Jay N° 110– Automne 2013


 

Paroles de

Extraites de ’Les Enseignements de Anandamayî’- Chapitre 28

 

La Sérénité

 

Il est inutile d’espérer connaître la paix et la sérénité dans ce monde-ci. Efforcez-vous seulement d’être avec Lui. Tout ce que vous accomplissez à Son service, est un devoir pour vous. Le monde n’est pas un lieu de bonheur. Réfugiez-vous aux pieds de Dieu, c’est là que vous trouverez la paix.

 

Il faut faire en sorte de se rappeler le nom et la forme du Dieu que vous avez choisi d’aimer. La seule façon d’atteindre la sérénité, c’est de toujours garder l’esprit tourné vers Dieu.

 

La meilleure façon d’atteindre la paix et la sérénité, c’est de rester sur la voie qui convient bien à la méditation sur Dieu. Le corps physique est en accord avec le karma. La conséquence en est qu’il est tout à fait naturel d’être confronté à la souffrance et aux maladies. Il est indispensable de toujours penser à Lui, de méditer sur Celui qui peut nous soulager de tous les malheurs.

 

Toutes les prières et les offrandes de l’être humain, doivent aller à Dieu. Priez systématiquement Celui qui a fait en sorte que la création, la vie et la dissolution aient lieu. Tout est en Lui. Lorsqu’une difficulté, un problème sérieux, se présentent dans la vie de ce monde, l’être humain doit recourir au Nom de Dieu, s’engager dans une action visant à résoudre le problème et verser à Ses pieds ses larmes de détresse. La seule manière d’atteindre la sérénité, c’est de faire entrer Dieu dans votre cœur.

 

Réconfort d’une personne dans la souffrance :

La souffrance est le résultat du karma. Dieu éloigne la souffrance en infligeant les souffrances et Il élimine la difficulté en provoquant des difficultés. Souvenez-vous toujours qu’Il ne fera plus chose pareille à l’avenir. En vérité les enfants de l’immortalité ne doivent penser qu’à Lui. Il n’y a qu’une voie qui conduit à la sérénité, celle de la destruction du voile et de la révélation de celui qui supprime le désespoir. Il n’y a aucune autre voie, aucune, aucune, aucune. Sri Madhusudan (Dieu, sous forme de  Krishna le tueur du démon Madhu), celui qui élimine le désespoir, est en fait l’unique trésor qui habite le cœur de chacun.

 

Conseils de à ceux qui perdent un être cher :

C’est Lui qu’il faut aller voir et revoir, Celui qui a engendré la création et qui la porte et la soutient. Il est la providence. Il est l’Auteur des injonctions. La création est Sienne, restez avec Lui. C’est pour cela que lorsqu’on L’atteint, en L’invoquant sans cesse, on atteint chaque chose, l’absolue sérénité et la suprême béatitude.

 

             Conseil de à l’accompagnateur d’un malade terminal :

Si vous êtes là, à tenter de le soigner, c’est par la seule volonté de Dieu. Dieu qui est l’Un et qui est Tout. « Tu es là, présent sous forme de maladie, sous forme de remède, sous forme de traitement, en vérité, tu es dans toutes les formes. »

 

Il n’y aucun espoir, dans ce monde, d’atteindre la sérénité, si ce n’est en chérissant le nom de Dieu et en Lui adressant sans cesse vos prières. Le devoir doit être de première importance. Il élimine toutes les souffrances – lorsque Ram est là, il y a la quiétude (a-ram signifie « à l’aise »). Lorsque Ram n’est pas là, il y a vyaram, l’inquiétude.

 

Pour atteindre à la paix de l’esprit, il faut que soient présents la pensée et la forme (de Dieu), qui évoquent notre amour. Il faut suivre cette voie et cette méthode car elles favorisent l’accès à la divinité. Où donc se trouve l’état suprême si le gourou intérieur ne s’est pas révélé ?

                                                                                                                                                  (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

                                                      

«Je suis une hindoue, je suis une musulmane, je suis une chrétiennne"

(Parole de Shrî Shrî Anandamayî)

Commentaires par Swami Nirgunananda,

Ermitage de Dhaulchina

 

       Anandamayî (1896-1987) a été reconnue et vénérée de par le monde comme une des plus éminentes saintes hindoues au cours du siècle dernier. La définition du saint varie en fonction des différentes confessions religieuses, mais un saint inspire le respect et la vénération des gens, indépendamment de son appartenance d’origine, en raison de son amour inconditionnel et essentiel qu'il fait rayonner en direction de tous les êtres. La vérité intime d’une religion donnée (le principe sous-jacent caché sous les préceptes complexes des Ecritures) est mise à la portée de la compréhension des hommes du commun à travers la vie, les activités et les paroles d'un saint appartenant à cette religion.

       Un chercheur atteint la sainteté par des années, voire des dizaines d’années consacrées à des disciplines spirituelles laborieuses, comme le prescrivent les commandements religieux.

      Grâce à son adhésion indéfectible à son type de foi, sa sincérité et son honnêteté respectueuse visant à découvrir la vérité, le chercheur effectue une transformation de sa vie, obtient la réalisation et devient enfin capable de voir en son intérieur la lumière de cette vérité sous-jacente à la vie. Inspiré par son amour pour les hommes du commun, il essaie d'interpréter, de manière lucide, la vérité qu'il a vécue pour la mettre à la portée de ses semblables de façon compréhensible et logique. Il inspire ainsi l'humanité à s’engager dans le chemin religieux afin de goûter le nectar de la vérité. Ainsi, la vie sera rendue relativement moins douloureuse et misérable.

       Il n’est pas du tout facile, il est même impossible pour un homme du commun de fouler le même chemin que celui emprunté par un saint. Il peut seulement suivre ses enseignements et conseils. Bien qu'un saint parle dans la langue de tout le monde, parfois il est bien difficile d’appréhender le sens profond de ses dires, qui vont au-delà de la signification littérale, et restent inaccessibles à l'intelligence commune. Pour arriver à la vérité intérieure des paroles d'un saint, on a besoin d’approfondir sa pratique contemplative avec le plus grand sérieux. Parfois, un saint forge même des néologismes dans sa langue qui est de plus, par nature, lapidaire.

      Un saint n'est pas le fondateur d'une religion, mais il est la représentation honnête et vivante de la religion qu’il a suivie toute sa vie. Les critiques, les épreuves et même les menaces de mort ne peuvent le dissuader d’affirmer fortement et distinctement la vérité qu'il a vécue. L'histoire des religions du monde jusqu’à ce jour va dans ce sens.

       La parole ci-dessus de Shrî Shrî Anandamayî est une déclaration tellement audacieuse, qu’on ne l’a jamais entendue de la part des diverses religions passées et présentes. Au cours de son existence, a reçu des chercheurs spirituels en provenance du monde entier, et de confessions très diverses. Ils lui demandaient des conseils. Même si elle n'était pas opposée à la conversion d'une religion à l'autre, elle n'a jamais encouragé cette tendance. Elle suggérait toujours aux gens d'adhérer à la religion dont ils avaient hérité ou qu’ils avaient embrassée auparavant. Dans ce contexte, il faut noter une autre de ses formules : « Toutes les religions ont une orientation, toutes les orientations sont ‘une’, nous sommes tous ‘un’. » A priori, cette déclaration exprime ses vues libérales dans le sens de la réconciliation de toutes les religions. Il va bien dans le sens des réflexions présentes.

        Avant d'analyser cette parole qui est sienne sur sa triple appartenance religieuse,  nous devons connaître le contexte dans lequel elle a été prononcée : un jour, une dame occidentale est venue demander à des conseils spirituels. En réponse à l’interrogation de sur la foi qu’elle professait, la dame lui a dit qu'elle était chrétienne. Instantanément, ces mots sont sortis de la bouche de  : « Je suis une hindoue, je suis une musulmane, je suis une chrétienne. »

     Un grand saint indien du XIXe siècle, Shrî Ramakrishna Paramahansa, après avoir emprunté de nombreux chemins et pratiqué des religions diverses, a déclaré avoir ressenti une harmonie intérieure entre toutes les religions. Sa déclaration sur Sarva dharma samanvaya (la synthèse, l’harmonisation de toutes les religions) est un événement historique dans l’évolution religieuse indienne.  On peut être tenté de trouver un écho de la synthèse de  Ramakrishna dans la déclaration de , mais contrairement à celui-ci, elle ne s'est jamais identifiée comme adhérente à une croyance religieuse étrangère, sauf dans cette déclaration. D'ailleurs, elle n'a jamais fait de sâdhanâ conventionnelle pour atteindre un quelconque objectif religieux.

Une analyse critique de la déclaration de .

      Ici, l'utilisation du présent de l'indicatif par implique l'adhésion simultanée aux trois grandes religions contemporaines du monde. Cela lui dénie clairement toute identité religieuse particulière. Une transformation successive de l'identité religieuse est permise, et aussi possible ; mais si un chrétien déclare qu'il est simultanément un hindou ou un musulman, cela sera considéré comme un manque de respect envers sa religion. Non seulement cela, mais de plus ni les hindous, ni les musulmans ne vont le prendre dans leurs communautés respectives, à moins qu'il ne passe à travers les rites prescrits dans leurs Écritures. Si un musulman déclare qu'il est hindou ou chrétien; immédiatement il sera qualifié de kafir (infidèle dans l'islam) et une fatwa sera émise contre lui par les clercs ou guides de l'islam afin de l'anéantir. De même, si un hindou, en particulier une personnalité spirituelle, déclare ouvertement son identité religieuse comme étant celle d’un chrétien ou d’un musulman, il sera déclaré paria par sa communauté religieuse. Aucun code éthique religieux ne permettra une telle déclaration.

       Une fois pendant l’enfance de , des missionnaires chrétiens sont venus dans son village de la campagne profonde du Bengale pour diffuser leur message biblique. Comme une enfant innocente, elle a accompagné leurs déplacements autour du village. Dans le jardin royal appelé Shah Bagh à Dhaka, vivait avec son mari (qui était en charge de la propriété) en tant que femme au foyer. Son essor spirituel n’en était qu’au stade initial. Un mazar (la tombe musulmane) d'un saint arabe était situé près de l’endroit où elle vivait. Un jour dans un état de transe, elle a offert la namaz (la prière musulmane) devant le tombeau, en arabe, une langue qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam.

       Ce furent les deux seuls écarts par rapport aux coutumes hindoues orthodoxes qu’elle a suivies pendant toute sa vie, bien qu’elle n'ait jamais manifesté une antipathie quelconque dans ses paroles et ses actions envers les autres religions et leurs adeptes. De grands spirituels, des chefs religieux, des clercs et des fidèles de différentes écoles et mouvements, sont venus à au cours de son existence mortelle pour recevoir un peu de son amour inconditionnel et de sa compassion, qui s’adressaient à tout le monde, sans exception.

        Cette déclaration sur sa triple appartenance n’a pas été effectuée à huis clos. Elle a été publiée dans des livres largement diffusés parmi ses fidèles et le grand public dans le monde entier. Étonnamment, pas un seul mot de protestation n’est ressorti de la part des différentes communautés religieuses internationales en général, ni en particulier d’une partie ou d’une autre de l'orthodoxie hindoue. La raison pourrait en être double : tout d'abord, il se peut que personne n'ait prêté attention à cette importante déclaration mais il est aussi possible que les gens aient négligé ou ignoré son sens intérieur. Dans ce contexte, il convient également de rappeler que les moines dans les ashrams institués  au nom de Anandamayî, répartis dans différentes régions de l'Inde et à l'étranger, sont invités à suivre strictement la voie orthodoxe hindoue. L'identité religieuse de n'a jamais été remise en question par qui que ce soit.

       Il convient de rappeler que l'homme du commun dit souvent des choses dans un but immédiat, puis se dédit dans un autre contexte. Par contre, tout ce que déclare un saint et quelles que soient les circonstances, provient telle une source claire de sa conviction et de son engagement envers la religion à laquelle il appartient. Ses paroles sont comme des préceptes scripturaires inaltérables.

       Dans l'histoire des religions jusqu’à nos jours de par le monde, on peut constater que le prosélytisme religieux, le fondamentalisme et le conservatisme, ont donné naissance à des conflits intra et inter-religieux, menant à des guerres et à des bains de sang. Le monde actuel ne fait pas exception à cette tendance déplorable qui mérite bien le nom de vice. Au lieu d’amener les fidèles à une vie naturelle faite de douceur, d'amitié et de paix, il rend la vie des masses innocentes inondée de terreurs et de désastres. Les responsables de religions qui sont censées offrir la vérité au monde, se retrouvent piégés avec leurs fidèles dans des conflits sans fin.

        Naturellement, une question peut surgir dans un esprit avisé : à partir de quelle base a-t-elle énoncé une affirmation aussi peu conventionnelle ? Cela ne pouvait ni être d’une quelconque base religieuse, les confessions étant mutuellement exclusives, ni être considéré comme un slogan laïque. Il s'agit certainement d'une déclaration de la liberté absolue au-delà de toutes les barrières religieuses se référant à la base commune de tous les enseignements confessionnels. Cet amour inconditionnel pour la création entière est, de fait, la « mère » de toutes les religions.

        A l’époque contemporaine, les hindous sont très souvent qualifiés ou critiqués comme des adorateurs d'idoles. Un symbole non chrétien, comme par exemple une statue d'un dieu ou d’une déesse hindoue, placée sur un autel chrétien, est tout à fait impensable.

       Les « idoles » ne sont rien d’autre que des objets qu’on peut facilement percevoir afin d’y projeter cet amour qui, de toute façon, est en nous. L'amour, que ce soit pour les icônes de l’orthodoxie ou du catholicisme, ou pour les dites idoles, n’est en fait pas différent.

       Dans le monde catholique, la Sainte Croix ainsi que la statue de la Madone sont à la place d’honneur sur les autels. Un sceptique pourrait émettre des réserves quant à la présence de ces « icônes » ou « idoles » sur un autel monothéiste, elles y sont pourtant  en bonne place. Aucune des deux figures humaines qui composent la ‘Vierge à l’enfant’ n’était chrétienne au départ, puisque le christianisme est né quand Jésus avait environ trente ans. Lorsque Jésus fut baptisé par Jean-Baptiste, ce n'est sûrement pas dans le christianisme qui n’existait pas alors. Et Marie est devenue une mère chrétienne seulement après que le christianisme fût apparu. La théologie pourrait avoir des explications logiques pour tenter de justifier cette anomalie apparente, mais pour un esprit laïc, elle restera toujours une énigme. Les arguments et contre-arguments à ce propos peuvent continuer ad vitam aeternam. Cependant, l'explication claire, simple et facile à comprendre, c'est que le principe sous-jacent dans la Vierge est cet amour même qui transcende les orthodoxies ou les barrières religieuses, la manifestation de l'amour fondamental de la mère. C'est ce que la Vierge représente.

         Pour en revenir à la déclaration de que nous examinons, nous pourrions dire qu'il n'y a qu’une mère qui puisse faire une déclaration si audacieuse. Nous devons garder à l'esprit le fait que toutes les religions ont évolué à partir de l'amour pour l'humanité, mais l'amour n'a pas de religion. Supposons une mère hindoue avec trois enfants et que chacun d'entre eux ait embrassé une foi religieuse distincte avec son consentement. Est-ce que son amour de mère pour eux pourrait être différent selon leur croyance?

         Prenons un autre exemple pratique. Une jeune femme chrétienne avec un enfant s'est convertie à l'islam après la disparition de son mari et s’est remariée à un musulman. Elle a donné naissance à un autre enfant avec son mari musulman. Est-ce que sa foi religieuse, qu’elle soit passée ou présente, peut faire obstacle à l'amour envers ses deux enfants? Il n'y a rien qu’on puisse appeler amour hindou, amour chrétien ou amour musulman. L'amour est l'eau magique qui dissout tout, y compris les religions.

         Un moine hindou libéral ne peut pas être indifférent au christianisme ou à l'islam : il respecte les autres religions, mais la sainte Bible ou la sainte Croix et le saint Coran n'auront pas leur place sur son autel. Il en va de même pour un musulman libéral ou un chrétien. Ni les Ecritures Saintes, ni les représentations des douzaines de dieux hindous, ne trouveront leur place sur l'autel dans une église chrétienne ou dans une mosquée. Les codes de conduite religieux exigent qu’un vrai fidèle ne manque en aucune façon de respect envers la foi à laquelle il appartient.

         Comme indiqué plus haut, cette parole de ne provient pas d’une plate-forme religieuse, mais pour être précis, du fait qu’elle représentait la maternité dans la totalité de sa force de création. La vraie maternité n’a pour autre support que l'amour. L’amour inconditionnel est un autre nom de la maternité.

      Ici, les aspects physiques et génétiques de la maternité (l'amour de la mère) et ses manifestations ne sont pas considérés séparément. On aime vivre, et on vit pour aimer et être aimé. En d'autres termes, chaque être vivant subsiste par l'amour seulement. Dans cet amour, la relation sujet-objet est évidente en même temps que très subjective.

                                                                                          (07-07-2013)

                                                                                                                 

A pas feutrés

Par Patrick Mandala

 Voici un texte "À pas feutrés..." qui vous présente dans ses grandes lignes le cheminement de Patrick et Ushâ Mandala. Ce récit vous parle de leur présence auprès de Anandamayî qu'ils ont connue entre 1970 et 1982. Patrick est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages sur l'art et la spiritualité, ainsi que son épouse. Issus tous deux de familles catholiques pratiquantes, ils trouvèrent auprès de leur propre voie, dans un respect spirituel, au-delà de toute religion. Ils habitent en Inde, et lors de leurs séjours en France, ils résident à Talloires (Lac d'Annecy). Voici leurs témoignages:

 

Ce mouvement, "allegro" et "vivace", titré  À pas feutrés..., est l'infime coin du voile soulevé, comme du faible témoignage de ce qui a été vu et entendu de .

À cet effet, Shûnyatâ (Emmanuel Sorensen) disait avec justesse : "Ma voie ne peut être et ne sera pas la vôtre. Chacun a son propre rythme, et sa propre loi de l'être ou sva-dharma, lesquels s'insèrent différemment dans l'interdépendance - le jeu des correspondances".

Pour qui a rencontré du temps de son vivant, on ne peut que faire siennes les très humbles paroles de "M" (Mahendranâth Gupta) quand il écrivit sous ce pseudonyme, la "Bible", le célèbre "Gospel of Srî Râmakrishna":

"Je suis une personne sans importance. Mais je vis à côté d'un Océan, et je garde près de moi quelques pichets d'eau. Quand vient un visiteur, je l'accueille avec eux. Que pourrais-je vous dire d'autre?".

 Par le premier livre d'Arnaud Desjardins: "Âshram. Les Yogîs et les Sages", nous avions, mon épouse et moi-même, découvert le visage de lumière de Ânandamayî dans les "sixties".

Oui..."À pas feutrés..." est intitulé ce texte, car témoigner sur c'est un peu comme tenter d'enfermer un oiseau de paradis dans une cage dorée...

Mon épouse Ushâ (Catherine) et moi-même sommes venus en Inde en 1970 afin d'étudier l'art et la spiritualité: tissage et arts du tissu, miniatures indiennes, musique, poésie, yoga, ainsi que la culture tibétaine. De 1970 à 1985 nous sommes restés dans la région du Gange et des Himâlayas (Haridwar, Darjeeling, Kalimpong), puis à partir de 1985 dans les Nilgiris, montagnes du Sud. Nous avons résidé auprès de entre 1971 et 1982, année de son mahâsamâdhi.

disait avec force et douceur qu'elle n'était le "maître", le guru de personne, qu'elle n'"initiait" ni même "enseignait" quoi que ce soit à qui que ce fut, et donc qu'on ne pouvait parler, concernant ceux et celles qui venaient la voir, de "disciples" ou d'"initiés" à  proprement parler comme c'est le cas pour la plupart des Maîtres. Bien entendu, ces paroles se situaient au niveau non-duel de l'Absolu. Râmana Mahârshi, Poonja, Srî Gnânânanda, Seshadri et autres, procédaient de même. La quête par l'investigation de l'âtma-vichâra, du "Qui suis-je?" - "qui" instruit et "qui" reçoit et pratique ?... amène un jour à la révélation et à la certitude que TOUT est contenu dans le Soi, l'Un indifférencié et immuable. Mais au niveau duel et relatif de la lîlâ, il y a bien "instruction" et initiation - même indirectement - par le regard, le toucher, la contemplation, le silence, etc., ainsi que "maître" et "disciple", ou encore "éveil" et "servitude".

Quoi qu'il en soit, âgés alors d'une vingtaine d'années, encore parisiens et "novices", depuis notre premier darshan à l'âshram de Bénârès, en compagnie de Denise Desjardins qui introduisit Ushâ à Ânandamayî, cette dernière fut pour nous un guide aimant et attentif. ouvrit grand portes et fenêtres, éclaira les recoins des pièces les plus obscures, laissant entrer joie et clarté. Au fil du temps, une porte claque parfois, une fenêtre se referme sous le vent, l'obscurité envahit de nouveau la pièce...Alors il faut chercher, chercher encore et toujours. Et un beau jour, la porte s'ouvre de nouveau, la fenêtre laisse entrer soleil, chaleur et lumière, chants joyeux des enfants et des oiseaux: le Chant de la Vie.

Présence avec forme, puis sans forme, qui accompagne tout au long du voyage de la vie. Intensité légère et joyeuse, palpable et immatérielle à la fois. Don d'un joyau sans prix qui défie le temps et vicissitudes. Certitude. Présence d'un centre en soi - d'un Fond immuable comme disait Henri Le Saux - qui reste inchangé sous les "intempéries" et les "changements climatiques". Conscience de la vie comme "jeu divin. Alors? Oui, alors, quel nom donner à cela? Peut-être la Grâce...

Lors d'un premier livre sur : "Guru-Kripâ", j'avais sollicité le témoignage du Premier Ministre indien: Madame Indira Gândhi. Le voici (1981).

" Ânandamayî est un être rayonnant dont la présence dégage une grande paix. J'ai eu la chance de bien la connaître et d'avoir reçu d'elle une affection sans mesure depuis mon enfance, en raison de son intimité avec ma mère, Kamala Nehru.

" Ânandamayî représente toutes les valeurs profondes de l'Inde sous leur aspect le plus universel. Il n'est pas de ma compétence de donner une appréciation sur son accomplissement spirituel. Des millions de gens ont trouvé en elle lumière et réconfort et sont devenus meilleurs. En vérité, ceci est son message: le guide de chaque être est en lui-même."

Arnaud Desjardins, comme sa première épouse Denise Desjardins, sont bien les "enfants" de . Arnaud, outre sa préface pour "Guru-Kripâ, puis d'autres pour des ouvrages sur la Bhagavad-Gîtâ, Yoga-Vâsishtha, Sâradâ Devî, et enfin en dernière date pour "Râmdâs. Le Pèlerin de l'absolu" (Ed. Accarias-L'Originel, 2008), puis pour " Ânandamayî. Retrouver la joie" (Ed. Le Relié, 2010) avait écrit cette belle préface, en 2009. La voici:

"Si nous demandions à différentes personnes de notre entourage: "Qu'avez-vous vu de plus beau de toute votre existence?", certains évoqueraient peut-être un paysage qualifié de grandiose, d'autre une œuvre d'art considérée comme sublime. Et si nous précisions: "Quelle est l'œuvre d'art sacrée qui ait le plus remarquablement éveillé en vous le sens de la transcendance?", les réponses iraient de la cathédrale gothique à la statue khmer d'un bouddha ou d'une des plus admirables peintures chinoises traditionnelles à telle ou telle mosquée.

"Mon existence personnelle m'a donné l'opportunité de contempler bien des merveilles, du Mexique au Japon et de l'Inde au Québec, mais ce qui a produit en moi, et de loin, la plus forte impression et pour laquelle aucun terme tel que "divin" ou "surnaturel" ne me paraît excessif, est la rencontre, le darshan (vision) comme on dit en Inde, d'un être humain, d'une femme hindoue de naissance bengalie, la célèbre Shrî Ânandamayî. Ce ressenti inoubliable, décisif, a été partagé par de très nombreux Hindous et Occidentaux. Les meilleures images d'un film, les photographies les plus réussies ne transmettent qu'une faible part de son rayonnement. Toutes les facettes d'un être humain accompli, depuis le rire lumineux d'un enfant jusqu'à l'immense gravité d'un Sage, s'exprimaient à travers elle. Et ses paroles, totalement adaptées à chaque personne et à chaque circonstance, ont découvert toute la gamme des réponses possibles aux questions de ceux qui l'approchaient, depuis une simple villageoise jusqu'à un pandit réputé de Bénârès ou un mystique de Brindâvan.

"Il est heureux que son influence puisse encore toucher aujourd'hui des personnes qui, faute de l'avoir rencontrée "en chair et en os", découvriront au fond de leur cœur sa dimension infinie." (Hauteville, 29 janvier 2009)

 

MÂ ENSEIGNE-T-ELLE ?

Là nous sommes en altitude. L'air est frais au maximum. Les limites s'estompent. Le matérialisme devient un peu moins "spirituel", et le "voyage" auquel nous convie, devient vraiment le Voyage sans fin. Aussi, soyons tous et toutes dans la juste perspective, créons de l'espace ouvert, sans saisie, sans projection, et développons l'esprit d'éveil "en suivant le cours du torrent..."

L'air est vif en altitude.

Nous disions: est-il possible "d'écrire" sur ? Oui, non, peut-être...C'est un peu comme vouloir franchir une rivière tumultueuse sur un pont de chevelure en flamme... C'est risqué!

Ne pas regarder en bas, ni sur les côtés, ni en arrière. Simplement avancer, avancer encore et toujours, faire un pas, puis un autre, et encore un autre.

Bien, mais enseigne-t-elle dans le sens traditionnel du mot, de la transmission, de l'instruction spirituelle? Mon "je" s'avance à dire - d'après la perception qu'il a pu avoir de de 1971 à 1982 - que ce mot ne semble pas vraiment s'appliquer à elle.

Une nuit, le "je" de P.M. s'est endormi avec cette question, mais sans trouver de raison satisfaisante. Au milieu de la nuit, dans une semi lucidité, trois mots se présentèrent à son esprit: "éveille", "réveille", "manifeste". Au matin, les mots étaient toujours là, frais et dispos. Prêts à être utilisés. Alors, oui, il peut être dit que "éveille" ce qui est latent en nous; oui "réveille" et intensifie les forces vives et créatrices qui permettent un engagement sur la voie et son accomplissement; oui, "manifeste" de par sa présence silencieuse cette divinité en l'homme, et vers laquelle nous tendons tous et toutes plus ou moins, consciemment ou inconsciemment.

chantait on ne peut plus juste, en accord avec la Note tonique suprême de l'univers, la Vibration: le OM. Elle était l'incarnation même de la justesse, en pensée, parole et action.

L'une des particularités et originalité de - de ce que l'on peut nommer "instructions spirituelles" - sont ses jeux de mots spontanés ou lîlâ-vâchana (1). En voici quelques exemples, à valeur d'enseignement, d'aphorismes, courts, concis et percutant, tout d'humour aussi; à méditer encore et toujours.

 

1- Jeu de mots sur "poison" et "objets des sens".

: Une dose de poison [vis] tue un homme. Mais les objets sensoriels [visaya] agissent comme un poison lent - peu à peu ils vous conduisent à la mort [à la souffrance].

       Tant que vous resterez tourné vers les plaisirs mondains, vous n'aurez qu'un "ticket de retour"; vous resterez lié au cycle des naissances et des renaissances, répétant sans cesse les mêmes expériences. Le Divin est immortel. Si vous aspirez à Le trouver, vous deviendrez un pèlerin sur la voie de l'immortalité. Essayez de demeurer en compagnie des chercheurs de vérité [satsang], vous réaliserez alors votre Soi en tant qu'Immortel.

 

2- Jeu de mots sur "corps" et "changement" - "pratique" et "richesse".

: Vous n'êtes pas parfait. Vous sentez un manque en vous, c'est pourquoi vous avez le désir d'accomplissement et de plénitude.

"Corps" [sharîra] signifie "ce qui change sans cesse" [shara].

      S'il n'y a aucun désir, aucun vouloir, toute identification au corps mortel disparaît. Après la réalisation du Soi, il n'y a plus "personne" pour parler encore d'un tel corps - car le Soi est révélé. Il n'y a qu'un Livre unique, et TOUT est contenu en lui. Une fois lu et compris, rien d’autre ne sera étudié.

 : La sâdhanâ devra être pratiquée dans le seul et unique but de découvrir sa propre svadhâna, richesse.

 

3- Jeu de mots sur "matériel" et "spirituel" - "forme" et "sans forme".

: Vous vous attachez à ce qui est rond [gol], à ce qui roule, le prenant pour votre richesse [mal] véritable. C'est pourquoi surviennent affliction et confusion.

       Qu'est-ce que cette chose "ronde"? L'argent, bien entendu [le matériel]. Essayez de vous attacher à Lui qui est le Tout. Là où il n'est plus possible de parler de "forme" et de "sans forme"; là où cessent peine et égarement.

: Que signifie entrer dans son Être véritable (svarûpa)? C'est réaliser ce qui est. Que Lui, lumineux en Soi, Tout pénétrant, est présent dans toutes les formes, états d'esprit et manières de vivre. Là, tout verbiage cesse. La Forme essentielle [svarûpa] ou sans forme [arûpa] peut-elle être décrite par aucun langage? Lui et Lui seul est.

 

4- Jeu de mots sur "rishi" et "rasa" - "muni" et "manas" - "monde" et "ego".

: Est un rishi ["voyant", Sage védique] celui qui est pénétré du rasa [saveur, essence des choses].

         Est un muni ["silencieux", Sage], celui dont le mental [manas] s'est fondu dans l'Unique.

     Samsâra [monde, cycle des renaissances] signifie sang, "clown" + sâra, "solidité, essence", c'est-à-dire prendre son propre rôle dans le monde pour réel [fondé sur l'ego]. Tant que vous aurez oublié "qui" vous êtes réellement, et considérez votre présent déguisement comme réel - comme l'essence elle-même [le Soi] -, comment obtiendrez-vous la paix? C'est pourquoi il est dit: essayez de réaliser le Soi.

 [N. d. T. Puis en riant, pose cette question à chacun:) "Où est votre demeure?"

[Certains, sans comprendre le sens de la question, répondent sur la maison mondaine où ils habitent. rit et dit:]

"Mais la véritable demeure est celle de votre souffle [prâna]. Vous pourrez y habiter tant que vous respirerez. Et après? Avez-vous jamais pensé à votre véritable demeure?

 

 5- Jeu de mots sur "tradition spirituelle" et "abandon".

 : Sampradâya [tradition orale spirituelle] signifie sampradâna [abandonner].

      Quelle que soit votre appartenance, il vous faut vous abandonner à votre propre Soi comme le maître fait confiance à ceux qui le servent. Par l'abandon, vous pourrez vous connaître vous-mêmes. Se connaître soi-même, c'est connaître le Divin.

 

6- Jeu de mots sur "monde" et "dualité".

: Ce qui est constitué de deux est appelé duniyâ.

      Tant que vous vivrez dans la dualité [dui, deux], le monde [duniyâ] ne vous laissera pas en paix.

   Mais si vous restez centré dans l'Un, vous atteindrez la paix immuable. Essayez d'abandonner cette attitude d'accepter la dualité, et vivez dans la conscience de l'Un, ainsi vous atteindrez peu à peu la paix suprême. Si vous êtes établi dans l'Un, il n'y aura rien à combler, et ainsi aucune agitation ne viendra. En vérité, ceci est un mantra: dans l'Un se trouve la vérité, la paix et la joie.

 NOTE

1. Jeu de mots: Notons que l'on en trouve aussi chez ce grand Maître de l'Advaïta-Vedânta que fut Gnânânanda (relativement peu connu par rapport à Râmana Mahârshi; leurs âshrams sont distants d'une trentaine de kilomètres). Un livre sur lui et son disciple Henri Le Saux: "Plénitude de l'être", est d'ailleurs en préparation; je trouve que les similitudes avec certaines des paroles de , comme de Râmana, avec Gnânânanda sont frappantes. Si chaque réalisation est différente, le Fond est unique.

Dans le prochain numéro, un nouveau mouvement, "moderato" et "andante", titré ‘Correspondances’, évoquera notre cheminement et nos rencontres autour de la Note tonique: . Une lente et sereine exposition que la musique classique indienne nomme âlâp.

 

 

Ma rencontre avec Ma Anandamayee

à travers Arnaud Desjardins

(Témoignage vécu de Pascale Lorenc)

 

Pascale vit en Allemagne. Elle nous livre ici son très beau témoignage d’un voyage en Inde, portée par l’amour de et pour . C’est elle-même qui se présente tout en parlant d’un projet qui lui tient à cœur :

 

« En tant que "dame de compagnie pour personnes âgées" depuis plus de 7 années maintenant, une vocation qui s'est révélée à mon retour de l’Inde et pour laquelle je n'avais aucune préparation, j'ai tellement appris sur l'histoire du peuple allemand que je porte en moi le désir d'écrire un livre pour les français (afin de faire tomber certains préjugés fortement ancrés - j'en sais quelque chose), un livre dont j'ai déjà le titre dans mon cœur : "Mes amis, les vieux allemands"… mais ce sera pour plus tard…»

Jaï Jaï Ma, Jaï Arnaud…

 

La rencontre avec Arnaud Desjardins, d’abord à travers un livre, puis deux, puis un premier séjour dans l’ashram d’Hauteville a provoqué un bouleversement complet dans mon existence. Je dis souvent qu’Arnaud m’a sauvé la vie. J’en suis convaincue. L’enseignement très pratique et concret  de Swami Prajnanpad transmis en France par Arnaud, l’intégration progressive de la mise en pratique (qui n’est jamais finie) ont permis des choses qui n’auraient certainement pas été possibles auparavant.  J’avais la sensation qu’une structure, jusqu’alors inexistante, se mettait en place en moi. A la fin d’un séjour de 15 jours à Hauteville, faisant mes adieux à Arnaud  (comme c’était la coutume), je lui avais dit : « J’ai l’impression que mon âme a été lavée au « Karcher » » - « Rien que cela »  m’avait-il répondu en souriant.

C’est à Hauteville que j’ai entendu parler de   pour la première fois, que j’ai vu des photos d’Elle. J’écoutais ce qu’Arnaud nous en disait, ce qu’il nous racontait de ses expériences auprès d’Elle et me sentais fortement attirée et touchée par le regard profondément aimant de cet Etre (il y a plusieurs portraits de au sein de l’ashram). Quelque part, j’enviais Arnaud d’avoir pu rencontrer un tel Etre « en chair et en os ». Le langage aux intonations religieuses d’Arnaud me correspondait assez bien.

En 2003, en séjour à Hauteville, j’avais posé une question à Arnaud à propos d’ashrams en Inde (en fait, ayant suivi une formation de « thérapeute ayurvédique », je souhaitais trouver en Inde un maître sérieux et versé dans ce domaine). Comme Arnaud « sentait » toujours ce qu’il y avait derrière une question, il me demanda ce que j’avais l’intention de faire en Inde et après ma réponse, me dit sur un ton ferme : « Si vous allez dans un ashram en Inde, allez chez Chandra Swami …».

Après certaines résistances (il fallait se lever tous les jours à 4heures du matin), poussée par certaines circonstances, j’ai fini par m’y retrouver… et cela durant plusieurs mois. Dès mon arrivée,  le 19 Janvier 2004, j’y rencontrai une jeune française (« O ») qui venait de fêter ses 25 ans avec ses parents près de Paris et avec laquelle je partageais une chambre (chambre 21 – le 21 est mon jour de naissance) chez Chandra Swami.  Elle « se cherchait » en Inde, sans vraiment savoir ce qu’elle voulait et allait y faire. Nous fûmes immédiatement « reliées »  et avons, entre autres, beaucoup ri toutes les deux lors de nos nombreux échanges. Au bout d’une quinzaine de jours, elle décida de quitter l’ashram et d’aller à Rishikesh. Notre relation s’étant approfondie, je pris la décision de l’accompagner jusque là-bas pour deux ou trois jours. Puis un belge (J.-M.), également en séjour, nous parla de l’ashram de Sivananda où il souhaitait se rendre. Nous partîmes donc tous les trois en taxi. Après avoir passé deux jours à Rishikesh où nous avons fait de très belles rencontres, dont  Swami Muktananda (canadien),   J.- M.  a proposé de nous rendre à Kankhal, au samadhi de Anandamayî, avant de rentrer chez Chandra Swami.  Mon amie nous accompagnait mais retournait ensuite sur Rishikesh pour continuer à « chercher » elle ne savait pas quoi... Personnellement je ne me souviens pas avoir jusqu’alors pensé à .

Nous sommes arrivés à Kankhal au moment où la puja du soir autour du samadhi de commençait.  Pour moi, tout cela était très nouveau, la musique un peu cacophonique, le rite, les dévots. Il n’y a pas de rituel de ce genre à l’ashram de Chandra Swami, seulement les séances de méditation d’une heure quatre fois  par jour. Je m’installais avec les autres en face du samadhi de et admirais la belle statue de marbre blanc qui la représentait et surplombait, un peu en retrait vers l’arrière, le lieu. C’était une atmosphère particulière et je me sentais un peu étrangère dans ce milieu. J’observais tout avec beaucoup de curiosité et parfois même d’amusement. Je pensais à Arnaud qui  avait sillonné les routes de l’Inde bien avant moi et qui avait eu le bonheur de rencontrer   tant de fois de son vivant. Ecrit dans mon journal : « … la cérémonie de l’Arati fut émouvante. , Mère Divine, tu rayonnes d’amour » … puis  « Y avons aussi rencontré un très vieux Swami  français, Vijayânanda, qui nous a également accueilli  avec beaucoup de gentillesse, nous offrant un « After Eight » au chocolat blanc ».

De retour à l’ashram de Chandra Swami, où nous méditions quatre heures par jour, où le rythme de la vie de l’ashram était assez « soutenu » et où il y avait beaucoup de monde, j’ai senti à la fin du 3ème mois une grande lassitude et la fatigue m’envahir. J’ai eu la grande chance de pouvoir m’en ouvrir directement à Chandra Swami lors d’un entretien privé. Voici une partie de sa réponse consignée par lui-même, par écrit, dans mon journal : « you may go to Rishikesh in some Ashram, where meditation is practised daily and regularly… »

C’est à cette période que mon amie m’appela à l’ashram de Chandra Swami. Elle se trouvait à Vârânasî/Bénarès où, me disait-elle, elle était « comme fascinée » par les crémations et restait des heures assise sur les ghâts. Nous décidâmes alors de nous retrouver à Kankhal, au ‘Centre International’ de , juste à côté de son samadhi, pour la semaine du 10 au 17 Avril.

Cependant j’avais aussi le profond désir de pouvoir faire une vraie retraite de solitude dans l’Himalaya. En ayant parlé à Vishali, une française vivant alors depuis plus de 16 ans auprès de Chandra Swami (et ancienne « adhérente »  chez Arnaud), elle m’informa que Jacques Vigne (que je ne connaissais alors absolument pas) allait prochainement passer une journée avec un groupe de français et que je pourrais profiter de cette occasion pour lui en parler.

Consigné dans mon journal : « Aujourd’hui  (03/04) ai rencontré Jacques Vigne qui est, effectivement, très abordable et aimable. Il m’a ouvert des perspectives inattendues quant à la suite de mon séjour en Inde. Je vais même avoir la possibilité d’aller séjourner quelques jours à Dhaulchina, son propre lieu de retraite, où se trouve Swami Nirgunananda qui fut le dernier disciple de Anandamayî. Possibilité qu’il avait tout d’abord exclue… Il m’a également proposé de me joindre à son groupe pour la Kumbha Mela qui aura lieu à Haridwar le 14, la semaine où je serai à Kankhal. C’est une chance car il est, paraît-il, dangereux d’y participer seule. »

Noté plus loin dans mon journal : « Plus qu’un seul jour à l’ashram de Chandra Swami. Samedi je prends la route pour Kankhal. Des amorces d’angoisse tentent de s’emparer de mon être lorsque je pense à mon projet de partir dans l’Himalaya. »

Entretemps, j’ai commencé la lecture d’un livre de Jacques Vigne : « Le Mariage intérieur en Orient et en Occident ».

« O » et moi partageons à nouveau une chambre au ‘Centre International’ de à Kankhal. Chaque matin, je me lève tôt pour aller assister à la puja au samadhi de .  Il n’y a quasiment personne alors, c’est très calme, les beaux et doux chants interprétés par une nièce de (ai-je appris plus tard) me ravissent le cœur et m’entraînent dans une communion intense avec .

En fin d’après-midi  nous allions nous asseoir auprès de Swami Vijayananda. Nous passions nos soirées auprès de lui, et une belle relation se créa entre lui et mon amie. C’était un peu comme si il la prenait sous sa protection, il plaisantait avec elle, lui suggérait un thème de thèse, « Le Gai Savoir » par exemple. J’étais plus spectatrice qu’actrice dans ces rencontres et ne parlais pas beaucoup. J’observais et écoutais. A cette époque-là, vivait une jeune femme suisse auprès de Swami Vijayânanda et nous la retrouvions là aussi tous les soirs, en même temps que quelques autres personnes. La plupart du temps, nous étions très peu.

Le 14 Avril consigné dans mon journal : « Hier, O et moi avons rejoint tôt le matin le groupe de Jacques Vigne pour les accompagner à la découverte de la Kumbha Mela à Haridwar. J’ai réussi à me tremper de la tête aux pieds dans le fleuve sacré, le Gange… peu après 7 heures du matin. » Après nous être changées (car nous devions nous tremper avec nos penjabi), Jacques nous a tous guidés à : « Hari-Ki-Pairi (The foot of Lord Vishnou), centre de la Kumbha Mela. A l’heure où nous y sommes passés, il n’y avait pas encore trop de monde. »

Que d’impressions, de sensations nouvelles. Pour moi, particulièrement saisissante fut la cérémonie du soir, Ganga âratî au bord des Hari-ki-Pairi ghats  alors grouillants de monde. La nuit tombait et la grande flamme fut allumée sur le Gange,  moment fort. « Mais je préfère l’âratî qui a lieu au tombeau de Anandamayî » ai-je écrit dans mon journal.

Dans les jours qui ont suivi, les événements se sont alors succédé rapidement et avec  intensité. Le 16, j’ai inscrit dans mon journal : « Aujourd’hui je me sens plutôt faible. Hier déjà durant l’âratî du matin j’étais nauséeuse. Ayant fait un périple dans Haridwar, visite de temples avec Heike et son mari laotien, guidés par Amit, j’ai failli les quitter après la visite du deuxième temple tant j’étais mal. Je n’ai pratiquement pas pu manger de la journée. Ai mal dormi cette nuit. Classique en Inde. Heureusement, j’avais décidé de me reposer. Et plus loin j’ai inscrit : « Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Je n’y pense que très peu. Seul mon séjour dans l’Himalaya me préoccupe un peu car je ne sais absolument pas, à l’heure actuelle, où je vais pouvoir m’établir. Tout est beaucoup plus difficile pour une femme seule. A la grâce de Dieu, à la grâce de . Faire confiance, toujours. »

La suite, dramatique,  je l’ai consignée assez succinctement dans mon journal  le 18/04:« De retour à l’ashram de Chandra Swami après bien des « aventures ». Ma chère « O » a, dans la nuit du 16 au 17/04, eu de fortes convulsions. Je n’avais jamais vu cela. C’était très impressionnant. En fin de compte, « O » a dû avoir une rupture d’anévrisme dont elle aurait pu mourir. Elle  a eu 4  crises en l’espace de 4 heures. J’avoue que ma première réaction, dans ce milieu un peu spécial qu’est l’Inde, avec la proximité du tombeau de , avait été de me demander si mon amie « entrait en samadhi ». Après chaque convulsion, elle se rendormait, puis elle disait sans cesse : « C’est comme si j’étais dans plusieurs réalités différentes ». Auprès de il se passe tellement de choses extraordinaires ! J’ai alors appelé Dinesh et c’est à partir de là que tout s’est accéléré. Swami Vijayânanda (qui d’habitude ne sortait jamais le matin) a été prévenu. Il est tout de suite venu pour l’examiner. J’en avais les larmes aux yeux en le voyant arriver. Swamiji avait demandé à Dinesh de nous accompagner, j’étais assise derrière avec « O » qui avait posé sa tête sur mes genoux. Arrivée à l’hôpital de Dehradun, elle fut prise en charge très rapidement et professionnellement. Son amour intense pour ses parents s’est révélé durant une crise de désespoir, dans sa peur de mourir sans les avoir revus. Ce fut très pénible. Elle n’arrivait pas à dormir… Elle fut transférée à Delhi. Enfin, grâce au professionnalisme de l’hôpital et à l’efficacité des services de rapatriement, la vie « d’O » a pu être sauvée.

Et le 23/04 j’écrivais encore dans mon journal : « A l’heure qu’il est, elle doit être en France. Je l’espère de tout cœur. Je sens que quelque chose de très fort nous unit, « O » et moi, au-delà de la relation forte et des expériences faites ensemble les derniers mois. Avons-nous, toutes deux, été très proches de  ? Peu importe. Elle est en moi, toujours, même lorsque je ne pense pas à elle. Et maintenant, me voici à Dhaulchina, à 1900 m d’altitude, auprès de Swami Nirgunananda. Nous avons déjà eu deux satsangs. Arrivées hier midi, avec Lotti et Edita. « O » aurait dû être avec nous… »

Oui, je suis enfin à Dhaulchina, un endroit  isolé par lequel est passée alors qu’elle allait en pèlerinage avec un petit groupe de ses plus proches disciples au Mont Kailash. Plus tard, Swami Vijayânanda y a vécu 7 années de retraite complète sans aucun confort. Et c’est à cet endroit même que je souhaite faire une expérience de solitude et de silence durant quelques semaines. Etant donné que je suis une femme, je ne suis pas autorisée à y demeurer seule auprès d’un moine qui y vit en retraite. Les deux jeunes femmes qui m’ont accompagnée et que j’ai rencontrées chez Chandra Swami disent vouloir aussi faire cette expérience maintenant.  Consigné dans mon journal le 24/04 : « Ce midi cependant, après le satsang, alors que Swamiji nous demandait quels étaient nos plans, je lui ai rapidement rappelé que je souhaitais passer un mois en silence mais que pour l’instant je ne savais pas encore où. Il m’a dit qu’il ne pouvait accepter de femme seule ici. Je lui ai vite déclaré qu’Edita souhaitait aussi faire cette expérience, et, à ma grande joie (je suis tombée à genoux à ses pieds en le remerciant), il m’a dit qu’en ce cas nous pouvions rester ici… »

En bas, au camping du village (20 mn de marche de l’ermitage), séjourne aussi une jeune australienne, « T », qui aimerait se joindre à nous. Elle monte le matin pour assister au satsang avec Swami Nirgunananda qui semble ne pas trop l’accepter (à cause de ses rastas ? Il a fait une réflexion à ce sujet un jour, trouvant cela « peu soigné »).

L’anniversaire de approche. Swami Nirgunananda va devoir se rendre à Kankhal pour célébrer cette grande fête. Nous ne pouvons pas rester à Dhaulchina et, durant son absence, nous allons toutes demeurer dans le petit ashram d’AlmoraSwamiji nous déposera en partant vers Kankhal. La jeune australienne se joindra à nous.

Jacques Vigne, qui a permis cette expérience, est parti pour un mois faire du trekking au Népal avec un ami indien.

Swami Nirgunananda nous dépose donc à l’ashram d’Almora qui se trouve un peu excentré dans la ville et où nous sommes censées rester 8 jours. Il n’y a pas beaucoup d’espace dans ce petit ashram, (écrit dans mon journal : « Dhaulchina me manque. Ici, il n’y a pas d’étendue où l’on puisse se promener, s’allonger, méditer dans la nature ; bien que situé hors du centre-ville et sur flanc de colline, les limites du terrain sont assez restreintes. Ce n’est pas non plus le même calme, le même air, le même isolement. »). Mais la présence de y est très forte. Sa petite chambre dépouillée où l’on peut voir son lit, de petites pantoufles qu’elle a portées et qui est attenante à la pièce où sont célébrées les puja du matin et du soir me touche beaucoup. Dans la nuit où est célébré l’anniversaire de a lieu une puja spéciale à laquelle je suis la seule des occidentales à assister. Quelle belle et intense expérience, je ne suis pas prête de l’oublier tant elle s’est inscrite en moi.

Est-ce l’influence subtile de , toujours est-il que Jacques Vigne a débarqué soudainement à l’ashram d’Almora, il a dû interrompre son trekking pour raisons de santé. Je sais déjà que mes compagnes renoncent à leur projet de séjour à Dhaulchina. Je lui fais part de mon « souci » et Jacques va intervenir auprès de Swami Nirgunananda afin que la jeune australienne puisse aussi s’installer à Dhaulchina en même temps que moi. De plus, j’ai droit à un « cadeau » supplémentaire, pas du tout prévu au programme, Jacques m’offre d’habiter dans son propre logement durant son absence (il repart jusqu’au 25 ou 27 mai).

Consigné dans mon journal le 09/05 : « De retour à Dhaulchina... Jacques Vigne est arrivé à Almora le 4ème jour de notre séjour. Il avait dû interrompre son trekking pour raisons de santé. C’est alors qu’il m’a dit qu’il me prêtait sa modeste demeure durant son absence. J’étais aux anges… et n’en revenais pas. Quelle belle énergie ici. Il y a deux superbes photos de (lorsqu’elle était jeune – comment ne pas aimer une si belle personne, jeune femme, comme elle est jolie). T. et Edita sont parties précipitamment – décision de dernière minute, surtout pour T.  – avec Jacques sur Kankhal pour célébrer l’anniversaire de là où est son samadhi. Edita a décidé de ne pas revenir…  Lotti  est aussi partie hier soir en bus vers Delhi… Swami Nirgunananda revient (enfin) de Kankhal avec deux familles indiennes du Gujarat qui vont aussi venir séjourner à Dhaulchina. Cela ne m’enchante pas car je crains que le silence et la solitude risquent d’être compromis.

C’est lors de cette expérience que j’ai pu voir à quel point il m’est difficile de garder le silence lorsque d’autres personnes qui ne le font pas sont présentes. Souvent, il me fallait faire un effort presque « surhumain » pour ne pas entrer en communication avec ces femmes sympathiques et très volubiles. 

Lorsque je me suis retrouvée seule à Dhaulchina avec Tam et Swami Nirgunananda , que nous ne nous rencontrions plus pour des satsangs et que j’apercevais parfois de loin, je n’ai eu aucun mal à rester en silence… enfin, manière de m’exprimer, car il est évident qu’à l’intérieur il y a toujours du mouvement. 

Sinon nous vivions là-haut dans des conditions relativement spartiates.  Nous avons même eu plusieurs jours sans électricité et sans eau courante car la pompe en bas qui alimentait le lieu était en panne. On m’apportait des seaux d’eau puisée dans une réserve sur la propriété remplie d’insectes morts et d’herbes diverses. J’avoue que j’avais beaucoup de mal à me laver avec cette eau. 

Je me levais tôt le matin. Après une brève toilette, je me mettais en route vers un endroit de la propriété duquel j’avais à cette heure très matinale vue sur la chaîne montagneuse de l’Himalaya (quand il n’y avait pas de brume qui la recouvrait) et, lui faisant face, intérieurement illuminée à la vue du soleil se levant peu à peu de derrière les majestueux pics blancs, je faisais mes exercices durant une demi-heure. L’après-midi, j’allais me promener une bonne heure en dehors de la propriété dans la forêt qui l’entourait. Deux fois par jour j’allais méditer dans la salle de .

Bénéficiant du logement de Jacques, j’ai aussi profité de sa bibliothèque et me suis plongée dans les livres qui racontaient ou parlaient de . C’est ainsi que j’ai beaucoup appris sur et que j’ai approfondi ma rencontre avec Elle.

Jacques est revenu le 28 Mai, je lui ai rendu son logement et ai intégré une chambre dans un des petits bâtiments sur la propriété. Dans mon journal, le 29/05 : « Jacques est revenu hier matin. Lui ai donc rendu son logis et ai déménagé dans la deuxième petite chambre à côté de Mâ’s room ». Suis bien ici aussi… »

Je peux dire que cette expérience a été l’une des plus belles de mon existence et que je me suis sentie  heureuse dans ce lieu. Il ne me manquait rien, j’ai pris conscience avec acuité que nous n’avons en fait besoin de rien… comme disent si bien les allemands : « ich war wunschlos glücklich », une belle expression qui veut dire que l’on est heureux et sans souhait.

Quelques mois plus tard, quelque part en France, et sur l’invitation de ses parents qui tenaient à manifester leur reconnaissance,  j’avais la joie de retrouver mon amie « O » qui avait pu être opérée à Paris dès son arrivée et eu ainsi la vie sauve. 

Elle est ensuite partie à Montréal où, à l’Université du Québec, elle a commencé à travailler sur sa thèse de doctorat sur    ‘Le Culte Postmortem des saints dans la tradition hindoue’ : « Expériences religieuses et institutionnalisation du culte de Anandamayî  (1896-1982). » Un travail magistral qui a demandé  4 années de travail intensif terminé en Octobre 2008.

Comme elle le dit et l’a écrit dans un courrier à Arnaud Desjardins à qui j’avais envoyé  sa thèse de doctorat sur Anandamayî : « … Cette thèse représente donc pour moi bien plus qu’un simple diplôme d’étude, c’est réellement une véritable victoire sur la mort. »

J’avais aussi pris sur moi d’envoyer la thèse à Swami Vijayânanda à Kankhal.  Mon amie a approuvé avec bonheur.

Je n’ai jamais eu l’occasion de parler personnellement à Arnaud de mon expérience en Inde et de ma rencontre intime avec .  L’envoi de la thèse de mon amie a été le geste que j’ai fait pour lui signifier à quel point était encore vivante (bien qu’il n’ait pas eu besoin de moi pour le savoir). A la réception de l’envoi, Arnaud m’a immédiatement répondu :

« La thèse d’O m’intéresse personnellement … En attendant, à peine ai-je reçu ces pages que j’ai commencé à les lire. Vous savez le rôle que Anandamayî a joué dans mon existence. J’ai bien connu Vijayânanda, Bhaskarânanda et je suis heureux de les retrouver dans ce témoignage… »

Arnaud a rendu son dernier soupir  le 10 Août 2011, le portrait de entre les mains.

Mon amie « O », après deux missions au sein de la Croix Rouge Internationale, s’est rendue à New York où elle a, de nouveau, travaillé avec acharnement à peaufiner sa thèse en vue de son édition.

En avril dernier, elle recevait l’avis favorable d’une des maisons d’édition universitaires les plus réputées, l’Oxford University Press, que son livre sur était accepté et qu’il serait prochainement publié, ce qui est une véritable reconnaissance dans le milieu des livres édités en anglais.

Voilà l’un des nombreux témoignages qui indiquent bien à quel point agit encore dans le monde. 

Mon autre amie rencontrée en Inde, allemande celle-ci, Hariprya ou Heike, peut aussi en témoigner.

 

       Présence à Dieu et connaissance de soi 

         Par Isabelle Rodde        

 

Isabelle RODDE est psychothérapeute depuis 20 ans. Elle vit actuellement et travaille au Puy-en-Velay. Elle pratique la méditation et est engagée dans une recherche spirituelle forte depuis 35 ans.

Née en 1957, c’est à l’âge de 18 ans qu’elle commence à étudier les différentes approches spirituelles en les comparant afin de discerner ce qui est essentiel, structurel, et ce qui ne l’est pas, démarche qui marquera toute sa vie.

A 20 ans, elle découvre sophrologie et yoga que dès lors elle pratique et rencontre le Dalaï Lama dont la qualité d’être et le rire merveilleux la touchent profondément. Un lien fort se crée.

Elle rencontre aussi la sainte hindoue Anandamayî, considérée comme la figure spirituelle féminine majeure de l’Inde du XXème siècle, qui devient sa mère spirituelle vénérée... Une des spécificités de est de respecter l’immense diversité des approches religieuses ou spirituelles, en évitant toute querelle et tout « formatage » de l’individu. L’amour, la Paix ne peuvent-ils pas être trouvés par de multiples cheminements ?

La voie sur laquelle Isabelle Rodde s’engage à 20 ans est une voie védantique (Raja yoga et Jnana yoga), mais elle reste très ouverte aux autres approches, y compris laïques. Le plus important, c’est d’être sincère et de pratiquer.

Elle a rencontré Arnaud Desjardins en 1984, avec lequel elle a noué une relation personnelle très suivie et sous la direction éclairée duquel elle travaillera pendant 27 ans. Il lui demandera de pratiquer la relation d’aide, et c’est ainsi qu’elle deviendra psychothérapeute en 1993, travaillant depuis lors à établir des liens entre notre dimension psychologique et notre dimension spirituelle.

Journées de méditation-questions/réponses prévues avec elle :

Le Puy En Velay - 5-6 Octobre. Thème : L’Ouverture du Cœur.

Lyon - 30 Novembre. Thème : Dévotion au Maître, Présence et connaissance de soi.

Renseignements/inscriptions au 06 84 76 36 18. Par mail : isa.rodde@wanadoo.fr

On peut aussi lire ses articles dans le blog et trouver ses séances de méditation ou de relaxation sur son site : http://www.zenitude-square.com/

 

 « Bhagavan ke niye thako» : «Vivez dans la présence de Dieu! »

 

         Quand n’eut plus la force physique, étant alors très âgée, de répondre aux questions des visiteurs, Elle ne donna plus que cette seule instruction... C’est dire qu’elle est tout à fait essentielle. Ce n’est évidemment pas un hasard si cette formule est également au centre du christianisme. On la trouve aussi chez les soufis, pour lesquels plus on est près de la présence du divin «Bien Aimé», plus on connaît ; plus on en est loin et plus on est voilé. Quant au bouddhisme, qui n’aborde pas la pratique en référence à Dieu, l’équivalent est : «Vivez dans la présence au Maître», celui-ci étant le canal central, la courroie essentielle de la transmission spirituelle. Bien sûr, dans le yoga védantique, la présence au Maître est tout aussi incontournable. Car le Guru, du fait qu’il est «Réalisé», c’est à dire que tous les niveaux qui le composent baignent de façon ouverte dans la présence divine, et qu’il est conscient d’être l’Atman-Brahman, ne se prenant plus pour sa personnalité ou son corps, est considéré dans toute l’Inde comme divin. C’est pourquoi était susceptible de demander à ses devotees de vivre « dans la présence de », ajoutant, par exemple : « Je suis celle qui est la plus proche et la plus chère à vous tous, même si vous ne le savez pas ». , c’est à dire à la fois Mère divine et forme particularisée, humaine, manifestant le Divin dans ses regards, paroles et comportements.

         Bien entendu, nous baignons aussi dans le divin, à tous les niveaux qui nous composent, comme les poissons baignent dans l’unique Océan... Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’Il sous-tend, en présence et en essence, et en chacun de ses éléments particularisés, l’univers tout entier? Le divin est en tout, il EST TOUT. Sauf que, contrairement à , nous y baignons de façon fermée, ne sommes pas conscients de sa présence et par conséquent, la trahissons. Nous sommes sous le joug de la conscience de la séparation, c’est à dire d’une série de fermetures et d’aveuglements qui font de nous l’équivalent de poissons ignorant inconsciemment (mais résolument) l’existence de l’Océan qui les entoure, les porte, les nourrit, les oxygène à chaque instant... Quelle situation étrange! Tout l’ensemble complexe de nos identifications au corps, à nos traits de personnalité (par identification il faut entendre aussi «restriction à»), et il faut avoir le courage de le voir. Tout le jeu de notre égocentrisme, de notre orgueil, de notre désir insensé de commander à ce monde au lieu de le servir, à tout instant nous amène à réprimer la vérité. Nous amène à nous empêcher de voir le Brahman. Oui, vous avez bien lu. Nous réprimons la vérité. Nous sommes comme des poissons qui refusent de reconnaître l’océan. Autrement, pourquoi ne verrions-nous pas Dieu puisqu’il est partout?... Pourquoi n’éprouverions-nous pas sa merveilleuse présence dans la texture même de notre être puisqu’il est nous et que nous sommes Lui?... Ah! L’impérialisme de l’ego... Ah! L’efficacité de nos filtres mentaux...

         Puisque nos filtres mentaux empêchent Atma Darshan, la vision de l’atman  (et nous les avons mis en place pour cela), nous allons donc devoir occuper une position bien étonnante et comparable à celle de poissons qui, ne percevant pas l’Océan, doutant souvent de la possibilité même de son existence, essaient pourtant de se souvenir de lui, de vivre en pensant à lui, dans l’espoir de le VOIR enfin un jour... Tout en continuant inconsciemment à s’arranger pour ne pas le percevoir, trop focalisés sur nos désirs individuels, fascinés que nous sommes par le monde, voire littéralement hypnotisés par la représentation illusoire que nous en avons construit!!!... Une série d’illusions qui sert et défend parfaitement ce sens erroné de la séparation, cette conscience égotique à laquelle en vérité nous tenons tant. C’est cela, Maya... L’impérialisme du poisson qui veut être tellement important qu’il en arrive à nier l’océan tout entier !!! Devons-nous en rire ou en pleurer?

         Voilà pourquoi pour vivre dans la présence de Dieu, il nous faudra pratiquer la connaissance de soi, et ceci à un degré très profond. Car nous allons devoir détricoter tout ce que nous avons accumulé d’illusions, nous allons devoir détruire notre mental, manonasha en sanscrit. C’est pourquoi pendant la majeure partie de l’ascèse, nous devrons étudier ce mental dont nous sommes devenus les prisonniers, comprendre de quoi il est fait, condition sine qua non pour le déconstruire. Chaque mental est très complexe, profond, puissant, et constitue un adversaire redoutable. Pendant très longtemps, et parfois malgré quelques instants de grâce qui soulèvent, l’espace d’un instant, le voile de l’ignorance, au mieux, nous ne pouvons que «penser» à Dieu, nous souvenir de l’Absolu, et non pas le voir, l’éprouver directement.  C’est là où le Guru joue un rôle capital : Il est un être humain incarné (et non pas une pensée), avec lequel nous pouvons être en relation concrète, d’où des inter-actions intellectuelles, affectives, énergétiques, spirituelles qui vont aider énormément à la destruction de l’illusion. L’ascèse doit nous faire passer d’une représentation mentale (nous pensons à depuis notre identification à notre personnalité et notre corps) à une entrée réelle dans la Présence, l’union avec la Mère Divine en amont de toute pensée, dans le silence de l’esprit et grâce à un cœur enfin vidé de toute identification-restriction au petit moi... Dans la véritable dévotion, il n’y a pas de place pour deux!!! A la fin de l’ascèse, il n’y a plus «moi qui aime », même plus que tout. Il n’y a plus que , il n’y a plus que Dieu. Il n’y a plus que cette présence magnifique, infinie, radieuse, il n’y a plus que cet «Etre» (Sat) doté de toutes les qualités (lumière, paix, joie, pureté, innocence, humilité, simplicité et pourtant aussi grandeur, majesté, splendeur... et aussi bonté, compassion, lucidité, sagesse...) Des qualités qui apparaissent alors toujours comme étant infinies et parfaites, alors que lorsque ces valeurs réussissent à filtrer un tant soit peu dans notre psychisme, elles s’y trouvent toujours limitées et bien imparfaites, comme nous ne le savons que trop...

         L’entrée dans la Présence est un acte, la Présence à Dieu est une expérience, un pur vécu de l’Etre, avec des perceptions extrêmement tangibles, en particulier au niveau du cœur qui devient le véritable organe de connaissance. On pourrait dire aussi de «co-naissance»! Dieu en nous (Atman) et Dieu à l’extérieur (Brahman)... Sauf qu’Il n’y a plus vraiment d’intérieur et extérieur... et vraiment, quel bonheur, quelle libération que de ne plus être sous le joug de cet ego si encombrant et perpétuellement misérable dans le fond. Cela fait envie, n’est-ce pas!...

         Pourtant, la route va être très difficile. Car l’ego et le mental ne vont pas se laisser faire, et vont mettre en place des stratégies susceptibles de ruiner l’ascèse, et ce d’autant plus qu’ils se sentiront menacés. Pointons certains des pièges spécifiques dans lesquels nous, chercheurs spirituels, sommes tous susceptibles de tomber.

         Le premier est de croire que la simple concentration sur la pensée du divin, le fait de rester dans la pensée de et même de l’aimer très fort, vont suffire à nous libérer. Non, cela ne va pas suffire, car ici le piège est, en s'appuyant sur la pensée de Dieu (ou de ), d’en profiter pour refouler, ignorer toutes nos constructions mentales, tous nos dysfonctionnements non résolus, et par là même, ne jamais les résoudre. Leur non résolution maintient tout l’édifice illusoire et l’ego sauve sa peau.

         Un autre piège est de tenter de s’améliorer indéfiniment. nous donne une image splendide de l’être humain, et tout naturellement, cela donne envie de progresser, de nous améliorer, ce qui est très important. Bien sûr que nous devons tâcher de développer nos qualités et de diminuer nos défauts, mais il y a une façon névrotique de le faire, en vérité très narcissique : je m’occupe de m’améliorer, MOI, et pendant ce temps-là, je continue à être égocentré... Je m’évertue à construire une belle image de moi (qui compense probablement tout un tas de sentiments d’infériorité, l’impression d’être inadéquat, etc., qui restent refoulés dans l’inconscient, donc non résolus)... En réalité l’ascèse consiste à Etre, sans référence à l’image de soi. Dans l’absolu, peu importe que cette image soit minable, moyenne ou «supérieure» : il s’agit d’être libre de toute image de soi. Or, un des bastions de l’ego consiste à se prendre pour son image, comme Narcisse (qui en meurt) et c’est ce qu’on appelle l’identification.

 

         Un des pires pièges consiste à se construire un ego spirituel. Cette fois, l’ego sauve sa peau comme un caméléon en devenant ego spirituel, ce qui est un non-sens, car l’ego au sens précis que lui donne l’Inde, est précisément totalement anti-spirituel. Nous sommes attirés par la beauté de , bouleversés par sa grâce, nous voulons l’Eveil et devenons des chercheurs spirituels... Mais au lieu de renoncer à l’identification au moi, voilà que nous la renforçons en construisant un moi spirituel!!! est un être dans l’effacement total, à un degré si profond qu’elle se désigne en disant simplement « ce corps », et voilà que  l’ego en nous se rêve saint, merveilleux, sublime. Mais pour que le merveilleux, le saint et le sublime apparaissent, il faut, précisément... que l’ego disparaisse. Il n’y a pas de place pour deux. C’est ou l’ego, ou Dieu, ou, si vous préférez, ou «moi» ou ... Un autre aspect de ce piège-là, consiste à refuser l’irruption du merveilleux, du saint, du sublime en soi, parce que ce serait de l’orgueil. Je refuse Dieu lui-même au nom de l’humilité qui mène à Dieu... Mais la véritable humilité consiste à être libre du moi et non pas à construire une nouvelle et parfois massive identification à un moi censément humble... et souvent alors bien ratatiné. C’est pourquoi la véritable humilité grandit, n’écrase rien en nous, au contraire. Et que dire des ego spirituels qui s’approprient la vérité pour dominer les autres, prêcheurs et ayatollahs domestiques de toutes sortes? L’ego se maintient en ayant toujours raison, c’est encore un de ses traits structurels.

         Enfin, un piège courant consiste à faire du «tourisme spirituel.» Pas d’intensité, pas de motivations suffisantes, l’attrait du monde reste trop fort... On va alors utiliser et l’approche spirituelle pour continuer à combler des désirs ordinaires, en se réclamant pourtant de la spiritualité. Certains font même de véritable hold-ups sur la spiritualité, ramenant la méditation, la tranquillité, le centrage sur soi nécessaire à l’introspection, la pratique du yoga à des activités en vérité très hédonistes, orbitant tranquillement autour de leur nombril toute une existence durant...

         La véritable ascèse est un combat. Le plus grand, le plus difficile, le plus acharné, mais aussi le plus intéressant et le plus beau que nous puissions jamais accomplir. dit : «Pour nettoyer votre esprit de toute saleté, de toutes les ordures qui s’y trouvent, il vous faudra toute une vie d’efforts.» (Aux Sources de la Joie p.33.)

         Dans un prochain article, nous verrons quelles sont les qualités requises pour accomplir ce travail, c’est à dire quelles sont les qualifications qui font d’un être humain un véritable disciple.

         A suivre, donc…

 

                                             


                                      

Renoncement…

Le moment est venu où l’on doit se quitter

Ce sera au Divin que l’on dira ‘je t’aime’…

Renoncement, courage, émotions maîtrisées,

Le ‘non-attachement’ devra nous libérer

Pour que ‘l’ego-passion’ n’engendre plus les peines

Mais que la joie fleurisse au sein de nos pensées…

 

Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

(Court extrait de son livre ‘Voyage intérieur aux sources de la joie-(Souvenirs de l’Inde)

Editions du Petit Véhicule

 

Nouvelles

-          Une retraite d'une semaine dont s'est occupé Vigyananand (Jacques Vigne) a eu lieu à Kankhal avec un petit groupe de Français en juillet. Il y avait eu plusieurs retraites de ce genre à l'époque de Vijayananda, et au moins une après qu'il a quitté son corps. Les gens ont été touchés aussi par la puja au samadhi de . Comme d'habitude, nous avons été visiter pendant la seconde semaine : Rishikesh, la chambre de Ma à Dehradun et au-delà Chandra Swami sur les bords de la Yamuna. Le disciple de celui-ci, Atmananda, d'origine belge, nous a reçus dans son centre inter-monastique à Laxman Jhula dans la partie supérieure de Rishikesh et nous a parlé fort clairement du védânta et de l'au-delà de la religion. Il ouvre un site sur le moine qui l'a inspiré, Swami Abhishiktananda (le Père Le Saux) http://abhishiktananda.org.in/  qui sera enrichi progressivement des textes du moine bénédictin qui a passé toute la seconde moitié de sa vie en Inde, très influencé par le védânta.

-          Des pluies torrentielles du 15 au 17 juin ont fait céder un lac au-dessus du lieu de pèlerinage de Kédarnath, et ont induit une crue-éclair : bilan de ce désastre et des inondations dans la région : 5000 morts. Vigyananand est engagé depuis longtemps dans cette région du point de vue de l'aide à l'éducation, en particulier par la ‘Dr Jacques Vigne National School à Guptakashi. Fondée en 2007, elle compte maintenant 400 élèves, et elle a obtenu la reconnaissance des grandes écoles de l'Inde avec la certification du Central Board of Secondary Education. Ses résultats aux examens gouvernementaux sont aussi bons que ceux des grandes écoles de la capitale de l'état d'Uttarakhand, Dehradun. Il n'y a eu que 7 enfants orphelins de père au niveau de l'école. Malheureusement, les familles de 70 enfants fréquentant cette dernière ont perdu leurs propriétés, qui étaient des hôtels, des restaurants ou des boutiques à kédarnath ou sur la route. Nous avons donc organisé, en plus des dons directs, un système de parrainage pour que ces enfants puissent continuer avec cette école, et que l'école elle-même puisse traverser cette crise. Pour envoyer les dons, on peut adresser un chèque à notre l'association, qui porte bien son nom vu les circonstances. ‘Association Humanitaire Himalaya’ 17 rue Bonaparte – 75006 Paris. Nous avons fixé le montant du parrainage à 25 € par mois. L'idée est de mener les enfants jusqu'au bac. C'est par un parrainage comme cela que le directeur de l'école, a pu lui-même dépasser ce niveau, obtenir une maîtrise de mathématiques et finalement fonder cette école. Pour obtenir un dossier de parrainage, on lui écrira directement à Lakhpat Rana - jvnsguptakashi@yahoo.co.in

 

Renouvellement des Abonnements

Pour la nouvelle session du ‘JAY MA’  2013-2015

Merci à tous ceux qui ont déjà  renouvelé leur abonnement pour la nouvelle session de deux ans, qui ira de Mars 2013 à Mars 2015 et qui a commencé avec le N° 108 du printemps 2013… Nous les félicitons d’être restés et nous remercions les nouveaux inscrits d’être entrés dans la Grande Famille de  !

Merci également à tous ceux qui rejoindront l’expérience du ‘JAY MA’ en s’inscrivant pour ces deux années à venir auprès de José Sanchez Gonzalez  pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère bénévolement l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr.

La brochure est toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel envoyé par email, soit 4 numéros par an. Le renouvellement ou l’inscription se font automatiquement pour deux ans. Il faut donc envoyer à José un chèque de 8 Euros au nom de Jacques Vigne, pour couvrir ces deux années. Les numéros arriérés seront envoyés à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.

Cette brochure fut créée il y a désormais 25 ans. Elle représente un lien d’amour avec l’Inde, avec , avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne, avec la collaboration de Mahâjyoti qui a une « lettre d’infos » à votre disposition sur demande, pour bien comprendre la marche à suivre.

 

Table des matières

Paroles de   Extraites de ‘Les Enseignements de Anandamayî

Je suis une hindoue par Swami Nirgunânanda

A pas feutrés par Patrick Mandala

Ma rencontre avec , à travers Arnaud Desjardins 

Témoignage vécu de Pascale Lorenc

Présence à Dieu et connaissance de soi  par Isabelle Rodde

Renoncement  court poème extrait du livre ‘Voyage intérieur’

de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

Nouvelles

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