Entretiens
avec Swami Nirgunananda
recueillis
par Claire Landais
à l’ermitage de
Dhaulchina en Himalaya
au mois d’avril
2002
Le texte ci-dessous représentent des
entretiens entre Swami Nirgunânanda et Claire Landais qui est venue en visite à Dhaulchina au mois d'avril 2002. Elle a
mis ses notes au propre, et me les a envoyés en Inde pour révision avec
Swamiji. Juste un an plus tard, nous avons vérifié ensemble à Dhaulchina
certain points, il y avait en fait très peu d’erreurs ou de mauvaise
compréhension dans les notes de Claire, et j'ai quelque peu réorganisé le
matériel sous diverses rubriques pour le rendre plus agréable à lire et plus
facile d'emploi. Certaines réponses ont été complétées ou développées par
Swamiji. Même si les pensées de celui-ci sont souvent exprimées directement,
l'ambiance générale du satsang est faite de questions et de réponses. J’espère
que ce petit livre sera utile aux fidèles français de Mâ et à tous ceux qui ont
rencontré ou rencontreront Swamiji, que ce soit lors de ses tournées en France
en été ou pendant le reste de l'année à l'ermitage même.
Jacques
Vigne
Dhaulchina , le 31 mars 2003
Posez beaucoup de questions !
Pendant des années, j’ai lu cent lettres par jour à Mâ et j’ai copié ses
réponses. Elles provenaient de toutes sortes de personnes : des jeunes,
des vieux, des célibataires, des personnes mariées…
Mâ disait : " Ce corps ne
répond pas à vos questions. C’est vous qui répondez. ". Les questions
sont les vôtres, les réponses sont les vôtres.
1) Ânanda, le bonheur
Quel est le sens spirituel de notre vie ?
Le but spirituel de la vie, notre devoir
aussi, c’est d’être heureux perpétuellement.
Notre vie spirituelle commence à notre
naissance. Pourquoi un enfant crie-t-il à sa naissance ? Parce qu’il est
dans un monde inconnu : l’air dans ses poumons, la lumière forte, les
sons… Il voudrait retrouver la joie, le bien-être de ce qu’il connaissait, il
veut être heureux. Etre heureux, c’est le but spirituel de la vie.
Vous pouvez donner de l’argent à
quelqu’un qui en manque si vous en avez, de même vous ne pouvez donner du
bonheur que si vous en avez. Donc même si certaines religions insistent sur le
but de rendre heureux son prochain, être soi-même heureux est sous-entendu.
Regardez ce rhododendron, il vit ce qu’il
a à vivre, pas pour nous et pourtant il nous rend heureux.
Il n’y a pas de séparation entre les
actions dites spirituelles et dites non spirituelles. Il faut détruire ce mur.
C’est juste dans la manière de les faire ou plutôt de les voir…On peut aller
dans un temple comme on fait du jogging ou comme on fait un pèlerinage, on peut
faire du jogging comme on va dans un temple… Le but spirituel de la vie c’est
d’être heureux, donc tout ce que l’on fait dans le but d’être heureux
perpétuellement est un chemin spirituel.
L’art par exemple permet de rendre
perceptible un instant de beauté éternelle. L’artiste fait l’articulation entre
la beauté divine qu’il a en lui et la rend perceptible. Percevoir cette beauté
qui est en lui, mais qu’il ne peut percevoir qu’en l’exprimant, le rend
heureux.
2) Mâ
Pour moi, Mâ est un être humain parfait et
aussi une mère parfaite. Si nous nous intéressons à ce que Mâ faisait ou ne
faisait pas, nous pouvons nous connaître mieux. Connaître nos possibilités. On
ne peut pas devenir des êtres humains parfaits mais meilleurs oui.
Mâ ne rêvait pas, ne dormait pas. Que
peut-on apprendre de cela ? On peut comprendre que les rêves ne sont pas
une état de repos profond. Ils sont une activité. Si quelqu’un dort huit heures
et qu’il rêve six heures, il ne s’est reposé que deux heures ! On peut
dormir moins surtout si on pratique des exercices spirituels. Bon, mais si on
ne dort pas on tombe malade et on ne peut pas contrôler ses rêves.
Mâ était perpétuellement en alerte. En
sanscrit on dit " Quand on fait perpétuellement attention, il n’y a
pas d’accident… "
Mâ ne heurtait jamais personne.
Mâ ne se contredisait jamais.
Mâ ne se repentait jamais.
Mâ n’exprimait jamais de chagrin…
Mâ n’opposait jamais les religions entre
elles.
Mâ n’obligeait jamais personne à faire
quelque chose.
En occident
beaucoup de gens disent ne pas aimer leur image, ne pas s’aimer eux-mêmes…
D’accord des gens n’aiment pas leur image, mais ils s’aiment eux-mêmes Quand Mâ
est morte, j’ai voulu me suicider parce que Mâ n’était plus physiquement avec
moi ; c’est parce que je m’aimais que je voulais Mâ avec moi !
Comment puis-je
vivre sans Mâ ?
En m’aimant
moi-même. L’âme de la vie c’est se connaître soi-même, aller en soi-même. Je
veux toujours en savoir plus sur les gens que j’aime.
Mâ vous nous
aimez autant que nous vous aimons ? " Vous m’aimez parce que je
vous aime " a répondu Mâ. " Vous ne pouvez pas vous
imaginer l’amour que j’ai pour vous. " L’amour de Mâ commence là où
notre imagination s’arrête
Mâ n’a jamais
qualifié ou quantifié l’amour !
Mâ n’a jamais
menti dans sa vie.
Un jour pendant
un satsang, quelqu’un a demandé " Mâ qui êtes vous ? "
J’étais très heureux car c’était aussi ma question, la question de tout le
monde. Elle a répondu : " Ce que vous pensez, je le
suis. " Mon problème était résolu ainsi que celui de tous ceux qui
avait entendu la réponse. Elle pouvait être Lord Krishna pour l’un, Lord Shiva
pour un autre ou ma mère…
Mais cette
question a continué à être posée. Elle est devenue une controverse. On disait
que c’était une question normale de la dévotion. C’est la seule question qui a
été posée plus de 1000 fois ! Elle avait répondu la première fois à cette
question à l’âge de vingt ans. Elle était une femme au foyer dans le Bengale
rural et conservateur. Ce sont ses employés, ses proches qui lui ont demandé.
Elle a répondu : " Mahadev, Mahadevi […] " Les gens
savaient cette réponse et lui ont redemandé… C’est qu’ils ne la croyaient pas,
ils doutaient. Ce n’était plus une question, c’était un défi. Nous voulons
voler haut et nous passons notre temps à controverser !
Comment aimer
Mâ ?
Il n’y a pas de technique pour aimer Mâ. J’ai commencé ma vie en aimant Mâ, en
aimant. Pour acquérir ce que l’on veut, on sait très bien comment faire. Pour
faire quelque chose de neuf, on a besoin d’un professeur, mais aimer, on sait
le faire naturellement. On pense que Mâ est spéciale, c’est pour cela qu’on
souhaiterait avoir une technique spéciale. On peut regarder, toucher, caresser
une photo de Mâ.
Mâ aime tout le
monde de la même façon, mais nous voulons plus.
Tout le monde
aime la simplicité. Il n’y a pas de simplicité spéciale. Mâ est l’incarnation
de la simplicité, du naturel. J’ai perdu mon naturel. Dans le cœur de mon cœur,
je la connais. Je la retrouve en Mâ.
" Mâ,
je ne peux rien faire sans vous " " Mâ ne peut rien faire sans
vous. "
J’ai dans ma
mémoire le moment où ma mère biologique m’a aimé entièrement, sans spécificité
de sexe. Et puis après ma naissance ou avoir appris si j’étais un garçon ou une
file par l’échographie, elle m’a aimé en tant que garçon… puis comme garçon
étudiant la biologie… C’est l’amour sans spécificité dont il faut se souvenir.
Juste aimer sans rien de particulier.
Dans les
milliers de lettres que Mâ a reçues, il y avait très peu de lettres d’amour.
C’était surtout des lettres où les gens exposaient leurs problèmes…
Le Védanta est
une partie des védas. Dans les védas il y a quatre livres, dans chaque livre il
y a trois paries. 1- les rituels, 2- la dévotion pratique 3- la philosophie
védantique. Le védanta n’exclue donc ni les rituels, ni les pratiques. La
non-identification n’est pas rejeter quelque chose mais s’identifier à quelque
chose de plus en plus grand. Vous êtes avocat mais vous êtes aussi un être
humain, c’est plus large… jusqu’à la totalité.
Si vous contrôlez
un sens, vous les contrôlez tous. Les autres suivent. Les pratiques
spirituelles ne sont pas faites pour atteindre Dieu mais pour dissoudre ce qui
couvre cette pureté en nous ; la bouche est le principal organe des sens
que l’on puisse contrôler. Je peux réduire mon discours et mes repas.
Mon point
pivot, fixe, c’est mon amour pour Mâ et ça ne bouge jamais et tout tourne
autour.
Vos questions
je n’y ai jamais pensé avant. Elles deviennent mes questions. Je dois y penser,
trouver la réponse. C’est pour cela qu’il y a émotion. Mâ est avec moi. Ces
questions sont comme des élèves pour moi.
" N’abandonnez
que ce qui vous abandonne. " Les choses dont vous n’avez plus besoin
s’en vont automatiquement. Un petit garçon aime son ours en peluche. Un jour il
ne s’en occupe plus mais il est passionné par l’équitation…
" Je
suis vous " " L’espace entre vous et moi est
moi. " Mâ
L’espace a les
mêmes qualités que l’amour (profondeur, invisibilité…)
Le monde existe
si je suis là pour en faire l’expérience. Le monde est là pour moi au présent.
C’est parce que
je perds mon unicité que je suis triste… Cette unicité est incomparable.
Mâ n’est pas
une déesse pour moi. Ce n’est peut-être pas faux de le dire mais pour moi elle
est ma mère. Elle est un être humain parfait peut-être, en tout cas un être
humain qui n’a pas fait de faute durant toute sa vie. Pour moi, Mâ n’a pas tel
ou tel niveau spirituel. Je ne pourrais en juger que de mon point de vue. Mâ
est ma mère ! et j’ai besoin de Mâ, pas de Dieu.
La vie est un
grand livre.
Mâ n’a jamais
étudié mais elle était pleine de sagesse. Elle voyait la vie comme elle était.
Notre vie nous
donne des réponses, les écritures nous embrouillent.
Pourquoi nous
aimons faire des pèlerinages ? Notre vie est en elle-même un pèlerinage vers
la joie. Nous sommes tous des pèlerins, croyants et incroyants ( si je ne crois
pas en Dieu je crois au communisme, à l’amour ou autre...) Nous allons vers un
lieu saint pour le voir, le sentir, l’aimer parce que nous avons ce lieu à
l’intérieur mais nous n’avons pas le moyen de le sentir.
Un homme a
besoin de toujours partager l’amour, la peine. Il ne peut pas vivre seul. Je
suis heureux tout seul à Dhaulchina mais si quelqu’un vient et que je peux
partager je suis encore plus heureux !
Je suis la voie
de la bhakti, la dévotion. J’ai d’abord établi une relation humaine (ça peut
être fils, ami…) ensuite je la purifie. Je pars de l’humain parce que je
connais la relation de fils, mari, mère…. Et par la pratique je l’élève sur un
plan divin. C’est une part de la dévotion. J’ai établi une relation et quand je
pose la question who are you. Je coupe la relation. Je ne peux plus
sublimer cette relation, il n’y en a plus.
Sadhana vient
du sanscrit : swa +dhan, c’est à dire soi-même + trésor : retrouver
son trésor.
Swami Ramdas
était un maître très exclusif. Il disait, je suis Ram, venez avec moi, nous
irons ensemble jusqu’à Ram.
Mâ était très
inclusive. Elle disait au chrétien suit le Christ,…Boudha,….Allah
Il n’y avait
que sur un seul plan qu’elle était très exclusive : sur le plan de la
relation avec elle. Avec Mâ, il n’y a que Mâ ! On n’a pas besoin de
Dieu ! Oubliez ça !
Une
histoire : Dans les trains, Mâ arrivait dans un compartiment, au milieu de
personnes qu’elle ne connaissait pas. Imaginez des jeunes hommes ! Elle
était si belle, si attirante. Ils parlaient de choses et d’autres. Ils auraient
voulu lui adresser la parole. En général, ils entamaient la conversation et Mâ
parlait. Ils restaient suspendu à ses lèvres. Ils se rendaient compte que c’était
une personne spirituelle même s’il ne la connaissait pas. Quand ils devaient
descendre, Mâ demandait : " Vous ne donnez rien ? (c’est la
tradition en Inde de donner quelque chose aux moines errants. Les gens
cherchaient dans leur porte-monnaie. Elle disait : " non, non,
je vous demande juste du temps. " " Combien de
temps ? " " Juste cinq minutes par jour mais
toujours à la même heure. "
Mâ appelait les
gens, Mataji ou Pitaji, mère ou père, sauf les enfants auxquels elle disait
amis.
Mâ demandait
souvent 5, 10, 15 minutes par jours pour elle, toujours à la même heure,
l’heure exacte très précisément. C’est la meilleure des pratiques. Elle est
suffisante. Aucune autre pratique n’est nécessaire. Mais en fait c’est très
difficile. Même pour un ermite c’est très difficile.
Offrir 5
minutes à Mâ, c’est s’offrir 5 minutes à soi-même. On ne le fait jamais c’est
difficile. Offrir vraiment, sans rien attendre, pas de reconnaissance, pas de
gain, pas de résultat. Ce n’est pas un investissement ! Peut-être attendre
juste que cela fasse plaisir à Dieu et à Mâ.
Vous devez être
en alerte au moins 30 mn avant. Je vous raconte une autre histoire : Il y
avait un prince près d’Almora, un chasseur, cruel, buveur… mais il aimait
beaucoup Mâ. Un jour elle lui a demandé s’il accepterait de lui donner quelque
chose : 5 mn chaque jour à heure fixe, pour la vie. Il lui a dit, vous ne
m’avez jamais rien demandé, alors d’accord. Une nuit, il était à la chasse au
tigre, il avait tendu un piège et soudain le léopard est arrivé, il allait tirer
mais c’était l’heure. Le léopard avait vu le chasseur. L’homme a laissé son
fusil, il a fermé les yeux et pendant 5 mn il a pensé à Mâ. Après 5 mn, le
léopard était parti. Quand Mâ l’a revu, elle lui a demandé, alors le
léopard ?
Jamais Mâ n’a
rejeté personne parce qu’elle voyait Dieu partout.
Je dois m’aimer
moi-même. C’est à dire que je ne dois pas me blesser, m’abandonner, me faire de
la peine.
C’est très long
de trouver la pratique spirituelle qui vous convient. Pendant onze ans, j’ai
cherché, j’ai pratiqué différentes choses avec sincérité. Il faut du temps pour
trouver. Il faut choisir ce que l’on aime le plus, ce à quoi on fait confiance
et on ne s’examine jamais assez profondément pour le savoir. Mâ m’avait
dit : " Je ne t’obligerais jamais à prendre l’initiation
mais si tu la veux, alors j’accepterai. " Moi je n’avais pas besoin
d’un mantra. J’en avais un. C’était simple et bien comme ça. C’était Mâ
elle-même qui me l'avait donné tout en me disant : "ce n'est pas ton
initiation, et je ne suis pas ton guru". Mais c'était tout ce dont j'avais
besoin. En fait, j'ai quand même préféré réciter mon premier mantra que j'avais
reçu des lèvres mêmes de Mâ. J'étais aussi son enfant c'est peut-être cela pour
cela qu'elle m'a dit : "je ne suis pas ton guru". Même les gens qui
considèrent Mâ comme leur guru lui disent quand même : Mâ.
Un soir donc Mâ
m’a dit : " Demain, tu prendras l’initiation. "
J’étais bouleversé. J’ai pleuré devant Mâ. Est-ce que Mâ pouvait être une
menteuse ? Est-ce que je m’étais trompé ? Mâ m’a expliqué que je
voulais cette initiation mais que je ne le savais pas. Je n’avais pas écouté
assez profondément.
Tout ce que
nous faisons porte des fruits mais nous ne savons pas lesquels, ni quand ils
prendront forme. La transformation spirituelle est très lente et très profonde.
On raconte
qu’un jour un passeur faisait traverser un grand fleuve en Inde. Arrivé au
milieu du fleuve, l’orage éclate, la tempête se lève. Le bateau se remplit
d’eau. Un sadhu sur le bateau puise l’eau du fleuve avec son pot et verse l’eau
dans le bateau ; Les passagers sont furieux et ne comprennent rien. !
Finalement le bateau arrive presque à quai. Le sadhu commence à écoper… Les
gens lui demandent pourquoi il écope maintenant alors que tout va bien ;
Il répond qu’il essaie toujours d’aider Dieu dans son dessein.
Dans notre
tradition, on dit " Laisse mon cœur battre avec le tien aussi
longtemps que je serai en vie. "
Vous avez
besoin d’un bon professeur pour tout…. Mais pas pour la dévotion. L’amour est
la seule chose avec laquelle je suis né. C’est ma Vie. La racine de ma vie. Je
suis le produit de l’amour de mes parents. D’abord allons en nous et trouvons
l’amour en nous. Mâ n’a jamais attendu qu’on l’aime mais j’attends l’amour de
Mâ… Je pense parfois que Mâ ne m’aime pas. C’est une erreur. J’ai commencé à
aimer Mâ quand je l’ai rencontré mais elle m’a dit qu’elle m’aimait avant que
je ne vienne. " (Je savais que vous viendriez. ")
Essayez de
diminuer votre attente et vous flotterez dans l’amour.
Il y a toute
une part de la dévotion que nous n’avons pas besoin d’apprendre. Nous naissons
avec.
Un jour je
devais aller faire une pouja à Delhi pour une fête particulière, c’était une
pouja particulière. La veille Mâ m’a demandé de venir. Elle m’a montré comment
couper les pommes de terre pour cette pouja. Les pommes de terre étaient
coupées magnifiquement. Elle m’a dit : " La pouja commence
maintenant. Quoi qu’on fasse si on le fait pour Mâ, avec amour c’est une
pouja. " Un jour je parlais de Mâ avec deux occidentaux… Les gens
croyaient que je parlais mais je faisais attention à mes mots, mes réponses…
C’était une pouja.
Quel est le
rapport entre perfection et bonheur ?
Une
histoire : un jour un grand violoncelliste va jouer en concert. Il accorde
son instrument dans sa loge, il joue. C’est parfait. Tous les bons musiciens
seraient d’accord. Il a soif. Il n’y a pas d’eau dans sa loge. Il descend un
instant au bar du théâtre. Il laisse son violoncelle. Un petit garçon entre
dans sa loge. Il joue du violoncelle. Pour de bons musiciens ce serait de la
mauvaise musique mais lui y a mis tout son cœur et il trouve la musique très
belle. Il est très heureux. Où est la plus grande perfection ? Tout est
parfait, cela dépend de notre regard. Notre vie est une magnifique composition.
La vie de Mâ était la plus belle composition qu’il soit. Il y avait de la
beauté dans tous ses gestes.
Un jour trois
brahmacharis, " novices ", Baskarananda, Nirvanananda et Nirmalananda devait prendre le
sannyas. Ils devaient donc changer de nom. Leurs noms de naissance
étaient : Bharat, Kusum et Tapan. C’était du temps de Mâ. Elle était
présente. Ils ont décidé que leurs nouveaux noms commenceraient par un nom en
relation avec celui de Mâ quand elle était jeune fille: Nirmalananda, et
ils voulaient donc que cela commence par nir-…. Des pandits s’étaient
réunis pour examiner le rituel et être sûr que tout se passe selon les
écritures. Mais ils ont dit que ces nouveaux noms n’étaient pas possibles car
le nom devait commencer par la lettre de l’ancien prénom. Mâ leur a expliqué
qu’ils devaient changer de noms. Deux d’entre eux ont refusé absolument !
Mâ était ennuyée, elle voulait trouver un arrangement alors elle a demandé aux
pandits si ce ne serait pas possible que l’un d’entre eux soit en accord avec
les règles et que les deux autres puissent faire différemment. Ils ont accepté.
Elle a demandé au futur Baskarananda s’il serait d’accord de laisser le nom
qu’il voulait. Puisque c’était Mâ qui le demandait, il a accepté.
Le jour où j’ai
pris le sannyas, je connaissais la règle. Je m’appelais Shanti donc j’avais
choisi un nom commençant par s, un nom peu courant,
" moderne ", que j’aimais beaucoup, Shambhavananda. Cela
fait référence à Shambhu et sa parèdre Shambhavi. Dans ma pratique
quotidiennne, je me concentre sur le Shri Yantra, qui est associé à Shambhavi.
De plus, il y a la shambhavi mudra dans le Shivaïsme du Cachemire ou on a les
yeux ouverts, sans ciller, mais on a l’attention portée à l’intérieur. C’est
une pratique de l’unité du monde externe et interne qui me parle.
C’était
Baskarananda qui devait me donner mon nouveau nom. A 4 heures du matin, nous
sommes dans le Gange glacé jusqu’à la taille. Baskarananda me donne le nom de
Nirgunananda. Je suis furieux. Ce n’est pas celui que j’avais choisi !
Alors toujours dans l’eau, il me raconte cette histoire. Il m’a donné le nom
qu’il n’avait pu se donner à lui même… Et cela pourrait continuer…
3) Mémoires
Les chagrins qui viennent du passé
sont-ils inévitables ?
A Calcutta, il y a un endroit qui a
toujours servi de décharge d’ordures. Depuis 300 ans que Calcutta existe, cette
décharge existe.
Il y a quelque temps, un ami m’a fait
visiter le quartier de la décharge, le quartier de Dhatta. J’y ai vu une cité
toute neuve, des maisons et des jardins plus beaux et plus propres que tous les
autres quartiers de la ville. J’ai pensé que si j’habitais là et que je
creusais la terre dans mon jardin, je retrouverai des ordures ! Mais
pourquoi ferai-je cela, alors que je peux vivre très agréablement en laissant
les ordures sous la terre ?
On ne pourra jamais effacer les souvenirs
que nous avons dans nos mémoires mais on peut construire sa vie belle et
joyeuse en laissant la tristesse du passé à sa place, sans la ressortir sans
arrêt.
Pour moi aussi, la mort de Marol a été un
choc. La première fois nous nous sommes rencontrés juste pendant un quart
d’heure. Je savais que Marol était un écrivain, un poète, un dessinateur,
quelqu’un de génial… Je désirais le rencontrer. Nous avons parlé de notre
vision de Mâ. Nous avions chacun une vision différente mais je l’ai écouté, je
n’ai pas rejeté son point de vue (je me suis identifié à lui un moment) et il a
fait de même.
Marol, je ne sais pas pourquoi m’aimait
beaucoup, il disait que j’étais son frère, son ami, son professeur… et moi
aussi quelque chose m’attirait très fortement en lui. Il m’a donné beaucoup
plus que je n’attendais…
La dernière fois que je l’ai vu à Paris,
il était très malade et j’ai su qu’il ne vivrait pas mais on ne peut pas dire
cela à quelqu’un. Ensuite, il m’a téléphoné une ou deux fois par jour, il me
joignait dans tous les endroits où je me trouvais : En Suisse, à Delhi, à
Almora… Hélas le dernier jour, il n’a pas réussi à me joindre. J’ai appris sa
mort par Jacques Vigne qui m’a téléphoné et puis j’ai eu le fax de France. Ma
mère de 96 ans était morte en juillet. J’ai eu un choc et puis j’ai tout de
suite essayé de me souvenir des bons moments passés avec lui, dans son
appartement à Paris. Marol est vivant dans ma mémoire et je peux être avec lui
quand je veux.
Ce qui nous rend vraiment heureux, c’est
d’avoir une relation avec nous-mêmes. Mais tout seul, nous ne pouvons avoir de
relation avec nous-mêmes. Nous ne pouvons pas ressentir l’amour que nous avons
dans notre propre cœur sans aimer quelqu’un. Alors nous avons des relations et
nous existons dans les autres comme dans des miroirs. Le miroir Marol s’est
cassé, mais il y a beaucoup d’autres miroirs.
Si j’aime quelqu’un, c’est moi que
j’aime, ma propre capacité d’aimer que je ressens. J’oublie que j’ai tout le
bonheur en moi et je vais le chercher dans le monde extérieur.
J’aime qu’on me dise mes qualités…ça me
rend heureux…
Quand Mâ est partie, j’étais très malheureux.
J’ai pleuré et j’ai voulu me suicider en me jetant dans le vide. Nous étions en
montagne. Quelqu’un m’a rattrapé et m’a sauvé. Maintenant, je sais que j’aime
Mâ davantage que quand elle était là avec son corps. Elle est là quand je veux.
Elle est dans ma mémoire. Elle peut être là quand je veux. Avec Marol c’est
pareil, je n’ai plus besoin d’aller à Paris… Le passé peut devenir présent
quand je veux.
Comme dans les haïkus, le passé redevient
présent.
Si un mauvais souvenir ou un choc arrive,
vous devez être en alerte et pensez tout de suite que le but de votre vie,
c’est d’être heureux, de vous aimer, de vous rendre heureux (et pas d’aimer les
autres dans l’espoir qu’ils vous aiment en retour). Si un mauvais souvenir ou
quelque chose de triste arrive, vous devez trouver en vous un souvenir
meilleur, quelque chose qui vous rende heureux. C’est le but de votre vie. Il y
a de la joie à l’intérieur de vous, de belles choses, un trésor dans votre
mémoire. Vous pouvez choisir un bon souvenir.
Jean-Claude vous aime, donc il vous veut
heureux. Vous aimez Jean-Claude donc vous le voulez heureux. C’est en étant
heureuse que vous le rendrez heureux.
Qu’est-ce que fait Marol ?
Le corps de Marol a été brûlé, Marol ne
fait plus aucune action avec son corps. Avec son corps subtil une chose est
sûre, il est avec Mâ et je sais qu’avec Mâ on est heureux. Vous aimez Mâ ?
Oui, alors vous aimez son corps, son esprit et aussi ses paroles. Mâ disait
qu’elle est partout. Elle est donc avec Marol.
Qu’est-ce que pense Marol ?
Quand Marol était là, vous ne saviez pas
non plus ce qu’il pensait. Vous saviez juste ce qu’il en exprimait.
Comment avoir des échanges avec
Marol ?
L’amour n’attend rien. Il n’est pas
question d’échanges en amour. Bien sûr, seules les grandes âmes peuvent faire
cela, mais nous pouvons essayer.
Mâ disait que l’on devait se
comporter comme des enfants mais nous avons grandi et dans notre mémoire, il y
a aussi un adolescent et un adulte. Mais il y a aussi un enfant et quand vous
voulez, vous pouvez sélectionner cet enfant et être heureux comme lui
simplement.
4) Emotions
Désir, colère, avidité, tentation,
illusion, ego, jalousie. Tous les problèmes viennent de là (politiques,
sociaux, familiaux…)
1. le désir
Le désir n’est pas mauvais en lui-même. On le
rend mauvais. Le désir spirituel est bon. Si je désire et que je n’ai pas ce
que je désire, c’est mauvais (ça rend triste d’aller vers l’impossible.) Par
exemple, si je veux voler, c’est impossible. Nous connaissons notre limitation.
Si je vais au delà de mes limites ça ne va plus.
2-la colère
L’avidité est
la mère de la colère. Je veux et je ne l’obtiens pas… Le désir a une mère. Il
est l’enfant de la compagnie. Si j’ai envie de quelque chose et que je l’ai
près de moi alors je le veux. Si il est loin, je ne le désire plus (comme le
chocolat qu’on ne trouve qu’à deux heures d’ici.)
Si vous êtes en
colère vous vous battez avec Dieu. C’est bien, vous vous rappelez de
Dieu !
3 – l’avidité
Il y a une
différence entre désir et avidité. L’avidité augmente avec le besoin. J’ai
assez d’argent pour continuer ma vie mais j’en veux plus. L’avidité est la mère
du désir. Un enfant est tenté par une flamme, il veut la prendre mais je suis
aussi tenté d’être avec Mâ, avec mes amis, c’est bien…
4 ego, egoïsme
C’est dans la
nature humaine de projeter mon moi. Ce n’est pas mal. En général on parle de
soi plus que l’on est (ma vie comme un conte de fée) alors les autres me
parlent comme si j’étais une autre personne. La projection n’est pas mauvaise
mais projeter plus que je ne suis c’est mauvais. Souvent pour prouver que j’ai
raison, je prouve à l’autre qu’il a tort et l’autre est triste. Si je vous
traite au même niveau que moi, on est ami. Vous pouvez éprouver de la peine si
je vous mets en bas. Dans l’amitié, il n’est pas question de pitié.
Sans ego, je
n’existe pas mais je peux tenter de me mettre au même niveau que l’autre, sans
me considérer comme supérieur à lui .
5) La jalousie
La jalousie est
parfois l’expression de l’amour. Une mère a deux enfants. Un de cinq ans, puis
un nouveau-né arrive. Le petit de cinq ans pense que sa mère ne l’aime plus
parce qu’elle donne plus d’attention au plus petit. Il aime le bébé mais il est
jaloux de l’amour que sa mère lui donne. Mais l’amour d’une mère est illimité.
L’enfant doit comprendre la nature de l’amour.
Mes relations
de colère, de tentation, d’avidité, d’illusion, d’ego, de jalousie… avec Mâ,
c’est bien ! Vous êtes avec Mâ.
Si je suis une
voie, je dois poursuivre aussi loin que je peux. La vie est trop courte pour
essayer ici ou là. J’essaye ça 6 mois, ça ne marche pas alors, je change…
Pour choisir sa
voie c’est simple : Imaginons que dans votre ville il y ait cinq églises.
Quand vous passez devant chacune, vous faites un signe de croix mais le
dimanche vous allez dans une église particulière. Nous avons toujours une
préférence.
Comme nous
l’avons dit, le terme sadhana vient du sanskrit : swa (moi) et dhan
(richesse). J’essaie toujours de trouver des richesses à l’extérieur et je ne
profite pas du trésor intérieur.
Tapasha vient
de tap (manger quelque chose d’intolérable / saha (tolérer, profiter avec
plaisir.) Quelle chose intolérable ? Quand je nage dans le sens du courant
c’est facile, mais si je nage à contre courant vers la source, c’est difficile.
Quelqu’un casse
des cailloux. Il va avoir de l’argent à la fin de la journée. Avec, il achète
de quoi manger. Il a besoin de casser des cailloux pour manger. Son travail est
pour lui une peine.
Un sadhu veut
acheter des fleurs pour Mâ. Il va aussi casser des cailloux pour avoir de
l’argent, mais il sera heureux de travailler.
Mâ était assise
avec moi et d’autres pour un satsang. " Shanti me dit Mâ, va me
chercher un verre d’eau. " J’étais très heureux de le faire. Mais si
un autre me le demande, je le fais mais je me sens mal !
Vous devez être
heureux.
Les émotions
sont vos instruments, des instruments humains. Elles ne disparaîtront pas. Vous
pouvez les utiliser sur votre chemin spirituel. Pour le reste vous n’êtes pas
obligés de les faire grandir…
Mâ est la première
qui a employé le terme : le jeu de la sadhana. (sadhana ka khel)
Pourquoi je joue, pour y trouver du plaisir. Je ne parle pas de compétition. On
prend beaucoup de sérieux, on peine dans la sadhana. Alors, non ce n’est pas de
la sadhana. Si vous ressentez de la souffrance dans votre jeu, ce n’est pas du
jeu. Si vous mélangez plaisir et souffrance, ce n’est pas un plaisir, pas du
tout !
Dans la vie
professionnelle, une personne a du succès s’il est sérieux et sincère (en
général) et au contraire s’il n’est pas sérieux il risque de perdre sa place.
Je prends ma profession au sérieux. Je choisis ma vocation en fonction de ce
que j’aime. Si vous ne le faites pas vous ne serez jamais heureux. Dans ma
classe intermédiaire je pouvais choisir pour la suite de mes études de
travailler surtout math ou physique ou chimie ou biologie. J’ai choisi chimie
et plus tard biochimie parce que je me sentais intéressé par cette matière.
Dans la vie spirituelle c’est pareil.
La vie
professionnelle peut être spirituelle mais la vie spirituelle ne peut être
professionnelle.
La chance
n’existe pas. Ce que je désire je l’ai. Si vous êtes habitué à être attaché à
la chance, vous commettez une injustice. Je n’ai jamais pensé que j’avais
rencontré Mâ par chance. Dans le cœur de mon cœur, il y a un désir de pureté,
de rencontrer l’incarnation de Dieu.
Nous avons des
potentialités. Si le serpent a perdu ses pattes, c’est parce qu’il ne s’en
servait pas. Essayer de passer un examen et le rater ce n’est pas la même chose
que de ne pas essayer… Entraînez vos oreilles à entendre la nom de Dieu.
Essayez, c’est tout.
Dix amis
traverse une rivière à la nage. Le responsable demande :
" Est-ce qu’on est tous là ? " Il compte il n’en
trouve que 9 (il s’oublie lui-même). Un sadhu passe par là et compte tous les
dix. " Vous êtes tous là ! "
Je trouve de la
bonté dans les autres et pas en moi ! Je ne m’apprécie pas. J’ai
l’impression d’être inférieur. Comment pouvez-vous reconnaître votre bonté. La
bonté est en moi sinon je ne pourrais pas la reconnaître chez les autres. La
surestimation de soi est mauvaise, la sous-estimation est pire. Je porte la
bonté en moi mais je ne la sens pas, je ne la vois pas. " Vous êtes
les enfants de l’immortalité, Goûtez cette immortalité. " J’ai hérité
de cette immortalité, elle est mon père et ma mère. On peut demander à
Dieu : " Aide-moi à reconnaître ma bonté. "
Si vous aimez
quelqu’un, vous essayez de vous souvenir de lui ; mais si vous vous
souvenez de sa colère, ça vous rend triste, ça ne va pas. C’est pour cela que
quand on répète le nom de quelqu’un on choisit une personne qui ne nous a pas
fait de mal.
Mâ écrivait.
J’ai une lettre d’elle. Des amis l’ont reproduite sur internet.
La peur est un
état mental. Nous sommes nés avec la peur, nous mourrons avec la peur. C’est un
instrument de la sadhana. La peur sert à approcher de Dieu.
A sa naissance,
l’enfant pleure parce que tout est nouveau, ce nouvel environnement lui donne
un très fort sentiment d’insécurité. Vous pouvez l’utilisez. Même les dieux ont
peur…
L’amour
neutralise la peur. Essayer d’aimer quelqu’un dont vous avez peur et vous en
aurez moins peur.
La peur de la
mort. Personne ne veut mourir. Mais peur ou pas peur on meurt, alors pourquoi
ne pas faire confiance. Pourquoi perdre votre temps avec ce qui est inévitable.
Mâ a dit : " Si vous n’avez pas peur de la mort, la mort
n’existe plus telle que nous la pensons. La mort doit mourir ".
" Oh
mort
Vous êtes pour
moi le seigneur Krishna.
Oh mort
Donne moi le
nectar de l’immortalité. "
R. Tagore
La peur est
toujours dans le futur. Même quand on dit je ne veux pas revivre tel événement
du passé. Est-ce que quelqu’un dit : " J’ai peur de mon
passé ? " Ca n’a pas de sens. Aimez le présent. J’ai peur que
quelque chose m’arrive demain. Dans le moment présent il n’y a rien de
terrible. Si vous aimez le moment présent, la mort mourra. La mort est une
conception du futur. Yama est le fils du soleil. C’est le Dieu de la mort. Dieu
a 12 fidèles, dont fait partie Yama. Est-ce que je peux avoir peur de quelqu’un
qui se consacre à Dieu ? Essayez de vivre maintenant et soyez heureux. La
mort doit pouvoir entrer dans nos vies. Dans le Mahabarata, Ganga bénit son
fils et lui dit tu mouras quand tu le décideras. Ganga aimait beaucoup Krishna.
Il attendu que ce soit l’heure de la mort de Krishna et il est mort. Imaginez
que cette possibilité vous soit octroyée, que feriez-vous ?
Une femme
faisait la cuisine pour Mâ. C’était toute sa sadhana. Elle était malade et
allait mourir. On devait partir avec Mâ pour Bénarès. Mâ était âgée et elle ne
pouvait plus marcher seule. Mâ était seule sur la terrasse. Tout à coup elle
s’est levée, elle a descendu l’escalier et elle a couru à 100 m de là auprès de
cette femme. Mâ lui a dit (juste deux mots)… la femme a souri et elle est morte.
Il ne faut pas
seulement faire des efforts, mais qu’ils soient sincères et effectués de tout cœur.
Quelle est la
place de la grâce ? La grâce est partout, tout le temps. Mâ l’a dit. La
grâce est Dieu. Dieu est la grâce. Le soleil brille, vous êtes en vie… Quelle
grâce voulez-vous ? Il y a de l’eau… Vous en voulez plus. La vie dépend de
la grâce.
" Demandez-moi
une bénédiction. " " Etre sans désir… "
5) Pratique
On ne peut pas pratiquer la méditation, dhyâna,
elle vient si elle veut. Par contre, on peut pratiquer la contemplation, ou
concentration, dhârana.
La contemplation, c’est focaliser son
attention sur quelque chose. Par exemple, si je mange du chocolat, je peux être
tout à fait présent au goût du chocolat, me concentrer sur le goût du chocolat
et je suis content. Si tout à coup je pense que ma grande-tante de Calcutta qui
aime tant le chocolat n’est pas avec moi, je ne peux plus me réjouir. J’ai de
la peine et je ne profite pas du chocolat. Je ne suis pas heureux alors que
c’est le but de la vie.
Si je regarde une photo de Mâ ou un
paysage, mes yeux et mon esprit vont d’une chose à une autre et mon esprit est
instable, cette instabilité perturbe ma joie.
Si je regarde une photo de Mâ où elle est
en pied, très vite mon regard et mon esprit vont d’un point à un autre et
finalement comme au cinéma ou avec une braise qu’on tourne au bout d’un bâton,
j’ai l’illusion d’une image stable mais en réalité il y a une multitude
d’images reliées.
Donc dans la contemplation, le but est de
focaliser sur une seule partie, puis sur un seul point (le corps, la figure,
les yeux, un œil, la pupille, un point). Quand on arrive sur un point, il n’y a
plus d’objet et l’esprit est absolument calme. Il ne peut plus aller d’une
chose à l’autre, il est stable et cette stabilité donne la joie.
On peut faire la même chose sur un pilier
ou sur un arbre. Le pilier est mieux parce qu’il bouge moins.
Il vaut mieux contempler non seulement
quelque chose que l’on aime, mais avec lequel, il n’y a aucun mauvais souvenir (colère,
tristesse…) qui puisse resurgir au moment de la contemplation. C’est pour ça
que je préfère contempler Mâ. Je n’ai absolument aucun mauvais souvenir avec
elle.
Les chrétiens le font avec Marie ou la
croix.
Quand l’esprit est stable (point), la méditation
peut venir.
On peut contempler avec les yeux mais
aussi avec l’odorat, le goût, le toucher, les sons.
Il y a aussi une contemplation du
silence, on l’appelle le yoga du son, le nada-yoga. Le silence est rempli de
bruits même si on se bouche les oreilles, on se parle, une voix parle… Ce yoga
du son est difficile, je l’ai pratiqué pendant 12 ans. Maintenant je le
pratique rarement, mon esprit est devenu plus clair.
Dans le silence il y a des bruits aigus,
graves, forts, doux, instables mais il y a aussi un son stable que l’on peut
entendre. C’est un son éternel qui existe dans l’univers. On l’appelle aussi
anâhata nâda, quand il est perçu continuellement, cela favorise l'éveil
spontané de la kundalini.
Le problème avec l’amour, c’est que nous
en faisons un marchandage. Je te donne alors tu me donnes. Un jour quelqu’un a
demandé à Mâ, Mâ est-ce que vous nous aimez comme nous vous aimons ? Cette
question que tous les amoureux se posent n’a rien à voir avec l’amour. C’est
une question qui a pour base le doute. Le doute et l’amour sont aussi opposés
que possible.
L’amour n’a rien à voir avec la
tristesse, le doute… c’est la joie éternelle absolue.
On ne peut pas éliminer l’attente, on
peut la réduire. Il y a ce que l’on désire, et ce dont on a besoin. Ce dont on
a besoin est suffisant pour le matériel.
Pour l’amour on a tout à l’intérieur pour
être heureux. On est unique, aimé, avec beaucoup de bons souvenirs. Pour les
mauvais, il suffit de les mettre à leur place.
A propos de l’effort
On appelle effort ce que l’on est capable
de faire. Si on essaie de faire quelque chose qui n’est pas dans notre
capacité, on n’est pas heureux et on n’y arrive pas.
Si un arbre tombe sur un chemin, on peut
passer à côté.
Si le but de notre vie est de réussir une
grande chose, on n’est pas sûr d’y arriver, alors il vaut mieux se réjouir
aussi de chaque moment.
A propos d’un retour dans la nuit
C’est sans doute la première fois que ces
vieux arbres de l’Himalaya voient des humains la nuit. Est-ce que quelque chose
était inhabituel ? Cela fait des centaines de fois que je prends ce
chemin. Ce soir j’ai perdu l’ancien chemin que je suis toujours pour rentrer et
j’en ai trouvé un nouveau. La nouveauté est toujours là dans les choses
anciennes qui nous ennuient. C’est une réponse à votre question sur l’amour.
Mais en découvrant chaque jour quelque chose de nouveau en celui qu’on aime, en
inventant une nouvelle manière de l’aimer, ça peut nous aider beaucoup. Il y a
un temple à Brindavan (le lieu de naissance de Krishna) que l’on décore chaque
jour différemment. Des gens n’ont jamais quitté Brindavan de leur vie pour le
découvrir chaque matin.
Cet oiseau est mon compagnon depuis 15
ans que je suis là. Je l’entends toutes les nuits. Je ne sais pas s’il y en a
un ou plusieurs, si certains sont morts et d’autres sont nés…
La relation corps – esprit
Vous avez remarqué que certains malaises
prennent plus d’importance la nuit. Si vous avez des boutons ils vous grattent,
votre réveil vous ne l’entendez pas pendant la journée et la nuit, il vous
empêche de dormir (moi je l’enferme dans une boîte). C’est parce que votre
esprit n’est pas occupé que vous sentez la nuit ce que vous ne sentez pas le
jour. Le corps est comme une antenne, il capte tout mais l’esprit, lui c’est la
télécommande qui permet de choisir un souvenir. La tristesse, la souffrance si
vous voulez ou un meilleur programme si vous préférez. Savoir faire ces choix
est une pratique spirituelle. Jusqu’à notre mort, le corps et l’esprit sont
très liés. Le corps est une antenne et l’esprit représente le poste de
télévision et la télécommande.
Patience
Mâ ne heurtait jamais les gens autour
d’elle. Elle ne les blessait pas.
Pourquoi nous disputons-nous ? Par
exemple l’un dit une chose et l’autre dit que c’est faux .
Imaginons une famille, la mère, le père
et le fils. Si le fils dit " c’est ma mère " et le père dit
" c’est mon épouse ", ils ont raison tous les deux. S’ils
se disputent parce que leurs vérités sont différentes, c’est idiot. C’est pourtant
ce que nous faisons souvent.
Il y a plusieurs façons de heurter
quelqu’un : physiquement, avec nos mots mais aussi avec notre regard.
On peut ne pas nier la vérité de l’autre
sans être obligé de l’adopter pour nous. On peut parler, la trouver
intéressante mais ne pas en avoir besoin. Par exemple je peux regarder de jolis
vêtements pour femme, les trouver beaux mais je n’en ai pas besoin pour moi.
Mâ n’était jamais triste.
Pour être heureux, nous pouvons accepter
de nous abandonner à certaines données. Nous croyons en Dieu, il a fait la nature
et la vie d’une certaine façon. Il est plus fort que nous.
L’art est-il une pratique
spirituelle ?
Prenons un exemple : un peintre
peint une madone, un autre une peinture érotique. Ils le font en étant très
attentifs, présents. Les deux peintures sont réussies. Maintenant vous montrez
ces deux peintures à un moine. Il vous dit que l’une est spirituelle et l’autre
pas.
Maintenant disons que les deux tableaux
ont eu la même femme pour modèle et cette femme a un petit garçon de 5 ans dans
l’innocence de l’âge. Il dira que sur les deux tableaux, il y a sa mère et
qu’ils sont beaux tous les deux.
Pourquoi voulons nous toujours séparer
(comme à Berlin, d’un côté les communistes et de l’autre les capitalistes) et
quand le mur tombe, il reste des allemands, voire des humains ? Pourquoi
vouloir séparer ce qui est spirituel et ce qui ne l’est pas. Tout est
spirituel. Il y a en Inde dans le sud, des grottes décorées magnifiquement avec
des dieux et des déesses et en même temps des scènes érotiques.
Je n'ai jamais posé aucune question
spirituelle à Mâ :
Un jour, elle m'a demandé comment allait
ma pratique spirituelle. Je faisais du japa, mais pas de méditation, car j'ai
trouvé que j'en ai été incapable parce que je ne l’avais jamais pratiquée. Elle
m’a dit : "Tu l’as déjà beaucoup pratiquée quand tu étais
chimiste de renom. Pour devenir un grand chimiste, tu était obligé de savoir te
concentrer, c'est ce que tu faisais dans laboratoire ". Ma vie de
chimiste était déjà un début de chemin spirituel.
A propos de l’intuition
L’intuition est une pensée plus profonde
que la pensée logique qui relie simplement cause et effet. Elle est basée sur
l’instinct animal sans mental que l’on reçoit à la naissance et sur notre
expérience. La vraie intuition est difficile à différencier de la pensée
simple. Elle vient en général dans un moment de contemplation. L’intuition est
meilleure conseillère que la pensée mais elle est difficile à reconnaître.
A propos de la grâce
On peut être profondément heureux sans
avoir rien pratiquer comme exercice spirituel. Cela s’appelle la grâce sans
cause, ahetuki kripa. En fait, la grâce est toujours sans cause, gratuite, mais
nous ne la comprenons pas. La grâce est comme une pluie continue, tenez votre
bol à l'endroit, et il se remplira. Elle est aussi présente que la lumière du
soleil, mais c'est à nous d'ouvrir les yeux. Mâ disait : "même la feuilles
d'un arbre ne tremble pas sans Sa volonté."
A
propos de la foi
Regardons la question de croire. C’est la
question de la foi. Des gens pensent que si vous priez bien, Dieu sera bon pour
vous. Mais s’il se passe quelque chose de désagréable dans leur vie, ils n’ont
plus la foi. Ce n’est pas comme ça ! La joie est à l’intérieur de nous et
si l’on est dans le malheur on peut voir ce qui arrive avec les yeux d’un
croyant.
Quand j’étais avec Mâ, (moi et d’autres),
quand elle me disait de partir pour quelques jours ou même comme c’est arrivé
d’aller dans ma chambre pour faire du japa alors qu’elle recevait des gens et
parlait avec eux, je pleurais. Si j’avais pu rester avec Mâ 24h sur 24 je
l’aurais fait. Dès qu’elle n’était plus là elle me manquait . Quand elle
est partie, je voulais qu‘elle revienne avec son corps physique. J’étais
stupide. Maintenant, je suis moins stupide. Je peux être avec Mâ quand je veux.
Elle ne peut plus m’envoyer trois jours dans un autre ashram sans elle. Je suis
plus heureux maintenant…
J’aime être indépendante. Me sentir libre
de mes pratiques surtout spirituellement.
Je ne réponds pas. J’analyse votre
question. Vous parlez d’indépendance. Qu’est-ce que l’indépendance ? C‘est
la liberté, ne pas être dépendant. Mais si quelqu’un vous dit de faire quelque
chose, vous serez en colère, vous ne serez plus libre : vous serez
dépendante de votre colère. Ce n’est pas l’indépendance. Vous voulez faire ce
que vous voulez, donc vous êtes dépendante de ce que vous voulez. Etre
indépendant de nos désirs, être libre de notre colère, de notre peur,…même de
l’amour.
Dans ce monde on est toujours dépendant
de quelque chose ou de quelqu’un, ce n’est pas là notre demeure. Vous habitez
Paris. C’est chez vous. Vous êtes venue à Dhaulchina pour la paix. Votre vraie
demeure c’est la paix, c’est l’indépendance profonde, la liberté, la joie. On
aime la liberté par qu’elle est en nous.
Vous savez que l’indépendance est en vous
mais vous voulez y goûter, la sentir. Ce sont les pratiques spirituelles qui
nous permettent de la goûter.
On sait (c’est écrit dans tous les grands
textes, le Coran…) que le bonheur est en nous. Mais comment y goûter ?
Pour venir à Dhaulchina vous m’avez demandé si je pouvais organiser votre
voyage. Je l’ai fait. Vous auriez pu venir sans mon aide mais cela aurait été
moins confortable. Il y a un autre lieu-dit, Dhaula-dévi, pas très loin d’ici,
beaucoup de gens se trompent et perdent une journée de voyage. Pour goûter à
l’indépendance un guide, un aide qui ait l’expérience, et la confiance en ce
guide sont indiqués. C’est plus confortable.
Toutes les pratiques spirituelles que je
fais, c’est pour être heureux. Si une pratique vous rend triste vous ne devez
pas la faire ! Moi je ne mange plus de céréales, donc pas de riz. Quand
j’ai arrêté, j’ai toujours gardé un paquet de riz dans ma cuisine. Si le riz
m’avait manqué, j’en aurais mangé.
Vous pouvez ne pas avoir besoin de ci ou
ça, mais pas ne pas aimer… Si je vous offre quelque chose et que vous ne
l’aimez pas ou que vous n’en avez pas besoin, vous pouvez me dire : je
n’en ait pas besoin, c’est tout à fait correct mais si vous me dites : je
n’aime pas ça, je risque d’être blessé…
La nourriture et l’esprit sont très liés.
Je ne dis pas que c’est bien ou mal d’être végétarien mais si vous mangez de la
viande et qu’ensuite vous essayer de méditer, vous aurez du mal. Avec de la
nourriture végétarienne ce sera plus facile. C’est tout.
Il y a trois buts pour lesquels nous
mangeons : satisfaction, métabolisme (chaleur du corps), nutrition.
Avant même de manger si la nourriture est
joliment présentée, on est déjà content.
Pourquoi on ne mange pas les animaux. Si
j’ai un ami animal, chien ou cochon… je ne pourrais pas le manger et pas non
plus le tuer (pour moi , il a une âme, il me comprend). Donc par
solidarité avec ce chien, je ne mangerai pas les autres qui peuvent être des
amis et donc pas non plus les autres animaux.
A propos de la nourriture pure ou impure,
Mâ ne mangeait jamais quelque chose dont on ne savait pas l’origine. Elle
mangeait du riz cultivé avec amour et sans produit chimique bien sûr.
Quand je rentrais du travail, ma mère
m’avait préparé mon repas. Je pouvais dire en mangeant mon repas si ma mère
avait eu l’esprit troublé ou si elle était paisible en préparant ce repas même
si elle était souriante à mon arrivée.
Pour Mâ qui était totalement pure, si
celui qui lui donnait à manger n’avait pas les mains propres, passées à l’eau, elle
pouvait attraper une infection.
Nous ne connaissons pas l’origine de
notre nourriture. Il y a dedans des produits chimiques et toutes sortes de
choses mauvaises dues à l’état d’esprit de ceux qui l’ont préparée. Voilà
pourquoi aussi nous allons mal.
Qu’est-ce
qu’une pouja ? C’est quelque chose que l’on fait pour plaire, pour faire
plaisir, à quelqu’un qu’on aime. En Inde et dans tous les pays du monde,
l’invité est le représentant de Dieu. Alors on fait ce que l’on peut pour lui
être agréable : une tasse de thé, des fruits, de l’encens… Si on cueille
une fleur pour l’offrir à celle ou à celui qu’on aime alors je crois qu’on peut
la cueillir (ce n’est pas tout à fait comme tuer un animal, l’arbre, les
racines restent vivantes). C’est un sacrifice de fleur, en l’offrant avec
amour, il atteint son but.
Restez là où
vous êtes et changez de point de vue. Vous ne changerez pas le monde mais vous
pouvez changer d’attitude.
A propos de
l’abandon
Au Bengale, il
y a un grand érudit. Il s’appelait Sannyal de son nom civil, et Shivaram Kinkar
Yogatrayananda de son nom religieux. Il n’a écrit qu’un livre mais son
introduction seulement représente trois volumes ! Il n’y a pas une science
dont il ne parle pas : math, physique, bio… Peu de gens le connaissent
mais il était ami de Ramakrishna et celui-ci envoyait ses disciples prendre des
leçons chez lui. Vivekananda et Abhedananda (qui s’appelait Kali à cette
époque) y sont allés.
Ce professeur
avait une nombreuse famille, 35 personnes en tout, qu’il devait nourrir jour
après jour. Mais il n’avait pas le temps de travailler tant que cela pour
gagner de l’argent, il écrivait, il faisait sa sadhana, il savait que la vie
est courte. Il était médecin (allopathe, homéopathe, aryurvédique). Donc il
s’est dit, je vais recevoir les malades le matin et je garderai l’après-midi
pour mes pratiques spirituelles. De plus, il ne demandait rien aux malades.
Chacun donnait ce qu’il pouvait, quelque fois rien, quelque fois beaucoup.
C’était comme ça. Quelque fois sa famille et lui-même souffraient de la faim.
Mais il disait ne vouloir rien accepter des autres. " C’est à
Dieu que nous devons nous abandonner, c’est ce que disent les
écritures. "
Un jour ses
étudiants étaient avec lui. Le futur Abhedananda était avec là. Le facteur est
arrivé avec une lettre et la lui a remise. Le professeur a lu puis il a mis la
lettre dans sa poche et il s’est mis à pleurer. Lui qui n’avait pas pleuré le
jour de la crémation d’un de ses fils de 5 ou 6 ans, maintenant ses larmes
coulaient ! Les étudiants étaient étonnés lui qui était toujours joyeux.
Ils lui ont proposé de partir. Vivekananda a demandé : qu’est-ce qui ne va
pas avec la lettre. Le professeur a raconté son contenu :
Un tailleur de
Bénarès qu’il ne connaissait pas lui écrivit en commençant sa lettre par :
« gentleman inconnu, si vous recevez ma lettre, dites-le moi…Je ne suis
qu’un pauvre tailleur. Chaque matin, je vais au Gange prendre de l’eau, je
l’offre au temple à Vishwanath et puis je vais à ma boutique. Le soir avant de
rentrer chez moi, je vais saluer le Seigneur Vishwanath et c’est tout.
Une nuit, j’ai
fait un rêve. Le Seigneur Vishwanath m’est apparu et m’a dit qu’il y avait à
Calcutta un de ses fidèles et sa famille qui depuis sept jours n’avaient pas
mangé. Ils ont juste de l’eau à boire. Personne n’est au courant. Pourriez-vous
lui envoyer de l’argent de ma part. J’ai dit oui dans le rêve et j’ai demandé
le nom et l’adresse de ce dévot. Quand je me suis réveillé je me souvenais de
l’adresse, je l’ai noté puis j’ai écrit cette lettre que je vous envoie avec
500 Rps, (une somme considérable pour l’époque) ».
Shivaram
continua : « Voici un homme qui ne se contente pas de parler de
l’abandon à Dieu mais qui la pratique, qui l’a compris. Je prie depuis si
longtemps pour la vision de Shiva, et c’est à ce tailleur illettré qu’il est
apparu. Voilà la raison de mes larmes ! »
Dans la vie
nous sommes malheureux quand nous n’avons pas ce que nous voulons. Mais parfois
nous avons ce que nous n’avons pas demandé et nous sommes heureux…
Que nous le voulions
ou non, nous nous abandonnons. Par exemple tout à l’heure je ne savais pas ce
que j’allais vous dire ni quel thème j’allais aborder. Je ne m’étais pas
préparé à vous parlez de l’abandon. Vous n’aviez pas de question particulière à
me poser. Que s’est-il passé ?
Votre présence
m’a donné envie de parler d’abandon. Dans le cœur du cœur de l’un d’entre vous
quelqu’un voulait entendre parler d’abandon.
Pour
s’abandonner, il faut quelqu’un ou quelque chose à qui s’abandonner. Si
quelqu’un me menace avec son pistolet, je lève les bras pour me rendre. Dans ce
cas, je m’abandonne à ma peur de mourir, pas à Dieu.
Comment
s’abandonner à l’autre sans le connaître ? ni savoir ce qu’il souhaite.
C’est impossible.
On ne peut
s’abandonner qu’en connaissant l’autre. On le connaît en s’identifiant à lui.
Qu’est-ce que veut dire s’identifier ?
Exemple
mathématique : Si je prends deux triangles à angles droits, ils ont
quelque chose de commun mais je ne peux pas dire qu’ils soient totalement
identiques. Pour être identiques, ils doivent être exactement les mêmes. On
doit pouvoir les mettre l’un sur l’autre et les confondre.
Donc si je veux
connaître l’autre pour m’abandonner à lui. Je dois le connaître totalement. Et
pour le connaître en totalité alors je dois m’identifier à lui, donc à
Dieu ; connaître la volonté de Dieu et s’y abandonner. Mâ disait :
" Je suis vous "
Quand quelqu’un
arrivait, Mâ demandait toujours : " Are you all
right ? " C’était si doux à entendre que tout allait bien
effectivement. Ensuite elle disait : " Avez-vous mangé ?
non ? Alors allez d’abord prendre votre repas et puis revenez me
voir. "
Un jour,
j’étais depuis très peu de temps avec elle. Elle m’a dit :
" Demain c’est un jour particulier (de la lune) Ce jour là on ne
mange pas de céréales. Alors, j’ai pensé que j’allais essayer aussi. Le matin
je n’ai rien mangé. J’écrivais des lettres pour Mâ. Tout d’un coup vers 10
heures, elle m’a dit " c’est l’heure du déjeuner, va
manger. " Je lui ai dit que c’était le jour d’ékadashi, le
onzième jour de la lune (on fait un jeûne partiel ce jour-là). Elle m’a demandé
si je n’avais rien mangé depuis le matin. Voyant que non, elle a fait appeler
tout un tas de personnes, ils m’ont arrangé de quoi m’asseoir dans la chambre
de Mâ. Des jeunes femmes m’ont servi à manger. Tout le monde me regardait.
J’étais perplexe, intimidé. J’ai mangé la nourriture d’ékadashi sous le
regard de Mâ. Ce n’était pas de la nourriture, chaque bouchée était une bouchée
d’amour !
Comment le
gourou aide-t-il son disciple ?
Il y a une
confusion à propos de la relation gourou-disciple. On dit souvent que le gourou
teste son disciple. Mais en fait, il n’en a pas besoin, il voit bien où il en
est. Par contre, il lui donne des manières de contacter son énergie intérieure
et de l’éveiller pleinement.
Est-ce que les
relations que nous avons dans le monde aident à notre développement
spirituel ?
On fait en
général une distinction entre la relation à Dieu, donc de qualité divine et les
relations « mondaines » qui sont dans la sphère de Mâya. Cependant,
si on veut à tout prix quitter le monde d’ici-bas, on risque fort de se créer
un monde « là-bas » qui est imaginaire. Par rapport à la notion
ordinaire de détachement, il y a comme une autre face de la pièce : voir
en Dieu l’essence de toutes les relations, c’est le sens d’une des prières les
plus répétées dans l’hindouisme : « Tu es réellement ma mère, Tu
es mon père, Tu es mon frère, Tu es mon compagnon… ». Les relations de
famille habituelles aboutissent souvent à des disputes, mais si l’on sait aller
à la racine, à l’essence d’une relation donnée, on trouve Dieu.
Eknath avait
une grande dévotion pour la forme de Vishnou adorée à Pandarpur qui s’appelle
Vittal-Panduranga. Sans cesse, son nom était sur ses lèvres. Par ailleurs, il
servait avec beaucoup de cœur aussi son vieux père qui était infirme. Un jour
qu’il était occupé à cette tâche, il vit que son Seigneur était apparu à la
porte. Il lui dit familièrement : « Attends un peu que j’ai fini,
tu peux par exemple te reposer sur cette brique qu’il y a juste
là ! ». Jusqu’à ce jour, la statue de Vittal dans le temple de
Pandarpur repose sur une brique, qu’on dit être cette brique…
Il y a une
autre histoire qui va dans le même sens. Un yogui faisait beaucoup d’austérités,
il avait obtenu certains pouvoirs mais n’avait pas bien maîtrisé la colère. Une
fois qu’il méditait sous un arbre, un oiseau se soulagea au-dessus de lui et
arrosa son crâne chauve. Furieux, il lui lança un tel regard de colère que
l’oiseau fut instantanément réduit en cendres. Quelques jours plus tard, il va
pour mendier dans une famille qu’il connaissait. La femme là-bas était
entièrement dévouée à son mari infirme. Elle le fit attendre avant de lui
donner l’aumône, car elle était prise par les soins qu’elle prodiguait au
mari. Quand elle arriva enfin, l’ascète
lui envoya un regard courroucé. « Ne crois pas m’impressionner, je ne suis
pas comme l’oiseau sur la branche de l’autre jour ! » dit-elle.
« Comment es-tu au courant ? » « Comme ça ! Je ne fais
pas d’austérités, mais je suis entièrement absorbée dans ce que je fais, je
sais ce que je sais, et je vois ce que je vois… »
6)Silence
Le silence et
la solitude sont différents du silence de l’esprit. Le vrai silence veut dire
samadhi. Tous mes troubles viennent de ma mémoire, des interactions que j’ai
eues. Je ne peux pas les effacer. D’abord on pense, ensuite on parle. La
plupart du temps on ne sait pas ce que signifie ce qu’on dit. 80% de ce qu’on
dit dans une journée n’est pas nécessaire. Nous parlons par habitude. 95% de
mes paroles n’ont rien à voir avec le but de ma vie. Esprit, parole, action
pour atteindre notre but. Le créateur nous a fait comme ça. Les yeux pour le
regard… J’utilise beaucoup d’énergie pour parler. Si je ne parle pas je
préserve mon énergie. Dans la solitude, personne ne vous parle, vous préservez
votre énergie. Mais vous vous parlez à vous-même et penser consomme beaucoup
d’énergie. Un homme ne peut vivre sans penser. Ne pas parler est un moment de
solitude. Dans l’ashram de Mâ à 20h45 tout le monde se tait pour un quart
d’heure. Rester muet est une technique de concentration. Vous devez avoir peur
de parler. Pendant trois ans, je n’ai parlé qu’à Mâ. Mais même alors être en
présence de questions crée un trouble. La solitude aide à restreindre votre
parole. Le vrai silence est le samadhi, votre esprit n’est plus troublé. Il y a
aussi une pratique où non seulement on n’ouvre pas la bouche pour parler mais
on ignore toute question posé par les autres. Si nous ne parlons pas, il y a
une possibilité de silence pour l’esprit.
La parole est
le principal instrument de relation. Donc c’est avec la parole qu’on se fait
des amis et des ennemis. " Les muets n’ont pas d’ennemis. "
dit un proverbe bengali. Je peux vivre sans ami, je préfère vivre sans ennemi.
La bouche est
le seul organe des sens qui a deux fonctions : savourer et parler. Le
créateur nous a donné le sommeil profond, pour vivre chaque jour un vrai moment
de silence.
Je comprends
avec mon intelligence, la compréhension est dans mon intelligence associée avec
ma mémoire. Par contre, pour sentir nous n’avons pas besoin de mémoire.
L’intuition est
différente du ressenti. L’intuition est l’intelligence la plus profonde.
Mâ
disait : " Vous avez assez joui de votre intelligence. "
Pour être
professeur lisez des livres. Pour être disciple, servez-vous juste de ce dont
vous avez besoin, de ce qui vous est utile sur le chemin. Nous aimons voir
Mâ comme un professeur et pourtant Mâ a dit : " Ce corps n’est
pas un guru. " La vie de Mâ montre le chemin.
Soyez comme un
enfant, un enfant est un apprenti.
Vous n’apprenez
pas pour montrer votre supériorité. Si vous le faites c’est de la tromperie
pour le monde. Vous devez utiliser votre connaissance et votre énergie pour
protéger les autres.
" Oubliez
la philosophie et aimez-moi. " disait Mâ.
Un professeur
est celui qui donne son expérience. C’est une personne originale. Où sont nos
profs ? Si je ne peux pas utiliser mon savoir à quoi ça sert. Si vous
prenez Mâ comme une confidente, elle sera toujours là.
Fixer votre
rôle, qu’est-ce que vous voulez être et faire dans la vie.
Pour devenir
intelligent vous avez besoin d’un guide. Pour aimer vous n’avez pas besoin de
guide, ni d’intermédiaire. " Soyez saoul de nectar et perdez-vous
vous-même. "
Vous entendez
votre discours intérieur. Vous vous parlez de ce qui est dans votre mémoire,
très profondément, plus profondément que quand vous parlez à quelqu’un. Vous
pouvez utilisez cela pour l’introspection, c’est une aide.
Dans le silence
je parle mais il y aussi un moment où le silence parle. Vous pouvez écouter le
son du silence : nada en sanscrit. Le nada n’a pas de grammaire. Quand le
silence parle, vous ne le comprenez pas, vous le sentez, je n’ai pas besoin de
comprendre. Je suis heureux.
7) Amour
Parfois mon cœur est comme une pierre. Je
ne peux aimer rien ni personne.
Votre cœur n’est JAMAIS une pierre. Il
est immense comme l’univers. A l’instant vous pouvez penser à la France, être
en France en pensée. Le cœur c’est aussi l’esprit. Enfin, le cœur et l’esprit
ne sont pas les mêmes mais on ne sait pas ce que c’est que le cœur. Le cœur et
l’esprit sont dans le cerveau. Il y a des choses qui viennent se mettre entre
votre cœur et le monde. Ce sont des perturbations comme les nuages devant la
montagne aujourd’hui. Si les perturbations se calment, si vous trouvez la
stabilité, le cœur est là, ouvert, joyeux.
Dieu est-t-il
loin ? Dieu est à l’intérieur de vous, il est partout. C’est vous qui l’éloignez.
Quand vous rencontrez une personne pour la première fois, elle peut vous être
antipathique ou sympathique mais c’est quand vous avez une relation avec elle,
que vous vous parlez, que vous savez si elle est vraiment sympathique ou
antipathique. C’est en ayant cette relation que vous savez. Pour être proche de
Dieu, il faut avoir une interaction avec lui
. De quoi
dépend le résultat de notre dévotion ?
Résultat veut
dire dévotion. Voilà un histoire pour illustrer cela. Un dévot de Ganesh aime
Ganesh. Après quelques années, il n’a pas de résultat. Il remplace Ganesh par
Krishna. Il range la statue de Ganesh sur une étagère au-dessus de son autel.
Il brûle de l’encens devant Krishna mais pour empêcher Ganesh de profiter de
l’odeur de l’encens, il met du coton dans les narines de Ganesh. Alors Ganesh
dit : Je suffoque, enlève le coton. Le dévot demande à Ganesh :
" Je vous ai suivi 12 ans et vous ne m’avez jamais dit une parole.
C’est quand je vous laisse que vous me parlez. Seriez-vous jaloux de Krishna ? "
" Je suis une forme du dieu Krishna, répond Ganesh, comment
pourrais-je en être jaloux !" " Alors pourquoi ne
m’avez-vous pas parler avant ? " " Aujourd’hui, tu
m’as considéré comme vivant en me mettant du coton dans le nez, tu as été
sincère ! "
Comment peut-on
aimer sans rien attendre ? Ce n’est pas humain !
Est-ce que
j’attends quelque chose de mon miroir, de mon image ? Non je n’attends
rien et pourtant j’aime mon image. C’est l’essence de l’amour. Personne ne m’a
dit d’aimer mon image et pourtant je l’aime.
En Orient, on
calme son esprit en faisant du japa. On concentre son ouïe sur un nom, le nom
d’un dieu ou d’une déesse en général (tous les noms ont un son mais tous les
sons ne sont pas des noms). En se concentrant sur quel Dieu réciter son japa ?
Celui que l’on préfère, le Dieu de ma vie ; C’est dans la nature humaine,
quand j’aime quelqu’un, j’aime être avec lui physiquement et mentalement.
J’aime me souvenir de lui, d’elle tout le temps. C’est un fait de la vie.
Je peux
focaliser sur son nom, ou sur sa forme (une image dans ma mémoire ou une
photo). Une mère a un bébé. Elle a beaucoup à faire mais son attention est
toujours avec lui parce qu’elle aime son enfant.
Les objets de
notre amour changent pas notre amour. Ses objets varient, pas lui. Pour
l’instant je ne suis pas capable d’aimer entièrement une personne ou un objet
(ou ne pas l’aimer). Mon amour ou mon désamour ne sont pas permanents.
Dans les Véda
on peut lire que l’amour est unique, il est le même pour notre nourriture et
pour Dieu. La connaissance d’un objet ne dépend pas seulement de notre
perception de base, mais aussi de notre structure mentale qui interprète cette
perception. En ce sens, une connaissance ainsi qu’une relation à deux est
toujours personnelle. Par exemple, la plupart des brahmacharinis de l’ashram de
Mâ adorent Krishna et récitent à la base le même mantra. Cependant, certaines
le voient comme leur enfant (laddou Gopal, l’enfant à quatre pattes qui
tient une confiserie appelée laddou dans la main), d’autres comme un
adolescent jouant de la flûte et d’autres encore comme directement le compagnon
de Radha. On doit aller à la racine de cette singularité, de cette spécificité
relationnelle.
Pour faire
japa, je n’ai pas besoin de préparation. J’ai juste besoin d’amour or je suis
né avec l’amour, je suis un produit de l’amour.
Mon esprit va
de ci, de là. Pourquoi ? Il est à la recherche de l’amour.
Mâ n’avait pas
besoin des écritures parce qu’elle avait en elle toutes les expériences. Moi
j’emploie parfois les écritures par manque de confiance en moi, parce que je
n’ai pas suffisamment d’expériences.
Comment
développer mon amour ? L’amour n’est pas une faculté alors vous n’avez pas
besoin de la développer. Développer l’amour n’est pas le point. L’éclairer est
le point. Vous devez clarifier la jungle de votre mental. Je déteste quelqu’un,
à la racine de ce sentiment est l’amour : l’amour pour moi. L’amour est
couvert, je dois juste l’enlever. L’amour est en moi. Quand je le sens, il n’y
a plus de problème.
Qu’est-ce que
le l’amour ? Un état mental. Ce n’est pas une action, l’amour peut se
transformer en action. Nous aimons pour être heureux et pourtant ça finit
souvent en chagrin. La peine ne peut pas être le résultat de l’amour. L’amour
ne donne pas de chagrin. Nous avons une vue intellectuelle de l’amour. Si
l’amour était une action, il y aurait changement mais l’amour est stable,
constant par définition. Une action commence et finit et l’amour est éternel.
Si l’amour est un état intérieur, je le porte toujours. Je projette mon amour
pour quelqu’un pour sentir, pour voir, mon propre amour. Sinon nous ne le
sentons pas. Nous pouvons sentir celui des autres mais le nôtre si nous ne le
projetons pas, nous ne le sentons pas.
L’amour est
vôtre ; il vous est particulier. Si vous imaginez deux couples mère-fille,
vous ne pouvez pas les interchanger.
Bhakti vient du
sanscrit (en sanscrit les racines de tous les noms sont des verbes). Bhakti
vient du verbe « partager ».
Un autre nom de
l’amour est dévotion. Quand je donne quelque chose, j’en ai moins. Mais quand
je donne de l’amour, je n’en ai pas moins. Alors pourquoi est-ce que j’attends
quelque chose de l’extérieur en retour? Un guru assis devant ses
disciples peut dire I love you. Le même guru dans sa chambre à un seul
disciple dira I love you. Du point de vue du Guru il n’y a pas de
différence, du point de vue du disciple, il y a une différence… L’amour, la
transmission est omnidirectionnelle, pas unidirectionnelle c’est une radiation.
Mais la réception de l’amour est unidirectionnelle. Si vous êtes transmetteur,
vous êtes omnidirectionnel. Si vous êtes récepteur vous êtes unidirectionnel,
entre les deux il n’y a rien. Vous ne pouvez pas être les deux en même temps.
Il faut choisir.
Comment je peux
aimer Dieu ? Comment commencer, par où ? Là où je suis. Je peux dire
à Dieu, tu es ma mère, mon père, mon compagnon… Je ne sais rien de Dieu, mais
je sais ce qu’est mon amour pour ma mère, pour mon père, mon compagnon… Charité
bien ordonné commence par soi-même. (begins at home).
La bhakti c’est
vivre sans séparation avec lui. " Vous commencez à la
maison ". La seule relation avec laquelle vous êtes née, c’est celle
avec votre mère. Ma mère m’introduit au père et au monde.
On fait toutes
les pratiques pour se connaître et on commence par là où on en est. Quand on
dit à Dieu : je veux une maison, je veux une voiture, ce n’est pas futile,
c’est bon parce qu’à ce moment là on se souvient de Dieu.
Si je veux
connaître toute la création, c’est impossible. C’est pourquoi il est écrit dans
les upanishads : si vous connaissez la source, vous connaissez tout. Mon
but est de connaître Dieu. Oh God, I want
You. Et quand vous êtes avec Dieu vous êtes
avec tout. Je veux la chose que j’aime le plus. Ce que j’aime le plus c’est
moi-même ;
Il y a trois formes
pour représenter Dieu : la forme grossière : une sculpture ou une
peinture ; le yantra, la forme subtile ; le mantra la forme causale
(graine). Aum est la graine de tous les mantras, ensuite il y a sept extensions
et ensuite tous les autres.
Nous avons de
nombreuses interactions avec le monde qui nous entoure. Le vent souffle fort ou
doucement… que vous le notiez ou non. J’ai tout le temps des interactions.
Notre cerveau est un pot ! Si la poubelle est pleine vous pouvez la vider
mais nous ne pouvons pas vider notre cerveau. Aucune pratique spirituelle ne
nous permet de vider notre mémoire.
Nous aimons la
pureté, la divinité, la beauté, la vérité, la sincérité, la compassion … parce
que tout cela est en nous, tout cela est nous-même et l’incarnation de Dieu.
Une histoire : Un pauvre reçoit un prêt. Quelque temps plus tard celui qui
lui a prêté de l’argent vient sonner chez lui pour récupérer son argent. Le
pauvre envoie son fils à la porte pour dire que son père n'est pas là. Quelques
temps plus tard, le père voit son fils sortir d’un cinéma à l’heure où il
devrait être à l’école. Quand le fils rentre le père demande où il était. Le
fils ment. Le père furieux le punit et lui dit qu’il est un menteur ! Même
un menteur n’aime pas le mensonge.
L’ignorance que
nous appelons maya… Dieu lui-même est le roi de maya. La séparation du pur et
de l’impur est ma propre création. J’ai une pensée très limitée. Ma vie est mon
meilleur professeur. Mâ m’aide à faire de moi un bon professeur de moi-même.
Je suis unique.
Vous êtes unique. Quand je dis que je vois Marie ou François d’Assise dans Mâ.
Vous comparez et il est impossible de comparer deux personnes uniques. C’est un
non-sens. Cela fait toujours de la peine d’être comparé. Si je vais à Assise,
je me prosterne devant la tombe de François. J’aime Saint François. En Europe
dans les églises je me prosterne devant Marie. J’aime Marie. Mais je ne peux
pas comparer François et Mâ. Deux époques, un hommes, une femme… Ils sont
uniques donc incomparables.
Il y a cinq
modes d’interactions avec le monde que je connais : la vue, l’ouïe,
l’odorat, le toucher et le goût. Nos perceptions sont liées à notre esprit. Les
cellules visuelles d’une personne qui vient de mourir fonctionnent encore,
elles perçoivent la lumière, elles peuvent être clonées. Nos perceptions sont
donc en lien avec notre esprit. Et notre esprit nous ne le connaissons pas.
Lao-Tseu avait un intendant très dévoué depuis des années. Il venait chaque
matin et repartait le soir. Un matin, le serviteur arrive. Il est très
perturbé : " Tout va mal, mon esprit est
malade ! " " Comme c’est étrange, dit Lao Tseu, vous
êtes mon disciple proche depuis des années et votre esprit est
malade. S’il vous plaît, montrez-moi votre maladie. "
" Mais je ne peux pas, je ne sais pas où est mon esprit. "
a répondu le disciple. " bien, alors cherchez-le. " a
demandé Lao Tseu. Le serviteur a cherché avec beaucoup de concentration,
jusqu’au jour où le samadhi est venu !
Je me sens
bien, puis je me sens mal parce que mon esprit s’accorde avec une chose et puis
saute à une autre… et c’est la seule racine de nos troubles (drifting :
aller à la dérive). C’est l’habitude de la pensée. Je peux le voir avec mon
esprit. C’est un paradoxe. On ne peut sentir son existence que comme cela. Si
l’esprit est tranquille on ne le sent pas. Je vois des feuilles, et puis après
des papillons. Donc pour calmer l’esprit il nous faut quelque chose que nous
aimons beaucoup. La chose que j’aime le plus, je veux être avec. Je me sens
bien, veut dire que je me sens bien avec cet objet ou cette personne. Si vous
aimez une personne vous l’aimez en totalité, vous souhaitez la voir, la
toucher, l’entendre parler, sentir son odeur…
Y a t-il un
yantra de Mâ ? Les yantras sont décrits dans nos écritures. Les écritures
ont 2000 ans. Mâ est très récente. Ca dépend comment vous considérez Mâ. Si Mâ
est l’incarnation d’une déesse, Durga, Kali…il existe des yantras comme le Shree
yantra de Lalita.
Un guru c’est
celui qui vous apprend quelque chose. Ce n’est pas forcément une personne. Cela
peut être la nature, le silence, un enfant. Le guru est celui qui –selon
l’étymologie traditionnelle- dissout (ru) l’obscurité (gu). Sur les images en
Inde on voit souvent un jeune guru et des vieux disciples. (Cela peut
correspondre à Dattatreya enseignant en silence les quatre vieux fils de
Brahma, ou bien au jeune Shankaracharya avec ses quatre principaux disciples
qui étaient plus âgés que lui). Les doutes sont toujours vieux et la
dissolution de ses doutes la solution ; quand vous n’avez pas de doute
vous vous sentez jeune. Mâ paraissait toujours jeune parce qu’elle n’avait pas
de doute.
Il n’y a pas
d’autoroute pour la spiritualité ; vous choisirez ce qui vous convient.
Le guru peut
induire de l’énergie, aider à énergétiser, enrichir l’uranium…mais après c’est
la réaction en chaîne. Le guru ne peut en aucun cas donner la réalisation. Si
le but du disciple est la réalisation personnelle, pourquoi la demander à un
autre ? Le guru vous dit " you are That " et un
jour vous réalisez I amThat.
Pour faire
briller un diamant vous avez besoin de soleil.
On aime vivre
avec nos problèmes. Qu’est-ce que réaliser la vérité ultime ? C’est une
expérience. Pour faire une expérience vous avez besoin de votre psychologie,
vos perceptions, votre mémoire, votre intelligence. Sans tout cela, pas
d’expérience.
Prier est un
comportement humain normal. Mâ ne priait jamais … Pourquoi ? Elle
était un être humain normal. Je prie parce que je ne peux pas stabiliser ma
relation : je la veux plus intense, plus… La prière est l’expression de ma
non satisfaction du présent. Je n’aime pas le présent. Mâ, était toujours
présente ! Toujours satisfaite de ce qu’elle est, toujours en samadhi.
Est-ce que vous
avez eu peur de Mâ ? Comment aurais-je peur de l’amour. On parle de
la peur qu’inspire Dieu. Mais ce n’est pas cela dont il s’agit. Il s’agit de
mettre quelques limites à nos agissements pour ne pas nous faire de mal. Comme
un père met des limites à son enfant pour qu’il ne soit pas en danger.
J’aime Mâ. Je
la prie. J’ai besoin d’un résultat, d’indications. Par exemple si je fais une
marche, j’ai besoin de panneaux tous les 2 kms.
S’il y a un
défaut, c’est de penser qu’il y a un défaut.
J’essaie
d’aimer Mâ. Je n’ai pas de feed back. Comment continuer, je suis fatigué. Je
vous dis mon point de vue. Il y a un seul défaut en moi, c’est que je me sens
défectueux et je me sers de ce défaut contre moi.
On oscille
entre croire et ne pas croire. Il n’y a pas de conviction. Je ne peux pas fixer
mon esprit en général. Est-ce que vous croyez que Mâ vous aime ?
La grâce se
déverse sans cesse il faut mettre le bol à l’endroit.
Notre
instrument est l’amour. Qu’est-ce que l’amour ? Est-ce que l’amour est un
attachement ou une relation ? Dans une relation vous êtes libre, pas dans
un attachement. L’amour n’est pas un objet mais on en fait un objet. Un objet
change mais l’amour ne change pas. C’est une relation, un sentiment. On ne peut
pas toucher l’amour mais on peut être touché par l’amour. Vous pouvez toucher
votre amoureux pas l’amour. Quand je fais de l’amour mon amour, je le dilue,
j’y mets l’attente et la réciprocité. J’aime avec la peur de le perdre. Je ne
peux pas perdre l’amour. L ’amour n’est pas un objet. S’il devient un objet je
deviens jaloux… Quand j’ai peur dans l’amour, je perds le goût de l’amour. S’il
y a une pilule amère dans ma bouche, le miel ne peut pas être senti.
Mâ a
dit : " Je suis toujours avec vous. " Qu’est ce
que l’attente. L’attente veut dire : j’ai un manque, un vide en moi.
J’attends d’être plein. J’attends que Mâ m’aime mais je sais que Mâ
m’aime ! C’est une contradiction. Pourquoi j’oublie la grâce . J’ai
couvert mon cœur avec un parapluie et dans mon cœur j’ai un très fort désir
d’amour. L’amour est la solution, on le sait mais on fait de l’amour un problème.
Je me fais une vie hyperactive, pourquoi ?
Mâ n’a jamais
demandé à quelqu’un de venir. Elle n’a jamais dit non quand il venait.
Un jour une
femme qui traduisait mes propos m’a demandé : comment connaître l’amour de
Mâ. Elle est mère, je ne le suis pas. Je l’ai revue l’année suivante, elle
était mariée. Et avait un enfant.
Krishna avait
été adopté par Yashoda. C’était un enfant absolument imprévisible. Un jour
il était allé avec des adultes au bord de la rivière. Il a commencé à manger du
sable. Ceux qui étaient là n’ont pas pu l’arrêter alors ils ont appelé sa mère.
Elle est arrivée avec une baguette pour le frapper et elle lui a demandé s’il
avait mangé du sable. Krishna ne tremblait même pas car il savait que cette
femme agissait par amour.