où vous l’installez et de la façon dont
vous l’avez installé et il mangera ce que vous lui servez. Pour ceux qui n’ont
personne tout le monde fait partie de leur famille. Ce corps n’a rien qui lui
soit propre.
Quand on demandait de nombreuses fois
comment atteindre la réalisation, Ma disait répétitivement: Suivez les conseils
de votre Guru. Si l’on n’a pas trouvé le Guru, il faut répéter le Nom qu’on
préfère.
Le Japa est ce qui devient une partie
intégrante de votre être, sans laquelle vous ne pouvez vivre.
Le réel pranava (le Om
fondamental qui était là à la création du monde et qui continue de résonner
pour ceux qui savent l’écouter) survient quand il ne reste plus de différence
entre le masculin et le féminin, quand tout le monde devient un, quand tout les
noeuds, granthis, sont ouverts. Quand on a obtenu cela le pranava
réel se manifeste
Questions à Vijayananda
Q : Quand une relation gourou-disciple
intense est établie, il semble bien qu’en pratique elle soit très personnelle.
Pourquoi alors tant insister sur son aspect impersonnel? N’est-ce pas
introduiire une différence entre la théorie et la pratique qui n’a pas lieu
d’être?
V : Il n’y a qu’un seul Gourou, c’est le
Divin suprême (c’est ce que Ma disait). Les gourous physiques, humains, ne sont
que des conducteurs du Pouvoir suprême. Le Sadgourou, le Gourour parfait n’est
une personne qu’en apparence parce que le pouvoir divin passe à travers lui
sans obstrction. Il et un conducteur parfait. L’amour intense que le disciple a
pour son gourou ne s’adresse pas à la personne, mais au pouvoir divin qui
rayonnne à travers cette personne. Il est vrai qu’il arrive souvent en debut de
sadhana que le disciple devienne intensément attaché à la personne physique du
gourou. Cet attachement est comme un transfert affectif qui permet au sadhaka
de se libérer des attachements mondains et quand il est arrivé à maturité il
sera libéré aussi de l’attachement à la personne physique du gourou. Il ne faut
pas oublier cependant qu’il n’y a pas de volition de la part du gourou
physique. C’est toujours le Divin suprême qui crée les liens et les défait
selon le degrè de maturité du sadhaka. Le Gourou physique se comporte selon
l’inspiration qu’il reçoit du Suprême. C’est ce que Ma nommait son kheyal.
Q : Dans la Gita on dit que le Divin
est au-delà du sat et de l’asat. Pourquoi ne pas dire simplement qu’il est
l’Etre pur?
V : En termes de pensée occidentale cela
veut dire que le Divin suprême est au-delà du Bien et du Mal [sat
signifie être mais aussi ce qui est substantiel, c’est à dire finalement aussi
le Bien] et peut jouer (et joue en effet) tous les jeux. Dire qu’il et le sat
pur voudrait dire qu’il et seulement dans la pureté immaculée mais il est plus
que cela. Il est ce qui donne l’éclat à cette pureté mais il est aussi ce qui
permet à l’impureté de se manifester. Les nuages noirs ne sont visibles que
parce que le soleil qu’ils essaient de masquer est derrière eux; mais le soleil
reste toujours ce qu’il est et n’est pas affecté par la noirceur des nuages
bien qu’il ne soit visible que grâce à lui.
Q : Quel est le rapport entre karma et
libre-arbitre.? (Swamiji a déjà répondu à cette question auparavant, mais il
souhaite redire les choses plus clairement)
V : Tout ce qui nous arrive est le
résultat de notre propre karma; mais le karma que nous produisons n’est pas dû
à l’acte lui-même,mais au bhava (attitude mentale) avec lequel l’acte est
effectué. Et nous sommes libres en ce qui concerne ce bhava. Par
exemple, une mère peut battre son enfant avec colère ou le punir par amour pour
corriger sa faiblesse. Une fois que nous avons lancé le karma nous ne pouvons
plus le stopper: C’est comme lorsque vous jetez une pierre. Vous êtes libres de
jeter la pierre mais vous ne pouvez contrôler les vaguelettes qu’elle produit
dans l’eau.
Q : (une jeune femme de Paris)
Swamiji, êtes-vous heureux?
V : Pour répondre à cette question, il
faut déjà s’entendre sur la définition du bonheur. On raconte peut-être dans le
Talmud ou dans un autre texte du judaïsme qu’un jour des rabbins se sont réunis
pour discuter de ce qu’était le bonheur. L’un était d’avis que le vrai bonheur
était d’avoir une belle femme, d’autres participants émirent toutes sortes de
critères, pour l’un d’entre eux le bonheur était par exemple d’avoir de beaux
WC dans sa maison…Le bonheur vient de la satisfaction des désirs. En génénral,
cette satisfaction est temporaire, d’où un bonheur éphémère. La seule
satisfaction complètement stable est dans l’unité avec le Suprême. Dans mon
cas, j’éprouve facilement un bonheur intense dans la méditation, mais dans la
vie quotidienne il s’agit plutôt de ce qu’on nommme shanti, terme qui
signifie plus que ‘paix’: c’est une sérénité, un calme intérieur accompagnée
d’une maîtrise du mental.
Q : Une lectrice de Jay Ma qui a eu de
nombreux rêves de Ma et s’efforce de suivre son enseignement depuis plusieurs
années là où elle est dit qu’elle a cependant de nombreux doutes quant à savoir
si ses idées et sa pratique de sadhana sont justes.
V : Ne suivre que ses intuitions dans le
domaine spirituel peut-être très dangereux. On a besoin de beaucoup d’humilité;
pour cela, il n’y a rien de meilleur que de se souvenir combien de fois noss
intuitions nous ont trompés. Dans ces circonstances, que faire si l’on n’a pas
de gourou? Se référer à chaque fois au dharma: est-ce que la décision que je
souhaite prendre va dans le sens du dharma ou de l’adharma, et ce moment-là on choisit
toujours le sens du dharma. Si on ne réussit pas à faire ce discernement, il
est alors meilleur de demander conseil à quelqu’un de réellement avancé
spirituellement.
Q : Peut-on vivre sans désirs?
V : Pour la plupart, les désirs, le rajas
est nécessaire. C’est ce qui peut les sortir de la torpeur, du tamas. Tout
dépend du niveau des gens. On ne peut pas vivre sans amour. L’amour mystique
est le seul où l’on puisse obtenir la fusion totale. La fusion de l’amour
physique ne dure pas. (A un vieil homme qui souffrait de glaucome) Pour
vous, il vaut mieux vous concentrer sur le coeur que sur l’ajna; mais ce n’est
qu’un stade, un marche-pied pour pouvoir ensuite visualiser l’énergie dans le
coeur de tous les autres et puis après de tout l’univers. A ce moment-là, vous
débouchez sur le Sans-forme.
Q : Est-ce que finalement tout n’est
pas l’effet de la grâce?
V : Cela dépend de ce que vous mettez
exactement sous le mot grâce. Quand vous appelez ce que vous considérez être le
Dieu personnel, il y a un écho qui vous revient qui en fait n’est pas différent
de vous-même mais qui est au-delà de votre ego.
Q : Des fois, je réussis à pacifier
mes émotions pendant un peu de temps, mais ensuite cela reprend de plus belle!
V : Il ne suffit pas d’atteindre une
sorte de ‘paix intellectuelle’; il faut donner à la base du mental ce qu’il
aime, c’est à dire par exemple un rasa intense de joie, pour qu’il soit
vraiment attiré et stabilisé. Quand on est dans les émotions on est emporté.
Quand on les dépasse, l’accent passe sur la conscience pure accompgnée de joie.
Q : Mais la joie est aussi une
émotion?
V : Non, dans ce cas-là les émotions sont
changeantes mais la joie de la pure conscience est stable; ceci dit, il y a des
jours où l’on n’a pas d’émotions à diriger vers le Divin, à ce moment là on
peut pratiquer l’atma vichara, ce qui suis-je’ par exemple. Si cela ne vient
pas non plus, il y a quelque chose que vous pouvez faire pour arrêter le mental
au moins momentanément; c’est d’arrêter votre respiration poumons vides ou poumons
pleins, comme vous sentez. Vous rassembler toute l’énergie dans le coeur et de
rester comme cela le plus longtemps possible. On peut aussi faire ses pratiques
de méditations habituelles avec des concentrations sur différents chakras, mais
se les représenter dans une sorte de double de son corps à un ou deux mètres en
avant de soi.
Q : Faut-il voir le monde comme une
illusion ou comme une réalité, ou comme le corps de la Mère divine?
V : Ramakrishna avait un maître védantin
qui s’appelait Totapuri. Celui-ci avait eu le nirvikalpa samadhi; Ramkrishna
n’avait pu l’obtenir à cette époque, mais il voyait le jeu de la Mère divine
dans le monde, qui était rejeté par TotoPuri comme illusion, maya.
Chacun a enseigné à l’autre ce qui lui manquait. Ramakrishna avait pu faire le
lien, la navette entre le samadhi et la samsara. Védanta signifie
l’accomplissement des Védas. En Inde, c’est la métaphysique qui correspond à la
culmination des trois premiers ashramas dans le quatrième, c’est à dire
le sannyasa. C’est le résultat de toute une formation du comportement et de
pratique de la bhakti pendant le stade d’étudiant, de maître de maison et de vanaprastha
(en retraite dans la forêt). Le védanta ne consiste pas en des discussions
interminables plus ou moins psychologiques comme on le croit en Occident. Les
occidentaux n’aiment
9
pas trop l’idée ‘le monde n’est qu’un
rêve’: Il faut comprendre qu’il ne s’agit que d’un stade, après on retrouve une
réalité au monde mais avec un point de vue autre en ce sens qu’on n’y voit que
la pure conscience. C’est ce que dit le zen : ‘au début les montagnes sont les
montanges, ensuite elles ne le sont plus puis vient un stade où elles le sont
de nouveau.’ Si on cherche à se concentrer directement sur la conscience pure,
au bout d’un certain temps on s’endort. C’est pour cela qu’il faut un élément
affectif, une joie, un amour dans la méditation.
Q : Il semble qu’il y ait beaucoup de
‘pensée positive’ dans le védanta. Ramana Maharshi par exemple conseillait
souvent à ses disciples de lire la Ribhu Gita qui répète sans cesse ‘je suis le
Soi, l’infini, le sans-limite’… Qu’en pensez-vous?
V : C’est pour les débutants. Pour ceux
qui sont pous avancés, observer le mental sans le contrer est suffisant, c’est
le meilleur moyen de le calmer.
Q : Que signifie ‘ouvrir les canaux
d’énergie?’
V : Quand j’étais à Almora en 1954, j’ai
travaillé pendant un an continûment sur l’ouverture des nadis. Grâce à cela, je
savais que je pourrais obtenir une chasteté parfaite sans conflit intérieur ni
répression et aussi une immunité contre les maladies. L’ouverture s’est faite
en plusieurs phases. Un jour j’ai entendu Ma qui disait à sa mère en bengali : khuliatsé
ce qui signifie ‘ça c’est ouvert’. J’avais ressenti quelque chose d’important.
Cela sert de lire des livres comme le Yoga Tibétain d’Evans-Wentz: Cela
donne une base intellectuelle et traditionnelle aux expériences qu’on peut
avoir. Sinon on les interprète de façon personnelle et ça peut donner des
résultats bizarres. L’intérêt des gurus qui enseignent des techniques de
méditations très précises comme les tibétains, c’est que leurs disciples ont le
sentiment de suivre un chemin fréquenté et sûr. Les nadis latéraux s’ouvrent
sur les côtés du coeur. Il faut d’abord bien confirmer l’éveil de ceux-ci
ensuite vient l’éveil du canal central qui correspond à un silence complet du
mental. On parle aussi de l’éveil du Kurma nadi qui favorise une posture
très ferme et bien redressée. De manière générale il faut repérer les pratiques
qui mènent au silence du mental et les suivre à fond. Si l’on décide de faire
descendre l’énergie jusqu’au muladhara, il faut déjà avoir une bonne
purification mentale pour soutenir l’éveil sexuel que cela donne, et ce sans
régression dasns la sadhana.
Il faut distinguer dans l’éveil des nadis
s’il s’agit de la gauche ou de la droite. Leur rasas, goûts, saveurs sont
différents. C’est une expérience psychophysiologique qu’on sent clairement et
qui correspond aussi à un état mental. L’énergie peut également se bloquer dans
l’ascension des nadis. Quand ceux-ci sont ouverts, il faut vivre en solitude.
Les relations sexuelles sont impossibles.
Q : Dans ce cas-là, pourquoi le guru
n’ouvre-t-il pas les nadis à un maximum de gens?
V : Il ne le fait pas, car s’il éveille
l’énergie chez des disciples qui n’ont pas la pureté mentale nécessaire, elle
va passer en direction des émotions perturbatrices.
Q : Est-ce que cette ouverture
correspond à une pratique consciente ou est spontanée?
V : En fait, c’est une émotion intense
qui pousse le prana dans les nadis. Cela peut être la colère, mais la meilleure
émotion est un amour intense pour le Guru. Des Sadgurus comme Ma pouvait
‘ouvrir le tunnel’ comme un géant percerait une montagne d’un coup de pouce en
disant aux ouvriers :’Terminez le petit travail par vous-même’. Quand on n’a
pas l’ouverture des nadis, on n’est pas encore un vrai sadhaka. Au début,
j’avais du mal à ouvrir les nadis quand les narines correspondantes étaient
bouchées, après les deux phénomènes sont devenus indépendants. A un moment, je
me suis mis à cesser de travailler les nadis pour faire du védanta, de
l’observation pure du mental. C’était plus confortable, il y avait moins
d’intensité émotionnelle; mais Ma me l’a reproché. Un jour, elle m’a dit en me
regardant du coin de l’oeil en satsang :nadi khulne se kitna labh hê.
‘Dans l’ouverture des nadis il y a tant d’avantages’ J’ai donc repris la
pratique d’ouverture des nadis. Tous ces phénomènes de nadi ne sont pas de la
théorie, je les vois comme s’ils étaient en face de moi. Par leur ouverture, on
peut expérimenter les rasas à volonté; mais il ne faut pas se perdre dans
ceux-ci, ce serait un obstacle au samadhi que Patanjali appelle rasavada.
Il faut expérimenter une première phase du retour sur soi qui revient de
l’objet de sensation, par exemple du plaisir, jusqu’au plaisir lui-même qui
reste une expérience locaalisée. Puis dans une seconde phase on revient à celui
qui observe ce plaisir, et on arrive au niveau de la joie sans objet, à la
subjectivité pure.
Q : Est-ce que le yogui visite les
mondes subtils?
V : Il y a sept mondes supérieurs, parmi
lesquels le Devaloka, le Brahmaloka, etc.. Cela est en lien avec
la sadhana des sept chakras, à chaque niveau on a des visions, on se promène
dans des plans subtils, enfin on s’amuse… Cependant, dans le Jnana, on ne tient
pas compte de ces mondes subtils.
Q : L’ouverture des nadis est-elle
nécessaire pour obtenir le samadhi?
V : Oui, le samadhi vient de l’union des
deux courants d’énergie, posif et négatif. Lorsque ces deux énergie entrent en
coalescence, il ya une félicité intense qui survient et c’est le samadhi.
A propos d’une photo de Ma où elle est
jeune et elle a la tête penchée sur le côté, en extase :
V : Ce n’est pas un samadhi, c’est un bhav
(un état intérieur spirituel passager et moins profond que le samadhi). Dans le
samadhi, la colonne est droite, dans l’axe, cela facilite le passage de
l’énergie jusqu’à l’ajna. Il y a perte de conscience du monde extérieur. En
mettant la tête sur le côté, c’est à dire en s’appuyant sur une des deux nadis
latérales, on évite cette perte de conscience et on reste au niveau du bhav.
Q : Est-ce que chez les Yoguis, il y a
aussi des variations, des rythmes de l’énergie vitale?
V : Oui, cela m’arrive assez
régulièrement. Il y a trois jours dans un pôle, négatif ou positif, et puis
ensuite, assez rapidement, parfois en quelques minutes, ou en quelques heures,
ça s’inverse. Ce qu’il y a d’intéressant à remarquer, c’est qu’il y a le plus
souvent un catalyseur extérieur à ce changement : même en solitude, vous pouvez
avoir une visite, ou un petit problème, etc… Si on n’est pas conscient de ce
rythme, on projettera sur le catalyseur extérieur l’origine du changement
d’humeur. Par contre, si on en est conscient, on se contentera d’observer ce
phénomène de dvandva, de paires d’opposés qui fait partie des lois du
corps, ou en Inde on dirait de notre prarabdha karma. En n’y réagissant
pas, on ne crée pas de second karma venant compliquer le premier.
Q : Est-ce que vous pratiquez le
mantra?
V : Quand je vaque à mes occupations
quotidiennes, la cuisine, etc…je le récite pratiquement constamment. Mais
lorsque je m’asseois pour méditer, je le laisse.
Q : Une visiteuse : Quand je vais chez
quelqu’un et que je vois que les plantes sont mal soignées, c’est comme si je les entendais crier.
V : Moi-aussi, je ne cueille pas de
fleur, même une feuille, car j’aurais le sentiment de créer une souffrance pour
la plante. A Calcutta, vers le début de mon séjour en Inde, j’avais une
relation spéciale avec un arbre de l’ashram. J’allais le caresser tous les
jours. Il avait une branche desséchée. Un jour, j’ai eu l’idée de la caresser
en disant intérieurement :’Si Dieu veut, des bourgeons vont venir sur cette
branche aussi’. Le lendemain, ils sont venus. L’intéressant, c’est que quelques
jours plus tard ils n’y étaient plus, quelqu’un avait sans doute dû les
arracher. C’est comme si je ne devais pas pouvoir me vanter d’avoir fait un
miracle.
Q : Le dépouillement aide –t-il à la
sadhana?
V : Quand j’habitais à l’ashram de
Bénarès, Arthur Koestler est venu me visiter. A l’époque, je n’avais pas de lit
et il l’a mentionné dans son livre. En lisant ce livre par la suite, le manager
de l’ashram, Panuda, a réalisé cela est est venu protester auprès de moi en me
disant :’Pourquoi ne nous l’avez-vous pas dit plus tôt? Nous vous en aurions
donné un!’ Et finalement il m’en a donné. Je ne suis pas du genre à demander.
Ma elle-même vivait très simplement.
Q : Vous couchez-vous parfois pour
cause de maladie?
V : Très rarement; pendant un demi-siècle
ou plus je ne me suis jamais couché, il n’y a qu’en 1993 que j’ai dû être
hospitalisé quinze jours pour dysenterie. En me couchant, je trouve que ce
serait reconnaître ma défaite devant la maladie.
Q : Qu’est-ce que ça fait de vieillir?
V : C’est très bien; quand vous avez mis
votre maison en ordre, vous retrouvez ce dont vous avez besoin tout de suite.
Il en va de même avec votre mental quand vous avez travaillé sur vous-même. De
plus, si vous avez été très intense dans votre sadhana, cette intensité même a
pu être un obstacle. Avec l’âge elle diminue, et cela vous permet en fait de
passer l’obstacle. Evidemment, je n’ai absolument pas peur de la mort. Cela
m’aide aussi à profiter de mes vieux jours. Et puis, je peux communiquer avec
de jolies jeunes femmes sans qu’il n’y ait aucune trace d’ambivalence… Je suis
également dans le même état quand je médite et quand je suis avec les gens.
V : (Une disciple proche) Vijayananda,
je voudrais que vous nous écriviez des maximes de sagesse.
Q : Un sage n’ira pas écrire des maximes
de sagesse, cela ferait trop pédant. Ce qu’il y a de possible, c’est que ses
disciples notent de ses paroles
Sauvée
Asha Saini
La veille du jour où je tape cet
article, nous avons vu avec Vijayananda au satsang du soir à Kankhal le fils
d’Asha Saini qui était présent à la maison le matin des évènements qui sont
relatés ci-dessous. Il avait conseillé à sa mère de ne pas hésiter à prendre la
route, qu’elle serait protégée, et effectivement elle l’a été.
Ce qui suit est le récit d’une expérience
où j’ai frôlé la mort mais où j’ai été sauvée par la grâce de notre Ma.
Le 14 février 2000, je devais faire un
court voyage en voiture en dehors de la ville. Après avoir fini ma sadhana du
matin et avoir fait le pranam à Ma j’ai entendu une voix intérieure me donnant
clairement l’instruction suivante: ‘Conduis prudemment aujourd’hui!’. Avec ces
mots j’ai vu une image de la grande route que je devais emprunter ce jour-là.
Je fermai la porte du temple et me rassurai en me disant que cette grande route
n’avait pas beaucoup de circulation, qu’elle n’était guère dangereuse et que je
ne devais pas me faire du souci sans raisons. (Inutile de dire que j’ai réalisé
plus tard que cette ‘confiance’ n’était que l’oeuvre de mon égo qui essayait de
se donner bonne contenance). Quand je quittais le temple j’entendis de nouveau
la même voix répétant la même chose. Intriguée, je dis à mon mari que
j’essaierai d’être prudente en chemin. Il regarda par la fenêtre avec moi et
examina la condition de la route et l’enneigement: ‘Il n’y a presque pas de
neige, dit-il, de toutes façons dans quelle direction te rends-tu?’ Je lui
répondit que mon travail m’amènerait à prendre la N 19 à 25-30 km de Madison,
dans le Wisconsin, où nous vivons. En réfléchissant là-dessus, il dit: ‘La N 19
n’a pas beaucoup de circulattion et de plus elle est d’habitude bien nettoyée
par les chasse-neige en hiver.’ En entendant cela, j’ai été bien rassurée et
j’ai pris la route quelque temps plus tard.
Tandis que je roulais sur la N 19, le
message que j’avais entendu plus tôt dans la matinée me forçait à rester
prudente en conduisant. Après avoir roulé dans un segment de la route limité à
100km/h, j’entrai dans une zone limitée à 70km/h. Parce que j’essayais d’être
particulièrement prudente ce jour-là, j’ai réduit ma vitesse à 60 km/h. Mais
tout d’un coup, sorti d’on ne sait où, je vis un énorme camion-remorque qui me
coupait la route venant d’une route perpendiculaire à la mienne. A la place de
laisser la priorité, il rentrait directement dans le traffic de la grande
route, mon véhicule étant le premier à arriver sur lui. Comme le camion était
très grand, il avait à négocier le tournant au plus large et coupait ainsi
toute la nationale alors qu’il n’avait pas la priorité.
Maintenant, avec cet énorme poids-lourd
tout d’un coup à une dizaine de mètres de moi et qui bloquait tout l’espace
pour passer, j’étais obligée de me décider en une fraction de seconde. Comment
me sauver? Cela semblait impossible. J’étais piégée sans aucun passage de
quelque côté que ce soit. J’écrasai la pédale de freins. Le seul petit espace
qui s’offrait à moi était à l’extrême gauche, dans la voie d’où sortait le
poids-lourd. Je déviai vers ce côté de la nationale et mon car s’immobilisa
dans un crissement de pneus à quelques centimètres seulement de l’arrière de
l’énorme camion. Tout cela se déroula en quelques secondes. Comme le
poids-lourd continuait, mon coeur battait la chamade et j’étais stupéfiée
d’avoir échappé un collision directe sans la moindre égratignure.
Merveilleux! Qui sur terre peut faire
ceci si ce n’est Elle? C’était pour moi un rappel vigoureux de sa présence
immanente et de la vérité de sa parole:’Je suis toujours avec vous!’ C’était
une expérience qui vous remet à votre vraie place et qui vous amène à vous
exclamer avec humilité et gratitude:’Merci, Ma, pour garder un oeil protecteur
sur vos enfants!’
Jay Ma
Numéro 58 - Automne 2000
Paroles de Ma
Devenez des buveurs de nectar, vous tous,
buveurs du vin de l'immortalité. Cheminez sur la route de l'immortalité, où ni
mort ni maladie n'existent.
Quand vous sentez le pouvoir en vous,
quand une lumière neuve point à l'intérieur comme le soleil à l'aube, cela
grandira en intensité dans la mesure où vous réussissez à le garder caché sous
un calme et une tranquillité complète. Si la moindre ouverture apparaît, il y
aura toujours le risque que cela se gaspille.
Les efforts soutenus s'achèvent dans le
fait d'être sans effort -en d'autres termes, ce qu'on a atteint par une
pratique constante est finalement transcendé, c'est alors que la spontanéité
vient.
Il est bon de tirer profit des bonnes
activités (satkarma), celui qui doit agir, qu'il le fasse d'une façon
pure (sattva guna). Si vous ëtes constamment pur et libre, la lumière
constante, éternelle se manifestera d'elle-même. Si l'on fait quelque chose, un
fruit en résulte: vous ne pouvez rester sans agir, donc fait de bonnes actions
(sat-kriya). «Qui suis-je?» -ce travail divin qui ouvre la voie fera aussi s'ouvrir la voie de la
lumière du Soi (svayam-prakash). Il faut tout prendre en compte pour se
trouver soi-même. Pratiquez (kriya karo) pour vous trouver vous-même
ainsi que pour trouver Dieu.
Dans ce monde d'imcomplétude, il n'y a
rien qui resssemble à la paix complète.
Dans le monde, tout est le fruit de la
force de la volonté (ou de la Volonté divine, iccha shakti)
Le premièr degré qui va vers la
connaissance du Soi, c'est la pratique d'un état d'esprit (bhav) simple
et pur.
Editorial
Après nous avoir mené jusqu'en l'an 2000,
Jay Ma continue son chemin et nous conduit à l'orée du réel changement de
millénaire maintenant que 2001 approche. Il ne s'est jamais mieux porté avec un
tirage à plus de deux cent exemplaires et nombre de nouveaux lecteurs. Le lien
entre l'Inde et la France à propos de Ma s'est aussi concrétisé par le venue de
Swami Nirgunananda en juillet 99 et tout récemment en août 2000 pour une
retraite en Bourgogne. Certains participants qui n'étaient pas habitués à de
longues durées d'assise en posture se sont plaints des genous, mais ont été
fort heureux de l'atmosphère de ces retraites et de cette possibilité d'établir
un contact vivant avec la tradition de Ma. Ces retraites avec Nirgunananda
auront lieu aussi en Inde à Patal Devi dans la première moitié d'avril avec
Initiations, le groupe de Bruxelles et probablement mi-mai avec un autre
groupe. Celui-ci aura d'abord été à l'anniversaire de Ma le 11 mai à Kankhal,
puis partira pour le pélerinage de Kedarnath et la visite d'autres sanctuaires
moins connus près de cette source du Gange.
Il y a eu un article de sept pages sur Ma
Anandamayi dans la revue Yoga et Vie de Shri Mahesh (50 rue Vaneau 75007
Paris), avec une page finale sur le témoignage de deux élèves de Mahesh avec
Vijayananda à Kankhal récemment.
Ces deux ans ont aussi vu en novembre
2000 le cinquantième anniversaire de la Samyam Saptah en présence des Swamis
disciple de Ma et de Swami Chidananda, un bel exemple de fidélité à
l'enseignement de Ma et à la pratique spirituelle en général.
Vous trouverez plus d'informations
pratiques dans la rubrique Nouvelles à la fin de ce numéro, par exemple à
propos du camp de Ma dans la prochaine grande Kumbha-Méla d'Allahabad pour ceux
qui voudraient y participer en janvier 2001, ou pour ceux qui ne peuvent y
aller mais qui veulent simplement rêver…Sur une feuille séparée, vous trouverez
la feuille de réabonnement pour les deux ans à venir. Malgré la baisse du
franc, les prix du Jay Ma ne changent pas. Nous vous serons reconnaissant de ne
pas tarder à les renvoyer à l'adresse indiquée pour simplifier le travail des
bénévoles qui gèrent les réabonnements.
Réponses de Vijayananda
Q : On
parle maintenant souvent du védanta en Occident. Pensez-vous que le passage
d’une culture à l’autre se fasse dans de bonnes conditions ?
V : Les
deux piliers du védanta sont vairagya, le détachement et viveka,
le discernement. S’il n’y a pas cela, c’est du védanta occidentalisé qui risque
de se terminer dans les mots. Il ne suffit pas de lire Shankaracharya ou
d’apprendre du sanskrit, il faut pratiquer. Après une période de début où l’on
peut étudier toutes les voies, il est mieux
d’en choisir
une et d’étudier les Ecritures sacrées de cette voie précisément. Par exemple
le védanta est la culmination des Védas et des Upanishads et est lié au
quatrième des ashrams (stades de la vie), qui est le sannyas. En sautant
d’une voie, d’un guru à l’autre les occidentaux finissent par prendre des
itinéraires qui paraissent bizarres et à s’imaginer qu’ils suivent des
enseignements très élevés alors qu’ils n’ont pas de bases solides. Par exemple,
les Juifs ont une tradition de sexualité sacralisée, mais il faut pratiquer
cela avec toute la base de la Torah. De toutes façons je ne connais pas les
détails, ce n’est pas ma ligne. On raconte qu’à la mort de sa femme le Baal
Shem Tov a dit :’je pensais que si je mourais le premier je pourrais
monter au ciel dans un char de feu’. Mais maintenant qu’elle est morte, j’ai
perdu la moitié de mon pouvoir’. J’ai un ami qui avait acheté une vriae montre
Rollex très coûteuse, mais comme il avait peur de se la faire voler, il a aussi
acheté une Rollex d’imitation qu’il porte habituellement. En Occident, c’est
comme cela. Les gens font une sadhana d’imitation car ils ne savent même pas
les exigences de la vraie sadhana. En Inde aussi, il y a peu de vrais sadhakas,
mais au moins les gens connaissent les exigences de la sadhana authentique. Les
occidentaux souvent intellectuallisent de trop. C’est un grand obstacle,
surtout quand on approche un sage. En face de lui ou d’elle, il faut savoir
être comme un enfant. Si Saint François d’Assise est si populaire en Occident,
je ne crois pas que ce soit seulement à cause de son amour ou de son contact
étroit avec la nature, je pense que c’est surtout à cause de son humilité.
Q : A
votre avis, pourquoi y a-t-il quatre fois plus de suicides en France qu’en
Inde ?
V : Ce
pourquoi les gens se suicident en Occident, c’est qu’ils ont exploré tous les
désirs possibles, qu’ils voient que cela ne mène nulle part mais qu’ils n’ont
rien à mettre à la place. Les gens qui savent se discipliner ont toujours de
l’espoir et l’espoir fait vivre.
Q :
L’Inde croit aux asuras, aux ‘démons’ qui peuvent cependant avoir de bons côtés
comme les dieux ont leurs mauvais côtés, mais elle ne croit pas au ‘Prince des
Ténèbres’, au Mal absolu comme le christianisme ou le judaïsme récent. Quel est
l’avantage du point de vue indien ?
V : La
croyance au Diable des premiers moines chrétiens par exemple est bonne pour les
gens qui ont un tempérament agressif, cela leur donne un ennemi pour se battre.
En fait, dans la Bible, le Diable n’est qu’un petit bonhomme, c’est Dieu qui a
tout cré, le Bien et le Mal, le Diable n’est qu’un serviteur. Par contre, dans
la Cabale, il devient si important qu’on n’ose même pas prononcer son nom de
peur de l’invoquer. On l’appelle par les deux premières lettres de son nom,
Samaël cad samachem. Ce nom signifie l’ange aveugle, et on le désigne par
‘l’autre côté’. Il y a sans doute une influence manichéenne sur le judaïsme
tardif. Un jour, le Baal Shem Tov a prononcé le nom complet de Satan malgré
l’interdit. Celui-ci est venu furieux, en protestant :’je n’ai été dérangé
que deux fois par les appels des hommes, la première fois par Eve au Jardin
d’Eden, et la seconde lors de la destructiondu Temple ; que me
veux-tu ? A ce moment-là, le Diable se met à voir la lumière sur le front
des disciples du Baal-Shem-Tov, et il en est tellement impressionné qu’il est
bien obligé de remercier celui-ci de l’avoir fait venir.
Q :
Une visiteuse occidentale qui était souvent à l’ashram de Ma entendait parler
au satsang de la beauté de la veillée Pascale dans le
judaïsme et le
christianisme. Elle demanda :’Est-ce que à cause de mon manque de
formation religieuse de base je n’ai pas un grand handicap sur la voie
spirituelle?’
V : Non.
Religion signifie relier, unir, comme le mot Yoga. Vous suivez le Yoga, donc
vous avez une religion. On peut aussi dire que vous avez la religion de Ma,
puisque vous passez longtemps ici pour suivre son enseignement… Il n’y a pas
besoin d’attendre la Réalisation pour être complètement indépendant du guru
extérieur. Cela se fait quand il y a l’éveil du guru intérieur.
Lettres de Ma Anandamayi
à Bhramar Gosh
Traduit du bengali par Swami Nirgunananda
Bhramar Gosh a été en Angleterre pour
faire ses études et enseignait l’anglais à l’Université. Elle était proche de
Ma et avait une relation particulièrement intense avec elle, ainsi qu’il
apparaît dans le texte suivant. Ma, au début, dictait ses lettres en style
direct, c’est à dire qu’elle demandait à son secrétaire de signer Ma. C’était
le cas dans ces lettres à Bhramar Gosh. La première remonte à octobre
1934 et fut dictée par Ma à Bhaiji. Swami Nirgunananda les a retrouvées par
hasard en rangeant de vieux papiers à l’ashram d’Almora. Il les a traduites du
bengali et y a ajouté quelques remarques. De cette façon, il continue le
travail de secrétaire qu’il avait assuré auprès de Ma durant les trois
dernières années de la vie de celle-ci. Il a essayé de rester proche du texte
bengali et du style extrêmement simple de Ma quand elle exprimait les réalités
spirituelles.
Pourquoi pensez-vous à mes allées et
venues? Quand on vient, il faut aussi s’en aller. Je sais que je suis toujours
avec vous. C’est parce que vous allez de ci de là que vous ne me voyez pas.
Bien, maintenant, allez-vous vous asseoir (en méditation)?
Commentaire: dans cette lettre, Ma
confirme ce qu’elle a souvent dit par la suite: «Ce corps ne fait pas d’allers
et venues». Ici elle dit directement «je sais», donnant plus de force à son
affirmation. Ma ne doit donc jamais nous manquer sous prétexte de son absence
physique. «Aller de ci de là» concerne ici les fluctuations du mental de
Bhramar et Ma insiste en douceur sur le fait qu’elle devrait s’asseoir. Elle
insistait rarement de cette façon, ce qui montre qu’à cette période Ma pouvait
être très personnelle.
2) A une date non précisée en 1934.
Didi a écrit cette lettre sous la dictée
de Ma:
L’état de méditation vient de la
repétition du Nom. (Bhramar demandait probablement quelle était l’importance
respective de la répétition et de la méditation. Vous n’avez pas besoin de
faire la distinction entre les deux. Essayez de chanter le Nom avec les lèvres
et de le répéter dans le coeur. C’est alors que vous constaterez que l’état de
méditation vient spontanément. (Bhrama demandait des informations à propos des
rêves): certains rêves peuvent se réaliser en leur temps mais personne ne peut
prédire quand. Souvenez-vous que je suis toujours avec vous, adhérez au Divin,
passez votre vie dans la pureté, la joie (ananda) et l’enthousiasme (utsaha).
C’est tout ce que j’ai à dire (kathâ)
Cette lettre indique une relation
personnelle avec Bhramar Gosh. Pour elle, Ma insite sur la répétition du Nom.
Toute la méditation repose sur le principe de rendre le mental focalisé. Ma
suggère que dans la sadhana il ne doit pas y avoir de doute sur la voie que
l’on suit. Ici, la méditation elle-même vient comme résultat du chant du Nom,
il n’y a donc pas lieu de les opposer.
3) 5-8-34
Bhramar venait d’installer un petit
temple chez elle et souhaitait que Ma lui donne un nom; celle-ci lui répond:
Soyez une bonne pujari (prêtresse). Que
vos actions et vos sentiments (bhâva) soient fondus et qu’ils vous aident à
atteindre l'Ultime. Pourquoi donc ne pas appeler le temple Temple du Yoga?
Ainsi, cela vous préparera à avoir le yogashram dans votre vie (ashram
signifie non seulement le bâtiment mais aussi un stade de la vie: par exemple,
la période de maître de maison s’appelle grihasta ashram. Pour
distinguer les deux, les indologues français ont l’habitude d’ècrire ashrama
dans ce cas). Gardez ce que vous ressentez à l’intérieur. Le fait de voir
ne peut venir que de l’intérieur. On ne peut voir au dehors tant que cela ne
vient pas de l’intérieur. Essayez de garder votre oeil intérieur ouvert.
Yoga signifie union avec l’Ultime.
Ceci ne doit pas être limité à la période de rituel ou de méditation dans le
temple (Yoga mandir) mais doit être étendu à toute la journée d’activité
transformant ainsi le foyer en un ashram. De cette manière on peut être en
constante communion avec Dieu.
5)
from Ma to Bhramar Gosh
Ma
I received your letter. Rien n’arrive avant que le temps ne soit venu: par exemple, j’ai eu votre
lettre il y a longtemps mais je ne répond qu’aujourd’hui. Vous êtes au courant,
je ne fais rien de ma propre volonté. Bhaga jamon chalai, tamni chali :
Je vais comme Dieu (Bhaga) me fait aller. Même si je veux vous voir, je ne peux
m’en aller d’ici. Pourquoi cela? Soyez plus mure et vous le comprendrez bien.
Je sais combien vous m’aimez et avec quelle anxiété vous attendez mes lettres;
mais dites-moi, avez-vous le pouvoir de faire arriver les choses exactement
comme vous le désirez? Gardez présent qu’il y a une force supérieure (mahashakti)
au-delà de la force de volonté personnelle (iccha shakti). Tous sont
sous son contrôle. De mon côté, je suis toujours présente avec mon visage
tourné vers vous mais du vôtre vous voyez tant d’autres choses quand vous
tentez de vous tourner vers moi! Ce que vous voyez avec constance, par une
vision unique et avec un but unique, cela, vous l’obtiendrez. Ce n’est pas que
vous le déniez réellement, mais parce que vous êtes bloquée par votre colère à
mon égard, vous le déniez.
Toujours, vous me chercherez des
complications mais j’aime ça car je vois bien que vous n’êtes pas autant
attirée vers moi quand vous n’êtes pas en colère. Souvent mes yeux se ferment
automatiquement pour voir votre état intérieur (bhava). Quand nous nous
retrouverons, tout sera résolu. En vous disputant avec moi à distance, vous
vous libérerez de tous les autres attachements. A ce moment-là, lorsque nous
nous rencontrerons avec un attachement unique (c’est à dire avec une attention
concentrée l’une sur l’autre), ce sera très doux (madhu, un adjectif
évoquant à la fois la douceur du spirituel et celle du miel). Qu’en dites-vous?
Peut-être êtes-vous en colère, mais je me sens pleine de joie (anand)
car je n’obtiens pas de vous autant d’amour quand vous êtes heureuse que j’en
reçois quand vous êtes en colère. Je vois que quand vous êtes en colère toutes
vos paroles intérieures sont focalisées moi. Ecrivez-moi de très longues
lettres et votre esprit s’allégera, comme s’il était dilué. Vous verrez alors à
l’intérieur qu’il n’y a plus que moi et vous, et c’est ce que vous voulez…
L’effort, la patience et l’endurance sont
au coeur de la sadhana. Munie de tout ceci, essayez de suivre le chemin qui
mène au but – c’est cela que je souhaite. Sachez que la grâce de Dieu soutient
chacun constamment de même qu’une mère tient son enfant sur les genoux.
Ma
5bis ) Le même jour
Bhaiji écrit pour compléter ce que Ma
a dit:
Soeur,
Dans ma première lettre je vous ai fait
savoir comment Ma vous aime beaucoup, se souvient beaucoup de vous et pense
constamment à la façon dont vous pouvez rendre votre vie belle et dont vous
pouvez devenir une personne idéale. Sachant cela, je sens que le droit que vous
avez à son affection (lit. à ses pieds, les pieds du guru représentant
sa présence toute entière dans la voie dévotionnelle) n’est pas inférieur à qui
que ce soit d’autre. En répondant à vos lettres, j’ai écrit ce que Ma disait,
parfois mot à mot. Ma a été très heureuse de recevoir votre dernière lettre.
Elle m’a même demandé deux ou trois fois si ce n’était pas le moment de
recevoir une lettre de vous. Vous êtes en colère contre Ma sans raison aucune
et j’en suis attristé.. Elle dit :« Upasana
(la pratique spirituelle) est seulement un jeu des sentiments de l’âme (bhava).
Avant de contempler clairement la divinité (upasya) que vous adorez, il
faut d’abord vous l’attacher avec le lien de la récitation du Nom. Soyez
attentive à cela: quand vous faites votre upasana, que ce soit toujours
avec joie et enthousiasme. Cette beauté, cette laideur que vous voyez, ces
bonnes ou mauvaises odeurs que vous respirez, tout cela est une réflexion de
votre mental…
6) 3-12-34
From Bhaiji to Bhramar
(Il y avait un projet de publier des
conseils spirituels de Ma. Un fidèle nommé Pashupati devait s’en charger et il
demandait sa permission.)
Ma a demandé qu’on inclue votre nom avec
celui de Pashupati. Sa grâce n’a pas de limites. Elle vous a attirée d’une
façon particulière. Ma souhaitait que vous offriez à ses pieds votre vie à tout
jamais. Elle nous tire sans cesse à elle même si nous ne le voulons pas.
7) 6-12-34 Rishikesh
De Ma à Bhramar. L’écriture est celle
de Bhaiji.
Très chère,
J’ai bien reçu votre lettre. Le retard
que je mets pour y répondre vient du fait que j’étais à Hardwar. Vous êtes
blessée à cause de l’écho de vos propres paroles. Qu’y puis-je? Vous dites
vous-même, «je ne vais pas lui obéir!»; mais je sais bien que
vous n’avancerez pas d’un seul pas sans que je vous le dise. Essayez de tout le
temps faire ce qui est pour votre bien.
Veuillez faire enfiler les graines de
rudraksha pour en faire un nouveau rosaire par quelqu’un. Il ne serait pas
sanctifié sinon. Répétez aussi le Nom autant que vous le pouvez. En le
répétant, l’esprit sera détourné des autres directions. Ne soyez pas désolée du
fait que je n’ai pu venir. Vous êtes ma fille avec une maîtrise ès lettres…Vous
comprendrez pourquoi je n’ai pu venir. Je pense beaucoup à vous, vous ne pouvez
même pas imaginer combien. Est-ce que les enfants sont conscients que leur mère
passe des nuits blanches (lit: n’a pas de sommeil dans les yeux) à cause
d’eux? Je veux seulement le souvenir de Dieu en vous. Sans être concentrée, est
il possible de devenir folle (pagal) pour le Un? Tâchez de demeurer dans
la félicité avec le joie du Nom. Sans félicité le monde n’est pas complet.
8) 11-1-35
J’ai bien reçu votre lettre du 8 janvier.
Je pense que vous m’avez mal comprise. C’est pourquoi, lorsque Kittish est venu
de Calcutta, je lui ai demandé d’aller vous voir et de vous expliquer.
Aujourd’hui, c’est le 27 du mois de Poush. C’est le jour même où il y a bien
des annés vous êtes venue sous la protection de vos parents. Soyez dans la joie
(anand), recevez de la joie et donnez de la joie à tous. Pour sûr, je
vais venir visiter votre Yog mandir (le temple que Bhramar avait installé chez
elle). Chaque chose doit venir en son temps. Cela, je vous l’ai déjà dit.
De mon côté, je n’ai pas de problème. Vos
sentiments religieux me gardent en forme de toutes façons.
Ma
Dans les quatres lettres qui
précèdent, nous avons la chance d’avoir une trace sous forme de coorrier de de
la manière do’t Ma essaie de désamorcer une situation tendue psychologiquement
et spirituellement avec une disciple proche. Bhramar avait une grande attente,
elle pensait sans doute qu’elle allait faire de grands progrès en un rien de
temps, mais il n’en a pas été ainsi. De plus, elle était possessive et jalouse
d’autres fidèles qui pouvaient passer tout leur temps avec Ma. D’où son
agressivité que nous pouvons déduire des réponses de Ma et des gens qui
l’entouraient. D’où aussi la compassion de Ma qui avec une grande douceur
essaie d’atténuer sa peine. Dans la lettre du 9-11-34, elle appelle Bhramar «Ma», ce
qui ne l’empêche pas de s’adresser à elle comme ‘ma fille avec une maîtrise ès
lettres un mois plus tard. Quelque temps auparavant, Bhaiji, probablement
suivant les instructions de Ma, l’avait appelée Yogananda, ce qui allait dans
le sens du nom Yoga mandir qu’elle avait suggéré pour son nouveau temple et
avec ses conseils de vivre le yogashram, c’est à dire un stade de vie consacré
au Yoga, dans sa maison elle-même.
9) 25-2-35 Rishikesh
from Bhaiji
Sister
Nous sommes heureux d’apprendre par votre
lettre votre nomination comme professeur d’université et des félicitations que
vous avez reçus de l’Université de Cambridge. Durant ce cycle où l’activité
prédomine dans le monde, on doit progresser spirituellement grâce à elle
seulement. C’est une chance pour votre chemin spirituel de devenir plus aisé et
nous nous en réjouissons. Vous avez écrit à Ma: «vous
êtes pleine d’égo». Une mère est fière de son enfant. Ce n’est pas logique de
croire que votre colère va se calmer par le fait d’appeler Ma «pleine d’égo».
Vous écrivez :« Bhramar est morte» (more
gache). En entendant cela, Ma a dit «Peut-être, ure
gache, c’est à dire envolée!» (allusion à
la signification du nom Bhramar, le bourdon, cet insecte qui s’éloigne de la
ruche et finit par y revenir). Une fois que Bhramar a goûté le nectar du
Dharma, où peut-elle aller? Et même si elle va ici ou là pour quelque temps,
elle retournera à son rayon de miel, je n’ai aucun souci à ce propos.
Nous nous occupons de votre japamala
(rosaire). Acceptez les bénédictions de Ma avec joie et révérence.Gardez
toujours présentes à l’esprit les paroles suivantes (en anglais dans le texte):«L’amour de Dieu est toujours au-dessus de la réalité du moi; mais une fois
que l’esprit arrive à être complètement vidé du moi, l’Amour dépourvu
d’égoïsme, l’Amour éternel et suprême devient une présence intérieure stable.»
Soyez quelqu’un de bien, de formidable et gardez la forme.
Dada
10)
Postcard written by Bhaiji in the name of Ma
Affectueusement (la coutume bengali
est de commencer les lettres souvent par des termes d’affection que
généralement nous gardons pour la fin)
J’ai bien reçu vos lettres et je suis
heureux d’apprendre que vous avez un nouvel emploi. Je vous ai déjà informée à
propos du rosaire.
Dans toutes vos activités, tâchez de
garder le souvenir de Dieu.
Ma
11) by Bhaiji
Yogananda
(Ma m’a demandé de vous appeler Yogananda
car vous êtes Yogeshvari, la déesse du Yoga qui adorez Yogesvar, c’est à dire
Shiva dans un temple du Yoga en tant que Yogananda, la félicité du Yoga). Je
m’adresse donc à vous sous le nom de Yogananda en suivant les instructions de
Ma et je prie pour que vous soyiez digne de notre vénération à cause de votre
état intérieur (bhava) et de vos actions (karma)… Ma désirait
savoir comment vous passez votre temps après avoir quitté votre emploi.
Dites-nous tout ce que vous avez au fond de (lit: en réserve dans) votre coeur.
Dada
12) 4-5-35 Dehra-Dun
Affectueusement
J’ai reçu votre lettre. Le temple
d’Uttar-Kashi n’est pas encore terminé. Il n’y a donc rien de décidé à propos
de mes mouvements. Vous savez tous que je vais avec le présent. Est-ce que tout
va bien dans vos activités?
Avec tous mes voeux de bonheur
Ma
(Ces deux dernières lignes
correspondent en fait à «shubha-kankshini» Ma en bengali, ce qui est un nom de la déesse).
13) 5-6-35 Dhera-Dun
Affectueusement
J’ai bien reçu votre lettre. Il semble
d’après elle que vous avez trouvé la paix. Je ne savais pas que vous ne
viendriez pas sans invitation. C’est pour cela que je vous écris de venir avec
les pèlerins d’Uttar-Kashi. Bien que j’aie le teint clair, sachez que le noir
est la couleur qui m’orne. Soyez heureuse en priant constamment pour la grâce
divine.
(Bhramar avait un teint de peau plutôt
sombre et en faisait un complexe, c’est pour cela que Ma plaisante sur ce sujet)
14) 27-8-35 Bhagat (vallée de
Kangra, en Himachal Pradesh, c’est à dire dans l’Himalaya au nord-ouest de
Delhi)
Affectueusement
Votre lettre du 3 août est finalement
arrivée ici après s’être promenée un peu partout. Il semble que lorsque vous
écrivez Anandamayi dans l’adresse, la lettre s’en va ailleurs.
Je suis heureux d’apprendre qu’il y a eu
des évènements extraordinaires dans votre Yog mandir. Il (Dieu) se révèlera en
proportion de la profondeur de votre dévotion et de vos sentiments religieux (bhav).
Le monde n’est que bhav, c’est le domaine du bhav. En fait, je
voulais aussi vous demander si vous vouliez apprendre la manière traditionnelle
de faire la puja ou si vous souhaitez continuer comme vous faites à présent?
Est-ce que cela ne vous est jamais venu à l’esprit que votre puja n’est pas
accomplie corrrectement? Tenez-moi au courant.
Quelque soit le bhav qui remonte,
faites votre puja avec lui seulement. Tous (les dieux et les désses) sont uns.
L’adoration de l’un est l’adoration de tous. Tant qu’il y a des samskaras
variés (conditionnements anciens) qui reviennent dans votre mental, on prescrit
diverses méthodes pour les neutraliser. Si vous souhaitez adorer Shiva d’une
façon différente, faites-le mais ne touchez pas au shiva lingam, laissez-le tel
quel. Quand les samskaras seront neutralisés, vous aurez des flashs du
Un et vous comprendrez le Un…
Votre Mère
15) 29-12-35 Tarapeeth (un
centre de pèlerinage à Tara à 200 km au nord de Calcutta o ù Bholanath, le mari
de Ma, a fait des pratiques intensives)
Ma tante bien-aimée,
(lit: «boro Ma», cad la soeur aînée du père, celle qui occupe une des positions d’autorité
les plus élevées dans le syte de famille élargie)…ce soir, je vais devoir dormir sans ma tante…
Votre fille de deux mois et demi.
Ici, Ma se présente presque comme un enfant
nouveau-né et Bhramar Ghosh devient quasiment sa mère. A partir de ce
moment-là, Ma s’adresse toujours à elle sous le nom de «boro Ma» et se dénomme elle-même sa petite fille. La relation est inversée. Cela
est peut-être dû au fait que Bhramar avait accusé Ma d’avoir un gros égo dans
une lettre récente…
16) durant janvier 1936 à Tarapith
Ecrit par Didi sous la dictée de Ma
Ma tante bien-aimée,
Je vais fort bien mais vous comprendrez
que ma tante me manque. Je viens de recevoir votre lettre et je ris beaucoup,
j’ai ri toute seule. Parce que vous êtes ma tante, je peux bien comprendre la
signification de votre lettre. Vous avez tellement d’énergie (shakti)
que vous pouvez donner aux autres plusieurs années de votre existence et quand
même vous frayer un chemin vers la libération. Je veux que votre shakti se
manifeste (lit: vienne à la lumière, prakash). Que vous me donniez de
l’affection ou non, que vous me compreniez ou non, j’ai la part qui me revient…
Mère, souvenez-vous toujours de ceci: ce
n’est que quand les plaisirs extérieurs sont détruits que l’on peut obtenir la
félicité permanente. Ce qui doit être brûlé est brûlé, ce qui est permanent ne
peut être brûlé.
Votre petite fille.
17) 1-1-36 Tarapith
Didi de la part de Ma
Chère tante,
Je vous écrirai seulement quand j’aurai
reçu la réponse de toutes mes lettres précédentes. En vérité, il est
nécesssaire de s’attacher à un lien pur pour se libérer des autres liens.
Faites de votre mieux pour vous en souvenir et faire effort en ce sens.
Votre petite fille
18) 2-1-36
Didi de la part de Ma
Chère tante,
Tâchez de tout le temps vous souvenir de
la nécessité d’un esprit conscient. Est-ce que vos pratiques spirituelles se
passent bien?
Votre petite fille.
19) 3-1-36
Didi de la part de Ma
Chère tante,
Sachez que j’attends l’heure de vos
pratiques spirituelles quotidiennes. Je les observe.
Votre petite fille.
Ananda
par Monique Manfrini
traduit de l'anglais
O Rishis, vous qui voyez, aidez-nous à atteindre le samadhi!
Mon coeur est découragé aujourd'hui,
Il aspire à une naissance neuve
Loin de ce monde
De chagrins et de douleur.
J'aimerai aller au-delà
De mon corps, être une âme pure,
Libre d'un poids de chair
Et d'os. Mais le temps n'est pas encore venu!
O dieu, puissions-nous te connaître
Toujours généreux et aimant
Envers nos coeurs souffrants.
Puissions-nous nous approcher
De ton Mystère, au-delà
Des barrières de la vie et de la mort.
Etre séparé de toi
Est notre châtiment le plus douloureux
Puisque nous aspirons à l'Unité, il n'est jamais trop tard…
Envoie-nous le baume
Qui guérira nos blessures!
Jusqu'à ce que nous parvenions à nous unir à toi, pour de bon,
Quand cette vie se retirera de nous,
Qui alors la pleurera?
Qui en fera le deuil?
Notre pérégrination sur cette terre
Est éphémère et pleine
De souffrances…O Rishis,
Nous n'avons pas besoin de connaissance
Afin d'accomplir notre but.
Une fois que l'être humain a découvert
Le sens réel de notre passage
Ici et notre destination future…
C'est alors que la Paix, l'Harmonie, le Bonheur
S'écoulera dans nos coeurs comblés.
Ils ne rechercheront plus des réponses
Des apparences trompeuses mais reposeront
En quiétude, pleins de sagesse
Dans leurs propres profondeurs.
08-10-1999
Monique Manfrini
40
Chemin de Cézanne
n°
23 La Campagne Bleue
1306
Marseille
Le Maître
par Silviane Le Menn
Ce poème a été publié au sein d'un
recueil Dans le droit fil de
l'âme écrit par Mme Le Menn à la suite de la mort de sa fille unique âgée de
vingt ans et atteinte de cancer.Par le fait de revivre sur le mode poétique et
spirituel les souvenirs de son enfant et des évènements qui ont accompagné sa
fin, elle a pu dépasser sa souffrance et atteindre la sérénité.
Le maître n'est rien
Il est tout dans l'un
et un dans le tout
Il est la balle de ping-pong
qui renvoie sans cesse
l'être à sa propre image
Ouvert ou fermé
il cultive la rose
Humain et divin
d'un pôle à l'autre
il suit l'éternel rythme
du flux et du reflux
Point d'interrogation vivant
il est
Les pieds dans la terre
et la tête dans les étoiles
Il est planté droit
à l'intersection de lui même
à la verticale de son horizontale
dans l'axe de sa transparence
à la croisée du coeur avec le Coeur
Le maître n'est rien
et pourtant il est tout
Compris et incompris
Il est danger et sécurité
Il va d'un extrême à l'autre
Il fait tout et son contraire
et trouve ainsi le Centre
La Voie du milieu
Silviane Le Menn
29150 Dinéol
Le concept d' ananda
par G.Gispert-Sauch, SJ
Ananda, la félicité, a été le sujet
d'un doctorat en théologie que le Père Gispert-Sauch, un jésuite espagnol
vivant depuis longtemps en Inde a effectué durant ses années d'étudiant à Paris
sous la direction du Cardinal Jean Daniélou et du Pr Olivier Lacombe. Il s'est centré sur le sens d'ananda dans les Upanishads (Bliss in
the Upanishads- An analytical study of the origin and growth of the Vedic
concept of Ananda, Oriental Publishers, Delhi, 1977). Après, la notion a été développée par le tantrisme
qui donne des moyens pratiques d'atteindre ananda, par la bhakti qui associe
cette notion avec l'union au dieu personnel et par le védanta pour lequel
l'Absolu est, on le sait, être-conscience-félicité, sat-chit-ananda. Dans ce
premier article, nous allons nous contenter de préciser l'origine et le sens du
mot ananda
Contrairement au deux premiers éléments
de la formule satchidânanda, le dernier élément n'est pas d'une base
simple. Il est lui même un mot composé dérivé de la racine nand et du
préfixe â. Le préfixe sanskrit â est très souvent ajouté aux
vocables de mouvement et suggère un déplacement horizontal, quai-mécanique et
spontané; en général, c'est un mouvement vers l'avant mais il peut aussi
parfois suggérer un recul (cf gam, aller, âgama, venue). Dans ce
sens, on peut souvent traduire le préfixe par vers et il se rapproche du
latin ad ou in avec l'accusatif. La particule peut aussi avoir
une connotation plus statique de l'endroit vers où le mouvement a eu lieu et
dans lequel il demeure à présent. (cf shrama, travail et â-shrama,
âshram, dhâra, base et â-dhara, support). En combinaison avec nand,
il semble suggérer un aspect dynamique de l'intériorisation et de la
concentration (cf â-kunchahana, contraction, praty-â-hâra,
réabsorption) et peut-être même d'envahissement intérieur complet (cf
â-kasha, espace).
Contrairement à sat, qui est le
participe présent indo-européen du verbe être, et chit qui a aussi
probablement des connections indo-européennnes, le mot ânanda ne semble
relié à aucun mot indo-européen connu…Certains pensent cependant qu'il pourrait
être rapporté à la racine nad, résonner. Cependant, Jean Gonda penche
plutôt pour un sens premier du genre se sentir rafraîchi, renforcé, tout
particulièrement par des bénédictions ou par des louanges. Il n'approuve
pas le point de vue de Deussen que le plaisir sexuel est le sens original d'ânanda.
Il penche plutôt pour une racine du Tamil nantu signifiant prospérer,
fleurir, être luxuriant, orgueilleux, être resplendissant de gloire et d'éclat.
Il faut savoir que le lien entre la culture dravidienne du sud (Tamil-Nadu,
etc…) et la civilisation d'Harappa et de Mohenjo-Daro est probable. La fusion
entre cette culture et l'apport indo-européen a été sans doute précoce. La
Taittirîya Upanishad -où l'on parle d'ânanda beaucoup plus que dans les autre
Upanishads- est particulièrement reliée au sud de l'Inde.
à suivre
Un jour
dans les ashrams de Ma
Emploi du temps
bhajans, stotras et mantras
Ce texte
est un extrait d’un livret qui couvre la journée quotidienne avec ses prières,
chants et mantras dans les ashrams de Ma. Les chants et mantras
du soir ont
déjà été publiés il y a plusieurs années dans un autre livret.
Kirtans du matin
Lever:
une heure et demi avant le lever du soleil
Méditation sur Ma
(Note sur la translitération à partir du
sanskrit: pour simplifier, les consonnes rétroflexes
d'habitude marquées par un point souscrit
seront rendues par une italique. Les voyelles longues seront signalées par un
accent circonflexe. Le cha se prononce tcha, le a bref est
intermédiaire entre le a et le o ouvert, le â long est
comme le a français)
Om dhrita-sahaja-samadhim
vibhrantîm hemakântim
Nayana-sara-sijâbhyâm snehâ-râshîn
kirantîm
Om (O Ma), tu as un visage rayonnant
comme l'or et vous restez simplement en samadhi spontané (le sahaja-samadhi
est considéré comme le plus haut niveau du védanta, où le sage peut garder la
haute conscience du nirvikalpa samadhi -enstase non-duelle complète- tout en
gardant le contact avec le monde.)
A travers tes yeux de lotus tu répands
l'affection et le bonheur.
Manasî kalita-bhaktim
bhaktam-ânanda-yatîm
Smita-jita-sharad-imdum
mâtaram dhîmahîha
Nous méditons sur toi, qui donne la
pleine dévotion ainsi que la félicité dans le coeur de ton fidèle; ton sourire
rafraîchis (le feu de nos épreuves) comme une lune d'auto
Tapana-shakal-kalpam
kalpa-vriksh-opamânam
Sharana-gata-janânâm târakam
klésha-pâshât
En tout temps, tu es l'arbre à souhaits
qui éloigne les brûlures de la souffrance
Tu libére de la servitude ceux qui
prennent refuge en toi
Hridaya-kamala-madhye sthâpayitv-eha
mâtuh
Vihita-vividha-kalpam pâda-pîtam
bhajâmah
O Ma, te voici installée ici, au beau
milieu du lotus de notre coeur
Nous te chantons et nous nous inclinons à
tes pieds que ce soit en suivant un rituel traditionnel, ou sans s'en occuper. (pîtam signifie un lieu
sacré spécialement destiné à la déesse, pâda-pîtam désigne donc les
pieds de la déesse en tant qu'objet de culte, comme c'est la tradition dans
l'hindouisme)
Bhajan
a)
Bhajo Mâ Anandamayî, japo Mâ Anandamayi, gâho Mâ Anandamayi nâm ré.
Bhajo Mâ, japo Mâ, gâho Mâ, balo Mâ, dâko
Mâ, Mâ, Mâ…
Chante Ma Anandamayi, récite Ma
Anadamayi, répète le nom de Ma Anandamayi.
Chante Ma, récite Ma, répète Ma, dis Ma,
appelle Ma, Ma, Ma, Ma…
b) shri guru sharanam namo namah…cf evening bhajans.
Hymne au Guru
(en vieil hindi)
1.
bhavasâgara-târana-kârana he
ravi-nandana-bhandana-khandana
he
sharana-gat-kinkar-bhîta-mane
gurudev
dayâ karo dîna jane
Tu es la cause
d'une traversée sans encombres de l'océan de ce monde
Tu libères des
chaînes du fils du Soleil (Yâma, le dieu de la mort)
Tes fidèles
pleins de peurs viennent prendre refuge en toi
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
24
2. hridi-kandara-tâmasa-bhâskara
he
tumi vishnu
prajâpati shankara he
parabrahma
parâtpara veda bhane
gurudev dayâ karo dîna jane
Tu es le
soleil qui illumine les ténèbres de la grotte (du coeur)
Tu es Vishnou,
Prajapati (Brahman, lit. le maître du peuple) et Shankar (lit. celui qui fait
la paix, Shiva)
Tu es ce
Brahman suprême, cet au-delà de l'au-delà qu'évoquent les védas.
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
3. Mana-varâna-shâshana-ankush he
Naratrâna tare hari châkshusha he
Gun-gan-parayan
devagane
Gurudev
dayâ karo dîna jane
Tu es le frein
qui contrôle et stoppe le mental
Tu es la
vision du Seigneur au delà de la trinité
(Il y a
deux aspects différents de Vishnou, l'inférieur correspond à sa fonctin de
conservation du monde uniquement à l'intérieur de la trinité qu'il forme avec
Brahman et Shiva, l'autre aspect, suprême, correspond au Dieu unique et
universel)
Tu es présent
tout au long du culte rendu aux dieux
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles
4. Kulakundalinî-ghuma-bhanjaka
he
Hridi-granthi-vidârana-kâraka
he
Mama mânasa
chanchal râtri-dine
Gurudev
dayâ karo dîna jane
Tu secoues le
de la kundalini lovée (comme un serpent à la base du corps)
Tu es la cause
de la percée du noeud du coeur (permettant à l'énergie de monter dans les
chakras supérieurs)
De jour comme
de nuit, je suis dans l'agitation mentale.
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
5.
Ripû-sûdana mangala-nayaka he
Sukha-shânti-varâbhaya-dâyak
he
Trayatâpa
hare tava nâma-gâne
Gurudev
dayâ karo dîna jane
Tu élimines
les brigands, tu fais venir les bénédictions.
Tu répands sur
nous la joie, la paix, les grâces et la non peur.
Les trois
sortes d'épreuves sont écartées par le chant de ton nom.
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
(les trois
sortes de souffrances sont adhyatmik, spirituelle, adhibhautik,
naturelles (calamités etc) et adhidaihik, physiques(maladies…)
6. abhimân-prabhâv-vinâshak
he
gati-hîna jane tumi rakshaka
he
gurudev dayâ karo dîna jane
Tu
contrecarres l'influence de l'orgueil
Tu nous
empêche de suivre le mauvais chemin
Tes fidèles
ont leur esprit plein de craintes et de frustrations
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
7. tava nâm sadâ shubha sâdhaka he
patitâ-dhama mânav-pâvaka he
mahimâ tava gochar shuddha mane
gurudev
dayâ karo dîna jane
Ton nom assure
des bénédictions à tout jamais
Tu es le
rédempteur de l'être humain quand il a misérablement chuté
Ta louange
bourdonne dans un mental purifié
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
8. jaya
sadguru ishwara prâpaka he
bhava-roga-vikâra-vinâshaka
he
mana jaino rahe tav shrî-charane
gurudev
dayâ karo dîna ja
Victoire à
toi, Sadguru; tu nous mènes à Dieu
Tu détruis les
perversions provoquées par la maladie (de l'attachement) au monde
Que notre
mental et notre corps demeure à tes pieds
O Gurudev,
fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.
Haribol,
haribol : dis (le nom de) Dieu
* * *
Nouvelles
Panuda, Shree Shree Ma Anandmayee Ashram,
Bhadaini, Varanasi, 221001, UP (Tél 00 91 542 31 00 54 ou 31 17 94 en dehors
des heures de bureau).
Table des matières
Paroles de Ma
Editorial
Réponses de Vijayananda
Lettres de Ma à Bhramar Gosh
Ananda, poème par Monique Manfrini
Le Maître, poème par Siviane Le Menn
Le concept d'ananda par G. Gispert-Sauch,
SJ
Nouvelles
Table des matières
RENOUVELLEMENT
GENERAL DES ABONNEMENTS
100 Frs pour deux ans, c’est à dire
jusqu’en fin 2000, pour huit numéros, par chèque à l’ordre de Jacques Vigne à
adresser à:
José et Nadine Sanchez-Laudebat
210 rue Galliéni
92100 Boulogne
01 41 31 28 00
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Je souhaite abonner un(e) ami(e)
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Certains ont déjà réglé leur abonnement
d’avance, ils peuvent donc ignorer cet avis. Pour ceux qui souhaitent
correspondre à propos du contenu du Jay Ma, proposer des articles ou annoncer
un changement d’adresse, il est mieux d’écrire à Jacques Vigne Shree Shree Ma
Anandamayi Ashram, Kankhal, 249408 Hardwar UP
Pour avoir des numéros anciens ou
réclamer un numéro qu’on n’aurait pas reçu, écrivez à José et Nadine. Que ceux
qui souhaitent se réabonner le fassent sans trop tarder pour éviter de
compliquer la tâche des bénévoles qui s’occupent du Jay Ma.
Numéro 59 - hiver 2000-2001
Paroles de Ma
Avec Gopi Babou durant le satsang on
se mit à refléchir sur ce qu'était ces «intuitions» de Ma qu'on appelle khyal. Amulya Babou (Amulya Kumar Datta Gupta,
auteur d'un des meilleurs recueils de satsang avec Ma, In Association with
Ma Anandamayi) intervint: «De même qu'un petit enfant en jouant pendant un
certain temps finit par tout d'un coup sauter, de même, bien que sans raison
apparente, Ma agit ainsi dans un élan d'expansion (sphuran, une notion
centrale par exemple dans le Shivaïsme du Cachemire) indomptable.» Y a-t-il
dans l'Atma suprême une telle expansion qui voit le jour sous forme de khyal?
En réponse à cette question, Gopi Babou dit : «On ne peut lui l'expliquer par
une quelconque raison.» Ma ne s'exprima pas sur ce sujet dans cette séance de
satsang mais reprit la question plus tard : «Qu'y a-t-il au-dessus du khyal?
C'est le Brahman Un qui n'a pas de second. Il est au delà des actions et des
excercices spirituels (kriyâtît), où donc se pose la questin de khyal
et de non-khyal? Tout est là lorsqu' il y a un état d'acceptation de ce
qui est. Pour parler à votre niveau, on pourrait dire que là où il y a action
et monde, il y a khyal.» (Amrita Varta Janvier 2000, propos
recueillis par Chitra Ghosh).
Ma était en train de partir de Nainital,
les visiteurs lui dirent: «Quand vous allez partir, nous nous sentirons très
seuls; comment faire face à cela?»
Ma : Jamais je ne m'en vais. Pourquoi
voulez-vous me repousser? Je suis toujours avec vous
- Alors, vous demeurez dans nos coeurs?
- Dans vos coeurs? Pourquoi
voulez-vous me confiner en un lieu particulier? C'est le sang de votre sang et
l'os de vos os que je suis. C'est la vérité.Je ne dis pas de mensonges. (Death must die. Journal d'Atmananda, 28 juin
1954, édition complète en anglais qui vient de paraître, cf nouvelles à la fin)
Q : Est-ce que la liberté est une
illusion?
Ma : Non, l'homme est libre
Q : Mais l'homme est un individu, un ego,
et l'ego est une illusion, comment peut-il donc être libre?
Ma : Oui, l'homme extérieur qui est
identifié avec l'égo n'est pas libre, mais en réalité l'homme est libre, l'ati-manush [l'homme véritable, au-delà du
commun] est libre.
Réponses de Vijayananda
Q : En cette période où nous rentrons
réellement dans le troisième millénaire, on est porté à méditer sur la nature
du temps. Est-il un absolu, ou une construction du mental?
V : Le temps présuppose un mouvement. Le
mouvement des aiguilles de la montre nous donne la notion de l'heure. Le
mouvement de soleil (en fait la rotation de la terre) nous donne celle du jour
et de l'année. La modification de notre corps nous fait dire que nous avons
vieilli. Cette croyance dans l'idée de temps fait partie des vérités empiriques
qui sont vraies au moment où nous les vivons parce que le Soi suprême qui
réside en chacun de nous leur donne le cachet de la vérité temporaire. Mais ce
«Soi» est immuable, touours le même, et de Son point de vue le temps est un
concept illusoire, un jeu du mental. Nous pouvons reprendre l'exemple que donnait
Ramana Maharshi, celui du cinéma: le Soi est l'écran inchangeable et le jeu du
mental, les images qui apparaissent sur cet écran.. On ne peut pas dire que le
temps soit une «construction du mental», c'est une illusion qui confond le
changeant avec l'immobile. «La corde est prise pour un serpent» (comme on dit
dans le védanta).
Q : Est-ce qu'il y a une différence
dans la présence de Mâ avant qu'elle n'ait quitté son corps et maintenant?
V : Quand Mâ était présente dans son
corps physique, elle n'était pas identifiée à ce corps mais au Divin suprême.
Le corps physique servait de canal, d'intermédiare avec le Divin; maintenant
que que ce corps a disparu de notre présence, le Divin suprême, c'est-à-dire la
vraie Mâ, omniprésente, est toujours la même. Mais de notre point de vue le
contact est plus difficile car il faut que nous soyons réceptifs et lancer un
appel.
Quand Mâ était physiquement présente,
elle pouvait faire un acte positif pour réveiller et attirer vers elle même les
indifférents; mais je crois que cela a dû aussi se produire pour certaines
personnes par l'intermédiaire d'une photo de Mâ, d'une lecture, par les
vibrations du Samadhi (tombe), et aussi par le contact avec les disciples qui
ont été proches de Mâ.
(Question d'une nouvelle correspondante de
Vienne en Autriche): Quelle était l'attitude de Mâ envers les harijans
(hors-castes); comment étaient-ils traités dans ses ashrams?
V : Les harijans, on les appelle
les dalits maintenant, ont toujours été traités avec gentillesse et
compréhension dans notre organisation et en particulier par Mâ. Mais comme
l'organisation est basée sur la tradition védique ancienne, il y a des rituels
auxquels ils ne peuvent pas participer. De toutes façons c'est idiot de vouloir
porter un jugement sur une religion qui est si différente de nos conceptions
occidentales. Les indiens religieux sont aussi parfois profondément choqués par
les manières et modes de vie occidentale, en particulier la liberté sexuelle.
Voeux pour le troisième millénaire
Nous remercions les lecteurs de Jay Ma de
leur fidélité et en cette période de rentrée réelle dans le troisième
millénaire, nous leur souhaitons nos meilleurs voeux de progrès vers une
meilleure connaissance du Divin, ou du Soi. Ma disait «en se connaissant
soi-même, on connaît Dieu et en connaissant Dieu on se connaît soi-même» Que
souhaiter de plus?
La vérité derrière Ma Anandamayi
par Barindra Kumar Ghose
Barindra Kumar Ghose était le frère de
Shri Aurobindo, et donc aussi un Bengali. Son témoignage sur Ma est inspirant,
nous le reproduisons ci-dessous intégralement. Il est inclus dans le premier
recueil d'expériences de fidèles de Ma a avoir été publié, c'était à Calcutta
en 1946, et donne une bonne idée de la manière dont Ma était reçue par l'élite
intellectuelle et littéraire bengalie. Il n'a pas été republié depuis, mais il
contient des contributions fort intéressantes, nous en reproduisons d'autres
après ce texte et le feront aussi probablement dans les prochains numéros.
Swami Nirgunanda en a récemment retrouvé un exemplaire par hasard dans la
bibliothèque de l'ashram d'Almora.
Ma Anandamayi est l'Amour et la Joie
divine incarnée sous forme humaine. Il existe de rares êtres qui sont nés sans
ces limites des capacités mentales et vitales qui enferment les gens ordinaires
dans l'ignorance comme en un champ clos. Ils sont plutôt pétris de la substance
des régions supramentales et cosmiques, nés avec les portes de leur être
ouvertes vers les vastes espaces de l'Infini. Ils sont les précurseurs d'un Age
nouveau et n'ont pas comme nous à lutter durement pour se libérer des chaînes
de la matière et de ses lois (dharmas) rigides; en effet, ils
appartiennent en essence mais aussi partiellement en substance à l'hémisphère
supérieur de lumière pure, de pouvoir et de félicité.
On peut trouver de tels hommes ou femmes
doués d'une vision plus vaste et de la connaissance ésotérique dans les pays
occidentaux, bien qu'ils y soient rares. En fait, l'Occident qui suit un point
de vue matérialiste est fortement attaché au soit-disant réalisme. Les grands
progrès réalisés dans le domaine des sciences centrées sur la matière ont
découragé l'éveil de facultés supérieurses et plus subtiles chez l'être humain.
En Orient, c'est différent. L'Orient est par nature, culture et tradition
méditatif, intériorisé et intuitif. C'est ainsi qu'on y a étudié depuis des
millénaires la Science de l'Esprit qui est plus haute, plus vraie et plus large
dans ses vues. On y a effectué des recherches de plus en plus profondes pour
explorer ce qu'il y a derrière la matière et ses manifestations physiques.
L'appel en Orient est d'être plus centré sur Dieu que sur l'égo et le matériel,
de transcender la matière et de vivre la vie de l'Unité de l'âme immergée dans
la félicité, ses hauteurs lumineuses et sa vaste infinité, et à partir de là de
redecendre vers la multiplicité riche et harmonieuse au-niveau de la
manifestation. C'est ainsi qu'en Orient de nombreuses âmes sont nées avec de
plus grandes facilités pour la vision de la vérité et les pouvoirs miraculeux.
L'être humain doit transcender son petit
égo agité, ses désirs mesquins et ses disputes futiles. Il doit s'élever
au-dessus de ce plan de division et d'ignorance pour pénétrer cette unité
cosmique où seulement se trouve la clé pour harmoniser les conflits de dualités
apparemment irréconciliables. Des êtres établis dans la Vérité comme Ma
Anandamayi et Shri Aurobindo sont naturellement des guides conduisant à des
hauteurs inaccessibles, dans les mystères profonds qui sont derrière la
création. C'est donc en Orient qu'on doit chercher d'une façon ou d'une autre
cette clé pour une harmonie née de l'esprit qui elle seule a la capacité de
guérir l'humanité de ses maux et de reconcilier tous les conflits et les
haines, tous les facteurs irreconciliables dans la vie humaine et aide à poser
une fondation saine en vue d'une civilisation parfaite.
Comment connaître, discerner le niveau
d'un être «psychique» [terme à comprendre dans le langage de Shri Aurobindo]
rare comme Ma Anandamayi et établir un contact des plus intérieurs avec elle? Aux
yeux d'un observateur superficiel, elle n'est qu'un être mortel ordinaire de
chair et d'os. Il est vrai que ces enfants de lumière sont difficiles à saisir
et connaître car la grandeur spirituelle n'est pas un phénomène matériel
visible. La splendeur d'une aurore aux couleurs multiples et la profonde beauté
sous-jacente aux sommets enneigés des Himalayas ou bien la grace, l'élégance
d'un lotus pleinement épanoui sont perdus pour un homme du monde comme si elles
n'avaient jamais existé. Seul un Rabindranath [Tagore] est pleinement
conscient; lui seul peut soulever le voile et vous faire rentrer dans un ciel
de mélodie et de beauté qui vous avait été fermé et inconnu depuis si
longtemps. Dans le monde de l'esprit, il est vrai que ces âmes d'un niveau spirituel
rare peuvent nous donner un aperçu de la Félicité et de la Paix ineffable du
grand Au-delà, mais il n'y a pas malheureusement de moyens ou de méthodes
évidentes par lesquels le commun des mortels puisse apprécier la grandeur et la
gloire de ces grands esprits à moins qu'eux-mêmes, de leur propre accord, ne
choisissent de se révéler. Cependant, il y a certaines indications.
On peut reconnaître une personne établie
dans l'esprit, reposant sur l'esprit comme Ma Anandamayi par son impersonnalité
entre autres choses. Quand vous la rencontrez, elle n'est guère là, identifiée
au corps comme n'importe qui d'autre le serait. Si vous avez un tant soit peu
d'intuition, vous la sentez facilement être surtout ailleurs, comme le vaste
dôme d'azur au-dessus de vous que vous percevez mais pourtant ne saississez pas
complètement. Vous êtes là, remplis de crainte sacrée devant queque chose de
vaste, d'incompréhensible qui atteint des étendues inexplorées et des altitudes
ou profondeurs jamais mesurées. Nous sommes stupéfaits par le simple pouvoir
chez ces grands hommes d'action, ou par un volcan en éruption ou par l'arrivée
d'une tornade; mais des êtres spirituels établis dans le samadhi avec beaucoup
plus, voire même un pouvoir qu'on ne peut imiter se tiennent dans un calme
statique et son enveloppés dans une paix ineffable et une félicité divine tout
en étant actifs avec douceur. Son calme pareil au rocher s'harmonise avec un
mouvement irresistible; en fait, tous les aspects de la vérité, terrible et
douce, bonne et mauvaise, poison et nectar ont été synthétisés en eux d'une
façon ou d'une autre. C'est ici, en de tels êtres rares, que la conception
unique des visionnaires (rishis) de l'Inde a réussi la grande synthèse
intégrale des principes cosmiques, la véritable Divinité de tous les dieux.
Ma Anandamayi es une forme mise en avant
par l'Energie divine (Shakti). Elle en est le condensé même, son émanation et
épanouissement dans la matière; elle est le signe de la capacité infinie du
véhicule humain d'incarner et manifester la Divinité de Shiva immanente de
façon multiple dans la création.
Ma Anandamayi by devotees, Ma Anandamayi Ashram,
Nous donnons des extraits ci-dessous
d'une autre contribution du même ouvrage, celle-ci par un certain G.C. Das Gupta
(p.48-49)
D'habitude dans ses ashrams e silence est
observé pour une heure ou à plus, quand descend un charme céleste de paix et de
tranquillité trop profond pur être exprimé. On sent que son soi s'est immergé
dans ce caélme extatique. Une atmosphère, un élan d'expansion élargit alors
l'horizon de notre esprit; nous en venons à réaliser la mesquinerie et le
manque d'intérêt de nos dizputes quotidiennes et de nos recherches sans but.
Elle symbolise à ce moment-là toutes les étincelles les plus infimes de nos
existences se fondant pôurun tmps dans la flamme unique de la mère divine.
Quand elle parle, elle répand des flots
de douceur sur toutes les personnes présentes...Ceux d'ntrenous qui ont eu la
chance de pouvoir être influencés par sa personnalité magnétique ont toujours
senti qu'elle et comme «une étoile qui demeure à distance» de tout le tohu-bohu
de l'existence terrestre; pourtant elle indique clairement, avec son calme
naturel et sa vision prophétique, la voie qu'on doit suivre dans la vie et communiqueprofondément
à chacun l'importance du bien réel de chque être humain -la réalisatin de
lAtman divin.
Les deux niveaux des paroles de Ma
Ces réflexions sont extraites de la
contribution de Girija Shankar Bhattacharya, professeur au Presidency College,
l'une des universités les plus réputées de Calcutta. Il avait été avec Bhaiji
et Pran Gopal Mukerjee -dont nous avons publié auparavant les lettres qu'il a
reçues de Ma- l'un des premiers à découvrir Ma à Dhaka en 1925.
....Une autre caractéristique de Ma que
je voudrais mentionner est sa réticence à imposer sa volonté à qui que ce soit.
Je ne l'ai jamais vu faire ainsi depuis environ vingt ans que je la connais.
Elle suggère, elle recommande, elle dit qu'il serait bon de faire telle ou
telle chose au vu des circonstances actuelles, mais avec fineese de sentiment
elle n'insiste jamais que quelqu'un ne suive une ligne d'action particulière
dans la vie du monde aussi bien que dns le domaine spirituel. En fait, la
liberté qu'elle donne à chacun nous donne l'impression d'un manque de cohésion
parmi ceux qui suivent Ma. Cela ne la trouble pas le moins du monde, car elle
n'est pas là pour former une nouvelle secte ou un nouveau parti. Au contraire
toutes les sectes ou croyances se dissolvent d'elles-mêmes en sa présence et
sous son influence. A ce propos, il faut considérer une qustion: Est-ce que Ma
dit tout ce qu'elle exprime à partir d'un plan supérieur? -en d'autres termes,
peut-on estimer que tout ce qu'elle déclare provient de son état de conscience
supérieur? Je pense que je ne peux mieux faire que de traduire les paroles de
Ma elle-même du livre original bengali d'Amulya Kumar Datta Gupta qui a tous
les signes de l'authenticité dans la manière dont il la présente : «Quand vous
parlez au niveau du monde il y aura à la fois de la vérité et de la fausseté
dans ce que vous dites car les deux sont présents dans le monde.» (le sens que
nous pouvons inférer du contexte, c'est qu'il est futile d'attendre la vérité
absolue dans les propos d'une personne quelle qu'elle soit, quand elle parle à
la facon du monde. En effet, de ce point de vue, personne ne peut être
réellement véridique dans ce qu'il dit, et même avoir une quelconque idéee de
la vérité. Bien sûr, il n'est pas question de déguiser sciemment les faits. Ma
poursuit: « Quand je parle à la façon du monde, rie et plaisante avec vous,
vous devez me comprendre de cette manière (c'est-à-à dire comme vous comprenez
des personnes du monde). Supposez par exemple que je dise: «Apportez un verre
d'eau de cette cruche». Vous y allez et trouvez qu'il n'y a pas d'eau dedans.
Vous pouvez penser alors que Ma a été induite en erreur, qu'elle a dit quelque
chose de faux parce qu'elle a pensé qu'il n'y avait pas d'eau dans la cruche
(c'est-à-dire que vous pouvez estimer que Ma n'a pas la perception de l'état
véritable des choses); mais si vous jugez au niveau relatif du monde, vous ne
pouvez appeler cela une fausseté ou un mensonge. Quand vous aussi vous parlez
de cette façon, vous ne dites pas de mensonge. Cela prouve seulement que votre
supposition à propos de l'eau n'était pas correcte. Quand je parle avec
vous, je parle de cette manière.
«Si vous pensez que je sais tout, je
n'aurais pas alors d'occasion de parler avec vous. En effet, si je connais
tout, qu'est-ce que je devrais vous demander? Je ne pourrais pas m'enquérir de
si vous avez eu votre bain, ou votre repas, car je serais supposée tout
connaître. Au-delà de tout ceci, il y a un état où il n'y a pas de distinction
de vérité ou de non-vérité; mais dans cet état, il ne peut y avoir de rapports
comme on les conçoit dans le monde, car cela y créerait une confusion. Il y
aurait un grand désordre si nous prenions comme base de notre conduite cet état
de super-conscience où toutes les distinctions se fondent les unes dans les autres.
Il y a un autre état au-delà de ces deux-là. Dans celui-ci, tout ce qu'on dit
s'avère authentique. Tout ce que je dis dans cet état est obligatoirement
vrai.
Amulya Datta Gupta demanda: «Ma, que se
passerait-t-il si quelqu'un a une telle foi en vous qu'il considère toutes vos
paroles comme vraies de toutes façons?» Ma répondit: «Si quelqu'un a une telle
foi en moi, toutes les paroles que je lui adresserai seront vraies». Il
me semble qu'il n'a pas été rare que des malentendus ou même des conséquences
indésirables ont résulté du fait que l'on ait considéré certaines paroles de Ma
sans réfléchir comme inspirées et en provenance d'un état de conscence
supérieure. En fait, comme on l'a déjà dit, elle ne commande que très rarement,
si jamais elle le fait, elle se contente de suggérer. Ainsi, à chaque fois que
je ne pouvais pas être d'accord avec elle sur un point précis et que je lui ai
exprimé, elle n'a rien dit de plus. Naturellement, ma conclusion, c'est que Ma
n'est pas en faveur de l'abrogation du jugement personnel.
C'est notre but d'atteindre la Consience
Suprême, tattvagyân, la connaissance de la Vérté ou de la Réalité) qui
apporte une union du fini et de l'infini. Tato mâm tattvato gyatvâ vishaté
tadanantaram Connaissant Ma réalité, on pénètre sans délai dans Cela
(le Soi) (Bhagavad-Gîtâ). Il ne sert à rien de fuir les responsabilités, de
supprimer la conscience et d'obscurcir la petite lumière qui nous a été donnée.
Il ne s'agit pas d'avoir une dépendance non critique envers qui que ce soit, vichara,
(la raison, le discernement appliqué seulement pour découvrir la vérité) est le
plus grand de nos amis et en aucun cas nous ne pouvons l'abandonner
complètement. Beaucoup d'entre nous prétendent être sharanâgata,
c'est-à-dire s'être abandonnés au Divin ou au Guru sans réaliser ce qu'est
l'abandon véritable. Cela nous mène seulement à nous mentir à nous-même et nous
conduit vers les ténèbres et la confusion. En déterminant nos devoirs nous
devons, comme il est prescrit, prendre en considération 1)l'avis de
l'enseignant, guruvâkya 2) les instructions des Shastra, shastravâkya
et 3) les ordres de notr propre conscience. A chaque fois que nous manquons à
cela, il y a toutes les chances que nous perdions pied.
Ma est absolument sans sankalpa,
c'est-à-dire motivations Cela peut sembler étrange au commun des mortels, qui
ont toujours quelque motivations derrière leurs actions. Quand on lui demande
ce qui devra être fait dans le futur à propos de quoi que ce soit, elle répond
d'habitude jo ho jâya, soyez ouvert à tout ce qui peut arriver. Ceci ne
signifie pas repousser les choses à faire à la façon des gens paresseux, mais
cela veut dire agir spontanément sous l'inspiration du moment. Souvent par
exemple elle conseilllait d'acheter des tickets de trains pour une gare
intermédiaire par rapport à la destination finale. En partant, disons, de
Calcutta, on prenait des tikets pour Bénarès, d'où de nouveau à partir de la
gare elle-même on continuait le voyage jusqu'à Delhi et de la même manière
jusqu'à Shimla. J'ai remarqué cette absence de propos chez d'autres saints
également. C'est ce manque de motivations qui rend les actions de Ma comme un
jeu, lîlâ, et effectivement les actions de personnes comme elle rendent
possible de croire que tout l'univers est la lîlâ de l'Eternel...
Om Shanti
Girija
Shankar Bhattacharya
La mort doit mourir
D'après la nouvelle édition complète du journal d'Atmananda en anglais
La sortie officielle de l'édition du
journal d'Atmânanda a eu lieu durant la Samyam Saptah en novembre à Kankhal en
présence de Swami Chidânanda. Il est difficile de rendre par des extraits toute
la complexité du travail intérieur d'une pianiste autrichienne qui a évolué
pendant dix ans à l'école de Krishnamurti à Raj Ghat an nord de Bénarès et est
venue progressivement à Mâ. Ses réflexions sur Krishnamurti éclairent des
aspects peu connus de sa manière d'enseigner. Le passage qui suit donne un
exemple des préoccupations à la fois concrètes et spirituelles qu'avait
Atmânanda au moment où elle pensait s'engager dans la vie d'ashram avec Mâ. (En
pratique, ceux qui voudraient commander le livre peuvent le faire auprès
d'Alvaro Enterria, Indica Books, D 40/18 Godowlia Varanasi 221001 Tel/Fax 00 91
542 321 640. Le prix est de 500 Rps, port en sus (peut-être 100 ou 200 Rps en
plus, IFr=6Rp30)
Gagner sa vie 17 janvier 1953
A une question d'une jeune fille pour
savoir si elle gagner sa vie comme enseignante, Mâ répliqua: L'attitude
moderne, c'est que les gens doivent se prendre en charge et donc ils vont
prendre un travail d'enseignant. Ils ne réalisent pas que l'acte même de
partager la connaissance avec leurs élèves, engendre automatiquement leurs
moyens de subsistance. La connaissance ne doit pas être vendue.
Cela fut une révélation pour moi et je
compris soudain que la solution de mon problème concernant le fait de «gagner»
ma vie ne résidait pas dans le fait de laisser tomber mon travail et de ne plus
rien faire, mais dans le fait d'abandonner l'attitude commerciale de vendre mon
travail. Faites votre service comme une fin en soi puis prenez ce qui est donné
comme venant de Dieu et débrouillez-vous avec cela.
Cette idée m'a consumée et je ne pouvais
dormir de toute la nuit, mais je ne me suis pas senti du tout fatigué pendant
la matinée. Quand on a lu la Gîtâ, j'ai eu de nouvelles prises de conscience à
propos de la signification de bien des passages, le texte paraissait
complètement neuf. Je décidai de ne plus prendre d'argent mais de continuer le
travail que je faisais et de laisser au Comité (de l'école de Krishnamurti à Rajghat)
la décision de ce qu'ils me paieraient, puis de donner ma démission en juillet.
Le soir, Mâ remarqua que j'avais pleuré
et Didi me fit venir auprès d'elle. Je lui dit que je n'allais plus accepter
d'argent pour mon travail. Elle dit: «Comment allez-vous manger?» Moi : «de
toutes façons, j'aurai de la nourriture». «Supposez que vous désiriez venir et
vivre de manière permanente à l'ashram?» Moi: «Je ne viendrai pas!» Ma dit
:«Voulez-vous venir?» Deux fois je dis: «Oui, je veux venir». Mais quand elle ajouta:
«D'accord, je vais organiser les choses pour cela», j'ai eu peur et j'ai
répliqué: «Non, non». Elle répondit à cela: «Vous avez dit oui deux fois, si
vous l'aviez dit trois, cela se serait réalisé».
Elle me dit ensuite de ne rien faire à
propos des questions d'argent maintenant mais d'attendre et de lui parler à
Bénarès. Quand j'élevai une objection en disant: «Pour une fois que j'ai
compris quelque chose, et vous ne m'autoriserez pas d'agir en fonction de
cela!» Elle dit: «Attendez jusqu'à ce qu'un jour favorable selon le calendrier
religieux) arrive et que Thakourji (le Seigneur) vous apparaisse en rêve
et vous instruise».
Mâ parle avec des chrétiens Varanasi, 10 octobre 1957
Un jounaliste irlandais, Mr Fennell et
Raimon Panikkar, un étudiant faisant des recherches à l'Université Hindoue de
Bénarès et originaire du Malabar dans le Sud de l'Inde (son père était du
Kérala: Panikkar est maintenant connu de par le monde pour ses nombreux livres
sur le dialogue interreligieux, en particulier hindou, bouddhiste et chrétien.
Il faisait partie du comité qui a accueilli à Sarnath le Dalaï-Lama lorsqu'il
est venu du Tibet en exil en 1959. Il l'a retrouvé là bas il y a juste un an
lors d'un séminaire de la Fondation Abhishiktananda, le Père Le Saux dont il était
l'ami. Il vit maintenant en retraite dans le pays de sa mère, la Catalogne)
Panikkar: Quand il n'y a que le Un
seulement, pourquoi y a-t-il tant de religions différentes dans le monde?
Qu'avez-vous à dire à propos de ceux qui insistent que seulement une rligion
est la bonne?
Mâ : Parce qu'Il est infini, il y a
une infinité de conceptions de Lui, et une infinité de variété de chemins qui
mènent à Lui. Il est tout, quelque soit le type de croyances ou d'incroyances
comme dans le cas des athées. La croyance dans l'incroyance est aussi une
croyance. Cela signifie que vous acceptez la cryance quand vous ne croyez pas.
Il est dans toutes les formes et il est le Sans forme.
Panikkar: De ce que vous avez dit je
déduis que vous considérez que le Sans forme (Nirguna) est plus proche de la
Vérité que Dieu avec forme (Saguna)?
Mâ : Est-ce que la glace est autre
chose que de l'eau? Saguna est autant Lui que nirguna. Dire qu'il y a seulement
un Atma et que toutes les formes sont des illusions impliquerait que le
Sans-forme est plus proche de la vérité que la forme; mais je dis que chaque
forme et le Sans-forme également sont Lui et Lui seul.
Q : Je suis chrétien
Mâ : Je suis aussi chrétienne,
musulmane, tout ce que vous voulez.
Q : Comment puis-je trouver le bonheur?
Mâ : Dites-moi d'abord si vous êtes
d'accord pour suivre les instructions que je vous donne.
Q : Oui
Mâ : L'êtes-vous réellement? Eh bien,
supposez que je vous demande de rester ici; en serez-vous capable?
Q : Non! (rires)
Mâ : Voyez-vous, le bonheur qui dépend
de quoi que ce soit en dehors de vus, femme, enfants, argent, réputation
-n'importe quoi- ce bonheur ne peut durer. Maçs si vos trouvez le bonheur
enDieu qui et partout omniprésent, qui est votre propre Soi, voilà le bonheur
réel.
Q : L'individu en moi n'a-t-il aucune
substance? N'y a-t-il pas quelque chose en moi qui n'est pas Dieu?
Mâ : Non, même la forme du non-être
n'est que Dieu. Tout est Lui.
Q : Y a-t-il une quelconque justification
à l'activité professionnelle ou à toute autre activité du monde?
Mâ : Etre occupé avec les choses du
monde, cela agit comme un poison lent. Progressivement, sans que vous vous en
aperceviez, cela vous mène à la mort. Est-ce que je devrais conseiller à mes
amis, à mes parents (Mâ appelait d'habitude les gens quelque peu âgés Père ou
Mère) de suivre ce chemin? Je ne puis le faire. Je dis de prendre le chemin de
l'Immortalité, de prendre une voie ou une autre qui vous convienne, elle vous
mènera à la découverte du Soi. Mais vous pouvez faire quelque chose: quelque
soit le travail que vous effectuez pendant la journée, essayez de le faire avec
un esprit de service. Servez-Le sous toutes les formes, regardez chacun et
chaque chose comme des manifestations de Dieu et servez-Le Lui seul quelque
soit le travail que vous entrepreniez. Si vous vivez dans cet état d'esprit, le
chemin de la réalité s'ouvrira devant vous.
Q : Quel est votre travail?
Mâ : Je n'ai pas de travail. Pour qui
pourrais-je travailler puisqu'il n'y a que le Un?
Une question de Denise Desjardin
sur l'adversité Kishenpur,
le 12 octobre 1960
Ce matin, une jeune fille française de 20
ans est arrivée ici de Kaboul où elle avait travaillé pour un film avec Arnaud
Desjardin. Elle avait été si impressionnée par un autre film sur Mâ qu'il lui
avait montré qu'elle avait décidé de faire étape en Inde rien que pur la voir.
Elle a dix jours à passer ici. Elle n'a quitté Kaboul qu'hier et elle a pris le
train de nuit pour Dehra-Dun. Après une heure du darshan de Mâ, qui avait été
principalement employée par les offrandes faites par les gens et par leur pujâ
à Mâ -suivies par une demi-heure de conversations en bengali et hindi dont elle
ne pouvait comprendre un mot, je lui ai demandé comment elle trouvait Mâ. Elle
répondit: «J'attendais beaucoup, mais j'ai trouvé bien plus». En réplique à une
question sur son désir de voir d'autrs choses en Inde elle dit simplement:
«Non, je ne veux que rester auprès de Mâ.»
Plus
tard dans la journée
Je demandai: Mataji, Madame Desjardins
souhaite savoir ce que vous voulez dire par «vipad diya tini vipad haran
karen», par l'adversité Il détruit l'adversité.
Mâ : Puisque vous dites cela,
parlez-nous d'abord des sens possibles que vous avez présents à l'esprit.
Denise D: Etre un individu signifie en
soi souffrance puisque cela veut dire lien, séparation du Un; mais plongé qu'il
est dans les plaisirs du monde, l'individu n'est pas conscient de sa
souffrance. Ainsi donc, Dieu envoie les chagrins et l'adversité pour qu'on
puisse s'éveiller et réaliser le fait de sa misère innée.
Mâ :En effet, vous voyez que le
bonheur de ce monde ne dure pas et vous vous mettez donc à chercher un bonheur
qui dure. Quel autre signification voyez-vous?
Denise D. : Cela veut aussi dire qu'il
envoie des problèmes pour éviter une grande catastrophe.
Mâ : Oui, il apparaît parfois qu'une
grande catastrophe est karmiquement inévitable mais elle est évitée ou atténuée
par une plus petite. Le fait est aussi qu'on doit endurer les souffrances dues
à son karma, mais une fois que c'est passé, on en est débarassé. De cette façon
aussi, la souffrance est utile. D'autre part, si survient une grande
difficulté, on est obligé de se tourner vers Dieu puisqu'on se sent
complètement incapable d'y faire face. Dans de telles circonstances, même si
quelqu'un a des doutes sur l'existence de Dieu, il va se mettre à Le prier
Tout cela me rappele un incident que
Mr Modi [un des plus grands industriels d'Inde] m'a raconté. Il était une fois
dans un avion et il s'est mit à avoir des problèmes de moteur. On a annoncé aux
passagers qu'ils étaient tous perdus, puisque le moteur ne pouvait fonctionner
encore que quinze minutes. Ce fut la panique et les gens se mirent à se
lamenter et à pleurer sur leur sort. Modi leur dit: «Pourquoi vous lamenter?
Vous avez de la chance. C'est le moment de prier Dieu. Si vous décédez avec la
pensée de Dieu vous irez droit à Lui.» Donc tous se mirent à prier avec une
grande ferveur et d'une façon ou d'une autre l'avion réussit à atterrir. Bien
qu'on ait réparé le moteur à ce moment-là, Modi et d'autres eurent l'intuition
de ne pas remonter. Quand l'avion a redecollé, il heurta un fil électrique et
prit feu instantanément avec tous les passagers dedans.
Ananda dans les Upanishads
Nous avons déjà présenté un court
article dans le numéro précédent sur l'origine et le sens du mot ânanda dans
les Upanishads. Nous allons maintenant continuer ce thème plus à fond, grâce
déjà à des citations des textes eux-mêmes, en particulier la Taittiriya, et à
la traduction intégrale de la conclusion de la thèse du Père George
Gispert-Sauch qu'il a soutenu à l'Institut catholique de Paris sous la
direction du Cardinal Daniélou, et qui a été publiée par la suite àDelhi
(Oriental Publishers, 1977). D'origine espagnole, il vit depuis longtemps en
Inde où il enseigne dans le grand institut des Jésuites à Delhi, Vidya Jyoti,
et où il s'occupe d'une bibliothèque considérable d'environ 150000 livres.
Ayant moi-même travaillé là-bas à des heures souvent indues, tard le soir ou le
week-end, je peux témoigner qu'il est un grand travailleur devant l'Eternel et
régulièrement le dernier à quitter son poste quand le reste de la maison est
vide. Il a en évidence sur un mur de son bureau depuis longtemps un tissu avec
un Om imprimé qui avait été offert à un de ses amis par Mâ Anandamayi
elle-même, ce n'est donc pas entièrement par hasard que ses conclusions sur
«ânanda» paraissent dans ce bulletin consacré à l'enseignement de Mâ.
Extraits des Upanishads à propos
d'ânanda
(Comme je n'avais pas sous la main de
texte français, j'ai traduit les extraits ci-dessous fidèlement de la version
anglaise de Hume qui est considérée comme une des meilleures et qui a
l'avantage d'indiquer les mots sanskrits importants au fur et à mesure)
Taitiriya upanishad, seconde vallî, septième anuvâka
Au commencement, en vérité, ceci (le monde)
n'existait pas
De là, l'être (sat) a été produit.
Cela s'est transformé de soi-même en Ame
(Atman).
C'est pourquoi on l'appelle «bien faite
»(su-krita)
En vérité, ce qui est bien fait est
réellement l'essence, rasa, [de l'existence]. C'est en obtenant l'essence
qu'on devient bienheureux. Car en fait, qui pourrait respirer, qui pourrait
vivre, s'il n'y avait cette félicité dans l'espace! Il est vrai en effet que
quand on trouve une fondation dans ce qui est invisible, san corps (anâtmya),
non défini, sans support, on a atteint la non-peur. Quand par contre on y crée
un creux, un intervalle, c'est alors qu'on se met à avoir peur. Mais c'est en
fait la peur de celui qui se considère comme sujet connaissant [en tant que
séparé de l'objet connu].
A ce propos il y a aussi le vers suivant:
Huitième anuvâka
C'est par peur de Lui que le Vent
souffle
C'est par peur de Lui que le Soleil se
lève
C'est par peur de Lui que le Feu,
Indra -et la Mort comme cinquième du groupe- se hâtent.
Voici maintenant une réflexion sur le
bonheur:
Considérons un jeune, un bon (sâdhu)
jeune homme bien éduqué, très rapide, très ferme, très fort. Supposons que la
terre entière soit pleine de richesses à sa disposition. Voilà une unité de
félicité humaine.
Cent félicités de cette homme en constituent
une pour les Gandharvas humains (esprits musiciens qui habitent dans un
paradis spécial) -ainsi que pour l'homme qui possède bien les Ecritures (shrotiya)
et qui est indemne de la morsure du désir.
Cent félicités des Gandharvas humains en
constituent une pour les Gandharvas divins - et aussi pour l'homme...
[La gradation exponentielle continuent
ainsi par les étapes suivantes] : les ancêtres dans leur monde qui dure
lontemps/ les dieux qui le sont par naissance/ ceux qui le sont par leurs
oeuvres/ les dieux/ Indra / Brihaspati/ Prajâpati et enfin:
Cent félicités de Prajâpati en
constituent une pour Brahma -ainsi que pour l'homme qui connaît bien les
Ecritures (shrotiya) et qui est indemne de la morsure du désir.
Celui qui est ici dans une personne et
celui qui est là-bas dans le soleil -les deux ne font qu'un.
Celui qui sait cela, en quittant ce
monde, s'en va vers ce soi qui est constitué de nourriture (annamaya kosha, le
début d'une série de cinq «enveloppes» décrites ailleurs dans les upanishads),
s'en va vers ce soi qui est constitué de souffle (prâna), s'en va vers s'en va
vers ce soi qui est constitué de mental (manas) s'en va vers ce soi qui est
constitué de connaissance (vijñana) s'en va vers ce soi qui est constitué de
félicité (ânanda).
Il existe également à ce propos les vers
suivants:
Neuvième anuvâka:
Là d'où les paroles reviennent,
avec le mental, sans avoir pénétré -
Celui qui connaît la félicité de
Brahman
Ne craint absolument rien.
Une telle personne n'est pas tourmenté
par ce genre de questions: «Pourquoi n'ai-je pas fait ce qui est bon (sâdhu)?
Pourquoi ai-je commis le mal (pâpa)? Celui qui connaît ceci se libère
lui-même (âtmânam) de ces deux [pensées] -en vérité, de ce deux il se
libère lui-même, celui qui connaît ceci!
Telle est la doctrine mystique
(upanishad)
Brihad-Aranyaka Upanishad:
Ainsi parla Yanjñavalkya : [à propos de
l'âme durant le sommeil profond: celui-ci est souvent comparé au samâdhi,
dépourvu néanmoins d'hyperconscience]: ceci est réellement la forme qui est au-delà
des désirs, libre du mal, sans peur. De même qu'un homme quand il est dans les
bras de son épouse bien-aimée ne connaît rien ni dedans ni dehors, de même
cette personne, embrassé par l'Ame intelligente, ne connaît rien ni dedans ni
dehors. En vérité, c'est sa forme [authentique] dans laquelle son désir est
satisfait, dans laquelle l'Atman constitue son désir, dans lequel il est sans
désir et sans souffrance...
En vérité, quand il y a un autre, l'un
peut voir l'autre...l'un peut connaître l'autre; [mais] celui dont le monde est
Brahma devient un océan, celui qui voit purement et sans dualité...C'est
l'homme du chemin supérieur, à la réussite supérieure. Voilà le monde suprême,
voilà la félicité suprême. Sur une part seulement de cette félicité, les autres
créatures vivent. (4.3. 21 et 31-32)
Conclusion du livre de G.Gispert-Sauch sur «ânanda dans
les Upanishads»
Nous sommes venus à la fin de notre étude
sur ânanda dans les Upanishads. Nous avons commencé notre étude par ls
spéculations liturgico-psychologico-cosmiques qui ont trouvé leur pleine
expression dans la Taittiriya bien qu'on les trouve également dans d'autres
Upanishads. Dans ces réflexions on nous enseigne qu'ânanda se trouve au
plus profond de la personnalité humaine correspondant d'une part à la couche
supérieure de l'autel védique et de l'autre au ciel des dieux. En tant que
partie la plus intime de la réalité de l'homme, on l'identifie avec Brahman
qu'on décrit aussi comme satyam, jñanam, anantam (vérité, connaissance,
infini). Nous avons vu comment cett réalité et expérience d'ânanda est
donc caractéristique de l'Etre à sa source même, quand on ne l'a pas encore
concrétisé dans la pluralité des formes, mentales ou physiques: yad vâ
aniruktam tad ânandamayam, ce qui est aussi caché (à la raison) est
constitué d'ânanda. (Shatapatha Brâhmana 8.2.3.11). C'est
pourquoi ânanda est appelé brahma-yonî, la matrice de Brahman
(Taittiriya Aranyaka 10.63.1). La félicité est donc de même nature que l'homme
lui-même, et non pas une simple forme surimposée sur son noyau le plus
intérieur, une alternative superficielle à une dukha, souffrance, non
moins superficielle. Cette expérience de félicité est reliée au sens
d'intériorité et à l'expérience de non-dualité (Taittiriya Upanishad 2.6.8).
Elle est aussi en relation intime avec manas, le mental qui est sa
demeure, bien que par elle-même elle soit au -delà de la vie intellectuelle de
l'homme et apparentée au concept d'immortalité, non-manifeste et pacifiée
(amritam, avyaktam, shântam)
Les autres chapitres de notre étude
viennent confirmer la sagesse déjà enchâssée dans la Taittiriya Upanishad et
dans les spéculations associées. Une des découvertes les plus intéressantes de
cette étude des textes upanishadiques en détail, c'est le fait que les mêmes
conceptions métaphysiques émergent répétitivement dans des spéculations
différentes et dans des contextes divers, indiquant ainsi la cohérence
fondamentale de l'appréhension archétypale de la réalité en Inde. Les
spéculations sur le sommeil profond, comme celles sur le Yoga, insisteront sur
le fait que l'ânanda parfait est vécu seulement dans l'état
d'unification parfaite quand l'homme redécouvre le sense de plénitude complète
(kritsna) qui correspond à l'état authentique et absolu de l'être
humain, son «état céleste» au-delà de la portée et de l'appréhension du vijñânamaya
purusha, l'être constitué de connaissance. Bien que la Mandukya Upanishad
postule un quatrième état de l'homme, le turîya, apparemment au-delà des
limites d'ânanda, la plupart des spéculations upanishadiques mettent en
corrélation l'expérience de félicité avac celle des aspects ashabda
(dépourvu de paroles, ou au-delà du son intérieur), amûrta (dépourvu de
forme) et akâla (au-delà du temps) de Brahman, l'expérience ultime de
non-dualité.
Les spécuations philosophiques sur
l'expérience sexuelle dispersées dans les Upanishads et la littérature
pre-upanishadiques se concentrent sur l'unité et le retour à une plénitude
originelle de l'être humain dont la division des sexes est déjà un éloignement.
C'est cette plénitude qui explique la félicité de la non-dualité que l'on peut
recapturer dans la reconstitution de l'être humain complet grâce à l'union
sexuelle. Cette expérience est aussi mise en référence avec le mental, manas,
et pourtant elle est conçue au-delà du prodédé normal de pensée, au-delà de
l'expérience concrète, asamvidâ iva.
Les imaginations et aspirations de
l'homme sont projetées sur une vie qui est au-delà de la vie céleste. Le
chapitre 6 a relevé l'évolution dans la littérature védique à propos du concept
de paradis, svarga, qui s'est transformé en celui de libération
complète. Ce qui importe pour nous, c'est de remarquer que le thème d'ânanda
est central bien qu'ils soit joué en des modes différents. De cette façon ânanda
n'est pas seulement conçu comme la source de l'être de l'homme, mais devient
aussi le centre de ses apirations, le but de ses efforts en vue de la
libération complète. D'abord associé à l'expérience produite par cette boisson
appelée soma, ânanda se trouve être dans les Samhitâs la
caractéristique des réalités célestes auxquelles le rituel védique nous mène.
Cette caractéristique s poursuit dans l'eschatologie des Upanishads qui ajoute
la prise de conscience -souvent exprimée sous forme mythologique- du fait que
l'homme a besoin de se transformer en une réalité nouvelle avant de pouvoir
entrer dans la plénitude d'ânanda. Il se trouve que cette félicité est
la caractéristique des dieux, de leur demeure et de la Liberté absolue
elle-même, l'état au-delà de la dualité.
Les réflexions métaphysiques ds
Upanishads et du reste de la littérature védique qu'on étudie dans le dernier
chapitre confirme les intuitions de base des spéculations précédentes. La
félicité suppose une plénitude de l'être, un infinité, le fait de n'être lié
par aucune forme, et pourtant une consistance pleine de la Réalité parce qu'établi
sur sa propre grandeur. (Maitriya Up. 2.4; 6.28,38). C'est en même temps
l'objet de tous les désirs. C'est dans la concentration parfaite de l'être,
dans l'expérience parfaite de l'advaita qu'on trouve la félicité. C'est
pourquoi il ne faut pas être surpris si les rishis, les visionnaires des
Upanishads affirment avec audace qu'ânanda est Brahman et Brahman est ânanda,
une affirmation déjà préparée dans la littérature pré-upanishadique qui parle
d'ânanda dans le contexte du bien-être, de la prospérité, la plénitude
et la perfection. Dans cet aspect de plénitude et de non-dispersion on doit
chercher, mystérieusement, la raison pour laquelle ânanda est aussi la
véritable racine et explication de ce partage de l'être qu'on trouve dans les
Upanishads: tasyaivâ'nandasyâ'nyâni bhûtâni mâtrâm upajivanti D'un
simple fragment de cette félicité, les autres êtres tirent leur subsistance
(Brihad-Aranyaka Upanishad 4.3.32)
Il serait intéressant, mais au-delà des
limites de cette étude de pousser plus loin l'importance de l'idée d'ânanda
dans la tradition indienne postérieure. Nous savons que pour les systèmes Nyâya
et Vaishesika qui ont tant de points faibles dans leur compréhension de la
réalité, ânanda ne peut être conçue que comme un plaisir accidentel, sukha,
en aucun cas relié au coeur de l'Etre ou à l'état de libération. On pourrait
peut-être dire la même chose des systèmes du Samkhya et du Yoga, bien qu'une
étude plus approfondie serait nécessaire particulièrement pour certains
développements du Yoga influencés par le tantrisme ou la bhakti. L'étude des
grands maîtres, âchâryas, de la tradition védantique nous amènerait
certainement à recapturer l'importance centrale d'ânanda dans la
tendance religieuse et philosophique de l'Inde la plus importante et la plus
durable, et on devrait analyser la raison pour laquelle ce concept est devenu
omniprésent dans les Upanishads des diverses écoles dévotionnelles et continue
de façon prééminente comme par exemple dans l'école de la Reconnaissance (pratyabhijña)
du Shivaïsme du Cachemire:
Le Seigneur suprême est un conquérant!
La splendeur de sa félicité est rendue brillante par Pashyantî, le Son
excellent (il s'agit de la
première intuition de ce qu'on veut dire avant une verbalisation mentale claire
et définie précédant elle-même l'expression orale; à ce titre, Pâshyanti est
proche de cette masse sonore continue qu'on perçoit quand on se met à écouter
le son du silence) qui, aussitôt qu'il est perçu (lit. «vu»), captive la
conscience. (Bhatta nârâyana, stavacintâmani, 1)
Nous remarquons donc que les sytèmes et
traditions qui donnent de l'importance à la notion d'ânanda sont
précisément celles qui ont maintenu leur vitalité et se sont développées durant
l'histoire de la pensée et des religions de l'Inde: ansi trouve-ton les
différentes écoles des cultes bhakti, les Tantras et les diverses écoles de
Védanta, car même la tradition du kevalâdavaita (l'advaïta suprême, de
l'Unique) a maintenu en principe la suprémacie de la triade sat-chid-ânanda,
être-conscience-félicité. D'autre part, les écoles qui ont minimisé
l'importance d'ânanda sont celles qui ont justement cessé d'exister
comme des mouvements autonomes, même si elles ont puissament influencé la
pensée indienne et y ont laissé l'empreinte de leurs intuitions de sagesse de
façon permanente. Aoinsi donc, ânanda justifie son importance pour
l'histoire postérieure de la tradition indienne. Ce concept corrige en partie
le danger de gnosticisme sec dans cette tradition. La recherche de l'Absolu est
de fait une voie de connaissance, ou l'est pricipalement, déjà dans les
Upanishads et souvent par la suite. Mais le but ultime de cette recherche n'est
pas simplement une vision intellectuelle ni même une fusion pure de celui qui
connaît et du connu ou de la lumière sans tache de la conscience du Soi: il y a
là aussi ce qu'on pourrait appeler un élément méta-intellectuel, il y a la
félicité, ânanda, qui ne peut jamais être réduite aux catégories
philosophiques. Ceci ne signifie pas une dualité dans l'Absolu, mais un certain
débordement de l'Etre dans la lumière et la joie. De cette façon l'Absolu de la
philosophie védantique devient un but religieux à atteindre et attire d'une
certaine façon le dynamisme religieux du chercheur.
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Table des matières
Paroles de Ma
Réponses de Vijayananda
Voeux pour le troisième millénaire
Jay Ma n° 60
Printemps 2001
Paroles de Mâ
Le chemin qu'on a choisi doit être
poursuivi avec une grande vigueur afin de pouvoir développer la pureté du coeur
et de l'esprit. Quand le but est toujours devant soi comme une réalité vivante,
tout le nécessaire viendra de lui-même.
Si vous pouvez développer la beauté
intérieure et l'installer dans ce temple glorieux qu'est votre coeur, vous
serez capable de percevoir la beauté en tout.
Où que vous alliez, n'importe où et
n'importe quand, allez-y de tout votre coeur et de toute votre âme, et personne
ne vous paraîtra étranger.
Aucun mal ne peut submerger celui qui
reste étroitement associé au Nom de Dieu. Si le flot du nom de Dieu est
entretenu, chaque travail mènera au bien.
Balloté qu'il est entre les épreuves
et les plaisirs de la vie de famille, l'homme du monde sent parfois s'éveiller
en lui un esprit de renonciation avec une aspiration désespérée pour Dieu.
Quand il en va ainsi, celui qui mène la vie de famille est en meilleure
position que bien des ascètes qui ont quitté foyer et parents.
Puisque l'Esprit éternel s'est répandu
dans les créatures, il est obligé que l'appel divin au retour à Shiva se fasse
entendre en chacun : tous les êtres vivants, chaque créature doit être
retransformée en Shiva.
Le Suprême est la Joie en soi. C'est
pourquoi le but de la vie pour tous les êtres vivants est la Joie (ananda) : en
tout temps, donnez et recevez le bonheur.
Réponses de Vijayananda
- Comment peut-on savoir si ce qui
paraît un souvenir de vie antérieure n'est pas de l'imagination, une
construction mentale?
- Vijayananda : Le premier critère est
son apparition spontanée, quand on n'était pas concentré sur ce sujet. Il y a
de nombreux exemples de personnes qui avaient des images et des notions claires
d'une vie antérieure récente et qui ont pu retourner sur les endroits où elle
s'était déroulée et vérifier les faits. Cependant, il n'y a pas lieu
d'attribuer une si grande importance à des images précises. En fait tout le
monde se souvient de ses vies antérieures, mais cela peut se manifester de
façon non-imagée, comme par exemple à l'occasion d'un choix professionnele,
etc... ou d'une tendance inexplicable par ailleurs, ce qu'on appelle samskara
en Inde.. Par exemple, si quelqu'un a une passion pour les sujets militaires
alors que personne autour de lui n'est dans l'armée ni n'est intéressé par ce
domaine, cela peut indiquer une vie antérieure comme soldat (la conversation
avait commencé car Vijayananda avait dit récemment à un visiteur indien d'âge
mûr qui avait des lobes d'oreilles particulièrement longs, comme le Bouddha,
qu'il avait dû faire beaucoup de pratiques spirituelles dans des vies
antérieures. Cette personne est revenue aujourd'hui en disant combien elle
avait été remuée par cette réflexion, et on sentait à son ton de voix que
c'était vrai. Vijayananda a alors ajouté :) Il s'agit d'un signe corporel
décrit par la tradition. Les personnes qui ont fait beaucoup de Yoga dans une
vie passée mais n'ont pu atteindre la libération à cause d'un désir survenant
au moment de la mort, se réincarnent pour essayer de satisfaire ce, ou ces
désirs. Ceux-ci prennent alors la forme de samskaras ou vâsanas
(inclinations profondes qui remontent en force à la surface de temps en temps),
mais quand ils sont épuisés, le yoga-brashta, celui qui a «manqué le
yoga» -c'est ainsi que s'appellent ces personnes- redécouvre son entraînement
antérieur et se met à progresser rapidement vers le but. Ceci dit, il faut bien
avouer que la plupart des souvenirs que les gens croient venir d'une vie
antérieure sont en fait des fantasmes, des constructions mentales auxquelles
ils adhèrent.
Vijayananda, en parlant d'une personne
qui a un tempérament plutôt batailleur :
Je lui ai conseillé de ne plus méditer
sur l'ajña, car cela peut accroître une colère de base quand celle-ci est
présente. En fait, c'est un des conseils que Mâ m'a donné lors de notre
première entrevue (il y a juste un demi-siècle). Je me suis donc mis à méditer
sur le coeur, mais par la suite elle m'a demandé de nouveau de me concentrer
sur l'ajña.
Q : On dit dans certain textes de Yoga
ou de Tantra qu'il y a en fait deux ajña, l'un inférieur à la racine du nez et
l'autre supérieur vers le milieu du front, et que le premier est relié à
l'égo et à la colère, alors que le
second est associé à l'âtma et à la sublimation; avez-vous aussi cette notion?
V : C'est vrai, cela peut aider de
méditer plus haut que la racine du nez pour dépasser une tension de l'égo
reliée à une méditation mal avisée sur l'ajña inférieur; cepêndant, ces centres
sont surtout des supports pour la rencontre des nadis. Ils mènent à une
conscience au-delà du corps.
Q : Est-ce que Mâ pouvait faire comme
certains maîtres tibétains qui donnent des exercices pour développer certains
pouvoirs, par exemple réchauffer le corps par le tou-mo, afin d'attirer le chercheur débutant à
l'intérieur de lui-même ?
V : C'est possible, mais il est difficile
d'en être sûr car les excecices qu'elle donnait devaient être tenu secrets à sa
demande. Ce qu'il y avait de bien avec Mâ, c'est qu'elle donnait non seulement
un exercice de méditation, mais avec lui elle incluait aussi le pouvoir de le
faire correctement.
Q : Est-ce qu'on peut dire que le
védanta consiste réellement en une méditation sans support?
V : Même dans le védanta, il est bon
pendant longtemps d'avoir un support, comme la lumière, de se représenter
plongé dans une mer de lumière. On peut aussi faire cela avec le son. On peut
ensuite se demander qui est celui d'où provient la lumière ou le son.
La mort doit mourir
par Atmananda
Nous continuons à donner maintenant
des extraits du journal d'Atmananda qui vient d'être publié à Bénarès. Nous
mettons d'abord des textes de 1947, c'était la période où elle se détachait
d'anciens amis ou enseignants, en particulier de Krishnamurti dans l'école
duquel elle avait passé dix ans à Bénarès, pour s'engager avec Mâ. Il faudrait
citer plus de textes pour voir les nuances de son évolution avec celui qu'elle
appelait J.K., ou simplement K., dans son journal, mais la page du 24 décembre
1947 que nous donnons ci-dessous donne une bonne idée de ce qu'Atmananda
ressentait à son sujet. Elle commence par parler d'un de ses amis proches Lewis
Thomson, qui est mort précocément. Il fréquentait Ramana Maharshi, et ses
recueils de poèmes ont inspiré la jeune génération anglophone des années 60 et
70. Atmananda lui doit beaucoup, mais elle ne manque pas de lui envoyer quelque
pointe dans son journal, comme celle que nous donnons au début des extraits
ci-dessous. Dans l'édition anglaise du journal, quand Atmananda, comme un
certain nombre de disciples d'Anandamayi, se réfère à Mâ à la troisième
personne, elle le fait avec la majuscule Elle, Son, etc... Nous n'avons pas
suivi cet usage; en effet, autant les hindous et ceux qui vivent en Inde ont
l'habitude de voir le Divin dans un corps humain, autant les Français ne l'ont
pas et ils risquent de percevoir dans cet usage un excès. Ceux qui voudraient
commander Death must die, ce
nouveau livre d'Atmananda qui mérite d'être lu, trouveront après le dernier
extrait les renseignements pratiques à cet effet.
Rajghat
(Bénarès), le 19 juillet 1947
Lewis ne semble plus avoir la bonne
influence qu'il avait d'habitude. Ceci est dû en partie au fait que j'ai cessé
de l'adorer. Le conflit profond en lui est terrible et destructif. Je peux
aussi voir comment un fort esprit de critique, aussi lucide soit-il, ruine
l'esprit, en particulier quand on s'y complaît et qu'on y donne une importance
excessive. Il y a un certain orgueil, auto-suffisance et sentiment de
supériorité dans le fait de juger constamment et de voir avec acuité les
défauts subtils des gens et des choses. Mâ dit: Vous ne devez pas regarder
les défauts des gens, mais rester dans votre coin et consacrer tout votre temps
à ce qui est réellement important. Je ne lui obéis pas autant que je le
devrais et je suis tenté de parler aux gens sans nécessité. Je n'ai pas de vrai
satsang ici.
Le 23
juillet 1947
Le conseil de Mâ à propos de la colère
était un autre «oeuf de Christophe Colomb» [du genre «C'était simple, mais il
fallait y penser !»...] Maintenant, à chaque fois que je me mets en colère, je
me rappelle que cela me détourne du Suprême. Quelles que soient les justifications
qu'on puisse y trouver, cela n'en vaut pas la peine. Parfois je me mets quand
même en colère, mais simplement par habitude, et je le vois maintenant. Elle
tire toujours dans le mille ! ...
Le 10 août 1947
Mâ est arrivée le 29 juillet mais je ne l'ai
su que le 31. Je suis à l'ashram plusieurs nuits par semaine. J'ai eu une
grande dispute avec elle sur le fait d'être toujours chassée de certaines
parties de l'ashram à cause des «règles». Elle a dit : C'est bien, je vais
quitter Bénarès et tu vas habiter confortablement à Rajghat. Elle a
réellement extrait cela de mon esprit, car je pensais en moi-même qu'il n'y
avait pas de raison d'aller dans un ashram incomfortable comme celui de Mâ
alors que Rajghat était beaucoup plus agréable. Elle m'a aussi dit : Pourquoi
t'es-tu mis dans la tête que je suis ton ennemie? Cela a été également
quelque chose qui m'a guéri. Quoi qu'elle fasse, c'est le mieux pour moi. Hier,
j'ai eu un aperçu soudain de sa divinité. Son corps est à la fois un corps et
pas un corps, c'est une affaire des plus mytérieuses.
Le 18 août 1947
L'autre jour, quand Mâ m'a parlé, elle
m'a aussi dit : Personne ne peut être en colère avec moi pour longtmps,
personne ne peut combattre avec moi. Je lui ai dit : «Je vais m'en aller».
Elle répondit : Tu ne peux me quitter, plus tu essaieras, plus tu seras
proche, comme collée à moi.
Le 4 septembre 1947
John est arrivé hier [Il s'agissait d'un
membre actif de la Société théosophique qui avait été un instructeur
d'Atmananda auparavant]. Dans quelle forteresse John vit, même s'il a sa propre
profondeur ! Mais qu'en est-il de tout cela? Quand je vois toutes ses affaires
et ma propre chambre pleine de livres, d'images et de je ne sais quoi, j'ai
vraiment ressenti pour la première fois de prendre le sannyas ! Si on ne le
fait pas, la société s'attend à ce que vous fassiez une chose, une autre et
encore une autre. Il n'y a que la robe orange qui vous protège de ces demandes.
Si je veux réellement être un sadhaka, je ne dois pas être troublée par quoique
ce soit. Même ce soir, je sens la présence de Mâ, si forte et elle me manque
tant ! Pourtant, elle a quand même dit : Faites chaque chose comme un
service. Vous ne devez pas laisser tomber cela [vos activités] avant de ne
pouvoir plus du tout travailler à cause de la force de votre absorption
complètement en Dieu ...
Des gens vinrent et couvrirent Ma avec
des guirlandes, elle en donna à tous ceux qui étaient présents. Quand je
pensais qu'il n'y en avait plus et je ne regardais pas dans sa direction, elle
me lança un morceau de guirlande avec deux grandes fleurs à chaque extrémité.
Je regardais cela en demandant : «Qu'est-ce que c'est?». Ma répondit : main
aor tum (moi et toi). Je ne pouvais l'entendre correctement et cela me fut
répété trois fois. J'ai pensé que tout cela tombait vraiment bien, car je
m'étais senti quelque peu oppressée par mon passé qui était remonté à cause de
la visite de John. Je suppose que ce qu'on a en soi doit remonter à la lumière
afin d'être dénoué, démêlé et éclairci. Sa grâce m'a particulièrement touchée
ce soir- là ... Elle a dû voir tout ce qui dans mon passé me liait à John et
l'a maintenant défait. C'est pourquoi l'abandon à un vrai gourou est si
important ...
23 octobre 1947
John est parti hier. Je réalise qu'il n'y
a rien qui puisse justifier que je m'identifie à la Blanca [le nom d'Atmananda
auparavant] qui était tellement fascinée par lui à 16 ou 18 ans. Je ne peux
plus considérer cette fille comme moi-même. Qu'est-ce que c'est que
l'individualité ? Qu'est-ce qui lie les expériences ensemble ? Est-ce seulement
le corps ? Mais lui aussi n'est plus le même. Chaque atome qui le compose doit
avoir changé depuis. Mais il y a une structure qui se dégage d'elle-même et qui
maintient une certaine forme. Si je ne peux m'identifier avec la Blanca d'il y
a des années, il s'ensuit que ce que je semble être maintenant est également
temporaire et ne représente pas du tout l'essence. Mais alors, qu'est-ce qui
demeure?
24 décembre 1947
J'ai lu plus des entretiens récents de
J.K (Krishnamurti) à Madras et je sens que je n'ai plus envie d'aller
l'écouter. Cela me serait plus ou moins inutile et même probablement
perturbant. Je trouve qu'il y a quelque chose qui manque en lui. Il ne pas
donne pas le Tout, mais présente seulement un aspect, très probablement en
réaction à la situation d'aujourd'hui, mais cela induit en erreur. Il vous
emmène pour un bout de chemin, mais ensuite vous laisse courrir à vide et sans
aucun soutien. Après tout, c'est sa propre intensité et expérience qui donne de
l'impact à ce qu'il dit et quand il est parti, vous revenez virtuellement à
votre état d'esprit précédent, induit et influencé par votre entourage qui est
tout à fait contre vous. Je doute qu'il soit possible de maintenir cette
conscience
tout le temps, à moins de vivre dans un
environnment où les autres sont vraiment conscients. C'est pourquoi il est
nécessaire -en dépit de ce qu'il dit- de vivre auprès de quelqu'un de réalisé
autant que possible ou au moins de vivre dans une sangha, une sorte de couvent
où les autres font des efforts dans le même sens que vous.
Mâ semble être bien plus réaliste et
avoir un plus grand sens de ce qui marche vraiment quand elle dit aux gens de
s'en tenir à leurs prescriptions dharmiques traditionnelles. L'Inde menace de
devenir une imitation bon marché de la «civilisation» occidentale, qui, en
fait, dans sa manifestation matérialistique actuelle n'est pas une civilisation
du tout. En effet, elle est née de ce qui est superficiel et pas comme la
culture indienne, des profondeurs considérables de la réalisation des Rishis.
C'est ici qu'on doit trouver la base pour une nouvelle culture.
L'éducation ici est complètement
occidentale, mise à part celle donné par un vrai Gourou à son disciple. Il
n'est pas vrai, comme le dit J.K, qu'elle soit basée sur l'autorité. Cela peut
en avoir l'apparence, mais en fait elle est fondée sur un amour qui vous
submerge et un abandon complet qui accomplit l'annihilation de l'ego avec ses
limitations inhérentes et son ignorance. J.K. a ses limites, car il refuse de
reconnaïtre que c'est complètement différent d'aimer et d'être aimé par un Etre
réalisé que par humain ordinaire accablé par son ego.
Ce n'est pas seulement une satifaction
émotionnelle qui relie le disciple au Gourou. Cet amour des pus intimes, qui
est réellement la révélation de son Soi le plus intérieur, absorbe votre esprit
et vous devenez Cela. Ainsi donc, le Gourou est un véhicule qui vous fait
monter de plus en plus à son niveau et alors c'est toute votre perspective qui
se transforme-vous devenez déconditionné- libre.
De toutes façons, si l'on rencontre un
tel grand Etre qui fait surgir votre amour, on ne se préoccupera jamais de ce
que J.K. dit et c'est peut-être pour cela qu'il ne sera jamais confronté avec
une telle situation, car après avoir trouvé un tel Etre, qui s'emcombrerait
donc la tête à aller discuter avec lui ?
Malati souhaite aller à Bombay pour
écouter J.K., mais sa position est différente. Elle ne prend pas dogmatiquement
ce qu'il raconte, mais en retire ce qui fait sens pour elle et il y a une
clarté en lui qui l'influencera probablement dans le bon sens. Elle se met, par
exemple, en quatre pour préparer la cérémonie de la cordelette de Ravi [rituel
d'initiation des garçons brahmines vers l'âge de douze ans qui en font des
«deux fois né», avec entre autres le devoir de réciter le mantra de Gayatrî
tous les jours] et se prosterne tant et plus devant Mâ, etc,... et ne se soucie
pas du fait que J.K. tourne en dérision toutes ces choses. En cela elle est
comme la plupart des Indiens dont la conscience est naturellement installée
dans leur culture au-delà du temps et qui absorbent ainsi facilement des
contradictions de surface. Les Occidentaux en sont incapables. Comme Mâ lui a
dit, telle l'abeille elle va rassembler son miel de nombreuses fleurs.
Hatha-Yoga spontané Allahabad, Kumbha-Méla, 1er février 1960
Kriyânanda (un américain disciple de
Yogananda Parmahamasa et qui a fondé un bon nombre de communautés spirituelles)
: Est-ce que les femmes peuvent pratiquer siddhâsana ? (Une posture de yoga
similaire au lotus, mais avec les deux talons l'un sur l'autre au niveau de la
ligne médiane : certains enseignants de yoga la déconseillent aux femmes)
Mâ : Quand ce corps a joué le jeu de la
sadhana (les pratiques spontanées qui sont venues à Mâ quand elle était jeune
femme dans les années 20), siddhâsana est apparue d'elle-même. Elle peut donc
être pratiquée par les femmes aussi bien que par les hommes. Quand une âsana
est pratiquée comme une expression naturelle de l'état intérieur, elle sera parfaite,
c'est- à-dire que la position des jambes, des mains, des bras, de la tête -tout
sera exactement comme cela doit être. Effectuer une âsana par un effort de
volonté n'aura jamais la même perfection. Les âsanas sont reliées au rythme de
la respiration et celle-ci l'est avec l'état intérieur à un moment donné. Quand
les âsanas sont accomplies comme une pratique yoguique, c'est-à-dire avec
l'ntention d'atteindre la révélation de l'union avec le Un qui existe
éternellement, ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles parviendront au résultat
escompté. Si on les fait uniquement comme un exercice physique, elles
procureront la santé et le bien-être, mais c'est tout -pas l'union véritable
(yoga). Même quand on a atteint la perfection d'une posture particulière et que
son essence s'est pleinement révélée, on doit penser : j'ai atteint ceci, mais
qu'est-ce que ça vaut ? Ce n'est pas le but ultime
Cette attitude est le vairagya
(détachement). On s'efforce ensuite d'atteindre le stade suivant et ainsi de
suite. On doit garder cette attitude jusqu'à ce que rien ne reste à atteindre,
c'est seulement à ce moment-là qu'on parviendra à l'Ultime. Sinon, on est bon
pour traîner lontemps à un niveau donné plutôt que de progresser rapidement
vers le but final. On doit associer le hatha-yoga avec le râja-yoga (la
gradation des excercices d'intériorisation jusqu'à la méditation et au
samâdhi), sinon il s'agit d'un simple excercice physique.
Quand ce corps a effectué des âsanas,
elles sont survenues spontanément, les jambes ont pris les positions justes
d'elles-mêmes poussées par un pouvoir intérieur qui n'était pouvoir rien
d'autre que la Shakti de l'Atma. Une fois, j'ai bougé ma jambe de façon
volontaire et je me suis fait mal. Le trouble est resté, il est toujours là.
Lumières Allahabad, le 2 février 1960
Le professeur de chinois de l'université
d'Allahabad, Mr Chow, demanda : Une fois, en méditant dans une pièce obscure,
j'ai eu l'impression qu'elle était baignée par le clair de lune; mais lorsque
j'ai ouvert les yeux, je me suis aperçu que j'étais dans le noir. Qu'est-ce que
cela veut dire ?
Mâ : Voir de la lumière est un bon
signe. Tant que le chemin n'est pas éclairé, comment peut-on voir quelque chose
? Il en va de même dans le monde matériel, tant qu'il n'y a pas d'éclairage vous
n'y voyez rien. A présent il y a la lumière à l'extérieur et l'obscurité
au-dedans. Quand la lumière se répand sur le monde intérieur, celle du dehors
s'efface. Cependant, il s'agit d'un stade où il y a encore une différenciation
entre intérieur et extérieur; mais il y en a un autre après où il n'y a plus ni
intérieur ni extérieur, l'ensemble des choses est vu comme un tout.
Continuité dans l'amour de Dieu,
détachement et bonheur
Poona, le 5 juillet 1961
Il a plu des cordes depuis plusieurs
jours presque sans interruption. Ce matin, Mâ parlait du temps et de combien de
problèmes chacun avait eu pour venir à elle. Elle dit alors: «Il n'arrête
pas de pleuvoir. Si votre amour de Dieu pouvait pleuvoir comme cela, s'écoulant
sans interruption, comme il serait beau ! On dit que la saison des pluies
favorise l'amour et la dévotion à Dieu. Que le courant de votre dévotion pour
Lui coule continûment comme cette pluie !».
Q : Pourquoi Dieu permet-il tant de souffrances dans le
monde? Demandez à qui que ce soit ici : personne n'est heureux et pourtant tous
veulent l'être.
Mataji : Si vous désirez les choses de
ce monde, vous serez malheureux et si vous progressez vers Dieu, vous serez
heureux. C'est la manière dont il vous enseigne à venir vers Lui. Si vous
n'aviez pas de difficultés, vous ne penseriez pas à Lui. Mais vous désirez
toutes sortes de choses et ainsi vous êtes malheureux. Il y a l'histoire de
l'âne qui est une bonne illustration de la façon dont les choses fonctionnnent
dans ce monde. Un dhobi (blanchisseur) possédait quelques ânes pour porter les
habits dont il avait fait la collecte pour les laver. Comme il était pauvre, sa
maison était trop petite pour garder les ânes à l'intérieur et il les laissait
dehors pendant la nuit. Il ne pouvait même pas s'offrir assez de corde pour
tous les attacher. Les ânes s'enfuyaient et le dhobi passait des heures à
essayer de les retrouver. Il eut donc une idée astucieuse. Il noua autour d'une
de leurs pattes un petit bout de corde et chacun, pensant par ce contact qu'il avait
été attaché, resta debout au même endroit pendant toute la nuit. Il en va de
même dans le monde. Vous sentez le contact de Mâyâ et vous imaginez que vous
êtes liés. Vous pensez : comment puis-je faire sans mes enfants, mon mari, ma
femme, mes parents, etc.et ainsi vous restez là où vous êtes et ne progressez
pas vers Lui.
Ceux qui voudraient se procurer
l'ouvrage original d'Atmananda en anglais, qui vient de sortir à Bénarès,
peuvent écrire à Alvaro Enterría, Indica Books, D 40/18 Godowlia Varanasi 221001
UP, Inde. Le prix du livre en couverture souple (paperback) est de 400 Rps, en
couverture cartonnée (hardback) de 500 Rps, ce à quoi il faut ajouter environ
300 Rps de port par avion, ce qui fait en Frs environ 110 Frs dans le premier
cas et 130 dans le second; ils acceptent les chèques. Vous pouvez écrire en
français de la part de Jacques Vigne et de Jay Ma à Alvaro: il a été éduqué au
lycée français de Madrid, mais vit depuis une douzaine d'années à Bénarès où il
pratique sa sadhana, s'est marié avec une indienne et publie des livres
spirituels intéressants en anglais, espagnol et parfois même en français.
Anandamayi : une rose mystique
par Mahendranath Sircar, docteur en philosophie
J'ai rencontré Mâ pour la première fois
en 1929 à Dacca où je m'étais rendu dans le cadre du Congrès indien de
philosophie. J'étais tout à fait décidé à la rencontrer. C'était un de mes amis
pour lequel j'avais beaucoup d'estime qui me l'avait conseillé. Il faisait
partie de ses proches. On m'avait dit qu'Anandamayi était douée de qualités
spirituelles rares. J'éprouve un grand intérêt à rentrer en contact personnel
avec des hommes ou des femmes qui ont des dons spirituels, en particulier quand
leur vision est authentique et n'est pas adultérée par de l'intellectualisme et
des idées d'emprunt.
Anandamayi n'a guère eu le privilège de
faire des études; elle est presqu'illettrée et n'a pas bénéficié dans sa
jeunesse de la compagnie d'être spirituels. En tant que maîtresse de maison
dans une famille d'humble condition, elle était occupée par la tenue du foyer.
Elle n'avait pas de monde en dehors du sien et de celui de sa famille proche.
Elle était une fille de village extrêmement simple, pas du tout compliquée et à
cent lieues des manières d'être qui caractérisent la vie de la civilisation
moderne. Cela fut mon impression lorsque je l'ai rencontrée pour la première
fois dans une maison à Ramna, Dacca. Elle était assise seule dans une chambre
plutôt grande et j'arrivai là-bas quand le soleil était déjà couché. Il y avait
une lumière dans la pièce et après m'être enquis du lieu où se trouvait Mâ, on
m'a invité à y rentrer, ce que je fis. Ma première impression a été d'un être
humain doux, délicat et beau comme une fleur. Ce jour-là, elle n'était pas très
communicative mais les mots même qu'elle échangeait produisaient un effet
évident. Elle se mit à s'intérioriser et à s'enfoncer en elle-même. Elle devint
complètement silencieuse, mais pas moins communicative; son silence était des
plus éloquent. Anandamayi était belle dans son apparence mais à mesure qu'elle
allait plus profond en elle-même elle devenait plus radieuse, manifestait plus
son humeur et son état d'esprit et fondait sa douceur et sa grandeur
silencieuse dans cette atmosphère de quiétude. Notre première rencontre s'acheva
en silence.
La nouvelle de notre entrevue fut
répandue dans le congès par un universitaire de Bombay. Les professeurs
distingués de Bombay, Poona, Madras et d'autres parties du pays me demandèrent
de les emmener chez Mâ. Le lendemain, nous étions tous réunis chez elle, la
maison était pleine. Un professeur du Wilson College menait la discussion et
j'étais l'interprète. Elle dura pendant trois heures et on posa toutes sortes
de questions, mais surtout sur des sujets de philosophie. Les réponses de Mâ
survenaient spontanément, immédiatement, comme si elles étaient là toutes
prêtes. Elle n'avait ni hésitation, pas le moindre processus de pensée
consciente, pas le moindre signe de nervosité en elle. Ses réponses tombaient à
point nommé, elles étaient libres des lourdeurs techniques de la philosophie.
Toute l'assistance s'est mise à aimer sa vive intelligence, son esprit de
répartie et les expressions de son visage qui parlaient à la fois au coeur et à
l'âme. On a entendu celui qui posait les questions dire que pendant tous ses
voyages en Europe et en Amérique, il n'avait pas rencontré de femme si
illettrée et pourtant si sage.
Vers la fin de la discussion, Anandamayi
était à l'évidence immergée en elle-même et en un moment d'inspiration émit une
ou deux phrases en sanskrit. On ne put les saisir et donc les noter. Toute
l'assemblée était dans la joie, émerveillée par sa sagesse, son expression qui
coulait de source et par la lumière de son sourire sur le visage.
J'ai revu Mâ quelques années plus tard
deux fois à Bénarès. Elle me fit une impression presqu'identique, avec cette
différence qu'elle était maintenant plus consciente et d'une humeur qui
semblait plus calme (composed). L'inconscience et la spontanéité en elle
étaient passées au second plan et elle était maintenant devenue une enseignante
consciente et l'interprète de sa propre expérience ... A certains moments elle
prenait son essor dans la région sublime de l'intuition et de l'Intellect et
sentait la totalité de l'existence dans son extension maxima. Elle mettait en
avant la non-division de l'existence et réalisait le silence transcendant avec
un calme de l'Intellect teinté par la ferveur des émotions. J'ai eu une fois la
chance de faire un voyage sur le Gange avec elle en avril dernier [probablement
en 1945] et j'ai entendu une description éloquente, dans un état d'exaltation,
à propos de son omniprésence et de son immanence en toute chose. Le fait
qu'elle soit elle-même une avec le coeur de l'existence ne signifie pas qu'elle
demeure sans cesse dans les plaisirs des hauteurs. Elle s'identifie souvent
avec les misères de l'humanité et montre son souci de porter sur ses épaules
son fardeau. Elle n'est plus maintenant inclinée à retomber dans ce silence qui
lui est naturel, mais elle souhaite vraiment assumer un service dépourvu d'égo
pour inspirer, guider et offrir un baume apaisant à l'humanité qui souffre. A
présent, elle se sent totalement imprégnée de vie, de souffle et de félicité.
Elle se reconnaît elle-même dans cette
pulsation cosmique qui exprime le fait d'être ici et maintenant, et pourtant
elle est loin au-delà dans un silence inaccessible. Anandamayi a dit une fois :
la satisfaction de chacun est ma satisfaction, le bonheur de chacun est mon
bonheur. Les misères de chacun sont mes misères. A d'autres occasions, elle
a dit : Il n'y a pas de misère, car je n'ai pas de misère. Le soleil et la
lune sont mes formes. Agni (le Feu) et Vayu (le Vent) sont mes pouvoirs. En
un autre moment d'inspiration, elle a dit : je n'attend pas que vous soyez
prêts spirituellement. Comme le Gange qui s'écoule, je continue à répandre sans
cesse, sur tous et tout ma compassion. C'est ma nature. C'est mon être ...
Son instruction principale est de
développer un abandon (surrender) complet au Divin grâce au coeur.
L'abandon ouvre l'être intérieur, lui insuffle une aspiration et le rend prêt à
recevoir; finalement il permet l'identification de l'âme qui aspire avec le
Divin dans cet espace qu'il y a au plus intime du coeur. Tout devient alors
facile; en effet, les déformations de notre être sont alors enlevées et il peut
se tenir debout, sans masque, dans la lumière et la splendeur divine. Une fois
que l'être a la touche du Divin, les impressions s'approfondissent grâce à
cette tendance ascendante de l'être qui se développe petit à petit. Une grande
force descend, elle purifie et donne forme à l'être et le rend digne d'une
réussite plus haute, c'est-à-dire la révélation de la sagesse profonde, d'une
lumière non tamisée et du pouvoir certain.
L'être (physiquement) frêle d'Anandamayi
se trouve illuminé par une lumière rare, ainsi qu'élevé par une rare vision.
Elle est vraiment devenue une Rose spirituelle d'où se dégage une douceur peu
commune, une délicatesse rare et des vagues d'une félicité excellente. J'ai vu
une de ses photographies qui avait été prise juste après l'une de ses extases.
On pouvait voir comme imprimé sur son visage un charme divin. C'est comme un
clair-obscur spirituel à la tombée du jour, mi-conscient, mi-inconscient de la
lumière qui se retire, un jeu d'ombre et de lumière divine. Elle était alors
comme un Lotus, réceptivité pure dans la lumière du Soleil enveloppée par
l'obscurité du crépuscule.
Nataraja
Par Monique Manfrini
Un pied levé
Et l'autre piétinant
Tu danses, entouré de flammes,
Le torse embrassé du serpent familier
Ton mouvement est Vie intense
Et immobilité sereine
La couronne de feu qui t'encercle
Sans jamais t'effleurer révèle ta puissance
Et la force de ta danse...
Tu relies ciel et terre
Ecrasant l'ignorance et la stupidité, vaincues,
Mais, élevant l'homme vers la vraie Vie
Cachée derrière Maya, le voile opaque
Dérobant le sens profond de ta danse.
Danseur de l'Univers,
Autour de toi gravitent
Les flammèches-planètes
Qui, sans cesse, s'agitent, meurent
Et renaissent, magiques,
Dans leur mouvement ordonné.
Bien que tu ne bouges pas,
Tout est équilibre
Mouvant autour de toi...
Nous t'admirons et vénérons
Ta beauté et ta Sagesse
O Dieu ascète qui danses
Pour nous révéler le Vrai
Blotti sous cette existence...
J'imagine ta danse, couronne
D'un pic de l'Himalaya, immaculée,
Sur fond d'azur bleu et doré,
Au point du Jour, éternellement
Renaissant de la création
Monique Manfrini 40 Chemin de Cézanne
n°23 La Campagne Bleue 13016 Marseille
Le maître
par Silviane Le Menn
Le maître n'est rien
il est tout dans l'un
et un dans le tout
Il est la balle de ping-pong
qui renvoie sans cesse
l'être à sa propre image
Ouvert ou fermé
il cultive la rose
Humain et divin d'un pôle à l'autre
il suit l'éternel rythme
du flux et du reflux
Point d'interrogation vivant
il est
les pieds dans la terrre
et la tête dans les étoiles
Il est planté droit
à l'intersection de lui-même
à la verticale de son horizontale
dans l'axe de sa transparence
à la croisée du coeur avec le Coeur
Le maître n'est rien
et pourtant il est tout
Compris et incompris
il est danger et sécurité
Il va d'un extrême à l'autre
Il fait tout et son contraire
et trouve ainsi le Centre
la Voie du milieu.
Silviane
Le Menn
29150
Dinéault
Les archétypes de l'union mystique dans l'hindouisme
par Jacques Vigne
Intégrer,
unifier, totaliser, en un mot abolir les contraires et réunir les fragments
est, dans l'Inde, la voie royale de l'Esprit.
Mircea Eliade
Mircea Eliade a passé plusieurs années
en Inde et à même pratiqué pendant quelque temps le yoga à Rishikesh sous la
guidance de Swami Shivananda. Il a écrit un livre sur le Yoga qui est devenu un
classique et un ouvrage sur l'androgyne dont nous avons tiré la citation en
exergue. Le monde intérieur comme extérieur repose sur les paires d'opposés
(dvandvas), le but de l'évolution humaine est d'aller au-delà de la dualité de
ces paires (a-davaïta). Dans ce long processus, la réussite du mariage
intérieur est une étape importante.
Nous pouvons commencer par évoquer le
rituel du mariage hindou tel qu'il est pratiqué encore couramment: le coeur de
ce rituel correspond au moment où les époux se prennent par la main et tournent
sept fois autour du feu sacré. Ceci évoque la construction d'une union
spirituelle (l'ascension spiralée des sept chakras) autour de cette base qu'est
le feu du foyer, ou le feu du désir. En effet, que deviendrait ce feu intérieur
s'il n'était pas recouvert et dépassé par le tournoiement, le vertige ascendant
du «deux» en train de devenir «un»?
On raconte une histoire à la fois
jolie et profonde sur le mystique Toukaram : sa femme était plutôt irascible
contre lui, car il ne rapportait guère d'argent à la maison. Un jour, Toukaram
venait de finir de récolter les cannes à sucre dans ce qui était son seul
champ; celui-ci était assez éloigné de sa maison et il revenait avec sa
charette chez lui. En chemin, il rencontre de pauvres gens et, pris de
compassion, il leur donne des cannes à sucre; puis d'autres cannes à d'autres
mendiants et ainsi de suite jusqu'au moment où il parvint chez lui avec juste
une seule canne qui restait dans la charrette. La femme apprit ce qui s'était
passé et dans sa fureur se saisit de la canne et la brisa en deux sur le dos de
Toukaram. Celui-ci devint très joyeux et dit:'Avant, il y avait un problème
parce que nous n'avions qu'une canne pour deux, mais maintenant il est résolu
car nous avons deux pour deux, chacun la nôtre!' La femme représente ici le
désir physique qui veut toujours posséder plus, d'où la colère qui amène à
briser le un en deux et produit un sentiment de frustration à long terme.
Toukaram représente le mariage extérieur vécu spirituellement, ou même
directement le mariage intérieur: dans le deux apparent, il ne voit que le un
et en retire de la satisfaction, de la joie à long terme. Ce sont des points de
vue différents sur la même situation concrète de départ.
Il existe dans l'hindouisme une
représentation quelque peu étrange de l'union mystique, mais qui s'explique
aisément si on connaît un tant soit peu le Yoga; il s'agit de celle de la
déesse tantrique Chinnamasta (masta, tête chinna, coupée). On la représente
nue, dansant sur Kama et Rati, le dieu et la déesse du désir allongés en union
sexuelle au sein d'un lotus géant, et elle tient sa propre tête coupée entre
les mains. De son cou sortent trois jets de sang; celui du centre nourrit sa
propre tête, les deux latéraux alimentent ses deux compagnes qui avaient faim
et soif et qui lui avaient demandé quelque chose pour se nourrir. Comme ils
étaient en pleine mer et qu'elle n'avait rien d'autre, elle s'est tranché la
tête et leur a offert son propre sang. La danse de Chinnamasta sur le couple en
union représente la montée de l'énergie vitale. Le jet central correspond au
sushumna, et le fait qu'il nourrisse la tête de la déesse elle-même exprime le
rayonnement spirituel qui découle d'une montée réussie de l'énergie. Ce
rayonnement profite également aux autres, d'où les deux jets latéraux
alimentant les compagnes. Du point de vue non-duel, la vie de la nature où
certains animaux mangent les autres et l'homme mange les animaux évoque le
sacrifice incessant de la déesse-mère qui est à la fois celle qui mange et
celle qui est mangée, c'est comme cela que Mâ Anandamayi avait interprété le
symbole pour un visiteur qui lui avait posé la question. Dans la voie de la
dévotion, bhakti, les fidèles sont en général considérés comme féminins, Dieu
étant le seul homme, on retrouve cela dans le christianisme où c'est l'âme
féminine qui s'unit au Christ ou au Père. C'est dans ce sens-là qu'il faut
comprendre l'histoire de Krishna entouré des seize mille gopis (bergères); il
correspond au Soi unique qui exerce sa fascination au plus profond de chaque
âme. Les gopis peuvent aussi représenter les multiples facettes ou
subpersonnalités du psychisme, chacune étant attirée à son niveau et à sa
manière par le Soi. Mirabaï était une célèbre adoratrice de Krishna. On raconte
qu'elle est venue un jour dans le haut-lieu de son culte, Vrindavan sur le bord
de la Yamuna, en aval de Delhi. Elle voulait y rencontrer un moine réputé, le
successeur du saint Chaitanya Mahaprabhu, mais celui-ci était un ascète très
strict et lui fit répondre par son disciple qu'il ne voyait pas les femmes.
Mirabaï a répliqué: 'Je croyais qu'ici il n'y avait qu'un seul homme, Krishna.'
Le saint fut frappé par cette réponse et sortit avec grand respect pour la
rencontrer.
La relation entre u,n ou une femme
guru et ses disciples de l'autre sexe, peut aussi être considérée comme un
mariage spirituel. Me revient en mémoire un exemple où une fois, cela a même
débouché sur un mariage légal. Upasani Baba était le disciple principal de Sai
Baba de Shirdi, le saint le plus connu de l'Inde du début du XXe siècle. Il
commençait à avoir lui-même un petit groupe de disciples femmes, mais leurs
familles faisaient des difficultés et voulaient les reprendre pour les marier.
Profitant du droit de l'époque inspiré par la loi musulmane et autorisant la
polygamie, Upasani Baba épousa légalement cinq ou six d'entre elles le même
jour. La cérémonie se déroula près de la statue de la divinité qu'ils adoraient,
le maître prit d'une main la main de la statue et de l'autre côté demanda à ses
disciples de lui tenir le bras. Les familles ont dû s'incliner, et il se trouve
qu'un siècle après, l'ashram d'Upasani Baba près de Shirdi, au Maharashtra, est
une des plus grande institution religieuse d'Inde pour les moniales. C'est
comme si ce mariage spirituel était si stable qu'il et passé d'une génération à
l'autre.
Le mariage intérieur n'est pas un but
en soi, mais un moyen pour avoir une ouverture vers le divin. On peut mieux
saisir cela en comparant la position des mains d'Arjoûna et de Shiva. Arjoûna,
le guerrier qui pose les questions dans la Bhagavad-Gîtâ, voulait recevoir une
arme miraculeuse des mains de Shiva et s'est donc mis à faire pénitence. Il est
représenté debout sur un pied avec les mains jointes au dessus de la tête dans
une ancienne sculpture (VIe siècle) taillée à même le rocher à Mahabalipuram en
bord de mer, au Tamil-Nadou, nous y reviendrons à la fin de ce chapitre. Les
mains jointes sont le signe naturel d'une humble requête. Quand elles sont
au-dessus de la tête, elles marquent une intensification qui transforme la
demande en imploration. On peut mentionner, en passant, le mouvement analogue
des ailes des chérubins dans la Bible; elles se rejoignent au-dessus de leur
tête, là où, dit-on, Dieu est assis. Cette rencontre permanente des mains ou
des ailes le long de l'axe médian évoque l'union des canaux et le mariage
intérieur.
A l'opposé, la première qualité de
Shiva est, d'après le Shaiva Siddhanta, l'école shivaïte principale du Sud de
l'Inde, qu'il ne joint jamais les mains en signe de demande ou d'obéissance.
Quand on le représente, par exemple, à Chidambaram, sous forme de Nataraj, le
roi de la danse, il a les quatre bras grand ouverts et l'impression d'expansion
est encore augmentée par le prabhâ mandal, le cercle de flammes qui l'entoure.
Le nom même du lieu où il danse signifie espace, ambaram, de conscience, chid.
Pour nous résumer, on peut parler d'un double courant: la concentration sur un
point donné des courants de sensations latéraux, exprimés par l'appui des mains
l'une contre l'autre, amène à une absorption complète, puis celle-ci se
tranforme soudain en explosion avec perception directe et immédiate de l'espace
tout entier. C'est ainsi que le mariage intérieur réussi mène spontanément à
son propre dépassement dans le Soi.
Mariage de Shiva et Shakti et
expérience d'immortalité
Le sage et écrivain mystique du
Maharashtra médiéval Jñaneshwar a commencé un de ses principaux livres, Expérience
d'immortalité par un chapitre sur l'identité de Shiva et Shakti. Celle-ci
correspond à la manifestation et Shiva à l'Absolu. Il continue ensuite par un
chapitre sur l'unité du gourou et du disciple que nous avons cité dans Le
maître et le thérapeute. C'est un des plus beaux textes de la littérature
indienne sur ces sujets. Les images sont assez claires et poétiques en
elles-mêmes et chacun peut les méditer comme il le sent.
D'entrée de jeu, Jñaneshwar présente
Shiva et Shakti comme un couple plus que parfait: «Par amour, l'époux lui même est devenu l'épouse
(verset 2). Shiva et Shakti sont si intimement unis qu'ils s'avalent l'un
l'autre tout le temps afin de prévenir toute rupture dans leur unité; ils ne se
séparent que pour mieux profiter (de la présence) l'un de l'autre dans leur
amour réciproque.(v.3)... Ils ont engendré un enfant aussi grand que l'univers,
mais ils sont toujours conscients qu'aucun sens de dualité ne doive entacher
leur amour mutuel. Ils s'assurent que l'émergence de l'univers n'a pas lieu
comme une troisième entité séparée d'eux-mêmes, et que l'unité originale
continue à demeurer à tout jamais. (v.6, 7)»
«Il est impossible de décrire l'amour qu'ils ont
l'un pour l'autre -leur relation est tellement intime qu'on peut les découvrir
en train d'exister ensemble dans l'atome et les particules subatomiques. Aucun
des deux n'a d'existence indépendante et aucun d'eux ne peut produire même un
brin d'herbe en l'absence de l'autre.(v.11,12) Ils deviennent tous les deux
sujet et objet l'un par rapport à l'autre, et les deux sont subjectivité dans
leur unité.(v.16).»
«Le discernement qui désirait faire une différence
entre eux deux a été tellement submergé par l'intimité de leur relation qu'il
en a perdu la face et s'est caché en se fondant dans leur non-dualité. (v.9)
Lui qui par amour d'elle est devenu le spectateur et qui manifeste l'univers
entier, perd sa forme en son absence et perd tout intérêt dans la manifestation
de l'univers. (v.33) Shiva et Shakti, chacun met en avant la prééminence de
l'autre en réduisant l'espace de sa propre influence. (v.32)»
«Shakti présente à son époux Shiva de la nourriture
sous forme des objets multiples de l'univers et Shiva, ainsi éveillé, dévore
non seulement l'univers apparent mais aussi Shakti elle-même qui lui a présenté
les aliments. (v.36) La femme ayant épousé Cela qui perdure après que tout s'en
soit allé et qui tient de là son autorité, et sans laquelle Cela n'est pas même
conscient de lui-même, cette femme n'est pas différente deCela. (v.27) Le jour
et la nuit sont tous deux inconnus du Soleil, de même une compréhension de
l'unité essentielle entre Shiva et Shakti dissipe tout sens de dualité.(v.43)»
«Tout effort pour identifier les deux, Shiva et
Shakti, mène à l'absolu silence des mots, de même qu'il est impossible de
distinguer entre deux différentes rivières quand toute la région est inondée
par les flots. (v.46)»
Ma Anandamyi disait qu'elle avait
exploré dans sa jeunesse toutes les voies de sadhana pendant une période
qu'elle appelait le «jeu de la sadhana». On lui a alors demandé quelle avait été son
expérience du tantrisme de la main gauche. Elle a simplement répondu :«l'union de l'hommme et de la femme est à
l'intérieur»
Le mariage de la conscience (Shiva) et
de l'énergie (Shakti) peut être interprété du point de vue du bouddhisme
théravada comme celui de de la respiration elle-même et de l'observation de
cette respiration, celle-ci étant liée à l'énergie. Par ailleurs, la relation
d'unité dans le cadre d'une polarité tenue par deux personnes divines pourrait
faire parler de bi-unité. Celle-ci évoque fortement la tri-unité
caractéristique de la Trinité chrétienne. Là, les personnes sont distinguées
sans séparation et unies sans confusion, comme le dit la théologie
traditionnelle. Il est intéressant de noter aussi qu'on peut repérer une
tension analogue entre védanta et shivaïsme du Cachemire d'une part, et entre
monothéisme juif orthodoxe et cabbale d'autre part. Dans le premier cas,
védanta et orthodoxie juive ancienne, il y a une unité absolue (Brahman, YHWH)
qui ne tolère aucune polarisation, alors que dans le second est développé un
couple masculin-féminin, Siva-Shakti en Inde ou le Roi et la Reine dans la
cabbale. Cette polarisation reste cependant une étape du pèlerin en route vers
l'Unité; comme le dit Abhinavagupta en citant un auteur dont il ne donne pas le
nom :«ayant réduit le multiple à l'Un, qui ne serait pas
libéré des liens? iv».
Notes
i) Eliade Mircea,
Méphistophélès et l'androgyne, Gallimard, Folio-essais, 1962, p.139
ii) Le Yoga Payot
ainsi qu'un livre plus court, Patanjali et le Yoga dans la collection Maîtres
spirituels au Seuil
iii) Jñnaneshwar
Amritanubhava -Experience of immortality commentairy by Ramesh Balsekar (a
disciple of Nisargadatta Maharaj) Chetana, Bombay, 1984, chapter 1- livre
traduit enfrançais par Inner Quest, si mes souvenirs sont bons.
iv) Person to Person:
on Abhinavagupta Père Jean Dupuche, communication faite à un séminaire à
Bangalore en 1977 qu'il a eu l'amabilité de me communiquer
Nouvelles
- La version complète en anglais du
journal spirituel d'Atmananda vient d'être publiée. Nous l'avons annoncé avec
les détails pratiques pour ceux qui souhaitent se la procurer
- Jean-Claude Marol va bientôt faire
sortir un nouveau livre sur Mâ Anandamayi. Tenez-vous au courant, quand nous en
aurons l'information nous l'annoncerons.
- Le travail pour le site de Mâ en
espagnol progresse. Il y a déjà en ligne ‘In your heart is my abode’ de Bithika
Mukerji. Jacques Vigne a avec lui le manuscrit de la traduction de ‘Words of Mâ’
qu'il va falloir scanner ou saisir d'une façon ou d'une autre sur ordinateur
d'ici un mois ou deux. Il est probable que l'ouvrage sera non seulement sur le
site de Mâ, mais aussi sur un site organisé par l'Ambassade d'Espagne en Inde,
ce qui permettra une meilleure diffusion dans le monde hispanisant. Un couple
d'amis enseignants et philosophes vivant à Malaga mais qui ont étudié à Bénarès,
travaillent à traduire Matri Darshan de Bhaïji. D'après les estimations des
démographes, dans le courant du XXIe siècle les deux langues les plus parlées
dans le monde ne seront pas l'anglais, mais l'espagnol et l'arabe. Atmananda
souhaitait qu'il y ait des textes de Mâ publiés en espagnol, maintenant son
voeu se concrétise au moins par l'intermédiaire de l'internet.
- La Kumbha-Méla de janvier s'est bien
déroulée malgré le foid. On estime à vingt ou vingt-cinq millions le nombre de
personnes qui l'ont visitée, et l'organisation de Mâ était présente grâce à son
camp. Une jeune française que nous connaissons, car elle a fait une retraite à
notre ashram de Kankhal, a été filmée par une équipe de la 5 et passera
probablement sur le petit écran vers fin mars ou début avril. Elle a choisi de
laisser pour trois semaine son travail d'enseignante du français à l'Université
de Bénarès pour faire du service en s'occupant des soins aux lépreux qui
viennent en grand nombre pour la Méla.
- Un groupe d'une quinzaine de
personnes réunies au départ par Initiations de Bruxelles viendra pour deux
semaines de retraite début avril, principalement à l'ashram de Patal Dévi à
Almora dans l'Himalaya avec Swami Nirgunananda, mais aussi quelques jours à
Kankhal pour avoir des satsangs avec Swami Vijayananda. D'autres occidentaux se
joindront probablement à cet évènement. C'est la première fois à ma
connaissance qu'un groupe d'occidentaux investit ainsi un ashram de Mâ, et est
réuni spécifiquement pour venir y faire retraite.
- Il est bien possible que Swami
Nirgunananda retourne en France cet été, bien que je n'ai pas encore
d'informations précises. Renseignements dans le prochain Jay Mâ, ou directement
auprès de Claude Portal, 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain-en-Laye, Tél: 01
34 51 74 41
- Après quelques années d'existence,
le Centre International de Kankhal se développe. De plus en plus de gens savent
qu'il existe et il arrive maintenant qu'il soit plein en période ordinaire,
c'est-à-dire en dehors des fêtes de l'ashram. Che va piano va sano...
- Jacques Vigne accompagnera un
pèlerinage au Mont Kailash, à l'ouest du Tibet, du 1er au 21 septembre. Mâ
avait été au Kailash en 1936 dans des conditions plutôt rudes (cf le cinquième
volume des livres de Gurupriya Devi sur Mâ). Le présent voyage est organisé par
Initiations (Montagne Saint-Job 90 1180 Bruxelles 00 32 2 395 48 11), avec
l'aide de professionnels de Delhi et Kathmandou. Ce voyage sera certainement
bien plus facile qu'à l'époque de Mâ car la plus grande partie du trajet est
faite en 4x4, et la marche elle-même n'est que de six jours autour du Kailash
et sur les bords du lac Mansarovar. Jacques Vigne reveindra ensuite, vers début
octobre en France à l'occasion de la sortie chez Albin Michel de son nouveau
livre sur’ Le Mariage intérieur’, et peut-être d'un autre text sur ‘L'écoute du
silence’ où il rapproche le Yoga, la Bible et le christianisme. Il repartira
vers l'Inde en mi-mars 2002.
Abonnements
Le renouvellement général des
abonnements a eu lieu lors du numéro d'octobre dernier. Ceux qui ne l'auraient
pas encore fait peuvent se mettre ne règle en envoyant un chèque de 90 Frs à
l'ordre de Jacques Vigne à Nadine et José Laudebat-Sanchez, 210 rue Galliéni,
92100 Boulogne Tél 01 41 31 28 00
L'abonnement est jusqu'en décembre
2002, soit 6 numéros.
Table des matières
Paroles de Ma p.1
Réponses de Vijayananda p.2
La mort doit mourir Journal
d'Atmananda p.4
Anandamayi, une rose mystique M.Sircar
p.16
Nataraja poème par Monique Manfrini
Le maître poème par Silviane Le Menn
p.22
Les archétypes du mariage intérieur
dans l'hindouisme
J.Vigne p.23
Nouvelles p.31
Abonnements p.34
Numéro 61 Eté 2001
Paroles de Mâ
Si vous êtes capable d'aimer Dieu
réellement - c'est l'achèvement de tout amour.
Le désir intense pour la réalisation
de Dieu est lui-même la voie qui y conduit.
Si quelque chose doit être obtenu
-quoi que ce soit, de quelque manière que ce soit- cela doit être obtenu de LUI
seul.
Le devoir obligatoire de l'homme en
tant qu'être humain est de chercher refuge à Ses pieds.
Les jours s'écoulent; vous en avez
déjà laissé passer tellement; efforcez-vous d'utiliser au mieux le nombre de
jours qui vous restent à vivre.
Le courant incessant, sans fin, de
miséricorde et de compassion divines se déverse sans cesse : dans ce courant
baignez-vous.
Où va celui qui part et d'où vient-il ? Pour ce corps [Ma] il n'y a
ni allée ni venue. Ce qui existait avant existe même maintenant. Qu'est-ce que
cela fait si l'on meurt ou si l'on reste en vie ? Même après la mort Il existe
encore, alors pourquoi se sentir bouleversé ?
Le voyage de la vie doit
inévitablement se dérouler de la manière que vous avez décrite. Scrutez chaque
foyer et voyez combien de personnes n'ont jamais connu de deuils. C'est
pourquoi la seule manière de sortir de cette misère est la voie de la
réalisation du Soi.
Le Soi, en lui-même contenu, ne
faisant appel qu'à Lui-même pour Sa propre Révélation -ceci, c'est le bonheur.
Réponses de Vijayananda
- Est-ce que vous avez eu des moments de doute ?
- Vijayananda : Jamais à propos de la sadhana elle-même, j'ai toujours été
convaincu que c'était la seule chose qui vaille vraiment la peine. Je n'ai
jamais douté de la grandeur spirituelle de Mä Anandamayi, mais quelquefois je
me demandais si, étant complètement immergée dans l'orthodoxie hindoue, elle
était capable de guider un occidental né et élevé dans une tradition totalement
différente. Mais cela a été utile, parce que j'ai été obligé d'atteindre le
«dénominateur commun», c'est-à-dire le niveau commun à toutes les religions.
- Un visiteur français qui vit depuis
plusieurs années en Inde : Est-ce que vous avez senti dans votre méditation des
points de non-retour où vous sentiez que vous ne pouviez plus régresser ou
retomber ?
V : Oui, le jour où j'ai rencontré Mâ.
Elle m'a donné le shaktipath, l'éveil du pouvoir intérieur que seul un
maître authentique peut donner et qui crée une relation éternelle,
indestructible entre maître et disciple.
- Est-ce que vous avez le sentiment malgré cela
d'avoir fait des progrès après ?
V : Bien sûr, à moins d'être au sommet de
la Réalisation, il faut travailler. On dit, dans les Yoga Sutras de Patanjali il
me semble, qu'il y a un moment où le rocher roule en bas de la montagne; il a
trouvé son équilibre et ne peut plus remonter : c'est le sahaja sâmadhi,
l'état naturel.
- Parfois j'ai l'impression que Mâ
m'entend, parfois non, pourquoi ?
V : C'est que vous n'appellez pas avec
assez d'insistance. Le seul langage que Mâ (Dieu) comprenne, c'est celui du bhava,
c'est-à-dire l'intensité de l'émotion. Les mots ne sont qu'un support pour le
bhava. Si vous priez avec cette intensité jusqu'à ce que des larmes vous coulent
des yeux, votre prière sera sûrement exaucée.
- Ai-je raison de penser que c'est
tous les jours l'anniversaire de Mâ (et pas un jour en particulier) et qu'elle
est aussi ailleurs que dans le samadhi
où l'on peut pénétrer ce jour-là ?
V : A ceux qui demandaient, une année, à
Mâ où se déroulerait son prochain anniversaire, elle a dit : «Que ceux qui
croient à la vie et à la mort s'en occupent !» Et puis, bien sûr, Mâ est
partout et surtout dans notre coeur, elle voit tout et elle sait tout encore
maintenant.
La place de Dieu est dans le coeur de l'homme
Extrait de «Ten inspiring stories», de Shivananda (traduction)
Un homme riche était sur son lit de mort.
Un jour, il appela son fils et dit : «Mon fils, très bientôt, je vous
quitterai. N'ouvre pas l'armoire qui se trouve dans le coin de cette chambre, à
moins de tomber en très mauvais état, totalement désespéré et désemparé. Sur
ces mots, l'homme ferma les yeux pour toujours.
Il se fait que son fils était très
dépensier et en très peu de temps il eut dépensé tout l'argent qu'il avait et
se retrouva sans le sou, à tel point qu'il ne pouvait même plus subvenir aux
besoins de sa famille.
A ce moment-là il se rappela les
dernières paroles de son père et alla ouvrir l'armoire. Son désapointement fut
grand de constater que l'armoire était vide, ormis quelques vieux chiffons. De
dépit, il les jetta au loin et commença à creuser à l'endroit même, dans
l'espoir de trouver un trésor caché. En vain.
A ce moment-là un sadhu passa par là.
L'apercevant, le fils se précipita sur lui en sollicitant son aide. Le sadhu
accepta de lui porter assistance et le suivit dans la demeure.
En approchant de l'armoire, il la scruta
des yeux et dit : «Je voudrais examiner l'armoire, installe-moi un siège tout
près».
Assis à côté de l'armoire, il commença
par la vider des chiffons et se mit à gratter le vernis noir dont elle était
enduite et ne tarda pas à s'exclamer : «Quelle merveille. Faites, attention,
cette armoire est en or solide.»
A ces mots, toute la maisonnée se
rassembla et leur joie ne connut pas de limites; ils se prosternèrent aux pieds
du sadhu.
A nouveau, ils étaient riches et
coulèrent des jours heureux en faisant bon usage de leurs richesses.
Mâ, qui racontait l'histoire, commenta :
«Le coeur de tout homme est une armoire en or, qui est la demeure de Dieu. Il
suffit simplement d'enlever la couche de peinture extérieure et de la vider et
l'on trouvera Dieu qui sera sa parure».
Mâ Anandamayi
par Prabash Chandra Gupta
Pour rappel, ce livre a été retrouvé
récemment par Swami Nirgunananda à Almora. Tout le monde semblait en avoir
oublié l'existence; pourtant, il s'agit du premier recueil des expériences des
premiers disciples de Mâ. Il a été publié en anglais à Calcutta en 1946.
C'était en 1938. Je dînais chez un ami.
Ils y avaient d'autres convives, certains que je connaissais, d'autres, non. Je
ne me rappelle plus de comment nous en sommes venus à parler de dirigeants
spirituels. A chaque fois qu'un nom était cité dans la discussion, il faisait
l'objet de commentaires cyniques. Ce dont je me souviens très bien, c'est que
l'on ne fut pas plus tendre avec Mâ Anandamayi. Ce que j'en avais entendu en
quittant la maison de mon hôte continuait de résonner dans mes oreilles : CE
N'EST QU'UNE FEMME. Ces mots traduisaient-ils un sentiment
d'indifférence ou avaient-ils pour but de masquer un ressenti plus authentique
?
Puis en 1940 je retrouvai mon unique ami
d'école. Nous étions très proches. Je ne l'avais plus vu depuis plusieurs
années. Il se mit à me parler de Mâ. Alors les mots RIEN QU'UNE FEMME me
revinrent à la mémoire. Je priai avec insistance mon ami de me mener auprès de
Mä, ce que Niraj fit. C'est alors que je la vis et eus ma réponse. Oui, C'ETAIT
UNE FEMME : tout amour, pureté, innocence et beauté. Et je me demandai
quelle était sa principale caractéristique ? Le plus frappant était-il qu'elle
créait une atmosphère agréable ? Peut-être. Puis je regardai les choses
différemment et je compris que c'était sa manière d'être détachée.
Ce qui n'était au début que de la
curiosité de ma part devint un réel intérêt et je fis ma routine d'accompagner
mon ami quotidiennement pour le DARSHAN. Elle ne prenait pas disciples
et donc n'avait pas à agir dans un but intéressé. Cela était à la fois noble et
rare. Jamais auparavant n'avais-je vu un être humain aussi dénué des entraves
de sentiments particuliers ou personnels. Jamais je n'avais vu un mortel
revêtir si parfaitement le don divin d'impartialité.
Cela me rendit rêveur et alimenta mes
pensées de manière plaisante. Je me pris à classifier les êtres selon un
intérêt décroissant dans l'environnement immédiat. Je commençai par l'amibe et
terminai par le mathématicien. Le maximum de détachement semble pouvoir être
atteint dans les mathématiques pures. L'esprit se meut dans une trame infiniment
compliquée qui est absolument libre de considérations temporelles. Mais
l'activité du mathématicien lui donne un avantage inhérent : il ne peut que se
tromper et ne peut pas tricher, alors que le métaphysicien, lui, le peut.
Etais-je en train de devenir partial envers l'impartialité du métaphysicien ?
Certainement pas. Les problèmes dont s'occupait Mère apparaissaient être
d'importance accablante quand elle s'y intéressait. Une foule de gens composée
de personnes critiques et crédules les écoutait avec une attention profonde.
Elle traitait les problèmes exposés avec grande exactitude, comme s'ils étaient
un quizz dans la théorie des nombres. C'était l'aube d'une nouvelle ère dans
mon existence. L'on me demanda de conduire Mère au collège théosophique de
Rajghat, à Bénarès. B. Sanjiva Rao, le fondateur et secrétaire de ce collège,
était venu pour le darshan et avait invité Mâ à Rajghat. Ce M. Rao, mon
ancien professeur et à cette époque
mon supérieur immédiat, m'avait prié de
l'escorter; c'était un grand honneur pour moi. Je me suis senti doubler de
volume sous l'effet de l'importance. Mon coeur était devenu plus léger. Je me
sentais comme dans un avion qui avait décollé du sol sans qu'on s'en aperçoive;
je montais de plus en plus haut sous l'effet de l'exitation et contemplais le
monde en-dessous. Mon exitation venait de ce que je découvrais : je n'avais
jamais encore vu la terre aussi glorieuse.
Je pensai à toutes les questions qui
seraient certainement posées par les personnes de Rajghat. L'un ou l'autre
demandera : «Où suis-je ?», ou bien «Que suis-je ?», un autre encore «De quelle
causalité est-ce que je tiens mon existence et à quel état
retournerai-je ?». Un troisième, «De qui vais-je rechercher les faveurs, de qui
dois-je craindre la colère ?», un quatrième, «Quels êtres m'entourent-ils ? Sur
qui ai-je de l'influence ? Qui a une quelquonque influence sur moi ?» Je savais
qu'ils s'attendraient à de la logique et de la philosophie, alors que chez Mère
le dernier vestige de pénétration théologique a été repoussé. C'est comme si la
raison, dans toute sa force et sa pureté, était devenue Sienne. Quand elle
parle, je vois tout d'abord de l'étonement apparaître sur le visage de ses
interlocuteurs, puis de la confusion et, finalement, une étincelle indiquant la
compréhension dans leurs yeux. Ils n'avaient jamais pensé pouvoir recevoir
réponse aussi simple. Alors que M. Rao l'accompagnait au véhicule qui
l'attendait, il me lança : «Prabash, c'est une grande âme que j'ai rencontrée
aujourd'hui.»
Le temps passa. J'eus beaucoup
d'occasions d'être parmi la foule de gens qui se pressait pour avoir le darshan,
que ce soit à la maison pour pélerins de Lucknow ou chez mon ancien
camarade de classe, à Lucknow, dans les salles d'attente ou sur les quais de la
gare de la même ville ou à Rai-Bareilly. J'ai vu des groupes entiers d'hommes
et de femmes La regardant avec un amour et une estime retenus et d'autres
débordant de joie délirante. Les sentiments et le sentimentalisme prenaient-ils
leurs aises ? Mère gardait un sourire serein tout du long. Elle était «le désir
du coeur combiné à la lumière des yeux». Et j'avais plaisir à comparer ce
rayonnement de sérénité aux émanations du soleil «dont le faisceau est l'essieu
de la terre, dont le battement scande une année et dont le souffle est son
océan». Pendant un instant fugace, la vie se dévoila à moi avec son pouvoir
d'amour, de joie et d'admiration. Quand les mots sortent de Sa bouche un
tressaillement vous passe dans les veines et le pouvoir est presque visible.
Le monde n'a pas été divisé par les murs
de l'individualité; le courant limpide de la connaissance ne s'est pas perdu
dans les sables mornes des habitudes désuettes; «l'esprit est dénué de peur et
la connaissance est libre et disponible».
Interprétation des paroles de Mère ( Matrivani) à partir de la physique
par S.K. Bose (traduction)
S.K. Bose est un disciple de Mâ. Il
est professeur-directeur de laboratoire en physique fondamentale, spécialisé en
cristallographie et les nouvelles formes de rayons X. Dans les pages
ci-dessous, il exprime des vérités spirituelles énoncées par Mâ dans un langage
et avec des images tirées de la physique moderne. Il y a une longue tradition
de scientifiques spirituels, depuis Pythagore et les présocratiques en Grèce,
les penseurs jaïns en Inde, plus récemment Pascal, Leibnitz, Goethe et de
nombreuses personnalités qui écrivent de nos jours dans ce domaine qu'on
appelle transdisciplinaire.
L'auteur remercie Richard Lannoy qui a
publié dans son livre Anandmayee quelques
événements inédits qui l'ont inspiré pour analyser Ses paroles à la lumière de
la cosmologie astrophysique.
Richard Lannoy, dans son livre Anandamayee,
cite des paroles de Sri Sri Mâ en réponse à un de ses dévots qui sont à la
fois utiles et importantes : «Une relation éternelle existe entre Dieu et
l'homme. Mais dans Son jeu il arrive que cette relation se casse ou plutôt
semble être rompue. Il n'en va pas vraiment ainsi, car le lien est éternel.
Quelqu'un qui est venu voir ce corps a dit être un nouveau venu. La
réponse qu'il reçut fut DEPUIS TOUJOURS NOUVEAU ET DEPUIS TOUJOURS
ANCIEN.»
Ce genre de réponse de la part de Mä
trouve une explication hautement scientifique qui révèle indirectement que Sri
Sri Mâ vécu parmi nous dans un état éternel fascinant d'omniscience, d'omnipotence
et d'omniprésence tout en étant dans l'univers physique du temps, de l'espace
et de la matière. En clair, elle était la «complétude» de toutes les existences
«finies» et même plus que cela. Nous tous, les vivants et les autres, sommes
contenus dans un plus large «tout» qui subit un cycle sans fin de
transformations, alors que Son aspect éternel transcendant est à jamais complet
et inchangé. Les structures de ce genre, dans l'astrophysique quantique,
s'appellent POINT OMEGA.
Mathématiquement parlant, l'achèvement de
toutes les existences finies, et même plus, est fini à cause du fait que les
interactions entre les événements qui se sont passés, se passent et se
passeront dans toute l'histoire de l'univers convergent à un moment donné vers
un point appellé le point Omega. Selon la théorie de Penrose, toute
l'historique du présent, du passé et de l'avenir se retrouve interceptée au
point Omega sous une forme hautement condensée. Sri Sri Mâ parlait souvent de brahmabindu
qui semble être synonyme du point Omega.
Les signaux concernant les personnes
ayant vécu il y a des millénaires, qui sont en vie dans le présent et qui
vivront dans des milliers d'années dans l'univers sont stockés dans la mémoire
de Sri Sri Mâ au point Omega et de ce fait elles font l'expérience de la
totalité de l'histoire de l'univers toutes en même temps. Il lui est donc
possible d'identifier une personne, que celle-ci soit nouvelle ou non. C'est
sans doute ce qui l'avait fait répondre DEPUIS TOUJOURS NOUVEAU ET
DEPUIS TOUJOURS ANCIEN. Cela prouve que tous les êtres sont associés
à elle de manière cohérente et qu'elle en est consciente en permanence, étant
omniprésente, omnisciente et omnipotente. Pour des gens comme nous, le jeu
divin (lila) de Sri Sri Mâ n'était pas une question de jouer avec Dieu,
mais bien de l'humanité qui s'assure de son union avec Dieu.
Réflexions sur quelques paroles de Sri Sri Mâ avec l'aide du langage
scientifique
par S.K. Bose (traduction)
A maintes occasions, lors des entretiens,
Sri Sri Mâ exprima son sentiment envers la conscience divine avec des mots
choisis qui, en général, n'étaient pas compréhensibles pour beaucoup d'entre
nous.
Avec la bénédiction de Sri Sri Mâ suit
ci-après une tentative d'explication et d'analyse de quelques-unes de ses
paroles sous un angle scientifique, ce qui pourra peut-être en aider certains à
revoir leurs pratiques spirituelles.
Le pouvoir de comprendre
l'incompréhensible, de connaître quelqu'un qui est à l'intérieur de nous peut
être obtenu en suivant scrupuleusement la voie et les instructions données par
le gourou. Mâ a fait cette déclaration plusieurs fois, recommendant de ne pas
relâcher ses efforts dans la sâdhana jusqu'à ce que l'illumination soit
obtenue. Il s'agit de rester imperturbable dans ses efforts et de garder à
l'esprit que l'adoration n'est pas un rite, mais une attitude, une expérience
visant à atteindre le sommeil yogique. Sri Sri Mä était d'accord pour dire que
toute interruption ou discontinuité engendrerait des courants de pensée
parasites chez le pratiquant, atténuant la tendance de l'esprit à atteindre la Force
Suprême. L'on se doit donc d'avoir de la constance, tel un flot continu
d'huile, jusqu'au moment où l'on fait l'expérience de la convergence. C'est
comme le courant électrique, l'électricité, qui n'est rien d'autre que l'union
de deux opposés. Similairement, l'être suprême apparaît au moment où la
conjonction s'opère. Ce serait comme une réaction chimique qui se passerait
entre l'amour divin (DL) et le désir (DD), DD étant le soluté et DL, la solution
qui le reçoit.
DL+DD DL DD+E(cal)
E représente l'énergie absorbée au cours
du processus qui donne une solution homogène DL DD, tout comme dans les
réactions endodermiques. Une fois la réaction terminée, le désir (DD) ne sera
plus un élément isolé, il se sera perdu dans l'amour divin (DL). Ceci est
l'objectif premier dans la sâdhana pratiquée pour atteindre l'illumination. Sri
Sri Mâ a fait plusieurs allusions dans ce sens dans un langage télégrammique
parfait.
Pour comprendre la réaction spirituelle,
on peut se reporter au graphique de la figure 1 pour en comprendre la
mécanisme. Celui-ci montre les variations de l'amour divin (DL) et du désir
agissant comme des unités fictives lors du saut (dn /dt) qui se produit au
cours de la sâdhana.
Sri Sri Ma conseilla souvent de
commencer la sädhana sans plus perdre de temps, de s'asseoir et de se
concentrer sur l'amour divin. De laisser les désirs qui encombrent l'esprit
jusqu'à arriver au moment critique, comme au début du graphique de la figure 1,
c'est-à-dire dans un état mental complètement libéré des désirs (DD), un état
de repos total.
C'est ce que montre plus clairement la
figure 2 qui indique un accroissement graduel de l'amour divin alors que les
désirs se dissolvent en lui.
Dans un langage mathématique,
l'amour divin
DL
1/DD = k/DD
K
est une constante dont la magnitude et la direction sont différentes selon les
personnes et les facteurs propres à chacun, les événements de l'espace/temps
qui ont une influence sur la nature puis le développement de tout un chacun
depuis la naissance et tout au long des expériences vécues. C'est sans doute la
raison pour laquelle l'apparition du temps critique (Tc) est impossible à
prédire pour une personne. Sri Sri Mâ y fait référence en quelques mots, comme
Richard Lannoy le raconte si bien dans son livre. Le tout est de s'efforcer
sans cesse de saisir le moment suprême; l'être suprême est présent à tout
moment, mais notre ignorance fait que nous échouons constamment, alors que cela
peut se passer à tout moment. Sri Sri Mâ disait souvent «Je suis un enfant et
vous, mes parents». Ceci signifie qu'elle n'avait pas l'ombre d'un désir. Cette
absence de désir, comme chez l'enfant, se trouve donc au point d'origine dans
la figure 2 et indique qu'elle était à tout moment immergée dans l'océan de
l'amour divin infini.
Sri Sri Mâ souhaitait par conséquent que
nous ne perdions plus de temps, nous incitant à nous asseoir pour la sâdhana
afin de dissoudre totalement les désirs dans l'amour divin. Cela accompli,
l'esprit est complètement détaché de la gangue du matériel et tous les moments
pourront être vécus comme captivants. A ce niveau, le passé, le présent et
l'avenir ne seront plus séparés et toute l'histoire universelle convergera au
moment critique en un seul point, le point Omega de la cosmologie ou Brahma
bindu, comme l'appelle Sri Sri Mä, à savoir le point qui consolide les
expériences de toute l'histoire universelle toutes ensemble (2,4). L'important
est de vouloir de tout son être saisir le moment critique, ce qui fera réaliser
à la personne que tout le matériel qui est ou qui n'est pas est à Lui et
est Lui seul.
En conclusion, Sri Sri Mâ avait mis sur
la voie de cette approche de manière directe et indirecte, le but étant de
saisir le moment suprême en rompant totalement d'avec les désirs et en arrivant
au point Omega, selon la terminologie de la cosmologie, un état absolument
dénué de désirs. A ce stade, l'esprit goûtera à la saveur de la joie suprême
naturelle.
Mataji a le kheyala
de quitter Dacca
par Bithika Mukherki
Sur le chemin du retour, Mataji passa par
Calcutta, Puri et Vidyakut. Maintenant que Bholanath n'était plus tenu par
aucun travail, on se rendit compte qu'ils pouvaient fort bien ne plus revenir à
Dacca. Shashanka Mohan et quelques autres allèrent à Vidyakut pour convaincre
Bholanath de rentrer à Dacca quelques jours avant l'anniversaire de Mataji (en
mai 1929). Entre temps, les efforts de Bhâiji, de Niranjan Rai et des autres
avaient porté leurs fruits. Le terrain de Ramna avait pu être acheté et on y
avait construit une petite hutte en terre pour Mataji. Elle avait eu le kheyâla
de ne pas loger dans un bâtiment en briques. L'anniversaire fut à nouveau
célébré dans l'enthousiasme à Siddeshwari. Dans le courant du mois de mai,
Mataji fut invitée à inaugurer le nouvel ashram de Ramna. Elle était l'image
même d'une divinité, radieuse, d'une beauté indescriptible. L'un après l'autre,
les fidèles venaient se prosterner devant elle. Elle regarda Bholanath avec une
lueur malicieuse dans les yeux et dit : «Vas-tu faire le pranâma, toi aussi ?».
Mais il secoua la tête en souriant. Alors Maroni (1), qui n'était pas loin,
s'exclama : «J'ai vu grand-père se prosterner devant grand-mère». Le secret
ainsi trahi d'une façon inattendue fit rire tout le monde de bon coeur.
Un jour où Bholanath était absent, Mataji
fit le tour de l'ashram posant parfois les mains sur le mur d'enceinte. Didi
l'observait et fut prise d'une crainte soudaine : elle se souvint qu'elle avait
agi de même avant de quitter Shabagh définitivement. Les proches de Mataji
savent qu'à certains moments, le plus hardi d'entre eux n'ose pas lui dire un
mot, tant elle parait lointaine et inaccessible. En ces moments elle semble ne
plus reconnaître personne ni se soucier aucunement des opinions d'autrui. On se
doutait que Mataji allait faire une chose qu'il serait difficile d'accepter,
mais personne ne dit rien. Elle alla s'asseoir près de son père et chanta avec
lui. Ensuite, elle prononça un flot de mantras. Cette musique céleste était
fascinante. Peu après, elle évolua un moment avec le groupe de chanteurs.
Elle s'arrêta brusquement et dit :
«Maintenant, il faut que vous me donniez tous la permission de partir. Je dois
quitter Dacca aujourd'hui». «Mâ, comment accepter une chose pareille !»
s'écrièrent ses compagnons. Comme un petit enfant angoissé, Mataji les supplia
: « Je vous en prie, ne mettez pas d'obstacles sur mon chemin, sinon je
laisserai ce corps ici et partirai». Le silence se fit. Tout le monde avait les
larmes aux yeux en la regardant. Elle reprit : «Quand Bholanath arrivera,
mettez-le au courant. Dites-lui de ne pas me dire non». «Mais qui vous
accompagnera ?» demanda quelqu'un. « Pour ma part », répondit-elle, «je n'ai
besoin de personne. Mais si vous pensez que je dois être accompagnée, je peux
demander à mon père». Dadamasai rentra prendre quelques bagages et se tint
prêt. Mataji n'emportait rien. Elle alla s'asseoir à l’extérieur
(1)La petite fille de la soeur de
Bholanath que ses parents lui avaient confiée.
et un groupe silencieux l'entoura. «Quand
part le prochain train ?», demanda-t-elle peu après. «A minuit», répondit-on.
«S'il vous plaît, faites le nécessaire pour que je puisse le prendre».
Shashanka Mohan avait fait prévenir
Bhâiji. Il était avec Bholanath et ils arrivèrent ensemble. Mataji demanda à
Bholanath l'autorisation de quitter Dacca avec son père. Avant qu'il ait eu le
temps d'exprimer ses réticences, Mataji dit : «Si tu dis non, je quitte ce
corps à l'instant même». Cela coupa court à toute récrimination. Bholanath
était bien le dernier à mettre en doute cette affirmation. Mataji n'avait
encore jamais exprimé son kheyâla avec autant de force. Très abattu, Bholanath
dit : «Très bien, je ne m'y oppose pas». Il ajouta : «Si tu voyages sans moi,
les gens vont dire du mal de toi». «Je ne ferai rien qui puisse susciter les
critiques», dit Mataji; «mon père m'accompagnera. Les gens diront-ils du mal de
moi ?» Elle interrogea ses compagnons du regard. Ils s'empressèrent de la
rassurer : «Non, Mâ, personne ne dira ni ne pensera du mal de vous».
On fit chercher une voiture, mais Mataji
ne l'utilisa pas. Elle marcha jusqu'à la gare en compagnie de tous les fidèles
qui portaient des torches et des lanternes. Mataji dit qu'elle irait à
Mimensingh et s'installerait chez Kalipada, un neveu de Bholanath. Elle avait
d'abord pensé à Ashu, mais personne ne savait où il était. Le train arrivait.
Au dernier moment, Bhâiji monta dans le compartiment de Mataji, expliquant :
«Baba (Bholanath) m'a demandé de vous accompagner». Elle ne répondit pas et le
train s'éloigna dans la nuit.
Mataji n'avait rien pris avec elle, pas
même des vêtements de rechange. Le lendemain, Shashanka Mohan partit pour
Mimensingh avec des couvertures et des vêtements. Mais elle ne l'encouragea pas
à rester et il regagna Dacca le jour même. Mataji se rendit à Cox's Bazar, puis
au mont Adinath, une île du golfe du Bengale. Au bout d'une semaine, Bhâiji
rentra à Dacca et reprit son travail. En apprenant que Mataji avait parlé de
lui, Ashu était venu à Dacca. Quand Bhâiji eut rapporté où se trouvait Mataji,
Bholanath et Ashu partirent immédiatement la rejoindre. Ils allèrent ensuite à
Calcutta chez la soeur de Bholanath. Mataji demanda à Bholanath de rester à
Salkia chez sa soeur et elle partit pour Hardwar avec son père et Ashu. De
Hardwar ils se rendirent à Dehra Dun et aux sources de Shasradhara. Quelques
jours plus tard, elle eut soudain le kheyâla de se rendre à Ayodhya, un autre
lieu sacré des Provinces Unies. Elle se promenait avec Ashu sur les bords du
Gange, lorsqu'elle lui demanda d'aller chercher leur maigre bagage. Ils
allèrent à la gare sans prévenir personne. La raison probable de ce départ
discret, c'est que Kunja Mohan s'était joint à eux en dépit du kheyâla répété
de Mataji. Mataji et Ashu ne connaissaient absolument pas Ayodhya, mais ils ne
rencontrèrent aucune difficulté. Le contrôleur de la gare les invita chez lui.
Pendant deux jours, ils visitèrent les endroits sacrés de la région puis
retournèrent à Hardwar. Mataji se rendit à l'ashram de Bholagiri Maharaj où se
trouvait Sri Gopinath Kaviraj. Dadamashai et Kunja Mohan furent heureux de
retrouver Mataji, et son sourire radieux. Kunja Mohan tomba malade et dut
rester à Hardwar, tandis que Mataji partait pour Bénarès. A Bénarès, Dadamashai
eut la fièvre et resta chez la soeur et le beau-frère de Didi. Mataji continua
son périple sans idée précise, en compagnie d'Ashu, Nani (quatrième enfant de
Kunja Mohan) et Manik, un jeune étudiant. Manik dit : «Si nous allions à
Vindhyachal». Mataji approuva. Puis elle eut le kheyâla d'aller dans un endroit
où personne ne la connaissait. Le fils aîné de Kunja Mohan l'accompagna à
Calcutta chez un de ses amis, le docteur Girin Mitra.
Mataji était allée autrefois à Navadwip,
célèbre lieu de pèlerinage au Bengale. On l'avait emmenée voir un sâdhu qui observait
un silence total. Un jour, chez le docteur Mitra, quelqu'un mentionna ce sâdhu
et cela fit naître en Mataji le kheyâla d'aller le revoir. Elle partit
s'installer à son ashram avec la belle-soeur du docteur. Une vieille femme
s'occupait du sâdhu. Elle n'apprécia guère la présence des deux nouvelles
venues. Mataji l'assura qu'elles ne la dérangeraient pas. Le sâdhu était assis,
figé comme une statue, ne clignant même pas des yeux. Sa servante racontait à
tout le monde que c'était un grand prêtre spirituel et qu'il ne quittait jamais
son siège. Peu à peu, Mataji, de sa manière inimitable, perça le secret du
sâdhu : il se levait et mangeait en cachette pendant la nuit. Il lui avoua
qu'il n'aimait pas se moquer du public mais que la vieille femme avait de
l'emprise sur lui et ne voulait pas le laisser partir. Avant de s'en aller
Mataji conversa avec lui. Plus tard, on lui raconta qu'un beau matin les gens
de Navadwip eurent la surprise de trouver le siège du sâdhu vide et l'ashram
déserté. Personne ne sut quand ni où il était parti.
Mataji avait eu le kheyâla de se tenir à
l'écart des villes où elle était connue. Le docteur Mitra la conduisit dans son
village du Bihar, sans rien dire aux habitants. On apprit que Bholanath n'était
pas en bonne santé. Il retrouva Mataji à Calcutta où se trouvait aussi Bhâiji
en mission officielle. Bholanath était mécontent de n'avoir pas été tenu au
courant des allées et venues de Mataji. Elle ne dit rien et ne tenta pas de
s'expliquer. Les fidèles de Dacca attendaient impatiemment son retour et ils
furent déçus d'apprendre qu'elle était partie avec Bholanath, pour Chandpur.
Bhâiji, Shashinka Mohan et Nishikanta allèrent à Chandpur pour leur demander de
revenir à Dacca. Mataji resta silencieuse et Bholanath, un peu indécis, promit
cependant de retourner à Dacca prochainement.
L' écoute du silence chez Kabir dans la tradition des Sant
par Jacques Vigne
Cette victoire intérieure qui permet de
stabiliser le son fondamental donne lieu à un titre, Omkarnâth, le
seigneur, nâth, de la syllabe, kar, Om. Un maître
spirituel proche de Mâ Anandamayî s'appelait Sîtârâm Omkarnath. La symbolique
derrière ce nom suggère que quand le mariage intérieur (Sîtâ et Râma en un seul
nom) est réussi, l'esprit est suffisamment stabilisé pour pouvoir «maîtriser»,
c'est-à-dire écouter continûment le son essentiel.
Toute cette évolution spirituelle ne se
fait pas sans travail. Sawant Singh, quand il n'était qu'un jeune disciple (à
la fin du XIXe siècle), s'était plaint à son maître de difficultés dans l'écoute
du Son. Celui-ci lui a répondu dans une lettre : «Depuis que le monde de la
matière a été créé, le mental et l'âme ont accumulé les impuretés. Jamais l'âme
n'a été concentrée avec attention même pour une courte durée sur le courant du
son intérieur (shabd dhun). Cet état de choses s'est prolongé pendant de
nombreuses années. Comment pourrait-elle alors trouver place si rapidement dans
le Son ? Tant que son aspiration vers le Son n'est pas intense et continue,
comment pourrait-elle s'y unir ?». «Cependant, une fois que l'âme est aussi
pure que le courant du Son lui-même, l'union surviendra immédiatement, sans
tarder». Pour désigner celle-ci, les Sants utilisent parfois le terme soufi fanâ
de, l'anéantissement, qui précède baqâ, la résurrection.
Comme toutes les pratiques spirituelles,
l'écoute du son intérieur demande une répétition, mais notre mental n'est-il
pas de toutes façons en train déjà de se répéter constamment, avec le même
genre de bavardages et de bruits intérieurs? Il s'agit simplement, si l'on peut
dire, de remplacer ces répétitions sans intérêt par la Répétition. On dit en
Inde que les daims sont immanquablement attirés par une certaine musique que
jouent les chasseurs, et qu'à cause d'elle ils se font attraper ou même tuer.
De même, l'égo renfermé sur lui-même est attiré par le son intérieur, même s'il
sent quelque part qu'il risque de disparaître, d'exploser tôt ou tard comme une
bulle au sein de cette aventure-ouverture.
Abhivanavagupta disait que «le Son
suprême, paravâc, est caractérisé par «l'émerveillement de la conscience
qui expérimente sa propre existence». En cela, elle vit une expérience
non-duelle, ce qui n'a pas échappé aux Radha-Soamis qui l'ont exprimée dans
leur langage. On appelle parfois ce son svara, qui contient la syllabe sva
pouvant signifier soi-même. A l'opposé, les paroles ordinaires dépendent de
l'autre pour une approbation ou un rejet.
Le flot vivant (dhârâ) du son
subtil est l'écho en nous du fleuve de l'ordre cosmique (dharma). On retrouve
ainsi cette notion exprimée par Taisen Deshimaru à la fin de la première partie
: «dans le silence, l'ordre cosmique peut pénétrer». L'être humain est comme un
daim musqué qui sent bien un parfum, mais se met à courir partour pour trouver
le musc alors qu'il le porte à la poitrine. On connaît sans doute cette
histoire des Puranas selon laquelle les dieux ont cherché un endroit pour
cacher le trésor de la pure conscience afin que personne ne puisse le leur
voler et le meilleur endroit qu'ils aient finalement trouvé a été le coeur de
l'homme. On aime courir de gauche à droite pour entendre des enseignements
spirituels, mais celui dispensé par le son du silence surgit par le fait
d'arrêter le plus complètement possible le mental.
Il y a un maître spirituel actuel en Inde
qu'un certain nombre de Français connaissent et vont visiter. Il lui arrive
parfois également de venir en France; il s'agit de Chandra Swami, de la lignée
des Udasins. Il est en silence depuis au moins une quinzaine d'années, mais il
répond aux questions par écrit. On lui demande assez souvent quel est le sens
de son silence, s'il s'agit, par exemple, d'un voeu. Il lui arrive de répondre
ainsi : «Je n'ai pas fait voeu de silence. J'aime et je jouis du silence Il n'y
a aucune raison particulière à cela. En fait, je ne fais que suivre «la voie
intérieure», la douce voix de mon maître». Il fait partie de ces êtres purs
desquels la voix intérieure se confond avec la Voie. Plus loin, il explique :
«Le silence qui a un but n'est pas complet; ce n'est pas le silence véritable,
tout comme l'amour qui a un but n'est pas l'amour véritable. Le silence observé
dans le but de communiquer avec Dieu fait partie de la sâdhanâ. Le Divin
est l'essence de l'homme, aussi n'est-il nullement nécessaire de parler pour
communiquer avec Lui. Il n'est pas bon d'imiter les autres. Quand vous ne
travaillez pas, rien ne vous empêche d'observer des périodes de silence et de
vous consacrer uniquement à la prière et à la méditation à ces moments-là».
Poésie et son du silence chez Kabir et les Sant
par Jacques Vigne
Commençons déjà par un avertissement de
Kabir : hé, toi, stupide! Ne connnaissant pas les secrets du Son, tu
peines en vain, comme quelqu'un qui fabrique un bâteau en papier et met un
énorme poids dessus. Il parle par ailleurs de la blessure de l'amour
et de sa couleur unique : «Le satguru vénéré m'a teint de la couleur de
l'amour. Mon être entier a été blessé par le Son. Tous les médicaments
s'avèrent ineffectifs. Qu'est-ce que le pauvre docteur peut bien y faire?
Personne parmi les dieux, les êtres humains, les sages ou les derviches ne
connaît cet amour. Kabir dit : ce chercheur spirituel a vu toutes les couleurs,
mais la couleur de l'amour est différente, totalement différente».
L'éveil du son intérieur est interprété
comme un mariage : témoin ces vers qui terminent un poème : ...Kabir dit :
je retournerai et je reviendrai avec lui d'une façon triomphale, en jouant de
la trompette. Soamiji parle de l'écoute du son comme de l'ascension
solennelle du marié qui va chercher sa bien-aimée chez elle : avec sur la tête
la couronne de l'écoute (surat), que ta conscience s'élève très haut, avec
toute la dignité et la grandeur d'un marié. Il s'arrêtera au troisième oeil,
car il aura rencontré cette mariée merveilleuse qui a pour nom Mélodie (dhun)».
On croit voir ces mariés indiens qui encore actuellement partent sur un cheval
d'apparat pour aller chercher la mariée en sa demeure. Soamiji disait que le
Nom divin était constitué de lettres (varnâtmik), mais Celui qui portait
ce Nom était constitué de Son (dhunâtmik). Pour Guru Nanak, «le vrai
Nom, c'est la musique qui n'est pas jouée».
L'écoute du son essentiel tient de la
perception d'un secret. Kabir s'exprime ainsi à ce sujet : Il s'agit d'un
discours que personne ne peut voir. Kabir dit : écoute le son qui résonne (ou
la parole parlée) à l'intérieur de chaque corps. Ce travail n'est pas
facile : rares sont les auditeurs qui entendent ce chant correctement. Il
y a une sorte «d'aveuglement sonore» à l'époque de Kabir comme à la nôtre : Le
Kaliyuga va mal, le monde est aveugle, personne n'entend le Son. Quand je parle
à quelqu'un de son bien, il me saute au cou, furieux. La simple
répétition plutôt mécanique du mantra, le Nom de Râm par exemple, n'est guère
efficace : Ils crient «Râm, Râm» au point d'en avoir un cal sur la langue.
Si dire Râm donnait la libération, le simple fait de dire «sucre» rendrait la
bouche sucréee, dire «nourritur»e chasserait la faim et le monde entier serait
libéré. La perception du son intérieur, le «couplet inconnu» est aidée par
l'initiation conférée par ce grand alchimiste qu'est le maître spirituel : «Le
pratiquant chante et récite, mais ne peut saisir le couplet inconnu. Sans
toucher la pierre philosophale, il est comme du fer emprisonné dans de la
roche.»
Peu de gens sont intéressés par l'écoute
du Son, l'investissement en terme de pratique quotidienne de l'attention est
sans doute trop lourd pour la plupart. Il n'y a pas de client pour le Son (shabd),
le prix en est élevé. Sans le régler, vous ne pouvez l'obtenir, allez-vous en
donc, passez votre chemin !». Les gens préfèrent la facilité des discours
explicites à l'austérité du silence : Où les acheteurs grouillent, je ne
suis pas; où je suis, il n'y a pas d'acheteurs. Sans conscience, ils
errent, cueillant des ombres du Son .... La route que les pandits ont prise,
les foules l'ont prise aussi. Le col de Râm est élevé, Kabîr continue de
grimper... Le son fondamental rend perceptible ce champ unifié qui soutient
l'univers, il annule les distances en quelque sorte, en particulier celle qui
nous sépare du mïtre spirituel. Kabir dit : «Même si ton Guru vit à un million
de lieues, fixe ton attention sur lui. Ton âme va monter le cheval du Son (shabda),
elle ira et viendra à sa guise».
Qui dit perception claire et stable du
son intérieur dit ascension de l'énergie en direction de ce lotus aux mille
pétales au sommet de la tête, dont l'épanouissement est parfois comparé à un
parasol royal. Kabir dit : le couplet est nouveau, personne ne reconnaît ce
chant. Si vous reconnaissez le Son, vous devenez riches en parasols. Il
s'agit d'une entrée à trouver, nous avons vu que les Sants parlent de la
dixième porte : Aveugle est l'âme sans le Son. Oh ! Où peut-elle aller ?
Elle ne trouve pas la porte du Son et ainsi elle erre de-ci de-là. L'ascension
mène à une immobilisation supérieure : L'esprit atteint sa demeure dans le
ciel et se réjouit dans la mélodie divine. Il ne vient et ne part pas, il
devient immobile en entendant le Son. Dans le Bîjak de Kabir, il y a un Shabd
(dans ce sens, poème avec un mètre particulier) qui compare le corps à un
instrument de musique joué par le Divin : le musicien joue d'un instrument
qui n'a pas d'égal, ... c'est toi qui est joué ... en un seul son il y a les 36
ragas qui font résonner un Son infini. La bouche est le manche, l'oreille la
caisse de résonnance, c'est le satguru qui a fabriqué l'instrument. La langue
est une corde et le nez une clef, le musicien frotte la cire de Maya. La
lumière brille dans le temple du ciel à l'occasion d'une inversion soudaine (probablement
l'énergie qui se met à monter soudain vers le troisième oeil à la place de
descendre comme elle le fait d'habitude). Kabir dit, la clarté vient quand le
musicien vit dans votre coeur. Dans les deux derniers sakhis de son
ouvrage, le tisserand de Bénarès reprend cette expérience d'ascension
illuminatrice. [L'adepte] a médité dans le ciel (l'espace du front), il a
ouvert la porte de la foudre (l'axe central de la sushumna qui débouche dans le
troisième oeil), il a vu sa propre réflexion (sa vraie nature), les trois
remplis de joie (les trois canaux d'énergie ouverts). Dans le dernier sâkhî,
Kabir joue sur ce nom technique du type de poème qu'il utilise et l'autre sens
du terme en hindi, dérivé du sanskrit sâkshî (en hindi dialectal comme en bengali,
le ksh- sanskrit est régulièrement rendu par kh-) le témoin; on
peut rajouter à cela le sens persan de sakhi, l'échanson, c'est-à-dire
dans la poésie soufie le maître spirituel qui offre généreusement le vin de la
connaissance (on peut remarquer que de plus, en sanskrit, sakha signifie
compagnon) : Le sâkhî est l'oeil de la sagesse, regarde dans ton coeur,
comprends. Sans le sâkhî, les conflits du monde ne prendront jamais fin.
(à suivre)
Notre-Dame
Poème d'Antonio Eduardo Dagnino, un dévôt vénézuélien
Notre Dame de Lourdes.
Notre Dame de Paris.
Notre Dame de béton.
Notre Dame des âmes affligées.
Notre Dame des désirs insassouvis
Notre Dame qui enlève le péché
par un simple regard miraculeux
qui tombe au fond du coeur névrosé,
du corps désabusé,
et fait frémir la volonté de vie
redressée comme une flamme
au-delà de toute peur.
Notre Dame de béton.
Notre Dame du trottoir.
Notre Dame de la folie.
Notre Dame de Paris
suspendue verticalement
au-dessus de la mêlée.
Notre Dame des amoureux.
Notre Dame des séparés.
Notre Dame du labyrinthe
des villes affreusement étouffées
Notre Dame des enfants.
Notre Dame des avortées.
Notre Dame plus compréhensive
que toutes les morales.
Notre Dame plus aimante
Que toutes les religions.
Notre Dame des forêts.
Notre Dame du blanc manteau de neige.
Notre Dame des Océans.
Notre Dame de l'étoile du matin.
Notre Dame du silence béni.
Notre Dame de la liberté
des espaces infinis.
Paris, hiver 1972. Pour Maya Rahil
Maria.
Nouvelles
- Claude Portal organise cette année encore une retraite, cette fois-ci de
quatre jours, entre le 22 et 26 aoüt, probablement à Saint-Germain-en-Laye, en
présence de Swami Nirgunananda et de Swami Bhaskarananda. Se renseigner auprès
de Claude 12, rue Lamartine, F78100 Saint-Germain-en-Laye, tél. 01 34 51 74 41.
- Jacques Vigne quitte Kankhal cette fin mai 2001 pour un an. Il ira à
l'ermitage de Dhaulchina, puis il sera en France pour une tournée dans le cadre
de la parution de son livre Le mariage intérieur, chez Albin Michel. Il
peut être contacté, de préférence le matin entre 9h et 10h30, au 01 47 47 22
56, 95 rue Jacques Dulud, 92200 Neuilly. Brahmacharini Sylvie prend la relève
pour la rédaction des numéros suivants. Elle fait appel à votre indulgence, vu
son manque d'expérience. Tout courrier doit lui être adressé à présent à elle à
la même adresse, c/o Vijayananda., Shri Shri Mâ Anandamayee Sangha, 249408
Kankhal-Hardwar, U.A., Inde.
- Swami Nirgunananda et J. Vigne ont
guidé une retraite qui a eu lieu à Almora, dans l'ashram de Mâ de Patal Devi,
pendant la première semaine d'avril 2001. C'était la première fois qu'un groupe
d'«étrangers» étaient accueillis dans un ashram de Mâ. Le président des ashrams
de Mâ, informé de la chose, avait d'ailleurs envoyé une lettre de bienvenue.
Les participantes, françaises et belges, sont montées pour une journée à
Dhaulchina, suivie de quelques jours à
Kankhal auprès de Vijayananda. Toutes ont
paru enchantées de leur séjour. Dinesh, le guide, n'a pas ménagé ses efforts et
Manoj était chargé de la confection des desserts. Quelques participants
extérieurs s'étaient joints à l'expérience.
- L'anniversaire de Mâ s'est déroulé du 2
au 12 mai sans la chaleur habituelle. Comme chaque fois, il a même plu. Bien
sûr, le Centre International fut utilisé à sa capacité maximale.
- Guru Purnima, la fête du gourou, aura
lieu le 5 juillet. Comme chaque année, beaucoup de dévôts viendront à Kankhal
pour les festivités.
Abonnements
L'abonnement est jusqu'en décembre 2002,
soit 5 numéros. Ceux qui voudraient s'abonner peuvent le faire en envoyant un
chèque de 80 FF à l'ordre de Jacques Vigne à José et Nadine Sanchez-Laudebat,
210 rue Galliéni, F 92100 Boulogne, tél. 01 41 31 28 00.
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
Réponses de Vijayananda p.2
La place de Dieu est dans le coeur de
l'homme Shivananda p.4
Interprétation des paroles de Mère à
partir de la physique
S. K. Bose p.
Réflexion sur quelques paroles de Mâ avec
l'aide du langage scientifique S.K. Bose p.12
Mataji a le kheyala de quitter
Dacca B. Mukherji p.16
L'écoute du silence chez Kabir dans la
tradition des
Sant
J.Vigne p.
Poésie et son du silence chez Kabir et
les Sant J. Vigne p.
Notre-Dame Poème d'E. Dagnino p.
Nouvelles p.
Abonnements p.
Numéro 62 - Automne 2001
Paroles
de Mâ
Le corps
est au Seigneur, l'esprit est au
Seigneur, l'humanité entière est au Seigneur.
Que vous
fassiez un effort pour établir un traitement médical est aussi l'expression de
Sa volonté. Vraiment, Lui, l'Unique, est
toute chose. Tu es, en vérité, la
maladie, Tu es le remède et le pouvoir de guérir - dans tous les aspects et
sous toutes les formes, seul Tu es.
C'est en cherchant à connaître don Soi que l'on
peut trouver la Mère Divine.
Oui, si
vous pouvez rester silencieux et en harmonie avec tout votre entourage, ce sera
excellent. Essayez de rester immobile et
sans rien manifester aussi longtemps que possible.
Parler de
Dieu est la seule chose qui vaille; tout le reste est vain et conduit à la
souffrance.
On ne
peut renoncer à l'attachement par l'effort.
C'est seulement en renforçant l'ardent désir de Le trouver, que tous les
autres désirs s'effaceront. Le bonheur
et la paix sont le but de chacun, car ils sont en fait présents profondément en
chacun, et on ne peut y renoncer. On ne
doit renoncer qu'à ce qui doit disparaître de toute façon.
Quand
vous sentez naître des pouvoirs en vous, quand une nouvelle lumière luit de
l'intérieur, plus vous la garderez cachée en un calme profond et dans la
tranquilité, plus elle croîtra en intensité.
Si vous lui entr'ouvrez la moindre issue vers l'extérieur, craignez
qu'elle ne s'échappe. Soyez vigilant ! Il procurera Lui-même tout ce qui est
nécessaire -initiation, instruction-
quoi que cela puisse être.
Réponses
de Vijayananda
- Quelle est la voie la plus rapide ? Est-ce le kundalini yoga ?
Vijayananda : N'importe
quelle voie peut être rapide si vous y mettez tout votre être. Il faut être cent pour cent engagé dans la
voie spirituelle. Solo Dio, basta, comme l'écrivait Thérèse d'Avila. Mais ce n'est possible que par la grâce d'un satguru.
- Que
pensez-vous du tantra (de la main droite) ?
V : Les Tantras (ou
Agamas) sont un groupe d'écritures sacrées
qui traitent du tantrisme. Le tantrisme
est une des voies principales en Inde qui mènent vers la connaissance du Soi,
c'est-à-dire la libération. Mais alors
que d'autres voies (par exemple le vedanta) donnent beaucoup d'importance à la
renonciation aux plaisirs mondains, le tantrisme les accepte comme point de
départ, avec comme objectif de les diviniser.
Ces jouissances deviennent (au départ) un objet de culte. Ce sont les cinq makaras : l'union sexuelle,
le vin, la viande, etc., mais dans le tantrisme de la main droite, ils sont évoqués
seulement symboliquement. Les mots
tantrik ou tantrisme ont une
connotation négative dans le langage courant de l'Inde, car ils évoquent la
magie, surtout la magie noire. On
emploie plutôt les termes de sakti et
saktisme.
Sakti est un des aspects de la Mère divine qui est (avec Shiva) l'objet de culte dans cette voie.
Arthur Avalon (Sir John
Woodroof) a écrit plusieurs livres au sujet du tantrisme. Son livre Sakti
est un exposé magistral sur ce sujet et est devenu un classique, même parmi les
pandits hindous.
- Pourquoi Mâ est-elle descendue sur la terre
à un moment précis ? Quelle était sa -ou
ses- missions ? Je sais qu'il y avait un
fort appel pour la mère divine parmi des dévôts au Bengale et je me lamente en
pensant qu'elle est venue pour eux et donc pas nécessairement pour moi qui
n'étais pas d'entre eux.
V : Mâ nous a dit
qu'elle n'avait pas eu de vie antérieure (qu'elle n'avait pas de prarabdha karma). Etant parfaite, elle n'avait pas de
volition. Il semble donc que le Divin
ait pris une forme humaine
pour répondre à un appel
d'un groupe de dévôts (c'est à peu près ce qu'elle avait dit à Bhaïji). Quand le Divin descend sur terre, c'est en
général avec une mission spéciale. Et
dans le cas de Mâ, il me semble que cette mission était de ranimer l'ancienne
orthodoxie des temps védiques. Mais
quand le Divin descend parmi les humains, Il projette un rayonnement très
puissant et tous ceux qui viennent à son contact en bénéficient, quelque soit
leur race, leur milieu social ou leur
religion.
Nous poursuivons dans ce numéro la
publication d'extraits des deux livres de J. Vigne qui paraissent cet automne
chez Albin Michel, Le mariage intérieur et L'écoute du silence, ainsi
les lecteurs de Jai Ma auront cette primeur.
Poésie et
son du silence chez Kabir et les Sant (suite)
par Jacques Vigne
Tulsi Saheb dit :
«Cherche à l'intérieur, et l'écoute (surat)
s'unira au Son (shabd) quand le voile
sera retiré»[i][1]. Il
considère le son comme un appel de la demeure éternelle pour nous y faire
revenir. On retrouve dans les poèmes (qu'on appelle shabd-s comme il se doit)
de Tulsi Saheb beaucoup d'images illustrant la polarité du son (shabd) et de l'écoute. Le premier est le
soleil, la seconde la fleur, ou bien l'océan et l'autre la rivière. Le Son est
aussi le gourou qui guide l'écoute comme si elle était une disciple, ou il est
un cerf-volant qui oscille en plein vent retenu seulement par le fil de
l'écoute. Il peut être aussi le plafond auquel est suspendu le fil de
l'araignée : celle-ci évoque le courant de l'attention auditive qui remonte
vers le haut en suivant le mouvement de l'énergie dans le canal central du
corps, qu'on décrit parfois fin comme un fil de toile d'araignée. Soamiji dit : Quand ma conscience s'est saisie du Son (dhun), elle est aussitôt
montée au ciel (au-dessus du troisième oeil dans l'anatomie subtile des
Sants), elle est devenue capable d'y
rester. Tous les chagrins et misères ont été annihilés».[ii][2] Cette ascension se fait de préférence par
l'axe central, appelé comme chez les soufis la «veine royale» : «Pourquoi gaspiller son temps à chercher le
Seigneur ailleurs ? Le chemin du Bien-aimé passe par la veine royale[iii][3]». La montée de l'énergie-conscience
auditive entraîne une mort intérieure accompagnée de non-peur, puisque la peur
de la mort est à la source des autres peurs.
Nanak dit : Pratique le Yoga dans
lequel tu meurs en vivant encore. Sans qu'on souffle dedans, la conque résonne
à l'intérieur de toi, en l'entendant tu atteindras l'état de non-peur.[iv][4]
Un grand mystique musicien, Tyagiraj qui a
vécu dans le sud de l'Inde au XIXe siècle, reliait directement l'expérience
musicale à l'ascension de la kundalini : «réaliser la félicité du Son qui naît
du mûlâdhâra (la base du corps) est en soi félicité et salut»[v][5]. Il suggérait aussi qu'un vrai mystique,
même s'il n'est pas musicien, doit avoir au moins une certaine expérience du
son intérieur : «Est-il possible à quelqu'un qui est dépourvu de dévotion et de
connaissance de la musique divine d'atteindre la réalisation ?»[vi][6]
L'union de la conscience et du son est
semblable à celle de l'abeille intoxiquée et de la fleur. On ne peut plus les
distinguer, l'abeille semble répandre du parfum et on entend la fleur
bourdonner. La remontée de l'écoute vers le Son suprême est comme un retour à
la maison, dans le langage des Sants niji
ghar qui a le double sens soit de demeure
de l'origine, soit plus familièrement de chez soi. C'est une notion
qu'a bien senti l'hindouisme populaire moderne : on voit souvent en se promenant
dans le pays des autocollants avec un jeu de mots anglo-sanskrit moins
superficiel qu'il n'y paraît de prime abord : «Om, sweet home»...
Nanak utilise l'expression «contempler le
Nom grâce au Son»[vii][7] et conseille les heures du petit matin pour se
consacrer à cette pratique. Cela suggère probablement une perception claire du
Son intérieur qui sert de toile de fond à la récitation du mantra, ou alors à
la réalisation que le Nom suprême n'est pas différent du Son intérieur. Pour
Nanak, l'absorption dans ce Son essentiel est l'action la plus pieuse qui
puisse être, et la plus effective pour stopper le mental : Le mental pareil à une souris est paralysé quand il boit le mercure du
Nom (ou du Son, satnam ou shabd)[viii][8]. On peut
faire remarquer que le mercure, le «vif-argent» a une symbolique qui évoque
l'éveil de l'énergie de la kundalinî. Nous en parlons dans notre chapitre sur
l'alchimie et l'union des contraires dans Le
mariage intérieur. Une fois que le Son est clairement perçu, on ne se sent
plus jamais seul, l'âme a trouvé son époux : «la musique incréée résonne dans
ma véritable demeure, je suis assise sur le même lit que mon Seigneur; j'ai
trouvé le Seigneur, il est mon époux et
je vis en paix»[ix][9].
Le Son ne fait qu'un avec cette conscience
pure qui se révèle quand les canaux arrivent à converger : [L'adepte avancé]
connaît ida, pingala et sushumna,
il voit pour lui-même l'invisible, ô Nanak! Le vrai maître voit au-delà d'eux,
il immerge l'adepte dans le Son».[x][10]
La conscience qui est absorbée dans le Son
est comme un poisson dans l'eau, dit
Kabir : c'est par deux de ses formules en forme de proverbe qu'il mettait en
conclusion de ses poèmes que nous terminerons cette partie :
Kahé Kabir soï dhoun jâgué/ sabad bân antar lagué
Kabir dit : Que la vraie
Mélodie s'éveille/ que se plante en toi la flèche du Son ![xi][11]
Kahé Kabir yah akathâ kathâ hê/ kahat kahî na jâî
Kabir dit : c'est un
conte non conté/ on le dit, [et pourtant] il n'est pas dit.[xii][12]
Le Om
entre science et symbole
par Jacques Vigne
Pour une science ouverte au symbolisme, il y
a beaucoup à découvrir en étudiant le Om. C'est dans ce travail que s'est plongé le Dr
Francis Lefébure[xiii][13] : chef de clinique dans les hôpitaux parisiens,
il était aussi disciple d'un enseignant spirituel zoroastrien, transmettant
l'ancienne doctrine de la Perse. Les zoroastriens, chassés de leur pays par les
invasions musulmanes, excercent toujours librement leur religion en Inde. Il n'est donc pas étonnant que leur
enseignement ait un certain nombre de similarités avec le yoga.
Une des bases scientifiques des réflexions
de Lefébure sur le Om est l'analyse
de ce son à l'oscilloscope cathodique.
On sait que cet appareil est à la base du fonctionnement de la
télévision. Si cependant on l'utilise non pas pour traduire des ondes
hertziennes, mais des ondes sonores, on pourra obtenir des images «télévisées»
de divers sons. En disposant les
récepteurs d'une certaine manière, on retrouvera la forme de cercle pour le o,
qui correspond non seulement à la forme de la lettre latine et grecque, mais
aussi au mouvement de la bouche lors de sa prononciation et le m sera un carré
formé de multiples lignes. Le m est considéré en acoustique comme un
«son blanc», c'est-à-dire qu'il est constitué d'une multitude de sonorités
différentes, comme le serait la résonnance d'un piano si l'on jouait toutes ses
touches en même temps. D'autres «sons
blancs» de la nature sont le grondement des vagues qui se brisent sur la plage,
le bruissement du vent dans les feuilles d'arbres, le son d'une cloche, etc...
De même, la lumière blanche est le mélange de multiples vibrations qu'on peut
séparer les unes des autres par le prisme.
On retrouve entre le o et le m la relation
qui existe entre le cercle solaire et les rayons, le coeur de la fleur et les
pétales, ainsi que l'oeil et l'iris. Il
est intéressant qu'en yoga on appelle le troisième oeil au milieu du front
«nâda rûpa», la «forme du son». C'est là
que le Om résonne le plus
naturellement. Lefébure suggère même une
analogie entre la forme carrée du m à l'oscilloscope cathodique et la forme
cubique de l'os sphénoïde, juste en arrière du troisième oeil. C'est comme si
le m aimait particulièrement venir vibrer dans cette région, qui est aussi
celle de l'hypophyse, le chef d'orchestre des productions hormonales dans
l'organisme. Notre infatiguable chercheur fait aussi remarquer que quand on
pose la main sur la fontanelle antérieure d'un nourrisson qui crie, en faisant
une sorte de «ouin», donc un son nasal,
elle vibre particulièrement fort.
On peut supposer que chez les enfants plus grands et les adultes, la
vibration est même plus intense, retenue dans le liquide céphalo-rachidien.
Si l'on met sur une plaque qui vibre par le
son de la poudre de lycopode, on obtient des formes géométriques qu'on appelle
les figures de Chladni[xiv][14]. On peut supposer que le son aide aussi à
structurer cette poussière de sensations qu'est notre vécu corporel. Pourquoi
ne pas penser même que l'écoute du son du silence contribue à organiser notre
corps ressenti qui deviendrait ainsi comme une sorte de mandala ? Nous avons vu le lien entre le son essentiel
et la voyelle a dans l'hindousime et
nous le reverrons dans d'autres traditions.
Il est intéressant à ce propos de mentionner la manière à la fois
physique et symbolique dont Lefébure interprète l'interjection de douleur la
plus courante : «aïe!». Le a est
prononcé avec la bouche plutôt verticale, il correspond à une montée directe de
l'air-énergie de la gorge vers l'orifice buccal, par contre le i implique une bouche horizontale, il
vient en quelque sorte barrer, tirer un trait sur le flot du gémissement
naturel du a, les deux combinés
forment donc une croix, symbole s'il en est de la souffrance. Une expérience immédiate de douleur crée une
réaction, l'exclamation ah, mais on
cherche tout de suite à la contrôler un minimum, ce qui peut être relié au i horizontal. En d'autres termes, on
pourrait dire que l'expérience de douleur masque, barre ou «tire une croix »
sur le bien-être continu du a
fondamental.
Le son essentiel est toujours présent, mais
il est masqué par des bruits extérieurs plus forts, il est comme la clarté
laiteuse des étoiles éclipsée chaque jour par l'éclat du soleil. Sa perception claire et la plus continue
possible a quelque chose à voir avec cette musique de fond qui aide certains
jeunes à se concentrer sur leur travail : elle induit un éveil de base qu'ils
réussissent à projeter ensuite sur les cours qu'ils apprennent, une chose que,
personnellement, je serais incapable de faire... Lefébure cite aussi le cas
d'enfants qui se bouchent les oreilles pour mieux apprendre leurs leçons. Il explique cela par une sorte de phénomène
d'ancrage si on associe, fait prendre racine des phrases
dans le «sol» d'un son toujours présent -on parle en physiologie d'acouphène
normal- elles seront mieux mémorisées.
De même, si on associe une visualisation à une lumière ou aux phosphènes
qui la suivent, elle sera mieux ancrée dans notre mémoire profonde. Il y a un «mixage acouphénique» de même qu'il
y a un «mixage phosphénique[xv][15]».
On sait que les stimulations répétitives
peuvent déclencher des crises d'épilepsie chez des gens qui y sont sujet. La stimulation sensorielle s'étend aux zones
motrices du cerveau et si elle diffuse aux deux hémisphères elle engendre une
épilepsie généralisée avec perte de connaissance. Par ailleurs, le traitement par
électro-narcose –ces électrochocs qui n'ont pas bonne réputation mais parfois
des résultats spectaculaires dans la maladie maniaco-dépressive– semble soigner
en déclenchant une crise d'épilepsie, qu'on limite de nos jours à un hémisphère
et qui n'apparaît guère dans le corps, car on donne un médicament pour
déconnecter la fibre nerveuse du muscle et ainsi éviter les douleurs post-thérapeutiques.
C'est comme si une stimulation intense avait le pouvoir, par effet de
rebond, de créer une relaxation
intense. Dans les pratiques répétitives,
mantras, etc., on sent bien qu'il y a des moments où la sensation d'intensité
se diffuse rapidement dans tout le corps, mais ce dernier ne se contracte pas,
car on s'est donné comme consigne de départ de rester toujours relaxé. Ces phases d'intensification qui peuvent être
assez soudaines entraînent à leur suite, comme en miroir, un état de repos
d'une profondeur à laquelle on ne pouvait pas avoir accès auparavant.
Nous avons vu souvent que la méditation sur
le Om était ascendante, elle aidait à
la montée de l'énergie recherchée enYoga. Cela est déjà perceptible au niveau
de la face, le o étant prononcé à la
fois par la gorge et la bouche arrondie et le m vibrant dans le nez et les sinus.
Nous avons vu aussi qu'à l'oscilloscope cathodique, la forme du o était ronde et celle du m carrée, constituée d'un empilement de
lignes droites. De façon plus symbolique, on peut considérer que le bassin est
le o, le cercle de base d'où jaillit
le m comme une flèche ou un jet
d'eau. On retrouve l'archétype du yoni
(le cercle du socle relié à la matrice) et du lingam (relié au phallus, mais dirigé vers le haut et non pas vers
le yoni). La derniére vertèbre du
coccyx a une forme quasiment sphérique, les vertèbres inférieures ont un gros
corps arrondi et des petites apophyses épineuses, alors que les vertèbres
supérieures ont des corps de dimension de plus en plus faible et de grandes
apophyses, avec pour finir l'atlas et l'axis qui consiste en une tige soutenant
le crâne[xvi][16]. Ainsi, on retrouve inscrite dans l'anatomie
elle-même la transformation ascendante du cercle en droite, l'affinement
progressif du o en m. Toutes ces considérations
anatomico-symboliques ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel du mantra
ou de la prière répétitive : le Nom et le Nommé (nam et nami en hindi),
c'est-à-dire Dieu, l'Absolu, sont un. C'est dans cet esprit-là qu'il faut
pratiquer pour en retirer le plus grand bénéfice.
On peut aussi discerner dans le Om une symbolique de mariage intérieur :
le o circulaire est féminin, le m associé aux lignes droites est
masculin; ou bien, si l'on médite sur le a-o-m,
on peut discerner dans le a le son de
l'Origine, dans le o celui de
l'émerveillement, et dans le m la
résonance du mystère qui débouche dans le silence (nous avons vu que la même
racine mu- a donné naissance à mystère et muet, par
ailleurs le m, dans le langage des
oiseaux n'est pas différent de j'aime, tu
aimes, il aime...). L'émerveillement que nous avons pour notre Origine,
pour notre vraie nature induit une fusion du sujet et de l'objet qui est une
sorte de mariage intérieur. Le m qui
s'en dégage est alors comme un enfant infini, un enfant qui «aime» et qu'on
«aime», qui prend son indépendance et va
se lancer joyeusement dans l'aventure du silence jusqu'à s'y perdre.
SHREE
SHREE MA ANANDAMAYEE
ASTOTTAR SATANAM
108 NOMS DE MA ANADAMAYEE
Réunis par Swami Nirgunananda
Tapés pour Jay Ma et
l’internet par Madhavi Da Silva, étudiante en psychologie à Delhi University.
1.
2. Om Hridayavasinyai Namah
3. Om Sanatanyai Namah
4. Om Anandamayai Namah
5. Om bhuvana ujjalayai Namah
6. Om Jananyai Namah
7. Om Shuddayai Namah
8. Om Nirmalayai Namah
9. Om Punyavistarnyai Namah
10. Om Rajrajeshwaryai Namah
11. Om Swahayai Namah
12. Om swahayai Namah
13. Om Gouryai Namah
14. Om Pranavarupinyai Namah
15. Om Saumyayai Namah
16. Om Saumyatarayai Namah
17. Om Satyayai Namah
18. Om Manoharayai Namah
19. Om Purnayai Namah
20. Om paratparayai Namah
21. Om Ravishashi kundalayai Namah
22. Om Mahavyom Kuntalayai Namah
23. Om Viswarupiyai Namah
24. Om Aishwarya Bhatimayai Namah
25. Om Madhurya Pratimayai Namah
26. Om Mahima manditayai Namah
27. Om Ramayai Namah
28. Om Manoramayai Namah
29. Om Shantyai Namah
30. Om Shantayai Namah
31. Om Kshamayai Namah
32. Om Sarva devamyai Namah
33. Om Sarva devimayai Namah
34. Om Sukhdayai Namah
35. Om Varadayai Namah
36. Om Bhaktidayai Namah
37. Om Jnanadayai Namah
38. Om Kaivalya dayinyai Namah
39. Om Vishwa prasavinyai Namah
40. Om Vishwa palinyai Namah
41. Om Vishwa samharinyai Namah
42. Om Bhaktapran rupyai Namah
43. Om Murtimatyai Namah
44. Om Kripayai Namah
45. Om Triloka Tarinyai Namah
46. Om karya karan bhutayai Namah
47. OmBhedabhedatitayai Namah
48. Om Paramayai Namah
49. Om Paramadevateyai Namah
50. omVidyayai Namah
51. Om Vinodiyai Namah
52. Om Yigijana ranjinyai Namah
53. Om bhavbhayahanjinyai Namah
54. Om Mantra bijatmikayai Namah
55. Om Veda prakashikayai Namah
56. Om Nikhila vyapikayai Namah
57. Om Sagunayai Namah
58. Om Sarupayai Namah
59. Om Nirgunayai Namah
60. Om Nirupayai Namah
61. Om Mahabhavamayai Namah
62. Om Nirantarayai Namah
63. Om Gunamadhuryai Namah
64. OmParayai Namah
65. OmPurnabrahmane Namah
66. Om Naranaya Namah
67. Om Mahadevyai Namah
68. OmPadmanabhaya Namah
69. Om Kalya Namah
70. Om Bhavatapa Pranashinyai Namah
71. Om Anandaghana murtaye Namah
72. Om Sriyai Namah
73. Om Yajna atmikayai Namah
74. Om Purapurushaya Namah
75. Om Nishkrodhayai Namah
76. Om niragayai Namah
77. Om Ragadwesha Namah
78. Om Ambayai Namah
79. Om Ambikayai Namah
80. Om Jagadambikayai Namah
81. Om Nirdoshayai Namah
82. Om swabhavasthithayai Namah
83. Om swakriyayai Namah
84. Om Swarasamritayai Namah
85. Om Mokshada duhitre Namah
86. Om Vipin dhitre Namah
87. Om Varalabdhayai Namah
88. Om Prema murtaye Namah
89. Om Bholanath bharayayai Namah
90. Om Sarvagayai Namah
91. Om Sahaj samadhi dhritayai Namah
92. Om Hemkanti vibhratyai Namah
93. Om Bhaktanada dayinyai Namah
94. Om Sharadindujita smitayai Namah
95. Om Kalpavriksh upamanayai Namah
96. Om Sharanagata vatsalyai Namah
97. Om Kleshpasha tarinyai Namah
98. Om Hridkamal virajitayai Namah
99. Om Ananda rupinyai Namah
100. Om Ananda datre Namah
101. Om Anada vardhanyai Namah
102. Om Ananda dharinyai Namah
103. Om Sangitpriyayai Namah
104. Om Gururmatre Namah
105. Om Matri gurave Namah
106. Om Tirtha vasinyai Namah
107. Om Narayanyai Namah
108. Om Mahadevaya Namah
LE MAITRE
SPIRITUEL
SON ENSEIGNEMENT
Extrait d’un ouvrage
qui vient de paraître chez Terre du Ciel : Ramdas, un Maître spirituel de
l’Inde d’aujourdh’ui ». Auteur : Marc Avérous.
Par toute sa vie Ramdas a enseigné.
Connaître sa vie en quelques pages suffit-il à
comprendre toute sa profondeur ?
Si la grâce, qui nous a mis en présence d'un tel
Maître, nous donne le désir de suivre ses pas – ce qui ne veut pas dire copier
ou revivre les circonstances qui l'ont libéré, – ne manquons pas l'occasion
d'approfondir son enseignement, en le
puisant là où il est, c'est-à-dire dans les écrits qu'il nous a laissés, source
rare pour notre sadhana.
L’APPEL - LE MAITRE
Tout commence par une grande nostalgie. Le futur
disciple éprouve un mécontentement pour sa vie banale, juge insipide les tâches
journalières, il se trouve peu de goût pour la vie mondaine dont il ne voit
plus les buts. Rappelons-nous comment a commencé le chemin pour Ramdas : «
Pendant près d'une année, Ramdas se débattit dans un monde plein de soucis,
d'anxiétés et de peines. Ce fut une période terrible d'inquiétude et de
tension. Dans cet état de misère désespérée un cri jaillit du cœur de Ramdas :
"Où trouver le soulagement ? Où trouver la paix ? "
Le chercheur, dos au mur, décide de se mettre en
route, non pas par un effet de sa volonté propre, le fruit mûr se trouve
cueilli par la main divine. Ramdas y insiste : « La grâce seule peut nous sauver
», « Il n'y a pas d'autre chemin. La grâce est à ce point toute puissante
qu'elle peut agir sur n'importe quelle personne, qu'elle soit en mesure ou non
de la recevoir. Sinon... elle ne serait pas toute puissante et vous pourriez
dire que vous pouvez atteindre Dieu par votre propre mérite... Ainsi, vous
tournez votre esprit vers Dieu par sa grâce seule... »
« En premier lieu, insiste-t-il, on doit
s'éveiller par la grâce divine à l'intérieur de soi-même ; cette grâce ensuite
conduit le chercheur vers un saint qui l'initie et lui donne une grâce
supplémentaire qui lui permet d'aller jusqu'à la réalisation de la Vérité. En
sanskrit, on appelle cela atma kripa et guru kripa'... Le chemin devient alors
plus facile pour lui, puisque le Maître le guide tout le long jusqu'à ce qu'il
trouve Dieu. »
Si le disciple répond positivement à cette
première impulsion, alors, suivant le vieil adage : « Quand le disciple est
prêt, le maître arrive ». Le maître est attiré par
le disciple comme le disciple est attiré par lui, l'un étant la forme divine
achevée, l'autre la forme divine en devenir.
Et le maître adore chez le disciple cette image du
divin.
LES QUALITÉS DU DISCIPLE
Il est dit que lorsque le disciple rencontre un
vrai maître, une grande partie du chemin est faite. Le disciple est la terre
que le maître travaille et rend féconde. Des qualités qu'il trouve dans le
disciple dépendent les résultats de son action.
Encore faut-il que le disciple soit un disciple.
Un dévot de Ramdas lui pose cette question : « Puisque d'un seul regard, le
Maharshi vous a donné l'illumination, pourquoi n'agiriez vous pas de même sur
vos disciples ? » Papa répond qu'il n'y aurait pas de problème si ses disciples
se présentaient dans l'état où lui-même se trouvait devant le Maharshi.
Quelles sont ces conditions ?
1 – Sincérité et foi absolues. Le disciple est
prêt. La grâce a déjà travaillé. Elle a développé en lui la soif du divin. Le
contact avec le maître est la seconde grâce : le
travail spirituel (sadhana) et son aboutissement est la grâce finale. Soif du
divin développée, confiance absolue envers le maître, sincérité sans limite
dans sa recherche intérieure, le disciple doit être vrai, et parler vrai en
tout temps, même s'il heurte les ressentis de son entourage.
2 – Vaillance et détermination doivent être
absolues. Nous sommes ici sur le chemin de l'Absolu. Le prix à payer est le
prix total. Il n'y a de réduction de tarif pour
personne. Sur ce chemin, « vous devez aimer Dieu de tout votre cœur. C'est la
seule méthode pour L'aimer. Il ne doit pas y avoir de réserve dans votre amour,
qui doit être intégral et complet. En
d'autres termes, vous ne devez avoir personne dans le monde que vous aimiez
autant que Lui. L'attachement aux objets du monde vous empêche de donner à Dieu
le cœur entier. Ce que Dieu désire c'est que vous lui déversiez tout votre
amour. Votre mental, vos sens et votre corps doivent être disposés à ses pieds
comme si vous Lui offriez un immense bouquet de fleurs. Votre but est que vous Le
trouviez à l'intérieur de vous et que sa lumière, son amour, sa paix et son
pouvoir vous soient révélés. Ceci est possible seulement par une consécration
totale de votre vie à Lui. »
Ecoutons cette histoire :
Un jour un marchand avait un collier de perles à
vendre.Un client lui demanda quel était le prix de son collier. Lemarchand lui
dit que le prix était de 10 000 francs. L'acheteur commença à marchander, il
voulait le collier pour 7500 francs. Le marchand refusait de le lui laisser
pour moins de 10 000 francs. « Je ne peux pas vous laisser ce bijou sans le paiement de son prix fort »,
dit-il. Mais le client continuait à marchander, le demandant pour 9 000, puis 9
500, puis 9 750 et finalement pour 9 999 francs. Mais le marchand ne voulait
pas s'en séparer pour toute autre somme que 10 000 francs. Et le client, qui
voulait le collier, dut payer pour lui le prix fort.
Ainsi, conclut Ramdas, Dieu demande le prix fort
avant de se livrer à vous. En vérité, le divin est sans prix. Personne ne
l'obtiendra sans payer le prix en entier, c'est-à-dire votre être total dans
tous ses aspects. Et en fait, cette consécration totale d'une vie n'est rien
devant l'infinie liberté, la paix et la joie que vous obtenez de Lui.
3 - La soumission au maître doit être absolue. Le
disciple
considère le maître comme celui qui a parcouru le
chemin ; il voit en lui un grand frère, un père, une mère, un modèle du divin
réalisé, un miroir dans lequel il se reconnaît. Cette soumission est élevante
pour le disciple, un don immense du maître, qui renvoie vers son disciple
l'image divine que celui-ci porte en lui-même. Et l'aime comme tel.
A une personne qui lui demande pourquoi,
considérant son père comme son guru, il n'était pas resté près de lui pour
avoir plus souvent son darshan et profiter de sa grâce, Ramdas répond que
Gurudev lui avait donné une directive :
il n'avait pas à le revoir avant qu'elle n'ait été réalisée.
Gurudev l'avait assuré que « s'il répétait
continuellement ce mantra', Ram lui accorderait le bonheur éternel ». Ramdas a
répété continuellement le mantra jusqu'à ce que Ram lui accorde le bonheur
éternel. Et par là nous a donné l'exemple de la motivation absolue, de la
confiance absolue, de l'obéissance absolue, et du paiement du prix fort.
LE BUT
« Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur
de vous ». Aidé par son maître, le disciple va obtenir la réalisa-
tion, non pas par sa sadhana mais à travers sa
sadhana. La sadhana n'est pas le moyen de la libération, n'est pas une
technique appropriée, comme on obtient du beurre
en barattant le lait.
« C'est la grâce qui donne la libération : elle
est à l'origine même de la sadhana. Ramdas dit : « La grâce vous
donne un éveil. Mais la réalisation ne vient pas
aussitôt.Avant de réaliser complètement le divin, Il vous fait avoir
une sévère sadhana. Mais cette sadhana,
obligatoire, est joie... Quand le premier éveil est arrivé, alors le chemin est
aisé.
« Votre travail consiste seulement à faire tomber
sur vousla grâce divine. Constamment vous appelez Dieu. Vous
chantez Dieu, et vous obtiendrez une étrange
béatitude, une étrange paix. Ce sera le résultat de sa grâce.
« Ceci est le seul chemin pour L'approcher. Prenez
son Nom. Priez-Le. Appelez-Le. Chantez ses gloires. Elevez-
vous dans votre plus haute nature... Alors vous
serez remplis de lumière, pouvoir, sagesse, et joie dans le divin. »
C'est le pur amour. Ramdas n'a jamais grommelé ou
parlé
LES MOYENS DE LA SADHANA
Même si la sadhana est joyeuse et libre, elle n'en
est tout de même pas moins un travail, et comme tel elle a ses exigences de
rigueur. Les différentes « techniques » que préconise Ramdas sont celles qui
viennent de son expérience :
Le Ram-Nam
C'est l'arme absolue de Ramdas, dont l'effet est
l'illumination. C'est par le Ram-Nam – il le dit itérativement – qu'il
est devenu intoxiqué du divin. C'est le moyen de
déprogrammer le mental, afin qu'il devienne vide et libre.
Un mantra est une formule sacrée objet de
méditation. Cette formule peut se réduire à un seul mot, par exemple le nom
d'une incarnation divine tels que Krishna, Rama (ou Ram). C'est le nom de Ram
que Ramdas, intuitivement, prononça tout
d'abord. A proprement parler Ram (ou Rama, ou Ramachandra) est
une incarnation divine hindoue', septième
incarnation de Vishnu, lui-même un des trois « visages » de la trimurti'.
Vishnu est le divin considéré comme conservateur
de la création, qui s'incarne chaque fois que le monde est en
danger, afin de rétablir la religion primitive ;
ainsi Rama et Krishna. Cependant, pour Ramdas, Ram représente plus que le
personnage légendaire de l'histoire de l'Inde, héros du Ramayana. A la question
que lui pose un jour un de ses dévots : « Est-ce que le Ram dont vous parlez
est le Ram historique, ou est-ce une présence personnelle, et de quelle nature
est le contact que vous avez eu avec Ram ? », Rames répond :
– La question est difficile parce que le Ram de
Ramdas est en réalité merveilleux. Il en est de même, je le suppose, du Dieu
qu'ont réalisé beaucoup de saints et de sages dans tous les pays. Ramdas sent
la présence de Ram à chaque instant, et pourtant il ne peut pas dire de quoi il
a l'air. L'omniprésence est un des attributs de Dieu, et l'on peut sentir cette
omniprésence, mais il est très difficile de l'exprimer. Au début, lorsque Dieu
a engagé Ramdas sur la voie qui mène à la réalisation, il lui a fait répéter le
nom de Ram, simplement Ram, Ram. A ce moment, il n'avait qu'une idée assez
vague de ce que Ram était, ou pourrait être. Mais cela avait pour effet que les
vagues du mental se calmaient progressivement et il a joui alors d'une certaine
paix. Son guru est venu plus tard et l'a initié en lui donnant le mantra de Ram
: Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram. Mais le guru n'a pas dit à ce moment à Ramdas
si c'était un personnage historique, si c'était un personnage mythologique, ou
si c'était
l'esprit omniprésent.
« Après avoir chanté le mantra Om, Sri Ram, Jai
Ram, Jai Jai Ram pendant assez peu de temps, Ramdas a été entraîné dans un état
d'exaltation mentale où il était envahi par la lumière et la paix, au point
qu'il perdait parfois conscience de son corps et pénétrait dans un plan de
conscience supérieur. A cette époque, il répétait le mantra de Ram jour et
nuit, sans arrêt ».
Le mantra est une formule sacrée destinée à être
répétée. Pour s'en faire une idée, il n'est qu'à penser à certaines
prières de la tradition chrétienne, par exemple
aux répétitions des répons dans les litanies latines : « Ora pro nobis,
ora pro nobis, ora pro nobis... »
Un autre exemple est, bien sûr, celui du chapelet.
Jésus a donné une prière essentielle : le 1Votre Père (ou Pater
1Voster). Pour se tenir en état de prière (en «
souvenir constant »), les premiers chrétiens récitaient et récitaient la
formule du Pater'. Pour ne pas s'endormir et s'y
appliquer pleinement, ils faisaient passer un par un des petits cailloux de
gauche à droite. Ces petits cailloux, enfilés en perles sur une cordelière
forment un chapelet. Il est récité maintenant sur le le vous saLue, Marie (ou
Ave Maria).
Un excellent exemple de l'utilisation d'un mantra
chrétien (dans la tradition orthodoxe) est donné dans un petit livre, Récits
d'un pèlerin russe'. Il met en scène un paysan qui, vers 1860, prend au sérieux
la recommandation de saint Paul dans son Epître aux Thessaloniciens" : «
Il faut prier sans cesse ». Il se demande comment cela est possible, vu qu'un
homme va dans la journée à ses occupations, mange, dort...
Il pose donc la question à plusieurs personnes : à
un saint homme, à un supérieur de monastère, à un vieux religieux, qui ne
savent lui donner de réponse. Mais le dernier le conduit à un staretz" qui
enfin lui donne la clef : il faut répéter la prière de Jésus, qui est
l'invocation : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi ! »
Celui qui s'habitue à cette invocation, explique le staretz, ressent une grande
consolation et le besoin de la répéter sans cesse ; au bout de quelque temps,
il ne peut plus demeurer sans elle et c'est d'elle-même qu'elle coule en lui.
Le jour, et la nuit aussi, pendant le sommeil. C'est la prière intérieure
perpétuelle.
Et le pèlerin russe part en récitant son « mantra
». « Je m'habituais si bien à la prière que si je m'arrêtais un court
instant, je sentais un vide comme si je perdais quelque
chose ; dès que je reprenais ma prière, j'étais de nouveau
heureux et léger ». La formule est différente,
mais Vittal devint Ramdas par le même chemin. A la différence des cultures
près, Ram et Jésus sont pour le dévot des incarnations du divin, senties mais
non tangibles, par lesquels on peut avoir de Lui une approche charnelle.
L'influence de la répétition d'un mantra est illustrée par
une histoire qu'aimait raconter Swami Ramdas :
Un homme voulait se rendre propice un démon afin
de lui faire faire tout ce qu'il voulait. Dans ce but, il accomplit des
pratiques sévères. Enfin le démon lui apparaît et promet de lui obéir, mais il
pose cette condition :
– Je réaliserai tous tes rêves, dit-il, mais si, à
un moment, tu cesses de me donner du travail, je te dévorerai. Tu dois me tenir
occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'homme accepte, et lui donne
aussitôt l'ordre de bâtir un vaste palais. A son émerveillement, le palais est
construit en quelques minutes. Puis de bâtir une route. Cela est fait tout
aussi rapidement. La minute suivante, le démon se tient devant lui, pour lui
demander un nouveau travail. Notre homme n'a même pas le temps de penser. Il
lui ordonne alors
de bâtir une ville immense. En quelques heures,
une ville s'élève devant ses yeux ébahis. L'imprudent est effrayé devant cette
force qu'il ne peut contrôler et dont il devient l'esclave. Que faire ? Bien
vite, il se rend auprès d'un saint et lui demande conseil. Le sage lui dit :
– Plante un bambou en terre solidement et demande
au démon de monter et descendre sans s'arrêter. Il suit ce conseil. Bon gré mal
gré, le démon doit s'exécuter : cela signifie pour lui un travail incessant
sans le moindre mérite, sans le moindre repos. Finalement, lassé, il s'en va
pour ne plus jamais revenir.
Cette histoire est celle de la destruction du
mental et par là même, du sens de l'ego. Le mantra est la perche de bambou ;
l'ego, le démon qui vous tourmente en bâtissant des châteaux en Espagne.
Demandez-lui d'aller et venir sans cesse sur la « perche » du mantra, il sera
vite fatigué de cet exercice et partira de lui-même. Alors le mental se
dissoudra, et se révélera en vous la Pure Conscience.
Il est certain que le sens des mots prononcés,
même s'il est difficile de le maintenir présent à l'esprit dans la répétition,
permet au récitant de se garder dans la présence du divin. Mais le sens n'est
pas capital. La foi dans le mantra agit. Et la transmission par un guru (un
maître spirituel) à un de ses fidèles est essentielle, Cette transmission,
donnée de bouche à oreille, s'appelle l'initiation et donne au mantra sa vraie
valeur".
Les mantras védiques tiennent à la tradition
religieuse la plus ancienne : les Veda, textes sacrés de l'Inde, établis par
les rishi, les sages à l'origine de la religion primordiale. Le fait que ces
mantra aient été mis au point sous méditation par de tels maîtres, et aient été
récités avec foi par des millions de personnes avant que les disciples les
reçoivent, donne à ces formules toute leur puissance.
Le pouvoir d'un mantra n'est pas supérieur au
pouvoir d'un autre. C'est surtout le fait que le maître l'ait choisi pour nous
qui importe : la couleur d'un savon est différente de la couleur d'un autre
savon, mais la substance est intrinsèquement la même. Ramdas l'exprime
parfaitement quand il demande que le nom de Dieu soit constamment sur nos
lèvres, quel que soit le nom que l'on donne à Dieu. Mais il l'affirme tout au
long : l'efficacité du mantra est liée à l'abandon. Si le disciple ne
s'abandonne pas à la volonté divine, le Ram-Nam qu'il chante sonne faux. Nous y
reviendrons. Dans cet abandon, le mantra doit couler comme du miel sur la
langue de celui qui le répète.
Voici la traduction du Ram-mantra : Om, Sri Ram,
Jai Ram, Jai Jai Ram :
Om : c'est la vérité impersonnelle, Dieu sous son
caractère immanent, inaccessible, sans attribut. C'est le Brahman des hindous.
Il est dit dans les Ecritures que le Brahman se révéla à l'origine comme son et
que le son primordial fut Om. Ce son est ainsi considéré, si l'on peut dire,
comme le mouvement de l'immobile, ou comme le Nom d'un Dieu innommable.
Sri, c'est le Pouvoir divin.
Ram représente le purushottama de la
Bhagavad-Gita, qui est à la fois purusha et prakriti", et en même temps
l'Un
suprême, transcendant au delà des deux Jai Ram,
Jai Jai Ram : « Victoire à Dieu, Victoire, Victoire à Dieu ».
Soit : « Dieu, qui es à la fois vérité et pouvoir,
personnel et impersonnel, victoire à Toi, victoire, victoire à Toi ! »
Ramdas explique comment il faut réciter le mantra,
jusqu'à la grâce finale de l'illumination : « Quand Ramdas
chantait le nom de Dieu, lui demandant d'être
victorieux sur toutes les forces des ténèbres et victorieux de l'ego, il
implorait, il suppliait Dieu nuit et jour, et pour finir Dieu remporta la
victoire ».
Ce n'est point Ramdas qui fut victorieux, notez
bien : c'est Dieu lui-même habitant le coeur de Ramdas.
La répétition du Nom, et la concentration sur le
son du mantra, amène à la purification du mental. « Vous acquerrez un haut
pouvoir de concentration. Si vous concentrez votre mental et le fixez sur Dieu
avec l'objectif de l'atteindre, il vous conduira à des sommets de lumière. Et
vous serez parfaitement contenté. Votre vie sera comblée. »
« Le mental est rempli par le mal. Il peut être
remis en santé et libéré du mal par la répétition du Nom divin. Plus
vous répétez le Nom de Dieu, plus vous devenez
conscient de sa présence à l'intérieur de vous. Les forces sombres sont
conquises et le mental devient tranquille, pur et transparent. Alors le
rayonnement, la paix et la joie du divin se révèlent eux-mêmes et vous devenez
comme une vitrine dans laquelle la lumière brillante est conservée. Sinon vous
êtes comme un vase boueux dans lequel brille une lampe. Le vase étant opaque, on
ne distingue pas la lumière. Vous devez faire du véhicule humain un parfait
support de la lumière de Dieu. »
« Quand Ramdas commença à réciter Ram-Nam, il
devint fou de Dieu. Ceci fut pris à tort par ses amis et ses parents pour de la
démence. Jour et nuit, sans repos, il chantait Ram-Nam. Le sommeil aurait coupé
la continuité de Ram-Nam. La nourriture lourde aurait amené le sommeil. Ainsi
il sacrifia à la fois la nourriture et le sommeil pour chanter le nom sans
cesse, La discussion mondaine aurait distrait le mental du Ram-Nam. Ainsi il
cessa toute discussion et partit dans la solitude... vagabondant dans une robe
d'ocre jaune...comme une feuille morte portée ça et là par la brise. Il disait
alors qu'il se sentait en sécurité comme un bébé dans les bras de sa mère. »
Il précise : « Les vibrations crées par la
répétition du Nom de Dieu s'amalgament à notre mental, qui se trouve absorbé
dans le divin. Il oublie de divaguer car il est saturé, intoxiqué par la
douceur du Nom. Tous les vasana" et désirs sont éradiqués, et le mental
devient calme... Il n'est rien, en vérité, qui ne puisse être obtenu par la
répétition du Nom pendant quelque temps. C'est immédiat. Telle est l'expérience
de Ramdas. La douceur du Nom est telle qu'elle ne veut pas vous quitter. Ramdas
but cette douceur jusqu'à ce que la boisson et Ramdas devinssent un. Après
cela, naturellement, la répétition s'arrêta et Ramdas fut envahi par l'extase,
qui est demeurée avec lui toujours depuis lors, sans plus d'effort, »
L'abandon, le renoncement
« Réellement l'homme n'a pas de volonté propre. Il
y a seulement une volonté divine au travail partout et en tout.
C'est une erreur de penser que nous, en tant
qu'individus, possédons un pouvoir quelconque pour faire quelque chose.
Dieu est derrière tout. Son pouvoir seul est actif
et si nous nous soumettons à Lui, nous serons libre du sens de l'ego et
réaliserons que nous sommes l'Esprit infini, universel. » La répétition du Nom
divin est liée à l'abandon. Elle ne trouve son pouvoir entier que si l'abandon
est présent. En anglais, Ramdas choisit le mot surrender qui signifie «
abandonner », mais dans le sens militaire d'abandonner une place forte.
Abdiquer, se rendre. C'est l'ego qui se rend à la volonté de Dieu, avec
confiance. Confiance absolue dans l'amour. Qa marche ! Ramdas, nous l'avons dit
et répété, parle d'expérience.
S'abandonner est un acte de volonté. S'abandonner
est un acte d'humilité. S'abandonner est un acte de sagesse.
Ramdas déplore de voir des personnes troublées par
l'état de leurs affaires, et passer par les tracas et les anxiétés de la vie.
Il a connu ça ! « Il est bien entendu que si nous sommes dans un chemin
spirituel, nous nous abandonnons dans les mains de Dieu, et il s'occupe de nous
chaque jour. Quelles que soient les expériences que nous ayons, bonnes ou
mauvaises, elles nous sont toutes données pour notre progrès spirituel ».
Se soumettre à cette volonté omnipotente, c'est
l'absolue libération d'une âme qui cesse de lutter. Le moyen de
s'abandonner est bien sûr de s'engager dans le
total « souvenir de Dieu » par la récitation du Nom. Accorder notre mental sur
cette présence à l'intérieur de nous, c'est atteindre la libération des peines
et de la misère qui nous viennent de l'identification au corps périssable".
Ainsi lui-même accepte-t-il toutes les situations
comme données par Ram Lui-même. Il supporte les injures, les
privations de nourriture, ou les piqûres des
moustiques le long du Gange, couchant s'il le faut sur la pierre glacée sans
seulement un morceau de tissu pour couvrir son corps.
Jamais il ne se plaint ni regimbe : il se contente
de décrire le jeu de la vie, et il sait que cela est la réalité, son Ram
bien-aimé.
Un homme religieux accepte tout ce qui est, il
n'attend pas qu'il lui arrive autre chose. Il est toujours reconnaissant. La
façon dont il regarde le monde est différente. Le monde est neutre, il lui
apparaît comme la beauté et l'extase ultimes. Les situations pénibles sont des
processus de purification que nous devons accepter de bon coeur ; sans la
souffrance il ne peut y avoir de progrès. C'est lorsque notre mental est
absorbé en Dieu que nous devenons libres de la misère, transcendant les sens et
le mental : c'est l'état de nirvana" ou libération.
« Béni soit celui qui a connu l'épreuve, a dit
Jésus", il a trouvé la Vie. »
L'unité, la compagnie des saints
Cette ignorance, assimilation au corps, croyance
en une différence entre toi et moi, sensation d'être trimballé entre chaud et
froid, joie et peine, gain et perte, c'est la douleur. L'action, ou jeu, ou
lila de Dieu se manifeste par l'existence de ces paires d'opposés, chaque
phénomène se trouvant souligné par son opposé complémentaire. Cette présence de
« paire d'opposés'" » est la définition même de la shakti", énergie
jouant entre deux pôles : plus et moins pour l'énergie électrique, Nord et Sud
pour le magnétisme, chaud et froid pour l'énergie thermique, action et réaction
pour la mécanique, mâle et femelle pour l'énergie sexuelle, chakra pour
l'énergie spirituelle (kundalini), etc. La libération nous place au-dessus de
cette dualité : « Rester toujours sur le plan de la dualité, assujetti aux
dvandva de plaisir et peine, honneur et déshonneur, profit et perte, et
continuer à dire "Je suis
Brahman" ou "Je suis un avec le
divin", c'est la déception. »
Quand, par la purification du mental, nous
arrivons à transcender les paires d'opposés, nous tenant au-delà du
« j'adore » et du « je déteste », alors vient
cette attitude d'enfance que tous les saints paraissent posséder. Souvenonsnous
comment Ramdas et Ananda Mayi se disputaient le titre de plus jeune petit
enfant. Et du sourire de Ramdas qui, ayant transpassé la dualité passé et
avenir, vit en l'immédiat de l'éternel présent. Le saint est disponible : il
est tout amour, tout écoute, et sa compagnie est absolument agréable.
Sans désirs, sans vasana, le mental purifié cesse
en quelque sorte d'exister, ou du moins de s'imposer à nous
comme manifestation de l'être". Nous prenons
conscience alors qu'il était la cause de l'état de séparation dans lequel nous
vivions. La vérité s'impose : Dieu seul est. Dieu (la vie) est en moi. Je suis
la Vie. Les hommes, les animaux, les objets sont la Vie. Nous sommes tous Un.
« Dans la réalisation de Dieu, où est-il question
de "Je" et de "Tu" ? Où peut-il être question de séparation
entre l'un et l'autre, même physiquement, puisque nous voyons toute chose comme
la manifestation de Dieu... ? Toutes les différences, divisions et diversité
sont complètement fausses dans le Royaume de Dieu ».
C'est Dieu qui joue tous les rôles. Il est le
malade et le médecin, il est le voleur, le gendarme, le juge et le bourreau.
C'est lui qui nous inspire d'aller à un satsang
quelque part, d'aller à nos affaires ailleurs, de commettre ce que l'on
appelle un crime en un autre lieu. Dès que nous
avons pris conscience que c'est Lui qui joue tous les rôles, alors nous ne
voyons plus rien de bien ou de mal et nous sommes transportés sur un plan plus
élevé de conscience. Notre effort doit être de nous maintenir sur ce plan.
« Nous devons sentir, dit Ramdas, au plus profond
de nous-mêmes, que nous ne sommes pas simplement des
corps, mais l'Esprit immortel, pénétrant tout.
Quoique, apparemment, nous semblions être séparés les uns des autres, essentiellement
nous sommes Un. Nous avons à développer cette conscience. Afin de réaliser
cela, nous devons nous attacher à Dieu qui a sa place dans le coeur de chacun
de nous. Dieu n'est pas éloigné de nous, dans le temple, l'église ou la
mosquée. Nous devons nous attacher à Lui. Nous devons nous souvenir de Lui à
l'intérieur de nous. En nous souvenant constamment de Lui, nous pouvons
déchirer le voile qui nous sépare de Lui et réaliser notre unité avec Lui.
Nous sommes essentiellement divins, non seulement
intérieurement mais extérieurement aussi... L'univers dans sa totalité est
décrit par la Bhagavad-Gita comme une manifestation du divin... Chaque atome de
l'univers est plein de la lumière et de l'énergie divine. C'est ce que nous
avons à réaliser...
« Tous les grands maîtres" nous ont enseigné
que nous devrions vivre en union les uns avec les autres et ne pas
lutter. Ce message est en vérité un grand trésor
qui est notre héritage. Nous ne devons pas vivre comme des personnes
ordinaires, ne pas oublier de chercher à réaliser le centre et l'essence de
notre être, Dieu. De temps en temps, nous devons tourner notre mental de
l'extérieur vers l'intérieur afin de tâcher de réaliser l'unité avec la source
éternelle...
Dans cette unité est la paix... et non pas dans la
division et les conflits ».
La méditation assise
A la lecture des écrits de Ramdas, il semble que
la méditation assise prenne peu de place. A y regarder plus profond, on
constate qu'elle s'impose d'elle-même dans son enseignement, par plusieurs
approches.
Le rappel du mental vers l'intérieur, dans le
texte que nous venons de lire, est déjà une forme de méditation.
Ramdas recommande, lors de la récitation du
Ram-Nam, de « méditer sur les attributs de Ram ». Ce qui procure un double
avantage : le premier est de ne pas laisser divaguer le mental. La récitation
du mantra nous met déjà en présence de Dieu ; la méditation sur les qualités
divines souligne ou accélère encore l'effet du mantra. Méditer sur les qualités
de Ram est chose facile, puisque Ram est tout et chacun autour de nous, c'est
la Nature, c'est la Vie, et toute ses implications. Un autre avantage de cette
« méditation » est qu'elle développe une connaissance du divin, et par cela
l'amour de Dieu, indispensable pour obtenir la grâce divine".
Chez Ramdas, la méditation a bien souvent été
l'effet de la répétition du mantra. Le mental s'arrête et le ravissement vient,
avec un état de samadhi, plus ou moins profond, que les mystiques chrétiens
appellent contemplation. Ce ravissement peut d'ailleurs venir du divin reconnu
dans un paysage, dans l'art, au contact d'un saint, ou aussi de toute autre
expérience.
Quant à l'exercice de méditation proprement dite,
il l'impose à Mataji quand il juge qu'elle est prête à réaliser sa libération :
« Tous les saints ont obtenu la plus haute expérience spirituelle en pratiquant
la méditation. Ramdas pense que vous pouvez, si Ram le veut, avoir cette
expérience même sans pratiquer la méditation assise. Mais il semble cependant
que le moment soit venu où vous devriez pratiquer la méditation ».
Krishnabaï écrit :
« Ô Papa, plein de compassion ! Quelques jours
passent ainsi, au bout desquels tu m'autorisas à revenir à l'ashram.
Lorsque j'y vins, tu m'ordonnas de m'asseoir pour
méditer. Je n'avais jamais médité jusque-là. Et même lorsque je m'efforçais de
le faire, je me trouvais terrassée par le sommeil...
Ainsi quand tu me demandas de m'asseoir pour
méditer, je répliquai : « Je ne veux pas ». Alors tu me dis : « Pour
méditer, assieds-toi bien droite et ne bouge point
ton corps, si peu que ce soit, pour n'importe quelle raison. A mesure que tu
avanceras, il se peut que tu voies à un certain stade quelque lumière brillante
et que tu ressentes de la frayeur.
Cela ne devrait point faire que ton corps se
meuve. Tu ne devras point fixer ton esprit sur la forme de Ramdas, et tu devras
considérer toutes les pensées qui te viendront à l'esprit comme n'étant point
toi-même, te voir toi-même audessus de toutes pensées, toute transcendante
consciencetémoin.
« Lorsque la kundalini" remonte, si ton corps
bouge si peu que ce soit, sa puissance descendra immédiatement, et il se
passera un long moment avant qu'elle se remette à monter.
« La montée de la kundalini au niveau de bhrukuti
(ajna) peut s'accomplir sans grande difficulté. Mais que cette puissance
oscille de bhrukuti à sahasrara", cela est extrêmement
difficile. L'aide extérieure du guru ne peut
t'être utile que pour amener la kundalini jusqu'à bhrukuti c'est-à-dire vers
l'étape de la réalisation de soi. Au-delà, Ramdas
ne peut plus t'assister sous sa forme extérieure à toi. Ramdas, la
Vérité absolue au dedans de toi, fera monter, de
par sa grâce, la puissance jusqu'au sahasrara, te faisant une avec
lui. Cela te donnera l'expérience que tu es l'univers
entier et au-delà ».
Suit le détail de l'illumination, qui s'empare
doucement de Mataji".
Pendant sa tournée en Europe en 1954, Papa Ramdas
donne en Suisse une véritable leçon de méditation silencieuse. La méditation,
contrairement aux idées occidentales, ne consiste pas à penser à quelque chose
; elle consiste au contraire, dans l'abandon total, à expérimenter la cessation
pour un temps de la danse désordonnée des pensées dans notre mental. Elle est à
la fois un test, un exercice, et une expérience spirituelle.
La méditation idéale est le silence complet du
corps et du mental. Si quelque pensée se présente, qu'elle ne soit point
retenue ; comme si elle n'était ni indésirable ni invitée. Le silence obtenu,
la présence du divin s'impose puisque nous sommes le divin.
La leçon de méditation de Ramdas a lieu à Genève.
Plusieurs personnes lui demandent ce qu'il en est de la
méditation. Jamais une telle question ne lui avait
été posée en Inde ! Il accepte aussitôt d'en faire la démonstration.
Descendant de sa chaise, il s'assied en
siddhasana", et invite chacun à faire de même, s'il peut tenir cette
position.
Papa demande alors qu'on ferme les yeux, et qu'on
répète un Nom Divin, quel qu'il soit : Ram, Shiva, le Christ ou Allah, et de
méditer sur les qualités divines. Personne ne bouge, même d'un
centimètre". Tout le monde est immobile dans son corps et dans son esprit.
L'exercice est refait tous les après-midi pendant une demi-
heure, tant qu'il demeure à Genève ; et quoique la
plupart éprouvent des difficultés à contrôler leur mental vagabond, la présence
de Papa les apaise, et ils ressentent un vrai bonheur. Ayant goûté une fois à
ce calme très doux de la méditation, ils reviennent, et d'autres personnes
viennent en grand nombre ; Papa leur demande de continuer cette pratique au
moins une demi-heure chaque jour". Pour lui-même Ramdas ne parle pas de
méditation. Il s'en explique : il est en état de méditation constante. Il n'a
plus besoin de s'accorder ces moments de silence pour goûter des échantillons
de béatitude, puisqu'il possède celle-ci en pièce entière.
LA VISION UNIVERSELLE : L'AMOUR, LE SERVICE
Dans cette montée vers le divin, des voies
différentes sont possibles. On a dit de Ramdas qu'il était un grand
bhakta'", c'est vrai. Mais s'il préconise par la récitation du mantra
l'intimité avec Dieu, il ne cesse d'enseigner la connaissance religieuse en des
milliers de questions-réponses, où, pour celui qui voudrait suivre la voie de
jnani-", tout approfondissement se trouverait accessible".
Le saint a déchiré le voile de l'ignorance.
L'ignorance, c'est maya, la lila, ou jeu divin. L'enseignement spirituel des
maîtres, depuis toujours, a consisté à enseigner
aux hommes à surmonter maya, à s'élever au-dessus de la dualité de la création
afin d'en percevoir l'Unité dans le Créateur.
Il a une confiance totale envers tous les êtres :
hommes et animaux. De quel danger peut-il avoir peur quand il ne voit devant
lui que son Ram Bien-Aimé ?
Puisque l'homme est Dieu Lui-même, on doit l'aimer.
Plus que cela, le servir. Et le service doit se faire sans aucune considération
de caste ou autre condition. « Ô Papa plein de compassion ! Ecrit Mataji, tu
m'acceptas comme ton propre enfant et me donnas conseil en ces mots :
"Répète toujours Ram-Nam et considère le service que tu rends à quiconque
comme étant le service et le culte rendus à Ram". Cette pratique te
permettra facilement de réaliser ton union avec l'être universel, Ram" ».
Krishnabaï sert tous les hommes sa vie durant,
prenant le conseil de Papa comme un ordre formel. On peut dire qu'il prêche là
le karma yoga : amour inconditionnel et service désintéressé. Le but premier de
son tour du monde de 1954 n'était-il pas de propager cet idéal d'amour et de
service ?
La vision universelle est l'expérience du divin
immobile et mobile, inactif et actif, immanent et personnel, à l'intérieur et à
l'extérieur de soi. Ce but atteint, l'illusion d'un moi séparé dépassée, vient
la joie absolue, état naturel de l'homme.
LE MONDE, ILLUSION ?
Réalisation du divin ne signifie pas pour Ramdas
monde illusoire. Si l'ego se fait illusion sur le monde, le monde, lui, n'en
est pas pour autant illusion. Il y a une réalité de la vie telle qu'elle nous
apparaît. Cette réalité n'est illusoire que par son caractère éphémère. Elle
est insaisissable. Mais elle a son existence propre. Maya n'est pas l'illusion
bouddhiste, c'est le jeu divin, la danse de Shiva.
Un jour qu'il se trouve à Donnal dans le jardin de
la ville avec une demi-douzaine d'amis mariés et chefs de famille, un passant,
qui observe Ramdas vêtu d'ocre, passe à côté de lui et lui donne cet
avertissement :
– Prenez garde, ne leur enseignez pas que le monde
est une illusion, ou vous les égareriez.
Et Ramdas :
« Pour Ramdas le monde n'est plus une illusion. Il
est arrivé à le regarder comme la propre expression de Dieu en
forme et en mouvement. Il se révèle comme une
gigantesque image de Dieu débordante de vie divine. »
Après son tour du monde en 1954, il écrit le livre
World fis God'-'. La préface ne nous laisse pas de doute : « Le Monde dans
lequel nous vivons, et les innombrables autres mondes dans lequel le nôtre est
placé : tous sont imprégnés par la Vérité unique ou Dieu éternel et sans
limite. Le microcosme est le macrocosme. L'individuel est l'universel. Dieu
habite dans chaque être et dans chaque chose, aussi petit soit-il, dans sa
totalité et toute sa perfection.
« Il est juste de dire que lorsque nous réalisons
Dieu à l'intérieur de nous et avons pris conscience que notre corps est son
corps, alors nous savons et reconnaissons aussi que le monde et l'univers sont
aussi son corps. Et réciproquement, quand nous avons reconnu l'univers entier
comme étant
Dieu, alors nous savons aussi que nous sommes Lui
».
Les dernières lignes de l'ouvrage sont tout aussi
explicites : « Ramdas affirme, avec toute l'autorité de son expé-
rience spirituelle que Dieu est un, et que tout
sur la terre est la représentation d'un Dieu unique. Toutes les forces qui sont
en travail dans la nature sont une, parce qu'elles jaillissent du jeu de
prakriti. Toutes les créatures et tous les objets sur la surface de cette belle
terre ont leur source dans le Un. Ils sont nés de Lui ; ils vivent, se meuvent
et agissent dans la conscience de cet Esprit unique qui pénètre tous les
vivants et tous les objets. Un est le refrain cosmique éternel, Un est le chant
qui ne se termine jamais, la divine musique des sphères. Un est le Monde, Un
est la Vérité, et Un est Dieu ! »
Dans ces phrases magnifiques pleines de véritables
foi et espérance, on entend sonner l'ancien aphorisme des alchimistes : « Ce
qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Ou encore une vision globale du monde telle qu'on
l'aperqoit à la fin du XX' siècle. Face à l'objectivité de la
Renaissance (trilogie du sujet de l'expérience, de
l'objet de l'expérience et de l'expérience elle-même), vient aujourd'hui une
conception d'un monde possédant une structure holographique", chaque
partie n'étant que la reproduction d'un modèle sous-jacent qui le domine, mais
dont elle porte en elle-même l'intégralité. Ainsi deux savants modernes, Karl
Pribram et David Bohm, arrivent à cette conclusion par des chemins différents :
l'un pour expliquer les curiosités de la matière, l'autre pour éclairer les
mystères de la psycho-
logie. Ils ne concluent pas plus que Ramdas au
caractère illusoire du monde matériel, non plus qu'à la perte de
l'individualité de chaque être, ils nous voient semblables aux tourbillons
d'une rivière, distincts mais inséparables du flot de la nature. Le monde
matériel renferme dans sa texture fondamentale nos processus de conscience les
plus intimes. Telle est la profonde cohésion existant entre tous les êtres et
de toutes les choses, dans cette nouvelle vision de l'univers".
Ramdas appelle ce tout « Dieu ». Ce serait pour
ces savants le Grand Hologramme dont chaque partie vivante porte la totalité.
Les mystiques et les savants qui suivent humblement la nature se rejoignent
dans une vision large de la Réalité. Ce que nous sentons intérieurement,
toujours : « Il y a quelque chose en plus », plonge le savant dans
l'admiration" et Ramdas dans la lumière et la joie de la Connaissance.
Le monde est lila. Dieu s'amuse à s'y projeter
sous diverses formes. Ramdas ne dit pas que le monde est une création de Dieu,
mais une projection de Dieu. Il avait l'habitude de dire :
« Tout est Dieu. Tout est en Dieu. Dieu est en
tout. » Comprenant que le mot Dieu paraît pour certains usé et vide de
substance – surtout pour les Occidentaux catéchisés –, il n'hésite pas à dire :
« Si vous avez honte du mot Dieu, ne l'employez pas, dites : Vérité, Réalité,
Conscience Infinie ». Mais ce mot, ce Nom sublime, lui l'emploie sans cesse,
puisqu'il parle d'expérience, d'une Connaissance obtenue dans son intimité avec
Ram, autre Nom de Cela. Au risque de nous répéter, nous soulignons de nouveau
cette originalité de l'enseignement de Ramdas : il affirme avec la même
intensité que Dieu est immanent à tout ce que nous voyons et
expérimentons", mais aussi, en même temps qu'Il est personnel,
c'est-à-dire il peut être adoré par l'homme, son serviteur (le « das » de Ram
en l'occurrence)".
Par sa vie même, Ramdas unit les deux formes
divines dans sa bhakti : il adore un Dieu personnel, et il le reconnaît dans
tous les êtres et dans toutes les choses. Tout est Brahman, oui, mais cela doit
être réalisé. Le dire ne suffit pas, l'expérience à tout prix doit être faite
d'un état qui est au-dessus de tout sens de la dualité, libérant le mental du
sens de l'ego.
Le Dieu que nous cherchons, aucun argument
d'aucune sorte peut prouver son existence. A celui qui en a fait l'expérience,
il se manifeste, se fortifiant depuis l'appel du « je ne sais quoi que l'on
atteint d'aventure" », jusqu'à cette Présence qui conduit l'âme à l'illumination.
C'est la foi théologale qui n'est ni croyance aveugle en des dogmes ou des
credos, ni confiance fanatique donnée en quelque pontife. La découverte finale
est celle de l'Amour envers tout être, tout objet, et toute situation : « Quel
suprême privilège, dit Ramdas, d'être capable de voir l'univers comme notre
propre nous-même et de l'embrasser avec les bras de l'Amour infini ! » Le mal
vient de ce que nous croyons être séparé de cette universelle Vérité.
LES RELIGIONS
Qu'en est-il des religieux ? Ramdas est un
religieux, certes ; possède-t-il une religion ? Adhère-t-il à quelque credo?
« Ramdas n'appartient pas à une secte
particulière. Il est fermement convaincu que tous les credos, toutes les fois,
toutes les religions sont des chemins différents
qui convergent vers le même but... Tous les grands instructeurs de ce monde
viennent d'un seul Dieu, cause primordiale et éternelle de toute existence.
Pourquoi donc une Église serait-elle plus fondée qu'une autre ? La même note –
abandon complet comme voie suprême pour la libération ou le salut – résonne
partout et avec insistance dans la Gita, la Bible, le Coran et le Zend Avesta.
»
Il ne juge pas les religions. Il ne s'attaque pas
aux dogmes, bien que sa sagesse l'empêche de s'y empièger ; il ne juge pas les
clergés, quoiqu'il sache parfaitement combien leur goût du pouvoir les amène à
pervertir et à amenuiser l'enseignement des maîtres. Il console les croyants en
donnant à chacun d'eux une image positive du chemin qui est le leur. Il sait
qu'au sommet, tous les chemins disparaissent. Il ne voit ni impureté ni mal
dans le monde qu'il considère tout en une même et seule vision lumineuse. Avec
les hindous, il discute sur le Brahman suprême et sur la Réalisation de Dieu
par l'expérience. Aux musulmans, il parle d'Allah et de
Mohammed, mettant l'accent sur la soumission à la
volonté d'Allah. Aux chrétiens il veut faire prendre conscience qu'avoir foi en
Christ signifie prendre comme idéal cette personnification de l'amour divin
jusqu'à ce qu'elle envahisse leur âme et pénètre leur vie ; et Ramdas leur
rappelle cette parole qu'il met au centre de l'enseignement du : « Le Royaume
de Dieu est en vous ».
Il précise : « Votre vie doit donc avoir pour
guide le Christ qui est amour, il vous emmènera alors dans le Royaume du Père,
la paix absolue. Mais ne pensez pas que le Christ soit le seul chemin du salut.
Longtemps avant lui ont existé de grandes âmes qui ont tenu haut la torche de
la connaissance divine pour illuminer ce monde ».
Dans son livre In the Vision of God on trouve un
clin d'œil qui nous permet de saisir son sentiment envers les convertisseurs.
De passage à Allepey, il est logé dans un bâtiment appelé Institut Chrétien.
Ramdas y rencontre deux hommes, Thomas et Mathai, qui lui témoignent beaucoup
d'amour.
Mais alors que Thomas, le plus jeune, est
paisible, Mathai, d'âge mûr, ne l'est pas, et « entreprend de faire pénétrer
dans l'esprit de Ramdas que l'enseignement du Christ est la seule vraie
révélation de Dieu ».
Il fait du prosélytisme « à temps et à
contretemps" », avec l'ardeur et l'acharnement du missionnaire intolérant.
Pour couper court Ramdas lui dit : – Dieu a donné à la tête de Ramdas une forme
permanente.
Vous pouvez la marteler autant que vous voudrez,
vous ne pourrez la changer et lui donner la forme que vous voulez qu'elle ait.
Un ami de Ramdas, Mark Sanjivrao, prédicateur de
l'Évangile du Christ, qui assiste à la scène, rit aux éclats. Par
la suite, il demande à Ramdas :
– Est-ce que Mathai a pu changer la forme de votre
tête ?
– Mathai ne peut pas accomplir l'impossible,
répond
Ramdas. La tête de Ramdas est coulée dans un tel
moule qu'une forme permanente lui a déjà été donnée.
Il rient. Et chaque fois que Mathai s'approche de
lui, Ramdas prévient :
– Voilà le marteau !
A la fin Mathai abandonne sa tâche vaine, et Rames
conclut que le marteau est cassé !
Le sommet de l'enseignement de Ramdas, c'est
l'exemple ; il convainc par la réussite de sa Réalisation.
« La concentration de la pensée et l'effort sont
les deux nécessités quand vous possédez l'ardeur pour atteindre la
Vérité. Pour obtenir la concentration, la méthode
la plus facile est la répétition constante du Nom Divin. Celui qui possède le
Nom possède la Vérité. Qu'est-ce qui fait que Ramdas nage toujours dans un
océan de félicité et de paix ?
C'est le Nom Divin. »
« Ramdas, tu es libre, rien ne t'enchaîne. Tu es
libre comme l'air. Prends ton essor, vole haut dans les cieux jusqu'à
t'épancher en tous lieux et pénétrer l'univers entier. Sois un avec Ram. Tout
est Ram, tout est Ram. Quel spectacle de lumière éblouissante de Ram partout
répandue.
Flamboiement, flamboiement – flamboiement
d'éclairs. Ô Majesté, ô Divinité, ô Amour, ô Ram . Ramdas, ta folie vaut
tout ce qui est dans le monde et tout ce qui n'y
est pas Rejette la sagesse. A qui peut-elle être utile ? La sagesse est
poison, la folie est nectar – folie de Ram,
entends-tu, Ramdas ? »
Ayez Ramnam toujours sur votre langue Soyez pur en
pensée, parole et acte. Soyez aimable et bon envers tous
Ayez confiance en Dieu et soyez libre de tous
soucis Dieu est votre seul refuge et protecteur Abandonnez-vous à Sa volonté Et
soyez toujours heureux et gai.
Paroles de Ma
Quand un travail
impersonnel est exécuté et regardé par
un spectateur, une joie profonde surgit de l'intérieur. Ce corps vous parle
aussi d'un autre aspect - pouvez-vous deviner ce que c'est ? De même que le
Bien-aimé est le Soi, ainsi la destruction est aussi Lui – de même aussi
que ce qui est détruit. Il en est ainsi là
où le Soi est et rien d'autre que le Soi. Si vous êtes si complètement
concentré dans une direction donnée que vous ne pouvez vous empêcher d'agir
dans ce sens, une action erronée devient impossible.
Combien d'étudiants vont
à l'université, mais combien peu parmi eux sont les premiers, bien qu'ils
soient tous enseignés par les mêmes
professeurs? Personne ne peut prédire à quel moment particulier les
circonstances vont s'enchaîner pour faire survenir le Grand Moment pour chacun.
Il peut y avoir un échec pour commencer, mais ce qui compte, c'est le succès
final. Un aspirant ne peut être jugé par des résultats préliminaires. Dans le
domaine spirituel, le succès final signifie qu'il y a eu un succès déjà dès le
début.
Toute chose est infinie
- infini et fini sont en fait la même chose; dans une guirlande le fil est un,
mais il y a des vides entre les fleurs. Ce sont ces vides qui causent le manque
et le chagrin. Les remplir, c'est être
libre du manque
Une dévotion
complètement concentrée engendre une pensée profonde, qui s'exprime dans
l'action. Le Seigneur descend avec sa lumière sur le fidèle. Son pouvoir
s'éveille en lui et en conséquence, une recherche intérieure profonde
s'épanouit.
Tant que vous n'êtes pas
finalement établi dans cette connaissance Suprême, vous demeurez tous dans le
royaume des vagues et des sons. Il y a des sons qui font en sorte que le mental
se tourne vers l'extérieur, et d'autres qui l'attirent vers à l'intérieur. Mais
ceux qui tendent vers l'extérieur sont aussi reliés à ceux qui l'amènent à
l'intérieur.
- Quelle est notre vraie
nature ?
- Au fond de notre cœur notre vraie nature est perfection, pour la
retrouver il faut enlever "l'écorce", les voiles qui la cachent du fait que nous
vivons dans la forme, dans la dualité. Les voiles sont faits de nos émotions
négatives, de nos peurs de nos désirs etc....
C'est comme un bol en or qui est resté longtemps dans la terre il faut
enlever la saleté, mais l'or lui-même ne s'altère pas.
- Quelle partie de nous se réincarne ?
- C'est le corps subtil
qui s’en va et qui ensuite se réincarne. Il s'agit d'un agglomérat de désirs.
Au moment de la mort c'est notre désir le plus puissant qui s'élèvent et qui
détermine la prochaine réincarnation. D'où l'utilité d'avoir des pensées pures,
de maîtriser le mental, et au moment de la mort des rituels comme
l'extrême-onction ou d'un autre accompagnement spirituel puisque ainsi le
mourant pense à Dieu au moment de quitter son corps.
- Comment fonctionne la
prière ?
- ce qui compte, c'est l'attitude
mentale. Si on appelle sincèrement, la réponse vient forcément. De même pour la
méditation, elle ne vaut rien en l'absence de compassion, d'amour dans la vie
quotidienne. Méditer est seulement un moyen vers la maîtrise du mental.
- qu'elle et la différence entre amour mystique
et amour humain ?
- l'amour humain a forcément son ombre, l'hostilité, puisqu'il se situe
dans la dualité. Donc il reste limité et personnel, attaché à la forme. L'amour
mystique (pour le Gourou, le divin) est pur, tend vers l'union mystique.
Pour rendre l'amour humain plus pur, on peut s'efforcer de voir le divin en
l'autre. De toute manière il vaut mieux de l'amour "n'importe quoi"
que pas d'amour du tout. Puis, quand l'amour divin se développe, le besoin
d'amour humain tombe spontanément, étant
tellement plus pur plus fort. Ne pas forcer, cela vient quand c'est mûr
- pourquoi nous attachons-nous au corps ?
- on croit y trouver le bonheur, à
travers les plaisirs comme le sexe, et la nourriture etc. En réalité ces
plaisirs sont des réflexions déformées de la joie absolue qui est en nous, qui
est notre nature. Tout bonheur recherché à l'extérieur déçoit, car il n'est
qu'une réflexion déformée du vrai bonheur qui est en nous. Il s'agit d'en
prendre conscience et de lâcher petit à petit les habitudes qui datent souvent
d'innombrables vies : avec patience, tolérance, vigilance et persévérance !-
- est-ce difficile
d'être un disciple ?
- très difficile. Un vrai disciple
se dédie totalement. Il y a beaucoup plus de gourous que de vrais disciples.
- comment maintenir une orientation spirituelle
dans la vie quotidienne ?
- par le karma yoga. Il s'agit de ne
donner aucune importance au succès ou échecs, et se libérer de la croyance que
"c'est moi qui agis"; en gardant le mental indifférent aux résultats,
on agit en prenant conscience de celui qui fait "ce n'est pas moi qui tire
les fruits de mon action", qu'on est juste l'instrument du divin. On agit
de manière parfaite pour la joie de l'action parfaite, peu importe ce qui en
résulte. On peut aussi se souvenir de
ces dictons pleins de bon sens :
« tout ce que Dieu fait est pour le mieux. »
« fais ce que dois, advienne que pourra. »
Au moment où ce Jay Ma s'achève,
nous sommes le 18 septembre c'est encore l'été, et nous pouvons donc encore
parler de « l'envoi du numéro d'été ». Pour revenir à notre rythme
régulier après le retour de Jacques Vigne en Inde, nous ferons un numéro double
que nous enverrons en fin novembre. L'équipe de Jay Ma bénéficie maintenant
d'un meilleur équipement, avec un ordinateur portable et un logiciel de dictée
efficace. Nous espérons ainsi pouvoir améliorer la qualité du bulletin.
Dès le début de ce Jay Ma, il nous
faut annoncer la nouvelle du décès de Swami Swarupananda, le secrétaire général
de la Sangha de Ma, âgé de 82 ans. Elle est survenue à l'hôpital, à Delhi, le samedi quinze septembre. Nous
pouvant d'emblée remarquer qu'il est étonnant que ce décès soit survenu
exactement vingt ans après la mort de Ma, si l'on suit le calendrier lunaire.
L'équipe de Jay Ma était présente lors de son immersion dans le Gange, et nous
évoquons cet événement, ainsi que la vie de Swamiji auprès de Ma, dans un des
articles de ce numéro.
Swami Nirgounananda est venu en France et il a passé cinq jours à Epernon
près de Paris en fin août dans une retraite organisée par Claude Portal.
Auparavant, il avait passé cinq autres jours avec Terre du Ciel à Chardenoux
dans la Bresse. Ensuite et il s'est rendu chez Lama Rigdzin, dans les montagnes suisses au-dessus d'un
lac, pour une retraite avec un groupe principalement bouddhiste, mais aussi
intéressé par l'enseignement de Ma. Il a continué sa tournée par le domaine des
Courmettes, au dessus de Nice. C'est là que Ma Amritanandamayi était venue lors
de ses premiers séjours en France.
Un groupe de trente-quatre français est venu pour et une retraite dans les
ashrams de Ma. Ils ont été heureux de leur rencontre avec Swami Nirgounananda à
Dhaulchina et Patal Dévi, ainsi que de celle de Swami Vijayananda à Kankhal
pendant une semaine. Le groupe a pu aussi avoir une rencontre avec Swami
Jnanananda, un yogui suisse venu en Inde il y a cinquante ans et suivant la
lignée de Yogananda Paramahansa, et se rendre chez Chandra Swami dans son
ashram des bords de Yamouna.
La santé de Swami Chidananda est mauvaise, il a maintenant plus de
quatre-vingt-cinq ans. Comme Durga Pouja approche, nous traduisons en français
une partie d'une série de causeries qu'il avait faites il y a déjà un certain
temps pendant cette Pouja, qu'on appelle
Nava ratra, les neuf nuits de la déesse. Nous avons choisi la première
partie du passage sur Sarasvati, la déesse de la connaissance et de la pureté
représentée en un blanc éclatant et qui peut évoquer Ma.
Nous sommes heureux de continuer à traduire le premier livre de souvenirs
des fidèles de Ma. Il contient des perles. Publié à Calcutta en 1946, il a été
depuis presque oublié, puisque jamais réédité. Swami Nirgounananda en a
retrouvé un exemplaire par hasard en rangeant la bibliothèque de l’ashram de
Patal Dévi près d’Almora.
Swami
Svarupananda
Swami Svarupananda a quitté son corps le samedi 15 septembre à 21 heures.
Il est étonnant de constater que l'on
venait de célébrer le 20e anniversaire de la date lunaire à laquelle Ma a quitté son corps à Dehra-Dun en 1982. Si l’on
considère les tithis, les dates lunaires, il est étonnant de voir que Ma, Didi,
Atmananda (la disciple autrichienne de Ma qui a encouragé le début de cette
revue Jay Ma il y a dix-sept ans) ont quitté leur corps à pratiquement la même
date à une journée près.
Swami Svarupananda
avait rencontré Ma vers 1947. Ils étaient venus se promener à Bénarès à partir
de Calcutta avec son ami Swami Prakashananda; à l'époque ce dernier était avec
son père qui était un brahmine tandis que Swami Svarupananda aidait son père qui lui, était artisan- joaillier.
En se promenant au pied du ghat de Ma, ils ont entendu de la musique. C'était
l'époque du Savitri Mahayajna, Ma était en train de se promener sur la terrasse
de l'ashram. Ils ont été très impressionnés par sa démarche noble et le
rayonnement de félicité qui émanaient de son visage. Ils sont revenus les jours
suivant, toujours le soir, pour admirer Ma en train de se promener sur la
terrasse. Ils ont demandé l'autorisation de rester dans son ashram. Ils ne sont
pas revenus chez eux, leur mères respectives avaient déjà quitté ce monde, et
ont commencé directement la vie de brahmachari.
Swami Svarupananda a étudié ensuite
à Uttarkashi dans l'Himalaya sur les bords du Gange sous la direction de Devi
Giri Maharaj, il s'est particulièrement consacré à l'étude du Yoga Vashista.
Pendant cette période qui a duré peut-être deux ans, il a suivi avec
Prakashananda à l’instigation de Mâla vie traditionnelle qui associe le
brahmacharya au bhikshcharya, l’étude à la mendicité, les étudiants allant
chercher la nourriture à l’extérieur pour eux-mêmes et leur gourou. Il est
passé à Almora et dans bien d’autres ashrams de Ma, il a, pris le sannyas de
Didima, la mère de Ma, comme l'ont fait Swami Prakashananda, Keshavananda et
Chetanyananda. Celui-ci est toujours en
vie à l'ashram de Delhi.
Sa pratique était beaucoup le karma
yoga. C'était un grand constructeur il a participé à l’édification de l'ashram
de Vrindavan, la maison de Ma à l’ashram de Delhi, ls bâtiments de Kalyanvan à
Dehra-Dun et à Kankhal à la construction de deux des trois hôtelleries et du
temple du samadhi qui abrite le tombeau
de Ma ; tout à fait à la fin sa vie il a réussi à achever un projet qui
lui était cher, le musée de Ma qui a été inauguré en novembre 2001. Au moment
de la mort de Ma, il était assistant de
Swami Paramananda qui a survécu à Ma de deux ans. En 1984, il a pris sa
succession comme secrétaire général de la Sangha de Ma, poste qu'il a occupé
jusqu'à la fin, donc pendant dix-huit ans.
Maroni était en fait la petite-nièce de Bholanath ; elle a eu l'expérience
unique d'avoir été adoptée par Baba Bholonath et donc indirectement par Ma
Anandamayi. Son histoire m'a été racontée par son petit frère Dasuda. Il est
encore en vie à Kankhal et participe activement aux cérémonies en jouant le
mridang (tambour horizontal). Maroni est
née en 1924.elle est décédée en 1997 à l'ashram de Kankhal. Tous ses grands
frères et grandes soeurs étaient
décédés, ce qui fait que quand elle avait six mois, et que Bholonath et Ma
Anandamayi sont venus la visiter dans son village de Dokrachi, dans le district
de Vikrampur près de Dhaka, sa grand-mère paternelle, qui se trouvait être la sœur aînée de
Bholonath la lui a confié en espérant qu’ainsi elle échapperait à la mort. Le
nom même "Maroni" signifie "celle qui échappe à la mort".
Son nom original était Nirupa Ma. Ce
n'est pas Ma elle-même qui s'est occupée directement de soigner le nourrisson, mais plutôt la petite sœur de
Bholonath, Motari Pishi Ma (Pishi signifie
en bengali "petite soeur"). Entre l'âge de six et celui de dix ans, Maroni étaient très
souvent avec Bholonath et Ma. À l'âge de dix ans elle a reçu, à l'instigation
de Ma, l'initiation des brahmines, la jenoua, cordelette sacrée qui en général
n'est donnée qu'aux garçons; le même jour,
elle a été mariée à Rameshwar Banerjee, le fils de Koumalda
Brahmacharii, qui étaient le poujari du
temple d'Annapourna à Dhaka. À partir de
ce moment-là, elle a mené la vie de famille jusqu'au décès de son mari, en
1964. Elle a eu deux enfants, un garçon une fille, qui chacun ont eu également
un fils et une fille. Une fois veuve, elle est venue s'installer auprès de Ma,
a été responsable du temple de Shiva, dans l'ancien ashram de Kankhal. Elle
était une excellente chanteuse, et connaissez très bien le recueil de kirtans en bengali de Bhaïji, Shri Charane ("aux pieds",
sous-entendu de la Mère divine. Lorsqu'elle était à la maison, elle faisait
déjà le sacrifice au feu quotidien avec son mari. Elle avait des habitudes de
vie austère: quand elle était dans l'ashram et qu'elle recevait de la
nourriture, elle mélangeait tous les différents plats dans le
même bol et avalait tout ensemble pour se défaire de l'idée de bon ou de
mauvais goût. Elle était très aimée des gens à la fois de ceux importants et
des humbles et elle était égale avec chacun. Bien qu'elle eût facilement pu se
pousser en avant dans l'ashram, elle est restée la discrétion même. Elle avait
une grande affection pour Vijayananda qu'elle ne manquait pas de venir saluer
tous les soirs après la fin de la pouja,
lorsque celui-ci étaient assis sur le banc de pierre en face du samadhi.
JV
Quelques pages du retour de Ma du Kailash.
Ma revenait du Kailash
pendant la mousson de 1937, non sans difficulté quand il s’agissait de traverser
les rivières en crue; elle a retrouvé une sannyasinî du nom de Rouma Dévi
qu’elle avait rencontré à l’aller.
Samedi 27 juillet.
Après avoir quitté les bords du Kali Gangâ, 6 ou7
km avant notre destination, Rouma Dévi est arrivée et s'est incliné au pied de
Ma en disant, "Ma, je suis restée
assis ici en attendant ton darshan
depuis trois ou quatre jours sans retourner à mon ashram." Avant le
coucher de soleil nous arrivâmes à Sasa. Rouma Devi nous accompagnait. Elle
avait arrangé une maison dans laquelle
nous pouvions demeurer, elle y avait déjà installé des tapis pour nous.
Aussitôt que nous sommes arrivés elle alla visiter les maisons des familles
autour et nous a apporté de la farine, du ghî, des pommes de terre et du lait.
Le service est la devise de sa vie. Nous étions surpris de voir un tel
esprit de service chez une sannyasinî aussi âgé. Elle dit à Ma, "Ma, je
comptais les journées en vous attendant, errant de-ci de-là pendant ces trois
derniers jours. Aujourd'hui je me suis assise sur une pierre - j'avais peur que
vous passiez et que je vous manque... Beaucoup de gens sont venus à l'ashram et
il y a du pain sur la planche. Mais je n'y suis pas retourné car je vous
attendais. Cela fait sept jours que je suis venu ici d'Almora." Elle cueillit
des fleurs sur le flanc de la montagne et les offrit à Ma en faisant pranam.
Nous observions la dévotion de cette dame âgée, enchantés. Elle n'avait
rencontré Ma que pour quelques heures. Le soir nous avons mangé le repas
préparé par Rouma Dévi et nous nous sommes allés nous reposer.
En soirée, la maison était pleine de familles qui étaient venues pour voir
Ma. Elle souffrait de l'estomac, elle mangea très peu dans l'après-midi et elle
refusa même de manger le soir. Comme Jyotish Dada (Bhaïji) avait de la fièvre
nous étions tous soucieux, sinon nous n'avions pas d'autre problème. Le
lendemain nous devions quitter pour Khela après le déjeuner. Nous devions
partirs vers dix heures du matin et devions voyager pendant douze ou quinze
kilomètres en passant par Sirka sur la
route. Nous avons aussi dormi très tard.
Dimanche 28 juillet.
Jyotish
Dada était malade. Nous nous mîmes en route après le repas. Khéla est à 10 km.
Les porteurs devaient nous accompagner jusqu'à ce que nous arrivions là-bas et
ensuite devaient nous quitter.
Rouma Dévi vint avec nous. Elle dit
qu'elle voulait rester avec Ma et qu'elle ne retournerait plus à son ashram.
Elle déclara, "j'avais décidé que le vœu de service était le plus grand
dans la vie. Et maintenant que je suis vieille, je trouve qu'il n'y a pas de
fin au travail. Je ne l'aime plus ; je souhaite vivre avec Ma et faire ma sadhana." Disant cela, elle nous
accompagna.
Nous avons trouvé des roses et des fleurs de champak épanouies alentour.
Dasou Dada cueillit les fleurs et les offrit aux pieds de Ma. Nous découvrions
des fleurs indiennes après si longtemps! Depuis le matin les villageois
venaient pour le darshan de Ma. Certains apportaient du lait de la maison
produit par les vaches qu'ils avaient eux-mêmes élevées, certains couvraient le
lit de Ma avec des fleurs. Quelques dames avaient apporté des fleurs et des
bonbons pour elle ; par la suite je les ai distribués à tous ceux qui étaient
présents.
Une femme commença à questionner Ma sur des questions religieuses et
demanda à Ma des conseils pour progresser dans sa propre sadhana. Certaines
personnes marchèrent aux côtés du dandi de Ma (chaise à porteurs) pendant toute
une distance. L'ashram Sharada de Rouma
Dévi est à 3 km d'ici à peu près. Beaucoup de villageois tiennent Rouma Dévi en grande estime. Le
directeur de la poste de Garbiyan avait écrit au directeur de la poste de Khela
pour organiser le séjour de Ma là-bas.
Le docteur est passé ce matin. Et la fièvre étant tombé à 38°,
Jotish Dada semble être un peu mieux. Nous avons décidé de rester aujourd'hui.
Après le déjeuner tous se sont allongés pour se reposer. Je me suis assis dans
la véranda ouverte et j'ai commencé à écrire. J'ai eu très peu de temps libre,
j’ai écrit brièvement, en fait j'ai été à peine capable de coucher les
événements sur le papier dans leur enchaînement. Ruma Dévi, Parvati Dévi et les
autres sont toutes dans notre groupe. Dans l'après-midi nous avons appris
qu'une pluie de la nuit dernière avait emporté le pont et c'est pourquoi nous ne pouvions nous en aller
demain. Le pont devait être réparé demain afin que nous puissions quitter le
jour d'après. Il y a peu de choses sur lesquelles écrire aujourd'hui. Quelques
missionnaires sont venus d’une institution avec des fleurs et des fruits pour
avoir le darshan de Ma.
Nous avons dû passer la journée ici et il se peut que nous nous en allions
demain. Au crépuscule il se mit à pleuvoir des cordes. Le pont sera
probablement réparé bientôt, mais nous ne savons pas comment nous allons
traverser la rivière.
Nous n'avons pas pu partir
aujourd'hui. Les habitants des montagnes se tiennent à une corde et traversent
la rivière tandis que la corde est tirée par des gens sur la rive opposée.
C'est le système actuel pour aller et venir. Néanmoins, comme il était
impossible pour Jyotish Dada d'être tiré
ainsi à travers la rivière, nous avons décidé de ne pas partir
aujourd'hui. Il pleuvait et il semblait que nous étions coincés dans notre voyage de retour vers Dharchoula. Il
paraissait ne pas avoir d'autres solutions. Aujourd'hui nous avons passé la journée de la même
manière.
Samedi 3 août
Nous avons fini notre repas de bonheur avec l’intention de partir, mais
après une discussion notre départ a été finalement retardé pour le matin
suivant. Nous espérons atteindre Bayoukot d'ici demain soir. Le retard dans
notre voyage était dû au fait d'avoir à traverser la rivière en tirant les
cordes ce qui en soi-même devait faire perdre deux ou trois heures au moins.
L’état de Jyotish Dada demeurait identique à lui-même. Swamiji souffrait aussi
d'un refroidissement. En continuant notre arrêt ici nous serons incapables de
fournir le régime approprié pour les malades car nous n'avons que peu de choses
ici. Nous étions tous inquiets. Après beaucoup de discussions détaillées nous
avons été forcés de rester encore aujourd'hui. Les porteurs ne voulaient pas
attendre plus longtemps et ils étaient très agités. Il était difficile de les
faire revenir à la paix - certains d'entre eux se mirent franchement en colère et nous quittèrent.
Nous espérions seulement que nous pourrions trouver d'autres porteurs ici. Le
gardien du refuge nous a assuré qu'il serait en mesure de nous en procurer.
Dimanche 4 août
Ce matin nous avons décidé de voyager aussi loin que nous le pouvions. Nous
avions à traverser le Kali Gangâ après une distance d'environ 7 km. La route et
était bonne et nous avons atteint les bords de la rivière en peu de temps.
Après beaucoup de ruminations nous avons traversé la rivière en utilisant les
cordes: ceci implique le fait de s'asseoir sur des sièges petits et
rectangulaires faits de bois et de bambou. Ils sont suspendus à une corde très
épaisse qui traverse la rivière. Des gens debout de l'autre côté tirent la corde
et ainsi amènent les passagers à travers la rivière.
La rivière n'était ni très profonde ni très large, mais le courant étaient
très fort. Personne ne pouvait se tenir debout dans cette rivière qui
s'écoulait très vite. Nous avons traversé le cours d’eau de cette façon
nouvelle. À distance, il semblait que les gens des montagnes traversaient le
cours d'eau suspendus aux cordes et ceci nous avez fait craindre cette
expérience. Nous nous étions arrêtés aussi longtemps à Dharchoula à cause de la
peur d'avoir à traverser la rivière de cette façon. Au début nous avions décidé
que nos quarante porteurs pourraient faire la queue en un endroit où la rivière
et ne coulait pas trop rapidement et parviendraient à nous prendre avec eux à
travers la rivière sur nos dandis. Mais quand nous avons atteint les bords de
la rivière et avons évalué la situation, nous avons décidé de la traverser en utilisant les cordes. Il semble que le
niveau de la rizière décroît quand la mousson s'éloigne.
Nous avons atteint Balouyakot le soir. Nous avions apporté des tentes de
Dharchoula et le camp a été établi dans
un endroit convenable. Nous avons allumé
un feu sur les pierres et nous avons cuisiné. Nous étions assis sous les
cieux et mangions. Jyotish Dada n'avait pas de fièvre depuis hier et sembler un
petit peu mieux. Il y avait une forêt dense de l'autre côté et nous pouvions
aussi entendre le grondement du Kali Gangâ clairement; c'est ainsi que nous
avons passé une nuit de plus.
Gurupriya Devi :
Sri Sri Ma Anandamayi volumeV, p.71, 72, 75, 76.
En 1942, Ma passa une
partie de l'été à Bhimtal et j'ai eu le privilège de rester avec elle. On
demanda répétitivement à Ma de visiter des fidèles qui habitaient dans le
voisinage et avaient un désir intense de la voir. Elle devait revenir au bout
de trois ou quatre jours mais en fait, elle resta là-bas pendant huit ou dix
jours. Nous étions quatre ou cinq à rester à Bhimtal. Soudainement le climat
changea ; il y avait des averses et le temps se refroidit. Avec Ma partie, et
n'y avait plus de chaleur laissée dans nos cœurs. Mon vieux problème, l'asthme, est réapparu. J'avais
beaucoup de difficultés à respirer durant la nuit.
Une toux incessante me força à rester assis. Je pensais à Ma. Quand
reviendrait-elle? Juste avant de partir,
elle m'avait dit, "Baba, (fils), reste ici comme un bon garçon." Je
n'avais pas été un bon garçon, et donc j'ai été visité par cette maladie.
Combien de temps pourrais-je attendre sans traitement? Je désirais aller chez
un docteur à Lucknow - bien sûr avec la permission de Ma. Mais elle ne revenait
pas.
Enfin elle rentra un soir. Une personne qui l'avait accompagnée vint en
courant à ma chambre, très agité "Dada, (frère), comment es-tu ? Ma s'en
faisait beaucoup à ton sujet et voulait revenir. Pendant tous ces derniers
jours, et elle a dit répétitivement que
tu n'étais pas bien. Est-ce que tu ne va pas bien ? Ma est arrivée. Bientôt tu
te remettras".
Sans aucun doute, j'ai été soulagé
par son retour, mais je ne montrai pas ma satisfaction. À l'intérieur, j’étais
frustré et malheureux. Si elle savait l’existence de ma maladie, pourquoi
n'était-elle pas revenue plus tôt ?
La personne qui était venue me voir retourna chez Ma, sans doute pour l'informer
à mon sujet. En revenant à sa chambre, elle passa devant ma porte et regardant dans ma direction, elle dit,
"Baba, tu es oppressé par ce problème ? Ne te fais pas de soucis. Tout va
se remettre."
Ensuite, elle partit pour sa chambre. Ces propos ne me firent guère
d’effets et je ne trouvais pas de
consolation. Maintenant je devais me décider pour retourner à Lucknow le matin
suivant pour le traitement. Je ne me rendis pas chez Ma. Les gens se rassemblaient dans sa chambre et je
pouvais entendre leur rire heureux et leur joie. Peut-être racontait-elle
quelques unes de ses expériences. Mais je n'étais pas d'humeur à écouter de
telles histoires. La nuit approchait rapidement. Mon esprit oppressé à la
pensée des problèmes et des ennuis qui allait m'arriver pendant la nuit. Tout
le monde dans la maison était heureux excepté moi. Ce soir là, je ne me
souviens pas si j’ai mangé ou non. Solitaire, tournant en rond dans ma tête,
sans espoir, je sentais qu’en fait Ma était cruelle, très cruelle envers moi.
J'ai essayé de me consoler avec la pensée que ce qui devait arriver arrivait de toute façon, et que l'on ne
pouvait pas l'en empêcher. Je réfléchissais amèrement, « qui sui-je pour
Ma ? » ; de telles réflexions me tourmentaient et me rendaient encore
plus misérable.
Il était minuit passé. Les paroxysmes de l’asthme, la difficultés à
respirer et l'épreuve de rester assis
pour longtemps sans pratiquement aucune nourriture, était plus que je que ce
que je pouvais endurer silencieusement ; je sortis de ma chambre et me
dirigeais silencieusement, comme un voleur, chez Ma ; sa porte était
ouverte. Une lampe brûlait à l'intérieur. Il n'était pas possible que Ma m'ait
vu comme je m'étais arrêté juste derrière la porte. J'ai hésité avant d’entrer
et pensais m'en aller, mais j'ai entendu la voix de Ma. "Viens". Mon
fardeau s’en est déjà trouvé soulagé considérablement. Je rentrai. Elle dit de
nouveau, "Baba, tu souffres beaucoup. Est-ce que c'est vrai ?"
"Oui, Ma, je suis incapable de m'allonger et de dormir", et je
répondis, "mais ce n'est pas possible. Je n'ai pas eu de sommeil pour
plusieurs nuits et je ne plus le
supporter plus longtemps." Ma dit, après un léger arrêt, "est-ce que
tu gardes de la lampe allumée dans ta chambre ?" "non"
répliquai-je.
Elle demanda. "Est-ce que tu laisses les portes et les fenêtres
ouvertes ?" " je garde ma fenêtre ouverte pour la ventilation ",
répondis-je.
"Est-ce que tu utilises une couverture ou un ou quelque chose de plus
épais?" me demanda-elle ensuite.
Je dis, "une couverture".
"C'est bien". Elle fut silencieuse pour quelque temps. J'attendis
aussi. Ensuite elle dit, "est-ce que tu feras une chose ?"
"Oui, Ma, « qu'est-ce que c'est ? » répliquai-je ; elle
dit, " ferme la porte et la fenêtre
comme d'habitude et va ensuite au lit. Avant de t’allonger, prends la
résolution claire que tu vas t'endormir. Et ensuite allonge-toi pour te
reposer. Est-ce que tu vas faire cela ?" j'avais les yeux fixés sur le
mur, avec l'esprit vide, et je dis, "j'ai fait tout cela bien des fois,
mais sans résultat."
Elle dit avec une certaine chaleur, "fais-le une fois de plus
maintenant comme je t'ai dit et ne te fais pas de soucis."
Je ne savais pas quoi dire. Je suis resté silencieux, et ensuite,
lentement, j'ai quitté la chambre. Je me
souvenais de son conseil, "ne te fais pas de soucis", mais mon esprit
a été occupé par ces pensées : « comment cela va être possible ? Si j’aime
Ma, cela peut être possible. Si je fixe mon attention sur elle, cela peut être
facile. L'amour seul peut calmer tous les problèmes mentaux. Est-ce que j’aime
Ma ? Mais est-ce qu’elle n’aime pas les autres comme elle m’aime moi ? Et
est-ce qu’elle ne s’aime pas elle-même ? » Des pensées comme cela venaient
dans mon esprit en pagaille. J'allai dans ma chambre. Je fis comme elle m'avait
ordonné, mais avant que je ne m’allonge sur mon lit, je m'assis pour quelques
instants avec des mains jointes afin de dire mes prières, cependant, je ne
pouvais prier. Tous mes sentiments refoulés
éclatèrent en sanglots et je me
mis à pleurer : j'avais besoin de repos. Est-ce que la Mère divine pourra me prendre sur ses genoux et me donner
ce dont j'avais besoin ?
Je m'allongeai sur mon lit. En une minute environ mes yeux se fermèrent et je tombai endormi
sans aucun effort de ma part. Le matin suivant, je me réveillai tard. Quand
j'ai ouvert la porte de ma chambre, une gentille jeune fille qui était en
visite auprès de Ma, elle n'est plus en vie actuellement, vint à moi et me dit,
"Dada, est-ce que tu dormais ? Ma s'est informée à ton sujet plusieurs
fois." J'ai eu honte de moi-même et allai droit chez elle.
Elle sourit et dit, "eh bien, Baba, est-ce que tu as bien dormi
?" Je dis, "moi, je n'ai jamais dormi
de ma vie avec autant de bonheur. Je sentais que je dormais sur les
genoux de la Mère divine". Ma dit, « Oui, c’est sur les genoux de la
mère divine que tout le monde dort. Elle est pleine d'amour. Est-ce que le
sommeil n'est pas une manifestation de la mère ? »
Le même soir, je me suis joint au rassemblement joyeux dans la chambre de
Ma et je plaisantais avec les gens, mais tout à coup je me suis souvenu que la
nuit approchait et j'ai eu peur que mon problème ne revienne. Ma a pu lire mes
pensées. Elle dit immédiatement, "Baba, fais exactement comme tu as fait
la nuit dernière. Mais tu dois aller te coucher tôt ce soir. Il vaut mieux que
tu ailles te reposer dès maintenant."
Je me suis prosterné devant Ma, priant intérieurement pour sa bénédiction
et je suis parti. Cette nuit-là aussi, j'ai eu un sommeil bien réparateur et tout était presque revenu à la normale. La troisième
nuit, de nouveau, les conseils de Ma portèrent leurs fruits et je n'avais
plus peur d’une rechute.
A cette période, je me rendis chez Ma quand elle était seule et lui dit,
"Ma, il me semble que tout s'est remis. Je n’ai plus de problèmes, mais
dites-moi, comment m’avez-vous guéri ? Vous ne m'avez donné aucun médicament.
Vous ne m'avez pas touché. Quand vous me regardiez, je pouvais à peine vous regarder en face,
tellement j’étais rempli de problèmes et de soucis. Quand vous me parliez, je
me tournais vers l'intérieur et ressentais que j'étais insupportable et indigne
d'être votre enfant. Dites-moi, Ma, comment est-ce que vous m'avez guéri ?
Dites-moi ce que je dois faire si la maladie revient."
Ma regarda vers moi et dit avec un grand intérêt, "pourquoi la maladie
devrait revenir ? Elle est déjà
partie." J'ai dit, « dois-je comprendre par cela un que vous m'avez
guéri ? » Ma releva la tête avec un sourire et dit, "Baba, tu dois
réaliser que tu t'es guéri toi-même."
Pris de surprise, je m'exclamai, "quoi !" Ma répéta avec grande
affection," c'est toi qui t’es soigné toi-même". Je ne pouvais pas
comprendre ces paroles, mais il n'y avait pas doute à avoir à propos de son
amour et de son affection. Je ne désirais rien de plus. Certains de mes amis
parmi les plus sceptiques me demandèrent régulièrement, « est-ce que les
attaques sont revenues ? » Je suis heureux de pouvoir répondre à eux tous
par la négative.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Dedans et Dehors,
Nous Le cherchons...
~~~~~~~~~~~~~~~~
Dieu vit en nous...
Cela est-il possible?
Comment pouvons nous Le
Contenir, en nos existences
Si mesquines et
étriquées ?
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le fini peut-il loger
L'Infini? Alors, Dieu
est-il
Quelque part en nous?
A défaut, où est-IL?
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Dieu est-il dans la
Création?
Mais, où est la
Création?
Elle est partout
Puisque Dieu a créé tout
Ce que nous percevons
alentour,
Y compris nous-mêmes.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ainsi, Dieu est en
Chaque créature
Et objet créé.
Mais, nous ne sommes
Pas conscients de Son
Omniprésence...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Où est-Il ? Répète,
entêté
Le tout petit, essayant
De comprendre
Le mystère voilé.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Plus tard, nous
renonçons
A questionner mais, en
nous,
Le questionneur continue
à chercher...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Jusqu'à ce qu'un jour,
Nous nous éveillons,
Sachant que nous sommes
En Lui et que nous avons
Seulement besoin de
Réaliser la Vérité.
La vague, telle un
poisson dans l'Océan !
~~~~~~~~~~~~~~~~~~
"Aham
Brahmasmi", à jamais,
Commenceront à chanter
Nos cœurs, si pleins
De Joie et de Paix.
L' Amour Pur submergera
Nos Etres éveillés...
~~~~~~~~~~~~~~~~~
Alors, nul ne parlera
plus
De Dieu. Pourquoi parler
De nous-mêmes? Dieu,
Seul, est, l'homme rêve
Et son rêve est celui de
Dieu.
Cela lui importe-t-il
encore?
~~~~~~~~~~~~~~~~~
LE SILENCE SEUL EST...
~~~~~~~~~~~~~~~~~
Monique
Manfrini, le 02.05.2002.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ce que tu vois, n'est pas
Et ce qui est, n'est pas
visible...
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Demandez et il vous sera
répondu,
Frappez à la porte et
elle s'ouvrira!...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Mais, quelles réponses
avez-Vous
Apportées à mes
questions, sans cesse
Répétées... Pourquoi
cette porte
A laquelle je frappe,
avec force
Et douleur, reste-t-elle
fermée?
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ô Homme, garde pour toi
Ta peine et tes doutes,
Car ce que tu vois,
n'est pas
Et ce qui est, n'est pas
visible!...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Tu vis dans l'erreur et
la méprise
Totales. Ton Etre véritable
Est voilé par ton
ignorance.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Un effort de plus... et
le miroir
Qui te renvoie tes
grimaces,
S'ouvrira sur ton vrai
visage...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ne te désespère donc pas
et
Continue d'explorer les
terres
Intérieures cachées,
profondément,
Avec constance et
assiduité.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Un jour, assurément, tu
t'éveilleras
De ton long
rêve-cauchemar
Et tu verras ce qui Est
Avec les yeux de ton
cœur...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ô frère, ne te décourage
pas!
La Vérité ne peut se
révéler
Sans combat contre
l'apparence
Trompeuse de la
création,
En toi et hors de toi.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ne pleure plus, souris
et crois
En ta Victoire. Mais,
surtout,
Cherche et sois curieux
de tout...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Alors, un jour sans que
tu t'y
Attendes, tout paraîtra
clair
Et simple à ton cœur
émerveillé.
Monique Manfrini Le
26.03.2002.
La création et la musique de la vîna de la mère
à
propos de Sarasvati
par
Swami Chidananda
Salutations et adoration à la Mère divine et qu'elle soit bénie. Elle est
la source, celle qui soutient et le but ultime de toute la création.
Salutations encore et encore à la Mère bénie dans son aspect qui donne la
connaissance, à l'origine de tout le monde phénoménal aussi bien que la
culmination et la conclusion de toute connaissance et de tout processus
créatif. Puisse sa grâce demeurer sur nous aujourd'hui; nous venons avec nos
cœurs pleins d'adoration, au Pouvoir suprême du Tout-puissant dans son aspect
de Maha Sarasvati, la première manifestation de l'être transcendant pur, dans
la forme de Shabda Brahman.
Maha Sarasvati est à la fois
l'origine et la conclusion de tout le processus d'évolution de l'âme (jîva)).
En tant que Brahma-Shakti, elle est le Grand Pouvoir et préside au début de la
créativité. Elle préside au commencement de toute manifestation et de toute
projection d'individualité (le nom et forme) à partir du cas du Para Tattva, le
Suprême, c'est-à-dire, ce qui est sans nom, sans forme, au-delà de la portée du
mental et des sens.
Et qu'en tant que telle, elle est à l'originel de tout le processus de vie,
mais alors, tandis que le processus de vie s'écoule à partir de l'Akhanda Ekarasa Chidananda (l'expérience indivisible et
unique d'être-conscience-félicité) et s'implique progressivement en descendant
dans une matérialité de plus en plus dense, elle devient liée aux innombrables
millions d'individualité et apparaît dans le royaume de Maha Mâyâ, comme le jeu
du monde illusoire, et elle recule à l'arrière plan et permet à la tâche de
cette progression d'être accomplie par d'autres de ses aspects comme Vishnou
Mâyâ ou la Durga divine. Mais alors, quand la grâce du Suprême fait commencer
le retour de l'âme et se met à compléter le processus du cycle de l'évolution,
une fois encore recommence son ascension en utilisant le chemin intérieur du
Yoga. Le jîva rejette et se débarrasse des différentes couches de conscience
grossière et monte dans des stades de pureté de plus en plus haut de sattva, de
daivi-sampat, et il atteint le sommet de la spiritualité au plus haut de son
ascension yoguique. C'est alors que la art d'un se manifeste au jîva en tant
que Maha- Sarasvati, la lumière de pure connaissance, et se révèle dans sa conscience comme la
connaissance de l'Atma- à la fois Atma
et Brahma jnana; elle complète donc le
cercle de l'évolution et une fois encore vient s'immerger dans le Para Brahman.
Ainsi, en tant que créativité, Ma Sarasvati est à l'origine de ce processus
d'involution de ce qui n'a pas de nom ni de forme, le Para Brahman, le Un dans
le multiple, elle est l'ultime
Jnana-dayini, manifestation de celle qui donne la connaissance pure. Nous avons
en elle l'accomplissement de tout le jeu du monde, et c'est dans ses deux
aspects que la Mère est adorée par le chercheur- par le sâdhaka et le yogi
particulièrement. La mère est tout à fait signifiante est importante car c'est
elle qui donne la sagesse suprême et la connaissance par laquelle on atteint
kévalya moksha, la libération supérieure.
Théorie et pratique du
yoga
La forme de la Mère, à notre avis exprime cette fonction suprême de Ma
Sarasvati sous deux aspects. Elle a dans sa main la vîna, dont nous
interpréterons la signification un peu plus loin, mais dans ses autres mains,
nous trouvons le sphatika mâlâ, le rosaire de cristal d'une pureté immaculée,
et le livre des Védas. Les deux objets qu'elle tient, c'est le livre et le
rosaire, et ceci signifie pour nous que la mer contient en elle-même la
connaissance entière du monde d'ici-bas (apara) aussi bien que celui du monde
d'en-haut (para-tattva). Elle tient toutes les Védas dans ses mains, car elles
incarnent la connaissance la plus pleine de toutes les choses créées ainsi que
la connaissance la plus complète de la source ultime et de l'origine de toute
la création, c'est-à-dire le Para Brahman,. Elle est la contrepartie dynamique
de Brahma desquelles les Védas ont d'abord émané. Brahman est le père des Védas (veda pita) est celui qui les a procurés
(veda data).
La Mère est Sarasvati, elle n'est
que la Shakti de Brahma, le Brahma a quatre faces, et de ce fait, elle est
l'expression de la connaissance védique que Brahma représente, elle en est le
dépositaire suprême, c'est ainsi qu'elle porte dans ses mains le livre des
Védas, qui incarne la théorie de la connaissance de Brahman. Sur le chemin de
la Réalisation, la pratique effective de cette connaissance védique des vérités
qui viennent directement des livres comme aussi de celle qui prend son origine sur les lèvres du
Gourou-la théorie de cette connaissance ainsi obtenu doit être convertie,
transformé en expérience à travers la pratique et la méditation. C'est cette
pratique des vérités védiques sous forme de sadhana yoguique qu'on a représenté
par le pur rosaire de cristal dans la main droite de la Mère. La signification
du mala doit être rapprochée de la pratique du yoga. Ainsi Sarasvati incarne le
pouvoir dans sa forme théorique de connaissance védique et aussi la puissance
dynamique qui est exprimé à travers le processus pratique du yoga et de la
sadhana spirituelle.
La Mère et la pureté
absolue
On représente la Mère complètement immaculée dans ses vêtements et elle est
aussi elle-même le plus beau des êtres, immaculé et sans tache. Sa blancheur
est comparée à la blancheur immaculée du lys, et à celle de la Lune ainsi que
des chaînes de montagnes éternellement vierges comme on les trouve dans les
Himalayas. « Kundendu tusharahara
dhavala » kunda signifie
lys; indu la Lune. tusharahara signifie la chaîne de
montagnes. Elle est blanche comme ces objets que nous connaissons dans le monde
sont blancs et immaculés au plus haut point.
Tout ceci pour manifester le fait que la Mère est une masse d'Absolu
shuddha-sattva, de pureté raffinée, parce qu'elle est la première émanation
originale du Para-Brahman.
Pour les nouveaux venus, ce sera Magali Combal qui s’occupera des nouveaux abonnements.
Ils peuvent régler leur abonnement
jusqu'en fin décembre 2004, Le montant de l'abonnement pour dix numéros
étant de 20 €, mais pour l'ensemble des lecteurs, le renouvellement des
abonnements se fera après le numéro double, numéros 66, automne-hiver 2002.
Nous souhaitons bonne chance à Nadine et José Sanchez, qui viennent de
quitter Paris et de s'installer à Vaisons-la-Romaine; ils se sont occupés de
recueillir fidèlement les abonnements de
Ma, maintenant c'est Magali Combal qui les remplace.
- les réunions chez
Claude Portal continuent le premier dimanche de chaque mois à Saint-Germain
en-Laye téléphone : 01 34 51
74 41
- des retraites à l'ashram de Ma à Kankhal seront organisées en février,
avec au début trois ou quatre jours à Bénarès. Devant le succès du projet - en
fin août trente-huit personnes avaient déjà demandé à venir- nous avons décidé
de dédoubler le groupe, avec un voyage dans la première moitié de février et un
autre dans la seconde. Comme pour le
voyage d'août qui vient de se passer, Jacques Vigne qui l'a organisé considère
cela comme une retraite dans les ashrams de Ma et s'occupe des gens
bénévolement. Le prix du voyage est de 1450 euros.
- si les maoïstes arrêtent leurs troubles au Népal, nous ferons le
pèlerinage au mont Kailash soit en juillet, soit en septembre 2003, avec comme
organisateurs Jean-Luc et Chantale Diraison comme en août de cette année
- Il y a eu une émission à Europe 1, avec Marc Menant, en février 2002, sur
le livre "Matri darshan" de Bhaïji. Il y avait à un auditoire de 1
million et demi de personnes.
- Un week-end sur Ma Anandamayi s'est déroulé à Bruxelles en fin
janvier, organisée par Léonard Appel et
Initiations.
- Yvon Achard et son
groupe d'élèves du grenoblois ont un projet de construction à Kankhal pour ceux
qui voudraient passer du temps auprès de l'ashram de Ma, en collaboration avec
Jacques Vigne. Le système sera celui des ashrams, les donations donnent le
droit d'occuper une chambre quand on vient, sinon d'autres hôtes peuvent
l’occuper. La propriété sera laissée à Dinesh Sharma, que ceux qui viennent à
Kankhal connaissent depuis de nombreuses années. Il s'occupera de la
construction et de la gestion du nouveau
centre. Cela permettra de loger les occidentaux qui veulent venir à Kankhal à
plus long terme que dix jours qui est la limite officielle pour le Centre
international. Pour des renseignements complémentaires, on peut écrire à
Jacques Vigne à : Shri Ma
Anandamayi Ashram
Kankhal 249408 Hardwar Uttaranchal Inde
- Jacques Vigne part en retraite pour Dhaulchina, il redescendra à Kankhal
entre le 15 et le 30 novembre.
Table des matières
Paroles de Ma
Entretiens avec Vijayananda
In memoriam : Swami Swarupananda
Quelques pages sur le retour de Ma du Mont Kailash Gurupriya Didi
Un asthme guéri en présence de Ma Arun Banerjee
La création est la musique de la vîna de la Mère Swami Chidananda
Nouvelles
Table
Jay Ma Numéro 66 Automne 2002
Paroles de Mâ
Ce qu'on reconnaît comme le fruit de l'effort
n'est rien d'autre que la mise en lumière de l'aspect particulier vers lequel
on a dirigé l'effort. la lumière dévoilée (nirâvaran prakâsha), c’est
Lui-même, l'Eternel.
Tandis qu'on est absorbé en méditation, que l'on
soit conscient du corps ou non, en toutes circonstances, il est impératif de
rester complètement éveillé, on doit strictement éviter l’inconscience.
Quand on devient capable d'une méditation effective et dans la mesure où l'on
contacte la réalité, on découvre la joie
ineffable qui demeurent cachée même dans les objets extérieurs.
La vision réelle est cette vision où il n'y a pas quelque chose comme « celui
qui voit » et « ce qui est vu ». Elle est sans yeux, on n’a pas à la contempler
avec ces yeux matériels, mais avec les yeux de la sagesse. Dans cette
« vision sans yeux », il n'y a pas de place pour la
"di-vision".
Les paroles de Mâ qui suivent sont extraites d'un
petit livret réédité en janvier 2000 par l'ashram de Kankhal, intitulé : thèmes de réflexion pour chaque jour .
Afin d'annihiler ce qui est indésirable (anishta), l’esprit doit être
enraciné dans l'adoration du Bien-aimée (ishta). la notion qu’Il est
éloigné doit être complètement abandonné. O Dieu, Tu es à l'intérieur et à
l’extérieur, dans chaque veine et chaque artère, dans chaque feuille et brins
d'herbe, dans le monde et au-delà de lui.
On doit savoir accueillir de bon
cœur l'éveil du sentiment de manque, il
ouvre le chemin. Il est là, à chaque pas, pour transformer en expert celui qui
n'est pas suffisamment prêt. C’est Toi qui Te manifestes sous forme du
sentiment de manque et de vacuité, Toi et personne d'autre. Je prends refuge en
Toi, je prends refuge en Toi. (4)
Combien de siècles avez-vous passé dans un genre de vie inutile - venir et s'en
aller ! Par le pèlerinage vers l'intérieur, le fossé qui vous sépare de votre
propre Soi s’évanouit. Même si, après avoir reçu un coup, on tombe, on doit se
relever à cet endroit même. Personne ne tombe de façon répétitive. Un effort
soutenu, voilà le devoir de l'homme, c’est sa vraie nature de l'être humain.(5)
Si quelqu'un passe toutes ses vingt-quatre heures en japa, méditation,
contemplation et des exercices similaires, il est par là même engagé
constamment dans le service de Janârdana (Dieu sous forme d'être
humain). Et si on trouve impossible d'être constamment engagé dans le japa
et la méditation, on doit utiliser chaque moment de libre pour accomplir le
service du Bien-aimé divin, de Janârdana, qui est également présent dans
tous les êtres humains - en considérant que
tout est Cela. Pratiquer ainsi purifiera l'esprit et le cœur. (14)
Un être humain peut à coup sûr être victorieux
dans toutes les directions. On doit absolument garder l'esprit tout à fait
alerte. Après avoir passé une vie plongée dans l'ignorance, il nous faut
changer d’orientation. Dites la vérité d'une façon audacieuse et avec un cœur
fort ; ainsi la vigueur de la vérité augmentera. C'est la vérité qui illumine
le Chemin et qui indique la direction qu'on doit prendre. Il faut savoir
préserver sa propre individualité avec tact, tout en se comportant d'une façon
polie avec les autres et ainsi notre relation à chacun sera un succès. Ne
permettez à personne de vous garder sous sa coupe. Nourrissez la beauté de
votre disposition intérieure par une pratique régulière d'une pensée pure,
orientée vers la Réalité, afin que l'agitation mentale ne puisse vous
atteindre. Développez une manière de voir élevée, magnifique et noble. (16)
On doit
garder le japa silencieux tout le temps. On ne doit pas gaspiller
inutilement les respirations: à chaque fois que l'on n'a rien de particulier à
faire, on doit pratiquer silencieusement le japa au rythme de sa propre
respiration - en fait cet exercice doit continuer constamment juste au moment
où la récitation du japa est devenue aussi naturelle que la respiration.
(17)
C'est le moment de vous former vous-même. Vous
devrez vous appuyer sur le renoncement et le courage afin de vous libérer des
mauvaises tendances que vous avez acquises dans des vies antérieures, qui vous
ont menés à la souffrance et à la douleur. Tentez de rendre votre cœur
semblable à un sanctuaire consacré à Celui qui est entièrement bon, et désirez
le non-désir. La première chose, c’est de se sentir attiré vers Dieu.
Soyez complètement constant dans votre service. Tout ce que vous avez à faire
pour quelqu'un d'autre, faites-le dans un esprit de service. Vous devez aussi
porter une attention particulière à un autre sujet : il vous faut
abandonner complètement la paresse. Quand il est
question de pratiques spirituelles ou de bonnes
actions, le manque
d'envie et la léthargie doivent être complètement
exclus. Les difficultés qui peuvent survenir lorsque vous rendez service à
quelqu'un doivent être supportées avec joie. (25)
Faites la charité, engagez-vous dans le service,
pratiquez l'obéissance, et vous en viendrez à comprendre par vous-même dans
quel esprit ces actes sont accomplis par votre intermédiaire. Soyez convaincus
que, quelles que soient les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez,
c'est là même que l'expérience de l'illumination peut survenir. Ne vous
complaisez jamais dans l'idée que vous
êtes impliqué dans les péchés et les mauvaises actions et que donc, vous ne
pouvez parvenir nulle part. En toutes circonstances et constamment, sentez-vous
complètement prêts à cheminer sur la voie qui mène au Suprême. Qui peut dire à
quel moment votre action de donner, de servir ou d’obéir deviendra un acte de
consécration à l’Unique ? Tout est possible. (26)
On doit tout le temps se souvenir que le pouvoir
de discernement et de pensée juste s'accroît en proportion du temps passé en
méditation. Le sadhaka en viendra alors à connaître intuitivement ce qui est
essentiel pour lui dans sa recherche. Il observera que son esprit devient de
plus en plus absorbé dans le souvenir de Dieu et son attachement aux objets des
sens diminuera de façon correspondante.
Pour finir, nous ajoutons deux pensées
de Bhaïji :
Si on est incapable de considérer Ma comme un être divin qui transcende
l'humanité, on doit au moins accepter ses nombreuses vertus comme un modèle à
imiter, par exemple son grand sens du
devoir, la grâce qu'elle met dans chaque action,
sa grandeur d'âme, son calme et sa sérénité en toutes circonstances. (II)
Si on a la chance d'observer les expressions
multiples de ses états intérieurs variés, ses gestes, ce qu'elle dit, son rire,
ses plaisanteries, sa manière de manger ou de s'habiller, etc., on ne doit pas
commettre l'erreur de les juger d'après des critères ordinaires ; et l'on ne
doit pas non plus se sentir décontenancé par ses paroles et ses manières de
faire. On doit plutôt observer et étudier chacun de ses actes avec une grande
attention et apprécier leur caractère unique et profondément aimable.
Questions à Vijayananda
Q :
On parle maintenant souvent du védanta en Occident. Pensez-vous que le passage
d’une culture à l’autre se fasse dans de bonnes conditions ?
V :
Les deux piliers du védanta sont vairagya,
le détachement et viveka, le discernement. S’il n’y a pas cela, c’est du
védanta occidentalisé qui risque de se terminer dans les mots. Il ne suffit pas
de lire Shankaracharya ou d’apprendre du sanskrit, il faut pratiquer. Après une
période de début où l’on peut étudier toutes les voies, il est mieux d’en
choisir une et d’étudier les Ecritures sacrées de cette voie précisément. Par
exemple le védanta est la culmination des Védas et des Upanishads et est lié au
quatrième des ashrams (stades de la vie), qui est le sannyas. En sautant
d’une voie, d’un guru à l’autre les occidentaux finissent par prendre des
itinéraires qui paraissent bizarres et à s’imaginer qu’ils suivent des
enseignements très élevés alors qu’ils n’ont pas de bases solides. Par exemple,
les Juifs ont une tradition de sexualité sacralisée, mais il faut pratiquer
cela avec toute la base de la Torah. De toutes façons je ne connais pas les
détails, ce n’est pas ma ligne. On raconte qu’à la mort de sa femme le Baal
Shem Tov a dit :’je pensais que si je mourais le premier je pourrais
monter au ciel dans un char de feu’. Mais maintenant qu’elle est morte, j’ai
perdu la moitié de mon pouvoir’. J’ai un ami qui avait acheté une vraie montre
Rollex très coûteuse, mais comme il avait peur de se la faire voler, il a aussi
acheté une Rollex d’imitation qu’il porte habituellement. En Occident, c’est
comme cela. Les gens font une sadhana d’imitation car ils ne savent même pas
les exigences de la vraie sadhana. En Inde aussi, il y a peu de vrais sadhakas,
mais au moins les gens connaissent les exigences de la sadhana authentique. Les
occidentaux souvent intellectuallisent de trop. C’est un grand obstacle,
surtout quand on approche un sage. En face de lui ou d’elle, il faut savoir
être comme un enfant. Si Saint François d’Assise est si populaire en Occident,
je ne crois pas que ce soit seulement à cause de son amour ou de son contact
étroit avec la nature, je pense que c’est surtout à cause de son humilité.
Q : A votre avis, pourquoi y a-t-il quatre
fois plus de suicides en France qu’en Inde ?
: Ce pourquoi les gens se suicident en Occident, c’est qu’ils ont
exploré tous les désirs possibles, qu’ils voient que cela ne mène nulle part
mais qu’ils n’ont rien à mettre à la place. Les gens qui savent se discipliner
ont toujours de l’espoir et l’espoir fait vivre.
Q : L’Inde croit
aux asuras, aux ‘démons’ qui peuvent cependant avoir de bons côtés comme les
dieux ont leurs mauvais côtés, mais elle ne croit pas au ‘Prince des Ténèbres’,
au Mal absolu comme le christianisme ou le judaïsme récent. Quel est l’avantage
du point de vue indien ?
V : La croyance au
Diable des premiers moines chrétiens par exemple est bonne pour les gens qui
ont un tempérament agressif, cela leur donne un ennemi pour se battre. En fait,
dans la Bible, le Diable n’est qu’un petit bonhomme, c’est Dieu qui a tout
créé, le Bien et le Mal, le Diable n’est qu’un serviteur. Par contre, dans la
Cabale, il devient si important qu’on n’ose même pas prononcer son nom de peur
de l’invoquer. On l’appelle par les deux premières lettres de son nom, Samaël
cad samachem. Ce nom signifie l’ange
aveugle, et on le désigne par ‘l’autre côté’. Il y a sans doute une influence
manichéenne sur le judaïsme tardif. Un jour, le Baal Shem Tov a prononcé le nom
complet de Satan malgré l’interdit. Celui-ci est venu furieux, en
protestant :’je n’ai été dérangé que deux fois par les appels des hommes,
la première fois par Eve au Jardin d’Eden, et la seconde lors de la destruction
du Temple ; que me veux-tu ? A ce moment-là, le Diable se met à voir
la lumière sur le front des disciples du Baal Shem Tov, et il en est tellement
impressionné qu’il est bien obligé de remercier celui-ci de l’avoir fait venir.
Q : Pensez-vous que le bouddhisme puisse
beaucoup apporter à l’Occident ?
V :
Oui. Déjà, dans le bouddhisme ancien on insiste sur la vigilance qui est
effectivement le fondement de la sadhana. Cependant il faut bien comprendre le
sens de vipassana : ramener ses émotions, son activité mentale au
corps pour les calmer et maîtriser. Mais le corps n’est pas une fin en soi,
sinon ce serait une sorte d’hypocondrie ; et quand on sent qu’on perd le
contrôle pendant des périodes de méditation intensive, il faut savoir arrêter
tout de suite, sinon il y a un danger de ‘dérailler’; le zen peut aussi beaucoup
apporter aux occidentaux, il est proche du védanta, il coupe à la racine la
tendance intellectualisante ; il a bien les pieds sur terre et pourtant la
tête dans le ciel. Un jour un maître zen a posé une question à son disciple et
celui-ci lui a répondu en citant les Ecritures bouddhistes, etc… Le maître a seulement dit : ‘il y a trop de
bouddhisme dans ce que tu racontes’….
Q :
Une visiteuse occidentale qui était souvent à l’ashram de Ma entendait parler
au satsang de la beauté de la veillée Pascale dans le judaïsme et le
christianisme. Elle demanda :’Est-ce que à cause de mon manque de
formation religieuse de base je n’ai pas un grand handicap sur la voie
spirituelle?’
V :
Non. Religion signifie relier, unir, comme le mot Yoga. Vous suivez le Yoga,
donc vous avez une religion. On peut aussi dire que vous avez la religion de
Ma, puisque vous passez longtemps ici pour suivre son enseignement… Il n’y a
pas besoin d’attendre la Réalisation pour être complètement indépendant du guru
extérieur. Cela se fait quand il y a l’éveil du guru intérieur.
En compagnie de Mâ Anandamayî
Préface
par Richard Lannoy
La fonction d'une
préface est de dire brièvement certaines
choses sur un livre que l'auteur ne peut exprimer elle-même avec modestie. Ceci
particulièrement vrai ici, Bithika Mukerji, qui est docteur en philosophie est
si modeste qu'il s'en est fallu de peu que le livre ne voit pas la lumière du
jour. Heureusement, des encouragements persistants, un support moral et même
quelques remontrances effectuées de bon cœur ont eu raison d'elle. Bithika
Mukerji est déjà auteur d'une biographie de qualité et qui fait autorité sur
Shri Mâ, Un oiseau sur la branche ; elle s’est laissée convaincre
de revenir à son sujet, mais en introduisant une nouvelle dimension à ses
comptes-rendus nombreux déjà publiés, en l'occurrence son point de vue
personnel, et ceci est crucial. Pour quelqu'un comme elle, disposée d'une façon
surnaturelle à s'effacer et à se cacher au fond des salles de réunions où se
tenait Mâ,, présenter un point de vue personnel semi-autobiographique au sujet
d’une figure qu'elle considère comme au-delà des limites de l'expérience
humaine, c'est un choix cela semblait non seulement un défi, mais (j'espère que
je ne révèle pas un secret !) aussi une présomption. Bien sûr ce n'était pas du
tout présomptueux ; c'était une garantie d'authenticité. Grâce à Dieu, elle a
eu le courage d'achever son histoire, car c’est dans une subjectivité admise de
bon cœur qu’est enracinée la vie immédiate et
véritable d'un récit…
Nous en venons à une leçon qui est très
simple, mais qui, comme toutes les choses les meilleures, est difficile à
mettre en mots. Quelle que soit l'inclination qu'on puisse avoir à mettre en
valeur, louer, et même de porter aux nues Shrî Mâ comme l'exemple suprême
de la perfection, c'est seulement à
travers la description de sa relation
aux autres qui se manifeste sous des aspects multiples que sa pleine
dimension, sa capacité à tout englober peut être pleinement révélée. Elle dit
elle-même que ce mot de "autre" est une contradiction dans les
termes lorsqu'on considère son être unifié. Dans les arts visuels, nous parlons
de la silhouette et du champ comme des parties inséparables d'une même unité de
l'image. Bithika Mukerji, dans son livre, de nous livre à la fois la silhouette
et le champ
L'agilité de la compassion de Mâ, la
précision délicate avec laquelle elle pouvait réconforter les victimes des
chagrins humains, et tout particulièrement sa réponse sensible et rapide aux
décès dans l'ashram, tout cela touche notre corde sensible. Plus que tous les
discours sages et un peu long (dont il y a des exemples publiés ailleurs), la
conscience profonde que Shrî Mâ a du cœur humain est communiquée dans ses
actions d’une façon encore plus mémorable. Bithika est aussi sensible dans ses
comptes-rendus à ces moments où Shrî Mâ se retire en elle-même à l'occasion de
la mort de ceux qui sont proches d'elle. Bithika met ici en valeur un point qui
est tout à fait particulier : elle a clairement adopté le style de la douce
compassion de Shrî Mâ et son livre en est imprégné à chaque page. .
Il y a des prises de conscience
nouvelles qu'on peut trouver dans ses mémoires en dépit de toute la richesse du
matériel qui a déjà été écrit sur Shrî
Mâ. C'est en tant que membre du cercle intérieur que Bithika peut nous dire ce
que représente le fait de connaître avec une certitude absolue que le kheyal
spécifique de Shrî Mâ est de veiller à tout dans la vie de certains individus
particuliers. Car l'auteur elle-même, ainsi que les autres membres de sa
famille, ont eu la joie d'être les récipients directs de la grâce et de la
protection de Shrî Mâ. Une autre perspective s’ouvre quand nous observons le
génie de Shrî Mâ pour conférer aux individus une liberté complète de mouvement
dans laquelle ils peuvent se développer et respirer. Une "intrigue
secondaire" particulièrement délicieuse ici est l'histoire du frère de
Bithika, Bindou, qu’on avait ainsi nommé quand il était un petit enfant : il
dormait sous le lit de Shrî Mâ, et ensuite il s’est développé une personnalité
charismatique de grand cœur, un musicien
doué qui pouvait chanter des compositions divines qui ont charmé les foules.
Je pense à l'histoire de Bithou
"volant" un caillou du lit de la rivière Narmada, et son utilisation
providentielle par la suite, grâce à la mémoire infaillible de Shrî Mâ pour les
détails. Il y a aussi ce récit, si menu et pourtant que son charme lumineux
élève à un niveau d'intensité magique, de la manière dont Shrî Mâ s'est
souvenue de la timidité de Bithika pendant le festival où l'on se battait avec
du yaourt, et comment elle en a simplement déposé une goutte sur sa langue
réticente ! Mais c'est la même Bithou qui a traversé la moitié de l'Inde
du nord pour obtenir la bénédiction de Shrî Mâ avant un séjour de six mois en
Suisse afin de participer à un rassemblement interreligieux d'étudiants.
Immédiatement elle reçoit, seule dans la pièce, un discours sublime sur la
tolérance religieuse, Shrî Mâ étant allongée sur son chowki- son lit-tandis que
Bithoudi dans la pénombre, prenait tout en note. On nous donne ensuite
l'essentiel du discours que le Dr Mukerji a distillé de cette conversation
privée, en même temps que la réponse de son auditoire qui provenait de vingt-six
nationalités différentes. Il y a, en fait, plusieurs exemples où Bithika est
soudain frappée par la pure grandeur de
l'impact de Shrî Mâ sur les nombreux Indiens et aussi sur des gens d'autres
pays lorsqu'elle voyageait dans tous les recoins
du sous-continent
indien.
Nombre de
ces anecdotes révèlent la subtilité psychologique, l'audace et l'inspiration
foudroyante du khéyala de Shrî Mâ. Et nous avons une compréhension
profonde et abondante de cette méthode de Shrî Mâ des plus subtiles et
nouvelles, son khéyala qui fonctionne d'une façon inimitable : pleine
d'autorité, inéluctable, tout en étant
d'une profondeur insondable.
Je suis très fier d'avoir joué un rôle
minuscule pour faire parvenir ce livre à la connaissance du grand public.(p.11,
13)
L'auteur de ces souvenirs a été invitée à
parler à un séminaire interreligieux en Espagne, dans la ville d’Avila, à
l’invitation de Raimon Panikkar , qui a passé de nombreuses années à Bénarès et
est bien connu pour ses ouvrages sur la rencontre entre hindouisme et
christianisme. A cette occasion, un groupe d'auditeurs espagnols demandaà Bithika de rédiger un ouvrage sur
ses souvenirs personnels de Mâ Anandamayî. C'était une période charnière pour
Bithika, car elle venait de perdre sa mère qui avait pris le sannyas tout en
restant à domicile, sous le nom de Swami
Satyananda Giri. Avant de mourir, celle-ci lui avait donné le sa bénédiction
pour cette mission. Dans le premier extrait que nous donnons, Bithika raconte
comment son père est venu pour la première fois en contact avec Mâ Anandamayî,
et ce malgré ses propres réticences
"Je suis
venue chez vous sans être invitée !"
Un soir, Bindou,
mon petit frère, a développé une forte fièvre. Même ainsi, ma mère se
préparait pour aller visiter la dharamshâla où se trouvait Shri Ma. Mon père
n'était pas content, car il trouvait qu'elle ne prenait pas soin sérieusement
de leur enfant en n’étant même pas capable d'attendre le docteur qui venait
pour voir Bindou. Ma mère est donc restée à la maison. Le médecin était soucieux
car il y avait un danger d’épidémie de typhus en ville à ce moment-là. Pendant
la consultation, quelqu'un vint nous informer que Shrî Mâ était venue dans le quartier des
fonctionnaires où nous habitions et visitait la maison de Madame Dixit qui
était notre voisine. Ma mère s’y est précipitée. Shrî Mâ lui sourit et dit,
"vivez-vous près d'ici ?" Quand ma mère lui indiqua notre maison Shrî Mâ qui sortait déjà de chez Madame
Dixit, s'en vint avec son entourage
jusqu'à notre maison. Mon père et le docteur qui étaient debouts dehors furent
surpris de voir cet afflux soudain des visiteurs. Ma mère était tout excitée -
demandant aux serviteurs d'amener des chaises et des tapis, aux jardiniers
d'aller cueillir des fleurs et à nous,
les filles d'entonner un chant d’agomoni( en bengali : de
bienvenue). Shrî Mâ s'assit dans un des
fauteuils qu'on avait apportés pour elle. Mon père s'avança et fit un namaskar
(mains jointes ensemble en salut
respectueux pour accueillir un visiteur).Sri Ma lui dit avec un sourire :
"vous voyez, je suis venu chez vous, sans être invitée!" Je ne sais
pas s'il l’avait imaginée avec la robe orange des sadhous et s'il était surpris
de la voir dans ses gracieux vêtements blancs. Il ne répondit rien. De toutes
façons, il a dû réfléchir sur ces paroles toute sa vie!(p.24)
Durant l'été 1937, Ma et Bhaïji passèrent à Bareilly avant de monter à
Almora sur le chemin de leur pèlerinage au mont Kailash. Les parents de Bithika
ont accompagné ce dernier jusqu’à Almora.
.
Bhaïji présente sa vision de Shrî Mâ à mes
parents.
J'avais remarqué que Bhaïji se retirait de
la présence de Shrî Mâ en allant à
reculons comme certaines personnes font dans les temples (en signe de
grand respect); à cette époque-là,
Bhaïji s’était beaucoup entretenu avec mes parents. Pendant de
nombreuses années, nous avions pensé que ceux-ci avaient été initiés par lui,
mais il n'en était pas ainsi. Quand nous avons été adultes et dans une position
de leur demander, ma mère nous expliqué qu'il avait révélé quelque chose à
propos de sa propre compréhension de Shrî Mâ et avait ouvert pour eux une
nouvelle dimension de l'aspiration humaine.
Il avait dit que dans la nature des
choses, nous ne pouvions avoir seulement
qu’une vague idée à propos de la divinité suprême qui forme nos destinées. On nous a dit qu'il
y a un pouvoir ultime de création, soutien
et destruction; c’est l’adya shakti (l'énergie primordiale) sans
laquelle rien ne peut s'ébranler. Il croyait que Shrî Mâ était la forme
manifeste de cette présence qui pénétrait tout, bien que non manifestée, et que
nous adorons en elle l’Etre ultime. Se
trouver en accord avec le rythme cosmique de la création vibrante et son
processus également tranquille d'involution, c’est pénétrer le mystère de la
vie. Shrî Mâ est la clé du mystère de cette marée montante et descendante d’ânanda,
qui se trouve au cœur de la création. Elle est Anandamayî, la personnification
du Bon et du bienheureux et c'est elle qui, par sa simple présence, éveille
l'aspiration vers la félicité suprême, qui repose dormante au sein de chaque cœur humain. Pour
mes parents, c'était comme si Bhaïji avait ouvert une fenêtre dans une chambre
close.(p.28)
La personnalité de Shrî Mâ était à
elle-même sa propre authenticité ; même si elle ne disait rien, son aura
majestueuse inspirait une crainte révérencielle. Que ce soit sur les quais de
gare ou dans les endroits pleins de foule, sa silhouette vêtue de blanc
attirait l'attention. Les gens s'arrêtaient pour regarder par derrière et demander,
"qui est-elle ?" Lorsqu'on se trouvait en face d'elle, les paumes des mains se joignaient
naturellement par respect et les têtes s'inclinaient pour saluer. Les détails
de sa vie et de ses origines n'étaient plus en question. Elle était ce qu'elle
était, une personne qui non seulement tenait la clé du mystère de la vie mais
pouvait également guider notre compréhension de la destinée humaine.
Avait-elle une mission pour l'humanité ?
Non, parce qu'elle avait ni souhait, ni désir, ni volonté, son action et ses paroles étaient le produit
d'un khéyala spontané. Le mot khéyala signifie une impulsion
soudaine, une pensée ou une idée, qui n'est pas en lien avec une source
ordinaire de l'action. Parfois, ce mot est utilisé pour décrire un processus
non rationnel de pensée telle une figure poétique ou un caprice un peu fou. Le khéyala
de Shrî Mâ était distinct de tout ce genre de connotations. La meilleure façon
de le comprendre, c'était d’observer qu’il survenait à cause des besoins et des
nécessités des gens qui l'entouraient ou des situations qui se créaient autour
d'elle, bien qu'il n'était pas toujours relié à son voisinage immédiat à un
moment donné.
Il nous faut reconnaître que le voyage vers
le khéyala de Shrï Mâ, néanmoins, vient de commencer. Pour nous un
nouveau chapitre s’est ouvert. La vie ne va plus jamais être la même.(p.30)
Nous vivions dans une famille au sens élargi
du terme, comme c'était la coutume à cette époque-là. Mon frère aîné, Manou,
demeurait au 31 George Town avec mes grands-parents, ma tante et mon oncle,
tandis que mes parents voyageaient de ville en ville selon les postes obtenus par mon père. Nous
visitions le 31 George Town pendant les
vacances, je me rappelle que pendant très longtemps, j'avais pensé que mon
frère était mon cousin au même titre que les deux filles de mon oncle, parce
que je le rencontrais seulement lorsque nous étions à Allahabad. A cette
époque, on considérait comme tout à fait inconvenant de dire "ma
femme" et "mes enfants" ou "ma maison", d'appeler
quelque chose "mien", ainsi il fallait quelque temps à un étranger
pour distinguer les frères, les sœurs et les cousins dans la bande de gamins
qu'il y avait à la maison. En ce qui concernait l'enseignement religieux, on
nous enseignait des prières en sanskrit destinées à notre divinité favorite et
aussi à la déesse du savoir, Sarasvâtî
dévi. Nous observions les poujâs, les festivités et visitions les
temples. Tout cela était très traditionnel et orthodoxe.
La fête religieuse principale d’Allahabad
était la Koumbha-Méla qui s’y déroulait tous les douze ans à la confluence des
deux rivières sacrées, le Gange et la Yamouna. un événement plus petit avait
lieu tous les six ans entre les deux Koumbha majeures et tous les ans en janvier, il y avait aussi ce qu'on
appelait la Magh-Méla de dimension moindre. Cette fête remonte au moins au VIIe
siècle après Jésus-Christ. Les pèlerins campaient sur les bords des deux
rivières dans les cabanes de chaume et de paille durant un mois, fuyant les
conforts de la maison afin de passer cette période dans d'ascétisme, l’écoute de discours sur les écritures et une
sâdhanâ, isolés de leur propre hutte.
Ma grand-mère était très attachée à ce mois de kalpavâsa, (le fait de rester
dans un endroit qu'on a décidé), comme on l'appelle. Néanmoins, elle n'était
pas tout à fait comme les autres pèlerins. Sa cabane était construite d'une
façon tout à fait élaborée. Elle était meublée avec des chaises et un lit
convenable, on avait mis des tapis sur un sol en terre battue couvert de
paille, et elle avait des serviteurs pour l'aider. Nous allions la visiter
pendant les journées et nous avions grand plaisir à nous promener sur les
terrains de la méla et à y manger
toutes sortes de bonnes choses aux étalages temporaires qui poussaient partout.
C'était une occasion de rassemblement
merveilleux pour des gens qui venaient de tous les coins du pays ; ils
vivaient simplement pour renouveler leur foi et leur engagement dans leur
propre tradition dans une atmosphère de liberté et de détente. Plus tard, nous
avons eu l'occasion de vivre dans le camp de Shrî Mâ durant de nombreuses
Koumbha-Mélas. Elle assistait pratiquement à tous ces rassemblements tous les
douze ans, et même à ceux qui avaient lieu tous les six ans. Cette expérience
de participer à la vie des gens dans une atmosphère d'engagement total
envers une manière de vivre religieuse, mais pourtant dépourvue de toutes
sortes d'embrigadement était indescriptible et inoubliable. Il s’agit une
chance merveilleuse et qu'on ne doit pas manquer si l'occasion s'en présente.
(P.35-36)
Shrî Mâ
réagit
Un des
visiteurs posait des questions infantiles à Shrî Mâ. Un jour il alla jusqu'à
lui déclarer "vous êtes ma mère. Je vais m'asseoir sur vos genoux !"
et de fait, il n'avait pas plutôt dit cela qu'il se laissa tomber sur les genoux de Ma. Ils
n'étaient pas légers et c'était donc un lourd poids pour elle. Tout le monde
poussa des exclamations plutôt ennuyées. Biren Babou lui fit des remontrances
comme à un enfant et on le fit se relever immédiatement. Shrî Mâ resta
imperturbable pendant toute la durée de cet incident mais il était évident que
le visiteur avait troublé l’atmosphère. Le jour suivant, de nouveau il posa une question infantile : "Mâ,
dites-moi ce qui arrive dans la demeure de Vishnou ?" Shrî Mâ soudainement
se releva sur son âsana. En un clin d’œil,
son comportement changea. Sa voix était aussi différente. Elle s’exprima
de façon incisive : "voulez-vous voir? Voulez-vous vraiment voir ?"
Son expression était si sévère que nous étions tous pétrifiés ; nous ne
l'avions jamais vu dans cette posture terrible. Nous étions si effrayés que
nous avons baissé les yeux car nous ne pouvions supporter de voir ce regard
étincelant. Le visiteur importun gémit d'une façon pitoyable
"pardonnez-moi, Mâ, pardonnez-moi". Shrî Mâ reprit son siège et tout
fut de nouveau comme avant. Elle nous sourit et ainsi nous pouvions de nouveau
respirer. Nous avons rendu grâce lorsque l’importun est retourné à Calcutta, ce
qui survint dès le jour suivant.
Ces jours que nous passions avec
Mâ étaient inoubliables, comme un rêve. Pour nous, Shrî Mâ était une amie qui
remplissait tous nos désirs conscients et inconscients de bonheur dans la vie.
Nous étions contents d'être avec quelle, de la voir, de lui parler, ou de
marcher en sa compagnie. Je ne pense pas que nous avions aucune pensée
particulièrement élevée au sujet de la discipline spirituelle. Shrî Mâ,
néanmoins, nous donnait de bonnes bases. Elle nous dit à tous les quatre Renou,
Kawna, Bithou et moi-même, (c'est le
cousin de Bithou qui parle) de nous asseoir dans sa chambre pour une demi-heure
tous les jours et de faire le japa ou le dhyâna (méditation).
Nous n'avons pas trouvé que c'était une tâche difficile. Qu'est-ce qui pouvait être
plus agréable que d'être assis dans sa chambre et de la contempler pendant
qu'elle reposait tranquillement sur son lit?
Un matin, Shrî Mâ nous demanda,
"savez-vous cuisiner?" Ma jeune sœur ne s'exprima pas, mais je dis fièrement, "oui, Mâ, je peux
cuisiner." Shrî Mâ demanda de nouveau,
"quels plats sais-tu préparer ?" je répondis, "je
peux préparer toutes sortes de plats." J'étais plutôt sûr de moi parce que
faire la cuisine était ma grande distraction et j'avais l'habitude de préparer
de nombreux plats à la maison. Shrî Mâ demanda alors, "sais-tu préparer des pousses de bambou ou des
feuilles de yam ?" Je ne savais même pas qu'il s'agissait de d'objets
comestibles et je fis signe de la tête que non. Shrî Mâ se mit à rire avec tous
les autres qui suivaient notre conversation. (P.52)
…A la fin des vacances nous sommes retournés
Agra et ensuite de nouveau à Allahabad. Nous avions plein de conversations très
animées à propos de ce que Shrî Mâ avait
dit et de ce qu'elle avait fait dans sa lîlâ (jeu) avec nous. Vers fin
d'octobre 1938, Shrî Mâ revint à notre maison au 31 George Town de pour la
première fois. Depuis lors, jusqu'à janvier 1982, elle a continué à visiter
notre maison à intervalles réguliers. Allahabad est à la jonction de plusieurs
routes majeures. Shrî Mâ passait à
Allahabad de nombreuses fois durant ses voyages incessants. Parfois,
elle interrompait son parcours pour
passer la nuit au 31 George Town ou simplement pour la journée, voire même pour
quelques heures. Avant que mon jeune cousin Bindou ne construise pour elle une
petite hutte dans la propriété sous le Nîm (arbre margosa) en 1956, elle a
habité avec bonne grâce dans des logements temporaires que l'on faisait pour
elle. Le pounya (le mérite religieux) de nos ancêtres à la vie sainte a
dû créer une aura pour notre maison et nous apporter la bénédiction de la présence
de Shrî Mâ si souvent. (P.54)
Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et
Jacques Vigne
par Amulya Kumar
Datta Gupta
(Suite)
Durant la conversation
en soirée, Mâ dit, "Ne pensez pas que vous seul êtes présents dans la
chambre. Il y a de nombreux autres êtres ici. De même que vous venez écouter ma
conversation, de même il le font également."
Un disciple de Mâ, "est-ce que nous vous vous n'avez pas rencontré
Gauranga Mahaprabhou (un nom de Shri Chaitanya, cette conversation se passe à
Navadvîp, où a vécu Shri Chaitanya, un lieu qui est devenu un des grands
pèlerinages vishnouïtes du Bengale) et d'autres personnages sous forme subtile
ici ? Mâ ne répondit pas directement à la question, mais elle dit,
"lorsque je vais quelque part, je rencontre le bhava particulier de
l'endroit." (bhava signifie état, coloration spirituelle ; dans ce
contexte, ce terme peut signifier l'entité subtile qui a imprégné l'endroit).(Vol.II, p.51)
Les jeunes années de
Mâ
Des plaisanteries
innocentes avec Shrî Mâ étaient autant une source de joie qu’une approche
visant à la harceler pouvait être dangereuse. Une fois, à l'occasion d'un
mariage, Mâ s’était rendue à la maison d'un parent. A cette époque, elle était
encore très jeune. Pour ceux qui l’observaient, elle ressemblait à d'une image
de la déesse vraiment très belle. Pour cet événement, deux membres de sa
famille, tous les deux jeunes hommes, étaient aussi venus. Mâ dit,
"j’étais allée sur les lieux du mariage avec le corps couvert des pieds à la tête et de plus
enveloppée dans un châle noir. En me
voyant avec ces vêtements, un des jeunes hommes commença à dire, "elle
ressemble à un tel, elle ressemble à tel autre." Après l'avoir entendu
dire cela pour la n-ième fois mes yeux tombèrent soudainement sur lui. C'était
un regard quelque peu anormal. A cette époque, j'étais une jeune femme rangée
typique et je ne regardais pas les "autres" hommes. Quand on a mis du
miel dans la bouche de la nouvelle mariée, le second jeune homme vint me voir
avec du sucre dans la main et dit, "tu es aussi une jeune mariée, il faut
que je te mette du sucre dans la bouche." Je me reculai, mais à chaque
fois que je faisais ainsi il amenait sa
main proche de ma bouche. Tandis
23
qu'il me harcelait de
cette façon, mes yeux sont soudain tombés sur lui. Cette fois-ci également, mon
regard était quelque peu anormal. Dans aucun des deux cas, je n'avais jeté les
yeux sur eux de façon délibérée. Néanmoins, en me voyant le regarder comme
cela, le garçon recula. Le lendemain de la fête, ils retournèrent à la maison.
Mais à peine deux jours après ces événements, j'ai appris que le jeune homme
qui avait fait des plaisanteries vulgaires à mon égard avait été battu très
fort sans cause apparente, et celui qui avait essayé de me mettre du sucre dans
la bouche étaient morts du choléra. Son type de mort semble avoir été
prédestiné pour cette heure-là. Mâ nous évoqua alors des souvenirs de sa vie de
jeune mariée. Comme nous l'avons déjà dit, elle avait été admise à l'école
primaire, afin de lui assurer une meilleure perspective dans le "marché" des mariages. Le
récit de ses études dans cette école a circulé. Quant Mâ avait été à la maison
de son gouroudev avec Didi Mâ et d'autres, on a dit, en se référant à
ses études, qu’elle avait été à l'école primaire. Entendant cela, quelqu'un lui
demanda la signification du terme "écoles primaire". Mâ répondit
alors franchement, "personne ne m'en
a indiqué le sens."
Néanmoins, ayant entendu que sa femme avait
étudié à l'école primaire, Baba Bholanâth, le jour après leur mariage, exprima
le désir de voir l'écriture de son épouse. Il avait l'intention de se rendre
compte si elle était capable de rédiger des lettres pour lui. Mais Mâ insista
sur le fait de ne pas montrer son écriture malgré différentes menaces de Didi
Mâ, on n'a même pas pu la persuader d'écrire son nom. Quant tous s’y mirent, il
purent finalement la forcer à effectuer sa signature, et on la montra à
Bholanâth. Mâ continua, "après le mariage, Bholanâth m'a écrit une longue
lettre. Chez nous, recevoir une lettre était une sorte de nouveauté. Avant que
la lettre ait été distribuée, la nouvelle s'est répandue, selon laquelle une
lettre qui m'était adressée était arrivée. La lettre tomba dans les mains de
votre Didi Mâ. Par délicatesse, elle ne
pouvait me la donner elle-même ; à la place, elle commença à la mettre à des
endroits où probablement, je la remarquerais avec facilité. Mais je l'ignorais.
Votre Didi Mâ était dans un dilemme, car elle ne pouvait me faire passer la
lettre. Enfin, elle me la transmit par quelqu'un d'autre. Mais même quand je
l'ai eue entre les mains, votre Didi Mâ n'a pas été soulagée de ses angoisses,
elle commença à faire pression sur moi constamment pour que j’y réponde.
C'était la coutume à l'époque, pour les filles, d'être extrêmement pudique
quand on discutait de tels sujets. Je faisais aussi semblant d'être très
sérieuse pour prouver que j'étais pudique. Alors tout un groupe de gens se
creusèrent la tête et rédigèrent une réponse. Je la recopiai et on la posta.
Quand votre Dada Mahashay
(grand-père) m’installa à Shripour, il laissa des modèles de lettre que je
devais utiliser pour répondre aux lettres que Bholanâth pourrait écrire. Ayant
entendu dire que j'avais étudié à l'école primaire, Bholanâth m'apporta un
livre le lendemain de notre mariage. Un soir, il me dit , "lis-moi le
livre tandis que je t’écoute en étant allongé." Je vous ai déjà raconté la
manière dont je lis. Je dois épeler chaque mot avant de le prononcer. En outre,
on m'avait recommandé qu’une fois que j'avais commencé une phrase, je ne devais
pas reprendre ma respiration avant le point final. En combinant les deux
choses, j'étais presque morte de suffocation !… Allongé sur le côté,
Bholanâth écoutait ma lecture essoufflée. Après quelque temps, il se retourna
sur le lit et dit, "Ainsi, voilà ton éducation primaire ! Maintenant
il est clairement impossible que tu aies étudié même le premier livre du
programme."
Tous les
gestes qui accompagnaient ces paroles de Mâ nous faisaient tous énormément
rire. Cet écrit n'est pas capable de rendre même une trace de la douceur du
discours de Mâ ; elle racontait cette histoire allongée. Elle nous faisait voir
avec précision comment Bholanâth avait fait sa remarque - la manière dont il
s'était retourné sur son lit, et les
expressions de son visage à ce moment-là. Didi demanda, "comment
pouvez-vous vous souvenir de tous ces détails ?" Mâ dit,
"maintenant, je suis inspirée par l'humeur de cette époque, ainsi tout
revient à la mémoire." Cette fois-là, en venant à Navadvîp, j'ai réalisé
pleinement à quel point notre Mâ est véritablement Anandamayî –
l’incarnation de la joie. Je n'ai jamais ri autant de toute ma vie que cette
fois-là en présence de Mâ.
~~~~~~~~~~~~
SILENCE
~~~~~~~~~~
Soudain, le malaise est là,
Immédiatement, le mental réagit...
L'Etre, tout entier, s'exprime alors
Et la Paix se fait, loin des tourbillons
Négatifs et des divisions intestines.
Calmement, il envisage l'attaque
Et installe le Silence Suprême.
~~~~~~~~~~~~
Monique M. Le 22.04.2002.
~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~~
UN
SONGE
~~~~~~~~
Etonnée, je me suis réveillée,
Veille, rêve où vivais-je?
En moi, quelqu'un d'autre était...
Indépendant de ma volonté.
Le réaliser me donnait le vertige...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Intérieurement, rien n'avait changé
Ni extérieurement, d'ailleurs.
Tout était pareil qu'avant.
Uniquement, cette intuition,
Impalpable, venue de nulle part,
Taraudait mon esprit, vaguement
Inquiet... Qui étais-je
Finalement, sinon un songe perdu dans le Songe?
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Monique M. Le 18.12.2001
La notion de jeu (lîlâ) dans
l'hindouisme
par Rosa Fernandez
Rosa Fernandez a
passé deux ou trois ans à Bénarès. Elle est la traductrice en espagnol du livre
de Bhaïji, Matri darshan, qui
a été publié sur le site internet de Mâ (www.anandamayi.org/ashram/spanish).
Elle a passé récemment en Espagne sa
thèse de doctorat sur la notion de lîlâ dans l'hindouisme avec une référence
particulière au shivaïsme du Cachemire. Lîlâ signifie jeu divin, ou encore le
jeu du gourou avec ses disciples. Les disciples de Mâ considère que son
existence parmi nous a été une lîlâ , un jeu de la mère divine pour nous ramener
à la déité suprême. En ce sens, il nous
a semblée intéressant de traduire l'essentiel de l'article de Rosa paru
en espagnol dans Sarasvatî, une nouvelle
revue de bibliothèque consacrée aux études Orient - Occident dans un sens
humaniste et spirituel. Le titre de l'article complet est : le drame comme
paradigme cosmoesthétique dans la tradition de l’Inde.
La vie du monde et la relation avec un sage est comme un jeu de scène où
nous sommes acteurs. A nous de bien jouer notre rôle.Rosa a habité près de l'ashram
de Mâ Anandamayî à Bénarès, dans une résidence pour les chercheurs étrangers
appelée Amar Bhavan, "la demeure d’immortalité". Elle est
particulièrement inspirée par l’œuvre de Lilian Silburn, et elle enseigne
actuellement la philosophie et l'esthétique à l'université de Malaga en
Espagne.
Dans la tradition indienne, l'action pure et
désintéressée a un précédent très clair dans l'action rituelle des sacrifices
védiques. Elle est éloignée de l'intentionnalité de l'ego empirique ; elle
est préconisée par la Bhagavad-Gîtâ. Elle représente un type d'éthique maxima et imprégne toutes les
traditions religieuses issues de l'hindouisme. Comme dans les autres grandes
cosmogonies culturelles, le célèbre hymne de la création du Rig véda (90) -qui
raconte l'émergence du cosmos à partir du démembrement du Pourousha, l'homme
cosmique- nous met sur les traces du sacrifice comme modèle de l'action
créatrice. Dans les Brahmanas, commentaires des hymnes védiques primitives, le
sacrifice reçoit une interprétation mystico- symbolique claire. Celui qui enveloppe tout se multiplie
lui-même (puissè-je devenir multiple) en dédoublant son être unitaire. Brahma
et Prajâpati sont ainsi l’être primordial dont l'auto-immolation fait surgir le
cosmos : "Brahma, celui qui existe par lui-même, était en train de
pratiquer une concentration intense (tapasya). Dans cette concentration
intense, il pensa, "il n'y a pas
d’infinité. Je me sacrifierai dans les êtres vivants et toutes les entités
vivantes se sacrifieront en moi."
Ainsi, après s’être sacrifié dans toutes les entités vivantes et que toutes les
entités vivantes se soient sacrifiées en lui, il acquit de la grandeur, de la
splendeur et de la souveraineté". "Une fois qu’il a produit toutes
les créatures, le corps de Prajâpati eut tendance à se désagréger. Il était
réduit à un simple cœur et gisait là, épuisé. Il s'exclama : "Ah ! Ma
vie!» Les eaux l'entendirent. Elles vinrent à son aide et grâce aux sacrifices
du Premier-né, elles ont pu restaurer sa souveraineté."
La grande importance des rituels comme une
sorte d’axe vertébral du culte dans l'hindouisme correspond à une importance
proportionnelle accordée au drame comme genre artistique. Le terme même
"drame" renvoie, par sa signification étymologique en grec, à l’idée
d’"action" au sens d'action pure, d'action modèle. Le rite, comme
toute la liturgie religieuse en général, représente au départ une séquence
d'actes effectués dans un ordre fixe, c'est là l'origine du drame. La
représentation dramatique –si l’on en
revient aux étymologies- correspond à une action dédoublée, une action
qui se présente comme dépourvue d’intentionnalité ou de finalité par le fait
qu'elle est acte ou mise en action pure. Et en tant que tel, comme Huizenga l’a
déjà bien mis en évidence dans son célèbre Homo ludens, il est lié au
jeu, celui-ci représentant l’activité rituelle par excellence : une
activité dépourvue de finalité et de
motivation. Mais le jeu est, en plus et par-dessus tout, et une activité
plaisante, une création agréable et, à cause de cela, esthétiquement
signifiante…
Les auteurs des
shivaïsme du Cachemire font un bel usage de l'étymologie pour mettre en
relation le jeu avec l'activité divine. Abhinavagupta et Kshémarâja expliquent le sens ludique de la divinité en
faisant dériver le nom sanskrit "déva » (lit. dieu) de la racine « div ».
celle-ci possèdant, entre autres significations, le sens de "jouer"
ou "se manifester". Au début du
Vijnanabhairava la déesse Bhairavi s'adresse aux dieu Bhairava de la
façon suivante : « Bhairavî, la shaktî de Bhairava, affirma (uvaca) :"Oh !
deva (dieu), toi qui es mon
propre être, tu te manifestes dans l'univers en le traitant comme un jeu"
ce que Khémarâja commente ainsi : "Oh!, Mon propre être, dont la
nature est de représenter ton jeu sous formes de la manifestations de l'univers
! La dévi appelle le déva "mon propre être" parce que
la dévi n'est pas différente du déva."
La similitude externe de
la racine sanskrite "div"
avec le terme qui désigne la divinité ("déva") permet aux
auteurs du shivaïsme du Cachemire de "jouer avec les étymologies", en
tenant compte des répétitions, pour mettre en relation l'activité divine
et la manifestation de l'univers en tant
que jeu. En réalité, le jeu de ladivinité n'est pas autre que sa
"manifestation", l'apparition paradoxale et, à cause de cela,
ludique, de ce qui est uni et indivisible tout en étant diversifié en une
infinité de forme. Le jeu entre la déesse dévî) et le dieu (déva),
entre le pouvoir de jouer, de se
manifester ("div") et la manifestation du jeu et la relation
d'identité dynamique qui existe entre une polarité des aspects : Shiva et
Shakti, la lumière (prakâsha) et la conscience réflexive (vimarsha), l'énergie et ce qui la
soutient, deux pôles qui sont unis par la continuité d'une oscillation
circulaire ; comme le dit Abhinavagupta : "l'énergie ne se présente pas
comme séparée de l’essence qui la possède. L’identité des deux est une donnée
éternelle, comme celle du feu et du pouvoir de brûler". (L. Silburn, Hymnes d’Abhinavagupta, Publications
de l'Institut de civilisation indienne, Paris).( Pour exprimait la notion de
jeu, la racine la plus courante est krid, le « jeu » étant krîdâ).
Le Shivadrishti de Somânanda est l’un des
premiers textes du shivaïsme du Cachemire dans lequel un auteur connu mentionne
l'idée de jeu. Dans cette oeuvre, à travers la métaphore du souverain qui dans
sa liberté totale joue à se rendre lui-même esclave, on explique comment
l'Absolu se manifeste dans l'univers grâce
au plaisir ludique d'assumer des formes multiples : "ainsi, comme un roi
de toute la terre, dans l'intoxication joyeuse et surprenante de sa
souveraineté, peut jouer à être un simple soldat, limitant son comportement, de
même, dans sa félicité, le Seigneur se divertit en
assumant les formes variées du tout".
Comme l'action de ce roi, que rien n'oblige, à cause de sa souveraineté, à se comporter comme un soldat, toute action
vraiment libre est motivée par la joie, le plaisir de jouer à interpréter, à
assumer des formes librement, sans s'identifier totalement à elles.
L'assomption de formes diverses "mâyâ" est toujours joyeuse pour
celui qui s'identifie seulement à moitié
avec elles et ne se laisse séduire que partiellement par leur charme magique,
car il fixe son attention sur leur impermanence et leur flux. Ceci est le grand
avantage qu’apporte l'activité ludique : la vision mystique, l'attention non
parcellaire et qui se fixe sur la totalité du processus. Le roi rentre dans
l'incarnation du soldat pour le plaisir pur d'expérimenter quelque chose de
nouveau, de totalement distinct et il cesserait
d'éprouver du plaisir, simplement si, absorbé par son rôle, il perdait
la vision mystique et cessait de percevoir sa condition de soldat
comme un jeu.
On a également exprimé ce jeu de voilement et d'éclairage par la métaphore qui
considère le monde comme une pièce de théâtre, l'Absolu comme son auteur, son
directeur et son acteur et les organes des sens comme ses spectateurs. En
accord avec la signification auto-représentative du jeu, le dynamisme de
l'Absolu qui consiste en voilement et révélation, s'accomplit grâce au déguisement sous une forme de
représentation théâtrale et l'interprétation
d'une infinité de rôles et des personnages. Depuis son apparition dans
les Shivasûtras, cette métaphore a été commentée de façon répétitive par
les auteurs du shivaïsme du Cachemire.
Le Soi est l'acteur.
La scène est le Soi intérieur.
Les spectateurs sont
les sens. (3 9 11)
Kshémarâja fait une lecture yoguique de ces trois vers. Il se base sur
l'identification entre le Soi, l'acteur où le danseur - le terme sanscrit nartaka
ayant les deux significations- et le yogi qui a atteint l'union avec l'Absolu.
Comme la danse du célèbres Shiva Natarâja, le yogui roi de la danse, l'action
du yogui ou du libéré-vivant est "ludique à cause de sa propre vibration
intérieure" et se manifeste sous la forme de danse, une danse dans
laquelle les mouvements extérieurs sont le fruit et l'expression d'un état de
réalisation intérieure. Les rôles d'interprètes-acteurs ne sont pas plus que
les états de conscience (veille, rêve, sommeil profond et état transcendantal).
Abhinavagupta dit ailleurs :
"l'univers se réveille quand Tu te réveilles et se couche quand Tu te
couches. Ainsi, tout cela, existant
ou
inexistant, T‘est identique."
Pour continuer à élargir la
comparaison, nous pouvons dire que Shiva, acteur qui ne s'identifie pas
totalement avec les personnages qu'il représente, est l'unique qui est éveillé
dans ce grand spectacle, tandis que notre réalité humaine dans le monde doit
son existence au fait d'être "endormi au sujet de sa vraie nature",
au fait de ne pas nous rendre compte de notre propre évanescence, de notre
réalité imaginaire, ainsi qu’au fait de nous immerger dans la dynamique du jeu
qui nous mène à nous identifier avec tout ce que nous percevons comme réel.
Notre conscience ordinaire et limitée est, pour ainsi dire, la partie qui
correspond à "l'identification partielle" du jeu interprété par
l'Absolu.
Extrait de Sarasvatî
n°5, 1997 « Etudes d’orient-occident pour encourager une renaissance
humaniste » (en espagnol) Fundacion Purusha C Austin Duran 19,
4°B 28028 Madrid
Traduit
de l'espagnol par Jacques Vigne.
- Nous nous
excusons pour le retard qui est survenu dans la parution des Jay Ma durant les
neuf mois que Jacques Vigne a passé en France. En conséquence de cela, nous
avons aussi repoussé le renouvellement des abonnements jusqu’au numéro suivant
qui paraîtra en mars
- Le livre de
Bithika Mukerji « My days with Shri Ma Anandamayi » est disponible à Bénarès aux éditions Indica.
Ecrire de la part de Jacques Vigne à Alvaro Enterria chez Indica Books D 40/18
Godolia Varanasi 221001 Fax 00 91 542
452 258 indicabooks@satyam.net.in
(On peut envoyer des
chèques en euro, 10 € pour l’édition avec couverture souple, 13 € pour celle
avec la couverture cartonnée, port compris)
- Swami Bhaskarânanda
a été élu secrétaire général de la Sangha de Mâ Anandamayî, il succède à Swami
Swarupananda qui a occupé ce poste pendant dix-huit ans , et qui est décédé en
septembre vingt ans jour pour jour après Mâ, si l'on considère le calendrier
lunaire. Etant assez âgé, il aura pour assistant Swami Jotirmayânanda qui reste
à Kankhal.
- La proposition de
retraite de février dans les ashrams de Mâ, en particulier à Kankhal après un
séjour de trois journées à Bénarès, a rencontré un vif succès. Nous avons été
obligés de dédoubler le groupe, ce qui fait qu'en tout sur le mois de février,
cinquante personnes viendront de France pour profiter de cette retraite. Swami
Nirgunânanda descendra aussi spécialement de Dhaulchina pour rencontrer les
deux groupes successifs à Kankhal vers mi-février.
-une autre retraite
dans les ashrams de Mâ est prévue du 11 au 30 juillet. Nous monterons d'abord à
l'ashram d‘Almora (Patal Dévi) pour rencontrer Swami Nirgunânanda et
descendrons ensuite à Kankhal pour y rencontrer pendant une semaine Swami Vijayananda,
non sans avoir aussi visité Dhaulchina,
l'ermitage de Mâ dans l'Himalaya
-. Du 15 août au 8
septembre en principe, il y aura le pèlerinage au Kailash également en compagnie
de Jacques Vigne. Pour ses voyages d'été, le contact reste le même que celui de
l'an dernier : Jean-Luc et Chantal Diraison association Lumière 52 rue Jeanne
d’Arc Tél (maison après 20 heures 30) 02 98 40 38 61.
Programme de Swami
Nirgounananda en Europe été 2003
Du 26 juillet au 3 août : Epernon. contact Claude Portal 12 rue Lamartine
78100 Saint-Germain-en-Laye 01 34 51 74
41
Du 5 au 11 aout : Zürich (Richard Willis) et Launay (Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502
Bienne 0041323221828)
Du 17 au 23 août : Les Courmettes contact Michel Tauziede domaine
des Courmettes 06140 Tourettes-sur-Loup 0493241700
Du 17 au 23 : terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 0385604030
Du 21 au 27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal
cf ci-dessus
Du 28 août au 1 septembre : les Courmettes cf. ci-dessus
Du 2 au 6 septembre : Assise contact Claude Portal
Du 7 au 11 :Birmingham-Londres contact Christopher Pegler 28 Perryfieldway Ham.Richmond Surrey TW107 SP
Rés
00442089400139 bureau 00441714880777 CzjpPegler@btinternet.com
Patrick Mandala est un disciple français de Mâ vivant souvent
en Inde depuis 1971. Il a rencontré Mâ de 1972 au 25 février 1982 avec son
épouse Catherine. Il prépare actuellement une trilogie sur Mâ et son
enseignement : trois volumes qui seront publiés dans les trois années à venir
par les éditions Accarias–l’Originel (Paris). Ses livres seront constitués de
paroles, satsangs, témoignages, anecdotes, histoires et événement de la vie de
Mâ racontés par elle-même : tous sont inédits (certaines sources anciennes
viennent, entre autres des volumes de Gurupriya dévi, sa proche disciple).
Concernant les témoignages (seulement 10 pour cent du livre) : l'auteur serait
heureux de recevoir à son adresse française les témoignages de disciple de Mâ
l'ayant connu du temps de son vivant, certains pourraient figurer dans un des
trois volumes.
addresse : Patrick
Mandala Atelier l'Arbre de vie rue Noblemaire 74290 Talloires (lac
d’Annecy). France. Téléphone 04.50.60.75.18 ou le soir : 04.50.60.46.99
Patrick
Mandala parle aussi de Mâ dans ses divers autres livres : ceci nous permet de compléter la bibliographie d’Anandamayi
donnée dans des volumes précédents de
Jay Ma:
- Guru-Kripâ : l'enseignement vivant de Ma Anandamayi, Swami Ramdas, Shri
Ramakrishna. Préface d’Indira Gandhi, introduction d'Arnaud Desjardins éditions
Dervy, 1984
- la voix du cœur : anthologie de poèmes mystiques de l'Inde (XIe au XVIIIe siècle) notes et
commentaires à la lumière de l'enseignement de Mâ Anandamayi. Editions Chiron,
1996 (Paris).
- le yoga de la Bhagavad-Gîtâ ou le secret de l'action. Commentaires rédigés à
la lumière de Mâ Anandamayi, éditions
Accarias-L’Originel, 1998 (Paris). Préface d'Arnaud Desjardins
- -le Yoga-vâsishtha : l'expérience de la non
dualité. Point de vue et notes rédigées à la lumière de Mâ Anandamayi, de
Ramana Maharshi, Swami Prajnapad, J.Krishnamurti et le Bouddha. Préface de
Denise Desjardins. Editions Accarias-l’Originel, 2003 (Paris)
- Aux sources de la sagesse : paroles de sagesse de
la Grèce antique et de l'Inde ; de Thalès à l’Aéropagite, des védas à Mâ Anandamayi. Préface de Jean Yves Leloup. Editions
Accarias-l’Originel, janvier 2003 (Paris)
- " joy" : rencontre avec Mâ Anandamayi, paroles, satsangs inédits
(de 1953 à 1982). Trois volumes. Edition
Accarias-l’Originel. (En préparation).
Le renouvellement
général des abonnements se fera lors du prochain numéro en mars pour deux ans.
Cependant, pour ceux qui n'ont jamais encore été abonnés, il est possible de
régler dès maintenant cet abonnement pour neuf numéros (jusqu'en mars 2005) pour 14€; chèques à l’ordre
de Jacques Vigne, à envoyer à Magali Combal.
Editorial
Ce numéro et un
numéro double, cela permettra de rattraper le retard contracté durant la
période où Jacques Vigne a été à Paris. Cette fois-ci, les paroles de Ma ont
été sélectionnées par Marion Mantel qui les avait rassemblées dans un petit
volume intitulé l'arbre et la graine. La photo de couverture est l’œuvre de
Geneviève Koevoets de Nice, qui a eu l’inspiration de faire un portrait de Ma
et de Vijayananda avec la technique de la « sanguine », c'est-à-dire
en étalant une couleur orangée sur le papier, puis en la gommant pour faire le
blanc et en rajoutant le noir avec un crayon de papier. Dans ce numéro, nous
donnons une place assez large aux souvenirs de Bithika Mukherjî, qui, en plus
d'être une des meilleures biographes de Ma, a toute une histoire personnelle et
familiale avec elle. Les pages les plus attachantes de son livre My days with Ma Anandamayi (En compagnie de Mâ
Anandamayî) continueront d'être traduites par Geneviève Koevoets dans les
numéros suivants du Jay Ma. Dans ce numéro, il y a aussi un certain nombre de
poèmes, certains inspirés par les deux
voyages-retraites de février dans les ashrams de Mâ, où cinquante Français sont venus en tout. On
trouvera à la fin l'annonce du renouvellement des abonnements pour deux ans à
partir de ce numéro, ainsi que le
programme de Swami Nirgounananda en Europe.
L’arbre
et la
graine
paroles de Mâ anandamayi
Vous plantez une graine
et il en pousse un grand arbre, avec toutes ses branches, ses ramifications,
ses feuilles et d’innombrables nouvelles graines.
Une multitude infinie
d’arbres sont latents dans chaque graine.
Pouvez-vous percevoir
cela ?
C’est sans commencement
et sans fin.
L.a graine a-t-elle le
désir de faire un arbre ? Un arbre a-t-il le désir de nous abriter dans la
fraîcheur de son ombre ?
Une graine que l’on
garde dans la main ne peut germer.
Pour révéler toutes ses
possibilités, elle doit se métamorphoser en plante et porter des fruits.
Une graine ne germera
pas si l’on passe son temps à la déterrer pour l’observer.
Que la graine ne soit
pas bien identifiée n’empêche pas l’arbre de pousser.
Mouvement, repos,
perdent leur distinction pour qui voit.
Mouvement… repos…, la
graine enfouie dans la terre repose, mais dans le même instant, le processus de
germination commence, un mouvement !
Si se mouvoir signifie
ne pas rester en place, comment se fait-il qu’ici mouvement et repos
coïncident ?
C’est ainsi !
De la même façon chaque
instant de la croissance de l’arbre est un point de repos et un passage…
Les feuilles poussent,
tombent, ce sont autant de changements de condition.
Il s’agit toujours du
même arbre.
Et cela continue…
En un moment unique.
L’arbre est en puissance
des arbres, des feuilles, des fruits sans nombre, des mouvements infinis et une
stabilité indescriptible.
Un instant contient en
puissance des instants innombrables, où repose le Seul Instant.
Pensez à l’arbre. Des
graines naissent de sa ramure.
Une de ces graines à son
tour peut engendrer un arbre et toutes ses potentialités : un devenir
infini, un être infini, une manifestation infinie.
La semence fait pousser
l’arbre.
L’arbre fait pousser la
semence.
Quand nous nous
concentrons sur Une chose, pourquoi l’intégralité du UN ne se révélerait-elle
pas ?
Les arbres sont vivants
tout autant que vous et ils ont leurs propres langues.
Ainsi vous pouvez parler
à un arbre, mais vous ne connaissez pas son langage.
Si vous le connaissiez,
vous pourriez converser avec lui.
Les arbres aussi ont
leur langage.
Dieu est dans tout.
Sa création est infinie
ainsi que son Jeu.
L’arbre porte des
graines et de ces graines des arbres croîtront.
Une petite graine
contient en puissance un grand arbre qui recommencera le cycle.
Que l’Un est en tout et
que tout est en l’Un doit se révéler simultanément.
Lorsqu’on regarde une
graine, l’on ne voit que la graine, mais ni la plante ni rien d’autre.
Lorsque l’arbre s’est
développé, il porte des feuilles, des fleurs, des fruits, c’est d’une infinie
variété.
Dans la graine comme
telle, nulle autre chose n’existe, et par conséquent, l’on peut dire
« elle n’existe pas ».
Pourtant, lorsque
l’arbre est présent, tout s’y trouve de nouveau.
Vous voyez un bouton de
fleur et ne voyez que lui, et pourtant
ce petit bouton contient déjà la fleur épanouie, le fruit, la semence et la
plante tout entière.
La manifestation est
universelle et sans limite, mais la vision que vous en avez est partielle et
dépend d’un certain point de vue, de ce qui apparaît à vos yeux à un moment
donné.
Dans une guirlande de
fleurs, il y a un fil, des fleurs et des espaces vides entre les fleurs.
Ces
« manques » sont causes de souffrance.
Comprendre ce qui unit
et délivre de tout manque.
Il n’est pas utile
d’annoncer qu’une grenade est mûre.
Sa couleur et son parfum
parlent d’eux-mêmes.
Question : Dans
quelle partie du corps est situé le centre du cœur ?
Mâ : Y a-t-il un
endroit où il ne soit pas ?
Pensez à un arbre,
depuis la racine jusqu’à son sommet, tout était contenu dans une graine.
Une branche ne peut-elle
pousser n’importe où sur l’arbre et donner fleurs et fruits ?
Les graines que vous
semez se trouvent partout en puissance dans l’arbre.
Quand l’écorce de
l’arbre fut entamée, ce corps reçut la blessure et ressentit la souffrance.
Laissons cela. Si l’on
évoquait plus longtemps de tels événements en sa présence, ce corps se
raidirait probablement.
Le sens du manque, du
vide (abhâva) et notre être vrai (svabhava), se situent
exactement au même endroit.
En fait, ils sont CELA
et CELA seulement.
Que représente ce sens
du manque ou de l’être vrai ?
Lui, rien que Lui, pour
la bonne raison qu’il n’y a qu’une seule graine, qui est arbre aussi bien que
la graine et que toutes les étapes du processus de transformation.
En vérité : Lui
seul.
Tout travail accompli
dans l’esprit de servir Dieu, comme les nouvelles pousses remplacent les
anciennes feuilles, délivre de l’attachement au monde pour mieux lier à Dieu.
Plutôt que de tourner
vers le dehors, il tourne vers le dedans.
Le processus est
naturel.
Voyez aussi comme les
vieilles feuilles tombées au pied de l’arbre fournissent un excellent engrais.
Rien n’est vain.
Sachez-le !
Une graine que l’on a
fait frire ne pourra plus jamais germer.
C’est comme ça :
une fois que vous avez réalisé l’Unité, vous pouvez faire n’importe quoi – il
ne s’y trouvera plus aucun germe de karma.
Quand il n’y en a pas,
toutes formes, toutes variétés ne sont que CELA.
Dès que vous avez
trouvé le Soi, l’univers entier vous appartient.
De même, qu’en recevant
une graine, vous recevez en puissance un nombre infini d’arbres, de même
devez-vous capter l’Instant Suprême Unique, qui, en se réalisant, ne laissera
plus rien qui ne soit réalisé.
Textes selectionnés par Marion Mantel extraits
de :
« L’enseignement de Mâ Ananda Moyî »
Traduit par Josette Herbert
(Editions Albin Michel – Spiritualités vivantes)
« Mâ Anandamoyî - Vie en Jeu »
Textes réunis et traduits par Jean-Claude Marol
(Éditions Accarias – L’Originel)
Questions à Vijayananda
Quelle est votre attitude vis-à-vis de l'autre
monde ?
- Je suis déjà dans l'autre monde. -
- Pourquoi ne mentionne-t-on pas ânanda, la
félicité dans les Upanishad majeures, à part dans la partie sur Brahmananda
dans la Taittiriya Upanishad?
- A mon sens c'est parce
que les rishis étaient profondément heureux. Ils ne pensaient pas que le monde
était impermanent, toute souffrance, comme dans le bouddhisme postérieur. Ils
vivaient dans le satya yoga, l'âge d'or. Les bouddhistes sont venus dans
le Kali yuga les rishis ne parlait guère
de la joie car ils étaient eux-mêmes la joie. Pour parler de la joie, il faut qu'il y ait une dualité. Dans
l'évocation upanishadique bien connue du
Soi, on parle de vérité, connaissance et infini (satyam, jnanam, anantam), et non pas félicité (ânanda).
Pour ces rishis, le signe d'un développement
avancé sur le chemin est d'avoir vaincu la peur, en particulier les peurs
morales à propos du fait de ne pas avoir suivi toutes les règles ou de ne pas
avoir fait tous les rituels parfaitement; d'ailleurs, les brahmines de
maintenant en sont encore un petit peu à ce point.
Les vishnouïtes, quant à eux, ne cherchent
pas la libération, mais désirent pouvoir aimer indéfiniment un Dieu personnel
qui est différent d'eux. Le plus important pour cela est établir une relation
intense avec lui -fût-elle de haine. On raconte l'histoire des trois rishis enfants qui étaient venus à
la porte du paradis des Vishnou. Comme il n'avait pas l'air de rishis, ils ont
été rejetés par les deux gardiens à la porte, Jay et Vijay; ces rishis,
furieux, leur ont lancé la malédiction
de devoir redescendre sur terre. Mais finalement, ils ont eu le choix
entre sept incarnations où ils pourraient aimer le Seigneur et trois et il
pourrait le haïr. Les deux les mèneraient tout autant de nouveau vers la
libération. L'idée derrière cela, c'est que une relation intense, même de
haine, peut mener rapidement au salut.
- Est-ce que le désir est nécessairement lié à la
peur et à la colère ?
- Oui, ce sont les deux côtés de la même chose.
Quant au désir est très fort vers quelque chose et qu'il y a un obstacle,
surgit alors naturellement la colère contre cet obstacle, ou la peur ne pas
atteindre le fruit de son désir.
- Quels sont les avantages de l'aspect féminin du
Divin ?
-
Donner la place à l'aspect féminin du Divin est plus équilibré et plus naturel.
L'amour naît de la rencontre du masculin et du féminin, pour qu’il y ait
l'amour de Dieu et l'amour en Dieu, la présence des deux pôles est une grande
aide.
- Un bouddhiste parle
à Swamiji du poids du passé :
- le passé n'a pas d'existence
réelle, c'est une construction mentale. C'est la perception du corps dans
l'instant présent qui est réelle avec son cortège de malaises pré-conscients
qui engendrent le mal-être et les tensions du mental. Il faut voir profondément
dans la perception présente de son corps : en tant que bouddhistes, vous
avez vipassana qui est une excellente méthode à cet effet.
« En compagnie de Ma Anandamayi»
Par Bithika Mukherji
:
Le deuil de la tante de Bithoudi
(C'est le cousin de
Bithoudi qui parle) Mon père décéda le 4 mars 1939 après une maladie d'une quinzaine de jours à l'âge de
cinquante-deux ans. Ce décès était tout à fait imprévu. Juste après le deuil,
ma mère trouva quelques heures pour se rendre à Vindhyachal. Comme la voiture
montait la colline de l’ashram, on vit Shrî Mâ qui sortait de sa chambre ;
elle descendit dans la cour. Elle rencontra ma mère à mi-chemin, la serrant
dans ses bras et disant des mots gentils dans son style inimitable tout en
consolant celui ou celle qui était en
deuil. Ma mère dit plus tard à ma tante que toute son angoisse et le
fardeau terrifiant qui pesait sur son cœur s'était dissous aux contacts et aux
paroles douces de Shrî Mâ. Lorsqu'ils revinrent de Vindhyachal, ma mère semblait mieux se
contrôler et plus sereine. De toutes façons elle était tranquille et peu
démonstrative de nature. Après que les choses se soit calmées un peu nous avons
réalisé que ma mère avait complètement perdu l’intérêts dans les choses du
monde.
Nous avions entendu de nombreux récit de
renoncement soudain, vairagya, qui menaient à la réalisation de Dieu. Ma
mère semblait faire une transition aisée entre le fait d'être une des premières
dames de la ville et un style de vie ascétique. Les amis lui dirent de ne pas
se retirer du monde, de prendre de l’intérêt dans la carrière future de ses
filles etc.. Elle écouta de tels conseils presque avec amusement, disant
calmement, "Mati Rani ( la mère de Bithoudi") est ici, elle va
s'occuper de tout le monde."
Rétrospectivement, nous réalisons que
ma mère a vécu simplement selon la parole, vani, de Shrî Mâ : "seul
parler de Dieu et valable. Tout le reste n'est que vanité et souffrance."
son renoncement du monde était total. Elle n'allait nulle part mais continuait
à vivre avec nous. Elle était d'accord avec tous les plans de mon oncle
suggérés à propos de nos conditions de vie qui évoluaient. Elle parlait et
riait avec nous, rencontrait nos visiteurs, passait quelque temps avec sa
propre mère et son petit frère qui étaient venus de Calcutta pour être avec
elle. Elle faisait aussi un effort pour dire des histoires à mon petit cousin
Babou, un enfant qui aimait beaucoup sa lal-mamma (jolie mère), comme il
l'appelait.
Tout ceci néanmoins était à la surface
pour ainsi dire. Sa vie intérieure de japa constant et de méditation
remplissait progressivement toute sa vie. Elle tomba très malade six mois après
le décès de mon père. Elle a dû prier humblement pour avoir le darshan de Shrî
Mâ et que celle-ci la visite quelques
semaines avant son décès le 5 avril 1940.(p.56)
Quand nous sommes venus à l'ashram de
Kishenpour à Dehra-Dun durant l'été 1938, Didi et son père étaient partis.
Bholonath était décédé quelques semaines auparavant. Nos cousins ne l'avaient
pas rencontré mais pour nous qui avions
pu le faire, il nous manquait beaucoup. Il y avait une atmosphère étrange, irréelle de vide. Nous avons entendu dire des
gens de l'ashram que Mâ s’était occupée de lui infatigablement, était restée à
son chevet et l'avait soigné jusqu'à la fin. La dernière parole de Pitaji a été
"ânanda". Il était évident qu'il avait expérimenté un état de
félicité avant la fin.’(p.59)
Éveil
Un jour il y avait un akhanda-kirtan
pendant vingt-quatre heures. Le groupe de kirtans de Delhi était venu
pour chanter près de Shrî Mâ. Pitaji me manquait. Sans lui les chants semblaient ne pas avoir
d'intérêt ; le kirtan était prévu pour toute la nuit. Je m'étais
installée confortablement contre un mur derrière une chaise qui avait été
placée dans un coin, au cas où Shrî Mâ viendrait durant la nuit. De fait,
finalement elle vint et s'assit sur cette chaise. Quand elle la poussa un petit
peu en arrière, elle me vit en train de somnoler paisiblement. J'étais secouée
quand je m'aperçus que Shrî Mâ avait pris ma longue natte dans la main et
l’avait étendue sur ses genoux de l'autre côté. Ma tête maintenant demeurait
sur ses jambes et j’étais tout à fait éveillée par force. Elle était assise
avec cette natte sur ses genoux en la tenant fermement, afin que je ne puisse
pas me détendre ou endormir. Personne d'autre ne connaissait ma situation, pas
au moins à ma connaissance. Shrî Mâ me relâcha après quelque temps avec un
sourire. Je pris ensuite un intérêt plus actif dans le kirtan.(p. 61)
…Après cet interlude
heureux nous ayant permis de vivre
proche de Shrî Mâ dans un environnement qui était paisible et tranquille, Allahabad représenta
un retour à la réalité un peu dur. Mais nous étions tout le temps encouragé par
l'espoir de notre prochaine visite chez Mâ. Nous étions devenus quelque peu
différentes des autres jeunes filles de notre âge. Avec elles nous n'avions
aucun sujet de conversation en commun,
si ce n'est les études. D'une façon ou d'une autre, nous ne nous sommes
jamais sentis appelés à "répandre la bonne nouvelle" aux autres.
Venir au contact de Shrî Mâ était une expérience qu'on devait partager
seulement avec ceux qui étaient déjà « envoûtés ». Lorsque nous
levions les yeux vers elle, nous voyions ces yeux brillants qui nous embrassaient
dans un regard omniscient et profondément pénétrant, de compréhension totale.
Rien n’avait besoin d'être dit.
Très tôt, nous avons pris l'habitude de sa
manière de répondre aux pensées et aux soucis non exprimés. Un contact
apaisant, une parole gentille et pleine de compassion allégeait le fardeau de
nombreux problèmes enfantins. Il semble stupéfiant que Shrî Mâ, qui avait à traiter les erreurs graves et les tragédies sérieuses
qui affectaient la vie des adultes, puisse être aussi engagée dans les
problèmes de la jeunesse. Mais elle ne banalisait pas ni repoussait d'un revers
de main les chagrins qui sont
indissolublement liés au processus de croissance. Bien des fois elle me disait,
"ne t'en fais pas, oublie cela" et c'était ce que je faisais. Avec
humour, elle allégeait la sobriété de certaines natures indûment attirées vers
une attitude grave envers la vie ; pour
les types d'enfants qui étaient indûment bouillonnants, elle assurait une ancre
stable. Pour nous les jeunes, être avec Shrî Mâ était être avec quelqu’un qui
était comme un ami infaillible : elle nous guidait fermement à travers la
turbulence d'une époque qui changeait rapidement. La guerre en Europe affectait
aussi la vie en Inde. Nous ne pouvions qu'entendre le grondement des bouleversements politiques qui
allaient bientôt engloutir notre pays. (p. 67)
Une conversation sur
le vrai bonheur
Hariprasad, un avocat éminent de la ville
exprima son attitude envers la religion, "nous sommes actifs dans le
monde. Nous nous accomplissons en travaillant dur et en profitant des fruits de
notre labeur. Nous sommes heureux. Qu'est-ce que la région peut nous donner que
nous n'avons pas déjà ?"
Shrî Mâ sourit de sa façon
inimitable. "Baba, s’il en était ainsi, est-ce que vous poseriez la
question ?"
Hariprasad Bagchi, bon joueur,
accepta le commentaire en riant pour montrer son appréciation. Shrî Mâ
continua, "je parle aussi de bonheur ! Un bonheur qui n'est pas
contrebalancé par le chagrin. Un bonheur qui est notre droit de naissance. Un
bonheur qui peut être le vôtre quand vous êtes vraiment "à la
maison". Vous vivez dans une auberge sur le bord de la route. Est-ce que
vous devez vivre dans l'oubli de votre vraie maison ? Etre avec Dieu, voilà le
vrai bonheur."
Quelqu’un demanda, "est-ce qu’alors nous devons renoncer au monde ?"
Shrî Mâ, "non, pourquoi ? Le monde n'est pas séparé de Dieu. La manière de
vivre naturelle elle-même peut être
transformée en une manière de vivre religieuse. Il n'y a rien qui soit
"autre" que Dieu, en fait, en vivant dans le monde, on est sur le
chemin de la réalisation de soi. Depuis que cette perspective a été perdue pour
nous, nous sommes obligés d'utiliser le langage du « monde » comme
étant séparé de « Dieu ». Réaliser son Soi signifie qu'il n'y a rien
si ce n'est Dieu; Dieu seul est et tout le reste est encore et uniquement
Dieu."(p.63)
Shrî Mâ pressent la
mort prématurée de Kawna
Shrî Mâ choisit Kawna avec une attention spéciale. Elle lui donna un sari de
soie et aussi l’un de ses dhotis qui lui appartenaient en coton blanc,
et disant que c'était un échange. Elle était habillée comme une étudiante,
c'est-à-dire comme Kawna et maintenant Kawna allait s'habiller comme elle avec des dhotis blancs ; il y
avait aussi certaines règles de régime
qui furent prescrites. Shrî Mâ dit que cela pourrait être vœu, vrata,
pour un an. Elle dit de nouveau qu'elle reparlerait de ses règles et à la fin
de l’année. Kawna fut très heureuse et nous étions fiers d’elle. Nous pensions
que Shrî Mâ l'avait peut-être sauvée de quelque maladie future en la faisant
subir ces restrictions légères de nourriture et de vêtements. Nous ne savions
pas à ce moment-là que Shrî Mâ avait demandé à mon père de laisser Kawna en sa
compagnie pour une année. Mon père avait répondu que s'il lui avait demandé une
de ses propres filles, il n'aurait pas hésité mais maintenant que son frère et
la femme de celui-ci étaient décédés, les gens risqueraient de jaser en disant qu'il avait abandonné sa nièce orpheline dans un ashram. Shrî Mâ
apprécia rapidement son dilemme et accepta son point de vue de bon cœur. La vie
d’ashram n'était pas reconnue comme quelque chose de viable à cette époque. Personne
n'avait à argumenter un point ou un autre avec Shrî Mâ. Elle voyait
immédiatement le pour et le contre d'une situation. Mon père ne pouvait pas
savoir à cette époque que sa nièce bien-aimée
n'avait que cette année supplémentaire à vivre et que Shrî Mâ avait
offert à Kawna une chance de la passer près d'elle, car cette jeune fille aimée
des dieux mourut avant son 20e anniversaire. (nous avons traduit en français la
mort de Kawna dans un précédent Jay Ma) (p.69)
Vers le 30 mars 1942, on donna la cordelette
sacrée à septs jeunes brahmines : entre autres, mon frère Bindou, et cinq
garçons de l'ashram, dont le futur Swami Nirmalânanda, Dashou que nous
connaissons bien et les deux fils de la jeune sœur de Shrî Mâ. La cérémonie où l'on invoque la présence des plus grands
mantras de la tradition védique est toujours belle et solennelle. La présence
de Shrî Mâ la rendait encore plus vibrante. L'initiation dans le Gayatrî mantra
est conférée au fils par le père. On donne à la mère le rôle de reconnaître son
fils comme un brahmine nouvellement
initié. Il approche sa mère avec le bol à aumônes dans les mains et il dit : Amba
bhiksha dehi "Mère, donne l'aumône". Heureusement, à cette
occasion, tous les garçons eurent leur
"aumône" de Shrî Mâ elle-même. En sa présence, la cérémonie devint
une fête générale pour tous.
On
isola les garçons trois jours. Ils vivaient comme des ascètes, ayant un aperçu
d'un type de vie idéale afin de le garder en mémoire comme un interlude durant
leur période de croissance et quand finalement ils occuperaient leur place dans
le monde. Les enfants eurent une période très agréable car Shrî Mâ les visitait
très souvent dans leur lieu de retraite. (p.74) Traduit
de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
Les trois volumes de "En
compagnie de Ma Anandamayi"
sont une des
meilleures mises en forme de
la vie auprès
de Ma et
de son enseignement. On y trouve simultanément le mélange d'une
vie quotidienne joyeuse et d'un
enseignement profond. Amulya avait le discernement de nécessaire pour voir derrière la simplicité apparente des propos de Ma
toute sa profondeur.
Nous avons déjà édité plusieurs
extraits de ces trois volumes. Dans ce
numéro nous présentons le début du volume
deux, y
compris la préface de
Swami Paramanandaji, qui a été
le bras droit
de Ma jusqu'à
son décès.
Dans les pages
suivantes, on verra tout
ce qu'il y a pu avoir d’événements et d'enseignements simplement en deux jours auprès
de Ma,
cet épisode s'est passé à
Navadvîp, près
de Calcutta, sur les
bords du Gange. Il s'agit du
lieu de naissance
de Chaitanya Mahaprabhu, un
grand réformateur du vishnouïsme au Bengale au
XVIe siècle. C'est encore
actuellement un lieu de pèlerinage
très actif.
Cette rencontre entre Ma et
Amulya s'est passé en fin
décembre 1936.
Shri Shri Ma Anandamayi prasang est un travail remarquable. L'écrivain a eu la grande chance,
la grâce d'être
en contact intime avec Ma
pour longtemps à Dhaka,
Varanasi et dans d'autres endroits et par
la grâce de Ma, il a acquis la
possibilité de bien utiliser cette chance.
Placé sous la tutelle de personnes
religieuses dans son enfance, les questions
spirituelles se sont posées tôt
dans son esprit. Ayant soulevé
nombre de points intéressants
devant Ma,
il a pu extraire
d’elle bien des vérités subtiles. Il notait
dans son journal
spirituel les comptes-rendus de ses conversations avec Ma.
Une partie de ce journal
a été publié sous forme de
livrets à Dhaka
de son vivant. A la fois le premier et le second volume
du livre ont
été épuisés depuis quarante ans maintenant. (Ce texte est écrit
vers 1980).
À présent,
nous publions l'édition des
deux volumes presque simultanément. Ce livre
est une anthologie très précieuse de paroles de
Shri Shri Ma.
Shri Amulya Kumar Datta Gupta
a été un étudiant
doué et plus
tard dans sa
vie, il
s'est distingué comme professeur de droit à
Dhaka et comme
auteur d’ouvrages juridiques.
Vers la fin
de sa vie, il a vécu à Varanasi
en compagnie de Ma. En 1973, il y est décédé, dans ce périmètre qu’on appelle la région du salut (vimukti kshetra). On rapporte que Ma a
fait à son
propos la remarque
suivante, "en tant que personne
vivant la vie
de famille,
Baba a donné une leçon de la
manière dont on pouvait rester
détaché au milieu des plaisirs
de ce monde. Il s'était
installé comme un ascète qui
se consacre à des travaux
valables dans sa petite maisonnette. Ces travaux
finis, il
est passé dans
sa demeure céleste. Il
était délivré des triples obstacles de la méfiance, de la
répulsion et de la peur. Croyez-le
ou non,
"ce corps" était toujours
avec lui." (Ananda
Varta, vingt et unième année,
volume I,
page 72".
Swami Paramanandaji, Dol Purnima, 1991,
Ma Anandamayi Ashram, Vrindavan.
CHAPITRE UN
C'était en décembre
1936. On
arrivait aux vacances de Noël. Cependant, je
n'avais pas de projet d'aller en quelque endroit que ce soit pendant
ces vacances. Même avant
les vacances, on m'avait
prévenu de l'arrivée de
Shri Shri Ma
à Navadsvîp,
pourtant je ne sentais pas
un besoin urgent de la rencontrer. Une raison
à cela,
c'était que j'avais prévu de partir en
vacances avec ma femme et mes
filles plus tard dans l'hiver;
en outre, je
n'étais pas sûr du séjour
de Ma à
Navadvîp durant toute la durée des vacances.
Plus tard, j'ai appris que
mon ami,
Shri Jatindra Mohan Das Gupta, était
parti pour Navadvîp avec sa femme.
J'avais quelques doutes sur le
bien-fondé d'une telle initiative sans permission antérieure de Ma. Néanmoins, le matin
du 24 décembre 1935, Shri Bhupati Nath Mitra vint chez nous avec
une lettre. Elle était écrite
par Jatin Babu
de Navadvîp. Elle contenait entre autres informations le fait que
Shri Shri Ma
allait probablement demeurer à Navadvîp
jusqu'à la première semaine de janvier.
Ce fut une
nouvelle qui me toucha beaucoup
et je pensais
qu'il fallait plutôt que je
j’accomplisse le voyage jusque
là-bas. Ainsi, je faisais d'une
pierre deux coups : voir Ma et
visiter un endroit nouveau. De
plus, cette
lettre semblait être un appel
pour moi de
la part de Shri Shri Ma,
bien que rien
ne semblait mener à cette supposition. Mais une
chose était claire : voyant que l'itinéraire de Ma était tellement
incertain, l'information qu'elle resterait à Navadvîp
pour dix ou
quinze jours était un encouragement suffisant pour y aller.
Après le départ de Bhupati Babu, je consultai
mon épouse et nous avons
décidé de partir pour Navadvîp dès le lendemain.
Le vendredi 25, nous
avons pris le Calcutta Mail.
Après être arrivé à 3 heures
de l'après-midi, nous eûmes
à attendre pour deux heures
avant de prendre
la correspondancede Navadvîp.
Nous avons changé à Krishnanagar et avons
atteint la gare de Nava-ghat le lendemain
matin à 8
heures 30. Après
avoir traversé la rivière en
bateau, nous
nous dirigeâmes vers la dharmashâlâ
du Maharaja de Hétampur. Je
fus rempli de joie en
apercevant de loin notre groupe rassemblé à la dharmashâlâ.
Tandis que nous traversions la prairie,
je vis déjà
Ma qui sortait
de la chambre et qui allait se laver le
visage dans la véranda avec Buni, la fille de Jatish Babou, qui l’aidait pour cela. En arrivant à
la dharmashâlâ, je rencontrai Jatin Babu et Radhika Babu (Shri Radhikanath Tarafdar, un avocat à Dhaka et un fidèle de Ma), il dit,
"en vous
voyant venir, Ma est
sorti sa chambre et a déclaré,
"il ressemble
à Amulya Babu, n'est-ce
pas ?"
mais je ne
pouvais vous reconnaître."
Je restai debout sur les
escaliers pendant que Ma se
lavait le visage. Quand Ma
s'est levé,
nous fîmes notre pranam.
Ma dit "je me demandais
déjà, si
Babaji partirait pour les vacances." je
me dit en moi-même, "Ma, je suis ici
aujourd'hui simplement parce que vous
avez pensé à moi.", "vous êtes partis
de Dhaka à
midi hier.
Vous devez vous considérer comme étant toujours
en voyage,
car nous partons
pour une excursion
en bateau juste
maintenant." Je pensais,
"qu'il en soit ainsi."
Ma rentra dans la chambre.
J'ai échangé quelques mots avec Jatindra Babu et Radhika Babu et j'ai organisé les choses pour stocker nos
bagages dans une pièce.
Ensuite, après
m'être lavé le visage et
la tête avec
de l'eau
du puits de
la dharmashâlâ, je pris rapidement
un petit déjeuner
et alla m'asseoir auprès de Ma. J'avais à
peine prononcé quelques mots que Triguna Babu (docteur Trigunanath Bandyopadhyaya,
professeur, Shrirampur collège), Jatish Babu et d'autres vinrent.
Ma leur dit de louer des
bateaux. Triguna
Babu dit, "Ma,
levez-vous,
je vais aller
louer les bateaux." Ma répondit, "Allez-y. Je
vais vous suivre. Je ne
peux aller nulle part, n'est-ce pas,
sans vous emmener
avec moi?" Sur ce,
elle éclata de rire.
Triguna Babu et Prankumar Babu allèrent louer des bateaux. Je restais assis près de Ma, qui ajouta, "tenez,
tous ceux qui viennent
de Dhaka, allez ensemble dans le même bateau. Que Jyotish et les membres
de sa famille
aille dans un autre bateau. Ainsi, tous pourront
surveiller leurs enfants. Autrement
il pourrait y avoir des
problèmes à propos des jeunes."
Ma me demanda
de nouveau,
"est-ce que tu as
pris ton bain?"
Ma: « combien de temps dure un bain
? Tu prends un
bain maintenant et ensuite tu
dois en reprendre un autre. Un
bain n'est pas assez. »
Avec cela Ma
commença à rire. J'ai
essayé de pénétrer
le sens intérieur
de ces paroles. Ma parle
très souvent de façon indirecte, par comparaison. Je pensai
qu'elle pouvait avoir à l'idée nos cœurs impurs. C'était vrai également. Maintenant,
je suis assis
auprès de Ma
sans impuretés qui peuvent pénétrer
mon mental.
Mais après quelques temps, quand je
m'en irai loin
d'elle,
mon mental sera aussi troublé
par différentes pensées et pollué par des idées
matérialistes. Un seul regard
de Ma et
vers Ma ne
peut me purifier
de toutes les
impuretés et m’illuminer pour
tout le temps. Ainsi nous avons à faire des tentatives répétées pour la purification de
notre mental.
À ce moment-là, Sisir et
bien d'autres vinrent dans la
chambre et s'assirent. Sisir commença à discuter
avec Ma à
propos de quelque
chose, mais en trouvant qu'elle
avait beaucoup plus de répondant
que lui,
il inclina la tête et
commença à se la gratter.
Voyant cela, Ma dit, "voyez, avec quelle
beauté chaque chose est organisée. Le moment
où l'on réalise
son erreur,
sa tête s'incline. Et
quand on ne
sait plus quoi
dire et qu'on commence à se gratter
la tête,
elle penche d'un côté.
C'est le secret
du pranam.
Pourquoi est-ce qu'une personne incline sa tête
lorsqu'elle fait le pranam ?
C'est à cause
de la réalisation de son insignifiance. Elle en
vient à comprendre
qu'elle est tout simplement non-existante en comparaison de celui devant
lequel elle s'incline. Et aussi longtemps
que son ego
domine, sa
nuque est raide et érigée. Une
tête qu’on tient haute dénote
de l'orgueil
et un fort sens
de l'ego, tandis qu'une
tête inclinée indique de la
douceur. Les
gesticulations qui accompagnaient ces paroles de Ma
étaient à se
rouler de rire.
Peu après, nous sommes montés sur les bateaux. Pour une raison quelconque, Sisir retourna
à la dharmashâlâ
sur un coup
de tête.
Une personne alla le rechercher, mais il
ne voulait pas venir.
À ce moment-là, Radhika Babu
nous rejoignit. On larga les
amarres des bateaux et nous
remontâmes le fleuve. Nous
prîmes notre déjeuner à bord
- dal,
puri, payasam, etc. Babu commence
à chanter un
kirtan, tandis
que Jatish Babu et d'autres reprenaient. Quatre ou
cinq bateaux étaient
attachés ensemble. Shri Ma allait
de l'un à
l'autre en communiquant
de la bonne humeur à tout le monde. De cette
manière, nous
avons remonté le fleuve jusqu'à
deux heures, deux heures
et demie,
et quand le
bateau a été amarré sur une
des rives du Gange, nous
descendirent. Certains prirent leur bain dans
le Gange.
On offrit de
la nourriture sacrée
(bhoga) à Ma sur les plages
du fleuve et
nous nous assirent
sur le sable
pour partager le prasad.
Servir est un travail très difficile
Le repas fini, nous nous
sommes assis autour de Ma. Nous nous
sommes mis à parler de
différents sujets. Il y a un
endroit qui s'appelle Dharasu
sur la route d’Uttar-Kachi. Ma dit, "j'y avais remarqué
de gros rochers
directement dans le Gange.
Leur surface était bien large
et égale. L’eau du Gange tournait autour d’eux. En voyant
ceci, j'allais
dans la rivière
et commençais à aller d'un rocher
à l'autre. Je suis alors arrivée à un rocher large e t lisse, et j'ai dit qu'il
serait pratique pour pétrir la
pâte et faire
des chapatis, car la
surface de la pierre était
plate et l’eau
du Gange pouvait être atteinte en baissant simplement
le bras.
Jyotish me prit au mot
et descendit pour y préparer les chapatis.
Mais cette dalle qui paraissait
propre était en fait à
un endroit où les voyageurs faisaient leurs besoins.
Néanmoins, Jyotish la lava à
fond avec de
l'eau du
Gange, avant
de pétrir la
pâte sur elle. Ensuite il
alluma le feu
et commença à les cuire.
Il ne manquait
pas de bois
là-bas, car
des rondins descendaient le fleuve en flottant- on avait seulement
à les ramasser. Quand le feu
se mit à
chauffer le réchaud, j'ai trouvé des matières
fécales qui s'accrochaient aux petites dents de la surface. Tant que
la roche était mouillée, elles
étaient invisibles, mais quand
la chaleur est venue,
la marque des
matières était évidente dans chacune des veines
du rocher. Assise là,
je regardai
la scène, mais Jyotish ne remarqua rien. Il prépara
les chapatis sur cette surface soulevée par des
excréments et me les offrit
à manger. Je
les ai aussi
avalées sans aucune protestation."
Ayant dit cela, elle se
mit à éclater
de rire et
nous avec. Ma nous a
peut-être enseigné par là comment quelqu'un qui sert
doit être extrêmement
attentif. En
même temps nous avons réalisé
la vérité de
"Bhavagrahi Janardana"(Janardana, le Seigneur, accepte
l'esprit dans
lequel le service
est rendu,
sans se préoccuper
de la qualité de l'objet qui
lui est offert".
Une fois qu'on s'est éloigné, on ne
peut pas revenir dans le groupe
comme avant.
Nous avons déjà dit que Sisir
s'était vexé et qu'il était
retourné à la dharmashâlâ. Nous
pensions tous qu'il ne reviendrait
pas. Mais
il se trouva
qu'il revint dans un bateau
quelques temps après la fin
de notre repas. Tous commencèrent
à le mettre
en boîte.
Il avait évidemment
honte au fond
de lui-même et, ne pouvant se mêler
à quiconque librement, il
commença à suivre son chemin, de ci
de là, dans
son bateau, tout seul.
Le voyant dans
cette condition, Ma dit,
"une fois
qu'on a quitté
le groupe,
on ne peut retrouver sa place
comme avant. Quand on
essaie de communiquer, on se
sent sur la
réserve. Il
en va de même sur le chemin
spirituel. Une personne qui progresse sur la voie
spirituelle pendant quelque temps ne peut plus
prendre intérêt dans les affaires
du monde aussi
vivement auparavant."
J'ai entendu dire que Ma avait
envoyé Shri à Calcutta pour
faire venir Nirmalâ Ma et Bimalâ Ma. Elles devaient
arriver aujourd'hui. Ainsi Ma
avait donné sa parole d'être présente à la
dharmashâlâ, le soir.
Nous pensions tous qu'il serait
impossible d’y revenir si tôt, car il était
déjà cinq heures
lorsque nous avions fini notre
repas. Selon
notre estimation, nous devions
prendre au moins une heure
et demie pour
aller jusqu'à la jetée qui
était proche de la dharmashâlâ. Mais il
s'est trouvé que même en
partant à 5
heures, nous avons atteint le ghat
au crépuscule. Beaucoup parmi nous se demandèrent
comment nous avons pu couvrir
une telle distance
en un temps aussi court.
Le soir, un ascète est
venu voir Ma. Il avait
environ quarante ou quarante-deux ans. Il
était tout à fait tranquille et poli par nature. Ma donna
des instructions pour qu'on lui
offre un siège
et lui demanda
de dire quelque
chose. Mais
il répondit très poliment,
"Ma,
qu'est-ce que je sais ?
Dites quelque chose, nous allons
écouter."
Ma n'eut pas
beaucoup de conversations avec lui sur des
sujets religieux. Nous avons
appris qu'il appartenait à l'ashram de
Kailash, à
Hardwar. Après
avoir un peu
parlé dans la véranda,
nous sommes rentrés nous asseoir
dans la pièce.
Distinction entre pur et impur en touchant une statue de
divinité
Après nous
être tous assis dans la
pièce, Shri
Nitish Chandra Guha dit à Ma,
"Ma,
pourquoi cette séparation entre le pur et
l'impur quant
nous touchons la statue d'une
divinité ? Je viens à
la Mère, je
la touche -
pourquoi devrais-je me soucier
du pur et
de l'impur
? Ma mère insiste
sur une telle
séparation, mais je ne
trouve pas de raisons à
cela."
Ma: Si, en touchant la statue
d'une divinité, vous la
percevez comme votre mère,
alors, bien
sûr, il
n'y a pas
lieu de séparer. Mais combien
peu ont une telle perception ! Donc,
on doit suivre
les instructions des Ecritures.
Si vous avez
vraiment atteint le niveau auquel
la divinité est complètement identifiée avec votre propre mère, vous pouvez
cesser cette séparation, sinon, il faut
la maintenir.
L'arrivée de Nirmalâ
Ma à Navadvîp.
Pendant cette
conversation, Nirmalâ Ma arriva à la
dharmashâlâ avec Hem Bhai, et son mari. Abani Babu vint aussi. Il dit
que Bimalâ Ma viendrait le jour suivant. Nirmalâ Ma, en arrivant, sauta directement sur les genoux de Ma. Ma la
caressa aussi affectueusement. Shri Hem Bhai eut aussi droit à siège séparé.
Ils étaient venus d’Adyapith, Dakshineshwar (l'endroit où a vécu Ramakrishna).
Ce que j'ai entendu à propos de Nirmalâ Ma peut être indiqué brièvement comme suit :
Nirmalâ Ma était femme
mariée dans une famille de la classe moyenne.
Elle avait quatre enfants dont l'un est encore vivant à présent. Ils
n'étaient pas pauvres. Un jour, à midi, elle alla avec son mari à Adyapiyth
lors d’une journée de célébrations. Comme elle vit là-bas Annada Thakur dans un
état de bhava (état intérieur extatique), elle fut saisie d'un dégoût complet
de la vie dans le monde. Elle ne put retourner à la maison ce jour-là. Elle
resta perdue toute la journée et toute la nuit dans une sorte d'intoxication.
Quand elle revint à la maison le jour suivant, l'obsession ne s’était pas
encore épuisée. Elle tombait dans des accès d'extase à tout moment. Après
quelques jours écoulés de cette façon, elle donna naissance à un fils. Tous son temps était pris pour s'en
occuper- elle ne pouvait pas en garder pour les pratiques religieuses. Elle en conçut un fort chagrin et pria le
guru les yeux pleins de larmes. "Thakur (Seigneur), cet enfant est un don de vous-
acceptez-le pour vous. Avec lui à mes côtés, je ne peux répéter votre
nom." Quelque temps plus tard, l'enfant mourut. Nirmalâ Ma se ressentit
libérée. Après avoir érigé un monument sur l’endroit de crémation de son fils,
elle vint s'installer à l'ashram de son gurudev à Adyapith avec son mari. Comme par nature elle aimait être en
solitude, Annada Thakur lui fit construire une maisonnette à quelque distance
du temple de l'ashram d’Adyapith et conseilla à Nirmalâ Ma d'y résider. Cela
faisait fort longtemps qu'elle vivait dans cette maisonnette. Récemment, son
mari s'était mis à visiter différents endroits avec elle. Il se peut que l'objectif sous-tendant ses
déplacements ait été la gloire du gourou et la promotion de la cause de
l'ashram d'Adyapith. Nirmalâ Ma semblait
avoir une nature très tranquille. Ces paroles étaient empreintes de douceur et
de simplicité. Abani Babu semblait être
l'un de ses fidèles les plus proches. Après qu'ils ont pris un rafraîchissement, le kirtan
commença. Le kirtan induisit chez Nirmalâ Ma un état émotionnel et elle
commença pleurer. À ce moment-là, Ma arrêta les kirtans. Il était à peu près
onze heures et demie du soir et nous allâmes nous coucher.
Une marque de coup autour de l'oeil de Shri Shri
Ma
dimanche 27
décembre 1936
Le matin après m'être
levé, j'allai faire pranam à Shri Shri
Ma. La fille de Jatish Babu chantait des kirtans. Après quelques temps, tous
partir accomplir les tâches qu'ils avaient à faire. De mon côté, je me lavais
les mains et le visage et à vint m'asseoir près de Ma. Nirmalâ Ma vint à la
dharmashâlâ ce matin-là. Elle demeurait dans une petite maison près de là. Nous
étions assis auprès de Ma quand une Vaishnavi vint. Elle avait le teint de la
peau sombre et était plutôt grande. Elle avait dans ses mains un instrument à une corde qui s'appelle ektara.
Ma l’avait surnommé "Ektara Ma".
J'avais observé une marque sombre, comme une
sorte de pommade, autour de l’œil droit de Ma, et lui avait demandé la veille,
"Ma, qu'est-ce qui est arrivé à votre oeil"? Ma dit qu’immédiatement
après être arrivé à Navadvîp, elle était tombée des escaliers et s'était
blessée le front. Je vis aussi une cicatrice sur sa tempe à droite. Ma avait
dit, "après mon arrivée, un jour, je sortis pour aller aux toilettes dans
la nuit. Buni étaient avec moi. Bien que sortie de la chambre, je n'avais pas
ouvert mes yeux complètement, car il y a quelque chose d'étrange à mon sujet, si je fais ainsi, je ne peux pas les
refermer. Buni me suivait. Elle est une petite fille et on ne peut pas
s’attendre à ce qu'elle comprenne mes
manières de faire. Quand j'étais au
temple de Raipur (Dehradun), Jyotish était avec moi. Les escaliers étaient bien
pires que ceux de cette dharmashâlâ - pourtant je n'ai pas eu une seule chute
là-bas. C’était parce que, à chaque fois que j'avais à sortir la nuit, Jyotish
allait devant moi et je le suivais. Même avec mes yeux partiellement ouverts,
je pouvais avoir une idée du chemin en suivant la manière dont Jyotish
marchait. Néanmoins, ce jour-là, pendant que j'allai le long de la véranda dans
l'obscurité, j'ai marché dans le vide et suis tombé sur mon visage, en avant de
la véranda. J'ai été sévèrement blessé sur la main et le coude. Comme je suis
tombé sur le front, j'ai trouvé que c'était déjà gonflé et qu'il y avait une
abrasion de la peau sur le coude. Je pressais ma main contre le haut et en
revenant sur le lit, je fis en sorte que personne ne lui
se savoir que je m'étais blessée la
main. Le lendemain le gonflement sur le coude avait diminué, mais y avait un
bleu bien marqué autour de l’œil. En venant ici, je suis tombée avant qu'aucun
autre ne puisse le faire."
Un fidèle. Ma, peut-être était-ce exactement ce pour quoi personne n'est tombé dans
les escaliers.
Ma:
vous voulez dire, pas jusqu'à aujourd'hui…
On observe en la
marque autour de l’œil de Ma, la
Vaishnavi dit, "Ma, qu'est-ce qui ne va pas avec vos yeux ?"
Ma.
Le Seigneur suprême de Navadvîp a mis à collyre autour de mon oeil comme une
partie de sa propre décoration (tout se mirent à rire).
Vaishnavi: mais l’œil gauche n'est pas touché.
Ma: oui, il a choisi le
droit pour appliquer son fard" . Sur ce, elle rit
abondamment.
Les jugements qu'on émet suivent les samskaras
(tendances développées par les karma passés)
Atal Bihari Bhattacharya, Swami
Shankarânanda, Nirod Babu et d'autres étaient assis dans la chambre. Nirod Babu
étaient venus à Navadvîp ce jour même. Il avait un emploi à Rajshahi. C’était
un homme au naturel tranquille, et Ma le connaissait. Elle dit, "cette
fois-ci, en allant à Rajshahi, je vous ai cherché. Mais je n'ai pu vous
trouver."En présentant Nirod Babu, Atal Babu dit, "c'est un de mes
élèves."
Ma : En est-il ainsi ? Vous l'avez enseigné? Auparavant, en entendant des
versets sanskrits de ma bouche, vos étudiants disaient, notre professeur
(c'est-à-dire, Atal Babu) va la voir. Il doit lui avoir enseigné ces
versets." Ayant dit ceci, Ma commença à rire de bon cœur. Elle ajouta
alors, "pas seulement ceci, ils ont aussi dit "elle doit être prise
de drogue. Regardez, comme ses yeux sont rouges et son visage ressemble à celui
de quelqu'un qui en consomme."
Ma dit de nouveau,
"je ne peux pas les blâmer. Tout le monde juge selon ses samskaras. Il
n'est pas étonnant que la manière dont je suis habillée fasse parler les gens.
Une fois Bimalâ Ma et moi-même, nous
attendions le train à la gare de Howrah.
Nous avions des directions opposées. Toutes les deux, nous avions les
cheveux défaits et le front couvert de vermillon. Vous pouvez vous rendre
compte de quel air nous avions. Nous étions assises séparément. Je me suis
approchée de Bimalâ Ma et lui ai dit, "viens, allons nous asseoir
ensemble". Ainsi fut fait et nous vîmes deux dames anglaises qui nous
regardaient de travers, en souriant de façon bizarre. Elles dépassèrent
l'endroit où nous étions assis et
chuchoient avec les yeux tournés vers nous répétitivement. Je dis alors
à Bimalâ Ma, "tiens, rions très fort d'une seule voix." et nous avons
éclaté de rire. Quelle joie ce fût ! Elles étaient stupéfaites."
La manière dont Ma
raconta cet épisode nous fit aussi tous rire beaucoup. Ma dit de nouveau,
"elles ne peuvent être blâmées non plus, elles aussi, elles ont jugé
d’après leur samskaras."
Ma s'amuse avec ses fidèles
Après un certain temps,
Nitish Babu vint et dit à Ma, "Ma, Shankarânanda Swamiji a fait don de son
nima, tablier, à quelqu’un, et se trouve là, dans le froid, sans être
suffisamment couvert. Ma dit, "Babaji a fait la chose juste, c'est le rôle
d’un Swami de se sacrifier."
En entendant ceci, Swami Shankarânanda dit
pour en quelque sorte diminuer l'importance de son sacrifice, "c'est assez
facile - ce don. J'ai perdu un vieux vêtement, je peux en avoir un nouveau en
demandant." en entendant ceci, Ma dit, "vous êtes un Swami (maître) des
nouveaux objets, n'est-ce pas ?" ( tous se mirent à rire).
À ce
moment-là, un fidèle, sortant tout juste de son bain, apporta de l'eau
du Gange dans un kouchi, une sorte de récipient allongé en cuivre, un ustensile qu'on utilise pour les pouja-s) et l'a
fait toucher par les pieds de Ma pour avoir un de l’eau supposée les avoir lavé
(padodaka). Ma lui dit, "Baba, est-ce que tu as mangé quelque chose
? Va, et prend quelque chose." Le cœur du fidèle a fondu, pour ainsi dire,
au vu de cet intérêt affectueux de Ma. "je ne me préoccupe guère de la
nourriture", dit-il et en tenant le kouchi soulevé, pointant à
l'eau qu'il contenait, il ajouta, "c'est une nourriture suffisante pour
moi. Je n'ai pas besoin d'autre chose." Ma dit en souriant,
"simplement ce charanamrita (le nectar qui a lavé les pieds du
guru) ne va pas te remplir le ventre." tous explorèrent de rire et le
fidèle fut un peu rebuté. Comme la journée avançait, nous prîmes notre bain
dans le Gange et eûmes notre repas au restaurant. En revenant, j'ai été pris à
parti par tout le monde pour cette absence du repas communautaire. À partir de ce moment-là, nous avons pris le
repas à la dharmashâlâ avec les autres. Les dépenses quotidiennes de logement
et de nourriture d’un si grand groupe étaient principalement prises en charge
par Shri Sachi Babu
~~~~~~~~~~~~~~
LE
PIN
D'AZUR
~~~~~~~~~~~~
Monique Manfrini, qui habite sur les bords de la Méditerranée,
nous fait partager des impressions de
cette nature qui est une
manifestation de la Mère
divine.
Le grand pin frémit
Et se balance sur le ciel
Bleu-mer qui tendrement,
Le constelle de lumineuse
clarté...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ses vagues vert-profond
Bercent mes songes lourds...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le matin frais d'automne
Emplit le cadre limité
Des fenêtres jumelles.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
La baie est traversée
Par une bande agitée
D'oiseaux migrateurs
Qui, plusieurs fois, change
De sens, monte,
Descend, plane, crie
Puis disparaît, sans retour...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le calme revient
Dans les frissons
Ondulés du pin sombre
Sur l'azur transparent...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le haut figuier
Vert pâle, jaune et doré
Bouge ses branches feuillues.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le chien aboie, tout près
Et deux coups de feu claquent,
Secs, destructeurs, violents...
Mes pauvres petits visiteurs
Apeurés, Que Dieu vous
garde!...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Le soleil grimpe vers l'azur
Et le pin se colore
D'or chaud, au-dessus
Des tuiles rouges.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Un deuxième pin, à droite,
N'est que lumière tendre
Et mouvante sur le bleu-blanc
Strié qui baigne ses
branches...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ô Nature, tu es Beauté, seule
Qui redonne force et vigueur
A notre cœur fatigué!
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Donne-nous des yeux
Aimants pour t'admirer
Pleinement et saisir
L'immensité de ta Grâce.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Révèle-nous le message
Caché par-delà les apparences,
Ô signe divin à l'homme égaré.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
MM. Le 07.11.2002.
« ELLE EST MON ESSENCE »
par Marion Mantel
Mère Divine,
Tu Es le Corps de mon corps,
L’Âme de mon âme,
L’Esprit de mon esprit.
Mère Divine,
Tu Es l’Oeil de mes yeux,
L’Oreille de mes oreilles,
La Bouche de ma bouche.
Mère Divine,
Tu Es la Chair de ma chair,
L’Os de mes os,
Le Sang de mon sang.
Mère Divine,
Tu Es l’Amour de mon amour,
Le Désir de mon désir,
La Force de ma force.
Mère Divine,
Tu Es la Joie de ma joie,
Le But de mon but,
La Paix de ma paix.
(Marion habite à Vence où elle aide son mari Jean-Marc dans son travail
pour rendre la psychiatrie actuelle plus spirituelle. Elle peint aussi de belles
icônes, et, pour la petite histoire, nous pouvons mentionner qu’elle a enseigné
cet art sacré à la jeune Yahel dont le
poème sur l’Inde publié ci-dessous inspirera certainement les lecteurs.)
* *
*
Voyage retraite dans les ashrams de Mâ
Au mois de février, deux groupes de Français
sont venus faire un voyage-retraite dans les ashrams de Mâ. Cela a représenté
en tout cinquante personnes. C'était la première fois qu'il y avait autant de
Français en si peu de temps à visiter les ashrams de Mâ. Ils ont passé cinq
jours à Kankhal, et ont rencontré Swami Vijayananda, ainsi que Swami
Nirgunânanda qui était descendu spécialement pour l'occasion de Dhaulchina. La visite de Bénarès a aussi
été un temps fort, avec en particulier le sacrifice au feu et les chants du
matin par les écolières du Kanyapeeth, accompagnés par le lever de soleil sur
les bords du Gange à l'ashram de Mâ à Bhadaini. Nous avons aussi eu une
méditation dans la chambre où Mâ a
quitté son corps à Dehra-Dun. S'asseoir dans la grotte de Vashishta Gupha à 20
km au nord de Rishikesh en plein sur la rive du Gange a donné au groupe
l'occasion de goûter un petit peu à la vie des yogis et ermites des Himalayas.
Nous donnons ci-dessous des poèmes et des textes en prose par des membres du
groupe évoquant l'esprit de ce voyage. Ce dernier sera probablement repris en
février prochain, avec possibilité d'une semaine supplémentaire dans le centre
bien connu de yoga-thérapie de Lonavla, et il y aura une autre possibilité de
venir à Kankhal en groupe en avril pour participer pendant quelques jours à la
« demi »-Koumbha-Méla qui attire quand même quelques millions de
personnes; nous monterons ensuite en direction de la source du Gange à
Kédarnath, dans le haut Himalaya.
INDE
Ce poème a été écrit par Yahel, une jeune fille de quatorze ans qui est
venue au voyage-retraite dans les ashrams de Mâ en février avec sa famille.
C'était la première fois qu'elle venait en Inde, mais elle avait quelque part déjà l’impression
que c'était un retour. Il est aussi possible qu'elle
y revienne pour y habiter car son père à
des propositions de travail là-bas et les parents sont intéressés par
l'enseignement de Mâ et du Yoga. Yahel a fait paraître un petit recueil de
poèmes joliment présentés, « L’envol de l’amour », qu’elle a fait
connaître au public lors d’un satsang de Mâ près de Cannes en juin dernier.
Quand, avec les quarante personnes qui étaient présentes, nous lui avons
demandé de nous réciter un poème du recueil, elle nous en fait chanter un
qu’elle avait mis en musique elle-même….
Mon étoile,
Inde profonde,
Tu me rappelles
Et tu m'attire.
Ici la vie et Dieu
Se dévoilent
Ici enfin je respire et j'entends
Mon chant
intérieur.
La nuit, même noire m’indique
Le chemin qui mène à moi...
Tu m'as tourmentée,
Et j'ai tant attendu ces retrouvailles !
Enfin elles sont
arrivées,
Et je voudrais
rester pour toujours
Dans tes grands bras
Dans lesquels j'ai déjà passé tant d'années.
L'oiseau
Ce poème a été écrit par Marie-Odile Cadé juste
avant son départ pour le voyage retraite dans les ashrams de Ma dans le même
groupe que Yahel. Elle est professeur de yoga, et elle est venue avec un groupe
de huit personnes de Châlons-en-Champagne
L'oiseau est venu
se poser
devant moi
avec son plumage vert
ses ailes sa queue
aux multiples couleurs
son oeil grand ouvert.
Il s'est laissé
regarder
tranquille.
Par moments
je ne le vois plus.
Il est entré en moi
de plus en plus petit
jusque dans mon cœur
Et j'entends
Et je sens
son cœur battre
un peu fort
de crainte
de confiance
d’espérance.
Je le sens prêt
pour le voyage
à venir.
Nous allons en
Inde
ensemble
en route
vers l'intérieur.
Au retour de ses deux semaines de voyage,
Marie-Odile nous a également
envoyé un témoignage dont nous mettons ici des extraits :
Ce voyage m’a révélé un
tout petit peu, -mais un grand
peu aussi!- l'Inde intérieure.
J'ai touché et aimé le climat de
joie, d'amitié, d'affection, qui règne
autour de Ma, ou que Ma fait
régner autour d'elle, dans une grande
liberté :
Vijayananda, bien sûr, si
bienveillant, Nirgunananda si intense,... J’ai demandé à Ma de me conduire sur
ce chemin, à sa manière,
et
je sais qu'elle le fait.
Les méditations m'ont apporté
beaucoup... Le corps de lumière projeté
devant
soi m'a réveillée, tonifiée. Je
crois que je commence à m'aimer ! Ouf !
Je ne vais plus m'empêcher
d'aller vers le Soi, du moins je l'espère. D'ailleurs une des dernières
méditations a été résumée en ces mots « sois sol, sois ciel, et sois
seule" m'habite toujours.
L'oiseau n'a pas voulu explorer
l'espace, il semble qu'il devienne
lui-même
espace... Il s'est senti très à
l'aise auprès de Chandra Swami, que j'ai
surnommé l'aigle...
Il en a la force, la majesté,
seul l’œil diffère, rempli de joie, de
bonté,
d'infini.(Encore que je n'ai
jamais vu de près un oeil d'aigle !)
L’œil de
l'oiseau est à l'aise dans l’œil
de Chandra Swami...
À ce sujet, peux-tu me dire
pourquoi les swami, dont tu m'as dit qu'ils
n’ont pas de personnalité, ont
une si forte individualité ?
Le Gange ! Partout
présent...Espace, lui aussi, vie, sérénité, coulant
immuablement. Nul besoin de m'y
baigner, je le sens couler en moi,
emportant
ce qui m'encombre, m'apportant
l'immensité.
Le lever du soleil sur le Gange,
instant magique, infini, absolu, où
tout,
tout est présent ! C'est aussi ma
plus belle photo !
Carnet
du voyage-retraite en Inde
dans
les ashrams de Ma
par Geneviève Koevoets
Jay
Ma !
Février
2OO3
Le train pour Dehra Dun
nous emmène jusqu'aux pieds de l'Himalaya. Nous y débarquons après 24 heures
d'un voyage somnolent et récupérateur.
Il fait un temps frais
mais splendide. L'hôtel est superbe. L'ashram où Ma Anandamayi a quitté son corps le 27 Août 82
est empreint d'une douceur austère et j'ai les larmes aux yeux en déposant aux
pieds de son lit les messages des amis de France.
Les transmissions de
pensées zigzagent dans tous les sens. L'envoûtement
m'enveloppe ; nous méditons tous
ensemble. C'est un
moment inoubliable.
Pour la première fois,
la route est bordée de jolies maisonnettes, genre villas du sud des Etats Unis,
comme à Houston ou Atlanta. Mais bien vite les baraquements et bidonvilles
recommencent.
L'après-midi, nous
dévalisons le centre des lépreux des sacs, écharpes, nappes ou châles de leur
fabrication. Nous les regardons tisser à
l'ancienne. Notre modeste contribution les aidera. Ce centre de réhabilitation,
Kurukshetra Mandal, est dirigé par un francais, Pierre Reyniers.
En fin d'après-midi, la
visite et satsang chez le Swami Suisse Jnananda est un bonheur car il nous entonne
des kirtans d'une voix solide en s'accompagnant à l'harmonium. Beaucoup
prennent des notes et je ne reviendrai pas sur les sujets traités à travers les
questions ou l'enseignement du Swami, chacun ayant à gérer ses émotions à sa
manière. Mais ce gaillard septuagénaire nous a plu. Son regard percutant nous a
fascinés.
La journée suivante est
consacrée à la visite et aux méditations dans le superbe ashram de Chandra
Swami, dans un panorama de montagnes où la rivière Yamouna sort de l'Himalaya.
Beau et silencieux dans
sa barbe et cheveux blancs immaculés, Chandra Swami répond aux questions
en écrivant et en
souriant de malice dans son silence qui dure depuis plus de 15 ans!
C'est un peu long, mais
le charisme est là.
C'est notre premier
repas assis par terre en compagnie de nombreux autres occupants, dont beaucoup
de Francais.
La balade dans les
hauteurs des collines permet d'embrasser tout le paysage de la vallée.
Deux longues méditations
d'une heure chacune (couverts jusqu'aux dents à cause du froid de février au pied des montagnes) font partie de la
discipline de fer qui semble régner en ce lieu à la fois riant et austère.
Un échange avec la sannyasini Sharada Ma (ancienne pharmacienne
en France) est plein de chaleur humaine.
On se rue sur la
librairie et les petits marchands---
Un pic-nic s'organise au
bord du fleuve, entre les rochers, dans un cadre enchanteur, après avoir
traversé la passerelle suspendue au-dessus du Gange Himalayen. Chacun se choisit SON rocher. Les petits singes guettent
notre départ---peut-être auront-ils pris la montre que quelqu'un de nous a
oubliée au bord de l'eau d'un vert émeraude comme celle des Gorges du Verdon.
C'est l'heure d'aller se réunir
autour d'un jeune Swami canadien-francais du Québec, originaire d'une île =
Swami Muktananda, au Shivanandashram.
Il est beau, grand, subtil et plein d'humour. Le charisme
en personne, son regard à demi clos transperce autant que ses paroles. Son
programme à travers le monde en dit
long---mais on va quand-même l'attirer aux Courmettes en Octobre à Nice. A ne
pas manquer--- Parmi l'assistance, trois petits singes viennent s'asseoir pour
assister au satsang et pour essayer de nous piquer quelques affaires. Sacré
concurrent que ce jeune Swami pour notre "Frère Jacques" qui prendra
peut-être lui aussi un jour la robe orange---
Tout le monde ressort fasciné. Je laisse encore une fois
à chacun le soin d'assimiler ses propres émotions---
Le lendemain, en route vers les hauteurs en serpentant
jusqu'à la grotte de Vashista Gupha dans un endroit isolé sur les bords du
Gange. La méditation au fond de cette grotte, dans l'obscurité, est ponctuée
par un sourd bruit de fond, une résonance du silence qui vous pénètre
profondément. Wmi Purushottama, le petit-fils spirituel de Ramakrishna a vécu
30 ans dans cette grotte. Je me sens inondée de lumière à l'intérieur, puis
inondée de soleil sur la plage de rochers qui l'entoure où nous pique-niquons
de nouveau, tandis qu'un courageux fait un plongeon dans le Gange---
En remontant la côte jusqu'au car qui nous attend en
bordure de route en plein soleil, ma bronchite écume un peu, mais elle passe
encore au second plan---Nous ruisselons en regagnant le car, et on pousse un
peu énergiquement une participante épuisée…
En route désormais vers
HARIDWAR-KANKHAL où notre installation nocturne dans l'ashram qui nous
est réservé est plutôt mouvementée.
Il fait de plus en plus froid le matin et le soir. Les
chambres ne sont pas chauffées et certaines n’ont pas d'eau chaude car les chauffe-bains
sont encrassés et giclent tout autour plutôt que dans le conduit du robinet. La
salle où nous mangeons par terre est glacée et pleine de courants d'air.
Les coliques des participants vont bon train---et ma
bronchite, devenue asthmatiforme et allergique, est de plus en plus sollicitée.
Je ne crois pas avoir de fièvre, mais mon nez est pris et ses réactions
ressemblent à celles des chauffe-bains précédemment cités. Je fais peine à
entendre et ma toux "d'un quart d'heure en tous lieux me précède"
(comme le nez de Cyrano de Bergerac!). A force de tousser jours et nuits depuis
10 jours, mes muscles du ventre et des côtes sont endoloris.
Jacques a pitié et fait emmener la bronchiteuse, en
compagnie d'une "gastro-entériteuse" et de trois autres enrhumés
ou ex "diarrhéens" dans un
hôtel des environs.
C'est le rickshaw des éclopés, nous nous envolons,
emmitouflés de châles, au milieu des trous et des bosses, dans l'humidité de la
nuit. Les femmes ont l'air de veuves russes en pleine "révolution".
L'hôtel a un chauffage individuel et de l'eau chaude!
Nous allons revivre---
Même expédition soirs et matins pour aller à la
"médit" de 7heures30 avec Jacques. Même rickshaw (baptisé plus tard
"rickfroid") qui pétarade avec le pot d'échappement dirigé vers l'intérieur.
Même course folle dans le vent glacé.
Est-ce mieux côté vent, ou côté pot ?
Mes bronches ont un son ronflant et caverneux---
Je
suis tout de même toujours à l'heure et je m'efforce de rester souriante, mais
je me sens tellement mal qu'un sournois sentiment de rejet m'effleure le
subconscient--- et si je "rentrais
a Nice"? O horreur! Est-ce possible ?
Je n'arrive à me réchauffer nulle part, sauf durant les journées
ensoleillées où tout s'efface momentanément auprès de Jacques qui ne bronche pas.
Nous le suivons sur l'île d'en face où il va méditer au
milieu des herbes hautes et des galets, face à ses montagnes chéries de
l'Himalaya qui se découpent sur fond de brume.
C'est le moment de goûter KANKHAL, les temples, l'ashram
de Ma, le Samadhi, la pouja, et---et---l'idole de l'endroit = VIJAYANANDA, 88
ans de malice, de cœur, d'intelligence, d'esprit et de spiritualité vivante.
Il est jeune.
Rien ne lui échappe. On a envie de lui donner un gros
bisou et de lui caresser la barbe, mais NON, certains se pencheront pour
effleurer des lèvres ses gros chaussons. Bon "Papa Gâteaux" raffiné,
il voit venir chacun, écoute, et raconte des histoires---"Hein? ---Hein!---".
Entre deux quintes de toux, il me fait entonner
aussitôt avec lui une chanson à boire que me chantait ma grand-mère et
mon Grand Oncle Achille = " Elle ne mettra plus de l'eau dedans mon verre,
car la guenon, la poison, elle est mo-or-te! ".
Heureusement que sa douce accompagnatrice, tout de blanc
vêtue, lui offre des bonbons suisses pour la gorge, qu'il me donne aussitôt et
qui me furent fort salutaires.
Le groupe est timide, les questions ne fusent pas, mais
il a l'art de captiver son auditoire par son enseignement et ses conseils de
base, ou l'humain se mêle à la pratique. Son regard vif fouine parmi nous---Il
a tout compris---
Il est heureux que j'aie fait son portrait. En le
dessinant, j'avais eu l'impression de lui donner une nouvelle naissance.
Ensuite, chez moi, il me suivait partout des yeux sur son chevalet.
Quand je l'ai vu, en vrai, je le connaissais donc déjà---
" Je suis votre fils alors" m'a-t-il dit
coquinement---
Qui sait ? Il n'est pas interdit de rêver---
Swami NIRGUNANANDA, un scientifique, ex
biochimiste, devenu secrétaire de Ma, est descendu de son ermitage pour
rencontrer tout le monde.
Subtil, rapide, il zigzague entre les souvenirs de Ma et
sautille sur lui-même de félicité et d'ardeur.
J'avais fait aussi le portrait de Ma que je lui ai
offert.
Nous avons donc une triade = VIJAYANANDA (douceur et
gâteaux), JACQUES ( psychologie et
méditation), NIRGUNANANDA ( de la science à l'amour).
A nous de piocher là ou c'est bon, ou là où ça fait
mal---!
Swami Nirgunananda me fait appeler pour une longue
conversation " seul à seule"---J'avais été son interprète pendant sa
retraite aux Courmettes à Nice, et la concentration de l'interprétariat au pied
levé m'avait empêchée de le goûter à sa juste valeur---Là, dans le jardin qu'il
a planté pour Ma autour de son Musée, je me rattrape et, pendant près de 2
heures, nous parlons---d'amour---
Je commence à aller mieux. Je vais rester seule à Kankhal
pour digérer mes émotions.
KANKHAL = on y
fait des rencontres hétéroclites---et de toutes nationalités. Certains viennent
y chercher leur âme, d'autres viennent la fuir---mordus de la bhakti, jeunes
filles en ascèse, vieux ex-scientifiques illuminés par quelques pétards,
adeptes de la méditation transcendantale, fervents de poujas, asiatiques
silencieux et recouverts de fleurs---quelques allumés, solitaires,
réfractaires---quelques refoulées un peu raides---
Au repas collectif, personne n'arrive à convaincre
personne---peut-être sommes-nous tous de vieilles bourriques, chacun dans son
secteur? L'important c'est d'être persuadé d'avoir trouvé sa voie---et de s’y
tenir.
Une fervente de Ma, Krishnapriya, est là aussi depuis une
vie entière, en provenance de ses montagnes suisses. Elle s'est tellement
"intégrée" qu'en nous racontant ses aventures elle mélange, sans s'en
rendre compte, le hindi, l'anglais et le français---Il faut "décrypter" rapidos et lorsqu'elle
vous dit qu'elle a oublié ses "baskets de frout", il ne faut pas
croire qu'elle a laissé ses "chaussures", mais bien ses "paniers
de fruits".
Un autre personnage du lieu, doux et réservé, est le népalais
Pushparaj---dévoué à Vijayananda ainsi qu'à sa propre cause sociale au Népal.
Je mets du temps à mémoriser son nom, écorché par plus d'un---et en guise de
point de repère, je m'oriente phonétiquement sur "bouge-pas,
rage"---Ca marche!
Et puis, une nouvelle amie française, délicieuse,
résidant sur place, m'initie tout doucement, tout en me laissant faire mes
bêtises---
Quand je téléphone en France, comme je n'ai pas encore
acheté de penjabi pour m'habiller couleur locale, on me compte trois fois le
prix, pendant qu'une vachette essaye de broûter les franges de mon châle.
C'est alors qu'une imprégnation lente s'installe à la
surface. Un certain charme flotte en mon esprit. Ma partie supérieure vibre et s'envole. Seule encore ma partie
inférieure, en contact avec la matière, reste choquée par beaucoup de choses,
comme la saleté, le manque d'hygiène en général, la pauvreté, la misère, les
bidonvilles. Le choc des cultures est rude---
Cependant, je me demande ce qu'il y a que je n'ai pas
encore compris complètement? Moi, fille du nord, Viking, précise et ponctuelle
comme un soldat allemand, maniaque de la propreté---Quelle leçon suis-je venue
prendre ici sciemment ? Il y a certainement un pourquoi, il y a
une réponse et je la comprendrai
un jour, plus tard---J'espère qu'il ne sera pas "trop tard"---
Je n'ai pas voulu, en ces mots égratigner quiconque, car j'ai été reçue en
Inde avec le cœur---par un peuple gentil et souriant. Mais l'humour parfois
griffe un peu!
Qu'on me le pardonne, car j'y ai mis aussi beaucoup de
tendresse!
Peu de roses du bouquet [offert à l’arrivée à l’aéroport
pour me remercier d’avoir organisé le voyage à partir de France] ont résisté au
voyage---Il ne m'en reste qu'une, que j'emporterai avec moi.
Merci Frère Jacques.
J'ai tenu. Je reviendrai.
Jay Ma---
Geneviève
KOEVOETS
Le souffle de la montagne de soufre
par Florence
Pittolo-Rageade
Florence est docteur en
psychologie de l'université de Nice et elle participe à long terme à un programme humanitaire du
gouvernement français au Tamil-Nadou via l'Institut Français de Pondichéry.
Elle en profite pour visiter souvent Tirouvannamalaï, l'ashram de Ramana
Maharshi et la montagne sacrée d'Arounâchala consacrée à Shiva. C'est en en
faisant le tour (parikrama) que lui sont venues les paroles de ce poème
dédié, dans la ligne de la tradition mystique de l'Inde, à l'union de Shiva et
Shakti.
Reçois Shiva cette brise qui vient rafraîchir ta
peau
blanchie par le feu intérieur de ton ascèse
comme le souffle qui accompagne mon regard
tendu vers toi
du bas de la vallée au sommet de l'union
Ressens Shiva la douceur du sol où tu poses tes
pieds nus de vainqueur
c'est moi qui a étalé ce sable fin,
il est l'étoffe intérieure même de mes veines raffinées
par des heures et années de pénitence,
stances intenses du rythme cherché pour me
rapprocher de toi
au-delà même de la proximité
Entends Shiva le chant de cet oiseau accompagné,
au réveil
comme l'annonce du silence suspendu à l'heure où
le jour réjouit
la nuit, où la lune et le soleil se font face
entends- le comme la consécration de la vibration
résonnant alors dans chaque parcelle de l'univers,
celle de l'union du son et du silence
celle de la réunion qui s'annonce
Vois Shiva, ce que les autres aux deux yeux ne
voient pas
que je danse devant toi invisible et sans contour
mais indéniablement là
Je sais que tu ne me regardes pas
et que pourtant tu me contemples
Je te rappelle à moi comme tu me rappelles à toi
sans souvenir autre
pourtant que le goût du présent
l'essence de cette danse c'est toi qui me l'a
enseignée
mais c'est moi qui dois l'accomplir
Voyons et fêtons ensemble Shiva
le fait que le tourbillon de duperies est né pour
cesser dans le feu qui brûle loin la rivière ;
dans le temple du centre
tout est prêt
pour que nous
dansions
à
l'unisson
Nouvelles
- les fêtes de l'anniversaire de Mâ
se dérouleront à Kankhal du 2 au 20 mai. L'anniversaire lui-même sera le 20
mai. Guru Purnima aura lieu le 10 juillet.
- un nouvel
ouvrage est paru sur Mâ Anandamayî en anglais Encountering Bliss (Motilal
Banarsidas, Delhi); il s'agit de la traduction
anglaise de l'ouvrage en allemand de Melitta Mashmann. Elle était venue
dans les années 60 auprès de Mâ et a demeuré longtemps à Kankhal, même après
que Mâ a quitté son corps. C'était une amie d'Atmânanda, elle l'a accompagnée
dans ses derniers moments et elle a terminé l'édition sous forme de livre des
comptes-rendus des voyage de Mâ : ce sont les volumes successifs de I am
ever with you.
- l'ashram de Mâ Amritânandamayî à Pontgoin en
Eure-et-Loire s'organise sous la direction de Dîpamritâ. Celle-ci venait de
Paris pour visiter Mâ de son vivant et est maintenant responsable du mouvement
d'Amma pour toute l'Europe. Lors d'une rencontre il y a quelques jours à Delhi,
elle a manifesté son souhait que cet ashram soit ouvert aux divers mouvements
qui représentent le meilleur de l'Inde spirituelle en France. Les Français sont
très "occidentalo-centriques" et ont tendance à oublier l'Inde, mais cela
peut changer dans les années à venir. Le 50e anniversaire de Mâ Amritânandamayî
se tiendra à Cochin au Kérala, en fin
septembre. Y seront présents le Président de l'Inde, le Vice-président, le
Premier ministre Vajpeyee et le ministre de l'intérieur Advani. La tradition,
pour les responsables séculaires, d'honorer les sages vivants se poursuit.
- le journal spirituel
d’Atmânanda doit paraître en mai ou juin aux éditions Accarias. Les fidèles de
Mâ seront particulièrement reconnaissants à Râm Alexander d’Assise et Lalita
Bugnon de Lausanne qui ont aidé et financé cette traduction. Celle-ci aura été
effectuée par Jacques Gontier, un français habitant à Tirouvannamalaï de
l'ashram de Ramana Maharshi ; il
avait déjà traduit il y a vingt ans la
première biographie de Ma par Bithika Mukherji.
- Un nouvel ouvrage de Jacques Vigne l'Ecoute du silence paraîtra également en mai ou juin chez Albin
Michel. Il s'agit d'un ouvrage de mystique comparée sur les pratiques basées
sur l'écoute du son du silence dans les grandes traditions. La première partie,
plus générale, s'intitule Ermites en
Himalaya.
- à partir de fin mars, Jacques Vigne passera la
majeure partie de son temps à l’ermitage de Dhaulchina où il sera
principalement en silence. Il redescendra à Kankhal a priori du 10 au 25
juillet et du 20 septembre au 5 octobre.
Eté
2003
Du 26 juillet au 3 août : Epernon. Contact Claude Portal 12 rue de la
Martine 7800 Saint-Germain-en-Laye et 0134517441
Du 5 au 11 aout : Zürich (Richard Willis) et Launay (Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502
Bienne 0041323221828)
Du 17 au 23 août : Les Courmettes contact Michel Tauziède domaine
des Courmettes 06140 Tourettes-sur-Loup 0493241700 ou Michèle Cocchi, 0661142058
Du 17 au 23 : Terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 0385604030
Du 21 au 27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal
cf ci-dessus
Du 28 août au 1 septembre : les Courmettes cf. ci-dessus
Du 2 au 6 septembre : Assise contact Claude Portal
Du 7 au 11 : Birmingham-Londres contact Christopher Pegler 28 Perryfieldway Ham.Richmond Surrey TW107 SP
Rés 00442089400139 bureau 00441714880777
CzjpPegler@btinternet.com
- Signalons aussi le passage de Swami Muktananda
le premier week-end d’octobre aux Courmettes (mêmes contacts). Il
s'agit d'un Swami québécois
disciple de Chidananda
et qui a également une grande dévotion pour
Ma. Il donne un enseignement
védantique influencé par
Swami Brahmananda, disciple de
Shivânanda, et
Nisargadatta Maharaj. Geneviève Koevoets parle de lui dans ses impressions de voyage
ci-dessus. Il passera aussi à Terre du Ciel et pendant un mois en août à Saint-Gildas-de-Rhuys dans le Morbihan. muktananda@dlshq.org
Renouvellement des abonnements
Nous renouvelons les
abonnements au Jay Ma pour deux ans soit huits numéros. Pour ceux qui
souhaitent le faire, ils peuvent envoyer un chèque de 16 € à l'ordre de Jacques
Vigne à Magali Combal.
en prenant soin de signaler clairement un
éventuel changement d'adresse : faites-le maintenant pour ne pas oublier,
cela évitera du travail à l’équipe de Jay Ma - nous vous rappelons que nous sommes tous des bénévoles.
Les éventuels bénéfices vont à l'ashram de Mâ, en particulier pour soutenir la
publication anglaise d’Amrita Varta. Cela a été le cas pour l'exercice
précédent. Certains d'entre vous on déjà renouvelé spontanément leur
abonnement, ils ne sont donc pas concernés par cet avis. Si vous ne recevez pas
le numéro 68 en fin juillet ou début août, n'hésitez pas à vous manifester
directement à Jacques Vigne :
Shre Shree Ma Anandamayee Ashram
Dhaulchina 263681 Almora UA
Inde
Table des matières
Editorial 1
Paroles de Ma 2
Réponse de Vijayananda 7
Ces jours anciens avec Mâ Anandamayî par Bithika Mukerji 10
En compagnie de Ma par Amulya Kumar Datta Gupta 16
Le pin d’azur par Monique Manfrini 31
Elle est mon essence par Marion Mantel 33
Voyage - retraite en Inde en février 2003 : 35
Impressions
fugaces par Geneviève Koevoets 40
Le souffle de la montagne de soufre
par Florence Pittolo-Rageade 49
- Nouvelles 51
- voyage de Swami Nirgounananda en Europe 52
- Renouvellement des abonnements 54
- Table des matières
Jay Mâ n° 69 - Eté 2003
Paroles de Mâ
Ces paroles de Mâ ont été traduites par Jean-Claude Marol dans son livre La
saturée de joie (Dervy, 2001). Nous en
citons ici certaines, rendues avec le
style de traduction de Marol qui ne manque pas de sel.
Les approches par lesquelles les humains ont réalisé le Soi sont d'une
infinité variété ; et chaque variété comporte d'innombrables aspects. Tous ces
modes de recherches m'apparurent comme des parties de moi-même. (p.37)
- Vos réponses sont tellement en accord avec nos Ecritures que vous n'avez pas
étudiées... Comment est-ce possible ?
Mâ a répondu :
- Il y a le grand livre de la vie. Si on s'y plonge profondément, toutes les
vérités expliquées par les Ecritures sont là, prêtes à se révéler ! (p.38)
Une direction donnée permet atteindre un but donné ; tout le reste, par
ailleurs, demeure hors d'atteinte. Mais quand la différence s'évanouit entre ce
qui s'atteint et ce qu'il y a hors
d'atteinte, alors Cela se révèle!... Le mystère de l'univers se révèle à qui
sait savourer le non-quoi-que-ce-soit. (p.57)
A la question de. "Quel est le vrai darshan
?" Mâ a répondu une fois : "voir ce qui une fois vu enlève tout
désir d'en voir plus haut, entendre ce qui une fois entendu enlève tout désir
d'en entendre plus !" (p. 65)
Vous vous émerveillez vis-à-vis de celles et ceux qui renoncent au monde... En
réalité, c'est vous qui renoncez à tout ! Quel est ce tout ? Dieu, ni plus ni
moins ! Le laisser de côté est la renonciation suprême! (Et le retranscripteur
note : à ce moment-là, elle éclate de rire !) (p. 77)
Dans le domaine spirituel, vous savez vous sentir libre de toute obligation !
Vous réservez aux autres domaines de
votre vie votre grande capacité à être dépendant... (autres rires !) (p. 78)
Une histoire de Mâ :
Les ânes d'un pauvre blanchisseur étaient laissés
libres la nuit. L'homme n'avait pas assez de corde pour les attacher tous, et
les ânes s'échappaient; il devait chaque matin leur courir longtemps après. Il
eut un soir une idée. Il toucha le jarret de ses ânes avec son petit bout de
corde et les retrouva le lendemain matin à la même place. Ils s'étaient crus
attachés ! (p. 82)
Une femme lui demande : "Mâ, vous êtes toujours dans la béatitude. Comment
faites-vous pour maintenir cette béatitude ?" Mâ rit : "comment
gardez-vous vos jupons en place ? Même dans le chagrin, même dans la tempête, vous
ne perdez pas votre sari... Le maintenir est si lié à votre vie, même s'il
glisse un tant soit peu, vous le réajustez aussitôt. Pour la béatitude, c'est pareil, elle vient d'elle-même !"
(p. 82)
Ce corps ignore comment on instruit Il converse simplement avec ses pères et
mères... Tirez de ce que vous dit ce corps ce qui vous conduira à la joie
ultime, et pas seulement ce qui vous arrange ! (p.159)
Soyez-en sûrs, où que vous en soyez, de là peut surgir l'éveil ! Ne vous figez
pas sur des idées que vous êtes dans le péché, ou empêtrés dans l'imposture et
qu'il n'y a plus d'issue. A chaque instant, en toutes circonstances, tenez-vous
prêts à prendre la direction de l'ultime. Qui sait à quel moment vos dons,
votre serviabilité, vos gestes de respect, refléteront enfin votre entière
consécration à l'Un?
Cela survient (p. 168)
Si l'initiation est transfert de pouvoir, le mantra n'est pas son seul
support : des fleurs, des fruits, des gâteaux peuvent aussi servir à cela
! (p.170)
Si vous balancez un seau, l'eau s'agite. Posez-le,
l'eau se repose. Essayer de poser votre corps. Si vous rester longtemps
immobile, avec une réelle détermination, votre mental finira par se calmer.
L'agitation est dans sa nature, mais aussi la stabilité. Restez assis longtemps
et répétez un des noms de Dieu. Le mental gambadera ici ou là, mais ne relâchez
pas votre effort. Si le mental refuse de céder, pourquoi céderiez-vous ? (p.
171)
Les vieilles feuilles tombées au pied de l'arbre
fournissent un excellent engrais. Rien n'est vain, sachez-le ! (p. 172)
Ma rencontre avec
Gurdjieff et quelques réflexions sur le tantrisme de la main gauche
par Vijayânanda
Nous publions pour la première fois en
français ce texte que Vijayânanda a écrit
il y a déjà longtemps, en fait, il était à Dhaulchina dans les années
60, et qui a été publié à Bombay à la fin des années 70 sous le titre de In the Steps of the
Yoguis (Sur les traces des yogis). Il y
raconte son itinéraire avant d'arriver à Mâ et parle aussi de certains aspects
de l'Inde. Pour ce numéro, nous avons choisi le compte-rendu de ses contacts
avec Monsieur Gurdjieff et les réflexions que cela lui a inspiré à la lumière
de l'enseignement de Mâ qu’il suivait déjà depuis une quinzaine d'années quand
il écrit ces lignes. Nous publierons dans les numéros suivants d'autres
extraits intéressants de ce livre, que nous avons repris directement des
manuscrits français de Vijayânanda.
Un autre enseignant spirituel auquel ma recherche
m'a mené à cette époque était Monsieur Gurdjieff, le "maître" russe. Quel étrange personnage ! "Un
"maître" de la sorte la plus inhabituelle, tel qu'on en rencontre
simplement rarement", ceci, au
moins, était comment l'un de ses principaux disciples parlait de lui, avant de
m'introduire au "maître". Une fois de plus, cela a été ma chance particulière dans ce domaine - en
travaillant grâce à mon ami le docteur
M. – j’ai pu être guidé vers ce monde stupéfiant de Monsieur Gurdjieff. Le
docteur M. Lui-même n'était pas à Paris
à cette époque mais il m'avait donné une lettre d'introduction à C. à
l'Institut Pasteur ; C. a été mon second maillon dans la chaîne. Le troisième a
été Madame de S., le "gardien du seuil".
Madame
de S. était une grande dame russe avec un air majestueux et impressionnant. Ses
grands yeux, qui regardaient de façon pénétrante dans les vôtres, vous
donnaient le sentiment qu'elle pourrait vous hypnotiser si elle en ressentait
l'envie. Elle avait le rôle d'interprète entre Monsieur G. et ses élèves, car
le français du maître était quelque peu élémentaire, souvent obscur et
incompréhensible. C'était elle aussi qui communiquait les instructions du
maître et les expliquait ; en réalité, elle semblait avoir la responsabilité
entière du fonctionnement spirituel et pratique de l'organisation. En fait, on
avait l'impression que c'était elle qui était le "Maître" réel et que
Gurdjieff était présent simplement comme un spectateur amusé regardant les
bizarreries des poupées humaines avec lesquelles il pourrait bien jouer
lui-même s'il le voulait...
Dans son
appartement de la rue N. Madame de S. me reçut avec une grande cordialité. Dès
le départ, elle a adopté un ton de familiarité affectueuse comme si j'avais
déjà été accepté dans le cercle des disciples. Mon premier contact avec le
"Maître" allait être une invitation à dîner à sa table. Dans
la mesure où je me considérais moi-même comme un initié presque inconnu, je fus profondément ému par ce grand honneur.
Ainsi donc, le jour dit, je me
suis présenté à l'appartement de la rue N
et me suis trouvé en face du célèbre gourou russe. Mr G. est un homme de
taille moyenne, avec une tendance à la corpulence. Il semble tout à fait âgé,
probablement plus de 60 ans, il est complètement chauve et avec une moustache
longue et pendante. Sans aucune prétention, il ne donne pas la moindre
indication de vouloir jouer le grand homme ou de faire
impression. Il semble vivre dans un état de relaxation permanente, à la
fois physique et mentale. Il parle un français rudimentaire qui consiste
presque entièrement en des noms communs et des adjectifs, et souvent dépourvu
de verbes et d’articles. De temps en temps, il s'adresse en russe à un
compatriote parmi les disciples, et celui-ci
traduit si nécessaire. Il sourit presque tout le temps, il s’agit d'un sourire
ironique, peut-être même légèrement moqueur.
On
m’introduit au Maître... Il prononce un jugement sur moi en quelques paroles
dont la signification précise m’échappe. Je lui demande s'il acceptera de
prendre la responsabilité de me guider dans le monde de l'esprit. Sa réponse
est une question :
"Est-ce que vous fumez ?"
"Non, ou au moins, seulement une bouffée de pipe de temps en temps, ou de
façon excessivement rare, une cigarette".
"Bien, alors", dit-il, "faites-vous
une idée de combien vous avez pu économiser en ne fumant pas, donnez-moi
l'argent et alors je prendrai la
responsabilité de vous guider".
Est-ce qu'il plaisante ? Ou est-ce qu'il peut parler sérieusement. ? Je
préfère considérer cela comme une plaisanterie car je ne peux avoir qu’une
pauvre estime pour un "maître" qui est prêt à vendre sa sagesse pour
de l'argent. Néanmoins, des années plus tard en Inde, j'ai découvert, du point de vue de la
tradition hindoue, qu’il n'y avait rien d’insultant dans une telle demande.
C'était l’usage, auparavant, de donner au Gourou la dakshina,
c'est-à-dire, un paiement pour son enseignement. Néanmoins, je n'ai jamais vu
quelque chose de tel parmi les grands sages d’aujourd'hui que j'ai rencontrés.
Gurdjieff semble avoir fait la cuisine lui-même, ou au moins s’être
impliqué pour y mettre la dernière
touche, car je le vois, la louche à la main, en train de remuer quelque chose
dans la casserole sur le réchaud.
Le moment est venu de manger et nous nous
mettons à table. A côté du Maître et de Madame de S. il y a nombre de gens que
je ne connais pas. Depuis le début, G. met chacun à l'aise. Il n'y a rien de
formel, pas de cérémonie d'aucune sorte. Je me sens complètement à la maison. Il y a de nombreux petits plats,
hors d’œuvres, etc., la plupart délicieux mais qui me sont tout à fait
nouveaux. Peut-être sont-ils russes, grecs ou du Caucase, car le maître est en
fait un grec caucasien ; ou peut être sont-ils faits d’après des recettes qu'il
a rapportées d'Inde, du Tibet ou de Mongolie.
Ce qui m'a stupéfait, néanmoins, et même
choqué, c'était la boisson. Elle était servie dans des petits verres, plutôt
comme des verres à vin de par leur taille. Il n'y avait pas d'eau sur la table
ni même de vin, seulement cette portion avec un haut degré d'alcool. Vodka,
peut-être ? De toute façon vous pouviez manger ou non, mais boire, il le
fallait. Il n'y avait pas d'échappatoire. Le maître lui-même prenait soin que
chacun vide son verre et le remplissait immédiatement. Il n'y avait pas de
place pour les récalcitrants.
Moi-même, j'étais un buveur
d'eau, et je ne vivais pas cela comme un manque à ma personnalité ! En des
occasions très rares, je prenais un peu de vin, mais j'avais en horreur les
boissons alcoolisées. Je n'avais jamais été capable de comprendre comment on
pouvait prendre plaisir dans ce liquide qui mettait la bouche en feu, induisait
des contractions douloureuses de l’œsophage et produisait des étranglements et
des hoquets. À cette occasion, j'ai essayé de manœuvrer, pour échapper à la torture,
mais le Maître était implacable. Tout ce que j'ai réussi à faire était
d'échapper éventuellement à une tournée ou de laisser quelques gouttes dans mon
verre.
Néanmoins, en dépit de mon
inexpérience en alcool, je ne suis pas devenu ivre. Je ne suis même pas devenu
bavard. Était-ce peut-être l'influence du maître ? Peut-être avait-il ajouté
dans la boisson une sorte d'antidote ? Peut-être seulement était-ce que je
pouvais supporter l'alcool mieux que je me l'étais imaginé. Il est possible
aussi qu'il y ait eu un élément délibéré dans la technique du maître
d'alcooliser un disciple ou un nouveau venu, car l'alcool induit un état de relaxation mentale et de
loquacité et cela rend ainsi facile d'évaluer la personnalité et le tempérament
de quelqu'un qui est sous son influence.
À chaque tournée, nous portions
un toast. Ce n'était pas un toast de banquet conventionnel, néanmoins ; c'était
un toast aux "idiots"... Ainsi, par exemple, quelqu'un disait "je bois à l'idiot sans espoir".
Cela n'est pas aussi ridicule qu'il y paraît. Car le but de toute discipline
spirituelle est, après tout, de transcender
pensée et langage et, au bout du compte, de réduire le mental au
silence. C'est pourquoi le spirituel "idiot" se trouve à l'autre
extrême de celui qui lui correspond dans le monde ; car, tandis que le second
est en bas de l'échelle sociale, le premier en a atteint le sommet par la
réalisation spirituelle. Or, l'espoir est la variable centrale qui motive notre
fonctionnement de pensée. Abandonner tout espoir et tout désir, c'est se
libérer soudainement de toutes les ombres qui nous illusionnent. C'est alors
que le Réel qui est le Bonheur parfait se révèle spontanément.
Après le dîner, je pris congé du
Maître ; mais plus tard dans la soirée, il devait y avoir une rencontre des
disciples à laquelle j'étais invité. D'abord,
je suis allé chez Madame de S. Nous nous sommes rassemblés là-bas pour
des exercices spirituels et pour des instructions sur des sujets tels que les
méthodes de méditation. Ensuite nous sommes allés chez G. pour la rencontre. Je
ne peux guère la décrire. Elle n'avait absolument aucune ressemblance avec
aucune autre rencontre à laquelle j'avais assisté ou dont on m'avait parlé.
C'était plus comme un cocktail. Nous étions debout, nous nous déplacions,
parlions, rions, plaisantions... Et nous
buvions encore un coup! Les verres étaient plus petits cette fois-ci mais la
liqueur était plus forte. Malgré le chahut et
la confusion, G. veillait à ce que l'on vide les verres consciencieusement.
J'ai saisit l'occasion d'un instant où son attention était engagée ailleurs
pour repasser mon verre au voisin qui était plus porté que moi sur ce genre de
liquides, mais hélas !, le maître m'a pris la main dans le sac, et m'a regardé
avec réprobation. "Je voulais vous inclure dans le cercle ésotérique, mais
maintenant vous ne serez que dans l'exotérique", me dit-il, ou quelque
chose dans le même sens. C'est ainsi que je fus déboulonné... Nous étions vingt
ou trente dans une chambre ordinaire d'appartement. Presque tous étaient jeunes
; il n'y avait pratiquement pas de personnes plus âgées. La plupart de ceux qui
étaient présents m'étaient inconnus mais la plupart semblaient venir de milieux
aisés. Il y avait des docteurs, des écrivains et des artistes. Certains avaient
à l'évidence une foi profonde dans leur maître, mais la plupart semblaient
avoir trouvé quelque chose de bon dans cet enseignement puisqu'ils revenaient
chez G. pour ces rencontres et les suivaient régulièrement.
Le Maître était entouré par de
nombreuses jolies filles. L'une d'entre elles, était particulièrement jeune
(pas plus de dix-huit ans) et particulièrement jolie; elle semblait être la
favorite. Les médisants insinuaient que les contacts du maître avec ces
"jeunes esprits " n'étaient pas limités aux sphères mystiques ou même
platoniques.
Alcool et femmes? Etait-ce cela
que cette section de la haute société parisienne venait chercher ? Certainement
pas. Pas cela. Ou, au moins, pas "seulement" cela. Il y avait plein
d'endroits à Paris où l'on pouvait trouver facilement de telles occasions de se
distraire. Loin de moi l'idée de porter un jugement sur le maître russe. De
fait, mes contacts avec lui ont été trop brefs pour me donner le droit de le
faire, après quelques jours j'ai battu en retraite pour ne jamais revenir. En
ce qui concerne la vie spirituelle, je ne suis,
hélas, qu'un conformiste vulgaire. Mon idéal du sage est le type
classique de l'ascète pur "comme une goutte de rosée", "lumineux
et transparent comme un saphir". J'ai choisi de prendre la grande route,
la route qui mène l'esprit à sa dissolution dans l'Absolu, grâce à un travail
de purification et de raffinement.
Il est vrai, néanmoins, que
l'Absolu transcende à la fois le bien et le mal et qu'il y a une route suivant
un parcours négatif à travers nos esprits. Des écoles de pensée qui ont essayé
d’exploiter le dynamisme de l'union sexuelle afin de nous rendre capables de
transcender nos limitations humaines ont existé de tout temps.
La Bible
parle des horreurs des cultes de Baalzebut et de Moloch, les enfants d'Israël
étant chargés de les déraciner afin de les remplacer par le culte d’El-Elyon,
le Seigneur suprême. Dans la Grèce ancienne, les voies dionysiennes et
apolliniennes semblent avoir existé côte à côte. A notre époque aussi, un bon
nombre de ces différents mouvements apparaissent et fleurissent en Inde. Le vamâchâra est une branche de l'école shakta. "Cet horrible vamâchâra" comme Vivékananda
l'appelait, a pris comme objet de son adoration tout ce que l'Inde orthodoxe a
en horreur ; l'union sexuelle, l'alcool et la viande. Il offre à ses fidèles,
non pas la renoncement au monde comme un moyen vers le bonheur et la
libération, mais bhokti-mukti, les
plaisirs du monde et la libération en même temps. Les aghorapanths sont un groupe de yogis parmi lesquels même le
cannibalisme n'est pas inconnu. Ils ont pratiquement disparus aujourd'hui, bien
qu'on puisse toujours en rencontrer dans la région montagneuse de Girinar au
Goujarat. Il y a aussi un autre groupe qu’on appelle aussi les sahajikas et qui sont associés à la voie
vishnouïte. Chez eux, les disciples entretiennent des relations amoureuses, et
quand le maître demande à une disciple : "As-tu trouvé ton
Krishna. ?", le sous-entendu est, "est-ce que tu as trouvé un
amant parmi les disciples ?"
La
plupart des membres de telles sectes, si même ils réussissent à s'élever
au-dessus des instincts animaux, ne le font qu'afin de maîtriser des arts
magiques inférieurs, tels que l'art de la séduction, de dominer l'autre comme
un esclave ou de tuer un ennemi par des moyens surnaturels, etc..
Toutes
ces voies sont difficiles et dangereuses, elles ne sont pas adaptées à l’esprit
Occidental. Il est vrai qu'on ne peut discuter le fait que le maître n’est plus
sujet aux conventions sociales et aux critères de bien et de mal ou à la loi
morale ou religieuse ; mais, étant identifié au "bien parfait", il
n'accomplira que des actions en règle générale qui sont au-delà de tout
reproche ; à ce sujet Ramakrishna, avec son langage familier, donne ce
commentaire : "un danseur parfait ne met jamais un pied de
travers", et de fait, ni en Inde ni à Ceylan, je n'ai rencontré un sage
parfait qui allait à l'encontre du code moral ou des conventions sociales.
Néanmoins, des histoires et
légendes parlent de yogis ayant exercé librement leur droit d'être
"au-delà du bien et du mal". Vimalakirti, un des disciples laïque du
Bouddha avez atteint un tel degré de perfection qu'il pouvait fréquenter les
cabarets et d'autres lieux de débauche impunément. C'est du moins ce que nous
dit le Vimalakirti Nirdesha. Il était
aussi tellement doué comme dialecticien qu’aucun des grands disciples du Maître
ne pouvait lui faire face…..
Une
autre histoire nous parle du grand Shankaracharya, célèbre par sa sagesse et sa
pureté. Un jour, voulant donner à ses disciples une leçon, il en prit une
douzaine avec lui dans une taverne et commanda de la liqueur. En Inde, on a une
grande vénération pour les gourous et l’on considérait Shankaracharya comme un
maître du plus grand ordre, mais boire du vin est considéré comme une faute
grave même parmi les laïcs, et les
disciples se demandaient s'ils devaient suivre l’exemple de leur maître.
Beaucoup d'entre eux décidèrent de boire mais ceux qui avaient plus
d'expérience s’abstinrent. Shankaracharya ne fit pas de commentaires et après
avoir quitté la taverne continua à marcher comme d'habitude, entouré par ses
disciples. Il rentra ensuite chez un forgeron et commença à avaler des braises
rougeoyantes. Inutile de dire qu’à ce moment-là, aucun de ses disciples n’osa
suivre son exemple.
En une
autre occasion, Shankaracharya a prouvé sans aucune contestation possible qu’il
était au-delà du bien et du mal. Afin d'accomplir sa mission – qui était de
rétablir le brahmanisme orthodoxe dans une Inde qui subissait alors l'influence
bouddhiste – il sillonnait en tous sens le pays, en s'engageant dans des
discussions religieuses avec des moines bouddhistes et avec des représentants
d'autres groupes. A cette époque-là, ce qu'il y avait en jeu dans ces
discussions était beaucoup plus qu'une simple bataille de mots. Il n'était pas
rare que le perdant soit obligé de se brûler vif ou de se noyer dans la mer.
Une de
ces joutes philosophiques eut lieu un jour avec un célèbre brahmane appelé Madan Mishra. Ce dernier
était un représentant de l'école du Purva
Mimansa qui considérait que l'accomplissement des rites sacrificiels
prescrits par les védas était suffisant en lui-même pour l'obtention du but
suprême et qu'il n'y avait pas besoin du renoncement au monde que
Shankaracharya prêchait. L'enjeu sur lequel on s'était mis d'accord a été le
suivant : si Madan Mishra était battu, il devrait renoncer au monde, devenir un
moine (sannyâsin) et vivre selon les enseignements de l'école de
Shankaracharya. Si, au contraire, ce dernier était battu, il devrait abandonner
la discipline monastique et vivre une existence
dans le monde.
La joute
oratoire commença et dura pendant plusieurs jours jusqu'au moment où,
finalement, Madan Mishra fut obligé d’avouer sa défaite. Sa femme, néanmoins -
une femme intelligente - intervint et affirma que la victoire de Shankaracharya
n'était pas complète. Un homme et son épouse étaient un, soutenait-elle, et
Shankaracharya se devait encore de vaincre la femme. Shankara accepta le défi.
La femme amena la discussion sur le Kâma
Soutra (- qui règle les relations sexuelles) et Shankara, qui avait toujours vécu une vie de chasteté
des plus strictes, était complètement
ignorant de ce sujet. Cependant, il refusa d’admettre sa défaite et demanda
qu'on reporte la discussion pour lui permettre
de s'informer.
Shankara
ne pouvait pas, bien sûr, s’autoriser à avoir des relations sexuelles ; son
corps physique était un corps de yogui, pur depuis l'enfance. De plus, son
prestige en tant que réformateur en aurait été considérablement affecté ;
mais il contourna la difficulté. Le râja voisin venait de mourir. Il sortit de
son corps physique qu’il laissa dans la jungle sous la garde de quelques-uns de ses disciples, et entra dans le corps du râja. On peut
imaginer la surprise des ministres et des reines quand elles ont vu revivre le roi au moment
même où ils allumaient le bûcher funéraire. Mais ce n'était rien comparé à leur
stupéfaction quand ils s'aperçurent que ce roi, qui avait été un homme très
ordinaire, parlait et se conduisait désormais comme un grand sage. Le moment où
ils ont suspecté la vérité ne s'est pas fait attendre : quelque yogui avait dû
effectuer un transfert de conscience - et comme ils étaient prêts à payer
n'importe quel prix pour conserver avec eux un gouvernant si exceptionnel, ils
envoyèrent des soldats avec pour ordre de fouiller le pays et de brûler immédiatement les corps
dépourvus de vie qu'ils pourraient trouver.
Pendant
ce temps le roi, Shankara, eut le temps de profiter des reines, de goûter aux
plaisirs de la Cour et finit par oublier complètement ce qu'il avait été dans
le passé. Les disciples, quand ils virent que leur maître ne revenait pas,
envoyèrent l'un des leurs à sa recherche. Il
réussit à entrer dans le palais, malgré les gardes et récita au roi -
Shankara - une hymne que lui-même avait composée à la gloire de l'Atman. En
entendant cela, Shankara s'est souvenu de son identité véritable et entra de
nouveaux dans son corps qui revint à la vie au moment même où des soldats du
roi qui l'avait trouvé étaient sur le point de le jeter aux flammes.
Maintenant, tout à fait au courant au sujet des relations sexuelles,
Shankara retourna auprès de Madan Mishra et
reprit la discussion avec sa femme qui a été finalement vaincue comme
son mari l'avait été. Les deux prirent le sannyas, l'initiation monastique,
et furent en fait du nombre de ceux qui
ont soutenu le plus ardemment le mouvement védantique.
Parfois, il est vrai, un gourou
peut demander à son disciple, dans des circonstances exceptionnelles,
d'accomplir ou de subir un acte répréhensible qu'il considère indispensable à
son progrès. Ceci est illustré par les deux histoires suivantes :
La première est au sujet de maître Chih-Yueh (adaptée du Takatsu Tripitaka) :
Le maître de la loi, Fa-Hui était
un moine bouddhiste chinois qui avait fait de grands progrès dans le monde de
l'esprit. Mais il n'avait pas encore atteint la réalisation complète. Un jour,
une religieuse lui conseilla très sérieusement d’aller à Kucha dans le Turfan,
au monastère de la "Fleur d'or" où demeurait Chih-Yueh, un maître renommé qui, dit-elle, lui
enseignerait le dharma suprême.
Fa-Hui
suivit son conseil. Il alla voir Chi-Hueh qui le reçut très cordialement et
après lui avoir offert un pichet plein de vin, l'invita à boire. Fa-Hui
protesta avec véhémence qu'il ne pouvait pas s'obliger lui-même à avaler
quelque chose d'aussi impur ; là-dessus, le maître Chih-Yeh le prit par les
épaules, le fit se retourner, et sans autre forme de cérémonie, lui montra la
porte. Toujours avec le pichet en main, Fa-Hui se dirigea vers la cellule qui
lui avait été assignée. Dans cette cellule, il réfléchit avec sagesse :
"après tout, j'ai fait tout ce chemin simplement pour chercher son
conseil. Il se peut qu'il y ait quelque chose dans sa manière d'arranger les
situations que je ne comprends pas. Je pense quand même qu'il vaut mieux que je
fasse ce qu'il m'a conseillé."
Sur ce,
il avala tout le vin du pichet d'une seule traite. Complètement ivre, malade et
misérable, il perdit finalement conscience. Quand il se réveilla, dégrisé, il
se souvint qu'il avait brisé ses vœux monastiques et dans sa honte
complète, commença à se battre lui-même
avec son bâton. En fait, il était tellement désespéré qu'il était prêt à mettre
fin à ses jours. Le résultat de cet état de désespoir, néanmoins, fût qu’il
atteignit l’Anagami Phala (le
« fruit du Sans-retour »),
l'avant-dernier stade de la réalisation spirituelle mentionné dans les
Ecritures bouddhistes, le stade suprême étant celui d’Arahant.
Quand il
se présenta de nouveau devant le maître Chi-Yueh, celui-ci lui demanda :
"est-ce que tu l'as eue ?"
"Oui, je l'ai eue" répondit Fa-Hui.
La
seconde histoire va dans le même sens. Nanda, le cousin du Bouddha, avait pris
l'habit monastique, mais il accomplissait ses pratiques sans enthousiasme et
avait un désir profond de retourner à la vie du monde. Etant mis au courant de
cela, le Bouddha lui demanda si c'était vrai qu'il souhaitait revenir à la
"vie inférieure" et si cela l'était, quelle pouvait en être la
raison. "Vénérable", répondit
Nanda, "le jour où j'ai quitté la maison, une jeune fille du pays des
Sakyas (le royaume qui était gouverné par le père de Gautama Bouddha), en fait
la plus belle des jeunes filles du pays, ses cheveux moitié dénoués, s'est
retournée pour me regarder partir et a dit, "Puisses-tu revenir bientôt,
jeune maître." Je pense à elle, ô Vénérable. C'est pourquoi je n'ai pas
d'intérêt dans les pratiques spirituelles et je pense bien les abandonner afin
de retourner à la "vie inférieure".
En utilisant ses pouvoirs surnaturels, le
Maître prit Nanda par la main et le transporta au royaume de Sakka, un autre
nom d’Indra, le roi des dieux. Là-bas, cinq-cent apsaras, des nymphes d'une beauté divine, servaient le roi des
dieux. On les appelait : "celles aux pieds de colombes." Le Bouddha
demanda à Nanda si elles étaient aussi belles que la fille des Sakyas.
"Comparée à ces nymphes", répliqua Nanda, "la plus belle des
Sakyas ressemble à une guenon dont on aurait coupé le nez et les
oreilles." Ramenant Nanda sur terre, le Maître promit alors que s'il
pratiquait de façon intense et consciencieuse, il pourrait conquérir ces
nymphes divinement belles. Sous peu, les autres moines devinèrent que le
vénérable Nanda accomplissait ses rites religieux dans le but de gagner les
cinq-cent nymphes et il devint l’objet de leur dérision. Envahi par le chagrin,
la honte et le dégoût, Nanda se réfugia dans la solitude et mit toute sa
ferveur dans ses pratiques spirituelles. Très rapidement, il réussit à atteindre l’illumination finale. Et
il va sans dire qu'il oublia complètement les nymphes et la fille des Sakyas
car, comparée à la joie de l'illumination, les plaisirs des mondes d'ici-bas et
de l'au-delà ne sont rien.
Il
existe de nos jours - et j'en ai rencontré - des êtres humains ayant essayé et
réussi. J'ai vécu parmi eux et je suis encore sous la direction spirituelle
d'un des plus grands d’entre eux. (Vijâyananda parle de Mâ Anandamayî, mais il
ne voulait pas mentionner son nom dans ce premier livre général sur son
itinéraire intérieur par délicatesse, son souci étant de ne pas gagner d'argent
avec le nom de son maître.) Est-ce du Védanta ou du Yoga ? Du bouddhisme ? A
moins que ce ne soit de la kabbale, du soufisme, ou peut-être de la théosophie
? Tous ces propos ne sont que des mots, des étiquettes sur des flacons. Et
souvent l'étiquette est fausse, le flacon vide. C'est en nous-même que se
trouve la solution du problème. Ce qui est réel en nous ne peut pas mourir. Ce
qui est au centre de notre conscience est identique en tous les êtres. Ce qui
est la base et le support de toute chose, qui ne peut être atteint ni par la
souffrance ni par la mort, est aussi l'essence même de notre personnalité. Mais
faut-il aller pour cela à Ceylan ou aux Indes ? Certes non ! Mais
peut-être était-ce mon destin d'aller au pays des grands sages. Peut-être aussi
les conditions extérieures y sont plus favorables à l'introspection, et à une
vie de recherche intérieure. Mais mon objectif immédiat, c'était de rencontrer
un de ces grands sages "qui a réussi" et de bénéficier de ces
conseils. Mon programme était de visiter d'abord Ceylan, et si possible de
vivre une courte période dans un monastère
bouddhiste. Après, ce serait l'Inde, mais je comptais me limiter au sud car les
trois grands sages célèbres, Ramana Maharshi, Râmdâs et Shrî Aurobindo vivaient
dans le sud. En outre, mon temps disponible était limité à un mois de séjour……
Ma rencontre avec
l’Occident à la lumière de l’enseignement de Shrî Mâ
par Bithikâ Mukerjî
Invitation à l’étranger
Le
Pr.Sivaraman [un professeur de philosophie à l'Université de Bénarès qui
s'intéressait aussi beaucoup à la rencontre des religions et qui a ensuite
émigré au Canada] avait cependant une inhibition envers la forme féminine du
Gourou. Quand il en fit part à Shrî Mâ, il l’entendit lui dire :
« Regardez au-dedans de vous, le Gourou réside en votre cœur, vous n’avez
qu’à écouter ce qui vient de vous-même. » Le cher Professeur en fut
bouleversé et il reconnut Mâ pour être ce qu’elle était.
Il me demanda de participer avec lui à la grande poujâ la nuit de mahâshivaratrî à l’ashram. Shrî Mâ avait introduit une nouvelle
façon de la célébrer en installant une douzaine de réceptacles pour contenir
chacun un shivalingam décoré de
fleurs, de guirlandes. L’ashram avait accueilli presque 200 participants qui
devaient ensuite se baigner dans le Gange. Les chants (kîrtans) durèrent toute la nuit, dans l’envoûtement de l’encens,
des fleurs et des sucreries distribuées comme prasâd. La magnificence et la quiétude de cette manifestation
étaient rendues uniques par la présence de Mâ qui présida de nombreuses autres poujâs.
Le Dr.Sivaraman avait prié
pour pouvoir être appelé dans une université étrangère où il aurait pu
enseigner dans sa langue habituelle, l’anglais. Il eut l’impression que Shri Mâ
l’aiderait à exaucer sa prière, si bien que lorsqu’il reçut deux invitations à
la fois pour le Canada et la Suisse, sa femme eut l’idée de lui faire proposer
ma candidature pour aller à sa place à la Graduate School du Château de Bossey
qui dépendait de l’Université de Genève. J’en fus flattée et confuse. C’était
très généreux de sa part, lui qui était un nom prestigieux déjà à cette époque,
alors que personne n’avait jamais entendu parler de moi dans le monde
universitaire, et encore moins à l’étranger. Je me demandais comment j’allais
pouvoir traiter tous ces problèmes de dialogue entre les religions, mais il me
répliqua sur un ton badin : « Soyez seulement vous-même ».
Mais
voilà que maintenant, cela me posait un problème. Je savais que Shrî Mâ
n’approuvait pas ceux qui s’en allaient à l’étranger. Je l’avais entendue dire
maintes fois à des jeunes qu’il était préférable de rester dans leur propre
pays, même au prix de modestes conditions, plutôt que d’aller vivre à
l’étranger dans l’abondance. Pour être honnête, elle donnait le même avis aux
étrangers qui demandaient à se transférer en Inde. Elle semblait considérer le
bagage culturel de chacun comme crucial en tant que formation. Il est plus
facile de nager dans le sens du courant plutôt que contre. Sachant cela, mon
problème était : comment puis-je demander à Shrî Mâ la permission d’aller
à l’étranger à mon âge ?
En
fin de compte, après mûre réflexion, quand je vins m’asseoir devant elle lors
de mon entrevue privée, je m’expliquai au sujet de cette offre pour Genève, et
je lui dis : « Mâ, j’en ai assez des conditions de travail dans mon
collège. J’ai là une occasion unique de me rendre à l’étranger et d’apprendre
davantage sur le monde universitaire. J’ai très envie d’accepter cette
invitation. Maintenant parlez-moi de votre kheyâla,
dois-je y aller ou pas ? » (p. 292)
L’enseignement de Mâ sur les religions
Shrî
Mâ demeurait silencieuse. Je m’étais rendue jusqu’au Kalkaji Ashram de Delhi
pour obtenir sa permission d’aller enseigner à l’étranger. Elle était à
demi-inclinée sur son chowki. Elle me
regarda quelques instants et me posa ensuite plusieurs questions concernant
cette assignation. Elle parla d’une voix douce qui m’était à peine audible.
J’en ai des frissons en écrivant, et en me souvenant de cette incomparable
indulgence à propos de la complaisance envers moi-même sous-entendue dans ma
requête. A ce moment-là, je n’appréciai même pas le fait qu’elle avait
interrompu son silence pour me parler longuement. Je m’empressai de répondre à
ses questions, en lui expliquant tout sur ce discours des chrétiens par rapport
à celui des autres religions, et en lui parlant de mon déplacement au Château
de Bossey. Je ne fus pas surprise de voir qu’elle comprit instantanément le
contexte en général et tous ses problèmes en particulier. Elle parla de la
situation et de comment elle se développerait pour moi ultérieurement. Je pris
des notes en hâte dans un calepin. L’endroit où nous étions était peu éclairé
et j’écrivis sans trop bien voir ce que je faisais, car en même temps, je
regardais le visage de Mâ et les gestes délicats de ses mains magnifiques, qui
soulignaient toujours son discours de façon expressive.
J’exposai
à Shrî Mâ ma propre compréhension du christianisme disant que j’aurai à entamer
le dialogue avec ses porte-parole.
Je
lui demandai : « Mâ, comment
peut-on expliquer la personnification de l’Etre Suprême en tant que
Dieu ? »
Shrî
Mâ : Quoi que l’on puisse dire, Personnel, Impersonnel – Le Seigneur
est Lui-même tel qu’Il est. Il est la réalité absolue, omniprésente dans
l’univers, autant que demeurant au plus profond de l’être (antaryâmin). Il est au-delà de toute compréhension, et en même
temps, Il est le Soi intérieur en chacun, n’est-ce pas ? Lui seul est
(qu’on le considère comme inconnu, ou à connaître) Celui qui est sans nom, sans
forme. Cependant, tous les Noms sont Siens, Il est présent partout et
universellement manifesté. Où n’est-il pas ? Quand on touche la main de
quelqu’un, il dit : « Ceci est moi ». Même ses vêtements
indiquent sa présence.
Toutes
les religions reconnaissent Sa présence, elles prennent leur source en lui.
Comment saisir cette immensité ? Prenons l’exemple d’une personne seule
dans le tourbillon des relations (irradiant de lui) : il est le père, le
fils, le mari, le frère, etc. Il en est ainsi dans toutes les religions. Ce
sont toutes des relations intimes et chacune est unique en elle-même.
Question : Les chrétiens
croient que le Christ est une Incarnation,
la seule Incarnation envoyée pour sauver l’humanité. Il est le seul
médiateur entre Dieu et l’homme.
Shrî
Mâ : D’accord, il est certainement juste pour les chrétiens de croire
cela, pourquoi pas ? La foi perd de sa vigueur spirituelle si elle est
universalisée. Ce n’est pas nécessaire d’en arriver là. La miséricorde
illimitée de Dieu est répandue partout, Lui seul sait ce qui est bon pour
chacun de nous. Si chaque individu regarde son propre voyage spirituel, alors
il peut apporter l’aide la meilleure à ses compagnons de route.
Chaque
communication de la Vérité est un évènement unique. Aucun de ces évènements ne
peut être comparé à un autre. En célébrant cette Vérité, les communautés
religieuses (sampradaya) se forment
ou prennent tournure. Les communautés également sont nécessaires. Elles
fournissent la cohésion, l’unité générale des objectifs à atteindre, et elles
donnent du courage à ceux qui ont un moral faiblissant. C’est une bonne idée
que d’appartenir à une communauté et de marcher sous sa conduite pour obtenir
l’illumination. Il n’est pas nécessaire de se méfier de la foi de nos amis
chercheurs de Vérité.
Question : Les chrétiens
restent attachés très fortement à l’unique évènement historique de
l’Incarnation du Christ. Ils sont engagés dans leur mission.
Shrî
Mâ : Pourquoi devrions-nous poser des limites à l’infini, ou des
restrictions de temps à ce qui est intemporel, c'est-à-dire l’éternel ?
L’infini a des moyens infinis pour se révéler lui-même. Personne n’a le droit
de dire ‘c’est seulement ainsi et pas autrement’. Bien que, à proprement
parler, un tel credo est aussi admissible, car chaque optique est concevable.
Après tout, quelle est l’étendue de ce que l’on peut rejeter - à l’intérieur de
l’ensemble de la Vérité ? Réclamer l’exclusivité est une façon de
renforcer sa propre foi et sa dévotion, mais dénigrer la loyauté des autres est
déplacé, injustifié. Le véritable pèlerin devrait apprécier les efforts de ses
amis grands voyageurs.
Question : Si
quelqu’un croit en une seule et unique Incarnation, comment peut-il comprendre
la vérité des autres manifestations ?
Shrî
Mâ : L’Incarnation est vraiment seule et unique, c’est une descente, une
venue, une approche, un avènement, chacun étant unique à sa façon. Comme je
l’ai dit, il n’y a rien ni personne à part Dieu. Le vrai nœud de la question
est qu’il faut aller de l’avant ! Pour avancer dans une direction, il est
exigé un effort suprême, constant, déterminé, sans faille. Se détourner de ce
but par comparaisons et contrastes équivaut à ralentir, à moins que certains ne
soient habitués à un renforcement de leurs objectifs dans un esprit d’unité, de
communion. L’Un englobe tous les chemins menant à la réalisation de cette
vérité.
Question : Mâ, on ne
peut pas croire en l’Un, en l’Unique seulement. Une créature, un être, sont
séparés de Dieu pour toujours.
Shrî
Mâ : Oui, bien sûr. Comme Dieu ne peut pas être saisi par l’esprit, Il est
séparé pour toujours. Etre humain veut dire habiter dans le monde des images
mentales. Le mental limite la compréhension. Dieu est séparé de l’être parce
qu’il demeure au-delà des idéalisations du mental. Ce qui est suprême est, par
conséquent, au-delà encore. Aussi, il est juste de dire ‘Dieu et sa créature’. La compréhension de la séparation est
elle-même la ligne de partage [italiques ajoutées par Bithikâ]. Il est
votre soi le plus profond, votre témoin le plus intérieur, votre vous le plus
intime.
Question : Est-ce qu’un
médiateur est nécessaire pour connaître Dieu ?
Shrî
Mâ : Oui, mais Dieu lui-même se révèle comme le Gourou (Médiateur). Le
Gourou est Dieu lui-même. Lui seul connaît les exigences du vrai disciple. Pour
invoquer la présence du Gourou on doit devenir un vrai disciple.
Question : Est-ce que tous les
chemins ont la même valeur ?
Shrî
Mâ : Oui, pour autant qu’un chemin soit suivi de façon concentrée, sincère
et persévérante. Cependant, il existe des chemins et sentiers qui se révèlent
être des déviations. Quelqu’un naît avec certaines prédilections (samskaras) qui façonnent les attitudes.
La façon de vivre est un amalgame d’actions, de croyances et de connaissances (karma, bhakti, jñâna). La façon
dont on organise sa vie déterminera le chemin à suivre. Dans la sphère de la
recherche de Dieu, l’aide fixe de façon inévitable, même si quelqu’un est
ignorant et ne distingue pas clairement la voie juste, notre chemin est
réorienté dans la bonne direction par le Gourou qui apparaît immanquablement de
façon à apporter de l’aide et à montrer la route. Ce sont les propres efforts
de chacun et la sincérité qui doivent être évalués, pas les faits.
Question : Comment peut-on
savoir si on n’est pas en train d’errer sans but ?
Shrî
Mâ : Quiconque est sur le chemin en quête de Cela est touché par la paix
de la vérité. Dans ce domaine où celui qui cherche trouve, il n’y a aucune
possibilité pour qu’un véritable effort soit fait en vain, ou qu’un manque de
sincérité produise des résultats. L’effort est requis parce que l’homme utilise
sa volonté pour atteindre des buts matériels. Ainsi la volonté peut également
devenir comme des courroies qui conduisent l’homme au-delà de ses limites.
En réalité, seule la miséricorde de Dieu prévaut.
Quand on fait un pas vers lui, Il en fait dix vers nous. En fait, Il est
constamment avec nous. La recherche en elle-même devient, par conséquent, la
conclusion.
Dans
tout mon dialogue avec les autres religions, ce sont ces mots de Shrî Mâ qui me
servirent de planche de salut. Au fur et à mesure de mes études et de mes
recherches dans les années qui suivirent, ils prirent une signification
toujours plus grande pour moi. En juxtaposition avec les courants de la pensée
occidentale, j’appris à reconnaître la richesse et l’importance de l’héritage
oriental. Ceci me permit de tenir d’éloquentes conversations avec le Professeur
George B. Grant, philosophe bien connu au Canada à cette époque. Soit dit en
passant, je peux dire que, bien que Shrî Mâ ne m’eut pas donné le ‘feu vert’
pour m’en aller, elle dut avoir un kheyâla
à ce propos, car je reçus pas mal d’invitations pour me rendre à des
conférences dans les années qui suivirent, jusqu’à ce qu’un jour, je fus
obligée d’en décliner deux ou trois qui ne me convenaient guère. Il n’en est
pas moins vrai que mon souhait d’aller à l’étranger, exprimé en présence de Mâ,
me submergea d’opportunités pour mon propre épanouissement. (p.292 à 295)
Au
Château de Bossey
Après
mon vol Bombay-Londres, mon installation eut lieu au Crosby Hall (Chelsea), un
vaste foyer pour universitaires du monde entier. Mon séjour en Angleterre fut
plaisant, la circulation automobile n’y était pas encore gênée par les
embouteillages comme maintenant.
C’est
en octobre 1972 que je me transférai en Suisse, au Château de Bossey, peu
distant de Genève, dans un environnement splendide aux couleurs de l’automne. Cela me prit bien deux
bonnes semaines pour m’acclimater à l’atmosphère de la maison, car la session
1972-73 consistait en à peu près une cinquantaine d’étudiants du monde entier
provenant de 26 pays, représentant un vaste panorama de l’héritage culturel et
religieux. Certains étaient adultes et déjà prêtres, ou sur le point d’être
ordonnés, mais cependant singulièrement ignorants quant aux autres religions,
et n’ayant retenu de l’hindouisme que le fait qu’on y adorait les vaches comme
des créatures sacrées, et que le système des castes y était redoutable. Malgré
les discours, conférences avec traductions simultanées brillantes, séminaires,
discussions, la comparaison des religions du monde n’amenait guère à un
véritable rapprochement. La Graduate School de Bossey n’était pas un
groupe d’harmonieux fidèles. Néanmoins j’étais très appréciée par mes élèves et
les invitations en week-end furent enrichissantes : Montreux, le Château
de Chillon, Zermatt, le Mont Blanc (à peine entrevu dans les nuages), la
musique occidentale, la neige…
La
nuit de Noël fut célébrée à Bossey avec un service œcuménique élaboré. Je me
rendis à la Messe de Minuit. Je m’étais déjà familiarisée avec ce rituel et
j’étais contente d’y assister, avec probablement plus de dévotion que bien des
chrétiens.
Un
ami, Nicholas, m’invita en Angleterre dans le Yorkshire, après Noël. Ses
parents étaient charmants et je fus accueillie comme ‘l’enseignante indienne de
Nick’.
Je
garde de bien nombreux souvenirs de ces jours passés dans cette jolie contrée.
Un jour, nous fûmes tous peinés de savoir que l’une des secrétaires venait
d’apprendre la mort subite de sa mère en Amérique. Je me rendis dans son bureau
et la trouvai assise à sa machine à écrire, parfaitement hébétée devant une
page blanche. Lorsque je m’approchai, elle se retourna soudain, m’entoura de
ses bras et fondit en larmes. C’était une jeune américaine volontaire, tout à
fait capable de se prendre en charge, c’est pourquoi je fus très touchée autant
que surprise de sa réaction. Je lui dis tous les mots appropriés dont je pus me
souvenir et que Shrî Mâ disait à l’occasion de ce genre de deuils.
Je
dis : « Nous prierons ensemble ». Elle me regarda de façon confuse
et me confia : « Je ne sais pas comment on prie ». Je restai
avec elle jusqu’à l’heure où elle eut à prendre l’avion pour se rendre en
Amérique. C’était une gentille fille mais insensible à la qualité de la
dévotion. Il y en avait beaucoup comme elle, mais ce genre de modernité ne
m’était pas antipathique. Si les gens d’aujourd’hui pouvaient être heureux et
auto-suffisants, qu’ils le soient. Dieu est trop précieux pour venir sur
commande dans la vie de chacun. (p.299 à 308)
Traduit
de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
Extaits de Bithikâ Mukerjî; My days
with Mâ Anandamayi Indica Books -Bénarès,
2002, – En compagnie de Mâ Anandamayî
– Editions Agamat – Mars 2007
Mâ est ici et maintenant
par
Isabelle Trublet
Isabelle a découvert l'Inde et
Mâ lors d'un voyage aux sources du Gange organisé par Terre du Ciel et Jacques
Vigne. Depuis, elle vient très régulièrement au groupe de Claude Portal les
premiers dimanches de chaque mois à Saint-Germain-en-Laye ; elle y anime en particulier
les kirtans. A la demande de Jacques Vigne, elle nous fait part ici de quelques
réflexions sur la manière dont Mâ est entrée dans sa vie.
Elle a
sélectionné aussi des paroles d’Atmânanda dans le livre de Madou rapportant des
entretiens avec Atmânanda, A la
rencontre de Ma Anandamayî (disponible sur le site de Mâ www.anandamayi.org/ashram/french)
Ces paroles lui ont semblé particulièrement signifiantes. Nous les publierons
dans le prochain numéro.
Mâ est
entrée dans ma vie il y a sept ans, à l'occasion de mon premier voyage en
Inde ; je rencontrais - et ce n'était pas prévu - Swami Vijayânanda qui me
parla du bouleversement qu'Elle avait
opéré dans sa vie ("tous mes désirs sont tombés"), si fort qu'il
avait tout quitté. En le regardant, en l'écoutant, je me dis que celle (à la
fois maître et mère) qui avait suscité une telle transformation ne pouvait
qu'être authentiquement divine. Jusque-là, j'ai douté de l'existence de vrais guru
et n'avait jamais envisagé le Divin sous forme féminine ; je commençais à
comprendre que je réduisais l'infini à un point de vue (le mien !) aussi étroit
que déformant, à des représentations issues d'une personnalité, d'une culture,
d’une religion, d’une éducation particulière qui me masquait la vérité. Cette
forme nouvelle du Divin, non seulement féminine mais aussi enjouée, rieuse, non
plus sévère mais charmeuse, me le faisait paraître presque familier, attirant
et accessible, Elle pouvait changer aussi, je le sentais, ma façon de vivre, de
voir toute femme et de me voir moi-même ; ce n'était, bien sûr, qu'un autre
point de vue mais dont j'avais besoin pour me débarrasser d'idées reçues. Si le
chemin menait vers la joie, pouvait se trouver au cœur du quotidien, dans la
joie, s’il s'agissait d'être pleinement soi-même, cela m'intéressait beaucoup !
J'avais envie de m'approcher de cette femme sainte, splendide, rayonnante, de
lui ressembler. Mais je n'étais pas prêt à lui céder la place ! J'achetai un
livre sur Elle - dont j’abandonnais vite la lecture, de photos que je rangeais
dans un tiroir à mon retour en France... Pourtant je me retrouvais de passage à
Kankhal l'année suivante, heureuse d'y revenir, de revoir Swami Vijayânanda.
Par la
suite, Elle m'a donné de rencontrer, en France le plus souvent, d'autres
messagers fervents : des guides, des amis, pour partager la joie d'être avec
Elle, entretenir le feu, attiser l'envie d'être le plus souvent possible en sa
compagnie ; des témoins radieux, venus transmettre l'amour de Mâ, leur
émerveillement, attester par leurs récits, leur sourire, de tous leur être
qu'Elle est "ici et maintenant". "Mâ is here and now” affirmait Swami
Bhaskarânanda à Epernon en août 2001. Elle a dit : je suis toujours avec
vous ; c'est vous qui ne voulez pas me voir, que puis-je y faire ?" (Traduction de I am ever with you dans le
livre de Bithika Mukerji In your heart is my body parole n° 45). Aujourd'hui, quand je regarde ces photos, ces
paroles, des écrits sur Elle, quand je chante ses noms, quand je pense à Elle,
essaie de retrouver sa présence dans le silence, je me tourne vers la Lumière,
oublie le reste, et la joie peut jaillir. Mâ n'est pas la seule qui me rappelle
à la vie ; pourtant, Elle seule suffit. Elle joue de multiples rôles, et ce à
la perfection ; ce que je perçois ne représente sûrement qu'une infime partie
de la totalité. Elle est l’amie sur laquelle je peux toujours compter, le guide
de toute confiance, le centre stable auquel je peux me référer, l'inspiratrice,
l’élévatrice, la force ou la souffrance qui me secoue pour me réveiller, la
source qui me relie à tant d'êtres, le miroir qui me répète inlassablement que
mon vrai visage est infiniment beau. Son sourire me rappelle que j'ai mieux à
faire que de m'agiter pour rien, que je suis invitée à vivre une vie
incomparablement plus vaste, qu'Elle ne me lâchera pas. Même si je suis trop
encombrée pour recevoir pleinement ce qu'Elle me donne, je crois grâce à Elle à
cette réserve inépuisable, à cet amour infini, à cette possibilité de retrouver
mon être essentiel qui me sont offerts - en toute générosité. Je lui offre ces
mots en humble témoignage de reconnaissance : om Mâ Shri Mâ Jay Jay Mâ.
La mystique du silence
par Jacques Vigne
Nous
donnons ici une page de nouveau livre de Jacques Vigne paru en juin aux
éditions Albin Michel Spiritualités : La mystique du silence. Il s’agit
d’un extrait de la première partie : Ermite en Himalaya. Shrî Mâ recommandait les périodes de solitude et disait en jouant sur
les mots en hindi : ekant na
honé sé kant nahi miléga « Si l’on n’est pas
solitaire, on n’obtiendra pas le Bien-Aimé. » Le livre comporte une seconde partie Je suis qui compare mystique juive, chrétienne et védantique à propos du Nom
que le Seigneur s'est donné à lui-même sur le Sinaï en réponse à la question de
Moïse; et une troisième partie, la plus développée, qui couvre en sept
chapitres les enseignements sur l'Ecoute du silence dans les principales
traditions spirituelles.
Le mot
moine vient du grec monos qui signifie seul. Par ailleurs l'Absolu étant unique
peut être évoqué par le terme Seul: en sanskrit par exemple, kevalam signifie à la fois seul et
Absolu. Il s'agit d'un phénomène qu'on peut qualifier d'universel[1][1].
A priori,
la solitude correspond à une période intensive de l'itinéraire spirituel,
permettant d'atteindre un certain niveau. De même, un étudiant qui prépare un
examen se concentre sur ses livres et a tendance à rester isolé pour travailler
intensivement. Reste à savoir quel
niveau on veut atteindre. Les étudiants en troisième année de médecine peuvent
travailler comme infirmier, mais la plupart choisissent de continuer jusqu'au
diplôme de médecin, car ils
savent qu'ils pourront alors rendre des services
que ne peuvent
rendre des infirmiers. Certains même décident de
devenir médecins spécialistes et ils deviennent capables d'intervenir -en
opérant par exemple à cœur ouvert ou dans le cerveau- comme ne peuvent le
faire des médecins ordinaires. Il y a un certain
nombre de gens qui rêvent de pouvoir passer des périodes en solitude. Dans mon
cas, ce rêve se réalise.
On
reproche souvent aux ermites de fuir le monde et sa lutte pour la vie. Certes,
cela peut être parfois vrai, les misanthropes existent, mais ce genre
d'apprenti solitaire ne tient en général pas longtemps dans ce type de vie. Le
souvenir de leurs échecs dans le monde devient très intense et ils ne tiennent
pas le choc de se retrouver à temps plein en face des côtés sombres
d'eux-mêmes. Ceux qui prétendent que la vie de solitaire est une solution de
facilité prouvent simplement par là qu'ils ne s'y sont pas essayés
sérieusement. Il faut comprendre aussi que dans le monde la plupart des gens se
fuient eux-même, qui dans les plaisirs de la consommation, qui dans le travail
ou le désir, voir la névrose de reconnaissance sociale ou certains dans des
actions qui paraissent assez nobles de l'extérieur mais qu'ils utilisent comme
prétexte pour ne pas faire face à eux-même. Il y a une très belle ode mystique
de Rumi dont le refrain dit simplement :'Arrête-toi ici!'[2][2]. C'est ce que fait l'ermite. Il sait 'se
déposer' -comme on dit dans certaines provinces pour 'se reposer'...
Dans la
vie habituelle, on est entouré de toutes sortes de supports qui tiennent la
place symbolique de la mère nourricière. Le mari est ainsi entouré par sa femme
qui elle-même est également soutenue financièrement par son époux. Les
religieux ont tendance à se regrouper dans une institution-mère, qui les
nourrit et protège. L'ermite, lui, mange seul ce qu'il a préparé de ses propres
mains. Il n'a pas l'illusion d'être pour cela complètement indépendant du reste
du monde, car il sait bien qu'il n'a pas cultivé tout ce qu'il mange, et que
peut-être il vit de donations de fidèles. Mais il a quand même plus
d'indépendance que beaucoup d'autres.
S'il
monte en solitude, ce n'est pas par orgueil, c'est par humilité. Il ne fait que
se laisser aller à une inspiration forte comme une aspiration, un courant d'air
ascendant qui le porte comme l'oiseau près d’un col en montagne. A partir d'un
certain niveau d'intensité intérieure il s'aperçoit qu'il ne peut être au four
et au moulin à la fois, qu'il a chaque pied dans deux barques qui s'écartent,
et il décide de s'asseoir dans celle de la solitude pour la grande traversée. A
ce moment-là il se retire -s'il a la chance d'en avoir la possibilité; mais à
long terme, ne crée-t-on pas sa propre chance? N'invente-t-on pas ses propre
possibilités? On parle traditionnellement de passer «quarante jours»,
c'est-à-dire de nombreux jours dans le désert. Il s'agit aussi d'une «mise en
quarantaine» : on veut être sûr qu'on n'a pas développé certaines maladies de
l'âme, et le fait de rester «quarante jours» à s'observer nous permet de
vérifier ce que nous avons ou non comme maladie en germe au fond de nous. Dans
l'Eglise grecque vers le Ve siècle, on avait tellement confiance dans les
moines et ermites que c'était parmi eux qu'on recrutait les évêques. C'est une
tradition qui a tendance à perdurer jusqu'à nos jours dans l'Eglise copte.
Pourquoi
être ermite en Himalaya particulièrement? Il y a en fait deux sources
principales pour les religions du monde: Jérusalem et l'Himalaya. De nos jours,
Jérusalem n'est pas si paisible, les tensions là-bas occupent une bonne place
des nouvelles internationales. Pour les non-dualistes, les védantins, les
bouddhistes, l'Himalaya est la source. L'Himalaya tibétain fait moins parler de
lui que Jérusalem, mais a en fait de sérieux problèmes avec l'occupation
chinoise, qui ne seront vraiment résolus que quand il retrouvera son
indépendance complète[3][3]. L'Himalaya népalais et indien continue
une vie traditionnelle, et même la
région des montagnes au-dessus de Delhi a gagné un statut de province
indépendante en novembre 2000 sous le nom d’Uttaranchal, « la région
nord », ce qui lui permettra de mieux protéger sa personnalité. Parler de
vie traditionnelle ne veut pas dire que tous les sadhous de l'Himalaya soient des saints, loin s'en faut. Comme les
paysans locaux, la plupart fument beaucoup de marijuana, le chanvre poussant un
peu partout. Comme eux également, ils
sont souvent illettrés et ne connaissent guère leurs propres Ecritures sacrées.
Certains sont même des délinquants ou d'ex-agitateurs politiques qui se cachent
de la police sous un habit de sadhou
dans des régions reculées de montagnes. Mais de même que les mauvaises herbes
servent de terreau aux fleurs et font ressortir leur beauté, de même cette
masse de sadhous en eux-même peu
recommandables créent une toile de fond de vie solitaire d'où se détachent
quelques vrais saints.
L'amour - médecin de l'âme
par
Marion Mantel
L'art de la Médecine de
l'Âme ne s'étudie pas à l'université.
Il ne peut non plus être
compris par la lecture des livres spécialisés, ou appris lors des stages de
week-end.
Il n'y a pas de diplôme
de maîtrise de cet art subtil, car l'apprenti médecin de l'âme reste, pour
toujours, humble disciple du seul vrai maître apte à montrer le chemin :
l'Amour.
Maître Amour - certains
préfèrent l'appeler Dieu, le Soi, l'essence, l'être ou simplement la vie - est
très exigeant concernant le choix de ses élèves.
Il n'accueille ni les
orgueilleux, ni les paresseux, ni les arrogants, ni les ignorants …
Maître Amour n'adresse
pas la parole à ceux qui croient tout savoir, ni à ceux qui s'imaginent tout
pouvoir.
La peur le rend
stupéfait, la colère muet.
L'Amour répond à l'appel
du courageux disciple de la vie, qui est prêt à s'engager dans une voie sans
but, dans un enseignement sans savoir, dans une pratique sans maîtrise.
Nul besoin de doctorat,
de baccalauréat, ou de dons particuliers.
Être homme, femme ou
enfant - tous sont admis.
Les animaux, les arbres
et les fleurs, les océans et les ruisseaux, le vent et les montagnes, le feu et
l'espace seront vos compagnons de classe et vos tuteurs.
Car, contrairement à
l'homme, les autres participants à la création n'ont jamais oublié leur
origine, la source de leur existence.
« Je pense, donc je suis
» n'est pas leur devise.
« JE SUIS » leur suffit.
Si vous n'êtes pas encore
parmi ceux qui ont joyeusement invité Maître Amour dans leur maison, il
vaudrait mieux que je vous avertisse sur quelques traits de son caractère :
D'abord, Maître Amour
choisit toujours la meilleure chambre - celle du cœur.
Il exige une propreté
impeccable dans cette pièce et que c'est vous seul qui ayez droit d'y entrer et
de faire le ménage !
Maître Amour est très,
très sensible au bruit - si c'était lui, le maître de la maison, il ordonnerait
le silence en permanence.
Il a une nature
insatiable - surtout en ce qui concerne la nourriture.
Si vous ne le nourrissez
pas suffisamment, Il meurt !
Pour son régime
particulier, vous devrez lui servir de la joie en permanence, de la compassion
sans limite, de l'émerveillement sans retenue et surtout : l'abandon à Sa
Volonté.
La forme particulière de
ces mets exquis l'importe peu : le murmure d'un ruisseau, le chant d'un oiseau,
le saut d'un dauphin, le sourire d'un enfant, les larmes d'une mère … le menu
est sans fin.
Ne craignez pas de vous
répéter lors de la préparation des repas, car ce qui importe, c'est la qualité
des ingrédients - et, je vous ne le cache pas - également la quantité.
Maître Amour préfère
manger tout cru. Toute nourriture dénaturée ou trop cuite L'écœure.
Et, surtout, n'oubliez
pas de Lui parler !
Vous pouvez Lui parler
de n'importe quoi - à condition qu'il s'agisse de choses vraies.
Soyez sincère avec Lui,
car Il l'est avec vous.
Ah oui, j'ai presque
oublié de vous dire la chose la plus importante :
Une fois installé dans
la chambre de votre cœur, Maître Amour ne bougera plus jamais !
C'est donc un locataire
à vie !
Si tout cela ne vous
fait pas peur, et que vous aspirez sérieusement à vous joindre à toutes les
autres familles d'accueil, vous pourrez soumettre une demande formelle à Maître
Amour.
Cela se fait
habituellement par écrit, oralement, ou en l'esprit.
La prière et la
contemplation silencieuse sont les méthodes les plus efficaces, si vous voulez
qu'Il réponde vite.
Il aime aussi le chant
ou la danse, et, si vous Lui offrez un tableau peint par vos soins, Il s'en
réjouira !
Vous pourriez choisir
n'importe quelle langue, Il les comprend toutes.
Une fois que ce
mystérieux visiteur sera installé chez vous, vous n'aurez plus à vous inquiéter
: Il s'occupera de tout !
Consultez-Le en cas de
doute, ou si la tâche que la vie vous propose d'accomplir vous semble trop
lourde.
Il fera le travail à
votre place - et même beaucoup mieux !
Il soignera les malades,
Il consolera les malheureux, Il prendra votre main pour vous guider dans la
traversée du désert…
Il vous bercera dans Ses
Bras en chantant des douces mélodies venues d'ailleurs…
Il vous inspirera foi et
endurance, lorsque l'océan illimité reste votre seul refuge et que la rive
n'est plus d'aucun secours…
Il vous montrera
toujours et toujours la Lumière Infini…
Il vous portera encore
et encore vers la Source d'Amour Qui Guérit…
Marion
étudie l'enseignement de Mâ depuis plusieurs années ;
elle vient d'achever le dernier d'une série de
cinq livrets intitulé
La source inépuisable de la joie;
ce dernier texte en est extrait.
mariananda@free.fr
Programme de Swami
Nirgounananda en Europe
Été 2003
Et il y a eu quelques
changements et adaptations de programmes de Swamiji, mais les points forts
restent les mêmes :
Du 26
juillet au 3 août : Epernon. Contact
Claude Portal 12 rue Lamartine 7800 Saint-Germain-en-Laye 01 34 51 74 41 ou en
vacances en Auvergne : 04 71 50 93 87
En Suisse : Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502
Bienne 00 41 32 322 18 28 dates à confirmer
Du
17 au 23août : Terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 03 85 60
40 30
Du 21 au
27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal
cf ci-dessus
Du 1 au 4 septembre : Assise contact
Claude Portal
Du 4 au
9septembre (pleines journées du 5 au8) Les Courmettes contact Michel Tauziède domaine des Courmettes 06140
Tourettes-sur-Loup 04 93 24 17 00, ou
Michèle Cocchi, 0661142058 ou Geneviève
Koevoets, koevoetsg@wanadoo.fr
Après le 10 :Birmingham-Londres
contact Christopher Pegler 28 Perryfield
Way Ham.Richmond Surrey TW107 SP Rés 00442089400139 bureau 00441714880777 czjp.pegler@btinternet.com
Renouvellement
des abonnements
Nous avons renouvelé
les abonnements au Jay Ma pour deux ans soit huits numéros. Pour ceux qui
auraient oublié de le faire, ils peuvent envoyer un chèque de 16 € à l'ordre de
Jacques Vigne à Magali Combal :
En prenant soin de signaler clairement un
éventuel changement d'adresse : faites-le maintenant pour ne pas oublier,
cela évitera du travail à l’équipe de Jay Ma - nous vous rappelons que nous sommes tous des bénévoles.
Les éventuels bénéfices vont à l'ashram de Mâ, en particulier pour soutenir la
publication anglaise d’Amrita Varta. Cela a été le cas pour l'exercice
précédent, et nous avons ainsi pu verser 20000 roupies à Brahmachari Panuda qui
s'en occupe à Bénarès. En cas de problème spécifique, n'hésitez pas à vous
adresser à :
Shre Shree Ma Anandamayee Ashram
Dhaulchina 263681 Almora UA
Inde
Table
des matières
Paroles de Mâ p.1
Ma rencontre avec Gurdjieff et quelques réflexions
sur le tantrisme de la main gauche par Vijayânanda p.4
Mes contacts avec l’Occident à la lumière de
l’enseignement de Shrî Mâ par Bithikâ
Mukerjî p.18
Mâ est ici et maintenant par Isabelle Trublet p.27
La mystique du silence par Jacques Vigne p.30
L'amour - médecin de l'âme par Marion Mantel p.34
Programme de Swami Nirgounananda en Europe p.35
Renouvellement des abonnements p.38
Jay Ma N°
70 - Automne 2003
Paroles de Mâ
citées par Atmânanda dans son livre
« A la rencontre de Mâ Anandamayî - entretiens avec
Atmânanda »
Propos recueillis par Madou
Sélection des paroles par Isabelle Trublet
Je suis persuadée que c'est l'Occident, bien plus que
l'Inde, qui répandra l'enseignement de Mâ Anandamayî.
C'est un enseignement universel et qui peut convenir à
chacun.
Mâ Anandamayî n'était pas un être humain, c'est
absolument certain.
Elle avait toujours conscience de son état. Elle ne
s'identifiait ni avec son corps, ni avec son mental,
et elle n'avait aucune émotion. Pas du tout ! Jamais
elle n'agissait, ni ne répondait sous le coup de
l'émotion.
"Pour moi", disait-elle, "il n'y que l'Un. Tout est la
manifestation de l'Un."
Je sais que tout peut arriver, mais que l'unité est
là. Si je meurs, le corps meurt. Mais je reste avec
elle. Cette unité demeure pour toujours.
Vous savez, Mâ est venue sur terre dans un corps humain
afin que
nous "sachions" car nous ne savons rien. Nous sommes
tellement ignorants de la vérité ! C'est pourquoi
Krishna est venu, Bouddha est venu, le Christ est venu
et Mâ est venue. Si la divinité ne venait pas
périodiquement sur terre sous une forme humaine, ce
serait trop difficile pour les hommes de progresser et
de comprendre un peu de
la vérité.
Mâ me disait : "rester à Rajghat ! Restes-y !". Elle
ne disait rien d'autre. Elle voulait que j'observe, je
cherche et trouve par moi-même.
Lorsque des chrétiens venaient, elle leur disait :
"vous avez foi dans le Christ ? Suivez le Christ !".
Et elle les encourageait à suivre son enseignement.
Mâtâjî nous disait que la voie du christianisme était
bonne, et qu'il fallait retrouver l'enseignement
originel de Jésus.
Vous savez, c'est nous qui manquons de confiance.
C'est pourquoi il faut que celle-ci soit confortée par
différentes choses telles que la dikshâ, l'initiation,
et autres cérémonies. Mais Mâ est là. Si nous avons
confiance en elle, si nous évitons de nous occuper de
trop d'autres choses, car alors le mental se disperse,
si nous pouvons nous concentrer sur sa Présence, en
avoir conscience vraiment, alors nous n'avons plus
besoin d'autre chose. Il faut avoir confiance en sa
parole !
Vous m'avez dit que vous lisez au moins quelques
lignes des paroles et de l'enseignement de Mâ chaque
jour. C'est très bien, c'est cela qu'il faut faire.
Lorsque les gens me disent qu'ils sont tristes et
déprimés, je leur conseille de lire chaque jour un peu
des enseignements de la Mère. Depuis plus de trente
ans, je traduis les paroles de Mâ, alors je connais
tout par cour. Mais lorsque je lis ses paroles, ça
m'aide : Mâ est vraiment présentes dans ses mots, dans
ses paroles.
Ce que dit Mâ est toujours la vérité. Si la Mère m'a
dit : "je resterai ici toujours !", c'est vraiment
qu'Elle y est ; vous savez, elle avait toujours des
réponses directes qui jaillissaient,. Elle était
toujours comme cela. Aussitôt une question posée, la
réponse était là, claire et précise, sans aucune
hésitation.
Mâ disait souvent à Indira Gandhi : "ce qui s'est
passé est le jeu de Dieu, sa lîlâ. Il ne faut jamais
avoir de haine, ni d'inimitié envers qui que ce soit
et quoi que l'on vous fasse. Vous devez vous souvenir
constamment de votre ishtâ-dévatâ,
c'est-à-dire de
votre divinité de prédilection."
Question : Au fond, vous ne vous sentez jamais seul à
la dérogation
Atmânanda : Non ! Jamais je ne me sens seule. J'ai
Mâ.
Question : Vous vivez toujours en présence de Mâ ?
Atmânanda : Mâ m'aide ! De façon et bien souvent
par l'intermédiaire des autres.
Avec Mâ, j'ai tout appris.
Lorsque Mâ pénétrait dans l'agitation d'une gare, elle
se tenait debout, si calme, si paisible, que petit à
petit autour d'elle tout le monde se calmait !
Mâ n'était pas une sainte ou une sage. Elle était une
incarnation unique et sans pareille de la divinité.
Dès sa naissance, et jusqu'à ce qu'elle ait quitté son
corps, elle fut consciente de ce qu'elle avait
toujours été et continuerait d'être toujours. Pas un
seul instant elle ne s'identifiait à son corps.
Celui-ci semblait être un corps humain, mais ne
l'était pas vraiment.
Elle est partout, toujours, et vous-mêmes ressentez sa
Présence.
Une réponse de Vijayânanda
Est-ce par humilité que le gourou dit souvent qu'il
n'en est pas un ?
Le guru ce qui déclare qu'il n'est pas un guru, ce
n'est pas par fausse humilité, c'est parce qu'il
perçoit la réalité : il n'y a qu'un seul le guru,
c'est Dieu. Mâ le disait souvent, mais ce n'est que
maintenant que je le réalise vraiment. J'ai demandé à
Mâ si je pouvais la considérer comme mon guru. Elle
m'a justement répondu cela : « Il n'y a qu'un seul le
guru, c'est Dieu ». Une autre fois, elle m'a dit "je
suis ce que tu veux que je sois". Je voulais la
considérer comme guru, alors elle s'est comportée
comme telle à mon égard. Il faut avoir un désir
intense pour le guru. Quand je suis venu en Inde, la
mention même du mot "guru" me faisait pleurer ; à ce
moment-là le guru se manifeste. Comme on dit,
"quand le disciple est prêt, le guru arrive".
Les disciples des maîtres hassidiques, comme les
disciple indiens, avaient une foi aveugle dans leur
guru. Un jour, l'un d'eux est venu voir son rabbi en
lui disant : "Je n'en peux plus, ma chambre est trop
petite, il y a ma grand-mère ma tante qui sont là,
c'est vraiment de trop !" Le rabbi lui a répondu :
"Est-ce que tu as une chèvre ?" Le disciple a répondu
: "Oui!" Le maître a continué : "Eh bien ! Prends ta
chèvre et mets-la dans ta chambre !". Obéissant, le
disciple a fait ainsi, malgré l'aspect visiblement
illogique de cette instruction. Au bout de deux
semaines il est revenu, à bout. "Ce n'est plus
possible ! Il n'y a vraiment plus la place de mettre
même une épingle dans notre unique chambre !" Le rabbi
lui dit alors : "Eh bien, remets ta chèvre à l'étable
! ". Il l'a fait, et puis est revenu voir le rabbi un
peu plus tard l'air tout joyeux en disant :
"Maintenant, nous avons vraiment de la place !".
Sur les traces des Yoguis
par Vijayânanda
Nous continuons ici quelques extraits du livre de
Vijayânanda qui n'a jamais été publié en français,
mais est paru directement à Bombay à Bharatiya Vidya
Bhavan.
Il existe de nos jours - et j'en ai rencontré -
des êtres humains ayant essayé et réussi. J'ai vécu
parmi eux et je suis encore sous la direction spirituelle d'un
des plus grands
d'entre eux. (Vijâyananda parle de Mâ
Anandamayî, mais il
ne voulait pas mentionner son nom
dans ce premier
livre général sur son itinéraire intérieur par
délicatesse, son
souci étant de ne pas gagner d'argent avec le nom
de son maître.) Est-ce du Védanta ou du Yoga ? Du
bouddhisme ? A moins que ce ne soit de la kabbale, du
soufisme, ou peut-être de la théosophie ? Tous ces
propos ne sont que des mots, des étiquettes sur des
flacons. Et souvent l'étiquette est fausse, le flacon
vide. C'est en nous-même que se trouve la solution du
problème. Ce qui est réel en nous ne peut pas mourir.
Ce qui est au centre de notre conscience est identique
en tous les êtres. Ce qui est la base et le support de
toute chose, qui ne peut être atteint ni par la
souffrance ni par la mort, est aussi l'essence même de
notre personnalité. Mais faut-il aller pour cela à
Ceylan ou aux Indes ? Certes non ! Mais peut-être
était-ce mon destin d'aller au pays des grands sages.
Peut-être aussi les conditions extérieures y sont plus
favorables à l'introspection, et à une vie de
recherche intérieure. Mais mon objectif immédiat,
c'était de rencontrer un de ces grands sages "qui a
réussi" et de bénéficier de ces conseils. Mon
programme était de visiter d'abord Ceylan, et si
possible de vivre une courte période dans un
monastère bouddhiste. Après, ce serait l'Inde, mais je
comptais me limiter au sud car les trois grands sages
célèbres, Ramana Maharshi, Râmdâs et Shrî Aurobindo
vivaient dans le sud. En outre, mon temps disponible
était limité à un mois de séjour..
[Vijâyananda raconte maintenant son départ du port de
Marseille pour un séjour en Inde qui dure jusqu'à
maintenant - c'est-à-dire cinquante-deux ans plus
tard.]
Ce fut le 12 décembre 1950 que j'ai quitté
Marseille et la France à bord du Felix-Roussel.
Quelques jours avant mon départ, un entrefilet dans
les journaux m'avait appris la mort de Shri Aurobindo
à Pondichéry. Hélas ! C'était le deuxième sage qui
s'était réfugié dans le nirvana juste avant mon
arrivée. [Le premier avait été Ramana Maharshi en
avril de la même année] Si mes préparatifs n'avaient
pas été aussi avancés, peut-être aurais-je ajourné le
voyage. Le 12 décembre soir, peu avant le coucher du
soleil, le Félix-Roussel s'est éloigné lentement du
port de Marseille. Presque tous les passagers
regardaient en arrière comme si de nombreux fils
invisibles nous reliaient encore à cette terre. Un à
un, les fils se rompirent. D'abord les amis qui
agitent leurs mouchoirs sur le quai, les uns essuyant
une larme qui a fait un sillon sur une pommette,
d'autres souriant silencieusement, certains criant
peut-être quelques mots d'adieu. Puis le quai n'est
plus qu'une ligne grise, avec quelques taches colorées
qui bougent. Et maintenant, c'est la gracieuse
silhouette du port de Marseille qui attire les
regards, la corniche, les jetées, Notre-Dame de la
Garde et tout ceci se fond bientôt dans
bleu de la Côte. La plupart des passagers quittent le
pont. Il semble que les fils qui nous reliaient à la
terre se soient rompus et c'est une nouvelle vie qui
commence.
Pendant ces trois semaines, de nouvelles amitiés
vont se lier, il faudra s'adapter à un mode de vie
différent : les heures de repas, la promenade sur le
pont, la partie d'échecs ou de bridge avec les amis,
les soirées, les flirts, l'imprévu des escales, etc.
etc. Ceux qui ont vécu à bord d'un bateau savent à
quel point l'esprit est absorbé par cette vie sociale
à bord, qui, bien qu'éphémère, donne l'impression de
permanence. La durée de notre vie comparée à
l'éternité est également éphémère. Et pourtant, nous
travaillons comme si nous bâtissions sur le roc. Les
uns amassent des richesses, les autres des honneurs ou
des connaissances
mondaines. Pourtant nous savons qu'un
jour la mort viendra
et que tout cela s'évanouira comme de la
fumée. Ceux qui ont lu le Mahabharata se souviennent
sans doute de la fameuse question posée par le Yaksha
au roi Youdhisthira : Youdhisthira, le célèbre roi,
était en exil dans une forêt avec ses frères pour une
période de quatorze ans. En tant que nobles guerriers,
leur devoir était de défendre les brahmanes. Un jour,
un brahmane vint se plaindre qu'on lui avait dérobé un
fagot de bois sacrificiel qu'il avait caché dans un
arbre. Youdhisthira, l'aîné et le chef, envoya ses
quatre frères, Arjouna, Bhima, Nakoula et Sahadév à sa
recherche et lui-même partit de son côté. L'un après
l'autre, les frères arrivèrent au bord d'un étang à
l'eau limpide. La longue marche dans la forêt les
avait terriblement altérés, et cette eau
providentielle était une tentation presque
irrésistible. Mais une voix du haut d'un arbre se fit
entendre : "cette eau m'appartient ; si tu bois sans
répondre à mes questions, tu mourras".
C'était un Yaksha, une sorte d'esprit supérieur qui
vivait en ces lieux. On dit que "ventre affamé n'a pas
d'oreille". C'est encore bien plus vrai pour la soif,
car aucun des quatre frères n'écouta l'avertissement
et l'un après l'autre ils tombèrent sans vie au bord
de l'étang. Youdhisthira arriva à son tour, également
assoiffé et il entendit le même avertissement.
Néanmoins, il était non seulement un grand roi, mais
aussi un sage renommé pour sa vertu et sa maîtrise de
soi. Il accepta le défi du Yaksha qui, comme le sphinx
lui posa un certain nombre de questions auxquelles il
répondit à l'entière satisfaction de l'esprit. Le
Yaksha lui permit de boire, lui rendit le fagot de
bois du brahmanane - car c'est lui qui l'avait dérobé
- et en plus lui accorda le droit de formuler un vou.
Youdhisthira le pria de rendre la vie à ses frères. Ce qui fut
fait. Une des
questions du Yaksha - et c'est là que je voulais en
venir - était :
"Quelle est la chose la plus étonnante dans ce monde
?"
Youdhisthira répondit :
"c'est que tous les jours nous voyons des gens mourir
et que personne ne croit réellement qu'il mourra lui
aussi un jour".
En compagnie de Mâ
Anandamayî
par Bithika Moukerjî
Nous donnons ici la suite des écrits de Bithika à
propos de la rencontre des religions. Nous avons vu
dans le numéro précédent qu'elles étaient au château
de Bossey de Genève pour une année scolaire de
rencontres sur l'effet des religions ;
voici ce qu'elle dit aux étudiants en théologie
chrétiens rassemblés à cette occasion :
Religions et traditions (mon premier grand discours)
A la fin de l'année universitaire, le Prof. Nissiotis
me demanda si je voulais bien parler de mes
impressions sur l'école et ses objectifs. Il affirma
qu'ils aimeraient tous écouter ce que j'avais à dire
au sujet de leur programme. Ce fut une tâche tout à
fait inattendue mais les gens qui assistaient à mes
séminaires insistèrent pour que j'accepte. Un étudiant
venu d'Afrique, Michael Jackson, vint me trouver, disant
que je devrais tirer
parti de l'opportunité pour être aussi severe
concernant les
chrétiens qu'ils l'avaient été envers les autres
religions. Il alla même jusqu'à dire que si je n'étais
pas assez dure, il se lèverait et quitterait la salle.
Il était l'un de ces chrétiens engagés et cependant il
restait nostalgique au sujet du bagage culturel qu'il
avait laissé derrière lui.
Je rassemblai mes idées. On avait fait du chemin
depuis mes premières conférences d'introduction.
J'avais acquis quelque connaissance sur le mouvement
ocuménique et ses problèmes endémiques. Cette
conférence fut l'un des plus difficiles qu'il me fut
donné de faire dans toute ma carrière. L'assistance
était composée d'amis personnels. Bien des secrétaires
vinrent écouter également. Je ne voulu pas offenser
leur susceptibilité en tant que chrétiens, car j'avais
moi-même une haute opinion de leur propre engagement
religieux. Mon discours dura juste cinquante minutes,
temps limite qu'on m'avait alloué. Je regardai souvent
le visage sérieux et attentif de Michael Jackson et
compris qu'il n'était pas déçu.
Je résumai sommairement pour eux ce que j'avais
retenu de ce que Shrî Mâ avait dit concernant la
destinée humaine et la possibilité de dialogue entre
les différentes religions du monde.
« La Vérité est éternelle. Elle se répand partout et
ne tolère aucune catégorisation relationnelle.
L'homme, à la recherche de cette Vérité, est un
pèlerin désireux d'éclaircir le mystère de sa présence
sur la terre. Nous naissons pour une tradition, un
bagage culturel, une situation géographique, une foi
religieuse. Le point de départ nous est donc donné.
Les religions sont nécessaires sans limite de temps ni
d'espace. Chercher à universaliser un mode particulier
de révélation n'est ni nécessaire, ni réaliste. Ce
sont des facettes de la même Vérité qui témoignent de
son omnipresence.
« L'Eglise,
cependant, prend sa mission très au
sérieux. Le symbole de la croix peut être compris très
facilement en Orient comme étant la descente
tangentielle de la transcendance pour devenir
immanente : une venue vers nous du ciel et de la
terre, afin que l'homme puisse lever les yeux et être
rempli par la joie de ce message. Mais les hommes et
les femmes qui relevèrent le défi et prirent le rôle
de sauveur du monde entier n'avaient pas
l'illumination en eux-mêmes. Ils interprétèrent la
volonté de Dieu, ce qui est une très dangereuse
procédure. Au lieu de s'émerveiller devant la
magnificence de la 'création de ieu', ils
s'empressèrent de diviser les peuples en 'civilisés',
'tribus primitives', 'païens' et ainsi de suite.
« Aux yeux des chrétiens, le monde ressemble à un
méli-mélo confus et au-delà des limites de l'autorité
de Dieu ! Autrement, pourquoi un chrétien serait-il
invité à améliorer Sa création ? Dans ce contexte,
cela vaut la peine de considérer le célèbre sermon de
St. Paul à Athènes, qui sert de modèle aux
évangélistes de tous les temps.
« Passant par là je vis vos prières et
trouvai un
autel portant cette inscription, AU DIEU INCONNU. Qui
donc est Celui que vous adorez par ignorance, en
vérité je vous le dis »
(Actes VIII, 23.)
« La question se pose de savoir si les Athéniens
avaient pu répondre à Paul : 'Lui que vous avez trouvé
maintenant, nous lui rendons déjà hommage, car il est
vraiment inconnu mais pas inconnaissable'. Nous
pourrions imaginer que Paul aurait alors identifié la
philosophie des athéniens comme une hérésie de
gnosticisme.
« Il est vrai que le Concile Vatican II a donné une
sorte de reconnaissance aux autres religions. Ceci
pourrait être interprété comme un mouvement de
bienvenue de la part de l'Eglise, s'il n'avait pas été
accompagné par la suggestion que la multitude des
non-chrétiens devrait écouter les Evangiles et ainsi
acquérir la nécessaire qualification pré-requise pour
être acceptée au sein de l'Eglise.
« Ceci constitue une violence inutile envers les
sentiments des autres pèlerins. Beaucoup d'entre vous
ne sont plus sympathiques envers ceux qui considèrent
toutes les autres religions comme des menaces ou des
défis. L'empressement pour écouter peut graduellement
l'emporter sur la tendance à prêcher. Si 'l'autre'
pouvait être vu aussi comme un pèlerin, un voyageur,
un ami engagé dans la quête de la grâce de Dieu, c'est
alors que le dialogue pourrait devenir une base pour
atteindre l'unité, une plus grande compréhension de
l'importance de cette tâche à venir, une attitude qui
soutient plutôt qu'une attitude perturbatrice envers
la vie religieuse. Le dialogue, en fin de compte, peut
seulement être continué en langage équivalent. Si les
participants utilisent des termes qui varient dans
leur signification, il ne peut pas y avoir de
communication importante.
« Le dialogue est un terme ambivalent. La tradition
hindoue elle-même est structurée d'après le dialogue.
Des Upanishads jusqu'aux Dharma Shastras (les livres
des lois), la structure du texte est toujours celui
d'une conversation entre le chercheur de Vérité et un
enseignant (rishi) qui l'a réalisée. L'ensemble de la
tradition sanskrite peut être résumé par ce verset
souvent cité :
Réveille-toi, lève-toi ; approche-toi des
grands
(sages) et apprends :
Aussi aiguisée que la lame d'un rasoir
Est la route (vers Lui), difficile à traverser.
Ainsi dit le sage.
(Kathopanishads II. 14)
« Tous les textes scripturaires pivotent autour de
cette vocation de regarder au-delà de la condition
donnée de l'homme dans ce monde. La recherche de la
Vérité est quelque chose comme une quête de
réalisation de soi dont parlent les advaitin
(monistes), ou de réalisation de Dieu dont parlent les
fidèles d'un Dieu personnel (monothéistes). Le Soi est
l'antaryâmin (le témoin intérieur), qui apparaît comme
l'ista devatâ (l'image vénérée au
plus profond du
coeur) pour les fidèles. De ce fait, la recherche doit
commencer par une tentative de concentration sur
l'être intérieur.
« Comme je l'ai dit, pourquoi quelqu'un devrait-il se
sentir attiré par la mission de prêcher ? Ceci ne
pourrait être basé que sur la croyance que Dieu s'est
retiré de Sa création et n'est plus concerné. Comparez
avec l'Enseignant Illuminé. Il se suffit à lui-même et
il est l'allégresse personnifiée, parce qu'il regarde
le monde comme l'expression parfaite d'un être
parfait. Il n'est pas appelé à prêcher, ne pose pas de
questions et ne demande pas d'obéissance. Il répond de
bonne grâce aux chercheurs sincères, dissipe leurs
doutes et renforce leur détermination. Par sa
présence, il établit la viabilité de la quête
spirituelle. La La révélation de la Vérité est là pour
maintenir la cohésion entre le temps et l'éternité.
Dieu n'est pas dans le passé seulement, il est aussi
dans le présent et il est même là pour toujours.
« L'un des plus récents dialogues relatés dans la
tradition sanskrite est la Gita. C'est le premier
texte dans lequel les mots 'Le Seigneur a dit' (Sri
Bhagavan uvacha) sont utilisés. Même là, le dialogue
ne se change en dissertation que lorsque le disciple
(Arjuna) se reconnaît comme tel et requiert
précisément d'être guidé (Gita II.7). Ce qui est
remarquable ici, c'est l'observation de l'Enseignant
qui conclue par ces mots :
Cette sagesse, plus secrète que tout ce
qui est
secret,
T'a été déclarée par Moi :
Réfléchis alors à tout cela et fais ce qu'il te
plaira.
(Gita XVII.63)
« La liberté d'être soi-même, jusqu'en la présence de
Dieu n'est ni refusée, ni banalisée. A moins qu'un
homme soit saisi d'un désir ardent de connaître Dieu,
d'une faim pour la liberté d'être lui-même, d'un désir
pour une béatitude sans réserve promise pour lui par
les Ecritures (shastras), il n'est
pas métamorphosé en
un chercheur (jijñâsu). Devenir un
véritable chercheur
est le but de la vie religieuse.
« La façon de chercher et de trouver est basée sur une
conception dualiste : Dieu et sa création. L'idée
entière de dualité est significative seulement en tant
que lien d'amour. C'est pourquoi les hindous célèbrent
comme de nombreux liens d'amour avec Dieu tout ce qui
est expérimenté par l'homme sur la terre. Dieu peut
être connu comme Père, Mère, Bien-aimé, Ami, Maître ou
Enfant. La peur de l'enfer, la rédemption des péchés,
et même l'espoir de salut comme paramètres d'une vie
d'amour spirituel, n'ajoutent rien à la majesté et à
la compassion de Dieu. Comment une religion, quelle
qu'elle soit, peut-elle justifier son sacerdoce, à
moins qu'elle ne présente Dieu comme la seule
recherche valable dans la réussite humaine !
« Les comunautés et écoles religieuses sont très
importantes. L'individu acquiert de la force par sa
sampradaya ou comunauté. Cela donne une cohésion
majeure à des efforts peu systématiques. Le sens de la
solidarité, l'unité des objectifs, le sentiment
d'ensemble requis pour les célébrations et rituels,
sont favorables à une vie d'efforts spirituels, ou
sadhana. Si un commonwealth de nations pouvait être un
concept politiquement viable, alors nous pourrions
être capables de nous orienter vers un avenir de
commonwealth de religions. Ce serait une célébration
des voies infinies de l'avènement de Dieu parmi son
peuple. La façon religieuse de vivre pourrait donner
matière à réjouissance, à une joyeuse participation
dans le mode d'expression des autres par rapport au
culte divin. Par conséquent, laissons le dialogue être
un instrument de célébration des nombreuses croyances
qui enrichissent la civilisation. »
J'étais épuisée à la conclusion de ce discours.
Nicholas affirma plus tard qu'il en avait eu des
sueurs froides à ma place. Il y eut juste quelques
applaudissements au départ, puis soudain tout le monde
se leva pour me faire une vraie ovation, soutenue et
prolongée.
Ils étaient tous émus et le faisaient voir
clairement. Le Professeur Nissiotis se leva de sa
chaise, m'apporta un verre d'eau et prononça des mots
qui montraient son appréciation sans réserve, comme le
firent certains autres après lui. Il dit : « En votre
présence, j'ai senti la futilité de ce programme tout
entier. Le fait que vous ayez accepté en souriant d'y
participer a rendu le reste inutile. » Rien n'aurait
pu mieux justifier le message que Shrî Mâ avait passé
en 1972-73, à la Graduate School. (p.308 à 312).
De Bithikâ Mukerjî
Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne
Comment je suis devenue une disciple
de Mâ Anandamayî
par Dîpikâ Bansal
Dîpikâ est une jeune femme des environs de Delhi dont
le grand frère est souvent en retraite, et a passé du
temps à pratiquer à Kankhal près de l'ashram de Mâ
Anandamayî. Elle a envoyé à Jacques Vigne pour le
journal ‘Jay Mâ’ ce récit d'une expérience qu'elle a eue
avec Mâ dans des circonstances de voyage à l'étranger
pas très faciles.
C'était en décembre, l'une de mes amies m'a proposé
d'aller en Thaïlande pour une retraite. Jacques Vigne
nous avait donné des renseignements sur tout le
périple. Cependant, les choses ne se déroulèrent pas comme
prévues. Mon amie
n'a pas obtenu
son visa pour la Thaïlande, puisqu'elle était
originaire du Shrî Lanka, on lui avait demandé de le
prendre dans son propre pays, ce qui n'était pas
facile pour elle. Mais j'ai décidé d'y aller toute
seule, puisque c'était mon premier voyage à l'étranger
et que tout était déjà organisé.
Avec la bénédiction divine, je suis arrivée à
Bangkok. Là-bas, tous les hôtels étaient pleins. Ma
destination était le monastère de Suan Mokh ["le
Jardin de la libération", un grand monastère
bouddhiste dans le sud du golfe de Thaïlande qui
organise des cours de dix jours de vipassana à la fois
pour les Thaïs, et en anglais pour les étrangers
chaque mois ; il se trouve à quelques kilomètres d'une ville
appelée Chaya, déformation du nom sanskrit Jaya, "la
victoire"]. Avant, j'ai commencé à voir le pays parce
que j'avais assez de temps avant le début du cours de
vipassana. Devrais-je vous dire combien il est
difficile d'avoir une nourriture végétarienne normale
quand vous êtes purement végétarienne et qu'en
particulier vous ne comprenez pas la langue du pays.
Enfin, la période est arrivée pour partir vers le sud.
Cela n'était pas facile, il y avait des problèmes de
réservation, de savoir avec qui je devais partir,
etc.... A un certain moment, j'ai été vraiment déçue,
j'avais le sentiment de perdre mon temps à Bangkok.
Avec ces troubles dans le mental, je m'assis pour la
méditation, mais j'étais dans un état lamentable,
incapable de me concentrer même en posture de lotus.
Tout d'un coup, je vis une belle image de Mâ. J'avais
beaucoup entendu parler d'elle par mon frère qui la
considérait comme son guru mais je n'avais eu aucune
expérience avec elle. C'était une photographie de Mâ
qui sortait continûment du sol de la pièce et rentrait
dans mon front ; je ne pouvais pas reconnaître ce qui
m'arrivait, j'ai paniqué et commencé à tout stopper,
mais immédiatement, je réalisai qu'il devait arriver
quelque chose pour mon bien car cette image était
celle du gourou de mon frère, ainsi, je laissai faire,
et le phénomène continua pendant quelques minutes.
Ensuite, je me suis retrouvée assise sur les genoux de
Mâ avec ma tête sur son épaule. J'étais dans la
position d'un bébé sur les genoux de sa mère. Elle me
donna un petit coup sur le dos et dit : "Va, Krishna
est en train de t'attendre". [Dîpikâ est une fidèle de
Krishna]. Je me reposais dans la même posture pendant
quelques minutes et me sentit plein d'amour pour Mâ.
Tout disparut, mais je n'avais pas envie d'ouvrir mes
yeux pendant longtemps et je me laissais aller au même
genre de sentiment, je pensais flotter. Après quelque
temps, à l'ouverture des yeux, je me suis sentie très
relaxée, très calme et n'avais pas envie de me
relever. Je refermai mes yeux, et essayai de revenir
dans la même position, mais fut incapable de le faire.
Je me sentis pleine d'énergie quand je me relevai. Je
me mis à faire des plans pour aller vers le sud du
pays alors qu'avant, j'étais désespérée, je pleurais
vraiment. Maintenant, j’eu finalement une place
dans un car de tourisme confortable et je décidai de
passer un ou deux jour sur une île à faire de la
méditation en face de l'océan.
Cependant, là-bas, une mésaventure m'attendait : mes
chèques de voyage avaient tous disparu, ce qui fait
que je me suis retrouvée sans argent dans cette région
du bout du monde ! Quand je m'en suis aperçue, je fus
frappée de stupeur. Il avait de quoi créer de la
confusion dans l'esprit, mais l'instant suivant, le
visage de Mâ m'apparut en face de moi et
immédiatement, je me suis souvenu que j'étais assise
sur ses genoux et je me suis sentie relaxée. Je remis
tout entre les mains de Mâ. Je me mis à penser qu'il
n'y a avait pas de quoi s'inquiéter. Je fis le
nécessaire, ce n'était pas si simple, car j'avais à
peine l'argent pour téléphoner à Bangkok s'il fallait
le faire, mais les banquiers locaux ont été
coopératifs plus qu'il n'était de leur devoir, et j'ai pu arranger
mes affaires.
J'étais si soulagée, cela ne peut s'exprimer par
des mots ! Et je
suis encore surprise d'avoir fait face à tous ces
problèmes très calmement. C'était la première fois que
je voyageais à l'étranger, et pour nous, jeunes
indiennes, nous ne sommes pas de du tout habituées à
nous déplacer toutes seules. Maintenant j'ai plus
confiance en moi-même et je sens mon coeur s'élargir en
me souvenant de cette grande expérience avec Mâ
Anandamayî.
Elle est avec moi sans cesse.
Jay Mâ !
LE SON DU SILENCE
par Marion Mantel
Le son du silence est un son très particulier.
Il n'a ni début ni fin, mais contient tout début et
toute fin.
Il n'a ni espace ni temps, mais contient tout espace
et tout temps.
Il n'a aucune note, mais contient toute note.
Il n'a aucune couleur, mais contient toute couleur.
Le son du silence est le son de l'univers.
Sa demeure est en dedans,
Sa résonance au centre de l'être.
Tu peux l'entendre dans le silence du coeur.
Tu peux le connaître dans le coeur du silence.
Le son du silence est le témoin immuable de la Source
que tu n'as jamais quittée.
Il était là avant toi.
Il sera là après toi.
Il est là avec toi,
Autour de toi,
En toi,
Toi.
Est.
PRIÈRE À LA MÈRE DIVINE
« DONNE-LUI UN NOM »
par Marion Mantel
Mère de l'Univers,
Regarde Ton enfant qui pleure.
Elle ne cherche qu'à T'aimer
Et être aimée par Toi.
Mère de la Béatitude,
Regarde sa solitude.
Elle ne cherche qu'à Te contempler
Et être contemplée par Toi.
Mère de l'Amour,
Regarde Ton enfant sourd.
Elle ne cherche qu'à T'écouter
Et être écoutée par Toi.
Mère de tous les Sons,
Donne-lui un nom.
Elle ne cherche qu'à T'appeler
Et être appelée par Toi.
Pushpadidi,
la fontaine du Son de la félicité.
par Brahmachârinî Gîtâ Banerjî
traduit du hindi par Jacques Vigne
Pushpadi, Bhajanânanda de son nom de sannyâsinî,
est décédée en février 2003. C'était une des
meilleures chanteuses auprès de Mâ, et nous traduisons
ici l'hommage que lui rend une brahmachârinî
enseignante au Kanyâpîth de Bénarès et qui l'a connue
de longue date. Son texte est écrit dans un hindi
fortement sanskritisé, comme aiment à l'écrire les
religieux hindous. Celui-ci ne manque pas de charme, à
condition d'avoir un dictionnaire de sanskrit plutôt
que de hindi à portée de main pour la traduction.C'est
la voix de Pushpadî qu'on entend dans la scène de
Gourou-pournima du fait de la main d'Arnaud Desjardins.
Celui-ci a bien d'autres enregistrements d'elle, non
publiés datant de 1961, qu'il a suggéré à ses disciples
de réunir.
Dans cette gorge ont résonné nâda Brahman [le son
en tant qu'écho de l'Absolu], cette sonorité grave et
paisible comme la montagne Mandara [celles dont les
dieux et les démons se sont servis pour baratter
l'océan primordial, réputé aussi être la demeure de
Durgâ]. Elle a bourdonné, la grâce sans cause de Shrî
Shrî Mâ dans les cordes de la vînâ de son existence,
elle dont les bhajans, kîrtans, chant des hymnes
plongeaient dans la félicité absolument tous les
fidèles de Shrî Shrî Mâ qui les écoutaient ; elle qui
faisait vibrer l'espace et des vagues des douces
mélodies qui sortaient de sa gorge durant
l'anniversaire de Mâ, la Samyam saptah, Durga poujâ et
toutes sortes d'autres célébrations, elle qui faisait
vibrer les murs de l'ashram par la douceur de ses
hymnes et de ses chants, elle donc,
Bhajânandajî, notre Pushpadi, qui mérite toute notre
confiance et notre respect, est maintenant l'objet de
notre souvenir : au fond du cour resurgissent les
termes du gourou des poètes, Rabindranath [Tagore] :
Ce vase qu'est cette célébration est comblé de ton
souffle et de ton humble foi,
Et ainsi, toi-même et tous les gens présents ont été
envahis de félicité!
Dans cette gorge, ce sont profond et grave comme la
montagne ne bourdonnera plus, la salle de satsang de
l'ashram de Kankhal ne résonnera plus du son absolu,
nâda-brahman, qui sortait de ta gorge : "Satyam,
jñânam, anantam Brahman" (mantra extrait d'une
Upanishad et qui signifie "Brahma est vérité,
connaissance et infini"). Au fond de mon cour se
remettent à résonner seulement ces paroles du poète :
Aujourd'hui, c'est ta voix qui résonne dans la fête
des paroles,
parfois dans des tonalités graves, parfois avec une
douce résonance.
Le grand-père maternel de Pushpadî était un grand
propriétaire terrien du district de Shrîhatta au
Bengale et en était aussi le célèbre préfet ; il
s'appelait Shrî Rajnîkânt Ray Dastidâr. : du point de
vue spirituel également, il était tout à fait avancé,
il avait un visage resplendissant à la façon d'Agni,
le dieu du feu. Il n'a jamais proféré de mensonge de
sa vie. Son patriotisme était extraordinaire. Il était
au aussi un excellent pianiste. Il chantait
magnifiquement l'hymne national "Vandé mâtaram", je
rends un culte à la Mère. Mâ a dit une fois à Pushpadî :
"Le bien qu'il
y a en vous tous,
c'est à lui que vous le devez."
Ce grand-père disait souvent à Pushpadî:
"Pourquoi donc allez-vous à l'ashram ?" Elle lui
répondait : "Pour avoir le darshan de Mâ". Une fois,
son grand-père lui dit alors : "Je vois Shrî Shrî Mâ
dans la lumière bleue - ainsi est ma vision". Il était
venu une fois à Calcutta pour le darshan de Mâ,
c'était à l'époque de l'ashram deBâliganj, à
l'intérieur de la ville. Là-bas, il chanta auprès de
Mâ un kîrtan de Krishna et Balarâm (Krishna enfant et
son grand frère Balarâm, "Râm-le-fort"). Mâ accouru
soudain et dit : "Je vois des deux côtés deux
enfants". Submergé par le bhâva, elle se mit à se
rouler sur le sol à cet endroit même. Les fidèles
ramassèrent la poussière de ce lieu et se la mirent
sur la tête. Sa dernière heure venue, le grand-père de
Pushpadî dit à sa mère : "Pourquoi y a-t-il tant de
lumière ? Avez-vous ouvert la lumière ? Il y a tant de
lumière !" S'étant exprimé ainsi, il rendit l'âme.
Quelques jours plus tard, la mère vit en rêve le
visage de son propre père resplendissant dans le
Surya-lok, le monde du soleil.
Le père de Pushpadî s'appelait Shrî Umesh Chandra
Sén, et Krishnânanda Giri après sa prise de sannyâs.
Il était proviseur d'une école. Auparavant, il avait
été avocat. Mais il avait abandonné ce métier, car il
fallait s'y appuyer sur des mensonges ; il était très
beau, et doué d'une silhouette agréable. Il avait un
grain de beauté juste au milieu du front ; voyant
cela, Shrî Mâ lui avait dit un jour : "Dès la
naissance, tu as reçu le tîkâ [la marque au milieu
du front qu'on met après les rituels, par exemple au
feu] des cendres du sacrifice au feu sacré."
La mère de Pushpadî, Shrîmatî Kshîrodavâsinî Dévî
["la déesse sortie de la mer de lait", c'est-à-dire Laxmî,
l'épouse de Vishnou] avait reçu son éducation à la
maison. Elle était particulièrement douée pour la
gravure, la calligraphie et tous les arts de
l'écriture. Shrî Mâ avait dit après avoir vu la mère
de Pushpadî : "il y a une bonne base ; elle ne s'est
jamais mal comportée".
Pushpadî s'appelait Sâvitrî de son nom de jeune
fille. Sa mère l'avait surnommée « bhajan » (chant).
En voyant dans le journal de Calcutta l'annonce de
l'arrivée de Mâ, l'oncle maternel de Pushpadî se
rendit au darshan. Après avoir entendu parler d'elle,
Pushpadî avec sa mère et l'oncle se rendit à l'ashram
pour avoir aussi le darshan de Mâ. C'était en 1946, à
Baliganj, rue Ekdâliyâ. Dès le premier darshan de Shrî
Shrî Mâ, quatre points sont apparues clairement à
l'esprit de Pushpadî : « je n'ai jamais vu un tel sens
du Soi, de l'intériorité chez quiconque. Je n'ai
jamais vu une telle félicité chez quiconque. Si mon
Dieu est comme cela, c'est bien ! Il faut que je m'en
aille avec elle. Un jour Pushpadî se rendit auprès de
Shrî Mâ. D'une façon ou d'une autre, elle réussit à
la rejoindre. Mâ lui dit : "Distribue à chaque enfant
une guirlande". Pushpadî en donna donc une à chacun.
Il lui passa par l'esprit d'en garder une pour elle,
comme un prasâd de Mâ, mais ensuite, elle réfléchit
que Mâ ne le lui avait pas dit. Ensuite, Shrî Shrî Mâ,
au moment de s'en aller du satsang, s'éloigna un petit
peu et revint au pour donner une à Pushpadî une belle
guirlande de roses qu'elle avait gardée sous sa
chaise.
Un jour, Pushpadî était sortie faire des courses
avec sa tante. Du marché, elle se rendit seule chez
Mâ. Une fois arrivé là-bas, elle a appris que Shrî
Shrî Mâ étaient arrivée. On était déjà avancé dans la
nuit. Pushpadî était seule. Shrî Shrî Mâ lui demanda
: "De qui es-tu la fille ?" Pushpadî répondit : "Je
suis votre fille". Shrî Shrî Mâ lui
reposa deux fois de plus la
même question :
"De qui es-tu la fille ?" Et Pushpadî de
donner la même
réponse : "Je suis votre fille ". Pushpadî dit à Shrî
Mâ : "Il faut que je m'en aille avec vous" mais Mâ ne
répondit rien.
Cette même nuit, Pushpadî eut une expérience
extraordinaire. Pendant toute la nuit, elle ressentit
qu'une personne vêtue de blanc était assise au-dessus
de sa tête [dans la tradition hindoue, on médite sur
le guru ou sur son ishtâ-dévatâ comme étant assis
au-dessus de la tête].
Un jour, Pushpadî se rendit à l'ashram de la rue
d'Ekdâliyâ et apprit qu'il y avait l'inauguration
d'une nouvelle propriété du juge SR Dasupta. et que
Shrî Shrî Mâ s'y était rendue. Une fois parvenue
là-bas, elle vit que le satsang était déjà terminé.
Shrî Shrî Mâ et Dîdîmâ étaint assises. On avait
organisé des clôtures en bambou pour canaliser la
queue des fidèles. Chacun allait faire pranâm devant
Mâ à son tour. Il y avait une très longue queue.
Chacun offrait une guirlande, et s'en allait. Pushpadî
resta debout quelque temps sous le pandal et ensuite
s'engagea dans la queue pour aller faire son pranâm à
Mâ. Juste au moment où elle faisait ce pranâm, elle
s'aperçut qu'en elle il n'y avait rien, qu'elle était
devenue complètement vide. Tout en faisant sa
prosternation, elle sentit quelque chose de lourd qui
lui tombait sur la nuque ; elle vit que c'était une
guirlande de fleurs. Auprès de Mâ, il y a avait une
guirlande particulièrement lourde et plutôt grande.
C'était celle-ci que Mâ avait lancée d'une certaine
distance autour du cou de Pushpadî. Shrî Shrî Mâ
fixait Pushpadî du regard. Pushpadî aussi se mit à
regarder Mâ droit dans les yeux, sans changer de
direction. Ensuite, lentement, Mâ regarda d'un autre
côté. Pushpadî rentra à la maison en portant toujours
cette guirlande autour du cou.
Quand Pushpadî était assise auprès de Mâ, toujours
elle pleurait. Tout le monde demandait à Mâ : "Mâ,
pourquoi cette fille pleure-t-elle ?" Mâ répondait en
riant : "Demandez-lui directement !" Malgré des
requêtes répétées, quand Pushpadî vit que Mâ ne la
prenait pas avec elle, elle se mit à penser qu'en
priant le seigneur Jésus ou bien Chaitanya
Mahâprabhou, Mâ certainement la prendrait avec elle,
mais qude son côté, elle-même ne lui parlerait pas de
ses prières.
Un jour, Shrî Shrî Mâ était sur le point de partir
à Vishnoupour, elle demanda soudain : "Où donc est la
jeune fille qui pleure ? Installez-là dans ma voiture
!" Mais Pushpadî n'était pas présente. Le jour
suivant, lorsqu'elle vint à ashram, tout le monde lui
demanda : "Où étais-tu donc? Mâ t'a appelée, pour te
prendre avec elle à Vishnoupour". Pushpadî répondit :
"Je n'y suis pas allée, car que faire de seulement
trois ou quatre jours. Avoir la compagnie de Mâ pour
si peu de temps, qu'est-ce que ça veut dire ?"
Quelque temps plus tard, Shrî Shrî Mâ allait
partir pour Bénarès. La mère de Pushpadî la prit avec
elle pour le darshan. Elle demanda : " Mâ, je ne peux
pas la garder à la maison, prenez-la avec vous !
Renvoyez-la moi dans un mois." Mâ dit : "Est-ce
qu'elle pourra rester seule ?" La mère répondit :
"Oui, Mâ elle le pourra !" Mâ dit alors : "Allez-y,
emmenez-la à la gare de Howra. Ce corps y va aussi.
Le train de Bénarès y est en partance." En arrivant à
la gare, Pushpadî vit au milieu des bagages empilés
que Swami Paramânandajî avait perdu connaaissance à
cause d'un accès de fièvre. Pushpadî acheta une noix
de coco et donna son eau à boire au Swami. Sur ces
entrefaites, Shrî Mâ est arrivée. Elle dit à Didi en
voyant Pushpadî : "Didi, cette jeune fille va venir
avec ce corps". Juste avant, Didi avait déjà demandé
à Pushpadî : "Qui es-tu ? Où t'en
vas-tu? Maintenant, nous
ne prenons pas de
grandes jeunes filles au Kanyâpîth." Cependant,
aussitôt que Didi entendit Mâ parler de Pushpadî, elle
demanda : " Est-ce que tu as un billet de première
classe ?" Pushpadî répondit : "Non, je n'ai qu'un
billet de troisième classe". Aussitôt, Didi prit le
billet et demanda à quelqu'un dans la foule : "Peux-tu
donc changer ce billet ?" Juste au moment où la
personne ramenait le nouveau billet, le train s'est
ébranlé. C'était en novembre 1947.
Dès qu'elle arriva à Bénarès, Pushpadî se mit au
service de Mâ. Au bout d'un mois, celle-ci lui demanda
de retourner à la maison. Mais Pushpadî ne le fit pas.
Quelques jours plus tard une lettre de son père
arriva, demandant à Shrî Shrî Mâ de la renvoyer à la
maison. Elle appela la jeune fille pour un entretien
privé, et lui fit lire la lettre. Ace moment-là,
Pushpadî dit à Mâ. "Mâ, bien que je sois venue à vous,
vais-je être obligée de retourner dans le monde?"
Après avoir entendu Pushpadî s'exprimer ainsi, Shrî
Shrî Mâ répondit-elle même au père par courrier.
Pushpadî enseignait aux jeunes filles du Kanyâpîth.
Elle était une experte à la fois en danse et en chant.
Elle organisait donc des spectacles à l'occasion de
Jhulan Purnima [la pleine lune, où l'on honore
particulièrement Radha et Krishna], Janmashtamî [huit
jours après Jhulan Purnimâ, anniversaire de la
naissance de Krishna], et pour d'autres fêtes avec les
jeunes filles de l'école pour montrer à Shrî Shrî Mâ
des épisodes de la vie de Râm, Krishna ou des scènes
qui mettaient en valeur les faits et gestes d'autres
saints.
Shrî Shrî Mâ avait demandé plusieurs fois à Pushpadî
: "Est-ce que tu es une brahmane?" Pushpadî répondait
: "Non". Un jour, à Puri, Pushpadî demanda à Swami
Parâtmânandajî : "Pourquoi Mâ me demande cela de façon
répétitive? Est-ce qu'elle ne sait pas que je ne suis
pas une brahmane?" Le Swami répondit alors : "Il y a
en toi des signes de brahmane ; c'est sûr, Mâ voit à l'intérieur
de toi certains signes".
A l'heureuse occasion de l'anniversaire de Mâ à
Kashi(Bénarès), une chanteuse très connue, Shrîmatî
Girijâ Dévî, était venue se produire devant Mâ. Après
ses bhajans, Mâ demanda à Pushpadî d'en chanter un
également. Celle-ci répondit : "Mâ , après cela, il ne
faut pas chanter de bhajan !" Mâ demanda : "Quoi ? Que
peut-il arriver par le simple fait de chanter ?"
Pushpadî dit : "Les auditeurs vont m'attraper et me
battre !" En entendant cela, Mâ répliqua : "Ah bon !
Tu prêtes autant d'attention à la louange au blâme -
je ne savais pas". A ces mots, Pushpadî se mit
immédiatement à chanter. Juste à la fin de son bhajan,
Shrîmatî Girijâ Dévî la prit dans ses bras et lui dit
: "Oh ! Cette voie que tu as là ! Dans ta gorge, il y
a de la magie !"
Une fois, Mâ avait placé Pushpadî à l'ashram de
Dehra-Dun. Elle était encore très jeune. Tous les
jours, elle chantait des hymnes, la Bhagavad-Gîtâ,
etc.. Les sadhous de l'ashram de Ramakrishna à côté
s'assemblaient à la porte de celui de Mâ pour écouter
les source extraordinaire de ces douces sonorités :
"Qui chante d'une voix si douce et avec une si belle
prononciation les hymnes ? Qui est cette jeune fille
?" Les mahâtmas aimaient beaucoup les bhajans de
Pushpadî. En particulier Shrî Haribâbâjî en faisait un
grand éloge. Il disait : "En entendant chanter Pushpa,
un sentiment de renoncement survient." Ainsi donc,
Shrî Shrî Mâ aussi prenait avec elle Pushpadî dans la
plupart des endroits où elle allait pour le satsang.
Sinon, les mahâtmas lui demandaient : "Mâs, où est
Pushpa?" La première ministre de l'Inde de l'époque,
Shrîmatî Indirâ Gandhi aimait également beaucoup les
kirtans de Pushpadî ; par conséquent, en tant
qu'invitée spéciale, Pushpadî allait à la résidence de
la Première ministre pour des occasions particulières
comme par exemple la mort de Firoz Gandhi [le mari d'Indirâ], celle de
Nehru ou enfin celle d'Indirâ elle-même, pour chanter
en face de son urne funéraire.
Dans la dernière phase de sa vie, Pushpadî prit le
sannyâs du président de la Divine Life Society, Swami
Chidânandajî. Il lui donna pour nom Shrî Bhajanânanda
[félicité du chant]. Elle continua à chanter jusqu'à
ses derniers jours.
Depuis quelque temps, elle était malade du cour.
Elle était en traitement pour cela. Cependant, lors de
la dernière Samyam Sapta, tout le monde avait été
réjoui d'entendre une fois de plus de sa bouche même
satyam, jñânam, anantam Brahman, ce chant qui évoque
le nâda Brahman, le son de l'Absolu. Après cette
semaine de retraite, elle s'en fut à Poone. Encore le
6 février, à l'occasion de Sarasvatî pujâ, elle fit
vibrer l'ashram de Poone de ses chants, et le 25
février 2003, elle se fondit pour toujours aux pieds
de Shrî Mâ, passant de ce monde mortel à celui de
l'immortalité afin d'y recevoir l'onction du nectar de
la musique divine.
Aujourd'hui, nous lui rendons hommage dans les
termes du poète :
Dans les doux appels du coucou, dans les cris sonores
du paon, dans les arbustes des vergers Dans les
fleurs aussi, ce n'est que ta douce mélodie qui
résonne ;
Et tu laisses en nous - comme une douce mémoire- la
vaste vague de ta félicité.
Bramachârinî Gunitâ Banerjî, Kanyapîth,
Varanasi
Publié dans Ananda Varta (hindi), juillet 2003
Quelques "samyogs" récents de Mâ
par Jacques Vigne
Par samyog, on entend un concours heureux de
circonstances, où les facteurs s'unissent, c'est la
racine de Yoga, unir, pour arriver à une fin, une
synchronicité en quelque sorte. D'après le témoignage
de Vijâyânanda et de nombreux autres, auprès de Mâ,
les samyogs étaient monnaie courante, tellement qu'on
n'y faisait plus tellement attention ; ce n'était
qu'après qu'ont réalisait que les coïncidences étaient
quand même statistiquement très improbables, pour ne
pas dire extraordinaires. Voici quelques-unes de ces
coïncidences peu banales qui me sont arrivées durant
cette saison chaude à l'ermitage de Dhaulchina :
- le 5 juin 2003, Swami Nirgunânanda a fait la poûjâ
d'inauguration de ma nouvelle chambre à l'ermitage,
avec sa belle vue sur l'Himalaya. Je m'y suis donc
installé juste après. Le soir même, au crépuscule, je
méditais tranquillement pour ma première soirée dans
cette chambre. La porte était fermée, j'entendais
qu'il y avait beaucoup de vent dehors. Quand je me
suis relevé de ma méditation et me suis retourné, j'ai
vu qu'il y a avait des pétales de roses blanches, un
peu roses par endroit, qui parsemaient le sol, ce
n'était pas un tapis, mais il y en avait peut-être une
dizaine. Le lendemain soir, le phénomène s'est
reproduit, et plus jamais après. On peut trouver une
explication rationnelle à ce phénomène, le vent qui
arrivait du sud a poussé les pétales des rosiers qui
sont en dessous de ma chambre vers la véranda du premier
étage où elles ont
dû tourbillonner, puis sous ma porte à
l'intérieur. Cependant, cela fait trente ans que je pratique
régulièrement, la
plupart du temps dans des pièces fermées,
mais voilà la
première fois qu'en me relevant, j'ai trouvé des
pétales de roses sur le sol.
- Une mère est venue avec sa fille adolescente de
quinze ans en visite à l'ashram pour une dizaine de
jours. La fillette avait un défaut qu'ont souvent les
adolescents, une tendance à fuir la communication et à
s'enfermer en soi-même en écoutant de la musique, en
particulier avec un walkman. En fait, quand elle est
arrivée à l'ashram de Mâ, son walkman est tombé en
panne, elle a essayé de le réparer mais sans succès.
Elle pensait le jeter, mais l'a quand même gardé avec
elle. Pendant tout le séjour, elle a été "obligée"
d'entendre parler de vie spirituelle... La veille du
départ, n'ayant rien à faire, elle a de nouveau essayé
d'ouvrir le walkman, qui s'est remis à
fonctionner spontanément...
- Je m'étais dit qu'au mois d'août, comme la plupart
des français, il fallait que je prenne des vacances à
l'intérieur même de mon ermitage, c'est-à-dire que je
cesse de travailler sur mon ordinateur pour rédiger le
‘Jay Mâ’ ou d'autres écrits, ou même pour la
correspondance. Il me restait à rédiger un article
très bref que j'avais promis comme contribution à un
ouvrage qui va sortir pour le 50e anniversaire d'Amma.
Je l'ai écrit le vendredi 1er août au matin. Le samedi 2
août, il y a eu une forte surcharge de courant tout à
fait imprévue dans le système électrique et
l'adaptateur de courant de l'ordinateur a été grillé
en un rien de temps. Je ne pouvais donc m'en servir,
le temps de commander un nouveau à Delhi, car il n'y
en avait pas à Almora, cela m'a emmené jusqu'au 28 août,
juste le temps de rédiger ce ‘Jay Mâ’ avant de
redescendre dans la plaine.
- Comme j'étais dans l'ensemble en silence, il y a peu
de monde qui est passé à Dhaulchina, cependant, j'ai
eu la surprise un jour de voir arriver, avec leur sac à
dos, un lointain cousin avec sa jeune femme, Guillaume
et Juliette. Il sont restés une semaine à faire retraite
et ont continué ensuite leur périple par un trek en
Himalaya, très heureux de leur séjour ici. Cinq
semaines plus tard, un couple d'enseignants qui
avaient perdu leurs deux seuls enfants dans un même
accident de voiture m'a demandé l'autorisation de
venir. Vu l'épreuve spéciale qu'ils avaient traversée,
je la leur ai donnée. En m'entretenant plus avant avec
eux, je me suis aperçu que leurs deux enfants
s'appelaient Guillaume et Julie. Je leur ai donné un
cadeau pour Guillaume et Juliette, en pensant qu'il y
avait là un signe de Mâ : les rencontres se
poursuivent, on est uni dans les Soi non seulement à
ses propres enfants disparus, mais aussi aux enfants
des autres qu'on rencontre "par hasard", la vie
continue...
Inauguration de l'école de Mâ
Anandamayî
au village de Jamradi en contrebas de l'ermitage de
Dhaulchina
par Jacques Vigne
Le village de Jamradi est « en contrebas» de
l'ermitage de Dhaulchina au sens himalayen du terme,
c'est-à-dire qu'il y a 1.200 m de dénivelé à descendre
pour y parvenir ! Là-bas, il y a des fidèles
de Mâ qui ont entrepris en 1995 d'ouvrir une nouvelle
école de Mâ. Elle s'est installée dans des locaux
prêtés. Vers 2000, grâce à des donations, ils ont pu
acheter un nouveau terrain, bien situé avec une vue
magnifique sur les collines de l'Himalaya. En avril
2001, un groupe de Français et de Belges est venu pour
une semaine de retraite à l'ashram de Patal Devî à
Almora. Ils ont visité Dhaulchina, et comme il y avait
dans ce groupe un femme professeur de lettres et de
hatha-yoga de Châlons-en-Champagne, avec six de ses
élèves, ils ont décidé d'organiser là-bas un
programme avec Jacques Vigne et que tout le bénéfice
irait pour la construction de cette école primaire. Ce
qui fut fait en mi-décembre 2001, avec une conférence
du vendredi soir qui a réuni plus de 200 personnes et
un stage de week-end avec plus de quatre-vingt-dix
personnes. A partir de là, les travaux ont progressé,
on a un peu attendu pour bénéficier aussi d'un crédit
du député local, qui possède un fonds de
développement qu'il peut distribuer lui-même. Il a
contribué pour un tiers, et le groupe de Châlons pour
deux tiers. Il était présent à l'inauguration du
samedi 30 août dernier, avec un autre député. L'école
a déjà plus de quatre-vingts enfants, avec trois
salles pour les accueillir. Elle est reliée au réseau
des shishu mandir-vidya mandir [temples des petits
enfants - temples de la connaissance] organisé par
l'ashram de Shrî Aurobindo à Pondichéry et qui compte
de nombreuses écoles primaires et secondaires dans
toute l'Inde.
Dans une des salles de l'école, on avait organisé
la lecture d'une partie du Râmâyana, le Sundarakhand
[la « belle partie »] . C'est la tradition de lire une
partie ou tout le Râmâyana pour l'inauguration d'une
maison. On avait installé un dais avec le livre sacré
lui-même, une photo de Mâ Anandamayî, et sur le côté
une photo de Swami Nirgunânanda, qui avait fait le
lien pour permettre la construction de cette école. On avait
fabriqué aussi dans
la même salle de classe un autel en boue
séchée, védi, avec des yantras dessinés à la
farine. Un vieux
moine adorateur de
Râm et de Hanuman, Sitaram Baba, était
venu. C'était lui qui avait posé la pierre de
fondation de l'école il y a deux ans, il est âgé,
dit-on, de 105 ans. Il est très aimé dans la région,
et quand il organise des lectures du Râmâyana, des
milliers de gens peuvent venir. Après les discours des
politiciens, il a mis de l'ambiance en clamant le nom
de Râm dans l'assemblée, qui lui a répondu par une
ovation et des rires, c'était un joyeux et sain
rappel qu'il n'y a pas que la politique et la
distribution des subventions sur terre...
Un détail intéressant qui nous met dans l'ambiance
millénaire de l'Inde : au début de la cérémonie, sur
la terrasse de l'école avec cette vue splendide sur
l'Himalaya, on a distribué les guirlandes pour honorer
les hôtes de marque : on a commencé par le seul Swami
en orange présent, et on a terminé par les images de
Sarasvatî, déesse de la connaissance et des écoliers.
Il y a de nombreux dieux en Inde, mais quand on a la
chance d'avoir un Swami dans l'assemblée, qui est en
principe le canal vivant du Divin, on l'honore en
premier lieu.
Trois enseignants francophones sont passés entre fin
juillet et mi-août et ont voulu faire une donation à
l'école ; nous avons décidé de l'attribuer pour un
meilleur salaire des quatre instituteurs. En effet,
ceux-ci sont payés environ 20 Euros par mois, ce qui
est très peu pour vivre, même dans un village de
montagne où la vie est moins chère que dans les
villes. Il y aura aussi en principe une correspondance
en anglais établie entre les élèves du village de
Jamradi et ceux d'une petite bourgade du département
de l'Aube. Le couple de professeurs qui venait de
là-bas souhaite aussi y organiser une collecte pour
offrir l'internet à la grande école du canton, qui
compte environ 400 élèves. Mâ permet des liens
inattendus entre les gens et les pays...
Nouvelles
- Swami Nirgunânanda poursuit son tour en Europe.
Après être du 5 au 9 juillet au domaine des Courmettes
au-dessus de Nice il va dans la région de Londres
durant quelques jours puis un mois aux États-Unis pour
revenir en Inde le 16 octobre.
- Le grand moment de la Durga poujâ sera le 3 octobre,
il s'agit de Mahâshtamî le moment précis où Durgâ a
tué le démon Mahîsha, à la jonction des deux journées
lunaires, c'est-à-dire à une heure qui varie tous les
ans, à 7h du matin cette fois-ci ; pour cette année,
le calendrier hindou est plutôt en avance, et donc il
faut s'attendre à ce que les dates des fêtes, y
compris l'anniversaire de Mâ, soit plus tôt que
d'habitude.
- Il y aura deux voyages organisés bénévolement
par Geneviève
Koevoets en 2004 à la
rencontre de Swamis disciples de Mâ Anandamayî en
compagnie de Jacques Vigne :
1) du 10 au 25 avril, quatre jours à Kankhal où nous
rencontrerons en soirée Swami Vijayânanda, et verrons
pendant la journée la demi Koumbha-Méla d'Hardwar qui
rassemble plusieurs millions de personnes. Mâ disait
que cet événement était "l'étendard de l'hindouisme",
car on peut voir ensemble toutes les congrégations de
sadhous et les nombreux fidèles (environ six millions)
qui viennent leur rendre visite sur les bords du
Gange. Cette fête a lieu six ans après la précédente
et avant la suivante grande Koumbha-Méla. Nous
monterons ensuite faire un peu de promenade
dans le grand Himalaya, dans la région d'une des sources
du Gange, Kédarnath.
2) Du 3 au 24 juillet, nous ferons principalement une
douzaine de jours de retraite en silence à Dhaulchina
même, excepté les périodes de satsang. Swami
Nirgunânanda sera présent. Le thème de la retraite
sera : "l'écoute du silence et l'enseignement de Mâ
Anandamayî". Puis nous descendrons à Kankhal pour
quelques soirées avec Swami Vijayânanda et une visite
des environs, surtout Rishikesh et le début du Gange
himalayen.
Renouvellement des abonnements
La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs
abonnements. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou
pour les nouveaux, il est possible d'envoyer un chèque
de 14 Euros à l'ordre de Jacques Vigne à Magali Combal.
Vous serez abonnés jusqu'en fin mars 2005.
Table des matières
Paroles de Mâ citées par Atmânanda p.1
Une réponse de Vijayânanda p.4
Sur les traces des Yoguis par Vijayânanda p.5
En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukerjî p.9
Comment je suis devenue une disciple de Mâ Anandamayî par Dîpikâ Bansal p.16
Le son du silence par Marion Mantel p.20
Prière à la mère divine : « donne-lui un nom » par Marion Mantel p.21
Pushpadidi, la fontaine du Son de la félicité par Brahmachârinî Gîtâ Banerjî
p.22
Quelques "samyogs" récents de Mâ par Jacques Vigne p.31
Inauguration de l'école de Mâ Anandamayî à Dhaulchina par Jacques Vigne
p.33
Nouvelles p.36
Renouvellement des abonnements p.37
Table des matières p.38
Jay Ma N° 71
- Hiver 2003-2004
Réponses de Mâ
Nous donnons ci-dessous quelques
réponses et dialogues avec Mâ, tels que les a traduits Jean-Claude Marol dans
son livre « La Saturée de
Joie » (Dervy, 2001).
(Un haut fonctionnaire du gouvernement est venu visiter Mâ Anandamayî.)
Question : Je n'ai aucune foi, et je ne vois pas comment
cela pourrait changer ! Qu'en pensez-vous ?
Mâ : vous
dites que nous vous n'avez aucune "foi " : eh bien, établissez-vous
fermement dans cette conviction ! Car, où est le "non" est
fatalement le "oui"!
Qui peut prétendre être au-delà de
la négation de l'affirmation ?
La foi est un geste fondamental,
une impulsion naturelle à l'être humain, la foi en Dieu en découle. La vie humaine est ainsi faite que personne ne peut dire "je ne crois en
rien", vous croyez toujours quelque chose !
Le mot manush (humain) est
constitué de man (esprit) et hush (conscient) ; cela induit
qu’il n'y a pas d'humanité sans esprit ouvert et sans vigilance, cela montre
que le penchant naturel de l'être humain est de prendre pleinement conscience
de la réalité.
Quand les enfants apprennent à lire et à écrire, et doivent s'attendre à être
corrigés ! Dieu aussi "corrige". C'est la preuve qu'Il prend soin des
humains ! Ces corrections déplaisent; en fait, elles transforment les cœurs et
mènent à la paix. En compromettant des satisfactions ordinaires, elles font
cheminer vers la Joie suprême
Le corps humain survit par un
perpétuel va-et-vient de la respiration. Quel inconfort ! De même, dans la vie,
vous pouvez circuler en touriste qui va, vient, saute d'un lieu à l'autre,
d’une distraction à une autre... Ou bien être un pèlerin lié son être profond
et qui avance vers sa vraie demeure : la pleine Connaissance (p. 177)
Les lampes du monde s'allument et
s'éteignent. Il est une lumière éternelle qui ne peut passer. Cette lumière
permet de percevoir les lumières extérieures et toute chose dans l'univers.
Parce qu'elle luit en vous, vous voyez. Parce que la Connaissance suprême
réside en vous, pouvez acquérir les autres formes de connaissance. L'esprit est
comme la racine d'une plante : irrigué, toute la plante est désaltérée.
Parfois vous vous exclamez que vous
n'en pouvez plus ! Mais aussitôt rentrés chez vous, vous vous sentez bien ! (p.
179)
Question : à mon sens, il ne peut y avoir une vision intégrale de l'Etre
suprême, au plus, nous en aurons une vision partielle... Qu'en pensez-vous ?
Mâ : Si vous pensez que l'Etre
peut se mettre en morceaux, alors vous pouvez employer le terme de
"partiel ". Mais peut-il y avoir des "parts d'Absolu"? Vous
raisonnez en termes de parts, et vous voulez prendre "votre" part,
n’est-ce pas !
Il est le Tout, Celui qui est.
Question : mais alors, il doit bien y avoir au moins des niveaux dans la
Connaissance?
Mâ : où est la connaissance des
formes du Sans-forme, il ne peut y avoir de niveau ; aller pas à pas
concerne la période où l'on cesse tout juste de courir derrière les objets, et
où l'on se tourne vers l'Eternel qui n'est pas encore une évidence, sa quête
est devenue "intéressante" cette progression réserve des
expériences... Là où est la pensée, est fatalement l'expérience ! Les
expériences traduisent les mille façons d'approcher la Connaissance suprême.
L'esprit qui s'était d'abord empêtré dans la matérialité, affirmant que jamais
on ne peut savoir s'Il existe ou non, et qui tournait le dos à "tout
cela" finalement rebrousse chemin ! N’est-il pas naturel que la lumière
lui parvienne, "accommodée" à sa situation ?
Les états possibles et imaginables
ont un nom.
Mais les états particuliers
cessent, quand le Soi est enfin reconnu ! (p. 179)
Une sélection de réponses de Vijayânanda
Par Prémamayî
Prémamayî, alias Caroline Rosso-Cicogna, a été souvent auprès de Mâ
entre 1978 et 1982, quand elle était en
Inde avec son mari qui travaillait à Delhi. Ils habitent maintenant Nice. Elle
a fait récemment une sélection de paroles de Vijayânanda qui l'ont aidée dans
sa sâdhanâ. Elle nous l'a envoyée, et nous la reproduisons ci-dessous :
La sâdhanâ consiste à tout rapporter à l'action divine. Et après un
certain temps on s'aperçoit qu'il n'y a pas de hasard.
Pour la
sâdhanâ, il faut avoir une ferme résolution et harmoniser l'intellect et le
cœur. Quand on se met au travail sérieusement, des pouvoirs viennent vous
aider.
Le
disciple doit être intelligent, avoir une certaine maîtrise de soi, du
discernement et la ferme détermination de découvrir ce qui est au-delà de
l’illusion du mental.
Le but de la sâdhanâ, c'est d'amener le mental au
silence.
Grâce à la sâdhanâ, on apprend à ne
rien faire en commençant par ralentir le mouvement.
Quand on a commis une faute, on
doit d'abord demander pardon, puis réparer si c'est possible et prendre la
résolution de ne plus commettre cette faute et enfin, ce qui est le plus
important, oublier complètement tout cela.
La concentration négative sur la
petite voix qui persécutent lui donne de la force. Il est plus facile pour le
mental de l'écouter que de faire l'effort d'une concentration positive. Etre
indifférent à cette négativité et répéter le mantra lui enlèvera de sa force.
Il n'y a pas besoin de chercher à se débarrasser de souvenirs tristes.
Ils agissent comme une épine irritative dans le mental pour nous apporter un détachement.
Il faut s'en servir pour arriver à la source de toute souffrance qui est la
fausse croyance que nous sommes des individualités distinctes, séparées du
Grand Tout.
Laissez le passé se guérir de lui-même. Quand on réussit à être vraiment
dans le présent, on a réussi 90 % de sa sâdhanâ.
Pour éviter de confondre intuition et désirs inconscients, il faut
d'abord de l'humilité. En cas de doute, toujours suivre le dharma, quel qu'en soit le coût. Si l'on ne se sent pas capable de
faire la distinction, consulter un guide spirituel. Quand le guru intérieur est
éveillé dans notre cœur, l'intuition apparaît comme une inspiration divine et à
l'évidence d'une perception sensorielle.
Les mouvements du mental peuvent toujours être ramenés à une sensation
qui a été leur point de départ. Se familiariser avec ces sensations peut
devenir une aide considérable pour connaître et maîtriser son mental.
On peut observer le silence en parlant, en ne disant que ce qui est
nécessaire et en gardant le silence mental dans l'intervalle.
Il y a plusieurs degrés de silence intérieur qui correspondent aux
différentes couches de notre mental. La première, la pensée parlée : ce
bavardage intérieur, presque incessant pour la majorité des gens. Le faire
taire, et c'est très difficile, est un des premiers objectifs de la méditation.
Apparaît ensuite une couche plus profonde qui est celle de la pensée en images
ou en sons : des formes et couleurs et des perceptions auditives subjectives
apparaissent dans le champ de conscience. Si on arrive aussi à éliminer ces
perceptions subjectives, il ne reste plus que la couleur affective du mental - bhâva
- des états mentaux d'euphorie ou de dépression qui sont basés sur des
sensations venant à la conscience de notre corps, pour être plus précis, du
mouvement de la force vitale dans d'autres organismes. Quand on réussit à
dépasser la conscience physique, le bhâva devient silencieux et on est
alors identifié au samarasa, un état ininterrompu de Satchidananda,
le vrai Silence. Les trois niveaux du mental s'interpénètrent, les couches
superficielles voilant les plus profondes.
La concentration sur Mâ est l'une des méthodes pour calmer le mental.
Dans le cas de Mâ, qui a laissé une présence résiduelle, on peut entrer en
contact avec cette présence. Ce contact peut devenir une aide considérable pour
la sâdhanâ. Quand on pense à Mâ, on se concentre automatiquement sur ses
qualités qui nous imprègnent même si cela n'est pas conscient. Mais ce qui
compte, c'est notre réaction mentale d'amour et de dévotion. L'image n'est
qu'un moyen pour produire cette réaction. Cette forme de pensée est un support
sur le Divin omniprésent dont le centre est ce qui réside dans notre cœur
subtil.
Ce qui est essentiel dans la méditation, c'est l'attitude mentale et le sankalpa.
Quand on sait bien méditer, on peut aller vers l'Absolu à partir de
n'importe quel point du corps.
Si dans la méditation, on voit des couleurs où l'on entend des sons,
c'est que l'on a touché le niveau mental sous-jacent à la pensée discursive.
Mais les expériences qui donnent un état de paix de bonheur sont bien
supérieures, surtout lorsqu'elles s'accompagnent d'un oubli total des
sensations venant du corps physique. Cependant, le véritable progrès se voit
dans le comportement quotidien, dans la maîtrise des émotions négatives et
l'harmonie avec l'entourage.
Prendre l'attitude de témoin, en
s'appuyant sur un fil directeur (le mantra, le souffle) et en observant les
mouvements du mental du coin de l’œil.
On développe la confiance en soi en se désidentifiant du corps et du
mental qui sont changeants et en s'identifiant à sa base immortelle : ce qui
donne au corps son aspect de permanence, c'est le Soi. On croit facilement que
le Soi est inexistant car il est tellement subtil mais il est plus dur que le
diamant.
La koundalinî est un pouvoir primordial, au-delà de la pensée parlée.
Quand cette énergie s’éveille, le premier effet est une intensification des
désirs. Ce qu'il faut, c'est renverser le dynamisme du désir et le ramener vers
sa source qui est en nous-même. Quand le guru éveille l'énergie intérieure, il
donne de l'intensité à ce double mouvement. C'est au disciple de choisir sa
direction : vers le haut ou vers le bas.
Chaque à être à en lui un désir auquel il
tient le plus. Ce qu'il y a au centre, c'est le Soi. Mâ réactivait, faisait
monter le Soi, mais on surimposait là-dessus ses propres désirs matérialistes.
La réalisation, c'est d’être en accord avec le Soi profond.
Sur les traces des yogis
par Vijayânanda
Vijâyananda
arrive à Ceylan, et en début janvier 1951, il se retrouve à l’Island Hermitage, un
petit monastère bouddhiste théravada à Dodanduwa près de Gale sur une île près
de la côte au sud de Colombo. Un journaliste bien intentionné avait annoncé de
façon prématurée que Vijâyananda voulait se convertir au bouddhisme alors qu'il
n'était venu là que pour s'informer.
Ce matin, un moine cinghalais m'apporta le
numéro du Daily News qui publiait l’information dont il avait été question hier soir. Les
moines semblaient donner beaucoup d'importance à cet incident que je croyais
insignifiant. Mercredi prochain, j'ai l'intention de quitter ce lieu pour Colombo. C'est certes un endroit rêvé
pour ceux qui veulent mener une vie contemplative. Mais je ne suis pas encore
"mûr". Mon esprit chérit encore des vasanas (impressions
subconscientes de désirs) - comme disent les hindous – qu’il me faudra épuiser.
Pourtant, il me semble, tant qu’à faire, je choisirais plutôt la solitude
complète qui aurait l'avantage d'une plus grande indépendance. Certes, la règle
dans ce monastère n'est pas rigide et les moines sont libres de faire ce qu'ils
veulent dans le cadre des obligations monastiques. Mais en ce qui concerne la
vie spirituelle, je suis comme le cheval sauvage, intolérant de la moindre
coercition. Car j'ai la conviction que la vie spirituelle, l'ascèse véritable
passe par une route où il faut marcher seul. Certes, il faut avoir un cadre
social et une étiquette à présenter au profane. Mais le chemin qui mène vers le
Suprême est toujours nouveau, différent pour chaque individu. Chacun suit sa
propre route qui ne ressemble à celle d’aucun autre.
Aujourd'hui, au cours de ma promenade dans l’île, j'ai rencontré le
Bhikkhou S. qui a bien voulu me faire visiter sa maisonnette. Les chambres sont
propres, riantes et agréablement meublées avec des fenêtres grillagées. J'ai
été frappé par l'écart considérable qui existe entre le standard de vie
matérielle d'un moine bouddhiste et celui d'un sannyâsin ou sadhou de l'Inde.
Dans les pays bouddhistes -et en particulier à Ceylan, on pense que le moine
doit vivre confortablement et agréablement. Ainsi, son esprit étant calme et
libéré de soucis matériels, il pourra se consacrer entièrement à la recherche
du nirvana. Et les laïcs procurent généreusement à leurs bhikhous ce qui leur
est nécessaire, et les traitent avec respect et vénération. Mais aux Indes, le
sadhou étant celui qui a renoncé au monde, on s'attend à ce qu’il vive le plus
simplement possible. D'ailleurs, plus son dénuement est grand, plus on lui
marquera de respect.
Shankarâchârya a popularisé l'idéal de parfait sannyâsin dans ses écrits
et ses chants. Il décrit la vie glorieuse de l'homme qui a renoncé à toute
possession dans les termes suivants, par exemple :
Un lieu
de repos au pied d'un arbre leur suffit,
Les deux
mains leur servent d'assiette.
Ils
méprisent les richesses comme si c'était un paquet de haillons.
Les porteurs du kaupinam en vérité sont bienheureux.
(Chant des
Kaupinavantas, second distique)
Le kaupinam représente le minimum irréductible de vêtements.
C'est un linge servant de cache-sexe et maintenu par une corde autour de la
taille. Kaupinavanta qui veut dire : le porteur de kaupinam est dans la
littérature védantique synonyme de "l'homme ayant une renonciation
parfaite". Le grand sage d'Arunâchala, Ramana Maharshi, était un
kaupinavanta, au sens propre et figuré. On raconte à son sujet l'histoire
suivante : un jour son kaupinam était déchiré. Il aurait facilement pu
en demander un autre. Mais par esprit de renonciation et aussi sans doute à
titre d'exemple il eut recours au procédé suivant pour le réparer : durant
sa promenade sur la colline, il cueillit deux épines. Avec l'une d'elle, il
transforma l'autre en aiguille en faisant un trou à son sommet. Puis il détacha
un fil de son kaupinam, et avec ce fil et cette aiguille improvisés, il
répara son unique vêtement.
Cependant, la vie de sadhou en Inde est assez dure, car
le pays est plus pauvre que Ceylan et les laïcs sont méfiants étant donné qu'il
existe un nombre considérable de moines qui ne revêtent la toge orange, le
vêtement de sadhou, que pour vivre sans travailler.
Comprendre le "culte des idoles"
Les "dieux de l'Inde",
leurs idoles et leurs rites religieux (poujâ)
ont souvent scandalisé les missionnaires chrétiens et ont été un motif de
sarcasmes pour beaucoup d'Occidentaux. Mais ce serait une grave erreur de
croire que les hindous sont des "idolâtres" dans le sens péjoratif
que nous donnons à ce mot et de les comparer aux noirs d'Afrique ou aux
"païens" dénoncés dans de nombreux passages de la Bible.
L'adoration des images et des idoles semble relativement récente dans
l'hindouisme. Elle ne date probablement pas de plus de deux mille ans ;
dans les védas et dans les Oupanishads, on n'en trouve guère de traces. Les
anciens aryens adoraient certes les forces de la nature personnifiées : Indra,
Arjouna etc. mais ce n'était pas un culte de bhakti, de dévotion, mais
plutôt des rites magiques dont le but était de se les rendre favorables. Il ne
semble pas qu'ils aient fait usage d'autres symboles visibles que celui de la
flamme. Il est probable que ce soit aux aborigènes, dravidiens et autres,
qu’est dû l'apport du culte des idoles.
Le culte des idoles est indissolublement lié à la science de la dévotion
(bhakti). J'emploie à dessein le mot science, car la dévotion telle
qu'elle est pratiquée aux Indes dans les milieux cultivés est loin d'être une
manifestation déréglée d'émotions religieuses. Les émotions religieuses et de
dévotion, la manière de les diriger, de les purifier et de les entretenir ont
été soigneusement étudiées dans de nombreux ouvrages, en particulier ceux du
vishnouïsme et ceux du dakshinâchârya tantra, et dans les hymnes alvars
du sud de l’Inde. Je me souviens qu'un jour, à Vrindâvan - la capitale du vishnouïsme et du culte de la
dévotion – un pandit vishnouïte bien
connu a fait une démonstration à ce sujet au cours d'un de ses katha-s, (conférence religieuse). En développant le
thème de la conférence, le dit pandit passa tour à tour par des états
d'émotions religieuses des plus variés, depuis la tristesse et des larmes
invoquant le Bien-aimé jusqu'à la joie délirante que donne la première vision
du Divin. Le pandit pouvait à volonté donner libre cours à une émotion, et
brusquement la couper et passer à une autre. Il nous démontra ainsi que la
véritable bhakti signifiait "jouer avec les émotions, et non être
leur jouet". Le but fondamental de la bhakti est de maîtriser l'élément
affectif et de le dévier vers le divin. L’idole
n'est qu'un point d'appui, un diagramme, pour fixer l'esprit sur un
point tangible.
L'hindou cultivé ne vénère pas
tant l’idole en pierre ou en bois que le
symbole qu'elle représente. La fête annuelle de la Durga poujâ (aux environs du
mois d'octobre) célébrée avec beaucoup d'éclat au Bengale illustre bien ce
fait : la fête commence le 7e jour de la lune ascendante et finit le 10e,
une nouvelle idole est généralement commandée spécialement pour cette occasion
à un artiste, elle est constituée
d’une figure humaine en argile peinte et
richement décorée et entourée de ses idoles satellites. Le rituel du premier
jour de la fête est centré autour de ce qu'on appelle le prâna-pratishthâ,
effectué par un prêtre brahmane expert
dans les poujâs en face d'un public plus ou moins nombreux selon les
circonstances.
Le deuxième jour, l'idole étant
censée être devenue une jagrat mourti, une idole éveillée, le rite
régulier d'adoration se fait selon les formules consacrées spéciales à la Durgâ poujâ. Le troisième jour, c'est la
cérémonie des adieux à l'idole. Les mantra-s et moudrâ-s
(formules sacrée et gestes rituels) du
prêtre ont pour objet de retirer l'insufflation de vie qu’il a donnée le
premier jour. Enfin le quatrième jour de la fête, le vijaya dashami
le dixième jour de la lune ascendante, l’idole, ayant joué son rôle, est noyée
en grande pompe et avec beaucoup de vénération dans le Gange ou une autre
rivière, selon les localités.
Un autre aspect de la dévotion des
hindous est particulièrement frappant pour les observateurs venant d’Occident,
c'est l'attitude de tendre familiarité qu'ils ont avec leurs dieux et le divin
en général. Car Dieu est avant tout et en dernière analyse l’antaryamin,
le maître intérieur, Celui qui réside dans notre propre cœur et qui n'est autre
que l'essence même de notre personnalité. D'ailleurs, les hindous ne manquent
pas de "blaguer" leurs dieux à l'occasion. Il est vrai que le plus
souvent, il s'agit de ceux des sectes secondaires. L'histoire suivante racontée
dans les Pourana-s en est une illustration : Shiva, dans son aspect propice,
est réputé être un "bon enfant". Son culte est des plus simples. Un
peu d'eau, quelques feuilles de l'arbre bel offertes avec dévotion
suffisent pour le rendre favorable. D'ailleurs, il est touché par la moindre
marque de dévotion et sa bonté frise quelque fois la naïveté : parmi ses
fervents adorateurs, il y a même des démons, asoura-s.
L'un de ces démons (ou titans) nommé
Basmasoura fit jadis de sévères austérités afin d'obtenir un darshan, une
vision de Shiva. Au bout d’un certain temps, touché par cette persévérance, il
lui apparut et lui demanda ce qu'il désirait, l'autorisant à formuler un vœu.
Basmasoura répondit qu’il désirait un pouvoir magique, le don de pouvoir
réduire en cendres qui que ce soit, sur la tête duquel il poserait sa main.
Shiva lui accorda ce don. Basmasoura, ne se tenant plus de joie, voulut essayer
immédiatement l'efficacité de ce pouvoir et tenta de poser sa main sur la tête
de Shiva lui-même. Ce dernier, ne pouvant retirer le don qu’il avait octroyé,
n'eut qu'une solution... C'est de s'enfuir à toutes jambes ! Et Basmasoura de
le poursuivre afin de vérifier l'efficacité des pouvoirs magiques qu’il venait
d'obtenir. Vishnou, voyant Shiva en difficulté, entreprit de venir à son
secours. Il prit la forme d'une mohinî (une femme séductrice) et apparut devant
le démon, lançant des regards aguichants. Basmasoura, aveuglé par l'amour, en
oublia de courir après Shiva et suivit la mohinî ; la
"séductrice" ne refusa pas ses avances, mais lui dit qu’un rite
purificateur serait de rigueur. Elle lui fit prendre un bain dans un étang tout
proche, et l'assura qu'une danse rituelle était nécessaire. Elle recommanda
Basmasoura de bien la regarder faire et d'imiter scrupuleusement tous ses
mouvements. Elle commença la danse et Basmasoura, toute son attention tendue,
imita ses gestes : la cadence des jambes, le mouvement ondulant des
bras... Elle posa une main sur sa tête. Basmasoura en fit autant... Et le
pouvoir magique que lui avait accordé Shiva se montra efficace, car il fut
lui-même réduit en cendres…
La familiarité des hindous envers leur ishta-deva (déité
préférée) est calquée sur les relations inter-humaines sublimées. Chaitanya
Mahâprabhou, le grand réformateur du vishnouïsme au XVIe siècle classifia les
relations entre les adorateurs et Dieu en cinq catégories, les cinq bhâva-s,
ou attitudes mentales : … celle du serviteur, du parent envers un jeune
enfant, de l'ami, puis le shanti-bhava étant considéré comme un havre de
paix. Ceci correspond peut-être à l'aspect paternel du Divin qui, assez
curieusement, n'est pas mentionné par les vishnouïtes, et finalement le madhourya-bhava
qui est considéré comme la forme la plus haute d'adoration et où Dieu est adoré
comme le bien-aimé suprême et très cher. Le fait que les hindous adorent
beaucoup d’idoles n’invalide en rien leur monothéisme. Pour l'individu éduqué
religieusement, toutes les formes sont simplement différents aspects d'un seul
Dieu. Ils voient clairement l'unité dans
cette multiplicité.
Ashrams, sadhous et râjâs
Par Bithika Mukerjee
Un événement important eu lieu à Vindhyachal en début mars 1943. Shrî
Prabhoudatta Mahârâj, un saint bien connu de Jhunsi (juste en face d’Allahabad
par rapport au confluent du Gange et de la Yamounâ), vint rendre visite à Shrî
Mâ. Protima Dévî d’Allahabad l'avait amené jusqu'à l'ashram au sommet de la
colline. Bien que Shrî Mâ soit connue au Bengale, elle n'était pas encore
entrée en contact direct avec la sadhou-samâj, la société des sadhous
du nord de l'Inde. Dans notre religion, tous
les renonçants appartiennent à des ordres ascétiques bien définis. Ils suivent
des écoles spécifiques de pensée et préservent leur identité sous forme de
fraternités distinctes. Shrî Mâ n'était rien de tout cela. On interdisait aussi
aux sadhous d’avoir de la familiarité envers les femmes et il se trouvait que
Shrî Mâ était une femme en vêtements blancs ordinaires, elle menait la vie
commune en étant simplement dans ce monde.
Prabhoudatta Mahârâj, comme les
événements postérieurs l'ont prouvé, a reconnu Shrî Mâ malgré tous ces
déguisements. Il s'est prosterné en face d'elle. Il était aussi une personne
qui aimait beaucoup s'amuser. Il rendit l'atmosphère de l'ashram pleine de
gaieté. Shrî Mâ répondait en appréciant son sens de l'humour et en y ajoutant
beaucoup de ses propres tours. Une fois au repas de midi, il se mit à manger
des quantités énormes afin que Didi qui servait la nourriture soit forcée de
dire : "Il n’y en a plus!" Aussitôt que Shrî Mâ a réalisé ce qu'il
souhaitait faire, elle amassa tellement de nourriture de différentes sources
qu'il fut obligé d'abandonner et de reconnaître sa défaite, ce qui évidemment
amusa beaucoup tout le monde.
Cette rencontre fut le début d'une histoire d'association fructueuse
entre les ascétiques en robe orange de notre pays et Shrî Mâ. Dans les années
qui suivirent, à l'invitation de Prabhoudattaji, Shrî Mâ se rendit de
nombreuses fois à Jhunsi à notre plus
grande joie. Bindou et ses amis entreprirent pour là-bas des voyages
innombrables sur leur bicyclette,
pendant que nous traversions la rivière en train, en tonga ou ekka
(deux différents types de voitures à cheval), par bateau ou même une fois en
passant à gué à travers les eaux peu profondes du Gange jusqu'à l'autre rive.
(p.88)
Il avait été décidé que Shrî Mâ serait
présente dans une Durgâ poûjâ située dans un hall dédié à Krishna. De telles anomalies n'ont jamais troublé les gens
proches de Shrî Mâ.. Quand je me souviens de ces jours-là, je suis bouleversée
par la manière magnanime et le naturel de sa présence qui tenait envoûtés tous
ceux qui s'approchaient d'elle. Nous avions recours à Didi pour nous dire quoi
faire, car Shrî Mâ était assise là, pleine de beauté pure et de grâce, pendant
des heures d'affilée jusqu'à ce qu'on lui demande de prendre du repos pour un
moment, ou un repas, ou un verre d'eau. En ce qui concerne Shrî Mâ, il n'y avait pas de cercle extérieur ou
intérieur. Didi savait cela dans le cœur de son cœur, tout comme ceux qui
avaient le privilège de la servir. A certains moments, elle pouvait demander
toutes sortes de services à quelqu'un qui était complètement étranger ou de la
personne la plus maladroite de sa suite, telle que moi-même. Ce que j'aimais le
plus, c'était de manier l'éventail à quelque distance de Mâ ! (p. 94)
Mes amis
connaissaient mon allégeance à Shrî Mâ,
mais ne partageaient pas mes sentiments à son sujet bien qu'ils aient
été pleins de respect et de compréhension. Je me souviens d'un incident
intéressant qui eut lieu à cette époque Nous avions été à la gare recevoir Shrî
Mâ lors d'une de ses visites à Allahabad. Là-bas, j'ai rencontré une amie de
classe, Shivanî, qui était également venue pour accompagner quelqu'un qui
partait par le même train. Nous étions en train d'attendre celui-ci, et elle
m’exprima ses réserves sur le fait de montrer un respect si exagéré à une
personne qui, après tout, n'étaient qu'un être humain. Elle était sceptique à
propos de notre dévotion à Shrî Mâ. Le train arriva, Shrî Mâ descendit sur le
quai ; cela m'a amusée de voir Shivanî qui s'inclinait très bas pour faire
pranâm quand Shrî Mâ passait devant nous sur le chemin de la sortie. Quand je
lui demandai pourquoi elle s'était inclinée devant un autre être humain, elle
dit : "Eh bien, c'était involontaire - elle a réellement une présence
majestueuse !"
Pour nous, le monde quotidien, réel des activités à l'université, des
engagements sociaux, des tâches ménagères routinières apparaissait dénué de
substance et d’importance. Nous comptions les heures et les jours qui nous séparaient
de notre prochaine visite à Shrî Mâ. Les autres familles proches de Shrî Mâ
devinrent comme nos proches parents,
tandis que les gens qui pouvaient revendiquer des relations de sang avec
nous se transformèrent progressivement en étrangers à cause du manque de
réciprocité et d’échanges possibles.
La confiance profonde et concentrée de ma mère envers Shrî Mâ était
comme une aura bénéfique d'approbation et de soutien. Il arrivait que mon père
exprimât sa méfiance à propos des infractions commises à trop de conventions.
Personne n’allait vivre dans les ashrams à cette époque, et courir après une
"Mâtâjî" représentait un comportement qui était à la limite de la
provocation. Les méthodes orthodoxes de pratiquer incluaient des visites de
temples, la célébration des fêtes religieuses et l'observation occasionnelle de
rites et de cérémonies à la maison présidés par le prêtre de famille. Mais
cependant, mon père avait en lui-même une vraie dévotion. Il ne visitait pas
l'ashram très souvent mais écoutait les comptes-rendus de nos visites avec un
vif intérêt. La preuve complète de son engagement et de son abandon profond aux
pieds de Shrî Mâ ont été fournies au fil du temps. Il n'était pas du genre
démonstratif, mais on pouvait voir que Shrî Mâ lui demandait toutes sortes de
services sans aucune hésitation, comme elle le faisait avec ses anciens fidèles
de Dhaka.
Nous en sommes venus à très bien connaître Prabhoudattaji Mahârâj. Il
était d'une compagnie très agréable pour des jeunes. Sa nature exubérante et extravertie
pouvait galvaniser les groupes de gens
les plus posés. Il avait sa manière de lancer de grandes claques sur le
dos des jeunes gens qui ne se méfiaient pas, ainsi donc chacun avait appris à
être très agile quand il s'approchait. Une fois, par jeu, il m’expédia un coup
de poing dans le dos entre les omoplates. Je pense qu'il ne connaissait pas sa
propre force. Je tombais pratiquement sur les genoux. J'étais debout près du
lit de Shrî Mâ. Je m'y raccrochais et me glissais derrière lui en m’agenouillant
dans le dos de Shrî Mâ qui parlait à Prabhoudattaji. Soudain, je m'aperçut tout
d'un coup que Shrî Mâ avait sa main sur ma tête. Elle avait reculé son bras à
l'intérieur de son châle pour me toucher, afin que personne d'autre ne puisse
remarquer cela. Je m'arrêtai de trembler et d'être sous le choc. Certaines
personnes se souviendront qu’à cette époque, j'étais une jeune fille plutôt
fluette. Seule Shrî Mâ avaitremarqué mon état et s'en était souciée d'une façon
tout à fait discrète. (p. 98)
Durant
cet hiver de 1944, les jeunes filles du Kanyâpîth étaient aussi venues à
Vindhyachal pour se changer d'air. Shrî
Mâ allait souvent à pied avec elles jusqu'au terrain plat sur le sommet de la
colline afin qu'elles puissent jouer ou
courir. Une fois, Maunima lança un défi à Shrî Mâ pour une course à pied. Comme
Maunima était beaucoup plus légère, nous nous attendions à ce qu'elle gagne
facilement, mais nous avons été très heureuses et surprises de voir que Shrî Mâ la sema tout à fait
facilement. Elle ne courait même pas, elle marchait simplement très vite !
Shrî Mâ organise le mariage de ma
sœur Rénou.
L'épisode du mariage de ma sœur Rénou avec
N.P. Chatterjee a été l'objet d'une grande controverse, et a eu lieu en début
mars 1945 au Bengale. Si mes souvenirs sont bons, cela a été le seul khéyala
pour lequel Shrî Mâ a dû donner ("a choisi" de donner) toutes sortes d'explications répétées à
travers le pays à ses anciens fidèles aussi bien qu'à de simples étrangers.
Shrî Mâ continuait le silence qu'elle avait adopté à Vindhyachal au début de la
même année. Elle parlait d'habitude les jeudis et une partie des vendredis. Le
soir, elle rentrait de nouveau en silence. De façon surprenante, Didi pouvait
interpréter ses regards et le moindre mouvement de ses doigts. Didi elle-même
ne savait pas comment elle était capable de faire cela !
Je vais écrire ce compte-rendu du point de
vue de ma famille. Rénou avait voyagé avec Shrî Mâ depuis un peu plus d'un
mois. Un jour, mon père a reçu la lettre d'un proche de Didi disant que le
mariage de Rénou avait été organisé pour mars par Shrî Mâ. Ils étaient
bouleversés. Ils se débattaient avec des douzaines de suppositions et de
questions : "Pourquoi quelqu’un
devrait parler de mariage sans consulter auparavant les parents de
Rénou ? Qui était le marié ? Pourquoi ce moment-là ? Est-ce qu'il
s'agissait d'un brahmachârî de l'ashram
?" etc. etc.. Pour moi, d'une façon étrange, je n'avais pas
d'appréhension. "Pourquoi devriez-vous vous inquiéter ? Didi écrit
tout à fait clairement qu'il s'agit du khéyala de Shrî Mâ. Donc, rien ne
peut aller de travers. Après tout, Mâ elle-même est là, donc tout ce qui
arrivera sera juste." Ma conviction a eu quelque effet sur l'agitation de
mon père. Il se calma…
Il s'est
avéré qu'il y avait des années, ma mère
avait rencontré Jyotida (N. P. Chatterjee) auprès de Mâ, elle avait aimé sa
présence et son style et avait demandé à Shrî Mâ si elle devait proposer à ses
parents Rénou comme son éventuelle future épouse. Shrî Mâ avez accepté à ce
moment-là, et dans son khéyala, le mariage avait donc déjà été accompli à cette
époque. Cependant, il y avait eu des
obstacles, et l'idée avait été abandonnée.
Rénou
savait qu’elle serait mariée, mais qu'il s'agirait simplement d'un mariage blanc,
puisque Shrî Mâ avait reconnu son aspiration pour une vie de détachement vécue
dans son aura et avec sa grâce. Le problème était que Jyotida se trouvait être
déjà marié. Cependant, il semblait accepter cet arrangement souhaité par Mâ.
Elle avait expliqué clairement à Jyotida, sa femme Shanti et Rénou qu'il
s'agirait de simples liens spirituels. Rénou resterait avec ses parents ou dans
l'ashram comme elle avait l'habitude de faire. Ni elle, ni Jyotida n'auraient
aucun droit ni devoir l'un envers l'autre.
Pour mon
père, cela a dû être une décision très difficile à prendre : Rénou était sa
fille aînée pour laquelle il prévoyait un bon parti comme tous les
parents, mais en acceptant le mariage
arrangé par Mâ, il allait l'empêcher de mener une vie ordinaire heureuse dans
le monde. Le kaléidoscope des expériences de notre famille, de vie et de mort,
de maladie et de santé, de succès et d’échecs, de joie et de chagrin etc.,
rétrospectivement pâlit, mais ce grand
moment dans la vie de mon père où il a été à la hauteur de la situation et de
l'attente de Shrî Mâ, cela ne s'est pas atténué dans ma mémoire. Par cet acte
de loyauté et de foi, il a créé un lien entre le khéyala de Mâ pour
toujours envers tous les membres de notre famille jusqu'à nos nièces et neveux.
Je ne sais pas si oui ou non nous méritions ce khéyala individuellement,
mais nous avons effectivement hérité de ce trésor précieux comme chacun de nous
le reconnaîtra si on le lui demande. Nous ne nous sommes jamais sentis isolés,
effrayés de ce qui pourrait nous arriver, parce que nous nous sommes toujours
sentis protégés par l'aura de la présence de Shrî Mâ dans nos vies.
Un autre
événement qui était parallèle au mariage de Rénou a été celui d'Abhayda. Nous
avons appris cette nouvelle après être arrivés sur le lieu du mariage de Rénou.
Nous connaissions Abhayda comme un jeune homme plutôt extravagant, mais plein
de charme et complètement consacrée à la vie ascétique. Il était très proche de
notre famille. D’une certaine façon, la nouvelle de son mariage imminent nous a
choqués plus que celui de ma sœur. Une jeune fille du Kanyâpîth, Jamounâ, avait
été choisie comme sa promise. Shrî Mâ avait d'abord suggéré une autre jeune
fille, mais la mère de celle-ci à l'évidence n'était pas l'accord car elle a immédiatement
emmené sa fille jusqu'à Calcutta. J'espère que personne ne serait choqué si
j’écris que le mariage d'Abhayda a été une sorte de soulagement au milieu du
drame sérieux de l'autre épisode. Mon père rencontra une fois Abhayda en train
de porter quelques saris que Didi lui avait demandés d'acheter. C'était une
scène tellement étonnante que l'humeur sombre de mon père s’évanouit
complètement. Il éclata de rire et dit tout joyeux : "Vraiment, Shrî Mâ
peut réussir l'incroyable. Si Abhaya va devenir
père de famille, alors tout est possible !"
Au point du jour, Jyotidâ (le marié « blanc ») et moi-même
partirent pour une petite promenade dans la campagne. Pour la première fois, je
me sentis un peu triste pour lui. Son rôle dans toute cette affaire avait été
certainement le plus difficile. Ma sœur, après tout, n'attendait rien de ce
mariage, ainsi donc elle n’allait vers aucune déception. Jyotîda aussi ne
gagnait rien mais il perdait beaucoup, parce que pendant toute sa vie, les
bavardages et médisances allaient le poursuivre quand il gravirait les échelons
de sa carrière et de son succès dans le monde. Il m'avait expliqué que personne
ne comprendrait ses motifs, ou plutôt son absence de motifs dans tout cela.
Même ses enfants plus tard dans leur vie pourraient peut-être lui faire des
reproches. J'ai compris maintenant pourquoi Shrî Mâ a dit qu'il serait
"yogirâj" à l'avenir. C’était maintenant qu’était l'avenir pour lui.
Il semblait que ce mariage ordonné par
Shrî Mâ pour lui était en fait le don de
la robe orange du sannyâs en esprit, si ce n'est en réalité. (p.114)
Le gros de l'opprobre de cette affaire a été supporté par Shrî Mâ
elle-même. Où qu’elle ait pu aller, on lui posait des questions à propos de ce
mariage. Quand elle vint à Vârânasî, Moukti Mahârâj exprima son désagrément
dans ce langage guère poli qui était typiquement le sien. De plus, étant donné
que ma sœur devait se consacrer au service de l'ashram, tout le monde était
bien disposé à son égard. Moukti Mahârâj réprimanda Shrî Mâ pour ruiner la vie
d'une jeune fille. Shrî Mâ expliqua son khéyala répétitivement au
sadhou. Avec des larmes dans les yeux, elle dit : "Baba, crois-moi,
quelque chose qui ne soit pas heureux (a-mangala) ne peut arriver
à qui que ce soit par l'intermédiaire de ce corps. (En bengali : Ai sharirer
duara, karur, amangala hoi na). Ce qui a été fait l’a été pour le bénéfice
des gens concernés. Tu ne vois pas le début et la fin des choses, simplement la
petite partie qu'il y a au milieu. Pourtant, l'étendue des samskâras est
vaste en réalité, eux qui relient bien des vies ensemble." Shrî Mâ, en
général, ne donnait pas d’explications de ce qu'elle faisait. Elle avait dit
une fois à Abhayda : "kaifiyat dewa na", "n'attendez
aucune explication de ce corps". Pourtant, dans ce cas, Shrî Mâ continua à
donner son attention complète à toutes sortes de questions qu’on soulevait en
sa présence, la plupart critiques et répétitives, jusqu'à ce que ce grand
événement commence à perdre de son pouvoir sur l'imagination des gens.
J’aimerai aussi écrire un épilogue à cette affaire. L'année suivante,
c'est-à-dire en 1946,
il s’est
trouvé que nous avons visité de nouveau en compagnie de Shrî Mâ Bahrampour où
avait eu lieu le mariage de Rénou et Jyotidâ, ainsi que Navadvîp. Je fus
stupéfait et navrée de lire un tract publié localement qui décrivait le mariage
en des termes sensationnels. J'étais très en colère et dit à Shrî Mâ que je
demanderai à mon père d'entamer un procès contre l'auteur du pamphlet. Shrî Mâ
me parla gentiment, tapotant ma tête et mes épaules : "Ne sois pas agitée!
Toutes ces choses sont éphémères. Si on
les laisse à elles-mêmes, les gens les oublieront très bientôt. Laisse le temps
passer, laisse le temps passer." Et il en fut ainsi. (Extraits entre p.103
et p. 116)
Traduit de l’anglais par
Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante
Par Jean-Claude Marol
Jean-Claude M
Ce texte a été repris d’un site internet où
Jean-Claude Marol, avant son décès en octobre 2001, avait écrit une synthèse
sur Mâ
"Vous voulez être libre ? Alors soyez comme l'oiseau
échappé de sa cage, sans regret pour ce qu'elle lui offrait de nourriture et
d'abri, et qui s'élance en plein ciel".
Jamais
dans l'histoire des cultures de notre planète une aussi grande foison
d'enseignements de toutes provenances n'a été révélée. L'Apocalypse est au
sens littéral : Révélation. Certains se réjouiront de vivre ces temps
apocalyptiques. La
ruée "gurumaniaque" de ces dernières décennies ne doit pas nous
empêcher de déceler ce qui souvent discrètement, sans mise en scène est mis à
notre portée aujourd'hui. "Grâce"... peut-être aux bouleversements
de notre époque, de grands témoins de différentes traditions spirituelles de
notre planète se sont trouvés mêlés à nos vies. Après le tamis de ces trente
dernières années, on s'aperçoit que ce qui survit à nos exaltations
orientales aura été souvent le plus discret. À côté de l'Inde des "gurus
pour Occidentaux" il y a une Inde sans "effets spéciaux" et
ses maîtres qui ne viennent pas fatalement en Occident. Le partage se fait
néanmoins. Nous sommes sur une même planète et les vents librement courent
d'un continent à l'autre. Une femme à l'immense renommée dans son pays n'a
jamais quitté la terre de l'Inde. Il n'était pas toujours facile aux
Occidentaux de l'approcher. Elle allait, insaisissable souvent, d'un lieu à
l'autre. Toujours chez elle où qu'elle aille... Nous avons fêté en 1996, le
centième anniversaire de sa naissance. La Belle tourbillonnante Au
VIIIe siècle, Sankara, à qui chacun fait référence pour expliciter
une vision non-dualiste de la réalité, dédia un chant à la grande Déesse : Le
SAUNDARYA LAHARI ("le tourbillon de la Belle"). On y trouve : "Il
n'y a pas en ce monde L'Inde
a le secret de ces comportements paradoxaux. Ainsi avoir tout à la fois,
l'esprit caustique et détaché, et une dévotion totale ! Ces dernières
décennies une "Belle tourbillonnante" a traversé ce continent
indien et bien plus que ce continent. Ses proches l'avaient nommée
"Toute joie", ANANDAMAYI. Elle n'a eu à proprement parler aucun
"disciple", mais des foules d'êtres ont été (sont) emportées dans
son tourbillon. D'elle-même elle a dit : "S'il y avait la moindre
conscience de moi, je pourrais dire qui je suis. Comme ce n'est pas le cas,
vous pouvez choisir de dire ce que voulez". Elle précise : "Où
pourrait-il y avoir transmission de maître à élève ? Il n'y a pas de corps
pour cela ; ni physique, ni autre que physique. Il est dit : IL'Y A QUE L'UN
SANS SECOND. Dans le Soi, il ne peut y avoir de second. La notion de deux
n'apparaît que dans les opérations mentales -- En réalité "sans pieds Il
marche, sans yeux Il voit". La très proche Dans
un premier temps, et c'est bien naturel, nous pensons : "Ah ! l'Inde et
ses voies spirituelles... Là-bas... ailleurs... comment se relier ?
etc." Un jour, nous comprenons qu'un être tel que Mâ Anandamayi est plus
proche de nous-mêmes que nous-même. Pour aborder ce "très proche",
le geste à faire est de l'ordre du "moins geste". Ici, aucun effet
n'est conseillé. La
"Toute Joie" ne demande aucune autre conversion que celle qui nous
fait voir enfin la "Joie" qui nous habite. La Belle tourbillonnante
ne nous a certes pas demandé ni à moi, ni à mon épouse de nous rapprocher de
tel ou tel courant de l'hindouisme. Elle était proche simplement et nous a,
tout au contraire, aidés à nous réapprivoiser à notre propre culture. Le
cheminement qui m'est propre je ne souhaite pas le développer ici ; je
citerai néanmoins, pour faire compagnie aux paroles qui vont suivre, quelques
vers d'un chant de Guillaume d'Aquitaine, le prince impertinent du début du
XIIe siècle qui a induit ce lien si particulier à la Dame. Ce
frisson du FIN AMOR, l'amour affiné nous parcourt encore. Je sais aujourd'hui
que c'est au nom de cetremblement que j'ai pu très jeune VOIR (je ne sais ici
quel mot employer) Mâ Anandamayi. Guillaume chante maintenant : "À
pleine joie, il me prend d'aimer, Moi,
vous le savez, je ne suis pas du genre à plaisanter Aucun
homme ne peut s'en façonner de telle, Toutes
les joies se font humbles C'était
le chant du premier troubadour, Guillaume IX à la "toute joie". Ce
chant, toujours, tourbillonne; un tourbillon pour moi réactivé par la
rencontre déflagrante avec Mâ Anandamayi. Devant nous À
la nuit tombée un couple de jeunes Français traverse tout Bénarès, deux
automates exténués, désespérés de ne pas avoir vu Mâ de la journée. Une
circonstance peut-être splendide, peut-être aberrante, les avait tenus
éloignés. Ils ne savaient plus rien. Ils voulaient seulement, absurdement,
obstinément voir Mâ Anandamayi en pleine nuit. Ils arrivent, l'ashram est silencieux.
Leur ami "Swami bonjour" qui est allongé près de l'entrée, les
accueille, incrédule. "Quand Mâ est dans sa chambre, elle n'en ressort
que le matin suivant... Allez vous reposer, vous ne pouvez pas attendre
demain ?" Le swami parlait bas pour ne pas troubler le silence. Son bon
sens nous accable. Nous allons repartir. Soudain... Mâ est là, devant nous
(nous ne l'avons pas vue venir) deux guirlandes à la main. Elles nous les
lance ! Après, nous ne savons plus... La nuit n'est plus la même ! Il m'aura
fallu ainsi qu'à mon épouse, vingt ans de silence pour oser un témoignage de
ce type, pour oser même parler de Shri Mâ Anandamayi. Cette "Toute
Joie" avant tout se donne à vivre. Elle ne se prête pas trop aux
commentaires... Le lecteur ne l'oubliera pas en parcourant les lignes qui
suivent. Avec tout un chacun Des
milliers de personnes de toutes appartenances (ou sans appartenance)
religieuses ont été bouleversées par Mâ Anandamayi. Les gens les plus simples
et les figures connues du Mahatma Gandhi, du pandit Nehru, de Madame Indira
Gandhi, les maîtres de nombreuses lignées spirituelles, des érudits fameux
lui rendaient un hommage inconditionnel. Depuis août 1982, nous ne pouvons
plus la rencontrer dans "ce corps" (elle se nommait souvent ainsi),
mais l'héritage n'en est peut-être que plus intime, plus direct. Depuis sa
disparition, Shri Mâ Anandamayi prend vie dans de nombreux êtres qui l'ont
approchée mais aussi, et ce n'est pas moins extraordinaire, dans de nombreux
êtres qui ne l'ont jamais rencontrée de "son vivant".S'il y a
inondation, être à la source, dans le lit du fleuve, ou plus loin, dans la
plaine ne change rien : où que nous soyons, nous sommes emportés ! À un de
ses premiers dévots qui lui disait : "Nous aurions besoin d'un ashram
pour nous réunir", elle répondit : "L'univers tout entier est cet
ashram". En
notre temps déchiré par de trop nombreux fanatismes, où nous nous arc-boutons
trop souvent sur nos territoires (qu'ils soient géographiques, intellectuels
ou religieux) entendons-la nous dire : "Ici, dans ce corps, est une
relation avec tout un chacun. Ici, pas d'abris, de demeures séparées. Si vous
voulez parler de demeure, il n'y en a qu'une et elle est sans limite". La plus extrême pluralité Pour
les personnes qui ont été réellement émues par Mâ Anandamayi, je crois bien
qu'aucune ne suit de la même façon, le même chemin. Comme si cette Présence
se plaisait à épouser toutes les caractéristiques imaginables. Comme si
l'absolue diversité était la chose la plus naturelle qui soit ; comme si pour
découvrir l'unité, il fallait en même temps savoir s'abandonner à la plus
extrême pluralité. Rien de tel que d'être unique pour comprendre le UN. Le
UN, Lui n'a de cesse que nous "pointions" dans ce monde. Ne pas
imiter, ne pas copier, sont d'évidents atouts. "Pour
réaliser le UN, dit-elle, il faut être d'un seul tenant". À chacun, à
chacune de "faire un" avec soi-même. On s'apercevra sans doute un
jour que c'est le bon moyen de faire un avec l'univers. Je cite là quelques
phrases d'un de ses proches... "Elle n'insiste jamais auprès de
quiconque pour qu'une ligne particulière de conduite soit suivie, que ce soir
d'ordre matériel ou spirituel. En fait, la liberté qu'elle donne à tous nous
fait souvent penser qu'il n'y a pas assez de cohésion parmi ceux qui la
suivent. Cela ne la trouble pas. Elle n'est pas là pour fonder quelque
mouvement spirituel que ce soit. Au contraire, toutes les croyances se
dissolvent d'elles-mêmes en sa présence". Comme un oiseau Avant
d'être nommée "Mâ Anandamayi" ("Toute Joie"), la petite
Nirmala naquit dans une famille de brahmanes pauvres dans un petit village de
l'actuel Bangladesh. C'était il y a un siècle, à l'aube du 1er Mai
1896. Très vite les villageois, puis les habitants de la contrée, qu'ils
soient hindous ou musulmans, comprirent qu'elle était sans exclusive,
présente à tous, à tout. Dès ses vingt-quatre ans, elle commença à se
déplacer comme un oiseau, attirant des foules de plus en plus compactes, par
toute l'Inde. Quelques Occidentaux se sont trouvés au bon endroit quand elle
venait se poser, parfois quelques heures seulement, dans une ville ou un
village. Elle a dit d'elle-même : "Ce corps est une marionnette, il joue
ce que vous lui faites jouer. Ce corps répond aussi au cri fervent de ceux
qui ne l'ont jamais rencontré... Qui suis-je ? On peut dire qui l'on est si
l'on a une perception de soi-même : je n'ai pas cette perception. Alors je
suis ce que vous voulez que je sois". Mâ
Anandamayi s'est offerte à quantités d'approches de "Dieu",
l'approche "sans dieu" ayant aussi sa place à ses yeux. C'est sa
troublante singularité : elle ne préconise pas une voie idéale pour atteindre
un but donné d'avance. Elle encourage chacun sur sa voie. Ultimement, elle
dira : "Une direction donnée permet d'atteindre un but donné. Tout le
reste par ailleurs est hors d'atteinte. Mais quand la différence s'évanouit
entre CE QUI S'ATTEINT et CE QUI EST HORS D'ATTEINTE, alors CELA se
révèle". Le sang de votre sang Mâ
Anandamayi n'est pas circonscrite par ces quatre-vingt-six années où l'on
pouvait voir son corps. Elle a dit une fois : "Ce corps, vous l'avez
tous désiré : maintenant vous l'avez. Alors, jouez quelque temps avec cette
poupée !" Elle a dit cette fois-là, dans le même élan: "Je suis ce
que j'étais et ce que je serai. Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez et
dites...". Quelques
grands êtres réveillent par leur présence physique toute notre ardeur à voir
ce qui est, de tout temps, présent. Et puis ils disparaissent : il faut
qu'ils disparaissent pour que quelque chose de cette présence s'actualise en
nous. À nous de réaliser, goutte à goutte dans un premier temps, puis à
grandes gorgées, puis enfin sans compter, que nous sommes dans leur
proximité. Anandamayi est ce qui nous est le plus proche : "Les os de
vos os, le sang de votre sang..." a-t-elle dit. Pour cela, il n'est pas
nécessaire d'avoir rencontré celle qui a vagabondé en Inde. Il n'est pas
nécessaire de comprendre le hindi, ni le bengali, ni d'être hindou. C'est une
merveille, que beaucoup aient ri à ses jeux de mots, aient entendu ses rires
en avalanche. Mais ses paroles aux tons si variés qui s'adressaient à des
familles d'esprit différentes, s'adressent aussi à nous aujourd'hui. Ces
derniers mois pour composer mes trois livres dédiés à Mâ pour le centenaire de
sa naissance*, je me suis aventuré dans des dizaines de livres rapportant des
paroles et des événements de sa vie. Je me laissais mener... Comment
expliquer l'éblouissement de ces mots rencontrés ? Comment dire, sans
paraître fou ou prétentieux, que cette moisson s'est faite en Sa présence.
Les Évangiles sont invraisemblablement actuels. Certaines poésies, certains
textes dits "sacrés" aussi. De la même façon, le
"bric-à-brac" de Mâ Anandamayi (elle nommait ainsi ses propos :
"tooti phooti" en bengali) est foudroyant. Enfant, on me disait
parfois que j'avais la tête durecomme du fer... Si cela peut aider à conduire
la foudre des paroles de Mâ,alors tout est bien ! Soyons joyeusement
foudroyés ! "Sans rien forcer", ajouterait-elle peut-être en riant.
Elle riait souvent! Écoutons-la nous dire avec humour ; "le fruit le
plus succulent est celui qu'on laisse mûrir tranquillement sur sa
branche". Alors vivons en toute patience... en toute urgence ! De plein fouet "Jo
ho jahaye !... (Que ce qui doit être soit !)" s'exclamait souvent Shri
Mâ Anandamayi, en faisant tourner malicieusement ses mains devant son visage.
Tout compte fait, s'il est dit que nous devons la prendre de plein fouet,
comme un coup de foudre : "JO HO JAHAYE !" Et cela peut arriver
maintenant... Mahashakti
(toute-énergie), Haute Dame, Déesse ou Grande Rieuse, elle va ainsi, nous
entraînant dans son Jeu aisé. Elle disait en percutant les mots de sa langue,
le bengali : "Le
monde (Sangsara) est un cirque où le clown (Sang) joue pour servir la réalité
essentielle (sara)". Un
jour Sri Mâ Anandamayi déclara : "Pour un être accompli, ni le monde
avec ses paires opposées, ni le corps n'existent. Sans monde peut-il y avoir
un corps ? Qui dit que le corps existe ? Où est le nom ? Où est la forme ?
Supposer que l'être accompli voit quoi que ce soit hors de lui est
hors-sujet. À qui peut-il demander : "Donne... donne!" ? Le
"Je veux" est précisément ce qui nous fait choir dans la réalité du
corps. De plus, sans monde, sans corps, il n'y a forcément aucune action.
Soyons clairs, après la réalisation de CELA, il n'y a pas de corps, pas de
monde, pas d'action -- pas la moindre amorce de corps, de monde, et
d'action -- il n'y a pas de "il n'y a pas"... Utiliser les
mots ou pas. Garder le silence ou pas, Tout revient au même, Tout est
CELA". Après l'énoncé de ces paroles, cette fois comme tant d'autres
fois, devant les visages perplexes de ses auditeurs et auditrices, il se peut
bien qu'elle ait éclaté de rire ! Sources Jean-Claude Marol *
En tout et pour tout, aux Éditions Le Fennec, Autres livres parus à l'occasion |
"Je"
suis qui?
J'étais là, je ne
suis plus là...
Qui étais-je ? Mon
corps,
enveloppe immobile
et sans vie
Gît à terre. Qui étaient dedans
Avant que je ne le quitte ? Où est partie ce "je"
Qui, seul, croyait exister ?
Qu'est-ce que la vie
et
Qu'est-ce qu'on appelle "mort" ?
Etais- je là où je
pensais être ?
Suis-je, à
présent ?
Mais quel est le
sens des mots et quels mots ont un sens?
Je me nommais,
récemment encore...
Je me connaissais,
je pensais,
je désirais, je
voulais,
je rêvais, parfois,
aussi.
Mais qui étais-je ?
Qui suis-je sans
"moi"?
Mais, que signifie ce "moi"?
Me suis-je posée les bonnes questions
Pendant que je croyais être là?
Suis-je, et quelque
fois, partie à
Ma recherche alors que je pensais
Tout savoir sur mon existence ?
Qui vivait dans ce corps ?
Parfois j'ai douté,
j'ai hésité
Et j'ai souffert.
Mais, ai-je jamais
Cherché qui vivait, qui disait "je"
Sans arrêt et s'ignorait toujours ?
Hélas, j'étais si occupée
à lutter, à résoudre tous
Mes problèmes, à jouir de mon séjour
En ce corps charnel... Si présent !
Je n'ai pas eu le
temps
D’y penser... Pas le temps ?
Pourquoi se mentir, maintenant ?
Maintenant ? Que veut dire ce temps?
Passé, présent, futur, ici, là,
Ailleurs, nulle part, où suis-je ? Suis-je même, mon ego disparu ?
Mon corps, vêtement
inerte et absurde
Est étendu, seul, au sol...
Quelle est la signification
De tout cela ? Mais, qui
Questionne, qui
cherche ? Mais qui dispose
d’un "être" pour s'interroger ?
Certainement pas ce corps superflu.
Ni ce
« moi » disparu
Qui s'était tant attaché à
Son apparence précaire et illusoire !
Qui alors ? Qui parle ? Qui? Qui ?
Le silence éternel, seul, répond
A qui sait l’écouter...
Paix, paix, Paix !
Monique Manfrini le 10.05.2003
Nouvelles
- la tournée de trois mois de Swâmî Nirgounânanda
s’est bien passée. Il a animé une retraite en fin juillet à Epernon avec Claude
Portal, puis a parlé à l'école de Yoga Terre du Ciel pendant une semaine à
Chardenoux. Il est passé à Assise, et est remonté sur la France pour cinq jours
aux Courmettes qui furent très intense. Alain Chevillat est descendu
spécialement de Chardenoux avec des amis pour animer les chants. Il doit en
principe venir en février à Dhaulchina avec un petit groupe. Il a dans
l’intention d’interviewer en détail Swamij et de publier un livre de ces
entretiens à Terre du Ciel. Aux Etats-Unis, Swamiji a parlé devant des
étudiants et a été invité pour l’été prochain à parler dans de grandes
universités américaines.
- Deux voyages sont prévus avec
visite des ashrams de Ma, qui sera assez brève en avril à l’occasion de la demi
Kumbha-Méla qui rassemblera six ou sept millions de personnes à Hardwar. (Voyage du 1er au
15-4), et plus prolongé dans le silence de Dhaulchina en juillet pendant 11
jours avec Swami Nirgunananda et Jacques Vigne, avant de redescendre à Kankhal
pour voir Swami Vijayananda pendant quelques soirées (voyage du 2 au 23
juillet). Renseignements-inscriptions : Geneviève Koevoets (Coordination bénévole)
Renouvellement des abonnements
La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs
abonnements. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou pour les nouveaux, il est
possible d’envoyer un chèque de 12 € à l'ordre de Jacques Vigne à Magali
Combal.
Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.
Table des
matières
Réponses de Mâ p.1
Une sélection de réponse de Vijayânanda par Prémamayî p.3
Sur les traces des yogis par Vijayânanda p.7
Ashrams, sadhous et râjâs par Bithika Mukerjee p.14
Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante par J-C
Marol p.23
"Je" suis qui? par Monique Manfrini p.33
Nouvelles p.35
Renouvellement des abonnements p.37
Table des matières p.38
[1][1] Michel Jourdan La vie d'ermite Albin Michel/Spiritualités vivantes étudie la vie
érémitique dans les principales traditions et le livre récent de Dominque du
Moizon A la rencontre des ermites
d'aujourd'hui aux éditions Nouvelle
Cité parle des ermites actuels en France, il en a dénombré environ trois cent.
[2][2] Rûmî Odes
mystiques Kliencksieck 1973, p.93
[3][3] Edwar Lazar,editor Tibet The Issue Is Independence Full Circle Delhi 18-19 Dilshad garden GT Road Delhi 110095 Inde
[i][1] S.D Maheshwari Param Sant Tulsi Saheb biography and poems Soami Bagh,
[ii][2] Sant sangrah, op.cit...
p.60
[iii][3] JR Puri and KS Khak Sultan Bahu
Radha Soami Satsantg,
[iv][4]
[v][5] The Spiritual Heritage of Tyagiraj, Ramakrishna Math, Mylapore, Chennai 600004, p.110
[vi][6]
[vii][7]
cité par Sawant Singh, The Philosophy of
the Masters, complete edition, vol IV, Radha Soami satsang,
[viii][8] Ibid p.165
[ix][9] Ibid; p.175
[x][10] Ibid; p.143
[xi][11] G.N.Das op.cit... p.89
[xii][12] Ibid p.73
[xiii][13] Dr Francis Lefébure Le Nom naturel de Dieu -Om et les mantras Editions Jacques Bersez
[xiv][14] Id. p. 12 et 24
[xv][15] Lefébure Le mixage phosphénique en pédagogie
Editions Jacques Bersez
[xvi][16] Lefébure Le Nom naturel de Dieu op.cit. p.35
Le
shivaïsme du Cachemire et l'union de Shiva et Shakti
par
Jacques Vigne
Nous allons maintenant parler plus
spécifiquement du mariage de Shiva et Shakti grâce aux notions développées par
le Shivaïsme du Cachemire. Il s'agit d'une école qui a culminé vers les IXe et
Xe siècle et est illustrée par Utpaladeva et Abhinavagupta. Elle est
non-dualiste mais fait, cependant, une place importante à la relation de Shiva
et Shakti ainsi que le troisième terme, souvent décrit comme le troisième
sommet d'un triangle et qui n'est autre que l'être humain. Dans une
représentation intéressante de Shiva et Shakti androgyne, la moité
correspondant à Shakti tient en main un miroir dirigé vers Shiva. H.V. Dehejia,
qui est un indien enseignant les religions au Canada, prend ceci comme le
symbole de toute la tradition Trika (c'est-à-dire du Shivaïsme du Cachemire,
basé sur des triades comme Shiva Shakti et l'être humain, etc...) et a écrit un
livre entier là-dessus, le Pârvatî
darpanam, le miroir de Parvati (Shakti)[xvi][16]. L'idée de départ est
que la conscience fondamentale (Shiva) a besoin d'un objet (Shaktî) pour
prendre complètement conscience d'elle-même. Il y a une sorte de synthèse du
dualisme et du non-dualisme dans cette relation, c'est pour cela que le
Shivaïsme du Cachemire s'est désigné lui-même sous le nom de parâdvaïta, au-delà du dualisme et du
non-dualisme. Parvati a été Satî, la première femme de Shiva, dans une vie
antérieure, qui lui a été complètement dévouée (sati avec un i bref signifie
«offrande» ou «destruction»). Le miroir rappelle aussi ce lien à Shiva et il redécouvre une unité oubliée
qui n'est autre que sa nature divine. Cette reconnaissance du divin, pratibhijñâ, en l'autre personne et dans
le monde est une notion clef de cette école. Au début, le je, aham, est isolé puis se reconnaît dans
l'objet aham idam, et enfin dans la
forme du monde entier, aham idam
vishva-rupam.
Pârvatî représente aussi l'âme humaine qui
cherche à s'unir à la conscience pure (Shiva). Elle est la fille du dieu de la
montagne, Pârvat et la tradition dit qu'elle a fait pénitence dans l'Himalaya à
Triyugi-narayan. Il s'agit d'un lieu de pèlerinage dont le nom signifie le Seigneur des trois ères (l'âge d'or, etc.).
Il est situé en face du cirque de montagne de Kedarnath qui comporte des pics à
plus de 6000 m et un temple à Shiva, près d'une des sources du Gange. La vue y
est grandiose et l'on se sent récompensé après une montée de la vallée plutôt
impressionnante, tellement la pente est forte. Pârvatî est venu répétitivement
demander à Shiva de redescendre de son extase intemporelle pour l'épouser. Cela
évoque symboliquement la nécessité pour l'aspirant spirituel de réussir le
mariage du temps et du non-temps, de l'éternel et du quotidien. L'union de
Shiva et de Pârvatî-Shaktî s'appelle sama-rasya,
mot qui est pratiquement identique à sama-rasa
(le même goût), signifiant équanimité
dans des écoles de Yoga comme celle des Naths : pour eux, c'est une notion qui
est pratiquement synonyme du Soi. La consommation du mariage intérieur comble
tellement qu'elle fait atteindre une stabilité totale, indépendante des hauts
et des bas de la vie extérieure. Il n'est pas exclus de voir un rapport entre
cette stabilité totale qui est l'idéal des Naths et le sens même de leur nom,
ce sont littéralement les «seigneurs».
Puisque nous avons insisté dans les parties
sur l'ascension intérieure et le yoga de l'union des canaux sur l'importance de
l'axe central, nous pouvons relever l'importance du madhya-bhava, de l'état du milieu dans le shivaïsme cachemirien[xvi][16]. C'est cet état de vide, de suspension entre
deux pensées, entre l'inspir et l'expir, entre veille et sommeil ou entre le
jour et la nuit qui favorise particulièrement la révélation du Soi. Cette
notion s'applique aussi à cette colonne de vide qui sépare les moitiés droite
et gauche du dos, d'après le Yoga.
Elisabeth Chalier-Vishuvalingam, qui a vécu
longtemps à Bénarès et enseigne maintenant à l'Université de Chicago, a écrit
une étude sur l'union et unité dans le tantrisme hindou[xvi][16]. Elle cite une réflexion intéressante
d'Abhinavagupta à la fin d'un de ses textes : «Le corps lui-même est le lingam (pierre dressée,
symbole) suprême, est Shiva. Il est le mandala principal composé du triple
trident (les trois canaux d'énergie), les lotus, les roues (les chakras) et le
vide éthérique, âkâsha, l'espace du
coeur qui est aussi celui de la conscience pure). C'est là que les cercles des
divinités doivent être adorées incessamment, à la fois intérieurement et
extérieurement.»[xvi][16] J'ai relevé cette réflexion, car elle correspond
en fait au travail qui est tenté dans le présent ouvrage à propos de la Bible.
On cherche à intérioriser les scènes qui y sont racontées, les installer dans
le corps sous forme de visualisation, afin de pouvoir les vivre avec intensité
et «incessamment», c'est-à-dire afin de les porter en soi.
L'axe central du corps, sushumna, a un nom qui
ressemble à smashana, la crémation
des corps sur le bûcher funéraire. C'est dans cette axe que le «corps» des pensées vient se consumer,
se transformer en lumière et chaleur, c'est-à-dire en énergie. Tout ce
processus se déroule sous l'égide de Bhairava, le protecteur des champs de
crémation et la forme suprême du Divin pour le shivaïsme du Cachemire[xvi][16]. Dans le même ordre d'idée, il y a une
proximité signifiante de deux mots, chit,
la conscience et chitâ, le bûcher
funéraire, l'idée commune entre les deux étant sans doute le rassemblement,
qu'il soit de morceaux de bois ou d'idées.
En fait, il existe même un mot féminin, chiti, qui a les deux sens. Je remercie Jean Dupuche d'avoir attiré mon
attention sur le fait qu'Abhivanagupta médite de façon signifiante sur cette
homonymie dans le Tantraloka[xvi][16]. D'un point de vue plus yoguique, sur le
bûcher (chitâ ou chiti) de la conscience pure (chit
ou chiti) brûle les «cadavres» des
formes-pensées avec grande joie (ânanda), d'où un des noms de l'être absolu, chid-ânanda.
Le frottement des canaux d'énergie qui se rencontrent
est comparé à celui des morceaux de bois qu'on utilise encore aujourd'hui de
temps à autre en Inde pour allumer le feu à l'occasion d'un rituel important,
comme par exemple pour une prise de voeux monastiques. L'un d'eux a la forme
d'un cylindre taillé en pointe et pénètre un creux taillé dans l'autre pièce de
bois. On fait tourner le cylindre rapidement sur lui-même grâce à des cordes,
puis on met du coton dans le creux pour recueilir le début de flamme. Les
Upanishads établissent une correspondance entre cet échauffement et l'union
sexuelle.
Shiva et Shakti sont parfois décrits comme yâmala, jumeaux, c'est une façon
d'exprimer l'unité dans la différence du couple parfait que nous retrouverons
souvent dans la Bible. Dans son humilité, un sage peut aussi se décrire comme
le frère ou la soeur de ses disciples. Lors d'une des fêtes les plus populaires
de l'année hindoue, raksha bandhan,
la fête des frères et des soeurs, Mâ Anandamayi mettait un bracelet, rakhi, au poignet de ses fidèles pour
leur demander leur «protection», comme si
elle était leur petite soeur. Bien sûr, ceux-ci interprétaient ce bracelet
comme une signe de protection pour eux-mêmes.
Le gourou peut aussi méditer en miroir avec son disciple pour l'aider à «percer» ses chakras. Ceci évoque une
sorte de mariage intérieur[xvi][16].
Le Soi est au-delà des triades, que ce
soient les trois états de conscience (sommeil profond, rêve et veille), les
trois qualités, gunas, ou les trois
corps, physique, subtil et causal. Ceux-ci sont parfois appelés les trois
villes (tri-pura, et le Soi qui les
habite et maîtrise est rapproché de la déesse Tripura-sundari, la «belle des trois villes» ou Tripura-antaka, «celui qui met fin aux trois villes», c'est-à-dire Shiva. Ceci fait référence à
l'épisode où il a été attaqué par trois villes de fer volantes venues du ciel.
Elles avaient été fabriquées par des démons pour le détruire. Shiva,
contrairement aux autres dieux, n'a pas été troublé par cette agression
massive, il s'est contenté de rester en
position de méditation et de sourire et les villes se désagrégèrent et
disparurent comme par enchantement. En d'autre termes, l'art suprême consiste à
savoir se mettre dans la position de Shiva, du Soi qui observe et sourit...
Puisque nous parlons de Shiva dans ce livre
sur le Yoga et la Bible, nous pouvons
maintenant trouver un rappochement intéressant entre celui-ci et Jean-Baptiste
: malgré les différences de contexte, on sent des archétypes analogues : les
deux sont vêtus de peaux de bêtes, ont un bâton à la main, habitent dans des
lieux désolés et ont un rapport particulièrement fort avec le fleuve sacré de
l'endroit. Jean baptise ses disciples dans le Jourdain en leur versant de l'eau
sur la tête et Shiva reçoit l'eau du Gange sur sa propre tête afin de modérer
la violence de sa descente sur terre et qu'elle puisse irriguer les plaines
sans les inonder ou dévaster. Jean-Baptiste et Shiva ont, en fait, la fonction
du maître spirituel, extérieur ou intérieur, qui permet au disciple de
canaliser la circulation de l'énergie vitale (fleuve) dans la tête et la
colonne afin de la rendre utile et non destructive. Cette maîtrise de l'énergie
est aussi signifiée par le bâton bien tenu en main, ainsi que par le rapport de
Shiva et de Jean-Baptiste avec les serpents.
Shiva s'entoure de serpents le cou et les
bras, c'est-à-dire qu'il assimile leur énergie en les domptant. Jean-Baptiste
n'hésite pas à traiter ses visiteurs d'«engeance de vipères» (Mt 3 7), ce qui est une façon de montrer
sa maîtrise des forces ophidiennes qui gisent au fond de la psychée humaine.
Les deux figures sont en conflit avec les rois de l'époque (Hérode pour
Jean-Baptiste et Daksha pour Shiva) à cause d'une femme (Hérodiade et Salomé
qui est leur fille, et Satî qui est la fille de Daksha et l'épouse de Shiva),
ce qui dans les deux cas mène à une décapitation, mais avec un sens différent :
au temps du Christ, c'est Jean-Baptiste qui a été décapité, alors que c'est
Shiva lui-même qui a décapité son beau-père Daksha, qu'il rendait responsable
du suicide de protestation de son épouse
Satî.
Jean-Baptiste était associé par ses
contemporains à Elie, le maître du silence et de la méditation[xvi][16], il n'a pas attendu
Jésus pour établir une relation directe avec Dieu. Il était une voix qui crie dans le désert,
c'est-à-dire quelqu'un qui prend conscience directement de l'Etre vide de
formes. On peut dire qu'il est le patron des ermites et de ceux qui suivent la
voix apophatique, aussi appelée voix de la mystique essentielle; nous en
reparlerons. De même aussi en Inde, Shiva protège les yogis qui vivent dans la
solitude et ceux qui suivent la voix de la connaissance (Dakshinamurti, le
maître adolescent qui enseigne en silence est une manifestation de Shiva; il
est aussi associé à Shankarâchârya et donc au principal exposant du védanta).
Il n'y a pas lieu de chercher des liens historiques entre Shiva et
Jean-Baptiste, mais on peut supposer que la logique même des archétypes, mêlée
aux circonstances particulières de l'époque dans le cas de Jean-Baptiste, permet
de rendre compte des similarités étonnantes entre les deux figures.
Le shivaïsme du Cachemire en tant que
tradition philosophique et spirituelle a été interrompu par les invasions
musulmanes à partir du XIe-XIIe siècle dans la région, bien qu'une dévotion
shivaïte populaire ait pu s'y maintenir jusqu'à maintenant. La tradition
philosophique est renée en ce siècle grâce aux efforts de Laxman Jhoo et de
nombreux universitaires comme Jaidev Singh, à Bénarès et Lilian Silburn, en
France. Il est bien possible qu'une des raisons de la disparition historique de
cette école ait été également une décadence dûe à l'utilisation de pratiques
sexuelles dans le cadre du tantrisme de la main gauche. Un autre nom de l'école
est kula-marga, la voie de la famille. De façon plus
atténuée, cela peut aussi faire allusion à des initiations plus que concrètes
entre un gourou homme et une disciple femme ou vice-versa (Chalier, in Between Jerusalem..., p.212, et
Silburn, Kundalini, deuxième partie).
Il est bien possible que ces pratiques aient contribué à la disparition de
l'école, bien que le Père Jean Dupuche, dont nous avons parlé à la fin de
l'introduction et qui a fait sa thèse de doctorat sur les rituels conteste
cette idée et affirme qu'elle provient d'une mauvaise compréhension des textes.
On peut de toutes façons remarquer que nombre de notions du shivaïsme du
Cachemire ont pu émigrer et perdurer jusqu'à nos jours dans l'école du shaïva
siddhanta dans le sud de l'Inde.
Abhinavagupta avait prévenu dans ses textes
que seulement une personne sur un million pouvait pénétrer le sens réel,
expérimental de ce qu'il décrivait. S'il en était ainsi il y a un millénaire
dans un cadre traditionnel avec la présence de gourous compétents, combien y
a-t-il de chances que ces pratiques de la main gauche réussissent dans le
contexte occidental moderne dépourvu de
bases traditionnelles ? Je n'en vois guère, tout au plus peuvent-elles avoir
l'avantage de créer un commencement d'intérêt pour les pratiques spirituelles
chez des gens qui sont tout au début de la voie.
Le
pouvoir des mantras
par
Bhaïji
Mâ Ananda Moyî n'a pas reçu à notre
connaissance d'initiation d'un guru
et en cela elle n'a pas suivi la coutume habituelle. Sa connaissance élevée
n'est pas non plus le produit de l'étude des Ecritures sacrées. Nombreux sont
ceux qui considèrent qu'elle est une descente du Divin pour le bien des êtres
de notre époque
( yuga).
Encore petite fille, elle manifesta en son
corps une variété de phénomènes étranges, mais son entourage ne les remarqua
guère. Déjà, dans les jeux de l'enfance, elle semblait si détachée et non
concernée que beaucoup de gens se mirent à considérer qu'elle était atteinte de
déficience mentale. Même ses parents avaient des doutes sur son avenir; il
arrivait parfois qu'elle ne sache pas où elle se trouvait, ou qu'elle ne puisse
pas se souvenir de ce qu'elle avait dit ou fait quelques minutes auparavant.
On raconte que, durant son enfance, en se
promenant elle parlait aux arbres, aux plantes et aux êtres invisibles. Elle
communiquait aussi avec eux par des gestes. Parfois, elle tombait dans un état
d'absorption et elle se retirait de toute conversation.
Entre dix-sept et
vingt-cinq ans, elle commença à manifester toutes sortes de phénomènes
extraordinaires. A certains moments, elle devenait muette et immobile après le
chant des noms divins. Pendant le kîrtan,
son corps se raidissait et se figeait. Après avoir entendu un discours
religieux ou visité un temple, son comportement ne semblait plus normal.
A l'âge de vingt-deux ans, elle alla avec
Bholanâth à Bajitpur et y demeura pendant cinq ou six ans. A la fin de cette
période, elle se mit a émettre spontanément des mantras. Ses membres se mettaient automatiquement dans des postures
de yoga. Pendant que le Divin se manifestait dans son corps de cette façon à
Bajitptur, elle cessa de parler pendant environ un an et trois mois et quand
elle vint à Dacca elle poursuivit son silence pendant un an et neuf mois,
arrivant ainsi à un total de trois ans. A la fin de cette période, on pouvait
percevoir en elle une paix immaculée (nirmala)
et un sentiment d'immensité. Il était clair que les mouvements extérieurs comme
intérieurs ne l'affectaient plus et qu'elle était stable dans le Soi.
Pendant tous ces événements hors de
l'ordinaire, Pitâjî exprimait souvent une grande anxiété quant à leur
évolution. Pourtant, en dépit des critiques et des commentaires il n'empêcha
jamais Mâ de suivre son chemin. On
recourut à l'aide de sâdhu et
d'exorcistes, craignant qu'elle ne fût possédée par quelqu'esprit malfaisant.
Cela ne servit à rien; qui plus est, quand ces personnes tentaient de la
traiter, elles étaient obligées de battre en retraite, stupéfaites et apeurées.
Ce n'est qu'en implorant sa miséricorde qu'elles pouvaient retrouver leur
équilibre. Divers dieux et déesses se
manifestèrent par l'intermédiare de son corps pendant cinq mois et demi. Elle
les voyait en vision et leur rendait un culte, après quoi ils ou elles
s'évanouissaient complètement. Quand elle avait fini le culte d`une des
divinités, une autre prenait la place. Pendant le rituel, elle ressentait
souvent qu'elle était à la fois l'adoratrice, l'adoré et l'acte d'adoration,
qu'elle était également les mantras,
les offrandes et chaque objet nécessaire au culte.
En fait, durant ces rituels, il n'y avait
pas d'objets matériels en cause : il n'y avait pas non plus de désir de sa part
d'accomplir une cérémonie. Dès qu'elle
s'asseyait dans un endroit solitaire, toutes les activités physiques et
mentales nécessaires au culte se manifestaient mystérieusement d'elles-mêmes.
On eut plus tard, venant de la part de spécialistes des rituels et des
Ecritures, Ia confirmation que sa manière d'accomplir les differents cultes des
divinités était en accord avec les règles données dans les textes. Quand on lui
demandait comment il lui était possible d'accomplir si parfaitement ces
rituels, elle répondait : "Ne me demandez rien aujourd'hui, vous le saurez
quand le moment sera venu".
Le 10 avril 1924, Mâ arriva à Dacca et une
semaine plus tard elle s'installait à Shahbag. De nombreux fidèles commencèrent
à se rassembler pour pouvoir la voir. En 1925, certains d'entre eux lui
demandèrent de célébrer Kâli Pûjâ, car ils avaient entendu dire
qu'elle le faisait de manière merveilleuse.
Elle leur répondit : "Je ne connais guère les rituels décrits dans
les Shâstras, il serait préférable
que vous fassiez intervenir un prêtre de métier". Cependant, elle accepta par la suite de
célébrer la Durgâ Pûjâ à la demande instante de Bholanâth.
C'était une grande joie pour les fidèles de Mâ
de faire une pûjâ pour I'honorer :
mais quand celle-ci, pour les enseigner, accomplissait elle-même les rites pour
rendre un culte à la divinité, leur joie ne connaissait plus de limites.
On apporta une statue de Kâlî.
Shrî Mâ s'assit sur le sol, en posture de méditation, absolument
silencieuse. Ensuite, elle commença la Pûjâ
comme si elle était submergée de dévotion; elle chantait des mantras et plaçait des fleurs sur sa
propre tête au lieu de Ie faire sur celle de la statue. Tous ses gestes
semblaient être ceux d'une poupée, comme si une main invisible l'utilisait à la
façon d'un instrument docile pour pouvoir manifester le Divin. De temps à
autre, quelques fleurs étaient jetées sur la statue de Kâlî. Ainsi se déroula la Pûjâ.
On allait sacrifier un bouc. On le baigna.
Quand on l'apporta, Ma elle-même le prit sur ses genoux et tapota son corps
doucement avec les mains. Ensuite, elle récita quelques mantra en touchant certaines parties du corps de l'animal et lui
chuchota quelque chose à l'oreille. Puis elle rendit un culte au grand couteau
avec lequel on allait sacrifier l'animal. Elle se prosterna sur le sol et plaça
le couteau sur sa propre nuque. Trois
sons, comme des bêlements, sortirent de ses lèvres. Ensuite, quand l'animal fut
sacrifié, il ne bougea pas, resta silencieux et l'on ne trouva pas trace de
sang sur la tête coupée ou du côté du corps. Ce n'est qu'avec grande difficulté
qu'on réussit à en extraire une goutte du cadavre de l'animal. Pendant tout ce
temps, une beauté intense et hors de l'ordinaire émanait du visage de Mâ et
durant la cérémonie tous les gens présents étaient profondément absorbés comme
envoûtés par la grandeur sacrée du moment.
En 1926, les fidèles prièrent Mâ de célébrer
à nouveau la Pûjâ. Elle ne dit rien.
Plus tard, alors qu'on la menait chez un de ses fidèles, elle leva la main
gauche, sourit et resta silencieuse. Quand Pitâjî lui demanda la signification
de son geste, elle ne répondit pas. De nouveau, quand elle prit son repas dans
cette maison, elle refit le même geste de la main gauche. Quelques jours plus
tard. Mâ expliqua qu'en allant chez le fidèle elle avait vu la déesse Kâlî, tout à fait vivante à cent
cinquante mètres de là; elle flottait à une dizaine de mètres au-dessus du sol,
tendant les bras vers Mâ comme si elle désirait s'asseoir sur ses genoux. En
prenant le repas ce jour-là, la même représentation s'était retrouvée en face
d'elle comme une petite fille. C'était pourquoi elle avait levé la main gauche.
La veille de Kâlî-Pûjâ, quand les
fidèles renouvelèrent leurs prières à Mâ, elle demanda à Pitâjî : "Faites
l'officiant vous-même, puisqu'ils ont tellement envie de célébrer la Pûjâ." Il leur dit : "Mâ me
demande de célébrer la Pûjâ. Je le
ferai donc. Pourriez-vous préparer tout ce qu'il faut ?" Ils demandèrent quelle devait être la taille
de la statue et Pitâjî suggéra qu'elle devait avoir la taille que Mâ avait
indiquée en levant la main gauche à deux reprises.
A ce moment-là, Mâ était
allongée sur le sol, sans mouvement, dans un état inerte. Il était onze heures
du soir. On prit des mesures approximatives. Il y eut une grande discussion
pour savoir comment il serait possible d'obtenir en si peu de temps une statue
de la taille indiquée. Sans trop y croire, Shrî Surendra Lal Banerjee alla de
Shahbag en ville et il trouva dans une boutique en ville une statue aux bonnes
dimensions. Il y avait douze statues en tout; onze avaient déjà été commandées
par des clients; celle qui restait avait été faite par l'artiste de sa propre
initiative.
On apporta la statue suffisamment à temps.
Shrî Mâ s'assit pour accomplir la pûjâ.
Il y avait une atmosphère divine autour d'elle. Au bout de quelque temps, elle
se leva soudain et dit à Pitajî : "Je vais à ma place maintenant, continue
la Pûjâ". En disant cela, elle
alla à côté de la statue et s'assit sur le sol avec un rire étrange. On ne peut
décrire avec des mots à quel point la vibration du Divin était palpable dans la
salle où se déroulait la Pûjâ. Mâ dit
: "Fermez tous les yeux et récitez le nom de Dieu".
La salle était pleine à craquer; un homme
qui était debout dehors jeta un coup d'oeil à l'intérieur sans se faire voir.
Pourtant Shrî Mâ l'appela par son nom et lui ordonna de fermer les yeux.
Personne ne savait à ce moment-là ce qui était arrivé, mais quand tout le monde
ouvrit les yeux, on s'aperçut qu'un avocat, Brindaban Chandra Basak, gisait sur
le sol, inconscient. Il déclara ensuite :"Quand je regardai à l'intérieur
un bref instant, je vis une lumière éclatante émanant du visage de Mâ. C'était
si puissant que j'ai perdu connaissance. Je ne sais ce qui est arrivé
ensuite."
La pûjâ se termina à l'aube. Il n'était pas prévu de sacrifice. Quand
vint le moment de la dernière offrande, Shrî Mâ dit : "Que rien ne soit
offert et que le feu sacrificiel soit préservé." Ce feu continue de brûler
jusqu'à ce jour (et brûle encore en 1998 dans les ashrams de Bénarès, Kankhal
et Naimisharanya).
Le lendemain était le jour où la statue
devait être plongée dans les eaux. La femme de Niranjan arriva avec tout ce
qu'il fallait pour la cérémonie. Quand elle regarda la statue, elle dit à Mâ
avec émotion : "Mâ, je ne peux me résoudre à mettre à l'eau cette
statue". Mâtajî répondit : "Ces mots qui sortent de tes lèvres
indiquent probablement que la Déesse ne veut pas être immergée. Très bien, qu'on s'organise pour la conserver et lui
rendre un culte".
Malgré tous les changements de
circonstances, on a réussi à garder cette statue d'argile debout, dans la même
position, depuis douze ans. A ce propos, on peut mentioner deux incidents. Le
premier se déroula en septembre 1927. Mâtâjî partait de Chunar pour Jaipur.
J'étais là-bas à ce moment-là, en convalescence et j'allai à la gare lui dire
au revoir. Shrî Mâ m'indiqua un certain endroit, près de la colline sur
laquelle le fort était construit et me dit de m'y rendre sur le chemin du
retour. J'y trouverais une guirlande de fleurs d'hibiscus que je devrais
prendre et conserver précieusement. J'ai fait comme elle m'avait dit. Lorsqu'elle
revint à Chunar, elle vit cette guirlande. Par la suite, lorsqu'elle retourna à
Dacca, on s'aperçut que ce jour, exactement où j'avais trouvé la guirlande à
Chunar, on avait omis de disposer la guirlande autour du cou de la déesse Kâli
à Ramna, bien que le prêtre eût l'habitude d'en offrir une.
Le second incident se passa lorsque Shrî Mâ
était au bord de la mer à Cox's Bazar. Elle se promenait sur la plage, quand
elle dit tout avec un sourire : "Regardez mon poignet, n'est-il pas cassé
? Examinez-le de près, peut-être y a-t-il une fracture." La nuit même, un voleur s'était introduit
dans le temple de Kâli à Ramna et avait dérobé ses ornements, en brisant aussi
le poignet de la statue.
Une fois, pour la célébration de Vasanti-Pûjâ à l'ashram de Siddeshwari, Shri Mâ était présente lors du
rituel où l'on donne vie à la statue. Pendant qu'elle la regardait, les yeux de
celle-ci se mirent à briller comme ceux d'un être vivant. Shri Ma dit :
"Les formes des dieux et des déesses sont aussi réelles que votre corps et
le mien. On peut les percevoir en s'ouvrant à la vision intérieure par la
pureté, Ia vénération et l'amour."
Poème
d'Antonio Eduardo Dagnino
Pour Mâ
Samadhi
Con un diluvio
de ondas luminosas
y vibraciones,
Me penetraste
despertando los
Vortices Heliocéntricos.
Maravilloso y terrible
es sentir un
torbellino espiral
que asciende,
asciende apartando los velos sutiles.
Lo finito se
funde al infinito
... Yuno se
diluye
sin
poder asir nu su cuerpo
Avec un déluge d'ondes lumineuses
et de vibrations,
tu m'as pénétré
éveillant les tourbillons héliocentriques.
C'est merveilleux et terrible
de sentir un mouvement spiralé
qui monte, monte en écartant les voiles subtils !
Le fini se fond dans l'infini
...et on se dissout
sans
pouvoir même rester attaché à son corps !
Kashi.
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L'abonnement est
jusqu'en décembre 2002, soit 4 numéros.
Ceux qui voudraient s'abonner peuvent le faire en envoyant un chèque de
70 FF à l'ordre de Jacques Vigne à José et Nadine Sanchez-Laudebat, 210 rue
Galliéni, F 92100 Boulogne, tél. 01 41 31 28 00.
Nouvelles
Table des matières
Paroles de Mâ p.
1
Réponses de Vijayananda p.
2
Premier darshan A..E. Dagnino p.
Poésie et son du silence chez Kabir p.
et les Sants (2e partie) J.
Vigne p.
Le OM entre science et symbole J.
Vigne p.
Le shivaïsme du Cachemire J.
Vigne p.
Le pouvoir des mantras Bhaïji p.
Poème A..
Dagnino p.
Nouvelles p.
Abonnement p.