Jay Mâ  N°108 – Printemps 2013


 

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Dans la tradition hindoue, le 108 est un chiffre éminemment sacré. Il va avec le 18 (il y a 18 chapitres dans la Bhagavad-gîtâ et 18 Pouranas) et le 1008. Pourquoi cela, demande-t-on souvent. Peut-être parce que le 108 est divisible par beaucoup d’autres chiffres, il représente donc une forme de cette inclusion chère au polythéisme hindou, ainsi qu’au védanta, et qui diffère donc du caractère clairement exclusif du monothéisme d’inspiration biblique. On pourrait y voir aussi l’unité suprême, le Un, qui doit renoncer à son statut, passer par le zéro, pour pouvoir se manifester sur terre, ou la création se développe de dualité en dualité, 2x2x2 qui font 8. Quand un moine a récité 108 lakhs de fois son mantra, c’est-à-dire 108 fois cent mille fois, il mérite le titre par exemple de Shri 108 Swami Atmanânanda ou autre. Pareil pour 1008 lakhs de répétition, ce qui représente certainement un bel investissement de temps et d’énergie.

      Rédiger 108 numéros du Jay Ma a été certainement aussi un bel investissement, je dois remercier ceux qui y ont collaboré, en particulier Mahâjyoti de Nice qui a discrètement pris la responsabilité de la composition des numéros, en particulier pendant mon année de tournée en Europe qui vient de se terminer.

                                                                                                                                                                           Vigyânânand (Jacques Vigne)

 

Paroles de Mâ

 

Extraites des chapitres 8 et 11

de ‘Les Enseignements de Mâ Anandamayî’

 

 

                                                                 8 - K R I P A,  LA GRACE

 

Dieux est clément et miséricordieux. Il déverse sur nous, sans compter, Sa miséricorde et Sa compassion ? Empressez-vous de tendre la main. Une attitude de marchandage n’est pas de mise ici. Dites-vous : « J’ai essayé et je n’y suis pas arrivé. C’est la conséquence de mon karma. Oh, Seigneur ! Vous m’envoyez Votre grâce et je la reçois ». Un être vivant peut espérer agir pour son bien seulement s’il se rappelle cela.

 

 Dieu dispense Sa miséricorde en tous lieux. Seuls ceux qui lèveront le regard dans Sa direction recevront Sa lumière. L’homme doit toujours prier pour obtenir Sa miséricorde.

 

Seul celui qui est très pieux peut comprendre Sa miséricorde.

 

Même le désir ardent de Sa présence prend naissance grâce à Sa miséricorde, souvenez-vous de cela. Lorsque l’action demeure sans résultat, il est à présumer qu’elle n’a pas été accomplie de la juste façon. Toutefois, la traversée s’effectue progressivement. Il est bien, dans un tel contexte, de garder une foi stable et solide.

 

Ce quelque chose (la miséricorde) est au-delà de la compréhension et cependant le désir ardent de l’atteindre persiste – cela aussi c’est la grâce de Dieu. Le désir juste et honnête conduit à la disparition du désir. En vérité, l’homme ne sait pas quand lui apparaîtra Sa lumière comme aboutissement d’un engagement constant dans une action honnête menée par un désir vrai et pieux. C’est pour cette raison que tant que l’illumination n’a pas eu lieu, l’engagement dans cette traversée vers le but suprême doit se poursuivre, que ce soit de bon ou de mauvais gré.

 

La grâce de Dieu est en rapport avec la résultante du karma, aussi longtemps que l’ego existe, la grâce est là tant que le karma est là.

 

Dans Son royaume, le Seigneur bienveillant a pris Ses dispositions pour répandre Sa miséricorde. Il la déverse avec bonté, sans discontinuer, telle une pluie qui ne cesse jamais. Si l’on maintient le récipient dans sa position normale, il finit par se remplir à ras bord, si on le retourne, les objets qu’il y a dedans tombent ou restent bloqués à l’intérieur.

 

Il accorde toujours Sa miséricorde. Et pour comprendre cela, on doit patienter sans le quitter du regard. On comprend Kripa (la grâce) lorsque Chitta (l’esprit) est purifié.

 

L’action est indispensable pour éliminer le voile (de l’ignorance). Travaillez avec l’intelligence dont vous avez été doté. Sa grâce est spontanée. Pourquoi ne dispense-t-Il pas la grâce ? C’est là Sa volonté d’action – chaque chose est Sienne – quelle qu’elle soit. Lorsqu’il y a une raison, il y a le désir d’atteindre et de cueillir le fruit. «  Je vis le résultat de mon action ». Résultat de quoi ? Sa propre action, sa propre expérience.

 

Celui qui crée un mauvais fruit par ses actions peut le faire disparaître par des actions droites et justes. Voyez Sa grâce et Sa bonté en toutes choses. Celui qui reste fixé sur la pensée qu’il est un instrument dans Ses mains, celui-là ne peut accomplir aucune action qui engendre la souffrance. La juste voie, le droit chemin, sont ce qui Le caractérise.

 

Le malheur ne disparaît que dans le refuge qu’est le Seigneur. C’est uniquement par la grâce de Dieu que l’homme paye en souffrance le résultat de son karma. Si l’on considère cette souffrance comme Sa grâce, alors elle nous conduira jusqu’au lieu suprême.

 

 

     11 -   CONNAISSANCE, IGNORANCE ORIGINELLE,

MAYA, ILLUSION

 

Dieu a recouvert le jiva(individual soul)) du voile de l’ignorance originelle. Il a toutefois laissé une porte ouverte sur la connaissance. Le jiva peut arriver à la libération en passant cette porte. Mais il ne faut pas oublier que pour atteindre l’objectif suprême, pour atteindre Dieu, il faut transcender aussi bien la connaissance que la limitation originelle de l’ignorance. Aussi longtemps que la connaissance et l’ignorance sont présentes, la perception de la différenciation est présente elle aussi, auquel cas Brahman ne peut être atteint. Cet état suprême peut être atteint lorsque disparaît toute idée de différenciation. Et l’on est alors fixé dans sa nature innée.

 

Dans la mesure où l’on est soi-même immergé dans  Mâyâ, il est difficile de se représenter d’où elle provient. Cherchez à Le connaître. Connaître son Soi, c’est Le connaître. La résolution de tous les problèmes se trouve dans la réalisation du Soi. Tant qu’il y a Mâyâ (qui nous enveloppe) il est difficile de connaître Mâyâ (objectivement, de l’extérieur).

 

Depuis que Dieu est là, Mâyâ l’est aussi. Et Dieu a toujours été là. C’est pour cela que Mâyâ aussi est sans commencement. Il faudrait essayer de réaliser le Soi, ou bien sous forme de serviteur de Dieu, ou bien sous forme d’Atma.

 

L’un est connu comme Mahâmâyâ (l’aspect féminin de la Réalité ultime)et l’autre est l’illusion des sens – l’expérience des objets des sens. Vous êtes un voyageur en route vers l’immortalité et vous rencontrerez nombre de difficultés si vous ne progressez pas dans Sa direction. Ne restez pas empêtrés dans les vibhûti (pouvoirs surnaturels). Ce n’est qu’un simple état. Le but ultime et suprême ne peut pas être atteint à travers les vibhûti. Le pouvoir acquis ne doit pas être consumé inutilement. Cherchez la révélation du Soi, sinon vous devrez faire face à mille difficultés et vous chuterez de cet état que vous avez atteint.

                                                                                                                                                                  (Traduit de l’anglais par Jean E.Louis)

 

 

 

L'ashram de Mâ Anandamayî

 

D’après un texte écrit il y a quelques années par Vigyânânand (Dr. Jacques Vigne) pour les Carnets du Yoga. Nous le dédions aux nouveaux inscrits qui se sont abonnés récemment à notre brochure ‘JAY MA’ et à tous ceux qui n’ont pas encore eu la chance de se rendre à Kankhal, en Inde du nord, au samadhi de Mâ.

 

      L'ashram principal de Mâ Anandamayî est situé sur les bords du Gange à Kankhal, près de la seconde ville sacrée d'Inde, d'Hardwar, à l'endroit où le Gange sort de l'Himalaya. C'est là que son corps repose depuis 1982 dans un temple de marbre tout blanc. Elle a vécu jusqu'à quatre-vingt-six ans. Son nom signifie « celle qui est imprégnée, constituée de joie spirituelle ». C'est là aussi qu’a résidé pendant trente ans son principal disciple français, Swami Vijayânanda, qui a ‘quitté son corps’ à 95 ans le Lundi de Pâques 5 Avril 2010. Je fréquente cet ashram moi-même depuis 1985, et j'ai vécu près de celui-ci pratiquement  continûment. On dit en Inde que quand un sage quitte son corps, c'est l'ashram lui-même qui devient son corps. Je ressens quelque chose comme cela à Kankhal, et c’est également l’impression d'un certain nombre de visiteurs ou d'anciens fidèles.

     Il y a un programme général pour les résidents de l'ashram chaque jour, mais depuis plus de vingt ans que je fréquente cette institution, je n'y ai pratiquement jamais participé, à part pour les grandes fêtes et le rituel du soir, après lequel nous avions en compagnie des visiteurs une rencontre quotidienne avec Vijayânanda, ce qu'on appelle en Inde le satsang. Le centre de la vie de l’ashram est la relation d'enseignement. Mâ gardait les gens proches d'elle pour les former, mais dès qu'ils en étaient capables, elle les envoyait en solitude pour qu'ils puissent être dans les meilleures conditions pour plonger au fond d'eux-mêmes. Il existe plus de vingt-cinq autres ashrams de Mâ plus ou moins grands, les principaux se sont développés à Delhi, Calcutta et Bénarès. Dans cette dernière cité, le bâtiment donne directement sur le Gange, et le ‘ghat’ (grands escaliers qui descendent directement dans le fleuve) qui est à ses pieds porte le nom d’Anandamayî. C'est le seul cas dans l'histoire de la ville sainte de l'hindouisme où un ghat a été nommé d'après un gourou vivant. C'est dire le respect dans lequel l'Inde traditionnelle tenait la sagesse de Mâ. Il y a un hôpital charitable près de l'ashram, qui a été inauguré par Indirâ Gandhi ; celle-ci venait visiter Mâ assez régulièrement. Pourquoi Mâ Anandamayî attirait-elle les gens, y compris des Français comme Vijayânanda ainsi qu'Arnaud et Denise Desjardins ? Essayons de comprendre déjà cela par l'histoire de sa vie :

 

Libre comme un oiseau sur la branche.

 

       C'est ainsi que Mâ définissait elle-même ses déplacements incessants, au début c’était surtout au Bangladesh, et ensuite principalement dans le nord et le centre de l'Inde. Ce mode de vie laissait une grande place pour des rencontres inattendues et non programmées, parfois dans des trains ou des gares, parfois dans des dharamshâlas, ces institutions religieuses où passent des pèlerins en provenance de toutes les régions de l'Inde. Pour un certain nombre de personnes, ces rencontres à l'improviste ont marqué un tournant dans leur vie.

    Mâ disait qu'elle était venue à cause des prières des gens. En fait, les brahmanes du Bengale comme le reste de l’hindouisme à la fin du XIXe siècle étaient au plus bas. La colonisation et les missions avaient fait leurs ravages, et certains envisageaient même sérieusement la fin de cette religion. Il y a eu des gens parmi ces brahmanes qui ont donc demandé à la Mère divine de venir à leur secours, et ils ont reconnu en Mâ Anandamayî cette aide qui arrivait. Le second aspect de Mâ est franchement universel,  elle s'appuyait directement sur l'expérience de l'Un, et à ce titre-là tout le monde était le bienvenu pour la rencontrer, en tant que partie d'elle-même en quelque sorte. Des hindous de toutes les écoles, des sikhs, des parsis,  un bon nombre d'occidentaux le plus souvent d'origine chrétienne, juive et un petit nombre de musulmans sont venus, et sont restés auprès d'elle. Elle était contre le prosélytisme, et renvoyait souvent les gens dans leur pays, mais avec une vision transformée des choses. Sa doctrine de l'Un ne contredisait aucune voie religieuse, mais elle était aussi clairement au-delà.

   Pendant sa jeunesse, elle était passée par de nombreuses phases de sâdhanâ extraordinaire et elle avait souvent des extases. Il faut comprendre qu'au Bengale, la sainteté extatique est une tradition centrale, avec des sages comme Chaitanya Mahâprabhou, Ramakrishna et bien d'autres. Quand Mâ a été plus âgée, elle a résidé principalement dans le nord de l'Inde et la manifestation de ses extases a disparu, elle avait un comportement tout à fait habituel de l'extérieur.

 

Un maître spirituel qui disait qu'elle ne l'était pas.

 

     Mâ se présentait régulièrement comme la "petite fille" des gens âgés, et comme "l'amie" des jeunes. Elle faisait donner l'initiation par d'autres gourou, et même quand elle conférait un mantra elle-même, ce qui était rare, elle précisait bien à celui ou celle qui le recevait : "Je ne suis pas ton gourou". C'était plutôt paradoxal, puisque bien des gens la considéraient comme telle, et elle les guidait effectivement. La principale clé de ce mystère, c'est qu'elle était dans l'Un, et ainsi ne voulait pas établir cette distinction entre gourou et disciple, où l'un est sur le piédestal et l'autre à ses pieds.

    D'un côté, elle revenait régulièrement sur la notion traditionnelle de l'utilité du maître,  et d'un autre, elle pouvait dire : "Ne tombez jamais sous l'emprise de quelqu'un" Ceci n'est pas contradictoire, si l'on se souvient que le vrai maître spirituel laisse dissoudre son ego dans la Lumière supérieure, et donc qu'il n'est plus "quelqu'un".

    Dans notre monde occidental,  la science se conjugue avec la publicité pour nous faire croire qu'il n'y a du bien que dans le nouveau. Pour la tradition, c'est une position superficielle. Mâ disait qu'elle n’enseignait rien de nouveau, et ne faisait que suivre la tradition des rishis de l'Inde ancienne. Pour ses disciples qui étaient hindous à l'origine, elle leur demandait même d’en suivre strictement les règles et coutumes, mais avec amour. Ce critère simple de l'amour est encore le meilleur pour discerner la vraie tradition du fondamentalisme. La véritable transmission spirituelle ne cherche pas à s'imposer, elle vise à l'épanouissement de l'individu et non pas au pouvoir politique pur et dur. On a demandé lors du passage de l'an 2000 à Arnaud Desjardins (lui aussi disparu) quelle était d'après lui la personne la plus marquante spirituellement du XXe siècle. Il a eu envie de répondre spontanément Mâ Anandamayî, mais ensuite il a réalisé que ce serait la limiter que de la réduire au cadre étroit du XXe siècle. Elle représente le Sanatana Dharma, la Loi juste Eternelle (la manière dont l'hindouisme se définit lui-même) et cela suffit à faire largement exploser les barrières du XXe siècle lui-même.

      Sa spécificité par rapport à d'autres enseignants spirituels, c'est qu'elle guidait chacun suivant sa propre voie, qu’elle soit de dévotion, de connaissance ou parfois d'autres pratiques plus spécifiques. Ce qu'elle demandait régulièrement à tous, c'est d'avoir dans la journée un moment à une heure fixe pour se relier au Pouvoir d'En Haut. Dans les ashrams de Mâ, c'est entre 20h45 et 21h chaque soir. Elle prenait à ce propos un exemple : "De même que certains animaux, insectes ou oiseaux ont une période dans la journée pour se mettre à chanter et qu'ils ne se préoccupent pas d'obstacles ou d'empêchements, de même, faites l'effort de mettre un petit temps de côté pour penser à Lui."

   " Mâ donnait le conseil de pratiquer à certains dix minutes, à d'autres une demi-heure, à d'autres deux heures. Quand un monsieur à la retraite lui a demandé conseil, elle l'a invité à rester assis neuf heures par jour à faire du japa et de la méditation, et le reste du temps à chanter pour Dieu (faire des bhajans) ."

   On reproche souvent aux gourous de l'Inde d'être avides pour l'argent. Mais en trente ans, Vijayânanda témoigna qu'il n’avait vu Mâ demander qu'une seule fois de l'argent. C'était à Naimicharanam, un petit centre de pèlerinage entre Delhi et Bénarès où la tradition dit que les Pourana-s, c'est-à-dire l'ensemble des textes religieux médiévaux, ont été composés. Or, il se trouvait qu'il n'y avait même pas là-bas la collection des dix-huit livres dans ce lieu. Tout le monde a dit que c'était choquant, et Mâ a répondu à la demande de son entourage comme elle le faisait souvent : dans ce cas-ci, cela a pris la forme d'organiser une collecte déjà pour acheter les volumes des Pourana-s, et finalement pour fonder un Institut consacré à l'étude de ces textes médiévaux qui sont certainement au coeur de l'hindouisme actuel.

     Ses visiteurs, et même ses fidèles plus engagés ne la comprenaient pas forcément en profondeur, mais au moins ils établissaient une relation concrète d'amour avec elle, et cela les aidait déjà beaucoup dans leur vie spirituelle. Le Yoga est une pratique d'intériorisation personnelle, mais c'est aussi une tradition, et quand on s'accroche à cette chaîne d'amour spirituel qu'est une lignée d'enseignement, l'ascension de la montagne est beaucoup plus sûre, et les risques de chute libre bien moindres.

     Je connais depuis plus de vingt ans un Swâmî suisse arrivé lui-même à l'âge de vingt ans en Inde, et qui s’y trouve toujours.  Il suit la voix du Kriya-Yoga, mais il venait souvent voir Mâ. Il m'a raconté qu'un jour, il lui a demandé : "Mâ, pourquoi nous sentons-nous aussi proches de vous?" Elle a simplement répondu avec un sourire. "Parce que je suis vous !" 

 

Le rapport de Mâ avec l'Occident

 

     Mâ n'avait reçu que très peu d'instruction formelle à l'école, et elle n’avait pas étudié les religions dans les livres. Quand elle était petite elle avait suivi pendant une journée, de village en village, des missionnaires chrétiens qui venaient prêcher et chanter leurs cantiques.  Elle raconte qu'à cette occasion-là, elle était déjà rentrée en extase. Quant à son jeune beau-frère, il avait un beau jour bel et bien disparu de la famille, "kidnappé" par une secte protestante. Ce n'est que plusieurs dizaines d'années plus tard qu'il est venu la retrouver à Calcutta, devenu un pasteur classique. Elle s'est bien entendue avec lui, et il a pu rétablir ainsi une relation avec sa famille.

    Un jour, Mâ a  demandé à une occidentale quelle était sa religion, et celle-ci lui a répondu qu'elle était catholique. Mâ s'est exclamée : "Je suis chrétienne, hindoue et musulmane!" Il s'agissait bien sûr directement de l'expression de son état au-delà des religions, mais aussi de cet aspect de maternité spirituelle prononcée qui lui a valu son nom de Mâ. Supposons qu'entre une mère et son enfant, l’un des deux décide de changer de religion, cela n'empêchera pas la relation mère-enfant de continuer.

   Mâ connaissait plus directement l'islam, car toute une partie du village de Khéora où elle était née était en fait musulmane. Elle avait de bonnes relations avec ses voisins en tant que petite fille, et actuellement encore, le président de l'association de Mâ Anandamayî dans le village est en fait un musulman. Cependant, elle a gardé son style de vie purement hindou, et elle est restée réaliste. Par exemple, un an avant les massacres de la partition au Bangladesh, elle est venue brièvement à Dacca et a parlé pendant toute la nuit avec ses disciples qui défilaient  pour la voir. Elle a vivement conseillé à tous ceux qui voulaient bien l'entendre de quitter le pays, et c'est grâce à cela que ceux-ci ont pu se réinstaller dans de bonnes conditions à Calcutta ou à Bénarès par exemple, et ne pas périr dans les émeutes et la guerre civile quelques temps plus tard. Son premier ashram qui était à Dacca a d'ailleurs été rasé à cette période-là.

   Un chrétien qui ne connaissait rien à l'Inde avait demandé une fois à Vijayânanda, qui a été plus de trente ans avec Mâ, de lui expliquer simplement quel était son enseignement spirituel. Il lui a répondu qu'il était comme la petite voie de Sainte Thérèse de Lisieux : voir l'essence complète de l'Absolu, du Divin, dans le quotidien.

    Certains occidentaux seront peut-être étonnés ou frustrés par le fait que Mâ ne donnait pas un enseignement formel de hatha-yoga, prânâyâma, et d'exercice de méditation précis, ce qu'en Inde on appelle kriya. En fait, elle en enseignait, mais toujours en privé dans une relation en tête à tête avec ses disciples. Elle ajoutait même qu'il s'agissait d'exercices secrets. Cette manière de faire est classique dans la tradition, il faut comprendre aussi qu'il y avait un aspect pratique : si chacun dans l'ashram s’était mis à raconter les exercices que lui avait donnés Mâ, les gens se seraient mis à comparer et fatalement à critiquer d'une manière ou d'une autre, il valait donc mieux que chacun se préoccupe de ce qu'il avait à faire. Vijayânanda qui avait beaucoup pratiqué ces kriyas au début, considérait rétrospectivement qu'ils n'étaient pas si importants. L'essentiel reste shaktipat , la transmission globale d'énergie de maître à  disciple. Quand par le canal d'une relation réelle, celle-ci est établie,  on pourrait dire en quelque sorte que tous les exercices marchent. Nous pouvons mentionner une autre comparaison qu'aimait prendre Mâ : il faut tenir le vase tourné vers le haut quand la pluie tombe. À ce moment-là, l'élève pourra recueillir quelque chose, mais s'il garde le vase tourné vers le bas, ce ne sera guère utile.

     Pour conclure ces réflexions sur le rapport de Mâ avec l'Occident,  nous pouvons dire que celui-ci a besoin d'une présence forte du féminin spirituel, et Mâ dans ce sens correspond à une incarnation de l'anima dirait les jungiens, où à l'archétype de la déesse blanche. On peut voir à ce sujet Robert Graves La déesse blanche. Jean-Claude Marol qui avait rencontré Mâ  avait écrit juste avant sa propre mort un livre entier sur elle : "La saturée de joie". Il y fait, entre autres, un beau rapprochement entre Mâ et la Dame du Moyen-âge, à la fois objet d'amour transformé et assimilé à la Vierge Marie. Il y a une sorte de lame de fond dans le nouvel esprit religieux en ce début du XXIe siècle pour faire en sorte que le Féminin supérieur ait une bien plus grande place en pratique dans la spiritualité : dans ce sens,  une étude et  compréhension profonde de la vie et de l'enseignement de  Mâ Anandamayî pourra être fort utile.

 

Pour aller plus loin dans les éditions d’il y a quelques années :

- Il y a eu un numéro hors-série du Monde des Religions sur les maîtres spirituels (n°4) écrit en grande partie par Jean Mouttapa. Son article sur Mâ Anandamayî en donnait une vue d'ensemble correcte en 3 ou 4 pages, ainsi qu’en couverture du numéro, assise en méditation quand elle était jeune avec une zone lumineuse apparaissant directement au niveau de son troisième oeil, ce qui s'était manifesté directement sur cette photo, prise à Cox Bazar sur les rives du Golfe du Bengale à un moment où elle sortait juste du samadhi. Il s'agissait évidemment d'un phénomène peu ordinaire.

- La collection de spiritualité d'Albin Michel, dont s'occupe aussi Jean Mouttapa ainsi que Marc de Smedt, a publié depuis longtemps le livre de référence sur Mâ : L'enseignement de Mâ Anandamayî  traduit par Josette Herbert.

- Nous avons cité la biographie de Mâ par Jean-Claude Marol, La saturée de joie chez Dervy (Ce titre correspond à un sens possible de son nom 'Anandamayî)

- Un autre livre de paroles et photos de Mâ, En tout et pour tout, donna à méditer. Il n'est plus disponible actuellement dans le commerce, mais on peut sans doute se le procurer en écrivant à Claude Portal 12 rue Lamartine7800 Saint-Germain.

- Nous pouvons également citer Aux sources de la joie, chez Albin Michel, Perles de lumière à la Table ronde, et Vie en jeu par Marol chez Accarias.

- Sur la tradition et la psychologie de la relation maître-disciple, on pouvait lire, de Jacques Vigne Le maître et le thérapeute Albin Michel/Spiritualités, 1990 (momentanément épuisé)

 

Pour les éditions plus récentes :

- Nous trouvons ‘En compagnie de Mâ Anandamayî’ de Bithikâ Mukerjî, traduit de l’anglais par Jacques Vigne et Geneviève Koevoets, aux Editions Agamat (Mars 2007)

- Et le recueil de voyages, souvenirs et poèmes : ‘Voyage intérieur aux sources de la joie (Souvenirs de l’Inde)’ de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) qui est sorti en 2012 aux Editions du Petit Véhicule – 20 rue du Coudray – 44000 Nantes – Tel : 0240521494 – email : editions.petit.vehicule@gmail.com , livre écrit en hommage à Mâ, à Swami Vijayânanda et en remerciement à Jacques Vigne qui en a composé une très jolie préface.

- Et puis il existe notre petite brochure trimestrielle de l'enseignement de Mâ Anandamayî, le ‘JAY MA’, ici présent…pour vous servir !

 

 

La Kumbha-méla

de Prayag et la vitalité du pluralisme religieux  de l'Inde

 

Par Vigyânânand (Dr. Jacques Vigne)

 qui vient d’accompagner un voyage de groupe à la Kumbha-Méla de Février 2013

 

   La Kumbha-méla est a priori le plus grand pèlerinage de l'humanité, avec 30 millions de personnes en tout qui se réunissent au même endroit sur deux mois. Elle prend place une fois tous les 12 ans en un lieu, mais il y a quatre endroits où elle se déroule : Prayag (à quelques kilomètres de la ville d’Allahabad), Hardwar, Ujjaïn et Nashik. Les deux principaux rassemblements sont associés au Gange, c'est-à-dire Hardwar et Prayag. Ce dernier nom signifie « confluence » et il est de la même racine que yoga. Il désigne la rencontre du Gange et de la Yamuna, à 120 kms environ avant Bénarès quand on vient de Delhi.

 

En suivant le cycle de douze ans de Jupiter

 

    La Kumbha-méla suit le cycle de la révolution de Jupiter, qui est d’entre onze et douze ans. C’est un mode d’inscription fondamental dans la nature de cet évènement humain considérable. Il n’est pas décidé par des compulsions temporaires de politique, voire de politique religieuse, mais il est géré par le Roi des astres lui-même, Jupiter, Brihaspati pour les hindous. J'ai moi-même visité cette Kumbha-méla de Prayag en 1989, il y a 24 ans, et aussi il y a 12 ans en 2001. Cette fois-ci, j'étais avec un grand groupe de plus d’une cinquantaine de francophones, dont une dizaine de membres de l’Association Marocaine de Yoga accompagnés par Driss Benzouine, et en plus, il y avait à certains moments avec nous une équipe de  tournage d’Arte de six personnes. Nous avons pu prendre un des plus grands bains des deux mois festifs à la confluence de deux fleuves, appelée aussi sangam, ‘ce qui va ensemble’ ou triveni, ‘(la rencontre) des trois courants’. Il s'agissait de Mauni amavasya, littéralement « la nouvelle lune des silencieux », celle de février donc qui est reliée à Shiva, le dieu de la méditation. Même en dehors de la Kumbha-méla, cette nouvelle lune correspond à une date importante du calendrier religieux hindou. Mâ Anandamayî présentait la Kumbha-méla comme l'étendard de l’hindouisme, et on peut comprendre cette image en contemplant l'étendue bariolée des camps, la plupart avec leurs propres drapeaux qui représentent la variété considérable des écoles et des lignées religieuses variées. La dimension des campements a été cette fois estimée à environ 150 km², l'endroit près de la confluence était occupé par les Akharas, c'est-à-dire les congrégations monastiques traditionnelles qui défilent en premier pour les grands bains. Plus loin sont installés les mouvements plus récents ou considérés comme moins orthodoxes, comme le mouvement de Kabir, saint et poète du XVe siècle à Bénarès, qui prêche que les rituels, et donc le bain de la Méla, ne sont pas utiles pour le développement spirituel… Ils ont quand même leur place dans ce grand méli-mélo de la Méla, mot qui est en fait de la même racine que « mélanger » en français. Là peuvent se faire entendre des enseignements si différents qu’il peuvent  sembler contradictoires.

 

La plus grande des fêtes végétariennes

 

   En dehors de la quantité même de 30 millions de personnes qui viennent camper sur les berges des fleuves en deux mois, la Kumbha-méla est remarquable aussi du point de vue de la non-violence envers les animaux : en effet, tout cette foule est nourrie sans tuer aucun être vivant. Ce fait remarquable transforme la Kumbha-méla en un modèle possible pour l'avenir d'une « humanité plus humaine ». Cela s’ajoute à l’ancienneté, il s’agit d’un rassemblement qui se tient depuis le VIIe siècle de l'ère commune. Le pèlerin chinois Hsiang tang la décrivait à l’époque comme Maghméla, la ‘foire de janvier’ organisée par l’empereur Harshvardhan, ‘celui qui encourage : vardhan, et la joie : harsha’. Pour en revenir à la caractéristique végétarienne de ce pèlerinage, il faut savoir que la viande, surtout en excès pose déjà toute une série de problèmes pour la santé de celui qui en consomme. On souligne par exemple maintenant de plus en plus l'affinité particulière des tumeurs cancéreuses en cours de développement avec les protéines animales. L'élevage intensif, en plus de la souffrance des animaux eux-mêmes, provoque de nombreuses complications écologiques : production de gaz à effet de serre, rentabilité nutritive faible de la production de protéines animales par rapport aux protéines végétales de base, pour produire 1kg des premières il faut 15kg des secondes, et nécessité de multiples soutiens gouvernementaux aux éleveurs qui augmentent en fait le prix réel de la viande.  L’ironie des choses est que les végétariens doivent aussi payer ces subsides par le jeu des impôts, et soutenir ainsi une passion avec laquelle ils ne sont pas d’accord.…

     En plus du bain rituel dans le Gange, l'élément important de cette rencontre est l'enseignement religieux, et la chance de pouvoir rencontrer les moines, sannyâsis ou sadhous souvent dispersés ou isolés mais qui confluent en grand nombre à cet endroit et à ce moment-là. Le nectar d'immortalité associé à l'eau du Gange devient alors l'ambroisie des enseignements spirituels eux-mêmes. Les sannyâsis sont reliés à Shankarâcharya, fondateur de l’advaïta-védanta et vivent en général surtout dans des ashrams déterminés avec un gourou bien connu. La notion de sadhou est plus large, elle se réfère surtout aux religieux qui partent sur les routes, dont le gourou est moins connu et souvent plus lointain, quand il existe. Ces sadhous semblent bien être les derniers être libres de la planète, comme le soutient Patrick Lévy dans son livre récent, Sadhous. Certes, leur vie a en général une certaine structure, ils bénéficient d’endroits fixes où ils peuvent être nourris et soignés. Ils s’y reposent des rigueurs de la route. Le peuple indien sait très bien le type de pratiques spirituelles qu'ils sont censés faire. Il les soutiendra moins s'il voit qu’ils ne se conforment pas à ce modèle de vie spirituelle. Il y a une tolérance pour leur consommation de hashis pendant la Méla, mais ceci est mal vu des autorités religieuses et des sannyâsis conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de leur idéal et de la société.

 

Yoga-méla

 

    La confluence du Gange et de la Yamuna a aussi un sens en yoga, sur lequel ont insisté la plupart des religieux que nous avons rencontrés : le Gange et la Yamuna représentent respectivement ida et pingala, les canaux latéraux, droit et gauche, c'est-à-dire la rencontre des deux courants de sensations latéraux. Le troisième est l'axe central, plus secret, rapproché d'une rivière cachée, la Sarasvatî, qui est à la fois le nom de la déesse des rivières (saras- signifie ‘rivière’) et de la connaissance. Quand tant de gens religieux rencontrent tant de laïcs avides de recevoir l'enseignement, il est évident que Sarasvatî est honorée… Un socle humain de la Kumbha-méla discret, mais fondamental, est représenté par les Kalpavâsis. On estime qu’ils sont environ cent milles. Ce sont les résidents qui font le voeu de rester sur place toute la durée de la Kumbh : en plus de bains quotidiens et de restrictions alimentaires, un seul repas par jour, ils vont s'asseoir pour écouter les discours, les chants dévotionnels, les théâtres sacrés sur l’histoire de Râm et Krishna qui sont aussi une forme d'enseignement. Ils participent aussi à la récitation à long terme d'un mantra donné. Certains camps chantent le même mantra continûment jour et nuit pendant les deux mois de la Méla. La méditation est une culture de l’esprit. Comme l’agriculture dans l’évolution de l’humanité, elle représente un progrès par rapport au fonctionnement ordinaire des gens, qui grappillent de-ci de-là des expériences intérieures plus ou moins au hasard, sans pouvoir les développer et « engranger » de façon systématique. Ils en sont au fond au stade des cueilleurs-chasseurs, souvent exposés à la famine.

     Nous en venons à un paradoxe certain de ce rassemblement, il s'agit du bruit. Déjà dans les descriptions des pèlerins des années 30, on se plaignait de l'apparition des micros et du fond de bruit que cela produisait. La première impression de la Kumbha-méla est a priori, il faut l’avouer, cacophonique-chaotique. En principe, à la fois les religieux et les laïcs qui viennent à la Méla sont censés avoir eu leurs méditations profondes dans des endroits plus tranquilles, et viennent là surtout pour le rituel de bains et les rencontres. Même si les kalpavâsis effectuent pour leur part des pratiques personnelles intensives pendant les deux mois, la Méla n'est pas considérée en tant que telle comme un lieu de pratique approfondie, celle-ci requiert beaucoup plus de silence ! 

    J’ai pu participer au tournage d'une émission sur l’évènement pour la chaîne Arte. L'émission passera en septembre dans une série d’une vingtaine d’épisodes sur différents lieux sacrés de la planète. Le nom de cette série sera : « En quête d'ailleurs ». Le co-auteur de cette émission, Philippe, était là et nous nous sommes promenés dans différents endroits de la Méla. Il me posait des questions et je donnais certaines explications. La dernière prise de vue a été notre plongeon côte à côte dans le Gange le matin du grand bain avant l’aube. Froid un 10 février, mais revigorant !

     L’équipe de tournage était dirigée par une réalisatrice, Rébecca Boulanger, qui est bouddhiste depuis une vingtaine d’années, cela facilitait pour elle une intuition plus approfondie de ce qui se passait. En effet, hindouisme et bouddhisme ont partie liée depuis le début. Le Dalaï-lama a d’ailleurs essayé deux fois de venir à la Kumbha-méla, comme il l’avait fait en 2001. Les programmes étaient annoncés, mais ont été annulés en fait par le gouvernement de l’Uttarpradesh en prenant le prétexte des raisons de sécurité. J’ai parlé directement avec un officier de police qui était à cette réunion où Sa Sainteté aurait dû venir, et il m’a dit directement qu’il s’agissait d’un mauvais prétexte, l’équipe présente, dont il faisait partie, aurait été tout à fait capable d’assurer la protection du chef spirituel des Tibétains, ils étaient là pour ça. La raison réelle a dû être les pressions du gouvernement chinois sur un gouvernement de l’Uttar Pradesh faible et connu pour sa corruption endémique.

    Le lien profond de l’hindou avec le Gange est un bel exemple d’écologie spirituelle. Certes, les critiques diront qu’il y a un problème de cohérence, car la lutte pour dépolluer le fleuve n’est pas aussi importante qu’elle devrait être. Comme les autres pays en voie d’industrialisation, l’Inde fait face à des problèmes d’environnement importants. Ce n’est pas facile par exemple d’installer du jour au lendemain un système d’eaux usées non polluant pour un bassin fluvial comme celui du Gange qui abrite 400 millions d’habitants. Nous ne pouvons que souhaiter une meilleure coordination entre les enseignants religieux, les ONG et les instances gouvernementales pour faire face à ce problème qui concerne tous.

 

Un communiste repentant devenu gourou

 

   Nous avons eu la chance de pouvoir interviewer avec l’équipe d’Arte le chef d'une des quatre grandes écoles du vishnouisme, ce dernier mouvement représentant avec le shivaïsme la plus grosse partie de l'hindouisme. Il est le successeur direct de Râmânanda, qui avait été au XVe siècle le gourou du grand saint et poète Kabir. Dans ce sens, on l'appelle Râmânandâcharya, âcharya signifiant ‘guide, enseignant’. Il nous a confié beaucoup  de témoignages directs sur sa vie de renonçant depuis plus d'un demi-siècle, il s'est engagé dans la vie d'ashram à 14 ans et en a maintenant 69. Ce qui l’a motivé au départ, il le reconnaissait honnêtement, c'était l’envie de liberté pour étudier loin des soucis de la vie de famille et aussi la volonté d'être célèbre par ses livres. Il avouait avoir admiré au début les auteurs communistes qu’il dévorait, non seulement Marx et Engels, mais aussi Lénine et Staline.  Cependant, avec la maturation, il a compris toute l'importance des pratiques de libération, de moksha, pour stabiliser la joie intérieure et l'indépendance de pensée et il est revenu à une perspective religieuse plus traditionnelle. Il nous a aussi montré sa peau, qui avait l'air de celle de quelqu'un de 40 ou 50 ans, en faisant remarquer que depuis un demi-siècle, il n'avait jamais utilisé de savon… Les sadhous et hindous traditionnels, quand ils veulent faire un grand nettoyage personnel, utilisent de la cendre, sinon c'est l'eau directement.

 

La Kumbha-méla aujourd’hui et la mondialisation

 

   La presse indienne parlait vers mi-février de 40000 occidentaux qui avaient visité la Méla, et expliquait qu'on en attendait encore une vingtaine de milliers d'ici la fin de l'évènement. Certains enseignants indiens ont un grand nombre d'élèves dans les pays germanophones ou de l’est, les russes en particulier étaient bien représentés. Peut-être que le fond mystique orthodoxe et chamanique de leur culture les prépare plus à la rencontre avec l'hindouisme. De plus, après non seulement 70 ans de totalitarisme communiste, mais avant cela un millénaire d'exclusivisme chrétien, le pluralisme de l'hindouisme évident à la Méla représente pour eux un bain de jouvence, une thérapie en quelque sorte pour effacer les traumas d’une intolérance qui a été souvent plus brutale en Russie qu’ailleurs. En outre, cette intolérance est au fond de plus en plus en contradiction avec la modernité.

    Du point de vue de religions comparées, il est important de noter qu'il y a, en fait, beaucoup plus de monde à la Kumbha-méla, environ 30 millions, qu'au pèlerinage annuel de la Mecque où il n’en vient que quelques millions. Pourtant, il s’agit d’une obligation au moins une fois dans la vie dans une religion qui se présente comme mondiale.  Il y a des raisons à cela, déjà économiques: il y a environ six cent millions d'hindous habitant le nord ou le centre du pays qui peuvent potentiellement voyager en train de seconde classe et faire l’aller-retour pour la Kumbha-méla pour disons 20 euros, alors qu'un croyant du pays d'islam le plus peuplé, c'est-à-dire l'Indonésie, devra payer un billet d'avion de mille euros ou plus pour s'acquitter de son obligation de pèlerinage à la Mecque. Cela fait beaucoup pour des fidèles qui sont pauvres. C'est en quelque sorte un des prix à payer pour la volonté de mondialisation d'une religion au départ, locale.

    Il y avait un certain nombre d'autres chaînes de télévisions mondiales à la Kumbha-méla. Ceci va bien, en fait, dans le sens de ce rassemblement, qui a été conçu dès le départ, nous l'avons dit, pour la rencontre entre des religieux qui vivent en général assez retirés, et les laïcs. Au début, ces laïcs étaient conçus comme purement hindous, maintenant ils peuvent être dispersés dans le monde entier, et être touchés par le message fondamental de non-violence et de pluralisme que représente ce plus grand pèlerinage du monde. Ce message est important à une époque où l’autre grand bloc religieux de l’humanité, le monothéisme, en arrive après trois millénaires d’évolution et de raffinements théologiques et métaphysiques, à la perspective brutale de la guerre sainte nucléaire au Moyen-orient. Il faut regarder en face la raison principale de cette absurdité des absurdités, c’est la passion religieuse, supprimer physiquement ceux qui ne sont pas d’accord avec votre définition du Dieu unique. C’est cette question de fond que fuient justement les esprits superficiels en s’étourdissant avec le bruit de l’actualité. L’Europe a eu en quelque sorte besoin des 60 millions de morts des deux guerres mondiales pour laisser tomber en pratique le christianisme, en réalisant en particulier que ce dernier n’a pas fait grand-chose pour empêcher le désastre, les épiscopats du côté français comme allemand ayant été plutôt va-t-en guerre. Est-ce que le Moyen-Orient aura besoin d’une guerre sainte nucléaire pour laisser tomber l’islam ? C’est malheureusement une question qui se pose concrètement, on peut dire de façon brûlante. Dans ce sens, ceux qui sont capables d’avoir une vision à long terme et non émotionnelle des choses se tournent vers l’Orient, en particulier l’hindouisme et le bouddhisme qui sont d’avis que ahimsa est paramdharma, la non-violence est la religion suprême. Avec sa masse de presque deux milliards de personnes, l’ensemble hindouisme-bouddhisme fait un contrepoids salutaire à la violence monothéiste qui est en train de faire sombrer le Moyen-Orient dans le chaos.

   Voilà un message qui mérite d’être mondialisé : il nous est donné en direct par ce plus  grand rassemblement religieux de l’humanité qui vient d’avoir lieu, espérons que nombreux seront ceux qui sauront l’écouter et en développer pratiquement une vision moins conflictuelle du monde, en particulier du monde religieux, et un rapport à la nature plus sain, voire, pourquoi pas, plus saint.

(Un autre aspect de la Kumbha-méla sera développé dans le prochain N° 109 par Monique Manfrini qui a participé au voyage)

 

 

तैत्तिर्योपनिषद्

Taittirya Upanishad

 

Marie-France Martin, qui réside à Kankhal, a fait un travail magistral en offrant une traduction en français de la Taittirya Upanishad.  Un travail colossal dont nous vous avons parlé dans le précédent JAY MA, et dont nous donnons ici quelques extraits.

 

Explications préalables de Marie-France Martin

 

Disciple de Swami Vijayânanda, qui disait que les Upanishads étaient ce que l’humanité avait produit de plus précieux en matière de littérature sacrée, je ne suis ni écrivain ni sanscritiste. Son Upanishad préférée était la Taittirya. A l’époque, je l’avais cherchée, et je m’étais rendue compte qu’en français, il n’en existait que des extraits, ou un travail réalisé par des universitaires et pour des universitaires. Je voudrais mettre à la disposition de chercheurs spirituels, et d’abord de ses autres disciples, une version en français destinée à la prière et à la méditation. Convaincue que les vibrations du sanscrit ont une valeur propre, j’ai voulu écrire de telle sorte que des personnes ne connaissant pas l’alphabet devanagari, et pas non plus les signes utilisés pour écrire le sanscrit en alphabet latin, qui ont été faits par rapport à la phonétique de l’anglais et non du français, puissent prononcer ces mantras le moins mal possible. Pour les prononcer bien, je crois la connaissance de l’alphabet devanagari, ou au moins d’un autre alphabet indien, indispensable. Le sanscrit comporte des déclinaisons et des conjugaisons, et amalgame les mots en modifiant le son du point ou ils s’amalgament. (sandhi:). J’ai délibérément fait le choix de transcrire phonétiquement les mots tels qu’ils apparaissent dans la phrase discutée, et non sous leur forme dictionnaire, pour permettre de les repérer plus facilement. J’ai donc souvent donné plusieurs versions phonétiques du même mot, mon but n’étant pas d’enseigner le sanscrit, mais de permettre aux gens de savoir ce qu’ils disent quand ils prononcent une phrase. Swami Vijayânanda conseillait de lire la Bhagavad Gita sans commentaire, le texte étant suffisamment clair comme cela. Par contre, il disait que pour les Upanishads, le commentaire était nécessaire. Le commentaire que je traduis est celui de Shankârachârya, un des, ou le, plus grand philosophe du Vedanta, voie qui était celle de Swami Vijayânanda.

 (Quand il me semble nécessaire d’ajouter une explication à celles données par Shankaracharya, je la mets en italique et  entre parenthèses)

(Les informations données entre parenthèses, en italique et script plus petit ne me sont habituellement pas venues de lectures, mais m’ont le plus souvent été transmises  oralement, principalement au cours de petits ‘satsangs’, réunions bi-hebdomadaires animées par Pushpa Khanna, dans le but de dégager le sens spirituel de cette Upanishad) 

J’ai cherché à rester le plus proche possible du texte, tant de l’Upanishad proprement dite que du commentaire de Shankaracharya, quitte à ce que la lisibilité de mon français laisse à désirer. Une autre option aurait renforcé le filtre qu’une traduction est toujours, et je n’ai pas la prétention de  comprendre le texte suffisamment en profondeur pour pouvoir me permettre de l’interpréter.

 

 

Introduction

 

यस्माज्जातं जगत्सर्वं यस्मिन्नेव प्रलीयते  

येनेदं धर्यते चैव तस्मै ज्नानात्मने नमः    

A ce par quoi l’univers entier est né, en quoi il se dissout, et par quoi il est soutenu,  à Cela (Brahman) dont la nature est conscience, salut.

 

यैरिमे गुरुभिः पूर्वं पदवाक्यप्रमाणातः          

व्याख्याताः सर्ववेदान्तास्तान्नित्यं प्रणतोस्म्यह्म्॥

Devant ces gurus, qui autrefois ont expliqué le Vedanta, faisant attention aux mots, aux phrases, et à la logique par laquelle on considère qu’une proposition est valide, je m’incline.

 

तैत्तिरीयकसारस्य मयाचार्यप्रसादतः          

विस्पष्टार्थरुचीनां हि व्याख्येयं संप्रणीयते       

Par la grâce de mon professeur, et pour ceux qui souhaitent une explication claire, je compose ce commentaire de cette Upanishad, essence de cette portion des védas qu’on appelle Taittirya.

 

Dans le texte qui précède (le Taittirya Arianyaka, dont la Taittirya Upanishad est  une partie) nous avons étudié les obligations destinées à diminuer les péchés accumulés, et les rites facultatifs destinés à ceux qui veulent obtenir quelque chose. Commence maintenant la section sur la connaissance de Brahman, et nous chercherons à élucider les raisons qui conduisent à exécuter une action productrice de Karma.

Le désir doit être la source du Karma, vu qu’il est le stimulant de l’action ; car ceux dont tous les désirs sont comblés n’ont aucune envie d’agir. Sans désirs, ils sont immobiles, centrés sur leur soi. Et le fait que les désirs soient comblés vient du désir du Soi, dans la mesure où le Soi, en réalité, est Brahman ; celui qui Le connaît a atteint l’état le plus élevé qui soit. Par conséquent, la cessation de l’ignorance, consiste à rester stable dans sa propre conscience, à réaliser le suprême. « Il atteint l’état de non-peur » 2/7/2, « Il atteint ce Soi fait de bonheur » 2/8/5.

Objection :

Ne peut-on pas dire que cette libération consiste dans le fait de rester stable dans sa propre conscience sans aucun effort, état qui serait la conséquence du fait de n’entreprendre aucune action interdite ou non obligatoire. Le karma actuel serait consommé par le fait d’en expérimenter les conséquences, et par l’absence de péché grâce à l’accomplissement des actes prescrits. Ou peut-être la libération serait le résultat de ces actes, car le karma est l’origine de cette joie insurpassable qu’on appelle paradis.

Réponse :

C’est impossible, car le karma est multifactoriel, il se peut que des actions, faites dans des vies précédentes, mais fructifiant dans cette vie, ou demeurant à l’état latent aient des résultats mélangés, bons et mauvais. Par conséquent, comme ces actions qui n’ont pas commencé à porter leurs fruits ne peuvent pas être épuisées en une seule vie, il est raisonnable de penser qu’un nouveau corps va être créé pour les épuiser. Et l’existence de ces fruits résiduels de l’action est également prouvée par des centaines de textes des Vedas et d’autres écrits traditionnels comme « parmi eux, ceux qui ont fait des actes méritoires ici, (atteindront de bonnes naissances) »,  «Grâce à des résultats résiduels »

Objection :

Les rites obligatoires sont calculés pour consommer tous les fruits, bons ou mauvais, des actions qui ne sont pas encore arrivées à maturité.

Réponse :

Non, car il est écrit que ne pas les exécuter occasionne pratyavâya et le mot pratyavâya signifie conséquences fâcheuses. Comme il est admis que les rites obligatoires sont faits pour éviter ces conséquences, en termes de futures souffrances, ils ne peuvent pas être faits pour consommer tous les fruits des actions qui ne sont pas encore arrivées à maturité. Il est vrai que les rites obligatoires peuvent dissiper les actions encore latentes, mais uniquement les mauvaises et non les bonnes, car il n’y a pas de contradiction entre les bonnes actions et les rites obligatoires. Logiquement, on ne peut pas les opposer, on ne peut opposer que le bon et le mauvais.

De plus, comme les désirs, qui sont les ressorts de l’action, ne peuvent pas céder avant l’illumination, il est impossible que les rites suppriment complètement les actions. Comme le désir a pour objet autre chose que le Soi, c’est l’état de quelqu’un qui n’a pas réalisé le Soi ; Il ne peut pas y avoir de désir dans son propre Soi, pour quelqu’un qui l’a réalisé. Et le Soi est le suprême Brahman. Par ailleurs, le fait de ne pas exécuter les rites obligatoires est un non-acte, et un non-acte ne peut pas avoir de mauvaises conséquences. Cette non-exécution est donc un marqueur du fait que les péchés accumulés dans le passé vont porter leurs fruits de mauvaises conséquences. Autrement, une entité positive serait créée à partir d’une non-entité, ce qui est contraire à la logique. Dans le monde, ce qui se passe n’est pas éternel. Par conséquent, la libération ne vient pas de l’action.

Objection :

Des actions associées à la connaissance peuvent produire quelque chose de permanent.

Réponse :

Non, c’est contradictoire. L’éternel et le créé sont contradictoires.

Objection :

Ce qui est complètement détruit ne revient pas à l’existence, et devient donc non-existant de façon permanente. Donc la libération, qui est permanente, peut arriver en tant que non-existence par la destruction.

Réponse :

Non, car la libération est quelque chose de positif. Il est impossible que la non-existence ait un commencement. La non-existence n’est qu’un concept, opposé à celui d’existence. L’existence, celle d’un pot ou d’un tissu, par exemple, est différenciée. La non-existence ne l’est pas, même si on l’imagine telle, l’associant à une action ou à une qualité. La non-existence ne peut pas être qualifiée comme le serait  un  lotus, par exemple. Si elle l’était, elle deviendrait existence.

Objection :

Comme l’agent de la méditation et de l’action est éternel, le salut qui en résulte est également éternel.

Réponse :

Non, car le fait d’être agent, qui coule comme le Gange, est un mal en soi. Si l’agent disparaît, la libération cessera d’exister. Donc, à la disparition de l’ignorance, du désir et de l’action, causes du fait qu’il y a un agent, le Soi reste stable en lui-même, ce qui constitue la libération. Le Soi est Brahman. C’est réaliser cela qui constitue la libération.

Voila le début de cette Upanishad, destinée à conduire à la connaissance de Brahman. C’est cette connaissance qu’on appelle Upanishad, car, pour ceux qui s’y consacrent, elle atténue ou met fin aux choses comme la naissance et la vieillesse, ou parce qu’elle rapproche de Brahman, ou parce qu’elle fait le bien suprême.  Et le livre aussi s’appelle Upanishad, car il est écrit dans ce but.

 

 

 

Un Grand Oiseau

 

(Par Marie-Odile Cadé en hommage à Jacques Vigne à l’occasion de sa longue tournée)

 

Un grand oiseau est venu se poser à Châlons

Je l’ai accueilli avec émotion

Reconnaissant sa tête noire, ses pattes grises

Et ses immenses ailes blanches s’ouvrant au moment présent.

 

Un drôle d’oiseau est venu se poser à Châlons

A la fois calme et sans cesse en mouvement

Silencieux et bavard

Intériorisé et en multiples relations.

 

Un oiseau aimant est venu se poser à Châlons

Il a nourri d’autres oiseaux par son enseignement

Par sa présence amicale et réconfortante

Par sa joie qui explose en rires tonitruants

 

Un bel oiseau est reparti de Châlons.

Au moment du départ ses yeux se sont éclairés

D’une douce lumière intérieure

Infiniment brillante, infiniment profonde.

 

Ces yeux de lumière demeurent en mon cœur

Comme ceux de ma sœur mourante

Comme ceux des sages rencontrés en ma vie

Ils avivent en moi un espace infini, qui m’appelle…

 

 

 

 

Deux autres rêves liés à Mâ – Proposés par Sundari

(Suite du N° 107)

 

Prédiction de la rencontre avec Mâ (juillet 78)

 

         Partie en vacances avec Philippe, tous deux invités sur le bateau d’amis. Nuit au port de Sainte Maxime, dodo sur le bateau. Bercée par la souplesse de l’eau sous-jacente, cela me met dans un état de conscience particulier. Je m’endors dans un état de méditation. Et la nuit, je rêve de Mâ. Elle m’apparaît debout, tout en haut d’un mur de briques sans aucune ouverture, ni portes ni fenêtres. Elle m’annonce simplement : nous nous rencontrerons sous 3 ans. Elle ne parle pas, c’est dans le silence qu’elle me transmet cette information. Le rêve est très simple, presque banal. Au réveil, je me demande ce que peut bien représenter le mur : il est assez haut, je suis tout en bas, les briques évoquent une construction de main d’homme, et aussi, pour moi, les usines, la laideur des faubourgs industriels, disons-le, une laideur, une médiocrité auxquelles je ne voudrais surtout pas être soumise...  Il est la somme de toutes ces briques que nous posons, et qui aboutissent à des mondes de souffrance, d’exploitation, des univers mentaux cloisonnés et finalement à ce mur de la séparation, sans portes, devenu infranchissable. J’ai le sentiment que c’est nous qui avons tous construit de tels murs... Des murs qu’il n’est plus en notre pouvoir de défaire. Mâ se tient au-dessus du mur. Elle n’est pas limitée par ‘nos' murs, Elle se tient au-dessus de toute la médiocrité dont nous sommes capables. Elle se tient au-dessus de ce mur qu’est l’ego.

 

         Le rêve me montre bien que je ne peux le franchir. Si l’aide du Maître ne nous délivre pas, en fait, nous n’avons aucune chance de retrouver la liberté, aucune chance de reprendre de la hauteur dans l’échelle des êtres. Au réveil, je sens bien que Mâ se tient au-dessus de l’infranchissable. C’est le seul moyen de nous rejoindre. Elle me fera franchir ce haut mur sans porte ni ouverture.

  Et je sens aussi combien Elle est libre, absolument libre… Mon Dieu, comme j’ai envie de La rejoindre…

 

 

Les fleurs immaculées

         Je suis un tunnel tout noir et interminable, tortueux, inquiétant, désespérant. Chaque fois que je crois enfin émerger de ce tunnel, il continue. Je marche courageusement, mais il semble n’avoir jamais de fin. Je deviens très inquiète, mais continue d’avancer. Tout d’un coup, l’étroit boyau s’élargit de façon incroyable. Je me trouve alors dans une immense salle, au plafond aussi haut qu’une cathédrale, où l’abondance de lumière est merveilleuse. Une lumière blanche, douce, irisée, parfaite. Et partout se trouvent de sublimes fleurs blanches, plus hautes que moi, d’une beauté extraordinaire. Je me sens enfin libre, enfin heureuse. Ce rêve est revenu plusieurs fois. Il pourrait, à première vue, faire allusion à l’accouchement (le tunnel tortueux et sombre), mais ma naissance fut en fait très rapide. Je crois plutôt que le tunnel exprime surtout l’errance par laquelle j’ai dû passer toute mon enfance et mon adolescence, loin de toute lumière spirituelle, ce qui me faisait beaucoup souffrir. Les fleurs sont d’une beauté surnaturelle, divine –c’est la première fois que cette dimension se traduit pour moi sous la forme d’une image, et à cette époque, je n’en reconnais pas la qualité « divine ». Par contre, la jeune fille que je suis, toute éprise de pureté, se trouve dans le rêve, émerveillée, amoureuse de cette blancheur lumineuse et douce, totalement pure. Le nom de jeune fille de Mâ est Nirmalâ, qui signifie « blancheur immaculée », ce que j’ignorais totalement à l’époque où j’ai fait ce rêve. Ce que je sais, c’est que j’ai relié d’instinct ce rêve à Mâ, et que je me suis réveillée bouleversée par tant de beauté. Et fortement encouragée à avancer !!!

 

 

Le son du silence

(Par Jean Bastide)

 

                                                          (Voici un petit texte, témoignage d'une expérience méditative avec Jacques Vigne)

Le son du silence.
S'asseoir, inviter le corps à se poser,
s'asseoir en soi, calmer le mental,
s'asseoir, être à soi, attendre le silence et la paix.
Mais la paix et le silence ne sont pas dans l'immobile ni dans la présence à soi.
Pensées, émotions, tout est énergie. Le son de la vie intérieure empli tout l'être.
S'asseoir, encore et encore, aller vers soi dans ce tumulte vital.

Se saisir délicatement mais fermement de l’attention, clef du silence.
Cheval sauvage qui veille notre vie; qui galope vers le moindre évènement pour le flairer.
Sauter sur le dos de l’attention, saisir sa crinière, la mener à la source du souffle.
A chaque ‘distraction chute’, remonter en selle, ramener la monture au point d’attache.
Avec patience et tendresse, douceur et fermeté, l'inviter à accepter ce qui est pour elle contre  nature : ne rien faire, juste se fixer sur un point sans saveur, sans intérêt.

Le silence et la paix ne sont pas à l'attache de la source du souffle.

L'effort  calme la bête.
Dans un éclair, l'être apparaît; furtivement, une grande lumière chaude, le regard intérieur soudainement uni; le temps d'un rien, d'une connection subite avec nos cinquante mille milliards de cellules; le temps d'autres riens; éclairs de plus en plus longs et lumineux.
La ‘lampe conscience’, libre de toute tâche, éclaire le tout; et puis s'éteint dans le bouillonnement de la vie; renaît et redisparaît.
Chaque distraction la souffle. Le flot du vivant la fait vaciller et l'absorbe .Quitter doucement l’attraction, revenir à la source. C'est elle qui la fortifie.
Le silence et la paix ne sont pas dans l'effort.

Jouer sur les rênes : tendus, l'attention reste tranquille; mais la conscience n'éclaire que le point d'encrage.
Trop lâches, attention et conscience sombrent dans le flot du vivant.
Trouver la tension juste.
S'asseoir et s’asseoir, avec patience, avec compassion pour soi-même.
Le silence et la paix ne sont pas dans le jeu, dans le Je, dans la crispation du vouloir.

Sidérante, ‘l'intuition-question’ claque comme la foudre :
Qui écoute cette vie intérieure ?
Qui contemple ce tumulte ?
Le silence est la réponse.
Un silence de paix.
Je suis le silence. Je suis la paix. 
Je ne le sais jamais assez.

S'asseoir et encore s’asseoir.
Accepter ce tumulte : il me révèle le silence et la paix.
Rester confondu avec ce tumulte, c'est demeurer, clandestin ignorant, dans la matrice de la ‘non-naissance’.
Sortir du tumulte.
Devenir, ne serait-ce qu’un instant, ce regard que la mère porte sur l’enfant dans son ventre; juste le regard.
Sortir de la fusion confuse, contempler simplement.
Echapper à la peur, au manque, connaître la satiété. Naître à soi-même, au silence de la paix.

S’asseoir, écouter le silence.
Il est comme ce rocher plat, chauffé par le soleil. Il émerge, solide, au milieu du flot de la vie.

Nouvelles

-         La longue tournée (en Europe, Canada et Etats-Unis) de Jacques Vigne s’est terminée à Paris le 22 Janvier par une conférence à l’INREES (Institut National de Recherches sur les Expériences Extraordinaires) sur invitation de son directeur Stéphane Allix, à l’occasion de la sortie du dernier livre de Jacques ‘Ouvrir nos canaux d’énergie par la méditation’ (ex-Méditation, émotions et corps vécu) Editions Le Relié. Ceci dans le cadre de la Revue ‘L’Inexploré’ qui reprend l’esprit de l’ancienne ‘Nouvelle Clé’.

-         Jacques Vigne accompagnera désormais pendant plusieurs mois des voyages de groupe en Inde et au Shri Lanka. On peut en consulter les programmes détaillés sur son site : www.jacquesvigne.fr.st 

-         De la part de Mira : Cette année, la retraite intense annuelle de Mâ
aura lieu du 3 au 11 mai dans la région parisienne. Pour tout
renseignement contactez : 
marieagnes.bergeon@gmail.com

 

Renouvellement des Abonnements

Pour la nouvelle session du ‘JAY MA’  2013-2015

 

 

Nous y voilà ! Nous en sommes arrivés aux renouvellements des abonnements pour la nouvelle session de deux ans, qui ira de Mars 2013 à Mars 2015 et qui commence avec ce N° 108 du printemps 2013…Beaucoup ont déjà renouvelé et nous les remercions de rester ou d’entrer dans la Grande Famille de Mâ ! C’est donc le moment, pour ceux qui en ont envie et qui ne l’ont pas encore fait, de nous rejoindre pour leur abonnement, car ce numéro est le premier pour cette nouvelle session de deux ans…

 

Merci donc d’avance à tous ceux qui renouvelleront l’expérience du ‘JAY MA’ en se réinscrivant pour ces deux années à venir auprès de José Sanchez Gonzalez  pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère bénévolement l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr.

 

La brochure est toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel envoyé par email, soit 4 numéros par an. Le renouvellement ou l’inscription se font automatiquement pour deux ans. Il faut donc envoyer à José un chèque de 8 Euros au nom de Jacques Vigne, pour couvrir ces deux années. Les numéros arriérés seront envoyés à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.

 

Cette brochure fut créée il y a désormais 25 ans. Elle représente un lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne, avec la collaboration de Mahâjyoti qui a une « lettre d’infos » à votre disposition sur demande, pour bien comprendre la marche à suivre.

 

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ

Extraites de Les Enseignements de Mâ Anandamayî

L’Ashram de Mâ Anandamayî par Jacques Vigne

La Kumbha-Méla de Prayag par Jacques Vigne

Taittirya Upanishad par Marie-France Martin

Un Grand Oiseau poème par Marie-Odile Cadé

Deux autres rêves liés à Mâ par Sundari (suite)

Le son du silence par Jean Bastide

Nouvelles

Renouvellement des abonnements

Table des matières