JAY MA n°43


PAROLES de MA

 

Dieu tout-puissant est dépourvu de nom et de forme; pourtant tous les noms et toutes les formes sont siennes.

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Essayez de voir Dieu en tout et en tous, y compris en vous-même.

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Dieu lui-même se révèle de façon voilée même sous la forme d'individus qui paraissent être pêcheurs, ou dqns des souffrances qui semblent insurpportables.

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A chaque respiration, essayez d' étre en communion avec Lui par son Nom. 

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La nature du feu est de tout transformer en lui -même. D'une façon similaire, l'association avec Son Nom mène inévitablement à l'identification avec Lui.

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Si vous vivez avec la conviction que Dieu est votre contact le plus proche, vous découvrirez petit à petit qu'il n'y a rien d'autre que Dieu. 

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Ne relâchez jamais votre effort avant d'avoir atteint l'illumination. Qu'il n'y ait pas d'interruption dans vos tentatives, car une interruption produira un remous alors que votre lutte doit Être aussi continue qu'un écoulement d'huile, elle doit être soutenue, constante, comme le courant régulier d'un fleuve.

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Qui appartient à qui en ce monde? En épuisant son karma, chacun doit s'efforcer d'accomplir le pèlerinage de l'existence. 

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Après une vraie méditation, les plaisirs du monde deviennent ennuyeux, ils perdent tout attrait et saveur. Que signifie 'vairagya' ? Quand chaque objet du monde allume pour ainsi dire le feu de la renonciation, au point de nous rejeter sur nous-même comme si nous avions reçu un choc, il y a alors un éveil tant intérieur qu'extérieur. 

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Le monde est en lui-même la matérialisation de la frustration, et donc le chagrin lié à l'absence de satisfaction complète ne peut que perdurer. C 'est pourquoi on dit qu'il y a deux sortes de courants dans la vie humaine: celui du monde, dans lequel un manque succède à un autre, est celui de l 'Etre authentique. La caractéristique du premier courant c'est qu'il ne peut jamais atteindre son but -au contraire le sens de manque, est perpétuellement restimulé, alors qu'en pénétrant dans le second courant l'homme s'établit dans sa nature authentique et fait aboutir les efforts qui en sont l'expression.

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En toute situation, demeurer imperturbable. Ma dit toujours :'Que ce qui est, soit; en tous et en tout, il y a ananda; pas de souci à se faire : cela aussi est un grand miracle'.

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Allez jusqu'à la limite de vos forces. Certes. Sa grâce est présente, mais utilisez vos forces pour creuser le canal; c'est en empruntant ce canal qu'il viendra à vous. Votre tâche consiste à faire vraiment tout votre possible.

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Ayez une intensité intérieure aussi vive que celle d'une personne s'enfuyant d'une maison en flamme.

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Le devoir de l'être humain : Éveiller en lui L'humamité, se détacher de l'animalité, choisir le bénéfique (sherya), se détacher de ce qui est désagréable (preya).

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C'est le désir qui provoque le chagrin; mais la volonté de réaliser Dieu est en soi félicité ( ananda).

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EDITORIAL par Jacques Vigne

 Onze ans après sa création par Danielle Pérez à l'instigation d'Atmananda, le journal Jay Ma continue; il y a eu un peu de flottement dans la parution depuis un an, principalement à cause de mon retour en France, et du temps qu'a mis l'administration indienne pour m'accorder un nouveau visa d'entrée renouvelable. Cela m'a amené à passer dix semaines cet été dans l'Himalaya népalais où j'ai pu faire une méditation intensive, puis un mois à Ceylan, avant de revenir à Kankhal le 11 novembre, en principe pour plusieurs années. Mon retour en France a eu l'avantage de me permettre de percevoir l'intérêt éveillé par Ma Anandamayi. J'ai fait des tournées de conférences et de stages à travers le pays, ainsi qu'en Belgique et en Suisse; bien que ces conférences aient eu pour thème général la méditation et la psychologie, je parlais un petit peu de ma vie à Kankhal et je mettais surtout à la disposition du public les livres ou polycopiés sur Ma en Français. Cet intérêt du public a été stimulé par la sortie de plusieurs titres à l'occasion du Centenaire de la naissance de Ma, en particulier la trilogie de Marol (cf rubrique 'nouvelles parutions'). Les 'Entretiens de Kankhal', un polycopié rapportant des questions réponses avec Vijayananda durant les cinq dernières années, ont touché par leur authenticité des personnes variées. Environ 170 exemplaires circulent maintenant dans le public; ce texte est repris avec des articles de Vijayananda sur Ma et une autre série d'entretien dans l'ouvrage 'Un Français dans l 'Himalaya ' en cours de parution aux éditions 'Terre du Ciel'. Il ne faut pas oublier pour comprendre l'impact de Ma en France, les films et ouvrages d'Arnaud Desjardins ainsi que "L'enseignement de Ma Anandamayi" traduit par Josette Herbert, qui d'après les informations données par Albin Michel a passé les vingt mille exemplaires vendus depuis la première publication en 1973.

 Il y a une relation particulière entre ceux qui suivent l'enseignement d'un

même maître spirituel, ceux qu'on appelle les 'gurubhai', les frères -ou soeurs - par le guru. Nous ressentons cela jour après jour à Kankhal avec des visiteurs qui viennent non seulement de toutes les régions d'Inde, mais aussi du monde entier. Nous le ressentons également dans le courrier que nous recevons avec Vijayananda. La fonction de ce Jay Ma est de concrétiser le lien entre ceux qui se sentent attirés par Ma, au moins dans le monde francophone. Il n'est pas toujours possible à Vijayananda de répondre rapidement et en détail aux lettres qu'il reçoit, mais les questions qui lui sont posées au début de chaque numéro peuvent contribuer à pallier cela. Peut-être que dans le prochain numéro votre question figurera, si vous nous autorisez dans votre lettre à la publier avec sa réponse. Ceux qui sont intéressés par un rapport détaillé entre psychologie et méditation peuvent lire mon ouvrage sur le sujet paru en mai dernier dans Spiritualité vivantes.

 Il a été écrit dans l'ambiance de Kankhal et est basé dans le fond sur l'enseignement de Ma, même si dans la forme j'ai fait attention d'utiliser un vocabulaire et des notions familières au public français au sens large du terme, faisant ainsi une sorte de travail de traducteur.

 Les prochains numéros comprendront régulièrement des textes d'Amulya Kumar Datta Gupta, un proche de Ma qui avait une formation universitaire et a rapporté avec beaucoup de clarté les conversations avec Ma ainsi que de nombreuses anecdotes qui nous donnent un aperçu sur la façon qu'avait celle-ci d'aider les gens sur leur chemin spirituel. Les contributions sont bienvenues; jusqu'ici, j'ai pu publier toutes celles que je recevais. Une ou deux fois seulement, j'ai fait une sélection dans des témoignages qui dans leur forme complète aurait occupé un an au moins de publication du Jay Ma... Vyasa (Ken Damjanovic) est en train de traduire le Yoga Vashishta Sara, un petit livret qui donne l'essence du Yoga Vasishta sous forme de courts aphorismes. Nous en commençons la publication par épisode dés ce numéro. On trouvera une table des matières en 3ème de couverture.

 Si vous décidez de vous abonner, nous préférerions que vous le fassiez pour deux ans directement en versant la somme de 80 francs.

Cela évitera à Danielle Pérez d'envoyer des courriers de rappel juste pour réclamer 40 Frs... Essayons de lui simplifier le travail; elle a accepté de rassembler les abonnements malgré une période d'activité professionnelle chargée qu'elle est en train de traverser. Son adresse est 79 rue de Paris, 92100 Boulogne, et son téléphone au travail en cas de nécessité est le 01 46 45 11 87. Pour ceux qui ont versé un abonnement en mai 95, nous reportons l'année et ils n'ont qu'à verser 40 Frs pour être inscrits jusqu'en décembre 98.

 Etant né à Paris et y ayant vécu pratiquement jusqu'à mon départ en Inde, je sais que la plus grande difficulté dans le rythme occidental n'est pas de s'abonner à un journal spirituel, mais de trouver le temps de le lire tranquillement quand on en reçoit des numéros...Dans le présent numéro, vous trouverez beaucoup de nouvelles et d'informations, car nous finissons juste l'année du Centenaire. Après, il y aura moins d'événements extérieurs à annoncer, mais comme le suggère Vijayananda en répondant ci-dessous à la dernière des questions, le fait que nous puissions être touchés maintenant par l'enseignement de Ma représente en soi un événement intérieur : et l'essentiel n'est-il pas à l'intérieur?

 


Une histoire de Ma

 

REFLETS D'ANANDA

 

Un collier d'or apparaissait au fond d'un lac, visible à travers des eaux claires comme du cristal. Des passants, en le voyant, avaient envie de s'en emparer et plongeaient dans le lac pour le récupérer; mais, fait étrange, chaque fois qu'ils atteignaient le fond, ils ne pouvaient pas y trouver trace de collier. Déçus, ils remontaient à la surface, mais quand ils regardaient de nouveau le fond du lac à partir du bord, le collier était encore visible. Cela les intriguait fortement, ils ne pouvaient percer ce mystère. Perplexes, ils se regardaient les uns les autres. Ils découvrirent que le collier était suspendu tout en haut d'une branche d'un arbre proche. A l'évidence, un oiseau l'avait volé quelque part et l'avait laissé là. En plongeant pour s'emparer d'un reflet, ils s'éloignaient en fait de l'objet réel.

 En finissant cette histoire, Ma ajouta :'De même, la source première de tout bonheur est l 'Etre Absolu. Le plaisir des sens que les gens du monde éprouvent ne sont qu'un reflet insignifiant de la félicité de Brahma (Anandamaya Brahma).'

 


 

QUESTIONS à VIJAYANANDA

 

1) Certains voient dans le Védanta un intellectualisme desséché. En quoi le Vedanta et l'amour sont-ils liés?

 - C'est un reproche qui a souvent été fait à ceux qui pratiquent exclusivement la voie de la Connaissance. Dans cette voie, l'élément intellectuel est utilisé au maximum, par La pratique de la discrimination entre ce qui est transitoire et ce qui est Réel; par l'observation du mental et la remontée à sa source -notre 'moi'; ou bien aussi par la recherche du "Qui suis-je", comme l'enseignait le grand sage Ramana Maharshi. Mais se limiter seulement à l'élément intellectuel, c'est du faux Védanta, c'est vouloir voler avec une seule aile. Il faut deux ailes pour voler, et la deuxième aile, c'est l'élément affectif, c'est la Bhakti. Le védantin en général n'adore pas de Dieu personnel (bien qu'il n'y ait aucun inconvénient à ce qu'il le fasse s'il en éprouve le besoin). Son amour est dirigé vers le Gourou, pas la personne physique du Gourou, mais vers celui qui est Gyana mourti, ]'incarnation de la Connalssance; Celui qui nous mène vers le Suprême Omniprésent, le Sans-Forme, l'Akshara Brahma qui est notre Soi REEL Pour le vrai Védantin, l'amour qu'il a pour son Gourou s'adresse à travers lui à cet EterneI Omniprésent impérissable, qui n'est affecté par rien, même pas par la dissolution finale. C'est un amour d'une haute qualité qu'il faut avoir éprouvé pour savoir ce que c'est.

En réalité, il n'y a pas deux voies différentes, celle de la Connaissance et celle de l'Amour. Gyana et Bhakti sont les deux aspects de la même sadhana; ils sont inséparables. Chez certains, Gyana est en surface et Bhakti dans les profondeurs; chez d'autres, c'est l'inverse.

 2) Dans les Oupanishads, on parle du rasa (l'essence du bonheur) qui motive toutes nos actions et pensées : pouvez-vous développer ce point?

 - Les mots sanskrits ont souvent des significations différentes selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. Il en est ainsi pour le mot rasa; mais dans la Taittiriya Oupanishad, ce mot est utilisé dans un sens spécial (II7). Rasa ici est la substance même dont le Suprême est fait. Raso veisa : Cela en vérité est rasa. Dans tous les objets de nos désirs, ce que nous recherchons, c'est le plaisir qu'ils nous donnent, c'est à dire le rasa (le goût de ces objets`. Ces plaisirs sont seulement une réflexion du Rasa suprême. 'Celui qui obtient ce Rasa' dit l'Oupanishad, devient heureux (ananda bhavati). Tous nos mouvements, toutes nos pensées, même notre respiration sont mus par ce Bonheur Supréme qui remplit l'Espace.

 3) Est-ce que la méditation bouddhiste fondamentale, beaucoup basée sur l'observation des sensations du corps ne risque pas de renforcer paradoxalement l'attachement au corps?

 - L'observation des sensations du corps est une des méthodes utilisées dans la voie de la Connaissance, et n'est pas spéciale au bouddhisme. Les mouvements du mental peuvent toujours être ramenés à une sensation qui a été leur point de départ. Se familiariser avec ces sensations peut devenir une aide considérable pour connaître et maîtriser notre mental. Je ne crois pas que cette méthode puisse renforcer l'attachement au corps physique, parce que la découverte de ce que notre corps est en réalité, une usine de décomposition et de pourriture, devrait amener plutôt à un degout de notre forme physique; - mais cette méthode n'est pas à conseiller à des psychopathes ou à des hypocondriaques qui pourraient se découvrir toutes sortes de maladies imaginaires.

En règle générale, des psychopathes ou des aliénés mentaux ne doivent pas avoir accès à des pratiques spirituelles sérieuses.

 4) L'année du Centenaire de la naissance de Ma se termine. Elle nous a permis dé faire mémoire des aspects temporels de Ma, des évènements de sa vie, de ses paroles, etc... Comment maintenant méditer sur son aspect intemporel? 

- MA a dit qu'Elle était venue parmi nous parce qu'il y avait un appel qui l'avait attirée sur notre plan. Nous supposons qu'un groupe de personnes spirituellement développées et ayant une intense dévotion pour l'aspect féminin du Divin avaient lancé cet appel; mais en fait d'où venait- elle? Ces choses bien entendu ne peuvent pas se concevoir par le mental. Mais schématiquement nous pouvons dire qu'il existe une masse indivise et omniprésente de Conscience-Bonheur qui n'a pas de forme ni de lieu mais qui est le support et la base de tout ce qui existe. Les savants modernes s'en rapprochent quand ils parlent du 'Champ unifié' qui est à la base de tous les atomes, molécules, etc...

 Ainsi donc, ce qui nous est apparu sous la forme physique de MA était en quelque sorte une cristallisation de cet Omniprésent qui nous permettait d'entrer plus facilement en contact avec le Suprême. La forme physique a été retirée de notre champ visuel, mais le Suprême dont elle était la cristallisation est toujours le même, Il (ou Elle) répondra toujours à notre appel si nous le faisons avec une dévotion suffisamment intense. Bien sûr, la plupart des gens ne peuvent pas entrer directement en contact avec le Sans Forme et ont besoin d'un support visuel. Pour ceux qui ont été touchés par la splendeur de cette apparition divine qu'était Ma Anandamayi (même s'ils ne l'ont pas rencontrée personnellement), une photo, la lecture d'un livre ou une méditation devant son Samadhi (tombeau) peuvent produire l'intensité nécessaire pour que l'appel soit efficace.

 


LOST

In my house I searched for You

With a broken heart I searched for You

In my prayers I searched for You

Searched, and found You not.

 

I ran outside to loock for you

To ask the trees if they'd seen You

To ask the sun if she had seen You

They smiled, and answered not.

 

The rustling leaves, they spoke of You

They spoke of You as I rushed through

Their carpet of autumn gold for You

But my question they answered not

 

The giggling leaves laugted as they fell

Teasing me, teasing me with their spell

Your tricks, your love, they know so well

Sweet secrets! But me, they will not tell

 

I dance with tipsy evergreen yevs

They saw me drunk with love for You

And prevented me from passing through

Til I shared with them my love of You

 

Wherever I look I see signs of You

To make me chase You, You've left clues

You tease me, turn me round and round

Til I fall laughing, to the ground

 

The butterfly 's wings, they promise You

On them You have painted Your face a new

And on every leaf, on every tree

Thousands and thousands, dancing with glee 

 

Ecstatic images of You

And look! Your tears shine in the dew

I kiss the brambles, your tangled curls

You bite my lips with thorns like pearls

 

The stones sing rapturous praise for You

The trees fling leaves in the sky for You

The sun pours out her gold for You

The clouds weep tears of bliss for You

 

The deer they lead me back to You

Inside my house, there I find You

Inside my heart, Your dwelling true

O now I'm lost, I'm lost in You

 

O squirrels and hares, you beat the drum

And birds, you call the moon and the sun

We'll dance to that rythm that makes us one

My Beloved has come; My Beloved has come

 

Now every step I take's for You

And every breath I breath 's for You

And all my love is love for You

Every thing is You.

PERDU

Dans ma demeure je T'ai cherché

D'un coeur brisé je T'ai cherché

Dans mon oraison je T'ai cherché

Cherché, mais point trouvé.

 

J'ai couru à l'extérieur en quête de Toi

Pour demander aux arbres s'ils T'avaient vu

Pour demandere au soleil s'il T'avait vu

Ils sourirent, et ne repondirent point.

 

Les feuilles frémissantes, elles parlaient de Toi

Elles parlaient de Toi lorsque je me ruais au travers

De leur tapis d'automne doré en quête de Toi

Mais à mes questions elles ne répondirent point

 

Les feuilles, prises de fou rire, s'esclaffaient dans leur chute

Elles se jouent de moi, se jouent de moi et me séduisent

Tes ruses, ton amour, elles le connaissent si bien

Doux secrets! Mais à moi, elles ne révèleront rien.

 

Je danse avec des ifs enivrés, verdoyants à tout jamais

Ils m'ont vue intoxiquée d'amour pour toi

Et m'ont empechée de les quitter

Avant que je n'aie partagé avec eux mon amour pour Toi.

 

Où que se portent mes regards, je vois des signes de Toi

Pour m'inciter à te poursuivre, tu m'as laissé des indices

Tu m'as fait sortir de mes gonds et tourner en rond, tu m'as tournée et retournée

Au point qu'éclatant de rire, je me suis effondrée au sol.

 

Les ailes des papillons T'annoncent comme une promesse

Sur elles Tu as peint Ton nouveau portrait

Sur chaque feuille, sur chaque arbre

C'est par milliers qu'ils dansent de joie

 

Images extatiques de Toi.

Regarde! Tes larmes brillent dans la rosée

J'embrasse les mûriers sauvages entrelacés comme les boucles de Ta chevelure

Tu mords mes lèvres avec des perles en forme d'épines.

 

Les pierres chantent avec ravissement des louanges pour Toi

Les arbres font s'envoler leurs feuilles dans le ciel pour Toi

Le soleil déverse son or à flot pour Toi

Les nuages pleurent des pleurs de joie intense pour Toi

 

Les daims m'ont ramenée à Toi

Dans ma demeure je T'ai trouvé,

Dans mon coeur,Ta véritable résidence

O maintenant je suis perdue, perdue en Toi.

 

Et vous, écureuils et renards, vous jouez du tambour

Et vous, oiseaux, vous conviez soleil et lune

Nous danserons à ce rythme qui nous unit

Mon Bien-aimé est arrivé; Mon Bien-aimé est arrivé.

 

A présent, chacun de mes pas est pour Toi

Si je respire, je respire pour Toi

Et tout mon amour est pour Toi

Toute chose est Toi.

par Anna Hall

(Poème commencé chez les Petites Soeurs de Bethléem au Val Saint-Benoit en Bourgogne, et achevé à Kankhal en fin novembre 96)

Note : Ceux qui lisent l'anglais auront remarqué qu'Anna a évite de suggérer Si le 'You' divin était masculin ou féminin, s'il s'agissait du Père divin ou de la Mère divine. Dans la mesure où en français il faut faire un choix, nous avons décidé après discussion de garder le genre masculin qui est coutumier dans la littérature mystique occidentale.

 


YOGA VASISTHA SARA

 Traduit par Vyasa

(Alias Ken Damjanovic, qui étudie l'indologie et le sanskrit en plus de la préparation au CAPES de Lettres)

Préface :

La version anglaise du Yoga Vasishtha Sara est fondée sur la traduction de Swami Sureshwarananda, un fidèle âgé de Bhagavan Ramana Maharshi qui a fondé un ashram du nom de Vijnana Ramaneeya à Palghat, et a traduit plusieurs ouvrages de Bhagavan, ainsi que le Yoga Vasishtha Sara en Malayalam. Celui-ci a été publié par épisodes dans le 'Mountain Path', la revue éditée par le Sri Ramanashram, entre 1969 et 1971, et paraît maintenant sous la forme d'un livre pour une facilité de consultation.

 

Introduction :

Le Grand (Brihat) Yoga Vasishtha ou Yoga Vasishtha Maha Ramayana, comme on l'appelle également, est une oeuvre d'environ 32000 strophes en sanskrit, traditionnellement attribué à Valmiki, l'auteur du Srimad Ramayana. C'est un dialogue entre le sage Vasishtha et Sri Rama, dans lequel l'Advaita (la doctrine de la non-dualité) est exposée sous sa forme pure de ajatavada (theorie de la non-origine), avec, intercalées, des histoires qui l'illustrent. Cette oeuvre vaste a été abrégée il y a quelques siècles par Abhinanta Pandita, un savant du Cachemire, en 6000 couplets, sous le nom de Laghu Yoga Vasishtha. C'est un chef d'oeuvre en soi, comme l'original 'Brihat'. Bhagavan Sri Ramana Maharshi se référait souvent au Yoga Vasishtha, et en avait même incorporé six couplets dans son 'Supplément aux quarantes versets' (v. 21 à 27)

Un autre abrégé de cette oeuvre fut réalisé il y a longtemps par un auteur inconnu, en 230 couplets divisés en dix chapitres, le Yoga Vasishtha Sara (l'essence du Yoga Vasishtha), dont la traduction est ici présentée pour la première fois. En faisant cet abrégé, l'auteur a rendu un grand service à tous les sadhaks. C'est vraiment une mine d'or propre à une lecture et à une méditation renouvelées.

 

Chapitre I

 

Le détachement

 

1. Salutations à cette calme effulgence qui est sans fin et non limitée par l'espace, le temps, etc..., la pure conscience qui ne peut être connue que par l'expérience.

 2. Ni celui qui est complètement ignorant, ni celui qui connaît (la Vérité) ne sont habilités à étudier ce livre. Seul celui qui pense 'Je suis lié, je dois devenir libre' est fait pour l'étudier.

 3. Jusqu'à ce que l'on soit vraiment béni par le Seigneur suprême, on ne trouve ni le Guru approprié, ni l'Ecriture sainte qui convient.

 4. De même qu'un solide bateau, ô Rama, s'obtient chez un batelier, de même la méthode pour traverser l'océan du samsara s'apprend par la fréquentation des grandes âmes.

 5. Le grand remède, pour la maladie de longue durée qu'est le monde (samsara), est la poursuite de la question 'Qui suis-je? A qui ce samsara appartient-il?' qui la guérit entièrement.

 6. On ne devrait pas passer une seule journée dans un lieu ne possédant pas l'arbre d'un sage connaissant la Vérité, avec ses bons fruits et son ombre fraîche.

 7. Il faut approcher les sages, même s'ils n'enseignent pas. Même leurs paroles sur des sujets anodins contiennent la sagesse.

 8. La compagnie des sages transforme le vide en plénitude, la mort en immortalité, l'adversité en prospérité.

 9. Si les sages n'étaient concernés que par leur propre bonheur, en qui pourraient se réfugier ceux qui sont tourmentés par le chagrin du samsara ?

 10. Ce qui est transmis, ô âme bonne, à un disciple méritant qui est devenu sans passions, c'est la réelle sagesse. C'est la véritable signification des textes sacrés, et c'est aussi la sagesse qui comprend.

 


CELEBRATION DU CENTENAIRE DE MA A KANKHAL

 

Compte-rendu d'une disciple

 C'est entièrement par la grâce de Ma que je me trouvais à Kankhal durant les fêtes du Centenaire. Certaines obligations familiales m'appelaient à rentrer en Occident vers la fin; février (après plus de six mois en Inde), mais à la suite d'une communication téléphonique inattendue, tout s'arrangea comme par miracle -le billet d'avion à modifier, une soeur qui se chargerait des obligations jusqu'à une chambre près de l'ashram qui se libéra par hasard alors qu'eue avait été réservée depuis des mois... Par ailleurs, je vis deux occidentales qui avaient tout prévu pour être présentes et qui furent rappelées d'urgence au début des festivités à cause du décès d'un parent. Il faut dire que, n'ayant pas eu la chance de connaître Ma dans sa forme physique, j'avais un désir ardent d'être présente pour son Centenaire : c'était pour moi une petite compensation...

 Les célébrations commencèrent le 22 avril avec l'Atitudra Mahayajna et c'est à cette date que la plupart des fidèles de Ma arrivèrent. Bien qu'en tant qu'occidentaux et surtout non brahmines, nous n'ayons pas eu la possibilité de pénétrer à l'intérieur du bâtiment où se déroulait le Yajna, nous pouvions en faire des circambulations (toujours dans le sens des aiguilles d'une montre). On m'a dit que pendant toute la durée du Yajna il fallait en faire 108 au moins. Le grand bâtiment n'était pas fermé mais seulement entouré de moustiquaires et il était aisé d'observer les différents foyers où brûlait le feu sacré et autour desquels un grand nombre de pandits récitaient des montras en jetant du ghee et autres éléments sur les flammes. Il se dégageait du temple des sons paisibles et pleins d'intensité à la fois et nombre de fidèles s'asseyaient autour du bâtiment pour méditer. Le Yajna se poursuivit pendant deux semaines sans interruption à la fin desquelles eu lieu une cérémonie de clôture et une distribution de cendres à tous les assistants.

 Le 2 mai au matin, une puja eut lieu en l'honneur de la petite murti (statue) de Ma qui avait été préparée spécialement pour le Centenaire. Bien que très petite, la murti était imprégnée d'une beauté et d'une vie extraordinaires. Elle était constituée de huit métaux (ashta dhatu). Le lendemain dés 5 heures du matin commença la procession qui transportait la murti en grande pompe jusqu'à Harki-pèri, le lieu le plus sacré d'Hardwar à 5 km de l'ashram. La statue fut consacrée dans l'eau du Gange et ramenée à l'ashram pour être installée dans le temple de Shiva. Durant la procession plusieurs portraits de Ma, Didima et Bholanath se trouvaient sur des sortes de chariots tirés par des tracteurs et une immense photo de Ma était perchée sur le dos d'un éléphant dont le corps était entièrement peint. De longues files de fidèles se promenèrent ainsi au son des fanfares dans toute la ville et la bénédiction dans le Gange eut lieu vers 10 heures du matin.

 A partir du deux mai se déroula également le programme du Ras Lila sous une immense tente qui avait été érigée juste en face de l'ashram sur un terrain vague. La tente était souvent pleine et toute sorte de gens qui apparemment n'avaient pas pu obtenir de logement s'y reposaient la nuit.

Entre le 2 et le 6 mai la Durga Saptashati (les sept cent vers de louange à la Dévi, aussi appelés Chandi) furent répétés mille fois dans le hall de l'ashram, en face de la statue de Shankaracharya. Nombre d'occidentaux étaient présents, en particulier le groupe de français organisé par Claude Portal qui avait fait juste auparavant une retraite de plusieurs jours avec Swami Chidananda à Uttar Kashi. Il y avait aussi un groupe d'Italiens comprenant le Père Massimiliano Misi d’Assise. Ce dernier fut présenté à l'assistance par Swami Chidananda, et exprima son respect profond pour Ma et son message universel considérant les diverses religions comme des chemins variés allant vers le même but. 

Je pense que les deux cérémonies les plus sacrées et les plus intenses furent les deux pujas qui eurent lieu dans les nuits des 2 et 6 mai, et qui furent conclues le 7 par 24 heures de chant du Mahamantra, avec une procession de cent tambours bengalis (khôls) à travers Kankhal et Hardwar jusqu'à Harki-pèri. La tithi puja (le 6 mai) fut exceptionnelle. Bien qu'elle ait été censée commencer vers 2h 30 du matin, le hall du samadhi était déjà complètement plein vers lh. On ne pouvait y pénétrer que très difficilement, même si nous y avions disposé un asana pour réserver une place. Après avoir enjambé une cinquantaine de personnes, je suis parvenue à m'asseoir et à avoir une vue fabuleuse sur le Samadhi. Il était complètement submergé par toutes sortes de fleurs -des malas de lotus et de roses enchevêtrés et déposés sur des offrandes de saris de soie et de châles tous plus colorés les uns que les autres. La décoration était exquise et des montagnes de fruits et de sucreries bengalies étaient amassées sur le sol. On apercevait les flammes de bougies un peu partout et il y eut même un feu qui fut allumé à l'intérieur de l'endroit où avait lieu la puja. On fit également une puja spéciale à la Kumari (petite file de dix ans environ) toute vêtue de vert. A la fin de la nuit, environ 3500 personnes vinrent faire pranam et offrir des fleurs dans l'enceinte du samadhi de Ma, d'où se dégageait une atmosphère extrêmement sacrée et divine, et la présence de Ma se ressentait intensément. Vijayananda lui-même me confia que c'était trés proche du sentiment que l'on pouvait avoir lorsque Ma était encore dans sa forme physique. J'avais le sentiment qu'une immense vague de dévotion se formait et reformait sans cesse autour de moi. Un grand nombre de ceux qui avaient vu leur vie changée par sa présence divine et qui l'avaient aimée dans cette vie ou une autre avaient été rassemblés ici pour être témoins encore une fois de sa beauté, de son amour divin et de son omniprésence. Je me fis plusieurs fois la réflexion que durant ces quelques jours à Kankhal, ce n'était pas la vie sur terre que nous vivions; c'était un moment sacré dans lequel nous avions étés transportés.

  


INFORMATIONS

 

Activités pour le Centenaire en France

 

- Jean-Claude Marol a fait différentes conférences à propos de Ma, en particulier à la Mission Ramakrishna de Gretz et au Salon 'Vivre et travailler autrement', où les gens ont été trés touchés par les paroles et les diapositives de Ma.

- Le 23 mai a eu lieu à Espace-Expression, dans une salle archi-pleine, une conférence-débat sur Ma animée par Jean-Claude Marol avec la collaboration d'Elvire Ferle-Marol, de Claude Portal et de Jacques Vigne. L'intérêt du public ne s'est pas limité à la conférence elle-même, mais s'est manifesté par l'achat d'un nombre considérable de livres, polycopiés et cassettes de Ma. Les bénéfices de ces ventes ont été versés au fond de la Sangha de Ma, et destinés aux dépenses de santé des sadhus âgés.

- Comme il a été mentionné dans un article ci-dessus, Claude Portal a organisé un groupe qui a passé la semaine du Centenaire à Kankhal après cinq jours de retraite avec Swami Chidananda à Uttar-Kashi, dans les Himalayas.

- En France, nous avons fait une nuit de méditation près de Paris. La présence de Joëlle Mayeur qui a chanté des chants Bauls a donné une touche bengali à l'anniversaire. Vijayananda dit que la manière dont elle chante lui rappelle Ma quand il l'a connue dans les années 50.

- Swami Swaropananda, le secrétaire général de la Sangha de Ma qui a été son disciple depuis 45 ans et bien souvent son bras droit est venu deux semaines à Paris en juin. A 76 ans, c'était son premier voyage en Occident. Nous avons eu un satsang avec lui chez B.Pernel et Christophe Massin dont l'épouse Muriel, la fille des Desjardins, était aussi présente. Il s'est rendu également chez Claude Portal et Jean-Claude Marol, pour des temps de silence et d'échanges. Il était accompagné de Pushparaj, le jeune secrétaire népalais de l'ashram que ceux qui sont venus à Kankhal connaissent. Celui-ci pleurait d'émotion à son retour en Inde.

 

Publications

- Les trois livres de Marol sont 'Vie en Jeu' aux Editions Accarias/L'Originel, et avec photos 'En tout et pour tout' au Fennec et '...Une fois, Ma Anandamayi' au Courrier du Livre.

 - 'Perles de Lumière' à la Table Ponde

 - Les Carnets du Yoga (3 rue Aubriot, 75004) ont consacré leur numéro de janvier 96 à Ma, et il donne des témoignages inédits ainsi qu'une bonne vue d'ensemble de son enseignement (Prix :40Frs)

 - Le livre de BhaiJi 'Matri darshan' traduit par J.Vigne est paru aux Editions Terre du Ciel à Lyon juste pour le Centenaire de Ma en mai.

 - 'Un Français dans l'Himalaya' de Vijayananda doit paraître incessamment chez le même éditeur. Il comprendra ses articles sur Ma, des extraits de son livre 'In the steps of the Yogis' publié en Inde seulement en 1978, et des séries d'entretiens qui existaient déjà sous forme de polycopiés (cf en particulier "Les entretiens de Kankhal")

 - 'Aux sources de la joie', le premier livre sur Ma à être paru en Français en 1943 grâce à Jean Herbert doit être réédité l'an prochain. Il s'est trouvé que j'ai rencontré Marc de Smedt à Avignon en mai, et je lui ai donné un exemplaire de ce petit livre pour la réédition. Le lendemain, de retour à Paris, j'ai ouvert mon courrier et j'ai trouvé un autre exemplaire du même ouvrage, mais cette fois-ci en édition reliée de luxe. C'était Josette Herbert qui croyait l'avoir perdu, puis l'avait retrouvé en déménageant et avait eu l'intuition de me l'envoyer alors que nous n'en avions jamais parlé. Plus d'un demi-siècle après la publication, était-ce une coïncidence?

 Signalons également quelques publications qui, bien que n'étant pas sur Ma, lui sont reliées indirectement. 

- Un livre sur l'enfance de Marol aux Editions Le Fennec, où il nous fait part de sa riche expérience de stages de développement de la créativité avec des classes d'enfants à travers toute la France, et de ses réflexions sur ce que peut être l'enfance spirituelle.

 - Un numéro hors série de Nouvelles Clés sur la féminité de l'être qui doit ou vient de paraître. Marol y parle de l'amour courtois, et moi-même de la Mère divine en Inde.

 - Un livre d'enseignements de Swami Chidananda devrait paraître avec un autre ouvrage de Swami Shivananda pour Noël aux éditions Terre du Ciel.

 - 'La vision transpersonnelle' ouvrage collectif dirigé par Michel Random et Hélène Barrère est paru aux Éditions Dervy en septembre. La quatrième et dernière partie est un texte en prose poétique que j'ai écrit à Kankhal. Hélène Barrère m'avait demandé de présenter un aspect du Yoga dans ce style, j'ai choisi de parler de Shiva, dieu de la forêt, de la montagne et de la méditation solitaire. La forme est celle des agamas et tantras médiévaux, c'est à dire un dialogue entre Shiva et son épouse Parvati au sommet du Mont Kailash.

 - L'association internationale de psychiatrie spirituelle dirigée par Jean-Marc Mantel prépare un ouvrage collectif sur les sectes. J'ai déjà signé avec Jean-Marc une lettre ouverte parue dans le 'Terre du Ciel' de mai 96. Il est important que des spécialistes qui à la fois connaissent les déviations du psychisme et suivent eux-mêmes une voie spirituelle puissent s'exprimer sur ce sujet d'actualité, traité en général par les médias de façon superficielle et émotionnelle. Quoiqu'en pense l'establishment étatique ou ecclésiastique, la pluralité des groupes religieux est une réalité et une richesse de notre époque. La France a plus de difficulté à l'accepter que les Etats-Unis ou l'Inde par exemple. En dernière analyse, chacun est responsable pour soi-même de faire la part du bon grain et de l'ivraie, mais ce livre pourra donner des éléments de réflexion. Je suppose qu'il sera publié, comme les autres ouvrages de Spiramed-AIPS, par les éditions Le Fennec.

 Annonces diverses

- 8 cassettes audio et un disque compact avec la voix de Ma, sont disponibles à Mangalam Verlag Redornweg 18 26180 Rastede Allemagne, tél 04402 4540. Ils produisent aussi deux vidéos de Ma de bonne qualité, l'une de 2O mn, Matri Darshan sur la jeunesse de Ma et l'autre sur l'ensemble de sa vie.

- Les souscriptions à l'édition anglaise d'Amrita Varta peuvent être obtenues en envoyant un mandat postal international de 12 US 'To the Managing Editor, Ma Ananda Mayee Amrit Varta / Mata Anandamayee Ashram Bhadaini Varanasi-221001 UP Inde

 - Une annonce qui arrive trop tard, mais que je donne pour votre information : Swami Chidananda fait une retraite de Noël d'une semaine pour les occidentaux à Rishikesh. Il y aura en particulier Léonard Appel avec le groupe d'Initiations de Bruxelles. Ils s'arrêteront a Hardwar avant d'aller vers Rishikesh.

- du 3 au 24 mai S7, je ferai l'accompagnement d'un groupe de Terre du Ciel aux sources du Gange. Nous verrons le 9 mai l'ouverture annuelle du temple de Badrinath avec la procession de la statue de Badrlnarayan et ferons la randonnée de Kedarnath et Gomukh le glacier au-dessus de Gangotri d'où le Gange jaillit, sans oublier les rencontres d'ermites et de yogis. Renseignements BP- 2050- 69227 Lyon Cedex 02

- Shantimayi a ouvert un ashram dans les Pyrénées orientales entre Perpignan et Foix. Elle y résidera pendant les six mois d'été, passant les six mois d'hiver à Rishikesh où elle a vécu dix ans auprès de son guru, Maharaji de Satchadham Ashram, Laxman Jhula. Ce dernier, qui est toujours vivant, lui a demandé de s'occuper des Occidentaux, ce de quoi elle s'acquitte avec beaucoup de succès.

Bien que n'ayant pas connu Ma de son vivant, elle a une grande bhakti pour elle et passe régulièrement avec son groupe se recueillir et chanter auprès du samadhi a Kankhal, et à des satsangs avec Vijayananda. Je tâcherai de donner dans le prochain numéro l'adresse exacte de son ashram en France.

 - Chandra Swami, que nombre de Français vont visiter et considèrent comme leur guru, a visité l'ashram de Kankhal récemment.

 - L'International Guest House près de l'ashram de Kankhal est terminée en ce qui concerne le gros oeuvre. L'ouverture est prévue pour l'anniversaire de Ma en mai 97. Le logement offert sera plus confortable et plus silencieux que ce qui existe actuellement sur Kankhal; une bibliothèque spirituelle bien fournie sera probablement disponible.

 - Si vous souhaitez faire circuler des informations parmi les fidèles francophones de Ma, n'hésitez pas à nous écrire afin que nous les insérions dans cette rubrique.

 Jagat (le monde) signifie le mouvement perpétuel, et à l'évidence il ne peut y avoir de repos dans le mouvement. Comment pourrait-il y avoir de la paix dans des allées et venues perpétuelles ? La paix règne là où il n'y a ni allée ni venue, ni fonte ni destruction par le feu. Inversez le cours que vous suivez, avancez vers Lui -c'est alors qu'il y aura espérance de Paix.



 

JAY MA n°44

PAROLES DE MA

 

La vision par excellence, c'est celle qui, une fois vue, ne laisse plus rien à voir et fait s'éteindre même le désir de voir.

Quand le royaume de la Pure conscience est atteint, la Forme se révèle en tant qu’Essence même.

*

Qu'est-ce que signifie la perception directe du Soi, l'Atma darshan? L'observateur, ce qui est observé et l'acte d'observation, quand ces trois (triputi) font un, on réalise Brahman.

*

Ne vous laissez pas aller à un désespoir cynique. Ne dites pas : 'La Réalisation n'est pas pour moi, pas pour moi'. Prenez la ferme résolution :'Je dois atteindre la Réalisation du Soi, je dois vraiment.' Douter, c'est pécher.

*

L'acceptation parfaite donne la joie la plus profonde. Appuyez-vous sur elle comme sur votre seule ressource.

*

L'effort a faire, c'est de s'abandonner sans réserve à Lui. Vous n'aurez alors ni chagrin, ni douleur, ni déception ni frustration.

*

Un désir d'objet mondain vous rend misérable s'il n'est pas satisfait; s'il l'est, il est presqu'obligatoirement suivi par d'autres désirs, et leur enchaînement trouble la paix de votre esprit.

*

Le Soi contenu en lui-même et se lançant un appel à lui-même pour sa propre Révélation -c'est cela le bonheur.

***


QUESTIONS A VIJAYANANDA

 

Q : Vous dites parfois qu'une posture stricte est nécessaire quand on fait le yoga de l'éveil de l'énergie (kundalini), mais qu'on peut faire le japa ou observer l'esprit dans n'importe quelle position. Pourtant, ces deux dernières formes de méditation ne demandent-elles pas elles aussi d'avoir une bonne énergie?

V : Tout dépend ce que vous entendez par le mot "énergie". Dans le Yoga de la Kundalini, ce que l'on veut éveiller, c'est une "super-énenergie" qui vous permette d'aller plus rapidement dans l'illumination. Cette énergie est une sublimation (ou plutôt une divinisation) du pouvoir qui chez l'homme ordinaire est gaspillé dans les relations sexuelles. Pour suivre ce Yoga, il faut donc observer une chasteté totale et une vie de reclus. Quand la Kundalini s'éveille et monte dans le canal central, une mauvaise position du dos risque de bloquer cette montée. De toutes façons quand cette montée se fait, la colonne vertébrale devient droite spontanément.

Quant aux méthodes basées sur le japa et l'observation de l'esprit, ce sont des méthodes préliminaires pour purifier le mental, et le préparer à la possibilité d'un éveil du pouvoir Divin. Elles peuvent être pratiquées dans les conditions de la vie de tous les jours. Elles sont encore du domaine de la pensée parlée. Quand la force vitale rentre dans le canal central (c'est à dire quand la Kundalini monte le long de la sushumna nadi), le mental devient silencieux et il n'est plus question ni de vichara ni d'observation du mental.

 

Q : (un visiteur italien) Où se trouve la félicité?

V : La Félicité, l'Ananda est partout, elle est la base, le motif essentiel de toutes nos activités, en fait de toute vie. La Taittiriya Upanishad dit :'Qui donc agirait, qui donc respirerait si cette Félicité n'était pas dans l'espace?...' Cette base de toute existence, le 'champ unifié' des physiciens est fait d'une masse indivisée de Conscience-Bonheur (chidananda). Nous la percevons à travers l'épais voile de notre agitation mentale. Les nuages nous cachent le soleil; mais même leur couleur noire n'est visible que parce que le soleil est derrière eux.

 

Q : Parfois, vous dites qu'il faut regarder ses peurs, voire même ses désirs en face, et à d'autres moments qu'il est meilleur de regarder le mental du coin de l'oeil. N'est-ce pas contradictoire?

V : Oui, c'est vrai que la bonne méthode pour observer le mental est de le regarder 'du coin de l'oeil' en concentrant l'attention sur un support (un mantra ou une image, etc..) parce que si on regarde le mental de face, il risque de créer des formations artificielles; c'est en effet sa nature de proliférer quand on tente de l'analyser. Quand je disais qu'il faut faire face à une peur, car si on essaye de la fuir elle ne fera que s'intensifier, c'est que dans ce cas il s'agit de regarder en face l'objet qui a produit cette peur et non la pensée peur. Il ne faut pas se concentrer sur le sentiment-peur, car cela risque de l'intensifier, mais sur la cause qui a produit cette peur. En lui faisant face, on peut vaincre la peur plus facilement.

 

Jiten Babu : Si on cherche a se raccrocher au bonheur de la vie de famille quand on mène celle-ci, on ne doit pas avoir besoin d'autre chose?

Ma : Si vous cherchez à vous raccrocher à quelque chose. vous êtes partis pour le perdre. Le bonheur (ananda) dont je parle déjoue toute appropriation. Il vient de lui-même et demeure à tout jamais. Dans ce cas. le bonheur n'est pas quelque chose de travaillé laborieusement; c'est un don de la nature. Le bonheur qui provient des objets matériels est le produit d'un effort, est transitoire, tandis que le bonheur qui vient de Satchidananda est éternel; mais on doit mettre de côté ce bonheur aussi, et s'élever au-dessus; ceci cependant fait référence à un stage ultérieur. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c'est que nous avons à l'intérieur une joie plus durable que celle que nous pouvons expérimenter dans la vie de famille. Nous devons essayer de nous y installer.


 QUELQUES SOUVENIRS DE MA

Par Claude Portal

 

C'était en 1971, je préparai un projet pour aller en voiture en Inde avec mon épouse, mais elle était réticente et l'idée a dû être abandonnée avec la naissance de notre premier garçon en mars 1972!

Ma me donna son premier darshan grâce au livre 'L'hindouisme vivant' de Jean Herbert (1975). La troisième section de ce livre présentait quelques maîtres spirituels de ce siècle en deux ou trois pages avec une photo pour chaque. Le nom de Ma Anandamayi y était avec ceux de Ramakrishna, Tagore, Aurobindo, Papa Ramdas et Vivekananda.

Pour ouvrir cette partie, il y avait une belle image de Ma souriante, dans une position inhabituellement relaxée, assise sur le sol avec les genoux sous le menton. Je commençais à lire cette partie en cherchant si l'un de ces Grands était encore de ce monde, j'avais un fort désir de voir un saint vivant. Le seul dont la date 'd'abandon du corps' n'était pas mentionnée était Ma! Les commentaires et les paroles de Ma qui étaient cités étaient très attirants. Un grand intérêt s'éveilla en moi et je me dis 'je dois la voir absolument!'. Je trouvai alors un second livre de Jean Herbert 'L'enseignement de Ma Anandamayi'. J'acceptai comme Vérité la compagnie de ces trois cents pages d'enseignement de Ma, c'était une préparation. Je fis aussi en 76-77 une année de sanskrit à l'Université. Mais comment trouver Ma en Inde lorsque vous vivez en France et connaissez si peu sur l'Inde?

Notre première visite en Inde eut lieu en 1977. C'était un itinéraire touristique habituel en compagnie de mon épouse. Nous avons visité Delhi, Agra, Jaipur, Udaipur et Bénarès. En préparant le voyage, j'ai vu dans le guide qu'on mentionnait un ghat appelé 'Anandamayi ghat' à Bénarès, ce qui était exceptionnel dans la mesure où Ma était encore vivante. C'était le signe que j'attendais et donc, une fois à Bénarès, je cherchais dans le bottin de téléphone et j'appelais Ma! On me dit qu'elle n'était pas là. Nous avons visité l'ashram le 3 novembre. Je m'inclinais dans le hall principal en face de la photo de Ma, c'était mon premier pranam. J'achetai quelques livres, et on me dit d'écrire à un Swami français à Kankhal.

De retour en Errance, je me mis à lire et apprendre chaque jour du second volume de 'Matri Vani'. J'ai écrit à Swami Vijayananda, pris deux semaines de vacances et suis revenu en Inde pour voir Ma en mai 1978. J'arrivai à Kankhal le 2 mai et fut accueilli par Swami Vijayananda. Le matin suivant, j'avais mon premier darshan de Ma sous forme physique. Elle arriva comme prévu à dix heures du matin et entra dans l'ancien ashram entouré par la foule qui l'avait attendue.

Je restais en retrait et regardais respectueusement Ma. On lui proposa de s'asseoir sur une chaise au milieu d'une petite cour avec un grand nombre de gens tout autour. Je m'adossai au mur de gauche, joignis mes mains et fermai les yeux. Après quelques temps, je les ouvris, Ma était en face de moi, me regardant, toujours assise à la même place, la cour était vide, personne d'autre n'était là ! Je fermais les yeux à nouveau et restais immobile. Je sentais que j'étais sous le regard du Seigneur, pleinement conscient de Sa Présence, avec une résonance intérieure profonde et au-delà de mon contrôle, en dehors du temps et de l'espace. Des larmes me vinrent. J'avais vu 'le Père qui est aux cieux'.

Le même jour à six heures je pus me retrouver dans une réunion à Surat Giri ashram, et j'eus mon second darshan de Ma qui m'adressa un sourire de bienvenue que je reçus comme un éclair. Je ressentis ces deux darshan comme un privilège extrême et en même temps l'impression de quelque chose de déjà connu. Le lendemain Swami Vijayananda me dit que je n'étais pas autorisé à aller à la rencontre de six heures mais qu'il n'avait pas réussi à me le dire à temps!

Les jours qui ont suivi, je participais aux darshans et Ma m'offrait quotidiennement une communion intense et directe avec Elle à travers ses yeux ou son sourire. Le 10, j 'allais à pied derrière la voiture de Ma durant la procession qui accompagnait dans Hardwar la statue de Shankaracharya destinée à étre installée dans le hall de l'ashram. Depuis 1978, je suis venu à la plupart des Samyam Saptah, la première fois à Nadiad avec mon épouse, ensuite à Kurukshetra, puis de nouveau avec mon épouse à Rishikesh en 1980.

Pendant les vacances de Pâques 1980, j'emmenai toute ma famillle, ma femme et les deux garçons qui avaient 7 et 9 ans à Kankhal pour le darshan de Ma que nous avons eu le 11 avril. Nous avons passé plus d'une semaine au Tourist Bungalow d'Hardwar et sommes venus chaque jour pour le darshan à Kankhal. Les garçons s'attendaient aussi à une visite du Corbett National Park que j'avais évoquée pour avoir le 'darshan' du tigre blanc du Bengale, mais je ne pouvais me résoudre à faire perdre à ma famille tant qu'elle était en Inde un quelconque darshan de Ma, 'le tigre ne relâche jamais sa proie'!

A cette époque, je demandai à Swami Bhaskarananda si je devais faire une requête en vue d'une initiation. Il me dit 'nous verrons, Ma n'est pas très bien'. Mon épouse et moi-même sommes venus à la Samyam Saptah de Kankhal en 1981. Le 3 novembre, trois français reçurent l'initiation, c'était mon quarantième anniversaire, la pensée de demander l'initiation me passa à l'esprit, mais fut remplacée par une autre : la fête du Guru, gurupurnima, est la meilleure date pour ce type de cérémonie. Le 11 janvier 1982, Ma me dit en rêve :'Je vais te donner l'initiation.' Je décidai donc d'aller en Inde pour la gurupurnima 1982 afin de recevoir la diksha. Je pris quatre semaines de vacances et arrivai à Dehra-

Dun le 31 juin. Le 6 juillet, jour de gurupurnima, Ma me donna un guru mantra par l'intermédiaire de Bhaskarananda. Le mardi 8 juillet, Ma me conféra la diksha et sa bénédiction.

Je dois dire qu'avant la diksha en 1982, pendant la méditation silencieuse avec Ma, j'avais reçu un mantra que j'avais pratiqué jusqu'à la Samyam suivante. Ma femme vécut un procesus similaire, avec une initiation de Ma en 83 un matin juste avant son réveil.

Parler des faits, des dates et des évènements extérieurs n'est pas difficile. Mais se souvenir et révéler ce qui est arrivé en même temps que les faits matériels ou en leur absence est bien plus délicat, étant limité par la mémoire, la compréhension, la conscience et la capacité à l'exprimer par des mots. Je n'ai jamais demandé un entretien privé ni n'ai utilisé ma voix pour parler avec Ma.

Je me suis trouvé incapable de formuler une question, toutes se dissipaient ou je les percevais comme sans intérêt; après un certain temps, j'eus l'attitude intérieure suivante :'Pourquoi poser des questions au Seigneur, à l'absolu?' Une fois, à Kurukshetra, lors de mon dernier soir là-bas, je vis une longue queue à la porte de Ma, je me suis mis à attendre aussi et quand ce fut mon tour après longtemps, la dame qui gardait la porte me dit :'C'est tout pour aujourd'hui '.

Quand on était en face de Ma, c'était si facile d'ouvrir les yeux et de voir le Non-manifesté dans le manifesté, le Seigneur dans 'ce corps' en face de vous, quel miracle! C'était quand même extraordinaire également d'écouter Sa voix, Ses paroles. Le manque de compréhension du hindi et du bengali, la distance et les règles de séparation imposées par l'entourage de Ma ont été des facteurs qui m'ont aidé à ne pas m'attacher à Son corps, de plus cela me donna une occasion unique de faire le maximum pour aller au-delà de ce qui était dit ou entendu, pour tenter de saisir l'essence et en même temps de m'abandonner au Seigneur. 'Que Ta volonté soit faite'. Et cette expérience s'est répétée chaque année, quand j'observais le silence (maun) pendant la semaine que durait la Samyam Saptah.

Servir le Seigneur, recevoir des conseils et des instructions de sa part, être embrassé par Lui, lui porter de la nourriture à la bouche, recevoir dans ma propre bouche de la nourriture de Ses mains, conduire Sa voiture, coucher dans Sa chambre, faire le pranam complet à Ses pieds, Lui parler, être appelé au téléphone par Lui..tout cela ne s'est pas produit physiquement entre le corps de Ma et moi-même. Mais tout ceci - et bien plus - m'a été donné par Sa grâce, par Elle-même sous la forme de Swami Chidananda, de Mère Krishnabai, de Mata Amritanandamayi. Tout est la grâce et la bénédiction de Ma! Jay Ma!

(Amrita Varta, avril 1996)


LA MORT DE KAWNA

 

Bithika Mukerjee est la biographe de Ma. Dans un livre en préparation,'My days with Sri Ma Anandamayee', elle parle de son lien et de celui de ses parents et de sa famille avec Ma. Dans le passage ci-dessous, publié dans Amrita Varta en 1996, elle décrit en détail la mort de sa cousine Kawna, décédée de tuberculose intestinale à l'ashram de Ma à Dehra-Dun en 1942, alors qu'elle était encore étudiante. Il est intéressant de voir en détail comment Ma s'est occupée d'elle et a mis en évidence la dimension spirituelle d'un événement qui pour d'autres n'aurait semblé que cruel ou absurde.

Renudi se souvient que quand elle arriva à l'ashram de Raipur (Dehra-Dun) avec Kawna, elle vit immédiatement Sri Ma qui était debout au bord de la terrasse, les regardant descendre de leur voiture à cheval (tonga). Kawna, sans un regard vers l'arrière, s'avança et monta les escaliers (très raides) qui montaient avec deux paliers jusqu'à la terrasse. Elle ne paraissait pas malade du tout. Ma reçut Kawna, Renudi et ma mère avec bonté et on leur donna deux chambres dans la cour, du côté opposé à la terrasse.

Sri Ma elle-même veilla à tous les détails du confort de Kawna ! Comment arranger le lit et la chambre, quelle nourriture on devait lui donner, etc...Un fidèle de Sri Ma qui était un docteur, Bharat Bhai de Jullundhar l'examina et prescrivit des médicaments. Sous peu, c'était tout l'ashram qui se mit à s'impliquer pour le bien-être de Kawna. Comme la fièvre persistait, Sri Ma lui demanda de garder le lit. Elle visitait la chambre chaque jour et s'asseyait sur une cantine en métal sur laquelle Renudi avait disposé une couverture pliée. Chaque soir, lorsque Ma se promenait sur la terrasse, elle marchait seulement dans un coin de celleci. Après quelques jours, les gens réalisèrent qu'elle marchait à l'endroit qui était visible à Kawna quand elle reposait sur son lit, et donc le peu de visiteurs qui venaient prenaient soin de ne pas s'interposer.

Tout le monde s'attacha à cette jeune fille (elle n'avait pas vingt ans) qui supportait sa maladie si bravement et en se plaignant si peu. Sevaji vint tous les jours pour voir Kawna, ses grands yeux brillants en fleur de lotus et son sourire charmant qui resta tel jusqu'au dernier jour.

Les temps étaient durs. Le mouvement 'Quit India' ('quittez l'Inde', pour faire partir les anglais) lancé par Gandhiji avait affecté la plus grande partie du pays. Le gouvernement britannique le réprimait impitoyablement. Pour quelques temps, l'euphorie d'une poussée de sentiment en faveur de l'indépendance était masquée par le règne de la terreur. Les postes ne fonctionnaient plus, les trains étaient très rares et servaient principalement pour le mouvement des troupes. Mais les fidèles de Dehra-Dun venaient régulièrement à pied jusqu'à Raipur. Ils se proposèrent pour faire les quelques courses nécessaires. Kawna semblait s'affaiblir chaque jour un peu plus. Ma mère et ma soeur étaient constamment auprès d'elle, particulièrement ma mère qui demeurait presque continûment à son chevet. Renudi se lia d'amitié avec deux autres jeunes filles qui habitaient à l'ashram, Maranidi et Savitri Manima. En dehors de Didima, Didi et Ruma Devi, c'étaient surtout des brahmacharis et des sadhous qui vivaient là.

Rien ne semblait pouvoir améliorer l'état de Kawna. On alla chercher un docteur éminent de Dehra-Dun pour l'examiner. Le Dr Mitra diagnostiqua une tuberculose intestinale. On se souvient qu'à cette époque, il n'y avait pas de médicaments pour cette atteinte terminale, si ce n'est de l'air frais et une bonne nourriture. On ne dit pas à ma mère et à ma soeur que d'après le Dr Mitra, Kawna n'en avait plus que pour trois mois. Sri Ma elle-même supervisait tous les repas. Une nuit elle sortit avec une lampe-torche dans les zones de forêt dense alentour. Didi et Renudi allèrent avec elle. Sri Ma montra certaines plantes médicinales à Didi, qui les cueillit et les prépara sous sa direction. Elles revinrent chez Tanna, et Didi porta à la bouche de Kawna une cuillerée de la substance. Celle-ci l'avala non sans difficulté. Sri Ma resta longtemps pour voir les réactions (peut-être?). Aussitôt qu'elle s'en alla, Kawna rendit le tout. Elle se retenait non sans mal par politesse. Renudi alla dire à Ma que le médicament n'avait pas été toléré. Sri Ma remarqua d'une voix douce :'Vous voyez, le corps rejette tout effort d'inverser le processus. Désormais, il ne durera pas longtemps.'

Le jour suivant, Sri Ma apporta une sorte de robe qui lui appartenait et des sous-vêtements, et dit à ma mère :'Vous trouverez que ces vêtements sont plus commodes tant qu'elle garde le lit'. Elle aida elle-même ma mère à changer Kawna. Sri Ma invita alors tous les sadhous à venir dans la chambre et à la bénir en lui touchant la tête. Après que tous l'aient fait, Didi demanda à Sri Ma si elle même ne voulait pas aussi bénir Kawna. 'Vraiment?' dit-elle, et elle passa ses mains trois fois sur elle, de la tête vers les pieds. Elle lui demanda ensuite :'Tu aimes bien les kirtans : voudrais-tu qu'on en chante prés de ta chambre?'

'Oui' dit-elle avec un grand sourire.

'Quel nom?' Kawna hésita, car elle pensait que tout le monde s'attendait à ce qu'elle demande de réciter le nom de Ma. Sri Ma dit de nouveau :'Dis le Nom de ton choix!' 'Krishna'. Ainsi donc, Abhayda et ses companions chantèrent du kirtan tous les soirs en face de la chambre de la patiente. Abhayda n'était pas du genre à se laisser imposer un emploi du temps régulier, mais d'une façon ou d'une autre tous les résidents de l'ashram et les quelques visiteurs de passage faisaient tout leurs possible pour rendre service à cette jeune fille dévouée, qui restait là, si patiente, avec les yeux fixés sur la porte en attendant l'arrivée de Ma. Elle ne demanda jamais la présence de Sri Ma, ni ne chercha à prolonger ses visites. A chaque fois que Sri Ma disait 'Est-ce le moment de m'en aller?' elle faisait un signe de tête et souriait.

Après que Sri Ma ait changé les vêtements de Kawna, elle sembla avoir une légère amélioration. C'était l'impression de ma soeur que Sri Ma lui avait aussi donné un mantra, car elle était restée quelques minutes seule avec elle alors que ma mère attendait dehors. La sensation persistante de nausée et de mal d'estomac la quitta. Elle recouvrit quelque peu l'appétit Sri Ma lui demanda si elle désirait quelque chose de particulier à manger. Kawna, avec son sourire franc, dit 'Oui, du pain!' Il se trouvait que le pain des boulangeries n'était pas consommé dans les ashrams, on pensait que ce n'était pas une nourriture convenable pour les résidents. Cependant, Sri Ma ne fit pas d'objection et Bharat Bhai s'en alla à pied jusqu'à Dehra-Dun pour aller en chercher. Pendant trois ou quatre jours Kawna mangea toutes sortes de nourritures qu'on croyait ne pas lui convenir et les digéra bien. Ma soeur lui fit des frites. Elle nous dit que Kawna avait nombre de souvenirs qui lui revenaient.

Elle parlait beaucoup de sa vie à l'université et de ses amies d'Allahabad.

Cependant, un jour (le 14 septembre 1942), la nausée revint, elle ne pouvait plus rien digérer; on remarqua dans ses vomissements quelques gouttes de sang. Ma soeur rendait compte des moindres changements de l'état de la patiente à Sri Ma. Quand celle-ci entendit ces nouvelles, elle dit 'Le temps est venu. J'espère qu'ils ont fait tous les préparatifs.' Elle avait elle-même mis de côté une grande guirlande qu'on lui avait apportée un peu plus tôt. Sri Ma vint dans la chambre de Kawna avec Swami Akhandanandaji (le père de Didi). Elle lui parla à sa manière habituelle, de façon intéressante et en la faisant beaucoup rire. Puis elle lui dit :'C'est un honneur d'être initiée au mantra du sannyas dans l'enceinte sacrée de l'Uttarakhand (la 'partie nord', la région qui va de la plaine aux sources du Gange). Quelle chance tu as que de tels sadhous soient là pour s'occuper de toi! Il y a seulement Brahman, le Un sans second (ekamevadvitiya Brahman)'

Le regard de Kawna était fixé comme d'habitude sur le visage de Ma. Elle manifesta son accord d'un signe de tête. Sri Ma demanda à tous de quitter la pièce. Elle resta elle-même avec Swamiji, qui recita le mantra du renoncement total de tout son coeur à la patiente qui n'avait plus que quelques minutes à vivre; mais cela, personne ne le savait.

Sri Ma rappela tout le monde dans la chambre et on reprit une conversation normale. Didi fit 'charanamrita (l'onction des pieds du guru) et mit paisiblement quelques gouttes du liquide dans la bouche de Kawna (selon une tradition répandue en Inde). Abhayda, Shobanda, Kanu et d'autres brahmacharis étaient assis à l'extérieur de la chambre et chantaient le mahamantra, la pièce était pleine de sadhus en robe orange. Après quelques temps, Kwana dît à Swamiji de façon un peu précipitée: 'Je ne pense pas que j'ai oublié le mantra; pouvez-vous me le redire?' Tout le monder se disposa à quitter la pièce, mais avant qu'ils n'aient bougé, elle dit :'Non, non, c'est bon, je m'en souviens!' Elle paraissait se relaxer et être sereine comme à son habitude. A l'extérieur, la nuit tombait. Sri Ma se leva, s'approcha d'elle et lui dit 'est-ce que c'est le moment que je m'en aille?' Kawna approuva d'un signe de tête. Sri Ma passa trois fois ses mains de la tête aux pieds de Kawna dans un geste de bénédiction et de caresse qui la caractérisait d'une façon inimitable. Elle s'en alla lentement vers la porte en regardant par derrière la jeune fille dont les yeux grand ouverts et plus brillant que jamais étaient fixés sur son visage. Sri Ma sortit de la pièce suivie par seulement Renudi. Tous les autres, y compris Didi, restèrent au chevet de Kawna. Aussitôt que Sri Ma sortit de la pièce, le regard brillant s'arrêta. Didi, Swamiji et les autres dirent par la suite qu'il semblait que Sri Ma avait pris Kawna avec elle. Ma soeur vint avec Sri Ma dans sa chambre; celle-ci s'assit tranquillement sur son lit et lui dit

:'Ne pleure pas; les lamentations à propos de ceux qui partent mettent ceux-ci dans un état de détresse.' Renudi comprit par ces mots que Kawna n'était plus. Il n'y avait pas eu d'indications que Kawna s'enfonçait ou n'était plus comme d'habitude. Sri Ma dit à nouveau :'Les sons du mahamantra, tant de sadhous en robe orange assis à ses côtés, on dirait qu'elle a provoqué la survenue d'une grande cérémonie (mahotsava) pour l'heure de son départ'.

Après quelques temps, ma mère s'aperçut aussi que Kawna s'en était allée au-delà de ses attentions et de sa tendresse. Elle vint dans la chambre de Ma et s'assit tranquillement à ses pieds avec Babu sur les genoux. Renudi était debout tout près. Tous les autres étaient occupés dans la chambre de Kawnadi. Swami ParamanandaJi organisa la procession funéraire composée des brahmacharis et de quelques sadhus. Dans notre tradition, la crémation se doit d'étre accomplie au plus tôt. A cette époque, il n'était pas question d'informer mon père ou d'attendre sa venue à temps. De toutes façons Sri Ma considéra comme acquis son accord complet pour la manière dont elle résolvait ses affaires, que ce soit à cette époque là où plus tard.

Le ciel se couvrit et il se mit à pleuvoir. Le petit groupe de femmes auprès de Ma suivit des yeux les brahmacharis qui ramassèrent le brancard en bois sur lequel on avait déposé le corps de Kawna. Didi l'avait orné de guirlandes et de tissus neufs procurés par Ma elle-même. Elle paraissait endormie et paisible.

Tous les sadhous, mis à part Swami Akhandanandaji et Mukti Maharaj accompagnèrent le cortège. Les échos du mahamantra s'élevaient Sans l'atmosphère. Comme les hommes se frayaient un chemin à travers la vallée, on pouvait facilement les distinguer grâce à l'oscillation de leurs lanternes. L'ashram de Raipour donnait sur de grands éboulis entrecoupés par le ruban les torrents. Sri Ma dit :'Il pleut, pourront-ils allumer un feu dans ces conditions? Voyons quelle sera la volonté de Dieu.' Sri Ma continua à regarder les lumières qui scintillaient dans la vallée. Elle restait pour un temps sur son lit en bois, puis sortait du hall et retournait près des fenêtres grandes ouvertes qui donnaient du côté de la vallée. Tous virent un feu éclatant s'élever. Malgré la pluie, les charmants coteaux furent illuminés par les reflets du feu qui brillait. 'Mukti Maharaj avait été saisi d'émotion sans s'y attendre et ses yeux se brouillèrent de larmes. Il dit sur un ton bouleversé qui lui était inhabituel :'Quelle façon glorieuse de partir de ce monde! Ma, seulement une! Pourquoi seulement une! Pourquoi n'aidez-vous pas des dizaines d'entre nous à passer de l'autre côté de cette façon?'

Les hommes retournèrent à l'aube. Sri Ma n'avait eu que peu de repos pendant la nuit. Elle avait parlé de temps en temps de la nature brillante et ouverte de Kawna, de son acceptation totale, de sa sérénité dépourvue de toute revendication et ce ses bons samskaras (impressions profondes, inconscientes venant du passé) qui avait rendu possible la confluence de tant d'éléments de bonne augure : la sainteté de l' Uttarakhand (cette partie des Himalayas), rien que des brahmacharis pour porter sa civière et des sadhous pour accomplir les derniers rites. L'assistance ajouta le plus important des facteurs, la présence de Sri Ma. Didi déclara qu'elle n'avait jamais vu Sri Ma autant impliquée lors de la mort de quelqu'un, pas même lors de celle de Bhaiji. A son retour, Paramanandaji dit qu'ils avaient eu peur que le bois mouillé ne prenne pas, mais ils furent tous stupéfaits de voir des flammes brillantes s'élever, qui paraissaient avoir une énergie et une vie qui leur était propre. Sri Ma dit :'La chasteté (brahmacharya) stricte de plusieurs vies a créé cette énergie (brahmateja, littéralement la chaleur, l'éclat de Brahman); point n'a été besoin d'une grande énergie pour consumer le corps qui était sattvique et donc léger, brillant et prêt à se mêler aux éléments.

Le lendemain, l'ashram semblait étrangement vide. Les visiteurs étaient frappés par la nouvelle du décès de Kawna. Sevaji se mit à pleurer, en disant que ce sourire qu'elle avait attendu et désiré jour après jour lui manquerait. Sri Ma continua à parler à tout un chacun de Kawna pendant les quelques jours qui suivirent...

(Extrait d'Amrita Varta, octobre 1996)


ADVAITA BODHA DIPIKA

 

Nous donnons ci-dessous des extraits de 'La lampe de la Connaissance non-duelle qui est un texte classique hautement recommandé par Ramana Maharshi et dont la traduction anglaise a été révisée en sa présence. Il s'agit du chapitre VIII consacré à manonasha, la destruction, l'extinction du mental.

 Le maître parle maintenant de l'extinction du mental (manas, mind) comme du seul moyen de réaliser Brahman :

Le maître : Ô fils, toi qui es sage, abandonne le mental qui est un voile limitant et engendrant l'individualité, et qui cause ainsi la grande maladie des naissances et des morts répétées, et réalise Brahman.

Le disciple : Maître, comment le mental peut-il s'éteindre? N'est-il pas très difficile de faire ainsi? Est-ce que le mental n'est pas puissant, indiscipliné et constamment en train de vaciller?

M : Abandonner le mental est très facile, aussi facile qu'écraser une fleur délicate, retirer un cheveu collé à la surface du beurre ou cligner des yeux. N'en doute pas. Pour un chercheur résolu, qui se tient bien en main et qui n'est pas ensorcelé par les sens, mais qui est devenu indifférent aux objets extérieurs grâce à un détachement intense, il ne peut y avoir la moindre difficulté à abandonner le mental.

D : Comment est-ce si facile?

La question de difficulté ne se pose que s'il y a un mental à abandonner. A vrai dire, il n'y en a pas. Quand on dit à un enfant :'Il y a un fantôme', l'enfant ignorant s'illusionne en croyant à l'existence d'un fantôme non-existant, et il est sujet à la peur, la misère et les ennuis, de même la fausse entité du mental se manifeste quand on imagine des choses qui ne sont pas comme étant ceci ou cela dans le Brahman sans tache. Le mental se met alors à fonctionner comme ceci ou cela, et à s'avérer incontrôlable et puissant pour celui qui ne se méfie pas, tandis qu'il est facile à délaisser pour le chercheur qui se tient bien en main, est doué de discernement et connaît sa propre nature. Seul l'idiot qui l'ignore dit que c'est vraiment difficile...Dans le Yoga Vasishta, Vasishta dit 'Ecoute, ô Rama, il n'y a rien qu'on puisse appeler le mental. De même que l'éther existe sans forme, de même le mental existe comme un état de stupeur où l'on ne sent rien (blank insentience). Seul son nom persiste, il n'a pas de forme, il n'est ni à l'extérieur, ni dans le coeur; et pourtant, comme l'éther, le mental remplit tout bien qu'étant lui-même dépourvu de forme.

D : Comment cela se peut-il?

M : A chaque fois que la pensée se manifeste comme ceci ou cela, il y a mental...

D : Comment amener celui-ci à l'extinction?

M : Tout oublier est le moyen ultime. Si ce n'est dans la pensée, le monde ne se manifeste pas. Ne pense pas, et il ne se manifestera pas. Ouand rien ne se manifeste dans le mental, il est lui-même perdu. Ne pense donc à rien, oublie tout. C'est la meilleure façon de tuer le mental.

D : Est-ce que quelqu'un a déjà dit cela auparavant?

M : Vasishta a dit à Rama :'Efface les pensées de tout genre, que ce soit celles des choses dont tu as joui ou non, ou celles de tout le reste. Comme le bois ou la pierre, demeure libre des pensées.

Rama : Est-ce que je dois tout oublier complètement?

Vasishta : Exactement; oublie tout complètement et demeure comme du bois ou de la pierre.

Rama : Il en résultera une inertie stupide comme celle des pierres ou du bois.

Vasishta : Ce n'est pas le cas. Tout ceci n'est qu'illusion. En oubliant l'illusion tu t'en libères. Bien que paraissant inerte, tu seras la Félicité Elle-même. Ton intellect sera complètement clair et acéré. Sans te laisser piéger par la vie du monde, mais en apparaissant actif aux yeux des autres, continue à être la Félicité même de Brahman et sois heureux. Que l'illusion du monde ne soit pas comme la couleur bleue du ciel, qu'elle ne réapparaisse pas dans l'éther pur du Soi- Conscience. Oublier cette illusion est le seul moyen de tuer le mental et de continuer à étre Félicité. Sans en passer par là, la réalisation n'est pas possible même si Brahma, Vishnouet Shiva te donnaient leurs instructions. Si tu n'oublies pas tout, tu ne pourras devenir cette immobilité qui n'est autre que le Soi.

D : N'est-ce pas très difficile d'y arriver?

M : Certes, pour l'ignorant, c'est difficile, mais c'est aisé pour les quelques uns qui sont doués de discernement. Ne pense jamais à quelque chose d'autre que le Brahman unique et d'un seul tenant. Par une longue pratique dans ce sens, tu oublieras facilement ce qui n'est pas le Soi. Il ne peut être difficile de rester calme et silencieux sans penser à quoi que ce soit. Ne laisse pas de pensées s'élever dans le mental; pense constamment à Brahman. De cette façon, toutes les pensées du monde vont s'épanouir et la pensée de Brahman seule demeurera. Quand cette pensée se stabilisera, va jusqu'à l'oublier, et sans même penser 'Je suis Brahman', sois ce Brahman même. Ceci ne peut être difficile à pratiquer.

Maintenant, mon fils, toi qui es sage, suis ce conseil. Cesse de penser à quoi que ce soit, si ce n'est Brahman; par cette pratique, ton mental s'éteindra; tu oublieras tout et tu demeureras en tant que pur Brahman.

Celui qui étudie ce chapitre et suit les instructions qu'il contient deviendra rapidement Brahman lui-même!

(Extrait de 'The Mountain Path', décembre 96)


LAGHU YOGA VASISTHA

 (Traduit de l'édition anglaise de Ramanash ram par Vyasan)

 Suivre la méthode habituelle d'enseignement sert seulement à maintenir la tradition. La conscience pure résulte uniquement de la clarté de compréhension du disciple.

Le Seigneur ne peut Être vu à l'aide des textes sacrés ou du Guru. Le Soi est vu uniquement par le Soi, grâce au pur intellect (buddhi).

Tous les arts acquis par les hommes sont perdus lorsqu'ils ne sont pas pratiqués; mais l'art de la sagesse croît constamment une fois que celle-ci est éveillée.

Tout comme un ornement porté autour du cou est considéré comme perdu si on l'oublie, puis est retrouvé lorsqu'on s'aperçoit de son erreur, de même le Soi est atteint (lorsque l'illusion s'efface) par les paroles du Guru.

Il n'a vraiment pas de chance celui qui, ne connaissant pas son propre Soi, tire plaisir des objets des sens; il est comme quelqu'un qui réalise trop tard que la nourriture qu'il a avalée était empoisonnée.

L'homme perverti qui, même en sachant que les objets du monde sont trompeurs, pense encore à eux, est un âne, et non pas un homme.

Même la moindre pensée plonge l'homme dans le chagrin; lorsqu'il n'a plus de pensée du tout, il goûte la félicité impérissable.

Tout comme nous avons l'illusion de l'écoulement de plusieurs centaines d'années dans un rêve qui ne dure qu'une heure, de même avons-nous l'expérience du jeu de maya durant l'état de veille.

Est un homme heureux celui dont le mental est calme intérieurement, libre de l'attachement et de la haine et qui regarde ce monde comme un simple spectateur.

La vie de celui qui a bien compris comment abandonner toute idée d'acceptation et de rejet, et qui a réalisé cette conscience qui est à l'intérieur, au plus profond du coeur, cette vie-là est illustre.

Au moment de la dissolution du corps, seul l'éther (la conscience) limitée par le coeur (hadayam) cesse d'exister. Les gens se lamentent inutilement que le Soi est éteint.

Lorsque des pots, etc... sont brisés, l'espace qu'ils contenaient devient illimité. De même, lorsque le corps cesse d'exister, le Soi persiste, éternel et indépendant.

 


EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI

par Amulya Kumar Datta Gupta

 

Nous entamons maintenant la traduction par épisode de larges extraits du journal d'Amulya Kumar Datta Gupta. Ce dernier avait un poste de responsable dans l'éducation à Dhaka. Il rencontra Ma pour la première fois en 1933, et devint un disciple proche d'elle tout en continuant à vivre dans le monde. Il est connu dans le milieu de Ma pour la précision et l'intelligence avec lesquelles il rendait compte des dialogues avec Ma et de leur contexte. Quand il était proche de Ma, il n'avait pas comme Didi mille choses pratiques à faire pour l'ashram et pouvait se concentrer plus facilement sur ce qu'enseignait Ma. Ses carnets de notes d'abord publiés en bengali n'ont été traduits que relativement récemment en anglais. Le texte ci-dessous concerne sa première rencontre avec Ma à l'ashram de Ramna à Dhaka, accompagné de son ami Jagadish Babu.

Jagadish Babu toucha les pieds de Ma tandis que je la saluais un peu à distance. A la vue de Jagadish Babu, elle se laissa aller à un sourire serein et immaculé et dit :'Babaji, j'espère que ça va!' 'Oui, Ma, pas mal!' Ma s'enquit aussi de la santé de ses filles. Il y eut ensuite un silence après lequel il demanda pour faire parler Ma :' je ne trouve de vrai plaisir en rien.' Ma répondit 'C'est ainsi qu'il doit en être. Vous êtes modelé sur la joie parfaite. Comment une joie tronquée pourrait vous satisfaire? Vous avez en vous un avant-goût de la joie pure. Vous voyez comment c'est. Quand quelqu'un va au marché, vous lui demandez de rapporter certains légumes. C'est parce que vous les avez déjà goûtés, vous avez mémorisé leur goût et vous voulez le retrouver. De même, vous avez tous eu un avant-goût de Sat-chit-ananda et vous cherchez à le retrouver dans les objets du monde, que ce soit dans les richesses, dans la situation sociale ou dans les enfants. De cette façon vous courez de ci de là, mais rien ne vous donne la joie qui est inhérente à Sat-chit- ananda. Ainsi vous n'avez pas de paix, de satisfaction qui demeure.' Jagadish Babu dit 'Que doit-on donc faire?' Ma dit'Continuez à chanter le Nom; que ce soit chez vous la préoccupation de chaque instant, et vous obtiendrez tous vos désirs. La paix, la libération et tout le reste vient du Nom.'

                                                                                          (Vol I p3,p4 )


LISTE DES LIVRES

disponibles en anglais sur Ma

 Pour les commandes de livres à envoyer par avion, faire le calcul suivant : si un livre est 50 Rps, il faut compter environ 75 Rps de frais d'envoi par avion, donc 125 Rps, sachant que 1 Fr=6,5 Rps, cela fait environ 20Frs. Pour simplifier les paiments internationaux, envoyer le chèque à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne, 95 rue J.Dulud, 92200 Neuilly. Je paierai de mon côté le libraire de l'ashram quand il enverra les commandes.

Mother as revealed to me Rp 40; Sad Vani 15; Matri Vani I 15, II 20, Ma Anandamayi Lila (Hari Pam Joshi) 40; Biography by Bithika Mukerjee, 2 volumes, chacun 50, le journal de Gurupriya Devi (Didi), 5 volumes, dont le dernier raconte le pèlerinage de Ma au Mont Kailash et la mort de Bhaiji, chacun 40; I am ever with you, deux volumes sur les déplacements de Ma, chacun 40, Words of Ma, 30; As the flower sheds its fragrance (='Présence de Ma' d'Atmananda) 50, The Mother Bliss Incarnate (Ganguli) 50; In Association with Ma (Amulya DK Gupta), 3 volumes, chacun 30 Rps, Matri Lila darehan, 50; Matri Kripa hi Kevalam, 40; Life and Tenching (by A.Lipski) 65, Mother as seen by her devotees (avec des contributions de J.Herbert, A.Desjardlns, Vijayananda et Gopinath Kaviraj) 30, Anandamayi, the Universal Mother (beau livre, avec des peintures) 450, The Divine Mother, Srivastava, 250, In Her Perfect Love, Shraddha (une bhakta américaine) 125, In your heart is my abode (B.Mukerjee), 20.

Signalons également la sortie du beau livre de photos grand format de Richard Lannoy 'Anandamayi, Her words and Wisdom' à Element Boos, Sheftesbury, Dorset SP78BP, Royaume-Uni, 1996, prix £20 parution prochaine de 'Un Français dans l'Himalaya' de Vijayananda aux éditions Terre du Ciel.

 

 

 

JAY MA n°44

PAROLES DE MA

 

La vision par excellence, c'est celle qui, une fois vue, ne laisse plus rien à voir et fait s'éteindre même le désir de voir.

Quand le royaume de la Pure conscience est atteint, la Forme se révèle en tant qu’Essence même.

*

Qu'est-ce que signifie la perception directe du Soi, l'Atma darshan? L'observateur, ce qui est observé et l'acte d'observation, quand ces trois (triputi) font un, on réalise Brahman.

*

Ne vous laissez pas aller à un désespoir cynique. Ne dites pas : 'La Réalisation n'est pas pour moi, pas pour moi'. Prenez la ferme résolution :'Je dois atteindre la Réalisation du Soi, je dois vraiment.' Douter, c'est pécher.

*

L'acceptation parfaite donne la joie la plus profonde. Appuyez-vous sur elle comme sur votre seule ressource.

*

L'effort a faire, c'est de s'abandonner sans réserve à Lui. Vous n'aurez alors ni chagrin, ni douleur, ni déception ni frustration.

*

Un désir d'objet mondain vous rend misérable s'il n'est pas satisfait; s'il l'est, il est presque obligatoirement suivi par d'autres désirs, et leur enchaînement trouble la paix de votre esprit.

*

Le Soi contenu en lui-même et se lançant un appel à lui-même pour sa propre Révélation -c'est cela le bonheur.

***


QUESTIONS A VIJAYANANDA

 

Q : Vous dites parfois qu'une posture stricte est nécessaire quand on fait le yoga de l'éveil de l'énergie (kundalini), mais qu'on peut faire le japa ou observer l'esprit dans n'importe quelle position. Pourtant, ces deux dernières formes de méditation ne demandent-elles pas elles aussi d'avoir une bonne énergie?

V : Tout dépend ce que vous entendez par le mot "énergie". Dans le Yoga de la Kundalini, ce que l'on veut éveiller, c'est une "super-énenergie" qui vous permette d'aller plus rapidement dans l'illumination. Cette énergie est une sublimation (ou plutôt une divinisation) du pouvoir qui chez l'homme ordinaire est gaspillé dans les relations sexuelles. Pour suivre ce Yoga, il faut donc observer une chasteté totale et une vie de reclus. Quand la Kundalini s'éveille et monte dans le canal central, une mauvaise position du dos risque de bloquer cette montée. De toutes façons quand cette montée se fait,la colonne vertébrale devient droite spontanément.

Quant aux méthodes basées sur le japa et l'observation de l'esprit, ce sont des méthodes préliminaires pour purifier le mental, et le préparer à la possibilité d'un éveil du pouvoir Divin. Elles peuvent être pratiquées dans les conditions de la vie de tous les jours. Elles sont encore du domaine de la pensée parlée. Quand la force vitale rentre dans le canal central (c'est à dire quand la Kundalini monte le long de la sushumna nadi), le mental devient silencieux et il n'est plus question ni de vichara ni d'observation du mental.

 

Q : (un visiteur italien) Où se trouve la félicité?

V : La Félicité, l'Ananda est partout, elle est la base, le motif essentiel de toutes nos activités, en fait de toute vie. La Taittiriya Upanishad dit :'Qui donc agirait, qui donc respirerait si cette Félicité n'était pas dans l'espace?...' Cette base de toute existence, le 'champ unifié' des physiciens est fait d'une masse indivisée de Conscience-Bonheur (chidananda). Nous la percevons à travers l'épais voile de notre agitation mentale. Les nuages nous cachent le soleil; mais même leur couleur noire n'est visible que parce que le soleil est derrière eux.

 

Q : Parfois, vous dites qu'il faut regarder ses peurs, voire même ses désirs en face, et à d'autres moments qu'il est meilleur de regarder le mental du coin de l'oeil. N'est-ce pas contradictoire?

V : Oui, c'est vrai que la bonne méthode pour observer le mental est de le regarder 'du coin de l'oeil' en concentrant l'attention sur un support (un mantra ou une image, etc..) parce que si on regarde le mental de face, il risque de créer des formations artificielles; c'est en effet sa nature de proliférer quand on tente de l'analyser. Quand je disais qu'il faut faire face à une peur, car si on ,essaye. de la fuir elle ne fera que s'intensifier, c'est que dans ce cas il s'agit de regarder en face l'objet qui a produit cette peur et non la pensée peur. Il ne faut pas se concentrer sur le sentiment-peur, car cela risque de l'intensifier, mais sur la cause qui a produit cette peur. En lui faisant face, on peut vaincre la peur plus facilement.

 

Jiten Babu : Si on cherche a se raccrocher au bonheur de la vie de famille quand on mène celle-ci, on ne doit pas avoir besoin d'autre chose?

Ma : Si vous cherchez à vous raccrocher à quelque chose. vous êtes partis pour le perdre. Le bonheur (ananda) dont je parle déjoue toute appropriation. Il vient de lui-même et demeure à tout jamais. Dans ce cas. le bonheur n'est pas quelque chose de travaillé laborieusement; c'est un don de la nature. Le bonheur qui provient des objets matériels est le produit d'un effort, est transitoire, tandis que le bonheur qui vient de Satchidananda est éternel; mais on doit mettre de côté ce bonheur aussi, et s'élever au-dessus; ceci cependant fait référence à un stage ultérieur. Pour le moment, tout ce que je peux dire, c'est que nous avons à l'intérieur une joie plus durable que celle que nous pouvons expérimenter dans la vie de famille. Nous devons essayer de nous y installer.


 QUELQUES SOUVENIRS DE MA

Par Claude Portal

 

C'était en 1971, je préparai un projet pour aller en voiture en Inde avec mon épouse, mais elle était réticente et l'idée a dû être abandonnée avec la naissance de notre premier garçon en mars 1972!

Ma me donna son premier darshan grâce au livre 'L'hindouisme vivant' de Jean Herbert (1975). La troisième section de ce livre présentait quelques maîtres spirituels de ce siècle en deux ou trois pages avec une photo pour chaque. Le nom de Ma Anandamayi y était avec ceux de Ramakrishna, Tagore, Aurobindo, Papa Ramdas et Vivekananda.

Pour ouvrir cette partie, il y avait une belle image de Ma souriante, dans une position inhabituellement relaxée, assise sur le sol avec les genoux sous le menton. Je commençais à lire cette partie en cherchant si l'un de ces Grands était encore de ce monde, j'avais un fort désir de voir un saint vivant. Le seul dont la date 'd'abandon du corps' n'était pas mentionnée était Ma! Les commentaires et les paroles de Ma qui étaient cités étaient très attirants . Un grand intérêt s'éveilla en moi et je me dis 'je dois la voir absolument!'. Je trouvai alors un second livre de Jean Herbert 'L'enseignement de Ma Anandamayi'. J'acceptai comme Vérité la compagnie de ces trois cents pages d'enseignement de Ma, c'était une préparation. Je fis aussi en 76-77 une année de sanskrit à l'Université. Mais comment trouver Ma en Inde lorsque vous vivez en France et connaissez si peu sur l'Inde?

Notre première visite en Inde eut lieu en 1977. C'était un itinéraire touristique habituel en compagnie de mon épouse. Nous avons visité Delhi, Agra, Jaipur, Udaipur et Bénarès. En préparant le voyage, j'ai vu dans le guide qu'on mentionnait un ghat appelé 'Anandamayi ghat' à Bénarès, ce qui était exceptionnel dans la mesure où Ma était encore vivante. C'était le signe que j'attendais et donc, une fois à Bénarès, je cherchais dans le bottin de téléphone et j'appelais Ma! On me dit qu'elle n'était pas là. Nous avons visité l'ashram le 3 novembre. Je m'inclinais dans le hall principal en face de la photo de Ma, c'était mon premier pranam. J'achetai quelques livres, et on me dit d'écrire à un Swami français à Kankhal.

De retour en Erance, je me mis à lire et apprendre chaque jour du second volume de 'Matri Vani'. J'ai écrit à Swami Vijayananda, pris deux semaines de vacances et suis revenu en Inde pour voir Ma en mai 1978. J'arrivai à Kankhal le 2 mai et fut accueilli par Swami Vijayananda. Le matin suivant, j'avais mon premier darshan de Ma sous forme physique. Elle arriva comme prévu à dix heures du matin et entra dans l'ancien ashram entouré par la foule qui l'avait attendue.

Je restais en retrait et regardais respectueusement Ma. On lui proposa de s'asseoir sur une chaise au milieu d'une petite cour avec un grand nombre de gens tout autour. Je m'adossai au mur de gauche, joignis mes mains et fermai les yeux. Après quelques temps, je les ouvris, Ma était en face de moi, me regardant, toujours assise à la même place, la cour était vide, personne d'autre n'était là ! Je fermais les yeux à nouveau et restais immobile. Je sentais que j'étais sous le regard du Seigneur, pleinement conscient de Sa Présence, avec une résonance intérieure profonde et au-delà de mon contrôle, en dehors du temps et de l'espace. Des larmes me vinrent. J'avais vu 'le Père qui est aux cieux'.

Le même jour à six heures je pus me retrouver dans une réunion à Surat Giri ashram, et j'eus mon second darshan de Ma qui m'adressa un sourire de bienvenue que je reçus comme un éclair. Je ressentis ces deux darshan comme un privilège extrême et en même temps l'impression de quelque chose de déjà connu. Le lendemain Swami Vijayananda me dit que je n'étais pas autorisé à aller à la rencontre de six heures mais qu'il n'avait pas réussi à me le dire à temps!

Les jours qui ont suivi, je participais aux darshans et Ma m'offrait quotidiennement une communion intense et directe avec Elle à travers ses yeux ou son sourire. Le 10, j 'allais à pied derrière la voiture de Ma durant la procession qui accompagnait dans Hardwar la statue de Shankaracharya destinée à étre installée dans le hall de l'ashram. Depuis 1978, je suis venu à la plupart des Samyam Saptah, la première fois à Nadiad avec mon épouse, ensuite à Kurukshetra, puis de nouveau avec mon épouse à Rishikesh en 1980.

Pendant les vacances de Pâques 1980, j'emmenai toute ma famillle, ma femme et les deux garçons qui avaient 7 et 9 ans à Kankhal pour le darshan de Ma que nous avons eu le 11 avril. Nous avons passé plus d'une semaine au Tourist Bungalow d'Hardwar et sommes venus chaque jour pour le darshan à Kankhal. Les garçons s'attendaient aussi à une visite du Corbett National Park que j'avais évoquée pour avoir le 'darshan' du tigre blanc du Bengale, mais je ne pouvais me résoudre à faire perdre à ma famille tant qu'elle était en Inde un quelconque darshan de Ma, 'le tigre ne relâche jamais sa proie'!

A cette époque, je demandai à Swami Bhaskarananda si je devais faire une requête en vue d'une initiation. Il me dit 'nous verrons, Ma n'est pas très bien'. Mon épouse et moi-même sommes venus à la Samyam Saptah de Kankhal en 1981. Le 3 novembre, trois français reçurent l'initiation, c'était mon quarantième anniversaire, la pensée de demander l'initiation me passa à l'esprit, mais fut remplacée par une autre : la fête du Guru, gurupurnima, est la meilleure date pour ce type de cérémonie. Le 11 janvier 1982, Ma me dit en rêve :'Je vais te donner l'initiation.' Je décidai donc d'aller en Inde pour la gurupurnima 1982 afin de recevoir la diksha. Je pris quatre semaines de vacances et arrivai à Dehra-

Dun le 31 juin. Le 6 juillet, jour de gurupurnima, Ma me donna un guru mantra par l'intermédiaire de Bhaskarananda. Le mardi 8 juillet, Ma me conféra la diksha et sa bénédiction.

Je dois dire qu'avant la diksha en 1982, pendant la méditation silencieuse avec Ma, j'avais reçu un mantra que j'avais pratiqué jusqu'à la Samyam suivante. Ma femme vécut un processus similaire, avec une initiation de Ma en 83 un matin juste avant son réveil.

Parler des faits, des dates et des évènements extérieurs n'est pas difficile. Mais se souvenir et révéler ce qui est arrivé en même temps que les faits matériels ou en leur absence est bien plus délicat, étant limité par la mémoire, la compréhension, la conscience et la capacité à l'exprimer par des mots. Je n'ai jamais demandé un entretien privé ni n'ai utilisé ma voix pour parler avec Ma.

Je me suis trouvé incapable de formuler une question, toutes se dissipaient ou je les percevais comme sans intérêt; après un certain temps, j'eus l'attitude intérieure suivante :'Pourquoi poser des questions au Seigneur, à l'absolu?' Une fois, à Kurukshetra, lors de mon dernier soir là-bas, je vis une longue queue à la porte de Ma, je me suis mis à attendre aussi et quand ce fut mon tour après longtemps, la dame qui gardait la porte me dit :'C'est tout pour aujourd'hui '.

Quand on était en face de Ma, c'était si facile d'ouvrir les yeux et de voir le Non-manifesté dans le manifesté, le Seigneur dans 'ce corps' en face de vous, quel miracle! C'était quand même extraordinaire également d'écouter Sa voix, Ses paroles. Le manque de compréhension du hindi et du bengali, la distance et les règles de séparation imposées par l'entourage de Ma ont été des facteurs qui m'ont aidé à ne pas m'attacher à Son corps, de plus cela me donna une occasion unique de faire le maximum pour aller au-delà de ce qui était dit ou entendu, pour tenter de saisir l'essence et en même temps de m'abandonner au Seigneur. 'Que Ta volonté soit faite'. Et cette expérience s'est répétée chaque année, quand j'observais le silence (maun) pendant la semaine que durait la Samyam Saptah.

Servir le Seigneur, recevoir des conseils et des instructions de sa part, être embrassé par Lui, lui porter de la nourriture à la bouche, recevoir dans ma propre bouche de la nourriture de Ses mains, conduire Sa voiture, coucher dans Sa chambre, faire le pranam complet à Ses pieds, Lui parler, être appelé au téléphone par Lui..tout cela ne s'est pas produit physiquement entre le corps de Ma et moi-même. Mais tout ceci - et bien plus - m'a été donné par Sa grâce, par Elle-même sous la forme de Swami Chidananda, de Mère Krishnabai, de Mata Amritanandamayi. Tout est la grâce et la bénédiction de Ma! Jay Ma!

(Amrita Varta, avril 1996)


LA MORT DE KAWNA

 

Bithika Mukerjee est la biographe de Ma. Dans un livre en préparation,'My days with Sri Ma Anandamayee', elle parle de son lien et de celui de ses parents et de sa famille avec Ma. Dans le passage ci-dessous, publié dans Amrita Varta en 1996, elle décrit en détail la mort de sa cousine Kawna, décédée de tuberculose intestinale à l'ashram de Ma à Dehra-Dun en 1942, alors qu'elle était encore étudiante. Il est intéressant de voir en détail comment Ma s'est occupée d'elle et a mis en évidence la dimension spirituelle d'un événement qui pour d'autres n'aurait semblé que cruel ou absurde.

Renudi se souvient que quand elle arriva à l'ashram de Raipur (Dehra-Dun) avec Kawna, elle vit immédiatement Sri Ma qui était debout au bord de la terrasse, les regardant descendre de leur voiture à cheval (tonga). Kawna, sans un regard vers l'arrière, s'avança et monta les escaliers (très raides) qui montaient avec deux paliers jusqu'à la terrasse. Elle ne paraissait pas malade du tout. Ma reçut Kawna, Renudi et ma mère avec bonté et on leur donna deux chambres dans la cour, du côté opposé à la terrasse.

Sri Ma elle-même veilla à tous les détails du confort de Kawna ! Comment arranger le lit et la chambre, quelle nourriture on devait lui donner, etc...Un fidèle de Sri Ma qui était un docteur, Bharat Bhai de Jullundhar l'examina et prescrivit des médicaments. Sous peu, c'était tout l'ashram qui se mit à s'impliquer pour le bien-être de Kawna. Comme la fièvre persistait, Sri Ma lui demanda de garder le lit. Elle visitait la chambre chaque jour et s'asseyait sur une cantine en métal sur laquelle Renudi avait disposé une couverture pliée. Chaque soir, lorsque Ma se promenait sur la terrasse, elle marchait seulement dans un coin de celleci. Après quelques jours, les gens réalisèrent qu'elle marchait à l'endroit qui était visible à Kawna quand elle reposait sur son lit, et donc le peu de visiteurs qui venaient prenaient soin de ne pas s'interposer.

Tout le monde s'attacha à cette jeune fille (elle n'avait pas vingt ans) qui supportait sa maladie si bravement et en se plaignant si peu. Sevaji vint tous les jours pour voir Kawna, ses grands yeux brillants en fleur de lotus et son sourire charmant qui resta tel jusqu'au dernier jour.

Les temps étaient durs. Le mouvement 'Quit India' ('quittez l'Inde', pour faire partir les anglais) lancé par Gandhiji avait affecté la plus grande partie du pays. Le gouvernement britannique le réprimait impitoyablement. Pour quelques temps, l'euphorie d'une poussée de sentiment en faveur de l'indépendance était masquée par le règne de la terreur. Les postes ne fonctionnaient plus, les trains étaient très rares et servaient principalement pour le mouvement des troupes. Mais les fidèles de Dehra-Dun venaient régulièrement à pied jusqu'à Raipur. Ils se proposèrent pour faire les quelques courses nécessaires. Kawna semblait s'affaiblir chaque jour un peu plus. Ma mère et ma soeur étaient constamment auprès d'elle, particulièrement ma mère qui demeurait presque continûment à son chevet. Renudi se lia d'amitié avec deux autres jeunes filles qui habitaient à l'ashram, Maranidi et Savitri Manima. En dehors de Didima, Didi et Ruma Devi, c'étaient surtout des brehmacharis et des sadhous qui vivaient là.

Rien ne semblait pouvoir améliorer l'état de Kawna. On alla chercher un docteur éminent de Dehra-Dun pour l'examiner. Le Dr Mitra diagnostiqua une tuberculose intestinale. On se souvient qu'à cette époque, il n'y avait pas de médicaments pour cette atteinte terminale, si ce n'est de l'air frais et une bonne nourriture. On ne dit pas à ma mère et à ma soeur que d'après le Dr Mitra, Kawna n'en avait plus que pour trois mois. Sri Ma elle-même supervisait tous les repas. Une nuit elle sortit avec une lampe-torche dans les zones de forêt dense alentour. Didi et Renudi allèrent avec elle. Sri Ma montra certaines plantes médicinales à Didi, qui les cueillit et les prépara sous sa direction. Elles revinrent chez Tanna, et Didi porta à la bouche de Kawna une cuillerée de la substance. Celle-ci l'avala non sans difficulté. Sri Ma resta longtemps pour voir les réactions (peut-être?). Aussitôt qu'elle s'en alla, Kawna rendit le tout. Elle se retenait non sans mal par politesse. Renudi alla dire à Ma que le médicament n'avait pas été toléré. Sri Ma remarqua d'une voix douce :'Vous voyez, le corps rejette tout effort d'inverser le processus. Désormais, il ne durera pas longtemps.'

Le jour suivant, Sri Ma apporta une sorte de robe qui lui appartenait et des sous-vêtements, et dit à ma mère :'Vous trouverez que ces vêtements sont plus commodes tant qu'elle garde le lit'. Elle aida elle-même ma mère à changer Kawna. Sri Ma invita alors tous les sadhous à venir dans la chambre et à la bénir en lui touchant la tête. Après que tous l'aient fait, Didi demanda à Sri Ma si elle même ne voulait pas aussi bénir Kawna. 'Vraiment?' dit-elle, et elle passa ses mains trois fois sur elle, de la tête vers les pieds. Elle lui demanda ensuite :'Tu aimes bien les kirtans : voudrais-tu qu'on en chante prés de ta chambre?'

'Oui' dit-elle avec un grand sourire.

'Quel nom?' Kawna hésita, car elle pensait que tout le monde s'attendait à ce qu'elle demande de réciter le nom de Ma. Sri Ma dit de nouveau :'Dis le Nom de ton choix!' 'Krishna'. Ainsi donc, Abhayda et ses companions chantèrent du kirtan tous les soirs en face de la chambre de la patiente. Abhayda n'était pas du genre à se laisser imposer un emploi du temps régulier, mais d'une façon ou d'une autre tous les résidents de l'ashram et les quelques visiteurs de passage faisaient tout leurs possible pour rendre service à cette jeune fille dévouée, qui restait là, si patiente, avec les yeux fixés sur la porte en attendant l'arrivée de Ma. Elle ne demanda jamais la présence de Sri Ma, ni ne chercha à prolonger ses visites. A chaque fois que Sri Ma disait 'Est-ce le moment de m'en aller?' elle faisait un signe de tête et souriait.

Après que Sri Ma ait changé les vêtements de Kawna, elle sembla avoir une légère amélioration. C'était l'impression de ma soeur que Sri Ma lui avait aussi donné un mantra, car elle était restée quelques minutes seule avec elle alors que ma mère attendait dehors. La sensation persistante de nausée et de mal d'estomac la quitta. Elle recouvrit quelque peu l'appétit Sri Ma lui demanda si elle désirait quelque chose de particulier à manger. Kawna, avec son sourire franc, dit 'Oui, du pain!' Il se trouvait que le pain des boulangeries n'était pas consommé dans les ashrams, on pensait que ce n'était pas une nourriture convenable pour les résidents. Cependant, Sri Ma ne fit pas d'objection et Bharat Bhai s'en alla à pied jusqu'à Dehra-Dun pour aller en chercher. Pendant trois ou quatre jours Kawna mangea toutes sortes de nourritures qu'on croyait ne pas lui convenir et les digéra bien. Ma soeur lui fit des frites. Elle nous dit que Kawna avait nombre de souvenirs qui lui revenaient.

Elle parlait beaucoup de sa vie à l'université et de ses amies d'Allahabad.

Cependant, un jour (le 14 septembre 1942), la nausée revint, elle ne pouvait plus rien digérer; on remarqua dans ses vomissements quelques gouttes de sang. Ma soeur rendait compte des moindres changements de l'état de la patiente à Sri Ma. Quand celle-ci entendit ces nouvelles, elle dit 'Le temps est venu. J'espère qu'ils ont fait tous les préparatifs.' Elle avait elle-même mis de côté une grande guirlande qu'on lui avait apportée un peu plus tôt. Sri Ma vint dans la chambre de Kawna avec Swami Akhandanandaji (le père de Didi). Elle lui parla à sa manière habituelle, de façon intéressante et en la faisant beaucoup rire. Puis elle lui dit :'C'est un honneur d'être initiée au mantra du sannyas dans l'enceinte sacrée de l'Uttarakhand (la 'partie nord', la région qui va de la plaine aux sources du Gange). Quelle chance tu as que de tels sadhous soient là pour s'occuper de toi! Il y a seulement Brahman, le Un sans second (ekamevadvitiya Brahman)'

Le regard de Kawna était fixé comme d'habitude sur le visage de Ma. Elle manifesta son accord d'un signe de tête. Sri Ma demanda à tous de quitter la pièce. Elle resta elle-même avec Swamiji, qui recita le mantra du renoncement total de tout son coeur à la patiente qui n'avait plus que quelques minutes à vivre; mais cela, personne ne le savait.

Sri Ma rappela tout le monde dans la chambre et on reprit une conversation normale. Didi fit 'charanamrita (l'onction des pieds du guru) et mit paisiblement quelques gouttes du liquide dans la bouche de Kawna (selon une tradition répandue en Inde). Abhayda, Shobanda, Kanu et d'autres brahmacharis étaient assis à l'extérieur de la chambre et chantaient le mahamantra, la pièce était pleine de sadhus en robe orange. Après quelques temps, Kwana dît à Swamiji de façon un peu précipitée: 'Je ne pense pas que j'ai oublié le mantra; pouvez-vous me le redire?' Tout le monder se disposa à quitter la pièce, mais avant qu'ils n'aient bougé, elle dit :'Non, non, c'est bon, je m'en souviens!' Elle paraissait se relaxer et être sereine comme à son habitude. A l'extérieur, la nuit tombait. Sri Ma se leva, s'approcha d'elle et lui dit 'est-ce que c'est le moment que je m'en aille?' Kawna approuva d'un signe de tête. Sri Ma passa trois fois ses mains de la tête aux pieds de Kawna dans un geste de bénédiction et de caresse qui la caractérisait d'une façon inimitable. Elle s'en alla lentement vers la porte en regardant par derrière la jeune fille dont les yeux grand ouverts et plus brillant que jamais étaient fixés sur son visage. Sri Ma sortit de la pièce suivie par seulement Renudi. Tous les autres, y compris Didi, restèrent au chevet de Kawna. Aussitôt que Sri Ma sortit de la pièce, le regard brillant s'arrêta. Didi, Swamiji et les autres dirent par la suite qu'il semblait que Sri Ma avait pris Kawna avec elle. Ma soeur vint avec Sri Ma dans sa chambre; celle-ci s'assit tranquillement sur son lit et lui dit

:'Ne pleure pas; les lamentations à propos de ceux qui partent mettent ceux-ci dans un état de détresse.' Renudi comprit par ces mots que Kawna n'était plus. Il n'y avait pas eu d'indications que Kawna s'enfonçait ou n'était plus comme d'habitude. Sri Ma dit à nouveau :'Les sons du mahamantra, tant de sadhous en robe orange assis à ses côtés, on dirait qu'elle a provoqué la survenue d'une grande cérémonie (mahotsava) pour l'heure de son départ'.

Après quelques temps, ma mère s'aperçut aussi que Kawna s'en était allée au-delà de ses attentions et de sa tendresse. Elle vint dans la chambre de Ma et s'assit tranquillement à ses pieds avec Babu sur les genoux. Renudi était debout tout près. Tous les autres étaient occupés dans la chambre de Kawnadi. Swami ParamanandaJi organisa la procession funéraire composée des brahmacharis et de quelques sadhus. Dans notre tradition, la crémation se doit d'étre accomplie au plus tôt. A cette époque, il n'était pas question d'informer mon père ou d'attendre sa venue à temps. De toutes façons Sri Ma considéra comme acquis son accord complet pour la manière dont elle résolvait ses affaires, que ce soit à cette époque là où plus tard.

Le ciel se couvrit et il se mit à pleuvoir. Le petit groupe de femmes auprès de Ma suivit des yeux les brahmacharis qui ramassèrent le brancard en bois sur lequel on avait déposé le corps de Kawna. Didi l'avait orné de guirlandes et de tissus neufs procurés par Ma elle-même. Elle paraissait endormie et paisible.

Tous les sadhous, mis à part Swami Akhandanandaji et Mukti Maharaj accompagnèrent le cortège. Les échos du mahamantra s'élevaient Sans l'atmosphère. Comme les hommes se frayaient un chemin à travers la vallée, on pouvait facilement les distinguer grâce à l'oscillation de leurs lanternes. L'ashram de Raipour donnait sur de grands éboulis entrecoupés par le ruban les torrents. Sri Ma dit :'Il pleut, pourront-ils allumer un feu dans ces conditions? Voyons quelle sera la volonté de Dieu.' Sri Ma continua à regarder les lumières qui scintillaient dans la vallée. Elle restait pour un temps sur son lit en bois, puis sortait du hall et retournait près des fenêtres grandes ouvertes qui donnaient du côté de la vallée. Tous virent un feu éclatant s'élever. Malgré la pluie, les charmants coteaux furent illuminés par les reflets du feu qui brillait. 'Mukti Maharaj avait été saisi d'émotion sans s'y attendre et ses yeux se brouillèrent de larmes. Il dit sur un ton bouleversé qui lui était inhabituel :'Quelle façon glorieuse de partir de ce monde! Ma, seulement une! Pourquoi seulement une! Pourquoi n'aidez-vous pas des dizaines d'entre nous à passer de l'autre côté de cette façon?'

Les hommes retournèrent à l'aube. Sri Ma n'avait eu que peu de repos pendant la nuit. Elle avait parlé de temps en temps de la nature brillante et ouverte de Kawna, de son acceptation totale, de sa sérénité dépourvue de toute revendication et ce ses bons samskaras (impressions profondes, inconscientes venant du passé) qui avait rendu possible la confluence de tant d'éléments de bonne augure : la sainteté de l' Uttarakhand (cette partie des Himalayas), rien que des brahmacharis pour porter sa civière et des sadhous pour accomplir les derniers rites. L'assistance ajouta le plus important des facteurs, la présence de Sri Ma. Didi déclara qu'elle n'avait jamais vu Sri Ma autant impliquée lors de la mort de quelqu'un, pas même lors de celle de Bhaiji. A son retour, Paramanandaji dit qu'ils avaient eu peur que le bois mouillé ne prenne pas, mais ils furent tous stupéfaits de voir des flammes brillantes s'élever, qui paraissaient avoir une énergie et une vie qui leur était propre. Sri Ma dit :'La chasteté (brahmacharya) stricte de plusieurs vies a créé cette énergie (brahmateja, littéralement la chaleur, l'éclat de Brahman); point n'a été besoin d'une grande énergie pour consumer le corps qui était sattvique et donc léger, brillant et prêt à se mêler aux éléments.

Le lendemain, l'ashram semblait étrangement vide. Les visiteurs étaient frappés par la nouvelle du décès de Kawna. Sevaji se mit à pleurer, en disant que ce sourire qu'elle avait attendu et désiré jour après jour lui manquerait. Sri Ma continua à parler à tout un chacun de Kawna pendant les quelques jours qui suivirent...

(Extrait d'Amrita Varta, octobre 1996)


ADVAITA BODHA DIPIKA

 

Nous donnons ci-dessous des extraits de 'La lampe de la Connaissance non-duelle qui est un texte classique hautement recommandé par Ramana Maharshi et dont la traduction anglaise a été révisée en sa présence. Il s'agit du chapitre VIII consacré à manonasha, la destruction. l'extinction du mental.

 Le maître parle maintenant de l'extinction du mental (manas, mind) comme du seul moyen de réaliser Brahman :

Le maître : Ô fils, toi qui es sage, abandonne le mental qui est un voile limitant et engendrant l'individualité, et qui cause ainsi la grande maladie des naissances et des morts répétées, et réalise Brahman.

Le disciple : Maître, comment le mental peut-il s'éteindre? N'est-il pas très difficile de faire ainsi? Est-ce que le mental n'est pas puissant, indiscipliné et constamment en train de vaciller?

M : Abandonner le mental est très facile, aussi facile qu'écraser une fleur délicate, retirer un cheveu collé à la surface du beurre ou cligner des yeux. N'en doute pas. Pour un chercheur résolu, qui se tient bien en main et qui n'est pas ensorcelé par les sens, mais qui est devenu indifférent aux objets extérieurs grâce à un détachement intense, il ne peut y avoir la moindre difficulté à abandonner le mental.

D : Comment est-ce si facile?

La question de difficulté ne se pose que s'il y a un mental à abandonner. A vrai dire, il n'y en a pas. Quand on dit à un enfant :'Il y a un fantôme', l'enfant ignorant s'illusionne en croyant à l'existence d'un fantôme non-existant, et il est sujet à la peur, la misère et les ennuis, de même la fausse entité du mental se manifeste quand on imagine des choses qui ne sont pas comme étant ceci ou cela dans le Brahman sans tache. Le mental se met alors à fonctionner comme ceci ou cela, et à s'avérer incontrôlable et puissant pour celui qui ne se méfie pas, tandis qu'il est facile à délaisser pour le chercheur qui se tient bien en main, est doué de discernement et connaît sa propre nature. Seul l'idiot qui l'ignore dit que c'est vraiment difficile...Dans le Yoga Vasishta, Vasishta dit 'Ecoute, ô Rama, il n'y a rien qu'on puisse appeler le mental. De même que l'éther existe sans forme, de même le mental existe comme un état de stupeur où l'on ne sent rien (blank insentience). Seul son nom persiste, il n'a pas de forme, il n'est ni à l'extérieur, ni dans le coeur; et pourtant, comme l'éther, le mental remplit tout bien qu'étant lui-même dépourvu de forme.

D : Comment cela se peut-il?

M : A chaque fois que la pensée se manifeste comme ceci ou cela, il y a mental...

D : Comment amener celui-ci à l'extinction?

M : Tout oublier est le moyen ultime. Si ce n'est dans la pensée, le monde ne se manifeste pas. Ne pense pas, et il ne se manifestera pas. Ouand rien ne se manifeste dans le mental, il est lui-même perdu. Ne pense donc à rien, oublie tout. C'est la meilleure façon de tuer le mental.

D : Est-ce que quelqu'un a déjà dit cela auparavant?

M : Vasishta a dit à Rama :'Efface les pensées de tout genre, que ce soit celles des choses dont tu as joui ou non, ou celles de tout le reste. Comme le bois ou la pierre, demeure libre des pensées.

Rama : Est-ce que je dois tout oublier complètement?

Vasishta : Exactement; oublie tout complètement et demeure comme du bois ou de la pierre.

Rama : Il en résultera une inertie stupide comme celle des pierres ou du bois.

Vasishta : Ce n'est pas le cas. Tout ceci n'est qu'illusion. En oubliant l'illusion tu t'en libères. Bien que paraissant inerte, tu seras la Félicité Elle-même. Ton intellect sera complètement clair et acéré. Sans te laisser piéger par la vie du monde, mais en apparaissant actif aux yeux des autres, continue à être la Félicité même de Brahman et sois heureux. Que l'illusion du monde ne soit pas comme la couleur bleue du ciel, qu'elle ne réapparaisse pas dans l'éther pur du Soi- Conscience. Oublier cette illusion est le seul moyen de tuer le mental et de continuer à étre Félicité. Sans en passer par là, la réalisation n'est pas possible même si Brahma, Vishnouet Shiva te donnaient leurs instructions. Si tu n'oublies pas tout, tu ne pourras devenir cette immobilité qui n'est autre que le Soi.

D : N'est-ce pas très difficile d'y arriver?

M : Certes, pour l'ignorant, c'est difficile, mais c'est aisé pour les quelques uns qui sont doués de discernement. Ne pense jamais à quelque chose d'autre que le Brahman unique et d'un seul tenant. Par une longue pratique dans ce sens, tu oublieras facilement ce qui n'est pas le Soi. Il ne peut être difficile de rester calme et silencieux sans penser à quoi que ce soit. Ne laisse pas de pensées s'élever dans le mental; pense constamment à Brahman. De cette façon, toutes les pensées du monde vont s'épanouir et la pensée de Brahman seule demeurera. Quand cette pensée se stabilisera, va jusqu'à l'oublier, et sans même penser 'Je suis Brahman', sois ce Brahman même. Ceci ne peut être difficile à pratiquer.

Maintenant, mon fils, toi qui es sage, suis ce conseil. Cesse de penser à quoi que ce soit, si ce n'est Brahman; par cette pratique, ton mental s'éteindra; tu oublieras tout et tu demeureras en tant que pur Brahman.

Celui qui étudie ce chapitre et suit les instructions qu'il contient deviendra rapidement Brahman lui-même!

(Extrait de 'The Mountain Path', décembre 96)


LAGHU YOGA VASISTHA

 (traduit de l'édition anglaise de Ramanash ram par Vyasan)

 Suivre la méthode habituelle d'enseignement sert seulement à maintenir la tradition. La conscience pure résulte uniquement de la clarté de compréhension du disciple.

Le Seigneur ne peut Être vu à l'aide des textes sacrés ou du Guru. Le Soi est vu uniquement par le Soi, grâce au pur intellect (buddhi).

Tous les arts acquis par les hommes sont perdus lorsqu'ils ne sont pas pratiqués; mais l'art de la sagesse croît constamment une fois que celle-ci est éveillée.

Tout comme un ornement porté autour du cou est considéré comme perdu si on l'oublie, puis est retrouvé lorsqu'on s'aperçoit de son erreur, de même le Soi est atteint (lorsque l'illusion s'efface) par les paroles du Guru.

Il n'a vraiment pas de chance celui qui, ne connaissant pas son propre Soi, tire plaisir des objets des sens; il est comme quelqu'un qui réalise trop tard que la nourriture qu'il a avalée était empoisonnée.

L'homme perverti qui, même en sachant que les objets du monde sont trompeurs, pense encore à eux, est un âne, et non pas un homme.

Même la moindre pensée plonge l'homme dans le chagrin; lorsqu'il n'a plus de pensée du tout, il goûte la félicité impérissable.

Tout comme nous avons l'illusion de l'écoulement de plusieurs centaines d'années dans un rêve qui ne dure qu'une heure, de même avons-nous l'expérience du jeu de maya durant l'état de veille.

Est un homme heureux celui dont le mental est calme intérieurement, libre de l'attachement et de la haine et qui regarde ce monde comme un simple spectateur.

La vie de celui qui a bien compris comment abandonner toute idée d'acceptation et de rejet, et qui a réalisé cette conscience qui est à l'intérieur, au plus profond du coeur, cette vie-là est illustre.

Au moment de la dissolution du corps, seul l'éther (la conscience) limitée par le coeur (hadayam) cesse d'exister. Les gens se lamentent inutilement que le Soi est éteint.

Lorsque des pots, etc... sont brisés, l'espace qu'ils contenaient devient illimité. De même, lorsque le corps cesse d'exister, le Soi persiste, éternel et indépendant.

 


EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI

par Amulya Kumar Datta Gupta

 

Nous entamons maintenant la traduction par épisode de larges extraits du journal d'Amulya Kumar Datta Gupta. Ce dernier avait un poste de responsable dans l'éducation à Dhaka. Il rencontra Ma pour la première fois en 1933, et devint un disciple proche d'elle tout en continuant à vivre dans le monde. Il est connu dans le milieu de Ma pour la précision et l'intelligence avec lesquelles il rendait compte des dialogues avec Ma et de leur contexte. Quand il était proche de Ma, il n'avait pas comme Didi mille choses pratiques à faire pour l'ashram et pouvait se concentrer plus facilement sur ce qu'enseignait Ma. Ses carnets de notes d'abord publiés en bengali n'ont été traduits que relativement récemment en anglais. Le texte ci-dessous concerne sa première rencontre avec Ma à l'ashram de Ramna à Dhaka, accompagné de son ami Jagadish Babu.

Jagadish Babu toucha les pieds de Ma tandis que je la saluais un peu à distance . A la vue de Jagadish Babu, elle se laissa aller à un sourire serein et immaculé et dit :'Babaji, j'espère que ça va!' 'Oui, Ma, pas mal!' Ma s'enquit aussi de la santé de ses filles. Il y eut ensuite un silence après lequel il demanda pour faire parler Ma :' je ne trouve de vrai plaisir en rien.' Ma répondit 'C'est ainsi qu'il doit en être. Vous êtes modelé sur la joie parfaite. Comment une joie tronquée pourrait vous satisfaire? Vous avez en vous un avant-goût de la joie pure. Vous voyez comment c'est. Quand quelqu'un va au marché, vous lui demandez de rapporter certains légumes. C'est parce que vous les avez déjà goûtés, vous avez mémorisé leur goût et vous voulez le retrouver. De même, vous avez tous eu un avant-goût de Sat-chit-ananda et vous cherchez à le retrouver dans les objets du monde, que ce soit dans les richesses, dans la situation sociale ou dans les enfants. De cette façon vous courez de ci de là, mais rien ne vous donne la joie qui est inhérente à Sat-chit- ananda. Ainsi vous n'avez pas de paix, de satisfaction qui demeure.' Jagadish Babu dit 'Que doit-on donc faire?' Ma dit'Continuez à chanter le Nom; que ce soit chez vous la préoccupation de chaque instant, et vous obtiendrez tous vos désirs. La paix, la libération et tout le reste vient du Nom.'

                                                                                        (Vol I p3,p4 )


LISTE DES LIVRES

disponibles en anglais sur Ma

 Pour les commandes de livres à envoyer par avion, faire le calcul suivant : si un livre est 50 Rps, il faut compter environ 75 Rps de frais d'envoi par avion, donc 125 Rps, sachant que 1 Fr=6,5 Rps, cela fait environ 20Frs. Pour simplifier les paiments internationaux, envoyer le chèque à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne, 95 rue J.Dulud, 92200 Neuilly. Je paierai de mon côté le libraire de l'ashram quand il enverra les commandes.

Mother as revealed to me Rp 40; Sad Vani 15; Matri Vani I 15, II 20, Ma Anandamayi Lila (Hari Pam Joshi) 40; Biography by Bithika Mukerjee, 2 volumes, chacun 50, le journal de Gurupriya Devi (Didi), 5 volumes, dont le dernier raconte le pèlerinage de Ma au Mont Kailash et la mort de Bhaiji, chacun 40; I am ever with you, deux volumes sur les déplacements de Ma, chacun 40, Words of Ma, 30; As the flower sheds its fragrance (='Présence de Ma' d'Atmananda) 50, The Mother Bliss Incarnate (Ganguli) 50; In Association with Ma (Amulya DK Gupta), 3 volumes, chacun 30 Rps, Matri Lila darehan, 50; Matri Kripa hi Kevalam, 40; Life and Tenching (by A.Lipski) 65, Mother as seen by her devotees (avec des contributions de J.Herbert, A.Desjardlns, Vijayananda et Gopinath Kaviraj) 30, Anandamayi, the Universal Mother (beau livre, avec des peintures) 450, The Divine Mother, Srivastava, 250, In Her Perfect Love, Shraddha (une bhakta américaine) 125, In your heart is my abode (B.Mukerjee), 20.

Signalons également la sortie du beau livre de photos grand format de Richard Lannoy 'Anandamayi, Her words and Wisdom' à Element Boos, Sheftesbury, Dorset SP78BP, Royaume-Uni, 1996, prix £20 parution prochaine de 'Un Français dans l'Himalaya' de Vijayananda aux éditions Terre du Ciel.

 

 

 

 

JAY MA n°46

PAROLES DE MA

 

(A propos de la prière) : 'jitna bhav, itna labh' 'tel est le sentiment, tel est le bénéfice'.

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Tout ce qui existe n'importe où en ce monde, que ce soit les arbres ou les plantes, les insectes ou les reptiles, ou tout autre être vivant, leur naissance est en fait votre naissance, et leur mort est en fait votre mort. Au niveau où tout est contenu en vous et vous êtes présents en tout, il y a seulement le Un.

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Guru signifie 'gurutva', la pesanteur, la gravité qui est attachée au Divin. Lui seul est guru, ou uniquement celui qui Le connaît. L'initiation signifie que c'est uniquement le guru ou la divinité d'élection qui se manifeste, car le mantra, le guru et la divinité, tous ne font qu'un.

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Qui est guru? Non seulement le père et là mère mais aussi celui auprès duquel nous obtenons une connaissance sur des sujets secrets (gur). Tous ceux-ci sont gurus. Celui qui nous indique un tant soit peu le chemin est aussi guru.

***

Poursuis la pratique du Nom en l'associant à la respiration. Cet exercice induit un état de stabilité dans le mental. De plus, ce souffle (prâna) qui est en nous recouvre le monde entier. Quand on pénètre au coeur de cette grande expérience (mahan bhav), c'est cette source elle-même qui nous attirera à elle. Essaie d'arriver au moment où tu plonges dans cette source.

***

Il faut empêcher le 'renforcement' ('khurak' signifie la nourriture mais aussi la dose de médicament ou le rappel de vaccin) de la tendance à l'extériorisation vritti) et favoriser le renforcement de la tendance à l'intériorisation. En effet, les tendances que vous renforcez deviendront un jour si puissantes que vous ne pourrez plus les arrêter. Ce sont elles qui vous mettront dans un état d'impuissance, c'est pourquoi on dit qu'il faut décourager l'extériorisation et renforcer l'intériorisation.

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Certes, c'est le monde, c'est pour cela qu'il y a des difficultés, quand on va vers le monde on est obligé d'avoir des difficultés. Savez-vous ce que signifie aller vers le monde? Cela revient, après s'être blessé, à ouvrir encore plus la plaie. D'autre part, aller vers Dieu signifie mettre un pansement sur cette plaie. C'est le lien même avec le monde qui est source de difficulté...Le samadhi aussi est un stade : quand vous faites une longue route, vous sentez de vous arrêter un peu pour prendre du repos, Mais une fois que vous êtes arrivés à la maison, que vous êtes à l'étage ou sur le toit, vous n'avez plus besoin de vous reposer; la question de détente et de fatigue ne se pose plus.

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Vous n'avez pas le droit de dire 'c'est Dieu qui fait tout, il est présent en tout lieu'. Il arrive un état où l'on expérimente vraiment qu'il fait tout, qu'il est avec vous partout. Tout ce que vous dites vient d'une connaissance livresque ou par ouie-dire.

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Sans une forme divine (sakar), vous ne pouvez aller vers le Sans-forme (nirakar). On va vers le Sans-forme en passant par l'intérieur de la forme. De même, nous allons au Gange en passant par un chemin, c'est à dire par une forme; en suivant celui-ci, on parvient au fleuve. A ce moment-là, la forme ne tient pas plus que la boue sur les pieds. Et puis quand on sort de là, regardez!. tout est Cela, que ce soit la forme ou le Sans-forme.

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QUESTIONS A VIJAYANANA

  

Q : Est-ce qu'on peut considérer la colère comme une drogue? Comment la dépasser?

V : Le mécanisme psychologique de la colère est le suivant : le point de départ est toujours une sensation pénible venant de notre corps qui nous met mal à l'aise. La tendance instinctive est de nous en libérer au plus vite et de revenir à un état d'euphorie. Ces sensations ne sont pas en général dans la conscience claire, et le mental cherche une cause dans le monde extérieur à laquelle il pourrait attribuer ce malaise, et en détruisant cette cause, il espère retrouver son équilibre. Survient tout à coup un individu qui vous insulte ou se conduit d'une manière grossière. ça y est! C'est lui, la cause de mon malaise!

Le mental fait alors appel à cette énergie de base toujours présente dans le muladhara et la transforme en une force destructrice qu'on appeIle colère. Il la dirige vers l'ennemi. Le malaise étant projeté vers l'extérieur disparaît du champ de conscience clair. L'énergie libérée momentanément lui donne une impression agréable de puissance, mais quand la crise de colère est passée, elle est remplacée par une dépression et l'état de malaise redevient conscient.

Une autre crise de colère et le même processus a lieu. Il se crée donc une association d'idée entre les malaises et la colère qui les soulagent pour un moment. II y a alors chez certaines personnes une addiction aux crises de colère où ils trouvent une euphorie relative et une impression de puissance. Naturellement, il y a tout le mauvais karma qu'on a créé dans ces colères et qu'il faudra payer par d'autres souffrances. Comment se guérir de la colère? Tout d’abord, bien prendre conscience du mécanisme de projection d'une sensation pénible vers un objet extérieur. Et aussi comprendre tout le mal qu'on fait aux autres et à soi-même quand on se met en colère. La colère, comme disent les Ecritures, est une des portes de l'enfer.

Q  :Quel est le rapport du mariage et de la vie spirituelle?

Pour ceux qui veulent atteindre le sommet de la voie spirituelle (moksha, nirvana, illumination, Réalisation du Soi), une chasteté parfaite est indispensable, mais ceux qui veulent et peuvent atteindre cet état sont très rares. La voie du célibat est donc une voie d'exception. C'est pourquoi les grands sages ont établi et enseigné des voies progressives qui permettent à la personne ordinaire d'aller d'étape en étape, jusqu'à ce qu'elle ait assez de maturité pour aborder le grand problème qu'est la découverte de la Réalité suprême, et le mariage est une de ces étapes. L'énergie sexuelle chez l'être humain commun doit être canalisée, puis être sublimée et divinisée. Les rapports entre un homme et une femme font partie de la nature, mais de la nature grossière (la prakriti inférieure). Il existe un niveau où cette union se fait au niveau de la pure conscience sans contact physique. Dans le mariage physique l'homme doit considérer sa femme comme un aspect de la Mère divine, et la femme doit voir dans son mari le Divin masculin. Ainsi pourra se développer un rapport d'amour et de respect mutuel qui pourra les préparer au véritable amour qui est impersonnel. Et les rapports sexuels doivent être aussi rares que possible afin de conserver une précieuse énergie qui pourra les aider à atteindre le Suprême quand le moment sera venu.

Q : Dans les pays riches comme la France et La Suède, le taux de suicide est beaucoup plus élevé qu' en Inde; Pourquoi cela?

V : La personne qui se suicide le fait pour échapper à la souffrance soit physique soit le plus souvent mentale. Une personne qui va se suicider (à moins que ce soit un aliéné mental) a longuement réfléchi avant de prendre cette décision. Ce sont en général des athées nourris par la philosophie existentialiste qui pensent qu'après la mort c'est le grand néant. Ce type est commun en Occident; en Inde, les véritables athées sont trés rares. Chaque hindou a quelque part dans son subconscient la croyance en un Pouvoir divin ou au moins que chaque action produit un karma, qu'il y a des vies futures conditionnées par les actes que l'on fait. Le suicide est considéré comme un crime, et il est censé produire des renaissances très fâcheuses. Le suicidé, dit-on, devient un preta, un fantôme très misérable qui a toujours faim et soif et a une bouche trop petite pour satisfaire ses besoins. Quand ces croyances vous ont été inculquées dès l'enfance, on réfléchit à deux fois avant de mettre fin à sa vie.

Q : Vous dites que si les bhaktas de Ma avaient eu plus d'intensité, elle aurait pu rester plus longtemps dans son corps; pourtant, quand on voit des films de bhajans en sa présence, n'avait-on pas l'impression qu'ils avaient beaucoup d'enthousiasme pour chanter avec elle?

La vidéo que vous avez vu et entendu ne représente qu'un court moment d'enthousiasme. Ce qui est important, c'est la conduite dans la vie de tous les jours : la droiture, l'honnêteté et surtout la sincérité dans la recherche de la Vie divine.


EXTRAITS DU JOURNAL DE DIDI

 

12 juin 1959

Un fidèle arriva avec son épouse et sa belle-fille. C'était une personne qui était vanaprasthi (le stade intermédiaire entre la vie de famille et le sannyas); sa belle-fille elle aussi avait l'intention d'embrasser ce type de vie. Elle semblait être dans un état particulier; en tout cas, son beau-père ne tarissait. pas d'éloges à son propos. Il disait que leur Gourou qui vivait à Bénarès avait déclaré, en la voyant, qu'elle avait un niveau spirituel élevé. Il désirait connaître l'opinion de Mataji à ce propos.

Ma demanda à la jeune femme :'Quelles sont tes expériences quand tu médites?' Elle répondit :'Tout d'abord, je sens une félicité intense, et à la fin de même' répliqua-t-elle, ' et rien du tout entre les deux'.

Mataji expliqua au beau-père :'C'est encore un stade élémentaire. Vous pouvez le comprendre de vous même : tant que le mental-ego persiste, il ne peut y avoir de samadhi. Néanmoins, on peut dire que son mental et son corps ont atteint un certain degré de calme. Quant elle dit 'Ensuite, rien du tout ,' qui est celui qui expérimente tout cela ? C'est le mental individuel qui est actif, il n'y a pas de Samadhi.

Après quelque temps, Mataji poursuivit :'Quelqu'un d'autre vint aussi à ce corps, en déclarant qu'il n'avait plus aucun intérêt dans quelque travail ou occupation que ce soit, puisque son esprit était absorbé en samadhi et que son pouvoir de Kundalini s'était éveillé. En parlant, il utilisait fréquemment les mots 'je' et 'le mien'. II a eu l'occasion de comprendre juste à ce moment-là qu'on ne pouvait parler de samadhi tant qu'il y avait 'je' et 'le mien'. Dans le samadhi réel, rien de tout cela ne survit. Regardez, la mangue qui est mûre sur l'arbre n'appelle pas à grand cris :'Je suis mûre, venez et prenez-moi!' Si personne ne la cueille, elle tombe d'elle-même sur le sol. Voyez-vous la beauté de cela? Elle retourne à la place même d'où elle est venue.'

Extraits du Volume VI (traduction anglaise parue  cette année)

10 décembre 1937

Ma poursuivit 'Le coeur est le siège de toutes les expériences, heureuses ou malheureuses. C'est en fait l'asana (siège et aussi tapis pour la méditation) de Dieu lui-même. Si la personne à laquelle l'asana appartient n'y est pas assise, on ne peut obtenir de paix permanente. Si on y installe une autre entité, cela ne peut mener qu'à l'inquiétude et l'instabilité, car elle ne sera pas capable de maintenir le caractère sacré du pur asana. Cela aboutit aux allers et retours (de naissance en naissance). C'est pourquoi il est particulièrement avantageux pour nous d'installer Celui auquel l'asana appartient de droit.

Il est en fait toujours assis sur cet asana et le but de notre sadhana est d'essayer de Le manifester. Quand ceci arrive, nos conditionnements (samskaras) liés à la notion d'individualité disparaissent, on atteint le chakra situé entre les sourcils et la forme brillante avec tant de couleurs s'épanouit.

Ma rit et dit, 'Savez-vous ce que j'ai vu? C'était comme un système d'irrigation, quand vous versez l'eau dans un canal, elle s'écoule par d'autre canaux jusqu'à un grand réservoir éventuellement qu'elle remplit, et tout ceci naturellement. De même qu'un fleuve s'écoule vers l'océan, de même c'est la règle que la kundalini shakti aille seulement vers le haut à partir du muladhara d'une place à l'autre, progressivement, du premier. chakra au second, etc jusqu'au moment où elle atteint le sahasrara."(p.5)

Après un long intervalle sans kriyas (manifestations visibles de l'extase), Ma de nouveau rentra en transe pendant un kirtan. Jyotish Dada (Bhaiji) lui demanda :'On dit que certains kriyas sont apparus pendant une phase précédente de votre existence, et ensuite il y a eu de grands changements dans votre état. Pourquoi donc ces kriyas reviennent-ils maintenant ?' Ma répondit : 'Vous pouvez poser ce genre de questions, mais savez-vous ce qui arrive à l'intérieur d'un sadhaka? Chaque état est remplacé par un autre et un progrès régulier s'ensuit; mais dans le cas de ce corps tout est différent, c'est pourquoi tout apparaît sens dessus-dessous et l'écoulement se fait au hasard. Il se peut qu'à vos yeux un kriya associé avec un état très élevé se manifeste dans ce corps et que plus tard, vous observiez un kriya plus ordinaire. Dans ce corps, il n'y a rien d'élevé ou de bas. Quelque soit le besoin de vous, les gens, à un moment donné, ce corps agit en fonction pour y répondre.

Je posais la même question que Bhaiji plus tard; et Ma me répondit de façon similaire; quand je l'interrogeais sur l'éclat de son corps, elle dit : 'Savez-vous ce que j'ai observé à certains moments? C'était comme si ce corps était la lumière personnifiée; et l'endroit où je me trouvais était inondé par la même lumière.'

Ma s'est réveillée aujourd'hui à environ dix heures. On a lavé son visage et ses mains. Elle s'assit sous un arbre et je m'assis auprès d'elle. Après avoir entendu dire qu'elle était arrivée, de nombreuses personnes vinrent pour lui présenter leurs respects (littéralement : 'prendre la poussière de ses pieds) et lui faire pranam. J'étais en conversation avec elle. Nous en vînmes à parler des shastras (écritures sacrées). Ma dit :'Savezvous ce que sont les shastras? 'sva astre', cette arme (astra) qui peut couper les liens qui attachent au monde.' Ensuite on en arriva à la question de savoir quelle était la signification du mot 'shishya' (disciple) Ma dit :'Sva, Éva, c'est à dire établir sa personnalité réelle, expliquer la nature véritable qui est indivisible, c'est à dire la révéler. 'Shasya' signifie semer une graine et cultiver une plante (shasya). Cela revient à planter une graine, faire pousser la plante et révéler la nature du fruit.' En entendant tout ceci de la bouche de Ma, un chant me revint à l'esprit :

'Mon re krishi kaj ja no na.

Emon manob jomin roilo potit

abad korle pholto shona.'

c'est à dire : 'O mental, tu ne connais pas l'art de la culture. Ce terrain excellent d'une naissance humaine est en jachère. Si tu le labourais, il produirait de l'or' Nous allâmes nous coucher vers deux heures du matin.

 


LA RECONNAISSANCE DU SEIGNEUR

 

Pratyabhijrna, ou la reconnaissance du Seigneur, est une notion centrale du Shivaïsme du Cachemire, une école qui a d'abord été illustrée par Utpaladeva (cf ses hymnes à Shiva, un bel exemple de dévotion débouchant sur la non-dualité, publiées par A.Maisonneuve) puis s'est épanouie avec Abhinavagupta (Xe-XIe siècle). Ce dernier a écrit un commentaire (vimarsini) sur des versets d'Utpaladeva à ce sujet. Colette Poggi nous a envoyé des pages de sa thèse de doctorat en philosophie où elle traduit ce texte; nous reproduisons les derniers versets de l'ouvrage. Colette, une lectrice de Jay Ma, vient de retravailler ce texte pour la collection 'La Pléïade' qui prépare une publication sur les philosophes indiens. Ceux qui veulent en savoir plus sur Abhinavagupta peuvent se référer aux ouvrages de Lilian Silburn (Paramarthasara chez de Boccard par exemple). L'histoire classique qui illustre la reconnaissance du Divin est celle du prince qui est enlevé bébé par des voleurs. Quand il est adolescent, les ministres du roi le retrouvent élevé par une famille pauvre dans la forêt. Pour ne pas le choquer, ils ne lui disent rien mais l'engagent au palais dans un emploi peu élevé, puis petit à petit le font progresser jusqu'à ce qu'il devienne le serviteur particulier du roi; à ce moment-là, il est devenu mûr pour la 'reconnaissance' et ils lui révèlent la vérité.

 

Verset 1 (d'Utpaladeva) : Seul le Seigneur suprême et unique est le Soi intime de tous les êtres vivants, il est pleinement imprégné de cette prise de conscience exempte de dualité "Je suis l'essence universelle ! ''

verset 15 : Ayant acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et d 'action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être réalisé agit à son gré et connaît tout ce qu'il désire.

Sachant que le Soi a pour essence Shiva, que les énergies de connaissance et d'action se ramènent en fait à sa liberté suprême, et que celle-ci ne fait en fait qu'un avec Lui, il réalise qu'il est le Soi, et non tel principe qu'évoquent les Kanadas.. Il prend conscience que les énergies. de connaissance et d'action ne sont pas distinctes du Seigneur. Se consacrant alors de tout son Coeur à l'absorption (samavesha) il est capable de faire et connaître tout ce qu'il désire, alors, même qu'il est lié à un corps. Celui qui cependant n' adopte pas cette attitude est délivré de son vivant, mais ne devient le Seigneur suprême qu'une fois la mort venue.

Même si l'expérience personnelle (svapratyaya) tient dans ce domaine une place importante, on considère néanmoins que (la transmission de) l'enseignement, sauvegardée par la lignée des maitres (guruparampara) doit venir confirmer celle-ci; l'intelligence des traités (shastradrishti) a été ainsi considérée comme critère essentiel de qualification (adhikara) dans le livre des Agamas (écritures sacrées shivaïtes du Moyen-Age). Cet enseignement se fonde donc à la fois sur le maître, les traités et sa propre expérience. L'auteur indique ainsi quelle est, dans cette école, la lignée des maîtres.

Verset 16 - Ainsi cette nouvelle voie est aisément praticable; je la révèle ici telle qu'elle fut naguère évoquée par notre vénéré maître dans le traité intitulé 'La vision de Shiva' (Shivadrishi). Quiconque, de ce fait, s'engage sur ce chemin et se reconnaît soi-même créateur de l'univers parvient à la réalisation (siddhyati) sitôt qu'il pénètre le domaine indifférencié qu'est l'état de Shiva (shivata).

Voie méconnue, enfouie au coeur de tous les textes sacrés, et de ce fait restée secrète, cette (approche) toute nouvelle (abhinava) apparaît aisée car dénuée des tourments (klesha) liés aux pratiques internes et externes telles que le contrôle du souffle (pranayama), etc...C'est ainsi que l'évoque l'excellent et illustre maître Somananda dans son traité intitulé 'Vision de Shiva'. Et nous avons tenté, tout au long de cet ouvrage, de mettre en lumière le contenu de son enseignement, chassant les doutes et repoussant les objections émises à son encontre par les protagonistes des autres systèmes. En vérité, la teneur de cet enseignement trouve un écho favorable auprès de maîtres divers, en de nombreux textes sacrés, et se vérifie également à l'épreuve de notre expérience personnelle! (Fort de cette foi en notre traité) l'aspirant fervent focalise toute l'énergie de la conscience sur le sens de ses propos, et réalise qu'il détient en soi la souveraineté (aisvarya) caractérisée par l'efficience cosmique (vishvakartritva); grâce à cet élan d'adhésion totale et à travers cette prise de conscience (paramarsha) il devient libéré-vivant (jivanmukta) et le Seigneur Shiva en personne. Voici à ce propos quelques versets du maître extraits de la Shivadrishti :

''Lorsqu'on sait, grâce à une conscience (pratipati) inébranlable, l'essence de Shiva présente en tout ce qui existe, à quoi bon avoir recours à la contemplation (bhavana) ou à tout autre moyen? Sitôt l'or connu, a-t-on encore besoin de l'évoquer (bhavana) ou de quelque autre investigation? Cette connaissance-là, en effet, est irréfutable, à l'image de celle que nous avons de nos parents!"

Ayant ainsi réalisé son identité à Shiva, si l'on demeure à jamais imprégné de cette réalité et que l'on y plonge la triade complète composée du corps et du souffle, de l'intellect et du vide (shunya, cad le monde des objets non-sensibles), ou bien deux sinon un seul de ces éléments, on a alors accès à l'intégralité des pouvoirs surnaturels (vibhuti) et même au suprême (parivibhuti)

Verset 17 - Même si elle se tient auprès de ce bien-aimé dont elle a enfin gagné la faveur au prix d'infinies prières, cette présence ne comblera pas de joie celle qui l'attend aussi longtemps que cette jeune femme ne l'aura pas reconnu d'entre les hommes ordinaires !

Ainsi, à l'image de ce héros dont les vertus passent inaperçues, le Seigneur universel, essence de toute chose, n'apparaît pas dans sa gloire innée.

Une jeune femme sent grandir en elle un puissant amour pour un héros dont elle a appris les (merveilleuses) qualités. Pleine de désir pour lui, aspirant par-dessus tout à le rencontrer, elle se montre impuissante à maîtriser les élans de son coeur; nuit et jour, elle implore les dieux, demande des messagers qui emportent vers l'aimé ses lettres et lui révèlent le trouble profond qui la tourmente. Elle ne quitte plus le seuil de sa demeure, et son corps de jeune liane, éprouvé par un éloigement trop cruel, se dessèche. Mais cédant enfin à ses prières et à son désir, voici que ce héros soudain se tient devant elle; mais bien qu'elle regarde son bien-aimé, elle ne le distingue aucunement des hommes ordinaires, car elle n'emprunte pas la voie de la prise de conscience (paramarsha marga) (qui lui révèlerait) l'excellence de ses qualités. Ainsi sa vision, bien qu'effective, ne comble pas son coeur!

Il en va de même pour le Seigneur, Soi universel, car, bien qu'il resplendisse sans trêve, ce rayonnement (nirbhasana) ne comble pas de plénitude le coeur des hommes. Ils ne réalisent pas en effet que ce Soi détient la souveraineté ultime (paramaishvarya) caractérisée par sa propre énergie de connaître, d'agir, etc... dénuée d'obstacles et universelle; de même, tout ce qui existe, jarre, etc, brille (non distinct du Soi).

Mais, lorsque soudain, sur une parole (du messager) ou par la reconnaissance d'une caractéristique du héros ou à l'aide d'un autre moyen peut-être, la jeune femme prend enfin parfaitement conscience des qualités éminentes du héros (qui se tient devant elle) comme étant celles-là mêmes de son bien-aimé, alors en un instant cette subite réalisation fait s'épanouir son coeur et la comble de plénitude. Ainsi, grâce au plaisir renouvelé de l'union, elle accède à la quiétude et aux autres (saveurs de l'apaisement).

De même, lorsque dans son coeur on identifie son propre soi à la sublimité de Seigneur suprême grâce à la parole du maître, ou la reconnaissance (abhijnana) de traits caractéristiques (qui lui sont propres telles) les énergies de connaissance et d'action etc..., alors survient à cet instant la libération dans la vie (Jivanmukti) qui est la plénitude même. Par la saveur réitérée de l'absorption (samavesha), l'on accède aux pouvoirs divins (vibhuti). Seule la reconnaissance du Soi est donc à l'origine des perfections surnaturelles (siddhi), inférieures et supérieures.

Ce traité (shastra) est un bienfait ineffable accordé à tous les hommes car il offre le fruit suprême (mahaphala). Souhaitant éveiller chacun

à la reconnaissance et éveiller la confiance envers cette voie par la remémoration des qualités éminentes qui en résultent, ainsi que du nombre important d'êtres pleinement réalisés (prasiddha) qui l'ont empruntée,l'auteur cite le nom de son père en conclusion :

verset 18 - Voici la Reconnaissance du Seigneur, composée par Utpaladeva, fils d'Udayakara, afin que chacun accède sans effort (ayatna) à la Réalisation (siddhi, avec ses deux sens de pouvoirs surnaturels et de Réalisation complète).

Traduit du sanskrit par Colette Poggi

 


LE MARCHAND ET SES TROIS FILS

Conte du sud de l'Inde

 

Il était une fois un marchand qui avait trois fils. Sentant sa fin prochaine, il appela et leur dit : je lèguerai mon commerce à celui d'entre vous qui saura le plus faire preuve d'intelligence. L'épreuve consiste à remplir complètement une pièce en dépensant le moins d'argent possible.

Le premier fils remplit une pièce entièrement de coton : lorsqu'il ouvrit la porte, le père ne fut pas convaincu. Le second fils en remplit une autre de paille, qui tomba sur la tête du père quand ce dernier ouvrit la porte; il ne fut pas non plus convaincu. Le troisième fils ramassa sur le bord de la route un tesson de poterie et un bout de ficelle, acheta pour un dixième de roupie d'huile, constitua une petite lampe et l'alluma au milieu de la chambre obscure, si bien qu'elle était remplie de lumière quand le père en ouvrit la porte. Ravi, le vieil homme confia son héritage au troisième fils.

 


 

LA COMPASSION DE MA A TRAVERS SA CORRESPONDANCE

(Raconté par Rajat Rumar Narayan le soir de Guru Purnima)

 

Rana Gosh, le fils de Shailen Gosh, un ancien fidèle de Ma trés connu à Calcutta, partait faire des études en Occident pour environ deux ans. Au moment de prendre la bénédiction de Ma, celle-ci lui dit 'Ecris-moi toutes les semaines.' 'Ma, je vais sans doute être à court de choses intéressantes à raconter!' 'Ce n'est pas grave, parle-moi de ta vie, de ce que tu penses, de ce que tu manges, dis-moi ce que tu veux mais écris-moi toutes les semaines.'

Et la chose étonnante, c'est que Ma lui a aussi répondu toutes les semaines, ce qui fait que Rana a une collection d'environ 108 lettres dictées par Ma. L'autre chose étonnante était que lorsqu'une réponse de Ma 'arrivait', c'est à dire environ trois semaines après avoir été écrite, il y avait dedans la solution de problèmes qu'il se posait au moment même ou dans les jours juste précédents. Maintenant encore, il reprend ces lettres de Ma et trouve des solutions à ses problèmes actuels.

En 1981, ma mère (elle-même la fille de Bajaj, qui a connu Ma, était trésorier du Congrès et parmi les proches de Mahatma Gandhi) avait 65 ans environ. Sa santé n'avait pas été bonne dans les années précédentes, et elle a fini par avoir une occlusion intestinale à cause d'adhérences dues à une tuberculose de la région. C'était une urgence chirurgicale, on a ouvert l'abdomen, retiré cinq litres de liquide d'ascite, vu qu'on ne pouvait pas opérer l'intestin lui-même qui était trop atteint, et on a refermé. A ce moment-là, Ma était à Naimisharanya où il n'y avait pas de téléphone. J'ai quand même réussi à joindre un opérateur qui habitait à trois kilomètres de là où se trouvait Ma et qui a été faire la Commission à Bhaskarananda. Ma a répondu un télégramme où elle disait comme à son habitude dans ces cas-là :'Faites le meilleur traitement et priez Dieu.' Peut-être avait-elle ajouté 'Tenez-moi informée'. Pendant les vingt jours post-opératoires où l'état de ma mère restait grave, j'ai envoyé à Ma un télégramme quotidien. Cinq jours après l'intervention, les intestins ont recommencés à fonctionner, les médecins ont dit que c'était un miracle, et finalement elle s'en est sortie. Elle est toujours bien vivante et va fêter ses 80 ans le mois prochain.

Ma, j'ai entendu dire qu'il est nécessaire de tester le Guru et que le disciple doit aussi être testé par le Guru. Avant même que la question ait été complètement énoncée, Ma répliqua 'Savez-vous comment c'est? C'est exactement comme on examine le gendre avant de lui donner la fille en mariage. Une fois que le mariage est célébré, on est supposé ne plus poser de questions'.

 


 

ENTRE REVE ET REALITE

Pensées extraites du Yoga-Vasishta

Introduction

Le Yoga-Vasishtha est un texte médiéval indien qui présente l'enseignement du sage (rishi) Vasishta à Rama adolescent, celui-ci étant un avatar, c'est à dire une descente du divin venue sur terre pour rétablir la loi juste, l'ordre du monde (dharma). Il est intéressant de noter qu'en Inde, même des avatars comme Rama et Krishna jouent le jeu du disciple pour s'adapter à la société et à la culture dans laquelle ils sont venus.

La première partie de l'ouvrage est une longue réflexion de l'adolescent Rama frappé par l'absurdité de l'existence, et se mettant à chercher un sens. Par son discernement aigu, il développe un intense sens du détachement. Il conclut en demandant à Vasishtha qui l'écoutait avec toute la cour :'Qui sont ces héros qui le sont libérés de l'illusion? Et quelles méthodes ont-ils adopté pour se libérer? Si vous considérez que je suis ni compétent, ni capable de comprendre cela, je vais jeûner jusqu'à ce que mort s'ensuive." (I, 31) Vasishtha et toute la cour louent l'intensité du jeune prince, et à partir de là commence l'enseignement à proprement parler.

Une ides fondamentale du texte, c'est que le monde est un rêve, et que seule la Conscience absolue peut être considérée comme réelle. En philosophie, on appelle ce point de vue le subjectivisme absolu. Cette doctrine est directement influencée par l'école bouddhiste du vijnanavada. C'est en quelque sorte une exagération du védanta classique de Shankarâcharya, qui ne va pas jusqu'à dire que tout est rêve, mais qui dit simplement qu'on ne peut affirmer formellement ni l'existence, ni la non-existence du monde tel qu'il nous apparaît. Pour le sage, cette question reste comme en suspens. Au départ, le chercheur spirituel est influencé par le matérialisme environnant, et cette méditation consistant à voir le monde comme un rêve est une étape permettant de le déconditionner de cette influence. Si un carton est plié dans un sens, on le plie complètement dans l'autre sens pour que finalement il redevienne droit.

Cet enseignement non-dualiste est considéré dans la tradition indienne comme le couronnement de toute une évolution qui passe par la pratique des rituels, une vie religieuse et le plus souvent l'expérience durant de nombreuses années de la dévotion à un Dieu personnel. Il s'agit d'un enseignement élevé, nécessitant en pratique une préparation pour être réalisé. Cependant, une vision intellectuelle claire du but non-duel de l'évolution intérieure est une grande aide même pour le débutant.

L'enseignement est illustré par nombre d'histoires à tiroir où le héros s'endort au cours d'un rêve, et fait un autre rêve où il revient à la réalité de départ, sans plus trop savoir où il en est. Tout ceci a pour but d'assouplir notre croyance dogmatique et quasiment jamais remise en question en la réalité de l'apparence du monde extérieur. Pour le Yoga-Vasishtha, l'étre libéré (jivan-mukta) est celui qui peut agir tout en gardant un état de sérénité et d'unité intérieure comme, s'il était en état de sommeil profond.

Comme dans le zen, le Yoga-Vasishtha insiste sur la nécessité d 'aller au-delà du corps et du mental. Le méditant avancé qui y réussit peut alors avoir une expérience trés positive de ces deux niveaux, qui deviennent des serviteurs obéissants pour celui qui sait comment les prendre. Nous citons ci-dessous un beau passage sur le sage considéré comme roi de son propre corps.

Voir le monde comme un rêve a été source de sagesse et d'inspiration non seulement pour l'Orient, mais aussi pour l'Occident, bien que de façon moins systématisée philosophiquement et mystiquement parlant. Nous pouvons citer par exemple ces réflexions de Clotaldo extraites de 'La vie est un rêve' de Pedro Calderon de la Barca (1600-1681), le célèbre dramaturge madrilène : "Et qu'arriverait-il si notre vie à l'état de veille, comme notre sommeil, n'était qu'un rêve dans cette vie éternelle à laquelle nous ne nous éveillerons qu'au moment de nous endormir dans la mort?"...."Et toute cette scène de théâtre de note vie sur terre, où nous semblons être des acteurs si occupés, et les rôles que nous jouons ne sont pas plus substantiels que l'ombre d'une ombre, et le fait de rêver n'est qu'un rêve dans le rêve!"(Acte III)

Les extraits ci-dessous ont été traduits de l'édition anglaise de Swami Venkatesananda (Divine Life Society, Rishikesh). C'est une version semi-abrégée, en 750 pages, du texte sanakrit oiginal.

Quand l'esprit est en paix et que le coeur va d'un bond jusqu'à la vérité suprême, quand toutes les vagues de pensées gênantes qui agitent la substance mentale se sont apaisées, qu'il y a un flot de paix ininterrompu et que le coeur est empli de la félicité de l'Absolu, quand on a vu de cette façon la vérité dans le coeur, ce monde même devient une demeure de félicité.(II,12)

Celui qui n'est pas affecté par les autres tout en vivant au milieu d'eux, qui n'a ni excitation ni haine comme quelqu'un pendant le sommeil, celui-là a atteint le Contrôle de soi.(II,13)

Même les paroles d'un jeune garçon doivent être acceptées si ce sont des paroles de sagesse; si elles n'en sont pas, rejette-les comme de la paille, fussent-elle prononcées par Brahman le créateur lui-même.(II,18)

Ce n'est pas faire preuve de sagesse que de déclarer la vérité ('Brahman seul est réel') à l'ignorant. En effet, la réalité de l'apparence du monde qui a pris profondément racine dans le coeur de l'ignorant, ne sera pas dissipée si ce n'est par un questionnement profond à propos du sens des Ecritures.(IV, 31)

Ne sois pas mené par les autres; seul les animaux sont menés par les autres. Réveille-toi du sommeil de l'ignorance. Réveille-toi et bats-toi pour mettre fin à la vieillesse et à la mort.(IV,32)

La non-reconnaissance de l'existence de la paix suprême dans le coeur et la croyance a priori en la réalité de facteurs en faits imaginaires, tout cela est né d'une connaissance imparfaite et de la logique pervertie qui en résulte. (II, 20)

Pour l'ignorant, ce corps est source de souffrance; mais pour celui qui est éveillé, ce corps est la source d'une joie intense et infinie. Tant que le corps existe, le sage en retire un grand plaisir et la joie de l'éveil, et quand le compte de ses jours touche à sa fin, il ne considère pas du tout cela comme une perte. Puisque c'est par le corps que le sage fait l'expérience des différents sens et gagne l'affection et l'amitié des autres, c'est pour lui une source de bénéfice. Tant qu'il demeure dans cett cité appelée corps, l'être éveillé règne avec bonheur, à la manière d'Indra le roi des cieux dans sa capitale...Celui qui habite un corps entre légèrement en contact avec celui- ci tant qu'il dure, mais n'est plus touché par lui quand il s'en va, de même que l'air touche un vase qui existe, et non pas un qui n'existe pas... De même que si vous savez que quelqu'un est un voleur et que vous êtes en rapport avec lui en tenant compte de cette information, il peut devenir votre ami, de même quand vous profitez des objets extérieurs en connaissant leur vraie nature, ils vous procurent de la joie. Le sage qui a dépassé tous les doutes et dans lequel il n'y a pas d'image de soi règne suprême dans le corps.(IV,23)

Pour le sage, le mental est un serviteur obéissant, un bon conseiller, un maître des sens compétent, une femme agréable, un père protecteur et un ami fidèle. Il le pousse à faire de bonnes actions.(IV, 24)

Tel l'effort, tel son résultat, ô Rama; c’est ce que signifie l'effort qu 'on fait

Par soi-même sur soi-même et on l'appelle aussi destinée ('daiva'; qui peut également signifier 'dieu' ). Quand ils sont en proie à la souffrance, les gens se mettent à pleurer 'Malheur ! Quelle tragédie!' 'Hélas, voyez quel est ma destinée!', les deux signifiant la même chose. Ce qui est appelé destinée ou volonté divine n'est rien d'autre que l'action ou l'effort du passé. Le présent est infiniment plus puissant que le passé. Il sont en fait stupides, ceux qui sont satisfaits avec les fruits de leurs efforts passés (qu'ils considèrent comme la volonté divine) et ne s'engagent pas dans un effort sur eux-mêmes dans le présent...Le sage doit bien sûr savoir ce qu'on peut obtenir par l'effort, et ce qu'on ne peut pas...Rama, ce sage Vishvamitra est devenu un Brahmarishi par l'effort; nous tous (les autres rishis, les sages à l'origine de l'hindouisme) avons atteint la connaissance de nous-même par l'effort seulement. C'est pourquoi, renonce au fatalisme et fais effort. L'effort spirituel est rendu en sanscrit par 'purusharta' qui signifie aussi ' le but de l'homme ', et éventuellement 'la richesse de l'homme.(II, 6, 8)

Celui qui voit que le plaisir et la douleur se chassent et s'annulent l'un l'autre retire de cette sagesse le contrôle de lui-même et la paix. Celui qui ne voit pas cela dort dans une maison en flammes.(II,13)

L'Un ne devient jamais multiple, ô Rama. Quand de nombreuses bougies sont allumées successivement l'une à partir de l'autre, c'est la même flamme qui brûle en chacune d'elle; de même, le Brahman unique semble être multiple. Quand on contemple l'irréalité de cette diversité, on est libéré de la souffrance.(lII, 66)

(Vasishtha raconte l'histoire d'une femme démon, Karkati, qui après un certain temps se retire dans l'Himalaya, tourne complètement son attention vers l'intérieur et obtient la Réalisation. Il en fait l'éloge en ces termes) : 'Elle a atteint la connaissance directe de la cause suprême de toute chose, de la cause sans cause par son propre examen de l'intelligence au-dedans d'elle même. ô Rama, il est certain qu'une recherche directe dans les mouvements de pensée de sa propre conscience ne représente nul autre que le guru ou le précepteur suprême.(III, 75)

(Comme il faut quand même qu'elle se nourrisse, Karkati obtient des dieux l'autorisation de dévorer ceux qui sont réfractaires à l'enseignement de sagesse... Elle rencontre dans une forêt profonde un roi et son ministre et pose au monarque des sortes de questions de Sphinx à propos du Soi) : '0 roi, qu'est-ce qui est un et pourtant multiple, et dans lequel des millions d'univers se fondent comme les vagues dans un océan? Qu'est-ce qui est pur espace, bien qu'il ne semble pas être ainsi? Qu'est-ce qui est moi en toi et toi en moi; qu'est-ce qui bouge et pourtant ne bouge pas, qui demeure immobile bien qu'en fait il n'en soit pas ainsi; qu'estce qui est un rocher, bien que conscient, et qui joue des tours merveilleux dans l'espace vide; qu'est-ce qui n'est ni le soleil, ni la lune ni le feu et pourtant brille éternellement; qu'est-ce qui n'est autre que le soi à l'intérieur de chacun, mais qui pourtant n'est retrouvé qu'après de nombreuses existences d'efforts persistants et intenses ?

Qu'est-ce qui se manifeste et s'évanouit en alternance, de même que l'arbre vient de la graine et que la graine vient de l'arbre successivement.' O roi, quel est le créateur de cet univers, par le pouvoir duquel tu fonctionnes comme roi, protégeant tes sujets et punissant les méchants? Qu'est-ce qui, par le simple fait d'être vu, purifie votre vision et vous fait exister comme 'cela' seulement, sans division? O roi, pour échapper à une mort certaine, réponds à ces questionne (III, 79). Le roi répond qu'il s'agit du Soi, et il est sauvé avec son ministre.

Vashista dit: Quand deux êtres éveillés se rencontrent, leurs coeurs fusionnent dans la paix et la félicité, de même que les eaux de deux torrents se mêlent à leur confluent.(III, 78)

Dans l'espace de la conscience, qui est aussi minuscule qu'un atome, toutes les expériences existent, de même que dans une goutte de miel il y a l'essence subtile des fleurs, des feuilles et des fruits. De cette conscience se développent toutes les expériences, car le fait d'expérimenter est le seul expérimentateur (les deux n'étant pas différents de la conscience).(III, 81)

Le sage ne désire pas agir; et il ne désire pas non plus abandonner l'action. (III , 88)

La maladie physique ou psychique, pas plus que les malédictions ou le 'mauvais oeil', ne peuvent toucher le mental de celui qui se consacre au Soi; de même, une fleur de lotus ne peut casser en deux un rocher en tombant dessus. C'est pourquoi on doit s'efforcer avec le mental même d'amener le mental à prendre la route qui est pure.(III, 92)

Quand la conscience abandonne la recherche consistante de soi (et du Soi) et se laisse aller à jouer avec les innombrables pensées qui vont et viennent, on l'appelle conscience individuelle.(III, 96)

Quand on l'observe en profondeur, le mental s'absorbe dans son substrat, et quand il s'absorbe de cette façon, il y a la félicité suprême. (III, 97)

(Voici maintenant un conte typique du Yoga-Vasishtha, nous donnant le goût de dépasser le labyrinthe de nos formations mentales) :

"Un jeune garçon demanda à sa grand mère de lui raconter une histoire, ce qu'elle fit tandis qu'il écoutait avec grande attention :

"Il était une fois une cité qui en fait n'existait pas; y demeuraient trois princes qui étaient joyeux et pleins de valeur. Des trois, deux n'étaient pas nés et le troisième n'était pas conçu. Le malheur voulut que toute leur famille meure. Les princes quittèrent leur ville de naissance pour aller ailleurs. Incapable de supporter la chaleur du soleil, ils s'évanouirent au bout de peu de temps. Leurs pieds étaient brûlés par la chaleur intense du sable, les pointes des herbes desséchées les perçaient. Ils parvinrent à l'ombre de trois arbres, parmi lesquels deux n'existaient pas et le troisième n'était pas même planté. Après s'être reposés là pendant quelques temps et avoir mangé les fruits de ces arbres, ils reprirent la route.

Ils atteignirent les berges de trois rivières; des trois, deux étaient sèches et dans le troisième il n'y avait pas d'eau. Les princes y prirent un bain rafraîchissant et y apaisèrent leur soif. Ils arrivèrent ensuite dans une grande cité qui était sur le point d'être construite. En y entrant, ils y trouvèrent trois palais d'une beauté sans égale. Des trois, deux n'avaient pas étés du tout construits, tandis que le troisième n'avait pas de murs. Ils pénétrèrent dans le palais et trouvèrent trois plats en or; deux d'entre eux avaient été brisés, et le troisième franchement réduit en poussière. Ils saisirent celui qui avait été pulvérisé. Ils prirent 99 moins 100 grammes de riz et le mirent à cuire. Ils invitèrent alors trois hommes de Dieu pour être leurs hôtes; des trois, deux n'avaient pas de corps et le troisième n'avait pas de bouche. Une fois qu'ils se furent restaurés, les trois princes mangèrent les restes ('prasad', considéré comme nourriture sacrée). Ils en retirèrent un grand plaisir. C'est ainsi qu'ils vécurent en cette cité pour bien longtemps, dans la paix et la joie." Mon enfant, voici une légende extrêmement belle; je t'en prie, souviens-t-en toujours et tu deviendras un homme de savoir.'(III, 101)

Le mental prend la forme même de ce qu'on contemple, que ce soit un élément de la nature ou de la culture. C'est pourquoi contemple résolument, mais intelligemment aussi l'état au-delà de la souffrance, libre de tous les doutes. Le mental est capable de se maîtriser lui-même; de fait, il n'y a pas d'autre voie.(III, 112)

O Rama, abandonne le conditionnement mental qui est seul responsable pour la perception de la dualité, et demeure totalement non-conditionné. Tu parviendras alors à un niveau de prééminence vis-à-vis de tous. (III, 114)

Toute relation est réalisation de l'unité qui existe déjà; on ne la regarde comme relation qu'à cause de la croyance fausse et illusoire d'une division entre sujets et objet. En fait, il n'y a qu'un Tout, la Conscience infinie.(III, 121)

Le jeune méditant dans la forêt paraissait avoir atteint un état de quiétude totale du mental, où le jeu des pensées et contre-pensées avait cessé. Il était absolument pur, comme un cristal qui n'est pas même intéressé à refléter ce qui est autour de lui.(IV, 14)

Aussi longtemps qu'on voit ce qui est vu avec le sentiment intérieur qu'il s'agit d'objets de perception (différent de soi-même), la réalisation de Brahman est de fait bien éloignée.(IV, 18)

C'est quand on expérimente la vérité qu'on est libéré de l'illusion. Du même coup, son désir forcené pour les plaisirs s'atténue. C'est la seule preuve de sagesse. Un pot de nectar en peinture n'est pas du nectar, ni une flamme en peinture une flamme, et la peinture d'une femme n'est pas une femme : les paroles de sagesse ne sont que des mots, pas de la sagesse tant qu'elles ne sont pas concrétisées par l'absence de désir et de colère.(IV, 18)

Celui qui est empli du lait de la douceur humaine est sûrement la demeure du Seigneur Hari (Vishnou, qu'on dit reposer allongé sur l'océan de lait). (IV, 32)

Quand le mental a été purifié par des pensées et des actions pures, il adopte la nature de l'infini, de même qu'un vêtement pur prend la couleur facilement. .

Quand le mental abandonne la relation de sujet à objet qu'il a avec le monde, il est absorbé instantanément dans l'infini.(IV, 35)

 


NOUVELLES

 

- Mort de Maroni au mois d'août : Maroni était la petite fille de la soeur de Didima (la mère de Ma). Le mari de Ma, Bholonath, s'était pris d'affection pour elle et l'avait adopter. Elle avait donc été éduquée de très près par Ma, elle dormait quand elle était petite avec Ma et Bholanath. Elle était souvent à Kankhal. Au dernier anniversaire de Ma, elle avait chanté des bhajans, ce qu'elle faisait toujours avec une grande énergie. Elle avait plus de 70 ans, avait été mariée mais vivait depuis longtemps dans les ashrams de Ma. Quelques jours avant son décès subit et inattendu, elle était venue saluer Vijayananda comme elle le faisait souvent le soir en face du samadhi, mais cette fois-ci elle lui avait dit : 'Vijayananda, je vous aime beaucoup'. A la fin de sa vie, elle avait pris comme nom 'Niropa Ma' 'mère sans forme', comme si elle se préparait à quitter sa forme corporelle.

- Le Centre international a commencé à être fonctionnel début août, avec comme premiers hôtes Chantale et Jean-Luc de Plougastel en Bretagne, lecteurs de Jay Ma et suivant la voie spirituelle du Yoga. Une bibliothèque a été constituée, et Shantimayi (Karine Huvelle) va s'installer au Centre à long terme à partir de début Octobre. Elle a eu un visa de touriste de cinq ans pour l'Inde tout récemment, ce qui est une sorte de miracle car cette forme de visa ne se donne plus.

- Nous avons reçu la visite de deux groupes français, l'un avec Daniel Maurin et l'autre avec Jean-Yves Leloup.

- La samyam saptah aura lieu du 6 au 13 novembre. Mieux vaut réserver pour ceux qui voudraient résider à cette époque au Centre International; le Centre n’a pas encore la liaison téléphonique, mais en cas de besoin on peut téléphoner à l'ashram :19 91 133 42 65 75

- La pleine Kumbha-Mela d'Hardwar, où l'on attend une dizaine de millions de personnes, commencera progressivement à partir de mi-janvier pour battre son plein à partir de Shiva-Ratri (fin février environ) et atteindre son maximum pour Mesh Sankranti, le 13 avril. Les trustees du Centre international ne sont toujours pas décidés pour savoir s'ils doivent prendre des réservations pour cette période.

 


ABONNEMENTS

 

Pour les nouveaux souscripteurs, l'abonnement est de 40 Frs et va du prochain numéro jusqu'à l'automne 98 inclus. Chèques à adresser à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne 95 rue J.Dulud 92200 Neuilly

 

 

 

 

JAY MA n°46

PAROLES DE MA

 

(A propos de la prière) : 'jitna bhav, itna labh' 'tel est le sentiment, tel est le bénéfice'.

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Tout ce qui existe n'importe où en ce monde, que ce soit les arbres ou les plantes, les insectes ou les reptiles, ou tout autre être vivant, leur naissance est en fait votre naissance, et leur mort est en fait votre mort. Au niveau où tout est contenu en vous et vous êtes présents en tout, il y a seulement le Un.

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Guru signifie 'gurutva', la pesanteur, la gravité qui est attachée au Divin. Lui seul est guru, ou uniquement celui qui Le connaît. L'initiation signifie que c'est uniquement le guru ou la divinité d'élection qui se manifeste, car le mantra, le guru et la divinité, tous ne font qu'un.

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Qui est guru? Non seulement le père et là mère mais aussi celui auprès duquel nous obtenons une connaissance sur des sujets secrets (gur). Tous ceux-ci sont gurus. Celui qui nous indique un tant soit peu le chemin est aussi guru.

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Poursuis la pratique du Nom en l'associant à la respiration. Cet exercice induit un état de stabilité dans le mental. De plus, ce souffle (prâna) qui est en nous recouvre le monde entier. Quand on pénètre au coeur de cette grande expérience (mahan bhav), c'est cette source elle-même qui nous attirera à elle. Essaie d'arriver au moment où tu plonges dans cette source.

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Il faut empêcher le 'renforcement' ('khurak' signifie la nourriture mais aussi la dose de médicament ou le rappel de vaccin) de la tendance à l'extériorisation vritti) et favoriser le renforcement de la tendance à l'intériorisation. En effet, les tendances que vous renforcez deviendront un jour si puissantes que vous ne pourrez plus les arrêter. Ce sont elles qui vous mettront dans un état d'impuissance, c'est pourquoi on dit qu'il faut décourager l'extériorisation et renforcer l'intériorisation.

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Certes, c'est le monde, c'est pour cela qu'il y a des difficultés, quand on va vers le monde on est obligé d'avoir des difficultés. Savez-vous ce que sigifie aller vers le monde? Cela revient, après s'étre blessé, à ouvrir encore plus la plaie. D'autre part, aller vers Dleu signifie mettre un pansement sur cette plaie. C'est le lien même avec le monde qui est source de difficulté...Le samadhi aussi est un stade : quand vous faites une longue route, vous sentez de vous arrêter un peu pour prendre du repos, Mais une fois que vous êtes arrivés à la maison, que vous êtes à l'étage ou sur le toit, vous n'avez plus besoin de vous reposer; la question de détente et de fatigue ne se pose plus.

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Vous n'avez pas le droit de dire 'c'est Dieu qui fait tout, il est présent en tout lieu'. Il arrive un état où l'on expérimente vraiment qu'il fait tout, qu'il est avec vous partout. Tout ce que vous dites vient d'une connaissance livresque ou par ouie dire.

***

Sans une forme divine (sakar), vous ne pouvez aller vers le Sans-forme (nirakar). On va vers le Sans-forme en passant par l'intérieur de la forme. De même, nous allons au Gange en passant par un chemin, c'est à dire par une forme; en suivant celui-ci, on parvient au fleuve. A ce moment-là, la forme ne tient pas plus que la boue sur les pieds. Et puis quand on sort de là, regardez! Tout est Cela, que ce soit la forme ou le Sans-forme.

***

 


 

QUESTIONS A VIJAYANANA

  

Q : Est-ce qu'on peut considérer la colère comme une drogue? Comment la dépasser?

V : Le mécanisme psychologique de la colère est le suivant : le point de départ est toujours une sensation pénible venant de notre corps qui nous met mal à l'aise. La tendance instinctive est de nous en libérer au plus vite et de revenir à un état d'euphorie. Ces sensations ne sont pas en général dans la conscience claire, et le mental cherche une cause dans le monde extérieur à laquelle il pourrait attribuer ce malaise, et en détruisant cette cause, il espère retrouver son équilibre. Survient tout à coup un individu qui vous insulte ou se conduit d'une manière grossière. ça y est! C'est lui, la cause de mon malaise!

Le mental fait alors appel à cette énergie de base toujours présente dans le muladhara et la transforme en une force destructrice qu'on appeIle colère. Il la dirige vers l'ennemi. Le malaise étant projeté vers l'extérieur disparaît du champ de conscience clair. L'énergie libérée momentanément lui donne une impression agréable de puissance, mais quand la crise de colère est passée, elle est remplacée par une dépression et l'état de malaise redevient conscient.

Une autre crise de colère et le même processus a lieu. Il se crée donc une association d'idée entre les malaises et la colère qui les soulagent pour un moment. II y a alors chez certaines personnes une addiction aux crises de colère où ils trouvent une euphorie relative et une impression de puissance. Naturellement, il y a tout le mauvais karma qu'on a créé dans ces colères et qu'il faudra payer par d'autres souffrances. Comment se guérir de la colère? Tout d’abord, bien prendre conscience du mécanisme de projection d'une sensation pénible vers un objet extérieur. Et aussi comprendre tout le mal qu'on fait aux autres et à soi-même quand on se met en colère. La colère, comme disent les Ecritures, est une des portes de l'enfer.

Q  :Quel est le rapport du mariage et de la vie spirituelle?

Pour ceux qui veulent atteindre le sommet de la voie spirituelle (moksha, nirvana, illumination, Réalisation du Soi), une chasteté parfaite est indispensable, mais ceux qui veulent et peuvent atteindre cet état sont très rares. La voie du célibat est donc une voie d'exception. C'est pourquoi les grands sages ont établi et enseigné des voies progressives qui permettent à la personne ordinaire d'aller d'étape en étape, jusqu'à ce qu'elle ait assez de maturité pour aborder le grand problème qu'est la découverte de la Réalité suprême, et le mariage est une de ces étapes. L'énergie sexuelle chez l'être humain commun doit être canalisée, puis être sublimée et divinisée. Les rapports entre un homme et une femme font partie de la nature, mais de la nature grossière (la prakriti inférieure). Il existe un niveau où cette union se fait au niveau de la pure conscience sans contact physique. Dans le mariage physique l'homme doit considérer sa femme comme un aspect de la Mère divine, et la femme doit voir dans son mari le Divin masculin. Ainsi pourra se développer un rapport d'amour et de respect mutuel qui pourra les préparer au véritable amour qui est impersonnel. Et les rapports sexuels doivent être aussi rares que possible afin de conserver une précieuse énergie qui pourra les aider à atteindre le Suprême quand le moment sera venu.

Q : Dans les pays riches comme la France et La Suède, le taux de suicide est beaucoup plus élevé qu' en Inde; Pourquoi cela?

V : La personne qui se suicide le fait pour échapper à la souffrance soit physique soit le plus souvent mentale. Une personne qui va se suicider (à moins que ce soit un aliéné mental) a longuement réfléchi avant de prendre cette décision. Ce sont en général des athées nourris par la philosophie existentialiste qui pensent qu'après la mort c'est le grand néant. Ce type est commun en Occident; en Inde, les véritables athées sont trés rares. Chaque hindou a quelque part dans son subconscient la croyance en un Pouvoir divin ou au moins que chaque action produit un karma, qu'il y a des vies futures conditionnées par les actes que l'on fait. Le suicide est considéré comme un crime, et il est censé produire des renaissances très fâcheuses. Le suicidé, dit-on, devient un preta, un fantôme très misérable qui a toujours faim et soif et a une bouche trop petite pour satisfaire ses besoins. Quand ces croyances vous ont été inculquées dès l'enfance, on réfléchit à deux fois avant de mettre fin à sa vie.

Q : Vous dites que si les bhaktas de Ma avaient eu plus d'intensité, elle aurait pu rester plus longtemps dans son corps; pourtant, quand on voit des films de bhajans en sa présence, n'avait-on pas l'impression qu'ils avaient beaucoup d'enthousiasme pour chanter avec elle?

La vidéo que vous avez vue et entendue ne représente qu'un court moment d'enthousiasme. Ce qui est important, c'est la conduite dans la vie de tous les jours : la droiture, l'honnêteté et surtout la sincérité dans la recherche de la Vie divine.


EXTRAITS DU JOURNAL DE DIDI

 

12 juin 1959

Un fidèle arriva avec son épouse et sa belle-fille. C'était une personne qui était vanaprasthi (le stade intermédiaire entre la vie de famille et le sannyas); sa belle-fille elle aussi avait l'intention d'embrasser ce type de vie. Elle semblait être dans un état particulier; en tout cas, son beau-père ne tarissait. pas d'éloges à son propos. Il disait que leur Gourou qui vivait à Bénarès avait déclaré, en la voyant, qu'elle avait un niveau spirituel élevé. Il désirait connaître l'opinion de Mataji à ce propos.

Ma demanda à la jeune femme :'Quelles sont tes expériences quand tu médites?' Elle répondit :'Tout d'abord, je sens une félicité intense, et à la fin de même' répliqua-t-elle, ' et rien du tout entre les deux'.

Mataji expliqua au beau-père :'C'est encore un stade élémentaire. Vous pouvez le comprendre de vous même : tant que le mental-ego persiste, il ne peut y avoir de samadhi. Néanmoins, on peut dire que son mental et son corps ont atteint un certain degré de calme. Quant elle dit 'Ensuite, rien du tout ' qui est celui qui expérimente tout cela ? C'est le mental individuel qui est actif, il n'y a pas de Samadhi.

Après quelque temps, Mataji poursuivit :'Quelqu'un d'autre vint aussi à ce corps, en déclarant qu'il n'avait plus aucun intérêt dans quelque travail ou occupation que ce soit, puisque son esprit était absorbé en samadhi et que son pouvoir de Kundalini s'était éveillé. En parlant, il utilisait fréquemment les mots 'je' et 'le mien'. II a eu l'occasion de comprendre juste à ce moment-là qu'on ne pouvait parler de samadhi tant qu'il y avait 'je' et 'le mien'. Dans le samadhi réel, rien de tout cela ne survit. Regardez, la mangue qui est mûre sur l'arbre n'appelle pas à grand cris :'Je suis mûre, venez et prenez-moi!' Si personne ne la cueille, elle tombe d'elle-même sur le sol. Voyez-vous la beauté de cela? Elle retourne à la place même d'où elle est venue.'

Extraits du Volume VI (traduction anglaise parue cette année)

10 décembre 1937

Ma poursuivit 'Le coeur est le siège de toutes les expériences, heureuses ou malheureuses. C'est en fait l'asana (siège et aussi tapis pour la méditation) de Dieu lui-même. Si la personne à laquelle l'asana appartient n'y est pas assise, on ne peut obtenir de paix permanente. Si on y installe une autre entité, cela ne peut mener qu'à l'inquiétude et l'instabilité, car elle ne sera pas capable de maintenir le caractère sacré du pur asana. Cela aboutit aux allers et retours (de naissance en naissance). C'est pourquoi il est particulièrement avantageux pour nous d'installer Celui auquel l'asana appartient de droit.

Il est en fait toujours assis sur cet asana et le but de notre sadhana est d'essayer de Le manifester. Quand ceci arrive, nos conditionnements (samskaras) liés à la notion d'individualité disparaissent, on atteint le chakra situé entre les sourcils et la forme brillante avec tant de couleurs s'épanouit.

Ma rit et dit, 'Savez-vous ce que j'ai vu? C'était comme un système d'irrigation, quand vous versez l'eau dans un canal, elle s'écoule par d'autre canaux jusqu'à un grand réservoir éventuellement qu'elle remplit, et tout ceci naturellement. De même qu'un fleuve s'écoule vers l'océan, de même c'est la règle que la kundalini shakti aille seulement vers le haut à partir du muladhara d'une place à l'autre, progressivement, du premier. chakra au second, etc jusqu'au moment où elle atteint le sahasrara."(p.5)

Après un long intervalle sans kriyas (manifestations visibles de l'extase), Ma de nouveau rentra en transe pendant un kirtan. Jyotish Dada (Bhaiji) lui demanda :'On dit que certains kriyas sont apparus pendant une phase précédente de votre existence, et ensuite il y a eu de grands changements dans votre état. Pourquoi donc ces kriyas reviennent-ils maintenant ?' Ma répondit : 'Vous pouvez poser ce genre de questions, mais savez-vous ce qui arrive à l'intérieur d'un sadhaka? Chaque état est remplacé par un autre et un progrès régulier s'ensuit; mais dans le cas de ce corps tout est différent, c'est pourquoi tout apparaît sens dessus-dessous et l'écoulement se fait au hasard. Il se peut qu'à vos yeux un kriya associé avec un état très élevé se manifeste dans ce corps et que plus tard, vous observiez un kriya plus ordinaire. Dans ce corps, il n'y a rien d'élevé ou de bas. Quelque soit le besoin de vous, les gens, à un moment donné, ce corps agit en fonction pour y répondre.

Je posais la même question que Bhaiji plus tard; et Ma me répondit de façon similaire; quand je l'interrogeais sur l'éclat de son corps, elle dit : 'Savez-vous ce que j'ai observé à certains moments? C'était comme si ce corps était la lumière personnifiée; et l'endroit où je me trouvais était inondé par la même lumière.'

Ma s'est réveillée aujourd'hui à environ dix heures. On a lavé son visage et ses mains. Elle s'assit sous un arbre et je m'assis auprès d'elle. Après avoir entendu dire qu'elle était arrivée, de nombreuses personnes vinrent pour lui présenter leurs respects (littéralement : 'prendre la poussière de ses pieds) et lui faire pranam. J'étais en conversation avec elle. Nous en vînmes à parler des shastras (écritures sacrées). Ma dit :'Savez-vous ce que sont les shastras? 'sva astre', cette arme (astra) qui peut couper les liens qui attachent au monde.' Ensuite on en arriva à la question de savoir quelle était la signification du mot 'shishya' (disciple) Ma dit :'Sva, Éva, c'est à dire établir sa personnalité réelle, expliquer la nature véritable qui est indivisible, c'est à dire la révéler. 'Shasya' signifie semer une graine et cultiver une plante (shasya). Cela revient à planter une graine, faire pousser la plante et révéler la nature du fruit.' En entendant tout ceci de la bouche de Ma, un chant me revint à l'esprit :

'Mon re krishi kaj ja no na.

Emon manob jomin roilo potit

abad korle pholto shona.'

c'est à dire : 'O mental, tu ne connais pas l'art de la culture. Ce terrain excellent d'une naissance humaine est en jachère. Si tu le labourais, il produirait de l'or.' Nous allâmes nous coucher vers deux heures du matin.

 


LA RECONNAISSANCE DU SEIGNEUR

 

Pratyabhijrna, ou la reconnaissance du Seigneur, est une notion centrale du Shivaïsme du Cachemire, une école qui a d'abord été illustrée par Utpaladeva (cf ses hymnes à Shiva, un bel exemple de dévotion débouchant sur la non-dualité, publiées par A.Maisonneuve) puis s'est épanouie avec Abhinavagupta (Xe-XIe siècle). Ce dernier a écrit un commentaire (vimarsini) sur des versets d'Utpaladeva à ce sujet. Colette Poggi nous a envoyé des pages de sa thèse de doctorat en philosophie où elle traduit ce texte; nous reproduisons les derniers versets de l'ouvrage. Colette, une lectrice de Jay Ma, vient de retravailler ce texte pour la collection 'La Pléïade' qui prépare une publication sur les philosophes indiens. Ceux qui veulent en savoir plus sur Abhinavagupta peuvent se référer aux ouvrages de Lilian Silburn (Paramarthasara chez de Boccard par exemple). L'histoire classique qui illustre la reconnaissance du Divin est celle du prince qui est enlevé bébé par des voleurs. Quand il est adolescent, les ministres du roi le retrouvent élevé par une famille pauvre dans la forêt. Pour ne pas le choquer, ils ne lui disent rien mais l'engagent au palais dans un emploi peu élevé, puis petit à petit le font progresser jusqu'à ce qu'il devienne le serviteur particulier du roi; à ce moment-là, il est devenu mûr pour la 'reconnaissance' et ils lui révèlent la vérité.

 

Verset 1 (d'Utpaladeva) : Seul le Seigneur suprême et unique est le Soi intime de tous les êtres vivants, il est pleinement imprégné de cette prise de conscience exempte de dualité "Je suis l'essence universelle ! ''

verset 15 : Ayant acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et d 'action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être réalisé agit à son gré et connaît tout ce qu'il désire.

Sachant que le Soi a pour essence Shiva, que les énergies de connaissance et d'action se ramènent en fait à sa liberté suprême, et que celle-ci ne fait en fait qu'un avec Lui, il réalise qu'il est le Soi, et non tel principe qu'évoquent les Kanadas.. Il prend conscience que les énergies. de connaissance et d'action ne sont pas distinctes du Seigneur. Se consacrant alors de tout son Coeur à l'absorption (samavesha) il est capable de faire et connaître tout ce qu'il désire, alors, même qu'il est lié à un corps. Celui qui cependant n'adopte pas cette attitude est délivré de son vivant, mais ne devient le Seigneur suprême qu'une fois la mort venue.

Même si l'expérience personnelle (svapratyaya) tient dans ce domaine une place importante, on considère néanmoins que (la transmission de) l'enseignement, sauvegardée par la lignée des maitres (guruparampara) doit venir confirmer celle-ci; l'intelligence des traités (shastradrishti) a été ainsi considérée comme critère essentiel de qualification (adhikara) dans le livre des Agamas (écritures sacrées shivaïtes du Moyen Age). Cet enseignement se fonde donc à la fois sur le maître, les traités et sa propre expérience. L'auteur indique ainsi quelle est, dans cette école, la lignée des maîtres.

Verset 16 - Ainsi cette nouvelle voie est aisément praticable; je la révèle ici telle qu'elle fut naguère évoquée par notre vénéré maître dans le traité intitulé 'La vision de Shiva' (Shivadrishi). Quiconque, de ce fait, s'engage sur ce chemin et se reconnait soi-même créateur de l'univers parvient à la réalisation (siddhyati) sitôt qu'il pénètre le domaine indifférencié qu'est l'état de Shiva (shivata).

Voie méconnue, enfouie au coeur de tous les textes sacrés, et de ce fait restée secrète, cette (approche) toute nouvelle (abhinava) apparaît aisée car dénuée des tourments (klesha) liés aux pratiques internes et externes telles que le contrôle du souffle (pranayama), etc...C'est ainsi que l'évoque l'excellent et illustre maître Somananda dans son traité intitulé 'Vision de Shiva'. Et nous avons tenté, tout au long de cet ouvrage, de mettre en lumière le contenu de son enseignement, chassant les doutes et repoussant les objections émises à son encontre par les protagonistes des autres systèmes. En vérité, la teneur de cet enseignement trouve un écho favorable auprès de maîtres divers, en de nombreux textes sacrés, et se vérifie également à l'épreuve de notre expérience personnelle! (Fort de cette foi en notre traité) l'aspirant fervent focalise toute l'énergie de la conscience sur le sens de ses propos, et réalise qu'il détient en soi la souveraineté (aisvarya) caractérisée par l'efficience cosmique (vishvakartritva); grâce à cet élan d'adhésion totale et à travers cette prise de conscience (paramarsha) il devient libéré-vivant (jivanmukta) et le Seigneur Shiva en personne. Voici à ce propos quelques versets du maître extraits de la Shivadrishti :

''Lorsqu'on sait, grâce à une conscience (pratipati) inébranlable, l'essence de Shiva présente en tout ce qui existe, à quoi bon avoir recours à la contemplation (bhavana) ou à tout autre moyen? Sitôt l'or connu, a-t-on encore besoin de l'évoquer (bhavana) ou de quelqu'autre investigation? Cette connaissance-là, en effet, est irréfutable, à l'image de celle que nous avons de nos parents!"

Ayant ainsi réalisé son identité à Shiva, si l'on demeure à jamais imprégné de cette réalité et que l'on y plonge la triade complète composée du corps et du souffle, de l'intellect et du vide (shunya, cad le monde des objets non-sensibles), ou bien deux sinon un seul de ces éléments, on a alors accès à l'intégralité des pouvoirs surnaturels (vibhuti) et même au suprême (parivibhuti)

Verset 17 - Même si elle se tient auprès de ce bien-aimé dont elle a enfin gagné la faveur au prix d'infinies prières, cette présence ne comblera pas de joie celle qui l'attend aussi longtemps que cette jeune femme ne l'aura pas reconnu d'entre les hommes ordinaires !

Ainsi, à l'image de ce héros dont les vertus passent inaperçues, le Seigeur universel, essence de toute chose, n'apparaît pas dans sa gloire innée.

Une jeune femme sent grandir en elle un puissant amour pour un héros dont elle a appris les (merveilleuses) qualités. Pleine de désir pour lui, aspirant par-dessus tout à le rencontrer, elle se montre impuissante à maîtriser les élans de son coeur; nuit et jour, elle implore les dieux, demande des messagers qui emportent vers l'aimé ses lettres et lui révèlent le trouble profond qui la tourmente. Elle ne quitte plus le seuil de sa demeure, et son corps de jeune liane, éprouvé par un éloignement trop cruel, se dessèche. Mais cédant enfin à ses prières et à son désir, voici que ce héros soudain se tient devant elle; mais bien qu'elle regarde son bien-aimé, elle ne le distingue aucunement des hommes ordinaires, car elle n'emprunte pas la voie de la prise de conscience (paramarsha marga) (qui lui révèlerait) l'excellence de ses qualités. Ainsi sa vision, bien qu'effective, ne comble pas son coeur!

Il en va de même pour le Seigneur, Soi universel, car, bien qu'il resplendisse sans trêve, ce rayonnement (nirbhasana) ne comble pas de plénitude le coeur des hommes. Ils ne réalisent pas en effet que ce Soi détient la souveraineté ultime (paramaishvarya) caractérisée par sa propre énergie de connaître, d'agir, etc... Dénuée d'obstacles et universelle; de même, tout ce qui existe, jarre, etc..., brille (non distinct du Soi).

Mais, lorsque soudain, sur une parole (du messager) ou par la reconnaissance d'une caractéristique du héros ou à l'aide d'un autre moyen peut-être, la jeune femme prend enfin parfaitement conscience des qualités éminentes du héros (qui se tient devant elle) comme étant celles-là mêmes de son bien-aimé, alors en un instant cette subite réalisation fait s'épanouir son coeur et la comble de plénitude. Ainsi, grâce au plaisir renouvelé de l'union, elle accède à la quiétude et aux autres (saveurs de l'apaisement).

De même, lorsque dans son coeur on identifie son propre soi à la sublimité de Seigneur suprême grâce à la parole du maître, ou la reconnaissance (abhijnana) de traits caractéristiques (qui lui sont propres telles) les énergies de connaissance et d'action etc, alors survient à cet instant la libération dans la vie (Jivanmukti) qui est la plénitude même. Par la saveur réitérée de l'absorption (samavesha), l'on accède aux pouvoirs divins (vibhuti). Seule la reconnaissance du Soi est donc à l'origine des perfections surnaturelles (siddhi), inférieures et supérieures.

Ce traité (shastra) est un bienfait ineffable accordé à tous les hommes car il offre le fruit suprême (mahaphala). Souhaitant éveiller chacun

à la reconnaissance et éveiller la confiance envers cette voie par la remémoration des qualités éminentes qui en résultent, ainsi que du nombre important d'êtres pleinement réalisés (prasiddha) qui l'ont empruntée,l'auteur cite le nom de son père en conclusion :

verset 18 - Voici la Reconnaissance du Seigneur, composée par Utpaladeva, fils d'Udayakara, afin que chacun accède sans effort (ayatna) à la Réalisation (siddhi, avec ses deux sens de pouvoirs surnaturels et de Réalisation complète).

Traduit du sanskrit par Colette Poggi

 


LE MARCHAND ET SES TROIS FILS

Conte du sud de l'Inde

 

Il était une fois un marchand qui avait trois fils. Sentant sa fin prochaine, il appela et leur dit : je lèguerai mon commerce à celui d'entre vous qui saura le plus faire preuve d'intelligence. L'épreuve consiste à remplir complètement une pièce en dépensant le moins d'argent possible.

Le premier fils remplit une pièce entièrement de coton : lorsqu'il ouvrit la porte, le père ne fut pas convaincu. Le second fils en remplit une autre de paille, qui tomba sur la tête du père quand ce dernier ouvrit la porte; il ne fut pas non plus convaincu. Le troisième fils ramassa sur le bord de la route un tesson de poterie et un bout de ficelle, acheta pour un dixième de roupie d'huile, constitua une petite lampe et l'alluma au milieu de la chambre obscure, si bien qu'elle était remplie de lumière quand le père en ouvrit la porte. Ravi, le vieil homme confia son héritage au troisième fils.

 


 

LA COMPASSION DE MA A TRAVERS SA CORRESPONDANCE

(Raconté par Rajat Rumar Narayan le soir de Guru Purnima)

 

Rana Gosh, le fils de Shailen Gosh, un ancien fidèle de Ma très connu à Calcutta, partait faire des études en Occident pour environ deux ans. Au moment de prendre la bénédiction de Ma, celle-ci lui dit 'Ecris-moi toutes les semaines.' 'Ma, je vais sans doute être à court de choses intéressantes à raconter!' 'Ce n'est pas grave, parle-moi de ta vie, de ce que tu penses, de ce que tu manges, dis-moi ce que tu veux mais écris-moi toutes les semaines.'

Et la chose étonnante, c'est que Ma lui a aussi répondu toutes les semaines, ce qui fait que Rana a une collection d'environ 108 lettres dictées par Ma. L'autre chose étonnante était que lorsqu'une réponse de Ma 'arrivait', c'est à dire environ trois semaines après avoir été écrite, il y avait dedans la solution de problèmes qu'il se posait au moment même ou dans les jours juste précédents. Maintenant encore, il reprend ces lettres de Ma et trouve des solutions à ses problèmes actuels.

En 1981, ma mère (elle-même la fille de Bajaj, qui a connu Ma, était trésorier du Congrès et parmi les proches de Mahatma Gandhi) avait 65 ans environ. Sa santé n'avait pas été bonne dans les années précédentes, et elle a fini par avoir une occlusion intestinale à cause d'adhérences dues à une tuberculose de la région. C'était une urgence chirurgicale, on a ouvert l'abdomen, retiré cinq litres de liquide d'ascite, vu qu'on ne pouvait pas opérer l'intestin lui-même qui était trop atteint, et on a refermé. A ce moment-là, Ma était à Naimisharanya où il n'y avait pas de téléphone. J'ai quand même réussi à joindre un opérateur qui habitait à trois kilomètres de là où se trouvait Ma et qui a été faire la Commission à Bhaskarananda. Ma a répondu un télégramme où elle disait comme à son habitude dans ces cas-là :'Faites le meilleur traitement et priez Dieu.' Peut-être avait-elle ajouté 'Tenez-moi informée'. Pendant les vingt jours post-opératoires où l'état de ma mère restait grave, j'ai envoyé à Ma un télégramme quotidien. Cinq jours après l'intervention, les intestins ont recommencés à fonctionner, les médecins ont dit que c'était un miracle, et finalement elle s'en est sortie. Elle est toujours bien vivante et va fêter ses 80 ans le mois prochain.

Ma, j'ai entendu dire qu'il est nécessaire de tester le Guru et que le disciple doit aussi être testé par le Guru. Avant même que la question ait été complètement énoncée, Ma répliqua 'Savez-vous comment c'est? C'est exactement comme on examine le gendre avant de lui donner la fille en mariage. Une fois que le mariage est célébré, on est supposé ne plus poser de questions'.

 


 

ENTRE REVE ET REALITE

Pensées extraites du Yoga-Vasishta

Introduction

Le Yoga-Vasishtha est un texte médiéval indien qui présente l'enseignement du sage (rishi) Vasishta à Rama adolescent, celui-ci étant un avatar, c'est à dire une descente du divin venue sur terre pour rétablir la loi juste, l'ordre du monde (dharma). Il est intéressant de noter qu'en Inde, même des avatars comme Rama et Krishna jouent le jeu du disciple pour s'adapter à la société et à la culture dans laquelle ils sont venus.

La première partie de l'ouvrage est une longue réflexion de l'adolescent Rama frappé par l'absurdité de l'existence, et se mettant à chercher un sens. Par son discernement aigu, il développe un intense sens du détachement. Il conclut en demandant à Vasishtha qui l'écoutait avec toute la cour :'Qui sont ces héros qui le sont libérés de l'illusion? Et quelles méthodes ont-ils adopté pour se libérer? Si vous considérez que je suis ni compétent, ni capable de comprendre cela, je vais jeûner jusqu'à ce que mort s'ensuive." (I, 31) Vasishtha et toute la cour louent l'intensité du jeune prince, et à partir de là commence l'enseignement à proprement parler.

Une ides fondamentale du texte, c'est que le monde est un rêve, et que seule la Conscience absolue peut être considérée comme réelle. En philosophie, on appelle ce point de vue le subjectivisme absolu. Cette doctrine est directement influencée par l'école bouddhiste du vijnanavada. C'est en quelque sorte une exagération du védanta classique de Shankarâcharya, qui ne va pas jusqu'à dire que tout est rêve, mais qui dit simplement qu'on ne peut affirmer formellement ni l'existence, ni la non-existence du monde tel qu'il nous apparaît. Pour le sage, cette question reste comme en suspens. Au départ, le chercheur spirituel est influencé par le matérialisme environnant, et cette méditation consistant à voir le monde comme un rêve est une étape permettant de le déconditionner de cette influence. Si un carton est plié dans un sens, on le plie complètement dans l'autre sens pour que finalement il redevienne droit.

Cet enseignement non-dualiste est considéré dans la tradition indienne comme le couronnement de toute une évolution qui passe par la pratique des rituels, une vie religieuse et le plus souvent l'expérience durant de nombreuses années de la dévotion à un Dieu personnel. Il s'agit d'un enseignement élevé, nécessitant en pratique une préparation pour être réalisé. Cependant, une vision intellectuelle claire du but non-duel de l'évolution intérieure est une grande aide même pour le débutant.

L'enseignement est illustré par nombre d'histoires à tiroir où le héros s'endort au cours d'un rêve, et fait un autre rêve où il revient à la réalité de départ, sans plus trop savoir où il en est. Tout ceci a pour but d'assouplir notre croyance dogmatique et quasiment jamais remise en question en la réalité de l'apparence du monde extérieur. Pour le Yoga-Vasishtha, l'étre libéré (jivan-mukta) est celui qui peut agir tout en gardant un état de sérénité et d'unité intérieure comme, s'il était en état de sommeil profond.

Comme dans le zen, le Yoga-Vasishtha insiste sur la nécessité d 'aller au-delà du corps et du mental. Le méditant avancé qui y réussit peut alors avoir une expérience trés positive de ces deux niveaux, qui deviennent des serviteurs obéissants pour celui qui sait comment les prendre. Nous citons ci-dessous un beau passage sur le sage considéré comme roi de son propre corps.

Voir le monde comme un rêve a été source de sagesse et d'inspiration non seulement pour l'Orient, mais aussi pour l'Occident, bien que de façon moins systématisée philosophiquement et mystiquement parlant. Nous pouvons citer par exemple ces réflexions de Clotaldo extraites de 'La vie est un rêve' de Pedro Calderon de la Barca (1600-1681), le célèbre dramaturge madrilène : "Et qu'arriverait-il si notre vie à l'état de veille, comme notre sommeil, n'était qu'un rêve dans cette vie éternelle à laquelle nous ne nous éveillerons qu'au moment de nous endormir dans la mort?"...."Et toute cette scène de théâtre de note vie sur terre, où nous semblons être des acteurs si occupés, et les rôles que nous jouons ne sont pas plus substantiels que l'ombre d'une ombre, et le fait de rêver n'est qu'un rêve dans le rêve!"(Acte III)

Les extraits ci-dessous ont été traduits de l'édition anglaise de Swami Venkatesananda (Divine Life Society, Rishikesh). C'est une version semi-abrégée, en 750 pages, du texte sanskrit oiginal.

Quand l'esprit est en paix et que le coeur va d'un bond jusqu'à la vérité suprême, quand toutes les vagues de pensées gênantes qui agitent la substance mentale se sont apaisées, qu'il y a un flot de paix ininterrompu et que le coeur est empli de la félicité de l'Absolu, quand on a vu de cette façon la vérité dans le coeur, ce monde même devient une demeure de félicité.(II,12)

Celui qui n'est pas affecté par les autres tout en vivant au milieu d'eux, qui n'a ni excitation ni haine comme quelqu'un pendant le sommeil, celui-là a atteint le Contrôle de soi.(II,13)

Même les paroles d'un jeune garçon doivent être acceptées si ce sont des paroles de sagesse; si elles n'en sont pas, rejette-les comme de la paille, fussent-elle prononcées par Brahman le créateur lui-même.(II,18)

Ce n'est pas faire preuve de sagesse que de déclarer la vérité ('Brahman seul est réel') à l'ignorant. En effet, la réalité de l'apparence du monde qui a pris profondément racine dans le coeur de l'ignorant, ne sera pas dissipée si ce n'est par un questionnement profond à propos du sens des Ecritures.(IV, 31)

Ne sois pas mené par les autres; seul les animaux sont menés par les autres. Réveille-toi du sommeil de l'ignorance. Réveille-toi et bats-toi pour mettre fin à la vieillesse et à la mort.(IV,32)

La non-reconnaissance de l'existence de la paix suprême dans le coeur et la croyance a priori en la réalité de facteurs en faits imaginaires, tout cela est né d'une connaissance imparfaite et de la logique pervertie qui en résulte. (II, 20)

Pour l'ignorant, ce corps est source de souffrance; mais pour celui qui est éveillé, ce corps est la source d'une joie intense et infinie. Tant que le corps existe, le sage en retire un grand plaisir et la joie de l'éveil, et quand le compte de ses jours touche à sa fin, il ne considère pas du tout cela comme une perte. Puisque c'est par le corps que le sage fait l'expérience des différents sens et gagne l'affection et l'amitié des autres, c'est pour lui une source de bénéfice. Tant qu'il demeure dans cett cité appelée corps, l'être éveillé règne avec bonheur, à la manière d'Indra le roi des cieux dans sa capitale...Celui qui habite un corps entre légèrement en contact avec celui- ci tant qu'il dure, mais n'est plus touché par lui quand il s'en va, de même que l'air touche un vase qui existe, et non pas un qui n'existe pas... De même que si vous savez que quelqu'un est un voleur et que vous êtes en rapport avec lui en tenant compte de cette information, il peut devenir votre ami, de même quand vous profitez des objets extérieurs en connaissant leur vraie nature, ils vous procurent de la joie. Le sage qui a dépassé tous les doutes et dans lequel il n'y a pas d’image de soi règne suprême dans le corps.(IV,23)

Pour le sage, le mental est un serviteur obéissant, un bon conseiller, un maître des sens compétent, une femme agréable, un père protecteur et un ami fidèle. Il le pousse à faire de bonnes actions.(IV, 24)

Tel l'effort, tel son résultat, ô Rama; c'est ce que signifie l'effort qu’on fait

Par soi-même sur soi-même et on l'appelle aussi destinée ('daiva'; qui peut également signifier ‘dieu’). Quand ils sont en proie à la souffrance, les gens se mettent à pleurer 'Malheur ! Quelle tragédie!' 'Hélas, voyez quel est ma destinée!', les deux signifiant la même chose. Ce qui est appelé destinée ou volonté divine n'est rien d'autre que l'action ou l'effort du passé. Le présent est infiniment plus puissant que le passé. Il sont en fait stupides, ceux qui sont satisfaits avec les fruits de leurs efforts passés (qu'ils considèrent comme la volonté divine) et ne s'engagent pas dans un effort sur eux-mêmes dans le présent...Le sage doit bien sûr savoir ce qu'on peut obtenir par l'effort, et ce qu'on ne peut pas...Rama, ce sage Vishvamitra est devenu un Brahmarishi par l'effort; nous tous (les autres rishis, les sages à l'origine de l'hindouisme) avons atteint la connaissance de nous-même par l'effort seulement. C'est pourquoi, renonce au fatalisme et fais effort. L'effort spirituel est rendu en sanscrit par 'purusharta' qui signifie aussi ' le but de l'homme ', et éventuellement 'la richesse de l’homme’.(II, 6, 8)

Celui qui voit que le plaisir et la douleur se chassent et s'annulent l'un l'autre retire de cette sagesse le contrôle de lui-même et la paix. Celui qui ne voit pas cela dort dans une maison en flammes.(II,13)

L'Un ne devient jamais multiple, ô Rama. Quand de nombreuses bougies sont allumées successivement l'une à partir de l'autre, c'est la même flamme qui brûle en chacune d'elle; de même, le Brahman unique semble être multiple. Quand on contemple l'irréalité de cette diversité, on est libéré de la souffrance.(lII, 66)

(Vasishtha raconte l'histoire d'une femme démon, Karkati, qui après un certain temps se retire dans l'Himalaya, tourne complètement son attention vers l'intérieur et obtient la Réalisation. Il en fait l'éloge en ces termes) : 'Elle a atteint la connaissance directe de la cause suprême de toute chose, de la cause sans cause par son propre examen de l'intelligence au-dedans d'elle même. ô Rama, il est certain qu'une recherche directe dans les mouvements de pensée de sa propre conscience ne représente nul autre que le guru ou le précepteur suprême.(III, 75)

(Comme il faut quand même qu'elle se nourrisse, Karkati obtient des dieux l'autorisation de dévorer ceux qui sont réfractaires à l'enseignement de sagesse... Elle rencontre dans une forêt profonde un roi et son ministre et pose au monarque des sortes de questions de Sphinx à propos du Soi) : '0 roi, qu'est-ce qui est un et pourtant multiple, et dans lequel des millions d'univers se fondent comme les vagues dans un océan? Qu'est-ce qui est pur espace, bien qu'il ne semble pas être ainsi? Qu'est-ce qui est moi en toi et toi en moi; qu'est-ce qui bouge et pourtant ne bouge pas, qui demeure immobile bien qu'en fait il n'en soit pas ainsi; qu'est-ce qui est un rocher, bien que conscient, et qui joue des tours merveilleux dans l'espace vide; qu'est-ce qui n'est ni le soleil, ni la lune ni le feu et pourtant brille éternellement; qu'est-ce qui n'est autre que le soi à l'intérieur de chacun, mais qui pourtant n'est retrouvé qu'après de nombreuses existences d'efforts persistants et intenses ?

Qu'est-ce qui se manifeste et s'évanouit en alternance, de même que l'arbre vient de la graine et que la graine vient de l'arbre successivement.' O roi, quel est le créateur de cet univers, par le pouvoir duquel tu fonctionnes comme roi, protégeant tes sujets et punissant les méchants? Qu’est-ce qui, par le simple fait d'être vu, purifie votre vision et vous fait exister comme 'cela' seulement, sans division? O roi, pour échapper à une mort certaine, réponds à ces questionne (III, 79). Le roi répond qu'il s'agit du Soi, et il est sauvé avec son ministre.

Vashista dit: Quand deux êtres éveillés se rencontrent, leurs coeurs fusionnent dans la paix et la félicité, de même que les eaux de deux torrents se melent à leur confluent.(III, 78)

Dans l'espace de la conscience, qui est aussi minuscule qu'un atome, toutes les expériences existent, de même que dans une goutte de miel il y a l'essence subtile des fleurs, des feuilles et des fruits. De cette conscience se développent toutes les expériences, car le fait d'expérimenter est le seul expérimentateur (les deux n'étant pas différents de la conscience).(III, 81)

Le sage ne désire pas agir; et il ne désire pas non plus abandonner l'action. (III , 88)

La maladie physique ou psychique, pas plus que les malédictions ou le 'mauvais oeil', ne peuvent toucher le mental de celui qui se consacre au Soi; de même, une fleur de lotus ne peut casser en deux un rocher en tombant dessus. C'est pourquoi on doit s'efforcer avec le mental même d'amener le mental à prendre la route qui est pure.(III, 92)

Quand la conscience abandonne la recherche consistante de soi (et du Soi) et se laisse aller à jouer avec les innombrables pensées qui vont et viennent, on l'appelle conscience individuelle.(III, 96)

Quand on l'observe en profondeur, le mental s'absorbe dans son substrat, et quand il s'absorbe de cette façon, il y a la félicité suprême. (III, 97)

(Voici maintenant un conte typique du Yoga-Vasishtha, nous donnant le goût de dépasser le labyrinthe de nos formations mentales) :

"Un jeune garçon demanda à sa grandmère de lui raconter une histoire, ce qu'elle fit tandis qu'il écoutait avec grande attention :

"Il était une fois une cité qui en fait n'existait pas; y demeuraient trois princes qui étaient joyeux et pleins de valeur. Des trois, deux n'étaient pas nés et le troisième n'était pas conçu. Le malheur voulut que toute leur famille meure. Les princes quittèrent leur ville de naissance pour aller ailleurs. Incapable de supporter la chaleur du soleil, ils s'évanouirent au bout de peu de temps. Leurs pieds étaient brûlés par la chaleur intense du sable, les pointes des herbes desséchées les perçaient. Ils parvinrent à l'ombre de trois arbres, parmi lesquels deux n'existaient pas et le troisième n'était pas même planté. Après s'être reposés là pendant quelques temps et avoir mangé les fruits de ces arbres, ils reprirent la route.

Ils atteignirent les berges de trois rivières; des trois, deux étaient sèches et dans le troisième il n'y avait pas d'eau. Les princes y prirent un bain rafraîchissant et y apaisèrent leur soif. Ils arrivèrent ensuite dans une grande cité qui était sur le point d'être construite. En y entrant, ils y trouvèrent trois palais d'une beauté sans égale. Des trois, deux n'avaient pas étés du tout construits, tandis que le troisième n'avait pas de murs. Ils pénétrèrent dans le palais et trouvèrent trois plats en or; deux d'entre eux avaient été brisés, et le troisième franchement réduit en poussière. Ils saisirent celui qui avait été pulvérisé. Ils prirent 99 moins 100 grammes de riz et le mirent à cuire. Ils invitèrent alors trois hommes de Dieu pour être leurs hôtes; des trois, deux n'avaient pas de corps et le troisième n'avait pas de bouche. Une fois qu'ils se furent restaurés, les trois princes mangèrent les restes ('prasad', considéré comme nourriture sacrée). Ils en retirèrent un grand plaisir. C'est ainsi qu'ils vécurent en cette cité pour bien longtemps, dans la paix et la joie." Mon enfant, voici une légende extrêmement belle; je t'en prie, souviens-t-en toujours et tu deviendras un homme de savoir.'(III, 101)

Le mental prend la forme même de ce qu'on contemple, que ce soit un élément de la nature ou de la culture. C'est pourquoi contemple résolument, mais intelligemment aussi l'état au-delà de la souffrance, libre de tous les doutes. Le mental est capable de se maîtriser lui-même; de fait, il n'y a pas d'autre voie.(III, 112)

O Rama, abandonne le conditionnement mental qui est seul responsable pour la perception de la dualité, et demeure totalement non-conditionné. Tu parviendras alors à un niveau de prééminence vis-à-vis de tous. (III, 114)

Toute relation est réalisation de l'unité qui existe déjà; on ne la regarde comme relation qu'à cause de la croyance fausse et illusoire d'une division entre sujets et objet. En fait, il n'y a qu'un Tout, la Conscience infinie.(III, 121)

Le jeune méditant dans la forêt paraissait avoir atteint un état de quiétude totale du mental, où le jeu des pensées et contre-pensées avait cessé. Il était absolument pur, comme un cristal qui n'est pas même intéressé à refléter ce qui est autour de lui.(IV, 14)

Aussi longtemps qu'on voit ce qui est vu avec le sentiment intérieur qu'il s'agit d'objets de perception (différent de soi-même), la réalisation de Brahman est de fait bien éloignée.(IV, 18)

C'est quand on expérimente la vérité qu'on est libéré de l'illusion. Du même coup, son désir forcené pour les plaisirs s'atténue. C'est la seule preuve de sagesse. Un pot de nectar en peinture n'est pas du nectar, ni une flamme en peinture une flamme, et la peinture d'une femme n'est pas une femme : les paroles de sagesse ne sont que des mots, pas de la sagesse tant qu'elles ne sont pas concrétisées par l'absence de désir et de colère.(IV, 18)

Celui qui est empli du lait de la douceur humaine est sûrement la demeure du Seigneur Hari (Vishnou, qu'on dit reposer allongé sur l'océan de lait). (IV, 32)

Quand le mental a été purifié par des pensées et des actions pures, il adopte la nature de l'infini, de même qu'un vêtement pur prend la couleur facilement.

 Quand le mental abandonne la relation de sujet à objet qu’il a avec le monde, il est absorbé instantanément dans l'infini.(IV, 35)

 


NOUVELLES

 

- Mort de Maroni au mois d'août : Maroni était la petite fille de la soeur de Didima (la mère de Ma). Le mari de Ma, Bholonath, s'était pris d'affection pour elle et l'avait adopter. Elle avait donc été éduquée de très près par Ma, elle dormait quand elle était petite avec Ma et Bholanath. Elle était souvent à Kankhal. Au dernier anniversaire de Ma, elle avait chanté des bhajans, ce qu'elle faisait toujours avec une grande énergie. Elle avait plus de 70 ans, avait été mariée mais vivait depuis longtemps dans les ashrams de Ma. Quelques jours avant son décès subit et inattendu, elle était venue saluer Vijayananda comme elle le faisait souvent le soir en face du samadhi, mais cette fois-ci elle lui avait dit : 'Vijayananda, je vous aime beaucoup'. A la fin de sa vie, elle avait pris comme nom 'Niropa Ma' 'mère sans forme', comme si elle se préparait à quitter sa forme corporelle.

- Le Centre international a commencé à être fonctionnel début août, avec comme premiers hôtes Chantale et Jean-Luc de Plougastel en Bretagne, lecteurs de Jay Ma et suivant la voie spirituelle du Yoga. Une bibliothèque a été constituée, et Shantimayi (Karine Huvelle) va s'installer au Centre à long terme à partir de début Octobre. Elle a eu un visa de touriste de cinq ans pour l'Inde tout récemment, ce qui est une sorte de miracle car cette forme de visa ne se donne plus.

- Nous avons reçu la visite de deux groupes français, l'un avec Daniel Maurin et l'autre avec Jean-Yves Leloup.

- La samyam saptah aura lieu du 6 au 13 novembre. Mieux vaut réserver pour ceux qui voudraient résider à cette époque au Centre International; le Centre n’a pas encore la liaison téléphonique, mais en cas de besoin on peut téléphoner à l'ashram : 19 91 133 42 65 75

- La pleine Kumbha-Mela d'Hardwar, où l'on attend une dizaine de millions de personnes, commencera progressivement à partir de mi-janvier pour battre son plein à partir de Shiva-Ratri (fin février environ) et atteindre son maximum pour Mesh Sankranti, le 13 avril. Les trustees du Centre international ne sont toujours pas décidés pour savoir s'ils doivent prendre des réservations pour cette période.

 


ABONNEMENTS

 

Pour les nouveaux souscripteurs, l'abonnement est de 40 Frs et va du prochain numéro jusqu'à l'automne 98 inclus. Chèques à adresser à l'ordre de Jacques Vigne à Mme Vigne 95 rue J.Dulud 92200 Neuilly

 

 

 

 

JAY MA n°48

PAROLES DE MA

 

Gardez présent à l'esprit que le nom de Dieu, c'est Lui-même: qu'il soit votre compagnon inséparable. Faites de votre mieux pour ne jamais vous trouver sans Lui. Plus votre effort pour demeurer en sa présence sera intense et continu, plus vous aurez de chances de devenir joyeux et sereins.

***

L'intensité du désir pour la Réalisation de Dieu est en soi la voie qui y mène.

Combien de temps allez-vous passer dans une auberge en chemin? N'avez-vous pas envie de revenir à la maison? Comme tout ceci est merveilleux!...En son propre Soi, on est à la fois le pèlerin, l'exil, le retour à la maison et la maison elle-même...on est soi-même tout ce qui existe...

***

Question: Ma, pourquoi perdez-vous votre temps avec nous? Nous n'avons pas d'appétit pour ce type de vie.

Shri Ma: Comme vous avez raison! Mais serez-vous d'accord avec moi qu'un état de 'non-appétit' est un état de mauvaise santé? (rires) Eh bien, dans ce cas on peut retrouver une bonne santé en prenant un régime et des médicaments appropriés. Le régime approprié, c'est la satsang -chercher la compagnie de gens spirituels et lire de bons livres, et le médicament, c'est le japa régulier. Que vous aimiez cela ou non, consacrez un peu de temps chaque jour à l'habitude de faire un peu de nama-japa; vous verrez que petit à petit votre 'appétit' va s'éveiller et fonctionner normalement!

***

Q: On dit que Brahman est inconnu, donc pourquoi essayer de le découvrir.

Shri Ma: Si je vous demande de décrire cette fleur, vous direz qu'elle est rouge, que c'est une rose, etc... mais vous n'arriverez jamais à exprimer pleinement ce que cette fleur est. Il en va ainsi de chaque chose, qui est à la fois connue et inconnue, manifestée et non-manifestée. C'est comme c'est.

***

Q: Ma, la vision de Dieu est-elle possible de nos jours?

Shri Ma: Pourquoi 'de nos jours'? Elle a toujours été possible.

***

Q: Je veux dire directement, avec vos yeux?

Shri Ma: Une vision claire comme le jour, voilà sa nature; si vous L'appelez, il va apparaître. L'âme humaine s'appelle jivatma et non pas paramatma. Le jiva tourne en un cercle clos de naissance et de mort. Dans une mare d'eau stagnante les bactéries se multiplient et des êtres vivants se développent également; mais après un processus de purification l'eau redevient pure. Ainsi, jiva est en réalkité paramatma. Ce qui vous fait être un jiva (créature), c'est le doute que Dieu n'est pas en vous. C'est un écran illusoire, retirez-le et Dieu se tiendra devant vous dans toute sa Gloire!

***

A: Pourquoi doit-on considérer le Guru comme Dieu?

Shri Ma: Lui seul est, c'est pour cela que le guru est Dieu. Qui donc si ce n'est Dieu peut vous enseigner à propos de vous-même? Si vous pensez à votre Guru comme un homme, alors il n'est pas Guru, et si il est Guru, il n'est pas un homme. Si vous voyez Shiva comme un pierre, il n'est pas Shiva mais une pierre. Un voile vous empêche de réaliser la Vérité. Ce voile est retiré par la grâce du Guru.

(Extraits de Bithika Mukerji 'In your Heart is my Abode' Shree Shree Ma Anandamayee Sangha, 1995)


 

REPONSES DE VIJAYANANDA

Q: La Kumbha-Mela est en cours à Hardwar; comment vous situez-vous par rapport à cette forme de l'hindouisme pour les masses?

V: La Kumbha-Mela est une grande réunion (je dirais presque une foire) qui a lieu tous les douze ans à quatre endroits différents (Hardwar, Allahabad, Ujjain et Nasik) à des dates différentes. Elle attire d'énormes foules de pèlerins et de sadhus (on dit une dizaine de millions ou plus). La tradition dit que c'est un devoir religieux pour les sadhus de sortir de leur retraite pour venir y assister. C'est donc une occasion de rencontrer des sages qui, le reste du temps, seraient inaccessibles. Et même si on ne les rencontre pas, leurs vibrations associées à la ferveur religieuse des grandes foules créent une atmosphère spirituelle formidable qui vous imprègne qu'on le veuille ou non. C'est une occasion importante de parfaire sa vie spirituelle soit par les vibrations soit même par les conseils pratiques si on a la chance de rencontrer un grand sage. En outre, le bain dans le Gange à l'endroit sacré et à l'heure de bon auspice est censé donner la libération du cycle des naissances et des morts (post mortem) ou du moins purifier des péchés les plus sérieux.

La légende veut qu'au début de la création quand il y eut le barattage de la mer de lait il en sortit entre autres merveilles une jarre (kumbha) pleine de nectar d'immortalité. Une grande bataille commença entre les dieux et les démons; chacun voulant prendre possession de cette jarre. Au cours du combat, quelques gouttes du précieux liquide tombèrent à quatre endroits en Inde : Hardwar, Allahabad (Prayag), Ujjain et Nasik. Et la Kumbha-Mela veut commémorer ces évènements.

La foi intense des pèlerins et des moines crée une énorme atmosphère spirituelle qui influence même ceux qui ne croient pas à ces légendes. Et cette imprégnation peut être le départ d'une vie spirituelle ou intensifier les pratiques de ceux qui sont déjà sur e chemin.

A: Si quelqu'un de proche ne va pas bien mais ne veux pas écouter ce qui peut l'aider, que faire?

V: Ramakrishna disait qu'il y avait quatre sortes de guides spirituels comme il y avait quatre sortes de médecin.

1) Le médecin ordinaire fait son ordonnance, donne des conseils à ses malades puis ne s'en occupe plus.

2) Le médecin de la seconde catégorie va revoir son malade et s'enquiert s'il a bien suivi ses conseils et s'il a pris ses médicaments; mais s'il voit que le malade est réticent, il ne s'en occupe plus.

3) Le médecin de la troisième catégorie essaye de convaincre son malade, lui explique tous les avantages qu'il a à suivre son régime, et y consacre beaucoup de son temps. Mais s'il voit que l'individu est complètement bouché, il le laisse finalement tomber.

4) Mais le médecin de la quatrième catégorie (la meilleure selon Ramakrishna) ne se décourage pas. S'il n'a pas réussi à convaincre son malade, il l'immobilise et lui fait avaler les médicaments de force. Maintenant; si un de vos proche ne vous écoute pas, à vous de choisir la méthode qui convient le mieux. Cela dépend de la nature de la personne et du degrè d'amour qu'on a pour elle. Mais qui sait ce qui est bien pour telle ou telle personne? Seul un sage parfait peut le savoir. Et si ce sage parfait a une relation authentique avec ce disciple, il emploiera la force, si nécessaire, pour le ramener sur le bon chemin.

Q: Comment dépasser la négativité du mental en méditation?

V: Quand le mental est en tamoguna (la qualité de torpeur), il donne une impression de négativité. Il faut attendre que le guna change en Raja ou en Satva, et utiliser la période de torpeur comme on peut, en répétant le mantra (japam), en lisant des textes sacrés, ou en utilisant d'autres méthodes qui se sont montrées utiles dans des occasions semblables.


 

LETTRES A PRAN GOPAL MUKERJEE

 Les pages qui suivent consistent en la traduction de lettres à propos de Ma; elles ont été écrites en Bengali dans les années 1925-1926; c'est à dire le tout début de la vie publique de Ma; leur point commun, c'est qu'elles ont le même destinataire, Pran Gopal Mukerjee, l'un des premiers fidèles de Ma, un des premiers aussi à parler d'elle à un vaste public. Il occupait des fonctions administratives importantes, étant Directeur général adjoint des Postes à Dhaka, la capitale actuelle du Bengladesh, et il était disciple d'un maître renommé, Vallananda Brahmachari de Deogarh au Bihar.

Le fils de Pran Gopal, Govind Gopal est lui-même un pandit réputé: il a donné le paquet de lettres à Swami Nirvanananda de Dehradun. Swami Nirgunananda (Shantivrat) en a fait des copies et les a traduites du bengali en anglais à l'ashram de Ma Anandamayi à Dhaulchina (près d'Almora, Kumaon, Himalaya), qui est à vrai dire un ermitage où il réside depuis douze ans; avant lui, Swami Vijayananda avait passé sept ans de solitude à cet endroit. Swami Nirgunananda fait partie du cercle intérieur des disciples de Ma. La traduction a été prise en note et tapée par Jacques Vigne qui était à cette époque (mars 98) en retraite à Dhaulchina.

Cette sélection de textes est simultanément publiée pour ce numéro du Jay Ma, pour le site Internet de Ma en français et en anglais et pour la version bengali d'Amrita Varta. Bien que cette correspondance n'apporte pas de notions révolutionnaires à propos de Ma, elle offre un matériel de première main qui a le parfum de fraîcheur émanant des récits de témoins directs des évènements.. De plus, ils confirment l'authenticité d'épisodes rapportés par Gurupriya Devi dans son journal, ou par Bhaiji dans Matri Darshan, comme la Kali Puja de 1925 à Dhaka ou la maladie de Bholonath en 1926, qui a été suivie par une période de jada samadhi (samadhi inerte) de Ma.

En avril 1924, Ma et Bholonath ont déménagé de Bajitpur à Shahbag, un grand jardin de Dhaka appartenant à la fille du Nawab de la ville. Ma avait commencé à cette époque son 'jeu de sadhana' qui lui a permis d'explorer en un temps court les différentes sortes de sadhana possibles, mis à part le tantrisme de la main gauche. Cela lui a permis de guider par la suite chaque sadhaka dans sa propre voie spirituelle, une capacité rare chez les autres gurus. Elle avait observé une période de 23 mois de silence jusqu'en décembre 1925 et elle avait annoncé en début 1926 qu'elle souhaitait reprendre une période de semi-silence pendant cinq ans, où elle ne répondrait qu'aux questions portant sur des sujets religieux.

Finalement, elle abandonna cette idée à cause des supplications de ses fidèles et de son entoura ge familial. A cette époque, et ce pendant plusieurs mois, elle ne mangeait que très peu : trois bouchées de nourriture, y compris l'eau, les lundis et jeudis, et seulement cinq grains de riz les autres jours. Malgré cela, elle était en bonne forme physique. C'est à cette époque également qu'elle a cessé de s'alimenter elle-même. Le 26 janvier 1926, Ma est rentrée pour la première fois en extase devant un vaste public. Bholonath avait organisé un kirtan à l'occasion d'une éclipse du soleil, évènement qui est célébré par des pratiques spirituelles dans la tradition hindoue. Ma a aussi pour la première fois en public émis des mantras et des hymnes spontanés dans une langue ressemblant au sanskrit sans cependant en être vraiment. Elle se mit à être enveloppée par une aura de miracle, et les gens commencèrent à se presser autour d'elle avec toutes sortes de demandes -souvent mondaine il faut bien le dire : réussite aux examens, guérison de maladies, etc...

L'auteur principal de ces lettres est Atal Bihari Bhattacharya, aussi désigné sous le nom de Atal ou Atul Babu.. Il était enseignant à l'Université de Rajshahi, une ville du Bangladesh. Ma lui a dit qu'il était son fils, mais l'a découragé de s'engageait sur la voie du renoncement complet, lui faisant sentir qu'il s'agissait d'une décision prématurée. L'autre auteur des lettres est Baul Basak, aussi appelé Baul Dada (Dada signifie 'grand frère'). C'était l'ami d'enfance de Bholonath, et à cet époque il était toujours alentour prêt à rendre service. C'est lui qui a fait découvrir à Ma Siddeshari, un temple dans un endroit isolé dont Ma qvait eu la vision avant même d'y aller physiquement. C'est là que de nombreux épisodes important se sont passés, et que Bholonath s'est initié progressivement à la vie de renonçant. Dans une des lettres ci-dessous, il est intéressant de voir comment Ma a permis à Baul Basak de rejouer en réalité une vision mystique qu'il avait eu à propos d'elle.

En troisième partie de ces textes, nous avons mis quelques questions et réponses de Ma extraites des lettres, et en quatrième une hymne à la Mère divine composée par Girija Shankar Bhattacharya, qui était aussi un visiteur de Ma à cette période.

Celle-ci a eu un effet durable sur le destinataire de ces lettres, Pran Gopal Babu. Son fils écrit à son sujet après sa mort:"A chaque fois que mon père parlait de Shri Ma, il y avait dans sa voix un frémissent de crainte sacrée et de respect profond qui est resté intact au fil des années.. il savait qu'elle était une enseignante venue pour montrer la voie. Il lui demandait très souvent:"Ma, quand vous révèlerez-vous?" et elle se contentait de sourire..." (cité par Bithika Mukerjee dans A Bird on the Wing (Un oiseau sur la branche), la version révisée de sa biographie de Ma, parue tout récemment à Delhi (Satguru Publications, 1998)

A la fin de cette introduction, nous pouvons mentionner l'intérêt de l'Internet pour porter rapidement ces documents authentiques sur les premières années de Ma comme Guru à la connaissance d'un public mondial de chercheurs spirituels et d'étudiants ou chercheurs en sciences religieuses. Cette diffusion aurait été impensable il y a seulement quelques années, quand la communication du savoir était presque monopolisée par le système lourd et lent de la publication de livres.

A) LETTRES D'ATTAL BIHARI (principalement mars 1926)

Dans ces lettres, nous voyons clairement la manière dont le monde des dieux et celui des hommes se mélangent en présence d'une sage comme Ma. A cette époque, nous avons déjà mentionné qu'elle avait annoncé qu'elle observerait cinq ans de semi-silence, où elle ne répondrait qu'aux questions spirituelles. La veille au soir du jour fatidique où elle devait commencer son voeu, une foule avide de grâces et de faveurs plutôt pour leur vie mondaine s'était rassemblée auprès de Ma... Finalement, Atal Bihari et Pishi Ma (la soeur de Bholonath, qui aidait Ma dans le travail de la maison à cette époque) insistèrent tellement que Ma abandonna son idée. Dans le texte ci-dessous, elle discute avec Atal Babu de son désir de renonciation.

1) "Pourriez-vous supporter de me voir uniquement vêtue d'oripeaux et d'écorces d'arbres?"

Ma: Trouvez-vous difficile d'aller vivre à Rajshahi en me laissant là

Atal Babu: Certainement; Ma.

Ma: Mais ce n'est pas possible de rester auprès de moi et d'accomplir ses devoirs d'homme dans le monde en même temps. Si vous voulez rester, vous devez mener la vie d'ermite en forêt; et évidemment, j'aurai aussi à la mener en votre compagnie.

Atal: Qu'il en soit ainsi, Ma!

Ma: Pouvez-vous endurer les difficultés de ce type de vie?

Atal: Avec votre bénédiction et en votre compagnie, je suis sûr d'en être capable.

Ma: Vous souvenez-vous, tout récemment, c'était très important pour vous de ranger ma cuisine qui était quelque peu désordonnée. Vous m'achetez sans cesse des vêtements et vous vous souciez beaucoup de moi. Que va-t-il donc se passer quand vous me verrez vêtues simplement d'oripeaux et d'écorces d'arbres (la tenue traditionnelle des renonçants dans la forêt). Serez-vous capable de tenir le choc? Et si vous me dites:"Je n'arrive pas à vous voir dans cette tenue!", je m'en irai...

Atal: Ma, vous me soumettez à la plus difficile des épreuves. Il vous reste à me donner la force de la réussir! Que votre volonté soit faite de toutes façons; mais ce sera réellement une pénitence pour moi de vivre à Rajshahi en vous laissant ici. Après cette converstaion, Ma consola Atal et lui donna des conseils pour sa pratique.

2) Ma reconnaît qu'Atal est son fils, mais ne lui permet pas de toucher ses pieds

Un jour, Pishi Ma ainsi que moi-même demandèrent à Ma la grâce de mourir avant elle.. Elle répondit à Pishi Ma:"C'est à vous de me donner votre bénédiction pour que je meure avant toi et avant Bholonath!" Et elle ajouta en se tournant vers moi:"Comment cela se pourrait-il qu'un fils meure avant sa mère?" cela me fit très plaisir que Ma me reconnaisse comme son fils pour la seconde fois en ses propres termes. C'est à ce moment que je compris qu'elle ne prendrait pas son voeu de silence tant que Pishi Ma et moi-même serions en sa compagnie. Telle était sa compassion.

Après cela, je décrivis à Ma certaines expériences spirituelles et lui demandai la grâce de pouvoir les maintenir ma vie durant. Elle me répondit:"Avez-vous parlé de tout cela à Pran Gopal Babu?" "Oui, Ma, non seulement à Pran Gopal, mais aussi à son Guru Vallananda de Déogarh, et les deux m'ont dit que j'étais sur le bon chemin et que si je continuais comme cela je finirai par atteindre le but. De plus, Pran Gopal m'a demandé de vous décrire tout ceci en détail et de vous demander votre grâce." En entendant cela, Ma sourit et se tournant vers Bholonath lui demanda:"Que dois-je dire?" Bholonath répondit"Ce que vous voulez!"

Atal Babu: Ma, à chaque fois que je vous pose une question, vous demandez la permission de répondre à quelqu'un d'autre, mais un fils a toujours envie de communiquer directement avec sa mère.

Ma: Ne demandez-vous pas la permission à votre Guru pour faire tout ce que vous avez à faire?

Atal: Certes, et je demande même la permission avant de dire quelque chose!

Ma: Ne parlez pas alors de quelqu'un d'autre (ce qui veut dire que non seulement Ma considère son mari comme son guru, ainsi que le conseille la tradition indienne, mais qu'elle estime qu'il n'est pas différent d'elle-même.) Ma ajouta au sujet du désir d'Atal de maintenir le haut niveau d'expériences spirituelles qu'il avait eues" Je ne dirai rien maintenant, je répondrai quand le moment sera venu".

Atal: Donnez-moi au moins votre assurance spirituelle (lit 'abhay vani' 'paroles de non-peur')

Ma déclara par la suite à Bholonatn:"Si je décris à Atal son futur spirituel, il sera débordant de joie et en retirera un grand encouragement." Atal dit à Bholonath:"Je ne me soucie pas du tout de mon furtur. Ce que je souhaite, c'est son assurance spirituelle: que ce soit aujourd'hui, demain, dans dix ou vingt ans ou après ma mort, je désire revenir en Ma".

Atal avait reçu la permission de toucher les pieds de Ma à chaque fois qu'il venait, ce qu'il faisait avec une grande satisfaction, mais non sans redemander la permission à chaque fois. (toucher les pieds est un signe de respect courant pour un supérieur, professeur, parent ou guru). Mais un jour, Ma exprima son désaccord à ce sujet. Atal fut piqué au vif. Ma le prit avec Bholonath pour un entretien privé, lui expliqua les raisons pour lesquelles elle n'autorisait plus à ce qu'on lui touche les pieds et lui demanda de ne pas les divulguer. Ce qui est remarquable, c'est qu'à partir de ce moment, le désir qu'avait Atal pour toucher les pieds de Ma disparut complètement.

3) Ma s'identifie avec Bhadra Kali

Près du temple de Ramna Kali (Ramna Kalibari), il y avait un vieux temple de Shiva en ruines. J'allai à ce temple en compagnie de Ma et de Sonu, le fils de Pishi Ma (donc le neveu de Ma). Pour rire, nous avons décidé de faire la course. Sonu et moi-même avions beaucoup d'avance sur Ma, et au moment d'arriver au temple nous nous sommes tournés vers elle en plaisantant et en disant:"Vous avez perdu!" Mais à notre grande surprise, elle se mit à courir, nous dépassa et parvint au temple avant nous.

Nous sommes alors rentrés dans celui-ci où elle retrouva un étudiant qui lui avait demandé la veille sa grâce pour réussir un examen qu'il devait aller passer sous peu à Calcutta. Elle lui indiqua comment offrir les fleurs d'hibiscus une à une à la déesse tout en récitant les prières appropriées. Il était onze heures ou midi, et nous nous sommes rendu compte qu'elle était venu jusque là uniquement pour répandre sa grâce sur cet étudiant.

Le soir même, Ma était de retour à Ramna Kalibari avec quelques fidèles. Le responsable, Nityananda Giri, était en conflit pour des questions de propriétés du temple. Il avait demandé à Ma le moment favorable pour intenter un procès; elle lui dit ce soir-là de s'y prendre durant le mois de Magh (après le 14 janvier, le début des six mois favorables d'après la croyance hindoue). Tout d'un coup, Ma se mit à crier:"Où est-ce que vous en êtes, vous tous, ici!" Nous étions stupéfaits d'entendre de tels éclats. Ensuite elle s'adressa à Nityananda Thakur:"Tu ne peux plus me garder ici pour quelques temps, je m'en vais résider à Shabag (le lieu d'habitation de Ma et Bholonath). Vous pouvez venir là-bas si vous le souhaitez, mais je ne viendrai pas ici!" Ma disait cela d'une voix réellement rauque, puis elle éclata d'un rire violent et sortit du temple. Elle agitait la main comme si elle expulsait quelqu'un en disant:"Vas-t-en! Vas-t-en!" Elle alla ensuite à l'intérieur du samadhi (temple autour de la tombe) d'un saint qui se trouvait dans la cour et nous demanda de retourner à l'intérieur du bâtiment principal car elle voulait rester un certain temps dans le samadhi.

(Dans une autre lettre) Atal Babu rapporte qu'ils ont demandé à Ma les raisons de son comportement inhabituel. Elle se mit à dire quelques mots, mais s'arrêta tout d'un coup et dit:"J'ai le kheyal (une inspiration divine qui ne laisse aucun doute) que si j'explique cela juste maintenant, je vais perddrre ma capacité de parler". Cependant, elle fit allusion à la façon dont Bhadra Kali avait été mécontente du comportement malvenu, pour ne pas dire mécréant de Nityananda Giri et à la manière dont elle avait choisi de s'exprimer à travers le corps de Ma. Sonu demanda:"Si la Déesse-mère n'est plus à Kalibari, est-ce que les offrandes de ceux qui vont la visiter seront acceptées; et leurs prières exaucées?" Ma répliqua:"La Mère est présente toujours et partout, mais dans les lieux de pèlerinage (tirtha) et dans les endroits sacrés, son pouvoir se manifeste tout particulièrement. D'habitude, elle sera toujours à Ramna, mais pour quelques jours on n'y sentira plus son pouvoir spécial. Cependant, ceux qui ne le savent pas et qui viendront la prier de bonne foi verront leurs prières exaucées."

4) Baul Bask est autorisé à rejouer sa vision

En méditation profonde, Baul Dada s'était vu lui-même en train de faire des cercles avec le trident de Shiva (trishul) autour de la tête de Ma et de Bholonath. Il parla de cette vision à cette dernière. Pendant que tout le monde discutait à ce sujet, Pishi Ma dit à Bholonath:"Je vais te mettre entre les mains un trident"; et Ma approuva l'idée. Le lendemain matin à 10 heures, Baul Dada vint à Shahbag. Ma lui demanda d'aller immédiatement à Siddeshwari, de rencontre là-bas une bhairavi (une ascète tantrique) et de rapporter son trident. Je l'accompagnai; en chemin, nous avons pris des fleurs et des fruits en guise d'offrande au temple mais en arrivant, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait foule, et avons décidé de les disposer plutôt sur le mahasana (une plateforme de ciment qu'on avait spécialement construit pour Ma dans la cour du temple). Nous avons placé le trident sur la plate-forme, l'avons honoré par un rituel puis nous l'avons rapporté à Shahbag pour le déposer dans la chambre de Ma. Sur le chemin du retour, Baul chantait continûment le nom de Shambu (Shiva)

Ce soir-là, je plaçai deux asanas (petits tapis de méditation) et demandai à Bholonath de s'asseoir sur celui de droite tandis que Baul Dada priait Ma de prendre celui de gauche. Celle-ci dit non sans humour:"Je suis si fatiguée que je ne peux sortir du lit!" Nous pouvions nous apercevoir sans doute possible qu'elle était en fait dans un état spirituel particulier (bhâva), tous ses membres étaient raidis. Après quelques temps, elle redevint normale. Voyant Pishi Ma qui revenait avec le trident de la chambre d'à côté, elle se mit à plaisanter:'Tu me fais peur! Vas-tu me donner un coup de trident?" A ce moment-là, Pishi Ma avait vraiment l'air d'une bhairavi avec son trident et son visage resplendissait d'un éclat qui éveillait une crainte sacrée. Elle mis le trident dans les mains de Bholonath et rentra de suite dans une méditation profonde qui dura quelques temps. Bholonqth donna le trident à Baul Dada, qui commença à le passer au dessus de la tête de Ma et de Bholonath en faisant des cercles. Il paraissait saisi d'une folie sacrée (de fait, Baul en bengali signifie 'fou', avec une nuance de folies sacrée, comme dans le cas des chanteurs mystiques errants du même nom; cf le livre d'Aurore Gauer sur le sujet). Au bout d'un certain temps, Ma lui dit:"Maintenant; tu comprends pourquoi il y a un trident dans la main de Shiiva". De fait, Baul Dada avait posé cette question à Ma, quelques jours auparavant, mais elle n'avait pas donné de réponse.

Baul Dada se mit alors à expliquer ce qui suit:"Le Seigneur Shiva est Mahadev (le grand Dieu, un nom qui peut s'appliquer également à Vishnu, celui qui protège l'univers); Mahakal (lit 'le grand Temps', c'est à dire le destructeur, rôle attribué à Shiva) et le Créateur de cet univers. (Ceci indique que l'essence de Shiva est supérieure à la Trimurti de brahma, Vishnu et Shiva dans sa forme réduite seulement à la fonction de destruction).

Il a en main la Nature sous forme de trident, dont les trois flèches correspondent aux trois gunas (tamas, rajas et sattva). Il frappe sans cesse le monde avec, d'où le malheur. Il ajouta:"Kashi ('la resplendissante'; le nom traditionnel de Bénarès) est la capitale de Shankar (Shiva) et elle est placée sur le trident, ce qui signifie qu'elle ne fait pas partie de cet univers. Ce royaume est au-delà du monde physique, c'est pour cela qu'on n'y trouve ni plaisir, ni douleur et qu'on dit qu'il n'y a pas là-bas de tremblement de terre. Dans ce microcosme qu'est le corps, les cinq éléments et les trois qualités (gunas) correspondent aux cinq chakras inférieurs et au trois canaux (ida, pingala et sushumna). Le chakra entre les deux yeux (ajna) est au-delà, et de fait les pratiquants du tantrisme l'appellent 'Kachi'. Quand le mental se stabilise à cet endroit, il n'y a pas de 'tremblement de terre', c'est à dire que les perturbations émotionnelles et mentales se calment). Ma approuva ces explications.

B) EXTRAITS D'UNE LETTRE DE BAUL BASAK

Ma évoque sa propre expérience

A Siddheshwari, les fidèles de Ma avait construit une petite plateforme pour qu'elle puisse s'y asseoir quand elle se trouvait là-bas. Ils souhaitaient la consacrer pendant les neuf nuits (nava-ratri) consacrés à la déesse à l'occasion de Durga-Puja (en octobre 1925). Ils préparèrent un repas pour cent personnes, mais en fait trois cent vinrent. Malgré cela, tout le monde a été rassasié et il y avait encore des restes. Ce genre de fait se reproduisait souvent avec Ma.

Ensuite Ma se mit à évoquer certaines de ses expériences spirituelles:"Dans la période qui suit le réveil, j'oublie complètement le monde extérieur, je ne sais plus où je me trouve, si c'est sur le sol, dans l'eau ou en l'air, si j'habite un bâtiment en dur ou une cabane, s'il fait jour ou nuit et si j'ai ou non du monde qui m'entoure. Après un temps assez prolongé, la perception de l'extérieur revient. Le corps est complètement inerte. Je n'ai pas de sensation particulière de ses parties comme les mains, les pieds, les yeux, les oreilles ou le visage... J'ai simplement le sentiment qu'il y a une motte de terre qui se trouve là. A l'intérieur, c'est comme si il y avait du verre propre et massif qui ne laisse pénétrer ni mauvaise odeur ni air vicié. Si pourtant ils réussissent à rentrer, il est très difficile de s'en débarrasser. Je ne peux faire quoi que ce soit contre cela de mon propre chef. Si on me force à faire quelque chose pendant cette période, cela me fait mal. Il vaut mieux ne pas s'alimenter. Si je le fais, mon corps me brûle, il y a une transpiration abondante et la respiration est perturbée. Et si on m'appelle, j'ai l'impression qu'on me frappe la tête. Si je réponds à l'appelle de quiconque dans ces moments, il se peut que je devienne folle."

C) QUELQUES QUESTIONS ET REPONSES

(Dans une lettre , Pran Gopal Babu avait probablement critiqué quelqu'un; Ma lui répond ce qui suit:)

- Celui qui cherche Dieu ne doit pas critiquer ou dire du mal des autres. Si vous voyez quelqu'un, n'essayer pas de l'étiqueter "bon" ou "mauvais". Sinon, votre attrait pour Dieu en sera diminué et vous aurez la tentation de vous auto-glorifier. Mieux vaut regarder en dedans de soi-même.

Q: Comment puis-je me débarrasser du sens de 'moi' et de 'mien'"?

- Ma : Effacez ce 'a' au début de 'amar' (mien), ce qui restera 'mar' signifie 'appartenant à la Mère, de la Mère'...Les cinq organes d'actions et les cinq sens peuvent faire leur travail, mais restez fixés sur le nom; à ce moment-là, votre égo s'atténuera progressivement. Quand vous sentez que le mantra commence à se réciter spontanément à l'intérieur, cela veut dire également que l'ego diminue.

Q: Ma, vous avez atteint le sommet de la sadhana avez-vous vraiment besoin d'observer toutes ses règles qui sont si strictes.

- Il faut bien que je demeure en ce monde; le contrôle de soi est nécessaire pour que l'ego ne prenne pas le dessus. (Ma veut donner l'exemple aux autres, car en tant que sage elle est prise comme une référence).

Nani Babu demanda à Ma:;"Vous êtes la miséricorde même, vous devez enseigner au monde la non-violence (ahimsa). Pourquoi donc à ce moment-là vous avez si soif de sang?" (Ma était d'une famille de Shakta, les adorateurs de la Mère divine Shakti; dans cette tradition, il y a des sacrifices animaux, alors que dans la tradition vishnouïte également très répandue au Bengale, ceux-ci sont sévèrement condamnés. D'où un perpétuel point de frottement entre les deux groupes.)

- Ma, dans un état d'être particulier (Nani Babu venait de s'adresser à elle comme si elle était directement la déesse): "Je suis en train de boire mon propre sang (une allusion à Chinnamasta, 'celle à la tête coupée' qu'on représente en train de boire son propre sang et d'en offrir à ses deux compagnes Jayâ et Vijayâ qui étaient assoiffées). Je suis nirahara ('sans nourriture', ce qui peut signifier soit 'je ne prends pas d'autre nourriture' ou bien 'je n'ai pas pris de nourriture', donc 'je suis affamée'). Je suis l'univers tout entier.

- Pourquoi avez-vous une telle avidité pour les sacrifices sanglants?

- Pour moi, tout se vaut. Qu'est-ce que le sacrifice? Qu'est-ce qui n'est pas sacrifice? Pourquoi cueillez-vous des fleurs et des fruits des arbres? Pourquoi récoltez-vous ce qui pousse dans les champs? Tout ce que vous prenez n'est que sacrifice. La divinité principale de ce lieu (Chinnamasta) est en train de boire son propre sang? Elle absorbe tout et donne tout en retour.

D) UNE HYMNE A LA MERE

Par Girija Shankar Bhattacharya, qui était à l'origine d'Ashtagram et est devenu Professeur à Calcutta). Cette hymne a été écrite en 1943 en bengali et immédiatement traduite en anglais par l'auteur lui-même. A cette époque, les gens qu'il évoque comme Bhaiji et Bholonath étaient déjà décédés).

1) Je m'incline devant la Mère de l'univers toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore, je m'incline devant celle dont le sourire radieux dissipe complètement les ténèbres du mental; dont les paroles de douceur sont fascinantes pour chacun et dont l'affection transforme toute personne en la Mère elle-même.

2) Je m'incline devant la Mère de l'Univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi), encore et encore je m'incline devant celle dont la vie mystérieuse (lit 'dont la vérité à propos d'elle-même) est au-delà de la compréhension des êtres humains; et qui, bien que vivant toujours et sans interruption dans la joie de Brahman se déplace dans le monde librement pour le bien de ceux qui sont rejetés; comme un mère véritable, pleine de patience infinie et d'une promptitude infinie à pardonner les transgressions.

3) Je m'incline devant la Mère de l'univers, toute pénétrée de joie (Shri Shri Anandamayi) dont la miséricorde est ma seule espérance; oui, d'une manière infiniment gracieuse se manifeste même dans les esprits qui ont tendance aux mauvaises pensées et les remplit d'extase; celle qui reçoit l'abandon (surrender) total des êtres humains sensés qui considèrent ceci comme étant leur seul devoir.

4) Je m'inclinedevant Bholonath qui possède un corps de joie (ou 'qui est un second Nityanand, le disciple principal de Chaitanya Mahaprabhu) et je m'incline devant le suprême bhakta qui est parvenu à l'unité avec l'éclat foudroyant de Brahman (allusion qu premier nom de Bhaiji, Jyotish qui signifie littéralement dieu de la lumière). Je m'incline mille fois devant celui qui répond au nom de Gopal et qui a consacré son souffle (prana) au service du Seigneur (ou 'au vénéré Pran Gopal, Pran signifiant 'le souffle', Pran Gopal Babu étant, rappelons-le, le destinataire des lettres ci-dessus). Encore et encore je m'incline devant Ram Chandra, qui a accès aux mystères les plus profonds. (Ram Chandra Chakravarti avait une réputation de sainteté et il fut le premier a déclarer que Ma était Jagadamba, la Mère de l'univers elle-même).

 


 

YOGA-VASISHTHA SARA

Traduit de l'anglais par Vyasan

 L'irréalité du monde (suite)

Tout comme les arbres sur la rive d'un lac sont reflétés par l'eau, de même tous ces objets variés se reflètent dans le vaste miroir de notre conscience.

Cette création, qui est un simple jeu de la conscience, apparaît de la même manière qu'une corde qu'on prend pour un serpent (lorsqu'il y a ignorance), et elle prend fin lorsqu'il y a connaissance juste.

Bien qu'en réalité l'asservissement n'existe pas, il s'accroît par le désir envers les jouissances du monde; lorsque ce désir diminue, l'asservissement s'affaiblit.

'Cela' imagine toute chose à chaque instant, rapidement et librement: c'est la raison de la projection de ce spectacle magique qu'est le monde à l'état de veille.

Ce monde, bien qu'irréel, semble exister, et il est la raison de la souffrance tenace de l'ignorant, tout comme un fantôme est cause de frayeur pour un enfant.

Celui qui ne sait pas ce qu'est l'or ne voit que le bracelet. Il n'a pas la moindre idée que c'est purement de l'or.

De la même façon, villes, maisons, montagnes, serpents etc... sont tous des objets séparés. Du point de vue de l'Absolu, ce monde objectif est le sujet (le Soi) lui-même; il n'est pas séparé du Soi.

Le monde est empli de souffrance pour l'ignorant, et de félicité pour le sage. Le monde est obscur pour l'aveugle, et lumineux pour celui qui a des yeux.

La félicité, pour un homme de discrimination qui a rejeté le samsara et abandonné tous les concepts mentaux, augmente constamment.

Comme les nuages qui apparaissent soudainement dans un ciel clair et se dissolvent aussi vite, l'univers entier apparaît dans le Soi et se dissout en lui.

Celui qui considère que les rayons du soleil ne sont pas différents de celui-ci et qu'ils sont le soleil lui-même, est déclaré être nirvikalpa (l'homme qui ne différencie pas).

De même que quand on analyse un vêtement, on s'aperçoit qu'il n'est fait que de fil, de même, lorsqu'on fait une recherche sur ce qu’est le monde, on le perçoit comme étant uniquement le Soi.

Ce monde fascinant se dresse comme une vague dans l'océan d'ambroisie de la conscience et se dissout dans celle-ci. Alors, comme pourrait-il être différent d'elle en ce moment (entre son apparition et sa disparition)?

Tout comme l'écume, les vagues, les embruns et les bulles ne sont pas différents de l'eau, de même ce monde qui est sorti du Soi n'est pas différent du Soi.

Tout comme l'arbre avec ses fruits, ses feuilles, ses lianes, ses ramilles et ses racines existe dans la graine de l'arbre, de même ce monde manifesté existe en Brahman.

De même qu'un pot en terre redevient ultimement de la boue, les vagues de l'eau et les bijoux de l'or, de même ce monde qui est sorti du Soi retourne ultimement au Soi.

Le serpent apparaît lorsqu'on ne reconnaît pas la corde. Il disparaît lorsqu'on reconnaît la corde. De la même façon, ce monde apparaît quand le Soi n'est pas reconnu. Il disparaît quand le Soi est reconnu.

C'est uniquement notre oubli du Soi invisible qui cause l'apparition du monde, de même que l'ignorance du fait que c'est une corde cause l'apparition du serpent.

Tout comme le rêve devient irréel durant l'état de veille et l'état de veille durant le rêve, de même la mort devient irréelle dans la naissance et la naissance dans la mort.

Ils ne sont donc ni réels, ni irréels. Ils sont effets de l'illusion, simple impression surgissant de quelques expériences passées.


La dissolution du mental

1. La conscience qui n'est pas divisée s'imagine les objets désirables et se rue après eux. Elle est alors connue comme étant le mental.

2. A partir de ce Seigneur suprême omniprésent et omnipotent apparaît, comme des ondulations sur l'eau, la puissance d'imaginer des objets séparés.

3. De même que le feu attisé par le vent est éteint par ce même vent, de même, ce qui est né de l'imagination est détruit par l'imagination elle-même.

4. Le mental est venu à l'existence par cette imagination, à cause de l'oubli. Comme l'expérience de notre mort que l'on peut faire en rêve, il cesse d'exister lorsqu'il est examiné minutieusement.

5. L'idée d'un Soi dans ce qui n'est pas le Soi est dû à une compréhension incorrecte. L'idée de la réalité dans ce qui n'est pas réel, sache, ô Rama, que c'est le mental. (chittam)

6. 'Il est ceci' 'je suis cela' 'ceci est à moi': le mental est constitué de telles idées. Il disparaît quand on médite sur ces fausses idées.

7. C'est la nature du mental d'accepter certaines choses et d'en rejeter d'autres. Cela est de l'asservissement; rien d'autre.

8. Le mental crée le monde; le mental est l'individu (autre traduction possible: le particulier, purusha); seul ce qui est fait part le mental est considéré comme réalisé, et non pas ce qui est fait avec le corps. Le bras avec lequel un homme enlace sa femme est le même que celui avec lequel il enlace sa fille.

8. Le mental est la cause, ce qui produit les objets de perception. Les trois mondes reposent sur lui. Il doit être éliminé, purifié par l'effort.

10. Le mental est lié par les impressions latentes (vasanas). Lorsqu'il n'y a pas d'impressions, il est libre. Ainsi donc, ô Râma, fais surgir rapidement par la discrimination l'état dans lequel il n'y a pas d'impression.

11. Tout comme une traînée de nuage ternit la lune (semble la ternir) ou une tache d'encre un mur blanchi à la chaux, ainsi l'esprit malin du désir ternit-il l'homme intérieur.

12. O Râma, celui qui a l'esprit tourné vers l'intérieur offre les trois mondes comme une oblation d'herbe sèche dans le feu de la connaissance.

13. Lorsqu'on connaît la vérité au sujet de l'acceptation et du rejet et que l'on ne pense à rien d'autre qu'à demeurer en soi-même, abandonnant toute chose, alors le mental n'apparaît pas.

14. Le mental est abominable à l'état de veille, doux dans l'état de rêve, engourdi dans le sommeil et mort lorsqu'il n'est pas dans un de ces trois états.

15. De même que la poudre de la graine de kataka, une fois qu'elle a condensé les impuretés de l'eau, se fond dans l'eau, de même le mental, après que les impressions aient été effacées, s'immerge (dans le Soi).

 

OTONO

Gota a gota

al viento

al vacio

todo aquello que formaba mi yo:

el ser humano que creao ser

la mujer que creo ser

la amiga que creo ser

la hija que creqo ser

la aventurera que creo ser...

Se me caen las hojas

Y me quedo libre,

Libre para ser

Lo que en realidad soy,

Para serlo todo

todo

y nada,

que es lo mismo

y tambien la nada cae

AUTOMNE

Goutte à goutte

Au vent

Au vide

Tout ce qui formait mon moi:

L'être humain que je crois être

la femme que je crois être

l'amie que je crois être

la fille que je crois être

l'aventurière que je crois être...

Les feuilles se détachent de moi,

et je me retrouve libre,

libre d'être

ce qu'en réalité je suis,

pour l'être tout entier

tout

et rien

ce qui est le même

et le rien aussi se détache.

TAN SOLO

Reflejos en el lago.

Azul esperado que nunca llega.

Entre mis dedos

Se me escapa el cielo.

Un cielo de azules brillantes

profundos

abiertos.

Un cielo que no tiene dueno

Ni puedo poseer.

Un anhalo.

Un sueno que es tan solo eso...

Un cielo reflejado

En las aguas del lago.

Tan solo eso.

SI SEUL

Reflexions sur le lac.

Azur espéré qui jamais n'arrive.

Entre mes doigts

M'échappe le ciel.

Un ciel d'azurs brillants

profonds

ouverts.

Un ciel qui n'a ni maître

Ni ne peut posséder.

Une aspiration.

Un rêve qui est si seul

Un ciel reflété

Dans les eaux du lac.

Si seul.

Poèmes de Maria Ruiz Carrascal, envoyés en 1998.
Maria est venue deux fois à Kankhal, dont une fois cinq semaines. Elle a ensuite quitté l'Espagne où elle enseignait pour s'installer dans un ashram au Canada pendant un an environ, puis elle est restée là-bas et vit souvent en retraite proche de la nature. Sa famille maternelle est originaire d'Avila, la patrie de la grande Sainte Thérèse.
 

 

EN COMPAGNIE DE MA ANANDAMAYI

par Amulya Kumar Datta Gupta

(Suite)

 Une autre fois, je partis le matin pour rencontrer Ma et m'asseoir tranquillement avec elle en récitant le Nom de Dieu. Je rencontrai en chemin Ganesh Babu. Il allait également à l'ashram de Siddheshvari. En le voyant, je ne pus m'empêcher de penser que peut-être le but que j'avais en allant voir Ma ce jour-là ne pourrait se réaliser. Car lorsqu'elle était avec moi seulement, Ma ne se laissait guère aller à parler. En fait, elle ne parlait que rarement, et il fallait pour cela qu'elle y soit poussée par des questions. Mais Ganesh Babu n'était pas du genre à se tenir tranquille. Il avait l'habitude de pousser Ma dans ses derniers retranchements en la mitraillant litéralement de questions. Quoi qu'il en soit, nous arrivâmes à l'ashram de Siddhesvari. Nous nous étions à peine assis après avoir salué Ma qu'elle nous dit:"Babaji, attendez juste un petit peu, j'ai tout à coup vraiment envie de dormir'. En disant cela, elle s'allongea pendant que Didi l'éventait. Nous étions quatre dans la pièce, mais tous silencieux. Sashanka Babu était plongé en méditation, Ma faisait semblant ou essayait de dormir et à force de l'éventer, Didi était prise de somnolence. Ni Ganesh Babu ni moi-même n'aurions eu l'audace de troubler le silence profond de la pièce en parlant. Nous avons donc continué à chanter le Nom mentalement. Deux heures complètes s'écoulèrent de cette façon. La journée s'avançait et j'avais trés envie de retourner chez moi; mais Ma s'était endormie en nous disant d'attendre: comment aurai-je pu m'en aller sans l'informer? Aussitôt que j'en étais arrivé à penser cela, Ma s'assit et dit, 'Babaji, il se fait tard, n'est-il pas grand temps que vous rentriez chez vous?' Sans dire quoi que ce soit d'autre, nous la saluèrent et partirent. Sur le chemin du retour, je me disais sans cesse mentalement 'Notre Ma est une lectrice des coeurs, elle n'a pas besoin qu'on lui dise les choses avec beaucoup de mots: elle sait déjà tout par nos prières mentales. J'ai relevé nombre d'incidents de ce genre à lla fois banals et pourtant plein de signification, ce qui suggère que Ma peut facilement percer le fonctionnement de notre mental; même dans ses parties les plus cachées.

Des prières et des billets d'avion

Claude L. est passée par le Centre International de Ma à Kankhal à Noël l'an dernier. Elle nous a raconté la manière dont elle a eu son billet pour venir en Inde pour ce séjour. Elle était déjà venue en mai 96 avec le groupe de Claude Portal pour le Centenaire de Ma et la retraite avec Swami Chidananda à Uttar Kashi. Un jour, vers le milieu de 1997, Ram Swarup, l'assitant de Chidananda, l'a appelée et lui a dit:"Il faut que vous veniez à l'ashram de Shivananda à Rishikesh pour la retraite de Noël 97!" Elle lui a répondu "Je ne peux pas, je n'ai vraiment pas de fonds pour ce grand voyage!" Quelques temps plus tard, elle remarque qu'il y avait sur les boîtes aux lettres un courrier d'Air France destiné à quelqu'un qui ne devait pas habiter là puisqu'il n'était pas pris. Après quelques jours et malgré ses enfants qui ne lui disaient de ne pas s'en mêler, elle ouvre la lettre et voit qu'il s'agissait d'un billet d'avion. Elle téléphone dans la matinée à l'agence, la dame vérifie et lui dit qu'ils ont inversé les deux chiffres du numéro dans le Boulevard. Du coup, Claude convient avec elle qu'elle portera le billet un peu plus loin à la bonne adresse, ce qu'elle a fait. L'après-midi, le directeur de l'agence l'appelle, lui dit qu'il a déjeuné avec son employée, qu'il trouve que des gens honnête et serviables comme Claude, il n'y en a pas beaucoup, parle avec elle et lui propose en remerciement un billet pratiquement gratuit pour la destination qu'elle voulait. Elle lui dit qu'elle veut aller en Noël en Inde, les dates pour venir et repartir de la retraite était juste en dehors des journées de grands départs, et elle a donc pu avoir son billet...

 QUAND MA MONTRE DU DOIGT..

Par Ram Alexander

Cette histoire nous a été raconté par Ram Alexander, qui a passé dix ans avec Ma et s'était fait construire à l'époque une maisonnette dans l'ashram de Kankhal. Il est repassé à Noël pour aider à finir d'installer le Centre International et sa bibliothèque, qui compte maintenant plus de douze cent livres. Il nous a raconté le souvenir suivant à propos de Ma:

"C'était vers 1981, l'année avant que Ma ne quitte son corps. Nous devions tous aller à Uttar-Kachi à deux cent kilomètres environ en amont d'Hardwar, sur le Gange. Comme d'habitude, il y avait un convoi de véhicules qui suivaient la voiture de Ma, et comme d'habitude aussi, il y avait une jeu de compétition idiote à qui serait juste derrière elle. Cette fois-ci, nous avions décidés avec Gadadhar que ce serait nous coûte que coûte. Mais ce n'était pas du goût de notre chauffeur de taxi qui, lui, avait décidé de rouler lentement. Pris par le jeu, je montrais au chauffeur mon poing pendant que Gadadhar appuyait de son propre pied le pied du chauffeur qui pressait l'accélérateur...De cette façon, nous pouvions suivre Ma au plus près.

Sa voiture s'arrêta dans une station d'essence pour faire le plein. Nous nous étions embusqués sur le bord de la route juste après pour pouvoir de nouveau colller à son véhicule: mais voilà qu'arrivée à notre niveau, Ma fait ralentir et s'arrêter la voiture. Elle baisse la fenêtre et se met à pointer le doigt vers nous avec le bras tendu. Cette scène étrange a peut-être duré trente seconde, un temps qui nous a paru très très long. Tout le monde était plutôt déconcerté, car on ne se souvenait pas l'avoir jamais vue agir de cette façon. Quand elle est repartie, le chauffeur a voulu la suivre, mais la voiture n'a plus voulu s'ébranler: il ne comprenait pas d'où venait la panne, car son véhicule était plutôt récent. Finalement, il a été obligé de nous laisser sur le bord de la route et de le faire rapporter au garage d'Hardwar. Ils se sont aperçus là-bas que c'était l'essieu qui était cassé...

 

NOTRE MA ANANDAMAYI UNIVERSELLE

Personification de l'amour et de la compassion

par Chitra Ghosh

Ma était en mai 1961 à Bombay. Elle allait chercher à l'hôpital Gopinath Kaviraj qui s'était sorti quasi-miraculeusement d'une opération pour cancer.

Quand Ma rentra dans la chambre de Gopibaba, il était fin prêt pour sa sortie de l'hôpital en sa compagnie. Les docteurs et infirmières étaient très désireux de voir Ma, et s'étaient mis en ligne pour la saluer avec des guirlandes. Ma les accepta mais les leur retourna après les avoir bénites. Néanmoins, elle mis à part une grande guirlande de fleurs. On lui offrit aussi un panier de grosses pommes rouges. Elle les distribua toutes sauf deux belles pièces qu'elle me demanda de conserver avec la guirlande en me disant en bengali "Rakho parey lagbe" "Mets-les de côté pour les distribuer par la suite".

Puis Ma, avec sa douce voix débordante de compassion, remercia les docteurs et infirmières pour les services infatigables et désintéressés qu'ils avaient rendus au Baba. Ils lui dirent tous:"Ce sont vos bénédictions; votre kheyal (inspiration divine) et votre grâce qui ont sauvé Baba par miracle. Nous ne sommes que les instruments de Dieu, rien d'autre!"

A ce moment-là, j'ai entendu une voix faible qui semblait pleurer et marmonner trois fois "Ha Allah". J'allais voir à la porte de la chambre d'à côté. Ma s'occupait à ce moment-là de l'organisation du départ de Baba en chaise roulante. Dans la chambre d'à côté je vis un musulman arabe, un patient cancéreux avec une barbe et des cheveux noirs qui gisait étendu de tout son long sur le lit. Son corps était tellement émacié qu'on aurait dit un sqelette. Sa poitrine était enfoncée, et des larmes de souffrance aigües roulaient sur ses joues creusées. Il était secoué de hoquets intermittents. De temps à autre il disait faiblement:'Ah, Allah!' Il avait les yeux fermés. L'infirmière qui s'en occupait me dit qu'il était un cancéreux au stade terminal.

Je retournai auprès de Ma. Elle commença à se diriger vers le couloir et les ascenseurs avec Gopibaba et sa troupe de docteurs et d'infirmières. Soudain, elle revint sur ses pas et sans un mot se dirigea d'un pas ferme vers la chambre du patient arabe. Bhaiya avait l'air stupéfait, Paramanandaji serein; Gopibaba et les autres étaient comme envoûtés et stoppèrent en chemin, tout ébaubis!

J'entrai avec Ma dans la chambre du patient arabe. Bhaiya et les autres restèrent dehors. Ma dit en souriant:"Baba, je suis venue, regardez-moi!" Tout en disant cela, elle caressa la poitrine affaissée du cancéreux au stade terminal trois fois d'un geste de la main doux, céleste et plein de félicité. Je ressentis qu'en faisant ainsi, Ma lui donnait la libération de ses liens humains et de ses attaches mortelles. Elle essuya ensuite ses larmes qui coulaient à flot avec le coin de son dhoti. Puis elle prit la guirlande de roses rouges et la plaça sur la poitrine et le cou du patient musulman. Peu après, elle me pris une des deux pommes et la déposa dans ses mains jointes. Elle donna la seconde à l'infirmière. A ce moment-là, le patient ouvrit lentement les yeux et lança un long regard plein de gratitude vers Ma -il lui prit les mains et les mis sur sa tête. Ma lui fit signe de répéter à l'intérieur son mantra du Coran. Leurs regards plongèrent l'un dans l'autre. Elle resta debout cinq minutes à son chevet, et ses yeux le traversait comme des rayons X: elle donnait l'impression d'embrasser d'un seul regard son passé, son présent et son futur. Je ne pus que pleurer en voyant cette union spirituelle entre un fidèle authentique et Dieu (bhakta bhagabaner milon en bengali) qui transcendait de loin les barrières de castes, de croyances et de nationalités. Notre Ma toute pénétrée de joie savait bien que ce premier darshan qu'il avait d'elle serait aussi le dernier. Elle marcha à reculons à la place de faire demi-tour afin que le patient puisse la voir de face jusqu'à ce qu'elle sorte. Les docteurs dirent à Ma que ses jours étaient comptés.

Le matin suivant je pris l'initiative de demander à Bhaiya de se renseigner sur l'état du patient. Il m'annonça dans l'après-midi qu'il venait de s'éteindre paisiblement dans la nuit. Je me précipitais pour le dire à Ma, mais avant que je n'ai pu ouvrir la bouche elle me dit en bengali:"arab desher baba chole gachhey? Le Baba arabe s'en est allé?" C'est ainsi que la grâce spontanée de Ma (ahetuki kripa) a accéléré son retour vers le Royaume des cieux où il y a une paix qui dure à tout jamais. "Le Baba arabe s'en est allé."


QUINZE MINUTES POUR DIEU

Par Kirpal

 24-10-59, Vindyachal

Ma: "Un jour, ce corps eut le kheyal (inspiration divine) suivant:'N'est-il pas possible qu'on puisse aspirer à la réalisation de dieu sans distinction de caste ou de croyance? Dieu est indivisible, complet et parfait. Dans cette vie du monde, il est difficile d'aspirer à Dieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous êtes à la fois père, mari et fils. Dans chaque rôle vous êtes seulement le Un et vous êtes sous des formes séparées le tout dans sa complétude même. L'arbre contient la semence. Une graine de moutarde, une semence de banyan (un des plus grands arbres en Inde) contiennent d'innombrables semences. D'une semence sortent d'innombrables semences. Durant les vingt-quatre heures, quand quinze minutes sont données, elles restent. C'est comme un zéro qui, lorsqu'il est ajouté à un autre chiffre donne un nombre complet. Que ce soit même seulement quinze minutes. Fixez-vous une durée d'un quart d'heure pour toujours. Il y a vingt-quatre heures de disponibles pour les affaires du monde, quinze minutes ne risquent pas d'interrompre la séquence. Ces quinze minutes appartiendront à Dieu. Pas de question de pureté ou d'impureté, de caste ou de confession, hindoue, musulmane ou chrétienne. Quelque soit sa religions, on doit consacrer ces quinze minutes à Dieu. Quelque soit votre situation, si vous pouvez vous laver les mains et les pieds, c'est bien. L'objet de ces quinze minutes, c'est de réaliser Dieu en observant le silence, vak samyam, et de méditer pendant quinse minutes sur la forme divine ou réciter un mantra sans interruption. Qui peut dire si ces quinze minutes ne deviendront-elles pas, par la grâce de Dieu; vingt-quatre heures?

Ces quinze minutes sont le bateau qui vous prendra au-delà de l'océan. La divinité (Atman) est une. Il n'y a pas de différenciation. L'éternel est en vous. Dieu est en vous. Pour se souvenir de cela, on doit consacrer quinze minutes à Dieu.


 NOUVELLES

 - La Kumbha-Mela commence à battre son plein à Hardwar. C'est une des raisons pour laquelle vous recevrez ce Jay Ma un peu plus tard que d'habitude. L'autre raison, c'est que j'ai été pour une petite retraite dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina où Vijayananda a vécu pendant six ans; et que je ne suis redescendu que récemment. Il est possible que le numéro d'été soit aussi quelques semaines en retard si je suis de nouveau là-haut jusqu'en début juillet. Vous trouverez au début de ce numéro une réponse de Vijayananda sur le sens de cette réunion de sadhus et de laïcs qui attire plus de dix millions de personnes.

- Au jourd'hui même, Aurore Gauer est arrivé à Kankhal avec son nouveau livre sur les chants Bâuls qu'elle a offert à Vijayananda. Elle a réuni les textes et les a introduits tandis que Marol les a traduits de l'anglais en français. Au coeur du vent - Les mystères des chants bâuls Editions Accarias-L'Originel/ Editions de l'Unesco. JL Accarias 5 Passage de la Folie-Régnault 75011 Paris 95 Frs.

Aurore est connue pour ses articles dans Terre du Ciel en particulier non seulement sur les bâuls, mais aussi sur Arunachala et Vijayananda. Elle s'est formée depuis plusieurs années au Bengale et a créée une association pour soutenir cette forme de chant et de mystique traditionnelle, qui a inspiré Tagore, Ramakrishna et Ma également en particulier à travers son père Bipin Bihari qui était un grand chanteur de kirtans et a passé une pèriode sur les routes. Les chants sont ordonnés par thèmes en partant du désarroi et de la souffrance pour arriver à la joie en passant par les secrets de l'amour que chacun comprend selon son niveau d'expérience spirituelle. Nous donnons ci-dessous des extraits d'un poème sur la joie de Norohori Gossaïn :

Vas à la foire de la joie...
Tout est là pour te réjouir!
Si tu veux trouver la vraie Joie
Il faudra longtemps fouiller...
En prononçant le nom du Guru
Et en te souvenant de lui
Tu pourras la trouver sans peine.
Cette foire est facile d'accès
Mais garde les yeux ouverts!

 

En purifiant ton corps au-dedans
Tout sera plus aisé.
Regarde  en toi
Et tu y reconnaîtras la paix et la joie....

 

- Le projet de Ma sur Internet prend forme. Quand j'avais regardé le site online le mois dernier de Delhi, il y avait déjà deux livres sur Ma dont celui de Richard Lannoy, Anandamayi, avec de très belles photos et un texte intéressant à l'adresse suivante : http://www.bogo.co.uk/kalina

Cette adresse va probablement changer quand Valentin Mazlov qui s'occupe du site en mettra une avec le nom de Ma pour faciliter les recherches. Nous avons obtenu les autorisations de divers éditeurs dont la Sangha de Ma pour mettre environ 3000 pages de textes en anglais et 800 pages en français, ainsi que de nombreuses photos de qualité et la revue de la Sangha, Amrita Varta. Nous travaillons dans une école religieuse de Kankhal qui a un ordinateur perfectionné pour préparer le site en français de Ma. Nous avons aussi préparé un site sur la Kumbha-Mela avec 120 pages de textes extraits de deux livres difficiles à trouver, un premier sur la Kumbha-Mela elle-même publiée par un petit éditeur de Bénarès et un autre de Swami Abhishiktananda (Henri Le Saux) qui présente l'idéal du renoncement en Inde dans The Hindu sannyas. Nous espérons que le site à peu près complet sera en ligne courant juin, y compris la nouvelle série des Jay Ma (depuis l'hiver 96-97) jusqu'à ce numéro inclus. A beaucoup de signes, on pouvait sentir que le moment était venu de mettre la littérature de Ma sur Internet, et le projet est maintenant bien avancé.


ABONNEMENTS

Envoyer un chèque au nom de J.Vigne à Mme Vigne, 95 rue J.Dulud 92200, ceci seulement pour les nouveaux souscripteurs, qui peuvent envoyer la somme de cent francs et être abonnés jusqu'en fin 2001. Les autres auront à renouveler après le numéro d'automne.

 

 

 

 

JAY MA N°51 - PRINTEMPS 1999

 

Paroles de Ma

Je ne suis qu'une enfant et je ne sais pas donner des conférences ou des discours: De même qu'une enfant; lorsqu'elle trouve quelque chose de sucré; de bon; l'apporte à son père ou sa mère, de même je dispose devant vous ce qui et bon et sucré. Prenez ce qu'il vous plaît.

Ce sentiment avec lequel vous vous mariez, il n'y en a pas même eu l'ombre en ce corps.

Votre désir intense de voir ce corps en samadhi en provoque parfois les symptômes. A chaque fois qu'une pensée atteint sa pleine intensité, son expression physique suivra ineluctablement. Si l'on perd son être dans la contemplation du Nom divin, on peut se fondre dans l'océan de la Beauté divine. Dieu et les noms qui le symbolisent sont un…aussitôt que la conscience du monde extérieur s'évanouit, le pourvoir du Nom qui se révèle de lui-même trouve son expression objective.

L'univers est un Jeu divin, vous avez un désir de jouer et vous interprétez donc ce jeu selon votre propre éclairage dans toutes les activités joueuses de ce corps, dans ses sourires et ses amusements: S'il avait pris une posture grave, vous vous en seriez tenu à distance. Apprenez à vous plonger dans la Joie divine en toutes Ses manifestions et vous attendrez le but final de tout jeu. Est-ce que vous comprenez?

Le désitr intense pour la Réalisation de Divin est en soi-même la voie qui y mène.

Un monsieur posa à Ma le problème suivant: "Quel est le mieux; para seva, le service aux autres, ou bhajanam, le chant du Nom divin?"

Mataji: "Il n'est pas juste de considérer le service comme le seva de quelqu'un d'autre. Cela ne fait qu'accroître l'égo. Vous devez considérer chacun comme 'Cela' (tat) et ainsi ne faire que Son service.

Questions à Vijayananda

Dasuda raconte…

Propos recueillis par Jacques Vigne à Kankhal

Dasuda vient de fêter ses soixante ans dans les ashrams de Ma. Il était le frère de Maroni, la fille adoptive de Bholonath dont Ma s'est beaucoup occupée, et il est venu chez Ma à l'âge de neuf ans. Il a été son chauffeur pendant 26 ans. Il dit que faire le service de Ma était sa sadhana. Il y a un proverbe qui affirme qu'il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre, mais après plus de quarante ans de vie au service d'Anandamayi, Dasuda témoigne de la grande dévotion qu'il a développée et qu'il garde envers elle. Le texte ci-dessous condense un entretien en hindi que nous avons eu ce matin même à propos de ses réminiscences de Ma. Tout d'abord, l'itinéraire de Dasuda est présenté, puis dans une seconde partie diverses anecdotes sont rapportées. Pour la plupart d'entre elles, Dasuda en a été le témoin ou l'acteur direct.

  1. Un itinéraire avec Ma

Dasuda est né en 1929 au Bengale oriental. Sa grand -mère paternelle était la soeur de Bholonath, le mari de Ma. Après l'adoption de sa soeur Maroni par Bholonath, ses parents ne sont pas sortis de leurs difficultés si facilement. Finalement, quand il n'avait que neuf ans, Ma leur a proposé de prendre Dasuda également à l'ashram de Dhaka. A cette époque là; il était atteint de fièvre chronique. Il a rejoint Ma qui était partie entre temps à Vindyachal, près de Bénarès, et là il lui a demandé un entretien privé. Didi s'est moquée de lui en lui disant 'Toi, un enfant, pourquoi donc as-tu besoin d'un entretien privé avec Ma?' En fait, il ne voulais dire qu'une chose à Ma, et il l'a dite effectivement: 'Je vous considère comme ma seule vraie mère.' Et Ma l'a pris en charge à partir de ce moment-là. Les débuts ont été difficiles. La fièvre qu'il avait s'est révélé être un kala-azar, et les médecins à un moment donné ne lui avait pas donné plus d'une demi-heure à vivre. Finalement, il a été envoyé à la Ramakrishana Mission de Bénarès où il a été hospitalisé pendant six mois.

Quand il avait vingt ans environ, on lui a dit d'aller à l'école de garçons de l'ashram d'Almora, le Vidyapith, de rendre quelques services là-bas et d'y étudier aussi; mais l'étude n'était pas son point fort, il voulait surtout retourner auprès de Ma pour faire son service. Il est donc reparti sans demander de permission vers Bénarès, avec en poche simplement l'argent pour le tiers du voyage. Arrivé à l'ashram, Didi n'était pas contente à son sujet. Finalement, le grand frère de Shivananda et Nirvanananda était là à cette époque. Ma lui a demandé de lui trouver un emploi, et finalement il a abouti comme aide dans le garage des bus gouvernementaux à Allahabad. Pendant deux-trois ans il y a travaillé, a appris des rudiments de mécanique et quand il a su qu'on avait offert à Ma une voiture, il a été passé son permis de conduire à Calcutta et est devenu rapidement le chauffeur attitré de Ma. Ainsi, sa décision qui semblait l'avoir éloigné de l'ashramet d'elle a permis en fait de pouvoir mieux lui rendre service ensuite pendant des dizaines d'années. Il s'est aussi occupé de la boutique de l'ashram pendant longtemps, et continue à jouer du tambour pendant les pujas et les fêtes de Ma, ainsi qu'à rendre toutes sortes de services à l'ashram de Kankhal auprès duquel il réside. Quand il parle du jeu, 'lila' de Ma, l'expression qui lui revient le plus souvent est "aparamparik", c'est à dire "peu commun, non traditionnel, qui n'a été reçu de nul autre, spontané"…

  1. Anecdotes

§ Un jour, j'étais dans le train avec Ma. A une gare, la foule était venue pour la voir. Elle m'a demandé d'appeler un vendeur de chikkus (fruits bruns et sphériques assez sucrés, courants dans le nord de l'Inde) qui demandait soixante roupies pour tout son panier de fruits. Ma tenta de marchander à cinquante-cinq, mais le vendeur refusa. A ce moment-là, elle lui proposa soixante-cinq, et avant qu'il ait eu le temps d'accepter, elle monta à soixante-dix, puis de cinq en cinq jusqu'à cent. Quand il a reçu les cent roupies, le vendeur était tellement ému qu'il a fait la prosternation complète devant Ma et lui a demandé de lui donner un Nom de Dieu à réciter. Ma s'est enquise: 'Quelle est la divinité que tu préfères.' 'Ram' 'Eh bien, récite Ram!' C'est ainsi que le vendeur de fruits a été initié par Ma sur le quai même de la gare.

§ Quand Dasuda, avec d'autres, lavait les vêtements de Ma, ils pouvaient régulièrement sentir qu'ils avait une odeur excellente alors que Ma ne mettait aucun parfum.

§ Un voisin de l'ashram de Kalyanvan au-dessus de Dehra-Dun, un ingénieur avait organisé une lecture du Ramayana où il avait invité Ma. La cérémonie se déroulait au rez-de-chaussé, et Ma était montée pour quelques temps se reposer au premier étage. Udas avait gardé comme d'habitude la literie de Ma d'une propreté absolument irréprochable; mais à un moment, celle-ci souleva le drap et appela les jeunes filles qui l'assistaient: il y avait là un petit serpent qui était mort. Ma fit venir une grande feuille avec lequel elle le ramasssa, puis le mit dans une autre feuille et le tout dans un panier. Elle me convoqua alors et me demanda d'emporter le corps de l'animal à Hardwar et de l'immerger à Brahmakund (l'endroit de bain le plus sacré d'Hardwar, là où les pontes du monachisme hindou viennent predre leur bain tous les douze ans lors de la pleine Kumbha-Méla).

§ Ma était dans son premier ashram près de Dehra-Dun, Raipur, tout à fait aux pieds de l'Himalaya. Un jour, Didi a vu que ses vêtements étaient trempés. Elle demanda à Ma pourquoi, car il ne semblait y avoir aucune raison pour cela. Celle-ci ne répondit pas, et ce n'est que plus tard qu'elle apprit qu'à ce moment-même; Bhaiji avait failli se noyer à Bénarès en descendant trop loin sur les ghats alors au'il ne sanvait pas nager. Il s'était senti rattrappé par les cheveux et avait entendu une voix qui le réprimandait :"Toi qui ne sait pas nager, pourquoi donc prends-tu des risques commme cela?"

§ Nous étions avec Ma à Bhagat House, le premier ashram de Ma dans la partie nord d'Hardwar. Ellle allait et venait sur la vérandah au fond de la cour quand un groupe de cinquante ou soixante personnes fit son entrée. Elle me dit immmédiatement: "Vas vite au marché acheter du prasad pour tous ces gens. Et si tu vois une voiture qui passe, arrête-la et demande aux gens dedans de t'accompagner. Il s'est trouvé que la première voiture qui passait avait une énorme corbeille de fruits sur le toit, et appartenant à des fidèles de Ma qui venaient justement la visiter…

§ C'était vers la fin de la vie de Ma. Il y avait un sacrifice au feu (laghu rudra havan) qui était organisé par Mr Kheitan, un voisin de l'ashram de Ma à Kalyanvan, Dehra-Dun. Soudain, un garçon a été mordu par un scorpion. Il tremblait de tous ses membres, et son lit était entouré d'une foule non moins affollée que lui. Ma m'appella et me dit: "Te souviens-tu de la manière don’t Narayan Swami (un ancien disciple de Ma) soignait les piqûres de scorpion?" Je ne me souvenais plus exactement; mais elle me rapppella la conduite à tenir et le mantra à reciter. A peine avais-je commencé quelques passes sur le corps du garçon qu'il devint complètement calme, et finalement il se tira d'affaire sans conséquences de la piqûre pour sa santé.

§ Lors des jours sombres de la Partition, des gens vinrent mettre le feu derrière le temple d'Annapurna à l'ashram de Dhaka. Le responsible de l'ashram écrivit à Ma qui était alors à Solan en Himachal Pradesh pour lui suggérer de mettre la statue en lieu sûr. Elle envoya immédiatement deux hommes pour ce travail. Ils disposèrent la divinité dans une grande caisse, ils mirent aussi dans un seau de métal les braises de l'akhand jyoti, le feu sacré qui brûlait continûment depuis une vingtaine d'années déjà à Dhaka et ont été vers la frontière; Les douaniers à l'époque fouillaient tout le monde et ne laissainet pas sortir d'objets religieux hindous du pays, car la tension interreligieuse était à son maximum. Mais ils ont laissé passer les envoyés de Ma sans même regarder ce qu'ils avaient dans leur caisse. La statue d'Annapurna et le feu sacré ont été installés peu après à l'ashram de Bénarès, où ils ont toujours.

§ Shankar Bharati était un grand bhakta de Lalita Devi, dont le temple était à Lalita Ghat, sur les bords du Gange au nord de Bénarès. Une nuit, il a eu en rêve la vision de cette déesse qui lui a dit: "Sous forme de statue, je réside dans ton temple, mais sous forme 'éveillée' (dans la tradition hindoue, la statue de la déesse peut être éveillée; jagrit, par des prières intenses), je réside en Ma Anandamayi. Va pour avoir son darshan!" Le lendemain même, alors que la chaleur était intense, Shankar Bharati descendit toute l'enfilade des ghats, peut-être six ou sept kilomètres pour aller rencontrer Ma.. Celle-ci a appris par la suite qu'il avait des problèmes de digestion à cause de l'alimentation plus qu'austère qu'il avait adoptée; il demandait à son disciple d'aller à la fin du marché ramasser les restes de légumes qu'en général on laisse pour les vaches, il les faisait cuire et ne mangeait que cela. Pendant un certain temps, Ma lui a fait porter les repas de l'ashram lui-même; après, les disciples de Shamkar Bharati ont arrangés eux-même des repas normaux.

§ Pendant le grand sacrifice au feu entre 1947 et 1950 à Bénarès, j'étais responsible du soin des vaches. L'une d'elle avait accouché d'un veau extrêmement beau, mais qui était malade. Il avait un genou qu'il ne pouvait étendre; et il était donc incapable de marcher; Au bout de quelques temps, son état s'est aggravé. Ma a demandé à certaines brahmacharinis de venir réciter le Mahamantra auprès de lui. Une fois qu'il est mort peu après, elle m'a demandé de l'envelopper dans un tissu, de l'attacher à une pierre et de le jeter dans le Gange (c'est la façon dont on dispose du corps des sadhous également).

§ Lors de la Purna Kumbha-Mela d'Allahabad, c'était peut-être en 1954, ou alors en 1966, tout le monde était parti au bain car c'était le grand jour et il n'y avait que quelques personnes qui étaient restées auprès de Ma, celle-ci n'ayant pas envie de s'y rendre. Soudain, elle dit qu'elle s'est sentie attirée par trois jeunes filles sous forme subtile. Il s'agissait de Ganga, Yamuna et Saraswati (correspondant aux deux rivières visibles et au cours d'eau souterrain, qui se rencontrent au confluent, 'Prayag' ; d'Allahabad). Elles entrainèrent Ma vers la confluence des rivières, c'est à dire l'endroit le plus sacré pour le bain, et celle-ci y parvint, malgré une foule des plus denses, juste au moment du 'mouhourt', c'est à dire à l'heure la plus favorable d'après la tradition.

§ Nous ramenions vers Calcutta avec Ma Didi qui s'était faite traiter à Bombay pour une maladie sérieuse. Ma décida de faire une halte à Bodhgaya, l'endroit de l'illumination du Bouddha au Bihar, entre Bénarès et le Bengale. C'était la nuit, et soudain nous avons senti un parfum de fleur tout à fait remarquable; Nous pensions que Ma avait apporté avec elle un énorme panier de fleurs sans que nous nous en apercevions, mais ce n'était pas le cas. Finalement, celle-ci nous dit: "C'est le Seigneur Bouddha qui s'est manifesté à nous de cette manière."

Dasuda aime à raconter le rapport particulier qu'avait Ma avec les mourants, ou même ceux qui étaient déjà morts. Dans la tradition indienne, le guru doit être présent au moment de la mort, que ce soit sous forme physique ou subtile, pour aider ses disciples au grand passage. Nous terminons par quelques anecdotes à ce sujet:

§ C'était quelque temps après la fin tragique de Vibhuda: il s'agissait d'un chanteur très doué, mais instable physiquement à cause d'un asthme et déséquilibré psychologiquement aussi. Ma le gardait près de lui dans l'espoir qu'il se rééquilibrerait. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide, quand un jour Swami Paratmananda avait donné l'ordre de le changer de chambre et de le mettre dans le bâtiment des sadhous. Il a dit: "Si je vais là -bas, je ne survivrai pas longtemps" Et trois jour plus tard, il a réussi son suicide en se jetant sous un train à Motichur, la première petite gare juste au nord d'Hardwar. Quelques temps plus tard, Ma passait en train sur cette ligne. Panuda me dit: "Vas informer Ma que nous approchons de l'endroit où Vibhuda a rendu l'âme" Mais quand j'approchais de la couchette de celle-ci, je vis qu'elle reposait avec la tête recouverte, je n'osais donc pas la déranger; mais pourtant, au moment où nous passions à l'endroit tragique, elle s'est rassise immobile en méditation. Nous avons compris qu'elle envoyait une bénédiction à l'âme en peine de Vibhuda.

§ C'était à Vrindavan. Bunidi était une brahmacharini très proche de Ma; elle avait une maladie cardiaque et venait de passer deux journées très difficile, avec de l'oxygène. Ma était restées dans sa chambre, de six heures du matin à onze heures du soir. Un médecin occidental qui travaillait à l'hôpital de la Mission Ramakrishna juste en face de l'ashram était passé dans la soirée, avait constaté une certaine amélioration et avait demandé qu'on retire le tuyau d'oxygène. Il avait dit qu'il repasserait le lendemain matin. Il s'était trouvé que Nirvanananda avait été également immobilisé deux jours avant à cause d'un traumatisme au genou. On avait apporté pour lui un bassin dont il n'avait finalement pas voulu se servir. Ma m’a demandé de l'apporter dans la chambre de Bunidi pour que celle-ci puisse l'utiliser et évite de se déplacer jusqu'aux toilettes. Quelques temps après le départ de Ma, Bunidi s'est levée; les brahmacharinis qui la veillaient ont essayé de l'en empêcher, en lui conseillant d'utiliser le bassin. Mais celle-ci refusa catégoriquement et d'une voix irritée. Les assistantes la laissèrent donc aller aux toilettes, et là, elle tomba et rendit l'âme. Un fait intéressant est qu'à ce moment-même; Ma était en chemin pour revenir voir la malade, mais avait été stopppée par Swami Swarupananda qui souhaitait l'entretenir d'affaires de construction dans l'ashram.

§ A Rajghir dans l'ashram de Ma aux environs des années 1970 vivait un vieux Swami, Upen Maharaj. Ma vint le visiter un jour avec trois ou quatre disciples renonçants, Bhaskarananda, Nirvanananda, Keshavananda et un autre. Sans donner de raisons, elle dit qu'elle s'en allait pour quelques jours et demanda aux disciples de rester avec Upen Maharaj. Le lendemain, celui-ci leur offrit un véritable festin, il aimait beaucoup offrir des repas de fête aux sadhous. Quand après la sieste, Keshavananda est venu l'inviter à se joindre aux autres pour le thé, il n'a pas répondu. En plaisantant, Keshavananda l'a secoué pour le réveiller; ce n'est qu'à ce moment-là qu'il s'est aperçu qu'il était mort.

§ Hindu Didi était très malade à l'ashram de Naimisharanya (près de Lucknow, l'endroit où, dit la tradition, les dix-huit Puranas ont été écrits). Ma avait conseillé qu'on l'emmène à Bénarès, la voiture était venue la chercher, je l'ai installée près de l'arbuste de tulsi qu'il y avait aux environs du temple du Puran-Purush (la statue qui représente les Puranas) et j'étais reparti pour ranger sa literie pour le voyage. Quand je suis revenu, Ma était descendue 'par hasard' et Hindudi venait de rendre l'âme. D'après la tradition vaishnava, mourir à l'ombre d'un tulsi est une bénédiction qui vous fait aller tout droit à Vaikhunta, le paradis de Vishnu.

§ Miradi habitait dans une ruelle de Bénarès une petite chambre en rez-de-chaussé; elle était très malade. Ma est venue lui rendre visite avec des fleurs et des fruits qu'elle lui a offerts. Elle n'est pas rentrée à l'intérieur, mais lui a parlé par la fenêtre ouverte, et au bout de quelques temps, elle lui a demandé si elle pouvait s'en aller. Miradi a dit: "Reste encore deux minutes!" Et au bout de deux minutes, elle est morte.

§ Hari Baba, le grand bhakta de Ma qui était lui-même aussi guru, avait demandé longtemps auparavant à Didi de faire en sorte qu'il puisse passer sa dernière heure avec la main de Ma dans la sienne. Il était très malade à Delhi (Vijayananda raconte qu'à ce moment-là les médecins traitants de l'hôpital l'avaient même déclaré mort. Ma est venu le voir, et il s'est réveillé: c'est le seul cas authentifié où Ma ait resuscité un mort). En accord avec le Baba et ses disciples, Ma a décidé de partir avec eux à Bénarès. Quand l'agonie est venue, Ma a été au chevet du malade de six heures du soir jusqu'à une heure du matin, le moment du décès, et elle lui tenait continûment la main.

* * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nouvelles

  • Des satsangs de Ma se déroulent tous les premiers dimanches du mois de 14h30 à 17h30 en région parisienne chez l'un ou chez l'autre. Les lieux sont décidés d'une fois sur l'autre. Ceux qui veulent se joindre à ces réunions entamées à l'instigation de Swami Bhaskarananda peuvent appeler Claude Portal pour qu'il leur indique l'endroit de la prochaine réunion.
  • Swami Nirgunananda animera une retraite en France du vendredi 9 au mercredi 14 juillet. Claude Portal décidera du lieu selon le nombre de participants, signalez-lui donc votre participation le plus tôt possible (12 rue Lamartine 78100 St-Germain-en-Laye) afin de faciliter l'organisation. Les lecteurs de Jay Ma se souviendront de Nirgunanda qui a été le secrétaire privé de Ma pendant les trois dernières années de l'existence de celle-ci et qui vit depuis douze ans à l'ermitage de Dhaulchina, là où Vijayananda avait passé six ans autour des années 70, et où j'ai été moi-même en retraite cinq mois depuis le printemps dernier. Je peux témoigner que Nirgunananda mène 'là-haut' (à 2200m d'altitude) une vie de sadhana soutenue.
  • Le centenaire de la naissance de Didi qui coincidait avec le soixantenaire de la fondation du Kanyapith (l'école des filles) s'est déroulé à Bénarès en mi-février pendant une dizaine de jours, en présence de Swami Chidananda et de la plupart des anciens de la Sangha de Ma.. Un livre-souvenir avec de belles photos inédites de Ma et de Gurupriya Didi a été publié pour l'occasion.
  • Un groupe de Yoga de dix-sept personnes venant de la région de Brest est venu visiter Kankhal pour avoir des satsangs avec Vijayananda pendant une dizaine de jours en tout. C'était la première visite en Inde pour les élèves de Chantale,  professeur de Yoga qui avait organisé le voyage. Cela leur a permis de concretiser bien des notions qu'ils avaient sur le Yoga traditionnel, et certains d'entre eux parlent déjà de revenir…

Shri Ma compose une pièce de théâtre sacré

Par Bithika Mukerjee

Une parole de Shri Ma dit que les petites filles (kanyas) ou garçons sont comme des fleurs fraîches et immaculées, digne du Divin. Pour eux, rentrer en contact avec la dimension de la grâce toujours présente est facileet naturelle. Le kheyala de Shri Ma était toujours avec le Kanyapith. Il était donc peut-être juste que quand elle avait le kheyala de faire jouer un lila (une pioèce de théâtre sacrée, cela se passait au Kanyapith.

Lors d'une de ces soirées de représentation, Mauni Ma dit à Shri Ma; "Ma, pourquoi ne faites-vous pas une pièce de théâtre vous-même?" Shri Ma répondit immédiatement: "Dois-je faire ainsi? Participerez-vous si je dirige une représentation?" Tout le monde fut d'accord avec enthousiasme. Le jour suivant, Shri Ma me fit appeler et exprima son sentiment sur le lila qu'on devait mettre en scène le soir-même. Rétrospectivement, je réalise qu'en ceci Ma s'est révélée pleinement. Le lila, simple en lui-même, nécessiterait de nombreuses pages pour une étude approfondie de sa signification. Déjà, Shri Ma organisa une scène où acteurs et spectateurs pouvait former un groupe homogène. Shri Ma n'avait jamais le temps de me donner des instructions complètes, jer la suivais d'un endroit à l'autre avec un carnet et un crayon et je notais ce qu'elle parvenait à me dicter de temps en temps, parfois même en allant d'une réunion à l'autre. J'ai compris ses instructions de la faàon suivante:

On devait diviser le hall en huit sections ou plus. On devait en laisser les limites fluides et permettre à l'assistance de remplir sans difficulté l'ensemble de l'espace disponible, y compris celui traditionnellement réservé à la scène. Il y aurait deux personnages au centre de chaque partie. L'un représenterait un forme de Dieu, et l'autre son adoratuer. Le salle entière serait une assemblée où les gens seraient assis en groupe autour d'une 'statue' donnée. Ces groupes pourrait se fondre l'un dans l'autre; mais il y aurait des petis chemins distincts qui y mèneraient. Les groupes don’t Ma a donné le détail étaient les suivant, autant que je me souvienne: le premier des deux groupes à une extremité de la salle devait être cemlui des fidèles de Vishnou et Shiva. Dans le premier carré deux filles du Kanyapith devait prendre la posture classique de Radha et Krishna. Dans le second Didi était assise en méditation en face du Gange, et une autre étudiante était ornée comme Shiva. Deux autres groupes représentaient les fidèles de ram et du Bouddha. Dans le groupe suivant, nous avions des ascètes qui levaient les yeux avec une expression calme et seriene vers une représentation d'Adi Shankaracharya (le premier Shankaracharya). Dans une partie plutôt informe il y avait des yogis, des ganapatis et Hanuman joué par Vishuddha, qui à cette époque était bien malicieux. Je pense qu'il y afvait d'autres personnages moins clairement définis censés représentés les divinités et fidèles des formes de religions non hindoues.

Il y avait un petit balcon de l'autre côté de la salle. Les nombreux accessoires simples de ce lila y étaient rassemblés: un livre, une paire de cymbale, un colliere de rudraksha, une guirlande de fleurs, des pétales de tulsi, des feuilles de bilva et beaucoup d'autres articles de ce genre. Pendant toute la journée, Ma me dictait des bouts de lignes que je devais dire. L'idée é"tait que je devait dé"crire les diverses représetations divines en mettant en avant leur majesté et leur grandeur ainsi que leurs qualités qui captivaient le coeur de leurs fidèles. Ensuite j'appelais un assistant (Shri Ma déguisée) pour fournir aux fidèles les objets utiles qu culte de leur divinité d'élection. Shri Ma me dit: "Tu donneras l'ordre suivant, 'o toi, servate, viens ici!" J'étais étonnée et dit: "Qui suis-je donc pour appeler Ma une servante?" (dasi, un mot qui signifie aussi 'esclave')

"Il s'agit de ce corps, bien sûr!"

"Mais je ne peux vous appeler "dasi"!

"Vraiment pas."

"Non, vraiment; vraiment pas!"

Shri Ma prut un peu stupéfaite, mais didi qui était à mes côtés me soutint. Elle dépassa alors cet obstacle à son kheyal en disant, "Eh bien, j'ai eu de nombreux surnoms lorsque j'étais petite, l'un d'entre eux était Tirthavasini Mai (la dame qui réside dans les lieux de pèlerinage). Je n'avais pas d'objection à ce nom que je trouvais tout à fait adapté. Ainsi, je devais l'appeler en lui disant quelque chose de ce genre; "O Tirthavasini Mai, venez par ici, voyez comme ce verger est vbeau, comme ces personnages de Radha et Krishna sont captivants! Voyez comme les gens qui chantent le kirtan sont impliqués! On est vraiment transport& dans un autre monde dans une telle atmosphère".

Qprès ce commentaire, Shri Ma devait sortir du balcon voilée si complètement qu'elle espérait ne pas être reconnue et apporter aux fidèles des paires de cymbales qu'elle leur remettait en mains propres.

 

JAY MA N°51 PRINTEMPS 1999

 

Paroles de Ma

Je ne suis qu'une enfant et je ne sais pas donner des conférences ou des discours: De même qu'une enfant; lorsqu'elle trouve quelque chose de sucré; de bon; l'apporte à son père ou sa mère, de même je dispose devant vous ce qui et bon et sucré. Prenez ce qu'il vous plaît.

Ce sentiment avec lequel vous vous mariez, il n'y en a pas même eu l'ombre en ce corps.

Votre désir intense de voir ce corps en samadhi en provoque parfois les symptômes. A chaque fois qu'une pensée atteint sa pleine intensité, son expression physique suivra ineluctablement. Si l'on perd son être dans la contemplation du Nom divin, on peut se fondre dans l'océan de la Beauté divine. Dieu et les noms qui le symbolisent sont un…aussitôt que la conscience du monde extérieur s'évanouit, le pourvoir du Nom qui se révèle de lui-même trouve son expression objective.

L'univers est un Jeu divin, vous avez un désir de jouer et vous interprétez donc ce jeu selon votre propre éclairage dans toutes les activités joueuses de ce corps, dans ses sourires et ses amusements: S'il avait pris une posture grave, vous vous en seriez tenu à distance. Apprenez à vous plonger dans la Joie divine en toutes Ses manifestions et vous attendrez le but final de tout jeu. Est-ce que vous comprenez?

Le désitr intense pour la Réalisation de Divin est en soi-même la voie qui y mène.

Un monsieur posa à Ma le problème suivant: "Quel est le mieux; para seva, le service aux autres, ou bhajanam, le chant du Nom divin?"

Mataji: "Il n'est pas juste de considérer le service comme le seva de quelqu'un d'autre. Cela ne fait qu'accroître l'égo. Vous devez considérer chacun comme 'Cela' (tat) et ainsi ne faire que Son service.

Questions à Vijayananda

Dasuda raconte…

Propos recueillis par Jacques Vigne à Kankhal

Dasuda vient de fêter ses soixante ans dans les ashrams de Ma. Il était le frère de Maroni, la fille adoptive de Bholonath dont Ma s'est beaucoup occupée, et il est venu chez Ma à l'âge de neuf ans. Il a été son chauffeur pendant 26 ans. Il dit que faire le service de Ma était sa sadhana. Il y a un proverbe qui affirme qu'il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre, mais après plus de quarante ans de vie au service d'Anandamayi, Dasuda témoigne de la grande dévotion qu'il a développée et qu'il garde envers elle. Le texte ci-dessous condense un entretien en hindi que nous avons eu ce matin même à propos de ses réminiscences de Ma. Tout d'abord, l'itinéraire de Dasuda est présenté, puis dans une seconde partie diverses anecdotes sont rapportées. Pour la plupart d'entre elles, Dasuda en a été le témoin ou l'acteur direct.

  1. Un itinéraire avec Ma

Dasuda est né en 1929 au Bengale oriental. Sa grand -mère paternelle était la soeur de Bholonath, le mari de Ma. Après l'adoption de sa soeur Maroni par Bholonath, ses parents ne sont pas sortis de leurs difficultés si facilement. Finalement, quand il n'avait que neuf ans, Ma leur a proposé de prendre Dasuda également à l'ashram de Dhaka. A cette époque là; il était atteint de fièvre chronique. Il a rejoint Ma qui était partie entre temps à Vindyachal, près de Bénarès, et là il lui a demandé un entretien privé. Didi s'est moquée de lui en lui disant 'Toi, un enfant, pourquoi donc as-tu besoin d'un entretien privé avec Ma?' En fait, il ne voulais dire qu'une chose à Ma, et il l'a dite effectivement: 'Je vous considère comme ma seule vraie mère.' Et Ma l'a pris en charge à partir de ce moment-là. Les débuts ont été difficiles. La fièvre qu'il avait s'est révélé être un kala-azar, et les médecins à un moment donné ne lui avait pas donné plus d'une demi-heure à vivre. Finalement, il a été envoyé à la Ramakrishana Mission de Bénarès où il a été hospitalisé pendant six mois.

Quand il avait vingt ans environ, on lui a dit d'aller à l'école de garçons de l'ashram d'Almora, le Vidyapith, de rendre quelques services là-bas et d'y étudier aussi; mais l'étude n'était pas son point fort, il voulait surtout retourner auprès de Ma pour faire son service. Il est donc reparti sans demander de permission vers Bénarès, avec en poche simplement l'argent pour le tiers du voyage. Arrivé à l'ashram, Didi n'était pas contente à son sujet. Finalement, le grand frère de Shivananda et Nirvanananda était là à cette époque. Ma lui a demandé de lui trouver un emploi, et finalement il a abouti comme aide dans le garage des bus gouvernementaux à Allahabad. Pendant deux-trois ans il y a travaillé, a appris des rudiments de mécanique et quand il a su qu'on avait offert à Ma une voiture, il a été passé son permis de conduire à Calcutta et est devenu rapidement le chauffeur attitré de Ma. Ainsi, sa décision qui semblait l'avoir éloigné de l'ashramet d'elle a permis en fait de pouvoir mieux lui rendre service ensuite pendant des dizaines d'années. Il s'est aussi occupé de la boutique de l'ashram pendant longtemps, et continue à jouer du tambour pendant les pujas et les fêtes de Ma, ainsi qu'à rendre toutes sortes de services à l'ashram de Kankhal auprès duquel il réside. Quand il parle du jeu, 'lila' de Ma, l'expression qui lui revient le plus souvent est "aparamparik", c'est à dire "peu commun, non traditionnel, qui n'a été reçu de nul autre, spontané"…

  1. Anecdotes

§ Un jour, j'étais dans le train avec Ma.. A une gare, la foule était venue pour la voir. Elle m'a demandé d'appeler un vendeur de chikkus (fruits bruns et sphériques assez sucrés, courants dans le nord de l'Inde) qui demandait soixante roupies pour tout son panier de fruits. Ma tenta de marchander à cinquante-cinq, mais le vendeur refusa. A ce moment-là, elle lui proposa soixante-cinq, et avant qu'il ait eu le temps d'accepter, elle monta à soixante-dix, puis de cinq en cinq jusqu'à cent. Quand il a reçu les cent roupies, le vendeur était tellement ému qu'il a fait la prosternation complète devant Ma et lui a demandé de lui donner un Nom de Dieu à réciter. Ma s'est enquise: 'Quelle est la divinité que tu préfères.' 'Ram' 'Eh bien, récite Ram!' C'est ainsi que le vendeur de fruits a été initié par Ma sur le quai même de la gare.

§ Quand Dasuda, avec d'autres, lavait les vêtements de Ma, ils pouvaient régulièrement sentir qu'ils avait une odeur excellente alors que Ma ne mettait aucun parfum.

§ Un voisin de l'ashram de Kalyanvan au-dessus de Dehra-Dun, un ingénieur avait organisé une lecture du Ramayana où il avait invité Ma. La cérémonie se déroulait au rez-de-chaussé, et Ma était montée pour quelques temps se reposer au premier étage. Udas avait gardé comme d'habitude la literie de Ma d'une propreté absolument irréprochable; mais à un moment, celle-ci souleva le drap et appela les jeunes filles qui l'assistaient: il y avait là un petit serpent qui était mort. Ma fit venir une grande feuille avec lequel elle le ramasssa, puis le mit dans une autre feuille et le tout dans un panier. Elle me convoqua alors et me demanda d'emporter le corps de l'animal à Hardwar et de l'immerger à Brahmakund (l'endroit de bain le plus sacré d'Hardwar, là où les pontes du monachisme hindou viennent predre leur bain tous les douze ans lors de la pleine Kumbha-Méla).

§ Ma était dans son premier ashram près de Dehra-Dun, Raipur, tout à fait aux pieds de l'Himalaya. Un jour, Didi a vu que ses vêtements étaient trempés. Elle demanda à Ma pourquoi, car il ne semblait y avoir aucune raison pour cela. Celle-ci ne répondit pas, et ce n'est que plus tard qu'elle apprit qu'à ce moment-même; Bhaiji avait failli se noyer à Bénarès en descendant trop loin sur les ghats alors au'il ne sanvait pas nager. Il s'était senti rattrappé par les cheveux et avait entendu une voix qui le réprimandait :"Toi qui ne sait pas nager, pourquoi donc prends-tu des risques commme cela?"

§ Nous étions avec Ma à Bhagat House, le premier ashram de Ma dans la partie nord d'Hardwar. Ellle allait et venait sur la vérandah au fond de la cour quand un groupe de cinquante ou soixante personnes fit son entrée. Elle me dit immmédiatement: "Vas vite au marché acheter du prasad pour tous ces gens. Et si tu vois une voiture qui passe, arrête-la et demande aux gens dedans de t'accompagner. Il s'est trouvé que la première voiture qui passait avait une énorme corbeille de fruits sur le toit, et appartenant à des fidèles de Ma qui venaient justement la visiter…

§ C'était vers la fin de la vie de Ma. Il y avait un sacrifice au feu (laghu rudra havan) qui était organisé par Mr Kheitan, un voisin de l'ashram de Ma à Kalyanvan, Dehra-Dun. Soudain, un garçon a été mordu par un scorpion. Il tremblait de tous ses membres, et son lit était entouré d'une foule non moins affollée que lui. Ma m'appella et me dit: "Te souviens-tu de la manière don’t Narayan Swami (un ancien disciple de Ma) soignait les piqûres de scorpion?" Je ne me souvenais plus exactement; mais elle me rapppella la conduite à tenir et le mantra à reciter. A peine avais-je commencé quelques passes sur le corps du garçon qu'il devint complètement calme, et finalement il se tira d'affaire sans conséquences de la piqûre pour sa santé.

§ Lors des jours sombres de la Partition, des gens vinrent mettre le feu derrière le temple d'Annapurna à l'ashram de Dhaka. Le responsible de l'ashram écrivit à Ma qui était alors à Solan en Himachal Pradesh pour lui suggérer de mettre la statue en lieu sûr. Elle envoya immédiatement deux hommes pour ce travail. Ils disposèrent la divinité dans une grande caisse, ils mirent aussi dans un seau de métal les braises de l'akhand jyoti, le feu sacré qui brûlait continûment depuis une vingtaine d'années déjà à Dhaka et ont été vers la frontière; Les douaniers à l'époque fouillaient tout le monde et ne laissainet pas sortir d'objets religieux hindous du pays, car la tension interreligieuse était à son maximum. Mais ils ont laissé passer les envoyés de Ma sans même regarder ce qu'ils avaient dans leur caisse. La statue d'Annapurna et le feu sacré ont été installés peu après à l'ashram de Bénarès, où ils ont toujours.

§ Shankar Bharati était un grand bhakta de Lalita Devi, dont le temple était à Lalita Ghat, sur les bords du Gange au nord de Bénarès. Une nuit, il a eu en rêve la vision de cette déesse qui lui a dit: "Sous forme de statue, je réside dans ton temple, mais sous forme 'éveillée' (dans la tradition hindoue, la statue de la déesse peut être éveillée; jagrit, par des prières intenses), je réside en Ma Anandamayi. Va pour avoir son darshan!" Le lendemain même, alors que la chaleur était intense, Shankar Bharati descendit toute l'enfilade des ghats, peut-être six ou sept kilomètres pour aller rencontrer Ma.. Celle-ci a appris par la suite qu'il avait des problèmes de digestion à cause de l'alimentation plus qu'austère qu'il avait adoptée; il demandait à son disciple d'aller à la fin du marché ramasser les restes de légumes qu'en général on laisse pour les vaches, il les faisait cuire et ne mangeait que cela. Pendant un certain temps, Ma lui a fait porter les repas de l'ashram lui-même; après, les disciples de Shamkar Bharati ont arrangés eux-même des repas normaux.

§ Pendant le grand sacrifice au feu entre 1947 et 1950 à Bénarès, j'étais responsible du soin des vaches. L'une d'elle avait accouché d'un veau extrêmement beau, mais qui était malade. Il avait un genou qu'il ne pouvait étendre; et il était donc incapable de marcher; Au bout de quelques temps, son état s'est aggravé. Ma a demandé à certaines brahmacharinis de venir réciter le Mahamantra auprès de lui. Une fois qu'il est mort peu après, elle m'a demandé de l'envelopper dans un tissu, de l'attacher à une pierre et de le jeter dans le Gange (c'est la façon dont on dispose du corps des sadhous également).

§ Lors de la Purna Kumbha-Mela d'Allahabad, c'était peut-être en 1954, ou alors en 1966, tout le monde était parti au bain car c'était le grand jour et il n'y avait que quelques personnes qui étaient restées auprès de Ma, celle-ci n'ayant pas envie de s'y rendre. Soudain, elle dit qu'elle s'est sentie attirée par trois jeunes filles sous forme subtile. Il s'agissait de Ganga, Yamuna et Saraswati (correspondant aux deux rivières visibles et au cours d'eau souterrain, qui se rencontrent au confluent, 'Prayag' ; d'Allahabad). Elles entrainèrent Ma vers la confluence des rivières, c'est à dire l'endroit le plus sacré pour le bain, et celle-ci y parvint, malgré une foule des plus denses, juste au moment du 'mouhourt', c'est à dire à l'heure la plus favorable d'après la tradition.

§ Nous ramenions vers Calcutta avec Ma Didi qui s'était faite traiter à Bombay pour une maladie sérieuse. Ma décida de faire une halte à Bodhgaya, l'endroit de l'illumination du Bouddha au Bihar, entre Bénarès et le Bengale. C'était la nuit, et soudain nous avons senti un parfum de fleur tout à fait remarquable; Nous pensions que Ma avait apporté avec elle un énorme panier de fleurs sans que nous nous en apercevions, mais ce n'était pas le cas. Finalement, celle-ci nous dit: "C'est le Seigneur Bouddha qui s'est manifesté à nous de cette manière."

Dasuda aime à raconter le rapport particulier qu'avait Ma avec les mourants, ou même ceux qui étaient déjà morts. Dans la tradition indienne, le guru doit être présent au moment de la mort, que ce soit sous forme physique ou subtile, pour aider ses disciples au grand passage. Nous terminons par quelques anecdotes à ce sujet:

§ C'était quelque temps après la fin tragique de Vibhuda: il s'agissait d'un chanteur très doué, mais instable physiquement à cause d'un asthme et déséquilibré psychologiquement aussi. Ma le gardait près de lui dans l'espoir qu'il se rééquilibrerait. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide, quand un jour Swami Paratmananda avait donné l'ordre de le changer de chambre et de le mettre dans le bâtiment des sadhous. Il a dit: "Si je vais là -bas, je ne survivrai pas longtemps" Et trois jour plus tard, il a réussi son suicide en se jetant sous un train à Motichur, la première petite gare juste au nord d'Hardwar. Quelques temps plus tard, Ma passait en train sur cette ligne. Panuda me dit: "Vas informer Ma que nous approchons de l'endroit où Vibhuda a rendu l'âme" Mais quand j'approchais de la couchette de celle-ci, je vis qu'elle reposait avec la tête recouverte, je n'osais donc pas la déranger; mais pourtant, au moment où nous passions à l'endroit tragique, elle s'est rassise immobile en méditation. Nous avons compris qu'elle envoyait une bénédiction à l'âme en peine de Vibhuda.

§ C'était à Vrindavan. Bunidi était une brahmacharini très proche de Ma; elle avait une maladie cardiaque et venait de passer deux journées très difficile, avec de l'oxygène. Ma était restées dans sa chambre, de six heures du matin à onze heures du soir. Un médecin occidental qui travaillait à l'hôpital de la Mission Ramakrishna juste en face de l'ashram était passé dans la soirée, avait constaté une certaine amélioration et avait demandé qu'on retire le tuyau d'oxygène. Il avait dit qu'il repasserait le lendemain matin. Il s'était trouvé que Nirvanananda avait été également immobilisé deux jours avant à cause d'un traumatisme au genou. On avait apporté pour lui un bassin dont il n'avait finalement pas voulu se servir. Ma m’a demandé de l'apporter dans la chambre de Bunidi pour que celle-ci puisse l'utiliser et évite de se déplacer jusqu'aux toilettes. Quelques temps après le départ de Ma, Bunidi s'est levée; les brahmacharinis qui la veillaient ont essayé de l'en empêcher, en lui conseillant d'utiliser le bassin. Mais celle-ci refusa catégoriquement et d'une voix irritée. Les assistantes la laissèrent donc aller aux toilettes, et là, elle tomba et rendit l'âme. Un fait intéressant est qu'à ce moment-même; Ma était en chemin pour revenir voir la malade, mais avait été stopppée par Swami Swarupananda qui souhaitait l'entretenir d'affaires de construction dans l'ashram.

§ A Rajghir dans l'ashram de Ma aux environs des années 1970 vivait un vieux Swami, Upen Maharaj. Ma vint le visiter un jour avec trois ou quatre disciples renonçants, Bhaskarananda, Nirvanananda, Keshavananda et un autre. Sans donner de raisons, elle dit qu'elle s'en allait pour quelques jours et demanda aux disciples de rester avec Upen Maharaj. Le lendemain, celui-ci leur offrit un véritable festin, il aimait beaucoup offrir des repas de fête aux sadhous. Quand après la sieste, Keshavananda est venu l'inviter à se joindre aux autres pour le thé, il n'a pas répondu. En plaisantant, Keshavananda l'a secoué pour le réveiller; ce n'est qu'à ce moment-là qu'il s'est aperçu qu'il était mort.

§ Hindu Didi était très malade à l'ashram de Naimisharanya (près de Lucknow, l'endroit où, dit la tradition, les dix-huit Puranas ont été écrits). Ma avait conseillé qu'on l'emmène à Bénarès, la voiture était venue la chercher, je l'ai installée près de l'arbuste de tulsi qu'il y avait aux environs du temple du Puran-Purush (la statue qui représente les Puranas) et j'étais reparti pour ranger sa literie pour le voyage. Quand je suis revenu, Ma était descendue 'par hasard' et Hindudi venait de rendre l'âme. D'après la tradition vaishnava, mourir à l'ombre d'un tulsi est une bénédiction qui vous fait aller tout droit à Vaikhunta, le paradis de Vishnu.

§ Miradi habitait dans une ruelle de Bénarès une petite chambre en rez-de-chaussé; elle était très malade. Ma est venue lui rendre visite avec des fleurs et des fruits qu'elle lui a offerts. Elle n'est pas rentrée à l'intérieur, mais lui a parlé par la fenêtre ouverte, et au bout de quelques temps, elle lui a demandé si elle pouvait s'en aller. Miradi a dit: "Reste encore deux minutes!" Et au bout de deux minutes, elle est morte.

§ Hari Baba, le grand bhakta de Ma qui était lui-même aussi guru, avait demandé longtemps auparavant à Didi de faire en sorte qu'il puisse passer sa dernière heure avec la main de Ma dans la sienne. Il était très malade à Delhi (Vijayananda raconte qu'à ce moment-là les médecins traitants de l'hôpital l'avaient même déclaré mort. Ma est venu le voir, et il s'est réveillé: c'est le seul cas authentifié où Ma ait resuscité un mort). En accord avec le Baba et ses disciples, Ma a décidé de partir avec eux à Bénarès. Quand l'agonie est venue, Ma a été au chevet du malade de six heures du soir jusqu'à une heure du matin, le moment du décès, et elle lui tenait continûment la main.

* * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nouvelles

  • Des satsangs de Ma se déroulent tous les premiers dimanches du mois de 14h30 à 17h30 en région parisienne chez l'un ou chez l'autre. Les lieux sont décidés d'une fois sur l'autre. Ceux qui veulent se joindre à ces réunions entamées à l'instigation de Swami Bhaskarananda peuvent appeler Claude Portal pour qu'il leur indique l'endroit de la prochaine réunion.
  • Swami Nirgunananda animera une retraite en France du vendredi 9 au mercredi 14 juillet. Claude Portal décidera du lieu selon le nombre de participants, signalez-lui donc votre participation le plus tôt possible (12 rue Lamartine 78100 St-Germain-en-Laye) afin de faciliter l'organisation. Les lecteurs de Jay Ma se souviendront de Nirgunanda qui a été le secrétaire privé de Ma pendant les trois dernières années de l'existence de celle-ci et qui vit depuis douze ans à l'ermitage de Dhaulchina, là où Vijayananda avait passé six ans autour des années 70, et où j'ai été moi-même en retraite cinq mois depuis le printemps dernier. Je peux témoigner que Nirgunananda mène 'là-haut' (à 2200m d'altitude) une vie de sadhana soutenue.
  • Le centenaire de la naissance de Didi qui coincidait avec le soixantenaire de la fondation du Kanyapith (l'école des filles) s'est déroulé à Bénarès en mi-février pendant une dizaine de jours, en présence de Swami Chidananda et de la plupart des anciens de la Sangha de Ma.. Un livre-souvenir avec de belles photos inédites de Ma et de Gurupriya Didi a été publié pour l'occasion.
  • Un groupe de Yoga de dix-sept personnes venant de la région de Brest est venu visiter Kankhal pour avoir des satsangs avec Vijayananda pendant une dizaine de jours en tout. C'était la première visite en Inde pour les élèves de Chantale, la professeur de Yoga qui avait organisé le voyage. Cela leur a permis de concretiser bien des notions qu'ils avaient sur le Yoga traditionnel, et certains d'entre eux parlent déjà de revenir…

Shri Ma compose une pièce de théâtre sacré

par Bithika Mukerjee

Une parole de Shri Ma dit que les petites filles (kanyas) ou garçons sont comme des fleurs fraîches et immaculées, digne du Divin. Pour eux, rentrer en contact avec la dimension de la grâce toujours présente est facileet naturelle. Le kheyala de Shri Ma était toujours avec le Kanyapith. Il était donc peut-être juste que quand elle avait le kheyala de faire jouer un lila (une pioèce de théâtre sacrée, cela se passait au Kanyapith.

Lors d'une de ces soirées de représentation, Mauni Ma dit à Shri Ma; "Ma, pourquoi ne faites-vous pas une pièce de théâtre vous-même?" Shri Ma répondit immédiatement: "Dois-je faire ainsi? Participerez-vous si je dirige une représentation?" Tout le monde fut d'accord avec enthousiasme. Le jour suivant, Shri Ma me fit appeler et exprima son sentiment sur le lila qu'on devait mettre en scène le soir-même. Rétrospectivement, je réalise qu'en ceci Ma s'est révélée pleinement. Le lila, simple en lui-même, nécessiterait de nombreuses pages pour une étude approfondie de sa signification. Déjà, Shri Ma organisa une scène où acteurs et spectateurs pouvait former un groupe homogène. Shri Ma n'avait jamais le temps de me donner des instructions complètes, jer la suivais d'un endroit à l'autre avec un carnet et un crayon et je notais ce qu'elle parvenait à me dicter de temps en temps, parfois même en allant d'une réunion à l'autre. J'ai compris ses instructions de la faàon suivante:

On devait diviser le hall en huit sections ou plus. On devait en laisser les limites fluides et permettre à l'assistance de remplir sans difficulté l'ensemble de l'espace disponible, y compris celui traditionnellement réservé à la scène. Il y aurait deux personnages au centre de chaque partie. L'un représenterait un forme de Dieu, et l'autre son adoratuer. Le salle entière serait une assemblée où les gens seraient assis en groupe autour d'une 'statue' donnée. Ces groupes pourraient se fondre l'un dans l'autre; mais il y aurait des petis chemins distincts qui y mèneraient. Les groupes don’t Ma a donné le détail étaient les suivant, autant que je me souvienne: le premier des deux groupes à une extremité de la salle devait être cemlui des fidèles de Vishnou et Shiva. Dans le premier carré deux filles du Kanyapith devait prendre la posture classique de Radha et Krishna. Dans le second Didi était assise en méditation en face du Gange, et une autre étudiante était ornée comme Shiva. Deux autres groupes représentaient les fidèles de ram et du Bouddha. Dans le groupe suivant, nous avions des ascètes qui levaient les yeux avec une expression calme et seriene vers une représentation d'Adi Shankaracharya (le premier Shankaracharya). Dans une partie plutôt informe il y avait des yogis, des ganapatis et Hanuman joué par Vishuddha, qui à cette époque était bien malicieux. Je pense qu'il y afvait d'autres personnages moins clairement définis censés représentés les divinités et fidèles des formes de religions non hindoues.

Il y avait un petit balcon de l'autre côté de la salle. Les nombreux accessoires simples de ce lila y étaient rassemblés: un livre, une paire de cymbale, un colliere de rudraksha, une guirlande de fleurs, des pétales de tulsi, des feuilles de bilva et beaucoup d'autres articles de ce genre. Pendant toute la journée, Ma me dictait des bouts de lignes que je devais dire. L'idée é"tait que je devait dé"crire les diverses représetations divines en mettant en avant leur majesté et leur grandeur ainsi que leurs qualités qui captivaient le coeur de leurs fidèles. Ensuite j'appelais un assistant (Shri Ma déguisée) pour fournir aux fidèles les objets utiles qu culte de leur divinité d'élection. Shri Ma me dit: "Tu donneras l'ordre suivant, 'o toi, servate, viens ici!" J'étais étonnée et dit: "Qui suis-je donc pour appeler Ma une servante?" (dasi, un mot qui signifie aussi 'esclave')

"Il s'agit de ce corps, bien sûr!"

"Mais je ne peux vous appeler "dasi"!

"Vraiment pas."

"Non, vraiment; vraiment pas!"

Shri Ma prut un peu stupéfaite, mais didi qui était à mes côtés me soutint. Elle dépassa alors cet obstacle à son kheyal en disant, "Eh bien, j'ai eu de nombreux surnoms lorsque j'étais petite, l'un d'entre eux était Tirthavasini Mai (la dame qui réside dans les lieux de pèlerinage). Je n’avais pas d'objection à ce nom que je trouvais tout à fait adapté. Ainsi, je devais l'appeler en lui disant quelque chose de ce genre; "O Tirthavasini Mai, venez par ici, voyez comme ce verger est vbeau, comme ces personnages de Radha et Krishna sont captivants! Voyez comme les gens qui chantent le kirtan sont impliqués! On est vraiment transport& dans un autre monde dans une telle atmosphère".

Qprès ce commentaire, Shri Ma devait sortir du balcon voilée si complètement qu'elle espérait ne pas être reconnue et apporter aux fidèles des paires de cymbales qu'elle leur remettait en mains propres.

 

 

JAY MA N° 53 - ETE 1999

 

Paroles de Ma

 

Pourquoi doit-on avoir le regard focalisé quand on suit le Chemin? Le regard, c’est Lui et le ‘pourquoi’, c’est aussi Lui. Tout ce qui est révélé ou caché où que ce soit et de quelque manière que ce soit est ‘Toi’, est ‘Je’. La négation, tout comme l’affirmation, est égalementTu’ –le Un.

Essayez de saisir la signification de ‘tout est à Lui’ et vous vous sentirez immédiatement libéré de quelque fardeau que ce soit.

Pendant le satsang, deux aveugles vinrent pour parler avec Mataji. L’un d’eux demanda: ‘Comment avoir la vision de Dieu? S’il vous plaît, dites-moi la manière la plus facile d’y arriver!’ Ma répliqua, ‘Cherchez-Le pour Lui-même’… Ne soyez pas même intéressé par votre progrès spirituel, car c’est une préoccupation qui n’est pas dépourvue d’égo. Cherchez Dieu parce que c’est votre nature de faire ainsi, parce que vous ne pouvez pas rester sans Lui.

Question: ‘Parfois, je suis désespéré parce que je ne semble pas capable de réussir.’

Ma: ‘Vous êtes désespéré quand vous avez des désirs et qu’ils restent insatisfaits. Mais quand on aspire à Dieu pour Lui-même, comment est-il possible d’être désespéré?’

Il y a deux genre de pélerins dans le voyage de la vie: le premier groupe est constitué de touristes qui aiment aller ici ou là pour voir des paysages; ils papillonnent d’une expérience à l’autre pour s’amuser. L’autre groupe chemine sur la voie qui est cohérente avec l’être véritable de l’homme et qui mène à sa demeure réelle, le connaissance de soi et du Soi

Le Nom de Dieu est en lui-même le rite pour exorciser les influences indésirables. Les démons et les fantômes ne peuvent demeurer en sa présence.

Le mot ‘manush’, ‘être humain’ en lui-même donne la clé de que l’homme doit être: une être qui est conscient de lui-même (man signifie le mental). Même s’il a glissé et qu’il est tombé, n’est-ce pas son devoir obligé d’utilsier la terre même sur laquelle il a buté comme un appui et de se remettre debout une fois de plus?

J’appartiens à tous les lieux et à tout le monde. C’est donc ma demande instante que vous me fassiez une place dans votre coeur.

Tout ce que les gens font appartient au royaume de la mort, du changement incessant. Rien ne peut être exclu. Sous la forme de la mort, c’est Toi, et sous la forme du désir c’est encore Toi qui devient et qui est à la fois différenciation et identité car Tu es infini, sans fin. C’est Toi qui va sous le déguisement de la Nature; quel que soit le point de vue à partir duquel on fasse une assertion, je n’y objecte jamais, car Lui seul est tout en tout, Lui seul est celui qui a une forme et en est dépourvu.

Un arbre est arrosé par ses racines. Les racines de l’homme, c’est son cerveau où le raisonnement, son intellect est constamment au travail. Grâce au japa, à la méditation, à l’étude approfondie des Ecritures, on progresse vers le but.

Questions à Vijayananda

Q: Quelle importance doit-on donner au corps quand on a un désir sincère de vie spirituelle? Est-ce différent lorsqu'on est encore dans le monde?

V: Le corps est un instrument, et c'est un instrument précieux pour nous aider dans notre voie spirituelle. Il faut le traiter commme un cavalier traite son cheval. Il faut le nourrir, mais pas trop, le maintenir propre, ne pas trop le fatiguer, ne pas le battre inutilement. En bref, il faut en faire un ami et un bon serviteur, mais bien prendre garde qu'il ne devienne pas le maître. Ceci est dit pour un sadhaka mais celui qui a atteint la Connaissance n'est plus identifié au corps et il laisse à Prakriti, la nature, le soin de s'occuper du corps jusqu'à ce qu'il ait atteint le terme de son existence.

Q: La vie spirituelle ne peut-elle pas devenir une fuite d'un malaise dans son corps et dans le monde physique?

V: Nous essayons constamment de fuir les sensations pénibles qui nous viennent de notre corps ou de notre entourage; mais les gens ordinaires n'en sont que vaguement conscients. L'âge progressant, ils se sont trouvé toutes sortes de moyens d'échapper à ces états pénibles: le tabac, l'alcool, le sexe, la lecture, le cinéma, etc…et pour certains même les drogues. Dans la vie spirituelle, il nous faut d'abord prendre conscience de ces sensations et de notre tendance presqu'irrésistible d'essayer d'y échapper. Puis il faut leur faire face et on s'aperçoit qu'elles ne sont pas si terribles qu'on l'imagine et on les supporte. Ceci fait, dans un troisième temps, par la méditation, la maîtrise des nadis, on peut à volonté détourner l'attention vers le saharasa, le bonheur du Soi qui est l'essence même de tous le plaisirs et de toutes les joies. Alors le corps apparaît comme un appendice sans grande importance.

Q: De nos jours, le terme spiritualité est si souvent utilisé qu'il semble perdre de son intensité. Quelle serait votrre définition de la spiritualité?

V: La spiritualité -la vraie- est l'attitude mentale et la conduite qui permet de révéler le Divin éternel qui est en chacun de nous et qui est en fait notre Soi le plus intime. Ce Divin est voilé par les émotions négatives, par la tendance du mental à rechercherla Paix et le Bonheur dans la réflexion du Soi sur les objets des sens. Il faut donc faire une réversion vers le subjectif du mouvement du mental. Comme le dit la Kathopanishad; auriti chakshu, le regard tourné vers l'intérieur.

 

 

 

A Bénarès avec Gopinath Kaviraj et Ma

Par Melitta Mashman

 

Hier, j’ai rendu visite à Shri Gopinath Kaviraj (un des pandits les plus connus de Bénarès, qui était très dévoué à Ma et qui a fini ses jours dans son ashram sur les bords du Gange). Il m’y avait autorisé. Dès qu’on franchit la grille du jardin, on pénètre dans une zone de silence qui entoure ce personnage peu ordinaire de cercles concentriques de plus en plus silencieux. On y trouve un palmier vigoureux, avec un sous-bois sauvage rempli de fleurs blanches. Sur la terrasse un petit feu entretenu par un servant qui, sans un mot, indique d’un geste par dessus l’épaule l’entrée de la maison. Un couloir au plafond élevé, sombre, puis un escalier raide, tout cela dépourvu de décorations inutiles, austères. Quant à l’étude du sage, elle ressemble plus à une cellule monastique qu’à une chambre, avec des livres, des magazines et des manuscrits en piles imposantes aux quatres coins de la couche sur laquelle il est assis. Il montre du doigt un tabouret: ‘Asseyez-vous!’ Mais je préfère m’asseoir sur le sol. Sans efforts, quelques minutes de silence. Finalement il se met à parler de l’essai dans lequel j’ai décrit ma première rencontre avec Mataji. Une grande ‘appréciation feutrée’. Ensuite silence de nouveau, que cette fois-ci j’interromps. Je demande si je puis lui expliquer où j’en suis spirituellement à ce moment-ci de mon itinéraire. Il approuve d’un signe de tête avec les yeux mi-clos. Parfois, un sourire d’appréciation passe rapidement sur son visage.

Quand je lui dis que je n’ai pas de désir particulier de parler avec Mataji, il écarquille les yeux d’étonnement. ‘ Excellent, dit-il, ne cherchez pas à vous entretenir avec elle, regardez-la seulement avec une attention soutenue et cherchez le contact qui est au-delà des mots.’ Je lui demandai alors si je devais méditer malgré le fait que je n’aie semble-t-il aucun don en ce sens. ‘Cela vous serait d’un grande secours’. Nous restâmes silencieux quelque temps, puis il me dit de revenir d’ici quelques jours; il me donnerait certaines suggestions pratiques. Sans un mot il joint les mains, un sourire distant, un inclinaison de tête à peine perceptible, il prend congé de moi. Une fois levée, je reste là, debout un moment. Cette pièce avec ses murs dénudés et ses montagnes de livres me semble plus familière que toutes les chambres où j’ai pu moi-même vivre. Le sage sur le lit, avec ses rares cheveux argentés et ses lourdes paupières a été mon père auparavant, et sera un jour ou l’autre mon frère. Je ne sais rien de sa vie et pourtant j’ai l’impression de tout connaître.

En revenant en rickshaw par les rues pleines de monde, j’ai la sensation physique que tout ce que je vois alentour n’était pas à l’extérieur mais à l’intérieur de moi-même. La peau qui délimite et emprisonne mon corps semble s’être étirée infiniment et contenir tout ceci également. Je me souviens tout d’à coup de la sensation que j’ai eue il y a un an après mon premier darshan avec Mataji. Je sentais que mon coeur –mon coeur physique- doublait de taille. Pendant des journées entières je pouvais expérimenter qu’il se dilatait progressivement. C’était une sensation qui engendrait à la fois souffrance et félicité…

Mélitta raconte ensuite une visite matinale à Sarnath, près de Bénarès, où elle sent de façon vivide la présence du Bouddha, de l’Eveillé. Il était presque midi quand je suis retournée à l’Ashram. Mataji est assise dans la petite cour de la maison de son frère en face du sanctuaire dans lequel celui-ci accomplissdait une puja. La cour est pleine à craquer. Je reste debout à l’entrée. Un quart d’heure plus tard, Mataji me fait signe de venir à l’intérieur. J’avais cueilli, aux pieds de l’arbre sous lequel je m’étais allongée à Sarnath, une plante jaune-rouge, flamboyante, dont les graines étaient tombées. Je l’avais prise avec moi à cause de sa grande beauté, et maintenant je l’offre à Mataji. Je demande à quelqu’un de lui expliquer que je l’ai trouvée à Sarnath. ‘Considérez-la comme un symbole de quelque chose pour lequel je veux lutter avec votre aide, Mataji. Je souhaite devenir vidée de toute semence karmique tout comme cette coque a été vidée de ses graines.’ Avec grand soin je fis tomber la plante dans les mains de Mataji. La vénération me rendait trop timide pour la toucher.

Avec un sourire, Mataji regarde mon cadeau tout en répétant à voix haute mes paroles en bengali. Soudain, elle met la plante dans sa main gauche et me tend la droite. Chez les hindous, on n’a pas l’habitude de serrer la main; je n’ai jamais vu Mataji le faire. Elle me donne sa main délicate et menue comme on offrirait une fleur. Je me surprends à voir que j’hésite à la serrer. Finalement je me risque à ne toucher prudemment que la partie supérieure de ses doigts pendant quelques secondes comme s’il s’agissait de joyaux précieux, vénérables. Il me vient à l’esprit que j’aimerai les toucher avec mon front, mais immédiatement j’ai honte d’une impulsion aussi crue et avec beaucoup de soin je restitue ce qu’on m’avait prêté pour quelques instants. Plus tard, plusieurs personnes sont venues et m’ont demandé de leur serrer la main. Ce qu’il recherchaient sûrement, c’était un contact indirect avec la main de Ma.

 

 

 

 

L’enfant errant

Au mois de février nous avons rencontré avec un groupe de Français, membres d’une association de Yoga intitulée Lumière à Brest Swami Jnanananda, d’orignie suisse mais qui vit depuis maintenant pratiquement un demi-siècle en Inde. Il a passé quinze ans à Kankhal et a bien sûr eu souvent le darshan de Ma. Il nous a raconté qu’un jour un enfant d’une dizaine d’années est venu à elle. Il était déjà renonçant, allant d’un endroit à l’autre avec des tresses dans les cheveux (jatas) et un trident en main à la manière de Shiva. Ma lui a demandé ‘Où habites-tu?’ Il a immédiatement répondu: ‘A vos pieds!’ Quelques années plus tard, alors qu’il n’avait guère que quinze ans, il a composé un chant que Swami Jnanananda reprend très souvent, et que nous avons appris avec lui lors de notre dernière rencontre à Dehra-Dun: les paroles sont très simples, ‘Anandamayam, ce qui désigne le Soi pénétré, constitué (mayam) de félicité, Krishnamayam, qui évoque le Dieu-Guru enseignant Arjuna sur le champ de bataille; Govindamayam, qui fait allusion à l’aspect de Dieu comme un ami intime, l’adolescent Govinda de Vrindavan; et ensuite Brahmamayam, pénétré d’Absolu; et pour conclure on reprend une fois Anandamayam, car la félicité est l’alpha et l’oméga de l’évolution intérieure. C’est parce qu’on en a une intuition de départ qu’on se met en chemin, c’est parce qu’on l’expérimente pleinement qu’on réalise ce qu’il y a à réaliser.

 

 

 

 

Ma est sa propre lumière

Par GC Das Gupta

Le 3 août 1944 l’auteur de cet article a rendu visite à Ma à Navadvip car il avait appris qu’elle était fort malade. C’était la veille de Jhulan Purnima (pleine lune de Krishna, fête aussi des frères et soeurs à l’occasion de laquelle Ma avait coutume d’attacher le raksha bandhan, le lien, le bracelet de protection au poignet de ses disciples). Ma était au premier étage des bâtiments attachés au temple de Govinda. Quand l’auteur de ces lignes est arrivé avec deux dames il était environ onze heures du soir. Une ampoule électrique était allumée. En pénétrant dans la pièce, nous avons vu Ma, assise, resplendissante de joie. Tout son corps rayonnait comme une sphère de lumière éblouissante rendant l’ampoule presque pâle et rougeâtre. Un rayonnant si merveilleux provenant d’un visage humain était au-delà de ce que l’on pouvait concevoir. Son corps brillait en même temps d’une lumière tellement douce que la pièce entière semblait remplie d’une présence divine éthérée. Par la suite, lorsqu’on demanda à Ma ce qui avait rendu son corps si brillant cette nuit-là, en dépit de son état de santé grave, elle dit doucement avec le sourire attachant qui la caractérisait, ‘N’avez-vous pas vu comme la plupart des dieux et des déesses des temples de Navadvip étaient joliement habillés et illuminés pour les célébrations de Jhulan Purnima? Ne pensez-vous pas qu’il était convenable que ce corps aussi ait manifesté un certain éclat, une certaine grâce?

Le lendemain matin, nous étions tous assis en face de Ma. On distribuait le prasad du temple de Govindaji. Une dame avec un bébé dans les bras était venue voir Ma qui s’entretenait avec de nombreux visiteurs et visiteuses. En entrant, la dame demanda: ‘Où est la Mère ici?’ On lui désigna Ma. Eut lieu alors la conversation suivante:

Q : On dit que vous êtes Mère. Où sont vos fils et vos filles.

Ma : Ici (en désignant son coeur)

A : Où est votre mari ?

Ma : Ici (avec le même geste)

A : Où sont vos parents ?

Ma : (avec un sourire) Ici en ce coeur

Q : Votre maison ?

Ma : (Avec le même geste) Ici !

La dame qui posait ces questions semblait complètement déconcertée, n’arrivant pas à comprendre ce à quoi Ma faisait allusion. Ma le remarqua et avec sa façon habituelle d’apaiser et de convaincre lui dit, ‘Ici en ce corps il y a tout ce qui se trouve dans l’univers –père, mère, fils et fille et tous les êtres crées. De cet Un tout tient son être. Dans cet Un tout existe, tout persiste et finallement tout se fond.

…Quand Ma chante, que ce soit en bengali, hindi ou sanskrit, la douceur et la pureté solennelle de la mélodie, la profondeur du sentiment et le monde qu’on pouvait entrevoir en écoutant simplement, tout cela contribuait à produire un effet étrange et profond sur les auditeurs qui en gardait fréquemment un souvenir inoubliable. Elle insistait sur le chant dévotionnel de type kirtan où, disait-elle, le coeur des êtres vivants, les âmes des saints qui sont partis dans l’au-delà et les pouvoirs subtils qui nous entourent pouvaient participer et s’unir.

(Amrita Varta, avril 1997, p.12)

 

 

 

En parlant de conversions

Nouvelles pages du journal d’Atmananda

Un journaliste irlandais et un étudiant chercheur à l’Université hindoue de Bénarès vinrent pour le darshan de Mataji.

Auestion : Qu’avez-vous à dire sur ceux qui insistent sur le fait qu’il n’y a qu’une religion qui soit la bonne?

Ma : Toutes les religions sont des chemins vers Lui.

A : Je suiis chrétien…

Ma : Moi aussi, je suis chrétienne, musulmane, tout ce que vous voulez.

A : Serait-il juste pour moi de devenir un hindou ou est-ce que mon approche doit se faire par la voie chrétienne ?

Ma : Si c’est votre destinée de devenir hindou, cela se produira de toutes façons. C’est comme vous ne pouvez pas demander ce qui arrivera en cas d’accident de voiture. Quand l’accident arrivera, vous verrez bien.

Q: Si je sens le besoin impérieux de devenir hindou, dois-je y céder ou est-il juste de le refouler, puisqu’on dit que chacun est né à la place qui est meilleuere pour lui ?

Ma : Si vous sentez réellement le besoin de devenir hindou vous ne poseriez pas cette question, vous le feriez effectivement. Cependant, ce problème a un autre aspect. Il est vrai que vous êtes chrétien, mais il y quelque chose d’un hindou en vous, sinon vous ne pourriez même pas connaître quoi que ce soit au sujet de l’hindouisme. Tout est contenu dans tout. De même qu’un arbre produit des graines et que d’une seule graine des centaines d’arbres peuvent se développer, de même la graine est contenue dans l’arbre et l’arbre tout entier, potentiellement, dans une graine minuscule.

Q: Comment trouver le bonheur ?

Ma : Dites-moi d’abord si vous êtes d’accord pour faire ce que ce corps vous demandera.

Q : Oui, je le suis.

Ma : L’êtes-vous réellement? Très bien. Maintenant, supposez que je vous demande de rester ici, en serez-vous capable?

A : Non, pas vraiment… (rires)

Ma : Vous voyez, le bonheur qui dépend de quelque chose d’extérieur, femme, enfants, réputation, amis ou n’importe quoi d’autre, ne peut durer ; mais trouver le bonheur en Lui qui est présent partout, votre propre Soi, voilà lla chose réelle.

A : Vous dites donc que le bonheur réside dans le fait de trouver mon propre Soi ?

Ma : Oui. Trouver votre Soi, découvrir ce que vous êtes réellement signifie trouver Dieu, car il n’y a rien en dehors de Lui.

Q : Vous dites que tout est Dieu ; mais certaines personnes ne sont-elles pas plus Dieu que d’autres ?

Ma : Pour celui qui pose cette question, il en est ainsi ; mais en réalité, Dieu est pleinement et également présent partout.

A : N’y a-t-il pas de substance en moi en tant qu’individu ? N’y a-t-il rien en moi qui ne soit pas Dieu ?

Ma : Non. Même dans le fait de ‘ne pas être Dieu’, il n’y a que Dieu seul. Tout est Lui.

A : N’y a-t-il aucune justification au travail professionnel ou dans le monde ?

Ma : S’occuper d’affaires mondaines agit comme un poison lent (jeu de mot probable entre vishay, les objets mondains et vish, le poison). Progressivement, sans même s’en apercevoir, cela mène à la mort. Est-ce que je dois conseiller aux Pitaji et Matajis qui viennent me visiter de suivre ce chemin ? Je ne le peux. Ce que ce corps dit est : Choisissez la Voie de l’Immortalité, prenez le chemin qui, d’après ce que vous sentez de votre tempérament, peut mener à la Réalisation de votre Soi. Néanmoins, même en travaillant dans le monde, il y a une chose que vous pouvez faire. Quoi que vous fassiez tout au long de la journée, essayez de le faire dans un esprit de service. Servez Dieu en chacun, considérez tous et tout comme Ses manifestations et servez-Le quel que soit le travail que vous entrepreniez. Si vous vivez dans cet état d’esprit, le chemin vers la Réalité s’ouvrira devant vous.

(Amrita Varta, avril 1997, p.17-18)

 

Sur les bords de la rivière Gomati

Par Krishnanath

Après la Samyam Saptah de 1960 à Naimisharanya (près de Lucknow, l’endroit où d’après la Tradition les Puranans ont été écrites), Ma est restée dans une petite maisonnette sur les bords de la rivière locale, la Gomati, et Krishnanath a eu la chance de faire partie du petit groupe qui a pu demeurer auprès d’elle pendant deux semaines de plus. Il raconte quelques épisodes de ce séjour.

En soirée, Mataji marchait parfois près de sa maisonnette ; Un soir un groupe d’oiseaux passa en formation au dessus de nos têtes et Mataji demanda au Dr Pannalal combien d’oiseaux il comptait. Il répondit rapidement, ‘treize !’. Le groupe fit une courbe et repassa au-dessus de nos têtes ; certains d’entre nous essayèrent de compter. Les uns dénombrèrent douze oiseaux, les autres quatorze. Mataji dit que treize était le nombre exact, et demanda au Dr Pannalal s’il les avait compté pour de bon. Il admit qu’il avait juste donné un chiffre qui lui passait par la tête. Mataji nous dit alors qu’elle avait pensé au chiffre 13 et que parfois d’autres expriment à voix haute ses pensées…

Un autre jour, un brahmachari demanda à Ma : ‘Comment pouvons nous aimer ce que nous n’avons jamais vu ? C’est pour cela que tous, nous voulons que Dieu nous donne un aperçu de Lui-même.’ Mataji répliqua que c’était une durbuddhi (idée fausse), mot qu’elle interprétait comme dur (à distance) et buddhi (pensée), c’est à dire le fait de penser que Dieu est à distance, et cela menait à dur-gati (littéralement ‘malheur’), ce qui signifiait d’après elle ‘aller loin de Dieu’ à la place de le réaliser (comme immédiatement présent). Comme elle exprime d’une façon magnifique cette vérité selon laquelle Dieu est au-dedans de nous! Ma poursuivit en disant que si l’on ne pouvait pas visualiser une forme particulière de Dieu, on pouvait considérer que les lettres elle-mêmes de Son Nom étaient Dieu. En Sanskrit le mot pour ‘lettre’ est akshara qui signifie également ‘impérissable’ et qui est appliqué à l’Absolu dans la Gita. Le terme mantra est en général dérivé de mannat trayate ‘ce qui protège par la contemplation’, mais Ma fait dériver ce terme de man tera ‘Mon esprit est tien’ –en d’autres termes l’abandon complet.

…Un homme qui s’est présenté come un employé des Chemins de fer désirait connaître un voie simple pour atteindre Dieu sans avoir à passer du temps en japa, méditation, etc…

Ma lui conseilla d’aller régulièrement dans des satsangs et de rencontrer des saints ; il demanda ce qu’il devait faire si même cela n’était pas possible. Ma lui conseilla alors la lecture des sadgrantha, les bons livres spirituels, c’est à dire ceux qui mènent à l’être (sat). Il posa ensuite la question de savoir comment il gagnerait sa vie s’il abandonnait son métier pour partir à la recherche du Divin. Ma dit ‘Dieu pourvoit’ et raconta une histoire à ce propos : Deux amis essayaient de vérifier la vérité de cette maxime en méditant dans la forêt. Au bout de plusieurs heures, l’un d’entre eux eu faim et ne voyant pas de perspective de nourriture venant jusque là, retourna à la ville et eut un bon repas. Ensuite, il eut pitié de son ami et lui rapporta de quoi manger juste à l’endroit, sous l’arbre, où il était assis en méditation. Il le provoqu en lui disant : ‘Tu vois ! Dieu ne t’a apporté aucune nourriture!’ L’autre répliquan, ‘Mais si, il vient de m’en apporter par ton intermédiaire, malgré le fait que tu doutes.’ Le monsieur qui interrogeait Ma continua à exprimer sa méfiance et certains d’entre nous était fâchés de ses façons hautaines, mais Mataji lui offrit du prasad, lui parla avec une grande douceur et lui demanda d’essayer.

…Un jour de nouvelle lune, une foule de gens étaient venus pour se baigner au Chakra Tirtha. Mataji nous dit de nous rendre là-bas et de voir Bhagavan (Dieu) sous le déguisement de la foule. Nous nous rendîmes donc au bassin sacré et en regardant du point de vue suggéré par Ma, nous fûmes réellement touchés par la scène de ces centaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui se pressaient pour prendre leur bain. Ils étaient venus à pied, certain d’aussi loin que soixante km. Nous vîmes deux garçons mesurant la distance en se prosternant tout du long à chaque pas et progressant de cette façon vers le bassin. Un autre trait intéressant, c’était les pandas (prêtres) qui étaient assis autour du bassin soit sur des petits lits en bois soit accroupis à même le sol ; ils avaient en face d’eux des paniers dans lesquels les pélerins déposaient leurs vêtements et leurs affaires.On leur donnait de l’herbe kusha pour faire des aspersions d’eau lustrale, et en revenant du bain ils plaçaient dans le panier pour récompenser le prêtre de ses services ce qu’ils avaient apporté, le plus souvent des poignées de grains ou de légumes de leurs propres fermes. A chaque fois que je verrai des foules dans les lieux sacrés, je me souviendrai de ne pas être gêné par elles, mais de les considérer comme des manifestations du Divin.

 

 

 

L’armoire vide

Une histoire racontée par Ma

Un homme très riche mourut en laissant sa fortune à son fils. Avant de fermer les yeux pour toujours il lui dit que s’il en arrivait à être vraiment dans la misère, il devrait ouvrir un certain placard de la maison; mais il ne devait le faire sous aucun autre prétexte. Le fils était prodigue et bientôt il eut épuisé toute la fortune. A la fin, il en est arrivé à la ruine quasi complète, il ne pouvait même plus assurer les premières nécessités à sa famille; de plus, la maladie ainsi que toutes sortes d’autres misères avait frappé la famille. Il se souvint de l’armoire et parvint non sans mal à l’ouvrir. A son grand désespoir il découvrit qu’elle était vide. C’était une armoire de couleur noire tout à fait ordinaire, il la jeta donc aux ordures et se mit à chercher et creuser partout pour trouver le trésor caché. A court de ressources il eut finalement l’idée de demander son aide à un mahatma. Celui-ci accepta de venir chez lui et de voir ce qu’on pouvait faire. En arrivant il regarda alentour et dit: ‘Donnez-moi un siège près de l’armoire noire’, il s’assit et gratta le vernis du vieux meuble et voilà qu’il s’avéra être constitué d’or pur. ‘De même, conclua Mataji, on trouvera de l’or dans le coeur de chacun, là où l’Un trône sur son siège de lotus. Mais tant qu’on n’est pas complètement vide, on ne peut découvrir l’or.’

(Amrita Varta, juillet 1997, p.18)

 

 

Lire le livre du coeur

Extraits du journal de Gurupriya Didi

Nous essayons de transcrire ce que Ma dit, de notre mieux. En entendant ceci Ma rit et dit, ‘Qu’est-ce que cela va vous apporter d’écrire tout cela ? Il y a tant de mahatmas qui ont écrit tellement de choses. Dieu vous donne des leçons d’un si grand nombre de manières différentes, n’est-ce pas suffisant ? Cela ne fera qu’un ouvrage de plus du même genre ; Qu’allez-vous écrire de nouveau ? Rien n’est nouveau, tout est ancien.’ En disant cela, elle se mit à rire comme une enfant…. Quelqu’un posa à Ma la question suivante, ‘Si personne ne peut faire quoi que ce soit en dehors de la volonté de Dieu, pourquoi devrais-je souffir ou bénéficier des conséquences de mes actes mauvais ou vertueux ? Ma rit et dit : ‘Vous croyez fermement que rien ne peut survenir sans la volonté divine, n’est-ce pas ?’ Il répondit par l’affirmative. ‘A ce moment-là, il n’est pas question que Baba ait des actions mauvaises ou vertueuses ; mais comme la question s’est posée en vous, je dirai que vous n’avez pas la volonté ferme que rien ne peut survenir sans la volonté de Dieu. Le monsieur fut d’accord avec ce qu’affirmait Ma. Elle ajouta, ‘la foi est toujours aveugle. Par la suite elle devient évidente, comme je vous vois et vous me voyez, mais au départ vous commencez par la foi aveugle et ensuite vous entrez le royaume de l’expérience. Vous devez lire, Baba. Qu’est-ce que lire ? Je ne me réfère pas à la lecture des livres ; mais de même que les livres nous donnent des connaissances sur des sujets extérieurs et aident à transformer même un enfant ignorant en un savant compétent, de même il est un livre au fond de chacun d’entre nous. Essayez de lire ce livre. En le lisant vous n’aurez plus aucun doute sur quelque sujet que ce soit et les questions ne sélèveront plus en vous; vous comprendrez par vous-même ce sujet sur lequel vous m’avez interrogée.

(Gurupriya Devi, Sri Sri Ma Anandamayi, vol.VI p.140, 142)

 

 

Ma en famille

Amulya Kumar Datta Gupta

 

Un peu plus tard Ma et Baba Bholonath partirent pour le jardin de feu Ishwar Ghosh pour rencontrer ‘grand-papa’ (le père de Ma, Sri Bipin Bihari Bhattacharya). Nous avons aussi suivi. En arrivant là-bas Ma fit pranam à son père et s’assit ensuite au bord de l’étang. Swami Shankarananda lui dit, ‘Vous avez fait le pranam à votre père, pourquoi avez-vous laissé de côté votre mère?’ Avec un sourire, Ma répliqua; ‘J’ai complètement oublié’. Après, elle alla faire pranam à sa mère. Elle se prosterna aussi devant nous avec la tête qui touchait le sol. Elle mit également la tête sur ses propres pieds pour se faire pranam à elle-même. Swamiji dit, ‘Ma, vos pranams sont presque parfaits mis à part un détail’ ‘Lequel?’ ‘Vous avez oublié Bholonath’ Ma retourna auprès de Bholonath et s’inclina devant lui. Elle vint à travers tout ce processus en souriant, comme si elle jouait un rôle. Je ne la quittais pas des yeux, bouche-bée. Jetant un coup d’oeil de notre côté, Ma éclata de rire.

…A la fin du kirtan, quand on l’invita à rentrer dans la maison, Ma déclara qu’elle dormirait sur la vérandah du temple d’Annapurna. Akhandanandaji éleva des objections en disant que les brahmacharis allaient y dormir. ‘Qu’ils le fassent donc! dit Ma, une fois que j’ai décidé de rester là il faut que je le fasse.’ Peu de temps après, Akhandanandaji vint informer Ma que Bholonath voulait s’entretenir avec elle. Ma alla dans la maisonnette où il demeurait. A ce moment-là nous nous aperçûmes que les choses étaient devenues graves. Baba Bholonath essayait de démontrer à Ma que puisqu’il n’y avait rien de mal dans la chambre, elle ne devait pas aller dormir dehors. D’une voix douce mais ferme, Ma répéta sa décision d’aller s’allonger dans la véranda, mais elle ne donna pas de raison pour cela. Baba Bholonath faisait voeu de silence et devait donc donner ses réponses par écrit –c’était pour cela qu’il avait eu des réserves au moment de se rendre à Dhaka. Il avait eu le pressentiment qu’il y aurait des ennuis s’ils y venaient et cela semblait se confirmer dès le départ avec cette insistance qu’avait Ma pour aller dormir dans la véranda. (il paraissait penser que Ma n’entrerait plus dans aucune pièce construite en dur mais se déplacerait sans but dans les montagnes comme une renonçante). Il alla jusqu’au point de déclarer avec un mouvement de colère que si Ma dormait dans la véranda, il s’en irait n’importe où selon son bon plaisir. En entendant cela, Ma devint quelque peu grave et dit, ‘Pourquoi t’en aller? Si tu veux tu peux aller dans la véranda et y dormir, sinon dors dans la chambre; tu connais très bien mon sens de la liberté; Si je me suis mis dans la tête de dormir dans la véranda, je dois le faire. Ce n’est pas toujours que les raisons d’un de mes comportements m’échappent des lèvres. Sache simplement que j’ai une raison spécifique pour désirer rester là-bas. Elle se tourna vers nous en disant, ‘Persuadez donc Bholonath de me laisser dormir dans la véranda’

Pramatha Babu: ‘Pourquoi ce serait à nous de lui extraire une permission? Demandez-lui directement son consentement.’ Mais celui-ci ne voulait pas bouger d’un pouce, et Ma ne voulait pas céder non plus. A ce moment-là, Ganesh Babu intervint et dit, ‘Ma, est-ce que Shiva et Parvati se disputent ainsi sur le Mont Kailash?’ Ma répondit d’un ton grave, ‘Avez-vous déjà vu Shiva et Parvati’ ‘Non, j’en ai simplement entendu parler’ ‘Eh bien, continua Ma avec son expression grave, ne vous fiez pas à des on-dits; voyez d’abord Shiva et Parvati et après, vous pourrez déclarer ce que vous voudrez sur eux.’ Bien que Ma ait dit ces paroles doucement et paisiblement, elles paraissaient être comme un coup de fouet sur le visage de celui qui lui avait posé la question. Après cela, plus personne n’osait parler à Ma de façon humoristique. Je n’aimais pas la manière dont les choses évoluaient. En sortant de la pièce, j’informais Nishi Babu de tout ce qui se passait, et lui aussi se mit à être profondément inquiet. Il dit, ‘Il y a eu des empêchements au moment où nous quittions Tarapith, j’espère qu’il ne s’agissait pas d’un mauvais présage.’ Je m’aperçus qu’il n’était pas bon non plus de rester dehors; plus la résolution de cette dispute inquiétante serait rapide, mieux ce serait; Avec cette idée en tête, je rentrai à nouveau près de Ma, m’assis et dit à Bholonath, ‘Baba, j’ai quelque chose à vous dire’ Il leva les yeux vers moi. Je lui expliaquai la chose suivante, ‘Quand Ma a décidé quelque chose, nous avons déjà pu vérifier auparavant qu’il ne faut pas s’y opposer si l’on veut éviter des conséquences fâcheuses. Une fois, pendant le ratha-Yatra à Puri, Ma souhaitait s’en aller avant la grande procession. On l’empêché de le faire, et le résultat a été que le fils de Nirmal Babu est tombé dans un puit et s’est tué.

Après de longs palabres, Bholonath finit par accepter que Ma couche dans la véranda, et celle-ci laisse entendre que cela ne signifiera pas qu’elle se mettrait à vivre complètement comme une renonçante…

…Quelque temps plus tard, Ma nous raconta sa rencontre avec Vishudananda, (le ‘Baba aux parfums’ de Bénarès dont parle Yogananda dans ‘l’autobiographie d’un Yogi). ‘Lorsque je suis revenue par Bénarès cette fois-ci, j’ai rencontré le Babaji, mais pas pour longtemps. Peut-être pour une demi heure ou une heure’ au maximum. Gopi Babu nous a mené là-bas. Je me suis assis auprès du Babaji qui avait en fait déjà préparé un siège pour moi. Vous connaissez la façon dont je parle. Je pressais Babaji comme une petite enfant, ‘Babaji, on dit que vous montrez des faits magiques à beaucoup de monde, est-ce que vous ne nous en montrerez pas un petit peu?’ Il me répondit, ‘Vous avait une assise très paisble. Avez-vous découvert quelque secret de votre côté?’ Je me suis tout de suite mise dans la position d’une petite fille ‘Baba, je suis votre fille, qu’est-ce que je connais? Je vais apprendre ce qu’il vous plaira de m’enseigner. Enseignez-moi tous vos secrets!’ Le Babji appela Jyotish auprès de lui et lui montra un cristal qu’il avait fait à partir de pétales de fleurs; il produisit aussi nombre de parfums. A ce moment-là, j’ai battu des mains et je me suis exclamée, ‘Babaji, je sais ce que vous faites, mais je ne le divulguerai à personne.’ Tout le monde se mit à me demander, ‘Donnez-nous les secrets de Babaji’. Je leur répondis, ‘Si je fais cela, il me donnera un coup de matraque sur la tête!’ Il dit alors ‘Ma fille, qu’y a-t-il que je puisse vous montrer? Vous savez tout; Ce que je montre, c’est pour les autres.’ Ensuite il apporta des friandises et nous les offrit. Il me nourrit directement, et j’en fis de même avec lui. Le Babaji dit, ‘Ma fille, souvenez-vous de moi, ne m’oubliez jamais; et à chaque fois que vous venez par ici, ne manquez pas de venir me rendre visite.’ Avant de m’en aller je dit à Gopal Babu, ‘Babaji vous tient à distance avec ces démonstrations. Vous ne devez pas lui permettre de vous distraire; essayez de tirer de lui les autres choses qu’il a au-dedans’.

En voyant qu’il était déjà midi, je pris congé de Ma avec les mots suivants, ‘Ma, maintenant je me lève’ ce à quoi elle répondit, ‘Essaie toujours de t’élever. Ne vas jamais vers le bas!’ Je souris et me dit en moi-même, ‘Ma, qu’il en soit ainsi avec votre bénédiction’.

(In Association with Ma Anandamayi, I, p.122, 126,127, 134)

 

 

 

Aspiration lointaine

Par Shoba

O Ma Anandamayi, en étant proche de mon coeur

Tu es toujours loin, loin de moi.

Conciente es tu de mon anxiété

D’être en contact avec ton Soi sacré

J’’ai embelli mon univers des murmures de la solitude

Qui pouvaient s’emplir de ta présence.

Je l’ai rendu tranquille pour entendre ta douce mélodie:

‘Hari bol…Hari bol’

Accorde-moi l’espace pour marcher avec toi, côte à côte

En regardant droit devant pour atteindre ma ‘véritable demeure’

‘Ma’, ta conscience éveillée me touche comme une bouffée de parfum

En provenance des fleurs qui nous font un petit signe, accrochées à la falaise.

Nous sommes touchés par le Gange de la montagne qui nous asperge

Et qui danse haut pour atteindre le faîte des temples

Touchés par le soleil levant au petit matin

Qui trouve un passage au travers des scintillements du feuillage

Touchés par la rosée matinale

Allant sur la pointe des pieds pour cueillir les marguerites destinées à être offertes

 

Nous passons par les prairies

Avec au loin le son des cloches et des conques

En nous hâtant pour être touchés par cette main sacrée

Qui bénit le chemin qu’on suivra avec gravité

Il est une force qui nous permet de garder le Nom éveillé,

C’est d’être touchés et d’ainsi pouvoir supporter tout ce qui passe

Dans le choc de la souffrance, la joie est là…dans la perte il y a le gain

Dans la distance…la proximité.

Ô Ma Anandamayi tu m’as touchée comme un murmure!

 

Table des Matières

Paroles de Ma 

Questions à Vijayananda

A Bénarès avec Gopinath Kaviraj et Ma par Melitta Mashmann

L'enfant errant

Ma est sa propre lumière par GC Das Gupta

En parlant de conversions par Atmananda

Sur les bords de la rivière Gomati par Krishnananth

L'armoire vide Une histoire de Ma

Lire le livre du coeur par Gurupriya Devi

Ma en famille par AK Daztta Gupta

Aspiration lointaine par Shobha

 

 

 

 

Jay Ma N°54 - Automne 1999

 

                          JAY MA

             SHREE MA ANANDAMAYI

 

 

1

 

         Paroles de Ma

 

 

Je ne dis jamais :’je vais faire ceci, je vais faire cela’. C’est vous qui me faites faire toutes les oeuvres qu’il est en votre pouvoir de me faire faire.

 Ce corps  répnd au niveau de compréhension de l’interlocuteur. Quelle limite peut-on donner aux opinions de ce corps ? Mais si vous suivez une voie d’approche traditionnelle, vous pouvez atteindre le but et au-delà demeure ce qui n’a pas été atteint. Mais là où il n’y a pas de distinction entre ce qui est atteignable et ce qui n’a pas été atteint, c’est ‘Cela’ même. Ce que vous entendez dépend de la façon don’t vous juez de l’instrument. Pour ce corps les différences d’opinions représentent une question qui ne se pose pas.

C’est en cherchant à vous connaître vous-même qu’on peut trouver la Grande Mère de tous.

Vous ne pouvez pas ? Pourquoi ? Vous devrez le faire de toutes façons. En vérité, l’être humain peut tout faitre. Qui peut dire ce qu’Il donnera à qui et par quel intermédiaire ? Tout est Sien, entièrement Sien ? Qu’avez-vous apporté avec vous à la naissance ? N’étiez-vous pas les mains vides ? Et tout ce que vous avez acquis, était-ce réellement à vous ?

2

 

Vous utilisez les termes ‘ordinaire’, ‘extraordinaire’ ; A mes yeux il n’y a pas de différence ; c’est comme un clignement des yeux.

 Je n’ai pas eu ce genre de renoncement dans votre sens ordinaire du terme. Car ce corps a vécu avec un père, une mère, un mari et d’autres parents ; ce corps a servi son mari donc vous pouvez l’appeler une femme. Il a préparé les repas pour tout le monde, vous pouvez donc l’appeler une cuisinière ; il a fait toutes sortes de travaux de récurage des plats et de ménage, vous pouvez donc l’appeler une servante ; mais si vous regardez les choses d’un autre point de vue vous réaliserez que ce corps n’a servi personne si ce n’est Dieu. Car… j’ai simplement considéré chacun comme une manifestation du Tout-puissant. (AKD Gupta ‘A page from my Diary’ Mother as seen by Her Devotees, Varanasi, 1956, p.13)

Un jour un monsieur demanda à Ma après l’avoir vue en samadhi   : ‘vous étiez évidement en communion avec Dieu ; maintenant vous devez redescendre à notre niveau pour nous dire des choses qui puissent nous aider.’ Shri Ma sourit et dit :’Etes-vous différents de Dieu ? je ne sens ni montée ni descente. A mes yeux tout est identique. Seules les réactions corporelles diffèrent’.

   Vous voir vous-même en chacun et réaliser que chacun est en vous-même, c’est le but suprême de la connaissance spirituelle.

3

 

        Réponses de Vijayananda

 

   Dans ce numéro, les réponses de Vijayananda ne sont pas écrites pour Jay Ma comme d’habitude, mais sont des réponses orales données au satsang quotidien du soir à Kankhal qui ont été compilées récemment sous forme d’une nouvelle série d’entretiens couvrant lapériode de 1996  à 1999.

 

Question: Qui est le guru?

Vijayananda : Il n’y a qu’un seul Guru, c’est Dieu. Ma disait souvent cela, mais ce n’est que maintenant que je le réalise complètement. Le Guru physique peut avoir des défauts, le corps a toujours des défauts, mais le Guru est un instrument, un canal du divin. Il y a les mauvais conducteurs, les bons conducteurs et les super-conducteurs. Ma était un super-conducteur.

 

Q : Ce point de vue aide-t-il le disciple à ne pas voir le guru de façon personnelle?

V: Ma disait que même si le disciple tombait amoureux du Guru, si celui-ci était un Sadguru il pouvait transformer cet amour et le diriger vers Dieu.

 

Q: Ma donnait-elle des instructions pendant des discours?

V : Non, Ma ne faisait pas de discours, mais elle donnait des instructions individuelles précises durant les entretiens privés. Par ailleurs, elle pouvait donner des suggestions pratiques aux gens; s’ils étaient capables de les saisir au vol, il pouvait éviter                                                     

 

4

 

 

l’accomplissement d’un mauvais karma du passé, un accident par exemple. Ma pouvait aussi faire monter et descendre la kundalini de ses disciples d’un seul regard, de façon tout à fait informelle et sans en avoir l’air. C’était parfois important de pouvoir faire redescendre la kundalini de ceux chez laquelle elle était monté trop vite et qui ne pouvaient faire face à l’afflux d’énergie.

 

Q: Ma pouvait-elle faire des miracles avec tout le monde?

V: Non. Celui qui fait le miracle et celui qui le reçoit doivent être complètement en harmonie comme un couple de danseur. Même avec le Christ, c’était comme cela; ceux qui n’avaient pas la foi ne pouvaient être sauvés. Quand Ma était âgée, j’ai fait un rêve, mais les images que j’ai vues étaient aussi vives que la réalité: j’étais avec un groupe de visiteurs, principalement des étrangers sur une vérandah pour garder la porte de Ma, et elle est passée; je leur ai demandé:’avez-vous vu Ma?’  Ils m’ont répondu ‘non’. Quand Ma était jeune, tout le monde était boulversé (enthralled) à son contact. Après, elle était plus à l’intérieur, et seuls ceux qui avaient l’intensité et une grande foi en elle pouvaient percevoir directement son pouvoir.

 

Q : Ma aurait-elle pu rester plus longtemps dans son corps?

V : Oui, bien plus, mais elle en avait assez. Les gens n’avaient pas assez d’intensité pour la faire rester.

Q : Mais pourtant, les foules paraissaient électrisées pendant ses kirtans!

V : C’était de l’excitation, ce n’était pas de la véritable intensité.

 

5

 

 

Q : Certains disent que Ma était tantrique:

V : Le Tantra, c’est l’adoration de la Mère divine. Comment aurait aurait-elle pu adorer la Mère divine alors qu’elle était elle-même la Mère divine? Par ailleurs, pour Ma, et même tout simplement pour un sadhaka avancé, toutes les voies confluent en un seul Yoga, la synthèse des Yogas si l’on peut dire. Il s’agit d’un Yoga total où toutes les chemins sont comprises et intégrées. Ce n’est qu’au début que les voies sont séparées.

 

Q : Arrivait-il que Ma se guérisse elle-même?

V : Une fois, un médecin avait prescrit à Ma de prendre des hautes doses de turméric. Après elle a développé un paralysie débutante aux jambes et elle m’a dit:’Je pense que c’est à cause de l’excès de turméric’. A cette époque, je n’ai pas pu l’approuver car cela n’était pas dans les connaissances de la médecine occidentale; mais par la suite on a découvert que les excès de vitamine A, contenue en grande quantité dans le turméric, peuvent donner des neuropathies périphériques c’est à dire entre autres des paralysies.

 

Q : Quelle est la place de la méditation dans la sadhana?

V : Les gens qui ont une expérience spirituelle savent que la méditation est un des derniers stades du Yoga à huit membres de Patanjali, et qu’il faut donc des bases très solides pour pouvoir la pratiquer à fond. Ce que font même les sadhakas assez avancés correspond à la dhâranâ (qu’on traduit en général par concentration). La véritable dhyâna est très rare, c’est presque le sâmadhî. C’est la seconde vague de hippies, celle qui bien que prenant des drogues avait un certain intérêt pour les choses spirituelles, qui a lancé l’idée de la méditation comme une panancée universelle. En fait, cela ne marche pas comme cela.

Il faut méditer à heures fixe, certes, mais cela ne signifie pas qu’il faille se forcer. Il faut plutôt donner au corps la bonne habitude de s’asseoir régulièrement. On dit que notre prarabdha karma, c’est à dire en pratique notre destinée n’est pas comptée en nombres de jours à vivre mais en nombre de respirations.Ainsi ceux qui respirent paisiblement auront une vie plus longue. Plusieurs fois dans ma  sadhana je me suis trouvé en face d’un mur et je me suis dit :’C’est impossible à traverser!’ Mais je l’ai fait, et ensuite c’était tout à fait facile: impossible n’est pas français…Evidemment dans la vie quotidienne, il faut savoir s’adapter et  contourner les obstacles.

6

 

Q : Une jeune femme était en cours de remariage après un divorce : ‘Comment gérer les problèmes relationnels?’

V : Il faut s’habituer à voir le Divin dans les autres.

Q : Quand on les aime, c’est trop facile.

V : Pas tant que ça, il faut les voir au-delà de leur aspect personnel, c’est à dire sans attachement. Pour ceux qu’on n’aime pas, mieux vaut les éviter, à moins d’être déjà dans un état très élevé. Si on ne peux faire ainsi, il faut prendre le fait de les côtoyer comme une sadhana.

 

Q : Comment être introverti sans être égoïste?

V : En s’apercevant que le Soi qui est fond de soi n’est pas différent du Soi qui est au fond des autres. A ce momeent-là, l’amour pour les autres devient complètement naturel.

 

7

 

Q : La sadhana dans le monde doit-elle être spontanée, facile ou le

résultat d’un effort persévérant?

V : Il ya l’histoire hassidique suivante: un jour deux enfants vinrent rendre visite à un grand sage qui leur donna de la bière à boire; l’aîné ne dit trop rien, mais le plus petit qui n’avait guère que trois ou quatre ans s’exclama tout de suite :’cest amer mais c’est bon!’  Le sage conclut immédiatement :’Cet enfant deviendra un grand spirituel!’

 

Q : Une personne revient de chez un guru qui dit que l’état de mariage et celui de célibat consacré à la vie spirituelle sont pareils, dans les deux on peut avoir la même vie spirituelle.

V : Je ne suis pas d’accord! Si on est déjà marié et qu’on le reste tout en développant une vie spirituelle, c’est bien, mais si l’on n’est pas marié avec une vie spirituelle intense et qu’on se marie, à ce moment-là, c’est un échec, une régression.

 

Q : Un père de famille dont la fille déjà assez âgée n’est toujours pas mariée : ‘C’est un problème  pour une femme de se marier tard!’

V : C’est au contraire bien de se marier tard, de cette façon le nombre d’années qu’on passe avec des problèmes de couple est moindre!…Certains prennent prétexte qu’ils vivent dans le monde pour dire qu’ils n’ont pas le temps, qu’ils ne peuvent pas faire une sadhana; mais on peut créer un environnement favorable à celle-ci: une pièce pour la puja, ne pas voir n’importe qui, le satsang (rencontre avec des gens spirituels) et si cela est difficile, au moins la pratique de cette forme de satsang que représente la lecture de livres de saints ou de sages. De toutes façons, si on a un désir intense de trouver des conditions favorables pour la sadhana, les choses s’arrangeront d’elles-mêmes dans ce sens.

8

 

Q : Comment développer l’intensité dans la sadhana?

V : Notre intérieur est comme un seau percé; il faut boucher les trous qu’il a pour qu’il puisse se remplir. Il faut bien observer les endroits où le mental part vers l’extérieur, ‘a des fuites’, et il faut boucher les trous, c’est le propos des yamas et des niyamas. Nous connaissons ici une aspirante spirituelle qui a été fort attachée à son chien pendant des années; après la mort de celui-ci, son désir de se marier est devenu très intense, et après son mariage son désir d’enfant est devenu encore plus intense. Si elle avait pu diriger la grande intensité qu’elle avait en elle vers le Divin, elle serait devenu une grande sainte.

 

Q : Une jeune visiteuse qui suit la voie de la bhakti : on dit qu’il y a deux moyens de faire en sorte qu’une porte s’ouvre, soit l’enfoncer, soit se prosterner devant.

V : Un sage juif disait que Dieu aimait ceux qui enfonçaient les portes; le Soi est un château avec de multiples orifices, mais il vient un moment où le mieux est d’enfoncer les portes.

 

Q : Le meilleur dans la sadhana n’est-il pas de se dire qu’on ne manque de rien?

V : Oui, quand on a l’éveil du bonheur intérieur; avant, ce ne sont que des mots.

 

Q : Faut-il aller à l’extrême dans la sadhana?

V : dans l’ensemble, il faut suivre la voie du juste milieu. Mais dans son désir de consécration à Dieu, au Guru, à la pratique c’est bien d’aller à l’extrême. On raconte que quand Ramatirtha était encore un jeune professeur de mathématiques, il recherchait la solution d’un problème. Il est monté le soir sur la terrasse avec un rasoir et s’est dit en lui-même: si demain à l’aube je n’ai pas trouvé la solution de ce problème, je me coupe la gorge. Et le lendemain, quand le soleil commençait à poindre, il n’avait toujours pas trouvé la solution… il a saisi le rasoir pour mettre fin à ses jours, mais à ce moment-là il a eu une sorte d’illumination et la solution est venue. Les gens qui comme Ramatirtha sont très intenses réussissent dans la sadhana.

 

9

 

Q : Un visiteur parle d’un grand ashram du sud de l’Inde où ceux qui deviennent sannyasi ont plus de confort que les autres même s’ils doivent beaucoup travailler.

Vijayananda commente avec un sourire : Quand ils prennent les voeux de renonçants, ils se mettent à renoncer à l’inconfort…

 

Q : Qu’y a-t-il de plus important, le détachement extérieur ou l’attitude mentale en ce sens?

V : C ‘est l’attitude mentale; c’est ce qu’indique l’histoire des deux amis en vacances; l’un décide d’aller à l’église tandis que l’autre part visiter une maison close. Pendant l’office, le garçon pieux n’arrêtait pas de penser au ‘bon temps’ qu’avait son copain dans la maison close, alors que l’autre, pris de remords, avait l’esprit intensément fixé sur Dieu présent dans l’église pour lui demander pardon de céder à ses mauvais penchants. Il se trouve que juste à ce moment-là, les deux compères décèdent simultanément de mort subite. Celui qui était dans la maison close va au paradis et l’autre en enfer.

Ceci dit, le renoncement extérieur est aussi important : un changement que j’ai vu en Inde depuis cinquante ans que j’y vis, c’est que les sannyasis ont l’air de regarder avec un sourire condescendant maintenant ceux qui ont les signes de renoncement extérieur et ils accumulent les biens matériels. Quand je suis arrivé en Inde au début des années cinquante, on s’attendait à ce qu’un sannyasi ait tout les signes extérieurs du renoncement.

 

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                                       Ma est pour tous

                                         Journal de Gurupriya Didi

 

En 1935 quand Ma visita Tarapith (un célèbre lieu de pèlerinage à la Mère divine sous le nom de Tara à deux cent km environ au nord de Calcutta, où Ma avait envoyé Bholonath faire des pratiques intensives) elle rencontra un père de famille musulman et l’appela Baba (père). L’homme déborda de joie qu’on s’adresse ainsi à lui et vint voir Ma tous les jours.  La maison du musulman était près d’unne mosque qui était à quelque distance de Siddhashram. Ma visita sa maison très souvent, prenant tous ses fidèles avec elle. Le vieil homme faisait signe à ses épouses (il en avait deux) et disait :’Notre fille est venue, sortez pour la recevoir’. Elle arrivaient alors toutes les deux et s’asseyaient affectueusement auprès de Ma. Celle-ci allait là-bas et s’y comportait comme une petite fille avec grand plaisir. A chaque fois qu’elle recevait quelque chose à Tarapith, elle me disait immédiatement :’envoies-en une partie à Baba’. Quand le vieil homme venait voir Ma, s’il s’apercevait qu’il aurait à attendre pour la rencontrer, il lui faisait passer le message suivant :’Dites à Ma que son Baba est venu et voudrait la rencontrer’. Dès qu’elle apprenait cela, elle le recevait tout de suite.

Tandis que Ma était à Tarapith, un autre Mavlavi de Calcutta (un enseignant religieux musulman, parfois rattaché à l’Ordre soufi  fondé par Rumi) vint et resta avec elle pendant plusieurs jours. Il appartenait à un clan prestigieux de Delhi. Il fut extrêment heureux de rencontrer Ma. Elle l’avait appelé Prem Gopal (Prem signifie l’amour spirituel). Il écrivait de nombreux poèmes en Urdu sur Ma et les lui lisait . Après être resté quelques jours à Tarapith il retourna à Calcutta à la demande de Ma. Mais nous avons appris qu’en retournant à Calcutta il se mit à désirer si ardemment être avec Ma qu’il ne pouvait même plus s’alimenter.  Il pleurait et son impatience augmentait ; on le renvoya alors à Tarapith, et il resta de nouveau quelques jours avec Ma ; il se calma alors considérablement et retourna à Calcutta selon le voeu de  Ma.

En se rendant compte de la dévotion d’un Mavlavi musulman envers une Mataji hindoue, les musulmans de Tarapith se rassemblèrent pour manifester leur désaccord. Le Mavlavi sahib les pris alors tous à la mosquée et leur adressa la parole pendant une heure ; il leur expliqua ce qu’il en était et pourquoi leur religion n’était pas rendue impure le moins du monde par le fait d’aller à Ma. Il fit venir Ma à cette réunion, lui demanda de s’asseoir sur un asana sur l’estrade et donna sa causerie après s’être inclinée devant elle. Il avait une immense révérence pour Ma.

Prem Gopal avait apporté pour elle de la nourriture de Calcutta. Il souhaitait donner lui-même à manger à Ma mais n’avait pas le courage de se lancer. Elle fut informée de ce fait, le fit venir et lui demanda de la nourrir. Il déposa une petite friandise dans la bouche de Ma avec grand délice et reçut du prasad.(dans l’ambiance de l’époque une femme brahmane nourrie par un homme musulman était quelque chose d’impensable)

Une fois le Baba (père) musulman de Ma invita le Mavlavi pour un repas chez lui ; il se mit à le considérer comme son petit-fils en lui donnant toutes sortes de marques d’affection. Prem Gopal également considérait le vieil homme comme le père de Ma et s’adressait à lui comme son grand-père. Parfois Prem Gopal chantait des kirtans en présence de Ma tandis que les fidèles hindous écoutaient. Les musulmans étaient aussi présents durant le chant du Nom de Hari. Ainsi les deux communautées pouvaient se mêler l’une à l’autre auprès de Ma.

(Extrait d’Amrita Varta, avril 1999)

 

 

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L’essence d’ananda

Extraits du journal d’Atmananda

 

Une nuit à Vrindavan en 1948, une conversation animée battait son plein quand l’un des fidèles de Mataji, un vieux et savant sannyasi qui d’habitude prenait une part fort active dans les discussions, s’endormit profondément et se mit à ronfler  sans soucis, oubliant complètement son environnement. Mataji l’appela une ou deux fois sans aucune réponse de sa part. L’assistance s’amusait beaucoup. Enfin quelqu’un, pour lui faire une farce, lui déposa dans la bouche à moité ouverte un rasgulla (une boule de sucrerie au lait dans un sirop). Même ceci n’eut pas l’effet désiré, pas même les éclats de rire qui suivirent ; mais quand le sirop se mit à s’infiltrer au fond de la gorge, il fut bien obligé de se réveiller.

Et comme cela arrive si souvent, Ma fit de cet épisode comique une occasion pour exprimer des vérités très profondes. Elle parla à propos du rasa ; c’est un mot difficile à traduire puisqu’il peut signifier autant le jus, la sève que le nectar, l’essence, n’importe quel sorte de délice, qu’il soit physique ou subtil, et enfin la joie Suprême. Il n’y a pas d’équivalent en anglais ou français. Mataji expliqua donc : « Tant que le goût de Dieu n’a pas pénétré dans l’homme, tant que le nectar du Divin ne rentre pas en profondeur en lui, son âme ensommeillé ne se réveille pas. Le védanta est rasa, de même que la bhaklti est rasa ; pourquoi devrait-on qualifier le védanta de sec ? C’est un fait bien connu que le poison neutralise le poison.  De même, quand l’homme transcende les plaisirs de la nature qui sont éphémères, il goûte la saveur délicieuse de sa vraie nature, svabhaver rasa, le plaisir suprême, param rasa; l’anxiété torturante du poison des plaisirs matériels est détruite.

Au delà des plaisirs physiques, manger, dormir, se promener, etc… il y a le Joie suprême. Ne récitez-vous pas : brahmanandam paramasukhadam ‘félicité absolue, bonheur suprême’? Il est le bonheurs lui-même, le bonheur est Sa véritable essence. Le bonheur du monde a son contraire, le malheur.  Mais là où le bonheur existe en sa forme essentielle et inconditionnée, ânanda svarûpa, la paire d’opposé joie-souffrance ne trouve pas de place. Là où il n’y a que svarasa, il ne peut être question de a-rasa, c’est à dire d’un sens de sécheresse, de vide, d’anxiété due à l’absence de Dieu. Il est la fontaine de Joie, la Joie et la Joie seule est son Etre. Un état existe dans lequel il n’y a que Félicité, Béatitude, Bonheur suprême. A votre niveau la joie a son contraire, vous parlez des joies du ciel et des tourments de l’enfer . Mais là où se trouve la félicité éternelle, la félicité en elle-même, les mots ne peuvent pas parvenir. LA-BAS, qu’y a-t-il, qu’est-ce qui est absent ? Parler signifie flotter à la surface ; quel langage peut-il exprimer ce qui ni ne flotte ni ne plonge en profondeur? »

 

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A propos des fruits donnés en prasad :

 Ma est complète en elle-même.

 

Le chant des écritures sacrées venait de se terminer. Une dame du Cachemire apporta une corbeille pleine de fruits et l’offrit à Ma ; quelque temps plus tard Mataji appela deux fidèles et leur demanda de distribuer le contenu du panier à tous les gens présents. ‘Donnez un fruit entier à chacun’ dit-elle. Quelqu’un craignait qu’il n’y en ait pas assez et objecta :’Pourquoi un fruit entier ? Ne serait-il pas plus sûr de les couper en morceau ?’

Mataji : Non, pourquoi les diviser s’il y en a pour tout le monde ?

Après que chacun ait reçu sa part, il ne resta plus qu’un seul fruit pour les deux personnes qui distribuaient. Mataji leur dit :’le travail de distribution est unique.  Vous pourriez avoir été trois pour le faire, mais maintenant il vous faudra diviser le fruit entre vous.’ Quelqu’un remarqua :’De la même façon, chanter les Ecritures représente une seule action même si nombreux sont ceux qui y prennent part; il aurait donc été judicieux pour tout ceux qui y ont participé de partager un seul et même fruit’. Ce sur quoi quelqu’un d’autre ajouta :’Mais alors écouter le chant ensemble est également un seul et même travail’…

Mataji : exactement, il n’y a que le UN ; tout ceci est pour vous faire saisir ce fait. Quoique vous fassiez à quelque moment que ce soit, quelqu’en soit le but, cela doit viser cet UN afin de parvenir à la plénitude. De fait, ceci est toujours valable, on doit avoir pour but CELA.

Un fidèle : Pour Ma, tout est complet

Mataji : Que vous disiez ‘pour Ma’ ou ‘pour moi’ (en signifiant vous-même), tout est en réalité complet. Que veut dire ‘ici’ et ‘là’ ? Ce qui est complet inclut tout, pas même la mort ne peut être exclue. Tout angle de vision particulier et comme une fissure ou une faille dans le Tout. Même tous les points de vue, tout ce qui vous plaît est contenu dans ce qui est complet ; en fait dans l’incomplétude aussi se manifeste le UN parfait – dans tous les aspects Lui seul est.

 

 

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Un fidèle : de la complétude naît l’incomplétude et vice-versa ; le mouvement évolue en stabilité, car il est évident qu’il faudra bien fermer la bouche à un moment où à un autre si on veut prononcer le son ‘m’ (rires)

Question : mais ne dites-vous pas Hari kathâ hi kathâ aur dab vrithâ viathâ : on doit parler de Lui seul, tout le reste n’est que vanité et souffrance. S’il n’y a que le Un-sans-second, comment peut-il y avoir des paroles et un discours ?

Mataji : Demeurez seulement en Lui, habitez seulement en Lui ! On ne peut Le laisser de côté, bien qu’on puisse essayer de L’exlcure. Il est toujours là, mais si vous Le reconnaissez, Il sera aussi là sur le plan où les conversations et les discussions existent.

   A ce moment-là la dame qui avait apporté les fruits se leva tout d’à coup et dit :’Quand le prasad a été distribué, j’ai reçu deux portions’. A présent enfin, nous savions pourquoi un fruit manquait ! Ensuite la dame expliqua : ‘quand j’étais dans la rue en transportant le panier, une vache m’a suivie et a essayé de me dérober un fruit. En dépit de tous mes efforts pour éloigner le panier, elle était tellement insistante que finalement je lui ai donné un des fruits.’

‘C’était ma part !’ s’exclama Mataji. ‘Vous voyez, maintenant, le compte y est !’

 La dame du Cachemire confirma :’de fait, quand j’ai tendu le fruit à la vache, une pensée m’a traversé l’esprit :’ce doit être Mataji qui est venu réclamer ce fruit sous ce déguisement !’

                                                            Ananda Varta, avril 1999

 

 

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Comme un oiseau sur la branche

par Bithika Mukherjee

 

   Nous avons déjà traduit dans le numéro 51 de l’hiver 98-99 des pages que Bhitika a consacré à Bholonath dans sa biographie de Ma refondue à l’occasion du Centenaire (Sri Satguru Publications 40/5, Shakti Nagar, Delhi 110007). Elle a travaillé deux ans de façon quasiment continue pour cette nouvelle publication, qui est une des meilleurs synthèses sur Ma. Nous allons extraire un certain nombre de textes et d’anecdotes de cet ouvrage qui fait autorité ; ils  nous permettront de mieux connaître Ma. Nous allons commencer par donner un poème du Gitanjali de Rabindranath Tagore où il évoque le divin.  Bithika l’ a mis en exergue de sa biographie de Ma :

 

Gitanjali (n°102)

Je m’étais vanté parmi les hommes que je te connaissais. Ils voient ton image dans toutes mes oeuvres. Ils viennent me demander :’qui est-il ?’ Je ne sais comment leur répondre. Ils me blâment et s’en vont pleins de mépris. Et tu es assis là,  souriant.

J’ai mis mes récits à ton propos sous forme de chants qui dureront. Le secret déborde de mon coeur. Il viennent me demander : ‘expliquez-nous tout ce que vous avez voulu dire’. Je ne sais comment leur répondre. Je soupire :’ah, qui connaît leur siginification!’ Ils sourient et ils s’en vont débordant de mépris. Et tu es assis là, souriant.

 

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Simplicité enfantine ou retard mental ? 

  Quand Shri Ma était enfant son absence totale d’égo qui menait à une acceptation spontanée de tout ce que pouvait lui être suggéré par les aînés était perçu comme une docilité avoisinant peut-être un léger retard mental. Elle était parfois considérée comme douée d’une intelligence un peu inférieure à la moyenne car aucune enfant normale ne pouvait être aussi uniformément joyeuse et bonne. Même si les gens doutaient de ses capacités intellectuelles, elle ne manquait pas d’amour et d’indulgence, on lui en donnait en abondance ;  de plus, on devait aussi prendre en compte qu’elle ne déviait pas de la vérité d’un millimètre. Avec le temps on prit l’habitude de s’appuyer implicitement sur sa version des faits dans une situation sujette à contreverse parce qu’on avait remarqué qu’on ne pouvait jamais l’entraîner dans quoique ce soit de fâcheux ou de malhonnête. Il et possible que Nirmala se soit bien amusée de toutes ces rumeurs ; un jour elle avait un pot d’eau sur la hanche et observait son ombre sur le sol. Quand elle fut debout en face de sa mère elle lui dit ‘Vous pouvez dire que je suis droite (soja, qui signifie aussi simplette), mais ne vois-tu pas maintenant que je suis tordue (banka, qui veut aussi dire rusée).n doit expliquer le mot kheyal car on va l’utiliser très souvent dans ce récit. Shri Ma l’utilisait quand d’autres auraient dit ‘je souhaite’ ou ‘je veux’. Elle avait ni souhait, ni volonté ni désirs mais parfois une inclination pour une manière de faire les choses, dictée peut-être par les gens autour d’elle ; une pensée spontanée qui prenait forme par les circonstances plutôt qu’une impulsion à l’action qui serait venue de son intérieur à elle. Cela prit un temps considérable à sa famille et à ses fidèles de saisir ce qu’elle voulait dire par ce terme, si même on a réussi à le comprendre.(p.11)

   Nirmala (c’était le nom de jeunesse de Ma) avait de nombreuses aires de jeu à Khéora. Il y avait un grand tas de sable près de leur maisonnette. On la voyait qui moulait de ses mains dans ce sable de nombreuses formes. Un jour elle fit une grosse boule ronde ; quand sa mère lui demanda de qui il s’agissait, elle répondit : « C’est Narayan, Laxmi, Siva, Parvati, Radha, Krishna ainsi que bien d’autres dieux. Ne m’as-tu pas dit que tout est contenu dans le un et que le un est toute chose ? »(p.12)

 

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Ma reconnue par sa propre famille comme une femme d’intérieur idéale.

La nuit était déjà avancée, tous les visiteurs étaient partis et l’ashram avait été se reposer quand Ma sortit discrètement de sa chambre. Suivie d’une ou deux personnes elle vint au chevet d’une vieille dame dans le hall et l’éveilla doucement. Assise par terre près d’elle, Shri Ma lui prit les mains dans les siennes et lui parla gaiement dans son dialecte natal de village que ceux d’entre nous qui étaient réveillées autour pouvait à peine comprendre. On nous dit que la vieille dame était Pramoda Devi, l’aînée des belles-soeurs de Ma avec laquelle elle avait vécu quatre ans, après avoir quitté Khéora. Les circonstances avaient changées au-delà de tout ce que Pramoda Devi aurait pu imaginer. Elle n’avait pas eu jusqu’ici la possibilité de s’approcher de Shri Ma qui était entourée par un groupe gigantesque de fidèles. Bien que surprise au début, Pramoda Devi prit vite de l’assurance et se mit à sembler heureuse.  Auparavant elle avait dû désespérer de pouvoir échanger même quelques mots avec sa jeune belle-soeur.  Elle paraissait reconnaître maintenant dans la personnalité auguste qu’elle voyait la fille bien-aimée qui l’avait servie si fidèlement dans le passé. Cela lui faisait particulièrement plaisir de voir comme  Ma se souvenait bien des jours anciens, de quelques incidents amusants et d’amis perdus depuis longtemps. La façon dont Ma rendait le dialecte de village était très drôle ; celles qui s’était réveillées rapidement riaient aux éclats, ce qui eut le don de tirer de leur sommeil  celles qui dormaient encore et la chambre fut bientôt pleine à craquer.  Shri Ma se tourna vers sa belle-soeur et lui dit : « Regardez, toutes ces femmes pensent qu’elles sont de bonnes maîtresses de maison et expertes dans ce qu’elles font. Dis-leur si je m’occupais bien aussi de votre maison » Pramoda Devi paru réfléchir sérieusement à cette question et ensuite fit cette réponse sans réticence : « vous ne pouvez pas imaginer comme elle était douce et gentille.  Elle faisait non seulement tout mon travail mais je dois reconnaïtre qu’elle me ne donna jamais la moindre cause de mécontentement pendant toutes ces années qu'elle était avec moi. Pour dire vrai, un tel esprit de service est rare. »

 

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    A mes yeux (de l’auteur), ce qui qui m’est apparu encore plus extraordinaire que ce témoignage spontané était l’aspect de contentement qu’avait Shri Ma. Cela lui faisait de fait plaisir d’avoir ses services reconnus et appréciés. Elle ne considérait rien comme acquis a priori, et elle n’avait pas ‘joué un rôle’ seulement en tant que jeune mariée chez sa belle-famille. Elle était vraiment ce qu’on attendait qu’elle soit.  En fait, cette caractéristique était le leit-motiv de son existence; ainsi, elle avait également été une sadhaka pour une brève période de sa vie ; il n’y avait pas d’idée de faire ‘comme si’, on ne pouvait parler que de lila (jeu). (p.27-28)

 

Kushir Ma

( la ‘Ma heureuse’ : c’était un des noms d’enfance de Ma que son entourage lui a donné de nouveau quand elle était jeune mariée à Ashtagram) Un voisin et ami écrivait à cette époque : « Ramani Babu (Bholonath) a ramené avec lui sa femme. Il y a autour d’elle une aura lumineuse tout à fait extraordinaire –elle est comme une flamme brillant doucement dans une lanterne ! » Pour commencer, Sri Ma enchanta tous ses voisins par son sourire radieux et sa façon de se comporter. La femme de Jaishankar Sen l’appelait Kushir Ma, ce qui était un de ses noms d’enfance. C’est ainsi qu’on en vint à la désigner à Ashtagram. Très vite toutes les dames du voisinage développèrent une admiration pour la propreté et le bon entretien des piècees où elle habitait, pour ses capacités culinaires hors-pair et pour son esprit de service exemplaire envers Bholonath. Elle observait scrupuleusement toutes les règles de comportement en vigueur dans les villages à cette époque. Sa simplicité enfantine et son ouverture était charmante et empêchait toutes sortes de bavardages et de cancans.(p.30)

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En lotus

Un jour elle s’est vu prendre padmasana, la posture du lotus. Son dos se redressa ; elle sentit une vibration près de la base de la colonne accompagnée d’un son légèrement rythmique ; la colonne vertébrale semblait se vérouiller en une position verticale morceau par morceau. Il lui vint dans son kheyala (intuition complètement évidente) que c’était presque comme ce qu’elle avait vu à Narundi quand un train qui avait déraillé avait été hissé de nouveau sur les rails wagon après wagon en faisant un bruit rythmique. Elle décrivit ce phénomène en utilisant une autre image, celle qui consiste à placer des pots de plus en plus petit sur la base solide d’un grand pot, comme on voit parfois dans la partie supérieure des temples. A ce moment-là elle dit qu’elle avait un sentiment de facilté complète et de liberté. Le corps était lui-même une aide plutôt qu’une gêne à la méditation et au namajapa ; elle ressentait un pouvoir formidable à l’intérieur. Ensuite, elle pensa qu’il était temps d’aller se coucher car il était très tard, elle s’endormit et donc immédiatement tout le phénomène paru comme ‘déconnecté’. 

   Shri Ma a de temps à autre décrit bien d’autres expériences de ce genre qui défient un compilation exhaustive tellement elles sont variées. De plus, elle a dit qu’elle n’a pas même décrit un centième de l’ensemble de ses aventures spirituelles. Il était néanmoins clair d’après les descriptions qu’elle était consciente de ce qui prenait place et qu’elle n’était pas emportée par la marée montante de jeu spirituel, lîlâ, de la shakti.(p.35)

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Les débuts de Ma avec Bholonath

Bholonath savait que Shri Ma était une jeune fille gaie et sympathique, obéissant sans questionner et fidèle de façon scrupuleuse à ses aînés. Sa mère lui avait dit qu’elle devait respecter et obéir à Bholonath exactement comme elle le faisait pour ses parents. Cela a  donné la couleur fondamentale de sa relation à celui-ci. Durant toute leur vie en commun, elle ne fit jamais quoique ce soit sans sa permission ou son accord préalable. Quant à lui, il apprit très tôt à respecter ses kheyalas et ne s’y opposa que rarement, ou au moins pas pour bien longtemps.

Quand Shri Ma vint à Ashtagram afin de garder la maison pour lui pendant son absence, il lui demanda un jour par curiosité si elle n’avait jamais ressenti le moindre désir d’avoir de ses nouvelles. Sa motivation pour s’enquérir de cela était que, bien qu’elle répondait scrupuleusement à ses lettres, il avait deviné correctement qu’elles lui étaient dictées soit par ses parents si elle était à Khéora soit par Pramoda Devi si elle était à Narundi ou Sripur. Shri Ma réponduit que non, que cela ne lui était jamais passé par l’esprit, qu’elle n’avait jamais eu le kheyala de penser à lui. Bholonath persista en disant :’Si je devais m’en aller, ou si je tombais malade, ou même si j’en arrivais à décéder, cela ne te poserait-t-il pas de problème ?’ Shri Ma répondit :’Quel problème ? Où sera la différence ?’ Bholonath ne fut pas offensé ou attristé par cette attitude d’équanimité parfaite. Il dit avec un étonnement admiratif :’tu es innocente comme une enfant. Cela s’ajustera quand tu grandiras’. Shri Ma, en rappelant cet incident, ajouta avec un sourire :’Il semble bien que je n’ai jamais grandi !’

   Un jour où elle était d’une humeur plus sérieuse, Shri Ma évoqua les débuts de sa vie avec Bholonath en ces termes :’Après tout, ce corps lui était confié, c’était son rôle de faire comme bon lui semblait ; mais il s’aperçut quce corps repoussait même une trace de pensée charnelle. Même le moindre changement dans le comportement de Bholonath en ce sens provoquait des symptômes de mort apparente ; il prenait peur et se mettait à faire du nama-japa afin de faire revenir ce corps à son état antérieur . Son comportement était toujours exemplaire ; il se préoccupait entièrement de mon bien-être.’

   En réponse à la question de savoir pourquoi Ma avait rejeté les possibilités légitimes de plaisir pour un couple marié, Ma déclara un jour :’Pour ce corps il n’y a pas de question de plaisir ou de rejet. Tout ce qui arrive à ce corps est nécesaire pour vous tous –peut-être cet aspect ne l’est pas tant que cela.’(p.36)

   Sri Ma était déjà  bien connue à Atpara. Elle était restée dans ce village pendant six mois avec Pramoda Dévi et sa famillle à la suite du décès de Révati Mohan (le frère de Bholonath). Il y avait  un quartier de hors-caste dans les environs. Les filles qui y habitaient s’attachèrent beaucoup à Shri Ma. Elles l’aidaient dans ses tâches ménagères lorsqu’elles voyaient à quelles pressions elle était soumise pour pouvoir assumer la cuisine et le ménage d’une grande famille. Shri Ma de son côté leur donnait ce qu’elle pouvait économiser de son cellier ou même sa propre part de fruits ou de desserts. Elles lui peignaient parfois les cheveux, ou lavaient ses vêtements. Shri Ma aussi arrangeait les cheveux de ces jeunes filles dans des styles variés.(p.39)

 

20

 

A propos de Niranjan Rai et de son épouse Vinodini Devi :

Il s’agissait d’un couple pieux qui était très cher à l’ensemble de la communauté des fidèles de Dhaka. Il se trouva que Vinodini Dévi mourut après avoir souffert d’une brève maladie. Shri Ma la visitait chaque jour. L’invalide attendait anxieusement cette visite quotidienne.  S’il y avait des nuages dans le ciel, son anxiété n’avait plus de limites car elle avait peur que Shri Ma ne puisse pas venir mais celle-ci venait quoiqu’il arrive et s’asseyait un moment avec elle. La mort de Vinodini Devi eut une conséquence tout à fait tragique. Niranjan Rai ne fit pas attention aux conseils de ses amis et prit l’habitude d’aller tous les jours au champ de crémation et d’y demeurer des heures assis en méditation à l’endroit du bûcher où avait été brûlé sa femme. Bhaiji parla de lui à Shri Ma.  Elle accompagna elle-même un jour Niranjan au ghat et lui expliqua longuement l’inutilité de telles veilles. Il ne put reprendre le dessus malgré de tels efforts. Il mourut peu après. Durant la dernière année de son existence,  son seul travail dans le monde fut pour la construction de l’ashram de Ramna destiné à Shri Ma et Bholonath. Beaucoup seront peut-être intéressés de savoir que le bracelet d’or qu’on voyait au poignet gauche de Ma était un cadeau de Vinodini Devi. (p.62)

21

 

Auprès de Ma Anandmayi

par Amulya Kumar Datta Gupta (suite)

 

   Ma : «  Je vous ai dit auparavant qu’à votre niveau vous avez une nature qui fondée sur le manque. Tout ce qui vouspréoccuppe est transitoire. Ce que vous ganez par votre métier est consommé par les besoins de la famille ; Rien ne demeure. Hier, ils ont pris une photo de ce corps ; J’ai dit :’Qu’allez-vous faire avec la photo de ce corps. Il est aussi changeant. Ce qui est ç présent sera ttransformé dans quelques jours.’ Par ‘nature fondée sur le manque’,  je signifie focalisée

Sur les choses qui s’en vont. On doit s’essayer à rechercher ce qui dure toujours et cela requiert un esprit complètement centré. Et il nous faut avoir recours à l’une des deux approches, des deux identifications de toute chose avec le ‘Je’ ou le ‘Tu’. Ensuite, on découvre qu’il n’y a qu’une seule chose dans l’univers. Rien d’autre n’existe ; en d’autres termes, il est présent  en sa plénitude dans chaque objet du monde.

   Je dis donc que l’état de jiva ‘individu) est un état de servitude. C’est comme un espace donné dans une prairie délimité par une haie qui est aussi dans la prairie. Je dis donc que bien qu’un individu est voilé par un écran d’ignorance, il y a inclus dans ce fait une porte vers la connaissance. C’est tout à fait comme si nous étions assis dans une chambre avec la lumière du soleil qui rentre par les portes et les fenêtres. Nous pouvons voir cette lumière, mais notre corps n’y est pas exposé. Si nous le souhaitons nous pouvons sortir par la porte et nous installer au soleil. De la même façon, l’individu a de nombreuses façons d’aller de l’état de servitude à celui de liberté ; Qu’on l’appelle un guru ou une statue de divinité, c’est une porte qui mène de la servitude à la liberté. Ce qui est nécessaire, c’est la concentration de l’esprit.  Tous proviennent de l’Absolu, l’Atma ; C’est pourquoi on doit considérer le guru comme divin. Pon n’obtient rien tant qu’on voit le guru comme être humain sans percevoir la divinité en lui, de meême qu’une statue d’un dieu qu’on considère comme une simple pierre ne servira à rien. C’est pourquoi je dis qu’un individu, jiva, ne peut jamais tre en meme temps Dieu. Si c(est un individu, c’est un individu. Et dans le même sens, si on le considère comme Dieu, il n’est rien moins que Dieu. Il en va de même pour le Guru. Il est Dieu ou un être humain, cela dépend de son point de vue. On doit regarder comme divin celui dont on recherche l’aide pour obtenir l’absorption complète de l’esprit. » (p.186)

   « Pour celui qui est dans la Vérité pure, tout est soit Je soit Tu. Je le répète,  Je, Tu et l’univers, tous trois se dissolvent dans le Suprême. C’est ceci, atteindre Dieu ou avoir la vision de Brahman.

Pramatha Babu : Mais on dit que Dieu vient

 et se manifeste ; Les gens peuvent parler avec Lui. Est-ce que tout cela est faux ?

Ma : je dis que c’est tout à fait faux. (Après un bref intervalle) Je dis encore que c’est tout à fait vrai. C’est ce don’t nous parlions ce matin.  Cess visions, ces vibrations sont vraies tant que nous sommes au niveau d’une nature fondée sur le besoin. Au moment-même où nous nous installons dans notre véritable nature, toutes les disctinctions disparaissent.

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Nouvelles

 

           Nous préparons le 85e anniversaire de Vijayananda qui aura lieu 26 novembre. Dans ce sens, nous sommes en train de mettre ses entretiens de Kankhal au complet dans le domaine de Ma sur Internet. Pour le français, il y a déjà la section correspondant aux années 90-95 qui est en ligne en  tant que partie du livre Un Français dans l’Himalaya. Tout récemment, une dernière partie correspondant à la période 96-99 vient d’être compilée et sera en ligne fin novembre début décembre, ainsi qu’une première partie (86-89) qui est en train d’être retapée pour l’Internet par Annick à Brest. En anglais, les deux premières parties devraient être mises en ligne courant octobre et la troisième fin décembre. Courant novembre, la douzaine  articles de Vijayananda sur Ma en anglais (ceux en français sont déjà dans Un Français dans l’Himalaya) passeront aussi dans le domaine : www.anandamayi.org    

           Swami Nirgunanda a pu rencontrer les français intéressés ou engagés avec Ma lors d’une retraite dans une maison tranquille de Bourgogne entre le 9 et le 13 juillet et il n’a pas ménagé son énergie et sa parole pour faire passer le message de Ma au-delà des différences de culture. Il a retrouvé d’autres français en août : c’était un groupe d’une vingtaine de personnes venues par Terre du Ciel et guidées par Jacques Vigne. Elles ont  passé trois jours là-haut, une partie du groupe a même pu coucher sur place. Ils étaient venus directement de l’aéroport de Delhi dans le Kumaon où il y a l’ermitage. Il y eut aussi trente kilomètre de randonnée le long de la crête où est l’ashram dans les forêts de pin en vue du pic de Nanda Devi qui domine la région de ses 7860m, mais qui est le plus souvent dans les nuages en cette période de mousson. Le livret sur la méditation de Swami Nirgunananda va passer en ligne dans le domaine de Ma vers fin novembre, la version anglaise y est déjà depuis six mois.

Jacques Vigne se rend au Bangla-Desh début octobre pour un renouvellement de visa. Il en profitera probablement pour y visiter les lieux de Ma, en particulier Siddheshari à Dhakka et Khéora, son village de naissance près de la frontière orientale du pays. Il sera en principe à Dhaulchina (Shri Ma Anandamayi Ashram, Dhaulchina, 263881, Almora, UP) du 20 octobre au 20 novembre, et de nouveau du 5 janvier au 15 mars 2000. Il sera à Kankhal la première moité de décembre et ira accompagner un tour de Terre du Ciel ‘Sages et Temples du Sud de l’Inde’ à la fin de l’année. Le changement de millénaire se passera ppour ce groupe auprès d’Amma dans son ashram du Kérala. Un article de lui ‘Ermite en Himalaya’ doit paraître dans le  prochain numéro de Troisième Millénaire, et un texte d’une trentaine de pages ‘Scènes de la vie de Jésus’ qu’il a écrit à Dhaulchina doit être mis en ligne à www.anandamayi .org/devotees/jv  Il s’agit d’un texte proposant des méditations sur Jésus selon le raja-yoga et le système des canaux d’énergie et des chakras. Il a aussi écrit une quarantaine de pages de pensées sur le Yoga avec commentaires qui pour l’instant ne seront  diffuséees qu’à ceux qui lui en font la demande.

            La revue ‘L’âme et le coeur’ a publié un entretien avec Vijayananda, ce qui nous a valu une série de nouveaux abonnements à Jay Ma, qui est maintenant tiré à 150 exemplaires. Merci à Aurore Gauer pour cette initiative. Jean-Claude Marol va donner un séminaire d’un week-end sur Ma à Bruxelles avec Initiations les 22 et 23 janvier. Renseignements : Initiations Montagne Saint-Job 92, 1180 Bruxelles Fax 32 2 375 28 96 ou JC Marol 10 rue d’Orchampt 75018 Paris

 

Abonnements

Les nouvelles personnes qui souhaitent s’abonner peuvent le faire en envoyant un chèque de 50 Frs à Mme Vigne, 95 rue Jacques Dulud 922OO Neuilly ; Pour toute autre correspondance regardant Jay Ma, écrire directement à Jacques.(Ma Anandamayi Ashram Kankhal, 249408 Hardwar UP ou voir ci-dessus). Les abonnements vont jusqu’en fin 2000.

 

Table des matières

 

Paroles de Ma                                                                  p.1

Réponses de Vijayananda                                                 p.3

Ma est pour tous Gurupriya Didi                                     p.10

L’essence d’Ananda    Atmananda                                   p.12

Comme un oiseau sur la branche  B.Mukerji                      p.16

Auprès de Ma Anandamayi   AKD Gupta                         p.24

Nouvelles                                                                          p.28

Abonnements                                                                    p.30                                                   

Table des matières                                                            p28

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NUMERO 56                              PRINTEMPS 2000

Jay Ma

Shree Shree Ma Anandamayi

 

 

 

 

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Paroles de Ma

 

Q : Ma, comment se fait-il qu'aussitôt qu'on se met en méditation toutes sortent de pensées se mettent à surgir et à s'imposer au mental?

Ma : Ne savez-vous pas pourquoi on ne peut se concentrer? Le désir agit comme une force de dissuasion: de même, lorsque vous cherchez à pénétrer dans la mer, les vagues vous repoussent vers la plage; si vous persévérez et atteignez un niveau plus profond, les vagues cesseront de vous empêcher d'aller plus loin.

 

Comment un être humain peut-il être dépourvu de courage? Pour atteindre la vérité, on doit endurer toutes les difficultés en demeurant à tout jamais dans la patience: Ce sont les obstacles qui engendrent la patience: Ecrivez à mon ami et dites-lui qu'il doit devenir un voyageur sur le sentier où la Paix peut être trouvée.

 

   Un pélerin sur le chemin de l'Immortalité ne contemple jamais la mort. Par la méditation sur l'Immortel, la peur de la mort s'éloigne considérablement. Souvenez-vous de ceci: c'est dans la mesure où votre contemplation de l'Un deviendra ininterrompue que vous avancerez vers une Réalisation pleine et entière  

 

La quête de la vérité devrait déterminer toute la quête de la vie hamaine. Le désir authentique ouvre lui-même la voie à la Réalisation.

 

Dans notre périple pour traverser la vie de ce monde personne ne demeure heureux. Le pèleninage jusqu'au But

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de l'existence humaine est la seule voie vers le bonheur suprême.

 

    Tout d'abord, il doit être clair que c'est l'action du pouvoir du Guru qui met en branle le pouvoir de votre propre volonté; en d'autres termes, on peut dire que ce pouvoir de la volonté vient du pouvoir du Guru.

 

    Le Bonheur Divin -ce que vous appelez parama sukhadam- est une félicité pure et sans mélange, un bonheur en soi.

 

   "Je suis Ton instrument; daigne oeuvrer à travers Ton instrument"  En regardant toutes la manifestation comme l'Etre Supreme, on obtient la communion. Quelque soit le travail qu'on entreprenne, qu'on le fasse avec tout son être et dans l'esprit suivant: 'Il n' ya que Toi qui travaille!'. Ainsi, il n'y aura pas d'occasion d'affliction, de détresse ou de chagrin.

 

   Tout devient fluide et doux quand on a resssenti qu'on a été touché par  la bénédiction de son contact.

 

   Dépendez absolument de Lui, quelques soient les conditions dans lesquelles vous puissiez vous trouver, maintenez Son souvenir uniquement. Que ceci soit votre prière: 'Seigneur, il t'a plu de venir à moi sous forme de maladie. Donne moi la force de la supporter, ceins-moi les reins de patience et fais moi comprendre que c'est Toi qui demeures en moi caché de cette façon.

 

 

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En tout temps, soutenez en vous la contemplation deu Divin et le fllus de son Nom. Par le Nom, toutes les maladies se remetent facilement.

 

   Abandonnez-vous à Dieu dans tous les domaines sans exception. Qu'il fasse ce qu'il veut de moi, je ne suis qu'une créature entre ses mains, voilà qui doit être votre attitude d'esprit.

 

Rester calme et paisible en toutes circonstances est le devoir de l'être humain.

 

 

 

 

 

Questions à Vijayananda

 

 

     Comme dans le numéro précédent, ces questions-réponses proviennent des échanges durant le satsang de chaque soir auprès du samadhi de Ma.

 

 

Q : Qu’est-ce que la psychologie spirituelle?

V : C’est le silence.

 

Q : Le meilleur fil directeur en méditation n’est-il pas le ressenti?

 

 

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V : D’habitude, ce ressenti correspond à un paquet de surimpositions, mais lorsqu’on réussit à calmer le mental et à avoir un perception vraiment pure, on est très proche de l’Absolu.

Q : Quand on a les yeux fermés en méditation, la seule perception pure est celle du corps.

V : Peut-être, mais en fait la perception du corps est complètement déformée par les représentations qu’on s’en fait. Quand on a atteint l’arrêt du mental, il n’y a même plus de sensations à percevoir.

Q : C’est la perception directe de l’être.

V : Il n’y a même plus de perceptions; c’est la subjectivité pure.

 

Q : Est-il utile de faire des voeux de silence?

V : En fait, je connais la meilleure manière de garder le silence : c’est d’être silencieux quand on ne parle pas. Cela paraît une plaisanterie, mais c’est au fait le signe d’un haut niveau spirituel : dire brièvement ce qu’on a à dire, et après avoir un mental complètement vide, ‘blank’ comme on dit en anglais.

 

Q : (Un Allemand qui avait visité quelques védantins) Pour me débarrasser de l’égo, j’observe ma colère, toutes mes émotions et je me dis qu’au milieu de tout cela il n’y a pas d’égo.

V : Ce sont des mots. Là où il y a de la colère, il y a de l’ego, là où il n’y a pas de colère il n’y a pas d’ego. Ceci dit, il est vrai qu’il ne faut pas chercher à ‘tuer’ un ego qui de toutes façons n’a pas d’existence fondamentale. Ce serait comme

 

 

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 prendre un bâton et essayer de tuer une ombre en lui administrant de grand coups.

 

Q : Vous vous êtes mis à la sadhana pendant la guerre où votre vie était constamment en danger, et après où les horreurs de cette guerre sont venues en surface. N’en avez-vous pas été perturbé?

V : Non, pas même pendant que cela ce passait. Je prenais cela comme un jeu, les uns poursuivaient les autres, c’était comme une parite de gendarmes et de voleur; Et puis après les évènements, comme le passé n’a plus de réalité, il n’y avait pas lieu d’en être perturbé non plus.

 

Q : Si le passé n’a pas de réalité, quel sens reste-t-il à la Tradition?

V : En fait, la tradition est vécue dans le présent, quand on suit ce que le guru nous dit de faire. Du point de vue relatif et empirique, la question du passé et de son héritage existe, mais du point de vue absolu et dans l’expérience du sage, ce genre de questions ne se pose plus. Si vous vous les posez, c’est que vous êtes encore sur le plan empirique.

 

Q : Comment différencier l’être mental et l’être vital?

V : Pour connaître l’être mental d’une personne on se base sur son visage et sur sa voix; pour percevoir son état vital, il suffit d’être proche physiquement de l’autre ou de lui prendre la main pendant quelques temps. Le corps yoguique est atteint quand il y a l’union du masculin et du féminin à l’intérieur; le corps causal est appellé ainsi car il correspond à cette partie de l’égo qui passe d’une existence à l’autre, et représente donc la cause des renaissances. A un stade de la

 

 

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sadhana, le corps  subtil peut être vécu comme un manteau merveilleux donné par le Guru; on voudrait que personne ne vienne y toucher; Mais c’est de l’orgueil, on doit aller au-delà. Tout ceci est une question d’expérience.

 

Q : Peut-on dire que le samadhi est une forme de sommeil?

V : J’ai trouvé une façon d’être complètement conscient alors que le corps est comme endormi, par exemple quand je reste allongé au peit matin, ou même assis. Ceci dit, ce n’est pas le samadhi, car dans celui-ci il y a en plus une joie intense. Les expériences proches de la mort ne sont pas réellement des expériences de mort mais donnent une expérience de bonheur et de lumière comme on peut avoir dans le sommeil profond.

 

Q : Beaucoup de gens venaient à Ma, ou viennent actuelllement à Amma pour une guérison. Peut-on dire que ces sages voient les maladies?

V : Ils voient l’origine spirituelle des maladies sous forme d’esprits qui possèdent le corps et apparaissent dans certaines parties.

 

 

 

 

 

Eléments méditation

 

par Swami Nirgunananda

 

 

 

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     Swami Nirgunananda vit depuis douze ans à l'ermitage de Dhaulchina. Il est passé en France pour quelques jours durant l'été 99 et reviendra probablement  en fin aoüt ou début septembre 2000. Il est intéressant de lire quels sont les conseils de base qu'il donne pour la méditation après toutes ces années d'expérience. Même s'ils sont souvent simples, ils véhiculent une longue expérience de la vie intérieure.

 

 

I) LE CONTEXTE DE LA PRATIQUE

   Le Yoga n’est pas seulement pour le confort du corps et de l’esprit, mais est une voie complète de Libération. Il il y a quatre stades d’évolution : La Réalité ultime, la manifestation, la servitude et la Libération. Le premier et le dernier stages ne font qu’un. On doit garder présent à l’esprit que les pratiques de Yoga ne peuvent en elles-mêmes mener l’individu à l’Ultime. Elles représentent une préparation pour la descente de la Grâce, ou la survenue spontanée de la Connaissance (Jnana). Sinon, l’Ultime deviendrait conditionné, relationnel et relatif, ce qui est en contradiction avec le concept même d’Absolu.

   Le Yoga retire les obstacles à la manifestation de l’immuable qui réside derrière tous les changements de la création. La Réalité ultime n’est pas un objet d’expérience, mais se manifeste quand celui qui expérimente, l’objet d’expérience et l’expérience elle-même ne font plus qu’un. On peut être déconcerté de voir que certaines personnes pratiquent la méditation pendant des années sans beucoup de résultats apparents. C’est souvent dû à la dissipation d’énergie venant de la négligence des règles préliminaires

 

 

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disciplinant le style de vie (yama-niyama) et le manque de contrôle des sens. La méditation produit de l’énergie, c’est certain, mais cette énergie restera comme de l’eau versée dans un seau percé si on ne respecte pas les règles préliminaires. Le niveau ne risque pas de monter. Parmi bien d’autres facteurs, les habitudes alimentaires jouent un rôle majeur dans la pratique spirituelle. La condition mentale dépend du type de nourriture ingérée. La méditation est reliée au mental de deux façons : déjà, elle aide à le connaître, lui qui est si proche de nous, et pourtant inconnu. Par ailleurs, elle tend à former l’esprit; bien que celui-ci soit insoumis et rebelle, on peut cependant le faire plier. Ma conseillait de préparer sa propre nourriture pendant les périodes de retraite au moins pour développer l’indépendance, un facteur important de réussite dans la voie du Yoga. Bien entendu, une alimentation végétarienne  est de première importance. Par exemple, Swami Vijayananda qui a été avec Ma depuis 1951 suit un régime très régulier qu’elle lui avait conseillé. Il dit d’après sa propre expérience que si vous trouvez un régime équilibré du point de vue diététique et que vous le répétez tous les jours, le mental se libère complètement du désir de nourriture, il n’y pense plus, c’est le mieux pour la sadhana. Ma n’insitait pas sur le jeûne, à part quelques jours dans l’année qui sont recommendés par la tradition (Shiva Ratri en février, la naissance de Krishna en août) ; elle citait souvent le proverbe,  l’homme doit manger pour vivre et non vivre pour manger.

 

 

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II) POSTURE

   En hindi et sanskrit, asan signifie non seulement posture, mais facile également. Ceci nous rappelle l’aphorisme de Patanjali sthira-sukh-asana, ‘la posture (doit être) stable et facile’.On doit revenir régulièrement à la relaxation du corps pendant la pratique, seule la colonne et le cou doivent être dynamiques, bien perpendiculaires au sol. La posture du lotus (padmasana) et les autres postures jambes croisées sont plus faciles si l’on est assis sur un coussin. Les genoux touchent le sol avec moins de tension et forment un triangle stable. Pendant longtemps, la méditation requiert un objet, et le corps est l’un des meilleurs. Il nous permet de comprendre comment fonctionne la base du mental. Parce que nous nous identifions au corps, ‘revenir à soi-même’ signifie au moins au début revenir au corps et ête conscient de ce qui est la forme grossière du Soi. Cela peut être une bonne habitude de revenir au corps au début de chaque session.

   Si la pression des chevilles l’une sur l’autre est trop intense on peut mettre un serviette entre. Par ailleurs, si l’on médite avec les deux mains l’une sur l’autre, on peut mettre un tissu plié sous la main inférieure pour compenser un déséquilibre qui sinon a tendance à se propager jusqu’à la nuque et y provoquer des tensions qui peuvent être gênantes surtout quand on pratique de façon prolongée. Quoi qu’il en soit, on doit régulièrement vérifier la relaxation de la nuque. Vajrasana (la posture du diamant, assis sur les talons) peut être maintenue pendant plus longtemps si l’on dispose deux coussins, l’un en dessous et l’autre au-dessus des chevilles. Cette posture est conseillée après les repas. Certains hatha-yoguis recommandent également à cette période-là de masser

 

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le cuir chevelu, de se peigner et d’éternuer trois fois ; l’idée est probablement de ramener vers la tête l’énergie et le flux sanguin qui est attiré principalement vers les intestins durant la période post-prandiale. Si on trouve certains moyens pour ramener l’énergie vers la tête, cela diminuera la somnolence spontanée. Pour trouver l’équilibre entre les latéralités du corps, on peut commencer la séance par des oscillations d’un côté à l’autre, et en réduire l’amplitude progreessivement jusqu’à ce que la colonne devienne exactement verticale, comme le mât du bateau qui a du roulis sur un lac après le passage d’une vague. La conscience (mindfulness) de la posture au début d’une séance consiste à décrire mentalement cette posture point par point tout en relaxant le corps. Ma conseillait ausi une prièère à la forme divine qu’on adore (ishta-devata) ou un genre d’auto-suggestion avant la méditation, par exemple : ‘je veux dépasser tous les obstacles. Que mon esprit soit concentré sur mon objet de méditation. Que le Tout-Puissant répandre sa grâce sur moi,’ etc…

 

 

III) SAHAJA (NATURAL) PRANAYAMA

   Il faut essayer d’avoir une respiration qui est harmonieuse, régulière et sans effort. Pour aider l’attention au souffle, on peut percevoir deux points appelés dvadashantas (cad la fin des douze) à douze travers de doigts de l’extrémité du nez, l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur. En fait, le dvadashant interne est souvent placé au niveau du coeur. Dans le Shivaisme du Kashmir, l’inspir s’appelle prana et l’expir apana. Ainsi, le dvadashanta est considéré comme le lieu d’origine et de dissolution du prana et de l’apana. En fait, la

 

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première respiration de l’enfant nouveau-né est une inspiration, et la dernière d’un mourant est une expiration, ainsi la durée totale de la vie d’un individu (jiva) est encadrée par une inspiration et une expiration. C’est pourquoi cette méditation sur les dvadashantas est ausi une méditation sur la vie et la mort. L’inspiration correspond à jiva et Shiva, l’expiration à Shakti, ainsi donc les dvadashantas sont considérés comme les lieux d’union de Shiva et Shakti. En pratique, il est très difficile de situer exactement ces lieux d’union.C’est pour cela que Ma conseillait un léger kumbhaka (arrêt du souffle avec les poumons soit vides soit pleins) pour avoir une perception plus claire de la dissolution et de l’origine du souffle. Avec la pratique, la période du kumbhaka décroît et le kumbhaka volontaire finit par disparaître; mais paradoxalement, quand on sent le point, un kumbhaka se développe de lui-même et peut se prolonger pendant une longure durée.

   Il ya une façon de se préparer au Svara Yoga –l’observation des différences de latéralités du corps et leur rééquilibrage- il s’agit d’utiliser un pranyama appelé nadi-shodana, la purification des nadis. Classiquement, le pouce et l’annulaire ferment chaque narine en alternance, en changeant de côté entre l’inspiration et l’expiration. Après quelques temps, on peut faire la même pratique avec seulement la conscience, sentant les latéralités du corps en alternance. Les gens qui souhaitent pratiquer une sadhana avec une grande partie consacrée aux pranayamas physiques doivent recevoir les conseils éclairés d’un maître qui a pratiqué lui-même cette voie. Ce qui est écrit dans les livres correspond à une pratique générale, mais concrètement,  on peut éprouver des difficultés à cause de différences

 

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individuelles; on les résoudra mieux avec l’aide d’un guide expérimenté.

 

 

IV) MANTRA

   Une étymologie traditionnelle du mot mantra est manonat trayati –‘(le pratiquant) est libéré par la contemplation.’ Une difficulté du mantra, c’est que sa répétition peut devenir automatique tandis que le mental continue à se promener n’importe où. Pour empêcher cela, Ma disait souvent : Shvas shvas men jap karo ‘faites confluer la répétition de votre mantrtra dans votre respiration’. Déjà, le simple fait de faire un nombre régulier de mantras à chaque inspiration et expiration résultera dans une rythmicité et une régularité du souffle. De plus, on peut essayer d’être conscient de l’intervalle entre ces courtes séquences de mantra. De fait, le meilleur moment pour le faire est entre l’inspiration et l’expiration ; cela reviendra à une méditation du type de celle des dvadashantas que nous avons évoqué ci-dessus. Une autre façon d’intensifier l’expérience du mantra est nyasa, c’est à dire le fait de le placer dans chacune des parties du corps. Nyasa signifie installer, déposer, et aussi investir.  C’est donc une façon ‘d’investir’ Dieu dans le corps, un processus pratique d’incarnation si l’on peut dire. Nyasa signifie aussi le fait d’abandonner. Quand son abandon au Divin est complet, on atteint l’état de renoncement, san-nyasa.

   En pratique, si l’on a déjà un mantra avec le nom d’une divinité, il suffit de mettre seulement ce nom, ou même le bija-mantra, une syllabe correspondant à la divinité, dans

 

 

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chaque partie du corps. Les fidèles de Ma peuvent placer le nom ‘Ma’ lui-même. Une première sorte de lieux pour faire nyasa correspond aux chakras. On conseile d’habitude de sentir les chakras le long de la colonne vertébrale, une ligne qui correspond au ‘méridien gouverneur’ de l’acuponcture ; cette méditation sur les chakras aide de fait à ‘gouverner’, maîtriser le mental rebelle. Une méthode efficace peut être d’imaginer le guru assis en face de soi. On trace une sorte de cercle qui part de son propren muladhara (à la base) vers le sommet de la tête et qui traverse jusau’au sommet de la têtre du guru, puis redescend par ses chakras jusqu’au muladhara. Pour les débutants, il est meilleur de n’inclure que les quatre chakras supérieurs, en commençant par le anahata au niveau du coeur. Le nyasa peut être également effectué avec les lettres de l’alphabet (qui sont les racines de tous les mantras possibles) et il est de deux sortes, interne ou externe, selon sa localisation dans les chakras ou dans la tête, les membres ou le tronc.

   On dit dans un fameux distique en sanskrit mantra-mulam guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c’est la parole du guru’. Ceci signifie qu’en un sens chaque parole du guru peut être prise comme un mantra. En faisant le nyasa de ces paroles de vie les unes après les autres, on atteindra le san-nyasa, c’est à dire le renoncement à son égo mesquin en se laissant imprégner par la seule présence du guru, présence qui n’est pas différente du Soi.

 

V) NADA YOGA

   Nada est le son éternel qu’on percevoir directement à l’intérieur de nous-même. Nada, à la différence des autres sons engendrés habituellement par le choc de deux

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objets (ahata), n’est pas produit de cette façon ; c’est pourquoi on l’appelle aussi anahata. Nada était là lors de la création du monde sous la frome du Pranava (Om). Tout l’univers provient de la rencontre de Shiva (nada) et de Shakti (bindu, le point, la première étincelle d’activité par laquelle Shiva a crée le monde). Le bindu correspond aussi au centre sur lequel on focalise son attention pendant la pratique  de la concentration, comme par exemple le point au milieu du Shri Chakra. En pratique, les débutants qui souhaitent avoir un avant-goût du Nada-yoga peuvent pratiquer le brahmari-mudra (la mudra du bourdon) après s’y être préparé par la pratique des préliminaires du Yoga : les deux pouces ferment les oreilles, les index les yeux, les médians les narines les annulaires poussent les lèvre supérieures et les petits doigts la lèvre inférieure. On peut le pratiquer avec les poumons pleins ou vides. On aura ainsi une idée de ce que peut être le nada dans sa forme la plus matérielle. Par la suite, deux autres mudras peuvent aider à saisir le nada spontané : d’abord, le jnana mudra avec les extrémités des pouces et des index dirigées vers le haut, et ensuite le mudra qui consite à diriger le bout de la langue vers le haut, mais sans pour autant toucher le palais. Dans le vide à cet endroit, on peut percevoir le nada. Classiquement, dix sortes de sons dont décrites, amais cela dépend en fait de la persone et de sa capacité à les différencier, de même qu’un expert en parfum peut distinguer dans une seule odeur un grand nombre de composantes grâce à sa pratique et à la précision de son intuition. Par exemple dans mon cas j’entends d’abord un son aigu et continu comme celui d’un groupe de criquets, ensuite un son

 

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pulsatile comme celui de cloches, puis le son continu de conches et de flûtes, et enfin le pranava. Dans la Brihad-Aranyaka Upanishad, on donne une comparaison à propos de la connaissance de Brahman (brahma-vidya) qu’on peut appliquer aussi au son intérieur. Quand un père entend d’abord de loin un choeur d’enfant qui chantent les védas, il ne peut y distinguer la voix de son fils; mais lorsqu’il s’approche, il peut finalement la reconnaître. En fait, tous les timbres de sons peuvent être perçus comme le pranava si on réussit à les entendre d’une façon parfaitement continue ; cependant, il n’y a pas de raison de se faire croire qu’on entend une certaine sorte de son sous prétexte qu’on l’a vue décrite dans les textes.

   On peut combiner le Svara-yoga, qui est une manière d'équilibrer les latéralités, avec l'écoute du nada. Un arrêt de la respiration, kumbhaka, spontané survient souvent lorsqu’on cherche à percevoir avec une attention complète un son intérieur subtil ; c’est comme si celui-ci était plus audible lorsqu’il n’est pas couvert par le léger bruit que produit l’inspir et l’expir. On doit être conscient de ce réflexe et éviter des kumbhakas forcés qui engendreraient des tensions inutiles dans le corps. Un autre nom du Nada-yoga est Laya-yoga, le yoga de la dissolution. Si quelqu’un est conscient de la continuité du nada, il demeurera dans le présent éternel. Le son fondamental est toujurs le même, mais à cause de l’écran de notre mental nous l’entendons différemment à différents moments. Le nada aide à réduire au silence les souvenirs passés, car le mental est à l’arrêt dans le présent continu : le soi individuel et relatif entre en fusion
 
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(laya) avec la conscience universelle, ce qui est le but de tout yoga.

 

    VI) MEDITATION SUGGESTIVE

   Ce type de méditation est basé sur la visualisation. Il correspond à la méditation avec forme, qui est une préparation pour la méditatation sans forme. Elle est largement utilisée par le bouddhisme tibétain par exemple, alors que le zen préfère orienter sa pratique directement vers le sans forme. J’ai pu parcourir un journal spirituel de Bholonath qui est maintenant détruit ; il y décrit une méditation sur les cinq éléments probablement d’après des instructions de Ma. La terre est visualisée dans le muladhara, l’eau dans le svadhisthana, le feu dans le manipura, l’air dans l’anahata et l’éther dans le vishuddha. On visualise d’abord l’eau qui inonde toute la terre, ensuite le feu évapore l’eau, le vent éteint le feu et finalement se dissout dans l’éther ; Cette pratique aide à dissoudre la conscience habituelle du corps et oà se fondre dans le sans forme (évoqué par les deux chakras supérieurs, l’ajna et le sahasrara).

   Des visualisations simples peuvent aider la méditation : par exemple visualiser deux anneaux qui remontent à partir des doigts de pieds les jambes et le ventre jusqu’à l’ajna, aspirant l’énergie vitale et la poussant vers ce centre. De là, on envoie des vibrations vers sa divinité d’élection en face de soi, et on en rapporte une lumière neuve qu’on répand dans son propre corps. Deux autres pratiques de visualisation s’appuient sur des faits scientifiques ; D’abord, la ‘méditation atomique’ est basée sur la notion que si l’on pouvait coller toutes les particules subatomiques ensemble, la Terre entière

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pourrait tenir dans un sac à main. Dans ce cas, le corps du méditant n’existerait plus et ce qui resterait serait la conscience elle-même. Dans la seconde méthode, la 'méditation génétique’, on  sent qu’on retourne au moment de sa conception en visualisant  la régression de son état physique et mental, etc… Si l’on continue à essayer de retracer le processus qui a conduit à cet instant, on réalisera que son existence individuelle a été divisée entre les matériels génétiques de la mère et du père et divisée encore de plus en plus au fur et à mesure qu’on remonte l’arbre généalogique pour finalement se dissoudre dans le Soi universel. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’une excellente méthode pour surmonter la difficulté principale de la méditation, c’est à dire perdre sa propre individualité et éveiller la conscience universelle.

   Si l’on souhaite méditer sur les chakras, une façon simple de la faire est de visualiser que le lotus de chaque chakra regarde d’abord vers le bas et qu’ensuite, après sa ‘percée’, bheda, par le serpent de la kundalini, il se tourne vers le haut. Une autre façon de travailler utilise le mantra. On peut l’installer au centre de chaque lotus (tourné cette fois-ci vers le haut) et le transporter de bas en haut et de haut en bas entre le muladhara et le sahasrara ; nous avons aussi mentionné dans la section sur le mantra la méthode qui consiste à visualiser le guru en face de vous et à réunir ses chakras aux vôtres dans une sorte de cercle. Le fil directeur de ce continuum est votre conscience elle-même. Il y a aussi une façon de combiner la méditation sur le Shri Chakra et celle sur les chakras du corps. En bref, le cercle extérieur représentant la terre est visualisé dans un chakra supplémentaire en
 
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dessous du muladhara, le premier lotus dans un autre chakra surnuméraire un peu au dessus du chakra précédent, le second lotus dans le muladhara, les différentes séries de triangles dans les cakras asendants jusqu’au talu, le cakra au sommet de la voûte du pharynx et le bindu, le point central est placé dans l’ajna. A chaque niveau, le méditant se représente en face du chakra et adore la divinité qui y réside, mais quand il arrive à l’ajna, il se fond dans le point qui  représente la Mère divine.

   Les cinq chakras inférieurs correspondent aux cinq éléments matériels qui constituent le monde tel que nous le voyons. L’ajna et le sahasrara représentent le monde spirituel. Des textes comme le Shatchacra-nirupanam, ‘la localisation des six chakras’ distinguent deux sous-chakras dans l’ajna, l’inférieur qui correspond au mental, et le supérieur, un peu au-dessus, aui correspond au Suprême, paramatman. Encore au-dessus, après avoir passé la ligne des cheveux, il y a un-mani, le chakra après lequel on pénètre dans la région du ‘non-mental’. Juste au-dessus du sahasrara est le maha-bindu, la demeure de Shiva et la place de son union avec Shakti.

   En conclusion, il est utile de souligner l’importance de savoir pourquoi nous méditons. Parfois, certains sadhakas se plaignent de ne pas avoir de résultats dans leur pratique et se sentent frustrés. Une des raisons pour cela est qu’ils n’ont pas les conditions requises et la préparation pour bénéficier de leur pratique. Une seconde raison est qu’il travaillent mécaniquement, sans être conscient du but principal qu’ils poursuivent. Le souvenir du but doit être le fil conducteur dans toutes ces pratiques

 

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de méditation. Ma disait souvent : ‘La grâce de Dieu est ici et maintenant, comme la pluie qui tombe continûment ; tout ce dont vous avez besoin, c’est de simplement tenir votre bol tourné vers le haut.’

 

 

 

Quelques conseils pratiques de Ma

Extraits du journal d'Atmananda

 

Pendant le séjour de Ma à Kishenpur (Dehra-Dun) en avril 1957, un dame américaine posa nombre de questions d'intérêt général:

 

Q: Juste quand je me réveille le matin je me sens proche de Dieu mais cet état intérieur s'évapore jusqu'à un certain point  le temps que je me lève et que je m'assoie pour la méditation. Est-ce bien de méditer allongée

Mataji : Quand vous apprenez par coeur, dans quelle position le faites-vous? Certaines personnes apprennent mieux assises, d'autres allongées et d'autres en marchant de long en large. Si vous trouvez facile de concentrer votre esprit sur Dieu en étant allongée, vous pouvez le faire en restant néanmoins bien droite dans cette position couchée. Mais la meilleure position de méditation est d'être assis droit et complètement immobile dans la posture qui est la  plus confortable pour une personne donnée.

 

Q : Est-il bon de dormir pendant la journée?

 

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Mataji : La vie est de toutes façons une sorte de sommeil dont on doit se réveiller (Ma disait à peu près la même chose à propos des rêves : cette vie elle même est un rêve dont il faut s'éveiller). Il est donc bon de rester réveillé autant que possible. Les brahmacharis et sadhous ne sont même pas autorisés à dormir pendant la journée. Quand on progresse en méditation, on a besoin de moins en moins de sommeil. Une personne ordinaire ne rentre en contact avec son Soi que dans le sommeil profond et en demeure séparé pendant tout le reste du temps. Le contact est inconscient, pourtant il est là et rend la vie supportable. Par conséquent, le sommeil est absolument nécessaire pour les individus ordinaires.

   Le but de la sadhana est de devenir complètement conscient de son soi. Quand on a accompli cela on a atteint un état où l'on transcencde à la fois le sommeil et ce qu'on appelle communément l'état de veille. Dans le sommeille le corps se repose et récupère.  C'est pour cela qu'on donne des somnifères aux personnes quand elles sont malades.  Quand vous êtes très intéressé à quelque chose vous ne vous sentez pas somnolent, vous pouvez veiller jusque tard dans la nuit; mais après, vous provoquez une réaction et vous avez à recupérer le manque de sommeil.

   Quand vous vous mettez à vous intéresser réellement à la quête du Divin ou de la Vérité, vous trouverez toujours plus de joie dans la méditation et aurez besoin de moins en moins de sommeil. On doit réduire petit à petit le temps de sommeil. C'est un besoin qui doit décroître spontanément. Sinon, on est fatigué et on ne peut faire son travail correctement. Néanmoins, si l'on retire dix minutes sur un sommeil de six heures, il n'y aura pas d'effets défavorables. Le besoin de sommeil dépend jusqu'à un certain point de son

 

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état de santé et de la qualité et quantité de nourriture.

 

Q : Bien des gens mendient par habitude alors qu'ils ne sont pas réellement dans le besoin. Doit-on donner à de tels mendiants?

Mataji : Si l'on se trouve être informé qu'ils ne sont pas dans le besoin  on ne doit certainement pas leur donner. Car s'ils font un mauvais usage du cadeau, une partie des mauvais résultats devra être supportée par le doneur. Parfois, on sent intuitivement si un mendiant est dans le besoin ou non, mais c'est loin d'être le cas tout le temps. Dans ces cas on doit donner avec la pensée que c'est Dieu lui-même qui demande l'aumône. Quand on donne avec une telle attitude, il n'y aura pas pour soi de mauvaises conséquences qui s'ensuivront.

                                                                                                (Amrita Varta, octobre 1999)

 

 

 

 

MA ANANDAMAYI

La joie de la sagesse et la sagesse de la joie

par Jacques Vigne

    

   Ce court article sur Ma avait été demandé par Charles Abot, directeur de la revue 3e Millénaire, pour leur numéro 53 d'été sur les femmes enseignantes spirituelles. Pour des raisons de délais trop brefs, il n'a pas pu être publié, cependant l'équipe de 3e Millénaire a fait une présentation de Ma d'après divers ouvrages qui était brève, mais de bonne qualité. La reprise de cet article dans Jay Ma permet

 

 

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également de redonner aux lecteurs une bibliographie à jour de Ma.

 

     Charles Abot m'a demandé de développer particulièrement les aspects pratiques et concrets de la pédagogie sacrée de Ma Anandamayi. Je n'ai pas été directement formé par elle, étant arrivé trois ans après qu'elle a quitté son corps en Inde, mais je suis proche depuis quatorze ans de son disciple français Vijayanananda qui a passé trente ans à son école et vit actuellement à son ashram de Kankhal. J'ai écrit cet article dans un ermitage de Ma en Himalaya. Ma avait une approche de la pédagogie spirituelle éminemment féminine et maternelle. Ce n'est pas sans raison que son entourage et les foules de visiteurs voyait en elle une manifestation de la mère divine. Elle disait que le mental lui-même était comme un enfant à éduquer, avec ce mélange de fermeté de tendresse qui font les bons parents: s'il n'y a pas de fermeté envers le mental, on risque de tomber dans un pseudo-non- dualisme du genre " tout est là, il n'y a rien à faire ". C'est vrai dans l'absolu qu'il n'y a rien à faire, mais en pratique il y a beaucoup à défaire, d'où la nécessité d'un travail sur soi. Par ailleurs s'il n'y a pas de tendresse envers le mental, celui-ci risque de se dégoûter de la pratique spirituelle, ou de se venger comme un enfant qui a été battu par son père prend sa revanche à l'adolescence.

    La base de l'enseignement de Ma était solidement non- dualiste mais cela ne empêchait pas de revenir souvent à l'amour du divin. Elle exprimait la convergence des deux voies, celle de la connaissance et celle de l'amour, en des mots simples « se connaître soi-même, c'est connaître Dieu et connaître Dieu, c'est se connaître soi-même ». Ma, comme

 

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les autres grands sages, n'aimait pas se lancer dans de long discours. Un jour en prenant son bain elle a eu l'intuition certaine (kheyal) qu'elle devait entamer différentes voies de sadhana; celles-ci se sont manifestées en elles spontanément et sont arrivées à leur perfection de façon rapide. Ella a été cinq ans en silence quand était jeune mariée, et de nouveau un an en 1976, mais ceci ne doit pas laisser penser qu'elle ne transmettait que par sa présence et qu'elle n'avait pas d'enseignement construit. Elle en avait un, qui correspondait à l'ancienne tradition de l'Inde. Certains occidentaux qui espéraient parler abondamment de leur vie intérieure avec elle comment avec un psychanalyste ont été déçus et ont quitté. Ils n'ont pu supporter sa simplicité brûlante qui éloignait les pensées superflues comme le fer chauffé à blanc fait fuir les insectes.

Elle a amené les gens à aller au-delà du mental de façon naturelle, en établissant avec elle un lien d'amour. La plupart des visiteurs, même s'ils avaient du mal à sonder sa profondeur sentait qu'il ressortaient de chez elle en ayant reçu le « don de l'amour ». Avec ses fidèles proche ce lien était très intense, même si avec les années il devenait de plus en plus intériorisé. Si ce lien n'est pas fortement établi, dès que le maître se met à travailler d'un peu près sur l'égo du fidèle, celui-ci s'enfuit ne revient plus ; cela représente en pratique le problème principal de l'enseignement spirituel. D'où la douceur de Ma dans son rapport aux autres. Elle était en faveur du système des quatre ashrams où les étudiants se marient et vers la fin de la vie prend le vanaprastha, ceci n'empêchant pas pour certains si l'appel était intense, de choisir le renoncement en étant encore jeune. Ma enseignait par la joie; elle décrivait parfois l'atmosphère autour d'elle

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comme « l'ananda ka bazar » « le marché de la joie". Une des fonctions principales du maître spirituel est d'éveiller cette expérience de joie intérieure chez le disciple. Même si elle n'est pas durable celui-ci en gardera l'arrière-goût, n'aura de cesse de la retrouver et de se mettre à la pratique spirituelle avec une intensité véritable. Quand on lit ou entend les témoignages de la vie de Ma, il était évident qu'elle avait rapport à distance avec ses fidèles. Elle disait qua quand quelqu'un la priait, elle voyait son visage apparaître sur son écran mental.

   Elle portait peu d'attention gens qui faisait tout un plat de leurs expériences spirituelles, il lui arrivait même de détourner la tête quand ils en parlaient ; mais si la même personne quelques jours plus tard, faisait une grosse colère dans l'ashram, elle l'appelait et pouvez passer une heure à le faire réfléchir sur ce pourquoi il avait cédé à l'impulsion de colère. Elle attendait que les gens soient en situation pour donner un enseignement, de cette façon ils en gardaient un souvenir inoubliable.

   Nous avons vu que dans sa jeunesse, Ma avait pratiqué de façon condensée différents types de pratiques spirituelles, ce qui lui permettait de guider chacun sur sa propre voien ce que les maîtres en général ont du mal à faire. Cependant, quand on lui demandait si elle avait pratiqué le tantrisme de la main gauche, celui qui utilise les relations sexuelles, elle répondait qu'elle n'en avait pas eu besoin, car elle était arrivée la perfection du mariage mystique, de l'union du masculin et du féminin à l'intérieur. Ceci est rapporté par Amulya Datta Gupta dans la version bengali de 'En association avec Ma Anandamayi'. Il a traduit lui-même ce passage où il parle du jeu de sadhana de Ma en anglais pour Vijayananda.

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    Elle enseignait par l'exemple la perfection dans la vie quotidienne et en cela se rapprochait et de la « petite voie » pratiquée par Thérèse de Lisieux, ainsi que d'autres grands saints de diverses traditions. Au cours de l'évolution spirituelle, on peut avoir souvent l'impression que Dieu, ou le Sir, sont éloignés, comme insaisissable. Cependant, ceux qui auront établi la relation intérieure avec Ma la sentent intensément et peuvent dire : "Dieu est loin, mais Ma est proche"

 

Pour aller plus loin

     Nous avons la chance français d'avoir une littérature assez développée sur Ma Anandamayi : déjà le classique  Enseignement de Ma Anandamayi  dans Spiritualités vivantes et dans la même collection la réédition de Aux sources de la joie. La Table Ronde à édité le petit livre Perles de sagess, et Jean-Claude Marol a fait une trilogie de paroles de Ma Vie en jeu (Accarias) En tout et pour tout (Le Fennec) et Une fois Ma Anandamayi (Le Courrier du Livre), ces deux derniers ouvrages contenant une série de photos e Ma. Il y a aussi Présence de Ma Anandamayi aux Deux Océans et Visage de ma Anandamayi au Cerf et récemment à Terre du ciel la traduction du Matri darshan de Bhaiji et Un Français dans l'Himalaya de Vijayananda présentant une vision authentique de la grande sage par des témoins très proches d'elle. A par ces deux ouvrages, les livres sur Ma sont souvent centrés sur ses paroles alors que la pédagogie d'un grand sage se manifeste plus clairement dans les anecdotes de ses relations avec ses disciples et visiteurs. Pour en savoir plus les lecteurs peuvent visiter le site que nous avons créé sur Ma http://www.anandamayi.org en français et en anglais, qui contient neuf livres complets, ainsi que des

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extraits de cassettes audio et vidéo de Ma. On trouvera des liens également à d'autres sites sur des enseignement apparentés à celui de Ma.

   En anglais disponible facilement en Europe et aux Etats-Unis, signalons les deux livres d'Oxford, Anandamayi de Richard Lannoy, un grand livre de photos mais avec un texte aussi qui mérite d'être lu, et le livre tout recent Mother of Bliss de Lisa L Hallstrom dont nous parlons dans les nouvelles.

 

Un chant à Ma Ananandamayi

     Sarada Ma est française, elle a un ashram près d'Aix-en-Provence, et un autre à Laxman Jhula à Rishikesh. Elle a été ordonnée sannyas par un rite mixte hindou et chrétien avec Swami Shankarananda de la lignée du Kriya Yoga de Yogananda Paramahamsa et par un prêtre chrétien indien qui avait aussi pris le sannyas. Elle a été inspirée en cela par l'exemple de Swami Abhishiktananda (le Père Le Saux) qui portait la robe orange et avait organisé un rituel d'initiation monastique mixte pour son disciple Marc Chaduc en 1973 sur la plage du Gange à Rishikesh avec Swami Chidananda. Les paroles et la musique de ce chant lui était venu spontanément en fin avril 1983 au moment du premier anniversaire de Ma  après que celle-ci ait quitté son corps. Elle nous a fait entendre la mélodie elle-même en s'accompagnant de la guitare avec quelque qu'un qui jouait aussi de la tampoura un soir près du samadhi de Ma, et la musique et la voie était très inspirées. Ceux qui souhaiteraient l'écouter peuvent sans doute lui envoyer une cassette avec une enveloppe réponse et elle leur copiera

 

 

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l'enregistrement du chant quand elle reviendra en France fin avril. (Kriya Yoga Ashram   Chemin des Pesses 13840 Rognes)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Nouvelles

 

-         Swami Nirgunananda reviendra probablement en fin aoüt ou début septembre pour une retraite d'une semaine avec les Français. Claude Portal qui organise souhaite que les gens voudraient y participer se manifestent dès maintenant car il a besoin de connaïtre le nombre de participants pour pouvoir choisir un lieu ad hoc. 12 rue Lamartine 78100 St Germain en Laye Tel 01 34 51 74 41: Par ailleurs il y a un projet de retraite à l'ermitage de Dhaulchina à Pâques 2001 avec Nirgunanda assisté de Jacques Vigne. Léonard Appel et Initiations (92 Montagne Saint-Job 1180 Bruxelles) organiseront le transport à partir d'Europe.

-         Swami Chidananda a annoncé qu'il prenait sa retraite à partir d'avril 2000:

-         Il y a une nouvelle adresse pour la Maison Amrita en France: Ceux qui veulent connaître les activités de Ma Amritanandamyi doivent désormais contacter Mr et Mme Tailhardat, 32 rue du Moulin de la Pointe 75013 Paris Tél 01 45 80 39 42

-         Lisa L Hallstrom qui étudiait les religions à Harvard et maintenant les enseigne dans les universités américaines était venue il y a déjà plusieurs années en Inde, en particulier à Kankahl, faire une travail de recherche sur Ma Anandamayi et ses disciples. Elle a rencontré et s'est entretenue avec une quarantaine d'entre eux de par le pays et a finalement sorti un livre sur Ma chez Oxford: Mother of Bliss, London, New-York, 1999: Nous venons de l'avoir, nous en ferons une recension plus complète dans le prochain numéro.

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-         La composition d'un livre de Vijayananda en anglais de presque trois cent pages, plus complet que Un Français dans l'Himalaya a été terminée en janvier à Kankhal. A l'époque où vous lirez ces lignes, il sera très probablement déjà en ligne dans le domaine de Ma   http://www.anandamayi.org

-         un article de Jacques Vigne intitulé Etre seul avec le seul- la vie d'ermite qui avait été demandé par Charles Abot, directeur de la Revue 3e Millénaire, a été publié dans leur numéro d'hiver; 54. Comme nous l'avons mentionné précédemment dans ce numéro, l'équipe de 3e Millénaire a fait aussi une présentation de Ma brève, mais réussie dans leur numéro 53 consacré aux femmes enseignantes spirituelles.

-         Pour la correspondance, Jacques Vigne sera à Kankhal (Ma Anandamayee Ashram 249408 Kanakhal Hardwar UP Inde) de fin avril à fin mai environ:

 

 

Abonnements

   Le renouvellement général de deux ans sera après le numéro d'automne. Les nouveaux venus qui voudraient cependant s'abonner maintenant peuvent le faire pour 11 numéros (jusqu'en fin 2002) en réglant 130 Frs à l'ordre de Jacques Vigne et en envoyant le chèque à Mme Vigne, 95 rue Jacues Dulud, 92200 Neuilly

 

 

 

 

 

 

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Table des matières

 

Paroles de Ma                                                             p.1

Questions à Vijayananda                                            p.3

Elements de méditation Swami Nirgunanandanda     p.7

Quelques conseils pratiques de Ma                            

                                           par Atmananda                 p.15

Ma- la joie de la sagesse et la sagesse de la joie

                                           par J.Vigne                       p.22

Un chant à Ma   Saradama                                          p.26

Nouvelles                                                                    p.29

Abonnements                                                              p.29

 

 

 

Numéro 57 - été 2000

Paroles de Ma

Satsang signifie Dieu lui-même dans son être essentiel. Sa (Cela) veut dire l’Atma qui est éternellement et spontanément lumineux. Quand il y a un rassemblement de personnes dans la lumière de cette atma, c’est le satsang. Satsang, l’association à l’Etre, est la seule association et tout le reste n’est que non-satsang. Là où il n’y a pas d’Etre, sat, là est la destruction. Le seul devoir de l’humanité est de renoncer complètement à la destruction, de s’en détacher totalement (asang-nisang) et de diriger son regard vers cette Lumière essentielle. C’est pour cela qu’il faut chercher à être dans un satsang permanent.

Si l’on veut connaître son monde intérieur il ne suffit pas d’abandonner le monde extérieur, car l’image de celui-ci est comme gravée en nous. Ce monde, jagat, est une réflexion, une évocation de l’Eveil, jagrat. Ne vous laissez pas hypnotiser par des bonheurs, ananda, éphémères et prenez refuge auprès du Seigneur qui règne au-dedans de vous (antaryamin). (Amritavarta hindi, janvier 2000)

(Extraits de satsangs pendant des Samyam Saptas, Amritavarta, avril 2000):

Dieu vous a pourvu de mains pour adorer le Seigneur, d’une bouche pour louer le nom du Seigneur, d’yeux pour voir l’image de Seigneur, d’oreilles pour entendre les paroles du Seigneur, de pieds pour faire le parikrama (circambulation) du Seigneur. Maintenant, qu’attendez-vous de plus?

Celui qui est assis dans son coin (kona) a trouvé le trikona, les trois mondes la terre et les mondes supérieurs et inférieurs).

Quand on a demandé à Ma pourquoi tout le monde l’aime, Ma a répondu: il y a relation avec l’Atma, c’est pour cela que vous aimez ce corps. Ce corps restera où vous l’installez et de la façon dont vous l’avez installé et il mangera ce que vous lui servez. Pour ceux qui n’ont personne tout le monde fait partie de leur famille. Ce corps n’a rien qui lui soit propre.

Quand on demandait de nombreuses fois comment atteindre la réalisation, Ma disait répétitivement: Suivez les conseils de votre Guru. Si l’on n’a pas trouvé le Guru, il faut répéter le Nom qu’on préfère.

Le Japa est ce qui devient une partie intégrante de votre être, sans laquelle vous ne pouvez vivre.

Le réel pranava (le Om fondamental qui était là à la création du monde et qui continue de résonner pour ceux qui savent l’écouter) survient quand il ne reste plus de différence entre le masculin et le féminin, quand tout le monde devient un, quand tout les noeuds, granthis, sont ouverts. Quand on a obtenu cela le pranava réel se manifeste

Questions à Vijayananda

Q : Quand une relation gourou-disciple intense est établie, il semble bien qu’en pratique elle soit très personnelle. Pourquoi alors tant insister sur son aspect impersonnel? N’est-ce pas introduiire une différence entre la théorie et la pratique qui n’a pas lieu d’être?

V : Il n’y a qu’un seul Gourou, c’est le Divin suprême (c’est ce que Ma disait). Les gourous physiques, humains, ne sont que des conducteurs du Pouvoir suprême. Le Sadgourou, le Gourour parfait n’est une personne qu’en apparence parce que le pouvoir divin passe à travers lui sans obstrction. Il et un conducteur parfait. L’amour intense que le disciple a pour son gourou ne s’adresse pas à la personne, mais au pouvoir divin qui rayonnne à travers cette personne. Il est vrai qu’il arrive souvent en debut de sadhana que le disciple devienne intensément attaché à la personne physique du gourou. Cet attachement est comme un transfert affectif qui permet au sadhaka de se libérer des attachements mondains et quand il est arrivé à maturité il sera libéré aussi de l’attachement à la personne physique du gourou. Il ne faut pas oublier cependant qu’il n’y a pas de volition de la part du gourou physique. C’est toujours le Divin suprême qui crée les liens et les défait selon le degrè de maturité du sadhaka. Le Gourou physique se comporte selon l’inspiration qu’il reçoit du Suprême. C’est ce que Ma nommait son kheyal.

Q : Dans la Gita on dit que le Divin est au-delà du sat et de l’asat. Pourquoi ne pas dire simplement qu’il est l’Etre pur?

V : En termes de pensée occidentale cela veut dire que le Divin suprême est au-delà du Bien et du Mal [sat signifie être mais aussi ce qui est substantiel, c’est à dire finalement aussi le Bien] et peut jouer (et joue en effet) tous les jeux. Dire qu’il et le sat pur voudrait dire qu’il et seulement dans la pureté immaculée mais il est plus que cela. Il est ce qui donne l’éclat à cette pureté mais il est aussi ce qui permet à l’impureté de se manifester. Les nuages noirs ne sont visibles que parce que le soleil qu’ils essaient de masquer est derrière eux; mais le soleil reste toujours ce qu’il est et n’est pas affecté par la noirceur des nuages bien qu’il ne soit visible que grâce à lui.

Q : Quel est le rapport entre karma et libre-arbitre.? (Swamiji a déjà répondu à cette question auparavant, mais il souhaite redire les choses plus clairement)

V : Tout ce qui nous arrive est le résultat de notre propre karma; mais le karma que nous produisons n’est pas dû à l’acte lui-même,mais au bhava (attitude mentale) avec lequel l’acte est effectué. Et nous sommes libres en ce qui concerne ce bhava. Par exemple, une mère peut battre son enfant avec colère ou le punir par amour pour corriger sa faiblesse. Une fois que nous avons lancé le karma nous ne pouvons plus le stopper: C’est comme lorsque vous jetez une pierre. Vous êtes libres de jeter la pierre mais vous ne pouvez contrôler les vaguelettes qu’elle produit dans l’eau.

Q : (une jeune femme de Paris) Swamiji, êtes-vous heureux?

V : Pour répondre à cette question, il faut déjà s’entendre sur la définition du bonheur. On raconte peut-être dans le Talmud ou dans un autre texte du judaïsme qu’un jour des rabbins se sont réunis pour discuter de ce qu’était le bonheur. L’un était d’avis que le vrai bonheur était d’avoir une belle femme, d’autres participants émirent toutes sortes de critères, pour l’un d’entre eux le bonheur était par exemple d’avoir de beaux WC dans sa maison…Le bonheur vient de la satisfaction des désirs. En génénral, cette satisfaction est temporaire, d’où un bonheur éphémère. La seule satisfaction complètement stable est dans l’unité avec le Suprême. Dans mon cas, j’éprouve facilement un bonheur intense dans la méditation, mais dans la vie quotidienne il s’agit plutôt de ce qu’on nommme shanti, terme qui signifie plus que ‘paix’: c’est une sérénité, un calme intérieur accompagnée d’une maîtrise du mental.

Q : Une lectrice de Jay Ma qui a eu de nombreux rêves de Ma et s’efforce de suivre son enseignement depuis plusieurs années là où elle est dit qu’elle a cependant de nombreux doutes quant à savoir si ses idées et sa pratique de sadhana sont justes.

V : Ne suivre que ses intuitions dans le domaine spirituel peut-être très dangereux. On a besoin de beaucoup d’humilité; pour cela, il n’y a rien de meilleur que de se souvenir combien de fois noss intuitions nous ont trompés. Dans ces circonstances, que faire si l’on n’a pas de gourou? Se référer à chaque fois au dharma: est-ce que la décision que je souhaite prendre va dans le sens du dharma ou de l’adharma, et ce moment-là on choisit toujours le sens du dharma. Si on ne réussit pas à faire ce discernement, il est alors meilleur de demander conseil à quelqu’un de réellement avancé spirituellement.

Q : Peut-on vivre sans désirs?

V : Pour la plupart, les désirs, le rajas est nécessaire. C’est ce qui peut les sortir de la torpeur, du tamas. Tout dépend du niveau des gens. On ne peut pas vivre sans amour. L’amour mystique est le seul où l’on puisse obtenir la fusion totale. La fusion de l’amour physique ne dure pas. (A un vieil homme qui souffrait de glaucome) Pour vous, il vaut mieux vous concentrer sur le coeur que sur l’ajna; mais ce n’est qu’un stade, un marche-pied pour pouvoir ensuite visualiser l’énergie dans le coeur de tous les autres et puis après de tout l’univers. A ce moment-là, vous débouchez sur le Sans-forme.

Q : Est-ce que finalement tout n’est pas l’effet de la grâce?

V : Cela dépend de ce que vous mettez exactement sous le mot grâce. Quand vous appelez ce que vous considérez être le Dieu personnel, il y a un écho qui vous revient qui en fait n’est pas différent de vous-même mais qui est au-delà de votre ego.

Q : Des fois, je réussis à pacifier mes émotions pendant un peu de temps, mais ensuite cela reprend de plus belle!

V : Il ne suffit pas d’atteindre une sorte de ‘paix intellectuelle’; il faut donner à la base du mental ce qu’il aime, c’est à dire par exemple un rasa intense de joie, pour qu’il soit vraiment attiré et stabilisé. Quand on est dans les émotions on est emporté. Quand on les dépasse, l’accent passe sur la conscience pure accompgnée de joie.

Q : Mais la joie est aussi une émotion?

V : Non, dans ce cas-là les émotions sont changeantes mais la joie de la pure conscience est stable; ceci dit, il y a des jours où l’on n’a pas d’émotions à diriger vers le Divin, à ce moment là on peut pratiquer l’atma vichara, ce qui suis-je’ par exemple. Si cela ne vient pas non plus, il y a quelque chose que vous pouvez faire pour arrêter le mental au moins momentanément; c’est d’arrêter votre respiration poumons vides ou poumons pleins, comme vous sentez. Vous rassembler toute l’énergie dans le coeur et de rester comme cela le plus longtemps possible. On peut aussi faire ses pratiques de méditations habituelles avec des concentrations sur différents chakras, mais se les représenter dans une sorte de double de son corps à un ou deux mètres en avant de soi.

Q : Faut-il voir le monde comme une illusion ou comme une réalité, ou comme le corps de la Mère divine?

V : Ramakrishna avait un maître védantin qui s’appelait Totapuri. Celui-ci avait eu le nirvikalpa samadhi; Ramkrishna n’avait pu l’obtenir à cette époque, mais il voyait le jeu de la Mère divine dans le monde, qui était rejeté par TotoPuri comme illusion, maya. Chacun a enseigné à l’autre ce qui lui manquait. Ramakrishna avait pu faire le lien, la navette entre le samadhi et la samsara. Védanta signifie l’accomplissement des Védas. En Inde, c’est la métaphysique qui correspond à la culmination des trois premiers ashramas dans le quatrième, c’est à dire le sannyasa. C’est le résultat de toute une formation du comportement et de pratique de la bhakti pendant le stade d’étudiant, de maître de maison et de vanaprastha (en retraite dans la forêt). Le védanta ne consiste pas en des discussions interminables plus ou moins psychologiques comme on le croit en Occident. Les occidentaux n’aiment

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pas trop l’idée ‘le monde n’est qu’un rêve’: Il faut comprendre qu’il ne s’agit que d’un stade, après on retrouve une réalité au monde mais avec un point de vue autre en ce sens qu’on n’y voit que la pure conscience. C’est ce que dit le zen : ‘au début les montagnes sont les montanges, ensuite elles ne le sont plus puis vient un stade où elles le sont de nouveau.’ Si on cherche à se concentrer directement sur la conscience pure, au bout d’un certain temps on s’endort. C’est pour cela qu’il faut un élément affectif, une joie, un amour dans la méditation.

Q : Il semble qu’il y ait beaucoup de ‘pensée positive’ dans le védanta. Ramana Maharshi par exemple conseillait souvent à ses disciples de lire la Ribhu Gita qui répète sans cesse ‘je suis le Soi, l’infini, le sans-limite’… Qu’en pensez-vous?

V : C’est pour les débutants. Pour ceux qui sont pous avancés, observer le mental sans le contrer est suffisant, c’est le meilleur moyen de le calmer.

Q : Que signifie ‘ouvrir les canaux d’énergie?’

V : Quand j’étais à Almora en 1954, j’ai travaillé pendant un an continûment sur l’ouverture des nadis. Grâce à cela, je savais que je pourrais obtenir une chasteté parfaite sans conflit intérieur ni répression et aussi une immunité contre les maladies. L’ouverture s’est faite en plusieurs phases. Un jour j’ai entendu Ma qui disait à sa mère en bengali : khuliatsé ce qui signifie ‘ça c’est ouvert’. J’avais ressenti quelque chose d’important. Cela sert de lire des livres comme le Yoga Tibétain d’Evans-Wentz: Cela donne une base intellectuelle et traditionnelle aux expériences qu’on peut avoir. Sinon on les interprète de façon personnelle et ça peut donner des résultats bizarres. L’intérêt des gurus qui enseignent des techniques de méditations très précises comme les tibétains, c’est que leurs disciples ont le sentiment de suivre un chemin fréquenté et sûr. Les nadis latéraux s’ouvrent sur les côtés du coeur. Il faut d’abord bien confirmer l’éveil de ceux-ci ensuite vient l’éveil du canal central qui correspond à un silence complet du mental. On parle aussi de l’éveil du Kurma nadi qui favorise une posture très ferme et bien redressée. De manière générale il faut repérer les pratiques qui mènent au silence du mental et les suivre à fond. Si l’on décide de faire descendre l’énergie jusqu’au muladhara, il faut déjà avoir une bonne purification mentale pour soutenir l’éveil sexuel que cela donne, et ce sans régression dasns la sadhana.

Il faut distinguer dans l’éveil des nadis s’il s’agit de la gauche ou de la droite. Leur rasas, goûts, saveurs sont différents. C’est une expérience psychophysiologique qu’on sent clairement et qui correspond aussi à un état mental. L’énergie peut également se bloquer dans l’ascension des nadis. Quand ceux-ci sont ouverts, il faut vivre en solitude. Les relations sexuelles sont impossibles.

Q : Dans ce cas-là, pourquoi le guru n’ouvre-t-il pas les nadis à un maximum de gens?

V : Il ne le fait pas, car s’il éveille l’énergie chez des disciples qui n’ont pas la pureté mentale nécessaire, elle va passer en direction des émotions perturbatrices.

Q : Est-ce que cette ouverture correspond à une pratique consciente ou est spontanée?

V : En fait, c’est une émotion intense qui pousse le prana dans les nadis. Cela peut être la colère, mais la meilleure émotion est un amour intense pour le Guru. Des Sadgurus comme Ma pouvait ‘ouvrir le tunnel’ comme un géant percerait une montagne d’un coup de pouce en disant aux ouvriers :’Terminez le petit travail par vous-même’. Quand on n’a pas l’ouverture des nadis, on n’est pas encore un vrai sadhaka. Au début, j’avais du mal à ouvrir les nadis quand les narines correspondantes étaient bouchées, après les deux phénomènes sont devenus indépendants. A un moment, je me suis mis à cesser de travailler les nadis pour faire du védanta, de l’observation pure du mental. C’était plus confortable, il y avait moins d’intensité émotionnelle; mais Ma me l’a reproché. Un jour, elle m’a dit en me regardant du coin de l’oeil en satsang :nadi khulne se kitna labh hê. ‘Dans l’ouverture des nadis il y a tant d’avantages’ J’ai donc repris la pratique d’ouverture des nadis. Tous ces phénomènes de nadi ne sont pas de la théorie, je les vois comme s’ils étaient en face de moi. Par leur ouverture, on peut expérimenter les rasas à volonté; mais il ne faut pas se perdre dans ceux-ci, ce serait un obstacle au samadhi que Patanjali appelle rasavada. Il faut expérimenter une première phase du retour sur soi qui revient de l’objet de sensation, par exemple du plaisir, jusqu’au plaisir lui-même qui reste une expérience locaalisée. Puis dans une seconde phase on revient à celui qui observe ce plaisir, et on arrive au niveau de la joie sans objet, à la subjectivité pure.

Q : Est-ce que le yogui visite les mondes subtils?

V : Il y a sept mondes supérieurs, parmi lesquels le Devaloka, le Brahmaloka, etc.. Cela est en lien avec la sadhana des sept chakras, à chaque niveau on a des visions, on se promène dans des plans subtils, enfin on s’amuse… Cependant, dans le Jnana, on ne tient pas compte de ces mondes subtils.

Q : L’ouverture des nadis est-elle nécessaire pour obtenir le samadhi?

V : Oui, le samadhi vient de l’union des deux courants d’énergie, posif et négatif. Lorsque ces deux énergie entrent en coalescence, il ya une félicité intense qui survient et c’est le samadhi.

A propos d’une photo de Ma où elle est jeune et elle a la tête penchée sur le côté, en extase :

V : Ce n’est pas un samadhi, c’est un bhav (un état intérieur spirituel passager et moins profond que le samadhi). Dans le samadhi, la colonne est droite, dans l’axe, cela facilite le passage de l’énergie jusqu’à l’ajna. Il y a perte de conscience du monde extérieur. En mettant la tête sur le côté, c’est à dire en s’appuyant sur une des deux nadis latérales, on évite cette perte de conscience et on reste au niveau du bhav.

Q : Est-ce que chez les Yoguis, il y a aussi des variations, des rythmes de l’énergie vitale?

V : Oui, cela m’arrive assez régulièrement. Il y a trois jours dans un pôle, négatif ou positif, et puis ensuite, assez rapidement, parfois en quelques minutes, ou en quelques heures, ça s’inverse. Ce qu’il y a d’intéressant à remarquer, c’est qu’il y a le plus souvent un catalyseur extérieur à ce changement : même en solitude, vous pouvez avoir une visite, ou un petit problème, etc… Si on n’est pas conscient de ce rythme, on projettera sur le catalyseur extérieur l’origine du changement d’humeur. Par contre, si on en est conscient, on se contentera d’observer ce phénomène de dvandva, de paires d’opposés qui fait partie des lois du corps, ou en Inde on dirait de notre prarabdha karma. En n’y réagissant pas, on ne crée pas de second karma venant compliquer le premier.

Q : Est-ce que vous pratiquez le mantra?

V : Quand je vaque à mes occupations quotidiennes, la cuisine, etc…je le récite pratiquement constamment. Mais lorsque je m’asseois pour méditer, je le laisse.

Q : Une visiteuse : Quand je vais chez quelqu’un et que je vois que les plantes sont mal soignées, c’est comme si je les entendais crier.

V : Moi-aussi, je ne cueille pas de fleur, même une feuille, car j’aurais le sentiment de créer une souffrance pour la plante. A Calcutta, vers le début de mon séjour en Inde, j’avais une relation spéciale avec un arbre de l’ashram. J’allais le caresser tous les jours. Il avait une branche desséchée. Un jour, j’ai eu l’idée de la caresser en disant intérieurement :’Si Dieu veut, des bourgeons vont venir sur cette branche aussi’. Le lendemain, ils sont venus. L’intéressant, c’est que quelques jours plus tard ils n’y étaient plus, quelqu’un avait sans doute dû les arracher. C’est comme si je ne devais pas pouvoir me vanter d’avoir fait un miracle.

Q : Le dépouillement aide –t-il à la sadhana?

V : Quand j’habitais à l’ashram de Bénarès, Arthur Koestler est venu me visiter. A l’époque, je n’avais pas de lit et il l’a mentionné dans son livre. En lisant ce livre par la suite, le manager de l’ashram, Panuda, a réalisé cela est est venu protester auprès de moi en me disant :’Pourquoi ne nous l’avez-vous pas dit plus tôt? Nous vous en aurions donné un!’ Et finalement il m’en a donné. Je ne suis pas du genre à demander. Ma elle-même vivait très simplement.

Q : Vous couchez-vous parfois pour cause de maladie?

V : Très rarement; pendant un demi-siècle ou plus je ne me suis jamais couché, il n’y a qu’en 1993 que j’ai dû être hospitalisé quinze jours pour dysenterie. En me couchant, je trouve que ce serait reconnaître ma défaite devant la maladie.

Q : Qu’est-ce que ça fait de vieillir?

V : C’est très bien; quand vous avez mis votre maison en ordre, vous retrouvez ce dont vous avez besoin tout de suite. Il en va de même avec votre mental quand vous avez travaillé sur vous-même. De plus, si vous avez été très intense dans votre sadhana, cette intensité même a pu être un obstacle. Avec l’âge elle diminue, et cela vous permet en fait de passer l’obstacle. Evidemment, je n’ai absolument pas peur de la mort. Cela m’aide aussi à profiter de mes vieux jours. Et puis, je peux communiquer avec de jolies jeunes femmes sans qu’il n’y ait aucune trace d’ambivalence… Je suis également dans le même état quand je médite et quand je suis avec les gens.

V : (Une disciple proche) Vijayananda, je voudrais que vous nous écriviez des maximes de sagesse.

Q : Un sage n’ira pas écrire des maximes de sagesse, cela ferait trop pédant. Ce qu’il y a de possible, c’est que ses disciples notent de ses paroles

Sauvée

Asha Saini

La veille du jour où je tape cet article, nous avons vu avec Vijayananda au satsang du soir à Kankhal le fils d’Asha Saini qui était présent à la maison le matin des évènements qui sont relatés ci-dessous. Il avait conseillé à sa mère de ne pas hésiter à prendre la route, qu’elle serait protégée, et effectivement elle l’a été.

Ce qui suit est le récit d’une expérience où j’ai frôlé la mort mais où j’ai été sauvée par la grâce de notre Ma.

Le 14 février 2000, je devais faire un court voyage en voiture en dehors de la ville. Après avoir fini ma sadhana du matin et avoir fait le pranam à Ma j’ai entendu une voix intérieure me donnant clairement l’instruction suivante: ‘Conduis prudemment aujourd’hui!’. Avec ces mots j’ai vu une image de la grande route que je devais emprunter ce jour-là. Je fermai la porte du temple et me rassurai en me disant que cette grande route n’avait pas beaucoup de circulation, qu’elle n’était guère dangereuse et que je ne devais pas me faire du souci sans raisons. (Inutile de dire que j’ai réalisé plus tard que cette ‘confiance’ n’était que l’oeuvre de mon égo qui essayait de se donner bonne contenance). Quand je quittais le temple j’entendis de nouveau la même voix répétant la même chose. Intriguée, je dis à mon mari que j’essaierai d’être prudente en chemin. Il regarda par la fenêtre avec moi et examina la condition de la route et l’enneigement: ‘Il n’y a presque pas de neige, dit-il, de toutes façons dans quelle direction te rends-tu?’ Je lui répondit que mon travail m’amènerait à prendre la N 19 à 25-30 km de Madison, dans le Wisconsin, où nous vivons. En réfléchissant là-dessus, il dit: ‘La N 19 n’a pas beaucoup de circulattion et de plus elle est d’habitude bien nettoyée par les chasse-neige en hiver.’ En entendant cela, j’ai été bien rassurée et j’ai pris la route quelque temps plus tard.

Tandis que je roulais sur la N 19, le message que j’avais entendu plus tôt dans la matinée me forçait à rester prudente en conduisant. Après avoir roulé dans un segment de la route limité à 100km/h, j’entrai dans une zone limitée à 70km/h. Parce que j’essayais d’être particulièrement prudente ce jour-là, j’ai réduit ma vitesse à 60 km/h. Mais tout d’un coup, sorti d’on ne sait où, je vis un énorme camion-remorque qui me coupait la route venant d’une route perpendiculaire à la mienne. A la place de laisser la priorité, il rentrait directement dans le traffic de la grande route, mon véhicule étant le premier à arriver sur lui. Comme le camion était très grand, il avait à négocier le tournant au plus large et coupait ainsi toute la nationale alors qu’il n’avait pas la priorité.

Maintenant, avec cet énorme poids-lourd tout d’un coup à une dizaine de mètres de moi et qui bloquait tout l’espace pour passer, j’étais obligée de me décider en une fraction de seconde. Comment me sauver? Cela semblait impossible. J’étais piégée sans aucun passage de quelque côté que ce soit. J’écrasai la pédale de freins. Le seul petit espace qui s’offrait à moi était à l’extrême gauche, dans la voie d’où sortait le poids-lourd. Je déviai vers ce côté de la nationale et mon car s’immobilisa dans un crissement de pneus à quelques centimètres seulement de l’arrière de l’énorme camion. Tout cela se déroula en quelques secondes. Comme le poids-lourd continuait, mon coeur battait la chamade et j’étais stupéfiée d’avoir échappé un collision directe sans la moindre égratignure.

Merveilleux! Qui sur terre peut faire ceci si ce n’est Elle? C’était pour moi un rappel vigoureux de sa présence immanente et de la vérité de sa parole:’Je suis toujours avec vous!’ C’était une expérience qui vous remet à votre vraie place et qui vous amène à vous exclamer avec humilité et gratitude:’Merci, Ma, pour garder un oeil protecteur sur vos enfants!’

 

 

Jay Ma

 

 

Numéro 58 - Automne 2000

 

Paroles de Ma

 

 

Devenez des buveurs de nectar, vous tous, buveurs du vin de l'immortalité. Cheminez sur la route de l'immortalité, où ni mort ni maladie n'existent.

Quand vous sentez le pouvoir en vous, quand une lumière neuve point à l'intérieur comme le soleil à l'aube, cela grandira en intensité dans la mesure où vous réussissez à le garder caché sous un calme et une tranquillité complète. Si la moindre ouverture apparaît, il y aura toujours le risque que cela se gaspille.

 

Les efforts soutenus s'achèvent dans le fait d'être sans effort -en d'autres termes, ce qu'on a atteint par une pratique constante est finalement transcendé, c'est alors que la spontanéité vient.

  • Nous écoutons tant de belles choses!
  • Ma:« Beau? Aussi longtemps que vous faites une distinction entre beau et laid, vous n'avez pas écouté».

Il est bon de tirer profit des bonnes activités (satkarma), celui qui doit agir, qu'il le fasse d'une façon pure (sattva guna). Si vous ëtes constamment pur et libre, la lumière constante, éternelle se manifestera d'elle-même. Si l'on fait quelque chose, un fruit en résulte: vous ne pouvez rester sans agir, donc fait de bonnes actions (sat-kriya). «Qui suis-je?» -ce travail divin qui ouvre la voie fera aussi s'ouvrir la voie de la lumière du Soi (svayam-prakash). Il faut tout prendre en compte pour se trouver soi-même. Pratiquez (kriya karo) pour vous trouver vous-même ainsi que pour trouver Dieu.

Dans ce monde d'imcomplétude, il n'y a rien qui resssemble à la paix complète.

Dans le monde, tout est le fruit de la force de la volonté (ou de la Volonté divine, iccha shakti)

Le premièr degré qui va vers la connaissance du Soi, c'est la pratique d'un état d'esprit (bhav) simple et pur.

 

Editorial

 

Après nous avoir mené jusqu'en l'an 2000, Jay Ma continue son chemin et nous conduit à l'orée du réel changement de millénaire maintenant que 2001 approche. Il ne s'est jamais mieux porté avec un tirage à plus de deux cent exemplaires et nombre de nouveaux lecteurs. Le lien entre l'Inde et la France à propos de Ma s'est aussi concrétisé par le venue de Swami Nirgunananda en juillet 99 et tout récemment en août 2000 pour une retraite en Bourgogne. Certains participants qui n'étaient pas habitués à de longues durées d'assise en posture se sont plaints des genous, mais ont été fort heureux de l'atmosphère de ces retraites et de cette possibilité d'établir un contact vivant avec la tradition de Ma. Ces retraites avec Nirgunananda auront lieu aussi en Inde à Patal Devi dans la première moitié d'avril avec Initiations, le groupe de Bruxelles et probablement mi-mai avec un autre groupe. Celui-ci aura d'abord été à l'anniversaire de Ma le 11 mai à Kankhal, puis partira pour le pélerinage de Kedarnath et la visite d'autres sanctuaires moins connus près de cette source du Gange.

Il y a eu un article de sept pages sur Ma Anandamayi dans la revue Yoga et Vie de Shri Mahesh (50 rue Vaneau 75007 Paris), avec une page finale sur le témoignage de deux élèves de Mahesh avec Vijayananda à Kankhal récemment.

Ces deux ans ont aussi vu en novembre 2000 le cinquantième anniversaire de la Samyam Saptah en présence des Swamis disciple de Ma et de Swami Chidananda, un bel exemple de fidélité à l'enseignement de Ma et à la pratique spirituelle en général.

Vous trouverez plus d'informations pratiques dans la rubrique Nouvelles à la fin de ce numéro, par exemple à propos du camp de Ma dans la prochaine grande Kumbha-Méla d'Allahabad pour ceux qui voudraient y participer en janvier 2001, ou pour ceux qui ne peuvent y aller mais qui veulent simplement rêver…Sur une feuille séparée, vous trouverez la feuille de réabonnement pour les deux ans à venir. Malgré la baisse du franc, les prix du Jay Ma ne changent pas. Nous vous serons reconnaissant de ne pas tarder à les renvoyer à l'adresse indiquée pour simplifier le travail des bénévoles qui gèrent les réabonnements.

 

 

Réponses de Vijayananda

Q : On parle maintenant souvent du védanta en Occident. Pensez-vous que le passage d’une culture à l’autre se fasse dans de bonnes conditions ?

V : Les deux piliers du védanta sont vairagya, le détachement et viveka, le discernement. S’il n’y a pas cela, c’est du védanta occidentalisé qui risque de se terminer dans les mots. Il ne suffit pas de lire Shankaracharya ou d’apprendre du sanskrit, il faut pratiquer. Après une période de début où l’on peut étudier toutes les voies, il est mieux

d’en choisir une et d’étudier les Ecritures sacrées de cette voie précisément. Par exemple le védanta est la culmination des Védas et des Upanishads et est lié au quatrième des ashrams (stades de la vie), qui est le sannyas. En sautant d’une voie, d’un guru à l’autre les occidentaux finissent par prendre des itinéraires qui paraissent bizarres et à s’imaginer qu’ils suivent des enseignements très élevés alors qu’ils n’ont pas de bases solides. Par exemple, les Juifs ont une tradition de sexualité sacralisée, mais il faut pratiquer cela avec toute la base de la Torah. De toutes façons je ne connais pas les détails, ce n’est pas ma ligne. On raconte qu’à la mort de sa femme le Baal Shem Tov a dit :’je pensais que si je mourais le premier je pourrais monter au ciel dans un char de feu’. Mais maintenant qu’elle est morte, j’ai perdu la moitié de mon pouvoir’. J’ai un ami qui avait acheté une vriae montre Rollex très coûteuse, mais comme il avait peur de se la faire voler, il a aussi acheté une Rollex d’imitation qu’il porte habituellement. En Occident, c’est comme cela. Les gens font une sadhana d’imitation car ils ne savent même pas les exigences de la vraie sadhana. En Inde aussi, il y a peu de vrais sadhakas, mais au moins les gens connaissent les exigences de la sadhana authentique. Les occidentaux souvent intellectuallisent de trop. C’est un grand obstacle, surtout quand on approche un sage. En face de lui ou d’elle, il faut savoir être comme un enfant. Si Saint François d’Assise est si populaire en Occident, je ne crois pas que ce soit seulement à cause de son amour ou de son contact étroit avec la nature, je pense que c’est surtout à cause de son humilité.

 

Q : A votre avis, pourquoi y a-t-il quatre fois plus de suicides en France qu’en Inde ?

V : Ce pourquoi les gens se suicident en Occident, c’est qu’ils ont exploré tous les désirs possibles, qu’ils voient que cela ne mène nulle part mais qu’ils n’ont rien à mettre à la place. Les gens qui savent se discipliner ont toujours de l’espoir et l’espoir fait vivre.

Q : L’Inde croit aux asuras, aux ‘démons’ qui peuvent cependant avoir de bons côtés comme les dieux ont leurs mauvais côtés, mais elle ne croit pas au ‘Prince des Ténèbres’, au Mal absolu comme le christianisme ou le judaïsme récent. Quel est l’avantage du point de vue indien ?

V : La croyance au Diable des premiers moines chrétiens par exemple est bonne pour les gens qui ont un tempérament agressif, cela leur donne un ennemi pour se battre. En fait, dans la Bible, le Diable n’est qu’un petit bonhomme, c’est Dieu qui a tout cré, le Bien et le Mal, le Diable n’est qu’un serviteur. Par contre, dans la Cabale, il devient si important qu’on n’ose même pas prononcer son nom de peur de l’invoquer. On l’appelle par les deux premières lettres de son nom, Samaël cad samachem. Ce nom signifie l’ange aveugle, et on le désigne par ‘l’autre côté’. Il y a sans doute une influence manichéenne sur le judaïsme tardif. Un jour, le Baal Shem Tov a prononcé le nom complet de Satan malgré l’interdit. Celui-ci est venu furieux, en protestant :’je n’ai été dérangé que deux fois par les appels des hommes, la première fois par Eve au Jardin d’Eden, et la seconde lors de la destructiondu Temple ; que me veux-tu ? A ce moment-là, le Diable se met à voir la lumière sur le front des disciples du Baal-Shem-Tov, et il en est tellement impressionné qu’il est bien obligé de remercier celui-ci de l’avoir fait venir.

Q : Une visiteuse occidentale qui était souvent à l’ashram de Ma entendait parler au satsang de la beauté de la veillée Pascale dans le

judaïsme et le christianisme. Elle demanda :’Est-ce que à cause de mon manque de formation religieuse de base je n’ai pas un grand handicap sur la voie spirituelle?’

V : Non. Religion signifie relier, unir, comme le mot Yoga. Vous suivez le Yoga, donc vous avez une religion. On peut aussi dire que vous avez la religion de Ma, puisque vous passez longtemps ici pour suivre son enseignement… Il n’y a pas besoin d’attendre la Réalisation pour être complètement indépendant du guru extérieur. Cela se fait quand il y a l’éveil du guru intérieur.

 

Lettres de Ma Anandamayi

à Bhramar Gosh

Traduit du bengali par Swami Nirgunananda

 

  

Bhramar Gosh a été en Angleterre pour faire ses études et enseignait l’anglais à l’Université. Elle était proche de Ma et avait une relation particulièrement intense avec elle, ainsi qu’il apparaît dans le texte suivant. Ma, au début, dictait ses lettres en style direct, c’est à dire qu’elle demandait à son secrétaire de signer Ma. C’était le cas dans ces lettres à Bhramar Gosh. La première remonte à octobre 1934 et fut dictée par Ma à Bhaiji. Swami Nirgunananda les a retrouvées par hasard en rangeant de vieux papiers à l’ashram d’Almora. Il les a traduites du bengali et y a ajouté quelques remarques. De cette façon, il continue le travail de secrétaire qu’il avait assuré auprès de Ma durant les trois dernières années de la vie de celle-ci. Il a essayé de rester proche du texte bengali et du style extrêmement simple de Ma quand elle exprimait les réalités spirituelles.

Pourquoi pensez-vous à mes allées et venues? Quand on vient, il faut aussi s’en aller. Je sais que je suis toujours avec vous. C’est parce que vous allez de ci de là que vous ne me voyez pas. Bien, maintenant, allez-vous vous asseoir (en méditation)?

Commentaire: dans cette lettre, Ma confirme ce qu’elle a souvent dit par la suite: «Ce corps ne fait pas d’allers et venues». Ici elle dit directement «je sais», donnant plus de force à son affirmation. Ma ne doit donc jamais nous manquer sous prétexte de son absence physique. «Aller de ci de là» concerne ici les fluctuations du mental de Bhramar et Ma insiste en douceur sur le fait qu’elle devrait s’asseoir. Elle insistait rarement de cette façon, ce qui montre qu’à cette période Ma pouvait être très personnelle.

2) A une date non précisée en 1934.

Didi a écrit cette lettre sous la dictée de Ma:

L’état de méditation vient de la repétition du Nom. (Bhramar demandait probablement quelle était l’importance respective de la répétition et de la méditation. Vous n’avez pas besoin de faire la distinction entre les deux. Essayez de chanter le Nom avec les lèvres et de le répéter dans le coeur. C’est alors que vous constaterez que l’état de méditation vient spontanément. (Bhrama demandait des informations à propos des rêves): certains rêves peuvent se réaliser en leur temps mais personne ne peut prédire quand. Souvenez-vous que je suis toujours avec vous, adhérez au Divin, passez votre vie dans la pureté, la joie (ananda) et l’enthousiasme (utsaha). C’est tout ce que j’ai à dire (kathâ) 

Cette lettre indique une relation personnelle avec Bhramar Gosh. Pour elle, Ma insite sur la répétition du Nom. Toute la méditation repose sur le principe de rendre le mental focalisé. Ma suggère que dans la sadhana il ne doit pas y avoir de doute sur la voie que l’on suit. Ici, la méditation elle-même vient comme résultat du chant du Nom, il n’y a donc pas lieu de les opposer.

3) 5-8-34

Bhramar venait d’installer un petit temple chez elle et souhaitait que Ma lui donne un nom; celle-ci lui répond:

Soyez une bonne pujari (prêtresse). Que vos actions et vos sentiments (bhâva) soient fondus et qu’ils vous aident à atteindre l'Ultime. Pourquoi donc ne pas appeler le temple Temple du Yoga? Ainsi, cela vous préparera à avoir le yogashram dans votre vie (ashram signifie non seulement le bâtiment mais aussi un stade de la vie: par exemple, la période de maître de maison s’appelle grihasta ashram. Pour distinguer les deux, les indologues français ont l’habitude d’ècrire ashrama dans ce cas). Gardez ce que vous ressentez à l’intérieur. Le fait de voir ne peut venir que de l’intérieur. On ne peut voir au dehors tant que cela ne vient pas de l’intérieur. Essayez de garder votre oeil intérieur ouvert.

Yoga signifie union avec l’Ultime. Ceci ne doit pas être limité à la période de rituel ou de méditation dans le temple (Yoga mandir) mais doit être étendu à toute la journée d’activité transformant ainsi le foyer en un ashram. De cette manière on peut être en constante communion avec Dieu.

5) 9-11-34 Dehra-Dun

from Ma to Bhramar Gosh

Ma

I received your letter. Rien n’arrive avant que le temps ne soit venu: par exemple, j’ai eu votre lettre il y a longtemps mais je ne répond qu’aujourd’hui. Vous êtes au courant, je ne fais rien de ma propre volonté. Bhaga jamon chalai, tamni chali : Je vais comme Dieu (Bhaga) me fait aller. Même si je veux vous voir, je ne peux m’en aller d’ici. Pourquoi cela? Soyez plus mure et vous le comprendrez bien. Je sais combien vous m’aimez et avec quelle anxiété vous attendez mes lettres; mais dites-moi, avez-vous le pouvoir de faire arriver les choses exactement comme vous le désirez? Gardez présent qu’il y a une force supérieure (mahashakti) au-delà de la force de volonté personnelle (iccha shakti). Tous sont sous son contrôle. De mon côté, je suis toujours présente avec mon visage tourné vers vous mais du vôtre vous voyez tant d’autres choses quand vous tentez de vous tourner vers moi! Ce que vous voyez avec constance, par une vision unique et avec un but unique, cela, vous l’obtiendrez. Ce n’est pas que vous le déniez réellement, mais parce que vous êtes bloquée par votre colère à mon égard, vous le déniez.

Toujours, vous me chercherez des complications mais j’aime ça car je vois bien que vous n’êtes pas autant attirée vers moi quand vous n’êtes pas en colère. Souvent mes yeux se ferment automatiquement pour voir votre état intérieur (bhava). Quand nous nous retrouverons, tout sera résolu. En vous disputant avec moi à distance, vous vous libérerez de tous les autres attachements. A ce moment-là, lorsque nous nous rencontrerons avec un attachement unique (c’est à dire avec une attention concentrée l’une sur l’autre), ce sera très doux (madhu, un adjectif évoquant à la fois la douceur du spirituel et celle du miel). Qu’en dites-vous? Peut-être êtes-vous en colère, mais je me sens pleine de joie (anand) car je n’obtiens pas de vous autant d’amour quand vous êtes heureuse que j’en reçois quand vous êtes en colère. Je vois que quand vous êtes en colère toutes vos paroles intérieures sont focalisées moi. Ecrivez-moi de très longues lettres et votre esprit s’allégera, comme s’il était dilué. Vous verrez alors à l’intérieur qu’il n’y a plus que moi et vous, et c’est ce que vous voulez…

L’effort, la patience et l’endurance sont au coeur de la sadhana. Munie de tout ceci, essayez de suivre le chemin qui mène au but – c’est cela que je souhaite. Sachez que la grâce de Dieu soutient chacun constamment de même qu’une mère tient son enfant sur les genoux.

Ma

5bis ) Le même jour

Bhaiji écrit pour compléter ce que Ma a dit:

Soeur,

Dans ma première lettre je vous ai fait savoir comment Ma vous aime beaucoup, se souvient beaucoup de vous et pense constamment à la façon dont vous pouvez rendre votre vie belle et dont vous pouvez devenir une personne idéale. Sachant cela, je sens que le droit que vous avez à son affection (lit. à ses pieds, les pieds du guru représentant sa présence toute entière dans la voie dévotionnelle) n’est pas inférieur à qui que ce soit d’autre. En répondant à vos lettres, j’ai écrit ce que Ma disait, parfois mot à mot. Ma a été très heureuse de recevoir votre dernière lettre. Elle m’a même demandé deux ou trois fois si ce n’était pas le moment de recevoir une lettre de vous. Vous êtes en colère contre Ma sans raison aucune et j’en suis attristé.. Elle dit :« Upasana (la pratique spirituelle) est seulement un jeu des sentiments de l’âme (bhava). Avant de contempler clairement la divinité (upasya) que vous adorez, il faut d’abord vous l’attacher avec le lien de la récitation du Nom. Soyez attentive à cela: quand vous faites votre upasana, que ce soit toujours avec joie et enthousiasme. Cette beauté, cette laideur que vous voyez, ces bonnes ou mauvaises odeurs que vous respirez, tout cela est une réflexion de votre mental…

6) 3-12-34

From Bhaiji to Bhramar

(Il y avait un projet de publier des conseils spirituels de Ma. Un fidèle nommé Pashupati devait s’en charger et il demandait sa permission.)

Ma a demandé qu’on inclue votre nom avec celui de Pashupati. Sa grâce n’a pas de limites. Elle vous a attirée d’une façon particulière. Ma souhaitait que vous offriez à ses pieds votre vie à tout jamais. Elle nous tire sans cesse à elle même si nous ne le voulons pas.

7) 6-12-34 Rishikesh

De Ma à Bhramar. L’écriture est celle de Bhaiji.

Très chère,

J’ai bien reçu votre lettre. Le retard que je mets pour y répondre vient du fait que j’étais à Hardwar. Vous êtes blessée à cause de l’écho de vos propres paroles. Qu’y puis-je? Vous dites vous-même, «je ne vais pas lui obéir!»; mais je sais bien que vous n’avancerez pas d’un seul pas sans que je vous le dise. Essayez de tout le temps faire ce qui est pour votre bien.

Veuillez faire enfiler les graines de rudraksha pour en faire un nouveau rosaire par quelqu’un. Il ne serait pas sanctifié sinon. Répétez aussi le Nom autant que vous le pouvez. En le répétant, l’esprit sera détourné des autres directions. Ne soyez pas désolée du fait que je n’ai pu venir. Vous êtes ma fille avec une maîtrise ès lettres…Vous comprendrez pourquoi je n’ai pu venir. Je pense beaucoup à vous, vous ne pouvez même pas imaginer combien. Est-ce que les enfants sont conscients que leur mère passe des nuits blanches (lit: n’a pas de sommeil dans les yeux) à cause d’eux? Je veux seulement le souvenir de Dieu en vous. Sans être concentrée, est il possible de devenir folle (pagal) pour le Un? Tâchez de demeurer dans la félicité avec le joie du Nom. Sans félicité le monde n’est pas complet.

8) 11-1-35

J’ai bien reçu votre lettre du 8 janvier. Je pense que vous m’avez mal comprise. C’est pourquoi, lorsque Kittish est venu de Calcutta, je lui ai demandé d’aller vous voir et de vous expliquer. Aujourd’hui, c’est le 27 du mois de Poush. C’est le jour même où il y a bien des annés vous êtes venue sous la protection de vos parents. Soyez dans la joie (anand), recevez de la joie et donnez de la joie à tous. Pour sûr, je vais venir visiter votre Yog mandir (le temple que Bhramar avait installé chez elle). Chaque chose doit venir en son temps. Cela, je vous l’ai déjà dit.

De mon côté, je n’ai pas de problème. Vos sentiments religieux me gardent en forme de toutes façons.

Ma

Dans les quatres lettres qui précèdent, nous avons la chance d’avoir une trace sous forme de coorrier de de la manière do’t Ma essaie de désamorcer une situation tendue psychologiquement et spirituellement avec une disciple proche. Bhramar avait une grande attente, elle pensait sans doute qu’elle allait faire de grands progrès en un rien de temps, mais il n’en a pas été ainsi. De plus, elle était possessive et jalouse d’autres fidèles qui pouvaient passer tout leur temps avec Ma. D’où son agressivité que nous pouvons déduire des réponses de Ma et des gens qui l’entouraient. D’où aussi la compassion de Ma qui avec une grande douceur essaie d’atténuer sa peine. Dans la lettre du 9-11-34, elle appelle Bhramar «Ma», ce qui ne l’empêche pas de s’adresser à elle comme ‘ma fille avec une maîtrise ès lettres un mois plus tard. Quelque temps auparavant, Bhaiji, probablement suivant les instructions de Ma, l’avait appelée Yogananda, ce qui allait dans le sens du nom Yoga mandir qu’elle avait suggéré pour son nouveau temple et avec ses conseils de vivre le yogashram, c’est à dire un stade de vie consacré au Yoga, dans sa maison elle-même.

9) 25-2-35 Rishikesh

from Bhaiji

Sister

Nous sommes heureux d’apprendre par votre lettre votre nomination comme professeur d’université et des félicitations que vous avez reçus de l’Université de Cambridge. Durant ce cycle où l’activité prédomine dans le monde, on doit progresser spirituellement grâce à elle seulement. C’est une chance pour votre chemin spirituel de devenir plus aisé et nous nous en réjouissons. Vous avez écrit à Ma: «vous êtes pleine d’égo». Une mère est fière de son enfant. Ce n’est pas logique de croire que votre colère va se calmer par le fait d’appeler Ma «pleine d’égo».

Vous écrivez :« Bhramar est morte» (more gache). En entendant cela, Ma a dit «Peut-être, ure gache, c’est à dire envolée!» (allusion à la signification du nom Bhramar, le bourdon, cet insecte qui s’éloigne de la ruche et finit par y revenir). Une fois que Bhramar a goûté le nectar du Dharma, où peut-elle aller? Et même si elle va ici ou là pour quelque temps, elle retournera à son rayon de miel, je n’ai aucun souci à ce propos.

Nous nous occupons de votre japamala (rosaire). Acceptez les bénédictions de Ma avec joie et révérence.Gardez toujours présentes à l’esprit les paroles suivantes (en anglais dans le texte):«L’amour de Dieu est toujours au-dessus de la réalité du moi; mais une fois que l’esprit arrive à être complètement vidé du moi, l’Amour dépourvu d’égoïsme, l’Amour éternel et suprême devient une présence intérieure stable.» Soyez quelqu’un de bien, de formidable et gardez la forme.

Dada

10) 3-3-35 Rishikesh

Postcard written by Bhaiji in the name of Ma

Affectueusement (la coutume bengali est de commencer les lettres souvent par des termes d’affection que généralement nous gardons pour la fin)

J’ai bien reçu vos lettres et je suis heureux d’apprendre que vous avez un nouvel emploi. Je vous ai déjà informée à propos du rosaire.

Dans toutes vos activités, tâchez de garder le souvenir de Dieu.

Ma

11) by Bhaiji

Yogananda

(Ma m’a demandé de vous appeler Yogananda car vous êtes Yogeshvari, la déesse du Yoga qui adorez Yogesvar, c’est à dire Shiva dans un temple du Yoga en tant que Yogananda, la félicité du Yoga). Je m’adresse donc à vous sous le nom de Yogananda en suivant les instructions de Ma et je prie pour que vous soyiez digne de notre vénération à cause de votre état intérieur (bhava) et de vos actions (karma)… Ma désirait savoir comment vous passez votre temps après avoir quitté votre emploi. Dites-nous tout ce que vous avez au fond de (lit: en réserve dans) votre coeur.

Dada

12) 4-5-35 Dehra-Dun

Affectueusement

J’ai reçu votre lettre. Le temple d’Uttar-Kashi n’est pas encore terminé. Il n’y a donc rien de décidé à propos de mes mouvements. Vous savez tous que je vais avec le présent. Est-ce que tout va bien dans vos activités?

Avec tous mes voeux de bonheur

Ma

(Ces deux dernières lignes correspondent en fait à «shubha-kankshini» Ma en bengali, ce qui est un nom de la déesse).

 

13) 5-6-35 Dhera-Dun

Affectueusement

J’ai bien reçu votre lettre. Il semble d’après elle que vous avez trouvé la paix. Je ne savais pas que vous ne viendriez pas sans invitation. C’est pour cela que je vous écris de venir avec les pèlerins d’Uttar-Kashi. Bien que j’aie le teint clair, sachez que le noir est la couleur qui m’orne. Soyez heureuse en priant constamment pour la grâce divine.

(Bhramar avait un teint de peau plutôt sombre et en faisait un complexe, c’est pour cela que Ma plaisante sur ce sujet)

14) 27-8-35 Bhagat (vallée de Kangra, en Himachal Pradesh, c’est à dire dans l’Himalaya au nord-ouest de Delhi)

Affectueusement

Votre lettre du 3 août est finalement arrivée ici après s’être promenée un peu partout. Il semble que lorsque vous écrivez Anandamayi dans l’adresse, la lettre s’en va ailleurs.

Je suis heureux d’apprendre qu’il y a eu des évènements extraordinaires dans votre Yog mandir. Il (Dieu) se révèlera en proportion de la profondeur de votre dévotion et de vos sentiments religieux (bhav). Le monde n’est que bhav, c’est le domaine du bhav. En fait, je voulais aussi vous demander si vous vouliez apprendre la manière traditionnelle de faire la puja ou si vous souhaitez continuer comme vous faites à présent? Est-ce que cela ne vous est jamais venu à l’esprit que votre puja n’est pas accomplie corrrectement? Tenez-moi au courant.

Quelque soit le bhav qui remonte, faites votre puja avec lui seulement. Tous (les dieux et les désses) sont uns. L’adoration de l’un est l’adoration de tous. Tant qu’il y a des samskaras variés (conditionnements anciens) qui reviennent dans votre mental, on prescrit diverses méthodes pour les neutraliser. Si vous souhaitez adorer Shiva d’une façon différente, faites-le mais ne touchez pas au shiva lingam, laissez-le tel quel. Quand les samskaras seront neutralisés, vous aurez des flashs du Un et vous comprendrez le Un…

Votre Mère 

15) 29-12-35 Tarapeeth (un centre de pèlerinage à Tara à 200 km au nord de Calcutta o ù Bholanath, le mari de Ma, a fait des pratiques intensives)

Ma tante bien-aimée,

(lit: «boro Ma», cad la soeur aînée du père, celle qui occupe une des positions d’autorité les plus élevées dans le syte de famille élargie)…ce soir, je vais devoir dormir sans ma tante…

Votre fille de deux mois et demi.

Ici, Ma se présente presque comme un enfant nouveau-né et Bhramar Ghosh devient quasiment sa mère. A partir de ce moment-là, Ma s’adresse toujours à elle sous le nom de «boro Ma» et se dénomme elle-même sa petite fille. La relation est inversée. Cela est peut-être dû au fait que Bhramar avait accusé Ma d’avoir un gros égo dans une lettre récente…

16) durant janvier 1936 à Tarapith

Ecrit par Didi sous la dictée de Ma

Ma tante bien-aimée,

Je vais fort bien mais vous comprendrez que ma tante me manque. Je viens de recevoir votre lettre et je ris beaucoup, j’ai ri toute seule. Parce que vous êtes ma tante, je peux bien comprendre la signification de votre lettre. Vous avez tellement d’énergie (shakti) que vous pouvez donner aux autres plusieurs années de votre existence et quand même vous frayer un chemin vers la libération. Je veux que votre shakti se manifeste (lit: vienne à la lumière, prakash). Que vous me donniez de l’affection ou non, que vous me compreniez ou non, j’ai la part qui me revient…

Mère, souvenez-vous toujours de ceci: ce n’est que quand les plaisirs extérieurs sont détruits que l’on peut obtenir la félicité permanente. Ce qui doit être brûlé est brûlé, ce qui est permanent ne peut être brûlé.

Votre petite fille.

 

17) 1-1-36 Tarapith

Didi de la part de Ma

Chère tante,

Je vous écrirai seulement quand j’aurai reçu la réponse de toutes mes lettres précédentes. En vérité, il est nécesssaire de s’attacher à un lien pur pour se libérer des autres liens. Faites de votre mieux pour vous en souvenir et faire effort en ce sens.

Votre petite fille

18) 2-1-36

Didi de la part de Ma

Chère tante,

Tâchez de tout le temps vous souvenir de la nécessité d’un esprit conscient. Est-ce que vos pratiques spirituelles se passent bien?

Votre petite fille.

19) 3-1-36

Didi de la part de Ma

Chère tante,

Sachez que j’attends l’heure de vos pratiques spirituelles quotidiennes. Je les observe.

Votre petite fille.

  

 

Ananda

par Monique Manfrini

traduit de l'anglais

O Rishis, vous qui voyez, aidez-nous à atteindre le samadhi!

Mon coeur est découragé aujourd'hui,

Il aspire à une naissance neuve

Loin de ce monde

De chagrins et de douleur.

J'aimerai aller au-delà

De mon corps, être une âme pure,

Libre d'un poids de chair

Et d'os. Mais le temps n'est pas encore venu!

O dieu, puissions-nous te connaître

Toujours généreux et aimant

Envers nos coeurs souffrants.

Puissions-nous nous approcher

De ton Mystère, au-delà

Des barrières de la vie et de la mort.

Etre séparé de toi

Est notre châtiment le plus douloureux

Puisque nous aspirons à l'Unité, il n'est jamais trop tard…

Envoie-nous le baume

Qui guérira nos blessures!

Jusqu'à ce que nous parvenions à nous unir à toi, pour de bon,

Quand cette vie se retirera de nous,

Qui alors la pleurera?

Qui en fera le deuil?

 

Notre pérégrination sur cette terre

Est éphémère et pleine

De souffrances…O Rishis,

Nous n'avons pas besoin de connaissance

Afin d'accomplir notre but.

Une fois que l'être humain a découvert

Le sens réel de notre passage

Ici et notre destination future…

C'est alors que la Paix, l'Harmonie, le Bonheur

S'écoulera dans nos coeurs comblés.

Ils ne rechercheront plus des réponses

Des apparences trompeuses mais reposeront

En quiétude, pleins de sagesse

Dans leurs propres profondeurs.

08-10-1999

             Monique Manfrini

40 Chemin de Cézanne

n° 23 La Campagne Bleue

1306 Marseille

  

 

Le Maître

par Silviane Le Menn

Ce poème a été publié au sein d'un recueil Dans le droit fil de l'âme écrit par Mme Le Menn à la suite de la mort de sa fille unique âgée de vingt ans et atteinte de cancer.Par le fait de revivre sur le mode poétique et spirituel les souvenirs de son enfant et des évènements qui ont accompagné sa fin, elle a pu dépasser sa souffrance et atteindre la sérénité.

 

Le maître n'est rien

Il est tout dans l'un

et un dans le tout

 

Il est la balle de ping-pong

qui renvoie sans cesse

l'être à sa propre image

 

Ouvert ou fermé

il cultive la rose

Humain et divin

d'un pôle à l'autre

il suit l'éternel rythme

du flux et du reflux

 

Point d'interrogation vivant

il est

Les pieds dans la terre

et la tête dans les étoiles

Il est planté droit

à l'intersection de lui même

à la verticale de son horizontale

dans l'axe de sa transparence

à la croisée du coeur avec le Coeur

 

Le maître n'est rien

et pourtant il est tout

Compris et incompris

Il est danger et sécurité

 

 

Il va d'un extrême à l'autre

Il fait tout et son contraire

et trouve ainsi le Centre

La Voie du milieu

 

 Silviane Le Menn

29150 Dinéol

 

Le concept d' ananda

par G.Gispert-Sauch, SJ

 

Ananda, la félicité, a été le sujet d'un doctorat en théologie que le Père Gispert-Sauch, un jésuite espagnol vivant depuis longtemps en Inde a effectué durant ses années d'étudiant à Paris sous la direction du Cardinal Jean Daniélou et du Pr Olivier Lacombe. Il s'est centré sur le sens d'ananda dans les Upanishads (Bliss in the Upanishads- An analytical study of the origin and growth of the Vedic concept of Ananda, Oriental Publishers, Delhi, 1977). Après, la notion a été développée par le tantrisme qui donne des moyens pratiques d'atteindre ananda, par la bhakti qui associe cette notion avec l'union au dieu personnel et par le védanta pour lequel l'Absolu est, on le sait, être-conscience-félicité, sat-chit-ananda. Dans ce premier article, nous allons nous contenter de préciser l'origine et le sens du mot ananda

Contrairement au deux premiers éléments de la formule satchidânanda, le dernier élément n'est pas d'une base simple. Il est lui même un mot composé dérivé de la racine nand et du préfixe â. Le préfixe sanskrit â est très souvent ajouté aux vocables de mouvement et suggère un déplacement horizontal, quai-mécanique et spontané; en général, c'est un mouvement vers l'avant mais il peut aussi parfois suggérer un recul (cf gam, aller, âgama, venue). Dans ce sens, on peut souvent traduire le préfixe par vers et il se rapproche du latin ad ou in avec l'accusatif. La particule peut aussi avoir une connotation plus statique de l'endroit vers où le mouvement a eu lieu et dans lequel il demeure à présent. (cf shrama, travail et â-shrama, âshram, dhâra, base et â-dhara, support). En combinaison avec nand, il semble suggérer un aspect dynamique de l'intériorisation et de la concentration (cf â-kunchahana, contraction, praty-â-hâra, réabsorption) et peut-être même d'envahissement intérieur complet (cf â-kasha, espace).

Contrairement à sat, qui est le participe présent indo-européen du verbe être, et chit qui a aussi probablement des connections indo-européennnes, le mot ânanda ne semble relié à aucun mot indo-européen connu…Certains pensent cependant qu'il pourrait être rapporté à la racine nad, résonner. Cependant, Jean Gonda penche plutôt pour un sens premier du genre se sentir rafraîchi, renforcé, tout particulièrement par des bénédictions ou par des louanges. Il n'approuve pas le point de vue de Deussen que le plaisir sexuel est le sens original d'ânanda. Il penche plutôt pour une racine du Tamil nantu signifiant prospérer, fleurir, être luxuriant, orgueilleux, être resplendissant de gloire et d'éclat. Il faut savoir que le lien entre la culture dravidienne du sud (Tamil-Nadu, etc…) et la civilisation d'Harappa et de Mohenjo-Daro est probable. La fusion entre cette culture et l'apport indo-européen a été sans doute précoce. La Taittirîya Upanishad -où l'on parle d'ânanda beaucoup plus que dans les autre Upanishads- est particulièrement reliée au sud de l'Inde.

à suivre

 

Un jour

dans les ashrams de Ma

 

Emploi du temps

                                                   bhajans, stotras et mantras

 

Ce texte est un extrait d’un livret qui couvre la journée quotidienne avec ses prières, chants et mantras dans les ashrams de Ma. Les chants et mantras

du soir ont déjà été publiés il y a plusieurs années dans un autre livret.

 

Kirtans du matin

 

Lever:

une heure et demi avant le lever du soleil

Méditation sur Ma

 

(Note sur la translitération à partir du sanskrit: pour simplifier, les consonnes rétroflexes

d'habitude marquées par un point souscrit seront rendues par une italique. Les voyelles longues seront signalées par un accent circonflexe. Le cha se prononce tcha, le a bref est intermédiaire entre le a et le o ouvert, le â long est comme le a français)

 

Om dhrita-sahaja-samadhim vibhrantîm hemakântim

Nayana-sara-sijâbhyâm snehâ-râshîn kirantîm

Om (O Ma), tu as un visage rayonnant comme l'or et vous restez simplement en samadhi spontané (le sahaja-samadhi est considéré comme le plus haut niveau du védanta, où le sage peut garder la haute conscience du nirvikalpa samadhi -enstase non-duelle complète- tout en gardant le contact avec le monde.)

A travers tes yeux de lotus tu répands l'affection et le bonheur.

Manasî kalita-bhaktim bhaktam-ânanda-yatîm

Smita-jita-sharad-imdum mâtaram dhîmahîha

Nous méditons sur toi, qui donne la pleine dévotion ainsi que la félicité dans le coeur de ton fidèle; ton sourire rafraîchis (le feu de nos épreuves) comme une lune d'auto

Tapana-shakal-kalpam kalpa-vriksh-opamânam

Sharana-gata-janânâm târakam klésha-pâshât

En tout temps, tu es l'arbre à souhaits qui éloigne les brûlures de la souffrance

Tu libére de la servitude ceux qui prennent refuge en toi

Hridaya-kamala-madhye sthâpayitv-eha mâtuh

Vihita-vividha-kalpam pâda-pîtam bhajâmah

O Ma, te voici installée ici, au beau milieu du lotus de notre coeur

Nous te chantons et nous nous inclinons à tes pieds que ce soit en suivant un rituel traditionnel, ou sans s'en occuper. (pîtam signifie un lieu sacré spécialement destiné à la déesse, pâda-pîtam désigne donc les pieds de la déesse en tant qu'objet de culte, comme c'est la tradition dans l'hindouisme)

 

Bhajan

a) Bhajo Mâ Anandamayî, japo Mâ Anandamayi, gâho Mâ Anandamayi nâm ré.

Bhajo Mâ, japo Mâ, gâho Mâ, balo Mâ, dâko Mâ, Mâ, Mâ…

Chante Ma Anandamayi, récite Ma Anadamayi, répète le nom de Ma Anandamayi.

Chante Ma, récite Ma, répète Ma, dis Ma, appelle Ma, Ma, Ma, Ma…

b) shri guru sharanam namo namah…cf evening bhajans.

Hymne au Guru

(en vieil hindi)

1. bhavasâgara-târana-kârana he

ravi-nandana-bhandana-khandana he

sharana-gat-kinkar-bhîta-mane

gurudev dayâ karo dîna jane

Tu es la cause d'une traversée sans encombres de l'océan de ce monde

Tu libères des chaînes du fils du Soleil (Yâma, le dieu de la mort)

Tes fidèles pleins de peurs viennent prendre refuge en toi

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

24

 

2. hridi-kandara-tâmasa-bhâskara he

tumi vishnu prajâpati shankara he

parabrahma parâtpara veda bhane

gurudev dayâ karo dîna jane

Tu es le soleil qui illumine les ténèbres de la grotte (du coeur)

Tu es Vishnou, Prajapati (Brahman, lit. le maître du peuple) et Shankar (lit. celui qui fait la paix, Shiva)

Tu es ce Brahman suprême, cet au-delà de l'au-delà qu'évoquent les védas.

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

 

3. Mana-varâna-shâshana-ankush he

Naratrâna tare hari châkshusha he

Gun-gan-parayan devagane

Gurudev dayâ karo dîna jane

Tu es le frein qui contrôle et stoppe le mental

Tu es la vision du Seigneur au delà de la trinité

(Il y a deux aspects différents de Vishnou, l'inférieur correspond à sa fonctin de conservation du monde uniquement à l'intérieur de la trinité qu'il forme avec Brahman et Shiva, l'autre aspect, suprême, correspond au Dieu unique et universel)

Tu es présent tout au long du culte rendu aux dieux

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles

4. Kulakundalinî-ghuma-bhanjaka he

Hridi-granthi-vidârana-kâraka he

Mama mânasa chanchal râtri-dine

Gurudev dayâ karo dîna jane

Tu secoues le de la kundalini lovée (comme un serpent à la base du corps)

Tu es la cause de la percée du noeud du coeur (permettant à l'énergie de monter dans les chakras supérieurs)

De jour comme de nuit, je suis dans l'agitation mentale.

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles. 

5. Ripû-sûdana mangala-nayaka he

Sukha-shânti-varâbhaya-dâyak he

Trayatâpa hare tava nâma-gâne

Gurudev dayâ karo dîna jane

Tu élimines les brigands, tu fais venir les bénédictions.

Tu répands sur nous la joie, la paix, les grâces et la non peur.

Les trois sortes d'épreuves sont écartées par le chant de ton nom.

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

(les trois sortes de souffrances sont adhyatmik, spirituelle, adhibhautik, naturelles (calamités etc) et adhidaihik, physiques(maladies…)

6. abhimân-prabhâv-vinâshak he

gati-hîna jane tumi rakshaka he

chita shankita vanjita bhakti ghane

gurudev dayâ karo dîna jane

Tu contrecarres l'influence de l'orgueil

Tu nous empêche de suivre le mauvais chemin

Tes fidèles ont leur esprit plein de craintes et de frustrations

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

7. tava nâm sadâ shubha sâdhaka he

patitâ-dhama mânav-pâvaka he

mahimâ tava gochar shuddha mane

gurudev dayâ karo dîna jane

Ton nom assure des bénédictions à tout jamais

Tu es le rédempteur de l'être humain quand il a misérablement chuté

Ta louange bourdonne dans un mental purifié

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

8. jaya sadguru ishwara prâpaka he

bhava-roga-vikâra-vinâshaka he

mana jaino rahe tav shrî-charane

gurudev dayâ karo dîna ja 

Victoire à toi, Sadguru; tu nous mènes à Dieu

Tu détruis les perversions provoquées par la maladie (de l'attachement) au monde

Que notre mental et notre corps demeure à tes pieds

O Gurudev, fais preuve de compassion envers ceux qui sont humbles.

Haribol, haribol : dis (le nom de) Dieu

* * *

 

Nouvelles

 

  • Nous avons déjà donné certaines nouvelles dans l'éditorial en début de numéro.Pour ceux qui voudraient réserver une place dans le camp de Ma durant la Kumbha-Mela, il y a deux possibilités: soit des tentes familiales avec cinq lits de camp, soit le dortoir sur de la paille couverte d'un tapis dans de grandes tentes de dix ou vingt personnes. J'ai essayé cette dernière formule lors de la dernière grande Kumbha-Méla à Allahabad il y a douze ans, et je dois dire qu'elle est confortable…Le premier grand bain de la Méla aura lieu pour Makar Sankranti, c'est à dire le 14 janvier. Le pèlerinage continuera pendant un mois environ. Pour les renseignements pratiques et inscriptions, écrire à

Panuda, Shree Shree Ma Anandmayee Ashram, Bhadaini, Varanasi, 221001, UP (Tél 00 91 542 31 00 54 ou 31 17 94 en dehors des heures de bureau).

  • Jacques Vigne fait parvenir à celui-ci au nom de Jay Ma la somme de 20000 Rps qui correspond au bénéfice fait, malgré les 10% de revues que nous envoyons gratuitement aux bibliothèques d’ashrams, ermites, chômeurs, etc…En effet, Panuda gère l'Amrita Varta qui est publié en quatre langues, bengali, hindi, gujarati et anglais à partir de Bénarès. Cela représente un investissement d'énergie et de finance important, aussi il mérite d'être aidé par les lecteurs français de Jay Ma.
  • Cet automne à Bénarès sera publié le Journal d'Atmananda. Elle l'avait confié il y a peut être dix-huit ans à Ram Alexander et il trouve finalement le chemin de l'édition chez Alvaro Enterria à Indica Books, D 40/18 Godowlia Varanasi 221001 Fax 00 91 542 32 16 40. Alvaro a aussi publié l'an dernier le très beau livre de Richard Lannoy sur Bénarès, avec nombre de photos de Ma, prises dans les années 50.
  • Jacques Vigne doit partir en novembre en dehors d'Inde pour un renouvellement de visa, il sera de retour au Ma Anandamayee Ashram, Kankhal, 249408, Hardwar avant Noël, accompagnera un voyage dans le sud de l'Inde les trois dernières semaines de janvier, puis sera au Ma Anandamayi Ashram, Dhaulchina, 263881, Almora, UP en février, mars. Il aidera Swami Nirgunananda à accueillir un groupe d'Initiations de Bruxelles pour une retaite de quinze jours début avril à Almora, et probablement de nouveau un autre groupe à Dhaulchina courant mai, après l’anniversaire de Ma à Kankhal.
  • Le site de Ma se développe www.anandamayi.org Pour accéder à la partie française, il faut choisir la colonne de droite au départ, correspondant à une présentation de la page web avec une technique plus avancée. On y trouvera aussi la partie espagnole. Gitanjali Dhingra a traduit Words of Ma Anandamayi dans cette langue, et Jacques Vigne doit le taper prochainement sur ordinateur pour pouvoir le mettre sur le site. Il y a aussi depuis peu une partie italienne.
  • Swami Nirgunanda a retrouvé dans la bibliothèque d'Almora le premier livre collectif de témoignages sur Ma Anandamayi datant de 1946. Il s'appelle tout simplement Anandamayi, et a été publié à Calcutta. Tout le monde semblait l'avoir oublié. La concordance des témoignages sur Ma par des auteurs différents est frappante. Nous mettrons quelques extraits dans les numéros suivants de Jay Ma. On y trouve, entre autres, un témoignage intéressant de Barindra Kumar Ghose, le frère de Shri Aurobindo.
  • Comme ce numéro est quelque peu spécial puisqu'il marque un renouvellement après un cycle de deux ans, les photos dont vous avez un exemplaire sur le présent numéro ont été déposées contre le samadhi de Ma pendant la pûjâ. Je sais que nombre d'entre vous peuvent être sensibles à ce genre de geste. 

 

 

Table des matières

Paroles de Ma

Editorial

Réponses de Vijayananda

Lettres de Ma à Bhramar Gosh

Ananda, poème par Monique Manfrini

Le Maître, poème par Siviane Le Menn

Le concept d'ananda par G. Gispert-Sauch, SJ

Nouvelles

Table des matières

 

RENOUVELLEMENT GENERAL DES ABONNEMENTS

 

 

100 Frs pour deux ans, c’est à dire jusqu’en fin 2000, pour huit numéros, par chèque à l’ordre de Jacques Vigne à adresser à:

José et Nadine Sanchez-Laudebat

210 rue Galliéni

92100 Boulogne

01 41 31 28 00

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Numéro 59 - hiver 2000-2001

Paroles de Ma

 

Avec Gopi Babou durant le satsang on se mit à refléchir sur ce qu'était ces «intuitions» de Ma qu'on appelle khyal. Amulya Babou (Amulya Kumar Datta Gupta, auteur d'un des meilleurs recueils de satsang avec Ma, In Association with Ma Anandamayi) intervint: «De même qu'un petit enfant en jouant pendant un certain temps finit par tout d'un coup sauter, de même, bien que sans raison apparente, Ma agit ainsi dans un élan d'expansion (sphuran, une notion centrale par exemple dans le Shivaïsme du Cachemire) indomptable.» Y a-t-il dans l'Atma suprême une telle expansion qui voit le jour sous forme de khyal? En réponse à cette question, Gopi Babou dit : «On ne peut lui l'expliquer par une quelconque raison.» Ma ne s'exprima pas sur ce sujet dans cette séance de satsang mais reprit la question plus tard : «Qu'y a-t-il au-dessus du khyal? C'est le Brahman Un qui n'a pas de second. Il est au delà des actions et des excercices spirituels (kriyâtît), où donc se pose la questin de khyal et de non-khyal? Tout est là lorsqu' il y a un état d'acceptation de ce qui est. Pour parler à votre niveau, on pourrait dire que là où il y a action et monde, il y a khyal(Amrita Varta Janvier 2000, propos recueillis par Chitra Ghosh).

Ma était en train de partir de Nainital, les visiteurs lui dirent: «Quand vous allez partir, nous nous sentirons très seuls; comment faire face à cela?»

Ma : Jamais je ne m'en vais. Pourquoi voulez-vous me repousser? Je suis toujours avec vous

- Alors, vous demeurez dans nos coeurs?

- Dans vos coeurs? Pourquoi voulez-vous me confiner en un lieu particulier? C'est le sang de votre sang et l'os de vos os que je suis. C'est la vérité.Je ne dis pas de mensonges. (Death must die. Journal d'Atmananda, 28 juin 1954, édition complète en anglais qui vient de paraître, cf nouvelles à la fin)

Q : Est-ce que la liberté est une illusion?

Ma : Non, l'homme est libre

Q : Mais l'homme est un individu, un ego, et l'ego est une illusion, comment peut-il donc être libre?

Ma : Oui, l'homme extérieur qui est identifié avec l'égo n'est pas libre, mais en réalité l'homme est libre, l'ati-manush [l'homme véritable, au-delà du commun] est libre.

 

 

Réponses de Vijayananda

 

Q : En cette période où nous rentrons réellement dans le troisième millénaire, on est porté à méditer sur la nature du temps. Est-il un absolu, ou une construction du mental?

V : Le temps présuppose un mouvement. Le mouvement des aiguilles de la montre nous donne la notion de l'heure. Le mouvement de soleil (en fait la rotation de la terre) nous donne celle du jour et de l'année. La modification de notre corps nous fait dire que nous avons vieilli. Cette croyance dans l'idée de temps fait partie des vérités empiriques qui sont vraies au moment où nous les vivons parce que le Soi suprême qui réside en chacun de nous leur donne le cachet de la vérité temporaire. Mais ce «Soi» est immuable, touours le même, et de Son point de vue le temps est un concept illusoire, un jeu du mental. Nous pouvons reprendre l'exemple que donnait Ramana Maharshi, celui du cinéma: le Soi est l'écran inchangeable et le jeu du mental, les images qui apparaissent sur cet écran.. On ne peut pas dire que le temps soit une «construction du mental», c'est une illusion qui confond le changeant avec l'immobile. «La corde est prise pour un serpent» (comme on dit dans le védanta).

Q : Est-ce qu'il y a une différence dans la présence de Mâ avant qu'elle n'ait quitté son corps et maintenant?

V : Quand Mâ était présente dans son corps physique, elle n'était pas identifiée à ce corps mais au Divin suprême. Le corps physique servait de canal, d'intermédiare avec le Divin; maintenant que que ce corps a disparu de notre présence, le Divin suprême, c'est-à-dire la vraie Mâ, omniprésente, est toujours la même. Mais de notre point de vue le contact est plus difficile car il faut que nous soyons réceptifs et lancer un appel.

Quand Mâ était physiquement présente, elle pouvait faire un acte positif pour réveiller et attirer vers elle même les indifférents; mais je crois que cela a dû aussi se produire pour certaines personnes par l'intermédiaire d'une photo de Mâ, d'une lecture, par les vibrations du Samadhi (tombe), et aussi par le contact avec les disciples qui ont été proches de Mâ.

(Question d'une nouvelle correspondante de Vienne en Autriche): Quelle était l'attitude de Mâ envers les harijans (hors-castes); comment étaient-ils traités dans ses ashrams?

V : Les harijans, on les appelle les dalits maintenant, ont toujours été traités avec gentillesse et compréhension dans notre organisation et en particulier par Mâ. Mais comme l'organisation est basée sur la tradition védique ancienne, il y a des rituels auxquels ils ne peuvent pas participer. De toutes façons c'est idiot de vouloir porter un jugement sur une religion qui est si différente de nos conceptions occidentales. Les indiens religieux sont aussi parfois profondément choqués par les manières et modes de vie occidentale, en particulier la liberté sexuelle.

Voeux pour le troisième millénaire

Nous remercions les lecteurs de Jay Ma de leur fidélité et en cette période de rentrée réelle dans le troisième millénaire, nous leur souhaitons nos meilleurs voeux de progrès vers une meilleure connaissance du Divin, ou du Soi. Ma disait «en se connaissant soi-même, on connaît Dieu et en connaissant Dieu on se connaît soi-même» Que souhaiter de plus?

La vérité derrière Ma Anandamayi

par Barindra Kumar Ghose

Barindra Kumar Ghose était le frère de Shri Aurobindo, et donc aussi un Bengali. Son témoignage sur Ma est inspirant, nous le reproduisons ci-dessous intégralement. Il est inclus dans le premier recueil d'expériences de fidèles de Ma a avoir été publié, c'était à Calcutta en 1946, et donne une bonne idée de la manière dont Ma était reçue par l'élite intellectuelle et littéraire bengalie. Il n'a pas été republié depuis, mais il contient des contributions fort intéressantes, nous en reproduisons d'autres après ce texte et le feront aussi probablement dans les prochains numéros. Swami Nirgunanda en a récemment retrouvé un exemplaire par hasard dans la bibliothèque de l'ashram d'Almora.

Ma Anandamayi est l'Amour et la Joie divine incarnée sous forme humaine. Il existe de rares êtres qui sont nés sans ces limites des capacités mentales et vitales qui enferment les gens ordinaires dans l'ignorance comme en un champ clos. Ils sont plutôt pétris de la substance des régions supramentales et cosmiques, nés avec les portes de leur être ouvertes vers les vastes espaces de l'Infini. Ils sont les précurseurs d'un Age nouveau et n'ont pas comme nous à lutter durement pour se libérer des chaînes de la matière et de ses lois (dharmas) rigides; en effet, ils appartiennent en essence mais aussi partiellement en substance à l'hémisphère supérieur de lumière pure, de pouvoir et de félicité.

On peut trouver de tels hommes ou femmes doués d'une vision plus vaste et de la connaissance ésotérique dans les pays occidentaux, bien qu'ils y soient rares. En fait, l'Occident qui suit un point de vue matérialiste est fortement attaché au soit-disant réalisme. Les grands progrès réalisés dans le domaine des sciences centrées sur la matière ont découragé l'éveil de facultés supérieurses et plus subtiles chez l'être humain. En Orient, c'est différent. L'Orient est par nature, culture et tradition méditatif, intériorisé et intuitif. C'est ainsi qu'on y a étudié depuis des millénaires la Science de l'Esprit qui est plus haute, plus vraie et plus large dans ses vues. On y a effectué des recherches de plus en plus profondes pour explorer ce qu'il y a derrière la matière et ses manifestations physiques. L'appel en Orient est d'être plus centré sur Dieu que sur l'égo et le matériel, de transcender la matière et de vivre la vie de l'Unité de l'âme immergée dans la félicité, ses hauteurs lumineuses et sa vaste infinité, et à partir de là de redecendre vers la multiplicité riche et harmonieuse au-niveau de la manifestation. C'est ainsi qu'en Orient de nombreuses âmes sont nées avec de plus grandes facilités pour la vision de la vérité et les pouvoirs miraculeux.

L'être humain doit transcender son petit égo agité, ses désirs mesquins et ses disputes futiles. Il doit s'élever au-dessus de ce plan de division et d'ignorance pour pénétrer cette unité cosmique où seulement se trouve la clé pour harmoniser les conflits de dualités apparemment irréconciliables. Des êtres établis dans la Vérité comme Ma Anandamayi et Shri Aurobindo sont naturellement des guides conduisant à des hauteurs inaccessibles, dans les mystères profonds qui sont derrière la création. C'est donc en Orient qu'on doit chercher d'une façon ou d'une autre cette clé pour une harmonie née de l'esprit qui elle seule a la capacité de guérir l'humanité de ses maux et de reconcilier tous les conflits et les haines, tous les facteurs irreconciliables dans la vie humaine et aide à poser une fondation saine en vue d'une civilisation parfaite.

Comment connaître, discerner le niveau d'un être «psychique» [terme à comprendre dans le langage de Shri Aurobindo] rare comme Ma Anandamayi et établir un contact des plus intérieurs avec elle? Aux yeux d'un observateur superficiel, elle n'est qu'un être mortel ordinaire de chair et d'os. Il est vrai que ces enfants de lumière sont difficiles à saisir et connaître car la grandeur spirituelle n'est pas un phénomène matériel visible. La splendeur d'une aurore aux couleurs multiples et la profonde beauté sous-jacente aux sommets enneigés des Himalayas ou bien la grace, l'élégance d'un lotus pleinement épanoui sont perdus pour un homme du monde comme si elles n'avaient jamais existé. Seul un Rabindranath [Tagore] est pleinement conscient; lui seul peut soulever le voile et vous faire rentrer dans un ciel de mélodie et de beauté qui vous avait été fermé et inconnu depuis si longtemps. Dans le monde de l'esprit, il est vrai que ces âmes d'un niveau spirituel rare peuvent nous donner un aperçu de la Félicité et de la Paix ineffable du grand Au-delà, mais il n'y a pas malheureusement de moyens ou de méthodes évidentes par lesquels le commun des mortels puisse apprécier la grandeur et la gloire de ces grands esprits à moins qu'eux-mêmes, de leur propre accord, ne choisissent de se révéler. Cependant, il y a certaines indications.

On peut reconnaître une personne établie dans l'esprit, reposant sur l'esprit comme Ma Anandamayi par son impersonnalité entre autres choses. Quand vous la rencontrez, elle n'est guère là, identifiée au corps comme n'importe qui d'autre le serait. Si vous avez un tant soit peu d'intuition, vous la sentez facilement être surtout ailleurs, comme le vaste dôme d'azur au-dessus de vous que vous percevez mais pourtant ne saississez pas complètement. Vous êtes là, remplis de crainte sacrée devant queque chose de vaste, d'incompréhensible qui atteint des étendues inexplorées et des altitudes ou profondeurs jamais mesurées. Nous sommes stupéfaits par le simple pouvoir chez ces grands hommes d'action, ou par un volcan en éruption ou par l'arrivée d'une tornade; mais des êtres spirituels établis dans le samadhi avec beaucoup plus, voire même un pouvoir qu'on ne peut imiter se tiennent dans un calme statique et son enveloppés dans une paix ineffable et une félicité divine tout en étant actifs avec douceur. Son calme pareil au rocher s'harmonise avec un mouvement irresistible; en fait, tous les aspects de la vérité, terrible et douce, bonne et mauvaise, poison et nectar ont été synthétisés en eux d'une façon ou d'une autre. C'est ici, en de tels êtres rares, que la conception unique des visionnaires (rishis) de l'Inde a réussi la grande synthèse intégrale des principes cosmiques, la véritable Divinité de tous les dieux.

Ma Anandamayi es une forme mise en avant par l'Energie divine (Shakti). Elle en est le condensé même, son émanation et épanouissement dans la matière; elle est le signe de la capacité infinie du véhicule humain d'incarner et manifester la Divinité de Shiva immanente de façon multiple dans la création.

Ma Anandamayi by devotees, Ma Anandamayi Ashram, Calcutta, 1946, p.151-155

Nous donnons des extraits ci-dessous d'une autre contribution du même ouvrage, celle-ci par un certain G.C. Das Gupta (p.48-49)

D'habitude dans ses ashrams e silence est observé pour une heure ou à plus, quand descend un charme céleste de paix et de tranquillité trop profond pur être exprimé. On sent que son soi s'est immergé dans ce caélme extatique. Une atmosphère, un élan d'expansion élargit alors l'horizon de notre esprit; nous en venons à réaliser la mesquinerie et le manque d'intérêt de nos dizputes quotidiennes et de nos recherches sans but. Elle symbolise à ce moment-là toutes les étincelles les plus infimes de nos existences se fondant pôurun tmps dans la flamme unique de la mère divine.

Quand elle parle, elle répand des flots de douceur sur toutes les personnes présentes...Ceux d'ntrenous qui ont eu la chance de pouvoir être influencés par sa personnalité magnétique ont toujours senti qu'elle et comme «une étoile qui demeure à distance» de tout le tohu-bohu de l'existence terrestre; pourtant elle indique clairement, avec son calme naturel et sa vision prophétique, la voie qu'on doit suivre dans la vie et communiqueprofondément à chacun l'importance du bien réel de chque être humain -la réalisatin de lAtman divin.

Les deux niveaux des paroles de Ma

Ces réflexions sont extraites de la contribution de Girija Shankar Bhattacharya, professeur au Presidency College, l'une des universités les plus réputées de Calcutta. Il avait été avec Bhaiji et Pran Gopal Mukerjee -dont nous avons publié auparavant les lettres qu'il a reçues de Ma- l'un des premiers à découvrir Ma à Dhaka en 1925.

....Une autre caractéristique de Ma que je voudrais mentionner est sa réticence à imposer sa volonté à qui que ce soit. Je ne l'ai jamais vu faire ainsi depuis environ vingt ans que je la connais. Elle suggère, elle recommande, elle dit qu'il serait bon de faire telle ou telle chose au vu des circonstances actuelles, mais avec fineese de sentiment elle n'insiste jamais que quelqu'un ne suive une ligne d'action particulière dans la vie du monde aussi bien que dns le domaine spirituel. En fait, la liberté qu'elle donne à chacun nous donne l'impression d'un manque de cohésion parmi ceux qui suivent Ma. Cela ne la trouble pas le moins du monde, car elle n'est pas là pour former une nouvelle secte ou un nouveau parti. Au contraire toutes les sectes ou croyances se dissolvent d'elles-mêmes en sa présence et sous son influence. A ce propos, il faut considérer une qustion: Est-ce que Ma dit tout ce qu'elle exprime à partir d'un plan supérieur? -en d'autres termes, peut-on estimer que tout ce qu'elle déclare provient de son état de conscience supérieur? Je pense que je ne peux mieux faire que de traduire les paroles de Ma elle-même du livre original bengali d'Amulya Kumar Datta Gupta qui a tous les signes de l'authenticité dans la manière dont il la présente : «Quand vous parlez au niveau du monde il y aura à la fois de la vérité et de la fausseté dans ce que vous dites car les deux sont présents dans le monde.» (le sens que nous pouvons inférer du contexte, c'est qu'il est futile d'attendre la vérité absolue dans les propos d'une personne quelle qu'elle soit, quand elle parle à la facon du monde. En effet, de ce point de vue, personne ne peut être réellement véridique dans ce qu'il dit, et même avoir une quelconque idéee de la vérité. Bien sûr, il n'est pas question de déguiser sciemment les faits. Ma poursuit: « Quand je parle à la façon du monde, rie et plaisante avec vous, vous devez me comprendre de cette manière (c'est-à-à dire comme vous comprenez des personnes du monde). Supposez par exemple que je dise: «Apportez un verre d'eau de cette cruche». Vous y allez et trouvez qu'il n'y a pas d'eau dedans. Vous pouvez penser alors que Ma a été induite en erreur, qu'elle a dit quelque chose de faux parce qu'elle a pensé qu'il n'y avait pas d'eau dans la cruche (c'est-à-dire que vous pouvez estimer que Ma n'a pas la perception de l'état véritable des choses); mais si vous jugez au niveau relatif du monde, vous ne pouvez appeler cela une fausseté ou un mensonge. Quand vous aussi vous parlez de cette façon, vous ne dites pas de mensonge. Cela prouve seulement que votre supposition à propos de l'eau n'était pas correcte. Quand je parle avec vous, je parle de cette manière.

«Si vous pensez que je sais tout, je n'aurais pas alors d'occasion de parler avec vous. En effet, si je connais tout, qu'est-ce que je devrais vous demander? Je ne pourrais pas m'enquérir de si vous avez eu votre bain, ou votre repas, car je serais supposée tout connaître. Au-delà de tout ceci, il y a un état où il n'y a pas de distinction de vérité ou de non-vérité; mais dans cet état, il ne peut y avoir de rapports comme on les conçoit dans le monde, car cela y créerait une confusion. Il y aurait un grand désordre si nous prenions comme base de notre conduite cet état de super-conscience où toutes les distinctions se fondent les unes dans les autres. Il y a un autre état au-delà de ces deux-là. Dans celui-ci, tout ce qu'on dit s'avère authentique. Tout ce que je dis dans cet état est obligatoirement vrai.

Amulya Datta Gupta demanda: «Ma, que se passerait-t-il si quelqu'un a une telle foi en vous qu'il considère toutes vos paroles comme vraies de toutes façons?» Ma répondit: «Si quelqu'un a une telle foi en moi, toutes les paroles que je lui adresserai seront vraies». Il me semble qu'il n'a pas été rare que des malentendus ou même des conséquences indésirables ont résulté du fait que l'on ait considéré certaines paroles de Ma sans réfléchir comme inspirées et en provenance d'un état de conscence supérieure. En fait, comme on l'a déjà dit, elle ne commande que très rarement, si jamais elle le fait, elle se contente de suggérer. Ainsi, à chaque fois que je ne pouvais pas être d'accord avec elle sur un point précis et que je lui ai exprimé, elle n'a rien dit de plus. Naturellement, ma conclusion, c'est que Ma n'est pas en faveur de l'abrogation du jugement personnel.

C'est notre but d'atteindre la Consience Suprême, tattvagyân, la connaissance de la Vérté ou de la Réalité) qui apporte une union du fini et de l'infini. Tato mâm tattvato gyatvâ vishaté tadanantaram Connaissant Ma réalité, on pénètre sans délai dans Cela (le Soi) (Bhagavad-Gîtâ). Il ne sert à rien de fuir les responsabilités, de supprimer la conscience et d'obscurcir la petite lumière qui nous a été donnée. Il ne s'agit pas d'avoir une dépendance non critique envers qui que ce soit, vichara, (la raison, le discernement appliqué seulement pour découvrir la vérité) est le plus grand de nos amis et en aucun cas nous ne pouvons l'abandonner complètement. Beaucoup d'entre nous prétendent être sharanâgata, c'est-à-dire s'être abandonnés au Divin ou au Guru sans réaliser ce qu'est l'abandon véritable. Cela nous mène seulement à nous mentir à nous-même et nous conduit vers les ténèbres et la confusion. En déterminant nos devoirs nous devons, comme il est prescrit, prendre en considération 1)l'avis de l'enseignant, guruvâkya 2) les instructions des Shastra, shastravâkya et 3) les ordres de notr propre conscience. A chaque fois que nous manquons à cela, il y a toutes les chances que nous perdions pied.

Ma est absolument sans sankalpa, c'est-à-dire motivations Cela peut sembler étrange au commun des mortels, qui ont toujours quelque motivations derrière leurs actions. Quand on lui demande ce qui devra être fait dans le futur à propos de quoi que ce soit, elle répond d'habitude jo ho jâya, soyez ouvert à tout ce qui peut arriver. Ceci ne signifie pas repousser les choses à faire à la façon des gens paresseux, mais cela veut dire agir spontanément sous l'inspiration du moment. Souvent par exemple elle conseilllait d'acheter des tickets de trains pour une gare intermédiaire par rapport à la destination finale. En partant, disons, de Calcutta, on prenait des tikets pour Bénarès, d'où de nouveau à partir de la gare elle-même on continuait le voyage jusqu'à Delhi et de la même manière jusqu'à Shimla. J'ai remarqué cette absence de propos chez d'autres saints également. C'est ce manque de motivations qui rend les actions de Ma comme un jeu, lîlâ, et effectivement les actions de personnes comme elle rendent possible de croire que tout l'univers est la lîlâ de l'Eternel...

Om Shanti

 

Girija Shankar Bhattacharya

 

La mort doit mourir

D'après la nouvelle édition complète du journal d'Atmananda en anglais

La sortie officielle de l'édition du journal d'Atmânanda a eu lieu durant la Samyam Saptah en novembre à Kankhal en présence de Swami Chidânanda. Il est difficile de rendre par des extraits toute la complexité du travail intérieur d'une pianiste autrichienne qui a évolué pendant dix ans à l'école de Krishnamurti à Raj Ghat an nord de Bénarès et est venue progressivement à Mâ. Ses réflexions sur Krishnamurti éclairent des aspects peu connus de sa manière d'enseigner. Le passage qui suit donne un exemple des préoccupations à la fois concrètes et spirituelles qu'avait Atmânanda au moment où elle pensait s'engager dans la vie d'ashram avec Mâ. (En pratique, ceux qui voudraient commander le livre peuvent le faire auprès d'Alvaro Enterria, Indica Books, D 40/18 Godowlia Varanasi 221001 Tel/Fax 00 91 542 321 640. Le prix est de 500 Rps, port en sus (peut-être 100 ou 200 Rps en plus, IFr=6Rp30)

Gagner sa vie 17 janvier 1953

A une question d'une jeune fille pour savoir si elle gagner sa vie comme enseignante, Mâ répliqua: L'attitude moderne, c'est que les gens doivent se prendre en charge et donc ils vont prendre un travail d'enseignant. Ils ne réalisent pas que l'acte même de partager la connaissance avec leurs élèves, engendre automatiquement leurs moyens de subsistance. La connaissance ne doit pas être vendue.

Cela fut une révélation pour moi et je compris soudain que la solution de mon problème concernant le fait de «gagner» ma vie ne résidait pas dans le fait de laisser tomber mon travail et de ne plus rien faire, mais dans le fait d'abandonner l'attitude commerciale de vendre mon travail. Faites votre service comme une fin en soi puis prenez ce qui est donné comme venant de Dieu et débrouillez-vous avec cela.

Cette idée m'a consumée et je ne pouvais dormir de toute la nuit, mais je ne me suis pas senti du tout fatigué pendant la matinée. Quand on a lu la Gîtâ, j'ai eu de nouvelles prises de conscience à propos de la signification de bien des passages, le texte paraissait complètement neuf. Je décidai de ne plus prendre d'argent mais de continuer le travail que je faisais et de laisser au Comité (de l'école de Krishnamurti à Rajghat) la décision de ce qu'ils me paieraient, puis de donner ma démission en juillet.

Le soir, Mâ remarqua que j'avais pleuré et Didi me fit venir auprès d'elle. Je lui dit que je n'allais plus accepter d'argent pour mon travail. Elle dit: «Comment allez-vous manger?» Moi : «de toutes façons, j'aurai de la nourriture». «Supposez que vous désiriez venir et vivre de manière permanente à l'ashram?» Moi: «Je ne viendrai pas!» Ma dit :«Voulez-vous venir?» Deux fois je dis: «Oui, je veux venir». Mais quand elle ajouta: «D'accord, je vais organiser les choses pour cela», j'ai eu peur et j'ai répliqué: «Non, non». Elle répondit à cela: «Vous avez dit oui deux fois, si vous l'aviez dit trois, cela se serait réalisé».

Elle me dit ensuite de ne rien faire à propos des questions d'argent maintenant mais d'attendre et de lui parler à Bénarès. Quand j'élevai une objection en disant: «Pour une fois que j'ai compris quelque chose, et vous ne m'autoriserez pas d'agir en fonction de cela!» Elle dit: «Attendez jusqu'à ce qu'un jour favorable selon le calendrier religieux) arrive et que Thakourji (le Seigneur) vous apparaisse en rêve et vous instruise».

Mâ parle avec des chrétiens Varanasi, 10 octobre 1957

Un jounaliste irlandais, Mr Fennell et Raimon Panikkar, un étudiant faisant des recherches à l'Université Hindoue de Bénarès et originaire du Malabar dans le Sud de l'Inde (son père était du Kérala: Panikkar est maintenant connu de par le monde pour ses nombreux livres sur le dialogue interreligieux, en particulier hindou, bouddhiste et chrétien. Il faisait partie du comité qui a accueilli à Sarnath le Dalaï-Lama lorsqu'il est venu du Tibet en exil en 1959. Il l'a retrouvé là bas il y a juste un an lors d'un séminaire de la Fondation Abhishiktananda, le Père Le Saux dont il était l'ami. Il vit maintenant en retraite dans le pays de sa mère, la Catalogne)

Panikkar: Quand il n'y a que le Un seulement, pourquoi y a-t-il tant de religions différentes dans le monde? Qu'avez-vous à dire à propos de ceux qui insistent que seulement une rligion est la bonne?

Mâ : Parce qu'Il est infini, il y a une infinité de conceptions de Lui, et une infinité de variété de chemins qui mènent à Lui. Il est tout, quelque soit le type de croyances ou d'incroyances comme dans le cas des athées. La croyance dans l'incroyance est aussi une croyance. Cela signifie que vous acceptez la cryance quand vous ne croyez pas. Il est dans toutes les formes et il est le Sans forme.

Panikkar: De ce que vous avez dit je déduis que vous considérez que le Sans forme (Nirguna) est plus proche de la Vérité que Dieu avec forme (Saguna)?

Mâ : Est-ce que la glace est autre chose que de l'eau? Saguna est autant Lui que nirguna. Dire qu'il y a seulement un Atma et que toutes les formes sont des illusions impliquerait que le Sans-forme est plus proche de la vérité que la forme; mais je dis que chaque forme et le Sans-forme également sont Lui et Lui seul.

Q : Je suis chrétien

Mâ : Je suis aussi chrétienne, musulmane, tout ce que vous voulez.

Q : Comment puis-je trouver le bonheur?

Mâ : Dites-moi d'abord si vous êtes d'accord pour suivre les instructions que je vous donne.

Q : Oui

Mâ : L'êtes-vous réellement? Eh bien, supposez que je vous demande de rester ici; en serez-vous capable?

Q : Non! (rires)

Mâ : Voyez-vous, le bonheur qui dépend de quoi que ce soit en dehors de vus, femme, enfants, argent, réputation -n'importe quoi- ce bonheur ne peut durer. Maçs si vos trouvez le bonheur enDieu qui et partout omniprésent, qui est votre propre Soi, voilà le bonheur réel.

Q : L'individu en moi n'a-t-il aucune substance? N'y a-t-il pas quelque chose en moi qui n'est pas Dieu?

Mâ : Non, même la forme du non-être n'est que Dieu. Tout est Lui.

Q : Y a-t-il une quelconque justification à l'activité professionnelle ou à toute autre activité du monde?

Mâ : Etre occupé avec les choses du monde, cela agit comme un poison lent. Progressivement, sans que vous vous en aperceviez, cela vous mène à la mort. Est-ce que je devrais conseiller à mes amis, à mes parents (Mâ appelait d'habitude les gens quelque peu âgés Père ou Mère) de suivre ce chemin? Je ne puis le faire. Je dis de prendre le chemin de l'Immortalité, de prendre une voie ou une autre qui vous convienne, elle vous mènera à la découverte du Soi. Mais vous pouvez faire quelque chose: quelque soit le travail que vous effectuez pendant la journée, essayez de le faire avec un esprit de service. Servez-Le sous toutes les formes, regardez chacun et chaque chose comme des manifestations de Dieu et servez-Le Lui seul quelque soit le travail que vous entrepreniez. Si vous vivez dans cet état d'esprit, le chemin de la réalité s'ouvrira devant vous.

Q : Quel est votre travail?

Mâ : Je n'ai pas de travail. Pour qui pourrais-je travailler puisqu'il n'y a que le Un?

 

Une question de Denise Desjardin sur l'adversité Kishenpur, le 12 octobre 1960

Ce matin, une jeune fille française de 20 ans est arrivée ici de Kaboul où elle avait travaillé pour un film avec Arnaud Desjardin. Elle avait été si impressionnée par un autre film sur Mâ qu'il lui avait montré qu'elle avait décidé de faire étape en Inde rien que pur la voir. Elle a dix jours à passer ici. Elle n'a quitté Kaboul qu'hier et elle a pris le train de nuit pour Dehra-Dun. Après une heure du darshan de Mâ, qui avait été principalement employée par les offrandes faites par les gens et par leur pujâ à Mâ -suivies par une demi-heure de conversations en bengali et hindi dont elle ne pouvait comprendre un mot, je lui ai demandé comment elle trouvait Mâ. Elle répondit: «J'attendais beaucoup, mais j'ai trouvé bien plus». En réplique à une question sur son désir de voir d'autrs choses en Inde elle dit simplement: «Non, je ne veux que rester auprès de Mâ.»

Plus tard dans la journée

Je demandai: Mataji, Madame Desjardins souhaite savoir ce que vous voulez dire par «vipad diya tini vipad haran karen», par l'adversité Il détruit l'adversité.

Mâ : Puisque vous dites cela, parlez-nous d'abord des sens possibles que vous avez présents à l'esprit.

Denise D: Etre un individu signifie en soi souffrance puisque cela veut dire lien, séparation du Un; mais plongé qu'il est dans les plaisirs du monde, l'individu n'est pas conscient de sa souffrance. Ainsi donc, Dieu envoie les chagrins et l'adversité pour qu'on puisse s'éveiller et réaliser le fait de sa misère innée.

Mâ :En effet, vous voyez que le bonheur de ce monde ne dure pas et vous vous mettez donc à chercher un bonheur qui dure. Quel autre signification voyez-vous?

Denise D. : Cela veut aussi dire qu'il envoie des problèmes pour éviter une grande catastrophe.

Mâ : Oui, il apparaît parfois qu'une grande catastrophe est karmiquement inévitable mais elle est évitée ou atténuée par une plus petite. Le fait est aussi qu'on doit endurer les souffrances dues à son karma, mais une fois que c'est passé, on en est débarassé. De cette façon aussi, la souffrance est utile. D'autre part, si survient une grande difficulté, on est obligé de se tourner vers Dieu puisqu'on se sent complètement incapable d'y faire face. Dans de telles circonstances, même si quelqu'un a des doutes sur l'existence de Dieu, il va se mettre à Le prier

Tout cela me rappele un incident que Mr Modi [un des plus grands industriels d'Inde] m'a raconté. Il était une fois dans un avion et il s'est mit à avoir des problèmes de moteur. On a annoncé aux passagers qu'ils étaient tous perdus, puisque le moteur ne pouvait fonctionner encore que quinze minutes. Ce fut la panique et les gens se mirent à se lamenter et à pleurer sur leur sort. Modi leur dit: «Pourquoi vous lamenter? Vous avez de la chance. C'est le moment de prier Dieu. Si vous décédez avec la pensée de Dieu vous irez droit à Lui.» Donc tous se mirent à prier avec une grande ferveur et d'une façon ou d'une autre l'avion réussit à atterrir. Bien qu'on ait réparé le moteur à ce moment-là, Modi et d'autres eurent l'intuition de ne pas remonter. Quand l'avion a redecollé, il heurta un fil électrique et prit feu instantanément avec tous les passagers dedans.

Ananda dans les Upanishads

Nous avons déjà présenté un court article dans le numéro précédent sur l'origine et le sens du mot ânanda dans les Upanishads. Nous allons maintenant continuer ce thème plus à fond, grâce déjà à des citations des textes eux-mêmes, en particulier la Taittiriya, et à la traduction intégrale de la conclusion de la thèse du Père George Gispert-Sauch qu'il a soutenu à l'Institut catholique de Paris sous la direction du Cardinal Daniélou, et qui a été publiée par la suite àDelhi (Oriental Publishers, 1977). D'origine espagnole, il vit depuis longtemps en Inde où il enseigne dans le grand institut des Jésuites à Delhi, Vidya Jyoti, et où il s'occupe d'une bibliothèque considérable d'environ 150000 livres. Ayant moi-même travaillé là-bas à des heures souvent indues, tard le soir ou le week-end, je peux témoigner qu'il est un grand travailleur devant l'Eternel et régulièrement le dernier à quitter son poste quand le reste de la maison est vide. Il a en évidence sur un mur de son bureau depuis longtemps un tissu avec un Om imprimé qui avait été offert à un de ses amis par Mâ Anandamayi elle-même, ce n'est donc pas entièrement par hasard que ses conclusions sur «ânanda» paraissent dans ce bulletin consacré à l'enseignement de Mâ.

Extraits des Upanishads à propos d'ânanda

(Comme je n'avais pas sous la main de texte français, j'ai traduit les extraits ci-dessous fidèlement de la version anglaise de Hume qui est considérée comme une des meilleures et qui a l'avantage d'indiquer les mots sanskrits importants au fur et à mesure)

Taitiriya upanishad, seconde vallî, septième anuvâka

Au commencement, en vérité, ceci (le monde) n'existait pas

De là, l'être (sat) a été produit.

Cela s'est transformé de soi-même en Ame (Atman).

C'est pourquoi on l'appelle «bien faite »(su-krita)

En vérité, ce qui est bien fait est réellement l'essence, rasa, [de l'existence]. C'est en obtenant l'essence qu'on devient bienheureux. Car en fait, qui pourrait respirer, qui pourrait vivre, s'il n'y avait cette félicité dans l'espace! Il est vrai en effet que quand on trouve une fondation dans ce qui est invisible, san corps (anâtmya), non défini, sans support, on a atteint la non-peur. Quand par contre on y crée un creux, un intervalle, c'est alors qu'on se met à avoir peur. Mais c'est en fait la peur de celui qui se considère comme sujet connaissant [en tant que séparé de l'objet connu].

A ce propos il y a aussi le vers suivant:

Huitième anuvâka

C'est par peur de Lui que le Vent souffle

C'est par peur de Lui que le Soleil se lève

C'est par peur de Lui que le Feu, Indra -et la Mort comme cinquième du groupe- se hâtent.

Voici maintenant une réflexion sur le bonheur:

Considérons un jeune, un bon (sâdhu) jeune homme bien éduqué, très rapide, très ferme, très fort. Supposons que la terre entière soit pleine de richesses à sa disposition. Voilà une unité de félicité humaine.

Cent félicités de cette homme en constituent une pour les Gandharvas humains (esprits musiciens qui habitent dans un paradis spécial) -ainsi que pour l'homme qui possède bien les Ecritures (shrotiya) et qui est indemne de la morsure du désir.

Cent félicités des Gandharvas humains en constituent une pour les Gandharvas divins - et aussi pour l'homme...

[La gradation exponentielle continuent ainsi par les étapes suivantes] : les ancêtres dans leur monde qui dure lontemps/ les dieux qui le sont par naissance/ ceux qui le sont par leurs oeuvres/ les dieux/ Indra / Brihaspati/ Prajâpati et enfin:

Cent félicités de Prajâpati en constituent une pour Brahma -ainsi que pour l'homme qui connaît bien les Ecritures (shrotiya) et qui est indemne de la morsure du désir.

Celui qui est ici dans une personne et celui qui est là-bas dans le soleil -les deux ne font qu'un.

Celui qui sait cela, en quittant ce monde, s'en va vers ce soi qui est constitué de nourriture (annamaya kosha, le début d'une série de cinq «enveloppes» décrites ailleurs dans les upanishads), s'en va vers ce soi qui est constitué de souffle (prâna), s'en va vers s'en va vers ce soi qui est constitué de mental (manas) s'en va vers ce soi qui est constitué de connaissance (vijñana) s'en va vers ce soi qui est constitué de félicité (ânanda).

Il existe également à ce propos les vers suivants:

Neuvième anuvâka:

Là d'où les paroles reviennent,

avec le mental, sans avoir pénétré -

Celui qui connaît la félicité de Brahman

Ne craint absolument rien.

Une telle personne n'est pas tourmenté par ce genre de questions: «Pourquoi n'ai-je pas fait ce qui est bon (sâdhu)? Pourquoi ai-je commis le mal (pâpa)? Celui qui connaît ceci se libère lui-même (âtmânam) de ces deux [pensées] -en vérité, de ce deux il se libère lui-même, celui qui connaît ceci!

Telle est la doctrine mystique (upanishad)

Brihad-Aranyaka Upanishad:

Ainsi parla Yanjñavalkya : [à propos de l'âme durant le sommeil profond: celui-ci est souvent comparé au samâdhi, dépourvu néanmoins d'hyperconscience]: ceci est réellement la forme qui est au-delà des désirs, libre du mal, sans peur. De même qu'un homme quand il est dans les bras de son épouse bien-aimée ne connaît rien ni dedans ni dehors, de même cette personne, embrassé par l'Ame intelligente, ne connaît rien ni dedans ni dehors. En vérité, c'est sa forme [authentique] dans laquelle son désir est satisfait, dans laquelle l'Atman constitue son désir, dans lequel il est sans désir et sans souffrance...

En vérité, quand il y a un autre, l'un peut voir l'autre...l'un peut connaître l'autre; [mais] celui dont le monde est Brahma devient un océan, celui qui voit purement et sans dualité...C'est l'homme du chemin supérieur, à la réussite supérieure. Voilà le monde suprême, voilà la félicité suprême. Sur une part seulement de cette félicité, les autres créatures vivent. (4.3. 21 et 31-32)

 

Conclusion du livre de G.Gispert-Sauch sur «ânanda dans les Upanishads»

Nous sommes venus à la fin de notre étude sur ânanda dans les Upanishads. Nous avons commencé notre étude par ls spéculations liturgico-psychologico-cosmiques qui ont trouvé leur pleine expression dans la Taittiriya bien qu'on les trouve également dans d'autres Upanishads. Dans ces réflexions on nous enseigne qu'ânanda se trouve au plus profond de la personnalité humaine correspondant d'une part à la couche supérieure de l'autel védique et de l'autre au ciel des dieux. En tant que partie la plus intime de la réalité de l'homme, on l'identifie avec Brahman qu'on décrit aussi comme satyam, jñanam, anantam (vérité, connaissance, infini). Nous avons vu comment cett réalité et expérience d'ânanda est donc caractéristique de l'Etre à sa source même, quand on ne l'a pas encore concrétisé dans la pluralité des formes, mentales ou physiques: yad vâ aniruktam tad ânandamayam, ce qui est aussi caché (à la raison) est constitué d'ânanda. (Shatapatha Brâhmana 8.2.3.11). C'est pourquoi ânanda est appelé brahma-yonî, la matrice de Brahman (Taittiriya Aranyaka 10.63.1). La félicité est donc de même nature que l'homme lui-même, et non pas une simple forme surimposée sur son noyau le plus intérieur, une alternative superficielle à une dukha, souffrance, non moins superficielle. Cette expérience de félicité est reliée au sens d'intériorité et à l'expérience de non-dualité (Taittiriya Upanishad 2.6.8). Elle est aussi en relation intime avec manas, le mental qui est sa demeure, bien que par elle-même elle soit au -delà de la vie intellectuelle de l'homme et apparentée au concept d'immortalité, non-manifeste et pacifiée (amritam, avyaktam, shântam)

Les autres chapitres de notre étude viennent confirmer la sagesse déjà enchâssée dans la Taittiriya Upanishad et dans les spéculations associées. Une des découvertes les plus intéressantes de cette étude des textes upanishadiques en détail, c'est le fait que les mêmes conceptions métaphysiques émergent répétitivement dans des spéculations différentes et dans des contextes divers, indiquant ainsi la cohérence fondamentale de l'appréhension archétypale de la réalité en Inde. Les spéculations sur le sommeil profond, comme celles sur le Yoga, insisteront sur le fait que l'ânanda parfait est vécu seulement dans l'état d'unification parfaite quand l'homme redécouvre le sense de plénitude complète (kritsna) qui correspond à l'état authentique et absolu de l'être humain, son «état céleste» au-delà de la portée et de l'appréhension du vijñânamaya purusha, l'être constitué de connaissance. Bien que la Mandukya Upanishad postule un quatrième état de l'homme, le turîya, apparemment au-delà des limites d'ânanda, la plupart des spéculations upanishadiques mettent en corrélation l'expérience de félicité avac celle des aspects ashabda (dépourvu de paroles, ou au-delà du son intérieur), amûrta (dépourvu de forme) et akâla (au-delà du temps) de Brahman, l'expérience ultime de non-dualité.

Les spécuations philosophiques sur l'expérience sexuelle dispersées dans les Upanishads et la littérature pre-upanishadiques se concentrent sur l'unité et le retour à une plénitude originelle de l'être humain dont la division des sexes est déjà un éloignement. C'est cette plénitude qui explique la félicité de la non-dualité que l'on peut recapturer dans la reconstitution de l'être humain complet grâce à l'union sexuelle. Cette expérience est aussi mise en référence avec le mental, manas, et pourtant elle est conçue au-delà du prodédé normal de pensée, au-delà de l'expérience concrète, asamvidâ iva.

Les imaginations et aspirations de l'homme sont projetées sur une vie qui est au-delà de la vie céleste. Le chapitre 6 a relevé l'évolution dans la littérature védique à propos du concept de paradis, svarga, qui s'est transformé en celui de libération complète. Ce qui importe pour nous, c'est de remarquer que le thème d'ânanda est central bien qu'ils soit joué en des modes différents. De cette façon ânanda n'est pas seulement conçu comme la source de l'être de l'homme, mais devient aussi le centre de ses apirations, le but de ses efforts en vue de la libération complète. D'abord associé à l'expérience produite par cette boisson appelée soma, ânanda se trouve être dans les Samhitâs la caractéristique des réalités célestes auxquelles le rituel védique nous mène. Cette caractéristique s poursuit dans l'eschatologie des Upanishads qui ajoute la prise de conscience -souvent exprimée sous forme mythologique- du fait que l'homme a besoin de se transformer en une réalité nouvelle avant de pouvoir entrer dans la plénitude d'ânanda. Il se trouve que cette félicité est la caractéristique des dieux, de leur demeure et de la Liberté absolue elle-même, l'état au-delà de la dualité.

Les réflexions métaphysiques ds Upanishads et du reste de la littérature védique qu'on étudie dans le dernier chapitre confirme les intuitions de base des spéculations précédentes. La félicité suppose une plénitude de l'être, un infinité, le fait de n'être lié par aucune forme, et pourtant une consistance pleine de la Réalité parce qu'établi sur sa propre grandeur. (Maitriya Up. 2.4; 6.28,38). C'est en même temps l'objet de tous les désirs. C'est dans la concentration parfaite de l'être, dans l'expérience parfaite de l'advaita qu'on trouve la félicité. C'est pourquoi il ne faut pas être surpris si les rishis, les visionnaires des Upanishads affirment avec audace qu'ânanda est Brahman et Brahman est ânanda, une affirmation déjà préparée dans la littérature pré-upanishadique qui parle d'ânanda dans le contexte du bien-être, de la prospérité, la plénitude et la perfection. Dans cet aspect de plénitude et de non-dispersion on doit chercher, mystérieusement, la raison pour laquelle ânanda est aussi la véritable racine et explication de ce partage de l'être qu'on trouve dans les Upanishads: tasyaivâ'nandasyâ'nyâni bhûtâni mâtrâm upajivanti D'un simple fragment de cette félicité, les autres êtres tirent leur subsistance (Brihad-Aranyaka Upanishad 4.3.32)

Il serait intéressant, mais au-delà des limites de cette étude de pousser plus loin l'importance de l'idée d'ânanda dans la tradition indienne postérieure. Nous savons que pour les systèmes Nyâya et Vaishesika qui ont tant de points faibles dans leur compréhension de la réalité, ânanda ne peut être conçue que comme un plaisir accidentel, sukha, en aucun cas relié au coeur de l'Etre ou à l'état de libération. On pourrait peut-être dire la même chose des systèmes du Samkhya et du Yoga, bien qu'une étude plus approfondie serait nécessaire particulièrement pour certains développements du Yoga influencés par le tantrisme ou la bhakti. L'étude des grands maîtres, âchâryas, de la tradition védantique nous amènerait certainement à recapturer l'importance centrale d'ânanda dans la tendance religieuse et philosophique de l'Inde la plus importante et la plus durable, et on devrait analyser la raison pour laquelle ce concept est devenu omniprésent dans les Upanishads des diverses écoles dévotionnelles et continue de façon prééminente comme par exemple dans l'école de la Reconnaissance (pratyabhijña) du Shivaïsme du Cachemire:

Le Seigneur suprême est un conquérant! La splendeur de sa félicité est rendue brillante par Pashyantî, le Son excellent (il s'agit de la première intuition de ce qu'on veut dire avant une verbalisation mentale claire et définie précédant elle-même l'expression orale; à ce titre, Pâshyanti est proche de cette masse sonore continue qu'on perçoit quand on se met à écouter le son du silence) qui, aussitôt qu'il est perçu (lit. «vu»), captive la conscience. (Bhatta nârâyana, stavacintâmani, 1)

Nous remarquons donc que les sytèmes et traditions qui donnent de l'importance à la notion d'ânanda sont précisément celles qui ont maintenu leur vitalité et se sont développées durant l'histoire de la pensée et des religions de l'Inde: ansi trouve-ton les différentes écoles des cultes bhakti, les Tantras et les diverses écoles de Védanta, car même la tradition du kevalâdavaita (l'advaïta suprême, de l'Unique) a maintenu en principe la suprémacie de la triade sat-chid-ânanda, être-conscience-félicité. D'autre part, les écoles qui ont minimisé l'importance d'ânanda sont celles qui ont justement cessé d'exister comme des mouvements autonomes, même si elles ont puissament influencé la pensée indienne et y ont laissé l'empreinte de leurs intuitions de sagesse de façon permanente. Aoinsi donc, ânanda justifie son importance pour l'histoire postérieure de la tradition indienne. Ce concept corrige en partie le danger de gnosticisme sec dans cette tradition. La recherche de l'Absolu est de fait une voie de connaissance, ou l'est pricipalement, déjà dans les Upanishads et souvent par la suite. Mais le but ultime de cette recherche n'est pas simplement une vision intellectuelle ni même une fusion pure de celui qui connaît et du connu ou de la lumière sans tache de la conscience du Soi: il y a là aussi ce qu'on pourrait appeler un élément méta-intellectuel, il y a la félicité, ânanda, qui ne peut jamais être réduite aux catégories philosophiques. Ceci ne signifie pas une dualité dans l'Absolu, mais un certain débordement de l'Etre dans la lumière et la joie. De cette façon l'Absolu de la philosophie védantique devient un but religieux à atteindre et attire d'une certaine façon le dynamisme religieux du chercheur.

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Table des matières

Paroles de Ma

Réponses de Vijayananda

Voeux pour le troisième millénaire

 

 

 

Jay Ma n° 60

Printemps 2001

 

Paroles de Mâ

Le chemin qu'on a choisi doit être poursuivi avec une grande vigueur afin de pouvoir développer la pureté du coeur et de l'esprit. Quand le but est toujours devant soi comme une réalité vivante, tout le nécessaire viendra de lui-même.

Si vous pouvez développer la beauté intérieure et l'installer dans ce temple glorieux qu'est votre coeur, vous serez capable de percevoir la beauté en tout.

Où que vous alliez, n'importe où et n'importe quand, allez-y de tout votre coeur et de toute votre âme, et personne ne vous paraîtra étranger.

Aucun mal ne peut submerger celui qui reste étroitement associé au Nom de Dieu. Si le flot du nom de Dieu est entretenu, chaque travail mènera au bien.

Balloté qu'il est entre les épreuves et les plaisirs de la vie de famille, l'homme du monde sent parfois s'éveiller en lui un esprit de renonciation avec une aspiration désespérée pour Dieu. Quand il en va ainsi, celui qui mène la vie de famille est en meilleure position que bien des ascètes qui ont quitté foyer et parents.

Puisque l'Esprit éternel s'est répandu dans les créatures, il est obligé que l'appel divin au retour à Shiva se fasse entendre en chacun : tous les êtres vivants, chaque créature doit être retransformée en Shiva.

Le Suprême est la Joie en soi. C'est pourquoi le but de la vie pour tous les êtres vivants est la Joie (ananda) : en tout temps, donnez et recevez le bonheur.

Réponses de Vijayananda

- Comment peut-on savoir si ce qui paraît un souvenir de vie antérieure n'est pas de l'imagination, une construction mentale?

- Vijayananda : Le premier critère est son apparition spontanée, quand on n'était pas concentré sur ce sujet. Il y a de nombreux exemples de personnes qui avaient des images et des notions claires d'une vie antérieure récente et qui ont pu retourner sur les endroits où elle s'était déroulée et vérifier les faits. Cependant, il n'y a pas lieu d'attribuer une si grande importance à des images précises. En fait tout le monde se souvient de ses vies antérieures, mais cela peut se manifester de façon non-imagée, comme par exemple à l'occasion d'un choix professionnele, etc... ou d'une tendance inexplicable par ailleurs, ce qu'on appelle samskara en Inde.. Par exemple, si quelqu'un a une passion pour les sujets militaires alors que personne autour de lui n'est dans l'armée ni n'est intéressé par ce domaine, cela peut indiquer une vie antérieure comme soldat (la conversation avait commencé car Vijayananda avait dit récemment à un visiteur indien d'âge mûr qui avait des lobes d'oreilles particulièrement longs, comme le Bouddha, qu'il avait dû faire beaucoup de pratiques spirituelles dans des vies antérieures. Cette personne est revenue aujourd'hui en disant combien elle avait été remuée par cette réflexion, et on sentait à son ton de voix que c'était vrai. Vijayananda a alors ajouté :) Il s'agit d'un signe corporel décrit par la tradition. Les personnes qui ont fait beaucoup de Yoga dans une vie passée mais n'ont pu atteindre la libération à cause d'un désir survenant au moment de la mort, se réincarnent pour essayer de satisfaire ce, ou ces désirs. Ceux-ci prennent alors la forme de samskaras ou vâsanas (inclinations profondes qui remontent en force à la surface de temps en temps), mais quand ils sont épuisés, le yoga-brashta, celui qui a «manqué le yoga» -c'est ainsi que s'appellent ces personnes- redécouvre son entraînement antérieur et se met à progresser rapidement vers le but. Ceci dit, il faut bien avouer que la plupart des souvenirs que les gens croient venir d'une vie antérieure sont en fait des fantasmes, des constructions mentales auxquelles ils adhèrent.

Vijayananda, en parlant d'une personne qui a un tempérament plutôt batailleur :

Je lui ai conseillé de ne plus méditer sur l'ajña, car cela peut accroître une colère de base quand celle-ci est présente. En fait, c'est un des conseils que Mâ m'a donné lors de notre première entrevue (il y a juste un demi-siècle). Je me suis donc mis à méditer sur le coeur, mais par la suite elle m'a demandé de nouveau de me concentrer sur l'ajña.

Q : On dit dans certain textes de Yoga ou de Tantra qu'il y a en fait deux ajña, l'un inférieur à la racine du nez et l'autre supérieur vers le milieu du front, et que le premier est relié à

l'égo et à la colère, alors que le second est associé à l'âtma et à la sublimation; avez-vous aussi cette notion?

V : C'est vrai, cela peut aider de méditer plus haut que la racine du nez pour dépasser une tension de l'égo reliée à une méditation mal avisée sur l'ajña inférieur; cepêndant, ces centres sont surtout des supports pour la rencontre des nadis. Ils mènent à une conscience au-delà du corps.

Q : Est-ce que Mâ pouvait faire comme certains maîtres tibétains qui donnent des exercices pour développer certains pouvoirs, par exemple réchauffer le corps par le tou-mo, afin d'attirer le chercheur débutant à l'intérieur de lui-même ?

V : C'est possible, mais il est difficile d'en être sûr car les excecices qu'elle donnait devaient être tenu secrets à sa demande. Ce qu'il y avait de bien avec Mâ, c'est qu'elle donnait non seulement un exercice de méditation, mais avec lui elle incluait aussi le pouvoir de le faire correctement.

Q : Est-ce qu'on peut dire que le védanta consiste réellement en une méditation sans support?

V : Même dans le védanta, il est bon pendant longtemps d'avoir un support, comme la lumière, de se représenter plongé dans une mer de lumière. On peut aussi faire cela avec le son. On peut ensuite se demander qui est celui d'où provient la lumière ou le son.

 

La mort doit mourir

par Atmananda

Nous continuons à donner maintenant des extraits du journal d'Atmananda qui vient d'être publié à Bénarès. Nous mettons d'abord des textes de 1947, c'était la période où elle se détachait d'anciens amis ou enseignants, en particulier de Krishnamurti dans l'école duquel elle avait passé dix ans à Bénarès, pour s'engager avec Mâ. Il faudrait citer plus de textes pour voir les nuances de son évolution avec celui qu'elle appelait J.K., ou simplement K., dans son journal, mais la page du 24 décembre 1947 que nous donnons ci-dessous donne une bonne idée de ce qu'Atmananda ressentait à son sujet. Elle commence par parler d'un de ses amis proches Lewis Thomson, qui est mort précocément. Il fréquentait Ramana Maharshi, et ses recueils de poèmes ont inspiré la jeune génération anglophone des années 60 et 70. Atmananda lui doit beaucoup, mais elle ne manque pas de lui envoyer quelque pointe dans son journal, comme celle que nous donnons au début des extraits ci-dessous. Dans l'édition anglaise du journal, quand Atmananda, comme un certain nombre de disciples d'Anandamayi, se réfère à Mâ à la troisième personne, elle le fait avec la majuscule Elle, Son, etc... Nous n'avons pas suivi cet usage; en effet, autant les hindous et ceux qui vivent en Inde ont l'habitude de voir le Divin dans un corps humain, autant les Français ne l'ont pas et ils risquent de percevoir dans cet usage un excès. Ceux qui voudraient commander Death must die, ce nouveau livre d'Atmananda qui mérite d'être lu, trouveront après le dernier extrait les renseignements pratiques à cet effet.

Rajghat (Bénarès), le 19 juillet 1947

Lewis ne semble plus avoir la bonne influence qu'il avait d'habitude. Ceci est dû en partie au fait que j'ai cessé de l'adorer. Le conflit profond en lui est terrible et destructif. Je peux aussi voir comment un fort esprit de critique, aussi lucide soit-il, ruine l'esprit, en particulier quand on s'y complaît et qu'on y donne une importance excessive. Il y a un certain orgueil, auto-suffisance et sentiment de supériorité dans le fait de juger constamment et de voir avec acuité les défauts subtils des gens et des choses. Mâ dit: Vous ne devez pas regarder les défauts des gens, mais rester dans votre coin et consacrer tout votre temps à ce qui est réellement important. Je ne lui obéis pas autant que je le devrais et je suis tenté de parler aux gens sans nécessité. Je n'ai pas de vrai satsang ici.

Le 23 juillet 1947

Le conseil de Mâ à propos de la colère était un autre «oeuf de Christophe Colomb» [du genre «C'était simple, mais il fallait y penser !»...] Maintenant, à chaque fois que je me mets en colère, je me rappelle que cela me détourne du Suprême. Quelles que soient les justifications qu'on puisse y trouver, cela n'en vaut pas la peine. Parfois je me mets quand même en colère, mais simplement par habitude, et je le vois maintenant. Elle tire toujours dans le mille ! ...

Le 10 août 1947

Mâ est arrivée le 29 juillet mais je ne l'ai su que le 31. Je suis à l'ashram plusieurs nuits par semaine. J'ai eu une grande dispute avec elle sur le fait d'être toujours chassée de certaines parties de l'ashram à cause des «règles». Elle a dit : C'est bien, je vais quitter Bénarès et tu vas habiter confortablement à Rajghat. Elle a réellement extrait cela de mon esprit, car je pensais en moi-même qu'il n'y avait pas de raison d'aller dans un ashram incomfortable comme celui de Mâ alors que Rajghat était beaucoup plus agréable. Elle m'a aussi dit : Pourquoi t'es-tu mis dans la tête que je suis ton ennemie? Cela a été également quelque chose qui m'a guéri. Quoi qu'elle fasse, c'est le mieux pour moi. Hier, j'ai eu un aperçu soudain de sa divinité. Son corps est à la fois un corps et pas un corps, c'est une affaire des plus mytérieuses.

Le 18 août 1947

L'autre jour, quand Mâ m'a parlé, elle m'a aussi dit : Personne ne peut être en colère avec moi pour longtmps, personne ne peut combattre avec moi. Je lui ai dit : «Je vais m'en aller». Elle répondit : Tu ne peux me quitter, plus tu essaieras, plus tu seras proche, comme collée à moi.

Le 4 septembre 1947

John est arrivé hier [Il s'agissait d'un membre actif de la Société théosophique qui avait été un instructeur d'Atmananda auparavant]. Dans quelle forteresse John vit, même s'il a sa propre profondeur ! Mais qu'en est-il de tout cela? Quand je vois toutes ses affaires et ma propre chambre pleine de livres, d'images et de je ne sais quoi, j'ai vraiment ressenti pour la première fois de prendre le sannyas ! Si on ne le fait pas, la société s'attend à ce que vous fassiez une chose, une autre et encore une autre. Il n'y a que la robe orange qui vous protège de ces demandes. Si je veux réellement être un sadhaka, je ne dois pas être troublée par quoique ce soit. Même ce soir, je sens la présence de Mâ, si forte et elle me manque tant ! Pourtant, elle a quand même dit : Faites chaque chose comme un service. Vous ne devez pas laisser tomber cela [vos activités] avant de ne pouvoir plus du tout travailler à cause de la force de votre absorption complètement en Dieu ...

Des gens vinrent et couvrirent Ma avec des guirlandes, elle en donna à tous ceux qui étaient présents. Quand je pensais qu'il n'y en avait plus et je ne regardais pas dans sa direction, elle me lança un morceau de guirlande avec deux grandes fleurs à chaque extrémité. Je regardais cela en demandant : «Qu'est-ce que c'est?». Ma répondit : main aor tum (moi et toi). Je ne pouvais l'entendre correctement et cela me fut répété trois fois. J'ai pensé que tout cela tombait vraiment bien, car je m'étais senti quelque peu oppressée par mon passé qui était remonté à cause de la visite de John. Je suppose que ce qu'on a en soi doit remonter à la lumière afin d'être dénoué, démêlé et éclairci. Sa grâce m'a particulièrement touchée ce soir- là ... Elle a dû voir tout ce qui dans mon passé me liait à John et l'a maintenant défait. C'est pourquoi l'abandon à un vrai gourou est si important ...

23 octobre 1947

John est parti hier. Je réalise qu'il n'y a rien qui puisse justifier que je m'identifie à la Blanca [le nom d'Atmananda auparavant] qui était tellement fascinée par lui à 16 ou 18 ans. Je ne peux plus considérer cette fille comme moi-même. Qu'est-ce que c'est que l'individualité ? Qu'est-ce qui lie les expériences ensemble ? Est-ce seulement le corps ? Mais lui aussi n'est plus le même. Chaque atome qui le compose doit avoir changé depuis. Mais il y a une structure qui se dégage d'elle-même et qui maintient une certaine forme. Si je ne peux m'identifier avec la Blanca d'il y a des années, il s'ensuit que ce que je semble être maintenant est également temporaire et ne représente pas du tout l'essence. Mais alors, qu'est-ce qui demeure?

24 décembre 1947

J'ai lu plus des entretiens récents de J.K (Krishnamurti) à Madras et je sens que je n'ai plus envie d'aller l'écouter. Cela me serait plus ou moins inutile et même probablement perturbant. Je trouve qu'il y a quelque chose qui manque en lui. Il ne pas donne pas le Tout, mais présente seulement un aspect, très probablement en réaction à la situation d'aujourd'hui, mais cela induit en erreur. Il vous emmène pour un bout de chemin, mais ensuite vous laisse courrir à vide et sans aucun soutien. Après tout, c'est sa propre intensité et expérience qui donne de l'impact à ce qu'il dit et quand il est parti, vous revenez virtuellement à votre état d'esprit précédent, induit et influencé par votre entourage qui est tout à fait contre vous. Je doute qu'il soit possible de maintenir cette conscience

tout le temps, à moins de vivre dans un environnment où les autres sont vraiment conscients. C'est pourquoi il est nécessaire -en dépit de ce qu'il dit- de vivre auprès de quelqu'un de réalisé autant que possible ou au moins de vivre dans une sangha, une sorte de couvent où les autres font des efforts dans le même sens que vous.

Mâ semble être bien plus réaliste et avoir un plus grand sens de ce qui marche vraiment quand elle dit aux gens de s'en tenir à leurs prescriptions dharmiques traditionnelles. L'Inde menace de devenir une imitation bon marché de la «civilisation» occidentale, qui, en fait, dans sa manifestation matérialistique actuelle n'est pas une civilisation du tout. En effet, elle est née de ce qui est superficiel et pas comme la culture indienne, des profondeurs considérables de la réalisation des Rishis. C'est ici qu'on doit trouver la base pour une nouvelle culture.

L'éducation ici est complètement occidentale, mise à part celle donné par un vrai Gourou à son disciple. Il n'est pas vrai, comme le dit J.K, qu'elle soit basée sur l'autorité. Cela peut en avoir l'apparence, mais en fait elle est fondée sur un amour qui vous submerge et un abandon complet qui accomplit l'annihilation de l'ego avec ses limitations inhérentes et son ignorance. J.K. a ses limites, car il refuse de reconnaïtre que c'est complètement différent d'aimer et d'être aimé par un Etre réalisé que par humain ordinaire accablé par son ego.

Ce n'est pas seulement une satifaction émotionnelle qui relie le disciple au Gourou. Cet amour des pus intimes, qui est réellement la révélation de son Soi le plus intérieur, absorbe votre esprit et vous devenez Cela. Ainsi donc, le Gourou est un véhicule qui vous fait monter de plus en plus à son niveau et alors c'est toute votre perspective qui se transforme-vous devenez déconditionné- libre.

De toutes façons, si l'on rencontre un tel grand Etre qui fait surgir votre amour, on ne se préoccupera jamais de ce que J.K. dit et c'est peut-être pour cela qu'il ne sera jamais confronté avec une telle situation, car après avoir trouvé un tel Etre, qui s'emcombrerait donc la tête à aller discuter avec lui ?

Malati souhaite aller à Bombay pour écouter J.K., mais sa position est différente. Elle ne prend pas dogmatiquement ce qu'il raconte, mais en retire ce qui fait sens pour elle et il y a une clarté en lui qui l'influencera probablement dans le bon sens. Elle se met, par exemple, en quatre pour préparer la cérémonie de la cordelette de Ravi [rituel d'initiation des garçons brahmines vers l'âge de douze ans qui en font des «deux fois né», avec entre autres le devoir de réciter le mantra de Gayatrî tous les jours] et se prosterne tant et plus devant Mâ, etc,... et ne se soucie pas du fait que J.K. tourne en dérision toutes ces choses. En cela elle est comme la plupart des Indiens dont la conscience est naturellement installée dans leur culture au-delà du temps et qui absorbent ainsi facilement des contradictions de surface. Les Occidentaux en sont incapables. Comme Mâ lui a dit, telle l'abeille elle va rassembler son miel de nombreuses fleurs.

Hatha-Yoga spontané Allahabad, Kumbha-Méla, 1er février 1960

Kriyânanda (un américain disciple de Yogananda Parmahamasa et qui a fondé un bon nombre de communautés spirituelles) : Est-ce que les femmes peuvent pratiquer siddhâsana ? (Une posture de yoga similaire au lotus, mais avec les deux talons l'un sur l'autre au niveau de la ligne médiane : certains enseignants de yoga la déconseillent aux femmes)

Mâ : Quand ce corps a joué le jeu de la sadhana (les pratiques spontanées qui sont venues à Mâ quand elle était jeune femme dans les années 20), siddhâsana est apparue d'elle-même. Elle peut donc être pratiquée par les femmes aussi bien que par les hommes. Quand une âsana est pratiquée comme une expression naturelle de l'état intérieur, elle sera parfaite, c'est- à-dire que la position des jambes, des mains, des bras, de la tête -tout sera exactement comme cela doit être. Effectuer une âsana par un effort de volonté n'aura jamais la même perfection. Les âsanas sont reliées au rythme de la respiration et celle-ci l'est avec l'état intérieur à un moment donné. Quand les âsanas sont accomplies comme une pratique yoguique, c'est-à-dire avec l'ntention d'atteindre la révélation de l'union avec le Un qui existe éternellement, ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles parviendront au résultat escompté. Si on les fait uniquement comme un exercice physique, elles procureront la santé et le bien-être, mais c'est tout -pas l'union véritable (yoga). Même quand on a atteint la perfection d'une posture particulière et que son essence s'est pleinement révélée, on doit penser : j'ai atteint ceci, mais qu'est-ce que ça vaut ? Ce n'est pas le but ultime  

Cette attitude est le vairagya (détachement). On s'efforce ensuite d'atteindre le stade suivant et ainsi de suite. On doit garder cette attitude jusqu'à ce que rien ne reste à atteindre, c'est seulement à ce moment-là qu'on parviendra à l'Ultime. Sinon, on est bon pour traîner lontemps à un niveau donné plutôt que de progresser rapidement vers le but final. On doit associer le hatha-yoga avec le râja-yoga (la gradation des excercices d'intériorisation jusqu'à la méditation et au samâdhi), sinon il s'agit d'un simple excercice physique.

Quand ce corps a effectué des âsanas, elles sont survenues spontanément, les jambes ont pris les positions justes d'elles-mêmes poussées par un pouvoir intérieur qui n'était pouvoir rien d'autre que la Shakti de l'Atma. Une fois, j'ai bougé ma jambe de façon volontaire et je me suis fait mal. Le trouble est resté, il est toujours là.

Lumières Allahabad, le 2 février 1960

Le professeur de chinois de l'université d'Allahabad, Mr Chow, demanda : Une fois, en méditant dans une pièce obscure, j'ai eu l'impression qu'elle était baignée par le clair de lune; mais lorsque j'ai ouvert les yeux, je me suis aperçu que j'étais dans le noir. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Mâ : Voir de la lumière est un bon signe. Tant que le chemin n'est pas éclairé, comment peut-on voir quelque chose ? Il en va de même dans le monde matériel, tant qu'il n'y a pas d'éclairage vous n'y voyez rien. A présent il y a la lumière à l'extérieur et l'obscurité au-dedans. Quand la lumière se répand sur le monde intérieur, celle du dehors s'efface. Cependant, il s'agit d'un stade où il y a encore une différenciation entre intérieur et extérieur; mais il y en a un autre après où il n'y a plus ni intérieur ni extérieur, l'ensemble des choses est vu comme un tout.

 

Continuité dans l'amour de Dieu, détachement et bonheur Poona, le 5 juillet 1961

Il a plu des cordes depuis plusieurs jours presque sans interruption. Ce matin, Mâ parlait du temps et de combien de problèmes chacun avait eu pour venir à elle. Elle dit alors: «Il n'arrête pas de pleuvoir. Si votre amour de Dieu pouvait pleuvoir comme cela, s'écoulant sans interruption, comme il serait beau ! On dit que la saison des pluies favorise l'amour et la dévotion à Dieu. Que le courant de votre dévotion pour Lui coule continûment comme cette pluie !».

Q : Pourquoi Dieu permet-il tant de souffrances dans le monde? Demandez à qui que ce soit ici : personne n'est heureux et pourtant tous veulent l'être.

Mataji : Si vous désirez les choses de ce monde, vous serez malheureux et si vous progressez vers Dieu, vous serez heureux. C'est la manière dont il vous enseigne à venir vers Lui. Si vous n'aviez pas de difficultés, vous ne penseriez pas à Lui. Mais vous désirez toutes sortes de choses et ainsi vous êtes malheureux. Il y a l'histoire de l'âne qui est une bonne illustration de la façon dont les choses fonctionnnent dans ce monde. Un dhobi (blanchisseur) possédait quelques ânes pour porter les habits dont il avait fait la collecte pour les laver. Comme il était pauvre, sa maison était trop petite pour garder les ânes à l'intérieur et il les laissait dehors pendant la nuit. Il ne pouvait même pas s'offrir assez de corde pour tous les attacher. Les ânes s'enfuyaient et le dhobi passait des heures à essayer de les retrouver. Il eut donc une idée astucieuse. Il noua autour d'une de leurs pattes un petit bout de corde et chacun, pensant par ce contact qu'il avait été attaché, resta debout au même endroit pendant toute la nuit. Il en va de même dans le monde. Vous sentez le contact de Mâyâ et vous imaginez que vous êtes liés. Vous pensez : comment puis-je faire sans mes enfants, mon mari, ma femme, mes parents, etc.et ainsi vous restez là où vous êtes et ne progressez pas vers Lui.

Ceux qui voudraient se procurer l'ouvrage original d'Atmananda en anglais, qui vient de sortir à Bénarès, peuvent écrire à Alvaro Enterría, Indica Books, D 40/18 Godowlia Varanasi 221001 UP, Inde. Le prix du livre en couverture souple (paperback) est de 400 Rps, en couverture cartonnée (hardback) de 500 Rps, ce à quoi il faut ajouter environ 300 Rps de port par avion, ce qui fait en Frs environ 110 Frs dans le premier cas et 130 dans le second; ils acceptent les chèques. Vous pouvez écrire en français de la part de Jacques Vigne et de Jay Ma à Alvaro: il a été éduqué au lycée français de Madrid, mais vit depuis une douzaine d'années à Bénarès où il pratique sa sadhana, s'est marié avec une indienne et publie des livres spirituels intéressants en anglais, espagnol et parfois même en français.

 

Anandamayi : une rose mystique

par Mahendranath Sircar, docteur en philosophie

J'ai rencontré Mâ pour la première fois en 1929 à Dacca où je m'étais rendu dans le cadre du Congrès indien de philosophie. J'étais tout à fait décidé à la rencontrer. C'était un de mes amis pour lequel j'avais beaucoup d'estime qui me l'avait conseillé. Il faisait partie de ses proches. On m'avait dit qu'Anandamayi était douée de qualités spirituelles rares. J'éprouve un grand intérêt à rentrer en contact personnel avec des hommes ou des femmes qui ont des dons spirituels, en particulier quand leur vision est authentique et n'est pas adultérée par de l'intellectualisme et des idées d'emprunt.

Anandamayi n'a guère eu le privilège de faire des études; elle est presqu'illettrée et n'a pas bénéficié dans sa jeunesse de la compagnie d'être spirituels. En tant que maîtresse de maison dans une famille d'humble condition, elle était occupée par la tenue du foyer. Elle n'avait pas de monde en dehors du sien et de celui de sa famille proche. Elle était une fille de village extrêmement simple, pas du tout compliquée et à cent lieues des manières d'être qui caractérisent la vie de la civilisation moderne. Cela fut mon impression lorsque je l'ai rencontrée pour la première fois dans une maison à Ramna, Dacca. Elle était assise seule dans une chambre plutôt grande et j'arrivai là-bas quand le soleil était déjà couché. Il y avait une lumière dans la pièce et après m'être enquis du lieu où se trouvait Mâ, on m'a invité à y rentrer, ce que je fis. Ma première impression a été d'un être humain doux, délicat et beau comme une fleur. Ce jour-là, elle n'était pas très communicative mais les mots même qu'elle échangeait produisaient un effet évident. Elle se mit à s'intérioriser et à s'enfoncer en elle-même. Elle devint complètement silencieuse, mais pas moins communicative; son silence était des plus éloquent. Anandamayi était belle dans son apparence mais à mesure qu'elle allait plus profond en elle-même elle devenait plus radieuse, manifestait plus son humeur et son état d'esprit et fondait sa douceur et sa grandeur silencieuse dans cette atmosphère de quiétude. Notre première rencontre s'acheva en silence.

La nouvelle de notre entrevue fut répandue dans le congès par un universitaire de Bombay. Les professeurs distingués de Bombay, Poona, Madras et d'autres parties du pays me demandèrent de les emmener chez Mâ. Le lendemain, nous étions tous réunis chez elle, la maison était pleine. Un professeur du Wilson College menait la discussion et j'étais l'interprète. Elle dura pendant trois heures et on posa toutes sortes de questions, mais surtout sur des sujets de philosophie. Les réponses de Mâ survenaient spontanément, immédiatement, comme si elles étaient là toutes prêtes. Elle n'avait ni hésitation, pas le moindre processus de pensée consciente, pas le moindre signe de nervosité en elle. Ses réponses tombaient à point nommé, elles étaient libres des lourdeurs techniques de la philosophie. Toute l'assistance s'est mise à aimer sa vive intelligence, son esprit de répartie et les expressions de son visage qui parlaient à la fois au coeur et à l'âme. On a entendu celui qui posait les questions dire que pendant tous ses voyages en Europe et en Amérique, il n'avait pas rencontré de femme si illettrée et pourtant si sage.

Vers la fin de la discussion, Anandamayi était à l'évidence immergée en elle-même et en un moment d'inspiration émit une ou deux phrases en sanskrit. On ne put les saisir et donc les noter. Toute l'assemblée était dans la joie, émerveillée par sa sagesse, son expression qui coulait de source et par la lumière de son sourire sur le visage.

J'ai revu Mâ quelques années plus tard deux fois à Bénarès. Elle me fit une impression presqu'identique, avec cette différence qu'elle était maintenant plus consciente et d'une humeur qui semblait plus calme (composed). L'inconscience et la spontanéité en elle étaient passées au second plan et elle était maintenant devenue une enseignante consciente et l'interprète de sa propre expérience ... A certains moments elle prenait son essor dans la région sublime de l'intuition et de l'Intellect et sentait la totalité de l'existence dans son extension maxima. Elle mettait en avant la non-division de l'existence et réalisait le silence transcendant avec un calme de l'Intellect teinté par la ferveur des émotions. J'ai eu une fois la chance de faire un voyage sur le Gange avec elle en avril dernier [probablement en 1945] et j'ai entendu une description éloquente, dans un état d'exaltation, à propos de son omniprésence et de son immanence en toute chose. Le fait qu'elle soit elle-même une avec le coeur de l'existence ne signifie pas qu'elle demeure sans cesse dans les plaisirs des hauteurs. Elle s'identifie souvent avec les misères de l'humanité et montre son souci de porter sur ses épaules son fardeau. Elle n'est plus maintenant inclinée à retomber dans ce silence qui lui est naturel, mais elle souhaite vraiment assumer un service dépourvu d'égo pour inspirer, guider et offrir un baume apaisant à l'humanité qui souffre. A présent, elle se sent totalement imprégnée de vie, de souffle et de félicité.

Elle se reconnaît elle-même dans cette pulsation cosmique qui exprime le fait d'être ici et maintenant, et pourtant elle est loin au-delà dans un silence inaccessible. Anandamayi a dit une fois : la satisfaction de chacun est ma satisfaction, le bonheur de chacun est mon bonheur. Les misères de chacun sont mes misères. A d'autres occasions, elle a dit : Il n'y a pas de misère, car je n'ai pas de misère. Le soleil et la lune sont mes formes. Agni (le Feu) et Vayu (le Vent) sont mes pouvoirs. En un autre moment d'inspiration, elle a dit : je n'attend pas que vous soyez prêts spirituellement. Comme le Gange qui s'écoule, je continue à répandre sans cesse, sur tous et tout ma compassion. C'est ma nature. C'est mon être ...

Son instruction principale est de développer un abandon (surrender) complet au Divin grâce au coeur. L'abandon ouvre l'être intérieur, lui insuffle une aspiration et le rend prêt à recevoir; finalement il permet l'identification de l'âme qui aspire avec le Divin dans cet espace qu'il y a au plus intime du coeur. Tout devient alors facile; en effet, les déformations de notre être sont alors enlevées et il peut se tenir debout, sans masque, dans la lumière et la splendeur divine. Une fois que l'être a la touche du Divin, les impressions s'approfondissent grâce à cette tendance ascendante de l'être qui se développe petit à petit. Une grande force descend, elle purifie et donne forme à l'être et le rend digne d'une réussite plus haute, c'est-à-dire la révélation de la sagesse profonde, d'une lumière non tamisée et du pouvoir certain.

L'être (physiquement) frêle d'Anandamayi se trouve illuminé par une lumière rare, ainsi qu'élevé par une rare vision. Elle est vraiment devenue une Rose spirituelle d'où se dégage une douceur peu commune, une délicatesse rare et des vagues d'une félicité excellente. J'ai vu une de ses photographies qui avait été prise juste après l'une de ses extases. On pouvait voir comme imprimé sur son visage un charme divin. C'est comme un clair-obscur spirituel à la tombée du jour, mi-conscient, mi-inconscient de la lumière qui se retire, un jeu d'ombre et de lumière divine. Elle était alors comme un Lotus, réceptivité pure dans la lumière du Soleil enveloppée par l'obscurité du crépuscule.

 

 

Nataraja

Par Monique Manfrini

Un pied levé

Et l'autre piétinant

Tu danses, entouré de flammes,

Le torse embrassé du serpent familier

Ton mouvement est Vie intense

Et immobilité sereine

La couronne de feu qui t'encercle

Sans jamais t'effleurer révèle ta puissance

Et la force de ta danse...

Tu relies ciel et terre

 

Ecrasant l'ignorance et la stupidité, vaincues,

Mais, élevant l'homme vers la vraie Vie

Cachée derrière Maya, le voile opaque

Dérobant le sens profond de ta danse.

Danseur de l'Univers,

Autour de toi gravitent

Les flammèches-planètes

Qui, sans cesse, s'agitent, meurent

Et renaissent, magiques,

Dans leur mouvement ordonné.

Bien que tu ne bouges pas,

Tout est équilibre

Mouvant autour de toi...

Nous t'admirons et vénérons

Ta beauté et ta Sagesse

O Dieu ascète qui danses

Pour nous révéler le Vrai

Blotti sous cette existence...

J'imagine ta danse, couronne

D'un pic de l'Himalaya, immaculée,

Sur fond d'azur bleu et doré,

Au point du Jour, éternellement

Renaissant de la création

Monique Manfrini 40 Chemin de Cézanne n°23 La Campagne Bleue 13016 Marseille

 

Le maître

par Silviane Le Menn

Le maître n'est rien

il est tout dans l'un

et un dans le tout

Il est la balle de ping-pong

qui renvoie sans cesse

l'être à sa propre image

Ouvert ou fermé

il cultive la rose

Humain et divin d'un pôle à l'autre

il suit l'éternel rythme

du flux et du reflux

Point d'interrogation vivant

il est

les pieds dans la terrre

et la tête dans les étoiles

Il est planté droit

à l'intersection de lui-même

à la verticale de son horizontale

dans l'axe de sa transparence

à la croisée du coeur avec le Coeur

Le maître n'est rien

et pourtant il est tout

Compris et incompris

il est danger et sécurité

Il va d'un extrême à l'autre

Il fait tout et son contraire

et trouve ainsi le Centre

la Voie du milieu.

Silviane Le Menn

29150 Dinéault

 

Les archétypes de l'union mystique dans l'hindouisme

par Jacques Vigne

Intégrer, unifier, totaliser, en un mot abolir les contraires et réunir les fragments est, dans l'Inde, la voie royale de l'Esprit.

Mircea Eliade

Mircea Eliade a passé plusieurs années en Inde et à même pratiqué pendant quelque temps le yoga à Rishikesh sous la guidance de Swami Shivananda. Il a écrit un livre sur le Yoga qui est devenu un classique et un ouvrage sur l'androgyne dont nous avons tiré la citation en exergue. Le monde intérieur comme extérieur repose sur les paires d'opposés (dvandvas), le but de l'évolution humaine est d'aller au-delà de la dualité de ces paires (a-davaïta). Dans ce long processus, la réussite du mariage intérieur est une étape importante.

Nous pouvons commencer par évoquer le rituel du mariage hindou tel qu'il est pratiqué encore couramment: le coeur de ce rituel correspond au moment où les époux se prennent par la main et tournent sept fois autour du feu sacré. Ceci évoque la construction d'une union spirituelle (l'ascension spiralée des sept chakras) autour de cette base qu'est le feu du foyer, ou le feu du désir. En effet, que deviendrait ce feu intérieur s'il n'était pas recouvert et dépassé par le tournoiement, le vertige ascendant du «deux» en train de devenir «un»?

On raconte une histoire à la fois jolie et profonde sur le mystique Toukaram : sa femme était plutôt irascible contre lui, car il ne rapportait guère d'argent à la maison. Un jour, Toukaram venait de finir de récolter les cannes à sucre dans ce qui était son seul champ; celui-ci était assez éloigné de sa maison et il revenait avec sa charette chez lui. En chemin, il rencontre de pauvres gens et, pris de compassion, il leur donne des cannes à sucre; puis d'autres cannes à d'autres mendiants et ainsi de suite jusqu'au moment où il parvint chez lui avec juste une seule canne qui restait dans la charrette. La femme apprit ce qui s'était passé et dans sa fureur se saisit de la canne et la brisa en deux sur le dos de Toukaram. Celui-ci devint très joyeux et dit:'Avant, il y avait un problème parce que nous n'avions qu'une canne pour deux, mais maintenant il est résolu car nous avons deux pour deux, chacun la nôtre!' La femme représente ici le désir physique qui veut toujours posséder plus, d'où la colère qui amène à briser le un en deux et produit un sentiment de frustration à long terme. Toukaram représente le mariage extérieur vécu spirituellement, ou même directement le mariage intérieur: dans le deux apparent, il ne voit que le un et en retire de la satisfaction, de la joie à long terme. Ce sont des points de vue différents sur la même situation concrète de départ.

Il existe dans l'hindouisme une représentation quelque peu étrange de l'union mystique, mais qui s'explique aisément si on connaît un tant soit peu le Yoga; il s'agit de celle de la déesse tantrique Chinnamasta (masta, tête chinna, coupée). On la représente nue, dansant sur Kama et Rati, le dieu et la déesse du désir allongés en union sexuelle au sein d'un lotus géant, et elle tient sa propre tête coupée entre les mains. De son cou sortent trois jets de sang; celui du centre nourrit sa propre tête, les deux latéraux alimentent ses deux compagnes qui avaient faim et soif et qui lui avaient demandé quelque chose pour se nourrir. Comme ils étaient en pleine mer et qu'elle n'avait rien d'autre, elle s'est tranché la tête et leur a offert son propre sang. La danse de Chinnamasta sur le couple en union représente la montée de l'énergie vitale. Le jet central correspond au sushumna, et le fait qu'il nourrisse la tête de la déesse elle-même exprime le rayonnement spirituel qui découle d'une montée réussie de l'énergie. Ce rayonnement profite également aux autres, d'où les deux jets latéraux alimentant les compagnes. Du point de vue non-duel, la vie de la nature où certains animaux mangent les autres et l'homme mange les animaux évoque le sacrifice incessant de la déesse-mère qui est à la fois celle qui mange et celle qui est mangée, c'est comme cela que Mâ Anandamayi avait interprété le symbole pour un visiteur qui lui avait posé la question. Dans la voie de la dévotion, bhakti, les fidèles sont en général considérés comme féminins, Dieu étant le seul homme, on retrouve cela dans le christianisme où c'est l'âme féminine qui s'unit au Christ ou au Père. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre l'histoire de Krishna entouré des seize mille gopis (bergères); il correspond au Soi unique qui exerce sa fascination au plus profond de chaque âme. Les gopis peuvent aussi représenter les multiples facettes ou subpersonnalités du psychisme, chacune étant attirée à son niveau et à sa manière par le Soi. Mirabaï était une célèbre adoratrice de Krishna. On raconte qu'elle est venue un jour dans le haut-lieu de son culte, Vrindavan sur le bord de la Yamuna, en aval de Delhi. Elle voulait y rencontrer un moine réputé, le successeur du saint Chaitanya Mahaprabhu, mais celui-ci était un ascète très strict et lui fit répondre par son disciple qu'il ne voyait pas les femmes. Mirabaï a répliqué: 'Je croyais qu'ici il n'y avait qu'un seul homme, Krishna.' Le saint fut frappé par cette réponse et sortit avec grand respect pour la rencontrer.

La relation entre u,n ou une femme guru et ses disciples de l'autre sexe, peut aussi être considérée comme un mariage spirituel. Me revient en mémoire un exemple où une fois, cela a même débouché sur un mariage légal. Upasani Baba était le disciple principal de Sai Baba de Shirdi, le saint le plus connu de l'Inde du début du XXe siècle. Il commençait à avoir lui-même un petit groupe de disciples femmes, mais leurs familles faisaient des difficultés et voulaient les reprendre pour les marier. Profitant du droit de l'époque inspiré par la loi musulmane et autorisant la polygamie, Upasani Baba épousa légalement cinq ou six d'entre elles le même jour. La cérémonie se déroula près de la statue de la divinité qu'ils adoraient, le maître prit d'une main la main de la statue et de l'autre côté demanda à ses disciples de lui tenir le bras. Les familles ont dû s'incliner, et il se trouve qu'un siècle après, l'ashram d'Upasani Baba près de Shirdi, au Maharashtra, est une des plus grande institution religieuse d'Inde pour les moniales. C'est comme si ce mariage spirituel était si stable qu'il et passé d'une génération à l'autre.

Le mariage intérieur n'est pas un but en soi, mais un moyen pour avoir une ouverture vers le divin. On peut mieux saisir cela en comparant la position des mains d'Arjoûna et de Shiva. Arjoûna, le guerrier qui pose les questions dans la Bhagavad-Gîtâ, voulait recevoir une arme miraculeuse des mains de Shiva et s'est donc mis à faire pénitence. Il est représenté debout sur un pied avec les mains jointes au dessus de la tête dans une ancienne sculpture (VIe siècle) taillée à même le rocher à Mahabalipuram en bord de mer, au Tamil-Nadou, nous y reviendrons à la fin de ce chapitre. Les mains jointes sont le signe naturel d'une humble requête. Quand elles sont au-dessus de la tête, elles marquent une intensification qui transforme la demande en imploration. On peut mentionner, en passant, le mouvement analogue des ailes des chérubins dans la Bible; elles se rejoignent au-dessus de leur tête, là où, dit-on, Dieu est assis. Cette rencontre permanente des mains ou des ailes le long de l'axe médian évoque l'union des canaux et le mariage intérieur.

A l'opposé, la première qualité de Shiva est, d'après le Shaiva Siddhanta, l'école shivaïte principale du Sud de l'Inde, qu'il ne joint jamais les mains en signe de demande ou d'obéissance. Quand on le représente, par exemple, à Chidambaram, sous forme de Nataraj, le roi de la danse, il a les quatre bras grand ouverts et l'impression d'expansion est encore augmentée par le prabhâ mandal, le cercle de flammes qui l'entoure. Le nom même du lieu où il danse signifie espace, ambaram, de conscience, chid. Pour nous résumer, on peut parler d'un double courant: la concentration sur un point donné des courants de sensations latéraux, exprimés par l'appui des mains l'une contre l'autre, amène à une absorption complète, puis celle-ci se tranforme soudain en explosion avec perception directe et immédiate de l'espace tout entier. C'est ainsi que le mariage intérieur réussi mène spontanément à son propre dépassement dans le Soi.

Mariage de Shiva et Shakti et expérience d'immortalité

Le sage et écrivain mystique du Maharashtra médiéval Jñaneshwar a commencé un de ses principaux livres, Expérience d'immortalité par un chapitre sur l'identité de Shiva et Shakti. Celle-ci correspond à la manifestation et Shiva à l'Absolu. Il continue ensuite par un chapitre sur l'unité du gourou et du disciple que nous avons cité dans Le maître et le thérapeute. C'est un des plus beaux textes de la littérature indienne sur ces sujets. Les images sont assez claires et poétiques en elles-mêmes et chacun peut les méditer comme il le sent.

D'entrée de jeu, Jñaneshwar présente Shiva et Shakti comme un couple plus que parfait: «Par amour, l'époux lui même est devenu l'épouse (verset 2). Shiva et Shakti sont si intimement unis qu'ils s'avalent l'un l'autre tout le temps afin de prévenir toute rupture dans leur unité; ils ne se séparent que pour mieux profiter (de la présence) l'un de l'autre dans leur amour réciproque.(v.3)... Ils ont engendré un enfant aussi grand que l'univers, mais ils sont toujours conscients qu'aucun sens de dualité ne doive entacher leur amour mutuel. Ils s'assurent que l'émergence de l'univers n'a pas lieu comme une troisième entité séparée d'eux-mêmes, et que l'unité originale continue à demeurer à tout jamais. (v.6, 7)»

«Il est impossible de décrire l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre -leur relation est tellement intime qu'on peut les découvrir en train d'exister ensemble dans l'atome et les particules subatomiques. Aucun des deux n'a d'existence indépendante et aucun d'eux ne peut produire même un brin d'herbe en l'absence de l'autre.(v.11,12) Ils deviennent tous les deux sujet et objet l'un par rapport à l'autre, et les deux sont subjectivité dans leur unité.(v.16).»

«Le discernement qui désirait faire une différence entre eux deux a été tellement submergé par l'intimité de leur relation qu'il en a perdu la face et s'est caché en se fondant dans leur non-dualité. (v.9) Lui qui par amour d'elle est devenu le spectateur et qui manifeste l'univers entier, perd sa forme en son absence et perd tout intérêt dans la manifestation de l'univers. (v.33) Shiva et Shakti, chacun met en avant la prééminence de l'autre en réduisant l'espace de sa propre influence. (v.32)»

«Shakti présente à son époux Shiva de la nourriture sous forme des objets multiples de l'univers et Shiva, ainsi éveillé, dévore non seulement l'univers apparent mais aussi Shakti elle-même qui lui a présenté les aliments. (v.36) La femme ayant épousé Cela qui perdure après que tout s'en soit allé et qui tient de là son autorité, et sans laquelle Cela n'est pas même conscient de lui-même, cette femme n'est pas différente deCela. (v.27) Le jour et la nuit sont tous deux inconnus du Soleil, de même une compréhension de l'unité essentielle entre Shiva et Shakti dissipe tout sens de dualité.(v.43)»

«Tout effort pour identifier les deux, Shiva et Shakti, mène à l'absolu silence des mots, de même qu'il est impossible de distinguer entre deux différentes rivières quand toute la région est inondée par les flots. (v.46)»

Ma Anandamyi disait qu'elle avait exploré dans sa jeunesse toutes les voies de sadhana pendant une période qu'elle appelait le «jeu de la sadhana». On lui a alors demandé quelle avait été son expérience du tantrisme de la main gauche. Elle a simplement répondu :«l'union de l'hommme et de la femme est à l'intérieur»

Le mariage de la conscience (Shiva) et de l'énergie (Shakti) peut être interprété du point de vue du bouddhisme théravada comme celui de de la respiration elle-même et de l'observation de cette respiration, celle-ci étant liée à l'énergie. Par ailleurs, la relation d'unité dans le cadre d'une polarité tenue par deux personnes divines pourrait faire parler de bi-unité. Celle-ci évoque fortement la tri-unité caractéristique de la Trinité chrétienne. Là, les personnes sont distinguées sans séparation et unies sans confusion, comme le dit la théologie traditionnelle. Il est intéressant de noter aussi qu'on peut repérer une tension analogue entre védanta et shivaïsme du Cachemire d'une part, et entre monothéisme juif orthodoxe et cabbale d'autre part. Dans le premier cas, védanta et orthodoxie juive ancienne, il y a une unité absolue (Brahman, YHWH) qui ne tolère aucune polarisation, alors que dans le second est développé un couple masculin-féminin, Siva-Shakti en Inde ou le Roi et la Reine dans la cabbale. Cette polarisation reste cependant une étape du pèlerin en route vers l'Unité; comme le dit Abhinavagupta en citant un auteur dont il ne donne pas le nom :«ayant réduit le multiple à l'Un, qui ne serait pas libéré des liens? iv».

Notes

i) Eliade Mircea, Méphistophélès et l'androgyne, Gallimard, Folio-essais, 1962, p.139

ii) Le Yoga Payot ainsi qu'un livre plus court, Patanjali et le Yoga dans la collection Maîtres spirituels au Seuil

iii) Jñnaneshwar Amritanubhava -Experience of immortality commentairy by Ramesh Balsekar (a disciple of Nisargadatta Maharaj) Chetana, Bombay, 1984, chapter 1- livre traduit enfrançais par Inner Quest, si mes souvenirs sont bons.

iv) Person to Person: on Abhinavagupta Père Jean Dupuche, communication faite à un séminaire à Bangalore en 1977 qu'il a eu l'amabilité de me communiquer

 

Nouvelles

- La version complète en anglais du journal spirituel d'Atmananda vient d'être publiée. Nous l'avons annoncé avec les détails pratiques pour ceux qui souhaitent se la procurer

- Jean-Claude Marol va bientôt faire sortir un nouveau livre sur Mâ Anandamayi. Tenez-vous au courant, quand nous en aurons l'information nous l'annoncerons.

- Le travail pour le site de Mâ en espagnol progresse. Il y a déjà en ligne ‘In your heart is my abode’ de Bithika Mukerji. Jacques Vigne a avec lui le manuscrit de la traduction de ‘Words of Mâ’ qu'il va falloir scanner ou saisir d'une façon ou d'une autre sur ordinateur d'ici un mois ou deux. Il est probable que l'ouvrage sera non seulement sur le site de Mâ, mais aussi sur un site organisé par l'Ambassade d'Espagne en Inde, ce qui permettra une meilleure diffusion dans le monde hispanisant. Un couple d'amis enseignants et philosophes vivant à Malaga mais qui ont étudié à Bénarès, travaillent à traduire Matri Darshan de Bhaïji. D'après les estimations des démographes, dans le courant du XXIe siècle les deux langues les plus parlées dans le monde ne seront pas l'anglais, mais l'espagnol et l'arabe. Atmananda souhaitait qu'il y ait des textes de Mâ publiés en espagnol, maintenant son voeu se concrétise au moins par l'intermédiaire de l'internet.

- La Kumbha-Méla de janvier s'est bien déroulée malgré le foid. On estime à vingt ou vingt-cinq millions le nombre de personnes qui l'ont visitée, et l'organisation de Mâ était présente grâce à son camp. Une jeune française que nous connaissons, car elle a fait une retraite à notre ashram de Kankhal, a été filmée par une équipe de la 5 et passera probablement sur le petit écran vers fin mars ou début avril. Elle a choisi de laisser pour trois semaine son travail d'enseignante du français à l'Université de Bénarès pour faire du service en s'occupant des soins aux lépreux qui viennent en grand nombre pour la Méla.

- Un groupe d'une quinzaine de personnes réunies au départ par Initiations de Bruxelles viendra pour deux semaines de retraite début avril, principalement à l'ashram de Patal Dévi à Almora dans l'Himalaya avec Swami Nirgunananda, mais aussi quelques jours à Kankhal pour avoir des satsangs avec Swami Vijayananda. D'autres occidentaux se joindront probablement à cet évènement. C'est la première fois à ma connaissance qu'un groupe d'occidentaux investit ainsi un ashram de Mâ, et est réuni spécifiquement pour venir y faire retraite.

- Il est bien possible que Swami Nirgunananda retourne en France cet été, bien que je n'ai pas encore d'informations précises. Renseignements dans le prochain Jay Mâ, ou directement auprès de Claude Portal, 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain-en-Laye, Tél: 01 34 51 74 41

- Après quelques années d'existence, le Centre International de Kankhal se développe. De plus en plus de gens savent qu'il existe et il arrive maintenant qu'il soit plein en période ordinaire, c'est-à-dire en dehors des fêtes de l'ashram. Che va piano va sano...

- Jacques Vigne accompagnera un pèlerinage au Mont Kailash, à l'ouest du Tibet, du 1er au 21 septembre. Mâ avait été au Kailash en 1936 dans des conditions plutôt rudes (cf le cinquième volume des livres de Gurupriya Devi sur Mâ). Le présent voyage est organisé par Initiations (Montagne Saint-Job 90 1180 Bruxelles 00 32 2 395 48 11), avec l'aide de professionnels de Delhi et Kathmandou. Ce voyage sera certainement bien plus facile qu'à l'époque de Mâ car la plus grande partie du trajet est faite en 4x4, et la marche elle-même n'est que de six jours autour du Kailash et sur les bords du lac Mansarovar. Jacques Vigne reveindra ensuite, vers début octobre en France à l'occasion de la sortie chez Albin Michel de son nouveau livre sur’ Le Mariage intérieur’, et peut-être d'un autre text sur ‘L'écoute du silence’ où il rapproche le Yoga, la Bible et le christianisme. Il repartira vers l'Inde en mi-mars 2002.

 

Abonnements

Le renouvellement général des abonnements a eu lieu lors du numéro d'octobre dernier. Ceux qui ne l'auraient pas encore fait peuvent se mettre ne règle en envoyant un chèque de 90 Frs à l'ordre de Jacques Vigne à Nadine et José Laudebat-Sanchez, 210 rue Galliéni, 92100 Boulogne Tél 01 41 31 28 00

L'abonnement est jusqu'en décembre 2002, soit 6 numéros.

 

 

Table des matières

Paroles de Ma p.1

Réponses de Vijayananda p.2

La mort doit mourir Journal d'Atmananda p.4

Anandamayi, une rose mystique M.Sircar p.16

Nataraja poème par Monique Manfrini

Le maître poème par Silviane Le Menn p.22

Les archétypes du mariage intérieur dans l'hindouisme

J.Vigne p.23

Nouvelles p.31

Abonnements p.34

 

 

 

 

Numéro 61 Eté 2001

 

Paroles de Mâ

Si vous êtes capable d'aimer Dieu réellement - c'est l'achèvement de tout amour.

Le désir intense pour la réalisation de Dieu est lui-même la voie qui y conduit.

Si quelque chose doit être obtenu -quoi que ce soit, de quelque manière que ce soit- cela doit être obtenu de LUI seul.

Le devoir obligatoire de l'homme en tant qu'être humain est de chercher refuge à Ses pieds.

Les jours s'écoulent; vous en avez déjà laissé passer tellement; efforcez-vous d'utiliser au mieux le nombre de jours qui vous restent à vivre.

Le courant incessant, sans fin, de miséricorde et de compassion divines se déverse sans cesse : dans ce courant baignez-vous.

Où va celui qui part et d'où vient-il ? Pour ce corps [Ma] il n'y a ni allée ni venue. Ce qui existait avant existe même maintenant. Qu'est-ce que cela fait si l'on meurt ou si l'on reste en vie ? Même après la mort Il existe encore, alors pourquoi se sentir bouleversé ?

Le voyage de la vie doit inévitablement se dérouler de la manière que vous avez décrite. Scrutez chaque foyer et voyez combien de personnes n'ont jamais connu de deuils. C'est pourquoi la seule manière de sortir de cette misère est la voie de la réalisation du Soi.

Le Soi, en lui-même contenu, ne faisant appel qu'à Lui-même pour Sa propre Révélation -ceci, c'est le bonheur.

 

Réponses de Vijayananda

- Est-ce que vous avez eu des moments de doute ?

- Vijayananda : Jamais à propos de la sadhana elle-même, j'ai toujours été convaincu que c'était la seule chose qui vaille vraiment la peine. Je n'ai jamais douté de la grandeur spirituelle de Mä Anandamayi, mais quelquefois je me demandais si, étant complètement immergée dans l'orthodoxie hindoue, elle était capable de guider un occidental né et élevé dans une tradition totalement différente. Mais cela a été utile, parce que j'ai été obligé d'atteindre le «dénominateur commun», c'est-à-dire le niveau commun à toutes les religions.

- Un visiteur français qui vit depuis plusieurs années en Inde : Est-ce que vous avez senti dans votre méditation des points de non-retour où vous sentiez que vous ne pouviez plus régresser ou retomber ?

V : Oui, le jour où j'ai rencontré Mâ. Elle m'a donné le shaktipath, l'éveil du pouvoir intérieur que seul un maître authentique peut donner et qui crée une relation éternelle, indestructible entre maître et disciple.

- Est-ce que vous avez le sentiment malgré cela d'avoir fait des progrès après ?

V : Bien sûr, à moins d'être au sommet de la Réalisation, il faut travailler. On dit, dans les Yoga Sutras de Patanjali il me semble, qu'il y a un moment où le rocher roule en bas de la montagne; il a trouvé son équilibre et ne peut plus remonter : c'est le sahaja sâmadhi, l'état naturel.

- Parfois j'ai l'impression que Mâ m'entend, parfois non, pourquoi ?

V : C'est que vous n'appellez pas avec assez d'insistance. Le seul langage que Mâ (Dieu) comprenne, c'est celui du bhava, c'est-à-dire l'intensité de l'émotion. Les mots ne sont qu'un support pour le bhava. Si vous priez avec cette intensité jusqu'à ce que des larmes vous coulent des yeux, votre prière sera sûrement exaucée.

- Ai-je raison de penser que c'est tous les jours l'anniversaire de Mâ (et pas un jour en particulier) et qu'elle est aussi ailleurs que dans le samadhi où l'on peut pénétrer ce jour-là ?

V : A ceux qui demandaient, une année, à Mâ où se déroulerait son prochain anniversaire, elle a dit : «Que ceux qui croient à la vie et à la mort s'en occupent !» Et puis, bien sûr, Mâ est partout et surtout dans notre coeur, elle voit tout et elle sait tout encore maintenant.

 

 

La place de Dieu est dans le coeur de l'homme

Extrait de «Ten inspiring stories», de Shivananda (traduction)

Un homme riche était sur son lit de mort. Un jour, il appela son fils et dit : «Mon fils, très bientôt, je vous quitterai. N'ouvre pas l'armoire qui se trouve dans le coin de cette chambre, à moins de tomber en très mauvais état, totalement désespéré et désemparé. Sur ces mots, l'homme ferma les yeux pour toujours.

Il se fait que son fils était très dépensier et en très peu de temps il eut dépensé tout l'argent qu'il avait et se retrouva sans le sou, à tel point qu'il ne pouvait même plus subvenir aux besoins de sa famille.

A ce moment-là il se rappela les dernières paroles de son père et alla ouvrir l'armoire. Son désapointement fut grand de constater que l'armoire était vide, ormis quelques vieux chiffons. De dépit, il les jetta au loin et commença à creuser à l'endroit même, dans l'espoir de trouver un trésor caché. En vain.

A ce moment-là un sadhu passa par là. L'apercevant, le fils se précipita sur lui en sollicitant son aide. Le sadhu accepta de lui porter assistance et le suivit dans la demeure.

En approchant de l'armoire, il la scruta des yeux et dit : «Je voudrais examiner l'armoire, installe-moi un siège tout près».

Assis à côté de l'armoire, il commença par la vider des chiffons et se mit à gratter le vernis noir dont elle était enduite et ne tarda pas à s'exclamer : «Quelle merveille. Faites, attention, cette armoire est en or solide.»

A ces mots, toute la maisonnée se rassembla et leur joie ne connut pas de limites; ils se prosternèrent aux pieds du sadhu.

A nouveau, ils étaient riches et coulèrent des jours heureux en faisant bon usage de leurs richesses.

Mâ, qui racontait l'histoire, commenta : «Le coeur de tout homme est une armoire en or, qui est la demeure de Dieu. Il suffit simplement d'enlever la couche de peinture extérieure et de la vider et l'on trouvera Dieu qui sera sa parure».

 

Mâ Anandamayi

par Prabash Chandra Gupta

Pour rappel, ce livre a été retrouvé récemment par Swami Nirgunananda à Almora. Tout le monde semblait en avoir oublié l'existence; pourtant, il s'agit du premier recueil des expériences des premiers disciples de Mâ. Il a été publié en anglais à Calcutta en 1946.

C'était en 1938. Je dînais chez un ami. Ils y avaient d'autres convives, certains que je connaissais, d'autres, non. Je ne me rappelle plus de comment nous en sommes venus à parler de dirigeants spirituels. A chaque fois qu'un nom était cité dans la discussion, il faisait l'objet de commentaires cyniques. Ce dont je me souviens très bien, c'est que l'on ne fut pas plus tendre avec Mâ Anandamayi. Ce que j'en avais entendu en quittant la maison de mon hôte continuait de résonner dans mes oreilles : CE N'EST QU'UNE FEMME. Ces mots traduisaient-ils un sentiment d'indifférence ou avaient-ils pour but de masquer un ressenti plus authentique ?

Puis en 1940 je retrouvai mon unique ami d'école. Nous étions très proches. Je ne l'avais plus vu depuis plusieurs années. Il se mit à me parler de Mâ. Alors les mots RIEN QU'UNE FEMME me revinrent à la mémoire. Je priai avec insistance mon ami de me mener auprès de Mä, ce que Niraj fit. C'est alors que je la vis et eus ma réponse. Oui, C'ETAIT UNE FEMME : tout amour, pureté, innocence et beauté. Et je me demandai quelle était sa principale caractéristique ? Le plus frappant était-il qu'elle créait une atmosphère agréable ? Peut-être. Puis je regardai les choses différemment et je compris que c'était sa manière d'être détachée.

Ce qui n'était au début que de la curiosité de ma part devint un réel intérêt et je fis ma routine d'accompagner mon ami quotidiennement pour le DARSHAN. Elle ne prenait pas disciples et donc n'avait pas à agir dans un but intéressé. Cela était à la fois noble et rare. Jamais auparavant n'avais-je vu un être humain aussi dénué des entraves de sentiments particuliers ou personnels. Jamais je n'avais vu un mortel revêtir si parfaitement le don divin d'impartialité.

Cela me rendit rêveur et alimenta mes pensées de manière plaisante. Je me pris à classifier les êtres selon un intérêt décroissant dans l'environnement immédiat. Je commençai par l'amibe et terminai par le mathématicien. Le maximum de détachement semble pouvoir être atteint dans les mathématiques pures. L'esprit se meut dans une trame infiniment compliquée qui est absolument libre de considérations temporelles. Mais l'activité du mathématicien lui donne un avantage inhérent : il ne peut que se tromper et ne peut pas tricher, alors que le métaphysicien, lui, le peut. Etais-je en train de devenir partial envers l'impartialité du métaphysicien ? Certainement pas. Les problèmes dont s'occupait Mère apparaissaient être d'importance accablante quand elle s'y intéressait. Une foule de gens composée de personnes critiques et crédules les écoutait avec une attention profonde. Elle traitait les problèmes exposés avec grande exactitude, comme s'ils étaient un quizz dans la théorie des nombres. C'était l'aube d'une nouvelle ère dans mon existence. L'on me demanda de conduire Mère au collège théosophique de Rajghat, à Bénarès. B. Sanjiva Rao, le fondateur et secrétaire de ce collège, était venu pour le darshan et avait invité Mâ à Rajghat. Ce M. Rao, mon ancien professeur et à cette époque

mon supérieur immédiat, m'avait prié de l'escorter; c'était un grand honneur pour moi. Je me suis senti doubler de volume sous l'effet de l'importance. Mon coeur était devenu plus léger. Je me sentais comme dans un avion qui avait décollé du sol sans qu'on s'en aperçoive; je montais de plus en plus haut sous l'effet de l'exitation et contemplais le monde en-dessous. Mon exitation venait de ce que je découvrais : je n'avais jamais encore vu la terre aussi glorieuse.

Je pensai à toutes les questions qui seraient certainement posées par les personnes de Rajghat. L'un ou l'autre demandera : «Où suis-je ?», ou bien «Que suis-je ?», un autre encore «De quelle causalité est-ce que je tiens mon existence et à quel état retournerai-je ?». Un troisième, «De qui vais-je rechercher les faveurs, de qui dois-je craindre la colère ?», un quatrième, «Quels êtres m'entourent-ils ? Sur qui ai-je de l'influence ? Qui a une quelquonque influence sur moi ?» Je savais qu'ils s'attendraient à de la logique et de la philosophie, alors que chez Mère le dernier vestige de pénétration théologique a été repoussé. C'est comme si la raison, dans toute sa force et sa pureté, était devenue Sienne. Quand elle parle, je vois tout d'abord de l'étonement apparaître sur le visage de ses interlocuteurs, puis de la confusion et, finalement, une étincelle indiquant la compréhension dans leurs yeux. Ils n'avaient jamais pensé pouvoir recevoir réponse aussi simple. Alors que M. Rao l'accompagnait au véhicule qui l'attendait, il me lança : «Prabash, c'est une grande âme que j'ai rencontrée aujourd'hui.»

Le temps passa. J'eus beaucoup d'occasions d'être parmi la foule de gens qui se pressait pour avoir le darshan, que ce soit à la maison pour pélerins de Lucknow ou chez mon ancien camarade de classe, à Lucknow, dans les salles d'attente ou sur les quais de la gare de la même ville ou à Rai-Bareilly. J'ai vu des groupes entiers d'hommes et de femmes La regardant avec un amour et une estime retenus et d'autres débordant de joie délirante. Les sentiments et le sentimentalisme prenaient-ils leurs aises ? Mère gardait un sourire serein tout du long. Elle était «le désir du coeur combiné à la lumière des yeux». Et j'avais plaisir à comparer ce rayonnement de sérénité aux émanations du soleil «dont le faisceau est l'essieu de la terre, dont le battement scande une année et dont le souffle est son océan». Pendant un instant fugace, la vie se dévoila à moi avec son pouvoir d'amour, de joie et d'admiration. Quand les mots sortent de Sa bouche un tressaillement vous passe dans les veines et le pouvoir est presque visible.

Le monde n'a pas été divisé par les murs de l'individualité; le courant limpide de la connaissance ne s'est pas perdu dans les sables mornes des habitudes désuettes; «l'esprit est dénué de peur et la connaissance est libre et disponible».

 

 

Interprétation des paroles de Mère ( Matrivani) à partir de la physique

par S.K. Bose (traduction)

S.K. Bose est un disciple de Mâ. Il est professeur-directeur de laboratoire en physique fondamentale, spécialisé en cristallographie et les nouvelles formes de rayons X. Dans les pages ci-dessous, il exprime des vérités spirituelles énoncées par Mâ dans un langage et avec des images tirées de la physique moderne. Il y a une longue tradition de scientifiques spirituels, depuis Pythagore et les présocratiques en Grèce, les penseurs jaïns en Inde, plus récemment Pascal, Leibnitz, Goethe et de nombreuses personnalités qui écrivent de nos jours dans ce domaine qu'on appelle transdisciplinaire.

L'auteur remercie Richard Lannoy qui a publié dans son livre Anandmayee quelques événements inédits qui l'ont inspiré pour analyser Ses paroles à la lumière de la cosmologie astrophysique.

Richard Lannoy, dans son livre Anandamayee, cite des paroles de Sri Sri Mâ en réponse à un de ses dévots qui sont à la fois utiles et importantes : «Une relation éternelle existe entre Dieu et l'homme. Mais dans Son jeu il arrive que cette relation se casse ou plutôt semble être rompue. Il n'en va pas vraiment ainsi, car le lien est éternel. Quelqu'un qui est venu voir ce corps a dit être un nouveau venu. La réponse qu'il reçut fut DEPUIS TOUJOURS NOUVEAU ET DEPUIS TOUJOURS ANCIEN

Ce genre de réponse de la part de Mä trouve une explication hautement scientifique qui révèle indirectement que Sri Sri Mâ vécu parmi nous dans un état éternel fascinant d'omniscience, d'omnipotence et d'omniprésence tout en étant dans l'univers physique du temps, de l'espace et de la matière. En clair, elle était la «complétude» de toutes les existences «finies» et même plus que cela. Nous tous, les vivants et les autres, sommes contenus dans un plus large «tout» qui subit un cycle sans fin de transformations, alors que Son aspect éternel transcendant est à jamais complet et inchangé. Les structures de ce genre, dans l'astrophysique quantique, s'appellent POINT OMEGA.

Mathématiquement parlant, l'achèvement de toutes les existences finies, et même plus, est fini à cause du fait que les interactions entre les événements qui se sont passés, se passent et se passeront dans toute l'histoire de l'univers convergent à un moment donné vers un point appellé le point Omega. Selon la théorie de Penrose, toute l'historique du présent, du passé et de l'avenir se retrouve interceptée au point Omega sous une forme hautement condensée. Sri Sri Mâ parlait souvent de brahmabindu qui semble être synonyme du point Omega.

Les signaux concernant les personnes ayant vécu il y a des millénaires, qui sont en vie dans le présent et qui vivront dans des milliers d'années dans l'univers sont stockés dans la mémoire de Sri Sri Mâ au point Omega et de ce fait elles font l'expérience de la totalité de l'histoire de l'univers toutes en même temps. Il lui est donc possible d'identifier une personne, que celle-ci soit nouvelle ou non. C'est sans doute ce qui l'avait fait répondre DEPUIS TOUJOURS NOUVEAU ET DEPUIS TOUJOURS ANCIEN. Cela prouve que tous les êtres sont associés à elle de manière cohérente et qu'elle en est consciente en permanence, étant omniprésente, omnisciente et omnipotente. Pour des gens comme nous, le jeu divin (lila) de Sri Sri Mâ n'était pas une question de jouer avec Dieu, mais bien de l'humanité qui s'assure de son union avec Dieu.

 

Réflexions sur quelques paroles de Sri Sri Mâ avec l'aide du langage scientifique

par S.K. Bose (traduction)

A maintes occasions, lors des entretiens, Sri Sri Mâ exprima son sentiment envers la conscience divine avec des mots choisis qui, en général, n'étaient pas compréhensibles pour beaucoup d'entre nous.

Avec la bénédiction de Sri Sri Mâ suit ci-après une tentative d'explication et d'analyse de quelques-unes de ses paroles sous un angle scientifique, ce qui pourra peut-être en aider certains à revoir leurs pratiques spirituelles.

Le pouvoir de comprendre l'incompréhensible, de connaître quelqu'un qui est à l'intérieur de nous peut être obtenu en suivant scrupuleusement la voie et les instructions données par le gourou. Mâ a fait cette déclaration plusieurs fois, recommendant de ne pas relâcher ses efforts dans la sâdhana jusqu'à ce que l'illumination soit obtenue. Il s'agit de rester imperturbable dans ses efforts et de garder à l'esprit que l'adoration n'est pas un rite, mais une attitude, une expérience visant à atteindre le sommeil yogique. Sri Sri Mä était d'accord pour dire que toute interruption ou discontinuité engendrerait des courants de pensée parasites chez le pratiquant, atténuant la tendance de l'esprit à atteindre la Force Suprême. L'on se doit donc d'avoir de la constance, tel un flot continu d'huile, jusqu'au moment où l'on fait l'expérience de la convergence. C'est comme le courant électrique, l'électricité, qui n'est rien d'autre que l'union de deux opposés. Similairement, l'être suprême apparaît au moment où la conjonction s'opère. Ce serait comme une réaction chimique qui se passerait entre l'amour divin (DL) et le désir (DD), DD étant le soluté et DL, la solution qui le reçoit.

DL+DD DL DD+E(cal)

E représente l'énergie absorbée au cours du processus qui donne une solution homogène DL DD, tout comme dans les réactions endodermiques. Une fois la réaction terminée, le désir (DD) ne sera plus un élément isolé, il se sera perdu dans l'amour divin (DL). Ceci est l'objectif premier dans la sâdhana pratiquée pour atteindre l'illumination. Sri Sri Mâ a fait plusieurs allusions dans ce sens dans un langage télégrammique parfait.

Pour comprendre la réaction spirituelle, on peut se reporter au graphique de la figure 1 pour en comprendre la mécanisme. Celui-ci montre les variations de l'amour divin (DL) et du désir agissant comme des unités fictives lors du saut (dn /dt) qui se produit au cours de la sâdhana.

 Sri Sri Ma conseilla souvent de commencer la sädhana sans plus perdre de temps, de s'asseoir et de se concentrer sur l'amour divin. De laisser les désirs qui encombrent l'esprit jusqu'à arriver au moment critique, comme au début du graphique de la figure 1, c'est-à-dire dans un état mental complètement libéré des désirs (DD), un état de repos total.

C'est ce que montre plus clairement la figure 2 qui indique un accroissement graduel de l'amour divin alors que les désirs se dissolvent en lui.

 Dans un langage mathématique, l'amour divin

DL 1/DD = k/DD

K est une constante dont la magnitude et la direction sont différentes selon les personnes et les facteurs propres à chacun, les événements de l'espace/temps qui ont une influence sur la nature puis le développement de tout un chacun depuis la naissance et tout au long des expériences vécues. C'est sans doute la raison pour laquelle l'apparition du temps critique (Tc) est impossible à prédire pour une personne. Sri Sri Mâ y fait référence en quelques mots, comme Richard Lannoy le raconte si bien dans son livre. Le tout est de s'efforcer sans cesse de saisir le moment suprême; l'être suprême est présent à tout moment, mais notre ignorance fait que nous échouons constamment, alors que cela peut se passer à tout moment. Sri Sri Mâ disait souvent «Je suis un enfant et vous, mes parents». Ceci signifie qu'elle n'avait pas l'ombre d'un désir. Cette absence de désir, comme chez l'enfant, se trouve donc au point d'origine dans la figure 2 et indique qu'elle était à tout moment immergée dans l'océan de l'amour divin infini.

Sri Sri Mâ souhaitait par conséquent que nous ne perdions plus de temps, nous incitant à nous asseoir pour la sâdhana afin de dissoudre totalement les désirs dans l'amour divin. Cela accompli, l'esprit est complètement détaché de la gangue du matériel et tous les moments pourront être vécus comme captivants. A ce niveau, le passé, le présent et l'avenir ne seront plus séparés et toute l'histoire universelle convergera au moment critique en un seul point, le point Omega de la cosmologie ou Brahma bindu, comme l'appelle Sri Sri Mä, à savoir le point qui consolide les expériences de toute l'histoire universelle toutes ensemble (2,4). L'important est de vouloir de tout son être saisir le moment critique, ce qui fera réaliser à la personne que tout le matériel qui est ou qui n'est pas est à Lui et est Lui seul.

En conclusion, Sri Sri Mâ avait mis sur la voie de cette approche de manière directe et indirecte, le but étant de saisir le moment suprême en rompant totalement d'avec les désirs et en arrivant au point Omega, selon la terminologie de la cosmologie, un état absolument dénué de désirs. A ce stade, l'esprit goûtera à la saveur de la joie suprême naturelle.

 

Mataji a le kheyala de quitter Dacca

par Bithika Mukherki

Sur le chemin du retour, Mataji passa par Calcutta, Puri et Vidyakut. Maintenant que Bholanath n'était plus tenu par aucun travail, on se rendit compte qu'ils pouvaient fort bien ne plus revenir à Dacca. Shashanka Mohan et quelques autres allèrent à Vidyakut pour convaincre Bholanath de rentrer à Dacca quelques jours avant l'anniversaire de Mataji (en mai 1929). Entre temps, les efforts de Bhâiji, de Niranjan Rai et des autres avaient porté leurs fruits. Le terrain de Ramna avait pu être acheté et on y avait construit une petite hutte en terre pour Mataji. Elle avait eu le kheyâla de ne pas loger dans un bâtiment en briques. L'anniversaire fut à nouveau célébré dans l'enthousiasme à Siddeshwari. Dans le courant du mois de mai, Mataji fut invitée à inaugurer le nouvel ashram de Ramna. Elle était l'image même d'une divinité, radieuse, d'une beauté indescriptible. L'un après l'autre, les fidèles venaient se prosterner devant elle. Elle regarda Bholanath avec une lueur malicieuse dans les yeux et dit : «Vas-tu faire le pranâma, toi aussi ?». Mais il secoua la tête en souriant. Alors Maroni (1), qui n'était pas loin, s'exclama : «J'ai vu grand-père se prosterner devant grand-mère». Le secret ainsi trahi d'une façon inattendue fit rire tout le monde de bon coeur.

Un jour où Bholanath était absent, Mataji fit le tour de l'ashram posant parfois les mains sur le mur d'enceinte. Didi l'observait et fut prise d'une crainte soudaine : elle se souvint qu'elle avait agi de même avant de quitter Shabagh définitivement. Les proches de Mataji savent qu'à certains moments, le plus hardi d'entre eux n'ose pas lui dire un mot, tant elle parait lointaine et inaccessible. En ces moments elle semble ne plus reconnaître personne ni se soucier aucunement des opinions d'autrui. On se doutait que Mataji allait faire une chose qu'il serait difficile d'accepter, mais personne ne dit rien. Elle alla s'asseoir près de son père et chanta avec lui. Ensuite, elle prononça un flot de mantras. Cette musique céleste était fascinante. Peu après, elle évolua un moment avec le groupe de chanteurs.

Elle s'arrêta brusquement et dit : «Maintenant, il faut que vous me donniez tous la permission de partir. Je dois quitter Dacca aujourd'hui». «Mâ, comment accepter une chose pareille !» s'écrièrent ses compagnons. Comme un petit enfant angoissé, Mataji les supplia : « Je vous en prie, ne mettez pas d'obstacles sur mon chemin, sinon je laisserai ce corps ici et partirai». Le silence se fit. Tout le monde avait les larmes aux yeux en la regardant. Elle reprit : «Quand Bholanath arrivera, mettez-le au courant. Dites-lui de ne pas me dire non». «Mais qui vous accompagnera ?» demanda quelqu'un. « Pour ma part », répondit-elle, «je n'ai besoin de personne. Mais si vous pensez que je dois être accompagnée, je peux demander à mon père». Dadamasai rentra prendre quelques bagages et se tint prêt. Mataji n'emportait rien. Elle alla s'asseoir à l’extérieur

(1)La petite fille de la soeur de Bholanath que ses parents lui avaient confiée.

et un groupe silencieux l'entoura. «Quand part le prochain train ?», demanda-t-elle peu après. «A minuit», répondit-on. «S'il vous plaît, faites le nécessaire pour que je puisse le prendre».

Shashanka Mohan avait fait prévenir Bhâiji. Il était avec Bholanath et ils arrivèrent ensemble. Mataji demanda à Bholanath l'autorisation de quitter Dacca avec son père. Avant qu'il ait eu le temps d'exprimer ses réticences, Mataji dit : «Si tu dis non, je quitte ce corps à l'instant même». Cela coupa court à toute récrimination. Bholanath était bien le dernier à mettre en doute cette affirmation. Mataji n'avait encore jamais exprimé son kheyâla avec autant de force. Très abattu, Bholanath dit : «Très bien, je ne m'y oppose pas». Il ajouta : «Si tu voyages sans moi, les gens vont dire du mal de toi». «Je ne ferai rien qui puisse susciter les critiques», dit Mataji; «mon père m'accompagnera. Les gens diront-ils du mal de moi ?» Elle interrogea ses compagnons du regard. Ils s'empressèrent de la rassurer : «Non, Mâ, personne ne dira ni ne pensera du mal de vous».

On fit chercher une voiture, mais Mataji ne l'utilisa pas. Elle marcha jusqu'à la gare en compagnie de tous les fidèles qui portaient des torches et des lanternes. Mataji dit qu'elle irait à Mimensingh et s'installerait chez Kalipada, un neveu de Bholanath. Elle avait d'abord pensé à Ashu, mais personne ne savait où il était. Le train arrivait. Au dernier moment, Bhâiji monta dans le compartiment de Mataji, expliquant : «Baba (Bholanath) m'a demandé de vous accompagner». Elle ne répondit pas et le train s'éloigna dans la nuit.

Mataji n'avait rien pris avec elle, pas même des vêtements de rechange. Le lendemain, Shashanka Mohan partit pour Mimensingh avec des couvertures et des vêtements. Mais elle ne l'encouragea pas à rester et il regagna Dacca le jour même. Mataji se rendit à Cox's Bazar, puis au mont Adinath, une île du golfe du Bengale. Au bout d'une semaine, Bhâiji rentra à Dacca et reprit son travail. En apprenant que Mataji avait parlé de lui, Ashu était venu à Dacca. Quand Bhâiji eut rapporté où se trouvait Mataji, Bholanath et Ashu partirent immédiatement la rejoindre. Ils allèrent ensuite à Calcutta chez la soeur de Bholanath. Mataji demanda à Bholanath de rester à Salkia chez sa soeur et elle partit pour Hardwar avec son père et Ashu. De Hardwar ils se rendirent à Dehra Dun et aux sources de Shasradhara. Quelques jours plus tard, elle eut soudain le kheyâla de se rendre à Ayodhya, un autre lieu sacré des Provinces Unies. Elle se promenait avec Ashu sur les bords du Gange, lorsqu'elle lui demanda d'aller chercher leur maigre bagage. Ils allèrent à la gare sans prévenir personne. La raison probable de ce départ discret, c'est que Kunja Mohan s'était joint à eux en dépit du kheyâla répété de Mataji. Mataji et Ashu ne connaissaient absolument pas Ayodhya, mais ils ne rencontrèrent aucune difficulté. Le contrôleur de la gare les invita chez lui. Pendant deux jours, ils visitèrent les endroits sacrés de la région puis retournèrent à Hardwar. Mataji se rendit à l'ashram de Bholagiri Maharaj où se trouvait Sri Gopinath Kaviraj. Dadamashai et Kunja Mohan furent heureux de retrouver Mataji, et son sourire radieux. Kunja Mohan tomba malade et dut rester à Hardwar, tandis que Mataji partait pour Bénarès. A Bénarès, Dadamashai eut la fièvre et resta chez la soeur et le beau-frère de Didi. Mataji continua son périple sans idée précise, en compagnie d'Ashu, Nani (quatrième enfant de Kunja Mohan) et Manik, un jeune étudiant. Manik dit : «Si nous allions à Vindhyachal». Mataji approuva. Puis elle eut le kheyâla d'aller dans un endroit où personne ne la connaissait. Le fils aîné de Kunja Mohan l'accompagna à Calcutta chez un de ses amis, le docteur Girin Mitra.

Mataji était allée autrefois à Navadwip, célèbre lieu de pèlerinage au Bengale. On l'avait emmenée voir un sâdhu qui observait un silence total. Un jour, chez le docteur Mitra, quelqu'un mentionna ce sâdhu et cela fit naître en Mataji le kheyâla d'aller le revoir. Elle partit s'installer à son ashram avec la belle-soeur du docteur. Une vieille femme s'occupait du sâdhu. Elle n'apprécia guère la présence des deux nouvelles venues. Mataji l'assura qu'elles ne la dérangeraient pas. Le sâdhu était assis, figé comme une statue, ne clignant même pas des yeux. Sa servante racontait à tout le monde que c'était un grand prêtre spirituel et qu'il ne quittait jamais son siège. Peu à peu, Mataji, de sa manière inimitable, perça le secret du sâdhu : il se levait et mangeait en cachette pendant la nuit. Il lui avoua qu'il n'aimait pas se moquer du public mais que la vieille femme avait de l'emprise sur lui et ne voulait pas le laisser partir. Avant de s'en aller Mataji conversa avec lui. Plus tard, on lui raconta qu'un beau matin les gens de Navadwip eurent la surprise de trouver le siège du sâdhu vide et l'ashram déserté. Personne ne sut quand ni où il était parti.

Mataji avait eu le kheyâla de se tenir à l'écart des villes où elle était connue. Le docteur Mitra la conduisit dans son village du Bihar, sans rien dire aux habitants. On apprit que Bholanath n'était pas en bonne santé. Il retrouva Mataji à Calcutta où se trouvait aussi Bhâiji en mission officielle. Bholanath était mécontent de n'avoir pas été tenu au courant des allées et venues de Mataji. Elle ne dit rien et ne tenta pas de s'expliquer. Les fidèles de Dacca attendaient impatiemment son retour et ils furent déçus d'apprendre qu'elle était partie avec Bholanath, pour Chandpur. Bhâiji, Shashinka Mohan et Nishikanta allèrent à Chandpur pour leur demander de revenir à Dacca. Mataji resta silencieuse et Bholanath, un peu indécis, promit cependant de retourner à Dacca prochainement.

 

 

L' écoute du silence chez Kabir dans la tradition des Sant

par Jacques Vigne

Cette victoire intérieure qui permet de stabiliser le son fondamental donne lieu à un titre, Omkarnâth, le seigneur, nâth, de la syllabe, kar, Om. Un maître spirituel proche de Mâ Anandamayî s'appelait Sîtârâm Omkarnath. La symbolique derrière ce nom suggère que quand le mariage intérieur (Sîtâ et Râma en un seul nom) est réussi, l'esprit est suffisamment stabilisé pour pouvoir «maîtriser», c'est-à-dire écouter continûment le son essentiel.

Toute cette évolution spirituelle ne se fait pas sans travail. Sawant Singh, quand il n'était qu'un jeune disciple (à la fin du XIXe siècle), s'était plaint à son maître de difficultés dans l'écoute du Son. Celui-ci lui a répondu dans une lettre : «Depuis que le monde de la matière a été créé, le mental et l'âme ont accumulé les impuretés. Jamais l'âme n'a été concentrée avec attention même pour une courte durée sur le courant du son intérieur (shabd dhun). Cet état de choses s'est prolongé pendant de nombreuses années. Comment pourrait-elle alors trouver place si rapidement dans le Son ? Tant que son aspiration vers le Son n'est pas intense et continue, comment pourrait-elle s'y unir ?». «Cependant, une fois que l'âme est aussi pure que le courant du Son lui-même, l'union surviendra immédiatement, sans tarder». Pour désigner celle-ci, les Sants utilisent parfois le terme soufi fanâ de, l'anéantissement, qui précède baqâ, la résurrection.

Comme toutes les pratiques spirituelles, l'écoute du son intérieur demande une répétition, mais notre mental n'est-il pas de toutes façons en train déjà de se répéter constamment, avec le même genre de bavardages et de bruits intérieurs? Il s'agit simplement, si l'on peut dire, de remplacer ces répétitions sans intérêt par la Répétition. On dit en Inde que les daims sont immanquablement attirés par une certaine musique que jouent les chasseurs, et qu'à cause d'elle ils se font attraper ou même tuer. De même, l'égo renfermé sur lui-même est attiré par le son intérieur, même s'il sent quelque part qu'il risque de disparaître, d'exploser tôt ou tard comme une bulle au sein de cette aventure-ouverture.

Abhivanavagupta disait que «le Son suprême, paravâc, est caractérisé par «l'émerveillement de la conscience qui expérimente sa propre existence». En cela, elle vit une expérience non-duelle, ce qui n'a pas échappé aux Radha-Soamis qui l'ont exprimée dans leur langage. On appelle parfois ce son svara, qui contient la syllabe sva pouvant signifier soi-même. A l'opposé, les paroles ordinaires dépendent de l'autre pour une approbation ou un rejet.

Le flot vivant (dhârâ) du son subtil est l'écho en nous du fleuve de l'ordre cosmique (dharma). On retrouve ainsi cette notion exprimée par Taisen Deshimaru à la fin de la première partie : «dans le silence, l'ordre cosmique peut pénétrer». L'être humain est comme un daim musqué qui sent bien un parfum, mais se met à courir partour pour trouver le musc alors qu'il le porte à la poitrine. On connaît sans doute cette histoire des Puranas selon laquelle les dieux ont cherché un endroit pour cacher le trésor de la pure conscience afin que personne ne puisse le leur voler et le meilleur endroit qu'ils aient finalement trouvé a été le coeur de l'homme. On aime courir de gauche à droite pour entendre des enseignements spirituels, mais celui dispensé par le son du silence surgit par le fait d'arrêter le plus complètement possible le mental.

Il y a un maître spirituel actuel en Inde qu'un certain nombre de Français connaissent et vont visiter. Il lui arrive parfois également de venir en France; il s'agit de Chandra Swami, de la lignée des Udasins. Il est en silence depuis au moins une quinzaine d'années, mais il répond aux questions par écrit. On lui demande assez souvent quel est le sens de son silence, s'il s'agit, par exemple, d'un voeu. Il lui arrive de répondre ainsi : «Je n'ai pas fait voeu de silence. J'aime et je jouis du silence Il n'y a aucune raison particulière à cela. En fait, je ne fais que suivre «la voie intérieure», la douce voix de mon maître». Il fait partie de ces êtres purs desquels la voix intérieure se confond avec la Voie. Plus loin, il explique : «Le silence qui a un but n'est pas complet; ce n'est pas le silence véritable, tout comme l'amour qui a un but n'est pas l'amour véritable. Le silence observé dans le but de communiquer avec Dieu fait partie de la sâdhanâ. Le Divin est l'essence de l'homme, aussi n'est-il nullement nécessaire de parler pour communiquer avec Lui. Il n'est pas bon d'imiter les autres. Quand vous ne travaillez pas, rien ne vous empêche d'observer des périodes de silence et de vous consacrer uniquement à la prière et à la méditation à ces moments-là».

 

Poésie et son du silence chez Kabir et les Sant

par Jacques Vigne

Commençons déjà par un avertissement de Kabir : hé, toi, stupide! Ne connnaissant pas les secrets du Son, tu peines en vain, comme quelqu'un qui fabrique un bâteau en papier et met un énorme poids dessus. Il parle par ailleurs de la blessure de l'amour et de sa couleur unique : «Le satguru vénéré m'a teint de la couleur de l'amour. Mon être entier a été blessé par le Son. Tous les médicaments s'avèrent ineffectifs. Qu'est-ce que le pauvre docteur peut bien y faire? Personne parmi les dieux, les êtres humains, les sages ou les derviches ne connaît cet amour. Kabir dit : ce chercheur spirituel a vu toutes les couleurs, mais la couleur de l'amour est différente, totalement différente».

L'éveil du son intérieur est interprété comme un mariage : témoin ces vers qui terminent un poème : ...Kabir dit : je retournerai et je reviendrai avec lui d'une façon triomphale, en jouant de la trompette. Soamiji parle de l'écoute du son comme de l'ascension solennelle du marié qui va chercher sa bien-aimée chez elle : avec sur la tête la couronne de l'écoute (surat), que ta conscience s'élève très haut, avec toute la dignité et la grandeur d'un marié. Il s'arrêtera au troisième oeil, car il aura rencontré cette mariée merveilleuse qui a pour nom Mélodie (dhun)». On croit voir ces mariés indiens qui encore actuellement partent sur un cheval d'apparat pour aller chercher la mariée en sa demeure. Soamiji disait que le Nom divin était constitué de lettres (varnâtmik), mais Celui qui portait ce Nom était constitué de Son (dhunâtmik). Pour Guru Nanak, «le vrai Nom, c'est la musique qui n'est pas jouée».

L'écoute du son essentiel tient de la perception d'un secret. Kabir s'exprime ainsi à ce sujet : Il s'agit d'un discours que personne ne peut voir. Kabir dit : écoute le son qui résonne (ou la parole parlée) à l'intérieur de chaque corps. Ce travail n'est pas facile : rares sont les auditeurs qui entendent ce chant correctement. Il y a une sorte «d'aveuglement sonore» à l'époque de Kabir comme à la nôtre : Le Kaliyuga va mal, le monde est aveugle, personne n'entend le Son. Quand je parle à quelqu'un de son bien, il me saute au cou, furieux. La simple répétition plutôt mécanique du mantra, le Nom de Râm par exemple, n'est guère efficace : Ils crient «Râm, Râm» au point d'en avoir un cal sur la langue. Si dire Râm donnait la libération, le simple fait de dire «sucre» rendrait la bouche sucréee, dire «nourritur»e chasserait la faim et le monde entier serait libéré. La perception du son intérieur, le «couplet inconnu» est aidée par l'initiation conférée par ce grand alchimiste qu'est le maître spirituel : «Le pratiquant chante et récite, mais ne peut saisir le couplet inconnu. Sans toucher la pierre philosophale, il est comme du fer emprisonné dans de la roche.»

Peu de gens sont intéressés par l'écoute du Son, l'investissement en terme de pratique quotidienne de l'attention est sans doute trop lourd pour la plupart. Il n'y a pas de client pour le Son (shabd), le prix en est élevé. Sans le régler, vous ne pouvez l'obtenir, allez-vous en donc, passez votre chemin !». Les gens préfèrent la facilité des discours explicites à l'austérité du silence : Où les acheteurs grouillent, je ne suis pas; où je suis, il n'y a pas d'acheteurs. Sans conscience, ils errent, cueillant des ombres du Son .... La route que les pandits ont prise, les foules l'ont prise aussi. Le col de Râm est élevé, Kabîr continue de grimper... Le son fondamental rend perceptible ce champ unifié qui soutient l'univers, il annule les distances en quelque sorte, en particulier celle qui nous sépare du mïtre spirituel. Kabir dit : «Même si ton Guru vit à un million de lieues, fixe ton attention sur lui. Ton âme va monter le cheval du Son (shabda), elle ira et viendra à sa guise».

Qui dit perception claire et stable du son intérieur dit ascension de l'énergie en direction de ce lotus aux mille pétales au sommet de la tête, dont l'épanouissement est parfois comparé à un parasol royal. Kabir dit : le couplet est nouveau, personne ne reconnaît ce chant. Si vous reconnaissez le Son, vous devenez riches en parasols. Il s'agit d'une entrée à trouver, nous avons vu que les Sants parlent de la dixième porte : Aveugle est l'âme sans le Son. Oh ! Où peut-elle aller ? Elle ne trouve pas la porte du Son et ainsi elle erre de-ci de-là. L'ascension mène à une immobilisation supérieure : L'esprit atteint sa demeure dans le ciel et se réjouit dans la mélodie divine. Il ne vient et ne part pas, il devient immobile en entendant le Son. Dans le Bîjak de Kabir, il y a un Shabd (dans ce sens, poème avec un mètre particulier) qui compare le corps à un instrument de musique joué par le Divin : le musicien joue d'un instrument qui n'a pas d'égal, ... c'est toi qui est joué ... en un seul son il y a les 36 ragas qui font résonner un Son infini. La bouche est le manche, l'oreille la caisse de résonnance, c'est le satguru qui a fabriqué l'instrument. La langue est une corde et le nez une clef, le musicien frotte la cire de Maya. La lumière brille dans le temple du ciel à l'occasion d'une inversion soudaine (probablement l'énergie qui se met à monter soudain vers le troisième oeil à la place de descendre comme elle le fait d'habitude). Kabir dit, la clarté vient quand le musicien vit dans votre coeur. Dans les deux derniers sakhis de son ouvrage, le tisserand de Bénarès reprend cette expérience d'ascension illuminatrice. [L'adepte] a médité dans le ciel (l'espace du front), il a ouvert la porte de la foudre (l'axe central de la sushumna qui débouche dans le troisième oeil), il a vu sa propre réflexion (sa vraie nature), les trois remplis de joie (les trois canaux d'énergie ouverts). Dans le dernier sâkhî, Kabir joue sur ce nom technique du type de poème qu'il utilise et l'autre sens du terme en hindi, dérivé du sanskrit sâkshî (en hindi dialectal comme en bengali, le ksh- sanskrit est régulièrement rendu par kh-) le témoin; on peut rajouter à cela le sens persan de sakhi, l'échanson, c'est-à-dire dans la poésie soufie le maître spirituel qui offre généreusement le vin de la connaissance (on peut remarquer que de plus, en sanskrit, sakha signifie compagnon) : Le sâkhî est l'oeil de la sagesse, regarde dans ton coeur, comprends. Sans le sâkhî, les conflits du monde ne prendront jamais fin.

(à suivre)

Notre-Dame

Poème d'Antonio Eduardo Dagnino, un dévôt vénézuélien

 

Notre Dame de Lourdes.

Notre Dame de Paris.

Notre Dame de béton.

Notre Dame des âmes affligées.

Notre Dame des désirs insassouvis

Notre Dame qui enlève le péché

par un simple regard miraculeux

qui tombe au fond du coeur névrosé,

du corps désabusé,

et fait frémir la volonté de vie

redressée comme une flamme

au-delà de toute peur.

Notre Dame de béton.

Notre Dame du trottoir.

Notre Dame de la folie.

Notre Dame de Paris

suspendue verticalement

au-dessus de la mêlée.

Notre Dame des amoureux.

Notre Dame des séparés.

Notre Dame du labyrinthe

des villes affreusement étouffées

Notre Dame des enfants.

Notre Dame des avortées.

Notre Dame plus compréhensive

que toutes les morales.

Notre Dame plus aimante

Que toutes les religions.

Notre Dame des forêts.

Notre Dame du blanc manteau de neige.

Notre Dame des Océans.

Notre Dame de l'étoile du matin.

Notre Dame du silence béni.

Notre Dame de la liberté

des espaces infinis.

Paris, hiver 1972. Pour Maya Rahil Maria.

 

 

Nouvelles

- Claude Portal organise cette année encore une retraite, cette fois-ci de quatre jours, entre le 22 et 26 aoüt, probablement à Saint-Germain-en-Laye, en présence de Swami Nirgunananda et de Swami Bhaskarananda. Se renseigner auprès de Claude 12, rue Lamartine, F78100 Saint-Germain-en-Laye, tél. 01 34 51 74 41.

- Jacques Vigne quitte Kankhal cette fin mai 2001 pour un an. Il ira à l'ermitage de Dhaulchina, puis il sera en France pour une tournée dans le cadre de la parution de son livre Le mariage intérieur, chez Albin Michel. Il peut être contacté, de préférence le matin entre 9h et 10h30, au 01 47 47 22 56, 95 rue Jacques Dulud, 92200 Neuilly. Brahmacharini Sylvie prend la relève pour la rédaction des numéros suivants. Elle fait appel à votre indulgence, vu son manque d'expérience. Tout courrier doit lui être adressé à présent à elle à la même adresse, c/o Vijayananda., Shri Shri Mâ Anandamayee Sangha, 249408 Kankhal-Hardwar, U.A., Inde.

- Swami Nirgunananda et J. Vigne ont guidé une retraite qui a eu lieu à Almora, dans l'ashram de Mâ de Patal Devi, pendant la première semaine d'avril 2001. C'était la première fois qu'un groupe d'«étrangers» étaient accueillis dans un ashram de Mâ. Le président des ashrams de Mâ, informé de la chose, avait d'ailleurs envoyé une lettre de bienvenue. Les participantes, françaises et belges, sont montées pour une journée à Dhaulchina, suivie de quelques jours à

Kankhal auprès de Vijayananda. Toutes ont paru enchantées de leur séjour. Dinesh, le guide, n'a pas ménagé ses efforts et Manoj était chargé de la confection des desserts. Quelques participants extérieurs s'étaient joints à l'expérience.

- L'anniversaire de Mâ s'est déroulé du 2 au 12 mai sans la chaleur habituelle. Comme chaque fois, il a même plu. Bien sûr, le Centre International fut utilisé à sa capacité maximale.

- Guru Purnima, la fête du gourou, aura lieu le 5 juillet. Comme chaque année, beaucoup de dévôts viendront à Kankhal pour les festivités.

Abonnements

L'abonnement est jusqu'en décembre 2002, soit 5 numéros. Ceux qui voudraient s'abonner peuvent le faire en envoyant un chèque de 80 FF à l'ordre de Jacques Vigne à José et Nadine Sanchez-Laudebat, 210 rue Galliéni, F 92100 Boulogne, tél. 01 41 31 28 00.

 

 

Table des matières

Paroles de Mâ p.1

Réponses de Vijayananda p.2

La place de Dieu est dans le coeur de l'homme Shivananda p.4

Interprétation des paroles de Mère à partir de la physique

S. K. Bose p.

Réflexion sur quelques paroles de Mâ avec l'aide du langage scientifique S.K. Bose p.12

Mataji a le kheyala de quitter Dacca B. Mukherji p.16

L'écoute du silence chez Kabir dans la tradition des

Sant J.Vigne p.

Poésie et son du silence chez Kabir et les Sant J. Vigne p.

Notre-Dame Poème d'E. Dagnino p.

Nouvelles p.

Abonnements p.

 

 

 

 

Numéro 62    -      Automne 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paroles de Mâ

 

   Le corps est au Seigneur,  l'esprit est au Seigneur, l'humanité entière est au Seigneur.

 

   Que vous fassiez un effort pour établir un traitement médical est aussi l'expression de Sa volonté.  Vraiment, Lui, l'Unique, est toute chose.  Tu es, en vérité, la maladie, Tu es le remède et le pouvoir de guérir - dans tous les aspects et sous toutes les formes, seul Tu es.

 

   C'est en cherchant à connaître don Soi que l'on peut trouver la Mère Divine.

 

   Oui, si vous pouvez rester silencieux et en harmonie avec tout votre entourage, ce sera excellent.  Essayez de rester immobile et sans rien manifester aussi longtemps que possible.

 

   Parler de Dieu est la seule chose qui vaille; tout le reste est vain et conduit à la souffrance.

 

   On ne peut renoncer à l'attachement par l'effort.  C'est seulement en renforçant l'ardent désir de Le trouver, que tous les autres désirs s'effaceront.  Le bonheur et la paix sont le but de chacun, car ils sont en fait présents profondément en chacun, et on ne peut y renoncer.  On ne doit renoncer qu'à ce qui doit disparaître de toute façon.

 

   Quand vous sentez naître des pouvoirs en vous, quand une nouvelle lumière luit de l'intérieur, plus vous la garderez cachée en un calme profond et dans la tranquilité, plus elle croîtra en intensité.  Si vous lui entr'ouvrez la moindre issue vers l'extérieur, craignez qu'elle ne s'échappe.  Soyez vigilant !  Il procurera Lui-même tout ce qui est nécessaire  -initiation, instruction- quoi que cela puisse être.  

  

 

Réponses de Vijayananda

 

- Quelle est la voie la plus rapide ?  Est-ce le kundalini yoga ?

Vijayananda : N'importe quelle voie peut être rapide si vous y mettez tout votre être.  Il faut être cent pour cent engagé dans la voie spirituelle.  Solo Dio, basta, comme l'écrivait Thérèse d'Avila.  Mais ce n'est possible que par la grâce d'un satguru.

 

-  Que pensez-vous du tantra (de la main droite) ?

V : Les Tantras (ou Agamas) sont un groupe d'écritures sacrées  qui traitent du tantrisme.  Le tantrisme est une des voies principales en Inde qui mènent vers la connaissance du Soi, c'est-à-dire la libération.  Mais alors que d'autres voies (par exemple le vedanta) donnent beaucoup d'importance à la renonciation aux plaisirs mondains, le tantrisme les accepte comme point de départ, avec comme objectif de les diviniser.  Ces jouissances deviennent (au départ) un objet de culte.  Ce sont les cinq makaras : l'union sexuelle, le vin, la viande, etc., mais dans le tantrisme de la main droite, ils sont évoqués seulement symboliquement.  Les mots tantrik ou tantrisme ont une connotation négative dans le langage courant de l'Inde, car ils évoquent la magie, surtout la magie noire.  On emploie plutôt les termes de sakti et saktisme.  Sakti est un des aspects de la Mère divine qui est (avec Shiva) l'objet de culte dans cette voie. 

Arthur Avalon (Sir John Woodroof) a écrit plusieurs livres au sujet du tantrisme.  Son livre Sakti est un exposé magistral sur ce sujet et est devenu un classique, même parmi les pandits hindous.

 

 - Pourquoi Mâ est-elle descendue sur la terre à un moment  précis ? Quelle était sa -ou ses- missions ?  Je sais qu'il y avait un fort appel pour la mère divine parmi des dévôts au Bengale et je me lamente en pensant qu'elle est venue pour eux et donc pas nécessairement pour moi qui n'étais pas d'entre eux.

V : Mâ nous a dit qu'elle n'avait pas eu de vie antérieure (qu'elle n'avait pas de prarabdha karma).  Etant parfaite, elle n'avait pas de volition.  Il semble donc que le Divin ait pris une forme humaine

pour répondre à un appel d'un groupe de dévôts (c'est à peu près ce qu'elle avait dit à Bhaïji).  Quand le Divin descend sur terre, c'est en général avec une mission spéciale.  Et dans le cas de Mâ, il me semble que cette mission était de ranimer l'ancienne orthodoxie des temps védiques.  Mais quand le Divin descend parmi les humains, Il projette un rayonnement très puissant et tous ceux qui viennent à son contact en bénéficient, quelque soit leur race,  leur milieu social ou leur religion.

 

 

 

Nous poursuivons dans ce numéro la publication d'extraits des deux livres de J. Vigne qui paraissent cet automne chez Albin Michel, Le mariage intérieur et L'écoute du silence, ainsi les lecteurs de Jai Ma auront cette primeur.

 

Poésie et son du silence chez Kabir et les Sant (suite)

 

par Jacques Vigne

 

Tulsi Saheb dit : «Cherche à l'intérieur, et l'écoute (surat) s'unira au Son (shabd) quand le voile sera retiré»[i][1].  Il considère le son comme un appel de la demeure éternelle pour nous y faire revenir. On retrouve dans les poèmes (qu'on appelle shabd-s comme il se doit) de Tulsi Saheb beaucoup d'images illustrant la polarité du son (shabd) et de l'écoute. Le premier est le soleil, la seconde la fleur, ou bien l'océan et l'autre la rivière. Le Son est aussi le gourou qui guide l'écoute comme si elle était une disciple, ou il est un cerf-volant qui oscille en plein vent retenu seulement par le fil de l'écoute. Il peut être aussi le plafond auquel est suspendu le fil de l'araignée : celle-ci évoque le courant de l'attention auditive qui remonte vers le haut en suivant le mouvement de l'énergie dans le canal central du corps, qu'on décrit parfois fin comme un fil de toile d'araignée.   Soamiji dit : Quand ma conscience s'est saisie du Son (dhun), elle est aussitôt montée au ciel (au-dessus du troisième oeil dans l'anatomie subtile des Sants), elle est devenue capable d'y rester. Tous les chagrins et misères ont été annihilés».[ii][2] Cette ascension se fait de préférence par l'axe central, appelé comme chez les soufis la «veine royale» : «Pourquoi gaspiller son temps à chercher le Seigneur ailleurs ? Le chemin du Bien-aimé passe par la veine royale[iii][3]». La montée de l'énergie-conscience auditive entraîne une mort intérieure accompagnée de non-peur, puisque la peur de la mort est à la source des autres peurs.  Nanak dit : Pratique le Yoga dans lequel tu meurs en vivant encore. Sans qu'on souffle dedans, la conque résonne à l'intérieur de toi, en l'entendant tu atteindras l'état de non-peur.[iv][4]

    Un grand mystique musicien, Tyagiraj qui a vécu dans le sud de l'Inde au XIXe siècle, reliait directement l'expérience musicale à l'ascension de la kundalini : «réaliser la félicité du Son qui naît du mûlâdhâra (la base du corps) est en soi félicité et salut»[v][5]. Il suggérait aussi qu'un vrai mystique, même s'il n'est pas musicien, doit avoir au moins une certaine expérience du son intérieur : «Est-il possible à quelqu'un qui est dépourvu de dévotion et de connaissance de la musique divine d'atteindre la réalisation ?»[vi][6]

   L'union de la conscience et du son est semblable à celle de l'abeille intoxiquée et de la fleur. On ne peut plus les distinguer, l'abeille semble répandre du parfum et on entend la fleur bourdonner. La remontée de l'écoute vers le Son suprême est comme un retour à la maison, dans le langage des Sants niji ghar qui a le double sens soit de demeure de l'origine, soit plus familièrement de chez soi.  C'est une notion qu'a bien senti l'hindouisme populaire moderne : on voit souvent en se promenant dans le pays des autocollants avec un jeu de mots anglo-sanskrit moins superficiel qu'il n'y paraît de prime abord : «Om, sweet home»...

   Nanak utilise l'expression «contempler le Nom grâce au Son»[vii][7] et conseille les heures du petit matin pour se consacrer à cette pratique. Cela suggère probablement une perception claire du Son intérieur qui sert de toile de fond à la récitation du mantra, ou alors à la réalisation que le Nom suprême n'est pas différent du Son intérieur. Pour Nanak, l'absorption dans ce Son essentiel est l'action la plus pieuse qui puisse être, et la plus effective pour stopper le mental : Le mental pareil à une souris est paralysé quand il boit le mercure du Nom (ou du Son, satnam ou shabd)[viii][8].  On peut faire remarquer que le mercure, le «vif-argent» a une symbolique qui évoque l'éveil de l'énergie de la kundalinî. Nous en parlons dans notre chapitre sur l'alchimie et l'union des contraires dans Le mariage intérieur. Une fois que le Son est clairement perçu, on ne se sent plus jamais seul, l'âme a trouvé son époux : «la musique incréée résonne dans ma véritable demeure, je suis assise sur le même lit que mon Seigneur; j'ai trouvé le Seigneur, il est  mon époux et je vis en paix»[ix][9].

   Le Son ne fait qu'un avec cette conscience pure qui se révèle quand les canaux arrivent à converger : [L'adepte avancé] connaît ida, pingala et sushumna, il voit pour lui-même l'invisible, ô Nanak! Le vrai maître voit au-delà d'eux, il immerge l'adepte dans le Son».[x][10]

   La conscience qui est absorbée dans le Son est comme un poisson dans l'eau, dit Kabir : c'est par deux de ses formules en forme de proverbe qu'il mettait en conclusion de ses poèmes que nous terminerons cette partie :

 

Kahé Kabir soï dhoun jâgué/ sabad bân antar lagué

Kabir dit : Que la vraie Mélodie s'éveille/ que se plante en toi la flèche du Son ![xi][11]

 

Kahé Kabir yah akathâ kathâ hê/ kahat kahî na jâî

Kabir dit : c'est un conte non conté/ on le dit, [et pourtant] il n'est pas dit.[xii][12]

 

         

Le Om entre science et symbole

 

par Jacques Vigne

 

   Pour une science ouverte au symbolisme, il y a beaucoup à découvrir en étudiant le Om.  C'est dans ce travail que s'est plongé le Dr Francis Lefébure[xiii][13] : chef de clinique dans les hôpitaux parisiens, il était aussi disciple d'un enseignant spirituel zoroastrien, transmettant l'ancienne doctrine de la Perse. Les zoroastriens, chassés de leur pays par les invasions musulmanes, excercent toujours librement leur religion en Inde.  Il n'est donc pas étonnant que leur enseignement ait un certain nombre de similarités avec le yoga.

   Une des bases scientifiques des réflexions de Lefébure sur le Om est l'analyse de ce son à l'oscilloscope cathodique.  On sait que cet appareil est à la base du fonctionnement de la télévision. Si cependant on l'utilise non pas pour traduire des ondes hertziennes, mais des ondes sonores, on pourra obtenir des images «télévisées» de divers sons.  En disposant les récepteurs d'une certaine manière, on retrouvera la forme de cercle pour le o, qui correspond non seulement à la forme de la lettre latine et grecque, mais aussi au mouvement de la bouche lors de sa prononciation et le m sera un carré formé de multiples lignes.  Le m est considéré en acoustique comme un «son blanc», c'est-à-dire qu'il est constitué d'une multitude de sonorités différentes, comme le serait la résonnance d'un piano si l'on jouait toutes ses touches en même temps.  D'autres «sons blancs» de la nature sont le grondement des vagues qui se brisent sur la plage, le bruissement du vent dans les feuilles d'arbres, le son d'une cloche, etc... De même, la lumière blanche est le mélange de multiples vibrations qu'on peut séparer les unes des autres par le prisme.

   On retrouve entre le o et le m la relation qui existe entre le cercle solaire et les rayons, le coeur de la fleur et les pétales, ainsi que l'oeil et l'iris.  Il est intéressant qu'en yoga on appelle le troisième oeil au milieu du front «nâda rûpa», la «forme du son».  C'est là que le Om résonne le plus naturellement.  Lefébure suggère même une analogie entre la forme carrée du m à l'oscilloscope cathodique et la forme cubique de l'os sphénoïde, juste en arrière du troisième oeil. C'est comme si le m aimait particulièrement venir vibrer dans cette région, qui est aussi celle de l'hypophyse, le chef d'orchestre des productions hormonales dans l'organisme. Notre infatiguable chercheur fait aussi remarquer que quand on pose la main sur la fontanelle antérieure d'un nourrisson qui crie, en faisant une sorte de «ouin», donc un son nasal,  elle vibre particulièrement fort.  On peut supposer que chez les enfants plus grands et les adultes, la vibration est même plus intense, retenue dans le liquide céphalo-rachidien.

   Si l'on met sur une plaque qui vibre par le son de la poudre de lycopode, on obtient des formes géométriques qu'on appelle les figures de Chladni[xiv][14]. On peut supposer que le son aide aussi à structurer cette poussière de sensations qu'est notre vécu corporel. Pourquoi ne pas penser même que l'écoute du son du silence contribue à organiser notre corps ressenti qui deviendrait ainsi comme une sorte de mandala ?  Nous avons vu le lien entre le son essentiel et la voyelle a dans l'hindousime et nous le reverrons dans d'autres traditions.  Il est intéressant à ce propos de mentionner la manière à la fois physique et symbolique dont Lefébure interprète l'interjection de douleur la plus courante : «aïe!». Le a est prononcé avec la bouche plutôt verticale, il correspond à une montée directe de l'air-énergie de la gorge vers l'orifice buccal, par contre le i implique une bouche horizontale, il vient en quelque sorte barrer, tirer un trait sur le flot du gémissement naturel du a, les deux combinés forment donc une croix, symbole s'il en est de la souffrance.  Une expérience immédiate de douleur crée une réaction, l'exclamation ah, mais on cherche tout de suite à la contrôler un minimum, ce qui peut être relié au i horizontal. En d'autres termes, on pourrait dire que l'expérience de douleur masque, barre ou «tire une croix » sur le bien-être continu du a fondamental.

   Le son essentiel est toujours présent, mais il est masqué par des bruits extérieurs plus forts, il est comme la clarté laiteuse des étoiles éclipsée chaque jour par l'éclat du soleil.  Sa perception claire et la plus continue possible a quelque chose à voir avec cette musique de fond qui aide certains jeunes à se concentrer sur leur travail : elle induit un éveil de base qu'ils réussissent à projeter ensuite sur les cours qu'ils apprennent, une chose que, personnellement, je serais incapable de faire... Lefébure cite aussi le cas d'enfants qui se bouchent les oreilles pour mieux apprendre leurs leçons.  Il explique cela par une sorte de phénomène d'ancrage  si  on associe, fait prendre racine des phrases dans le «sol» d'un son toujours présent -on parle en physiologie d'acouphène normal- elles seront mieux mémorisées.  De même, si on associe une visualisation à une lumière ou aux phosphènes qui la suivent, elle sera mieux ancrée dans notre mémoire profonde.  Il y a un «mixage acouphénique» de même qu'il y a un «mixage phosphénique[xv][15]».

   On sait que les stimulations répétitives peuvent déclencher des crises d'épilepsie chez des gens qui y sont sujet.  La stimulation sensorielle s'étend aux zones motrices du cerveau et si elle diffuse aux deux hémisphères elle engendre une épilepsie généralisée avec perte de connaissance.  Par ailleurs, le traitement par électro-narcose –ces électrochocs qui n'ont pas bonne réputation mais parfois des résultats spectaculaires dans la maladie maniaco-dépressive– semble soigner en déclenchant une crise d'épilepsie, qu'on limite de nos jours à un hémisphère et qui n'apparaît guère dans le corps, car on donne un médicament pour déconnecter la fibre nerveuse du muscle et ainsi éviter les douleurs post-thérapeutiques. C'est comme si une stimulation intense avait le pouvoir, par effet de rebond,  de créer une relaxation intense.  Dans les pratiques répétitives, mantras, etc., on sent bien qu'il y a des moments où la sensation d'intensité se diffuse rapidement dans tout le corps, mais ce dernier ne se contracte pas, car on s'est donné comme consigne de départ de rester toujours relaxé.  Ces phases d'intensification qui peuvent être assez soudaines entraînent à leur suite, comme en miroir, un état de repos d'une profondeur à laquelle on ne pouvait pas avoir accès auparavant.

   Nous avons vu souvent que la méditation sur le Om était ascendante, elle aidait à la montée de l'énergie recherchée enYoga. Cela est déjà perceptible au niveau de la face, le o étant prononcé à la fois par la gorge et la bouche arrondie et le m vibrant dans le nez et les sinus.  Nous avons vu aussi qu'à l'oscilloscope cathodique, la forme du o était ronde et celle du m carrée, constituée d'un empilement de lignes droites. De façon plus symbolique, on peut considérer que le bassin est le o, le cercle de base d'où jaillit le m comme une flèche ou un jet d'eau. On retrouve l'archétype du yoni (le cercle du socle relié à la matrice) et du lingam (relié au phallus, mais dirigé vers le haut et non pas vers le yoni). La derniére vertèbre du coccyx a une forme quasiment sphérique, les vertèbres inférieures ont un gros corps arrondi et des petites apophyses épineuses, alors que les vertèbres supérieures ont des corps de dimension de plus en plus faible et de grandes apophyses, avec pour finir l'atlas et l'axis qui consiste en une tige soutenant le crâne[xvi][16]. Ainsi, on retrouve inscrite dans l'anatomie elle-même la transformation ascendante du cercle en droite, l'affinement progressif du o en m. Toutes ces considérations anatomico-symboliques ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel du mantra ou de la prière répétitive : le Nom et le Nommé (nam et nami en hindi), c'est-à-dire Dieu, l'Absolu, sont un. C'est dans cet esprit-là qu'il faut pratiquer pour en retirer le plus grand bénéfice.

   On peut aussi discerner dans le Om une symbolique de mariage intérieur : le o circulaire est féminin, le m associé aux lignes droites est masculin; ou bien, si l'on médite sur le a-o-m, on peut discerner dans le a le son de l'Origine, dans le o celui de l'émerveillement, et dans le m la résonance du mystère qui débouche dans le silence (nous avons vu que la même racine mu-  a donné naissance à mystère et muet, par ailleurs le m, dans le langage des oiseaux n'est pas différent de j'aime, tu aimes, il aime...). L'émerveillement que nous avons pour notre Origine, pour notre vraie nature induit une fusion du sujet et de l'objet qui est une sorte de mariage intérieur. Le m qui s'en dégage est alors comme un enfant infini, un enfant qui «aime» et qu'on «aime»,  qui prend son indépendance et va se lancer joyeusement dans l'aventure du silence jusqu'à s'y perdre.

 

 

 

 

 

 

 



Jay Ma - 63-64

 

 


             SHREE SHREE MA ANANDAMAYEE
        ASTOTTAR SATANAM
        108 NOMS DE MA ANADAMAYEE

 

Réunis par Swami Nirgunananda

Tapés pour Jay Ma et l’internet par Madhavi Da Silva, étudiante en psychologie à Delhi University.




1.
Om Matre Namah
2. Om Hridayavasinyai Namah
3. Om Sanatanyai Namah
4. Om Anandamayai Namah
5. Om bhuvana ujjalayai Namah
6. Om Jananyai Namah
7. Om Shuddayai Namah
8. Om Nirmalayai Namah
9. Om Punyavistarnyai Namah
10. Om Rajrajeshwaryai Namah
11. Om Swahayai Namah
12. Om swahayai Namah
13. Om Gouryai Namah
14. Om Pranavarupinyai Namah
15. Om Saumyayai Namah
16. Om Saumyatarayai Namah
17. Om Satyayai Namah
18. Om Manoharayai Namah
19. Om Purnayai Namah
20. Om paratparayai Namah
21. Om Ravishashi kundalayai Namah
22. Om Mahavyom Kuntalayai Namah
23. Om Viswarupiyai Namah
24. Om Aishwarya Bhatimayai Namah
25. Om Madhurya Pratimayai Namah
26. Om Mahima manditayai Namah
27. Om Ramayai Namah
28. Om Manoramayai Namah
29. Om Shantyai Namah
30. Om Shantayai Namah
31. Om Kshamayai Namah
32. Om Sarva devamyai Namah
33. Om Sarva devimayai Namah
34. Om Sukhdayai Namah
35. Om Varadayai Namah
36. Om Bhaktidayai Namah
37. Om Jnanadayai Namah
38. Om Kaivalya dayinyai Namah
39. Om Vishwa prasavinyai Namah
40. Om Vishwa palinyai Namah
41. Om Vishwa samharinyai Namah
42. Om Bhaktapran rupyai Namah
43. Om Murtimatyai Namah
44. Om  Kripayai Namah
45. Om Triloka Tarinyai Namah
46. Om karya karan bhutayai Namah
47. OmBhedabhedatitayai Namah
48. Om Paramayai Namah
49. Om Paramadevateyai Namah
50. omVidyayai Namah
51. Om Vinodiyai Namah
52. Om Yigijana ranjinyai Namah
53. Om bhavbhayahanjinyai Namah
54. Om Mantra bijatmikayai Namah
55. Om Veda prakashikayai Namah
56. Om Nikhila vyapikayai Namah
57. Om Sagunayai Namah
58.  Om Sarupayai Namah
59.  Om Nirgunayai Namah
60.  Om Nirupayai Namah
61.  Om Mahabhavamayai Namah
62.  Om Nirantarayai Namah
63.  Om Gunamadhuryai Namah
64.  OmParayai Namah
65.  OmPurnabrahmane Namah
66.  Om Naranaya Namah
67.  Om Mahadevyai Namah
68.  OmPadmanabhaya Namah
69.  Om Kalya Namah
70.  Om Bhavatapa Pranashinyai Namah
71.  Om Anandaghana murtaye Namah
72.  Om Sriyai Namah
73.  Om Yajna atmikayai Namah
74.  Om Purapurushaya Namah
75.  Om Nishkrodhayai Namah
76.  Om niragayai Namah
77.  Om Ragadwesha Namah
78.  Om Ambayai Namah
79.  Om Ambikayai Namah
80.  Om Jagadambikayai Namah
81.  Om  Nirdoshayai Namah
82.  Om swabhavasthithayai Namah
83.  Om swakriyayai Namah
84.  Om Swarasamritayai Namah
85.  Om Mokshada duhitre Namah
86.  Om Vipin dhitre Namah
87.  Om  Varalabdhayai Namah
88.  Om Prema murtaye Namah
89.  Om Bholanath bharayayai Namah
90.  Om Sarvagayai Namah
91.  Om Sahaj samadhi dhritayai Namah
92.  Om Hemkanti vibhratyai Namah
93.  Om Bhaktanada dayinyai Namah
94.  Om Sharadindujita smitayai Namah
95.  Om Kalpavriksh upamanayai Namah
96.  Om Sharanagata vatsalyai Namah
97.  Om Kleshpasha tarinyai Namah
98.  Om Hridkamal virajitayai Namah
99.  Om Ananda rupinyai Namah
100. Om Ananda datre Namah
101. Om Anada vardhanyai Namah
102. Om Ananda dharinyai Namah
103. Om Sangitpriyayai Namah
104. Om Gururmatre Namah
105. Om Matri gurave Namah
106. Om Tirtha vasinyai Namah
107.  Om Narayanyai Namah
108.      Om Mahadevaya Namah



 

 

RAMDAS

 

 

LE MAITRE SPIRITUEL

 

SON ENSEIGNEMENT

 

 

 

Extrait d’un ouvrage qui vient de paraître chez Terre du Ciel : Ramdas, un Maître spirituel de l’Inde d’aujourdh’ui ». Auteur : Marc Avérous.

 

 

 

Par toute sa vie Ramdas a enseigné.

 

Connaître sa vie en quelques pages suffit-il à comprendre toute sa profondeur ?

 

Si la grâce, qui nous a mis en présence d'un tel Maître, nous donne le désir de suivre ses pas – ce qui ne veut pas dire copier ou revivre les circonstances qui l'ont libéré, – ne manquons pas l'occasion d'approfondir son  enseignement, en le puisant là où il est, c'est-à-dire dans les écrits qu'il nous a laissés, source rare pour notre sadhana.

 

 

 

 

 

L’APPEL - LE MAITRE

 

Tout commence par une grande nostalgie. Le futur disciple éprouve un mécontentement pour sa vie banale, juge insipide les tâches journalières, il se trouve peu de goût pour la vie mondaine dont il ne voit plus les buts. Rappelons-nous comment a commencé le chemin pour Ramdas : « Pendant près d'une année, Ramdas se débattit dans un monde plein de soucis, d'anxiétés et de peines. Ce fut une période terrible d'inquiétude et de tension. Dans cet état de misère désespérée un cri jaillit du cœur de Ramdas : "Où trouver le soulagement ? Où trouver la paix ? "

 

Le chercheur, dos au mur, décide de se mettre en route, non pas par un effet de sa volonté propre, le fruit mûr se trouve cueilli par la main divine. Ramdas y insiste : « La grâce seule peut nous sauver », « Il n'y a pas d'autre chemin. La grâce est à ce point toute puissante qu'elle peut agir sur n'importe quelle personne, qu'elle soit en mesure ou non de la recevoir. Sinon... elle ne serait pas toute puissante et vous pourriez dire que vous pouvez atteindre Dieu par votre propre mérite... Ainsi, vous tournez votre esprit vers Dieu par sa grâce seule... »

 

« En premier lieu, insiste-t-il, on doit s'éveiller par la grâce divine à l'intérieur de soi-même ; cette grâce ensuite conduit le chercheur vers un saint qui l'initie et lui donne une grâce supplémentaire qui lui permet d'aller jusqu'à la réalisation de la Vérité. En sanskrit, on appelle cela atma kripa et guru kripa'... Le chemin devient alors plus facile pour lui, puisque le Maître le guide tout le long jusqu'à ce qu'il trouve Dieu. »

 

Si le disciple répond positivement à cette première impulsion, alors, suivant le vieil adage : « Quand le disciple est

 

prêt, le maître arrive ». Le maître est attiré par le disciple comme le disciple est attiré par lui, l'un étant la forme divine achevée, l'autre la forme divine en devenir.

 

Et le maître adore chez le disciple cette image du divin.

 

 

 

 

 

LES QUALITÉS DU DISCIPLE

 

Il est dit que lorsque le disciple rencontre un vrai maître, une grande partie du chemin est faite. Le disciple est la terre que le maître travaille et rend féconde. Des qualités qu'il trouve dans le disciple dépendent les résultats de son action.

 

Encore faut-il que le disciple soit un disciple. Un dévot de Ramdas lui pose cette question : « Puisque d'un seul regard, le Maharshi vous a donné l'illumination, pourquoi n'agiriez vous pas de même sur vos disciples ? » Papa répond qu'il n'y aurait pas de problème si ses disciples se présentaient dans l'état où lui-même se trouvait devant le Maharshi.

 

 

 

Quelles sont ces conditions ?

 

1 – Sincérité et foi absolues. Le disciple est prêt. La grâce a déjà travaillé. Elle a développé en lui la soif du divin. Le

 

contact avec le maître est la seconde grâce : le travail spirituel (sadhana) et son aboutissement est la grâce finale. Soif du divin développée, confiance absolue envers le maître, sincérité sans limite dans sa recherche intérieure, le disciple doit être vrai, et parler vrai en tout temps, même s'il heurte les ressentis de son entourage.

 

2 – Vaillance et détermination doivent être absolues. Nous sommes ici sur le chemin de l'Absolu. Le prix à payer est le

 

prix total. Il n'y a de réduction de tarif pour personne. Sur ce chemin, « vous devez aimer Dieu de tout votre cœur. C'est la seule méthode pour L'aimer. Il ne doit pas y avoir de réserve dans votre amour, qui doit être intégral et complet.  En d'autres termes, vous ne devez avoir personne dans le monde que vous aimiez autant que Lui. L'attachement aux objets du monde vous empêche de donner à Dieu le cœur entier. Ce que Dieu désire c'est que vous lui déversiez tout votre amour. Votre mental, vos sens et votre corps doivent être disposés à ses pieds comme si vous Lui offriez un immense bouquet de fleurs. Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous et que sa lumière, son amour, sa paix et son pouvoir vous soient révélés. Ceci est possible seulement par une consécration totale de votre vie à Lui. »

 

Ecoutons cette histoire :

 

Un jour un marchand avait un collier de perles à vendre.Un client lui demanda quel était le prix de son collier. Lemarchand lui dit que le prix était de 10 000 francs. L'acheteur commença à marchander, il voulait le collier pour 7500 francs. Le marchand refusait de le lui laisser pour moins de 10 000 francs. « Je ne peux pas vous laisser  ce bijou sans le paiement de son prix fort », dit-il. Mais le client continuait à marchander, le demandant pour 9 000, puis 9 500, puis 9 750 et finalement pour 9 999 francs. Mais le marchand ne voulait pas s'en séparer pour toute autre somme que 10 000 francs. Et le client, qui voulait le collier, dut payer pour lui le prix fort.

 

Ainsi, conclut Ramdas, Dieu demande le prix fort avant de se livrer à vous. En vérité, le divin est sans prix. Personne ne l'obtiendra sans payer le prix en entier, c'est-à-dire votre être total dans tous ses aspects. Et en fait, cette consécration totale d'une vie n'est rien devant l'infinie liberté, la paix et la joie que vous obtenez de Lui.

 

3 - La soumission au maître doit être absolue. Le disciple

 

considère le maître comme celui qui a parcouru le chemin ; il voit en lui un grand frère, un père, une mère, un modèle du divin réalisé, un miroir dans lequel il se reconnaît. Cette soumission est élevante pour le disciple, un don immense du maître, qui renvoie vers son disciple l'image divine que celui-ci porte en lui-même. Et l'aime comme tel.

 

A une personne qui lui demande pourquoi, considérant son père comme son guru, il n'était pas resté près de lui pour avoir plus souvent son darshan et profiter de sa grâce, Ramdas répond que Gurudev lui avait donné une directive :  il n'avait pas à le revoir avant qu'elle n'ait été réalisée.

 

Gurudev l'avait assuré que « s'il répétait continuellement ce mantra', Ram lui accorderait le bonheur éternel ». Ramdas a répété continuellement le mantra jusqu'à ce que Ram lui accorde le bonheur éternel. Et par là nous a donné l'exemple de la motivation absolue, de la confiance absolue, de l'obéissance absolue, et du paiement du prix fort.

 

 

 

LE BUT

 

« Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous ». Aidé par son maître, le disciple va obtenir la réalisa-

 

tion, non pas par sa sadhana mais à travers sa sadhana. La sadhana n'est pas le moyen de la libération, n'est pas une

 

technique appropriée, comme on obtient du beurre en barattant le lait.

 

« C'est la grâce qui donne la libération : elle est à l'origine même de la sadhana. Ramdas dit : « La grâce vous

 

donne un éveil. Mais la réalisation ne vient pas aussitôt.Avant de réaliser complètement le divin, Il vous fait avoir

 

une sévère sadhana. Mais cette sadhana, obligatoire, est joie... Quand le premier éveil est arrivé, alors le chemin est

 

aisé.

 

« Votre travail consiste seulement à faire tomber sur vousla grâce divine. Constamment vous appelez Dieu. Vous

 

chantez Dieu, et vous obtiendrez une étrange béatitude, une étrange paix. Ce sera le résultat de sa grâce.

 

« Ceci est le seul chemin pour L'approcher. Prenez son Nom. Priez-Le. Appelez-Le. Chantez ses gloires. Elevez-

 

vous dans votre plus haute nature... Alors vous serez remplis de lumière, pouvoir, sagesse, et joie dans le divin. »

 

C'est le pur amour. Ramdas n'a jamais grommelé ou parlé

 

 

 

 

 

LES MOYENS DE LA SADHANA

 

Même si la sadhana est joyeuse et libre, elle n'en est tout de même pas moins un travail, et comme tel elle a ses exigences de rigueur. Les différentes « techniques » que préconise Ramdas sont celles qui viennent de son expérience :

 

 

Le Ram-Nam

 

C'est l'arme absolue de Ramdas, dont l'effet est l'illumination. C'est par le Ram-Nam – il le dit itérativement – qu'il

 

est devenu intoxiqué du divin. C'est le moyen de déprogrammer le mental, afin qu'il devienne vide et libre.

 

Un mantra est une formule sacrée objet de méditation. Cette formule peut se réduire à un seul mot, par exemple le nom d'une incarnation divine tels que Krishna, Rama (ou Ram). C'est le nom de Ram que Ramdas,  intuitivement, prononça tout d'abord. A proprement parler Ram (ou Rama, ou Ramachandra) est

 

une incarnation divine hindoue', septième incarnation de Vishnu, lui-même un des trois « visages » de la trimurti'.

 

Vishnu est le divin considéré comme conservateur de la création, qui s'incarne chaque fois que le monde est en

 

danger, afin de rétablir la religion primitive ; ainsi Rama et Krishna. Cependant, pour Ramdas, Ram représente plus que le personnage légendaire de l'histoire de l'Inde, héros du Ramayana. A la question que lui pose un jour un de ses dévots : « Est-ce que le Ram dont vous parlez est le Ram historique, ou est-ce une présence personnelle, et de quelle nature est le contact que vous avez eu avec Ram ? », Rames répond :

 

– La question est difficile parce que le Ram de Ramdas est en réalité merveilleux. Il en est de même, je le suppose, du Dieu qu'ont réalisé beaucoup de saints et de sages dans tous les pays. Ramdas sent la présence de Ram à chaque instant, et pourtant il ne peut pas dire de quoi il a l'air. L'omniprésence est un des attributs de Dieu, et l'on peut sentir cette omniprésence, mais il est très difficile de l'exprimer. Au début, lorsque Dieu a engagé Ramdas sur la voie qui mène à la réalisation, il lui a fait répéter le nom de Ram, simplement Ram, Ram. A ce moment, il n'avait qu'une idée assez vague de ce que Ram était, ou pourrait être. Mais cela avait pour effet que les vagues du mental se calmaient progressivement et il a joui alors d'une certaine paix. Son guru est venu plus tard et l'a initié en lui donnant le mantra de Ram : Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram. Mais le guru n'a pas dit à ce moment à Ramdas si c'était un personnage historique, si c'était un personnage mythologique, ou si c'était

 

l'esprit omniprésent.

 

« Après avoir chanté le mantra Om, Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram pendant assez peu de temps, Ramdas a été entraîné dans un état d'exaltation mentale où il était envahi par la lumière et la paix, au point qu'il perdait parfois conscience de son corps et pénétrait dans un plan de conscience supérieur. A cette époque, il répétait le mantra de Ram jour et nuit, sans arrêt ».

 

Le mantra est une formule sacrée destinée à être répétée. Pour s'en faire une idée, il n'est qu'à penser à certaines

 

prières de la tradition chrétienne, par exemple aux répétitions des répons dans les litanies latines : « Ora pro nobis,

 

ora pro nobis, ora pro nobis... »

 

Un autre exemple est, bien sûr, celui du chapelet. Jésus a donné une prière essentielle : le 1Votre Père (ou Pater

 

1Voster). Pour se tenir en état de prière (en « souvenir constant »), les premiers chrétiens récitaient et récitaient la

 

formule du Pater'. Pour ne pas s'endormir et s'y appliquer pleinement, ils faisaient passer un par un des petits cailloux de gauche à droite. Ces petits cailloux, enfilés en perles sur une cordelière forment un chapelet. Il est récité maintenant sur le le vous saLue, Marie (ou Ave Maria).

 

Un excellent exemple de l'utilisation d'un mantra chrétien (dans la tradition orthodoxe) est donné dans un petit livre, Récits d'un pèlerin russe'. Il met en scène un paysan qui, vers 1860, prend au sérieux la recommandation de saint Paul dans son Epître aux Thessaloniciens" : « Il faut prier sans cesse ». Il se demande comment cela est possible, vu qu'un homme va dans la journée à ses occupations, mange, dort...

 

Il pose donc la question à plusieurs personnes : à un saint homme, à un supérieur de monastère, à un vieux religieux, qui ne savent lui donner de réponse. Mais le dernier le conduit à un staretz" qui enfin lui donne la clef : il faut répéter la prière de Jésus, qui est l'invocation : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi ! » Celui qui s'habitue à cette invocation, explique le staretz, ressent une grande consolation et le besoin de la répéter sans cesse ; au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c'est d'elle-même qu'elle coule en lui. Le jour, et la nuit aussi, pendant le sommeil. C'est la prière intérieure perpétuelle.

 

Et le pèlerin russe part en récitant son « mantra ». « Je m'habituais si bien à la prière que si je m'arrêtais un court

 

instant, je sentais un vide comme si je perdais quelque chose ; dès que je reprenais ma prière, j'étais de nouveau

 

heureux et léger ». La formule est différente, mais Vittal devint Ramdas par le même chemin. A la différence des cultures près, Ram et Jésus sont pour le dévot des incarnations du divin, senties mais non tangibles, par lesquels on peut avoir de Lui une approche charnelle. L'influence de la répétition d'un mantra est illustrée par

 

une histoire qu'aimait raconter Swami Ramdas :

 

 

 

Un homme voulait se rendre propice un démon afin de lui faire faire tout ce qu'il voulait. Dans ce but, il accomplit des pratiques sévères. Enfin le démon lui apparaît et promet de lui obéir, mais il pose cette condition :

 

– Je réaliserai tous tes rêves, dit-il, mais si, à un moment, tu cesses de me donner du travail, je te dévorerai. Tu dois me tenir occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'homme accepte, et lui donne aussitôt l'ordre de bâtir un vaste palais. A son émerveillement, le palais est construit en quelques minutes. Puis de bâtir une route. Cela est fait tout aussi rapidement. La minute suivante, le démon se tient devant lui, pour lui demander un nouveau travail. Notre homme n'a même pas le temps de penser. Il lui ordonne alors

 

de bâtir une ville immense. En quelques heures, une ville s'élève devant ses yeux ébahis. L'imprudent est effrayé devant cette force qu'il ne peut contrôler et dont il devient l'esclave. Que faire ? Bien vite, il se rend auprès d'un saint et lui demande conseil. Le sage lui dit :

 

– Plante un bambou en terre solidement et demande au démon de monter et descendre sans s'arrêter. Il suit ce conseil. Bon gré mal gré, le démon doit s'exécuter : cela signifie pour lui un travail incessant sans le moindre mérite, sans le moindre repos. Finalement, lassé, il s'en va pour ne plus jamais revenir.

 

 

 

Cette histoire est celle de la destruction du mental et par là même, du sens de l'ego. Le mantra est la perche de bambou ; l'ego, le démon qui vous tourmente en bâtissant des châteaux en Espagne. Demandez-lui d'aller et venir sans cesse sur la « perche » du mantra, il sera vite fatigué de cet exercice et partira de lui-même. Alors le mental se dissoudra, et se révélera en vous la Pure Conscience.

 

Il est certain que le sens des mots prononcés, même s'il est difficile de le maintenir présent à l'esprit dans la répétition, permet au récitant de se garder dans la présence du divin. Mais le sens n'est pas capital. La foi dans le mantra agit. Et la transmission par un guru (un maître spirituel) à un de ses fidèles est essentielle, Cette transmission, donnée de bouche à oreille, s'appelle l'initiation et donne au mantra sa vraie valeur".

 

Les mantras védiques tiennent à la tradition religieuse la plus ancienne : les Veda, textes sacrés de l'Inde, établis par les rishi, les sages à l'origine de la religion primordiale. Le fait que ces mantra aient été mis au point sous méditation par de tels maîtres, et aient été récités avec foi par des millions de personnes avant que les disciples les reçoivent, donne à ces formules toute leur puissance.

 

Le pouvoir d'un mantra n'est pas supérieur au pouvoir d'un autre. C'est surtout le fait que le maître l'ait choisi pour nous qui importe : la couleur d'un savon est différente de la couleur d'un autre savon, mais la substance est intrinsèquement la même. Ramdas l'exprime parfaitement quand il demande que le nom de Dieu soit constamment sur nos lèvres, quel que soit le nom que l'on donne à Dieu. Mais il l'affirme tout au long : l'efficacité du mantra est liée à l'abandon. Si le disciple ne s'abandonne pas à la volonté divine, le Ram-Nam qu'il chante sonne faux. Nous y reviendrons. Dans cet abandon, le mantra doit couler comme du miel sur la langue de celui qui le répète.

 

 

 

Voici la traduction du Ram-mantra : Om, Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram :

 

Om : c'est la vérité impersonnelle, Dieu sous son caractère immanent, inaccessible, sans attribut. C'est le Brahman des hindous. Il est dit dans les Ecritures que le Brahman se révéla à l'origine comme son et que le son primordial fut Om. Ce son est ainsi considéré, si l'on peut dire, comme le mouvement de l'immobile, ou comme le Nom d'un Dieu innommable.

 

Sri, c'est le Pouvoir divin.

 

Ram représente le purushottama de la Bhagavad-Gita, qui est à la fois purusha et prakriti", et en même temps l'Un

 

suprême, transcendant au delà des deux Jai Ram, Jai Jai Ram : « Victoire à Dieu, Victoire, Victoire à Dieu ».

 

Soit : « Dieu, qui es à la fois vérité et pouvoir, personnel et impersonnel, victoire à Toi, victoire, victoire à Toi ! »

 

Ramdas explique comment il faut réciter le mantra, jusqu'à la grâce finale de l'illumination : « Quand Ramdas

 

chantait le nom de Dieu, lui demandant d'être victorieux sur toutes les forces des ténèbres et victorieux de l'ego, il implorait, il suppliait Dieu nuit et jour, et pour finir Dieu remporta la victoire ».

 

Ce n'est point Ramdas qui fut victorieux, notez bien : c'est Dieu lui-même habitant le coeur de Ramdas.

 

La répétition du Nom, et la concentration sur le son du mantra, amène à la purification du mental. « Vous acquerrez un haut pouvoir de concentration. Si vous concentrez votre mental et le fixez sur Dieu avec l'objectif de l'atteindre, il vous conduira à des sommets de lumière. Et vous serez parfaitement contenté. Votre vie sera comblée. »

 

« Le mental est rempli par le mal. Il peut être remis en santé et libéré du mal par la répétition du Nom divin. Plus

 

vous répétez le Nom de Dieu, plus vous devenez conscient de sa présence à l'intérieur de vous. Les forces sombres sont conquises et le mental devient tranquille, pur et transparent. Alors le rayonnement, la paix et la joie du divin se révèlent eux-mêmes et vous devenez comme une vitrine dans laquelle la lumière brillante est conservée. Sinon vous êtes comme un vase boueux dans lequel brille une lampe. Le vase étant opaque, on ne distingue pas la lumière. Vous devez faire du véhicule humain un parfait support de la lumière de Dieu. »

 

« Quand Ramdas commença à réciter Ram-Nam, il devint fou de Dieu. Ceci fut pris à tort par ses amis et ses parents pour de la démence. Jour et nuit, sans repos, il chantait Ram-Nam. Le sommeil aurait coupé la continuité de Ram-Nam. La nourriture lourde aurait amené le sommeil. Ainsi il sacrifia à la fois la nourriture et le sommeil pour chanter le nom sans cesse, La discussion mondaine aurait distrait le mental du Ram-Nam. Ainsi il cessa toute discussion et partit dans la solitude... vagabondant dans une robe d'ocre jaune...comme une feuille morte portée ça et là par la brise. Il disait alors qu'il se sentait en sécurité comme un bébé dans les bras de sa mère. »

 

Il précise : « Les vibrations crées par la répétition du Nom de Dieu s'amalgament à notre mental, qui se trouve absorbé dans le divin. Il oublie de divaguer car il est saturé, intoxiqué par la douceur du Nom. Tous les vasana" et désirs sont éradiqués, et le mental devient calme... Il n'est rien, en vérité, qui ne puisse être obtenu par la répétition du Nom pendant quelque temps. C'est immédiat. Telle est l'expérience de Ramdas. La douceur du Nom est telle qu'elle ne veut pas vous quitter. Ramdas but cette douceur jusqu'à ce que la boisson et Ramdas devinssent un. Après cela, naturellement, la répétition s'arrêta et Ramdas fut envahi par l'extase, qui est demeurée avec lui toujours depuis lors, sans plus d'effort, »

 

 

 

L'abandon, le renoncement

 

« Réellement l'homme n'a pas de volonté propre. Il y a seulement une volonté divine au travail partout et en tout.

 

C'est une erreur de penser que nous, en tant qu'individus, possédons un pouvoir quelconque pour faire quelque chose.

 

Dieu est derrière tout. Son pouvoir seul est actif et si nous nous soumettons à Lui, nous serons libre du sens de l'ego et réaliserons que nous sommes l'Esprit infini, universel. » La répétition du Nom divin est liée à l'abandon. Elle ne trouve son pouvoir entier que si l'abandon est présent. En anglais, Ramdas choisit le mot surrender qui signifie « abandonner », mais dans le sens militaire d'abandonner une place forte. Abdiquer, se rendre. C'est l'ego qui se rend à la volonté de Dieu, avec confiance. Confiance absolue dans l'amour. Qa marche ! Ramdas, nous l'avons dit et répété, parle d'expérience.

 

S'abandonner est un acte de volonté. S'abandonner est un acte d'humilité. S'abandonner est un acte de sagesse.

 

Ramdas déplore de voir des personnes troublées par l'état de leurs affaires, et passer par les tracas et les anxiétés de la vie. Il a connu ça ! « Il est bien entendu que si nous sommes dans un chemin spirituel, nous nous abandonnons dans les mains de Dieu, et il s'occupe de nous chaque jour. Quelles que soient les expériences que nous ayons, bonnes ou mauvaises, elles nous sont toutes données pour notre progrès spirituel ».

 

Se soumettre à cette volonté omnipotente, c'est l'absolue libération d'une âme qui cesse de lutter. Le moyen de

 

s'abandonner est bien sûr de s'engager dans le total « souvenir de Dieu » par la récitation du Nom. Accorder notre mental sur cette présence à l'intérieur de nous, c'est atteindre la libération des peines et de la misère qui nous viennent de l'identification au corps périssable".

 

Ainsi lui-même accepte-t-il toutes les situations comme données par Ram Lui-même. Il supporte les injures, les

 

privations de nourriture, ou les piqûres des moustiques le long du Gange, couchant s'il le faut sur la pierre glacée sans seulement un morceau de tissu pour couvrir son corps.

 

Jamais il ne se plaint ni regimbe : il se contente de décrire le jeu de la vie, et il sait que cela est la réalité, son Ram bien-aimé.

 

Un homme religieux accepte tout ce qui est, il n'attend pas qu'il lui arrive autre chose. Il est toujours reconnaissant. La façon dont il regarde le monde est différente. Le monde est neutre, il lui apparaît comme la beauté et l'extase ultimes. Les situations pénibles sont des processus de purification que nous devons accepter de bon coeur ; sans la souffrance il ne peut y avoir de progrès. C'est lorsque notre mental est absorbé en Dieu que nous devenons libres de la misère, transcendant les sens et le mental : c'est l'état de nirvana" ou libération.

 

« Béni soit celui qui a connu l'épreuve, a dit Jésus", il a trouvé la Vie. »

 

 

 

L'unité, la compagnie des saints

 

Cette ignorance, assimilation au corps, croyance en une différence entre toi et moi, sensation d'être trimballé entre chaud et froid, joie et peine, gain et perte, c'est la douleur. L'action, ou jeu, ou lila de Dieu se manifeste par l'existence de ces paires d'opposés, chaque phénomène se trouvant souligné par son opposé complémentaire. Cette présence de « paire d'opposés'" » est la définition même de la shakti", énergie jouant entre deux pôles : plus et moins pour l'énergie électrique, Nord et Sud pour le magnétisme, chaud et froid pour l'énergie thermique, action et réaction pour la mécanique, mâle et femelle pour l'énergie sexuelle, chakra pour l'énergie spirituelle (kundalini), etc. La libération nous place au-dessus de cette dualité : « Rester toujours sur le plan de la dualité, assujetti aux dvandva de plaisir et peine, honneur et déshonneur, profit et perte, et continuer à dire "Je suis

 

Brahman" ou "Je suis un avec le divin", c'est la déception. »

 

Quand, par la purification du mental, nous arrivons à transcender les paires d'opposés, nous tenant au-delà du

 

« j'adore » et du « je déteste », alors vient cette attitude d'enfance que tous les saints paraissent posséder. Souvenonsnous comment Ramdas et Ananda Mayi se disputaient le titre de plus jeune petit enfant. Et du sourire de Ramdas qui, ayant transpassé la dualité passé et avenir, vit en l'immédiat de l'éternel présent. Le saint est disponible : il est tout amour, tout écoute, et sa compagnie est absolument agréable.

 

 

 

Sans désirs, sans vasana, le mental purifié cesse en quelque sorte d'exister, ou du moins de s'imposer à nous

 

comme manifestation de l'être". Nous prenons conscience alors qu'il était la cause de l'état de séparation dans lequel nous vivions. La vérité s'impose : Dieu seul est. Dieu (la vie) est en moi. Je suis la Vie. Les hommes, les animaux, les objets sont la Vie. Nous sommes tous Un.

 

« Dans la réalisation de Dieu, où est-il question de "Je" et de "Tu" ? Où peut-il être question de séparation entre l'un et l'autre, même physiquement, puisque nous voyons toute chose comme la manifestation de Dieu... ? Toutes les différences, divisions et diversité sont complètement fausses dans le Royaume de Dieu ».

 

C'est Dieu qui joue tous les rôles. Il est le malade et le médecin, il est le voleur, le gendarme, le juge et le bourreau.

 

C'est lui qui nous inspire d'aller à un satsang quelque part, d'aller à nos affaires ailleurs, de commettre ce que l'on

 

appelle un crime en un autre lieu. Dès que nous avons pris conscience que c'est Lui qui joue tous les rôles, alors nous ne voyons plus rien de bien ou de mal et nous sommes transportés sur un plan plus élevé de conscience. Notre effort doit être de nous maintenir sur ce plan.

 

« Nous devons sentir, dit Ramdas, au plus profond de nous-mêmes, que nous ne sommes pas simplement des

 

corps, mais l'Esprit immortel, pénétrant tout. Quoique, apparemment, nous semblions être séparés les uns des autres, essentiellement nous sommes Un. Nous avons à développer cette conscience. Afin de réaliser cela, nous devons nous attacher à Dieu qui a sa place dans le coeur de chacun de nous. Dieu n'est pas éloigné de nous, dans le temple, l'église ou la mosquée. Nous devons nous attacher à Lui. Nous devons nous souvenir de Lui à l'intérieur de nous. En nous souvenant constamment de Lui, nous pouvons déchirer le voile qui nous sépare de Lui et réaliser notre unité avec Lui.

 

Nous sommes essentiellement divins, non seulement intérieurement mais extérieurement aussi... L'univers dans sa totalité est décrit par la Bhagavad-Gita comme une manifestation du divin... Chaque atome de l'univers est plein de la lumière et de l'énergie divine. C'est ce que nous avons à réaliser...

 

« Tous les grands maîtres" nous ont enseigné que nous devrions vivre en union les uns avec les autres et ne pas

 

lutter. Ce message est en vérité un grand trésor qui est notre héritage. Nous ne devons pas vivre comme des personnes ordinaires, ne pas oublier de chercher à réaliser le centre et l'essence de notre être, Dieu. De temps en temps, nous devons tourner notre mental de l'extérieur vers l'intérieur afin de tâcher de réaliser l'unité avec la source éternelle...

 

Dans cette unité est la paix... et non pas dans la division et les conflits ».

 

 

 

La méditation assise

 

A la lecture des écrits de Ramdas, il semble que la méditation assise prenne peu de place. A y regarder plus profond, on constate qu'elle s'impose d'elle-même dans son enseignement, par plusieurs approches.

 

Le rappel du mental vers l'intérieur, dans le texte que nous venons de lire, est déjà une forme de méditation.

 

Ramdas recommande, lors de la récitation du Ram-Nam, de « méditer sur les attributs de Ram ». Ce qui procure un double avantage : le premier est de ne pas laisser divaguer le mental. La récitation du mantra nous met déjà en présence de Dieu ; la méditation sur les qualités divines souligne ou accélère encore l'effet du mantra. Méditer sur les qualités de Ram est chose facile, puisque Ram est tout et chacun autour de nous, c'est la Nature, c'est la Vie, et toute ses implications. Un autre avantage de cette « méditation » est qu'elle développe une connaissance du divin, et par cela l'amour de Dieu, indispensable pour obtenir la grâce divine".

 

Chez Ramdas, la méditation a bien souvent été l'effet de la répétition du mantra. Le mental s'arrête et le ravissement vient, avec un état de samadhi, plus ou moins profond, que les mystiques chrétiens appellent contemplation. Ce ravissement peut d'ailleurs venir du divin reconnu dans un paysage, dans l'art, au contact d'un saint, ou aussi de toute autre expérience.

 

Quant à l'exercice de méditation proprement dite, il l'impose à Mataji quand il juge qu'elle est prête à réaliser sa libération : « Tous les saints ont obtenu la plus haute expérience spirituelle en pratiquant la méditation. Ramdas pense que vous pouvez, si Ram le veut, avoir cette expérience même sans pratiquer la méditation assise. Mais il semble cependant que le moment soit venu où vous devriez pratiquer la méditation ».

 

Krishnabaï écrit :

 

« Ô Papa, plein de compassion ! Quelques jours passent ainsi, au bout desquels tu m'autorisas à revenir à l'ashram.

 

Lorsque j'y vins, tu m'ordonnas de m'asseoir pour méditer. Je n'avais jamais médité jusque-là. Et même lorsque je m'efforçais de le faire, je me trouvais terrassée par le sommeil...

 

Ainsi quand tu me demandas de m'asseoir pour méditer, je répliquai : « Je ne veux pas ». Alors tu me dis : « Pour

 

méditer, assieds-toi bien droite et ne bouge point ton corps, si peu que ce soit, pour n'importe quelle raison. A mesure que tu avanceras, il se peut que tu voies à un certain stade quelque lumière brillante et que tu ressentes de la frayeur.

 

Cela ne devrait point faire que ton corps se meuve. Tu ne devras point fixer ton esprit sur la forme de Ramdas, et tu devras considérer toutes les pensées qui te viendront à l'esprit comme n'étant point toi-même, te voir toi-même audessus de toutes pensées, toute transcendante consciencetémoin.

 

« Lorsque la kundalini" remonte, si ton corps bouge si peu que ce soit, sa puissance descendra immédiatement, et il se passera un long moment avant qu'elle se remette à monter.

 

« La montée de la kundalini au niveau de bhrukuti (ajna) peut s'accomplir sans grande difficulté. Mais que cette puissance oscille de bhrukuti à sahasrara", cela est extrêmement

 

difficile. L'aide extérieure du guru ne peut t'être utile que pour amener la kundalini jusqu'à bhrukuti c'est-à-dire vers

 

l'étape de la réalisation de soi. Au-delà, Ramdas ne peut plus t'assister sous sa forme extérieure à toi. Ramdas, la

 

Vérité absolue au dedans de toi, fera monter, de par sa grâce, la puissance jusqu'au sahasrara, te faisant une avec

 

lui. Cela te donnera l'expérience que tu es l'univers entier et au-delà ».

 

Suit le détail de l'illumination, qui s'empare doucement de Mataji".

 

Pendant sa tournée en Europe en 1954, Papa Ramdas donne en Suisse une véritable leçon de méditation silencieuse. La méditation, contrairement aux idées occidentales, ne consiste pas à penser à quelque chose ; elle consiste au contraire, dans l'abandon total, à expérimenter la cessation pour un temps de la danse désordonnée des pensées dans notre mental. Elle est à la fois un test, un exercice, et une expérience spirituelle.

 

La méditation idéale est le silence complet du corps et du mental. Si quelque pensée se présente, qu'elle ne soit point retenue ; comme si elle n'était ni indésirable ni invitée. Le silence obtenu, la présence du divin s'impose puisque nous sommes le divin.

 

La leçon de méditation de Ramdas a lieu à Genève. Plusieurs personnes lui demandent ce qu'il en est de la

 

méditation. Jamais une telle question ne lui avait été posée en Inde ! Il accepte aussitôt d'en faire la  démonstration.

 

Descendant de sa chaise, il s'assied en siddhasana", et invite chacun à faire de même, s'il peut tenir cette position.

 

Papa demande alors qu'on ferme les yeux, et qu'on répète un Nom Divin, quel qu'il soit : Ram, Shiva, le Christ ou Allah, et de méditer sur les qualités divines. Personne ne bouge, même d'un centimètre". Tout le monde est immobile dans son corps et dans son esprit. L'exercice est refait tous les après-midi pendant une demi-

 

heure, tant qu'il demeure à Genève ; et quoique la plupart éprouvent des difficultés à contrôler leur mental vagabond, la présence de Papa les apaise, et ils ressentent un vrai bonheur. Ayant goûté une fois à ce calme très doux de la méditation, ils reviennent, et d'autres personnes viennent en grand nombre ; Papa leur demande de continuer cette pratique au moins une demi-heure chaque jour". Pour lui-même Ramdas ne parle pas de méditation. Il s'en explique : il est en état de méditation constante. Il n'a plus besoin de s'accorder ces moments de silence pour goûter des échantillons de béatitude, puisqu'il possède celle-ci en pièce entière.

 

 

 

LA VISION UNIVERSELLE : L'AMOUR, LE SERVICE

 

Dans cette montée vers le divin, des voies différentes sont possibles. On a dit de Ramdas qu'il était un grand bhakta'", c'est vrai. Mais s'il préconise par la récitation du mantra l'intimité avec Dieu, il ne cesse d'enseigner la connaissance religieuse en des milliers de questions-réponses, où, pour celui qui voudrait suivre la voie de jnani-", tout approfondissement se trouverait accessible".

 

Le saint a déchiré le voile de l'ignorance. L'ignorance, c'est maya, la lila, ou jeu divin. L'enseignement spirituel des

 

maîtres, depuis toujours, a consisté à enseigner aux hommes à surmonter maya, à s'élever au-dessus de la dualité de la création afin d'en percevoir l'Unité dans le Créateur.

 

Il a une confiance totale envers tous les êtres : hommes et animaux. De quel danger peut-il avoir peur quand il ne voit devant lui que son Ram Bien-Aimé ?

 

Puisque l'homme est Dieu Lui-même, on doit l'aimer. Plus que cela, le servir. Et le service doit se faire sans aucune considération de caste ou autre condition. « Ô Papa plein de compassion ! Ecrit Mataji, tu m'acceptas comme ton propre enfant et me donnas conseil en ces mots : "Répète toujours Ram-Nam et considère le service que tu rends à quiconque comme étant le service et le culte rendus à Ram". Cette pratique te permettra facilement de réaliser ton union avec l'être universel, Ram" ».

 

Krishnabaï sert tous les hommes sa vie durant, prenant le conseil de Papa comme un ordre formel. On peut dire qu'il prêche là le karma yoga : amour inconditionnel et service désintéressé. Le but premier de son tour du monde de 1954 n'était-il pas de propager cet idéal d'amour et de service ?

 

La vision universelle est l'expérience du divin immobile et mobile, inactif et actif, immanent et personnel, à l'intérieur et à l'extérieur de soi. Ce but atteint, l'illusion d'un moi séparé dépassée, vient la joie absolue, état naturel de l'homme.

 

 

 

LE MONDE, ILLUSION ?

 

Réalisation du divin ne signifie pas pour Ramdas monde illusoire. Si l'ego se fait illusion sur le monde, le monde, lui, n'en est pas pour autant illusion. Il y a une réalité de la vie telle qu'elle nous apparaît. Cette réalité n'est illusoire que par son caractère éphémère. Elle est insaisissable. Mais elle a son existence propre. Maya n'est pas l'illusion bouddhiste, c'est le jeu divin, la danse de Shiva.

 

Un jour qu'il se trouve à Donnal dans le jardin de la ville avec une demi-douzaine d'amis mariés et chefs de famille, un passant, qui observe Ramdas vêtu d'ocre, passe à côté de lui et lui donne cet avertissement :

 

– Prenez garde, ne leur enseignez pas que le monde est une illusion, ou vous les égareriez.

 

Et Ramdas :

 

« Pour Ramdas le monde n'est plus une illusion. Il est arrivé à le regarder comme la propre expression de Dieu en

 

forme et en mouvement. Il se révèle comme une gigantesque image de Dieu débordante de vie divine. »

 

Après son tour du monde en 1954, il écrit le livre World fis God'-'. La préface ne nous laisse pas de doute : « Le Monde dans lequel nous vivons, et les innombrables autres mondes dans lequel le nôtre est placé : tous sont imprégnés par la Vérité unique ou Dieu éternel et sans limite. Le microcosme est le macrocosme. L'individuel est l'universel. Dieu habite dans chaque être et dans chaque chose, aussi petit soit-il, dans sa totalité et toute sa perfection.

 

« Il est juste de dire que lorsque nous réalisons Dieu à l'intérieur de nous et avons pris conscience que notre corps est son corps, alors nous savons et reconnaissons aussi que le monde et l'univers sont aussi son corps. Et réciproquement, quand nous avons reconnu l'univers entier comme étant

 

Dieu, alors nous savons aussi que nous sommes Lui ».

 

Les dernières lignes de l'ouvrage sont tout aussi explicites : « Ramdas affirme, avec toute l'autorité de son expé-

 

rience spirituelle que Dieu est un, et que tout sur la terre est la représentation d'un Dieu unique. Toutes les forces qui sont en travail dans la nature sont une, parce qu'elles jaillissent du jeu de prakriti. Toutes les créatures et tous les objets sur la surface de cette belle terre ont leur source dans le Un. Ils sont nés de Lui ; ils vivent, se meuvent et agissent dans la conscience de cet Esprit unique qui pénètre tous les vivants et tous les objets. Un est le refrain cosmique éternel, Un est le chant qui ne se termine jamais, la divine musique des sphères. Un est le Monde, Un est la Vérité, et Un est Dieu ! »

 

Dans ces phrases magnifiques pleines de véritables foi et espérance, on entend sonner l'ancien aphorisme des alchimistes : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

 

Ou encore une vision globale du monde telle qu'on l'aperqoit à la fin du XX' siècle. Face à l'objectivité de la

 

Renaissance (trilogie du sujet de l'expérience, de l'objet de l'expérience et de l'expérience elle-même), vient aujourd'hui une conception d'un monde possédant une structure holographique", chaque partie n'étant que la reproduction d'un modèle sous-jacent qui le domine, mais dont elle porte en elle-même l'intégralité. Ainsi deux savants modernes, Karl Pribram et David Bohm, arrivent à cette conclusion par des chemins différents : l'un pour expliquer les curiosités de la matière, l'autre pour éclairer les mystères de la psycho-

 

logie. Ils ne concluent pas plus que Ramdas au caractère illusoire du monde matériel, non plus qu'à la perte de l'individualité de chaque être, ils nous voient semblables aux tourbillons d'une rivière, distincts mais inséparables du flot de la nature. Le monde matériel renferme dans sa texture fondamentale nos processus de conscience les plus intimes. Telle est la profonde cohésion existant entre tous les êtres et de toutes les choses, dans cette nouvelle vision de l'univers".

 

Ramdas appelle ce tout « Dieu ». Ce serait pour ces savants le Grand Hologramme dont chaque partie vivante porte la totalité. Les mystiques et les savants qui suivent humblement la nature se rejoignent dans une vision large de la Réalité. Ce que nous sentons intérieurement, toujours : « Il y a quelque chose en plus », plonge le savant dans l'admiration" et Ramdas dans la lumière et la joie de la Connaissance.

 

Le monde est lila. Dieu s'amuse à s'y projeter sous diverses formes. Ramdas ne dit pas que le monde est une création de Dieu, mais une projection de Dieu. Il avait l'habitude de dire :

 

« Tout est Dieu. Tout est en Dieu. Dieu est en tout. » Comprenant que le mot Dieu paraît pour certains usé et vide de substance – surtout pour les Occidentaux catéchisés –, il n'hésite pas à dire : « Si vous avez honte du mot Dieu, ne l'employez pas, dites : Vérité, Réalité, Conscience Infinie ». Mais ce mot, ce Nom sublime, lui l'emploie sans cesse, puisqu'il parle d'expérience, d'une Connaissance obtenue dans son intimité avec Ram, autre Nom de Cela. Au risque de nous répéter, nous soulignons de nouveau cette originalité de l'enseignement de Ramdas : il affirme avec la même intensité que Dieu est immanent à tout ce que nous voyons et expérimentons", mais aussi, en même temps qu'Il est personnel, c'est-à-dire il peut être adoré par l'homme, son serviteur (le « das » de Ram en l'occurrence)".

 

Par sa vie même, Ramdas unit les deux formes divines dans sa bhakti : il adore un Dieu personnel, et il le reconnaît dans tous les êtres et dans toutes les choses. Tout est Brahman, oui, mais cela doit être réalisé. Le dire ne suffit pas, l'expérience à tout prix doit être faite d'un état qui est au-dessus de tout sens de la dualité, libérant le mental du sens de l'ego.

 

Le Dieu que nous cherchons, aucun argument d'aucune sorte peut prouver son existence. A celui qui en a fait l'expérience, il se manifeste, se fortifiant depuis l'appel du « je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure" », jusqu'à cette Présence qui conduit l'âme à l'illumination. C'est la foi théologale qui n'est ni croyance aveugle en des dogmes ou des credos, ni confiance fanatique donnée en quelque pontife. La découverte finale est celle de l'Amour envers tout être, tout objet, et toute situation : « Quel suprême privilège, dit Ramdas, d'être capable de voir l'univers comme notre propre nous-même et de l'embrasser avec les bras de l'Amour infini ! » Le mal vient de ce que nous croyons être séparé de cette universelle Vérité.

 

 

 

LES RELIGIONS

 

Qu'en est-il des religieux ? Ramdas est un religieux, certes ; possède-t-il une religion ? Adhère-t-il à quelque credo?

 

« Ramdas n'appartient pas à une secte particulière. Il est fermement convaincu que tous les credos, toutes les fois,

 

toutes les religions sont des chemins différents qui convergent vers le même but... Tous les grands instructeurs de ce monde viennent d'un seul Dieu, cause primordiale et éternelle de toute existence. Pourquoi donc une Église serait-elle plus fondée qu'une autre ? La même note – abandon complet comme voie suprême pour la libération ou le salut – résonne partout et avec insistance dans la Gita, la Bible, le Coran et le Zend Avesta. »

 

Il ne juge pas les religions. Il ne s'attaque pas aux dogmes, bien que sa sagesse l'empêche de s'y empièger ; il ne juge pas les clergés, quoiqu'il sache parfaitement combien leur goût du pouvoir les amène à pervertir et à amenuiser l'enseignement des maîtres. Il console les croyants en donnant à chacun d'eux une image positive du chemin qui est le leur. Il sait qu'au sommet, tous les chemins disparaissent. Il ne voit ni impureté ni mal dans le monde qu'il considère tout en une même et seule vision lumineuse. Avec les hindous, il discute sur le Brahman suprême et sur la Réalisation de Dieu par l'expérience. Aux musulmans, il parle d'Allah et de

 

Mohammed, mettant l'accent sur la soumission à la volonté d'Allah. Aux chrétiens il veut faire prendre conscience qu'avoir foi en Christ signifie prendre comme idéal cette personnification de l'amour divin jusqu'à ce qu'elle envahisse leur âme et pénètre leur vie ; et Ramdas leur rappelle cette parole qu'il met au centre de l'enseignement du : « Le Royaume de Dieu est en vous ».

 

Il précise : « Votre vie doit donc avoir pour guide le Christ qui est amour, il vous emmènera alors dans le Royaume du Père, la paix absolue. Mais ne pensez pas que le Christ soit le seul chemin du salut. Longtemps avant lui ont existé de grandes âmes qui ont tenu haut la torche de la connaissance divine pour illuminer ce monde ».

 

Dans son livre In the Vision of God on trouve un clin d'œil qui nous permet de saisir son sentiment envers les convertisseurs. De passage à Allepey, il est logé dans un bâtiment appelé Institut Chrétien. Ramdas y rencontre deux hommes, Thomas et Mathai, qui lui témoignent beaucoup d'amour.

 

Mais alors que Thomas, le plus jeune, est paisible, Mathai, d'âge mûr, ne l'est pas, et « entreprend de faire pénétrer dans l'esprit de Ramdas que l'enseignement du Christ est la seule vraie révélation de Dieu ».

 

Il fait du prosélytisme « à temps et à contretemps" », avec l'ardeur et l'acharnement du missionnaire intolérant. Pour couper court Ramdas lui dit : – Dieu a donné à la tête de Ramdas une forme permanente.

 

Vous pouvez la marteler autant que vous voudrez, vous ne pourrez la changer et lui donner la forme que vous voulez qu'elle ait.

 

Un ami de Ramdas, Mark Sanjivrao, prédicateur de l'Évangile du Christ, qui assiste à la scène, rit aux éclats. Par

 

la suite, il demande à Ramdas :

 

– Est-ce que Mathai a pu changer la forme de votre tête ?

 

– Mathai ne peut pas accomplir l'impossible, répond

 

Ramdas. La tête de Ramdas est coulée dans un tel moule qu'une forme permanente lui a déjà été donnée.

 

Il rient. Et chaque fois que Mathai s'approche de lui, Ramdas prévient :

 

– Voilà le marteau !

 

A la fin Mathai abandonne sa tâche vaine, et Rames conclut que le marteau est cassé !

 

Le sommet de l'enseignement de Ramdas, c'est l'exemple ; il convainc par la réussite de sa Réalisation.

 

« La concentration de la pensée et l'effort sont les deux nécessités quand vous possédez l'ardeur pour atteindre la

 

Vérité. Pour obtenir la concentration, la méthode la plus facile est la répétition constante du Nom Divin. Celui qui possède le Nom possède la Vérité. Qu'est-ce qui fait que Ramdas nage toujours dans un océan de félicité et de paix ?

 

C'est le Nom Divin. »

 

« Ramdas, tu es libre, rien ne t'enchaîne. Tu es libre comme l'air. Prends ton essor, vole haut dans les cieux jusqu'à t'épancher en tous lieux et pénétrer l'univers entier. Sois un avec Ram. Tout est Ram, tout est Ram. Quel spectacle de lumière éblouissante de Ram partout répandue.

 

Flamboiement, flamboiement – flamboiement d'éclairs. Ô Majesté, ô Divinité, ô Amour, ô Ram . Ramdas, ta folie vaut

 

tout ce qui est dans le monde et tout ce qui n'y est pas Rejette la sagesse. A qui peut-elle être utile ? La sagesse est

 

poison, la folie est nectar – folie de Ram, entends-tu, Ramdas ? »

 

 

 

Ayez Ramnam toujours sur votre langue Soyez pur en pensée, parole et acte. Soyez aimable et bon envers tous

 

Ayez confiance en Dieu et soyez libre de tous soucis Dieu est votre seul refuge et protecteur Abandonnez-vous à Sa volonté Et soyez toujours heureux et gai.

 

 

 

Paroles de Ma

 

Quand un travail impersonnel  est exécuté et regardé par un spectateur, une joie profonde surgit de l'intérieur. Ce corps vous parle aussi d'un autre aspect - pouvez-vous deviner ce que c'est ? De même que le Bien-aimé est le Soi, ainsi la destruction est aussi Lui – de même aussi que  ce qui est détruit. Il en est ainsi là où le Soi est et rien d'autre que le Soi. Si vous êtes si complètement concentré dans une direction donnée que vous ne pouvez vous empêcher d'agir dans ce sens, une action erronée devient impossible.

 

Combien d'étudiants vont à l'université, mais combien peu parmi eux sont les premiers, bien qu'ils soient tous enseignés  par les mêmes professeurs? Personne ne peut prédire à quel moment particulier les circonstances vont s'enchaîner pour faire survenir le Grand Moment pour chacun. Il peut y avoir un échec pour commencer, mais ce qui compte, c'est le succès final. Un aspirant ne peut être jugé par des résultats préliminaires. Dans le domaine spirituel, le succès final signifie qu'il y a eu un succès déjà dès le début.

 

Toute chose est infinie - infini et fini sont en fait la même chose; dans une guirlande le fil est un, mais il y a des vides entre les fleurs. Ce sont ces vides qui causent le manque et le chagrin. Les remplir,  c'est être libre du manque

 

Une dévotion complètement concentrée engendre une pensée profonde, qui s'exprime dans l'action. Le Seigneur descend avec sa lumière sur le fidèle. Son pouvoir s'éveille en lui et en conséquence, une recherche intérieure profonde s'épanouit.

 

Tant que vous n'êtes pas finalement établi dans cette connaissance Suprême, vous demeurez tous dans le royaume des vagues et des sons. Il y a des sons qui font en sorte que le mental se tourne vers l'extérieur, et d'autres qui l'attirent vers à l'intérieur. Mais ceux qui tendent vers l'extérieur sont aussi reliés à ceux qui l'amènent à l'intérieur.

 

 

 

Entretiens avec Swami Vijayananda

 

 

- Quelle est notre vraie nature ?

 

- Au fond de notre cœur notre vraie nature est perfection, pour la retrouver il faut enlever "l'écorce",   les voiles qui la cachent du fait que nous vivons dans la forme, dans la dualité. Les voiles sont faits de nos émotions négatives, de nos peurs de nos désirs etc....

C'est comme un bol en or qui est resté longtemps dans la terre il faut enlever la saleté, mais l'or lui-même ne s'altère pas.

 

- Quelle partie de nous se réincarne ?

 

- C'est le corps subtil qui s’en va et qui ensuite se réincarne. Il s'agit d'un agglomérat de désirs. Au moment de la mort c'est notre désir le plus puissant qui s'élèvent et qui détermine la prochaine réincarnation. D'où l'utilité d'avoir des pensées pures, de maîtriser le mental, et au moment de la mort des rituels comme l'extrême-onction ou d'un autre accompagnement spirituel puisque ainsi le mourant pense à Dieu au moment de quitter son corps.

 

- Comment fonctionne la prière ?

-  ce qui compte, c'est l'attitude mentale. Si on appelle sincèrement, la réponse vient forcément. De même pour la méditation, elle ne vaut rien en l'absence de compassion, d'amour dans la vie quotidienne. Méditer est seulement un moyen vers la maîtrise du mental.

 

-  qu'elle et la différence entre amour mystique et amour humain ?

- l'amour humain a forcément son ombre, l'hostilité, puisqu'il se situe dans la dualité. Donc il reste limité et personnel, attaché à la forme. L'amour mystique (pour le Gourou, le divin) est pur, tend vers l'union mystique.

Pour rendre l'amour humain plus pur, on peut s'efforcer de voir le divin en l'autre. De toute manière il vaut mieux de l'amour "n'importe quoi" que pas d'amour du tout. Puis, quand l'amour divin se développe, le besoin d'amour humain  tombe spontanément, étant tellement plus pur plus fort. Ne pas forcer, cela vient quand c'est mûr

 

-  pourquoi nous attachons-nous au corps ?

-  on croit y trouver le bonheur, à travers les plaisirs comme le sexe, et la nourriture etc. En réalité ces plaisirs sont des réflexions déformées de la joie absolue qui est en nous, qui est notre nature. Tout bonheur recherché à l'extérieur déçoit, car il n'est qu'une réflexion déformée du vrai bonheur qui est en nous. Il s'agit d'en prendre conscience et de lâcher petit à petit les habitudes qui datent souvent d'innombrables vies : avec patience, tolérance, vigilance et persévérance !-

 

- est-ce difficile d'être un disciple ?

-  très difficile. Un vrai disciple se dédie totalement. Il y a beaucoup plus de gourous que de vrais disciples.

 

 

-  comment maintenir une orientation spirituelle dans la vie quotidienne ?

-  par le karma yoga. Il s'agit de ne donner aucune importance au succès ou échecs, et se libérer de la croyance que "c'est moi qui agis"; en gardant le mental indifférent aux résultats, on agit en prenant conscience de celui qui fait "ce n'est pas moi qui tire les fruits de mon action", qu'on est juste l'instrument du divin. On agit de manière parfaite pour la joie de l'action parfaite, peu importe ce qui en résulte. On peut aussi se souvenir  de ces dictons pleins de bon sens :

« tout ce que Dieu fait est pour le mieux. »

«  fais ce que dois, advienne que pourra. »

 

 

 

Éditorial

 Au moment où ce Jay Ma s'achève, nous sommes le 18 septembre c'est encore l'été, et nous pouvons donc encore parler de « l'envoi du numéro d'été ». Pour revenir à notre rythme régulier après le retour de Jacques Vigne en Inde, nous ferons un numéro double que nous enverrons en fin novembre. L'équipe de Jay Ma bénéficie maintenant d'un meilleur équipement, avec un ordinateur portable et un logiciel de dictée efficace. Nous espérons ainsi pouvoir améliorer la qualité du bulletin.

   Dès le début de ce Jay Ma, il nous faut annoncer la nouvelle du décès de Swami Swarupananda, le secrétaire général de la Sangha de Ma, âgé de 82 ans. Elle est survenue à l'hôpital,  à Delhi, le samedi quinze septembre. Nous pouvant d'emblée remarquer qu'il est étonnant que ce décès soit survenu exactement vingt ans après la mort de Ma, si l'on suit le calendrier lunaire. L'équipe de Jay Ma était présente lors de son immersion dans le Gange, et nous évoquons cet événement, ainsi que la vie de Swamiji auprès de Ma, dans un des articles de ce numéro.

Swami Nirgounananda est venu en France et il a passé cinq jours à Epernon près de Paris en fin août dans une retraite organisée par Claude Portal. Auparavant, il avait passé cinq autres jours avec Terre du Ciel à Chardenoux dans la Bresse. Ensuite et il s'est rendu chez Lama Rigdzin,  dans les montagnes suisses au-dessus d'un lac, pour une retraite avec un groupe principalement bouddhiste, mais aussi intéressé par l'enseignement de Ma. Il a continué sa tournée par le domaine des Courmettes, au dessus de Nice. C'est là que Ma Amritanandamayi était venue lors de ses premiers séjours en France.

Un groupe de trente-quatre français est venu pour et une retraite dans les ashrams de Ma. Ils ont été heureux de leur rencontre avec Swami Nirgounananda à Dhaulchina et Patal Dévi, ainsi que de celle de Swami Vijayananda à Kankhal pendant une semaine. Le groupe a pu aussi avoir une rencontre avec Swami Jnanananda, un yogui suisse venu en Inde il y a cinquante ans et suivant la lignée de Yogananda Paramahansa, et se rendre chez Chandra Swami dans son ashram des bords de Yamouna.

La santé de Swami Chidananda est mauvaise, il a maintenant plus de quatre-vingt-cinq ans. Comme Durga Pouja approche, nous traduisons en français une partie d'une série de causeries qu'il avait faites il y a déjà un certain temps pendant cette Pouja, qu'on appelle  Nava ratra, les neuf nuits de la déesse. Nous avons choisi la première partie du passage sur Sarasvati, la déesse de la connaissance et de la pureté représentée en un blanc éclatant et qui peut évoquer Ma.

Nous sommes heureux de continuer à traduire le premier livre de souvenirs des fidèles de Ma. Il contient des perles. Publié à Calcutta en 1946, il a été depuis presque oublié, puisque jamais réédité. Swami Nirgounananda en a retrouvé un exemplaire par hasard en rangeant la bibliothèque de l’ashram de Patal Dévi près d’Almora.

 

 

 

 

 

 

In memoriam

 

Swami Svarupananda

 

Swami Svarupananda a quitté son corps le samedi 15 septembre à 21 heures. Il est étonnant de constater  que l'on venait de célébrer le 20e anniversaire de la date lunaire à laquelle Ma a  quitté son corps à Dehra-Dun en 1982. Si l’on considère les tithis, les dates lunaires, il est étonnant de voir que Ma, Didi, Atmananda (la disciple autrichienne de Ma qui a encouragé le début de cette revue Jay Ma il y a dix-sept ans) ont quitté leur corps à pratiquement la même date à une journée près.

Swami Svarupananda avait rencontré Ma vers 1947. Ils étaient venus se promener à Bénarès à partir de Calcutta avec son ami Swami Prakashananda; à l'époque ce dernier était avec son père qui était un brahmine tandis que Swami Svarupananda aidait  son père qui lui, était artisan- joaillier. En se promenant au pied du ghat de Ma, ils ont entendu de la musique. C'était l'époque du Savitri Mahayajna, Ma était en train de se promener sur la terrasse de l'ashram. Ils ont été très impressionnés par sa démarche noble et le rayonnement de félicité qui émanaient de son visage. Ils sont revenus les jours suivant, toujours le soir, pour admirer Ma en train de se promener sur la terrasse. Ils ont demandé l'autorisation de rester dans son ashram. Ils ne sont pas revenus chez eux, leur mères respectives avaient déjà quitté ce monde, et ont commencé directement la vie de brahmachari.

Swami Svarupananda  a étudié ensuite à Uttarkashi dans l'Himalaya sur les bords du Gange sous la direction de Devi Giri Maharaj, il s'est particulièrement consacré à l'étude du Yoga Vashista. Pendant cette période qui a duré peut-être deux ans, il a suivi avec Prakashananda à l’instigation de Mâla vie traditionnelle qui associe le brahmacharya au bhikshcharya, l’étude à la mendicité, les étudiants allant chercher la nourriture à l’extérieur pour eux-mêmes et leur gourou. Il est passé à Almora et dans bien d’autres ashrams de Ma, il a, pris le sannyas de Didima, la mère de Ma, comme l'ont fait Swami Prakashananda, Keshavananda et Chetanyananda. Celui-ci est  toujours en vie à l'ashram de Delhi.

 Sa pratique était beaucoup le karma yoga. C'était un grand constructeur il a participé à l’édification de l'ashram de Vrindavan, la maison de Ma à l’ashram de Delhi, ls bâtiments de Kalyanvan à Dehra-Dun et à Kankhal à la construction de deux des trois hôtelleries et du temple du samadhi  qui abrite le tombeau de Ma ; tout à fait à la fin sa vie il a réussi à achever un projet qui lui était cher, le musée de Ma qui a été inauguré en novembre 2001. Au moment de la mort de Ma,  il était assistant de Swami Paramananda qui a survécu à Ma de deux ans. En 1984, il a pris sa succession comme secrétaire général de la Sangha de Ma, poste qu'il a occupé jusqu'à la fin, donc pendant dix-huit ans.

                                                                                                

 

 

 

Maroni, fille adoptive de Ma

 

Maroni était en fait la petite-nièce de Bholanath ; elle a eu l'expérience unique d'avoir été adoptée par Baba Bholonath et donc indirectement par Ma Anandamayi. Son histoire m'a été racontée par son petit frère Dasuda. Il est encore en vie à Kankhal et participe activement aux cérémonies en jouant le mridang (tambour horizontal).  Maroni est née en 1924.elle est décédée en 1997 à l'ashram de Kankhal. Tous ses grands frères et grandes  soeurs étaient décédés, ce qui fait que quand elle avait six mois, et que Bholonath et Ma Anandamayi sont venus la visiter dans son village de Dokrachi, dans le district de Vikrampur près de Dhaka, sa grand-mère paternelle,  qui se trouvait être la sœur aînée de Bholonath la lui a confié en espérant qu’ainsi elle échapperait à la mort. Le nom même "Maroni" signifie "celle qui échappe à la mort". Son nom original était  Nirupa Ma. Ce n'est pas Ma elle-même qui s'est occupée directement de soigner  le nourrisson, mais plutôt la petite sœur de Bholonath, Motari Pishi Ma (Pishi signifie en bengali "petite soeur"). Entre l'âge de six  et celui de dix ans, Maroni étaient très souvent avec Bholonath et Ma. À l'âge de dix ans elle a reçu, à l'instigation de Ma, l'initiation des brahmines, la jenoua, cordelette sacrée qui en général n'est donnée qu'aux garçons; le même jour,   elle a été mariée à Rameshwar Banerjee, le fils de Koumalda Brahmacharii,  qui étaient le poujari du temple d'Annapourna  à Dhaka. À partir de ce moment-là, elle a mené la vie de famille jusqu'au décès de son mari, en 1964. Elle a eu deux enfants, un garçon une fille, qui chacun ont eu également un fils et une fille. Une fois veuve, elle est venue s'installer auprès de Ma, a été responsable du temple de Shiva, dans l'ancien ashram de Kankhal. Elle était une excellente chanteuse, et connaissez très bien le recueil de  kirtans en bengali de Bhaïji, Shri Charane ("aux pieds", sous-entendu de la Mère divine. Lorsqu'elle était à la maison, elle faisait déjà le sacrifice au feu quotidien avec son mari. Elle avait des habitudes de vie austère: quand elle était dans l'ashram et qu'elle recevait de la nourriture,  elle  mélangeait tous les différents plats dans le même bol et avalait tout ensemble pour se défaire de l'idée de bon ou de mauvais goût. Elle était très aimée des gens à la fois de ceux importants et des humbles et elle était égale avec chacun. Bien qu'elle eût facilement pu se pousser en avant dans l'ashram, elle est restée la discrétion même. Elle avait une grande affection pour Vijayananda qu'elle ne manquait pas de venir saluer tous les soirs après la fin de la  pouja, lorsque celui-ci étaient assis sur le banc de pierre en face du samadhi.

                                                                                                                        JV

 

Quelques pages du retour de Ma du Kailash.

 

 

Ma revenait du Kailash pendant la mousson de 1937, non sans difficulté quand il s’agissait de traverser les rivières en crue; elle a retrouvé une sannyasinî du nom de Rouma Dévi qu’elle avait rencontré à l’aller.

 

Samedi 27 juillet. 

 Après avoir quitté les bords du Kali Gangâ, 6 ou7 km avant notre destination, Rouma Dévi est arrivée et s'est incliné au pied de Ma en disant, "Ma,  je suis restée assis ici en attendant ton darshan  depuis trois ou quatre jours sans retourner à mon ashram." Avant le coucher de soleil nous arrivâmes à Sasa. Rouma Devi nous accompagnait. Elle avait arrangé une maison dans laquelle  nous pouvions demeurer, elle y avait déjà installé des tapis pour nous. Aussitôt que nous sommes arrivés elle alla visiter les maisons des familles autour et nous a apporté de la farine, du ghî, des pommes de terre et du lait.

Le service est la devise de sa vie. Nous étions surpris de voir un tel esprit de service chez une sannyasinî aussi âgé. Elle dit à Ma, "Ma, je comptais les journées en vous attendant, errant de-ci de-là pendant ces trois derniers jours. Aujourd'hui je me suis assise sur une pierre - j'avais peur que vous passiez et que je vous manque... Beaucoup de gens sont venus à l'ashram et il y a du pain sur la planche. Mais je n'y suis pas retourné car je vous attendais. Cela fait sept jours que je suis venu ici d'Almora." Elle cueillit des fleurs sur le flanc de la montagne et les offrit à Ma en faisant pranam. Nous observions la dévotion de cette dame âgée, enchantés. Elle n'avait rencontré Ma que pour quelques heures. Le soir nous avons mangé le repas préparé par Rouma Dévi et nous nous sommes allés nous reposer.

En soirée, la maison était pleine de familles qui étaient venues pour voir Ma. Elle souffrait de l'estomac, elle mangea très peu dans l'après-midi et elle refusa même de manger le soir. Comme Jyotish Dada (Bhaïji) avait de la fièvre nous étions tous soucieux, sinon nous n'avions pas d'autre problème. Le lendemain nous devions quitter pour Khela après le déjeuner. Nous devions partirs vers dix heures du matin et devions voyager pendant douze ou quinze kilomètres  en passant par Sirka sur la route. Nous avons aussi dormi très tard.

 

Dimanche 28 juillet.
Jyotish Dada était malade. Nous nous mîmes en route après le repas. Khéla est à 10 km. Les   porteurs  devaient nous accompagner  jusqu'à ce que nous arrivions là-bas et ensuite devaient nous quitter.

Rouma  Dévi vint avec nous. Elle dit qu'elle voulait rester avec Ma et qu'elle ne retournerait plus à son ashram. Elle déclara, "j'avais décidé que le vœu de service était le plus grand dans la vie. Et maintenant que je suis vieille, je trouve qu'il n'y a pas de fin au travail. Je ne l'aime plus ; je souhaite vivre avec Ma et faire  ma sadhana." Disant cela, elle nous accompagna.

Nous avons trouvé des roses et des fleurs de champak épanouies alentour. Dasou Dada cueillit les fleurs et les offrit aux pieds de Ma. Nous découvrions des fleurs indiennes après si longtemps! Depuis le matin les villageois venaient pour le darshan de Ma. Certains apportaient du lait de la maison produit par les vaches qu'ils avaient eux-mêmes élevées, certains couvraient le lit de Ma avec des fleurs. Quelques dames avaient apporté des fleurs et des bonbons pour elle ; par la suite je les ai distribués à tous ceux qui étaient présents.

Une femme commença à questionner Ma sur des questions religieuses et demanda à Ma des conseils pour progresser dans sa propre sadhana. Certaines personnes marchèrent aux côtés du dandi de Ma (chaise à porteurs) pendant toute une distance. L'ashram  Sharada de Rouma Dévi est à 3 km d'ici à peu près. Beaucoup de villageois  tiennent Rouma Dévi en grande estime. Le directeur de la poste de Garbiyan avait écrit au directeur de la poste de Khela pour organiser le séjour de Ma là-bas.

 

Mercredi 31 juillet

Le docteur est passé ce matin. Et la fièvre étant tombé à 38°, Jotish Dada semble être un peu mieux. Nous avons décidé de rester aujourd'hui. Après le déjeuner tous se sont allongés pour se reposer. Je me suis assis dans la véranda ouverte et j'ai commencé à écrire. J'ai eu très peu de temps libre, j’ai écrit brièvement, en fait j'ai été à peine capable de coucher les événements sur le papier dans leur enchaînement. Ruma Dévi, Parvati Dévi et les autres sont toutes dans notre groupe. Dans l'après-midi nous avons appris qu'une pluie de la nuit dernière avait emporté le pont et  c'est pourquoi nous ne pouvions nous en aller demain. Le pont devait être réparé demain afin que nous puissions quitter le jour d'après. Il y a peu de choses sur lesquelles écrire aujourd'hui. Quelques missionnaires sont venus d’une institution avec des fleurs et des fruits pour avoir le darshan de Ma.

 

Mardi premier août

Nous avons dû passer la journée ici et il se peut que nous nous en allions demain. Au crépuscule il se mit à pleuvoir des cordes. Le pont sera probablement réparé bientôt, mais nous ne savons pas comment nous allons traverser la rivière.

 

Vendredi 2 août

Nous n'avons pas  pu partir aujourd'hui. Les habitants des montagnes se tiennent à une corde et traversent la rivière tandis que la corde est tirée par des gens sur la rive opposée. C'est le système actuel pour aller et venir. Néanmoins, comme il était impossible pour Jyotish Dada d'être tiré   ainsi à travers la rivière, nous avons décidé de ne pas partir aujourd'hui. Il pleuvait et il semblait que nous étions coincés dans notre  voyage de retour vers Dharchoula. Il paraissait ne pas avoir d'autres solutions. Aujourd'hui  nous avons passé la journée de la même manière.

 

Samedi 3 août

Nous avons fini notre repas de bonheur avec l’intention de partir, mais après une discussion notre départ a été finalement retardé pour le matin suivant. Nous espérons atteindre Bayoukot d'ici demain soir. Le retard dans notre voyage était dû au fait d'avoir à traverser la rivière en tirant les cordes ce qui en soi-même devait faire perdre deux ou trois heures au moins. L’état de Jyotish Dada demeurait identique à lui-même. Swamiji souffrait aussi d'un refroidissement. En continuant notre arrêt ici nous serons incapables de fournir le régime approprié pour les malades car nous n'avons que peu de choses ici. Nous étions tous inquiets. Après beaucoup de discussions détaillées nous avons été forcés de rester encore aujourd'hui. Les porteurs ne voulaient pas attendre plus longtemps et ils étaient très agités. Il était difficile de les faire revenir à la paix - certains d'entre eux se mirent  franchement en colère et nous quittèrent. Nous espérions seulement que nous pourrions trouver d'autres porteurs ici. Le gardien du refuge nous a assuré qu'il serait en mesure de nous en procurer.

 

Dimanche 4 août

 

Ce matin nous avons décidé de voyager aussi loin que nous le pouvions. Nous avions à traverser le Kali Gangâ après une distance d'environ 7 km. La route et était bonne et nous avons atteint les bords de la rivière en peu de temps. Après beaucoup de ruminations nous avons traversé la rivière en utilisant les cordes: ceci implique le fait de s'asseoir sur des sièges petits et rectangulaires faits de bois et de bambou. Ils sont suspendus à une corde très épaisse qui traverse la rivière. Des gens debout de l'autre côté tirent la corde et ainsi amènent les passagers à travers la rivière.

 

La rivière n'était ni très profonde ni très large, mais le courant étaient très fort. Personne ne pouvait se tenir debout dans cette rivière qui s'écoulait très vite. Nous avons traversé le cours d’eau de cette façon nouvelle. À distance, il semblait que les gens des montagnes traversaient le cours d'eau suspendus aux cordes et ceci nous avez fait craindre cette expérience. Nous nous étions arrêtés aussi longtemps à Dharchoula à cause de la peur d'avoir à traverser la rivière de cette façon. Au début nous avions décidé que nos quarante porteurs pourraient faire la queue en un endroit où la rivière et ne coulait pas trop rapidement et parviendraient à nous prendre avec eux à travers la rivière sur nos dandis. Mais quand nous avons atteint les bords de la rivière et avons évalué la situation, nous avons décidé de la traverser  en utilisant les cordes. Il semble que le niveau de la rizière décroît quand la mousson s'éloigne.

Nous avons atteint Balouyakot le soir. Nous avions apporté des tentes de Dharchoula  et le camp a été établi dans un endroit convenable. Nous avons allumé  un feu sur les pierres et nous avons cuisiné. Nous étions assis sous les cieux et mangions. Jyotish Dada n'avait pas de fièvre depuis hier et sembler un petit peu mieux. Il y avait une forêt dense de l'autre côté et nous pouvions aussi entendre le grondement du Kali Gangâ clairement; c'est ainsi que nous avons passé une nuit de plus.

 

 

                                   

Gurupriya Devi : Sri Sri Ma Anandamayi volumeV, p.71, 72, 75, 76.

 

 

 

Un asthme guéri en présence de Ma

 

Arun Prakash Banerjee

 

 

En 1942, Ma passa une partie de l'été à Bhimtal et j'ai eu le privilège de rester avec elle. On demanda répétitivement à Ma de visiter des fidèles qui habitaient dans le voisinage et avaient un désir intense de la voir. Elle devait revenir au bout de trois ou quatre jours mais en fait, elle resta là-bas pendant huit ou dix jours. Nous étions quatre ou cinq à rester à Bhimtal. Soudainement le climat changea ; il y avait des averses et le temps se refroidit. Avec Ma partie, et n'y avait plus de chaleur laissée dans nos cœurs. Mon vieux  problème, l'asthme, est réapparu. J'avais beaucoup de difficultés à respirer durant la nuit.

Une toux incessante me força à rester assis. Je pensais à Ma. Quand reviendrait-elle?  Juste avant de partir, elle m'avait dit, "Baba, (fils), reste ici comme un bon garçon." Je n'avais pas été un bon garçon, et donc j'ai été visité par cette maladie. Combien de temps pourrais-je attendre sans traitement? Je désirais aller chez un docteur à Lucknow - bien sûr avec la permission de Ma. Mais elle ne revenait pas.

 

Enfin elle rentra un soir. Une personne qui l'avait accompagnée vint en courant à ma chambre, très agité "Dada, (frère), comment es-tu ? Ma s'en faisait beaucoup à ton sujet et voulait revenir. Pendant tous ces derniers jours, et  elle a dit répétitivement que tu n'étais pas bien. Est-ce que tu ne va pas bien ? Ma est arrivée. Bientôt tu te remettras".

Sans aucun doute,  j'ai été soulagé par son retour, mais je ne montrai pas ma satisfaction. À l'intérieur, j’étais frustré et malheureux. Si elle savait l’existence de ma maladie, pourquoi n'était-elle pas revenue plus tôt ?

La personne qui était venue me voir retourna chez Ma, sans doute pour l'informer à mon sujet. En revenant à sa chambre, elle passa devant ma porte et  regardant dans ma direction, elle dit, "Baba, tu es oppressé par ce problème ? Ne te fais pas de soucis. Tout va se remettre."

Ensuite, elle partit pour sa chambre. Ces propos ne me firent guère d’effets et je ne  trouvais pas de consolation. Maintenant je devais me décider pour retourner à Lucknow le matin suivant pour le traitement. Je ne me rendis pas chez Ma. Les  gens se rassemblaient dans sa chambre et je pouvais entendre leur rire heureux et leur joie. Peut-être racontait-elle quelques unes de ses expériences. Mais je n'étais pas d'humeur à écouter de telles histoires. La nuit approchait rapidement. Mon esprit oppressé à la pensée des problèmes et des ennuis qui allait m'arriver pendant la nuit. Tout le monde dans la maison était heureux excepté moi. Ce soir là, je ne me souviens pas si j’ai mangé ou non. Solitaire, tournant en rond dans ma tête, sans espoir, je sentais qu’en fait Ma était cruelle, très cruelle envers moi. J'ai essayé de me consoler avec la pensée que ce qui devait arriver  arrivait de toute façon, et que l'on ne pouvait pas l'en empêcher. Je réfléchissais amèrement, « qui sui-je pour Ma ? » ; de telles réflexions me tourmentaient et me rendaient encore plus misérable.

Il était minuit passé. Les paroxysmes de l’asthme, la difficultés à respirer et  l'épreuve de rester assis pour longtemps sans pratiquement aucune nourriture, était plus que je que ce que je pouvais endurer silencieusement ; je sortis de ma chambre et me dirigeais silencieusement, comme un voleur, chez Ma ; sa porte était ouverte. Une lampe brûlait à l'intérieur. Il n'était pas possible que Ma m'ait vu comme je m'étais arrêté juste derrière la porte. J'ai hésité avant d’entrer et pensais m'en aller, mais j'ai entendu la voix de Ma. "Viens". Mon fardeau s’en est déjà trouvé soulagé considérablement. Je rentrai. Elle dit de nouveau, "Baba, tu souffres beaucoup. Est-ce que c'est vrai ?" "Oui, Ma, je suis incapable de m'allonger et de dormir", et je répondis, "mais ce n'est pas possible. Je n'ai pas eu de sommeil pour plusieurs nuits  et je ne plus le supporter plus longtemps." Ma dit, après un léger arrêt, "est-ce que tu gardes de la lampe allumée dans ta chambre ?" "non" répliquai-je.

Elle demanda. "Est-ce que tu laisses les portes et les fenêtres ouvertes ?" " je garde ma fenêtre ouverte pour la ventilation ", répondis-je.

"Est-ce que tu utilises une couverture ou un ou quelque chose de plus épais?"  me demanda-elle ensuite.

Je dis, "une couverture".

"C'est bien". Elle fut silencieuse pour quelque temps. J'attendis aussi. Ensuite elle dit, "est-ce que tu feras une chose ?"

"Oui, Ma, « qu'est-ce que c'est ? » répliquai-je ; elle dit,  " ferme la porte et la fenêtre comme d'habitude et va ensuite au lit. Avant de t’allonger, prends la résolution claire que tu vas t'endormir. Et ensuite allonge-toi pour te reposer. Est-ce que tu vas faire cela ?" j'avais les yeux fixés sur le mur, avec l'esprit vide, et je dis, "j'ai fait tout cela bien des fois, mais sans résultat."

Elle dit avec une certaine chaleur, "fais-le une fois de plus maintenant comme je t'ai dit et ne te fais pas de soucis."

Je ne savais pas quoi dire. Je suis resté silencieux, et ensuite, lentement,  j'ai quitté la chambre. Je me souvenais de son conseil, "ne te fais pas de soucis", mais mon esprit a été occupé par ces pensées : « comment cela va être possible ? Si j’aime Ma, cela peut être possible. Si je fixe mon attention sur elle, cela peut être facile. L'amour seul peut calmer tous les problèmes mentaux. Est-ce que j’aime Ma ? Mais est-ce qu’elle n’aime pas les autres comme elle m’aime moi ? Et est-ce qu’elle ne s’aime pas elle-même ? » Des pensées comme cela venaient dans mon esprit en pagaille. J'allai dans ma chambre. Je fis comme elle m'avait ordonné, mais avant que je ne m’allonge sur mon lit, je m'assis pour quelques instants avec des mains jointes afin de dire mes prières, cependant, je ne pouvais prier. Tous mes sentiments refoulés  éclatèrent en  sanglots et je me mis à pleurer : j'avais besoin de repos. Est-ce que la Mère divine  pourra me prendre sur ses genoux et me donner ce dont j'avais besoin ?

Je m'allongeai sur mon lit. En une minute environ  mes yeux se fermèrent et je tombai endormi sans aucun effort de ma part. Le matin suivant, je me réveillai tard. Quand j'ai ouvert la porte de ma chambre, une gentille jeune fille qui était en visite auprès de Ma, elle n'est plus en vie actuellement, vint à moi et me dit, "Dada, est-ce que tu dormais ? Ma s'est informée à ton sujet plusieurs fois." J'ai eu honte de moi-même et allai droit chez elle.

Elle sourit et dit, "eh bien, Baba, est-ce que tu as bien dormi ?" Je dis, "moi, je n'ai jamais dormi  de ma vie avec autant de bonheur. Je sentais que je dormais sur les genoux de la Mère divine". Ma dit, « Oui, c’est sur les genoux de la mère divine que tout le monde dort. Elle est pleine d'amour. Est-ce que le sommeil n'est pas une manifestation de la mère ? »

Le même soir, je me suis joint au rassemblement joyeux dans la chambre de Ma et je plaisantais avec les gens, mais tout à coup je me suis souvenu que la nuit approchait et j'ai eu peur que mon problème ne revienne. Ma a pu lire mes pensées. Elle dit immédiatement, "Baba, fais exactement comme tu as fait la nuit dernière. Mais tu dois aller te coucher tôt ce soir. Il vaut mieux que tu ailles te reposer dès maintenant."

Je me suis prosterné devant Ma, priant intérieurement pour sa bénédiction et  je suis parti.  Cette nuit-là aussi, j'ai eu  un sommeil bien réparateur et tout était  presque revenu à la normale. La troisième nuit, de nouveau, les conseils de Ma portèrent leurs fruits et je n'avais plus  peur d’une rechute.

A cette période, je me rendis chez Ma quand elle était seule et lui dit, "Ma, il me semble que tout s'est remis. Je n’ai plus de problèmes, mais dites-moi, comment m’avez-vous guéri ? Vous ne m'avez donné aucun médicament. Vous ne m'avez pas touché. Quand vous me regardiez, je  pouvais à peine vous regarder en face, tellement j’étais rempli de problèmes et de soucis. Quand vous me parliez, je me tournais vers l'intérieur et ressentais que j'étais insupportable et indigne d'être votre enfant. Dites-moi, Ma, comment est-ce que vous m'avez guéri ? Dites-moi ce que je dois faire si la maladie revient."

Ma regarda vers moi et dit avec un grand intérêt, "pourquoi la maladie devrait  revenir ? Elle est déjà partie." J'ai dit, « dois-je comprendre par cela un que vous m'avez guéri ? » Ma releva la tête avec un sourire et dit, "Baba, tu dois réaliser que tu t'es guéri toi-même."

Pris de surprise, je m'exclamai, "quoi !" Ma répéta avec grande affection," c'est toi qui t’es soigné toi-même". Je ne pouvais pas comprendre ces paroles, mais il n'y avait pas doute à avoir à propos de son amour et de son affection. Je ne désirais rien de plus. Certains de mes amis parmi les plus sceptiques me demandèrent régulièrement, « est-ce que les attaques sont revenues ? » Je suis heureux de pouvoir répondre à eux tous par la négative.

                                                                               ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~  

Dedans et Dehors,

Nous Le cherchons...

                                                                           ~~~~~~~~~~~~~~~~

 

Dieu vit en nous...

Cela est-il possible?

Comment pouvons nous Le

Contenir, en nos existences

Si  mesquines et  étriquées ?

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Le fini peut-il loger

L'Infini? Alors, Dieu est-il

Quelque part en nous?

A défaut, où est-IL?

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Dieu est-il dans la Création?

Mais, où est la Création?

Elle est partout

Puisque Dieu a créé tout

Ce que nous percevons alentour,

Y compris nous-mêmes.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ainsi, Dieu est en

Chaque créature

Et objet créé.

Mais, nous ne sommes

Pas conscients de Son

Omniprésence...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Où est-Il ? Répète, entêté

Le tout petit, essayant

De comprendre

Le mystère voilé.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Plus tard, nous renonçons

A questionner mais, en nous,

Le questionneur continue à chercher...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Jusqu'à ce qu'un jour,

Nous nous éveillons,

Sachant que nous sommes

En Lui et que nous avons

Seulement besoin de

Réaliser la Vérité.

La vague, telle un poisson dans l'Océan !

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"Aham Brahmasmi", à jamais,

Commenceront à chanter

Nos cœurs, si pleins

De Joie et de Paix.

L' Amour Pur submergera

Nos Etres éveillés...

~~~~~~~~~~~~~~~~~

Alors, nul ne parlera plus

De Dieu. Pourquoi parler

De nous-mêmes? Dieu,

Seul, est, l'homme rêve

Et son rêve est celui de Dieu.

Cela lui importe-t-il encore?

~~~~~~~~~~~~~~~~~

LE SILENCE SEUL EST...

~~~~~~~~~~~~~~~~~

                                                                Monique Manfrini, le 02.05.2002.

 

 

 

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Ce que tu vois, n'est pas

Et ce qui est, n'est pas visible...

                           ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

 

Demandez et il vous sera répondu,

Frappez à la porte et elle s'ouvrira!...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Mais, quelles réponses avez-Vous

Apportées à mes questions, sans cesse

Répétées... Pourquoi cette porte

A laquelle je frappe, avec force

Et douleur, reste-t-elle fermée?

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ô Homme, garde pour toi

Ta peine et tes doutes,

Car ce que tu vois, n'est pas

Et ce qui est, n'est pas visible!...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Tu vis dans l'erreur et la méprise

Totales. Ton Etre véritable

Est voilé par ton ignorance.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Un effort de plus... et le miroir

Qui te renvoie tes grimaces,

S'ouvrira sur ton vrai visage...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ne te désespère donc pas et

Continue d'explorer les terres

Intérieures cachées, profondément,

Avec constance et assiduité.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Un jour, assurément, tu t'éveilleras

De ton long rêve-cauchemar

Et tu verras ce qui Est

Avec les yeux de ton cœur...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ô frère, ne te décourage pas!

La Vérité ne peut se révéler

Sans combat contre l'apparence

Trompeuse de la création,

En toi et hors de toi.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ne pleure plus, souris et crois

En ta Victoire. Mais, surtout,

Cherche et sois curieux de tout...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Alors, un jour sans que tu t'y

Attendes, tout paraîtra clair

Et simple à ton cœur émerveillé.

 

                                                     Monique Manfrini          Le 26.03.2002.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La création et la musique de la vîna de la mère

à propos de Sarasvati

par Swami Chidananda

 

 

 

Salutations et adoration à la Mère divine et qu'elle soit bénie. Elle est la source, celle qui soutient et le but ultime de toute la création. Salutations encore et encore à la Mère bénie dans son aspect qui donne la connaissance, à l'origine de tout le monde phénoménal aussi bien que la culmination et la conclusion de toute connaissance et de tout processus créatif. Puisse sa grâce demeurer sur nous aujourd'hui; nous venons avec nos cœurs pleins d'adoration, au Pouvoir suprême du Tout-puissant dans son aspect de Maha Sarasvati, la première manifestation de l'être transcendant pur, dans la forme de Shabda Brahman.

 Maha Sarasvati est à la fois l'origine et la conclusion de tout le processus d'évolution de l'âme (jîva)). En tant que Brahma-Shakti, elle est le Grand Pouvoir et préside au début de la créativité. Elle préside au commencement de toute manifestation et de toute projection d'individualité (le nom et forme) à partir du cas du Para Tattva, le Suprême, c'est-à-dire, ce qui est sans nom, sans forme, au-delà de la portée du mental et des sens.

Et qu'en tant que telle, elle est à l'originel de tout le processus de vie, mais alors, tandis que le processus de vie s'écoule à partir de l'Akhanda Ekarasa  Chidananda (l'expérience indivisible et unique d'être-conscience-félicité) et s'implique progressivement en descendant dans une matérialité de plus en plus dense, elle devient liée aux innombrables millions d'individualité et apparaît dans le royaume de Maha Mâyâ, comme le jeu du monde illusoire, et elle recule à l'arrière plan et permet à la tâche de cette progression d'être accomplie par d'autres de ses aspects comme Vishnou Mâyâ ou la Durga divine. Mais alors, quand la grâce du Suprême fait commencer le retour de l'âme et se met à compléter le processus du cycle de l'évolution, une fois encore recommence son ascension en utilisant le chemin intérieur du Yoga. Le jîva rejette et se débarrasse des différentes couches de conscience grossière et monte dans des stades de pureté de plus en plus haut de sattva, de daivi-sampat, et il atteint le sommet de la spiritualité au plus haut de son ascension yoguique. C'est alors que la art d'un se manifeste au jîva en tant que Maha- Sarasvati, la lumière de pure connaissance,  et se révèle dans sa conscience comme la connaissance de l'Atma-  à la fois Atma et  Brahma jnana; elle complète donc le cercle de l'évolution et une fois encore vient s'immerger dans le Para Brahman. Ainsi, en tant que créativité, Ma Sarasvati est à l'origine de ce processus d'involution de ce qui n'a pas de nom ni de forme, le Para Brahman, le Un dans le multiple, elle est  l'ultime Jnana-dayini, manifestation de celle qui donne la connaissance pure. Nous avons en elle l'accomplissement de tout le jeu du monde, et c'est dans ses deux aspects que la Mère est adorée par le chercheur- par le sâdhaka et le yogi particulièrement. La mère est tout à fait signifiante est importante car c'est elle qui donne la sagesse suprême et la connaissance par laquelle on atteint kévalya moksha, la libération supérieure.

 

Théorie et pratique du yoga

 

La forme de la Mère, à notre avis exprime cette fonction suprême de Ma Sarasvati sous deux aspects. Elle a dans sa main la vîna, dont nous interpréterons la signification un peu plus loin, mais dans ses autres mains, nous trouvons le sphatika mâlâ, le rosaire de cristal d'une pureté immaculée, et le livre des Védas. Les deux objets qu'elle tient, c'est le livre et le rosaire, et ceci signifie pour nous que la mer contient en elle-même la connaissance entière du monde d'ici-bas (apara) aussi bien que celui du monde d'en-haut (para-tattva). Elle tient toutes les Védas dans ses mains, car elles incarnent la connaissance la plus pleine de toutes les choses créées ainsi que la connaissance la plus complète de la source ultime et de l'origine de toute la création, c'est-à-dire le Para Brahman,. Elle est la contrepartie dynamique de Brahma desquelles les Védas ont d'abord émané. Brahman est le père des Védas  (veda pita) est celui qui les a procurés (veda data).

 La Mère est Sarasvati, elle n'est que la Shakti de Brahma, le Brahma a quatre faces, et de ce fait, elle est l'expression de la connaissance védique que Brahma représente, elle en est le dépositaire suprême, c'est ainsi qu'elle porte dans ses mains le livre des Védas, qui incarne la théorie de la connaissance de Brahman. Sur le chemin de la Réalisation, la pratique effective de cette connaissance védique des vérités qui viennent directement des livres comme aussi de celle  qui prend son origine sur les lèvres du Gourou-la théorie de cette connaissance ainsi obtenu doit être convertie, transformé en expérience à travers la pratique et la méditation. C'est cette pratique des vérités védiques sous forme de sadhana yoguique qu'on a représenté par le pur rosaire de cristal dans la main droite de la Mère. La signification du mala doit être rapprochée de la pratique du yoga. Ainsi Sarasvati incarne le pouvoir dans sa forme théorique de connaissance védique et aussi la puissance dynamique qui est exprimé à travers le processus pratique du yoga et de la sadhana spirituelle.

 

La Mère et la pureté absolue

 

On représente la Mère complètement immaculée dans ses vêtements et elle est aussi elle-même le plus beau des êtres, immaculé et sans tache. Sa blancheur est comparée à la blancheur immaculée du lys, et à celle de la Lune ainsi que des chaînes de montagnes éternellement vierges comme on les trouve dans les Himalayas. « Kundendu tusharahara dhavala » kunda signifie lys; indu la Lune. tusharahara signifie la chaîne de montagnes. Elle est blanche comme ces objets que nous connaissons dans le monde sont blancs et immaculés au plus haut point.  Tout ceci pour manifester le fait que la Mère est une masse d'Absolu shuddha-sattva, de pureté raffinée, parce qu'elle est la première émanation originale du Para-Brahman.

 

 

 

 

 

 

Nouvelle adresse pour les abonnements

 

Pour les nouveaux venus, ce sera Magali Combal qui s’occupera des nouveaux abonnements.   

Ils peuvent régler leur abonnement  jusqu'en fin décembre 2004, Le montant de l'abonnement pour dix numéros étant de 20 €, mais pour l'ensemble des lecteurs, le renouvellement des abonnements se fera après le numéro double, numéros 66, automne-hiver 2002.

 

Nouvelles

 

Nous souhaitons bonne chance à Nadine et José Sanchez, qui viennent de quitter Paris et de s'installer à Vaisons-la-Romaine; ils se sont occupés de recueillir  fidèlement les abonnements de Ma, maintenant c'est Magali Combal qui les remplace.

- les réunions chez Claude Portal continuent le premier dimanche de chaque mois à Saint-Germain en-Laye téléphone : 01  34  51  74  41

- des retraites à l'ashram de Ma à Kankhal seront organisées en février, avec au début trois ou quatre jours à Bénarès. Devant le succès du projet - en fin août trente-huit personnes avaient déjà demandé à venir- nous avons décidé de dédoubler le groupe, avec un voyage dans la première moitié de février et un autre dans la seconde.  Comme pour le voyage d'août qui vient de se passer, Jacques Vigne qui l'a organisé considère cela comme une retraite dans les ashrams de Ma et s'occupe des gens bénévolement. Le prix du voyage est de 1450 euros.

- si les maoïstes arrêtent leurs troubles au Népal, nous ferons le pèlerinage au mont Kailash soit en juillet, soit en septembre 2003, avec comme organisateurs Jean-Luc et Chantale Diraison comme en août de cette année

- Il y a eu une émission à Europe 1, avec Marc Menant, en février 2002, sur le livre "Matri darshan" de Bhaïji. Il y avait à un auditoire de 1 million et demi de personnes.

- Un week-end sur Ma Anandamayi s'est déroulé à Bruxelles en fin janvier,  organisée par Léonard Appel et Initiations.

- Yvon Achard et son groupe d'élèves du grenoblois ont un projet de construction à Kankhal pour ceux qui voudraient passer du temps auprès de l'ashram de Ma, en collaboration avec Jacques Vigne. Le système sera celui des ashrams, les donations donnent le droit d'occuper une chambre quand on vient, sinon d'autres hôtes peuvent l’occuper. La propriété sera laissée à Dinesh Sharma, que ceux qui viennent à Kankhal connaissent depuis de nombreuses années. Il s'occupera de la construction et de la gestion  du nouveau centre. Cela permettra de loger les occidentaux qui veulent venir à Kankhal à plus long terme que dix jours qui est la limite officielle pour le Centre international. Pour des renseignements complémentaires, on peut écrire à Jacques Vigne à :    Shri Ma Anandamayi Ashram

Kankhal 249408 Hardwar Uttaranchal Inde

- Jacques Vigne part en retraite pour Dhaulchina, il redescendra à Kankhal entre le 15 et le 30 novembre. 

 

Table des matières

 

Paroles de Ma

Entretiens avec Vijayananda

In memoriam : Swami Swarupananda

Maroni, la fille adoptive de Bholanath

Quelques pages sur le retour de Ma du Mont Kailash Gurupriya Didi

Un asthme guéri en présence de Ma  Arun Banerjee

La création est la musique de la vîna de la Mère Swami Chidananda

Abonnements

Nouvelles

Table

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Ma Numéro 66                                               Automne 2002

 

 

 

 

Paroles de Mâ

 

Ce qu'on reconnaît comme le fruit de l'effort n'est rien d'autre que la mise en lumière de l'aspect particulier vers lequel on a dirigé l'effort. la lumière dévoilée (nirâvaran prakâsha), c’est Lui-même,  l'Eternel.

 

Tandis qu'on est absorbé en méditation, que l'on soit conscient du corps ou non, en toutes circonstances, il est impératif de rester complètement éveillé, on doit strictement éviter l’inconscience.


Quand on devient capable d'une méditation effective et dans la mesure où l'on contacte  la réalité, on découvre la joie ineffable qui demeurent cachée même dans les objets extérieurs.


La vision réelle est cette vision où il n'y a pas quelque chose comme « celui qui voit » et « ce qui est vu ». Elle est sans yeux, on n’a pas à la contempler avec ces yeux matériels, mais avec les yeux de la sagesse. Dans cette « vision sans yeux », il n'y a pas de place pour la "di-vision".

 

 

Les paroles de Mâ qui suivent sont extraites d'un petit livret réédité en janvier 2000 par l'ashram de Kankhal, intitulé : thèmes de réflexion pour chaque jour .


Afin d'annihiler ce qui est indésirable (anishta), l’esprit doit être enraciné dans l'adoration du Bien-aimée (ishta). la notion qu’Il est éloigné doit être complètement abandonné. O Dieu, Tu es à l'intérieur et à l’extérieur, dans chaque veine et chaque artère, dans chaque feuille et brins d'herbe, dans le monde et au-delà de lui.


  On doit savoir accueillir de bon cœur  l'éveil du sentiment de manque, il ouvre le chemin. Il est là, à chaque pas, pour transformer en expert celui qui n'est pas suffisamment prêt. C’est Toi qui Te manifestes sous forme du sentiment de manque et de vacuité, Toi et personne d'autre. Je prends refuge en Toi, je prends refuge en Toi. (4)


Combien de siècles avez-vous passé dans un genre de vie inutile - venir et s'en aller ! Par le pèlerinage vers l'intérieur, le fossé qui vous sépare de votre propre Soi s’évanouit. Même si, après avoir reçu un coup, on tombe, on doit se relever à cet endroit même. Personne ne tombe de façon répétitive. Un effort soutenu, voilà le devoir de l'homme, c’est sa vraie nature de l'être humain.(5)


Si quelqu'un passe toutes ses vingt-quatre heures en japa, méditation, contemplation et des exercices similaires, il est par là même engagé constamment dans le service de Janârdana (Dieu sous forme d'être humain). Et si on trouve impossible d'être constamment engagé dans le japa et la méditation, on doit utiliser chaque moment de libre pour accomplir le service du Bien-aimé divin, de Janârdana, qui est également présent dans tous les êtres humains - en considérant que  tout est Cela. Pratiquer ainsi purifiera l'esprit et le cœur. (14)

 

Un être humain peut à coup sûr être victorieux dans toutes les directions. On doit absolument garder l'esprit tout à fait alerte. Après avoir passé une vie plongée dans l'ignorance, il nous faut changer d’orientation. Dites la vérité d'une façon audacieuse et avec un cœur fort ; ainsi la vigueur de la vérité augmentera. C'est la vérité qui illumine le Chemin et qui indique la direction qu'on doit prendre. Il faut savoir préserver sa propre individualité avec tact, tout en se comportant d'une façon polie avec les autres et ainsi notre relation à chacun sera un succès. Ne permettez à personne de vous garder sous sa coupe. Nourrissez la beauté de votre disposition intérieure par une pratique régulière d'une pensée pure, orientée vers la Réalité, afin que l'agitation mentale ne puisse vous atteindre. Développez une manière de voir élevée, magnifique et noble. (16)

 

   On doit garder le japa silencieux tout le temps. On ne doit pas gaspiller inutilement les respirations: à chaque fois que l'on n'a rien de particulier à faire, on doit pratiquer silencieusement le japa au rythme de sa propre respiration - en fait cet exercice doit continuer constamment juste au moment où la récitation du japa est devenue aussi naturelle que la respiration. (17)

 

C'est le moment de vous former vous-même. Vous devrez vous appuyer sur le renoncement et le courage afin de vous libérer des mauvaises tendances que vous avez acquises dans des vies antérieures, qui vous ont menés à la souffrance et à la douleur. Tentez de rendre votre cœur semblable à un sanctuaire consacré à Celui qui est entièrement bon, et désirez le non-désir. La première chose, c’est de se sentir attiré vers Dieu.
Soyez complètement constant dans votre service. Tout ce que vous avez à faire pour quelqu'un d'autre, faites-le dans un esprit de service. Vous devez aussi porter une attention particulière à un autre sujet : il vous faut abandonner complètement la paresse. Quand il est

question de pratiques spirituelles ou de bonnes actions, le manque

 

 

d'envie et la léthargie doivent être complètement exclus. Les difficultés qui peuvent survenir lorsque vous rendez service à quelqu'un doivent être supportées avec joie. (25)

 

Faites la charité, engagez-vous dans le service, pratiquez l'obéissance, et vous en viendrez à comprendre par vous-même dans quel esprit ces actes sont accomplis par votre intermédiaire. Soyez convaincus que, quelles que soient les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez, c'est là même que l'expérience de l'illumination peut survenir. Ne vous complaisez  jamais dans l'idée que vous êtes impliqué dans les péchés et les mauvaises actions et que donc, vous ne pouvez parvenir nulle part. En toutes circonstances et constamment, sentez-vous complètement prêts à cheminer sur la voie qui mène au Suprême. Qui peut dire à quel moment votre action de donner, de servir ou d’obéir deviendra un acte de consécration à l’Unique ? Tout est possible. (26)

 

On doit tout le temps se souvenir que le pouvoir de discernement et de pensée juste s'accroît en proportion du temps passé en méditation. Le sadhaka en viendra alors à connaître intuitivement ce qui est essentiel pour lui dans sa recherche. Il observera que son esprit devient de plus en plus absorbé dans le souvenir de Dieu et son attachement aux objets des sens  diminuera de façon correspondante.

 

Pour finir, nous ajoutons deux  pensées  de Bhaïji :

 

Si on est incapable de considérer Ma  comme un être divin qui transcende l'humanité, on doit au moins accepter ses nombreuses vertus comme un modèle à imiter, par exemple son grand sens du

 

 

 

devoir, la grâce qu'elle met dans chaque action, sa grandeur d'âme, son calme et sa sérénité en toutes circonstances. (II)

 

Si on a la chance d'observer les expressions multiples de ses états intérieurs variés, ses gestes, ce qu'elle dit, son rire, ses plaisanteries, sa manière de manger ou de s'habiller, etc., on ne doit pas commettre l'erreur de les juger d'après des critères ordinaires ; et l'on ne doit pas non plus se sentir décontenancé par ses paroles et ses manières de faire. On doit plutôt observer et étudier chacun de ses actes avec une grande attention et apprécier leur caractère unique et profondément aimable.

 

 

Questions à Vijayananda

           

Q : On parle maintenant souvent du védanta en Occident. Pensez-vous que le passage d’une culture à l’autre se fasse dans de bonnes conditions ?

V : Les deux piliers du védanta sont  vairagya, le détachement et viveka, le discernement. S’il n’y a pas cela, c’est du védanta occidentalisé qui risque de se terminer dans les mots. Il ne suffit pas de lire Shankaracharya ou d’apprendre du sanskrit, il faut pratiquer. Après une période de début où l’on peut étudier toutes les voies, il est mieux d’en choisir une et d’étudier les Ecritures sacrées de cette voie précisément. Par exemple le védanta est la culmination des Védas et des Upanishads et est lié au quatrième des ashrams (stades de la vie), qui est le sannyas. En sautant d’une voie, d’un guru à l’autre les occidentaux finissent par prendre des itinéraires qui paraissent bizarres et à s’imaginer qu’ils suivent des enseignements très élevés alors qu’ils n’ont pas de bases solides. Par exemple, les Juifs ont une tradition de sexualité sacralisée, mais il faut pratiquer cela avec toute la base de la Torah. De toutes façons je ne connais pas les détails, ce n’est pas ma ligne. On raconte qu’à la mort de sa femme le Baal Shem Tov a dit :’je pensais que si je mourais le premier je pourrais monter au ciel dans un char de feu’. Mais maintenant qu’elle est morte, j’ai perdu la moitié de mon pouvoir’. J’ai un ami qui avait acheté une vraie montre Rollex très coûteuse, mais comme il avait peur de se la faire voler, il a aussi acheté une Rollex d’imitation qu’il porte habituellement. En Occident, c’est comme cela. Les gens font une sadhana d’imitation car ils ne savent même pas les exigences de la vraie sadhana. En Inde aussi, il y a peu de vrais sadhakas, mais au moins les gens connaissent les exigences de la sadhana authentique. Les occidentaux souvent intellectuallisent de trop. C’est un grand obstacle, surtout quand on approche un sage. En face de lui ou d’elle, il faut savoir être comme un enfant. Si Saint François d’Assise est si populaire en Occident, je ne crois pas que ce soit seulement à cause de son amour ou de son contact étroit avec la nature, je pense que c’est surtout à cause de son humilité.

 

Q : A votre avis, pourquoi y a-t-il quatre fois plus de suicides en France qu’en Inde ?

 : Ce pourquoi les gens se suicident en Occident, c’est qu’ils ont exploré tous les désirs possibles, qu’ils voient que cela ne mène nulle part mais qu’ils n’ont rien à mettre à la place. Les gens qui savent se discipliner ont toujours de l’espoir et l’espoir fait vivre.

 

Q : L’Inde croit aux asuras, aux ‘démons’ qui peuvent cependant avoir de bons côtés comme les dieux ont leurs mauvais côtés, mais elle ne croit pas au ‘Prince des Ténèbres’, au Mal absolu comme le christianisme ou le judaïsme récent. Quel est l’avantage du point de vue indien ?

V : La croyance au Diable des premiers moines chrétiens par exemple est bonne pour les gens qui ont un tempérament agressif, cela leur donne un ennemi pour se battre. En fait, dans la Bible, le Diable n’est qu’un petit bonhomme, c’est Dieu qui a tout créé, le Bien et le Mal, le Diable n’est qu’un serviteur. Par contre, dans la Cabale, il devient si important qu’on n’ose même pas prononcer son nom de peur de l’invoquer. On l’appelle par les deux premières lettres de son nom, Samaël cad  samachem. Ce nom signifie l’ange aveugle, et on le désigne par ‘l’autre côté’. Il y a sans doute une influence manichéenne sur le judaïsme tardif. Un jour, le Baal Shem Tov a prononcé le nom complet de Satan malgré l’interdit. Celui-ci est venu furieux, en protestant :’je n’ai été dérangé que deux fois par les appels des hommes, la première fois par Eve au Jardin d’Eden, et la seconde lors de la destruction du Temple ; que me veux-tu ? A ce moment-là, le Diable se met à voir la lumière sur le front des disciples du Baal Shem Tov, et il en est tellement impressionné qu’il est bien obligé de remercier celui-ci de l’avoir fait venir.

Q : Pensez-vous que le bouddhisme puisse beaucoup apporter à l’Occident ?

V : Oui. Déjà, dans le bouddhisme ancien on insiste sur la vigilance qui est effectivement le fondement de la sadhana. Cependant il faut bien comprendre le sens de vipassana : ramener ses émotions, son activité mentale au corps pour les calmer et maîtriser. Mais le corps n’est pas une fin en soi, sinon ce serait une sorte d’hypocondrie ; et quand on sent qu’on perd le contrôle pendant des périodes de méditation intensive, il faut savoir arrêter tout de suite, sinon il y a un danger de ‘dérailler’; le zen peut aussi beaucoup apporter aux occidentaux, il est proche du védanta, il coupe à la racine la tendance intellectualisante ; il a bien les pieds sur terre et pourtant la tête dans le ciel. Un jour un maître zen a posé une question à son disciple et celui-ci lui a répondu en citant les Ecritures bouddhistes, etc… Le  maître a seulement dit : ‘il y a trop de bouddhisme dans ce que tu racontes’….

 

Q : Une visiteuse occidentale qui était souvent à l’ashram de Ma entendait parler au satsang de la beauté de la veillée Pascale dans le judaïsme et le christianisme. Elle demanda :’Est-ce que à cause de mon manque de formation religieuse de base je n’ai pas un grand handicap sur la voie spirituelle?’

V : Non. Religion signifie relier, unir, comme le mot Yoga. Vous suivez le Yoga, donc vous avez une religion. On peut aussi dire que vous avez la religion de Ma, puisque vous passez longtemps ici pour suivre son enseignement… Il n’y a pas besoin d’attendre la Réalisation pour être complètement indépendant du guru extérieur. Cela se fait quand il y a l’éveil du guru intérieur.

 

 

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

 

 

Préface
par Richard Lannoy

 

La fonction d'une préface est de dire brièvement  certaines choses sur un livre que l'auteur ne peut exprimer elle-même avec modestie. Ceci particulièrement vrai ici, Bithika Mukerji, qui est docteur en philosophie est si modeste qu'il s'en est fallu de peu que le livre ne voit pas la lumière du jour. Heureusement, des encouragements persistants, un support moral et même quelques remontrances effectuées de bon cœur ont eu raison d'elle. Bithika Mukerji est déjà auteur d'une biographie de qualité et qui fait autorité sur Shri Mâ, Un oiseau sur la branche ; elle s’est laissée convaincre de revenir à son sujet, mais en introduisant une nouvelle dimension à ses comptes-rendus nombreux déjà publiés, en l'occurrence son point de vue personnel, et ceci est crucial. Pour quelqu'un comme elle, disposée d'une façon surnaturelle à s'effacer et à se cacher au fond des salles de réunions où se tenait Mâ,, présenter un point de vue personnel semi-autobiographique au sujet d’une figure qu'elle considère comme au-delà des limites de l'expérience humaine, c'est un choix cela semblait non seulement un défi, mais (j'espère que je ne révèle pas un secret !) aussi une présomption. Bien sûr ce n'était pas du tout présomptueux ; c'était une garantie d'authenticité. Grâce à Dieu, elle a eu le courage d'achever son histoire, car c’est dans une subjectivité admise de bon cœur qu’est enracinée la vie immédiate et  véritable d'un récit…

    Nous en venons à une leçon qui est très simple, mais qui, comme toutes les choses les meilleures, est difficile à mettre en mots. Quelle que soit l'inclination qu'on puisse avoir à mettre en valeur, louer, et même de porter aux nues Shrî Mâ comme l'exemple suprême de  la perfection, c'est seulement à travers la description de sa relation  aux autres qui se manifeste sous des aspects multiples que sa pleine dimension, sa capacité à tout englober peut être pleinement révélée. Elle dit elle-même que ce mot de "autre" est une contradiction dans les termes lorsqu'on considère son être unifié. Dans les arts visuels, nous parlons de la silhouette et du champ comme des parties inséparables d'une même unité de l'image. Bithika Mukerji, dans son livre, de nous livre à la fois la silhouette et le champ

   L'agilité de la compassion de Mâ, la précision délicate avec laquelle elle pouvait réconforter les victimes des chagrins humains, et tout particulièrement sa réponse sensible et rapide aux décès dans l'ashram, tout cela touche notre corde sensible. Plus que tous les discours sages et un peu long (dont il y a des exemples publiés ailleurs), la conscience profonde que Shrî Mâ a du cœur humain est communiquée dans ses actions d’une façon encore plus mémorable. Bithika est aussi sensible dans ses comptes-rendus à ces moments où Shrî Mâ se retire en elle-même à l'occasion de la mort de ceux qui sont proches d'elle. Bithika met ici en valeur un point qui est tout à fait particulier : elle a clairement adopté le style de la douce compassion de Shrî Mâ et son livre en est imprégné à chaque page.                    . 
   Il y a des prises de conscience nouvelles qu'on peut trouver dans ses mémoires en dépit de toute la richesse du matériel  qui a déjà été écrit sur Shrî Mâ. C'est en tant que membre du cercle intérieur que Bithika peut nous dire ce que représente le fait de connaître avec une certitude absolue que le kheyal spécifique de Shrî Mâ est de veiller à tout dans la vie de certains individus particuliers. Car l'auteur elle-même, ainsi que les autres membres de sa famille, ont eu la joie d'être les récipients directs de la grâce et de la protection de Shrî Mâ. Une autre perspective s’ouvre quand nous observons le génie de Shrî Mâ pour conférer aux individus une liberté complète de mouvement dans laquelle ils peuvent se développer et respirer. Une "intrigue secondaire" particulièrement délicieuse ici est l'histoire du frère de Bithika, Bindou, qu’on avait ainsi nommé quand il était un petit enfant : il dormait sous le lit de Shrî Mâ, et ensuite il s’est développé une personnalité charismatique  de grand cœur, un musicien doué qui pouvait chanter des compositions divines qui ont charmé les foules.

   Je pense à l'histoire de Bithou "volant" un caillou du lit de la rivière Narmada, et son utilisation providentielle par la suite, grâce à la mémoire infaillible de Shrî Mâ pour les détails. Il y a aussi ce récit, si menu et pourtant que son charme lumineux élève à un niveau d'intensité magique, de la manière dont Shrî Mâ s'est souvenue de la timidité de Bithika pendant le festival où l'on se battait avec du yaourt, et comment elle en a simplement déposé une goutte sur  sa langue  réticente ! Mais c'est la même Bithou qui a traversé la moitié de l'Inde du nord pour obtenir la bénédiction de Shrî Mâ avant un séjour de six mois en Suisse afin de participer à un rassemblement interreligieux d'étudiants. Immédiatement elle reçoit, seule dans la pièce, un discours sublime sur la tolérance religieuse, Shrî Mâ étant allongée sur son chowki- son lit-tandis que Bithoudi dans la pénombre, prenait tout en note. On nous donne ensuite l'essentiel du discours que le Dr Mukerji a distillé de cette conversation privée, en même temps que la réponse de son auditoire qui provenait de vingt-six nationalités différentes. Il y a, en fait, plusieurs exemples où Bithika est soudain frappée  par la pure grandeur de l'impact de Shrî Mâ sur les nombreux Indiens et aussi sur des gens d'autres pays lorsqu'elle voyageait dans tous les recoins

 du sous-continent indien.

   Nombre de ces anecdotes révèlent la subtilité psychologique, l'audace et l'inspiration foudroyante du khéyala de Shrî Mâ. Et nous avons une compréhension profonde et abondante de cette méthode de Shrî Mâ des plus subtiles et nouvelles, son khéyala qui fonctionne d'une façon inimitable : pleine d'autorité,  inéluctable, tout en étant d'une profondeur insondable.
   Je suis très fier d'avoir joué un rôle minuscule pour faire parvenir ce livre à la connaissance du grand public.(p.11, 13)

 

 

 

 L'auteur de ces souvenirs a été invitée à parler à un séminaire interreligieux en Espagne, dans la ville d’Avila, à l’invitation de Raimon Panikkar , qui a passé de nombreuses années à Bénarès et est bien connu pour ses ouvrages sur la rencontre entre hindouisme et christianisme. A cette occasion, un groupe d'auditeurs espagnols  demandaà Bithika de rédiger un ouvrage sur ses souvenirs personnels de Mâ Anandamayî. C'était une période charnière pour Bithika, car elle venait de perdre sa mère qui avait pris le sannyas tout en restant à  domicile, sous le nom de Swami Satyananda Giri. Avant de mourir, celle-ci lui avait donné le sa bénédiction pour cette mission. Dans le premier extrait que nous donnons, Bithika raconte comment son père est venu pour la première fois en contact avec Mâ Anandamayî, et ce malgré ses propres réticences

 

"Je suis venue chez vous sans être invitée !"

 

Un soir,  Bindou,  mon petit frère, a développé une forte fièvre. Même ainsi, ma mère se préparait pour aller visiter la dharamshâla où se trouvait Shri Ma. Mon père n'était pas content, car il trouvait qu'elle ne prenait pas soin sérieusement de leur enfant en n’étant même pas capable d'attendre le docteur qui venait pour voir Bindou. Ma mère est  donc  restée à la maison. Le médecin était soucieux car il y avait un danger d’épidémie de typhus en ville à ce moment-là. Pendant la consultation, quelqu'un vint nous informer que Shrî Mâ  était venue dans le quartier des fonctionnaires où nous habitions et visitait la maison de Madame Dixit qui était notre voisine. Ma mère s’y est précipitée. Shrî Mâ lui sourit et dit, "vivez-vous près d'ici ?" Quand ma mère lui indiqua notre maison  Shrî Mâ qui sortait déjà de chez Madame Dixit,  s'en vint avec son entourage jusqu'à notre maison. Mon père et le docteur qui étaient debouts dehors furent surpris de voir cet afflux soudain des visiteurs. Ma mère était tout excitée - demandant aux serviteurs d'amener des chaises et des tapis, aux jardiniers d'aller cueillir des fleurs et à nous,  les filles d'entonner un chant d’agomoni( en bengali : de bienvenue). Shrî  Mâ s'assit dans un des fauteuils qu'on avait apportés pour elle. Mon père s'avança et fit un namaskar (mains jointes  ensemble en salut respectueux pour accueillir un visiteur).Sri Ma lui dit avec un sourire : "vous voyez, je suis venu chez vous, sans être invitée!" Je ne sais pas s'il l’avait imaginée avec la robe orange des sadhous et s'il était surpris de la voir dans ses gracieux vêtements blancs. Il ne répondit rien. De toutes façons, il a dû réfléchir sur ces paroles toute sa vie!(p.24)

 

 

Durant l'été 1937, Ma et Bhaïji passèrent à Bareilly avant de monter à Almora sur le chemin de leur pèlerinage au mont Kailash. Les parents de Bithika ont accompagné ce dernier jusqu’à Almora.

 .

 

 Bhaïji présente sa vision de Shrî Mâ à mes parents.

    J'avais remarqué que Bhaïji se retirait de la présence de Shrî Mâ en  allant à reculons comme certaines personnes font dans les temples (en signe de grand respect); à cette époque-là,  Bhaïji s’était beaucoup entretenu avec mes parents. Pendant de nombreuses années, nous avions pensé que ceux-ci avaient été initiés par lui, mais il n'en était pas ainsi. Quand nous avons été adultes et dans une position de leur demander, ma mère nous expliqué qu'il avait révélé quelque chose à propos de sa propre compréhension de Shrî Mâ et avait ouvert pour eux une nouvelle dimension de l'aspiration humaine.
   Il avait dit que dans la nature des choses, nous ne pouvions avoir  seulement qu’une vague idée à propos de la divinité suprême  qui forme nos destinées. On nous a dit qu'il y a un pouvoir ultime de création, soutien  et destruction; c’est l’adya shakti (l'énergie primordiale) sans laquelle rien ne peut s'ébranler. Il croyait que Shrî Mâ était la forme manifeste de cette présence qui pénétrait tout, bien que non manifestée, et que nous adorons en elle l’Etre ultime.  Se trouver en accord avec le rythme cosmique de la création vibrante et son processus également tranquille d'involution, c’est pénétrer le mystère de la vie. Shrî Mâ est la clé du mystère de cette marée montante et descendante d’ânanda, qui se trouve au cœur de la création. Elle est Anandamayî, la personnification du Bon et du bienheureux et c'est elle qui, par sa simple présence, éveille l'aspiration vers la félicité suprême, qui repose  dormante au sein de chaque cœur humain. Pour mes parents, c'était comme si Bhaïji avait ouvert une fenêtre dans une chambre close.(p.28)

 

 

    La personnalité de Shrî Mâ était à elle-même sa propre authenticité ; même si elle ne disait rien, son aura majestueuse inspirait une crainte révérencielle. Que ce soit sur les quais de gare ou dans les endroits pleins de foule, sa silhouette vêtue de blanc attirait l'attention. Les gens s'arrêtaient pour regarder par derrière et demander, "qui est-elle ?" Lorsqu'on se trouvait en face d'elle,  les paumes des mains se joignaient naturellement par respect et les têtes s'inclinaient pour saluer. Les détails de sa vie et de ses origines n'étaient plus en question. Elle était ce qu'elle était, une personne qui non seulement tenait la clé du mystère de la vie mais pouvait également guider notre compréhension de la destinée humaine.

   Avait-elle une mission pour l'humanité ? Non, parce qu'elle avait ni souhait, ni désir, ni volonté,  son action et ses paroles étaient le produit d'un khéyala spontané. Le mot khéyala signifie une impulsion soudaine, une pensée ou une idée, qui n'est pas en lien avec une source ordinaire de l'action. Parfois, ce mot est utilisé pour décrire un processus non rationnel de pensée telle une figure poétique ou un caprice un peu fou. Le khéyala de Shrî Mâ était distinct de tout ce genre de connotations. La meilleure façon de le comprendre, c'était d’observer qu’il survenait à cause des besoins et des nécessités des gens qui l'entouraient ou des situations qui se créaient autour d'elle, bien qu'il n'était pas toujours relié à son voisinage immédiat à un moment donné.

    Il nous faut reconnaître que le voyage vers le khéyala de Shrï Mâ, néanmoins, vient de commencer. Pour nous un nouveau chapitre s’est ouvert. La vie ne va plus jamais être la même.(p.30)

 

 

Notre famille

 

   Nous vivions dans une famille au sens élargi du terme, comme c'était la coutume à cette époque-là. Mon frère aîné, Manou, demeurait au 31 George Town avec mes grands-parents, ma tante et mon oncle, tandis que mes parents voyageaient de ville en ville  selon les postes obtenus par mon père. Nous visitions le 31 George Town  pendant les vacances, je me rappelle que pendant très longtemps, j'avais pensé que mon frère était mon cousin au même titre que les deux filles de mon oncle, parce que je le rencontrais seulement lorsque nous étions à Allahabad. A cette époque, on considérait comme tout à fait inconvenant de dire "ma femme" et "mes enfants" ou "ma maison", d'appeler quelque chose "mien", ainsi il fallait quelque temps à un étranger pour distinguer les frères, les sœurs et les cousins dans la bande de gamins qu'il y avait à la maison. En ce qui concernait l'enseignement religieux, on nous enseignait des prières en sanskrit destinées à notre divinité favorite et aussi à la déesse du savoir, Sarasvâtî  dévi. Nous observions les poujâs, les festivités et visitions les temples. Tout cela était très traditionnel et orthodoxe.

    La fête religieuse principale d’Allahabad était la Koumbha-Méla qui s’y déroulait tous les douze ans à la confluence des deux rivières sacrées, le Gange et la Yamouna. un événement plus petit avait lieu tous les six ans entre les deux Koumbha majeures  et tous les ans  en janvier, il y avait aussi ce qu'on appelait la Magh-Méla de dimension moindre. Cette fête remonte au moins au VIIe siècle après Jésus-Christ. Les pèlerins campaient sur les bords des deux rivières dans les cabanes de chaume et de paille durant un mois, fuyant les conforts de la maison afin de passer cette période dans d'ascétisme,  l’écoute de discours sur les écritures et une sâdhanâ, isolés de leur propre hutte.

    Ma grand-mère était très attachée à ce  mois de kalpavâsa, (le fait de rester dans un endroit qu'on a décidé), comme on l'appelle. Néanmoins, elle n'était pas tout à fait comme les autres pèlerins. Sa cabane était construite d'une façon tout à fait élaborée. Elle était meublée avec des chaises et un lit convenable, on avait mis des tapis sur un sol en terre battue couvert de paille, et elle avait des serviteurs pour l'aider. Nous allions la visiter pendant les journées et nous avions grand plaisir à nous promener sur les terrains de la méla  et à y manger toutes sortes de bonnes choses aux étalages temporaires qui poussaient partout. C'était  une occasion de rassemblement merveilleux pour des gens qui venaient de tous les coins du pays ; ils vivaient simplement pour renouveler leur foi et leur engagement dans leur propre tradition dans une atmosphère de liberté et de détente. Plus tard, nous avons eu l'occasion de vivre dans le camp de Shrî Mâ durant de nombreuses Koumbha-Mélas. Elle assistait pratiquement à tous ces rassemblements tous les douze ans, et même à ceux qui avaient lieu tous les six ans. Cette expérience de participer à la vie des gens dans une  atmosphère d'engagement total envers une manière de vivre religieuse, mais pourtant dépourvue de toutes sortes d'embrigadement était indescriptible et inoubliable. Il s’agit une chance merveilleuse et qu'on ne doit pas manquer si l'occasion s'en présente. (P.35-36)

 

 

Shrî Mâ réagit

 

   Un des visiteurs posait des questions infantiles à Shrî Mâ. Un jour il alla jusqu'à lui déclarer "vous êtes ma mère. Je vais m'asseoir sur vos genoux !" et de fait, il n'avait pas plutôt dit cela qu'il  se laissa tomber sur les genoux de Ma. Ils n'étaient pas légers et c'était donc un lourd poids pour elle. Tout le monde poussa des exclamations plutôt ennuyées. Biren Babou lui fit des remontrances comme à un enfant et on le fit se relever immédiatement. Shrî Mâ resta imperturbable pendant toute la durée de cet incident mais il était évident que le visiteur avait troublé l’atmosphère. Le jour suivant, de nouveau il  posa une question infantile : "Mâ, dites-moi ce qui arrive dans la demeure de Vishnou ?" Shrî Mâ soudainement se releva sur son âsana. En un clin d’œil,  son comportement changea. Sa voix était aussi différente. Elle s’exprima de façon incisive : "voulez-vous voir? Voulez-vous vraiment voir ?" Son expression était si sévère que nous étions tous pétrifiés ; nous ne l'avions jamais vu dans cette posture terrible. Nous étions si effrayés que nous avons baissé les yeux car nous ne pouvions supporter de voir ce regard étincelant. Le visiteur importun gémit d'une façon pitoyable "pardonnez-moi, Mâ, pardonnez-moi". Shrî Mâ reprit son siège et tout fut de nouveau comme avant. Elle nous sourit et ainsi nous pouvions de nouveau respirer. Nous avons rendu grâce lorsque l’importun est retourné à Calcutta, ce qui survint dès le jour suivant.

   Ces jours que nous passions avec Mâ étaient inoubliables, comme un rêve. Pour nous, Shrî Mâ était une amie qui remplissait tous nos désirs conscients et inconscients de bonheur dans la vie. Nous étions contents d'être avec quelle, de la voir, de lui parler, ou de marcher en sa compagnie. Je ne pense pas que nous avions aucune pensée particulièrement élevée au sujet de la discipline spirituelle. Shrî Mâ, néanmoins, nous donnait de bonnes bases. Elle nous dit à tous les quatre Renou, Kawna, Bithou et moi-même,  (c'est le cousin de Bithou qui parle) de nous asseoir dans sa chambre pour une demi-heure tous les jours et de faire le japa ou le dhyâna (méditation). Nous n'avons pas trouvé que c'était une tâche difficile. Qu'est-ce qui pouvait être plus agréable que d'être assis dans sa chambre et de la contempler pendant qu'elle reposait tranquillement sur son lit?
   Un matin, Shrî Mâ nous demanda, "savez-vous cuisiner?" Ma jeune sœur ne s'exprima pas,  mais je dis fièrement, "oui, Mâ, je peux cuisiner." Shrî Mâ demanda de nouveau,  "quels plats sais-tu préparer ?" je répondis, "je peux préparer toutes sortes de plats." J'étais plutôt sûr de moi parce que faire la cuisine était ma grande distraction et j'avais l'habitude de préparer de nombreux plats à la maison. Shrî Mâ demanda alors, "sais-tu  préparer des pousses de bambou ou des feuilles de yam ?" Je ne savais même pas qu'il s'agissait de d'objets comestibles et je fis signe de la tête que non. Shrî Mâ se mit à rire avec tous les autres qui suivaient notre conversation. (P.52)

   …A la fin des vacances nous sommes retournés Agra et ensuite de nouveau à Allahabad. Nous avions plein de conversations très animées  à propos de ce que Shrî Mâ avait dit et de ce qu'elle avait fait dans sa lîlâ (jeu) avec nous. Vers fin d'octobre 1938, Shrî Mâ revint à notre maison au 31 George Town de pour la première fois. Depuis lors, jusqu'à janvier 1982, elle a continué à visiter notre maison à intervalles réguliers. Allahabad est à la jonction de plusieurs routes majeures. Shrî Mâ passait à  Allahabad de nombreuses fois durant ses voyages incessants. Parfois, elle interrompait son parcours  pour passer la nuit au 31 George Town ou simplement pour la journée, voire même pour quelques heures. Avant que mon jeune cousin Bindou ne construise pour elle une petite hutte dans la propriété sous le Nîm (arbre margosa) en 1956, elle a habité avec bonne grâce dans des logements temporaires que l'on faisait pour elle. Le pounya (le mérite religieux) de nos ancêtres à la vie sainte a dû créer une aura pour notre maison et nous apporter la bénédiction de la présence de Shrî Mâ si souvent. (P.54)

Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

 

 

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

par Amulya Kumar Datta Gupta

(Suite)


La visite d'entités subtiles

 

Durant la conversation en soirée, Mâ dit, "Ne pensez pas que vous seul êtes présents dans la chambre. Il y a de nombreux autres êtres ici. De même que vous venez écouter ma conversation, de même il le font également."
Un disciple de Mâ, "est-ce que nous vous vous n'avez pas rencontré Gauranga Mahaprabhou (un nom de Shri Chaitanya, cette conversation se passe à Navadvîp, où a vécu Shri Chaitanya, un lieu qui est devenu un des grands pèlerinages vishnouïtes du Bengale) et d'autres personnages sous forme subtile ici ? Mâ ne répondit pas directement à la question, mais elle dit, "lorsque je vais quelque part, je rencontre le bhava particulier de l'endroit." (bhava signifie état, coloration spirituelle ; dans ce contexte, ce terme peut signifier l'entité subtile  qui a imprégné l'endroit).(Vol.II, p.51)

 

Les jeunes années de Mâ

 

Des plaisanteries innocentes avec Shrî Mâ étaient autant une source de joie qu’une approche visant à la harceler pouvait être dangereuse. Une fois, à l'occasion d'un mariage, Mâ s’était rendue à la maison d'un parent. A cette époque, elle était encore très jeune. Pour ceux qui l’observaient, elle ressemblait à d'une image de la déesse vraiment très belle. Pour cet événement, deux membres de sa famille, tous les deux jeunes hommes, étaient aussi venus. Mâ dit, "j’étais allée sur les lieux du mariage avec le corps couvert  des pieds à la tête et de plus enveloppée  dans un châle noir. En me voyant avec ces vêtements, un des jeunes hommes commença à dire, "elle ressemble à un tel, elle ressemble à tel autre." Après l'avoir entendu dire cela pour la n-ième fois mes yeux tombèrent soudainement sur lui. C'était un regard quelque peu anormal. A cette époque, j'étais une jeune femme rangée typique et je ne regardais pas les "autres" hommes. Quand on a mis du miel dans la bouche de la nouvelle mariée, le second jeune homme vint me voir avec du sucre dans la main et dit, "tu es aussi une jeune mariée, il faut que je te mette du sucre dans la bouche." Je me reculai, mais à chaque fois que je faisais ainsi il  amenait sa main proche de ma bouche. Tandis

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qu'il me harcelait de cette façon, mes yeux sont soudain tombés sur lui. Cette fois-ci également, mon regard était quelque peu anormal. Dans aucun des deux cas, je n'avais jeté les yeux sur eux de façon délibérée. Néanmoins, en me voyant le regarder comme cela, le garçon recula. Le lendemain de la fête, ils retournèrent à la maison. Mais à peine deux jours après ces événements, j'ai appris que le jeune homme qui avait fait des plaisanteries vulgaires à mon égard avait été battu très fort sans cause apparente, et celui qui avait essayé de me mettre du sucre dans la bouche étaient morts du choléra. Son type de mort semble avoir été prédestiné pour cette heure-là. Mâ nous évoqua alors des souvenirs de sa vie de jeune mariée. Comme nous l'avons déjà dit, elle avait été admise à l'école primaire, afin de lui assurer une meilleure perspective  dans le "marché" des mariages. Le récit de ses études dans cette école a circulé. Quant Mâ avait été à la maison de son gouroudev avec Didi Mâ et d'autres, on a dit, en se référant à ses études, qu’elle avait été à l'école primaire. Entendant cela, quelqu'un lui demanda la signification du terme "écoles primaire". Mâ répondit alors franchement, "personne ne m'en

 a indiqué le sens."

   Néanmoins, ayant entendu que sa femme avait étudié à l'école primaire, Baba Bholanâth, le jour après leur mariage, exprima le désir de voir l'écriture de son épouse. Il avait l'intention de se rendre compte si elle était capable de rédiger des lettres pour lui. Mais Mâ insista sur le fait de ne pas montrer son écriture malgré différentes menaces de Didi Mâ, on n'a même pas pu la persuader d'écrire son nom. Quant tous s’y mirent, il purent finalement la forcer à effectuer sa signature, et on la montra à Bholanâth. Mâ continua, "après le mariage, Bholanâth m'a écrit une longue lettre. Chez nous, recevoir une lettre était une sorte de nouveauté. Avant que la lettre ait été distribuée, la nouvelle s'est répandue, selon laquelle une lettre qui m'était adressée était arrivée. La lettre tomba dans les mains de votre Didi Mâ. Par délicatesse,  elle ne pouvait me la donner elle-même ; à la place, elle commença à la mettre à des endroits où probablement, je la remarquerais avec facilité. Mais je l'ignorais. Votre Didi Mâ était dans un dilemme, car elle ne pouvait me faire passer la lettre. Enfin, elle me la transmit par quelqu'un d'autre. Mais même quand je l'ai eue entre les mains, votre Didi Mâ n'a pas été soulagée de ses angoisses, elle commença à faire pression sur moi constamment pour que j’y réponde. C'était la coutume à l'époque, pour les filles, d'être extrêmement pudique quand on discutait de tels sujets. Je faisais aussi semblant d'être très sérieuse pour prouver que j'étais pudique. Alors tout un groupe de gens se creusèrent la tête et rédigèrent une réponse. Je la recopiai et on la posta.

  Quand votre Dada Mahashay (grand-père) m’installa à Shripour, il laissa des modèles de lettre que je devais utiliser pour répondre aux lettres que Bholanâth pourrait écrire. Ayant entendu dire que j'avais étudié à l'école primaire, Bholanâth m'apporta un livre le lendemain de notre mariage. Un soir, il me dit , "lis-moi le livre tandis que je t’écoute en étant allongé." Je vous ai déjà raconté la manière dont je lis. Je dois épeler chaque mot avant de le prononcer. En outre, on m'avait recommandé qu’une fois que j'avais commencé une phrase, je ne devais pas reprendre ma respiration avant le point final. En combinant les deux choses, j'étais presque morte de suffocation !… Allongé sur le côté, Bholanâth écoutait ma lecture essoufflée. Après quelque temps, il se retourna sur le lit et dit, "Ainsi, voilà ton éducation primaire ! Maintenant il est clairement impossible que tu aies étudié même le premier livre du programme."

   Tous les gestes qui accompagnaient ces paroles de Mâ nous faisaient tous énormément rire. Cet écrit n'est pas capable de rendre même une trace de la douceur du discours de Mâ ; elle racontait cette histoire allongée. Elle nous faisait voir avec précision comment Bholanâth avait fait sa remarque - la manière dont il s'était retourné sur son  lit, et les expressions de son visage à ce moment-là. Didi demanda, "comment pouvez-vous vous souvenir de tous ces détails ?" Mâ dit, "maintenant, je suis inspirée par l'humeur de cette époque, ainsi tout revient à la mémoire." Cette fois-là, en venant à Navadvîp, j'ai réalisé pleinement à quel point notre Mâ est véritablement Anandamayî – l’incarnation de la joie. Je n'ai jamais ri autant de toute ma vie que cette fois-là en présence de Mâ. 

 

 

                                                             

 

 

 

 

        ~~~~~~~~~~~~                                                                                                                                                                  

                                                     SILENCE     

                                      ~~~~~~~~~~

 

Soudain, le malaise est là,

Immédiatement, le mental réagit...

L'Etre, tout entier, s'exprime alors

Et la Paix se fait, loin des tourbillons

Négatifs et des divisions intestines.

Calmement, il envisage l'attaque

Et installe le Silence Suprême.

                ~~~~~~~~~~~~

                     Monique M.  Le 22.04.2002.   

                ~~~~~~~~~~~~

 

                   ~~~~~~~~     

                    UN

                        SONGE

                   ~~~~~~~~

Etonnée, je me suis réveillée,

Veille, rêve où vivais-je?

En moi, quelqu'un d'autre était...

Indépendant de ma volonté.

Le réaliser me donnait le vertige...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Intérieurement, rien n'avait changé

Ni extérieurement, d'ailleurs.

Tout était pareil qu'avant.

Uniquement, cette intuition,

Impalpable, venue de nulle part,

Taraudait mon esprit, vaguement

Inquiet... Qui étais-je

Finalement, sinon un songe perdu dans le Songe?

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

                Monique M.      Le 18.12.2001

 

 

 

 

 

La notion de jeu (lîlâ) dans l'hindouisme

par Rosa Fernandez

 

Rosa Fernandez a passé deux ou trois ans à Bénarès. Elle est la traductrice en espagnol du livre de Bhaïji, Matri darshan, qui a été publié sur le site internet de Mâ (www.anandamayi.org/ashram/spanish). Elle a  passé récemment en Espagne sa thèse de doctorat sur la notion de lîlâ dans l'hindouisme avec une référence particulière au shivaïsme du Cachemire. Lîlâ signifie jeu divin, ou encore le jeu du gourou avec ses disciples. Les disciples de Mâ considère que son existence parmi nous a été une lîlâ , un jeu de la mère divine pour nous ramener à la déité suprême. En ce sens, il nous  a semblée intéressant de traduire l'essentiel de l'article de Rosa paru en espagnol dans Sarasvatî,  une nouvelle revue de bibliothèque consacrée aux études Orient - Occident dans un sens humaniste et spirituel. Le titre de l'article complet est : le drame comme paradigme cosmoesthétique dans la tradition de l’Inde.

La vie du monde et la relation avec un sage est comme un jeu de scène où nous sommes acteurs. A nous de bien jouer notre rôle.Rosa a habité près de l'ashram de Mâ Anandamayî à Bénarès, dans une résidence pour les chercheurs étrangers appelée Amar Bhavan, "la demeure d’immortalité". Elle est particulièrement inspirée par l’œuvre de Lilian Silburn, et elle enseigne actuellement la philosophie et l'esthétique à l'université de Malaga en Espagne.

 

   Dans la tradition indienne, l'action pure et désintéressée a un précédent très clair dans l'action rituelle des sacrifices védiques. Elle est éloignée de l'intentionnalité de l'ego empirique ; elle est préconisée par la Bhagavad-Gîtâ. Elle représente un type  d'éthique maxima et imprégne toutes les traditions religieuses issues de l'hindouisme. Comme dans les autres grandes cosmogonies culturelles, le célèbre hymne de la création du Rig véda (90) -qui raconte l'émergence du cosmos à partir du démembrement du Pourousha, l'homme cosmique- nous met sur les traces du sacrifice comme modèle de l'action créatrice. Dans les Brahmanas, commentaires des hymnes védiques primitives, le sacrifice reçoit une interprétation mystico- symbolique claire.  Celui qui enveloppe tout se multiplie lui-même (puissè-je devenir multiple) en dédoublant son être unitaire. Brahma et Prajâpati sont ainsi l’être primordial dont l'auto-immolation fait surgir le cosmos : "Brahma, celui qui existe par lui-même, était en train de pratiquer une concentration intense (tapasya). Dans cette concentration intense,  il pensa, "il n'y a pas d’infinité. Je me sacrifierai dans les êtres vivants et toutes les entités vivantes se sacrifieront en  moi." Ainsi, après s’être sacrifié dans toutes les entités vivantes et que toutes les entités vivantes se soient sacrifiées en lui, il acquit de la grandeur, de la splendeur et de la souveraineté". "Une fois qu’il a produit toutes les créatures, le corps de Prajâpati eut tendance à se désagréger. Il était réduit à un simple cœur et gisait là, épuisé. Il s'exclama : "Ah ! Ma vie!» Les eaux l'entendirent. Elles vinrent à son aide et grâce aux sacrifices du Premier-né, elles ont pu restaurer sa souveraineté."

   La grande importance des rituels comme une sorte d’axe vertébral du culte dans l'hindouisme correspond à une importance proportionnelle accordée au drame comme genre artistique. Le terme même "drame" renvoie, par sa signification étymologique en grec, à l’idée d’"action" au sens d'action pure, d'action modèle. Le rite, comme toute la liturgie religieuse en général, représente au départ une séquence d'actes effectués dans un ordre fixe, c'est là l'origine du drame. La représentation dramatique –si l’on en  revient aux étymologies- correspond à une action dédoublée, une action qui se présente comme dépourvue d’intentionnalité ou de finalité par le fait qu'elle est acte ou mise en action pure. Et en tant que tel, comme Huizenga l’a déjà bien mis en évidence dans son célèbre Homo ludens, il est lié au jeu, celui-ci représentant l’activité rituelle par excellence : une activité dépourvue  de finalité et de motivation. Mais le jeu est, en plus et par-dessus tout, et une activité plaisante, une création agréable et, à cause de cela, esthétiquement signifiante…

 

Les auteurs des shivaïsme du Cachemire font un bel usage de l'étymologie pour mettre en relation le jeu avec l'activité divine. Abhinavagupta et Kshémarâja  expliquent le sens ludique de la divinité en faisant dériver le nom sanskrit "déva » (lit.  dieu) de la racine « div ». celle-ci possèdant, entre autres significations, le sens de "jouer" ou "se manifester". Au début du  Vijnanabhairava la déesse Bhairavi s'adresse aux dieu Bhairava de la façon suivante : « Bhairavî, la shaktî de Bhairava, affirma (uvaca) :"Oh ! deva  (dieu), toi qui es mon propre être, tu te manifestes dans l'univers en le traitant comme un jeu" ce que Khémarâja commente ainsi : "Oh!, Mon propre être, dont la nature est de représenter ton jeu sous formes de la manifestations de l'univers ! La dévi appelle le déva "mon propre être" parce que la dévi n'est pas différente du déva."

La similitude externe de la racine sanskrite "div"  avec le terme qui désigne la divinité ("déva") permet aux auteurs du shivaïsme du Cachemire de "jouer avec les étymologies", en tenant compte des répétitions, pour mettre en relation l'activité divine et  la manifestation de l'univers en tant que jeu. En réalité, le jeu de ladivinité n'est pas autre que sa "manifestation", l'apparition paradoxale et, à cause de cela, ludique, de ce qui est uni et indivisible tout en étant diversifié en une infinité de forme. Le jeu entre la déesse dévî) et le dieu (déva), entre le pouvoir de jouer,  de se manifester ("div") et la manifestation du jeu et la relation d'identité dynamique qui existe entre une polarité des aspects : Shiva et Shakti, la lumière (prakâsha) et la conscience réflexive  (vimarsha), l'énergie et ce qui la soutient, deux pôles qui sont unis par la continuité d'une oscillation circulaire ; comme le dit Abhinavagupta : "l'énergie ne se présente pas comme séparée de l’essence qui la possède. L’identité des deux est une donnée éternelle, comme celle du feu et du pouvoir de brûler". (L. Silburn,  Hymnes d’Abhinavagupta, Publications de l'Institut de civilisation indienne, Paris).( Pour exprimait la notion de jeu, la racine la plus courante est krid, le « jeu » étant krîdâ).

   Le Shivadrishti de Somânanda est l’un des premiers textes du shivaïsme du Cachemire dans lequel un auteur connu mentionne l'idée de jeu. Dans cette oeuvre, à travers la métaphore du souverain qui dans sa liberté totale joue à se rendre lui-même esclave, on explique comment l'Absolu se manifeste dans l'univers  grâce au plaisir ludique d'assumer des formes multiples : "ainsi, comme un roi de toute la terre, dans l'intoxication joyeuse et surprenante de sa souveraineté, peut jouer à être un simple soldat, limitant son comportement, de même, dans sa félicité, le Seigneur se divertit en

 assumant les formes variées du tout".


Comme l'action de ce roi, que rien n'oblige, à cause de sa souveraineté,  à se comporter comme un soldat, toute action vraiment libre est motivée par la joie, le plaisir de jouer à interpréter, à assumer des formes librement, sans s'identifier totalement à elles. L'assomption de formes diverses "mâyâ" est toujours joyeuse pour celui qui s'identifie seulement à moitié  avec elles et ne se laisse séduire que partiellement par leur charme magique, car il fixe son attention sur leur impermanence et leur flux. Ceci est le grand avantage qu’apporte l'activité ludique : la vision mystique, l'attention non parcellaire et qui se fixe sur la totalité du processus. Le roi rentre dans l'incarnation du soldat pour le plaisir pur d'expérimenter quelque chose de nouveau, de totalement distinct et il cesserait  d'éprouver du plaisir, simplement si, absorbé par son rôle, il perdait la vision mystique et cessait de percevoir sa condition de soldat

comme un jeu.


On a également exprimé ce jeu de voilement et d'éclairage par la métaphore qui considère le monde comme une pièce de théâtre, l'Absolu comme son auteur, son directeur et son acteur et les organes des sens comme ses spectateurs. En accord avec la signification auto-représentative du jeu, le dynamisme de l'Absolu qui consiste en voilement et révélation, s'accomplit  grâce au déguisement sous une forme de représentation théâtrale et l'interprétation  d'une infinité de rôles et des personnages. Depuis son apparition dans les Shivasûtras, cette métaphore a été commentée de façon répétitive par les auteurs du shivaïsme du Cachemire.


Le Soi est l'acteur.
La scène est le Soi intérieur.

Les spectateurs sont les sens. (3 9 11)

    Kshémarâja fait une lecture  yoguique de ces trois vers. Il se base sur l'identification entre le Soi, l'acteur où le danseur - le terme sanscrit nartaka ayant les deux significations- et le yogi qui a atteint l'union avec l'Absolu. Comme la danse du célèbres Shiva Natarâja, le yogui roi de la danse, l'action du yogui ou du libéré-vivant est "ludique à cause de sa propre vibration intérieure" et se manifeste sous la forme de danse, une danse dans laquelle les mouvements extérieurs sont le fruit et l'expression d'un état de réalisation intérieure. Les rôles d'interprètes-acteurs ne sont pas plus que les états de conscience (veille, rêve, sommeil profond et état transcendantal).
  Abhinavagupta dit ailleurs : "l'univers se réveille quand Tu te réveilles et se couche quand Tu te couches. Ainsi, tout cela, existant

 ou inexistant, T‘est identique."


   Pour continuer à élargir la comparaison, nous pouvons dire que Shiva, acteur qui ne s'identifie pas totalement avec les personnages qu'il représente, est l'unique qui est éveillé dans ce grand spectacle, tandis que notre réalité humaine dans le monde doit son existence au fait d'être "endormi au sujet de sa vraie nature", au fait de ne pas nous rendre compte de notre propre évanescence, de notre réalité imaginaire, ainsi qu’au fait de nous immerger dans la dynamique du jeu qui nous mène à nous identifier avec tout ce que nous percevons comme réel. Notre conscience ordinaire et limitée est, pour ainsi dire, la partie qui correspond à "l'identification partielle" du jeu interprété par l'Absolu.

 

Extrait de Sarasvatî n°5, 1997 « Etudes d’orient-occident pour encourager une renaissance humaniste » (en espagnol) Fundacion Purusha C Austin Duran 19, 4°B   28028 Madrid

Traduit de l'espagnol par Jacques Vigne.

 

Annonces

 

 

- Nous nous excusons pour le retard qui est survenu dans la parution des Jay Ma durant les neuf mois que Jacques Vigne a passé en France. En conséquence de cela, nous avons aussi repoussé le renouvellement des abonnements jusqu’au numéro suivant qui paraîtra en mars

- Le livre de Bithika Mukerji « My days with Shri Ma Anandamayi »  est disponible à Bénarès aux éditions Indica. Ecrire de la part de Jacques Vigne à Alvaro Enterria chez Indica Books D 40/18 Godolia Varanasi 221001  Fax 00 91 542 452 258  indicabooks@satyam.net.in

(On peut envoyer des chèques en euro, 10 € pour l’édition avec couverture souple, 13 € pour celle avec la couverture cartonnée, port compris)

- Swami Bhaskarânanda a été élu secrétaire général de la Sangha de Mâ Anandamayî, il succède à Swami Swarupananda qui a occupé ce poste pendant dix-huit ans , et qui est décédé en septembre vingt ans jour pour jour après Mâ, si l'on considère le calendrier lunaire. Etant assez âgé, il aura pour assistant Swami Jotirmayânanda qui reste à Kankhal.

- La proposition de retraite de février dans les ashrams de Mâ, en particulier à Kankhal après un séjour de trois journées à Bénarès, a rencontré un vif succès. Nous avons été obligés de dédoubler le groupe, ce qui fait qu'en tout sur le mois de février, cinquante personnes viendront de France pour profiter de cette retraite. Swami Nirgunânanda descendra aussi spécialement de Dhaulchina pour rencontrer les deux groupes successifs à Kankhal vers mi-février.

-une autre retraite dans les ashrams de Mâ est prévue du 11 au 30 juillet. Nous monterons d'abord à l'ashram d‘Almora (Patal Dévi) pour rencontrer Swami Nirgunânanda et descendrons ensuite à Kankhal pour y rencontrer pendant une semaine Swami Vijayananda, non sans  avoir aussi visité Dhaulchina, l'ermitage de Mâ dans l'Himalaya

-. Du 15 août au 8 septembre en principe, il y aura le pèlerinage au Kailash également en compagnie de Jacques Vigne. Pour ses voyages d'été, le contact reste le même que celui de l'an dernier : Jean-Luc et Chantal Diraison association Lumière 52 rue Jeanne d’Arc Tél (maison après 20 heures 30) 02 98 40 38 61.


Programme de Swami Nirgounananda   en Europe été 2003

 

Du 26 juillet au 3 août : Epernon. contact Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain-en-Laye  01 34 51 74 41

Du 5 au 11 aout : Zürich (Richard Willis) et Launay (Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502 Bienne 0041323221828)
Du 17 au 23 août : Les Courmettes contact Michel Tauziede domaine des Courmettes 06140 Tourettes-sur-Loup 0493241700 

Du 17 au 23 : terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 0385604030

Du 21 au 27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal cf ci-dessus

Du 28 août au 1 septembre : les Courmettes cf. ci-dessus
Du 2 au 6 septembre : Assise contact Claude Portal
Du 7 au 11 :Birmingham-Londres contact Christopher Pegler  28 Perryfieldway Ham.Richmond Surrey TW107 SP Rés

00442089400139 bureau 00441714880777  CzjpPegler@btinternet.com

 

L'oeuvre de Patrick Mandala

 

 Patrick Mandala  est un disciple français de Mâ vivant souvent en Inde depuis 1971. Il a rencontré Mâ de 1972 au 25 février 1982 avec son épouse Catherine. Il prépare actuellement une trilogie sur Mâ et son enseignement : trois volumes qui seront publiés dans les trois années à venir par les éditions Accarias–l’Originel (Paris). Ses livres seront constitués de paroles, satsangs, témoignages, anecdotes, histoires et événement de la vie de Mâ racontés par elle-même : tous sont inédits (certaines sources anciennes viennent, entre autres des volumes de Gurupriya dévi, sa proche disciple).
Concernant les témoignages (seulement 10 pour cent du livre) : l'auteur serait heureux de recevoir à son adresse française les témoignages de disciple de Mâ l'ayant connu du temps de son vivant, certains pourraient figurer dans un des trois volumes.

addresse : Patrick Mandala Atelier l'Arbre de vie rue Noblemaire 74290 Talloires (lac d’Annecy). France. Téléphone 04.50.60.75.18 ou le soir : 04.50.60.46.99

Patrick Mandala parle aussi de Mâ dans ses divers autres livres : ceci nous permet de   compléter la bibliographie d’Anandamayi donnée dans des volumes précédents de  Jay Ma:

-         Guru-Kripâ : l'enseignement vivant de Ma Anandamayi, Swami Ramdas, Shri Ramakrishna. Préface d’Indira Gandhi, introduction d'Arnaud Desjardins éditions Dervy, 1984

-         la voix du cœur : anthologie de poèmes mystiques de l'Inde (XIe au XVIIIe siècle) notes et commentaires à la lumière de l'enseignement de Mâ Anandamayi. Editions Chiron, 1996 (Paris).
- le yoga de la Bhagavad-Gîtâ ou le secret de l'action. Commentaires rédigés à la lumière de Mâ Anandamayi, éditions  Accarias-L’Originel, 1998 (Paris). Préface d'Arnaud Desjardins

-         -le Yoga-vâsishtha : l'expérience de la non dualité. Point de vue et notes rédigées à la lumière de Mâ Anandamayi, de Ramana Maharshi, Swami Prajnapad, J.Krishnamurti et le Bouddha. Préface de Denise Desjardins. Editions Accarias-l’Originel, 2003 (Paris)

-         Aux sources de la sagesse : paroles de sagesse de la Grèce antique et de l'Inde ; de Thalès à l’Aéropagite, des védas à  Mâ Anandamayi. Préface de Jean Yves Leloup. Editions Accarias-l’Originel, janvier 2003 (Paris)
- " joy" : rencontre avec Mâ Anandamayi, paroles, satsangs inédits (de 1953 à 1982). Trois volumes.  Edition Accarias-l’Originel. (En préparation).

 

Abonnements

Le renouvellement général des abonnements se fera lors du prochain numéro en mars pour deux ans. Cependant, pour ceux qui n'ont jamais encore été abonnés, il est possible de régler dès maintenant cet abonnement pour neuf numéros  (jusqu'en mars 2005) pour 14€; chèques à l’ordre de Jacques Vigne, à envoyer à Magali Combal.

 

 

 

Jay Ma n° 67-68                                                         printemps 2003

 

 

Editorial

 

Ce numéro et un numéro double, cela permettra de rattraper le retard contracté durant la période où Jacques Vigne a été à Paris. Cette fois-ci, les paroles de Ma ont été sélectionnées par Marion Mantel qui les avait rassemblées dans un petit volume intitulé l'arbre et la graine. La photo de couverture est l’œuvre de Geneviève Koevoets de Nice, qui a eu l’inspiration de faire un portrait de Ma et de Vijayananda avec la technique de la « sanguine », c'est-à-dire en étalant une couleur orangée sur le papier, puis en la gommant pour faire le blanc et en rajoutant le noir avec un crayon de papier. Dans ce numéro, nous donnons une place assez large aux souvenirs de Bithika Mukherjî, qui, en plus d'être une des meilleures biographes de Ma, a toute une histoire personnelle et familiale avec elle. Les pages les plus attachantes de son livre My days with Ma Anandamayi (En compagnie de Mâ Anandamayî) continueront d'être traduites par Geneviève Koevoets dans les numéros suivants du Jay Ma. Dans ce numéro, il y a aussi un certain nombre de poèmes, certains inspirés par les deux  voyages-retraites de février dans les ashrams de Mâ,  où cinquante Français sont venus en tout. On trouvera à la fin l'annonce du renouvellement des abonnements pour deux ans à partir  de ce numéro, ainsi que le programme de Swami Nirgounananda en Europe.

 

 

 

 

 

 

L’arbre

et la

graine

 

 

paroles de Mâ anandamayi

rassemblées par Marion Mantel

 

 

Vous plantez une graine et il en pousse un grand arbre, avec toutes ses branches, ses ramifications, ses feuilles et d’innombrables nouvelles graines.

Une multitude infinie d’arbres sont latents dans chaque graine.

Pouvez-vous percevoir cela ?

C’est sans commencement et sans fin.

 

L.a graine a-t-elle le désir de faire un arbre ? Un arbre a-t-il le désir de nous abriter dans la fraîcheur de son ombre ?

 

 

Une graine que l’on garde dans la main ne peut germer.

Pour révéler toutes ses possibilités, elle doit se métamorphoser en plante et porter des fruits.

 

 

Une graine ne germera pas si l’on passe son temps à la déterrer pour l’observer.

 

Que la graine ne soit pas bien identifiée n’empêche pas l’arbre de pousser.

 

Mouvement, repos, perdent leur distinction pour qui voit.

Mouvement… repos…, la graine enfouie dans la terre repose, mais dans le même instant, le processus de germination commence, un mouvement !

Si se mouvoir signifie ne pas rester en place, comment se fait-il qu’ici mouvement et repos coïncident ?

C’est ainsi !

De la même façon chaque instant de la croissance de l’arbre est un point de repos et un passage…

 

Les feuilles poussent, tombent, ce sont autant de changements de condition.

Il s’agit toujours du même arbre.

Et cela continue…

En un moment unique.

L’arbre est en puissance des arbres, des feuilles, des fruits sans nombre, des mouvements infinis et une stabilité indescriptible.

Un instant contient en puissance des instants innombrables, où repose le Seul Instant.

 

Pensez à l’arbre. Des graines naissent de sa ramure.

Une de ces graines à son tour peut engendrer un arbre et toutes ses potentialités : un devenir infini, un être infini, une manifestation infinie.

 

La semence fait pousser l’arbre.

L’arbre fait pousser la semence.

Quand nous nous concentrons sur Une chose, pourquoi l’intégralité du UN ne se révélerait-elle pas ?

 

Les arbres sont vivants tout autant que vous et ils ont leurs propres langues.

Ainsi vous pouvez parler à un arbre, mais vous ne connaissez pas son langage.

Si vous le connaissiez, vous pourriez  converser avec lui.

Les arbres aussi ont leur langage.

Dieu est dans tout.

Sa création est infinie ainsi que son Jeu.

 

L’arbre porte des graines et de ces graines des arbres croîtront.

Une petite graine contient en puissance un grand arbre qui recommencera le cycle.

Que l’Un est en tout et que tout est en l’Un doit se révéler simultanément.

 

Lorsqu’on regarde une graine, l’on ne voit que la graine, mais ni la plante ni rien d’autre.

Lorsque l’arbre s’est développé, il porte des feuilles, des fleurs, des fruits, c’est d’une infinie variété.

Dans la graine comme telle, nulle autre chose n’existe, et par conséquent, l’on peut dire « elle n’existe pas ».

Pourtant, lorsque l’arbre est présent, tout s’y trouve de nouveau.

 

Vous voyez un bouton de fleur et ne voyez que lui,  et pourtant ce petit bouton contient déjà la fleur épanouie, le fruit, la semence et la plante tout entière.

La manifestation est universelle et sans limite, mais la vision que vous en avez est partielle et dépend d’un certain point de vue, de ce qui apparaît à vos yeux à un moment donné.

 

Dans une guirlande de fleurs, il y a un fil, des fleurs et des espaces vides entre les fleurs.

Ces « manques » sont causes de souffrance.

Comprendre ce qui unit et délivre de tout manque.

 

Il n’est pas utile d’annoncer qu’une grenade est mûre.

Sa couleur et son parfum parlent d’eux-mêmes.

 

Question : Dans quelle partie du corps est situé le centre du cœur ?

Mâ : Y a-t-il un endroit où il ne soit pas ?

Pensez à un arbre, depuis la racine jusqu’à son sommet, tout était contenu dans une graine.

Une branche ne peut-elle pousser n’importe où sur l’arbre et donner fleurs et fruits ?

Les graines que vous semez se trouvent partout en puissance dans l’arbre.

 

Quand l’écorce de l’arbre fut entamée, ce corps reçut la blessure et ressentit la souffrance.

Laissons cela. Si l’on évoquait plus longtemps de tels événements en sa présence, ce corps se raidirait probablement.

 

Le sens du manque, du vide (abhâva) et notre être vrai (svabhava), se situent exactement au même endroit.

En fait, ils sont CELA et CELA seulement.

Que représente ce sens du manque ou de l’être vrai ?

Lui, rien que Lui, pour la bonne raison qu’il n’y a qu’une seule graine, qui est arbre aussi bien que la graine et que toutes les étapes du processus de transformation.

En vérité : Lui seul.

 

Tout travail accompli dans l’esprit de servir Dieu, comme les nouvelles pousses remplacent les anciennes feuilles, délivre de l’attachement au monde pour mieux lier à Dieu.

Plutôt que de tourner vers le dehors, il tourne vers le dedans.

Le processus est naturel.

Voyez aussi comme les vieilles feuilles tombées au pied de l’arbre fournissent un excellent engrais.

Rien n’est vain. Sachez-le !

 

Une graine que l’on a fait frire ne pourra plus jamais germer.

C’est comme ça : une fois que vous avez réalisé l’Unité, vous pouvez faire n’importe quoi – il ne s’y trouvera plus aucun germe de karma.

Quand il n’y en a pas, toutes formes, toutes variétés ne sont que CELA.

 

Dès que vous avez trouvé le Soi, l’univers entier vous appartient.

De même, qu’en recevant une graine, vous recevez en puissance un nombre infini d’arbres, de même devez-vous capter l’Instant Suprême Unique, qui, en se réalisant, ne laissera plus rien qui ne soit réalisé.

 

Textes selectionnés par Marion Mantel extraits de :

 

« L’enseignement de Mâ Ananda Moyî »

Traduit par Josette Herbert 

(Editions Albin Michel – Spiritualités vivantes)

 

« Mâ Anandamoyî  - Vie en Jeu »

Textes réunis et traduits par Jean-Claude Marol

(Éditions Accarias – L’Originel)

 

 

 

Questions à Vijayananda

 

 

Quelle est votre attitude vis-à-vis de l'autre monde ?

-  Je suis déjà dans l'autre monde. -

 

- Pourquoi ne mentionne-t-on pas ânanda, la félicité dans les Upanishad majeures, à part dans la partie sur Brahmananda dans la Taittiriya Upanishad?

- A mon sens c'est parce que les rishis étaient profondément heureux. Ils ne pensaient pas que le monde était impermanent, toute souffrance, comme dans le bouddhisme postérieur. Ils vivaient dans le satya yoga, l'âge d'or. Les bouddhistes sont venus dans le Kali yuga  les rishis ne parlait guère de la joie car ils étaient eux-mêmes la joie. Pour parler de la joie,  il faut qu'il y ait une dualité. Dans l'évocation upanishadique  bien connue du Soi, on parle de vérité, connaissance et infini (satyam, jnanam, anantam),   et non pas félicité (ânanda).

   Pour ces rishis, le signe d'un développement avancé sur le chemin est d'avoir vaincu la peur, en particulier les peurs morales à propos du fait de ne pas avoir suivi toutes les règles ou de ne pas avoir fait tous les rituels parfaitement; d'ailleurs, les brahmines de maintenant en sont encore un petit peu à ce point.

   Les vishnouïtes, quant à eux, ne cherchent pas la libération, mais désirent pouvoir aimer indéfiniment un Dieu personnel qui est différent d'eux. Le plus important pour cela est établir une relation intense avec lui -fût-elle de haine. On raconte l'histoire  des trois rishis enfants qui étaient venus à la porte du paradis des Vishnou. Comme il n'avait pas l'air de rishis, ils ont été rejetés par les deux gardiens à la porte, Jay et Vijay; ces rishis, furieux, leur ont lancé la malédiction  de devoir redescendre sur terre. Mais finalement, ils ont eu le choix entre sept incarnations où ils pourraient aimer le Seigneur et trois et il pourrait le haïr. Les deux les mèneraient tout autant de nouveau vers la libération. L'idée derrière cela, c'est que une relation intense, même de haine, peut mener  rapidement au salut.

 

- Est-ce que le désir est nécessairement lié à la peur et à la colère ?

-  Oui, ce sont les deux côtés de la même chose. Quant au désir est très fort vers quelque chose et qu'il y a un obstacle, surgit alors naturellement la colère contre cet obstacle, ou la peur ne pas atteindre le fruit de son désir.

 

- Quels sont les avantages de l'aspect féminin du Divin ?
- Donner la place à l'aspect féminin du Divin est plus équilibré et plus naturel. L'amour naît de la rencontre du masculin et du féminin, pour qu’il y ait l'amour de Dieu et l'amour en Dieu, la présence des deux pôles est une grande aide.

 

- Un bouddhiste parle à Swamiji du poids du passé :
- le passé n'a pas d'existence réelle, c'est une construction mentale. C'est la perception du corps dans l'instant présent qui est réelle avec son cortège de malaises pré-conscients qui engendrent le mal-être et les tensions du mental. Il faut voir profondément dans la perception présente de son corps : en tant que bouddhistes, vous avez vipassana qui est une excellente méthode à cet effet.

 

 

 

 

 « En compagnie de Ma Anandamayi»

Par Bithika Mukherji

 :

Le deuil de la tante de Bithoudi


(C'est le cousin de Bithoudi qui parle) Mon père décéda le 4 mars 1939 après une maladie  d'une quinzaine de jours à l'âge de cinquante-deux ans. Ce décès était tout à fait imprévu. Juste après le deuil, ma mère trouva quelques heures pour se rendre à Vindhyachal. Comme la voiture montait la colline de l’ashram, on vit Shrî Mâ qui sortait de sa chambre ; elle descendit dans la cour. Elle rencontra ma mère à mi-chemin, la serrant dans ses bras et disant des mots gentils dans son style inimitable tout en consolant celui ou celle qui était en  deuil. Ma mère dit plus tard à ma tante que toute son angoisse et le fardeau terrifiant qui pesait sur son cœur s'était dissous aux contacts et aux paroles douces de Shrî Mâ. Lorsqu'ils revinrent de  Vindhyachal, ma mère semblait mieux se contrôler et plus sereine. De toutes façons elle était tranquille et peu démonstrative de nature. Après que les choses se soit calmées un peu nous avons réalisé que ma mère avait complètement perdu l’intérêts dans les choses du monde.

     Nous avions entendu de nombreux récit de renoncement soudain, vairagya, qui menaient à la réalisation de Dieu. Ma mère semblait faire une transition aisée entre le fait d'être une des premières dames de la ville et un style de vie ascétique. Les amis lui dirent de ne pas se retirer du monde, de prendre de l’intérêt dans la carrière future de ses filles etc.. Elle écouta de tels conseils presque avec amusement, disant calmement, "Mati Rani ( la mère de Bithoudi") est ici, elle va s'occuper de tout le monde."
   Rétrospectivement, nous réalisons que ma mère a vécu simplement selon la parole, vani, de Shrî Mâ : "seul parler de Dieu et valable. Tout le reste n'est que vanité et souffrance." son renoncement du monde était total. Elle n'allait nulle part mais continuait à vivre avec nous. Elle était d'accord avec tous les plans de mon oncle suggérés à propos de nos conditions de vie qui évoluaient. Elle parlait et riait avec nous, rencontrait nos visiteurs, passait quelque temps avec sa propre mère et son petit frère qui étaient venus de Calcutta pour être avec elle. Elle faisait aussi un effort pour dire des histoires à mon petit cousin Babou, un enfant qui aimait beaucoup sa lal-mamma (jolie mère), comme il l'appelait.
   Tout ceci néanmoins était à la surface pour ainsi dire. Sa vie intérieure de japa constant et de méditation remplissait progressivement toute sa vie. Elle tomba très malade six mois après le décès de mon père. Elle a dû prier humblement pour avoir le darshan de Shrî Mâ et que celle-ci la visite  quelques semaines avant son décès le 5 avril 1940.(p.56)

    

   Quand nous sommes venus à l'ashram de Kishenpour à Dehra-Dun durant l'été 1938, Didi et son père étaient partis. Bholonath était décédé quelques semaines auparavant. Nos cousins ne l'avaient pas rencontré  mais pour nous qui avions pu le faire, il nous manquait beaucoup. Il y avait une atmosphère étrange,  irréelle de vide. Nous avons entendu dire des gens de l'ashram que Mâ s’était occupée de lui infatigablement, était restée à son chevet et l'avait soigné jusqu'à la fin. La dernière parole de Pitaji a été "ânanda". Il était évident qu'il avait expérimenté un état de félicité avant la fin.’(p.59)

 

Éveil
   Un jour il y avait un akhanda-kirtan pendant vingt-quatre heures. Le groupe de kirtans de Delhi était venu pour chanter près de Shrî Mâ. Pitaji me manquait. Sans lui  les chants semblaient ne pas avoir d'intérêt ; le kirtan était prévu pour toute la nuit. Je m'étais installée confortablement contre un mur derrière une chaise qui avait été placée dans un coin, au cas où Shrî Mâ viendrait durant la nuit. De fait, finalement elle vint et s'assit sur cette chaise. Quand elle la poussa un petit peu en arrière, elle me vit en train de somnoler paisiblement. J'étais secouée quand je m'aperçus que Shrî Mâ avait pris ma longue natte dans la main et l’avait étendue sur ses genoux de l'autre côté. Ma tête maintenant demeurait sur ses jambes et j’étais tout à fait éveillée par force. Elle était assise avec cette natte sur ses genoux en la tenant fermement, afin que je ne puisse pas me détendre ou endormir. Personne d'autre ne connaissait ma situation, pas au moins à ma connaissance. Shrî Mâ me relâcha après quelque temps avec un sourire. Je pris ensuite un intérêt plus actif dans le kirtan.(p. 61)

…Après cet interlude heureux  nous ayant permis de vivre proche de Shrî Mâ dans un environnement qui était  paisible et tranquille, Allahabad représenta un retour à la réalité un peu dur. Mais nous étions tout le temps encouragé par l'espoir de notre prochaine visite chez Mâ. Nous étions devenus quelque peu différentes des autres jeunes filles de notre âge. Avec elles nous n'avions aucun sujet de conversation en commun,  si ce n'est les études. D'une façon ou d'une autre, nous ne nous sommes jamais sentis appelés à "répandre la bonne nouvelle" aux autres. Venir au contact de Shrî Mâ était une expérience qu'on devait partager seulement avec ceux qui étaient déjà « envoûtés ». Lorsque nous levions les yeux vers elle, nous voyions ces yeux brillants qui nous embrassaient dans un regard omniscient et profondément pénétrant, de compréhension totale. Rien n’avait besoin d'être dit.

   Très tôt, nous avons pris l'habitude de sa manière de répondre aux pensées et aux soucis non exprimés. Un contact apaisant, une parole gentille et pleine de compassion allégeait le fardeau de nombreux problèmes enfantins. Il semble stupéfiant que Shrî Mâ,  qui avait à traiter  les erreurs graves et les tragédies sérieuses qui affectaient la vie des adultes, puisse être aussi engagée dans les problèmes de la jeunesse. Mais elle ne banalisait pas ni repoussait d'un revers de main  les chagrins qui sont indissolublement liés au processus de croissance. Bien des fois elle me disait, "ne t'en fais pas, oublie cela" et c'était ce que je faisais. Avec humour, elle allégeait la sobriété de certaines natures indûment attirées vers une attitude  grave envers la vie ; pour les types d'enfants qui étaient indûment bouillonnants, elle assurait une ancre stable. Pour nous les jeunes, être avec Shrî Mâ était être avec quelqu’un qui était comme un ami infaillible : elle nous guidait fermement à travers la turbulence d'une époque qui changeait rapidement. La guerre en Europe affectait aussi la vie en Inde. Nous ne pouvions qu'entendre le  grondement des bouleversements politiques qui allaient bientôt engloutir notre pays. (p. 67)

 

Une conversation sur le vrai bonheur

 

   Hariprasad, un avocat éminent de la ville exprima son attitude envers la religion, "nous sommes actifs dans le monde. Nous nous accomplissons en travaillant dur et en profitant des fruits de notre labeur. Nous sommes heureux. Qu'est-ce que la région peut nous donner que nous n'avons pas déjà ?"
    Shrî Mâ sourit de sa façon inimitable. "Baba, s’il en était ainsi, est-ce que vous poseriez la question ?"
    Hariprasad Bagchi, bon joueur, accepta le commentaire en riant pour montrer son appréciation. Shrî Mâ continua, "je parle aussi de bonheur ! Un bonheur qui n'est pas contrebalancé par le chagrin. Un bonheur qui est notre droit de naissance. Un bonheur qui peut être le vôtre quand vous êtes vraiment "à la maison". Vous vivez dans une auberge sur le bord de la route. Est-ce que vous devez vivre dans l'oubli de votre vraie maison ? Etre avec Dieu, voilà le vrai bonheur."
Quelqu’un demanda, "est-ce qu’alors nous devons renoncer au monde ?" Shrî Mâ, "non, pourquoi ? Le monde n'est pas séparé de Dieu. La manière de vivre naturelle elle-même  peut être transformée en une manière de vivre religieuse. Il n'y a rien qui soit "autre" que Dieu, en fait, en vivant dans le monde, on est sur le chemin de la réalisation de soi. Depuis que cette perspective a été perdue pour nous, nous sommes obligés d'utiliser le langage du « monde » comme étant séparé de « Dieu ». Réaliser son Soi signifie qu'il n'y a rien si ce n'est Dieu; Dieu seul est et tout le reste est encore et uniquement Dieu."(p.63)

 

Shrî Mâ pressent la mort prématurée de Kawna

 

   Shrî Mâ choisit Kawna avec une  attention spéciale. Elle lui donna un sari de soie et aussi l’un de ses dhotis qui lui appartenaient en coton blanc, et disant que c'était un échange. Elle était habillée comme une étudiante, c'est-à-dire comme Kawna et maintenant Kawna allait s'habiller comme elle  avec des dhotis blancs ; il y avait aussi certaines règles de régime  qui furent prescrites. Shrî Mâ dit que cela pourrait être vœu, vrata, pour un an. Elle dit de nouveau qu'elle reparlerait de ses règles et à la fin de l’année. Kawna fut très heureuse et nous étions fiers d’elle. Nous pensions que Shrî Mâ l'avait peut-être sauvée de quelque maladie future en la faisant subir ces restrictions légères de nourriture et de vêtements. Nous ne savions pas à ce moment-là que Shrî Mâ avait demandé à mon père de laisser Kawna en sa compagnie pour une année. Mon père avait répondu que s'il lui avait demandé une de ses propres filles, il n'aurait pas hésité mais maintenant que son frère et la femme de celui-ci étaient décédés, les gens risqueraient de jaser  en disant qu'il avait abandonné  sa nièce orpheline dans un ashram. Shrî Mâ apprécia rapidement son dilemme et accepta son point de vue de bon cœur. La vie d’ashram n'était pas reconnue comme quelque chose de viable à cette époque. Personne n'avait à argumenter un point ou un autre avec Shrî Mâ. Elle voyait immédiatement le pour et le contre d'une situation. Mon père ne pouvait pas savoir à cette époque que sa nièce bien-aimée  n'avait que cette année supplémentaire à vivre et que Shrî Mâ avait offert à Kawna une chance de la passer près d'elle, car cette jeune fille aimée des dieux mourut avant son 20e anniversaire. (nous avons traduit en français la mort de Kawna dans un précédent Jay Ma) (p.69)

 

 

Vers le 30 mars 1942, on donna la cordelette sacrée à septs jeunes brahmines : entre autres, mon frère Bindou, et cinq garçons de l'ashram, dont le futur Swami Nirmalânanda, Dashou que nous connaissons bien et les deux fils de la jeune sœur de Shrî Mâ. La cérémonie où  l'on invoque la présence des plus grands mantras de la tradition védique est toujours belle et solennelle. La présence de Shrî Mâ la rendait encore plus vibrante. L'initiation dans le Gayatrî mantra est conférée au fils par le père. On donne à la mère le rôle de reconnaître son fils comme  un brahmine nouvellement initié. Il approche sa mère avec le bol à aumônes dans les mains et il dit : Amba bhiksha dehi "Mère, donne l'aumône". Heureusement, à cette occasion, tous les garçons  eurent leur "aumône" de Shrî Mâ elle-même. En sa présence, la cérémonie devint une fête générale  pour tous.

On isola les garçons trois jours. Ils vivaient comme des ascètes, ayant un aperçu d'un type de vie idéale afin de le garder en mémoire comme un interlude durant leur période de croissance et quand finalement ils occuperaient leur place dans le monde. Les enfants eurent une période très agréable car Shrî Mâ les visitait très souvent dans leur lieu de retraite. (p.74) Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

 

 

 

 

En compagnie de Ma Anandamayi

Volume deux

 

 

par Amulya Kumar Datta Gupta

 

Les trois volumes de "En compagnie de Ma Anandamayi" sont une des meilleures mises en forme de la vie auprès de Ma et de son enseignement. On y trouve simultanément le mélange d'une vie quotidienne joyeuse et d'un enseignement profond. Amulya avait le discernement de nécessaire pour voir derrière la simplicité apparente des propos de Ma toute sa profondeur. Nous avons déjà édité plusieurs extraits de ces trois volumes. Dans ce numéro nous présentons  le début du volume deux, y compris  la préface de Swami Paramanandaji, qui a été le bras droit de Ma jusqu'à son décès. Dans les pages suivantes, on verra tout ce qu'il y a pu avoir dévénements et d'enseignements simplement en deux jours auprès de Ma, cet épisode s'est passé à Navadvîp, près de Calcutta, sur les bords du Gange. Il s'agit du lieu de naissance de Chaitanya Mahaprabhu, un grand réformateur du vishnouïsme au Bengale au XVIe siècle. C'est encore actuellement un lieu de pèlerinage très actif. Cette rencontre entre Ma et Amulya s'est passé en fin décembre 1936.

 

 

 

PREFACE

 

Shri Shri Ma Anandamayi prasang est un travail remarquable. L'écrivain a eu la grande chance, la grâce d'être en contact intime avec Ma pour longtemps à Dhaka, Varanasi et dans d'autres endroits et par la grâce de Ma, il a acquis la possibilité de bien utiliser cette chance. Placé sous la tutelle de personnes religieuses dans son enfance, les questions spirituelles se sont posées tôt dans son esprit. Ayant soulevé nombre de points intéressants devant Ma, il  a pu extraire d’elle bien des vérités subtiles. Il notait dans son journal spirituel les comptes-rendus de ses conversations avec Ma. Une partie de ce journal a été publié sous forme de livrets à Dhaka de son vivant.  A la fois le premier et le second volume du livre ont été épuisés depuis quarante ans maintenant.  (Ce texte est écrit vers 1980). À présent, nous publions l'édition des deux volumes presque simultanément. Ce livre est une anthologie très précieuse de paroles de Shri Shri Ma.

 

Shri Amulya Kumar Datta Gupta a été un étudiant doué et plus tard dans sa vie, il s'est distingué comme professeur de droit à Dhaka et comme auteur d’ouvrages juridiques. Vers la fin de sa vie, il a vécu à Varanasi en compagnie de Ma. En 1973, il  y est décédé, dans ce périmètre qu’on appelle la région du salut (vimukti kshetra). On rapporte que Ma a fait à son propos la remarque suivante, "en tant que personne vivant la vie de famille, Baba a donné   une leçon de la manière dont on pouvait rester détaché au milieu des plaisirs de ce monde. Il s'était installé comme un ascète qui se consacre à des travaux valables dans sa petite maisonnette. Ces travaux finis, il est passé dans sa demeure céleste. Il était délivré des triples obstacles de la méfiance, de la répulsion et de la peur. Croyez-le ou non, "ce corps" était toujours avec lui." (Ananda Varta, vingt et unième année, volume I, page 72".

 

                   Swami Paramanandaji, Dol Purnima, 1991, Ma Anandamayi Ashram, Vrindavan.

 

 

CHAPITRE UN

 

 

 

 

 

 SEPT JOURS A NAVADVIP

 

C'était en décembre 1936. On arrivait aux vacances de Noël.  Cependant, je n'avais pas de projet d'aller en quelque endroit que ce soit pendant ces vacances. Même avant les vacances, on m'avait prévenu de l'arrivée de Shri Shri Ma à Navadsvîp, pourtant je ne sentais pas un besoin urgent de la rencontrer. Une raison à cela, c'était que j'avais prévu de partir en vacances avec ma femme et mes filles plus tard dans l'hiver; en outre, je n'étais pas sûr du séjour de Ma à Navadvîp durant toute la durée des vacances.

Plus tard, j'ai appris que mon ami, Shri Jatindra Mohan Das Gupta, était parti pour Navadvîp avec sa femme. J'avais quelques doutes sur le bien-fondé d'une telle initiative  sans permission  antérieure de Ma. Néanmoins, le matin du 24 décembre 1935, Shri Bhupati Nath Mitra vint chez nous avec une lettre. Elle était écrite par Jatin Babu de Navadvîp. Elle contenait entre autres informations le fait que Shri Shri Ma allait probablement demeurer à Navadvîp jusqu'à la première semaine de janvier. Ce fut une nouvelle qui me toucha beaucoup et je pensais qu'il fallait plutôt que je j’accomplisse le voyage jusque là-bas. Ainsi, je faisais d'une pierre deux coups : voir Ma et visiter un endroit nouveau. De plus, cette lettre semblait être un appel pour moi de la part de Shri Shri Ma, bien que rien ne semblait  mener à cette supposition. Mais une chose était clair: voyant que l'itinéraire de Ma était tellement incertain, l'information  qu'elle resterait à Navadvîp pour dix ou quinze jours était un encouragement suffisant pour y aller.             

   Après le départ de Bhupati Babu, je consultai mon épouse et nous avons décidé de partir  pour Navadvîp  dès le lendemain. Le vendredi 25, nous avons pris le Calcutta Mail. Après être arrivé  à 3 heures de l'après-midi, nous eûmes à attendre pour deux heures avant de prendre la correspondancede Navadvîp. Nous avons changé à Krishnanagar et avons atteint la gare de Nava-ghat le lendemain matin à 8 heures 30.  Après avoir traversé la rivière en bateau, nous nous dirigeâmes vers la dharmashâlâ du Maharaja de Hétampur. Je fus rempli de joie en apercevant de loin notre groupe  rassemblé à la dharmashâlâ. Tandis que nous traversions la prairie, je vis déjà Ma qui sortait de la chambre et qui allait se laver le visage dans la véranda avec Buni, la fille de Jatish Babou, qui l’aidait pour cela. En arrivant à la dharmashâlâ, je rencontrai Jatin Babu et Radhika Babu (Shri Radhikanath Tarafdar, un avocat à Dhaka et un fidèle de Ma), il dit, "en vous voyant venir, Ma est sorti sa chambre et a déclaré, "il ressemble à Amulya Babu, n'est-ce pas ?" mais je ne pouvais vous reconnaître."

Je restai debout sur les escaliers pendant que Ma se lavait le visage. Quand Ma s'est levé, nous fîmes notre pranam. Ma dit "je me demandais déjà, si Babaji partirait pour les vacances." je me dit en moi-même, "Ma, je suis ici aujourd'hui simplement parce que vous avez pensé à moi.", "vous êtes partis de Dhaka à midi hier. Vous devez vous considérer comme étant toujours en voyage, car nous partons pour une excursion en bateau juste maintenant." Je pensais, "qu'il en soit ainsi."

   Ma rentra dans la chambre. J'ai  échangé quelques mots avec  Jatindra Babu et Radhika Babu et j'ai organisé les choses pour stocker nos bagages dans une pièce. Ensuite, après m'être lavé le visage et la tête avec de l'eau du puits de la dharmashâlâ, je pris rapidement un petit déjeuner et alla m'asseoir  auprès de Ma. J'avais à peine prononcé quelques mots  que Triguna Babu (docteur Trigunanath Bandyopadhyaya, professeur, Shrirampur collège), Jatish Babu et d'autres vinrent. Ma leur dit de louer des bateaux. Triguna Babu dit, "Ma, levez-vous, je vais aller louer les bateaux." Ma répondit, "Allez-y. Je vais vous suivre. Je ne peux aller nulle part, n'est-ce pas, sans vous emmener avec moi?"  Sur ce, elle éclata de rire. Triguna  Babu et Prankumar Babu allèrent louer des bateaux.  Je restais assis près de Ma, qui ajouta, "tenez, tous ceux qui viennent de Dhaka,  allez ensemble dans le même bateau. Que Jyotish et les membres de sa famille aille dans un autre bateau. Ainsi, tous pourront surveiller leurs enfants. Autrement il pourrait y avoir des problèmes à propos des jeunes."

Ma me demanda de nouveau, "est-ce que tu as pris ton bain?"

Moi: oui, Ma.

Ma: « combien de temps dure un bain ?  Tu prends un bain maintenant et ensuite tu dois en reprendre un autre. Un bain n'est pas assez. » Avec cela Ma commença à rire. J'ai essayé de pénétrer le sens intérieur de ces paroles. Ma parle très souvent de façon indirecte, par comparaison. Je pensai qu'elle pouvait avoir à l'idée nos cœurs impurs. C'était vrai  également. Maintenant, je suis assis auprès de Ma sans impuretés qui peuvent pénétrer mon mental. Mais après quelques temps, quand je m'en irai loin d'elle, mon mental sera aussi troublé par différentes pensées et pollué par des idées matérialistes. Un seul regard de Ma et vers Ma ne peut me purifier de toutes les impuretés et milluminer pour tout le temps. Ainsi  nous avons à faire des tentatives répétées pour la purification de notre mental.

 

Le secret du pranam

   À ce moment-là, Sisir et bien d'autres vinrent dans la chambre et s'assirent.  Sisir commença à discuter avec Ma à propos de quelque chose, mais en trouvant qu'elle avait beaucoup plus de répondant que lui, il inclina la tête et commença à se la gratter. Voyant cela, Ma dit, "voyez, avec quelle beauté chaque chose est organisée. Le moment l'on réalise son erreur, sa tête s'incline. Et quand on ne sait plus quoi dire et qu'on  commence à se gratter la tête, elle penche d'un côté. C'est le secret du pranam. Pourquoi est-ce qu'une personne incline sa tête lorsqu'elle fait le pranam ? C'est à cause de la réalisation de son insignifiance. Elle en vient à comprendre qu'elle est tout simplement non-existante en comparaison de celui devant lequel elle s'incline. Et aussi longtemps que son ego domine, sa nuque est raide et érigée. Une tête qu’on tient haute dénote de l'orgueil et  un fort sens de l'ego, tandis qu'une tête inclinée indique de la douceur. Les gesticulations qui accompagnaient ces paroles de Ma étaient à se rouler de rire.

   Peu après, nous  sommes montés sur les bateaux.  Pour une raison quelconque, Sisir retourna à la dharmashâlâ sur un coup de tête. Une personne alla le rechercher, mais il ne voulait pas venir. À ce moment-là, Radhika Babu nous rejoignit. On larga les amarres des bateaux et nous remontâmes le fleuve. Nous prîmes notre déjeuner à bord - dal, puri, payasam, etc. Babu commence à chanter un kirtan, tandis que Jatish Babu et d'autres reprenaient. Quatre ou cinq bateaux étaient attachés ensemble.  Shri Ma allait de l'un à l'autre en communiquant de la bonne humeur à tout le monde. De cette manière, nous avons remonté le fleuve jusqu'à deux heures, deux heures et demie, et quand le bateau a été amarré sur une des rives du Gange, nous descendirent. Certains prirent leur bain dans le Gange. On offrit de la nourriture sacrée (bhoga) à Ma sur les plages du fleuve et nous nous assirent sur le sable pour partager le prasad.

 

Servir est un travail très difficile  

   Le repas fini, nous nous sommes assis autour de Ma. Nous nous sommes mis à parler de différents sujets. Il y a un endroit qui s'appelle Dharasu sur la route dUttar-Kachi.  Ma dit, "j'y avais remarqué de gros rochers directement dans le Gange. Leur surface était bien large et égale.  L’eau du Gange tournait autour d’eux. En voyant ceci, j'allais dans la rivière et commençais à aller d'un rocher à l'autre.  Je suis alors arrivée à un rocher large e t lisse, et j'ai dit qu'il serait pratique pour pétrir la pâte et faire des chapatis, car la surface de la pierre était plate et l’eau du Gange pouvait être atteinte en baissant simplement le bras. Jyotish me prit au mot et descendit pour y préparer les chapatis. Mais cette dalle qui paraissait propre était en fait à un endroit les voyageurs  faisaient leurs besoins. Néanmoins,  Jyotish la lava à fond avec de l'eau du Gange, avant de pétrir la pâte sur elle. Ensuite il alluma le feu et commença à les cuire. Il ne manquait pas de bois là-bas, car des rondins descendaient le fleuve en flottant- on avait seulement à les ramasser.  Quand le feu se mit à chauffer le réchaud, j'ai trouvé des matières fécales qui s'accrochaient aux petites dents de la surface. Tant que la roche était mouillée, elles étaient invisibles, mais quand la chaleur est venue, la marque des matières était évidente dans chacune des veines du rocher. Assise , je regardai la scène, mais Jyotish ne remarqua rien. Il prépara les chapatis sur cette surface soulevée par des excréments et me les offrit à manger. Je les ai aussi avalées sans aucune protestation." Ayant dit cela, elle se mit à éclater de rire et nous avec. Ma nous a peut-être enseigné par là comment quelqu'un qui sert doit être extrêmement attentif. En même temps nous avons réalisé la vérité de "Bhavagrahi Janardana"(Janardana, le Seigneur, accepte l'esprit dans lequel le service est rendu, sans se préoccuper de la qualité de l'objet qui lui est offert".

 

Une fois qu'on s'est éloigné, on ne peut pas revenir dans le groupe comme avant.

    Nous avons déjà dit que Sisir s'était vexé et qu'il était retourné à la dharmashâlâ. Nous pensions tous qu'il ne reviendrait pas. Mais il se trouva qu'il revint dans un bateau quelques temps après la fin de notre repas. Tous commencèrent à le mettre en boîte. Il avait évidemment honte au fond de lui-même et, ne pouvant se mêler à quiconque librement, il commença à suivre son chemin, de ci de là, dans son bateau, tout seul. Le voyant dans cette condition, Ma dit, "une fois qu'on a quitté le groupe, on ne peut retrouver sa place comme avant. Quand on essaie de communiquer, on se sent sur la réserve. Il en va de même sur le chemin spirituel. Une personne qui  progresse sur la voie spirituelle pendant quelque temps ne peut plus prendre intérêt dans les affaires du monde aussi vivement auparavant."

    J'ai entendu dire que Ma avait envoyé Shri à Calcutta pour faire venir Nirmalâ Ma et Bimalâ Ma. Elles devaient arriver aujourd'hui. Ainsi Ma avait donné sa parole d'être présente à la dharmashâlâ, le soir. Nous pensions tous qu'il serait impossible d’y revenir si tôt, car il était déjà cinq heures lorsque nous avions fini notre repas. Selon notre estimation, nous devions prendre au moins une heure et demie pour aller jusqu'à la jetée qui était proche de la dharmashâlâ. Mais il s'est trouvé que même en partant à 5 heures, nous  avons atteint le ghat au crépuscule. Beaucoup parmi nous se demandèrent comment nous avons pu couvrir une telle distance en un temps aussi court.

   Le soir, un ascète est venu voir Ma. Il avait environ quarante ou quarante-deux ans. Il était tout à fait tranquille et poli par nature. Ma donna des instructions pour qu'on lui offre un siège et lui demanda de dire quelque chose. Mais il répondit très poliment, "Ma, qu'est-ce que je sais ? Dites quelque chose, nous allons écouter." Ma n'eut pas beaucoup de conversations avec lui sur des sujets religieux. Nous avons appris qu'il appartenait à l'ashram de Kailash, à Hardwar. Après avoir un peu parlé dans la véranda, nous sommes rentrés nous asseoir dans la pièce.

 

Distinction entre pur et impur en touchant une statue de divinité

   Après nous être  tous assis dans la pièce, Shri Nitish Chandra Guha dit à Ma, "Ma, pourquoi cette séparation entre le pur et l'impur quant nous touchons la statue d'une divinité ? Je viens à  la Mère, je la touche - pourquoi devrais-je me soucier du pur et de l'impur ? Ma mère insiste sur une telle séparation, mais je ne trouve pas de raisons à cela."

Ma: Si, en touchant la statue d'une divinité, vous la percevez comme votre mère, alors, bien sûr, il n'y a pas lieu de séparer. Mais combien peu ont une telle perception ! Donc, on doit suivre les instructions des Ecritures. Si vous avez vraiment atteint le niveau auquel la divinité est complètement identifiée avec votre propre mère, vous pouvez cesser cette séparation, sinon, il faut la maintenir.

 

L'arrivée de Nirmalâ Ma à Navadvîp.

 Pendant cette conversation, Nirmalâ Ma arriva à la  dharmashâlâ avec Hem Bhai, et son mari. Abani Babu vint aussi. Il dit que Bimalâ Ma viendrait le jour suivant. Nirmalâ Ma, en arrivant, sauta directement sur les genoux de Ma. Ma la caressa aussi affectueusement. Shri Hem Bhai eut aussi droit à siège séparé. Ils étaient venus d’Adyapith, Dakshineshwar (l'endroit où a vécu Ramakrishna). Ce que j'ai entendu à propos de Nirmalâ Ma peut être indiqué brièvement  comme suit :

   Nirmalâ Ma était femme mariée dans une famille de la classe moyenne.  Elle avait quatre enfants dont l'un est encore vivant à présent. Ils n'étaient pas pauvres. Un jour, à midi, elle alla avec son mari à Adyapiyth lors d’une journée de célébrations. Comme elle vit là-bas Annada Thakur dans un état de bhava (état intérieur extatique), elle fut saisie d'un dégoût complet de la vie dans le monde. Elle ne put retourner à la maison ce jour-là. Elle resta perdue toute la journée et toute la nuit dans une sorte d'intoxication. Quand elle revint à la maison le jour suivant, l'obsession ne s’était pas encore épuisée. Elle tombait dans des accès d'extase à tout moment. Après quelques jours écoulés de cette façon, elle donna naissance à un fils.  Tous son temps était pris pour s'en occuper- elle ne pouvait pas en garder pour les pratiques religieuses.  Elle en conçut un fort chagrin et pria le guru les yeux pleins de larmes. "Thakur (Seigneur), cet enfant est un don de vous- acceptez-le pour vous. Avec lui à mes côtés, je ne peux répéter votre nom." Quelque temps plus tard, l'enfant mourut. Nirmalâ Ma se ressentit libérée. Après avoir érigé un monument sur l’endroit de crémation de son fils, elle vint s'installer à l'ashram de son gurudev à Adyapith avec son mari.  Comme par nature elle aimait être en solitude, Annada Thakur lui fit construire une maisonnette à quelque distance du temple de l'ashram d’Adyapith et conseilla à Nirmalâ Ma d'y résider. Cela faisait fort longtemps qu'elle vivait dans cette maisonnette. Récemment, son mari s'était mis à visiter différents endroits avec elle.  Il se peut que l'objectif sous-tendant ses déplacements ait été la gloire du gourou et la promotion de la cause de l'ashram d'Adyapith. Nirmalâ  Ma semblait avoir une nature très tranquille. Ces paroles étaient empreintes de douceur et de simplicité. Abani Babu semblait  être l'un de ses fidèles les plus proches. Après qu'ils  ont pris un rafraîchissement, le kirtan commença. Le kirtan induisit chez Nirmalâ Ma un état émotionnel et elle commença pleurer. À ce moment-là, Ma arrêta les kirtans. Il était à peu près onze heures et demie du soir et nous allâmes nous coucher.

 

Une marque de coup autour de l'oeil de Shri Shri Ma

 dimanche 27 décembre 1936

 

Le matin après m'être levé,  j'allai faire pranam à Shri Shri Ma. La fille de Jatish Babu chantait des kirtans. Après quelques temps, tous partir accomplir les tâches qu'ils avaient à faire. De mon côté, je me lavais les mains et le visage et à vint m'asseoir près de Ma. Nirmalâ Ma vint à la dharmashâlâ ce matin-là. Elle demeurait dans une petite maison près de là. Nous étions assis auprès de Ma quand une Vaishnavi vint. Elle avait le teint de la peau sombre et était plutôt grande. Elle avait dans ses mains un  instrument à une corde qui s'appelle ektara. Ma l’avait surnommé "Ektara Ma".

J'avais observé une marque sombre, comme une sorte de pommade, autour de l’œil droit de Ma, et lui avait demandé la veille, "Ma, qu'est-ce qui est arrivé à votre oeil"? Ma dit qu’immédiatement après être arrivé à Navadvîp, elle était tombée des escaliers et s'était blessée le front. Je vis aussi une cicatrice sur sa tempe à droite. Ma avait dit, "après mon arrivée, un jour, je sortis pour aller aux toilettes dans la nuit. Buni étaient avec moi. Bien que sortie de la chambre, je n'avais pas ouvert mes yeux complètement, car il y a quelque chose d'étrange à mon sujet,  si je fais ainsi, je ne peux pas les refermer. Buni me suivait. Elle est une petite fille et on ne peut pas s’attendre à ce qu'elle comprenne  mes manières de faire.  Quand j'étais au temple de Raipur (Dehradun), Jyotish était avec moi. Les escaliers étaient bien pires que ceux de cette dharmashâlâ - pourtant je n'ai pas eu une seule chute là-bas. C’était parce que, à chaque fois que j'avais à sortir la nuit, Jyotish allait devant moi et je le suivais. Même avec mes yeux partiellement ouverts, je pouvais avoir une idée du chemin en suivant la manière dont Jyotish marchait. Néanmoins, ce jour-là, pendant que j'allai le long de la véranda dans l'obscurité, j'ai marché dans le vide et suis tombé sur mon visage, en avant de la véranda. J'ai été sévèrement blessé sur la main et le coude. Comme je suis tombé sur le front, j'ai trouvé que c'était déjà gonflé et qu'il y avait une abrasion de la peau sur le coude. Je pressais ma main contre le haut et en revenant sur le lit, je fis en sorte que personne  ne lui se savoir que je m'étais blessée la main. Le lendemain le gonflement sur le coude avait diminué, mais y avait un bleu bien marqué autour de l’œil. En venant ici, je suis tombée avant qu'aucun autre ne puisse le faire."

Un fidèle. Ma, peut-être était-ce exactement ce pour quoi personne n'est tombé dans les escaliers.

Ma: vous voulez dire, pas jusqu'à aujourd'hui…

On observe en la marque  autour de l’œil de Ma, la Vaishnavi dit, "Ma, qu'est-ce qui ne va pas avec vos yeux ?"

Ma. Le Seigneur suprême de Navadvîp a mis à collyre autour de mon oeil comme une partie de sa propre décoration (tout se mirent à rire).

Vaishnavi: mais l’œil gauche n'est pas touché.

Ma: oui, il a choisi le droit pour appliquer son fard" . Sur ce, elle rit abondamment.

Les jugements qu'on émet suivent les samskaras (tendances développées par les karma passés)

   Atal Bihari Bhattacharya, Swami Shankarânanda, Nirod Babu et d'autres étaient assis dans la chambre. Nirod Babu étaient venus à Navadvîp ce jour même. Il avait un emploi à Rajshahi. C’était un homme au naturel tranquille, et Ma le connaissait. Elle dit, "cette fois-ci, en allant à Rajshahi, je vous ai cherché. Mais je n'ai pu vous trouver."En présentant Nirod Babu, Atal Babu dit, "c'est un de mes élèves."

Ma : En est-il ainsi ? Vous l'avez enseigné? Auparavant, en entendant des versets sanskrits de ma bouche, vos étudiants disaient, notre professeur (c'est-à-dire, Atal Babu) va la voir. Il doit lui avoir enseigné ces versets." Ayant dit ceci, Ma commença à rire de bon cœur. Elle ajouta alors, "pas seulement ceci, ils ont aussi dit "elle doit être prise de drogue. Regardez, comme ses yeux sont rouges et son visage ressemble à celui de quelqu'un qui en consomme."

Ma dit de nouveau, "je ne peux pas les blâmer. Tout le monde juge selon ses samskaras. Il n'est pas étonnant que la manière dont je suis habillée fasse parler les gens. Une fois Bimalâ  Ma et moi-même, nous attendions le train à la gare de Howrah.  Nous avions des directions opposées. Toutes les deux, nous avions les cheveux défaits et le front couvert de vermillon. Vous pouvez vous rendre compte de quel air nous avions. Nous étions assises séparément. Je me suis approchée de Bimalâ Ma et lui ai dit, "viens, allons nous asseoir ensemble". Ainsi fut fait et nous vîmes deux dames anglaises qui nous regardaient de travers, en souriant de façon bizarre. Elles dépassèrent l'endroit où nous étions assis et  chuchoient avec les yeux tournés vers nous répétitivement. Je dis alors à Bimalâ Ma, "tiens, rions très fort d'une seule voix." et nous avons éclaté de rire. Quelle joie ce fût ! Elles étaient stupéfaites."

La manière dont Ma raconta cet épisode nous fit aussi tous rire beaucoup. Ma dit de nouveau, "elles ne peuvent être blâmées non plus, elles aussi, elles ont jugé d’après leur samskaras."

 

 

Ma s'amuse avec ses fidèles

Après un certain temps, Nitish Babu vint et dit à Ma, "Ma, Shankarânanda Swamiji a fait don de son nima, tablier, à quelqu’un, et se trouve là, dans le froid, sans être suffisamment couvert. Ma dit, "Babaji a fait la chose juste, c'est le rôle d’un Swami de se sacrifier."

  En entendant ceci, Swami Shankarânanda dit pour en quelque sorte diminuer l'importance de son sacrifice, "c'est assez facile - ce don. J'ai perdu un vieux vêtement, je peux en avoir un nouveau en demandant." en entendant ceci, Ma dit, "vous êtes un Swami (maître) des nouveaux objets, n'est-ce pas ?" ( tous se mirent à rire).

   À ce  moment-là, un fidèle, sortant tout juste de son bain, apporta de l'eau du Gange dans un kouchi, une sorte de récipient allongé en cuivre, un ustensile qu'on utilise pour les pouja-s) et l'a fait toucher par les pieds de Ma pour avoir un de l’eau supposée les avoir lavé (padodaka). Ma lui dit, "Baba, est-ce que tu as mangé quelque chose ? Va, et prend quelque chose." Le cœur du fidèle a fondu, pour ainsi dire, au vu de cet intérêt affectueux de Ma. "je ne me préoccupe guère de la nourriture", dit-il et en tenant le kouchi soulevé, pointant à l'eau qu'il contenait, il ajouta, "c'est une nourriture suffisante pour moi. Je n'ai pas besoin d'autre chose." Ma dit en souriant, "simplement ce charanamrita (le nectar qui a lavé les pieds du guru) ne va pas te remplir le ventre." tous explorèrent de rire et le fidèle fut un peu rebuté. Comme la journée avançait, nous prîmes notre bain dans le Gange et eûmes notre repas au restaurant. En revenant, j'ai été pris à parti par tout le monde pour cette absence du repas communautaire. À partir de ce moment-là, nous avons pris le repas à la dharmashâlâ avec les autres. Les dépenses quotidiennes de logement et de nourriture d’un si grand groupe étaient principalement prises en charge par Shri Sachi Babu

 

 

 

 

                                               ~~~~~~~~~~~~~~

                                                  LE

                                                      PIN

                                                            D'AZUR           

                                                 ~~~~~~~~~~~~

 

Monique Manfrini, qui habite sur les bords de la Méditerranée, nous fait partager des impressions de cette nature qui est une manifestation de la Mère divine.

 

Le grand pin frémit

Et se balance sur le ciel

Bleu-mer qui tendrement,

Le constelle de lumineuse clarté...

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Ses vagues vert-profond

Bercent mes songes lourds...

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Le matin frais d'automne

Emplit le cadre limité

Des fenêtres jumelles.

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La baie est traversée

Par une bande agitée

D'oiseaux migrateurs

Qui, plusieurs fois, change

De sens, monte,

Descend, plane, crie

Puis disparaît, sans retour...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le calme revient

Dans les frissons

Ondulés du pin sombre

Sur l'azur transparent...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le haut figuier

Vert pâle, jaune et doré

Bouge ses branches feuillues.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le chien aboie, tout près

Et deux coups de feu claquent,

Secs, destructeurs, violents...

Mes pauvres petits visiteurs

Apeurés, Que Dieu vous garde!...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le soleil grimpe vers l'azur

Et le pin se colore

D'or chaud, au-dessus

Des tuiles rouges.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Un deuxième pin, à droite,

N'est que lumière tendre

Et mouvante sur le bleu-blanc

Strié qui baigne ses branches...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ô Nature, tu es Beauté, seule

Qui redonne force et vigueur

A notre cœur fatigué!

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Donne-nous des yeux

Aimants pour t'admirer

Pleinement et saisir

L'immensité de ta Grâce.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Révèle-nous le message

Caché par-delà les apparences,

Ô signe divin à l'homme égaré.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 

 

MM. Le 07.11.2002.

 

 

PRIÈRE À LA MÈRE DIVINE

« ELLE EST MON ESSENCE »

 

par Marion Mantel

 

Mère Divine,

Tu Es le Corps de mon corps,

L’Âme de mon âme,

L’Esprit de mon esprit.

 

Mère Divine,

Tu Es l’Oeil de mes yeux,

L’Oreille de mes oreilles,

La Bouche de ma bouche.

 

Mère Divine,

Tu Es la Chair de ma chair,

L’Os de mes os,

Le Sang de mon sang.

 

Mère Divine,

Tu Es l’Amour de mon amour,

Le Désir de mon désir,

La Force de ma force.

 

Mère Divine,

Tu Es la Joie de ma joie,

Le But de mon but,

La Paix de ma paix.

 

                                                                  (Marion habite à Vence où elle aide son mari Jean-Marc dans son travail pour rendre la psychiatrie actuelle plus spirituelle. Elle peint aussi de belles icônes, et, pour la petite histoire, nous pouvons mentionner qu’elle a enseigné cet art sacré à  la jeune Yahel dont le poème sur l’Inde publié ci-dessous inspirera certainement les lecteurs.)

* * *

 

 

Voyage retraite dans les ashrams de Mâ

 

 

 

   Au mois de février, deux groupes de Français sont venus faire un voyage-retraite dans les ashrams de Mâ. Cela a représenté en tout cinquante personnes. C'était la première fois qu'il y avait autant de Français en si peu de temps à visiter les ashrams de Mâ. Ils ont passé cinq jours à Kankhal, et ont rencontré Swami Vijayananda, ainsi que Swami Nirgunânanda qui était descendu spécialement pour l'occasion  de Dhaulchina. La visite de Bénarès a aussi été un temps fort, avec en particulier le sacrifice au feu et les chants du matin par les écolières du Kanyapeeth, accompagnés par le lever de soleil sur les bords du Gange à l'ashram de Mâ à Bhadaini. Nous avons aussi eu une méditation  dans la chambre où Mâ a quitté son corps à Dehra-Dun. S'asseoir dans la grotte de Vashishta Gupha à 20 km au nord de Rishikesh en plein sur la rive du Gange a donné au groupe l'occasion de goûter un petit peu à la vie des yogis et ermites des Himalayas. Nous donnons ci-dessous des poèmes et des textes en prose par des membres du groupe évoquant l'esprit de ce voyage. Ce dernier sera probablement repris en février prochain, avec possibilité d'une semaine supplémentaire dans le centre bien connu de yoga-thérapie de Lonavla, et il y aura une autre possibilité de venir à Kankhal en groupe en avril pour participer pendant quelques jours à la « demi »-Koumbha-Méla qui attire quand même quelques millions de personnes; nous monterons ensuite en direction de la source du Gange à Kédarnath, dans le haut Himalaya.

 

 

 

 

          

INDE

 

Ce poème a été écrit par Yahel, une jeune fille de quatorze ans qui est venue au voyage-retraite dans les ashrams de Mâ en février avec sa famille. C'était la première fois qu'elle venait en Inde, mais elle avait quelque part déjà l’impression que c'était un retour. Il est aussi possible qu'elle y  revienne pour y habiter car son père à des propositions de travail là-bas et les parents sont intéressés par l'enseignement de Mâ et du Yoga. Yahel a fait paraître un petit recueil de poèmes joliment présentés, « L’envol de l’amour », qu’elle a fait connaître au public lors d’un satsang de Mâ près de Cannes en juin dernier. Quand, avec les quarante personnes qui étaient présentes, nous lui avons demandé de nous réciter un poème du recueil, elle nous en fait chanter un qu’elle avait mis en musique elle-même….

 

Mon étoile,

Inde profonde,
Tu me rappelles
Et tu m'attire.
Ici la vie et Dieu
Se dévoilent
Ici enfin je respire et j'entends

Mon chant intérieur.
La nuit, même noire m’indique
Le chemin qui mène à moi...
Tu m'as tourmentée,
Et j'ai tant attendu ces retrouvailles !

Enfin elles sont arrivées,

Et je voudrais rester pour toujours
Dans tes grands bras
Dans lesquels j'ai déjà passé tant d'années.

 

 

 

L'oiseau

 

Ce poème a été écrit par Marie-Odile Cadé juste avant son départ pour le voyage retraite dans les ashrams de Ma dans le même groupe que Yahel. Elle est professeur de yoga, et elle est venue avec un groupe de huit personnes de Châlons-en-Champagne

 

L'oiseau est venu

se poser
devant moi
avec son plumage vert
ses ailes sa queue
aux multiples couleurs
son oeil grand ouvert.

 

Il s'est laissé regarder
tranquille.

Par moments
je ne le vois plus.


Il est entré en moi
de plus en plus petit
jusque dans mon cœur
Et j'entends
Et je sens
son cœur battre
un peu fort
de crainte
de confiance
d’espérance.

 

Je le sens prêt
pour le voyage
à venir.


Nous allons en Inde

ensemble
en route
vers l'intérieur.

 

Au retour de ses deux semaines de voyage, Marie-Odile nous a  également envoyé un témoignage dont nous mettons ici des extraits :

 

Ce voyage m’a révélé un

tout petit peu, -mais un grand peu aussi!- l'Inde intérieure.

 

J'ai touché et aimé le climat de joie, d'amitié, d'affection, qui règne

autour de Ma, ou que Ma fait régner autour d'elle, dans une grande

liberté :

Vijayananda, bien sûr, si bienveillant, Nirgunananda si intense,... J’ai demandé à Ma de me conduire sur ce chemin, à sa manière,

et

je sais qu'elle le fait.

 

Les méditations m'ont apporté beaucoup... Le corps de lumière projeté

devant

soi m'a réveillée, tonifiée. Je crois que je commence à m'aimer ! Ouf !

Je ne vais plus m'empêcher d'aller vers le Soi, du moins je l'espère. D'ailleurs une des dernières méditations a été résumée en ces mots « sois sol, sois ciel, et sois seule" m'habite toujours.

 

L'oiseau n'a pas voulu explorer l'espace, il semble qu'il devienne

lui-même

espace... Il s'est senti très à l'aise auprès de Chandra Swami, que j'ai

surnommé l'aigle...

 

Il en a la force, la majesté, seul l’œil diffère, rempli de joie, de

bonté,

d'infini.(Encore que je n'ai jamais vu de près un oeil d'aigle !)

L’œil de

l'oiseau est à l'aise dans l’œil de Chandra Swami...

 

À ce sujet, peux-tu me dire pourquoi les swami, dont tu m'as dit qu'ils

n’ont pas de personnalité, ont une si forte individualité ?

 

Le Gange ! Partout présent...Espace, lui aussi, vie, sérénité, coulant

immuablement. Nul besoin de m'y baigner, je le sens couler en moi,

emportant

ce qui m'encombre, m'apportant l'immensité.

 

Le lever du soleil sur le Gange, instant magique, infini, absolu, où

tout,

tout est présent ! C'est aussi ma plus belle photo !

 

 

 

 

    Impressions   fugaces

 

Carnet du voyage-retraite en Inde

dans les ashrams de Ma

par Geneviève Koevoets

 

 

Jay Ma !

 

Février 2OO3

 

 

Le train pour Dehra Dun nous emmène jusqu'aux pieds de l'Himalaya. Nous y débarquons après 24 heures d'un voyage somnolent et récupérateur.

Il fait un temps frais mais splendide. L'hôtel est superbe. L'ashram où Ma  Anandamayi a quitté son corps le 27 Août 82 est empreint d'une douceur austère et j'ai les larmes aux yeux en déposant aux pieds de son lit les messages des amis de France.

Les transmissions de pensées zigzagent dans tous les sens. L'envoûtement m'enveloppe ; nous méditons tous ensemble.  C'est un moment inoubliable.

Pour la première fois, la route est bordée de jolies maisonnettes, genre villas du sud des Etats Unis, comme à Houston ou Atlanta. Mais bien vite les baraquements et bidonvilles recommencent.

L'après-midi, nous dévalisons le centre des lépreux des sacs, écharpes, nappes ou châles de leur fabrication. Nous les regardons tisser à   l'ancienne. Notre modeste contribution les aidera. Ce centre de réhabilitation, Kurukshetra Mandal, est dirigé par un francais, Pierre Reyniers.

En fin d'après-midi, la visite et satsang chez le Swami Suisse Jnananda est un bonheur car il nous entonne des kirtans d'une voix solide en s'accompagnant à l'harmonium. Beaucoup prennent des notes et je ne reviendrai pas sur les sujets traités à travers les questions ou l'enseignement du Swami, chacun ayant à gérer ses émotions à sa manière. Mais ce gaillard septuagénaire nous a plu. Son regard percutant nous a fascinés.

La journée suivante est consacrée à la visite et aux méditations dans le superbe ashram de Chandra Swami, dans un panorama de montagnes où la rivière Yamouna sort de l'Himalaya.

Beau et silencieux dans sa barbe et cheveux blancs immaculés, Chandra Swami répond aux questions en  écrivant et en souriant de malice dans son silence qui dure depuis plus de 15 ans!

C'est un peu long, mais le charisme est là.

C'est notre premier repas assis par terre en compagnie de nombreux autres occupants, dont beaucoup de Francais.

La balade dans les hauteurs des collines permet d'embrasser tout le paysage de la vallée.

Deux longues méditations d'une heure chacune (couverts jusqu'aux dents à cause du froid de février au pied des montagnes) font partie de la discipline de fer qui semble régner en ce lieu à la fois riant et austère.

Un échange avec la  sannyasini Sharada Ma (ancienne pharmacienne en France) est plein de chaleur humaine.

 

A Rishikesh

On se rue sur la librairie et les petits marchands---

Un pic-nic s'organise au bord du fleuve, entre les rochers, dans un cadre enchanteur, après avoir traversé la passerelle suspendue au-dessus du Gange Himalayen. Chacun  se choisit SON rocher. Les petits singes guettent notre départ---peut-être auront-ils pris la montre que quelqu'un de nous a oubliée au bord de l'eau d'un vert émeraude comme celle des Gorges du Verdon.

            C'est l'heure d'aller se réunir autour d'un jeune Swami canadien-francais du Québec, originaire d'une île = Swami Muktananda, au Shivanandashram.

            Il est beau, grand, subtil et plein d'humour. Le charisme en personne, son regard à demi clos transperce autant que ses paroles. Son programme  à travers le monde en dit long---mais on va quand-même l'attirer aux Courmettes en Octobre à Nice. A ne pas manquer--- Parmi l'assistance, trois petits singes viennent s'asseoir pour assister au satsang et pour essayer de nous piquer quelques affaires. Sacré concurrent que ce jeune Swami pour notre "Frère Jacques" qui prendra peut-être lui aussi un jour la robe orange---

            Tout le monde ressort fasciné. Je laisse encore une fois à chacun le soin d'assimiler ses propres émotions---

           

            Le lendemain, en route vers les hauteurs en serpentant jusqu'à la grotte de Vashista Gupha dans un endroit isolé sur les bords du Gange. La méditation au fond de cette grotte, dans l'obscurité, est ponctuée par un sourd bruit de fond, une résonance du silence qui vous pénètre profondément. Wmi Purushottama, le petit-fils spirituel de Ramakrishna a vécu 30 ans dans cette grotte. Je me sens inondée de lumière à l'intérieur, puis inondée de soleil sur la plage de rochers qui l'entoure où nous pique-niquons de nouveau, tandis qu'un courageux fait un plongeon dans le Gange---

            En remontant la côte jusqu'au car qui nous attend en bordure de route en plein soleil, ma bronchite écume un peu, mais elle passe encore au second plan---Nous ruisselons en regagnant le car, et on pousse un peu énergiquement une participante épuisée…

 

            En route désormais vers  HARIDWAR-KANKHAL où notre installation nocturne dans l'ashram qui nous est réservé  est plutôt mouvementée.

            Il fait de plus en plus froid le matin et le soir. Les chambres ne sont pas chauffées et certaines n’ont pas d'eau chaude car les chauffe-bains sont encrassés et giclent tout autour plutôt que dans le conduit du robinet. La salle où nous mangeons par terre est glacée et pleine de courants d'air.

            Les coliques des participants vont bon train---et ma bronchite, devenue asthmatiforme et allergique, est de plus en plus sollicitée. Je ne crois pas avoir de fièvre, mais mon nez est pris et ses réactions ressemblent à celles des chauffe-bains précédemment cités. Je fais peine à entendre et ma toux "d'un quart d'heure en tous lieux me précède" (comme le nez de Cyrano de Bergerac!). A force de tousser jours et nuits depuis 10 jours, mes muscles du ventre et des côtes sont endoloris.

            Jacques a pitié et fait emmener la bronchiteuse, en compagnie d'une "gastro-entériteuse" et de trois autres enrhumés ou  ex "diarrhéens" dans un hôtel des environs.

            C'est le rickshaw des éclopés, nous nous envolons, emmitouflés de châles, au milieu des trous et des bosses, dans l'humidité de la nuit. Les femmes ont l'air de veuves russes en pleine "révolution".

            L'hôtel a un chauffage individuel et de l'eau chaude! Nous allons revivre---

            Même expédition soirs et matins pour aller à la "médit" de 7heures30 avec Jacques. Même rickshaw (baptisé plus tard "rickfroid") qui pétarade avec le pot d'échappement dirigé vers l'intérieur. Même course folle dans le vent glacé.

            Est-ce mieux côté vent, ou côté pot ?

            Mes bronches ont un son ronflant et caverneux---

Je suis tout de même toujours à l'heure et je m'efforce de rester souriante, mais je me sens tellement mal qu'un sournois sentiment de rejet m'effleure le subconscient--- et si  je "rentrais a Nice"? O horreur! Est-ce possible ?  Je n'arrive à me réchauffer nulle part, sauf durant les journées ensoleillées où tout s'efface momentanément auprès de Jacques qui ne bronche pas.

            Nous le suivons sur l'île d'en face où il va méditer au milieu des herbes hautes et des galets, face à ses montagnes chéries de l'Himalaya qui se découpent sur fond de brume.

            C'est le moment de goûter KANKHAL, les temples, l'ashram de Ma, le Samadhi, la pouja, et---et---l'idole de l'endroit = VIJAYANANDA, 88 ans de malice, de cœur, d'intelligence, d'esprit et de spiritualité vivante.

           

            Il est jeune.

 

            Rien ne lui échappe. On a envie de lui donner un gros bisou et de lui caresser la barbe, mais NON, certains se pencheront pour effleurer des lèvres ses gros chaussons. Bon "Papa Gâteaux" raffiné, il voit venir chacun, écoute, et raconte des histoires---"Hein? ---Hein!---". Entre deux quintes de toux, il me fait entonner  aussitôt avec lui une chanson à boire que me chantait ma grand-mère et mon Grand Oncle Achille = " Elle ne mettra plus de l'eau dedans mon verre, car la guenon, la poison, elle est mo-or-te! ".

            Heureusement que sa douce accompagnatrice, tout de blanc vêtue, lui offre des bonbons suisses pour la gorge, qu'il me donne aussitôt et qui me furent fort salutaires.

            Le groupe est timide, les questions ne fusent pas, mais il a l'art de captiver son auditoire par son enseignement et ses conseils de base, ou l'humain se mêle à la pratique. Son regard vif fouine parmi nous---Il a tout compris---

            Il est heureux que j'aie fait son portrait. En le dessinant, j'avais eu l'impression de lui donner une nouvelle naissance. Ensuite, chez moi, il me suivait partout des yeux sur son chevalet.

            Quand je l'ai vu, en vrai, je le connaissais donc déjà---

            " Je suis votre fils alors" m'a-t-il dit coquinement---

            Qui sait ? Il n'est pas interdit de rêver---

           

               Swami  NIRGUNANANDA, un scientifique, ex biochimiste, devenu secrétaire de Ma, est descendu de son ermitage pour rencontrer tout le monde.

            Subtil, rapide, il zigzague entre les souvenirs de Ma et sautille sur lui-même de félicité et d'ardeur.

            J'avais fait aussi le portrait de Ma que je lui ai offert.

            Nous avons donc une triade = VIJAYANANDA (douceur et gâteaux), JACQUES  ( psychologie et méditation), NIRGUNANANDA ( de la science à l'amour).

            A nous de piocher là ou c'est bon, ou là où ça fait mal---!

 

            Swami Nirgunananda me fait appeler pour une longue conversation " seul à seule"---J'avais été son interprète pendant sa retraite aux Courmettes à Nice, et la concentration de l'interprétariat au pied levé m'avait empêchée de le goûter à sa juste valeur---Là, dans le jardin qu'il a planté pour Ma autour de son Musée, je me rattrape et, pendant près de 2 heures, nous parlons---d'amour---

 

            Je commence à aller mieux. Je vais rester seule à Kankhal pour digérer mes émotions.

 

            KANKHAL =  on y fait des rencontres hétéroclites---et de toutes nationalités. Certains viennent y chercher leur âme, d'autres viennent la fuir---mordus de la bhakti, jeunes filles en ascèse, vieux ex-scientifiques illuminés par quelques pétards, adeptes de la méditation transcendantale, fervents de poujas, asiatiques silencieux et recouverts de fleurs---quelques allumés, solitaires, réfractaires---quelques refoulées un peu raides---

            Au repas collectif, personne n'arrive à convaincre personne---peut-être sommes-nous tous de vieilles bourriques, chacun dans son secteur? L'important c'est d'être persuadé d'avoir trouvé sa voie---et de s’y tenir.

            Une fervente de Ma, Krishnapriya, est là aussi depuis une vie entière, en provenance de ses montagnes suisses. Elle s'est tellement "intégrée" qu'en nous racontant ses aventures elle mélange, sans s'en rendre compte, le hindi, l'anglais et le français---Il faut  "décrypter" rapidos et lorsqu'elle vous dit qu'elle a oublié ses "baskets de frout", il ne faut pas croire qu'elle a laissé ses "chaussures", mais bien ses "paniers de fruits".

            Un autre personnage du lieu, doux  et réservé, est le népalais Pushparaj---dévoué à Vijayananda ainsi qu'à sa propre cause sociale au Népal. Je mets du temps à mémoriser son nom, écorché par plus d'un---et en guise de point de repère, je m'oriente phonétiquement sur "bouge-pas, rage"---Ca marche!

            Et puis, une nouvelle amie française, délicieuse, résidant sur place, m'initie tout doucement, tout en me laissant faire mes bêtises---

            Quand je téléphone en France, comme je n'ai pas encore acheté de penjabi pour m'habiller couleur locale, on me compte trois fois le prix, pendant qu'une vachette essaye de broûter les franges de mon châle.

 

            C'est alors qu'une imprégnation lente s'installe à la surface. Un certain charme flotte en mon esprit. Ma partie supérieure  vibre et s'envole. Seule encore ma partie inférieure, en contact avec la matière, reste choquée par beaucoup de choses, comme la saleté, le manque d'hygiène en général, la pauvreté, la misère, les bidonvilles. Le choc des cultures est rude---

            Cependant, je me demande ce qu'il y a que je n'ai pas encore compris complètement? Moi, fille du nord, Viking, précise et ponctuelle comme un soldat allemand, maniaque de la propreté---Quelle leçon suis-je venue prendre ici sciemment ? Il y a certainement un pourquoi, il y a une réponse et  je la comprendrai un jour, plus tard---J'espère qu'il ne sera pas "trop tard"---

 

            Je n'ai pas voulu, en ces mots  égratigner quiconque, car j'ai été reçue en Inde avec le cœur---par un peuple gentil et souriant. Mais l'humour parfois griffe un peu!

            Qu'on me le pardonne, car j'y ai mis aussi beaucoup de tendresse!

 

           

            Peu de roses du bouquet [offert à l’arrivée à l’aéroport pour me remercier d’avoir organisé le voyage à partir de France] ont résisté au voyage---Il ne m'en reste qu'une, que j'emporterai avec moi.

            Merci Frère Jacques.

           

            J'ai tenu.    Je reviendrai.

 

            Jay Ma---

                                                                                               

                                                            Geneviève KOEVOETS

 

 

 

Le souffle de la montagne de soufre

 

par Florence Pittolo-Rageade

 

Florence est docteur en psychologie de l'université de Nice et elle participe à long terme à un programme humanitaire du gouvernement français au Tamil-Nadou via l'Institut Français de Pondichéry. Elle en profite pour visiter souvent Tirouvannamalaï, l'ashram de Ramana Maharshi et la montagne sacrée d'Arounâchala consacrée à Shiva. C'est en en faisant le tour (parikrama) que lui sont venues les paroles de ce poème dédié, dans la ligne de la tradition mystique de l'Inde, à l'union de Shiva et Shakti.

 

 

 

 

Reçois Shiva cette brise qui vient rafraîchir ta peau

blanchie par le feu intérieur de ton ascèse

comme le souffle qui accompagne mon regard

tendu vers toi

du bas de la vallée au sommet de l'union

 

Ressens Shiva la douceur du sol où tu poses tes pieds nus de vainqueur

c'est moi qui a étalé ce sable fin,

il est l'étoffe intérieure même de mes veines raffinées

par des heures et années de pénitence,

stances intenses du rythme cherché pour me rapprocher de toi

au-delà même de la proximité

 

Entends Shiva le chant de cet oiseau accompagné, au réveil

comme l'annonce du silence suspendu à l'heure où le jour réjouit

la nuit, où la lune et le soleil se font face

entends- le comme la consécration de la vibration

résonnant alors dans chaque parcelle de l'univers,

celle de l'union du son et du silence

celle de la réunion qui s'annonce

 

Vois Shiva, ce que les autres aux deux yeux ne voient pas

que je danse devant toi invisible et sans contour

mais indéniablement là

Je sais que tu ne me regardes pas

et que pourtant tu me contemples

Je te rappelle à moi comme tu me rappelles à toi sans souvenir autre

pourtant que le goût du présent

l'essence de cette danse c'est toi qui me l'a enseignée

mais c'est moi qui dois l'accomplir

 

Voyons et fêtons ensemble Shiva

le fait que le tourbillon de duperies est né pour cesser dans le feu qui brûle loin la rivière ;

dans le temple du centre

tout est prêt

pour que nous

dansions

à

l'unisson

 

 

 

Nouvelles

 

-  les fêtes de l'anniversaire de Mâ se dérouleront à Kankhal du 2 au 20 mai. L'anniversaire lui-même sera le 20 mai. Guru Purnima aura lieu le 10 juillet.

-  un nouvel ouvrage est paru sur Mâ Anandamayî en anglais Encountering Bliss (Motilal Banarsidas, Delhi); il s'agit de la traduction  anglaise de l'ouvrage en allemand de Melitta Mashmann. Elle était venue dans les années 60 auprès de Mâ et a demeuré longtemps à Kankhal, même après que Mâ a quitté son corps. C'était une amie d'Atmânanda, elle l'a accompagnée dans ses derniers moments et elle a terminé l'édition sous forme de livre des comptes-rendus des voyage de Mâ : ce sont les volumes successifs de I am ever with you.

- l'ashram de Mâ Amritânandamayî à Pontgoin en Eure-et-Loire s'organise sous la direction de Dîpamritâ. Celle-ci venait de Paris pour visiter Mâ de son vivant et est maintenant responsable du mouvement d'Amma pour toute l'Europe. Lors d'une rencontre il y a quelques jours à Delhi, elle a manifesté son souhait que cet ashram soit ouvert aux divers mouvements qui représentent le meilleur de l'Inde spirituelle en France. Les Français sont très "occidentalo-centriques" et ont tendance à oublier l'Inde, mais cela peut changer dans les années à venir. Le 50e anniversaire de Mâ Amritânandamayî se tiendra à Cochin au  Kérala, en fin septembre. Y seront présents le Président de l'Inde, le Vice-président, le Premier ministre Vajpeyee et le ministre de l'intérieur Advani. La tradition, pour les responsables séculaires, d'honorer les sages vivants se poursuit.

- le journal spirituel d’Atmânanda doit paraître en mai ou juin aux éditions Accarias. Les fidèles de Mâ seront particulièrement reconnaissants à Râm Alexander d’Assise et Lalita Bugnon de Lausanne qui ont aidé et financé cette traduction. Celle-ci aura été effectuée par Jacques Gontier, un français habitant à Tirouvannamalaï de l'ashram de Ramana Maharshi ;  il avait déjà traduit il y a vingt ans  la première biographie de Ma par Bithika Mukherji.
- Un nouvel ouvrage de Jacques Vigne l'Ecoute du silence  paraîtra également en mai ou juin chez Albin Michel. Il s'agit d'un ouvrage de mystique comparée sur les pratiques basées sur l'écoute du son du silence dans les grandes traditions. La première partie, plus générale, s'intitule  Ermites en Himalaya.

- à partir de fin mars, Jacques Vigne passera la majeure partie de son temps à l’ermitage de Dhaulchina où il sera principalement en silence. Il redescendra à Kankhal a priori du 10 au 25 juillet et du 20 septembre au 5 octobre.

 

 

                                         Programme de Swami Nirgounananda   en Europe

Eté  2003

 

Du 26 juillet au 3 août : Epernon. Contact Claude Portal 12 rue de la Martine 7800 Saint-Germain-en-Laye et 0134517441

Du 5 au 11 aout : Zürich (Richard Willis) et Launay (Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502 Bienne 0041323221828)
Du 17 au 23 août : Les Courmettes contact Michel Tauziède domaine des Courmettes 06140 Tourettes-sur-Loup 0493241700 ou Michèle Cocchi, 0661142058  

Du 17 au 23 : Terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 0385604030

Du 21 au 27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal cf ci-dessus

Du 28 août au 1 septembre : les Courmettes cf. ci-dessus
Du 2 au 6 septembre : Assise contact Claude Portal
Du 7 au 11 : Birmingham-Londres contact Christopher Pegler  28 Perryfieldway Ham.Richmond Surrey TW107 SP Rés 00442089400139 bureau 00441714880777 
CzjpPegler@btinternet.com

- Signalons aussi le passage de Swami Muktananda le premier week-end d’octobre aux Courmettes (mêmes contacts). Il s'agit d'un Swami  québécois  disciple de Chidananda et qui a également une grande dévotion pour Ma. Il donne un enseignement védantique influencé par Swami Brahmananda,  disciple de Shivânanda, et Nisargadatta Maharaj. Geneviève Koevoets parle de lui dans ses impressions de voyage ci-dessus. Il passera aussi à Terre du Ciel et pendant un mois en août à Saint-Gildas-de-Rhuys dans le Morbihan. muktananda@dlshq.org

 

 

Renouvellement des abonnements

 

Nous renouvelons les abonnements au Jay Ma pour deux ans soit huits numéros. Pour ceux qui souhaitent le faire, ils peuvent envoyer un chèque de 16 € à l'ordre de Jacques Vigne à  Magali Combal.

 en prenant soin de signaler clairement un éventuel changement d'adresse : faites-le maintenant pour ne pas oublier, cela évitera du travail à l’équipe de Jay Ma - nous vous  rappelons que nous sommes tous des bénévoles. Les éventuels bénéfices vont à l'ashram de Mâ, en particulier pour soutenir la publication anglaise d’Amrita Varta. Cela a été le cas pour l'exercice précédent. Certains d'entre vous on déjà renouvelé spontanément leur abonnement, ils ne sont donc pas concernés par cet avis. Si vous ne recevez pas le numéro 68 en fin juillet ou début août, n'hésitez pas à vous manifester directement à Jacques Vigne : 

Shre Shree Ma Anandamayee Ashram

Dhaulchina 263681 Almora UA

Inde

 

 

 

            Table des matières


Editorial                                                                                    1
Paroles de Ma                                                                          2
Réponse de Vijayananda                                                               7
Ces jours anciens avec Mâ Anandamayî par Bithika Mukerji  10

En compagnie de Ma par Amulya Kumar Datta Gupta            16
Le pin d’azur par Monique Manfrini                                           31
Elle est mon essence par Marion Mantel                                     33    

Voyage - retraite en Inde en février 2003 :                                    35

- Mon Inde par Yahel                                                                   36

- L’oiseau par Marie-Odile Cadé                                                  37   

 Impressions fugaces par Geneviève Koevoets                           40

Le souffle de la montagne de soufre

par Florence Pittolo-Rageade                                                   49

- Nouvelles                                                                                   51

- voyage de Swami Nirgounananda en Europe                         52

- Renouvellement des abonnements                                          54

- Table des matières

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Mâ n° 69           -         Eté  2003

 

 

 

 

 

 

 

Paroles de Mâ



Ces paroles de Mâ ont été traduites  par Jean-Claude Marol dans son livre La saturée de joie (Dervy, 2001). Nous en citons ici  certaines, rendues avec le style de traduction de Marol qui ne manque pas de sel.

Les approches par lesquelles les humains ont réalisé le Soi sont d'une infinité variété ; et chaque variété comporte d'innombrables aspects. Tous ces modes de recherches m'apparurent comme des parties de moi-même. (p.37)

- Vos réponses sont tellement en accord avec nos Ecritures que vous n'avez pas étudiées... Comment est-ce possible ?
Mâ a répondu :
- Il y a le grand livre de la vie. Si on s'y plonge profondément, toutes les vérités expliquées par les Ecritures sont là, prêtes à se révéler ! (p.38)

Une direction donnée permet atteindre un but donné ; tout le reste, par ailleurs, demeure hors d'atteinte. Mais quand la différence s'évanouit entre ce qui s'atteint et ce qu'il y a  hors d'atteinte, alors Cela se révèle!... Le mystère de l'univers se révèle à qui sait savourer le non-quoi-que-ce-soit. (p.57)

 

 

A la question de. "Quel est le vrai darshan ?" Mâ a répondu une fois : "voir ce qui une fois vu enlève tout désir d'en voir plus haut, entendre ce qui une fois entendu enlève tout désir d'en entendre plus !" (p. 65)

Vous vous émerveillez vis-à-vis de celles et ceux qui renoncent au monde... En réalité, c'est vous qui renoncez à tout ! Quel est ce tout ? Dieu, ni plus ni moins ! Le laisser de côté est la renonciation suprême! (Et le retranscripteur note : à ce moment-là, elle éclate de rire !) (p. 77)

Dans le domaine spirituel, vous savez vous sentir libre de toute obligation ! Vous réservez  aux autres domaines de votre vie votre grande capacité à être dépendant... (autres rires !)  (p. 78)

 

Une histoire de Mâ :

Les ânes d'un pauvre blanchisseur étaient laissés libres la nuit. L'homme n'avait pas assez de corde pour les attacher tous, et les ânes s'échappaient; il devait chaque matin leur courir longtemps après. Il eut un soir une idée. Il toucha le jarret de ses ânes avec son petit bout de corde et les retrouva le lendemain matin à la même place. Ils s'étaient crus attachés ! (p. 82)

Une femme lui demande : "Mâ, vous êtes toujours dans la béatitude. Comment faites-vous pour maintenir cette béatitude ?" Mâ rit : "comment gardez-vous vos jupons en place ? Même dans le chagrin, même dans la tempête, vous ne perdez pas votre sari... Le maintenir est si lié à votre vie, même s'il glisse un tant soit peu, vous le réajustez aussitôt. Pour la béatitude,  c'est pareil, elle vient d'elle-même !" (p. 82)

Ce corps ignore comment on instruit Il converse simplement avec ses pères et mères... Tirez de ce que vous dit ce corps ce qui vous conduira à la joie ultime, et pas seulement ce qui vous arrange ! (p.159)

Soyez-en sûrs, où que vous en soyez, de là peut surgir l'éveil ! Ne vous figez pas sur des idées que vous êtes dans le péché, ou empêtrés dans l'imposture et qu'il n'y a plus d'issue. A chaque instant, en toutes circonstances, tenez-vous prêts à prendre la direction de l'ultime. Qui sait à quel moment vos dons, votre serviabilité, vos gestes de respect, refléteront enfin votre entière consécration à l'Un?
Cela survient (p. 168)


Si l'initiation est transfert de pouvoir, le mantra n'est pas son seul support : des fleurs, des fruits, des gâteaux peuvent aussi servir à cela ! (p.170)


Si vous balancez un seau, l'eau s'agite. Posez-le, l'eau se repose. Essayer de poser votre corps. Si vous rester longtemps immobile, avec une réelle détermination, votre mental finira par se calmer. L'agitation est dans sa nature, mais aussi la stabilité. Restez assis longtemps et répétez un des noms de Dieu. Le mental gambadera ici ou là, mais ne relâchez pas votre effort. Si le mental refuse de céder, pourquoi céderiez-vous ? (p. 171)


Les vieilles feuilles tombées au pied de l'arbre fournissent un excellent engrais. Rien n'est vain, sachez-le ! (p. 172)

 

 

 

 

Ma rencontre avec Gurdjieff et quelques réflexions sur le tantrisme de la main gauche

par Vijayânanda

 

 

    Nous publions pour la première fois en français ce texte que Vijayânanda a écrit  il y a déjà longtemps, en fait, il était à Dhaulchina dans les années 60, et qui a été publié à Bombay à la fin des années 70 sous le titre de In the Steps of the Yoguis (Sur les traces des yogis). Il y raconte son itinéraire avant d'arriver à Mâ et parle aussi de certains aspects de l'Inde. Pour ce numéro, nous avons choisi le compte-rendu de ses contacts avec Monsieur Gurdjieff et les réflexions que cela lui a inspiré à la lumière de l'enseignement de Mâ qu’il suivait déjà depuis une quinzaine d'années quand il écrit ces lignes. Nous publierons dans les numéros suivants d'autres extraits intéressants de ce livre, que nous avons repris directement des manuscrits français de Vijayânanda.

 

 Un autre enseignant spirituel auquel ma recherche m'a mené à cette époque était Monsieur Gurdjieff, le "maître"  russe. Quel étrange personnage ! "Un "maître" de la sorte la plus inhabituelle, tel qu'on en rencontre simplement  rarement", ceci, au moins, était comment l'un de ses principaux disciples parlait de lui, avant de m'introduire au "maître". Une fois de plus, cela a été  ma chance particulière dans ce domaine - en travaillant  grâce à mon ami le docteur M. – j’ai pu être guidé vers ce monde stupéfiant de Monsieur Gurdjieff. Le docteur M.  Lui-même n'était pas à Paris à cette époque mais il m'avait donné une lettre d'introduction à C. à l'Institut Pasteur ; C. a été mon second maillon dans la chaîne. Le troisième a été Madame de S., le "gardien du seuil".

     Madame de S. était une grande dame russe avec un air majestueux et impressionnant. Ses grands yeux, qui regardaient de façon pénétrante dans les vôtres, vous donnaient le sentiment qu'elle pourrait vous hypnotiser si elle en ressentait l'envie. Elle avait le rôle d'interprète entre Monsieur G. et ses élèves, car le français du maître était quelque peu élémentaire, souvent obscur et incompréhensible. C'était elle aussi qui communiquait les instructions du maître et les expliquait ; en réalité, elle semblait avoir la responsabilité entière du fonctionnement spirituel et pratique de l'organisation. En fait, on avait l'impression que c'était elle qui était le "Maître" réel et que Gurdjieff était présent simplement comme un spectateur amusé regardant les bizarreries des poupées humaines avec lesquelles il pourrait bien jouer lui-même s'il le voulait...

   Dans son appartement de la rue N. Madame de S. me reçut avec une grande cordialité. Dès le départ, elle a adopté un ton de familiarité affectueuse comme si j'avais déjà été accepté dans le cercle des disciples. Mon premier contact avec le "Maître"  allait  être une invitation à dîner à sa table. Dans la mesure où je me considérais moi-même comme un initié presque inconnu,  je fus profondément ému par ce grand honneur.

     Ainsi donc, le jour dit, je me suis présenté à l'appartement de la rue N  et me suis trouvé en face du célèbre gourou russe. Mr G. est un homme de taille moyenne, avec une tendance à la corpulence. Il semble tout à fait âgé, probablement plus de 60 ans, il est complètement chauve et avec une moustache longue et pendante. Sans aucune prétention, il ne donne pas la moindre indication de vouloir jouer le grand homme ou de  faire  impression. Il semble vivre dans un état de relaxation permanente, à la fois physique et mentale. Il parle un français rudimentaire qui consiste presque entièrement en des noms communs et des adjectifs, et souvent dépourvu de verbes et d’articles. De temps en temps, il s'adresse en russe à un compatriote parmi les disciples, et celui-ci  traduit si nécessaire. Il sourit presque tout le temps, il s’agit d'un sourire ironique, peut-être même légèrement moqueur.

      On m’introduit au Maître... Il prononce un jugement sur moi en quelques paroles dont la signification précise m’échappe. Je lui demande s'il acceptera de prendre la responsabilité de me guider dans le monde de l'esprit. Sa réponse est une question :

"Est-ce que vous fumez ?"
"Non, ou au moins, seulement une bouffée de pipe de temps en temps, ou de façon excessivement rare, une cigarette".

"Bien, alors", dit-il, "faites-vous une idée de combien vous avez pu économiser en ne fumant pas, donnez-moi l'argent et  alors je prendrai la responsabilité de vous guider".
Est-ce qu'il plaisante ? Ou est-ce qu'il peut parler sérieusement. ? Je préfère considérer cela comme une plaisanterie car je ne peux avoir qu’une pauvre estime pour un "maître" qui est prêt à vendre sa sagesse pour de l'argent. Néanmoins, des années plus tard en Inde,  j'ai découvert, du point de vue de la tradition hindoue, qu’il n'y avait rien d’insultant dans une telle demande. C'était l’usage, auparavant, de donner au Gourou la  dakshina, c'est-à-dire, un paiement pour son enseignement. Néanmoins, je n'ai jamais vu quelque chose de tel parmi les grands sages d’aujourd'hui que j'ai rencontrés. Gurdjieff semble avoir fait la cuisine lui-même, ou au moins s’être impliqué  pour y mettre la dernière touche, car je le vois, la louche à la main, en train de remuer quelque chose dans  la casserole sur le réchaud.

 

   Le moment est venu de manger et nous nous mettons à table. A côté du Maître et de Madame de S. il y a nombre de gens que je ne connais pas. Depuis le début, G. met chacun à l'aise. Il n'y a rien de formel, pas de cérémonie d'aucune sorte. Je me sens complètement  à la maison. Il y a de nombreux petits plats, hors d’œuvres, etc., la plupart délicieux mais qui me sont tout à fait nouveaux. Peut-être sont-ils russes, grecs ou du Caucase, car le maître est en fait un grec caucasien ; ou peut être sont-ils faits d’après des recettes qu'il a rapportées d'Inde, du Tibet ou de Mongolie.

     Ce qui m'a stupéfait, néanmoins, et même choqué, c'était la boisson. Elle était servie dans des petits verres, plutôt comme des verres à vin de par leur taille. Il n'y avait pas d'eau sur la table ni même de vin, seulement cette portion avec un haut degré d'alcool. Vodka, peut-être ? De toute façon vous pouviez manger ou non, mais boire, il le fallait. Il n'y avait pas d'échappatoire. Le maître lui-même prenait soin que chacun vide son verre et le remplissait immédiatement. Il n'y avait pas de place pour les récalcitrants.

      Moi-même, j'étais un buveur d'eau, et je ne vivais pas cela comme un manque à ma personnalité ! En des occasions très rares, je prenais un peu de vin, mais j'avais en horreur les boissons alcoolisées. Je n'avais jamais été capable de comprendre comment on pouvait prendre plaisir dans ce liquide qui mettait la bouche en feu, induisait des contractions douloureuses de l’œsophage et produisait des étranglements et des hoquets. À cette occasion, j'ai essayé de manœuvrer, pour échapper à la torture, mais le Maître était implacable. Tout ce que j'ai réussi à faire était d'échapper éventuellement à une tournée ou de laisser quelques gouttes dans mon verre.

     Néanmoins, en dépit de mon inexpérience en alcool, je ne suis pas devenu ivre. Je ne suis même pas devenu bavard. Était-ce peut-être l'influence du maître ? Peut-être avait-il ajouté dans la boisson une sorte d'antidote ? Peut-être seulement était-ce que je pouvais supporter l'alcool mieux que je me l'étais imaginé. Il est possible aussi qu'il y ait eu un élément délibéré dans la technique du maître d'alcooliser un disciple ou un nouveau venu, car l'alcool  induit un état de relaxation mentale et de loquacité et cela rend ainsi facile d'évaluer la personnalité et le tempérament de quelqu'un qui est sous son influence.

     À chaque tournée, nous portions un toast. Ce n'était pas un toast de banquet conventionnel, néanmoins ; c'était un toast aux "idiots"... Ainsi, par exemple, quelqu'un disait  "je bois à l'idiot sans espoir". Cela n'est pas aussi ridicule qu'il y paraît. Car le but de toute discipline spirituelle est, après tout, de transcender  pensée et langage et, au bout du compte, de réduire le mental au silence. C'est pourquoi le spirituel "idiot" se trouve à l'autre extrême de celui qui lui correspond dans le monde ; car, tandis que le second est en bas de l'échelle sociale, le premier en a atteint le sommet par la réalisation spirituelle. Or, l'espoir est la variable centrale qui motive notre fonctionnement de pensée. Abandonner tout espoir et tout désir, c'est se libérer soudainement de toutes les ombres qui nous illusionnent. C'est alors que le Réel qui est le Bonheur parfait se révèle spontanément.

     Après le dîner, je pris congé du Maître ; mais plus tard dans la soirée, il devait y avoir une rencontre des disciples à laquelle j'étais invité. D'abord,  je suis allé chez Madame de S. Nous nous sommes rassemblés là-bas pour des exercices spirituels et pour des instructions sur des sujets tels que les méthodes de méditation. Ensuite nous sommes allés chez G. pour la rencontre. Je ne peux guère la décrire. Elle n'avait absolument aucune ressemblance avec aucune autre rencontre à laquelle j'avais assisté ou dont on m'avait parlé. C'était plus comme un cocktail. Nous étions debout, nous nous déplacions, parlions, rions, plaisantions... Et  nous buvions encore un coup! Les verres étaient plus petits cette fois-ci mais la liqueur était plus forte. Malgré le chahut et  la confusion, G. veillait à ce que l'on vide les verres consciencieusement. J'ai saisit l'occasion d'un instant où son attention était engagée ailleurs pour repasser mon verre au voisin qui était plus porté que moi sur ce genre de liquides, mais hélas !, le maître m'a pris la main dans le sac, et m'a regardé avec réprobation. "Je voulais vous inclure dans le cercle ésotérique, mais maintenant vous ne serez que dans l'exotérique", me dit-il, ou quelque chose dans le même sens. C'est ainsi que je fus déboulonné... Nous étions vingt ou trente dans une chambre ordinaire d'appartement. Presque tous étaient jeunes ; il n'y avait pratiquement pas de personnes plus âgées. La plupart de ceux qui étaient présents m'étaient inconnus mais la plupart semblaient venir de milieux aisés. Il y avait des docteurs, des écrivains et des artistes. Certains avaient à l'évidence une foi profonde dans leur maître, mais la plupart semblaient avoir trouvé quelque chose de bon dans cet enseignement puisqu'ils revenaient chez G. pour ces rencontres et les suivaient régulièrement.

    Le Maître était entouré par de nombreuses jolies filles. L'une d'entre elles, était particulièrement jeune (pas plus de dix-huit ans) et particulièrement jolie; elle semblait être la favorite. Les médisants insinuaient que les contacts du maître avec ces "jeunes esprits " n'étaient pas limités aux sphères mystiques ou même platoniques.

     Alcool et femmes? Etait-ce cela que cette section de la haute société parisienne venait chercher ? Certainement pas. Pas cela. Ou, au moins, pas "seulement" cela. Il y avait plein d'endroits à Paris où l'on pouvait trouver facilement de telles occasions de se distraire. Loin de moi l'idée de porter un jugement sur le maître russe. De fait, mes contacts avec lui ont été trop brefs pour me donner le droit de le faire, après quelques jours j'ai battu en retraite pour ne jamais revenir. En ce qui concerne la vie spirituelle, je ne suis,  hélas, qu'un conformiste vulgaire. Mon idéal du sage est le type classique de l'ascète pur "comme une goutte de rosée", "lumineux et transparent comme un saphir". J'ai choisi de prendre la grande route, la route qui mène l'esprit à sa dissolution dans l'Absolu, grâce à un travail de purification et de raffinement.

    Il est vrai, néanmoins, que l'Absolu transcende à la fois le bien et le mal et qu'il y a une route suivant un parcours négatif à travers nos esprits. Des écoles de pensée qui ont essayé d’exploiter le dynamisme de l'union sexuelle afin de nous rendre capables de transcender nos limitations humaines ont existé de tout temps.

    La Bible parle des horreurs des cultes de Baalzebut et de Moloch, les enfants d'Israël étant chargés de les déraciner afin de les remplacer par le culte d’El-Elyon, le Seigneur suprême. Dans la Grèce ancienne, les voies dionysiennes et apolliniennes semblent avoir existé côte à côte. A notre époque aussi, un bon nombre de ces différents mouvements apparaissent et fleurissent en Inde. Le vamâchâra est une branche de l'école shakta. "Cet horrible vamâchâra" comme Vivékananda l'appelait, a pris comme objet de son adoration tout ce que l'Inde orthodoxe a en horreur ; l'union sexuelle, l'alcool et la viande. Il offre à ses fidèles, non pas la renoncement au monde comme un moyen vers le bonheur et la libération, mais bhokti-mukti, les plaisirs du monde et la libération en même temps. Les aghorapanths sont un groupe de yogis parmi lesquels même le cannibalisme n'est pas inconnu. Ils ont pratiquement disparus aujourd'hui, bien qu'on puisse toujours en  rencontrer  dans la région montagneuse de Girinar au Goujarat. Il y a aussi un autre groupe qu’on appelle aussi les sahajikas et qui sont associés à la voie vishnouïte. Chez eux, les disciples entretiennent des relations amoureuses, et quand le maître demande à une disciple : "As-tu trouvé ton Krishna. ?", le sous-entendu est, "est-ce que tu as trouvé un amant parmi les disciples ?"

   La plupart des membres de telles sectes, si même ils réussissent à s'élever au-dessus des instincts animaux, ne le font qu'afin de maîtriser des arts magiques inférieurs, tels que l'art de la séduction, de dominer l'autre comme un esclave ou de tuer un ennemi par des moyens surnaturels, etc..

   Toutes ces voies sont difficiles et dangereuses, elles ne sont pas adaptées à l’esprit Occidental. Il est vrai qu'on ne peut discuter le fait que le maître n’est plus sujet aux conventions sociales et aux critères de bien et de mal ou à la loi morale ou religieuse ; mais, étant identifié au "bien parfait", il n'accomplira que des actions en règle générale qui sont au-delà de tout reproche ; à ce sujet Ramakrishna, avec son langage familier, donne ce commentaire : "un danseur parfait ne met jamais un pied de travers", et de fait, ni en Inde ni à Ceylan, je n'ai rencontré un sage parfait qui allait à l'encontre du code moral ou des conventions sociales.

    Néanmoins, des histoires et  légendes parlent de yogis ayant exercé librement leur droit d'être "au-delà du bien et du mal". Vimalakirti, un des disciples laïque du Bouddha avez atteint un tel degré de perfection qu'il pouvait fréquenter les cabarets et d'autres lieux de débauche impunément. C'est du moins ce que nous dit le Vimalakirti Nirdesha. Il était aussi tellement doué comme dialecticien qu’aucun des grands disciples du Maître ne pouvait lui faire face…..

    Une autre histoire nous parle du grand Shankaracharya, célèbre par sa sagesse et sa pureté. Un jour, voulant donner à ses disciples une leçon, il en prit une douzaine avec lui dans une taverne et commanda de la liqueur. En Inde, on a une grande vénération pour les gourous et l’on considérait Shankaracharya comme un maître du plus grand ordre, mais boire du vin est considéré comme une faute grave  même parmi les laïcs, et les disciples se demandaient s'ils devaient suivre l’exemple de leur maître. Beaucoup d'entre eux décidèrent de boire mais ceux qui avaient plus d'expérience s’abstinrent. Shankaracharya ne fit pas de commentaires et après avoir quitté la taverne continua à marcher comme d'habitude, entouré par ses disciples. Il rentra ensuite chez un forgeron et commença à avaler des braises rougeoyantes. Inutile de dire qu’à ce moment-là, aucun de ses disciples n’osa suivre son exemple.

     En une autre occasion, Shankaracharya a prouvé sans aucune contestation possible qu’il était au-delà du bien et du mal. Afin d'accomplir sa mission – qui était de rétablir le brahmanisme orthodoxe dans une Inde qui subissait alors l'influence bouddhiste – il sillonnait en tous sens le pays, en s'engageant dans des discussions religieuses avec des moines bouddhistes et avec des représentants d'autres groupes. A cette époque-là, ce qu'il y avait en jeu dans ces discussions était beaucoup plus qu'une simple bataille de mots. Il n'était pas rare que le perdant soit obligé de se brûler vif ou de se noyer dans la mer.

    Une de ces joutes philosophiques eut lieu un jour avec un célèbre  brahmane appelé Madan Mishra. Ce dernier était un représentant de l'école du Purva Mimansa qui considérait que l'accomplissement des rites sacrificiels prescrits par les védas était suffisant en lui-même pour l'obtention du but suprême et qu'il n'y avait pas besoin du renoncement au monde que Shankaracharya prêchait. L'enjeu sur lequel on s'était mis d'accord a été le suivant : si Madan Mishra était battu, il devrait renoncer au monde, devenir un moine (sannyâsin) et vivre selon les enseignements de l'école de Shankaracharya. Si, au contraire, ce dernier était battu, il devrait abandonner la discipline monastique et vivre une existence  dans le monde.

   La joute oratoire commença et dura pendant plusieurs jours jusqu'au moment où, finalement, Madan Mishra fut obligé d’avouer sa défaite. Sa femme, néanmoins - une femme intelligente - intervint et affirma que la victoire de Shankaracharya n'était pas complète. Un homme et son épouse étaient un, soutenait-elle, et Shankaracharya se devait encore de vaincre la femme. Shankara accepta le défi. La femme amena la discussion sur le Kâma Soutra (- qui règle les relations sexuelles) et Shankara,  qui avait toujours vécu une vie de chasteté des plus strictes,  était complètement ignorant de ce sujet. Cependant, il refusa d’admettre sa défaite et demanda qu'on reporte la discussion pour lui permettre  de s'informer.

    Shankara ne pouvait pas, bien sûr, s’autoriser à avoir des relations sexuelles ; son corps physique était un corps de yogui, pur depuis l'enfance. De plus, son prestige en tant que réformateur en aurait été considérablement affecté ; mais il contourna la difficulté. Le râja voisin venait de mourir. Il sortit de son corps physique qu’il laissa dans la jungle sous la  garde de quelques-uns de ses disciples,  et entra dans le corps du râja. On peut imaginer la surprise des ministres et des reines  quand elles ont vu revivre le roi au moment même où ils allumaient le bûcher funéraire. Mais ce n'était rien comparé à leur stupéfaction quand ils s'aperçurent que ce roi, qui avait été un homme très ordinaire, parlait et se conduisait désormais comme un grand sage. Le moment où ils ont suspecté la vérité ne s'est pas fait attendre : quelque yogui avait dû effectuer un transfert de conscience - et comme ils étaient prêts à payer n'importe quel prix pour conserver avec eux un gouvernant si exceptionnel, ils envoyèrent des soldats avec pour ordre de fouiller le pays  et de brûler immédiatement les corps dépourvus de vie qu'ils pourraient trouver.

    Pendant ce temps le roi, Shankara, eut le temps de profiter des reines, de goûter aux plaisirs de la Cour et finit par oublier complètement ce qu'il avait été dans le passé. Les disciples, quand ils virent que leur maître ne revenait pas, envoyèrent l'un des leurs à sa recherche. Il  réussit à entrer dans le palais, malgré les gardes et récita au roi - Shankara - une hymne que lui-même avait composée à la gloire de l'Atman. En entendant cela, Shankara s'est souvenu de son identité véritable et entra de nouveaux dans son corps qui revint à la vie au moment même où des soldats du roi qui l'avait trouvé étaient sur le point de le jeter aux flammes.

   Maintenant, tout à fait au courant au sujet des relations sexuelles, Shankara retourna auprès de Madan Mishra et  reprit la discussion avec sa femme qui a été finalement vaincue comme son mari l'avait été. Les deux prirent le sannyas, l'initiation monastique, et  furent en fait du nombre de ceux qui ont soutenu le plus ardemment le mouvement védantique.

   Parfois, il est vrai, un gourou peut demander à son disciple, dans des circonstances exceptionnelles, d'accomplir ou de subir un acte répréhensible qu'il considère indispensable à son progrès. Ceci est illustré par les deux histoires suivantes :

La première est au sujet de maître Chih-Yueh (adaptée du Takatsu Tripitaka) :

   Le maître de la loi, Fa-Hui était un moine bouddhiste chinois qui avait fait de grands progrès dans le monde de l'esprit. Mais il n'avait pas encore atteint la réalisation complète. Un jour, une religieuse lui conseilla très sérieusement d’aller à Kucha dans le Turfan, au monastère de la "Fleur d'or" où demeurait Chih-Yueh,  un maître renommé qui, dit-elle, lui enseignerait le dharma suprême.

 

 

   Fa-Hui suivit son conseil. Il alla voir Chi-Hueh qui le reçut très cordialement et après lui avoir offert un pichet plein de vin, l'invita à boire. Fa-Hui protesta avec véhémence qu'il ne pouvait pas s'obliger lui-même à avaler quelque chose d'aussi impur ; là-dessus, le maître Chih-Yeh le prit par les épaules, le fit se retourner, et sans autre forme de cérémonie, lui montra la porte. Toujours avec le pichet en main, Fa-Hui se dirigea vers la cellule qui lui avait été assignée. Dans cette cellule, il réfléchit avec sagesse : "après tout, j'ai fait tout ce chemin simplement pour chercher son conseil. Il se peut qu'il y ait quelque chose dans sa manière d'arranger les situations que je ne comprends pas. Je pense quand même qu'il vaut mieux que je fasse ce qu'il m'a conseillé."

   Sur ce, il avala tout le vin du pichet d'une seule traite. Complètement ivre, malade et misérable, il perdit finalement conscience. Quand il se réveilla, dégrisé, il se souvint qu'il avait brisé ses vœux monastiques et dans sa honte complète,  commença à se battre lui-même avec son bâton. En fait, il était tellement désespéré qu'il était prêt à mettre fin à ses jours. Le résultat de cet état de désespoir, néanmoins, fût qu’il atteignit l’Anagami Phala (le « fruit du Sans-retour »),  l'avant-dernier stade de la réalisation spirituelle mentionné dans les Ecritures bouddhistes, le stade suprême étant celui d’Arahant.

    Quand il se présenta de nouveau devant le maître Chi-Yueh, celui-ci lui demanda :
"est-ce que tu l'as eue ?"
"Oui, je l'ai eue" répondit Fa-Hui.

 

   La seconde histoire va dans le même sens. Nanda, le cousin du Bouddha, avait pris l'habit monastique, mais il accomplissait ses pratiques sans enthousiasme et avait un désir profond de retourner à la vie du monde. Etant mis au courant de cela, le Bouddha lui demanda si c'était vrai qu'il souhaitait revenir à la "vie inférieure" et si cela l'était, quelle pouvait en être la raison. "Vénérable",  répondit Nanda, "le jour où j'ai quitté la maison, une jeune fille du pays des Sakyas (le royaume qui était gouverné par le père de Gautama Bouddha), en fait la plus belle des jeunes filles du pays, ses cheveux moitié dénoués, s'est retournée pour me regarder partir et a dit, "Puisses-tu revenir bientôt, jeune maître." Je pense à elle, ô Vénérable. C'est pourquoi je n'ai pas d'intérêt dans les pratiques spirituelles et je pense bien les abandonner afin de retourner à la "vie inférieure".

    En utilisant ses pouvoirs surnaturels, le Maître prit Nanda par la main et le transporta au royaume de Sakka, un autre nom d’Indra, le roi des dieux. Là-bas, cinq-cent apsaras, des nymphes d'une beauté divine, servaient le roi des dieux. On les appelait : "celles aux pieds de colombes." Le Bouddha demanda à Nanda si elles étaient aussi belles que la fille des Sakyas. "Comparée à ces nymphes", répliqua Nanda, "la plus belle des Sakyas ressemble à une guenon dont on aurait coupé le nez et les oreilles." Ramenant Nanda sur terre, le Maître promit alors que s'il pratiquait de façon intense et consciencieuse, il pourrait conquérir ces nymphes divinement belles. Sous peu, les autres moines devinèrent que le vénérable Nanda accomplissait ses rites religieux dans le but de gagner les cinq-cent nymphes et il devint l’objet de leur dérision. Envahi par le chagrin, la honte et le dégoût, Nanda se réfugia dans la solitude et mit toute sa ferveur dans ses pratiques spirituelles. Très rapidement, il  réussit à atteindre l’illumination finale. Et il va sans dire qu'il oublia complètement les nymphes et la fille des Sakyas car, comparée à la joie de l'illumination, les plaisirs des mondes d'ici-bas et de l'au-delà ne sont rien.

 

    Il existe de nos jours - et j'en ai rencontré - des êtres humains ayant essayé et réussi. J'ai vécu parmi eux et je suis encore sous la direction spirituelle d'un des plus grands d’entre eux. (Vijâyananda parle de Mâ Anandamayî, mais il ne voulait pas mentionner son nom dans ce premier livre général sur son itinéraire intérieur par délicatesse, son souci étant de ne pas gagner d'argent avec le nom de son maître.) Est-ce du Védanta ou du Yoga ? Du bouddhisme ? A moins que ce ne soit de la kabbale, du soufisme, ou peut-être de la théosophie ? Tous ces propos ne sont que des mots, des étiquettes sur des flacons. Et souvent l'étiquette est fausse, le flacon vide. C'est en nous-même que se trouve la solution du problème. Ce qui est réel en nous ne peut pas mourir. Ce qui est au centre de notre conscience est identique en tous les êtres. Ce qui est la base et le support de toute chose, qui ne peut être atteint ni par la souffrance ni par la mort, est aussi l'essence même de notre personnalité. Mais faut-il aller pour cela à Ceylan ou aux Indes ? Certes non ! Mais peut-être était-ce mon destin d'aller au pays des grands sages. Peut-être aussi les conditions extérieures y sont plus favorables à l'introspection, et à une vie de recherche intérieure. Mais mon objectif immédiat, c'était de rencontrer un de ces grands sages "qui a réussi" et de bénéficier de ces conseils. Mon programme était de visiter d'abord Ceylan, et si possible de vivre une courte période  dans un monastère bouddhiste. Après, ce serait l'Inde, mais je comptais me limiter au sud car les trois grands sages célèbres, Ramana Maharshi, Râmdâs et Shrî Aurobindo vivaient dans le sud. En outre, mon temps disponible était limité à un mois de séjour……

 

 

 

 

Ma rencontre avec l’Occident à la lumière de l’enseignement de Shrî Mâ


par Bithikâ Mukerjî

 

 

 

 

         

Invitation à l’étranger

 

            Le Pr.Sivaraman [un professeur de philosophie à l'Université de Bénarès qui s'intéressait aussi beaucoup à la rencontre des religions et qui a ensuite émigré au Canada] avait cependant une inhibition envers la forme féminine du Gourou. Quand il en fit part à Shrî Mâ, il l’entendit lui dire : « Regardez au-dedans de vous, le Gourou réside en votre cœur, vous n’avez qu’à écouter ce qui vient de vous-même. » Le cher Professeur en fut bouleversé et il reconnut Mâ pour être ce qu’elle était.

Il me demanda de participer avec lui à la grande poujâ la nuit de mahâshivaratrî à l’ashram. Shrî Mâ avait introduit une nouvelle façon de la célébrer en installant une douzaine de réceptacles pour contenir chacun un shivalingam décoré de fleurs, de guirlandes. L’ashram avait accueilli presque 200 participants qui devaient ensuite se baigner dans le Gange. Les chants (kîrtans) durèrent toute la nuit, dans l’envoûtement de l’encens, des fleurs et des sucreries distribuées comme prasâd. La magnificence et la quiétude de cette manifestation étaient rendues uniques par la présence de Mâ qui présida de nombreuses autres poujâs.

 

            Le Dr.Sivaraman avait prié pour pouvoir être appelé dans une université étrangère où il aurait pu enseigner dans sa langue habituelle, l’anglais. Il eut l’impression que Shri Mâ l’aiderait à exaucer sa prière, si bien que lorsqu’il reçut deux invitations à la fois pour le Canada et la Suisse, sa femme eut l’idée de lui faire proposer ma candidature pour aller à sa place à la Graduate School du Château de Bossey qui dépendait de l’Université de Genève. J’en fus flattée et confuse. C’était très généreux de sa part, lui qui était un nom prestigieux déjà à cette époque, alors que personne n’avait jamais entendu parler de moi dans le monde universitaire, et encore moins à l’étranger. Je me demandais comment j’allais pouvoir traiter tous ces problèmes de dialogue entre les religions, mais il me répliqua sur un ton badin : « Soyez seulement vous-même ».

            Mais voilà que maintenant, cela me posait un problème. Je savais que Shrî Mâ n’approuvait pas ceux qui s’en allaient à l’étranger. Je l’avais entendue dire maintes fois à des jeunes qu’il était préférable de rester dans leur propre pays, même au prix de modestes conditions, plutôt que d’aller vivre à l’étranger dans l’abondance. Pour être honnête, elle donnait le même avis aux étrangers qui demandaient à se transférer en Inde. Elle semblait considérer le bagage culturel de chacun comme crucial en tant que formation. Il est plus facile de nager dans le sens du courant plutôt que contre. Sachant cela, mon problème était : comment puis-je demander à Shrî Mâ la permission d’aller à l’étranger à mon âge ?

            En fin de compte, après mûre réflexion, quand je vins m’asseoir devant elle lors de mon entrevue privée, je m’expliquai au sujet de cette offre pour Genève, et je lui dis : « Mâ, j’en ai assez des conditions de travail dans mon collège. J’ai là une occasion unique de me rendre à l’étranger et d’apprendre davantage sur le monde universitaire. J’ai très envie d’accepter cette invitation. Maintenant parlez-moi de votre kheyâla, dois-je y aller ou pas ? » (p. 292) 

 

 

L’enseignement de Mâ sur les religions

 

            Shrî Mâ demeurait silencieuse. Je m’étais rendue jusqu’au Kalkaji Ashram de Delhi pour obtenir sa permission d’aller enseigner à l’étranger. Elle était à demi-inclinée sur son chowki. Elle me regarda quelques instants et me posa ensuite plusieurs questions concernant cette assignation. Elle parla d’une voix douce qui m’était à peine audible. J’en ai des frissons en écrivant, et en me souvenant de cette incomparable indulgence à propos de la complaisance envers moi-même sous-entendue dans ma requête. A ce moment-là, je n’appréciai même pas le fait qu’elle avait interrompu son silence pour me parler longuement. Je m’empressai de répondre à ses questions, en lui expliquant tout sur ce discours des chrétiens par rapport à celui des autres religions, et en lui parlant de mon déplacement au Château de Bossey. Je ne fus pas surprise de voir qu’elle comprit instantanément le contexte en général et tous ses problèmes en particulier. Elle parla de la situation et de comment elle se développerait pour moi ultérieurement. Je pris des notes en hâte dans un calepin. L’endroit où nous étions était peu éclairé et j’écrivis sans trop bien voir ce que je faisais, car en même temps, je regardais le visage de Mâ et les gestes délicats de ses mains magnifiques, qui soulignaient toujours son discours de façon expressive.

            J’exposai à Shrî Mâ ma propre compréhension du christianisme disant que j’aurai à entamer le dialogue avec ses porte-parole.

 

            Je lui demandai : « Mâ, comment peut-on expliquer la personnification de l’Etre Suprême en tant que Dieu ? »

            Shrî Mâ : Quoi que l’on puisse dire, Personnel, Impersonnel – Le Seigneur est Lui-même tel qu’Il est. Il est la réalité absolue, omniprésente dans l’univers, autant que demeurant au plus profond de l’être (antaryâmin). Il est au-delà de toute compréhension, et en même temps, Il est le Soi intérieur en chacun, n’est-ce pas ? Lui seul est (qu’on le considère comme inconnu, ou à connaître) Celui qui est sans nom, sans forme. Cependant, tous les Noms sont Siens, Il est présent partout et universellement manifesté. Où n’est-il pas ? Quand on touche la main de quelqu’un, il dit : « Ceci est moi ». Même ses vêtements indiquent sa présence.

 

            Toutes les religions reconnaissent Sa présence, elles prennent leur source en lui. Comment saisir cette immensité ? Prenons l’exemple d’une personne seule dans le tourbillon des relations (irradiant de lui) : il est le père, le fils, le mari, le frère, etc. Il en est ainsi dans toutes les religions. Ce sont toutes des relations intimes et chacune est unique en elle-même.

            Question : Les chrétiens croient que le Christ est une Incarnation,  la seule Incarnation envoyée pour sauver l’humanité. Il est le seul médiateur entre Dieu et l’homme.

            Shrî Mâ : D’accord, il est certainement juste pour les chrétiens de croire cela, pourquoi pas ? La foi perd de sa vigueur spirituelle si elle est universalisée. Ce n’est pas nécessaire d’en arriver là. La miséricorde illimitée de Dieu est répandue partout, Lui seul sait ce qui est bon pour chacun de nous. Si chaque individu regarde son propre voyage spirituel, alors il peut apporter l’aide la meilleure à ses compagnons de route.

 

            Chaque communication de la Vérité est un évènement unique. Aucun de ces évènements ne peut être comparé à un autre. En célébrant cette Vérité, les communautés religieuses (sampradaya) se forment ou prennent tournure. Les communautés également sont nécessaires. Elles fournissent la cohésion, l’unité générale des objectifs à atteindre, et elles donnent du courage à ceux qui ont un moral faiblissant. C’est une bonne idée que d’appartenir à une communauté et de marcher sous sa conduite pour obtenir l’illumination. Il n’est pas nécessaire de se méfier de la foi de nos amis chercheurs de Vérité.

            Question : Les chrétiens restent attachés très fortement à l’unique évènement historique de l’Incarnation du Christ. Ils sont engagés dans leur mission.

            Shrî Mâ : Pourquoi devrions-nous poser des limites à l’infini, ou des restrictions de temps à ce qui est intemporel, c'est-à-dire l’éternel ? L’infini a des moyens infinis pour se révéler lui-même. Personne n’a le droit de dire ‘c’est seulement ainsi et pas autrement’. Bien que, à proprement parler, un tel credo est aussi admissible, car chaque optique est concevable. Après tout, quelle est l’étendue de ce que l’on peut rejeter - à l’intérieur de l’ensemble de la Vérité ? Réclamer l’exclusivité est une façon de renforcer sa propre foi et sa dévotion, mais dénigrer la loyauté des autres est déplacé, injustifié. Le véritable pèlerin devrait apprécier les efforts de ses amis grands voyageurs.

            Question : Si quelqu’un croit en une seule et unique Incarnation, comment peut-il comprendre la vérité des autres manifestations ?

            Shrî Mâ : L’Incarnation est vraiment seule et unique, c’est une descente, une venue, une approche, un avènement, chacun étant unique à sa façon. Comme je l’ai dit, il n’y a rien ni personne à part Dieu. Le vrai nœud de la question est qu’il faut aller de l’avant ! Pour avancer dans une direction, il est exigé un effort suprême, constant, déterminé, sans faille. Se détourner de ce but par comparaisons et contrastes équivaut à ralentir, à moins que certains ne soient habitués à un renforcement de leurs objectifs dans un esprit d’unité, de communion. L’Un englobe tous les chemins menant à la réalisation de cette vérité.

            Question : Mâ, on ne peut pas croire en l’Un, en l’Unique seulement. Une créature, un être, sont séparés de Dieu pour toujours.

            Shrî Mâ : Oui, bien sûr. Comme Dieu ne peut pas être saisi par l’esprit, Il est séparé pour toujours. Etre humain veut dire habiter dans le monde des images mentales. Le mental limite la compréhension. Dieu est séparé de l’être parce qu’il demeure au-delà des idéalisations du mental. Ce qui est suprême est, par conséquent, au-delà encore. Aussi, il est juste de dire ‘Dieu et sa créature’. La compréhension de la séparation est elle-même la ligne de partage [italiques ajoutées par Bithikâ]. Il est votre soi le plus profond, votre témoin le plus intérieur, votre vous le plus intime.

            Question : Est-ce qu’un médiateur est nécessaire pour connaître Dieu ?

            Shrî Mâ : Oui, mais Dieu lui-même se révèle comme le Gourou (Médiateur). Le Gourou est Dieu lui-même. Lui seul connaît les exigences du vrai disciple. Pour invoquer la présence du Gourou on doit devenir un vrai disciple.

            Question : Est-ce que tous les chemins ont la même valeur ?

            Shrî Mâ : Oui, pour autant qu’un chemin soit suivi de façon concentrée, sincère et persévérante. Cependant, il existe des chemins et sentiers qui se révèlent être des déviations. Quelqu’un naît avec certaines prédilections (samskaras) qui façonnent les attitudes. La façon de vivre est un amalgame d’actions, de croyances et de connaissances (karma, bhakti, jñâna). La façon dont on organise sa vie déterminera le chemin à suivre. Dans la sphère de la recherche de Dieu, l’aide fixe de façon inévitable, même si quelqu’un est ignorant et ne distingue pas clairement la voie juste, notre chemin est réorienté dans la bonne direction par le Gourou qui apparaît immanquablement de façon à apporter de l’aide et à montrer la route. Ce sont les propres efforts de chacun et la sincérité qui doivent être évalués, pas les faits.

            Question : Comment peut-on savoir si on n’est pas en train d’errer sans but ?

            Shrî Mâ : Quiconque est sur le chemin en quête de Cela est touché par la paix de la vérité. Dans ce domaine où celui qui cherche trouve, il n’y a aucune possibilité pour qu’un véritable effort soit fait en vain, ou qu’un manque de sincérité produise des résultats. L’effort est requis parce que l’homme utilise sa volonté pour atteindre des buts matériels. Ainsi la volonté peut également devenir comme des courroies qui conduisent l’homme au-delà de ses limites.

En réalité, seule la miséricorde de Dieu prévaut. Quand on fait un pas vers lui, Il en fait dix vers nous. En fait, Il est constamment avec nous. La recherche en elle-même devient, par conséquent, la conclusion.

 

            Dans tout mon dialogue avec les autres religions, ce sont ces mots de Shrî Mâ qui me servirent de planche de salut. Au fur et à mesure de mes études et de mes recherches dans les années qui suivirent, ils prirent une signification toujours plus grande pour moi. En juxtaposition avec les courants de la pensée occidentale, j’appris à reconnaître la richesse et l’importance de l’héritage oriental. Ceci me permit de tenir d’éloquentes conversations avec le Professeur George B. Grant, philosophe bien connu au Canada à cette époque. Soit dit en passant, je peux dire que, bien que Shrî Mâ ne m’eut pas donné le ‘feu vert’ pour m’en aller, elle dut avoir un kheyâla à ce propos, car je reçus pas mal d’invitations pour me rendre à des conférences dans les années qui suivirent, jusqu’à ce qu’un jour, je fus obligée d’en décliner deux ou trois qui ne me convenaient guère. Il n’en est pas moins vrai que mon souhait d’aller à l’étranger, exprimé en présence de Mâ, me submergea d’opportunités pour mon propre épanouissement. (p.292 à 295)

 

 

Au Château de Bossey

 

            Après mon vol Bombay-Londres, mon installation eut lieu au Crosby Hall (Chelsea), un vaste foyer pour universitaires du monde entier. Mon séjour en Angleterre fut plaisant, la circulation automobile n’y était pas encore gênée par les embouteillages comme maintenant.

            C’est en octobre 1972 que je me transférai en Suisse, au Château de Bossey, peu distant de Genève, dans un environnement splendide aux  couleurs de l’automne. Cela me prit bien deux bonnes semaines pour m’acclimater à l’atmosphère de la maison, car la session 1972-73 consistait en à peu près une cinquantaine d’étudiants du monde entier provenant de 26 pays, représentant un vaste panorama de l’héritage culturel et religieux. Certains étaient adultes et déjà prêtres, ou sur le point d’être ordonnés, mais cependant singulièrement ignorants quant aux autres religions, et n’ayant retenu de l’hindouisme que le fait qu’on y adorait les vaches comme des créatures sacrées, et que le système des castes y était redoutable. Malgré les discours, conférences avec traductions simultanées brillantes, séminaires, discussions, la comparaison des religions du monde n’amenait guère à un véritable rapprochement. La Graduate School de Bossey n’était pas un groupe d’harmonieux fidèles. Néanmoins j’étais très appréciée par mes élèves et les invitations en week-end furent enrichissantes : Montreux, le Château de Chillon, Zermatt, le Mont Blanc (à peine entrevu dans les nuages), la musique occidentale, la neige…

            La nuit de Noël fut célébrée à Bossey avec un service œcuménique élaboré. Je me rendis à la Messe de Minuit. Je m’étais déjà familiarisée avec ce rituel et j’étais contente d’y assister, avec probablement plus de dévotion que bien des chrétiens.

           

            Un ami, Nicholas, m’invita en Angleterre dans le Yorkshire, après Noël. Ses parents étaient charmants et je fus accueillie comme ‘l’enseignante indienne de Nick’.

            Je garde de bien nombreux souvenirs de ces jours passés dans cette jolie contrée. Un jour, nous fûmes tous peinés de savoir que l’une des secrétaires venait d’apprendre la mort subite de sa mère en Amérique. Je me rendis dans son bureau et la trouvai assise à sa machine à écrire, parfaitement hébétée devant une page blanche. Lorsque je m’approchai, elle se retourna soudain, m’entoura de ses bras et fondit en larmes. C’était une jeune américaine volontaire, tout à fait capable de se prendre en charge, c’est pourquoi je fus très touchée autant que surprise de sa réaction. Je lui dis tous les mots appropriés dont je pus me souvenir et que Shrî Mâ disait à l’occasion de ce genre de deuils.

            Je dis : « Nous prierons ensemble ». Elle me regarda de façon confuse et me confia : « Je ne sais pas comment on prie ». Je restai avec elle jusqu’à l’heure où elle eut à prendre l’avion pour se rendre en Amérique. C’était une gentille fille mais insensible à la qualité de la dévotion. Il y en avait beaucoup comme elle, mais ce genre de modernité ne m’était pas antipathique. Si les gens d’aujourd’hui pouvaient être heureux et auto-suffisants, qu’ils le soient. Dieu est trop précieux pour venir sur commande dans la vie de chacun. (p.299 à 308)

 Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

Extaits de Bithikâ Mukerjî;  My days with Mâ Anandamayi  Indica Books -Bénarès, 2002, – En compagnie de Mâ Anandamayî – Editions Agamat – Mars 2007

 

 

 

Mâ est ici et maintenant


par Isabelle Trublet

 

     Isabelle a découvert l'Inde et Mâ lors d'un voyage aux sources du Gange organisé par Terre du Ciel et Jacques Vigne. Depuis, elle vient très régulièrement au groupe de Claude Portal les premiers dimanches de chaque mois à Saint-Germain-en-Laye ; elle y anime en particulier les kirtans. A la demande de Jacques Vigne, elle nous fait part ici de quelques réflexions sur la manière dont Mâ est entrée dans sa vie.

    Elle a sélectionné aussi des paroles d’Atmânanda dans le livre de Madou rapportant des entretiens avec Atmânanda, A la rencontre de Ma Anandamayî  (disponible sur le site de Mâ  www.anandamayi.org/ashram/french) Ces paroles lui ont semblé particulièrement signifiantes. Nous les publierons dans le prochain numéro.

 

    Mâ est entrée dans ma vie il y a sept ans, à l'occasion de mon premier voyage en Inde ; je rencontrais - et ce n'était pas prévu - Swami Vijayânanda qui me parla  du bouleversement qu'Elle avait opéré dans sa vie ("tous mes désirs sont tombés"), si fort qu'il avait tout quitté. En le regardant, en l'écoutant, je me dis que celle (à la fois maître et mère) qui avait suscité une telle transformation ne pouvait qu'être authentiquement divine. Jusque-là, j'ai douté de l'existence de vrais guru et n'avait jamais envisagé le Divin sous forme féminine ; je commençais à comprendre que je réduisais l'infini à un point de vue (le mien !) aussi étroit que déformant, à des représentations issues d'une personnalité, d'une culture, d’une religion, d’une éducation particulière qui me masquait la vérité. Cette forme nouvelle du Divin, non seulement féminine mais aussi enjouée, rieuse, non plus sévère mais charmeuse, me le faisait paraître presque familier, attirant et accessible, Elle pouvait changer aussi, je le sentais, ma façon de vivre, de voir toute femme et de me voir moi-même ; ce n'était, bien sûr, qu'un autre point de vue mais dont j'avais besoin pour me débarrasser d'idées reçues. Si le chemin menait vers la joie, pouvait se trouver au cœur du quotidien, dans la joie, s’il s'agissait d'être pleinement soi-même, cela m'intéressait beaucoup ! J'avais envie de m'approcher de cette femme sainte, splendide, rayonnante, de lui ressembler. Mais je n'étais pas prêt à lui céder la place ! J'achetai un livre sur Elle - dont j’abandonnais vite la lecture, de photos que je rangeais dans un tiroir à mon retour en France... Pourtant je me retrouvais de passage à Kankhal l'année suivante, heureuse d'y revenir, de revoir Swami  Vijayânanda.

 

     Par la suite, Elle m'a donné de rencontrer, en France le plus souvent, d'autres messagers fervents : des guides, des amis, pour partager la joie d'être avec Elle, entretenir le feu, attiser l'envie d'être le plus souvent possible en sa compagnie ; des témoins radieux, venus transmettre l'amour de Mâ, leur émerveillement, attester par leurs récits, leur sourire, de tous leur être qu'Elle est "ici et maintenant". "Mâ is here and now” affirmait Swami Bhaskarânanda à Epernon en août 2001. Elle a dit : je suis toujours avec vous ; c'est vous qui ne voulez pas me voir, que puis-je y faire ?" (Traduction de  I am ever with you dans le livre de Bithika Mukerji  In your heart is my body parole n° 45). Aujourd'hui, quand je regarde ces photos, ces paroles, des écrits sur Elle, quand je chante ses noms, quand je pense à Elle, essaie de retrouver sa présence dans le silence, je me tourne vers la Lumière, oublie le reste, et la joie peut jaillir. Mâ n'est pas la seule qui me rappelle à la vie ; pourtant, Elle seule suffit. Elle joue de multiples rôles, et ce à la perfection ; ce que je perçois ne représente sûrement qu'une infime partie de la totalité. Elle est l’amie sur laquelle je peux toujours compter, le guide de toute confiance, le centre stable auquel je peux me référer, l'inspiratrice, l’élévatrice, la force ou la souffrance qui me secoue pour me réveiller, la source qui me relie à tant d'êtres, le miroir qui me répète inlassablement que mon vrai visage est infiniment beau. Son sourire me rappelle que j'ai mieux à faire que de m'agiter pour rien, que je suis invitée à vivre une vie incomparablement plus vaste, qu'Elle ne me lâchera pas. Même si je suis trop encombrée pour recevoir pleinement ce qu'Elle me donne, je crois grâce à Elle à cette réserve inépuisable, à cet amour infini, à cette possibilité de retrouver mon être essentiel qui me sont offerts - en toute générosité. Je lui offre ces mots en humble témoignage de reconnaissance : om Mâ Shri Mâ Jay Jay Mâ.

 

 

La mystique du silence
par Jacques Vigne

 

Nous donnons ici une page de nouveau livre de Jacques Vigne paru en juin aux éditions Albin Michel Spiritualités : La mystique du silence. Il s’agit d’un extrait de la première partie : Ermite en Himalaya. Shrî Mâ recommandait les périodes de solitude et disait en jouant sur les mots en hindi : ekant na honé sé kant nahi miléga « Si l’on n’est pas solitaire, on n’obtiendra pas le Bien-Aimé. » Le livre comporte une seconde partie Je suis qui compare mystique juive, chrétienne et védantique à propos du Nom que le Seigneur s'est donné à lui-même sur le Sinaï en réponse à la question de Moïse; et une troisième partie, la plus développée, qui couvre en sept chapitres les enseignements sur l'Ecoute du silence dans les principales traditions spirituelles.

 

 

   Le mot moine vient du grec monos qui signifie seul. Par ailleurs l'Absolu étant unique peut être évoqué par le terme Seul: en sanskrit par exemple, kevalam signifie à la fois seul et Absolu. Il s'agit d'un phénomène qu'on peut qualifier d'universel[1][1].

   A priori, la solitude correspond à une période intensive de l'itinéraire spirituel, permettant d'atteindre un certain niveau. De même, un étudiant qui prépare un examen se concentre sur ses livres et a tendance à rester isolé pour travailler intensivement.  Reste à savoir quel niveau on veut atteindre. Les étudiants en troisième année de médecine peuvent travailler comme infirmier, mais la plupart choisissent de continuer jusqu'au diplôme de médecin, car ils

savent qu'ils pourront alors rendre des services que ne peuvent    

rendre des infirmiers. Certains même décident de devenir médecins spécialistes et ils deviennent capables d'intervenir -en opérant par exemple à cœur ouvert ou dans le cerveau- comme ne peuvent le

faire des médecins ordinaires. Il y a un certain nombre de gens qui rêvent de pouvoir passer des périodes en solitude. Dans mon cas, ce rêve se réalise.

   On reproche souvent aux ermites de fuir le monde et sa lutte pour la vie. Certes, cela peut être parfois vrai, les misanthropes existent, mais ce genre d'apprenti solitaire ne tient en général pas longtemps dans ce type de vie. Le souvenir de leurs échecs dans le monde devient très intense et ils ne tiennent pas le choc de se retrouver à temps plein en face des côtés sombres d'eux-mêmes. Ceux qui prétendent que la vie de solitaire est une solution de facilité prouvent simplement par là qu'ils ne s'y sont pas essayés sérieusement. Il faut comprendre aussi que dans le monde la plupart des gens se fuient eux-même, qui dans les plaisirs de la consommation, qui dans le travail ou le désir, voir la névrose de reconnaissance sociale ou certains dans des actions qui paraissent assez nobles de l'extérieur mais qu'ils utilisent comme prétexte pour ne pas faire face à eux-même. Il y a une très belle ode mystique de Rumi dont le refrain dit simplement :'Arrête-toi ici!'[2][2]. C'est ce que fait l'ermite. Il sait 'se déposer' -comme on dit dans certaines provinces pour 'se reposer'...

   Dans la vie habituelle, on est entouré de toutes sortes de supports qui tiennent la place symbolique de la mère nourricière. Le mari est ainsi entouré par sa femme qui elle-même est également soutenue financièrement par son époux. Les religieux ont tendance à se regrouper dans une institution-mère, qui les nourrit et protège. L'ermite, lui, mange seul ce qu'il a préparé de ses propres mains. Il n'a pas l'illusion d'être pour cela complètement indépendant du reste du monde, car il sait bien qu'il n'a pas cultivé tout ce qu'il mange, et que peut-être il vit de donations de fidèles. Mais il a quand même plus d'indépendance que beaucoup d'autres.

    S'il monte en solitude, ce n'est pas par orgueil, c'est par humilité. Il ne fait que se laisser aller à une inspiration forte comme une aspiration, un courant d'air ascendant qui le porte comme l'oiseau près d’un col en montagne. A partir d'un certain niveau d'intensité intérieure il s'aperçoit qu'il ne peut être au four et au moulin à la fois, qu'il a chaque pied dans deux barques qui s'écartent, et il décide de s'asseoir dans celle de la solitude pour la grande traversée. A ce moment-là il se retire -s'il a la chance d'en avoir la possibilité; mais à long terme, ne crée-t-on pas sa propre chance? N'invente-t-on pas ses propre possibilités? On parle traditionnellement de passer «quarante jours», c'est-à-dire de nombreux jours dans le désert. Il s'agit aussi d'une «mise en quarantaine» : on veut être sûr qu'on n'a pas développé certaines maladies de l'âme, et le fait de rester «quarante jours» à s'observer nous permet de vérifier ce que nous avons ou non comme maladie en germe au fond de nous. Dans l'Eglise grecque vers le Ve siècle, on avait tellement confiance dans les moines et ermites que c'était parmi eux qu'on recrutait les évêques. C'est une tradition qui a tendance à perdurer jusqu'à nos jours dans l'Eglise copte.

   Pourquoi être ermite en Himalaya particulièrement? Il y a en fait deux sources principales pour les religions du monde: Jérusalem et l'Himalaya. De nos jours, Jérusalem n'est pas si paisible, les tensions là-bas occupent une bonne place des nouvelles internationales. Pour les non-dualistes, les védantins, les bouddhistes, l'Himalaya est la source. L'Himalaya tibétain fait moins parler de lui que Jérusalem, mais a en fait de sérieux problèmes avec l'occupation chinoise, qui ne seront vraiment résolus que quand il retrouvera son indépendance complète[3][3]. L'Himalaya népalais et indien continue une vie traditionnelle,  et même la région des montagnes au-dessus de Delhi a gagné un statut de province indépendante en novembre 2000 sous le nom d’Uttaranchal, « la région nord », ce qui lui permettra de mieux protéger sa personnalité. Parler de vie traditionnelle ne veut pas dire que tous les sadhous de l'Himalaya soient des saints, loin s'en faut. Comme les paysans locaux, la plupart fument beaucoup de marijuana, le chanvre poussant un peu partout.  Comme eux également, ils sont souvent illettrés et ne connaissent guère leurs propres Ecritures sacrées. Certains sont même des délinquants ou d'ex-agitateurs politiques qui se cachent de la police sous un habit de sadhou dans des régions reculées de montagnes. Mais de même que les mauvaises herbes servent de terreau aux fleurs et font ressortir leur beauté, de même cette masse de sadhous en eux-même peu recommandables créent une toile de fond de vie solitaire d'où se détachent quelques vrais saints.

 

 

 

 

 

L'amour - médecin de l'âme

 

par Marion Mantel

 

L'art de la Médecine de l'Âme ne s'étudie pas à l'université.

Il ne peut non plus être compris par la lecture des livres spécialisés, ou appris lors des stages de week-end.

Il n'y a pas de diplôme de maîtrise de cet art subtil, car l'apprenti médecin de l'âme reste, pour toujours, humble disciple du seul vrai maître apte à montrer le chemin : l'Amour.

Maître Amour - certains préfèrent l'appeler Dieu, le Soi, l'essence, l'être ou simplement la vie - est très exigeant concernant le choix de ses élèves.

Il n'accueille ni les orgueilleux, ni les paresseux, ni les arrogants, ni les ignorants …

Maître Amour n'adresse pas la parole à ceux qui croient tout savoir, ni à ceux qui s'imaginent tout pouvoir.

La peur le rend stupéfait, la colère muet.

L'Amour répond à l'appel du courageux disciple de la vie, qui est prêt à s'engager dans une voie sans but, dans un enseignement sans savoir, dans une pratique sans maîtrise.

Nul besoin de doctorat, de baccalauréat, ou de dons particuliers.

Être homme, femme ou enfant - tous sont admis.

Les animaux, les arbres et les fleurs, les océans et les ruisseaux, le vent et les montagnes, le feu et l'espace seront vos compagnons de classe et vos tuteurs.

Car, contrairement à l'homme, les autres participants à la création n'ont jamais oublié leur origine, la source de leur existence.

« Je pense, donc je suis » n'est pas leur devise.

« JE SUIS » leur suffit.

 

Si vous n'êtes pas encore parmi ceux qui ont joyeusement invité Maître Amour dans leur maison, il vaudrait mieux que je vous avertisse sur quelques traits de son caractère :

D'abord, Maître Amour choisit toujours la meilleure chambre - celle du cœur.

Il exige une propreté impeccable dans cette pièce et que c'est vous seul qui ayez droit d'y entrer et de faire le ménage !

Maître Amour est très, très sensible au bruit - si c'était lui, le maître de la maison, il ordonnerait le silence en permanence.

Il a une nature insatiable - surtout en ce qui concerne la nourriture.

Si vous ne le nourrissez pas suffisamment, Il meurt !

Pour son régime particulier, vous devrez lui servir de la joie en permanence, de la compassion sans limite, de l'émerveillement sans retenue et surtout : l'abandon à Sa Volonté.

La forme particulière de ces mets exquis l'importe peu : le murmure d'un ruisseau, le chant d'un oiseau, le saut d'un dauphin, le sourire d'un enfant, les larmes d'une mère … le menu est sans fin.

Ne craignez pas de vous répéter lors de la préparation des repas, car ce qui importe, c'est la qualité des ingrédients - et, je vous ne le cache pas - également la quantité.

Maître Amour préfère manger tout cru. Toute nourriture dénaturée ou trop cuite L'écœure.

Et, surtout, n'oubliez pas de Lui parler !

Vous pouvez Lui parler de n'importe quoi - à condition qu'il s'agisse de choses vraies.

Soyez sincère avec Lui, car Il l'est avec vous.

Ah oui, j'ai presque oublié de vous dire la chose la plus importante :

Une fois installé dans la chambre de votre cœur, Maître Amour ne bougera plus jamais !

 

C'est donc un locataire à vie !

Si tout cela ne vous fait pas peur, et que vous aspirez sérieusement à vous joindre à toutes les autres familles d'accueil, vous pourrez soumettre une demande formelle à Maître Amour.

Cela se fait habituellement par écrit, oralement, ou en l'esprit.

La prière et la contemplation silencieuse sont les méthodes les plus efficaces, si vous voulez qu'Il réponde vite.

Il aime aussi le chant ou la danse, et, si vous Lui offrez un tableau peint par vos soins, Il s'en réjouira !

Vous pourriez choisir n'importe quelle langue, Il les comprend toutes.

Une fois que ce mystérieux visiteur sera installé chez vous, vous n'aurez plus à vous inquiéter : Il s'occupera de tout !

Consultez-Le en cas de doute, ou si la tâche que la vie vous propose d'accomplir vous semble trop lourde.

Il fera le travail à votre place - et même beaucoup mieux !

Il soignera les malades, Il consolera les malheureux, Il prendra votre main pour vous guider dans la traversée du désert…

Il vous bercera dans Ses Bras en chantant des douces mélodies venues d'ailleurs…

Il vous inspirera foi et endurance, lorsque l'océan illimité reste votre seul refuge et que la rive n'est plus d'aucun secours…

Il vous montrera toujours et toujours la Lumière Infini…

Il vous portera encore et encore vers la Source d'Amour Qui Guérit…

 

Marion étudie l'enseignement de Mâ depuis plusieurs années ;

 elle vient d'achever le dernier d'une série de cinq livrets intitulé

 La source inépuisable de la joie;

 

 ce dernier texte en est extrait.

mariananda@free.fr

 

 

 

Programme de Swami Nirgounananda   en Europe

Été 2003

 

Et il y a eu quelques changements et adaptations de programmes de Swamiji, mais les points forts restent les mêmes :

Du 26 juillet au 3 août : Epernon. Contact Claude Portal 12 rue Lamartine 7800 Saint-Germain-en-Laye 01 34 51 74 41 ou en vacances en Auvergne : 04 71 50 93 87

En Suisse : Lama Rigdzin 77 Chantemerle 2502 Bienne 00 41 32 322 18 28 dates à confirmer
 Du 17 au 23août : Terre du ciel domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 03 85 60 40 30

Du 21 au 27 : Saint-Germain-en-Laye contact Claude Portal cf ci-dessus
Du 1 au 4 septembre : Assise contact Claude Portal

Du 4 au 9septembre (pleines journées du 5 au8) Les Courmettes contact Michel Tauziède domaine des Courmettes 06140 Tourettes-sur-Loup 04 93 24 17 00,  ou Michèle Cocchi, 0661142058  ou Geneviève Koevoets, koevoetsg@wanadoo.fr
Après le 10 :Birmingham-Londres contact Christopher Pegler  28 Perryfield Way Ham.Richmond Surrey TW107 SP Rés 00442089400139 bureau 00441714880777  czjp.pegler@btinternet.com

 

 

 

Renouvellement des abonnements

 

Nous avons renouvelé les abonnements au Jay Ma pour deux ans soit huits numéros. Pour ceux qui auraient oublié de le faire, ils peuvent envoyer un chèque de 16 € à l'ordre de Jacques Vigne à Magali Combal :

 En prenant soin de signaler clairement un éventuel changement d'adresse : faites-le maintenant pour ne pas oublier, cela évitera du travail à l’équipe de Jay Ma - nous vous  rappelons que nous sommes tous des bénévoles. Les éventuels bénéfices vont à l'ashram de Mâ, en particulier pour soutenir la publication anglaise d’Amrita Varta. Cela a été le cas pour l'exercice précédent, et nous avons ainsi pu verser 20000 roupies à Brahmachari Panuda qui s'en occupe à Bénarès. En cas de problème spécifique, n'hésitez pas à vous adresser à :

Shre Shree Ma Anandamayee Ashram

Dhaulchina 263681 Almora UA

Inde

 

 

Table des matières

 

 

 

Paroles de Mâ                                                                                                                                                             p.1

Ma rencontre avec Gurdjieff et quelques réflexions sur le tantrisme de la main gauche par Vijayânanda                         p.4

Mes contacts avec l’Occident à la lumière de l’enseignement de Shrî Mâ par Bithikâ Mukerjî                                     p.18

Mâ est ici et maintenant par Isabelle Trublet                                                                                                              p.27

La mystique du silence par Jacques Vigne                                                                                                                    p.30

L'amour - médecin de l'âme par Marion Mantel                                                                                                           p.34

Programme de Swami Nirgounananda   en Europe                                                                                                        p.35

Renouvellement des abonnements                                                                                                                                 p.38

 

 



 

Jay Ma N° 70  -  Automne 2003



Paroles de Mâ

citées par Atmânanda dans son livre
 «  A la rencontre de Mâ Anandamayî - entretiens avec
Atmânanda »
Propos recueillis par Madou
Sélection des paroles par Isabelle Trublet


Je suis persuadée que c'est l'Occident, bien plus que
l'Inde, qui répandra l'enseignement de Mâ Anandamayî.
C'est un enseignement universel et qui peut convenir à
chacun.

Mâ Anandamayî n'était pas un être humain, c'est
absolument certain.

Elle avait toujours conscience de son état. Elle ne
s'identifiait ni avec son corps, ni avec son mental,
et elle n'avait aucune émotion. Pas du tout ! Jamais
elle n'agissait, ni ne répondait sous le coup de
l'émotion.

"Pour moi", disait-elle, "il n'y que l'Un. Tout est la
manifestation de l'Un."

Je sais que tout peut arriver, mais que l'unité est
là. Si je meurs, le corps meurt. Mais  je reste avec
elle. Cette unité demeure pour toujours.
                                                    
                                                     
Vous savez, Mâ est venue sur terre dans un corps humain
afin que    

nous "sachions" car nous ne savons rien. Nous sommes
tellement ignorants de la vérité ! C'est pourquoi
Krishna est venu, Bouddha est venu, le Christ est venu
et Mâ est venue. Si la divinité ne venait pas
périodiquement sur terre sous une forme humaine, ce
serait trop difficile pour les hommes de progresser et
de comprendre un peu de
 la vérité.

Mâ me disait : "rester à Rajghat ! Restes-y !". Elle
ne disait rien d'autre. Elle voulait que j'observe, je
cherche et trouve par moi-même.

Lorsque des chrétiens venaient, elle leur disait :
"vous avez foi dans le Christ ? Suivez le Christ !".
Et elle les encourageait à suivre son enseignement.
Mâtâjî nous disait que la voie du christianisme était
bonne, et qu'il fallait retrouver l'enseignement
originel de Jésus.

Vous savez, c'est nous qui manquons de confiance.
C'est pourquoi il faut que celle-ci soit confortée par
différentes choses telles que la dikshâ, l'initiation,
et autres cérémonies. Mais Mâ est là. Si nous avons
confiance en elle, si nous évitons de nous occuper de
trop d'autres choses, car alors le mental se disperse,
si nous pouvons nous concentrer sur sa Présence, en
avoir conscience vraiment, alors nous n'avons plus
besoin d'autre chose. Il faut avoir confiance en sa
parole !

Vous m'avez dit que vous lisez au moins quelques
lignes des paroles et de l'enseignement de Mâ chaque
jour. C'est très bien, c'est cela qu'il faut faire.
Lorsque les gens me disent qu'ils sont tristes et
déprimés, je leur conseille de lire chaque jour un peu
des enseignements de la Mère. Depuis plus de trente
ans, je traduis les paroles de Mâ, alors je connais
tout par cour. Mais lorsque je lis ses paroles, ça
m'aide : Mâ est vraiment présentes dans ses mots, dans
 ses paroles.

Ce que dit Mâ est toujours la vérité. Si la Mère m'a
dit : "je resterai ici toujours !", c'est vraiment
qu'Elle y est ; vous savez, elle avait toujours des
réponses directes qui jaillissaient,. Elle était
toujours comme cela. Aussitôt une question posée, la
réponse était là, claire et précise, sans aucune
hésitation.

Mâ disait souvent à Indira Gandhi : "ce qui s'est
passé est le jeu de Dieu, sa lîlâ. Il ne faut jamais
avoir de haine, ni d'inimitié envers qui que ce soit
et quoi que l'on vous fasse. Vous devez vous souvenir
constamment de votre ishtâ-dévatâ, c'est-à-dire de
votre divinité de prédilection."

Question : Au fond, vous ne vous sentez jamais seul à
la dérogation
Atmânanda : Non ! Jamais je ne me sens seule. J'ai
Mâ.
Question : Vous vivez toujours en présence de Mâ ?
Atmânanda : Mâ m'aide ! De façon et bien souvent
par l'intermédiaire des autres.

Avec Mâ, j'ai tout appris.


Lorsque Mâ pénétrait dans l'agitation d'une gare, elle
se tenait debout, si calme, si paisible, que petit à
petit autour d'elle tout le monde se calmait !

Mâ n'était pas une sainte ou une sage. Elle était une
incarnation unique et sans pareille de la divinité.
Dès sa naissance, et jusqu'à ce qu'elle ait quitté son
corps, elle fut consciente de ce qu'elle avait
toujours été et continuerait d'être toujours. Pas un
seul instant elle ne s'identifiait à son corps.
Celui-ci semblait être un corps humain, mais ne
l'était pas vraiment.

Elle est partout, toujours, et vous-mêmes ressentez sa
Présence.



Une réponse de Vijayânanda


Est-ce par humilité que le gourou dit souvent qu'il
n'en est pas un ?

Le guru ce qui déclare qu'il n'est pas un guru,  ce
n'est pas par fausse humilité, c'est parce qu'il
perçoit la réalité : il n'y a qu'un seul le guru,
c'est Dieu. Mâ le disait souvent, mais ce n'est que
maintenant que je le réalise vraiment. J'ai demandé à
Mâ si je pouvais la considérer comme mon guru. Elle
m'a justement répondu cela : «  Il n'y a qu'un seul le
guru, c'est Dieu ». Une autre fois, elle m'a dit "je
suis ce que tu veux que je sois". Je voulais la
considérer comme guru,  alors elle s'est comportée
comme telle à mon égard. Il faut avoir un désir
intense pour le guru. Quand je suis venu en Inde, la
mention même du mot "guru" me faisait pleurer ; à ce
moment-là le guru se manifeste. Comme on dit,
"quand le disciple est prêt, le guru arrive".
    Les disciples des maîtres hassidiques, comme les
disciple indiens, avaient une foi aveugle dans leur
guru. Un jour, l'un d'eux est venu voir son rabbi en
lui disant : "Je n'en peux plus, ma chambre est trop
petite, il y a ma grand-mère ma tante qui sont là,
c'est vraiment de trop !" Le rabbi lui  a répondu :
"Est-ce que tu as une chèvre ?" Le disciple a répondu
: "Oui!" Le maître a continué : "Eh bien ! Prends ta
chèvre et mets-la dans ta chambre !". Obéissant, le
disciple a fait ainsi, malgré l'aspect visiblement
illogique de cette instruction. Au bout de deux
semaines  il est revenu, à bout. "Ce n'est plus
possible ! Il n'y a vraiment plus la place de mettre
même une épingle dans notre unique chambre !" Le rabbi
lui dit alors : "Eh bien, remets ta chèvre à l'étable
! ". Il l'a fait,  et puis est revenu voir le rabbi un
peu plus tard l'air tout joyeux en disant :
"Maintenant, nous avons vraiment de la place !".



Sur les traces des Yoguis
par Vijayânanda



Nous continuons ici quelques extraits du livre de
Vijayânanda qui n'a jamais été publié en français,
mais est paru directement à Bombay  à Bharatiya Vidya
Bhavan.

    Il existe de nos jours - et j'en ai rencontré -
des êtres humains ayant essayé et réussi. J'ai vécu
parmi eux et je suis encore sous la direction spirituelle d'un

des plus grands d'entre eux. (Vijâyananda parle de Mâ

Anandamayî, mais il ne voulait pas mentionner son nom

dans ce premier livre général sur son itinéraire intérieur par

délicatesse, son souci étant de ne pas gagner d'argent avec le nom
de son maître.) Est-ce du Védanta ou du Yoga ? Du
bouddhisme ? A moins que ce ne soit de la kabbale, du
soufisme, ou peut-être de la théosophie ? Tous ces
propos ne sont que des mots, des étiquettes sur des
flacons. Et souvent l'étiquette est fausse, le flacon
vide. C'est en nous-même que se trouve la solution du
problème. Ce qui est réel en nous ne peut pas mourir.
Ce qui est au centre de notre conscience est identique
en tous les êtres. Ce qui est la base et le support de
toute chose, qui ne peut être atteint ni par la
souffrance ni par la mort, est aussi l'essence même de
notre personnalité. Mais faut-il aller pour cela à
Ceylan ou aux Indes ? Certes non ! Mais peut-être
était-ce mon destin d'aller au pays des grands sages.
Peut-être aussi les conditions extérieures y sont plus
favorables à l'introspection, et à une vie de
recherche intérieure. Mais mon objectif immédiat,
c'était de rencontrer un de ces grands sages "qui a
réussi" et de bénéficier de ces conseils. Mon
programme était de visiter d'abord Ceylan, et si
possible de vivre une courte période  dans un
monastère bouddhiste. Après, ce serait l'Inde, mais je
comptais me limiter au sud car les trois grands sages
célèbres, Ramana Maharshi, Râmdâs et Shrî Aurobindo
vivaient dans le sud. En outre, mon temps disponible
était limité à un mois de séjour..

[Vijâyananda raconte maintenant son départ du port de
Marseille pour un séjour en Inde qui dure jusqu'à
maintenant - c'est-à-dire cinquante-deux ans plus
tard.]

     Ce fut le 12 décembre 1950 que j'ai quitté
Marseille et la France à bord du Felix-Roussel.
Quelques jours avant mon départ, un entrefilet dans
les journaux m'avait appris la mort de Shri Aurobindo
à Pondichéry. Hélas ! C'était le deuxième sage qui
s'était réfugié dans le nirvana juste avant mon
arrivée. [Le premier avait été Ramana Maharshi en
avril de la même année] Si mes préparatifs n'avaient
pas été aussi avancés, peut-être aurais-je ajourné le
voyage. Le 12 décembre soir, peu avant le coucher du
soleil, le Félix-Roussel s'est éloigné lentement du
port de Marseille. Presque tous les passagers
regardaient en arrière comme si de nombreux fils
invisibles  nous reliaient encore à cette terre. Un à
un, les fils se rompirent. D'abord les amis qui
agitent leurs mouchoirs sur le quai,  les uns essuyant
une larme qui a fait un sillon sur une pommette,
d'autres souriant silencieusement, certains criant
peut-être quelques mots d'adieu. Puis le quai n'est
plus qu'une ligne grise, avec quelques taches colorées
qui bougent. Et maintenant, c'est la gracieuse
silhouette du port de Marseille qui attire les
regards, la corniche, les jetées, Notre-Dame de la
Garde et tout ceci se fond bientôt dans
bleu de la Côte. La plupart des passagers quittent le
pont. Il semble que les fils qui nous reliaient à la
terre se soient rompus et c'est une nouvelle vie qui
commence.
     Pendant ces trois semaines, de nouvelles amitiés
vont se lier, il faudra s'adapter à un mode de vie
différent : les heures de repas, la promenade sur le
pont, la partie d'échecs ou de bridge avec les amis,
les soirées, les flirts, l'imprévu des escales, etc.
etc. Ceux qui ont vécu à bord d'un bateau savent à
quel point l'esprit est absorbé par cette vie sociale
à bord, qui, bien qu'éphémère, donne l'impression de
permanence. La durée de notre vie comparée à
l'éternité est également éphémère. Et pourtant, nous
travaillons comme si nous bâtissions sur le roc. Les
uns amassent des richesses, les autres des honneurs ou

des connaissances mondaines. Pourtant nous savons qu'un

jour la mort viendra et que tout cela s'évanouira comme de la
fumée. Ceux qui ont lu le Mahabharata se souviennent
sans doute de la fameuse question posée par le Yaksha
au roi Youdhisthira : Youdhisthira, le célèbre roi,
était en exil dans une forêt avec ses frères pour une
période de quatorze ans. En tant que nobles guerriers,
 leur devoir était de défendre les brahmanes. Un jour,
un brahmane vint se plaindre qu'on lui avait dérobé un
fagot de bois sacrificiel qu'il avait caché dans un
arbre. Youdhisthira, l'aîné et le chef, envoya ses
quatre frères, Arjouna, Bhima, Nakoula et Sahadév à sa
recherche et lui-même partit de son côté. L'un après
l'autre, les frères arrivèrent au bord d'un étang à
l'eau limpide. La longue marche dans la forêt les
avait terriblement altérés, et cette eau
providentielle était une tentation presque
irrésistible. Mais une voix du haut d'un arbre se fit
entendre : "cette eau m'appartient ; si tu bois sans
répondre à mes questions, tu mourras".
  C'était un Yaksha, une sorte d'esprit supérieur qui
vivait en ces lieux. On dit que "ventre affamé n'a pas
d'oreille". C'est encore bien plus vrai pour la soif,
car aucun des quatre frères n'écouta l'avertissement
et l'un après l'autre ils tombèrent sans vie au bord
de l'étang. Youdhisthira arriva à son tour, également
assoiffé et il entendit le même avertissement.
Néanmoins, il était non seulement un grand roi, mais
aussi un sage renommé pour sa vertu et sa maîtrise de
soi. Il accepta le défi du Yaksha qui, comme le sphinx
lui posa un certain nombre de questions auxquelles il
répondit à l'entière satisfaction de l'esprit. Le
Yaksha lui permit de boire, lui rendit le fagot de
bois du brahmanane - car c'est lui qui l'avait dérobé
- et en plus lui accorda le droit de formuler un vou.
Youdhisthira le pria de rendre la vie à ses frères. Ce qui fut

fait. Une des questions du Yaksha - et c'est là que je voulais en
venir - était :

"Quelle est la chose la plus étonnante dans ce monde
?"
Youdhisthira répondit :
"c'est que tous les jours nous voyons des gens mourir
et que personne ne croit réellement qu'il mourra lui
aussi un jour".


En compagnie de Mâ Anandamayî

par Bithika Moukerjî


   Nous donnons ici la suite des écrits de Bithika à
propos de la rencontre des religions. Nous avons vu
dans le numéro précédent qu'elles étaient au château
de Bossey de Genève pour une année scolaire de
rencontres sur l'effet des religions ;
voici ce qu'elle dit aux étudiants en théologie
chrétiens rassemblés à cette occasion :
 
Religions et traditions (mon premier grand discours)

A la fin de l'année universitaire, le Prof. Nissiotis
me demanda si je voulais bien parler de mes
impressions sur l'école et ses objectifs. Il affirma
qu'ils aimeraient tous écouter ce que j'avais à dire
au sujet de leur programme. Ce fut une tâche tout à
fait inattendue mais les gens qui assistaient à mes
séminaires insistèrent pour que j'accepte. Un étudiant
venu d'Afrique, Michael Jackson, vint me trouver, disant

que je devrais tirer parti de l'opportunité pour être aussi severe

concernant les chrétiens qu'ils l'avaient été envers les autres
religions. Il alla même jusqu'à dire que si je n'étais
pas assez dure, il se lèverait et quitterait la salle.
Il était l'un de ces chrétiens engagés et cependant il
restait nostalgique au sujet du bagage culturel qu'il
avait laissé derrière lui.
Je rassemblai mes idées. On avait fait du chemin
depuis mes premières conférences d'introduction.
J'avais acquis quelque connaissance sur le mouvement
ocuménique et ses problèmes endémiques. Cette
conférence fut l'un des plus difficiles qu'il me fut
donné de faire dans toute ma carrière. L'assistance
était composée d'amis personnels. Bien des secrétaires
vinrent écouter également. Je ne voulu pas offenser
leur susceptibilité en tant que chrétiens, car j'avais
moi-même une haute opinion de leur propre engagement
religieux. Mon discours dura juste cinquante minutes,
temps limite qu'on m'avait alloué. Je regardai souvent
le visage sérieux et attentif de Michael Jackson et
compris qu'il n'était pas déçu.
Je résumai sommairement pour eux ce que j'avais
retenu de ce que Shrî Mâ avait dit concernant la
destinée humaine et la possibilité de dialogue entre
les différentes religions du monde.

« La Vérité est éternelle. Elle se répand partout et
ne tolère aucune catégorisation relationnelle.
L'homme, à la recherche de cette Vérité, est un
pèlerin désireux d'éclaircir le mystère de sa présence
sur la terre. Nous naissons pour une tradition, un
bagage culturel, une situation géographique, une foi
religieuse. Le point de départ nous est donc donné.
Les religions sont nécessaires sans limite de temps ni
d'espace. Chercher à universaliser un mode particulier
de révélation n'est ni nécessaire, ni réaliste. Ce
sont des facettes de la même Vérité qui témoignent de
son omnipresence.

« L'Eglise, cependant, prend sa mission très au
sérieux. Le symbole de la croix peut être compris très
facilement en Orient comme étant la descente
tangentielle de la transcendance pour devenir
immanente : une venue vers nous du ciel et de la
terre, afin que l'homme puisse lever les yeux et être
rempli par la joie de ce message. Mais les hommes et
les femmes qui relevèrent le défi et prirent le rôle
de sauveur du monde entier n'avaient pas
l'illumination en eux-mêmes. Ils interprétèrent la
volonté de Dieu, ce qui est une très dangereuse
procédure. Au lieu de s'émerveiller devant la
magnificence de la 'création de ieu', ils
s'empressèrent de diviser les peuples en 'civilisés',
'tribus primitives', 'païens' et ainsi de suite.
« Aux yeux des chrétiens, le monde ressemble à un
méli-mélo confus et au-delà des limites de l'autorité
de Dieu ! Autrement, pourquoi un chrétien serait-il
invité à améliorer Sa création ? Dans ce contexte,
cela vaut la peine de considérer le célèbre sermon de
St. Paul à Athènes, qui sert de modèle aux
évangélistes de tous les temps.

« Passant par là je vis vos prières et trouvai un
autel portant cette inscription, AU DIEU INCONNU. Qui
donc est Celui que vous adorez par ignorance, en
vérité je vous le dis »

(Actes VIII, 23.)

« La question se pose de savoir si les Athéniens
avaient pu répondre à Paul : 'Lui que vous avez trouvé
maintenant, nous lui rendons déjà hommage, car il est
vraiment inconnu mais pas inconnaissable'. Nous
pourrions imaginer que Paul aurait alors identifié la
philosophie des athéniens comme une hérésie de
gnosticisme.
« Il est vrai que le Concile Vatican II a donné une
sorte de reconnaissance aux autres religions. Ceci
pourrait être interprété comme un  mouvement de
bienvenue de la part de l'Eglise, s'il n'avait pas été
accompagné par la suggestion que la multitude des
non-chrétiens devrait écouter les Evangiles et ainsi
acquérir la nécessaire qualification pré-requise pour
être acceptée au sein de l'Eglise.
« Ceci constitue une violence inutile envers les
sentiments des autres pèlerins. Beaucoup d'entre vous
ne sont plus sympathiques envers ceux qui considèrent
toutes les autres religions comme des menaces ou des
défis. L'empressement pour écouter peut graduellement
l'emporter sur la tendance à prêcher. Si 'l'autre'
pouvait être vu aussi comme un pèlerin, un voyageur,
un ami engagé dans la quête de la grâce de Dieu, c'est
 alors que le dialogue pourrait devenir une base pour
atteindre l'unité, une plus grande compréhension de
l'importance de cette tâche à venir, une attitude qui
soutient plutôt qu'une attitude perturbatrice envers
la vie religieuse. Le dialogue, en fin de compte, peut
seulement être continué en langage équivalent. Si les
participants utilisent des termes qui varient dans
leur signification, il ne peut pas y avoir de
communication importante.
« Le dialogue est un terme ambivalent. La tradition
hindoue elle-même est structurée d'après le dialogue.
Des Upanishads jusqu'aux Dharma Shastras (les livres
des lois), la structure du texte est toujours celui
d'une conversation entre le chercheur de Vérité et un
enseignant (rishi) qui l'a réalisée. L'ensemble de la
tradition sanskrite peut être résumé par ce verset
souvent cité :
 
Réveille-toi, lève-toi ; approche-toi des grands
(sages) et apprends :

Aussi aiguisée que la lame d'un rasoir

Est la route (vers Lui), difficile à traverser.
Ainsi dit le sage.
(Kathopanishads II. 14)

« Tous les textes scripturaires pivotent autour de
cette vocation de regarder au-delà de la condition
donnée de l'homme dans ce monde. La recherche de la
Vérité est quelque chose comme une quête de
réalisation de soi dont parlent les advaitin
(monistes), ou de réalisation de Dieu dont parlent les
fidèles d'un Dieu personnel (monothéistes). Le Soi est
l'antaryâmin (le témoin intérieur), qui apparaît comme
l'ista devatâ (l'image vénérée au plus profond du
coeur) pour les fidèles. De ce fait, la recherche doit
commencer par une tentative de concentration sur
l'être intérieur.
« Comme je l'ai dit, pourquoi quelqu'un devrait-il se
sentir attiré par la mission de prêcher ? Ceci ne
pourrait être basé que sur la croyance que Dieu s'est
retiré de Sa création et n'est plus concerné. Comparez
avec l'Enseignant Illuminé. Il se suffit à lui-même et
il est l'allégresse personnifiée, parce qu'il regarde
le monde comme l'expression parfaite d'un être
parfait. Il n'est pas appelé à prêcher, ne pose pas de
questions et ne demande pas d'obéissance. Il répond de
bonne grâce aux chercheurs sincères, dissipe leurs
doutes et renforce leur détermination. Par sa
présence, il établit la viabilité de la quête
spirituelle. La La révélation de la Vérité est là pour
maintenir la cohésion entre le temps et l'éternité.
Dieu n'est pas dans le passé seulement, il est aussi
dans le présent et il est même là pour toujours.

« L'un des plus récents dialogues relatés dans la
tradition sanskrite est la Gita. C'est le premier
texte dans lequel les mots 'Le Seigneur a dit' (Sri
Bhagavan uvacha) sont utilisés. Même là, le dialogue
ne se change en dissertation que lorsque le disciple
(Arjuna) se reconnaît comme tel et requiert
précisément d'être guidé (Gita II.7). Ce qui est
remarquable ici, c'est l'observation de l'Enseignant
qui conclue par ces mots :

Cette sagesse, plus secrète que tout ce qui est
secret,
T'a été déclarée par Moi :
Réfléchis alors à tout cela et fais ce qu'il te
plaira.
(Gita XVII.63)

« La liberté d'être soi-même, jusqu'en la présence de
Dieu n'est ni refusée, ni banalisée. A moins qu'un
homme soit saisi d'un désir ardent de connaître Dieu,
d'une faim pour la liberté d'être lui-même, d'un désir
pour une béatitude sans réserve promise pour lui par
les Ecritures (shastras), il n'est pas métamorphosé en
un chercheur (jijñâsu). Devenir un véritable chercheur
est le but de la vie religieuse.
« La façon de chercher et de trouver est basée sur une
conception dualiste : Dieu et sa création. L'idée
entière de dualité est significative seulement en tant
que lien d'amour. C'est pourquoi les hindous célèbrent
comme de nombreux liens d'amour avec Dieu tout ce qui
est expérimenté par l'homme sur la terre. Dieu peut
être connu comme Père, Mère, Bien-aimé, Ami, Maître ou
Enfant. La peur de l'enfer, la rédemption des péchés,
et même l'espoir de salut comme paramètres d'une vie
d'amour spirituel, n'ajoutent rien à la majesté et à
la compassion de Dieu. Comment une religion, quelle
qu'elle soit, peut-elle justifier son sacerdoce, à
moins qu'elle ne présente Dieu comme la seule
recherche valable dans la réussite humaine !
« Les comunautés et écoles religieuses sont très
importantes. L'individu acquiert de la force par sa
sampradaya ou comunauté. Cela donne une cohésion
majeure à des efforts peu systématiques. Le sens de la
solidarité, l'unité des objectifs, le sentiment
d'ensemble requis pour les célébrations et rituels,
sont favorables à une vie d'efforts spirituels, ou
sadhana. Si un commonwealth de nations pouvait être un
concept politiquement viable, alors nous pourrions
être capables de nous orienter vers un avenir de
commonwealth de religions. Ce serait une célébration
des voies infinies de l'avènement de Dieu parmi son
peuple. La façon religieuse de vivre pourrait donner
matière à réjouissance, à une joyeuse participation
dans le mode d'expression des autres par rapport au
culte divin. Par conséquent, laissons le dialogue être
un instrument de célébration des nombreuses croyances
qui enrichissent la civilisation. »

J'étais épuisée à la conclusion de ce discours.
Nicholas affirma plus tard qu'il en  avait eu des
sueurs froides à ma place. Il y eut juste quelques
applaudissements au départ, puis soudain tout le monde
se leva pour me faire une vraie ovation, soutenue et
prolongée.

 Ils étaient tous émus et le faisaient voir
clairement. Le Professeur Nissiotis se leva de sa
chaise, m'apporta un verre d'eau et prononça des mots
qui montraient son appréciation sans réserve, comme le
firent certains autres après lui. Il dit : « En votre
présence, j'ai senti la futilité de ce programme tout
entier. Le fait que vous ayez accepté en souriant d'y
participer a rendu le reste inutile. » Rien n'aurait
pu mieux justifier le message que Shrî Mâ avait passé
en 1972-73, à la Graduate School. (p.308 à 312).

De Bithikâ Mukerjî
Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne


Comment je suis devenue une disciple
de Mâ Anandamayî
par Dîpikâ Bansal


Dîpikâ est une jeune femme des environs de Delhi dont
le grand frère est souvent en retraite, et a passé du
temps à pratiquer à Kankhal près de l'ashram de Mâ
Anandamayî. Elle  a envoyé à Jacques Vigne pour le
journal ‘Jay Mâ’ ce récit d'une expérience qu'elle a eue
avec Mâ dans des circonstances de voyage à l'étranger
pas très faciles.


C'était en décembre,  l'une de mes amies m'a proposé
d'aller en Thaïlande pour une retraite. Jacques Vigne
nous avait donné des renseignements sur tout le
périple. Cependant, les choses ne se déroulèrent pas comme

prévues. Mon amie n'a pas obtenu
son visa pour la Thaïlande, puisqu'elle était
originaire du Shrî Lanka, on lui avait demandé de le
prendre dans son propre pays, ce qui n'était pas
facile pour elle. Mais j'ai décidé d'y aller toute
seule, puisque c'était mon premier voyage à l'étranger
et que tout était déjà organisé.
     Avec la bénédiction divine, je suis arrivée à
Bangkok. Là-bas, tous les hôtels étaient pleins. Ma
destination était le monastère de Suan Mokh ["le
Jardin de la libération", un grand monastère
bouddhiste dans le sud du golfe de Thaïlande qui
organise des cours de dix jours de vipassana à la fois
pour les Thaïs, et en anglais pour les étrangers
chaque mois ; il se trouve à quelques kilomètres d'une ville
appelée Chaya, déformation du nom sanskrit  Jaya, "la
victoire"].  Avant, j'ai commencé à voir le pays parce
que j'avais assez de temps avant le début du cours de
vipassana. Devrais-je vous dire combien il est
difficile d'avoir une nourriture végétarienne normale
quand vous êtes purement végétarienne et qu'en
particulier vous ne comprenez pas la langue du pays.
Enfin, la période est arrivée pour partir vers le sud.
Cela n'était pas facile, il y avait des problèmes de
réservation, de savoir avec qui je devais partir,
etc.... A un certain moment, j'ai été vraiment déçue,
j'avais le sentiment de perdre mon temps à Bangkok.
Avec ces troubles dans le mental, je m'assis pour la
méditation, mais j'étais dans un état lamentable,
incapable de me concentrer même en posture de lotus.
Tout d'un coup, je vis une belle image de Mâ. J'avais
beaucoup entendu parler d'elle par mon frère qui la
considérait comme son guru mais je n'avais eu aucune
expérience avec elle. C'était une photographie de Mâ
qui sortait continûment du sol de la pièce et rentrait
dans mon front ; je ne pouvais pas reconnaître ce qui
m'arrivait, j'ai paniqué et commencé à tout stopper,
mais immédiatement, je réalisai qu'il devait arriver
quelque chose pour mon bien car  cette image était
celle du gourou de mon frère, ainsi, je laissai faire,
et le phénomène continua pendant quelques minutes.
Ensuite, je me suis retrouvée assise sur les genoux de
Mâ avec ma tête sur son épaule. J'étais dans la
position d'un bébé  sur les genoux de sa mère. Elle me
donna un petit coup sur le dos et dit : "Va, Krishna
est en train de t'attendre". [Dîpikâ est une fidèle de
Krishna]. Je me reposais dans la même posture pendant
quelques minutes et me sentit plein d'amour pour Mâ.
Tout disparut, mais je n'avais pas envie d'ouvrir mes
yeux pendant longtemps et je me laissais aller au même
genre de sentiment, je pensais flotter. Après quelque
temps, à l'ouverture des yeux, je me suis sentie très
relaxée, très calme et n'avais pas envie de me
relever. Je refermai mes yeux, et essayai de revenir
dans la même position, mais fut incapable de le faire.
Je me sentis pleine d'énergie quand je me relevai. Je
me mis à faire des plans pour aller vers le sud du
pays alors qu'avant, j'étais désespérée, je pleurais
vraiment. Maintenant, j’eu finalement une place
dans  un car de tourisme confortable et je décidai de
passer un ou deux jour sur une île à faire de la
méditation en face de l'océan.
Cependant, là-bas, une mésaventure m'attendait : mes
chèques de voyage avaient tous disparu, ce qui fait
que je me suis retrouvée sans argent dans cette région
du bout du monde ! Quand je m'en suis aperçue, je fus
frappée de stupeur. Il avait de quoi créer de la
confusion dans l'esprit, mais l'instant suivant, le
visage de Mâ m'apparut en face de moi et
immédiatement, je me suis souvenu que j'étais assise
sur ses genoux et je me suis sentie relaxée. Je remis
tout entre les mains de Mâ. Je me mis à penser qu'il
n'y a avait pas de quoi s'inquiéter. Je fis le
nécessaire, ce n'était pas si simple, car j'avais à
peine l'argent pour téléphoner à Bangkok s'il fallait
le faire, mais les banquiers locaux ont été
coopératifs plus qu'il n'était de leur devoir, et j'ai pu arranger

mes affaires. J'étais si soulagée, cela ne peut s'exprimer par

des mots ! Et je suis encore surprise d'avoir fait face à tous ces
problèmes très calmement. C'était la première fois que
je voyageais à l'étranger, et pour nous, jeunes
indiennes, nous ne sommes pas de du tout habituées à
nous déplacer toutes seules. Maintenant j'ai plus
confiance en moi-même et je sens mon coeur s'élargir en
me souvenant de cette grande expérience avec Mâ
Anandamayî.
Elle  est avec moi sans cesse.
Jay Mâ !
 












LE SON DU SILENCE
par Marion Mantel

Le son du silence est un son très particulier.
Il n'a ni début ni fin, mais contient tout début et
toute fin.
Il n'a ni espace ni temps, mais contient tout espace
et tout temps.
Il n'a aucune note, mais contient toute note.
Il n'a aucune couleur, mais contient toute couleur.

Le son du silence est le son de l'univers.
Sa demeure est en dedans,
Sa résonance au centre de l'être.
Tu peux l'entendre dans le silence du coeur.
Tu peux le connaître dans le coeur du silence.


Le son du silence est le témoin immuable de la Source
que tu n'as jamais quittée.


Il était là avant toi.
Il sera là après toi.
Il est là avec toi,
Autour de toi,
En toi,
Toi.
Est.
 



PRIÈRE À LA MÈRE DIVINE
« DONNE-LUI UN NOM »
par Marion Mantel

Mère de l'Univers,
Regarde Ton enfant qui pleure.
Elle ne cherche qu'à T'aimer
Et être aimée par Toi.

Mère de la Béatitude,
Regarde sa solitude.
Elle ne cherche qu'à Te contempler
Et être contemplée par Toi.

Mère de l'Amour,
Regarde Ton enfant sourd.
Elle ne cherche qu'à T'écouter
Et être écoutée par Toi.

Mère de tous les Sons,
Donne-lui un nom.
Elle ne cherche qu'à T'appeler
Et être appelée par Toi.






Pushpadidi,
la fontaine du Son de la félicité.
par Brahmachârinî Gîtâ Banerjî
traduit du hindi par Jacques Vigne

   Pushpadi, Bhajanânanda de son nom de sannyâsinî,
est décédée en février 2003. C'était  une des
meilleures chanteuses auprès de Mâ, et nous traduisons
ici l'hommage que lui rend une brahmachârinî
enseignante au Kanyâpîth de Bénarès et qui l'a connue
de longue date. Son texte est écrit dans un hindi
fortement sanskritisé, comme aiment à l'écrire les
religieux hindous. Celui-ci ne manque pas de charme, à
condition d'avoir un dictionnaire de sanskrit plutôt
que de hindi à portée de main pour la traduction.C'est
la voix de Pushpadî qu'on entend dans la scène de
Gourou-pournima du fait de la main d'Arnaud Desjardins.
Celui-ci a bien d'autres enregistrements d'elle, non
publiés datant de 1961, qu'il a suggéré à ses disciples
de réunir.

     Dans cette gorge ont résonné nâda Brahman [le son
en tant qu'écho de l'Absolu], cette sonorité grave et
paisible comme la montagne Mandara [celles dont les
dieux et les démons se sont servis pour baratter
l'océan primordial, réputé aussi être la demeure de
Durgâ]. Elle a bourdonné, la grâce sans cause de Shrî
Shrî Mâ dans les cordes de la vînâ de son existence,
elle dont les bhajans, kîrtans, chant des hymnes
plongeaient dans la félicité absolument tous les
fidèles de Shrî Shrî Mâ qui les écoutaient ; elle qui
faisait vibrer l'espace et des vagues des douces
mélodies qui sortaient de sa gorge durant
l'anniversaire de Mâ, la Samyam saptah, Durga poujâ et
toutes sortes d'autres célébrations, elle qui faisait
vibrer les murs de l'ashram par la douceur de ses
hymnes et de ses chants, elle donc,

Bhajânandajî, notre Pushpadi, qui mérite toute notre
confiance et notre respect, est maintenant l'objet de
notre souvenir : au fond du cour resurgissent les
termes du gourou des poètes, Rabindranath [Tagore] :

Ce vase qu'est  cette célébration est comblé de ton
souffle et de ton humble foi,
Et ainsi, toi-même et tous les gens présents ont été
envahis de félicité!

Dans cette gorge, ce sont profond et grave comme la
montagne ne bourdonnera plus, la salle de satsang de
l'ashram de Kankhal ne résonnera plus du son absolu,
nâda-brahman,  qui sortait de ta gorge : "Satyam,
jñânam, anantam Brahman" (mantra extrait d'une
Upanishad et qui signifie "Brahma est vérité,
connaissance et infini"). Au fond de mon cour se
remettent à résonner seulement ces paroles du poète :

Aujourd'hui, c'est ta voix qui résonne dans la fête
des paroles,
parfois dans des tonalités graves, parfois avec une
douce résonance.

    Le grand-père maternel de Pushpadî était un grand
propriétaire terrien du district de Shrîhatta au
Bengale et en était aussi le célèbre préfet ; il
s'appelait Shrî Rajnîkânt Ray Dastidâr. : du point de
vue spirituel également, il était tout à fait avancé,
il avait un visage resplendissant à la façon d'Agni,
le dieu du feu. Il n'a jamais proféré de mensonge de
sa vie. Son patriotisme était extraordinaire. Il était
au aussi un excellent pianiste. Il chantait
magnifiquement l'hymne national "Vandé mâtaram", je
rends  un culte à la Mère. Mâ a dit une fois à Pushpadî :

"Le bien qu'il y a en vous tous,
c'est à lui que vous le devez."

    Ce grand-père  disait souvent à Pushpadî:
"Pourquoi donc allez-vous à l'ashram ?" Elle lui
répondait : "Pour avoir le darshan de Mâ". Une fois,
son grand-père lui dit alors : "Je vois Shrî Shrî Mâ
dans la lumière bleue - ainsi est ma vision". Il était
venu une fois à Calcutta pour le darshan de Mâ,
c'était à l'époque de l'ashram deBâliganj, à
l'intérieur de la ville. Là-bas, il chanta auprès de
Mâ un kîrtan de Krishna et Balarâm (Krishna enfant et
son grand frère Balarâm, "Râm-le-fort"). Mâ accouru
soudain et dit : "Je vois des deux côtés deux
enfants". Submergé par le bhâva, elle se mit à se
rouler sur le sol à cet endroit même. Les fidèles
ramassèrent la poussière de ce lieu et se la mirent
sur la tête. Sa dernière heure venue, le grand-père de
Pushpadî dit à sa mère : "Pourquoi y a-t-il tant de
lumière ? Avez-vous ouvert la lumière ? Il y a tant de
lumière !" S'étant exprimé ainsi, il rendit l'âme.
Quelques jours plus tard, la mère vit en rêve le
visage de son propre père resplendissant dans le
Surya-lok, le monde du soleil.
    Le père de Pushpadî s'appelait Shrî Umesh Chandra
Sén, et Krishnânanda Giri  après sa prise de sannyâs.
Il était proviseur d'une école. Auparavant, il avait
été avocat. Mais il avait abandonné ce métier, car il
fallait s'y appuyer sur des mensonges ; il était très
beau, et doué d'une silhouette agréable. Il avait un
grain de beauté juste au milieu du front ; voyant
cela, Shrî Mâ lui avait dit un jour : "Dès la
naissance, tu as reçu le tîkâ  [la marque au milieu
du front qu'on met après les rituels, par exemple au
feu] des cendres du sacrifice au feu sacré."
    La mère de Pushpadî, Shrîmatî Kshîrodavâsinî Dévî
["la déesse sortie de la mer de lait", c'est-à-dire Laxmî,
l'épouse de Vishnou] avait reçu son éducation à la
maison. Elle était particulièrement douée pour la
gravure, la calligraphie et tous les arts de
l'écriture. Shrî Mâ avait dit après avoir vu la mère
de Pushpadî : "il y a une bonne base ; elle ne s'est
jamais mal comportée".
Pushpadî s'appelait Sâvitrî de son nom de  jeune
fille. Sa mère l'avait surnommée « bhajan » (chant).
En voyant dans le journal de Calcutta l'annonce de
l'arrivée de Mâ, l'oncle maternel de Pushpadî se
rendit  au darshan. Après avoir entendu parler d'elle,
 Pushpadî avec sa mère et l'oncle se rendit à l'ashram
pour avoir aussi le darshan de Mâ. C'était en 1946, à
Baliganj, rue Ekdâliyâ. Dès le premier darshan de Shrî
Shrî Mâ, quatre points sont apparues clairement à
l'esprit de Pushpadî : « je n'ai jamais vu un tel sens
du Soi, de l'intériorité chez quiconque. Je n'ai
jamais vu une telle félicité chez quiconque. Si mon
Dieu est comme cela, c'est bien ! Il faut que je m'en
aille avec elle. Un jour Pushpadî se rendit auprès de
Shrî Mâ. D'une façon ou d'une autre, elle  réussit à
la rejoindre. Mâ lui dit : "Distribue à chaque enfant
une guirlande". Pushpadî en donna donc une à chacun.
Il lui passa par l'esprit d'en garder une pour elle,
comme un prasâd de Mâ, mais ensuite, elle réfléchit
que Mâ ne le lui avait pas dit. Ensuite, Shrî Shrî Mâ,
au moment de s'en aller du satsang, s'éloigna un petit
peu et revint au pour donner une à Pushpadî une belle
guirlande de roses  qu'elle avait gardée sous sa
chaise.
   Un jour, Pushpadî était sortie faire des courses
avec sa tante. Du marché, elle se rendit seule chez
Mâ. Une fois arrivé là-bas, elle a appris que Shrî
Shrî Mâ étaient arrivée. On était déjà avancé dans la
nuit. Pushpadî était seule. Shrî Shrî Mâ  lui demanda
: "De qui es-tu la fille ?" Pushpadî répondit : "Je
suis votre fille". Shrî Shrî Mâ  lui  reposa deux fois de plus la

même question : "De qui es-tu la fille ?" Et Pushpadî de

donner la même réponse : "Je suis votre fille ". Pushpadî dit à Shrî
Mâ : "Il faut que je m'en aille avec vous" mais Mâ ne
répondit rien.
   Cette même nuit, Pushpadî eut une expérience
extraordinaire. Pendant toute la nuit, elle ressentit
qu'une personne  vêtue de blanc était assise au-dessus
de sa tête [dans la tradition hindoue, on médite sur
le guru ou sur son ishtâ-dévatâ comme étant assis
au-dessus de la tête].
Un jour, Pushpadî se rendit à l'ashram de la rue
d'Ekdâliyâ  et apprit qu'il y avait l'inauguration
d'une nouvelle propriété du juge SR Dasupta. et que
Shrî Shrî Mâ s'y était rendue. Une fois parvenue
là-bas, elle vit que le satsang était déjà terminé.
Shrî Shrî Mâ et Dîdîmâ  étaint assises. On avait
organisé des clôtures en bambou pour canaliser la
queue des fidèles. Chacun allait faire pranâm devant
Mâ à son tour. Il y avait une très longue queue.
Chacun offrait une guirlande, et s'en allait. Pushpadî
resta debout quelque temps sous le pandal et ensuite
s'engagea dans la queue pour aller faire son pranâm à
Mâ. Juste au moment où elle faisait ce pranâm, elle
s'aperçut qu'en elle  il n'y avait rien, qu'elle était
devenue complètement vide. Tout en faisant sa
prosternation,  elle sentit quelque chose de lourd qui
lui tombait sur la nuque ; elle vit que c'était  une
guirlande de fleurs. Auprès de Mâ,  il y a avait une
guirlande particulièrement lourde et plutôt grande.
C'était celle-ci que Mâ avait lancée d'une certaine
distance autour du cou de Pushpadî. Shrî Shrî Mâ
fixait Pushpadî du regard. Pushpadî aussi se mit à
regarder Mâ droit dans les yeux, sans changer de
direction. Ensuite, lentement, Mâ regarda d'un autre
côté. Pushpadî rentra à la maison en portant toujours
cette  guirlande autour du cou.

   Quand Pushpadî était assise auprès de Mâ,  toujours
elle pleurait. Tout le monde demandait à Mâ : "Mâ,
pourquoi cette fille pleure-t-elle ?" Mâ répondait en
riant : "Demandez-lui directement !" Malgré des
requêtes répétées, quand Pushpadî vit que Mâ ne la
prenait pas avec elle, elle se mit à penser qu'en
priant le seigneur Jésus ou bien Chaitanya
Mahâprabhou, Mâ certainement la prendrait avec elle,
mais qude son côté, elle-même ne lui parlerait pas de
ses prières.
   Un jour, Shrî Shrî Mâ était sur le point de partir
à Vishnoupour, elle demanda soudain : "Où donc est la
jeune fille qui pleure ? Installez-là dans ma voiture
!" Mais Pushpadî n'était pas présente. Le jour
suivant, lorsqu'elle vint à ashram, tout le monde lui
demanda : "Où étais-tu donc? Mâ t'a appelée, pour te
prendre avec elle à Vishnoupour".  Pushpadî répondit :
"Je n'y suis pas allée, car que faire de seulement
trois ou quatre jours. Avoir la compagnie de Mâ pour
si peu de temps, qu'est-ce que ça veut dire ?"
    Quelque temps plus tard, Shrî Shrî Mâ allait
partir pour Bénarès. La mère de Pushpadî  la prit avec
elle pour le darshan. Elle demanda : " Mâ, je ne peux
pas la garder à la maison, prenez-la avec vous !
Renvoyez-la moi dans un mois." Mâ dit  : "Est-ce
qu'elle pourra rester seule ?" La mère répondit :
"Oui, Mâ elle le pourra !" Mâ dit alors : "Allez-y,
emmenez-la à la gare de Howra. Ce corps  y va aussi.
Le train de Bénarès y est en partance." En arrivant à
la gare, Pushpadî vit au milieu des bagages empilés
que Swami Paramânandajî avait perdu connaaissance à
cause d'un accès de fièvre. Pushpadî acheta une noix
de coco et donna son eau à boire au Swami. Sur ces
entrefaites, Shrî Mâ est arrivée. Elle dit à Didi en
voyant Pushpadî : "Didi, cette jeune fille va venir
avec ce corps".  Juste avant, Didi avait déjà demandé
à Pushpadî : "Qui es-tu ? Où  t'en vas-tu? Maintenant, nous

ne prenons pas de grandes jeunes filles  au Kanyâpîth." Cependant,
aussitôt que Didi entendit Mâ parler de Pushpadî, elle
demanda : " Est-ce que tu as un billet de première
classe ?" Pushpadî répondit : "Non, je n'ai qu'un
billet de troisième classe". Aussitôt, Didi prit le
billet et demanda à quelqu'un dans la foule : "Peux-tu
donc changer ce billet ?" Juste au moment où la
personne  ramenait le nouveau billet, le train s'est
ébranlé. C'était en novembre 1947.
   Dès qu'elle arriva à Bénarès, Pushpadî se mit au
service de Mâ. Au bout d'un mois, celle-ci lui demanda
de retourner à la maison. Mais Pushpadî ne le fit pas.
Quelques jours plus tard une lettre de son père
arriva, demandant à Shrî Shrî Mâ de la renvoyer à la
maison. Elle appela la jeune fille pour un entretien
privé, et lui fit lire la lettre. Ace moment-là,
Pushpadî dit à Mâ. "Mâ, bien que je sois venue à vous,
vais-je être obligée de retourner dans le monde?"
Après avoir entendu Pushpadî s'exprimer ainsi, Shrî
Shrî Mâ répondit-elle même au père par courrier.
   Pushpadî enseignait aux jeunes filles du Kanyâpîth.
Elle était une experte à la fois en danse et en chant.
Elle organisait donc des spectacles à l'occasion de
Jhulan Purnima [la pleine lune, où l'on honore
particulièrement Radha et Krishna], Janmashtamî [huit
jours après Jhulan Purnimâ, anniversaire de la
naissance de Krishna], et pour d'autres fêtes avec les
jeunes filles de l'école pour montrer à Shrî Shrî Mâ
des épisodes de la vie de Râm, Krishna ou des scènes
qui mettaient en valeur les faits et gestes d'autres
saints.
Shrî Shrî Mâ  avait demandé plusieurs fois à Pushpadî
: "Est-ce que tu es une brahmane?" Pushpadî répondait
: "Non". Un jour, à Puri, Pushpadî demanda à Swami
Parâtmânandajî : "Pourquoi Mâ me demande cela de façon
répétitive? Est-ce qu'elle ne sait pas que je ne suis
pas une brahmane?" Le Swami répondit alors : "Il y a
en toi des signes de brahmane ; c'est sûr, Mâ voit à l'intérieur
de toi certains signes".
    A l'heureuse occasion de l'anniversaire de Mâ à
Kashi(Bénarès), une chanteuse très connue, Shrîmatî
Girijâ Dévî, était venue se produire devant Mâ. Après
ses bhajans, Mâ demanda à Pushpadî d'en chanter un
également. Celle-ci répondit : "Mâ , après cela, il ne
faut pas chanter de bhajan !" Mâ demanda : "Quoi ? Que
peut-il arriver par le simple fait de chanter ?"
Pushpadî dit : "Les auditeurs vont m'attraper et me
battre !" En entendant cela, Mâ répliqua : "Ah bon !
Tu prêtes autant d'attention à la louange au blâme -
je ne savais pas". A ces mots, Pushpadî se mit
immédiatement à chanter. Juste à la fin de son bhajan,
Shrîmatî Girijâ Dévî la prit dans ses bras et lui dit
: "Oh ! Cette voie que tu as là ! Dans ta gorge, il y
a de la magie !"
    Une fois, Mâ avait placé Pushpadî à l'ashram de
Dehra-Dun. Elle était encore très jeune. Tous les
jours, elle chantait des hymnes, la Bhagavad-Gîtâ,
etc.. Les sadhous de l'ashram de Ramakrishna à côté
s'assemblaient à la porte de celui de Mâ pour écouter
les source extraordinaire de ces douces sonorités :
"Qui chante d'une voix si douce et avec une si belle
prononciation les hymnes ? Qui est cette jeune fille
?" Les mahâtmas aimaient beaucoup les bhajans de
Pushpadî. En particulier Shrî Haribâbâjî en faisait un
grand éloge. Il disait : "En entendant chanter Pushpa,
un sentiment de renoncement survient." Ainsi donc,
Shrî Shrî Mâ aussi prenait avec elle Pushpadî dans la
plupart des endroits où elle allait pour le satsang.
Sinon, les mahâtmas lui demandaient : "Mâs, où est
Pushpa?" La première ministre de l'Inde de l'époque,
Shrîmatî Indirâ Gandhi aimait également beaucoup les
kirtans de Pushpadî ; par conséquent, en tant
qu'invitée spéciale, Pushpadî allait à la résidence de
la Première ministre pour des occasions particulières
comme par exemple la mort de Firoz Gandhi [le mari d'Indirâ], celle de
Nehru ou enfin celle d'Indirâ elle-même, pour chanter
en face de son urne funéraire.
    Dans la dernière phase de sa vie, Pushpadî prit le
sannyâs du président de la Divine Life Society, Swami
Chidânandajî. Il lui donna pour nom Shrî Bhajanânanda
[félicité du chant]. Elle continua à chanter jusqu'à
ses derniers jours.
   Depuis quelque temps, elle était malade du cour.
Elle était en traitement pour cela. Cependant, lors de
la dernière Samyam Sapta, tout le monde avait été
réjoui d'entendre une fois de plus de sa bouche même
satyam, jñânam, anantam Brahman, ce chant qui évoque
le nâda Brahman, le son de l'Absolu. Après cette
semaine de retraite, elle s'en fut à Poone. Encore le
6 février, à l'occasion de Sarasvatî pujâ, elle fit
vibrer l'ashram de Poone de ses chants, et le 25
février 2003, elle se fondit pour toujours aux pieds
de  Shrî Mâ, passant de ce monde mortel à celui de
l'immortalité afin d'y recevoir l'onction du nectar de
la musique divine.
   Aujourd'hui, nous lui rendons hommage dans les
termes du poète :

Dans les doux appels du coucou,  dans les cris sonores
du paon, dans les arbustes des vergers  Dans les
fleurs aussi, ce n'est que ta douce mélodie qui
résonne ;
 Et tu laisses en nous - comme une douce mémoire- la
vaste vague de ta félicité.

Bramachârinî Gunitâ Banerjî, Kanyapîth, Varanasi
Publié dans Ananda Varta (hindi), juillet 2003


Quelques "samyogs" récents de Mâ
par Jacques Vigne



   Par samyog, on entend un concours heureux de
circonstances, où les facteurs s'unissent, c'est la
racine de Yoga,  unir, pour arriver à une fin, une
synchronicité en quelque sorte. D'après le témoignage
de Vijâyânanda et de nombreux autres, auprès de Mâ,
les samyogs étaient monnaie courante, tellement qu'on
n'y faisait plus  tellement attention ; ce n'était
qu'après qu'ont réalisait que les coïncidences étaient
quand même statistiquement très improbables, pour ne
pas dire extraordinaires. Voici quelques-unes de ces
coïncidences peu banales qui me sont arrivées durant
cette  saison chaude à l'ermitage de Dhaulchina :

- le 5 juin 2003, Swami Nirgunânanda a fait la poûjâ
d'inauguration de ma nouvelle chambre à l'ermitage,
avec sa belle vue sur l'Himalaya. Je m'y suis donc
installé juste après. Le soir même, au crépuscule, je
méditais tranquillement pour ma première soirée dans
cette chambre. La porte était fermée, j'entendais
qu'il y avait beaucoup de vent dehors. Quand je me
suis relevé de ma méditation et me suis retourné, j'ai
vu qu'il y a avait des pétales de roses blanches, un
peu roses par endroit, qui parsemaient le sol, ce
n'était pas un tapis, mais il y en avait peut-être une
dizaine. Le lendemain soir, le phénomène s'est
reproduit, et plus jamais après. On peut trouver une
explication rationnelle à ce phénomène, le vent qui
arrivait du sud a poussé les pétales des rosiers qui
sont en dessous de ma chambre vers la véranda du premier

étage où elles ont dû tourbillonner, puis sous ma porte à
l'intérieur. Cependant, cela fait trente ans que je pratique

régulièrement, la plupart du temps dans des pièces fermées,

mais voilà la première fois qu'en me relevant, j'ai trouvé des
pétales de roses sur le sol.
- Une mère est venue avec sa fille adolescente de
quinze ans en visite à l'ashram pour une dizaine de
jours. La fillette avait un défaut qu'ont souvent les
adolescents, une tendance à fuir la communication et à
s'enfermer en soi-même en écoutant de la musique, en
particulier avec un walkman. En fait, quand elle est
arrivée à l'ashram de Mâ, son walkman est tombé en
panne, elle a essayé de le réparer mais sans succès.
Elle pensait le jeter, mais l'a quand même gardé avec
elle. Pendant tout le séjour, elle a été "obligée"
d'entendre parler de vie spirituelle... La veille du
départ, n'ayant rien à faire, elle a de nouveau essayé
d'ouvrir le walkman, qui s'est remis à
fonctionner spontanément...
- Je m'étais dit qu'au mois d'août, comme la plupart
des français, il fallait que je prenne des vacances à
l'intérieur même de mon ermitage, c'est-à-dire que je
cesse de travailler sur mon ordinateur pour rédiger le
‘Jay Mâ’ ou d'autres écrits, ou même pour la
correspondance. Il  me restait à rédiger un article
très bref que j'avais promis comme contribution à un
ouvrage qui va sortir pour le 50e anniversaire d'Amma.
Je l'ai écrit le vendredi 1er août au matin. Le samedi 2
août, il y a eu une forte surcharge de courant tout à
fait imprévue dans le système électrique et
l'adaptateur de courant de l'ordinateur a été grillé
en un rien de temps. Je ne pouvais donc m'en servir,
le temps de commander un nouveau à Delhi, car il n'y
en avait pas à Almora, cela m'a emmené jusqu'au 28 août,
juste le temps de rédiger ce ‘Jay Mâ’ avant de
redescendre dans la plaine.
- Comme j'étais dans l'ensemble en silence, il y a peu
de monde qui est passé à Dhaulchina, cependant, j'ai
eu la surprise un jour de voir arriver, avec leur sac à
dos, un lointain cousin avec sa jeune femme, Guillaume
et Juliette. Il sont restés une semaine à faire retraite
et ont continué ensuite leur périple par un trek en
Himalaya, très heureux de leur séjour ici. Cinq
semaines plus tard, un couple d'enseignants qui
avaient perdu leurs deux seuls enfants dans un même
accident de voiture m'a demandé l'autorisation de
venir. Vu l'épreuve spéciale qu'ils avaient traversée,
je la leur ai donnée. En m'entretenant plus avant avec
eux, je me suis aperçu que leurs deux enfants
s'appelaient Guillaume et Julie. Je leur ai donné un
cadeau pour Guillaume et Juliette, en pensant qu'il y
avait là un signe de Mâ : les rencontres se
poursuivent, on est uni dans les Soi non seulement à
ses propres enfants disparus, mais aussi aux enfants
des autres qu'on rencontre "par hasard", la vie
continue...




Inauguration  de l'école de Mâ Anandamayî

au village de Jamradi en contrebas de l'ermitage de
Dhaulchina
par Jacques Vigne

    Le village de Jamradi est « en contrebas» de
l'ermitage de Dhaulchina au sens himalayen du terme,
c'est-à-dire qu'il y a 1.200 m de dénivelé à descendre
pour y parvenir ! Là-bas, il y a des fidèles
de Mâ qui ont entrepris  en 1995 d'ouvrir une nouvelle
école de Mâ. Elle s'est installée dans des locaux
prêtés. Vers 2000, grâce à des donations, ils ont pu
acheter un nouveau terrain, bien situé avec une vue
magnifique sur les collines de l'Himalaya. En avril
2001, un groupe de Français et de Belges est venu pour
une semaine de retraite à l'ashram de Patal Devî à
Almora. Ils ont visité Dhaulchina, et comme il y avait
dans ce groupe un femme professeur de lettres et de
hatha-yoga de Châlons-en-Champagne,  avec six de ses
élèves,  ils ont décidé d'organiser là-bas un
programme avec Jacques Vigne et que tout le bénéfice
irait pour la construction de cette école primaire. Ce
qui fut fait en mi-décembre 2001, avec une conférence
du vendredi soir qui a réuni plus de 200 personnes et
un stage de week-end avec plus de quatre-vingt-dix
personnes.  A partir de là, les travaux ont progressé,
on a un peu attendu pour bénéficier aussi d'un crédit
du député local, qui  possède un fonds de
développement qu'il peut distribuer lui-même. Il a
contribué pour un tiers, et le groupe de Châlons pour
deux tiers. Il était présent à l'inauguration du
samedi 30 août dernier, avec un autre député.  L'école
a déjà plus de quatre-vingts enfants, avec trois
salles pour les accueillir. Elle est reliée au réseau
des shishu mandir-vidya mandir [temples des petits
enfants - temples de la connaissance] organisé par
l'ashram de Shrî Aurobindo à Pondichéry et qui compte
de nombreuses écoles primaires et secondaires dans
toute l'Inde.
   Dans une des salles de l'école, on avait organisé
la lecture d'une partie du Râmâyana, le Sundarakhand
[la « belle partie »] . C'est la tradition de lire une
partie ou tout le Râmâyana pour l'inauguration d'une
maison. On avait installé un dais avec le livre sacré
lui-même, une photo de Mâ Anandamayî, et sur le côté
une photo de Swami Nirgunânanda, qui avait fait le
lien pour permettre la construction de cette école. On avait

fabriqué aussi dans la même salle de classe un autel en boue

séchée, védi, avec des yantras dessinés à la farine. Un vieux

moine adorateur de Râm et de Hanuman, Sitaram Baba,  était
venu. C'était lui qui avait posé la pierre de
fondation de l'école il y a deux ans, il est âgé,
dit-on, de 105 ans. Il est très aimé dans la région,
et quand il organise des lectures du Râmâyana, des
milliers de gens peuvent venir. Après les discours des
politiciens, il a mis de l'ambiance en clamant  le nom
de Râm dans l'assemblée, qui lui a répondu par une
ovation et des rires,  c'était un joyeux et sain
rappel qu'il n'y a pas que la politique et la
distribution des subventions sur terre...
   Un détail intéressant qui nous met dans l'ambiance
millénaire de l'Inde : au début de la cérémonie, sur
la terrasse de l'école avec cette vue splendide sur
l'Himalaya, on a distribué  les guirlandes pour honorer
les hôtes de marque : on a commencé par le seul Swami
en orange présent, et on a terminé par les images de
Sarasvatî, déesse de la connaissance et des écoliers.
Il y a de nombreux dieux en Inde, mais quand on a la
chance d'avoir un Swami dans l'assemblée, qui est en
principe  le canal vivant du Divin, on l'honore en
premier lieu.
Trois enseignants francophones sont passés entre fin
juillet et mi-août et ont voulu faire une donation à
l'école ; nous avons décidé de l'attribuer pour un
meilleur salaire des quatre instituteurs. En effet,
ceux-ci sont payés environ 20 Euros par mois,  ce qui
est très peu pour vivre,  même dans un village de
montagne où la vie est moins chère que dans les
villes. Il y aura aussi en principe une correspondance
en anglais  établie entre les élèves du village de
Jamradi et ceux  d'une petite bourgade du département
de l'Aube. Le couple de professeurs qui venait de
là-bas souhaite aussi y organiser une collecte pour
offrir l'internet à la grande école du canton, qui
compte environ 400 élèves. Mâ permet des liens
inattendus entre les gens et les pays...


Nouvelles



- Swami Nirgunânanda poursuit son tour en Europe.
Après être du 5 au 9 juillet au domaine des Courmettes
au-dessus de Nice il va dans la région de Londres
durant quelques jours puis un mois aux États-Unis pour
revenir en Inde le 16 octobre.
- Le grand moment de la Durga poujâ sera le 3 octobre,
il s'agit de Mahâshtamî  le moment précis où Durgâ a
tué le démon Mahîsha, à la jonction des deux journées
lunaires, c'est-à-dire à une heure qui varie tous les
ans, à 7h du matin cette fois-ci ; pour cette année,
le calendrier hindou est plutôt en avance, et donc il
faut s'attendre à ce que les dates des fêtes, y
compris l'anniversaire de Mâ, soit plus tôt que
d'habitude.
- Il y aura deux voyages organisés bénévolement

par Geneviève Koevoets en 2004 à la
rencontre de Swamis disciples de Mâ Anandamayî en
compagnie de Jacques Vigne :
1) du 10 au 25 avril, quatre jours à Kankhal où nous
rencontrerons en soirée Swami Vijayânanda, et verrons
pendant la journée  la demi Koumbha-Méla d'Hardwar qui
rassemble plusieurs millions de personnes. Mâ disait
que cet événement était "l'étendard de l'hindouisme",
car on peut voir ensemble toutes les congrégations de
sadhous et les nombreux fidèles (environ six millions)
qui viennent  leur rendre visite sur les bords du
Gange.  Cette fête a lieu six ans après la précédente
et avant la suivante grande Koumbha-Méla. Nous
monterons ensuite faire un peu de promenade                                                   
dans le grand Himalaya, dans la région d'une des sources

du Gange, Kédarnath.
2)  Du 3 au 24 juillet, nous ferons principalement une
douzaine de jours de retraite en silence à Dhaulchina
même, excepté les périodes de satsang. Swami
Nirgunânanda sera présent. Le thème de la retraite
sera : "l'écoute du silence et l'enseignement de Mâ
Anandamayî". Puis nous descendrons à Kankhal pour
quelques soirées avec Swami Vijayânanda et une visite
des environs, surtout Rishikesh et le début du Gange
himalayen.

Renouvellement des abonnements


La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs
abonnements. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou
pour les nouveaux, il est possible d'envoyer un chèque
de 14 Euros à l'ordre de Jacques Vigne à Magali Combal.
Vous serez abonnés jusqu'en fin mars 2005.

Table des matières




Paroles de Mâ citées par Atmânanda p.1
Une réponse de Vijayânanda p.4
Sur les traces des Yoguis par Vijayânanda p.5
En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukerjî p.9
Comment je suis devenue une disciple de Mâ Anandamayî par Dîpikâ Bansal p.16
Le son du silence par Marion Mantel p.20
Prière à la mère divine : « donne-lui un nom » par Marion Mantel p.21
Pushpadidi, la fontaine du Son de la félicité par Brahmachârinî Gîtâ Banerjî p.22
Quelques "samyogs" récents de Mâ par Jacques Vigne p.31
Inauguration  de l'école de Mâ Anandamayî à Dhaulchina par Jacques Vigne p.33
Nouvelles p.36
Renouvellement des abonnements p.37
Table des matières p.38




 

Jay Ma N° 71    -    Hiver 2003-2004

 

 

 

Réponses de Mâ

 

Nous donnons ci-dessous quelques réponses et dialogues avec Mâ, tels que les a traduits Jean-Claude Marol dans son livre « La Saturée de Joie » (Dervy, 2001).


(Un haut fonctionnaire du gouvernement est venu visiter Mâ Anandamayî.)

Question : Je n'ai aucune foi, et je ne vois pas comment cela pourrait changer ! Qu'en pensez-vous ?

 Mâ : vous dites que nous vous n'avez aucune "foi " : eh bien, établissez-vous fermement dans cette conviction ! Car, où est le "non" est fatalement le "oui"!

Qui peut prétendre être au-delà de la négation de l'affirmation ?

La foi est un geste fondamental, une impulsion naturelle à l'être humain, la foi en Dieu en découle.  La vie humaine est ainsi faite que  personne ne peut dire "je ne crois en rien", vous croyez toujours quelque chose !

Le mot manush (humain) est constitué de man (esprit) et hush (conscient) ; cela induit qu’il n'y a pas d'humanité sans esprit ouvert et sans vigilance, cela montre que le penchant naturel de l'être humain est de prendre pleinement conscience de la réalité.
Quand les enfants apprennent à lire et à écrire, et doivent s'attendre à être corrigés ! Dieu aussi "corrige". C'est la preuve qu'Il prend soin des humains ! Ces corrections déplaisent; en fait, elles transforment les cœurs et mènent à la paix. En compromettant des satisfactions ordinaires, elles font cheminer vers la Joie suprême

Le corps humain survit par un perpétuel va-et-vient de la respiration. Quel inconfort ! De même, dans la vie, vous pouvez circuler en touriste qui va, vient, saute d'un lieu à l'autre, d’une distraction à une autre... Ou bien être un pèlerin lié son être profond et qui avance vers sa vraie demeure : la pleine Connaissance (p. 177)

 

Les lampes du monde s'allument et s'éteignent. Il est une lumière éternelle qui ne peut passer. Cette lumière permet de percevoir les lumières extérieures et toute chose dans l'univers. Parce qu'elle luit en vous, vous voyez. Parce que la Connaissance suprême réside en vous, pouvez acquérir les autres formes de connaissance. L'esprit est comme la racine d'une plante : irrigué, toute la plante est désaltérée.

Parfois vous vous exclamez que vous n'en pouvez plus ! Mais aussitôt rentrés chez vous, vous vous sentez bien ! (p. 179)


Question : à mon sens, il ne peut y avoir une vision intégrale de l'Etre suprême, au plus, nous en aurons une vision partielle... Qu'en pensez-vous ?

Mâ : Si vous pensez que l'Etre peut se mettre en morceaux, alors vous pouvez employer le terme de "partiel ". Mais peut-il y avoir des "parts d'Absolu"? Vous raisonnez en termes de parts, et vous voulez prendre "votre" part, n’est-ce pas !

Il est le Tout, Celui qui est.


Question : mais alors, il doit bien y avoir au moins des niveaux dans la Connaissance?

Mâ : où est la connaissance des formes du Sans-forme, il ne peut y avoir de niveau ; aller pas à pas concerne la période où l'on cesse tout juste de courir derrière les objets, et où l'on se tourne vers l'Eternel qui n'est pas encore une évidence, sa quête est devenue "intéressante" cette progression réserve des expériences... Là où est la pensée, est fatalement l'expérience ! Les expériences traduisent les mille façons d'approcher la Connaissance suprême. L'esprit qui s'était d'abord empêtré dans la matérialité, affirmant que jamais on ne peut savoir s'Il existe ou non, et qui tournait le dos à "tout cela" finalement rebrousse chemin ! N’est-il pas naturel que la lumière lui parvienne, "accommodée" à sa situation ?

Les états possibles et imaginables ont un nom.

Mais les états particuliers cessent, quand le Soi est enfin reconnu ! (p. 179)

 

 

Une sélection de réponses de Vijayânanda

Par Prémamayî

 

    Prémamayî, alias Caroline Rosso-Cicogna, a été souvent auprès de Mâ entre 1978 et 1982,  quand elle était en Inde avec son mari qui travaillait à Delhi. Ils habitent maintenant Nice. Elle a fait récemment une sélection de paroles de Vijayânanda qui l'ont aidée dans sa sâdhanâ. Elle nous l'a envoyée, et nous la reproduisons ci-dessous :

 

    La sâdhanâ consiste à tout rapporter à l'action divine. Et après un certain temps on s'aperçoit qu'il n'y a pas de hasard.

     Pour la sâdhanâ, il faut avoir une ferme résolution et harmoniser l'intellect et le cœur. Quand on se met au travail sérieusement, des pouvoirs viennent vous aider.

     Le disciple doit être intelligent, avoir une certaine maîtrise de soi, du discernement et la ferme détermination de découvrir ce qui est au-delà de l’illusion du mental.

Le but de la sâdhanâ, c'est d'amener le mental au silence.

Grâce à la sâdhanâ, on apprend à ne rien faire en commençant par ralentir le mouvement.

Quand on a commis une faute, on doit d'abord demander pardon, puis réparer si c'est possible et prendre la résolution de ne plus commettre cette faute et enfin, ce qui est le plus important, oublier complètement tout cela.

La concentration négative sur la petite voix qui persécutent lui donne de la force. Il est plus facile pour le mental de l'écouter que de faire l'effort d'une concentration positive. Etre indifférent à cette négativité et répéter le mantra lui enlèvera de sa force.

    Il n'y a pas besoin de chercher à se débarrasser de souvenirs tristes. Ils agissent comme une épine irritative dans le mental pour nous apporter un détachement. Il faut s'en servir pour arriver à la source de toute souffrance qui est la fausse croyance que nous sommes des individualités distinctes, séparées du Grand Tout.

    Laissez le passé se guérir de lui-même. Quand on réussit à être vraiment dans le présent, on a réussi 90 % de sa sâdhanâ.

    Pour éviter de confondre intuition et désirs inconscients, il faut d'abord de l'humilité. En cas de doute, toujours suivre le dharma, quel qu'en soit le coût. Si l'on ne se sent pas capable de faire la distinction, consulter un guide spirituel. Quand le guru intérieur est éveillé dans notre cœur, l'intuition apparaît comme une inspiration divine et à l'évidence d'une perception sensorielle.

     Les mouvements du mental peuvent toujours être ramenés à une sensation qui a été leur point de départ. Se familiariser avec ces sensations peut devenir une aide considérable pour connaître et maîtriser son mental.

    On peut observer le silence en parlant, en ne disant que ce qui est nécessaire et en gardant le silence mental dans l'intervalle.

    Il y a plusieurs degrés de silence intérieur qui correspondent aux différentes couches de notre mental. La première, la pensée parlée : ce bavardage intérieur, presque incessant pour la majorité des gens. Le faire taire, et c'est très difficile, est un des premiers objectifs de la méditation. Apparaît ensuite une couche plus profonde qui est celle de la pensée en images ou en sons : des formes et couleurs et des perceptions auditives subjectives apparaissent dans le champ de conscience. Si on arrive aussi à éliminer ces perceptions subjectives, il ne reste plus que la couleur affective du mental - bhâva - des états mentaux d'euphorie ou de dépression qui sont basés sur des sensations venant à la conscience de notre corps, pour être plus précis, du mouvement de la force vitale dans d'autres organismes. Quand on réussit à dépasser la conscience physique, le bhâva devient silencieux et on est alors identifié au samarasa, un état ininterrompu de Satchidananda, le vrai Silence. Les trois niveaux du mental s'interpénètrent, les couches superficielles voilant les plus profondes.

    La concentration sur Mâ est l'une des méthodes pour calmer le mental. Dans le cas de Mâ, qui a laissé une présence résiduelle, on peut entrer en contact avec cette présence. Ce contact peut devenir une aide considérable pour la sâdhanâ. Quand on pense à Mâ, on se concentre automatiquement sur ses qualités qui nous imprègnent même si cela n'est pas conscient. Mais ce qui compte, c'est notre réaction mentale d'amour et de dévotion. L'image n'est qu'un moyen pour produire cette réaction. Cette forme de pensée est un support sur le Divin omniprésent dont le centre est ce qui réside dans notre cœur subtil.

    Ce qui est essentiel dans la méditation, c'est l'attitude mentale et le sankalpa.

    Quand on sait bien méditer, on peut aller vers l'Absolu à partir de n'importe quel point du corps.

     Si dans la méditation, on voit des couleurs où l'on entend des sons, c'est que l'on a touché le niveau mental sous-jacent à la pensée discursive. Mais les expériences qui donnent un état de paix de bonheur sont bien supérieures, surtout lorsqu'elles s'accompagnent d'un oubli total des sensations venant du corps physique. Cependant, le véritable progrès se voit dans le comportement quotidien, dans la maîtrise des émotions négatives et l'harmonie avec l'entourage.
    Prendre l'attitude de témoin, en s'appuyant sur un fil directeur (le mantra, le souffle) et en observant les mouvements du mental du coin de l’œil.

     On développe la confiance en soi en se désidentifiant du corps et du mental qui sont changeants et en s'identifiant à sa base immortelle : ce qui donne au corps son aspect de permanence, c'est le Soi. On croit facilement que le Soi est inexistant car il est tellement subtil mais il est plus dur que le diamant.

     La koundalinî est un pouvoir primordial, au-delà de la pensée parlée. Quand cette énergie s’éveille, le premier effet est une intensification des désirs. Ce qu'il faut, c'est renverser le dynamisme du désir et le ramener vers sa source qui est en nous-même. Quand le guru éveille l'énergie intérieure, il donne de l'intensité à ce double mouvement. C'est au disciple de choisir sa direction : vers le haut ou vers le bas.

   Chaque à être à en lui un désir auquel il tient le plus. Ce qu'il y a au centre, c'est le Soi. Mâ réactivait, faisait monter le Soi, mais on surimposait là-dessus ses propres désirs matérialistes.

   La réalisation, c'est d’être en accord avec le Soi profond.

 

 

 

Sur les traces des yogis
par Vijayânanda

 

 

 

 

Vijâyananda arrive à Ceylan, et en début janvier 1951, il se retrouve à l’Island Hermitage, un petit monastère bouddhiste théravada à Dodanduwa près de Gale sur une île près de la côte au sud de Colombo. Un journaliste bien intentionné avait annoncé de façon prématurée que Vijâyananda voulait se convertir au bouddhisme alors qu'il n'était venu là que pour s'informer.




 

"Island Hermitage", le 7 janvier 1951

 

     Ce matin, un moine cinghalais m'apporta le numéro du Daily News qui publiait l’information dont il avait été question hier soir. Les moines semblaient donner beaucoup d'importance à cet incident que je croyais insignifiant. Mercredi prochain, j'ai l'intention de quitter ce lieu  pour Colombo. C'est certes un endroit rêvé pour ceux qui veulent mener une vie contemplative. Mais je ne suis pas encore "mûr". Mon esprit chérit encore des vasanas (impressions subconscientes de désirs) - comme disent les hindous – qu’il me faudra épuiser. Pourtant, il me semble, tant qu’à faire, je choisirais plutôt la solitude complète qui aurait l'avantage d'une plus grande indépendance. Certes, la règle dans ce monastère n'est pas rigide et les moines sont libres de faire ce qu'ils veulent dans le cadre des obligations monastiques. Mais en ce qui concerne la vie spirituelle, je suis comme le cheval sauvage, intolérant de la moindre coercition. Car j'ai la conviction que la vie spirituelle, l'ascèse véritable passe par une route où il faut marcher seul. Certes, il faut avoir un cadre social et une étiquette à présenter au profane. Mais le chemin qui mène vers le Suprême est toujours nouveau, différent pour chaque individu. Chacun suit sa propre route qui ne ressemble à celle d’aucun autre.

 

"Island Hermitage", le 9 janvier 1951

 

    Aujourd'hui, au cours de ma promenade dans l’île, j'ai rencontré le Bhikkhou S. qui a bien voulu me faire visiter sa maisonnette. Les chambres sont propres, riantes et agréablement meublées avec des fenêtres grillagées. J'ai été frappé par l'écart considérable qui existe entre le standard de vie matérielle d'un moine bouddhiste et celui d'un sannyâsin ou sadhou de l'Inde. Dans les pays bouddhistes -et en particulier à Ceylan, on pense que le moine doit vivre confortablement et agréablement. Ainsi, son esprit étant calme et libéré de soucis matériels, il pourra se consacrer entièrement à la recherche du nirvana. Et les laïcs procurent généreusement à leurs bhikhous ce qui leur est nécessaire, et les traitent avec respect et vénération. Mais aux Indes, le sadhou étant celui qui a renoncé au monde, on s'attend à ce qu’il vive le plus simplement possible. D'ailleurs, plus son dénuement est grand, plus on lui marquera de respect.

    Shankarâchârya a popularisé l'idéal de parfait sannyâsin dans ses écrits et ses chants. Il décrit la vie glorieuse de l'homme qui a renoncé à toute possession dans les termes suivants, par exemple :

 

Un lieu de repos au pied d'un arbre  leur suffit,

Les deux mains leur servent d'assiette.

Ils méprisent les richesses comme si c'était un paquet de haillons.

      Les porteurs du kaupinam en vérité sont bienheureux.

                                    (Chant des Kaupinavantas, second distique)

 

   Le kaupinam représente le minimum irréductible de vêtements. C'est un linge servant de cache-sexe et maintenu par une corde autour de la taille. Kaupinavanta qui veut dire : le porteur de kaupinam est dans la littérature védantique synonyme de "l'homme ayant une renonciation parfaite". Le grand sage d'Arunâchala, Ramana Maharshi, était un kaupinavanta, au sens propre et figuré. On raconte à son sujet l'histoire suivante : un jour son kaupinam était déchiré. Il aurait facilement pu en demander un autre. Mais par esprit de renonciation et aussi sans doute à titre d'exemple il eut recours au procédé suivant pour le réparer : durant sa promenade sur la colline, il cueillit deux épines. Avec l'une d'elle, il transforma l'autre en aiguille en faisant un trou à son sommet. Puis il détacha un fil de son kaupinam, et avec ce fil et cette aiguille improvisés, il répara son unique vêtement.
     Cependant,  la vie de sadhou en Inde est assez dure, car le pays est plus pauvre que Ceylan et les laïcs sont méfiants étant donné qu'il existe un nombre considérable de moines qui ne revêtent la toge orange, le vêtement de sadhou, que pour vivre sans travailler.


Comprendre le "culte des idoles"


    Les "dieux de l'Inde", leurs idoles et leurs rites religieux (poujâ) ont souvent scandalisé les missionnaires chrétiens et ont été un motif de sarcasmes pour beaucoup d'Occidentaux. Mais ce serait une grave erreur de croire que les hindous sont des "idolâtres" dans le sens péjoratif que nous donnons à ce mot et de les comparer aux noirs d'Afrique ou aux "païens" dénoncés dans de nombreux passages de la Bible.

    L'adoration des images et des idoles semble relativement récente dans l'hindouisme. Elle ne date probablement pas de plus de deux mille ans ; dans les védas et dans les Oupanishads, on n'en trouve guère de traces. Les anciens aryens adoraient certes les forces de la nature personnifiées : Indra, Arjouna etc. mais ce n'était pas un culte de bhakti, de dévotion, mais plutôt des rites magiques dont le but était de se les rendre favorables. Il ne semble pas qu'ils aient fait usage d'autres symboles visibles que celui de la flamme. Il est probable que ce soit aux aborigènes, dravidiens et autres, qu’est dû l'apport du culte des idoles.

     Le culte des idoles est indissolublement lié à la science de la dévotion (bhakti). J'emploie à dessein le mot science, car la dévotion telle qu'elle est pratiquée aux Indes dans les milieux cultivés est loin d'être une manifestation déréglée d'émotions religieuses. Les émotions religieuses et de dévotion, la manière de les diriger, de les purifier et de les entretenir ont été soigneusement étudiées dans de nombreux ouvrages, en particulier ceux du vishnouïsme et ceux du dakshinâchârya tantra, et dans les hymnes alvars du sud de l’Inde. Je me souviens qu'un jour, à Vrindâvan -  la capitale du vishnouïsme et du culte de la dévotion – un  pandit vishnouïte bien connu a fait une démonstration à ce sujet au cours d'un de ses katha-s,  (conférence religieuse). En développant le thème de la conférence, le dit pandit passa tour à tour par des états d'émotions religieuses des plus variés, depuis la tristesse et des larmes invoquant le Bien-aimé jusqu'à la joie délirante que donne la première vision du Divin. Le pandit pouvait à volonté donner libre cours à une émotion, et brusquement la couper et passer à une autre. Il nous démontra ainsi que la véritable bhakti signifiait "jouer avec les émotions, et non être leur jouet". Le but fondamental de la bhakti est de maîtriser l'élément affectif et de le dévier vers le divin. L’idole  n'est qu'un point d'appui, un diagramme, pour fixer l'esprit sur un point tangible.

    L'hindou cultivé ne vénère pas tant l’idole en  pierre ou en bois que le symbole qu'elle représente. La fête annuelle de la Durga poujâ (aux environs du mois d'octobre) célébrée avec beaucoup d'éclat au Bengale illustre bien ce fait : la fête commence le 7e jour de la lune ascendante et finit le 10e, une nouvelle idole est généralement commandée spécialement pour cette occasion à un artiste, elle est  constituée d’une  figure humaine en argile peinte et richement décorée et entourée de ses idoles satellites. Le rituel du premier jour de la fête est centré autour de ce qu'on appelle le prâna-pratishthâ, effectué par un prêtre brahmane expert    dans les poujâs en face d'un public plus ou moins nombreux selon les circonstances.
    Le deuxième jour, l'idole étant censée être devenue une jagrat mourti, une idole éveillée, le rite régulier d'adoration se fait selon les formules consacrées spéciales à la Durgâ poujâ. Le troisième jour, c'est la cérémonie des adieux à l'idole. Les mantra-s et moudrâ-s (formules  sacrée et gestes rituels) du prêtre ont pour objet de retirer l'insufflation de vie qu’il a donnée le premier jour. Enfin le quatrième jour de la fête, le vijaya dashami le dixième jour de la lune ascendante, l’idole, ayant joué son rôle, est noyée en grande pompe et avec beaucoup de vénération dans le Gange ou une autre rivière, selon les localités.

       Un autre aspect de la dévotion des hindous est particulièrement frappant pour les observateurs venant d’Occident, c'est l'attitude de tendre familiarité qu'ils ont avec leurs dieux et le divin en général. Car Dieu est avant tout et en dernière analyse l’antaryamin, le maître intérieur, Celui qui réside dans notre propre cœur et qui n'est autre que l'essence même de notre personnalité. D'ailleurs, les hindous ne manquent pas de "blaguer" leurs dieux à l'occasion. Il est vrai que le plus souvent, il s'agit de ceux des sectes secondaires. L'histoire suivante racontée dans les Pourana-s en est une illustration : Shiva, dans son aspect propice, est réputé être un "bon enfant". Son culte est des plus simples. Un peu d'eau, quelques feuilles de l'arbre bel offertes avec dévotion suffisent pour le rendre favorable. D'ailleurs, il est touché par la moindre marque de dévotion et sa bonté frise quelque fois la naïveté : parmi ses fervents adorateurs, il y a même des démons, asoura-s.

      L'un de ces démons (ou titans) nommé Basmasoura fit jadis de sévères austérités afin d'obtenir un darshan, une vision de Shiva. Au bout d’un certain temps, touché par cette persévérance, il lui apparut et lui demanda ce qu'il désirait, l'autorisant à formuler un vœu. Basmasoura répondit qu’il désirait un pouvoir magique, le don de pouvoir réduire en cendres qui que ce soit, sur la tête duquel il poserait sa main. Shiva lui accorda ce don. Basmasoura, ne se tenant plus de joie, voulut essayer immédiatement l'efficacité de ce pouvoir et tenta de poser sa main sur la tête de Shiva lui-même. Ce dernier, ne pouvant retirer le don qu’il avait octroyé, n'eut qu'une solution... C'est de s'enfuir à toutes jambes ! Et Basmasoura de le poursuivre afin de vérifier l'efficacité des pouvoirs magiques qu’il venait d'obtenir. Vishnou, voyant Shiva en difficulté, entreprit de venir à son secours. Il prit la forme d'une mohinî (une femme séductrice) et apparut devant le démon, lançant des regards aguichants. Basmasoura, aveuglé par l'amour, en oublia de courir après Shiva et suivit la mohinî ; la "séductrice" ne refusa pas ses avances, mais lui dit qu’un rite purificateur serait de rigueur. Elle lui fit prendre un bain dans un étang tout proche, et l'assura qu'une danse rituelle était nécessaire. Elle recommanda Basmasoura de bien la regarder faire et d'imiter scrupuleusement tous ses mouvements. Elle commença la danse et Basmasoura, toute son attention tendue, imita ses gestes : la cadence des jambes, le mouvement ondulant des bras... Elle posa une main sur sa tête. Basmasoura en fit autant... Et le pouvoir magique que lui avait accordé Shiva se montra efficace, car il fut lui-même réduit en cendres…

    La familiarité des hindous envers leur ishta-deva (déité préférée) est calquée sur les relations inter-humaines sublimées. Chaitanya Mahâprabhou, le grand réformateur du vishnouïsme au XVIe siècle classifia les relations entre les adorateurs et Dieu en cinq catégories, les cinq bhâva-s, ou attitudes mentales : … celle du serviteur, du parent envers un jeune enfant, de l'ami, puis le shanti-bhava étant considéré comme un havre de paix. Ceci correspond peut-être à l'aspect paternel du Divin qui, assez curieusement, n'est pas mentionné par les vishnouïtes, et finalement le madhourya-bhava qui est considéré comme la forme la plus haute d'adoration et où Dieu est adoré comme le bien-aimé suprême et très cher. Le fait que les hindous adorent beaucoup d’idoles n’invalide en rien leur monothéisme. Pour l'individu éduqué religieusement, toutes les formes sont simplement différents aspects d'un seul Dieu. Ils  voient clairement l'unité dans cette multiplicité.

 

Ashrams, sadhous et râjâs

Par Bithika Mukerjee

 

 

Shrî Mâ et les sadhous

 

     Un événement important eu lieu à Vindhyachal en début mars 1943. Shrî Prabhoudatta Mahârâj, un saint bien connu de Jhunsi (juste en face d’Allahabad par rapport au confluent du Gange et de la Yamounâ), vint rendre visite à Shrî Mâ. Protima Dévî d’Allahabad l'avait amené jusqu'à l'ashram au sommet de la colline. Bien que Shrî Mâ soit connue au Bengale, elle n'était pas encore entrée en contact direct avec la sadhou-samâj, la société des sadhous du  nord de l'Inde. Dans notre religion, tous les renonçants appartiennent à des ordres ascétiques bien définis. Ils suivent des écoles spécifiques de pensée et préservent leur identité sous forme de fraternités distinctes. Shrî Mâ n'était rien de tout cela. On interdisait aussi aux sadhous d’avoir de la familiarité envers les femmes et il se trouvait que Shrî Mâ était une femme en vêtements blancs ordinaires, elle menait la vie commune en étant simplement dans ce monde.


   Prabhoudatta Mahârâj, comme les événements postérieurs l'ont prouvé, a reconnu Shrî Mâ malgré tous ces déguisements. Il s'est prosterné en face d'elle. Il était aussi une personne qui aimait beaucoup s'amuser. Il rendit l'atmosphère de l'ashram pleine de gaieté. Shrî Mâ répondait en appréciant son sens de l'humour et en y ajoutant beaucoup de ses propres tours. Une fois au repas de midi, il se mit à manger des quantités énormes afin que Didi qui servait la nourriture soit forcée de dire : "Il n’y en a plus!" Aussitôt que Shrî Mâ a réalisé ce qu'il souhaitait faire, elle amassa tellement de nourriture de différentes sources qu'il fut obligé d'abandonner et de reconnaître sa défaite, ce qui évidemment amusa beaucoup tout le monde.

    Cette rencontre fut le début d'une histoire d'association fructueuse entre les ascétiques en robe orange de notre pays et Shrî Mâ. Dans les années qui suivirent, à l'invitation de Prabhoudattaji, Shrî Mâ se rendit de nombreuses fois à Jhunsi  à notre plus grande joie. Bindou et ses amis entreprirent pour là-bas des voyages innombrables sur leur bicyclette,  pendant que nous traversions la rivière en train, en tonga ou ekka (deux différents types de voitures à cheval), par bateau ou même une fois en passant à gué à travers les eaux peu profondes du Gange jusqu'à l'autre rive. (p.88)

 

    Il avait été décidé que Shrî Mâ serait présente dans une Durgâ poûjâ située dans un hall  dédié à Krishna. De telles anomalies n'ont jamais troublé les gens proches de Shrî Mâ.. Quand je me souviens de ces jours-là, je suis bouleversée par la manière magnanime et le naturel de sa présence qui tenait envoûtés tous ceux qui s'approchaient d'elle. Nous avions recours à Didi pour nous dire quoi faire, car Shrî Mâ était assise là, pleine de beauté pure et de grâce, pendant des heures d'affilée jusqu'à ce qu'on lui demande de prendre du repos pour un moment, ou un repas, ou un verre d'eau. En ce qui concerne Shrî Mâ,  il n'y avait pas de cercle extérieur ou intérieur. Didi savait cela dans le cœur de son cœur, tout comme ceux qui avaient le privilège de la servir. A certains moments, elle pouvait demander toutes sortes de services à quelqu'un qui était complètement étranger ou de la personne la plus maladroite de sa suite, telle que moi-même. Ce que j'aimais le plus, c'était de manier l'éventail à quelque distance de Mâ ! (p. 94)

 

   Mes amis connaissaient mon allégeance à Shrî Mâ,  mais ne partageaient pas mes sentiments à son sujet bien qu'ils aient été pleins de respect et de compréhension. Je me souviens d'un incident intéressant qui eut lieu à cette époque Nous avions été à la gare recevoir Shrî Mâ lors d'une de ses visites à Allahabad. Là-bas, j'ai rencontré une amie de classe, Shivanî, qui était également venue pour accompagner quelqu'un qui partait par le même train. Nous étions en train d'attendre celui-ci, et elle m’exprima ses réserves sur le fait de montrer un respect si exagéré à une personne qui, après tout, n'étaient qu'un être humain. Elle était sceptique à propos de notre dévotion à Shrî Mâ. Le train arriva, Shrî Mâ descendit sur le quai ; cela m'a amusée de voir Shivanî qui s'inclinait très bas pour faire pranâm quand Shrî Mâ passait devant nous sur le chemin de la sortie. Quand je lui demandai pourquoi elle s'était inclinée devant un autre être humain, elle dit : "Eh bien, c'était involontaire - elle a réellement une présence majestueuse !"

    Pour nous, le monde quotidien, réel des activités à l'université, des engagements sociaux, des tâches ménagères routinières apparaissait dénué de substance et d’importance. Nous comptions les heures et les jours qui nous séparaient de notre prochaine visite à Shrî Mâ. Les autres familles proches de Shrî Mâ devinrent comme nos proches parents,  tandis que les gens qui pouvaient revendiquer des relations de sang avec nous se transformèrent progressivement en étrangers à cause du manque de réciprocité et d’échanges possibles.

   La confiance profonde et concentrée de ma mère envers Shrî Mâ était comme une aura bénéfique d'approbation et de soutien. Il arrivait que mon père exprimât sa méfiance à propos des infractions commises à trop de conventions. Personne n’allait vivre dans les ashrams à cette époque, et courir après une "Mâtâjî" représentait un comportement qui était à la limite de la provocation. Les méthodes orthodoxes de pratiquer incluaient des visites de temples, la célébration des fêtes religieuses et l'observation occasionnelle de rites et de cérémonies à la maison présidés par le prêtre de famille. Mais cependant, mon père avait en lui-même une vraie dévotion. Il ne visitait pas l'ashram très souvent mais écoutait les comptes-rendus de nos visites avec un vif intérêt. La preuve complète de son engagement et de son abandon profond aux pieds de Shrî Mâ ont été fournies au fil du temps. Il n'était pas du genre démonstratif, mais on pouvait voir que Shrî Mâ lui demandait toutes sortes de services sans aucune hésitation, comme elle le faisait avec ses anciens fidèles de Dhaka.

   Nous en sommes venus à très bien connaître Prabhoudattaji Mahârâj. Il était d'une compagnie très agréable pour des jeunes. Sa nature exubérante et extravertie pouvait galvaniser les groupes de gens  les plus posés. Il avait sa manière de lancer de grandes claques sur le dos des jeunes gens qui ne se méfiaient pas, ainsi donc chacun avait appris à être très agile quand il s'approchait. Une fois, par jeu, il m’expédia un coup de poing dans le dos entre les omoplates. Je pense qu'il ne connaissait pas sa propre force. Je tombais pratiquement sur les genoux. J'étais debout près du lit de Shrî Mâ. Je m'y raccrochais et me glissais derrière lui en m’agenouillant dans le dos de Shrî Mâ qui parlait à Prabhoudattaji. Soudain, je m'aperçut tout d'un coup que Shrî Mâ avait sa main sur ma tête. Elle avait reculé son bras à l'intérieur de son châle pour me toucher, afin que personne d'autre ne puisse remarquer cela. Je m'arrêtai de trembler et d'être sous le choc. Certaines personnes se souviendront qu’à cette époque, j'étais une jeune fille plutôt fluette. Seule Shrî Mâ avaitremarqué mon état et s'en était souciée d'une façon tout à fait discrète. (p. 98)

    Durant cet hiver de 1944, les jeunes filles du Kanyâpîth étaient aussi venues à Vindhyachal pour se changer d'air.  Shrî Mâ allait souvent à pied avec elles jusqu'au terrain plat sur le sommet de la colline  afin qu'elles puissent jouer ou courir. Une fois, Maunima lança un défi à Shrî Mâ pour une course à pied. Comme Maunima était beaucoup plus légère, nous nous attendions à ce qu'elle gagne facilement, mais nous avons été très heureuses et surprises de  voir que Shrî Mâ la sema tout à fait facilement. Elle ne courait même pas, elle marchait simplement très vite !

 

 Shrî Mâ organise le mariage de ma sœur Rénou.

 

    L'épisode du mariage de ma sœur Rénou avec N.P. Chatterjee a été l'objet d'une grande controverse, et a eu lieu en début mars 1945 au Bengale. Si mes souvenirs sont bons, cela a été le seul khéyala pour lequel Shrî Mâ a dû donner ("a choisi" de donner)  toutes sortes d'explications répétées à travers le pays à ses anciens fidèles aussi bien qu'à de simples étrangers. Shrî Mâ continuait le silence qu'elle avait adopté à Vindhyachal au début de la même année. Elle parlait d'habitude les jeudis et une partie des vendredis. Le soir, elle rentrait de nouveau en silence. De façon surprenante, Didi pouvait interpréter ses regards et le moindre mouvement de ses doigts. Didi elle-même ne savait pas comment elle était capable de faire cela !

    Je vais écrire ce compte-rendu du point de vue de ma famille. Rénou avait voyagé avec Shrî Mâ depuis un peu plus d'un mois. Un jour, mon père a reçu la lettre d'un proche de Didi disant que le mariage de Rénou avait été organisé pour mars par Shrî Mâ. Ils étaient bouleversés. Ils se débattaient avec des douzaines de suppositions et de questions : "Pourquoi quelqu’un  devrait parler de mariage sans consulter auparavant les parents de Rénou ? Qui était le marié ? Pourquoi ce moment-là ? Est-ce qu'il s'agissait  d'un brahmachârî de l'ashram ?" etc. etc.. Pour moi, d'une façon étrange, je n'avais pas d'appréhension. "Pourquoi devriez-vous vous inquiéter ? Didi écrit tout à fait clairement qu'il s'agit du khéyala de Shrî Mâ. Donc, rien ne peut aller de travers. Après tout, Mâ elle-même est là, donc tout ce qui arrivera sera juste." Ma conviction a eu quelque effet sur l'agitation de mon père. Il se calma…

   Il s'est avéré qu'il y avait  des années, ma mère avait rencontré Jyotida (N. P. Chatterjee) auprès de Mâ, elle avait aimé sa présence et son style et avait demandé à Shrî Mâ si elle devait proposer à ses parents Rénou comme son éventuelle future épouse. Shrî Mâ avez accepté à ce moment-là, et dans son khéyala, le mariage avait donc déjà été accompli à cette époque. Cependant,  il y avait eu des obstacles, et l'idée avait été abandonnée.

   Rénou savait qu’elle serait mariée, mais qu'il s'agirait simplement d'un mariage blanc, puisque Shrî Mâ avait reconnu son aspiration pour une vie de détachement vécue dans son aura et avec sa grâce. Le problème était que Jyotida se trouvait être déjà marié. Cependant, il semblait accepter cet arrangement souhaité par Mâ. Elle avait expliqué clairement à Jyotida, sa femme Shanti et Rénou qu'il s'agirait de simples liens spirituels. Rénou resterait avec ses parents ou dans l'ashram comme elle avait l'habitude de faire. Ni elle, ni Jyotida n'auraient aucun droit ni devoir l'un envers l'autre.

   Pour mon père, cela a dû être une décision très difficile à prendre : Rénou était sa fille aînée pour laquelle il prévoyait un bon parti comme tous les parents,  mais en acceptant le mariage arrangé par Mâ, il allait l'empêcher de mener une vie ordinaire heureuse dans le monde. Le kaléidoscope des expériences de notre famille, de vie et de mort, de maladie et de santé, de succès et d’échecs, de joie et de chagrin etc., rétrospectivement pâlit,  mais ce grand moment dans la vie de mon père où il a été à la hauteur de la situation et de l'attente de Shrî Mâ, cela ne s'est pas atténué dans ma mémoire. Par cet acte de loyauté et de foi, il a créé un lien entre le khéyala de Mâ pour toujours envers tous les membres de notre famille jusqu'à nos nièces et neveux. Je ne sais pas si oui ou non nous méritions ce khéyala individuellement, mais nous avons effectivement hérité de ce trésor précieux comme chacun de nous le reconnaîtra si on le lui demande. Nous ne nous sommes jamais sentis isolés, effrayés de ce qui pourrait nous arriver, parce que nous nous sommes toujours sentis protégés par l'aura de la présence de Shrî Mâ dans nos vies.

   Un autre événement qui était parallèle au mariage de Rénou a été celui d'Abhayda. Nous avons appris cette nouvelle après être arrivés sur le lieu du mariage de Rénou. Nous connaissions Abhayda comme un jeune homme plutôt extravagant, mais plein de charme et complètement consacrée à la vie ascétique. Il était très proche de notre famille. D’une certaine façon, la nouvelle de son mariage imminent nous a choqués plus que celui de ma sœur. Une jeune fille du Kanyâpîth, Jamounâ, avait été choisie comme sa promise. Shrî Mâ avait d'abord suggéré une autre jeune fille, mais la mère de celle-ci à l'évidence n'était pas l'accord car elle a immédiatement emmené sa fille jusqu'à Calcutta. J'espère que personne ne serait choqué si j’écris que le mariage d'Abhayda a été une sorte de soulagement au milieu du drame sérieux de l'autre épisode. Mon père rencontra une fois Abhayda en train de porter quelques saris que Didi lui avait demandés d'acheter. C'était une scène tellement étonnante que l'humeur sombre de mon père s’évanouit complètement. Il éclata de rire et dit tout joyeux : "Vraiment, Shrî Mâ peut réussir l'incroyable. Si Abhaya va devenir  père de famille, alors tout est possible !"

    Au point du jour, Jyotidâ (le marié « blanc ») et moi-même partirent pour une petite promenade dans la campagne. Pour la première fois, je me sentis un peu triste pour lui. Son rôle dans toute cette affaire avait été certainement le plus difficile. Ma sœur, après tout, n'attendait rien de ce mariage, ainsi donc elle n’allait vers aucune déception. Jyotîda aussi ne gagnait rien mais il perdait beaucoup, parce que pendant toute sa vie, les bavardages et médisances allaient le poursuivre quand il gravirait les échelons de sa carrière et de son succès dans le monde. Il m'avait expliqué que personne ne comprendrait ses motifs, ou plutôt son absence de motifs dans tout cela. Même ses enfants plus tard dans leur vie pourraient peut-être lui faire des reproches. J'ai compris maintenant pourquoi Shrî Mâ a dit qu'il serait "yogirâj" à l'avenir. C’était maintenant qu’était l'avenir pour lui. Il semblait que ce mariage  ordonné par Shrî Mâ  pour lui était en fait le don de la robe orange du sannyâs en esprit, si ce n'est en réalité. (p.114)

    Le gros de l'opprobre de cette affaire a été supporté par Shrî Mâ elle-même. Où qu’elle ait pu aller, on lui posait des questions à propos de ce mariage. Quand elle vint à Vârânasî, Moukti Mahârâj exprima son désagrément dans ce langage guère poli qui était typiquement le sien. De plus, étant donné que ma sœur devait se consacrer au service de l'ashram, tout le monde était bien disposé à son égard. Moukti Mahârâj réprimanda Shrî Mâ pour ruiner la vie d'une jeune fille. Shrî Mâ expliqua son khéyala répétitivement au sadhou. Avec des larmes dans les yeux, elle dit : "Baba, crois-moi,

    quelque chose qui ne soit pas heureux (a-mangala) ne peut arriver à qui que ce soit par l'intermédiaire de ce corps. (En bengali : Ai sharirer duara, karur, amangala hoi na). Ce qui a été fait l’a été pour le bénéfice des gens concernés. Tu ne vois pas le début et la fin des choses, simplement la petite partie qu'il y a au milieu. Pourtant, l'étendue des samskâras est vaste en réalité, eux qui relient bien des vies ensemble." Shrî Mâ, en général, ne donnait pas d’explications de ce qu'elle faisait. Elle avait dit une fois à Abhayda : "kaifiyat dewa na", "n'attendez aucune explication de ce corps". Pourtant, dans ce cas, Shrî Mâ continua à donner son attention complète à toutes sortes de questions qu’on soulevait en sa présence, la plupart critiques et répétitives, jusqu'à ce que ce grand événement commence à perdre de son pouvoir sur l'imagination des gens.

    J’aimerai aussi écrire un épilogue à cette affaire. L'année suivante, c'est-à-dire en 1946,

    il s’est trouvé que nous avons visité de nouveau en compagnie de Shrî Mâ Bahrampour où avait eu lieu le mariage de Rénou et Jyotidâ, ainsi que Navadvîp. Je fus stupéfait et navrée de lire un tract publié localement qui décrivait le mariage en des termes sensationnels. J'étais très en colère et dit à Shrî Mâ que je demanderai à mon père d'entamer un procès contre l'auteur du pamphlet. Shrî Mâ me parla gentiment, tapotant ma tête et mes épaules : "Ne sois pas agitée! Toutes ces choses  sont éphémères. Si on les laisse à elles-mêmes, les gens les oublieront très bientôt. Laisse le temps passer, laisse le temps passer." Et il en fut ainsi. (Extraits entre p.103 et p. 116)

                         Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

 

Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante

Par Jean-Claude Marol

Jean-Claude M  

 

Ce texte a été repris d’un site internet où Jean-Claude Marol, avant son décès en octobre 2001, avait écrit une synthèse sur Mâ

 

"Vous voulez être libre ? Alors soyez comme l'oiseau échappé de sa cage, sans regret pour ce qu'elle lui offrait de nourriture et d'abri, et qui s'élance en plein ciel".

 

Jamais dans l'histoire des cultures de notre planète une aussi grande foison d'enseignements de toutes provenances n'a été révélée. L'Apocalypse est au sens littéral : Révélation. Certains se réjouiront de vivre ces temps apocalyptiques.

La ruée "gurumaniaque" de ces dernières décennies ne doit pas nous empêcher de déceler ce qui souvent discrètement, sans mise en scène est mis à notre portée aujourd'hui. "Grâce"... peut-être aux bouleversements de notre époque, de grands témoins de différentes traditions spirituelles de notre planète se sont trouvés mêlés à nos vies. Après le tamis de ces trente dernières années, on s'aperçoit que ce qui survit à nos exaltations orientales aura été souvent le plus discret. À côté de l'Inde des "gurus pour Occidentaux" il y a une Inde sans "effets spéciaux" et ses maîtres qui ne viennent pas fatalement en Occident. Le partage se fait néanmoins. Nous sommes sur une même planète et les vents librement courent d'un continent à l'autre. Une femme à l'immense renommée dans son pays n'a jamais quitté la terre de l'Inde. Il n'était pas toujours facile aux Occidentaux de l'approcher. Elle allait, insaisissable souvent, d'un lieu à l'autre. Toujours chez elle où qu'elle aille... Nous avons fêté en 1996, le centième anniversaire de sa naissance.

La Belle tourbillonnante

Au VIIIe siècle, Sankara, à qui chacun fait référence pour expliciter une vision non-dualiste de la réalité, dédia un chant à la grande Déesse : Le SAUNDARYA LAHARI ("le tourbillon de la Belle"). On y trouve :

"Il n'y a pas en ce monde
de plus perdu que moi.
Toi seule
peut vaincre mes erreurs.
Déesse, souviens-toi de cela.
Maintenant, fais comme il te plaît."

L'Inde a le secret de ces comportements paradoxaux. Ainsi avoir tout à la fois, l'esprit caustique et détaché, et une dévotion totale ! Ces dernières décennies une "Belle tourbillonnante" a traversé ce continent indien et bien plus que ce continent. Ses proches l'avaient nommée "Toute joie", ANANDAMAYI. Elle n'a eu à proprement parler aucun "disciple", mais des foules d'êtres ont été (sont) emportées dans son tourbillon. D'elle-même elle a dit : "S'il y avait la moindre conscience de moi, je pourrais dire qui je suis. Comme ce n'est pas le cas, vous pouvez choisir de dire ce que voulez". Elle précise : "Où pourrait-il y avoir transmission de maître à élève ? Il n'y a pas de corps pour cela ; ni physique, ni autre que physique. Il est dit : IL'Y A QUE L'UN SANS SECOND. Dans le Soi, il ne peut y avoir de second. La notion de deux n'apparaît que dans les opérations mentales -- En réalité "sans pieds Il marche, sans yeux Il voit".

La très proche

Dans un premier temps, et c'est bien naturel, nous pensons : "Ah ! l'Inde et ses voies spirituelles... Là-bas... ailleurs... comment se relier ? etc." Un jour, nous comprenons qu'un être tel que Mâ Anandamayi est plus proche de nous-mêmes que nous-même. Pour aborder ce "très proche", le geste à faire est de l'ordre du "moins geste". Ici, aucun effet n'est conseillé.

    La "Toute Joie" ne demande aucune autre conversion que celle qui nous fait voir enfin la "Joie" qui nous habite. La Belle tourbillonnante ne nous a certes pas demandé ni à moi, ni à mon épouse de nous rapprocher de tel ou tel courant de l'hindouisme. Elle était proche simplement et nous a, tout au contraire, aidés à nous réapprivoiser à notre propre culture. Le cheminement qui m'est propre je ne souhaite pas le développer ici ; je citerai néanmoins, pour faire compagnie aux paroles qui vont suivre, quelques vers d'un chant de Guillaume d'Aquitaine, le prince impertinent du début du XIIe siècle qui a induit ce lien si particulier à la Dame. Ce frisson du FIN AMOR, l'amour affiné nous parcourt encore. Je sais aujourd'hui que c'est au nom de cetremblement que j'ai pu très jeune VOIR (je ne sais ici quel mot employer)

Mâ Anandamayi. Guillaume chante maintenant :

"À pleine joie, il me prend d'aimer,
une joie dont je veux être comblé,
et puisque cette joie je la veux retrouver
je dois bien -- si je peux -- mieux aimer.
Car, pour mon honneur et sans prétention aucune,
je gage sur le meilleur de ce qui se peut voir et entendre.

Moi, vous le savez, je ne suis pas du genre à plaisanter
ou à ressasser de grands compliments,
mais si nulle joie ne peut fleurir,
qu'au moins celle-là avant toute autre sorte de graine
et s'il n'y en a pas d'autre, qu'elle au moins resplendisse
comme le soleil transperce un jour sombre.

Aucun homme ne peut s'en façonner de telle, 
ni la vouloir, ni la désirer
ni la penser, ni la rêver.
Telle joie ne se peut... "trouver".
Et pour qui veut la louer une année entière n'y suffira pas.

Toutes les joies se font humbles
et tout autre amour se soumet
devant ma Dame au bel accueil
au doux regard, et l'homme vivra cent ans
qui saura sa joie-aimante saisir".

C'était le chant du premier troubadour, Guillaume IX à la "toute joie". Ce chant, toujours, tourbillonne; un tourbillon pour moi réactivé par la rencontre déflagrante avec Mâ Anandamayi.

Devant nous

À la nuit tombée un couple de jeunes Français traverse tout Bénarès, deux automates exténués, désespérés de ne pas avoir vu Mâ de la journée. Une circonstance peut-être splendide, peut-être aberrante, les avait tenus éloignés. Ils ne savaient plus rien. Ils voulaient seulement, absurdement, obstinément voir Mâ Anandamayi en pleine nuit. Ils arrivent, l'ashram est silencieux. Leur ami "Swami bonjour" qui est allongé près de l'entrée, les accueille, incrédule. "Quand Mâ est dans sa chambre, elle n'en ressort que le matin suivant... Allez vous reposer, vous ne pouvez pas attendre demain ?" Le swami parlait bas pour ne pas troubler le silence. Son bon sens nous accable. Nous allons repartir. Soudain... Mâ est là, devant nous (nous ne l'avons pas vue venir) deux guirlandes à la main. Elles nous les lance ! Après, nous ne savons plus... La nuit n'est plus la même ! Il m'aura fallu ainsi qu'à mon épouse, vingt ans de silence pour oser un témoignage de ce type, pour oser même parler de Shri Mâ Anandamayi. Cette "Toute Joie" avant tout se donne à vivre. Elle ne se prête pas trop aux commentaires... Le lecteur ne l'oubliera pas en parcourant les lignes qui suivent.

Avec tout un chacun

Des milliers de personnes de toutes appartenances (ou sans appartenance) religieuses ont été bouleversées par Mâ Anandamayi. Les gens les plus simples et les figures connues du Mahatma Gandhi, du pandit Nehru, de Madame Indira Gandhi, les maîtres de nombreuses lignées spirituelles, des érudits fameux lui rendaient un hommage inconditionnel. Depuis août 1982, nous ne pouvons plus la rencontrer dans "ce corps" (elle se nommait souvent ainsi), mais l'héritage n'en est peut-être que plus intime, plus direct. Depuis sa disparition, Shri Mâ Anandamayi prend vie dans de nombreux êtres qui l'ont approchée mais aussi, et ce n'est pas moins extraordinaire, dans de nombreux êtres qui ne l'ont jamais rencontrée de "son vivant".S'il y a inondation, être à la source, dans le lit du fleuve, ou plus loin, dans la plaine ne change rien : où que nous soyons, nous sommes emportés ! À un de ses premiers dévots qui lui disait : "Nous aurions besoin d'un ashram pour nous réunir", elle répondit : "L'univers tout entier est cet ashram".

En notre temps déchiré par de trop nombreux fanatismes, où nous nous arc-boutons trop souvent sur nos territoires (qu'ils soient géographiques, intellectuels ou religieux) entendons-la nous dire : "Ici, dans ce corps, est une relation avec tout un chacun. Ici, pas d'abris, de demeures séparées. Si vous voulez parler de demeure, il n'y en a qu'une et elle est sans limite".

La plus extrême pluralité

Pour les personnes qui ont été réellement émues par Mâ Anandamayi, je crois bien qu'aucune ne suit de la même façon, le même chemin. Comme si cette Présence se plaisait à épouser toutes les caractéristiques imaginables. Comme si l'absolue diversité était la chose la plus naturelle qui soit ; comme si pour découvrir l'unité, il fallait en même temps savoir s'abandonner à la plus extrême pluralité. Rien de tel que d'être unique pour comprendre le UN. Le UN, Lui n'a de cesse que nous "pointions" dans ce monde. Ne pas imiter, ne pas copier, sont d'évidents atouts.

"Pour réaliser le UN, dit-elle, il faut être d'un seul tenant". À chacun, à chacune de "faire un" avec soi-même. On s'apercevra sans doute un jour que c'est le bon moyen de faire un avec l'univers. Je cite là quelques phrases d'un de ses proches... "Elle n'insiste jamais auprès de quiconque pour qu'une ligne particulière de conduite soit suivie, que ce soir d'ordre matériel ou spirituel. En fait, la liberté qu'elle donne à tous nous fait souvent penser qu'il n'y a pas assez de cohésion parmi ceux qui la suivent. Cela ne la trouble pas. Elle n'est pas là pour fonder quelque mouvement spirituel que ce soit. Au contraire, toutes les croyances se dissolvent d'elles-mêmes en sa présence".

Comme un oiseau

Avant d'être nommée "Mâ Anandamayi" ("Toute Joie"), la petite Nirmala naquit dans une famille de brahmanes pauvres dans un petit village de l'actuel Bangladesh. C'était il y a un siècle, à l'aube du 1er Mai 1896. Très vite les villageois, puis les habitants de la contrée, qu'ils soient hindous ou musulmans, comprirent qu'elle était sans exclusive, présente à tous, à tout. Dès ses vingt-quatre ans, elle commença à se déplacer comme un oiseau, attirant des foules de plus en plus compactes, par toute l'Inde. Quelques Occidentaux se sont trouvés au bon endroit quand elle venait se poser, parfois quelques heures seulement, dans une ville ou un village. Elle a dit d'elle-même : "Ce corps est une marionnette, il joue ce que vous lui faites jouer. Ce corps répond aussi au cri fervent de ceux qui ne l'ont jamais rencontré... Qui suis-je ? On peut dire qui l'on est si l'on a une perception de soi-même : je n'ai pas cette perception. Alors je suis ce que vous voulez que je sois".

Mâ Anandamayi s'est offerte à quantités d'approches de "Dieu", l'approche "sans dieu" ayant aussi sa place à ses yeux. C'est sa troublante singularité : elle ne préconise pas une voie idéale pour atteindre un but donné d'avance. Elle encourage chacun sur sa voie. Ultimement, elle dira : "Une direction donnée permet d'atteindre un but donné. Tout le reste par ailleurs est hors d'atteinte. Mais quand la différence s'évanouit entre CE QUI S'ATTEINT et CE QUI EST HORS D'ATTEINTE, alors CELA se révèle".

Le sang de votre sang

Mâ Anandamayi n'est pas circonscrite par ces quatre-vingt-six années où l'on pouvait voir son corps. Elle a dit une fois : "Ce corps, vous l'avez tous désiré : maintenant vous l'avez. Alors, jouez quelque temps avec cette poupée !" Elle a dit cette fois-là, dans le même élan: "Je suis ce que j'étais et ce que je serai. Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez et dites...".

Quelques grands êtres réveillent par leur présence physique toute notre ardeur à voir ce qui est, de tout temps, présent. Et puis ils disparaissent : il faut qu'ils disparaissent pour que quelque chose de cette présence s'actualise en nous. À nous de réaliser, goutte à goutte dans un premier temps, puis à grandes gorgées, puis enfin sans compter, que nous sommes dans leur proximité. Anandamayi est ce qui nous est le plus proche : "Les os de vos os, le sang de votre sang..." a-t-elle dit. Pour cela, il n'est pas nécessaire d'avoir rencontré celle qui a vagabondé en Inde. Il n'est pas nécessaire de comprendre le hindi, ni le bengali, ni d'être hindou. C'est une merveille, que beaucoup aient ri à ses jeux de mots, aient entendu ses rires en avalanche. Mais ses paroles aux tons si variés qui s'adressaient à des familles d'esprit différentes, s'adressent aussi à nous aujourd'hui. Ces derniers mois pour composer mes trois livres dédiés à Mâ pour le centenaire de sa naissance*, je me suis aventuré dans des dizaines de livres rapportant des paroles et des événements de sa vie. Je me laissais mener... Comment expliquer l'éblouissement de ces mots rencontrés ? Comment dire, sans paraître fou ou prétentieux, que cette moisson s'est faite en Sa présence. Les Évangiles sont invraisemblablement actuels. Certaines poésies, certains textes dits "sacrés" aussi. De la même façon, le "bric-à-brac" de Mâ Anandamayi (elle nommait ainsi ses propos : "tooti phooti" en bengali) est foudroyant. Enfant, on me disait parfois que j'avais la tête durecomme du fer... Si cela peut aider à conduire la foudre des paroles de Mâ,alors tout est bien ! Soyons joyeusement foudroyés ! "Sans rien forcer", ajouterait-elle peut-être en riant. Elle riait souvent! Écoutons-la nous dire avec humour ; "le fruit le plus succulent est celui qu'on laisse mûrir tranquillement sur sa branche". Alors vivons en toute patience... en toute urgence !

De plein fouet

"Jo ho jahaye !... (Que ce qui doit être soit !)" s'exclamait souvent Shri Mâ Anandamayi, en faisant tourner malicieusement ses mains devant son visage. Tout compte fait, s'il est dit que nous devons la prendre de plein fouet, comme un coup de foudre : "JO HO JAHAYE !" Et cela peut arriver maintenant...

Mahashakti (toute-énergie), Haute Dame, Déesse ou Grande Rieuse, elle va ainsi, nous entraînant dans son Jeu aisé. Elle disait en percutant les mots de sa langue, le bengali :

"Le monde (Sangsara) est un cirque où le clown (Sang) joue pour servir la réalité essentielle (sara)".

Un jour Sri Mâ Anandamayi déclara : "Pour un être accompli, ni le monde avec ses paires opposées, ni le corps n'existent. Sans monde peut-il y avoir un corps ? Qui dit que le corps existe ? Où est le nom ? Où est la forme ? Supposer que l'être accompli voit quoi que ce soit hors de lui est hors-sujet. À qui peut-il demander : "Donne... donne!" ? Le "Je veux" est précisément ce qui nous fait choir dans la réalité du corps. De plus, sans monde, sans corps, il n'y a forcément aucune action. Soyons clairs, après la réalisation de CELA, il n'y a pas de corps, pas de monde, pas d'action --  pas la moindre amorce de corps, de monde, et d'action --  il n'y a pas de "il n'y a pas"... Utiliser les mots ou pas. Garder le silence ou pas, Tout revient au même, Tout est CELA". Après l'énoncé de ces paroles, cette fois comme tant d'autres fois, devant les visages perplexes de ses auditeurs et auditrices, il se peut bien qu'elle ait éclaté de rire !

Sources

Jean-Claude Marol  

* En tout et pour tout, aux Éditions Le Fennec,
La vie en jeu, aux Éditions Accarias - L'originel
Une fois - Mâ Anandamayi, aux Éditions Le Courrier du Livre.

Autres livres parus à l'occasion 
du centenaire de la naissance de Mâ Anandamayi
:
Matri Darshan, aux éditions Terre du Ciel.
Perles de lumière, aux éditions La Table Ronde.
Aux sources de la Joie, aux éditions Albin Michel.
L'enseignement de Mâ Anandamayi 
va être prochainement réédité par Albin Michel.

 

 

"Je" suis qui?

 

J'étais là, je ne suis plus là...

Qui étais-je ? Mon corps,

enveloppe immobile et sans vie
Gît à terre. Qui étaient dedans
Avant que je ne le quitte ? Où est partie ce "je"
Qui, seul,  croyait exister ?

 

Qu'est-ce que la vie et
Qu'est-ce qu'on appelle "mort" ?

Etais- je là où je pensais être ?

Suis-je, à présent ?

Mais quel est le sens des mots et quels mots ont un sens?

 

Je me nommais, récemment encore...

Je me connaissais, je pensais,

je désirais, je voulais,

je rêvais, parfois, aussi.

Mais qui étais-je ?

 

Qui suis-je sans "moi"?
Mais, que signifie ce "moi"?
Me suis-je posée les bonnes questions
Pendant que je croyais être là?

 

Suis-je, et quelque fois, partie à
Ma recherche alors que je pensais
Tout savoir sur mon existence ?
Qui vivait dans ce corps ?

 

Parfois j'ai douté, j'ai hésité
Et j'ai souffert.
Mais, ai-je jamais
Cherché qui vivait, qui disait "je"
Sans arrêt et s'ignorait toujours ?

Hélas, j'étais si occupée
à lutter, à résoudre tous
Mes problèmes, à jouir de mon séjour
En ce corps charnel... Si présent !

Je n'ai pas eu le temps
D’y penser... Pas le temps ?

Pourquoi se mentir, maintenant ?
Maintenant ? Que veut dire ce temps?

Passé, présent, futur, ici, là,
Ailleurs, nulle part, où suis-je ? Suis-je même, mon ego disparu ?

Mon corps, vêtement inerte et absurde
Est étendu, seul, au sol...

Quelle est la signification
De tout cela ? Mais, qui

Questionne, qui cherche ? Mais qui dispose
d’un "être" pour s'interroger ?

Certainement pas ce corps superflu.

Ni ce « moi » disparu
Qui s'était tant attaché à
Son apparence précaire et illusoire !
Qui alors ? Qui parle ? Qui? Qui ?

Le silence éternel, seul, répond
A qui sait l’écouter...
Paix, paix, Paix !



Monique Manfrini le 10.05.2003

 

 

 

Nouvelles

 

 

- la tournée de trois mois de Swâmî Nirgounânanda s’est bien passée. Il a animé une retraite en fin juillet à Epernon avec Claude Portal, puis a parlé à l'école de Yoga Terre du Ciel pendant une semaine à Chardenoux. Il est passé à Assise, et est remonté sur la France pour cinq jours aux Courmettes qui furent très intense. Alain Chevillat est descendu spécialement de Chardenoux avec des amis pour animer les chants. Il doit en principe venir en février à Dhaulchina avec un petit groupe. Il a dans l’intention d’interviewer en détail Swamij et de publier un livre de ces entretiens à Terre du Ciel. Aux Etats-Unis, Swamiji a parlé devant des étudiants et a été invité pour l’été prochain à parler dans de grandes universités américaines.

- Deux voyages sont prévus avec visite des ashrams de Ma, qui sera assez brève en avril à l’occasion de la demi Kumbha-Méla qui rassemblera six ou sept millions de personnes  à Hardwar. (Voyage du 1er au 15-4), et plus prolongé dans le silence de Dhaulchina en juillet pendant 11 jours avec Swami Nirgunananda et Jacques Vigne, avant de redescendre à Kankhal pour voir Swami Vijayananda pendant quelques soirées (voyage du 2 au 23 juillet). Renseignements-inscriptions : Geneviève Koevoets  (Coordination bénévole)

 

Renouvellement des abonnements

 

 

La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs abonnements. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou pour les nouveaux, il est possible d’envoyer un chèque de 12 € à l'ordre de Jacques Vigne à Magali Combal.

Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.

 

 

Table des matières

 

Réponses de Mâ                                                                p.1

Une sélection de réponse de Vijayânanda par Prémamayî   p.3

Sur les traces des yogis par Vijayânanda                           p.7
Ashrams, sadhous et râjâs par Bithika Mukerjee            p.14

Mâ Anandamayi, la belle tourbillonante par J-C Marol       p.23

"Je" suis qui?  par Monique Manfrini                                  p.33

Nouvelles                                                                           p.35

Renouvellement des abonnements                           p.37

Table des matières                                                              p.38

 

 

 

 



[1][1] Michel Jourdan La vie d'ermite Albin Michel/Spiritualités vivantes étudie la vie érémitique dans les principales traditions et le livre récent de Dominque du Moizon A la rencontre des ermites d'aujourd'hui  aux éditions Nouvelle Cité parle des ermites actuels en France, il en a dénombré environ trois cent.

[2][2] Rûmî Odes mystiques  Kliencksieck 1973, p.93

[3][3] Edwar Lazar,editor Tibet The Issue Is Independence Full Circle Delhi 18-19 Dilshad garden GT Road Delhi 110095 Inde



[i][1]  S.D Maheshwari Param Sant Tulsi Saheb biography and poems Soami Bagh, Agra, p.31

[ii][2] Sant sangrah, op.cit... p.60

[iii][3] JR Puri and KS Khak Sultan Bahu Radha Soami Satsantg, Beas, Punjab, 1998, p.127

[iv][4] Id. p.134

[v][5] The Spiritual Heritage of Tyagiraj, Ramakrishna Math, Mylapore, Chennai 600004, p.110

[vi][6] Id.. p.592

[vii][7] cité par Sawant Singh, The Philosophy of the Masters, complete edition, vol IV, Radha Soami satsang, Beas, 1967, 1997, p.164

[viii][8] Ibid p.165

[ix][9] Ibid; p.175

[x][10] Ibid; p.143

[xi][11] G.N.Das op.cit... p.89

[xii][12] Ibid  p.73

[xiii][13] Dr Francis Lefébure Le Nom naturel de Dieu -Om et les mantras Editions Jacques Bersez

[xiv][14] Id. p. 12 et 24

[xv][15] Lefébure  Le mixage phosphénique en pédagogie Editions Jacques Bersez

[xvi][16] Lefébure Le Nom naturel de Dieu op.cit. p.35

 

 

 

Le shivaïsme du Cachemire et l'union de Shiva et Shakti

 

par Jacques Vigne

 

   Nous allons maintenant parler plus spécifiquement du mariage de Shiva et Shakti grâce aux notions développées par le Shivaïsme du Cachemire. Il s'agit d'une école qui a culminé vers les IXe et Xe siècle et est illustrée par Utpaladeva et Abhinavagupta. Elle est non-dualiste mais fait, cependant, une place importante à la relation de Shiva et Shakti ainsi que le troisième terme, souvent décrit comme le troisième sommet d'un triangle et qui n'est autre que l'être humain. Dans une représentation intéressante de Shiva et Shakti androgyne, la moité correspondant à Shakti tient en main un miroir dirigé vers Shiva. H.V. Dehejia, qui est un indien enseignant les religions au Canada, prend ceci comme le symbole de toute la tradition Trika (c'est-à-dire du Shivaïsme du Cachemire, basé sur des triades comme Shiva Shakti et l'être humain, etc...) et a écrit un livre entier là-dessus, le Pârvatî darpanam, le miroir de Parvati (Shakti)[xvi][16]. L'idée de départ est que la conscience fondamentale (Shiva) a besoin d'un objet (Shaktî) pour prendre complètement conscience d'elle-même. Il y a une sorte de synthèse du dualisme et du non-dualisme dans cette relation, c'est pour cela que le Shivaïsme du Cachemire s'est désigné lui-même sous le nom de parâdvaïta, au-delà du dualisme et du non-dualisme. Parvati a été Satî, la première femme de Shiva, dans une vie antérieure, qui lui a été complètement dévouée (sati avec un i bref signifie «offrande» ou «destruction»). Le miroir rappelle aussi ce lien  à Shiva et il redécouvre une unité oubliée qui n'est autre que sa nature divine. Cette reconnaissance du divin, pratibhijñâ, en l'autre personne et dans le monde est une notion clef de cette école. Au début, le je, aham, est isolé puis se reconnaît dans l'objet aham idam, et enfin dans la forme du monde entier, aham idam vishva-rupam.

   Pârvatî représente aussi l'âme humaine qui cherche à s'unir à la conscience pure (Shiva). Elle est la fille du dieu de la montagne, Pârvat et la tradition dit qu'elle a fait pénitence dans l'Himalaya à Triyugi-narayan. Il s'agit d'un lieu de pèlerinage dont le nom signifie le Seigneur des trois ères (l'âge d'or, etc.). Il est situé en face du cirque de montagne de Kedarnath qui comporte des pics à plus de 6000 m et un temple à Shiva, près d'une des sources du Gange. La vue y est grandiose et l'on se sent récompensé après une montée de la vallée plutôt impressionnante, tellement la pente est forte. Pârvatî est venu répétitivement demander à Shiva de redescendre de son extase intemporelle pour l'épouser. Cela évoque symboliquement la nécessité pour l'aspirant spirituel de réussir le mariage du temps et du non-temps, de l'éternel et du quotidien. L'union de Shiva et de Pârvatî-Shaktî s'appelle sama-rasya, mot qui est pratiquement identique à sama-rasa (le même goût), signifiant équanimité dans des écoles de Yoga comme celle des Naths : pour eux, c'est une notion qui est pratiquement synonyme du Soi. La consommation du mariage intérieur comble tellement qu'elle fait atteindre une stabilité totale, indépendante des hauts et des bas de la vie extérieure. Il n'est pas exclus de voir un rapport entre cette stabilité totale qui est l'idéal des Naths et le sens même de leur nom, ce sont littéralement les «seigneurs».

   Puisque nous avons insisté dans les parties sur l'ascension intérieure et le yoga de l'union des canaux sur l'importance de l'axe central, nous pouvons relever l'importance du madhya-bhava, de l'état du milieu dans le shivaïsme cachemirien[xvi][16].  C'est cet état de vide, de suspension entre deux pensées, entre l'inspir et l'expir, entre veille et sommeil ou entre le jour et la nuit qui favorise particulièrement la révélation du Soi. Cette notion s'applique aussi à cette colonne de vide qui sépare les moitiés droite et gauche du dos, d'après le Yoga.

   Elisabeth Chalier-Vishuvalingam, qui a vécu longtemps à Bénarès et enseigne maintenant à l'Université de Chicago, a écrit une étude sur l'union et unité dans le tantrisme hindou[xvi][16].  Elle cite une réflexion intéressante d'Abhinavagupta à la fin d'un de ses textes : «Le corps lui-même est le lingam (pierre dressée, symbole) suprême, est Shiva. Il est le mandala principal composé du triple trident (les trois canaux d'énergie), les lotus, les roues (les chakras) et le vide éthérique, âkâsha, l'espace du coeur qui est aussi celui de la conscience pure). C'est là que les cercles des divinités doivent être adorées incessamment, à la fois intérieurement et extérieurement.»[xvi][16] J'ai relevé cette réflexion, car elle correspond en fait au travail qui est tenté dans le présent ouvrage à propos de la Bible. On cherche à intérioriser les scènes qui y sont racontées, les installer dans le corps sous forme de visualisation, afin de pouvoir les vivre avec intensité et «incessamment», c'est-à-dire afin de les porter en soi.

   L'axe central du corps, sushumna, a un nom qui ressemble à smashana, la crémation des corps sur le bûcher funéraire. C'est dans cette axe que le «corps» des pensées vient se consumer, se transformer en lumière et chaleur, c'est-à-dire en énergie. Tout ce processus se déroule sous l'égide de Bhairava, le protecteur des champs de crémation et la forme suprême du Divin pour le shivaïsme du Cachemire[xvi][16].  Dans le même ordre d'idée, il y a une proximité signifiante de deux mots, chit, la conscience et chitâ, le bûcher funéraire, l'idée commune entre les deux étant sans doute le rassemblement, qu'il soit de morceaux de bois ou d'idées.  En fait, il existe même un mot féminin, chiti, qui a les deux sens.  Je remercie Jean Dupuche d'avoir attiré mon attention sur le fait qu'Abhivanagupta médite de façon signifiante sur cette homonymie dans le Tantraloka[xvi][16].   D'un point de vue plus yoguique, sur le bûcher (chitâ ou chiti) de la conscience pure (chit ou chiti) brûle les «cadavres» des formes-pensées avec grande joie (ânanda), d'où un des noms de l'être absolu, chid-ânanda.

    Le frottement des canaux d'énergie qui se rencontrent est comparé à celui des morceaux de bois qu'on utilise encore aujourd'hui de temps à autre en Inde pour allumer le feu à l'occasion d'un rituel important, comme par exemple pour une prise de voeux monastiques. L'un d'eux a la forme d'un cylindre taillé en pointe et pénètre un creux taillé dans l'autre pièce de bois. On fait tourner le cylindre rapidement sur lui-même grâce à des cordes, puis on met du coton dans le creux pour recueilir le début de flamme. Les Upanishads établissent une correspondance entre cet échauffement et l'union sexuelle.

  Shiva et Shakti sont parfois décrits comme yâmala, jumeaux, c'est une façon d'exprimer l'unité dans la différence du couple parfait que nous retrouverons souvent dans la Bible. Dans son humilité, un sage peut aussi se décrire comme le frère ou la soeur de ses disciples. Lors d'une des fêtes les plus populaires de l'année hindoue, raksha bandhan, la fête des frères et des soeurs, Mâ Anandamayi mettait un bracelet, rakhi, au poignet de ses fidèles pour leur demander leur «protection», comme si elle était leur petite soeur. Bien sûr, ceux-ci interprétaient ce bracelet comme une signe de protection pour eux-mêmes.  Le gourou peut aussi méditer en miroir avec son disciple pour l'aider à «percer» ses chakras. Ceci évoque une sorte de mariage intérieur[xvi][16].

   Le Soi est au-delà des triades, que ce soient les trois états de conscience (sommeil profond, rêve et veille), les trois qualités, gunas, ou les trois corps, physique, subtil et causal. Ceux-ci sont parfois appelés les trois villes (tri-pura, et le Soi qui les habite et maîtrise est rapproché de la déesse Tripura-sundari, la «belle des trois villes» ou Tripura-antaka, «celui qui met fin aux trois villes», c'est-à-dire Shiva. Ceci fait référence à l'épisode où il a été attaqué par trois villes de fer volantes venues du ciel. Elles avaient été fabriquées par des démons pour le détruire. Shiva, contrairement aux autres dieux, n'a pas été troublé par cette agression massive, il s'est  contenté de rester en position de méditation et de sourire et les villes se désagrégèrent et disparurent comme par enchantement. En d'autre termes, l'art suprême consiste à savoir se mettre dans la position de Shiva, du Soi qui observe et sourit...

    Puisque nous parlons de Shiva dans ce livre sur le Yoga et la Bible,  nous pouvons maintenant trouver un rappochement intéressant entre celui-ci et Jean-Baptiste : malgré les différences de contexte, on sent des archétypes analogues : les deux sont vêtus de peaux de bêtes, ont un bâton à la main, habitent dans des lieux désolés et ont un rapport particulièrement fort avec le fleuve sacré de l'endroit. Jean baptise ses disciples dans le Jourdain en leur versant de l'eau sur la tête et Shiva reçoit l'eau du Gange sur sa propre tête afin de modérer la violence de sa descente sur terre et qu'elle puisse irriguer les plaines sans les inonder ou dévaster. Jean-Baptiste et Shiva ont, en fait, la fonction du maître spirituel, extérieur ou intérieur, qui permet au disciple de canaliser la circulation de l'énergie vitale (fleuve) dans la tête et la colonne afin de la rendre utile et non destructive. Cette maîtrise de l'énergie est aussi signifiée par le bâton bien tenu en main, ainsi que par le rapport de Shiva et de Jean-Baptiste avec les serpents.

   Shiva s'entoure de serpents le cou et les bras, c'est-à-dire qu'il assimile leur énergie en les domptant. Jean-Baptiste n'hésite pas à traiter ses visiteurs d'«engeance de vipères» (Mt 3 7), ce qui est une façon de montrer sa maîtrise des forces ophidiennes qui gisent au fond de la psychée humaine. Les deux figures sont en conflit avec les rois de l'époque (Hérode pour Jean-Baptiste et Daksha pour Shiva) à cause d'une femme (Hérodiade et Salomé qui est leur fille, et Satî qui est la fille de Daksha et l'épouse de Shiva), ce qui dans les deux cas mène à une décapitation, mais avec un sens différent : au temps du Christ, c'est Jean-Baptiste qui a été décapité, alors que c'est Shiva lui-même qui a décapité son beau-père Daksha, qu'il rendait responsable du suicide de protestation de  son épouse Satî.

     Jean-Baptiste était associé par ses contemporains à Elie, le maître du silence et de la méditation[xvi][16], il n'a pas attendu Jésus pour établir une relation directe avec Dieu. Il était une voix qui crie dans le désert, c'est-à-dire quelqu'un qui prend conscience directement de l'Etre vide de formes. On peut dire qu'il est le patron des ermites et de ceux qui suivent la voix apophatique, aussi appelée voix de la mystique essentielle; nous en reparlerons. De même aussi en Inde, Shiva protège les yogis qui vivent dans la solitude et ceux qui suivent la voix de la connaissance (Dakshinamurti, le maître adolescent qui enseigne en silence est une manifestation de Shiva; il est aussi associé à Shankarâchârya et donc au principal exposant du védanta). Il n'y a pas lieu de chercher des liens historiques entre Shiva et Jean-Baptiste, mais on peut supposer que la logique même des archétypes, mêlée aux circonstances particulières de l'époque dans le cas de Jean-Baptiste, permet de rendre compte des similarités étonnantes entre les deux figures.

   Le shivaïsme du Cachemire en tant que tradition philosophique et spirituelle a été interrompu par les invasions musulmanes à partir du XIe-XIIe siècle dans la région, bien qu'une dévotion shivaïte populaire ait pu s'y maintenir jusqu'à maintenant. La tradition philosophique est renée en ce siècle grâce aux efforts de Laxman Jhoo et de nombreux universitaires comme Jaidev Singh, à Bénarès et Lilian Silburn, en France. Il est bien possible qu'une des raisons de la disparition historique de cette école ait été également une décadence dûe à l'utilisation de pratiques sexuelles dans le cadre du tantrisme de la main gauche. Un autre nom de l'école est kula-marga, la voie de la famille. De façon plus atténuée, cela peut aussi faire allusion à des initiations plus que concrètes entre un gourou homme et une disciple femme ou vice-versa (Chalier, in Between Jerusalem..., p.212, et Silburn, Kundalini, deuxième partie). Il est bien possible que ces pratiques aient contribué à la disparition de l'école, bien que le Père Jean Dupuche, dont nous avons parlé à la fin de l'introduction et qui a fait sa thèse de doctorat sur les rituels conteste cette idée et affirme qu'elle provient d'une mauvaise compréhension des textes. On peut de toutes façons remarquer que nombre de notions du shivaïsme du Cachemire ont pu émigrer et perdurer jusqu'à nos jours dans l'école du shaïva siddhanta dans le sud de l'Inde.

    Abhinavagupta avait prévenu dans ses textes que seulement une personne sur un million pouvait pénétrer le sens réel, expérimental de ce qu'il décrivait. S'il en était ainsi il y a un millénaire dans un cadre traditionnel avec la présence de gourous compétents, combien y a-t-il de chances que ces pratiques de la main gauche réussissent dans le contexte occidental  moderne dépourvu de bases traditionnelles ? Je n'en vois guère, tout au plus peuvent-elles avoir l'avantage de créer un commencement d'intérêt pour les pratiques spirituelles chez des gens qui sont tout au début de la voie.

 

 

Le pouvoir des mantras

 

par Bhaïji

 

   Mâ Ananda Moyî n'a pas reçu à notre connaissance d'initiation d'un guru et en cela elle n'a pas suivi la coutume habituelle. Sa connaissance élevée n'est pas non plus le produit de l'étude des Ecritures sacrées. Nombreux sont ceux qui considèrent qu'elle est une descente du Divin pour le bien des êtres de notre époque

 ( yuga).

   Encore petite fille, elle manifesta en son corps une variété de phénomènes étranges, mais son entourage ne les remarqua guère. Déjà, dans les jeux de l'enfance, elle semblait si détachée et non concernée que beaucoup de gens se mirent à considérer qu'elle était atteinte de déficience mentale. Même ses parents avaient des doutes sur son avenir; il arrivait parfois qu'elle ne sache pas où elle se trouvait, ou qu'elle ne puisse pas se souvenir de ce qu'elle avait dit ou fait quelques minutes auparavant.

   On raconte que, durant son enfance, en se promenant elle parlait aux arbres, aux plantes et aux êtres invisibles. Elle communiquait aussi avec eux par des gestes. Parfois, elle tombait dans un état d'absorption et elle se retirait de toute conversation.

Entre dix-sept et vingt-cinq ans, elle commença à manifester toutes sortes de phénomènes extraordinaires. A certains moments, elle devenait muette et immobile après le chant des noms divins. Pendant le kîrtan, son corps se raidissait et se figeait. Après avoir entendu un discours religieux ou visité un temple, son comportement ne semblait plus normal.

   A l'âge de vingt-deux ans, elle alla avec Bholanâth à Bajitpur et y demeura pendant cinq ou six ans. A la fin de cette période, elle se mit a émettre spontanément des mantras. Ses membres se mettaient automatiquement dans des postures de yoga. Pendant que le Divin se manifestait dans son corps de cette façon à Bajitptur, elle cessa de parler pendant environ un an et trois mois et quand elle vint à Dacca elle poursuivit son silence pendant un an et neuf mois, arrivant ainsi à un total de trois ans. A la fin de cette période, on pouvait percevoir en elle une paix immaculée (nirmala) et un sentiment d'immensité. Il était clair que les mouvements extérieurs comme intérieurs ne l'affectaient plus et qu'elle était stable dans le Soi.

   Pendant tous ces événements hors de l'ordinaire, Pitâjî exprimait souvent une grande anxiété quant à leur évolution. Pourtant, en dépit des critiques et des commentaires il n'empêcha jamais Mâ de suivre son chemin.  On recourut à l'aide de sâdhu et d'exorcistes, craignant qu'elle ne fût possédée par quelqu'esprit malfaisant. Cela ne servit à rien; qui plus est, quand ces personnes tentaient de la traiter, elles étaient obligées de battre en retraite, stupéfaites et apeurées. Ce n'est qu'en implorant sa miséricorde qu'elles pouvaient retrouver leur équilibre.  Divers dieux et déesses se manifestèrent par l'intermédiare de son corps pendant cinq mois et demi. Elle les voyait en vision et leur rendait un culte, après quoi ils ou elles s'évanouissaient complètement. Quand elle avait fini le culte d`une des divinités, une autre prenait la place. Pendant le rituel, elle ressentait souvent qu'elle était à la fois l'adoratrice, l'adoré et l'acte d'adoration, qu'elle était également les mantras, les offrandes et chaque objet nécessaire au culte.

   En fait, durant ces rituels, il n'y avait pas d'objets matériels en cause : il n'y avait pas non plus de désir de sa part d'accomplir une cérémonie.  Dès qu'elle s'asseyait dans un endroit solitaire, toutes les activités physiques et mentales nécessaires au culte se manifestaient mystérieusement d'elles-mêmes. On eut plus tard, venant de la part de spécialistes des rituels et des Ecritures, Ia confirmation que sa manière d'accomplir les differents cultes des divinités était en accord avec les règles données dans les textes. Quand on lui demandait comment il lui était possible d'accomplir si parfaitement ces rituels, elle répondait : "Ne me demandez rien aujourd'hui, vous le saurez quand le moment sera venu".

   Le 10 avril 1924, Mâ arriva à Dacca et une semaine plus tard elle s'installait à Shahbag. De nombreux fidèles commencèrent à se rassembler pour pouvoir la voir. En 1925, certains d'entre eux lui demandèrent de célébrer Kâli Pûjâ, car ils avaient entendu dire qu'elle le faisait de manière merveilleuse.  Elle leur répondit : "Je ne connais guère les rituels décrits dans les Shâstras, il serait préférable que vous fassiez intervenir un prêtre de métier".  Cependant, elle accepta par la suite de célébrer la Durgâ Pûjâ à la demande instante de Bholanâth.

   C'était une grande joie pour les fidèles de Mâ de faire une pûjâ pour I'honorer : mais quand celle-ci, pour les enseigner, accomplissait elle-même les rites pour rendre un culte à la divinité, leur joie ne connaissait plus de limites.

   On apporta une statue de Kâlî.  Shrî Mâ s'assit sur le sol, en posture de méditation, absolument silencieuse. Ensuite, elle commença la Pûjâ comme si elle était submergée de dévotion; elle chantait des mantras et plaçait des fleurs sur sa propre tête au lieu de Ie faire sur celle de la statue. Tous ses gestes semblaient être ceux d'une poupée, comme si une main invisible l'utilisait à la façon d'un instrument docile pour pouvoir manifester le Divin. De temps à autre, quelques fleurs étaient jetées sur la statue de Kâlî.  Ainsi se déroula la Pûjâ.

   On allait sacrifier un bouc. On le baigna. Quand on l'apporta, Ma elle-même le prit sur ses genoux et tapota son corps doucement avec les mains. Ensuite, elle récita quelques mantra en touchant certaines parties du corps de l'animal et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Puis elle rendit un culte au grand couteau avec lequel on allait sacrifier l'animal. Elle se prosterna sur le sol et plaça le couteau sur sa propre nuque.  Trois sons, comme des bêlements, sortirent de ses lèvres. Ensuite, quand l'animal fut sacrifié, il ne bougea pas, resta silencieux et l'on ne trouva pas trace de sang sur la tête coupée ou du côté du corps. Ce n'est qu'avec grande difficulté qu'on réussit à en extraire une goutte du cadavre de l'animal. Pendant tout ce temps, une beauté intense et hors de l'ordinaire émanait du visage de Mâ et durant la cérémonie tous les gens présents étaient profondément absorbés comme envoûtés par la grandeur sacrée du moment.

   En 1926, les fidèles prièrent Mâ de célébrer à nouveau la Pûjâ. Elle ne dit rien. Plus tard, alors qu'on la menait chez un de ses fidèles, elle leva la main gauche, sourit et resta silencieuse. Quand Pitâjî lui demanda la signification de son geste, elle ne répondit pas. De nouveau, quand elle prit son repas dans cette maison, elle refit le même geste de la main gauche. Quelques jours plus tard. Mâ expliqua qu'en allant chez le fidèle elle avait vu la déesse Kâlî, tout à fait vivante à cent cinquante mètres de là; elle flottait à une dizaine de mètres au-dessus du sol, tendant les bras vers Mâ comme si elle désirait s'asseoir sur ses genoux. En prenant le repas ce jour-là, la même représentation s'était retrouvée en face d'elle comme une petite fille. C'était pourquoi elle avait levé la main gauche.

   La veille de Kâlî-Pûjâ, quand les fidèles renouvelèrent leurs prières à Mâ, elle demanda à Pitâjî : "Faites l'officiant vous-même, puisqu'ils ont tellement envie de célébrer la Pûjâ." Il leur dit : "Mâ me demande de célébrer la Pûjâ. Je le ferai donc. Pourriez-vous préparer tout ce qu'il faut ?"   Ils demandèrent quelle devait être la taille de la statue et Pitâjî suggéra qu'elle devait avoir la taille que Mâ avait indiquée en levant la main gauche à deux reprises.

A ce moment-là, Mâ était allongée sur le sol, sans mouvement, dans un état inerte. Il était onze heures du soir. On prit des mesures approximatives. Il y eut une grande discussion pour savoir comment il serait possible d'obtenir en si peu de temps une statue de la taille indiquée. Sans trop y croire, Shrî Surendra Lal Banerjee alla de Shahbag en ville et il trouva dans une boutique en ville une statue aux bonnes dimensions. Il y avait douze statues en tout; onze avaient déjà été commandées par des clients; celle qui restait avait été faite par l'artiste de sa propre initiative.

   On apporta la statue suffisamment à temps. Shrî Mâ s'assit pour accomplir la pûjâ. Il y avait une atmosphère divine autour d'elle. Au bout de quelque temps, elle se leva soudain et dit à Pitajî : "Je vais à ma place maintenant, continue la Pûjâ". En disant cela, elle alla à côté de la statue et s'assit sur le sol avec un rire étrange. On ne peut décrire avec des mots à quel point la vibration du Divin était palpable dans la salle où se déroulait la Pûjâ. Mâ dit : "Fermez tous les yeux et récitez le nom de Dieu".

   La salle était pleine à craquer; un homme qui était debout dehors jeta un coup d'oeil à l'intérieur sans se faire voir. Pourtant Shrî Mâ l'appela par son nom et lui ordonna de fermer les yeux. Personne ne savait à ce moment-là ce qui était arrivé, mais quand tout le monde ouvrit les yeux, on s'aperçut qu'un avocat, Brindaban Chandra Basak, gisait sur le sol, inconscient. Il déclara ensuite :"Quand je regardai à l'intérieur un bref instant, je vis une lumière éclatante émanant du visage de Mâ. C'était si puissant que j'ai perdu connaissance. Je ne sais ce qui est arrivé ensuite."

La pûjâ se termina à l'aube. Il n'était pas prévu de sacrifice. Quand vint le moment de la dernière offrande, Shrî Mâ dit : "Que rien ne soit offert et que le feu sacrificiel soit préservé." Ce feu continue de brûler jusqu'à ce jour (et brûle encore en 1998 dans les ashrams de Bénarès, Kankhal et Naimisharanya).

   Le lendemain était le jour où la statue devait être plongée dans les eaux. La femme de Niranjan arriva avec tout ce qu'il fallait pour la cérémonie. Quand elle regarda la statue, elle dit à Mâ avec émotion : "Mâ, je ne peux me résoudre à mettre à l'eau cette statue". Mâtajî répondit : "Ces mots qui sortent de tes lèvres indiquent probablement que la Déesse ne veut pas être immergée. Très bien,  qu'on s'organise pour la conserver et lui rendre un culte".

   Malgré tous les changements de circonstances, on a réussi à garder cette statue d'argile debout, dans la même position, depuis douze ans. A ce propos, on peut mentioner deux incidents. Le premier se déroula en septembre 1927. Mâtâjî partait de Chunar pour Jaipur. J'étais là-bas à ce moment-là, en convalescence et j'allai à la gare lui dire au revoir. Shrî Mâ m'indiqua un certain endroit, près de la colline sur laquelle le fort était construit et me dit de m'y rendre sur le chemin du retour. J'y trouverais une guirlande de fleurs d'hibiscus que je devrais prendre et conserver précieusement. J'ai fait comme elle m'avait dit. Lorsqu'elle revint à Chunar, elle vit cette guirlande. Par la suite, lorsqu'elle retourna à Dacca, on s'aperçut que ce jour, exactement où j'avais trouvé la guirlande à Chunar, on avait omis de disposer la guirlande autour du cou de la déesse Kâli à Ramna, bien que le prêtre eût l'habitude d'en offrir une.

   Le second incident se passa lorsque Shrî Mâ était au bord de la mer à Cox's Bazar. Elle se promenait sur la plage, quand elle dit tout avec un sourire : "Regardez mon poignet, n'est-il pas cassé ? Examinez-le de près, peut-être y a-t-il une fracture."  La nuit même, un voleur s'était introduit dans le temple de Kâli à Ramna et avait dérobé ses ornements, en brisant aussi le poignet de la statue.

   Une fois, pour la célébration de Vasanti-Pûjâ à l'ashram de Siddeshwari, Shri Mâ était présente lors du rituel où l'on donne vie à la statue. Pendant qu'elle la regardait, les yeux de celle-ci se mirent à briller comme ceux d'un être vivant. Shri Ma dit : "Les formes des dieux et des déesses sont aussi réelles que votre corps et le mien. On peut les percevoir en s'ouvrant à la vision intérieure par la pureté, Ia vénération et l'amour."

 

 

Poème d'Antonio Eduardo Dagnino

 

Pour Mâ

 

Samadhi

 

Con un diluvio de ondas luminosas

y vibraciones,

Me penetraste

despertando los Vortices Heliocéntricos.

 

 Maravilloso y terrible

es sentir un torbellino espiral

que asciende, asciende apartando los velos sutiles.

 

Lo finito se funde al infinito

... Yuno se diluye

  sin poder asir nu su cuerpo

 

 

Avec un déluge d'ondes lumineuses

et de vibrations,

tu m'as pénétré

éveillant les tourbillons héliocentriques.

 

C'est merveilleux et terrible

de sentir un mouvement spiralé

qui monte, monte en écartant les voiles subtils !

 

Le fini se fond dans l'infini

...et on se dissout

 sans pouvoir même rester attaché à son corps !

 

                                                                          Kashi.

 

 

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Nouvelles

 

 

 

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ                                                  p.  1

Réponses de Vijayananda                                 p.  2

Premier darshan   A..E. Dagnino                     p.

Poésie et son du silence chez Kabir                   p.

et les Sants (2e partie)  J. Vigne                       p.

Le OM entre science et symbole  J. Vigne        p.

Le shivaïsme du Cachemire  J. Vigne                p.

Le pouvoir des mantras  Bhaïji             p.

Poème    A.. Dagnino                                      p.

Nouvelles                                                         p.

Abonnement                                                   p.