JAY MA n°47

PAROLES DE MA

Le devoir suprême de l'homme. c'est de se mettre en quête de son être véri table, que l'on emprunte le chemin de la dévotion, où le 'je' est dissous dans le 'Toi', où le chemin de l'investigation intérieure à la recherche du 'Je' authentique. c'est Lui seul qui est trouvé dans le 'Tu' aussi bien que dans le 'Je'.

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Il y a deux sortes de pèlerins dans le voyage de l'existence : les uns sont comme des touristes qui sont trés désireux de tout voir, se promenant d'endroit en endroit, papillonnant d'une expérience à l'autre juste pour s'amuser. Les autres suivent un chemin qui est en harmonie avec l'être véritable de l'homme et le mène à sa demeure réelle. la connaissance de soi, et du Soi.

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De même que la pluie tombe, la grâce ne cesse de nous parvenir. Essaie de maintenir ton récipient à l'endroit. S'il est à l'envers, ça se videra.

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Salue chaque lieu de prière que tu vois en te promenant. Si tu en éprouves de la gêne, fais-le mentalement. Vois ta divinité d'élection en chacun des autres dieux. Il n'y a que la forme qui change. La divinité que tu adores est seulement une forme différente que la divinté des autres. Et si la contradiction ( litt. 'propos à l'envers') survient, considère que tout est le Divin : c'est le 'Divin à l'envers'...

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La méditation sur le Divin. l'adoré, l'adorateur et l'acte d'adoration, tout cela ne fait qu'un. Ne sois pas mercantile, en pensant après avoir récité le Nom : 'J'ai tant travaillé et je n'ai rien reçu en retour'. Il est bon de garder espoir, mais ne sois pas mercantile.

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Ce qui est mensonger est mauvais, ce qui est mauvais est mensonger. Il n'y a que 'toi'. En tous il y a le Tout indivisible, de même que si on se contente d'un seul chiffre isolé sans y ajouter de zéro, cela ne mène pas loin. Ainsi, il n'y a que 'toi'.

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- 'Ma, j'ai entendu dire qu'il est nécessaire de tester le Guru et que le disciple doit également être testé par le Guru.'

- Ma répliqua avant même que la question ne soit complètement énoncée :'Savez-vous de quoi il s'agit? Il s'agit de la façon dont le gendre est mis en examen avant de lui donner la fille en mariage. Une fois le mariage célébré, on n'eût plus supposé demander de question. Si le Guru ne se manifeste pas lui-même, comment le disciple le comprendra-t-il?

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Comme nous conversions avec Bholonath pendant le trajet, Ma dit soudain :'On peut appeler 'pralapa' la conversation qui se produit entre des gens mondains au sujet de leurs plaisirs et de leur confort. Qu'est-ce que 'pralapa'? C'est ce qui est détruit (laya) à la fin du cycle (pralaya ) .

 


 

QUESTIONS A VIJAYANANDA

 

1) On parle beaucoup du regard de Ma, avait-elle l' habitude de fixer certaines personnes pendant longtemps ou n'avait-elle pas besoin de cela pour transmettre ce qu'elle avait à transmettre ?

V ; Le regard et l'expression du visage dont le regard fait partie intégrale peut transmettre des messages plus précis et plus directs que les expressions verbales, car il exprime directement le bhava (la couleur mentale de base). C'est pourquoi Ma comme tous les grands sages se servait souvent de ce vehicule pour transmettre un enseignement ou même simplement pour communiquer une remarque sans avoir besoin de se servir des mots. Bien sûr, Ma n'avait pas besoin de regarder quelqu'un pour lui donner un éveil spirituel. Elle pouvait le faire tout en étant apparemment occupée avec quelqu'un d'autre et même à distance.

Dans mes débuts avec Ma, je ne connaissais ni le hindi ni le bengali (Ma ne parlait pas l'anglais) et je communiquais avec Ma souvent par le regard ou par simple transmission mentale : en voici un exemle : la première célébration de l'anniversaire de Ma à laquelle J'avais assisté était à Ambala au Punjab (si mes souvenirs sont exacts). A l'époque, la cérémonie était encore trés simple Ma était allongée sur un simple lit en bois et paraissait être dans un état ressemblant à un sommeil profond. Ses fidèles disaient qu'à cette occasion (comme à chaque fois), elle entrait en Nirvikalpa Samadhi. Dans cet état, le monde empirique a disparu et il ne reste qu'un océan de Bonheur-Conscience. A cette époque, j'étais très attaché à la présence physique de Ma et j'aurais voulu l'avoir toujours avec moi. J'étais assis à courte distance du lit de Ma, au premier rang. Que Ma se soit échappée dans le Nirvana me rendait très triste et je dis mentalement : 'Ma est partie très loin de nous dans le Nirvikalpa Samadhi' Presqu' immédiatement, Ma s'assit sur son lit de bois, ouvrit les yeux et son regard se dirigea vers moi. Ce fut un très long regard plein de tendresse qui voulait dire clairement: Non, je ne suis pas loin de toi' je suis toujours là présente dans ton coeur.

Nombreux sont les fidèles de Ma qui ont perçu ce regard et ne pourront jamais oublier.

Q: "Un Français dans l'Himalaya vient d'être publié à Terre du Ciel. Connaissant les Français de France pour en voir passer à l'ashram pratiquement chaque semaine, sur quel point du livre pensez-vous être bien compris, et sur quel point vous attendez-vous à ne pas l'être?

V : Ce livre est un assemblage d'écrits les plus divers rédigés depuis 1951 jusqu'à récemment. La plus grande partie en a été écrite avec en vue un public très restreint, c'est à dire le groupe d'ardents fidèles qui étaient avec Ma à l'époque, des hindous, surtout bengalis, et très peu d'Occicentaux Ceux qui suivent une discipline spirituelle pourront néanmoins trouver dans cet ouvrage ces bribes qui pourront leur etre utile.

Quant aux questions-réponses, la partie la plus récente de ces écrits, elle s'adressait surtout à des visiteurs occidentaux et correspond à chaque fois au niveau et à l'attitude mentale de l'individu qui pose la question; mais comme les réponses sont toutes du domaine de la vie spirituelle, un sadhaka pourra y découvrir quelques renseignements utiles.

Q : Mieux vaut-il méditer à heure fixe en disciplinant son corps et son mental, ou méditer quand on le sent?

Au début d'une sadhana, il est très utile de se donner un programme précis, et méditer autant que possible à la même heure et rester en place pendant toute la durée qu'on s'est fixée, même si on n'a pas envie de méditer. De cette façon on prendra une habitude, une bonne habitude qui deviendra un besoin presqu'une addiction.

L'habitude fait partie de la tama-guna (la force d'inertie' et c'est de là que vient sa force. La puissance du tamas vient de ce qu'il est l'image inverse du Suprême : immuable inactif, toujours en repos. C'est pourquoi le tamas est un obstacle aussi formidable. Mais on peut utiliser cette force en se créant de bonnes habitudes; et l'habitude de méditer régulièrement est une des meilleures.

Cela n'empêche pas qu'on peut médiiter -en plus- à n'importe quelle heure quand on en a envie.

 


 

Nous présentons ci-dessous quatre souvenirs de rencontre avec Ma qui nous ont été racontés depuis trois mois :

'VOUS CROYEZ AU PERE NOEL!'

Achim était en 1976 un jeune allemand qui vivait à Rishikesh. Il était venu à Kankhal pour voir Ma avec un ami :

"C'était la veille de Noël. J'attendais avec un ami devant la maison de Nitoyda (l'ancien bâtiment de l'ashram), il y avait beaucoup de monde, Ma était à l'intérieur. On nous avait seulement dit qu'on nous appelerait. Melita Maschmann (une écivain allemande qui vivait assez régulièrement auprès de Ma) vint nous demander si les brahmacharinis savaient même notre nom, pour pouvoir nous appeler. Nous répondîmes qu'en fait, non. Elle se mit à rire et s'exclama :'Vous croyez au Père Noël' puis se retourna et s'en alla.

Deux minutes plus tard, une brahmacharini vint à la porte, nous désigna d'un geste tous les deux et nous fit rentrer pour un entretien privé avec Ma. C'était le premier que j'avais avec elle."

Après une évolution intérieure, Achim a décidé de passer le plus clair de son temps en Inde pour sa pratique spirituelle, et c'est ce qu'il fait depuis une douzaine d'années.

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MA ET L'EXPERIENCE DU CHRIST

Vandana Mataji vit à Rishikesh où elle a un petit ashram oecuménique. Sa famille est d'origine Parsi. Mais elle a reçu une éducation chrétienne et elle est devenue soeur du Sacré-Coeur de Jésus. Elle a participé à l'ashram oecuménique de Poone, au Maharashtra. où habitait aussi le Père Anthony de Mello qui l'a influencée ainsi que le Père Le Saux. Sur le conseil de de Mello, elle est venue s'installer à Rishikesh où pendant six ans elle a vécu six mois par an à l'ashram de Shivananda; elle y a développé un lien d'enseignement avec Swami Chidananda. Elle a maintenant son propre ashram, une des dernières maisons de Rishikesh (Laxman Jhula) d'où l'on peut admirer la solitude du Gange Himalayen. Elle est l'auteur De 'Nama Japa : the Prayer of the Name in the Hindu and Christian Traditions' (Motilal Banarsidas, 1984, 1995) et elle a organisé la publication en 1995 de 'Shabda Shakti Sangam'. un livre de 800 pages sur la rencontre hindouisme-christianisme avec de nombreuses contributions intéressantes, L'origine de ce livre a été un séminaire à Bangalore pour le vingtième anniversaire de la mort du Père Le Saux.

Quand Ma est passé par Pooné, j'ai été la voir avec un groupe d'une quinzaine de jeunes soeurs chrétiennes, auxquelles Je voulais donner la possibilité de rencontrer une mainte vivante de l'hindouisme. Je lui ai demandé si elle accepterait de visiter notre ashram. Elle m'a répondu :'D'habitude, je ne visite pas les autres ashrams, mais cette fois-ci, je viendrai: puis-je Être accompagnée de quelques personnes?'

Et elle est venue avec un groupe de disciples, elle a été à la chapelle. Il s'agissait d'une chapelle de style anglican, trés dépouillée. Elle a demandé un petit tabouret pour s'asseoir et elle est restée vingt minutes en méditation. Ensuite, elle nous a raconté le souvenir suivant :"Quand j'étais petite fille, des missionnaires étaient venus dans notre village de Khéora. Ils avaient organisé une réunion avec des chants, et je me suis trouvé absorbée dans une expérience trés profonde du Christ. Cela a duré si longtemps que mes parents, ne me voyant pas revenir, sont partis à ma recherche et m'ont trouvée là. Cette expérience du Christ qui a été commencée à cette époque a été achevée aujourd'hui."

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INITIATION DIRECTE ET INITIATION RITUELLE

 Un Canadien qui avait pris le matin même l'initiation de Ma transmise par Swami Bhaskarananda nous a raconté au satsang du soir l'histoire de sa première rencontre avec Ma :

Quand je suis venu en Inde en 1974, je voulais devenir moine. Je n'étais pas équilibré à l'époque,je prenais des drogues, j'avais de mauvaises expériences. Un jour, assis à méditer sur un rocher dans une petite île du Gange à Rishikesh, je me suis dit que tout cela était une lubie ('pipe dream '). J'avais essayé d'aller voir deux ou trois personnages qui avaient la réputation d'être des yoguis mais il ne s'était rien passé. Je me demandais si c'était à cause d'eux ou de moi.

Des Occidentaux m'ont conseillé d'aller voir Ma Anandamayi, qui à l'époque était à Dehra-Dun. J'avais étudié de près la tradition hindoue, et je n'avais pas eu connaissance de femme-sage. Je ne voulais donc pas risquer d'être déçu une fois de plus en allant voir Ma. Cependant, je n'y suis finalement rendu. Je n'avais pas trouvé de fleurs car le marché été déjà fermé, je suis donc arrivé avec seulement une orange. Pendant la queue pour voir Ma à l'ashram de Kishenpur, j'ai eu l'idée de regarder par dessus l'épaule de la personne devant moi pour avoir un aperçu de cette Ma que je n'avais jamais vue, mais je me suis dit que ce n'était pas convenable.

J'ai donc attendu mon tour pour le darshan. Quand il est venu, je me suis prosterné très rapidement, j'ai fait rouler mon orange vers Ma et elle me l'a fait rouler en retour vers moi pour me la rendre. Je l'ai regardée pendant peut-être un quart de seconde, pas plus. J'ai senti comme un fardeau qui tombait de mes épaules. Je ne suis pas particulièrement influencé par la mystique chrétienne, mais j'ai cependant entendu résonner dans mon esprit les mots suivants :'Elle m'a délivré de mes péchés'. Je sentais qu'il n'y avait pas d'individualité en face de moi, il y avait simplement l'amour de Dieu, ineffablement pur et puissant.

C'était tout, l'ensemble du darshan avait duré quatre secondes, mais son effet se fait encore sentir. Quand je lis les témoignages des Occidentaux dans par exemple '.Mother as Revealed to Her Devotees ', ou le récit des miracles de Ma, je dis : Tout cela est vrai'. C'est une erreur de dire que Ma est morte, elle est toujours vivante et c'est pour cela que ce matin, j' ai pris son initiation ."

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MA VIE A CHANGE EN UN INSTANT

Un témoignage de Penny Ma sur Ma Anandamayi

 Penny Ma est une Canadienne qui vit depuis vingt-deux ans en Inde. Elle avait eu un premier guru. Swami Devananda, lorsqu'elle était à Toronto. Elle a eu les deux rencontres avec Ma qu'elle évoque ci-dessous. Elle a travaillé ensuite dans l'ashram de Chandra Swami à Hardwar, et elle est devenue comme la 'Mataji' de l'ashram, c'est à dire responsable de beaucoup de choses dans l'institution. Depuis quelques années, elle a sa propre maisonette qui domine un méandre du Gange juste en aval de Rishikesh avec une belle vue sur l'Himalaya. C'est là que j'ai été pour l'interviewer. C'était la premiète fois, après vingt-deux ans, qu'elle acceptait de parler de sa rencontre avec Ma devant un magnétophone. Le texte ci-dessous est la transciption, parfois un peu résumée, de ce qu'elle a dit. Elle commence par une réflexion générale sur ce que lui a apporté sa rencontre avec Ma, puis en vient à la description même des événements.

Je vais parler naturellement, je ne vais pas faire de discours. Parler de ces événements devant un magnétophone est une situation nouvelle pour moi, certains gurus savent trés bien s'adapter, mon guru par exemple, mais moi j'ai essayé et je me suis senti trés mal. Je vais donc dire les choses comme elles viennent, sans chercher à m'adapter.

C'est une vieille histoire qui remonte à vingt-deux ans. Ma a réellement changé quelque chose en moi. Je veux dire d'emblée qu'à mes yeux, c'est la chose la plus importante, bien qu'il y ait eu aussi un aspect miraculeux dans mes deux rencontres avec elle. Le second jour, Ma a changé quelque chose physiquement, et le premier jour mentalement. Elle m'a juste dit de faire confiance seulement à Dieu, et je n'ai pas eu besoin de penser, il en a été ainsi, Le second jour, il y a eu plus de phénomènes de type miraculeux, j'ai vu une lumière dorée, des picotements dans tout le corps, des vibrations, de la douceur, une énergie formidable, mais ce qui a duré, c'est un changement dans les battements cardiaques et la circulation du sang. Ce pourquoi je ne peux oublier Ma, c'est qu'à chaque fois que je m'intériorise et que je vérifie, je sais que quelque chose a changé.

- Etait-ce une expérience d'énergie?

- Je ne l'exprimerai pas comme cela; bien sûr, au moment-même, il y a eu une énergie, mais je parlerai plutôt d'un sentiment de confort physique, une bonne vibration, le sentiment d'avoir un ami proche. C'est comme une expérience de sécurité permanente.

Quand elle m'a dit :'Ne faites confiance qu'à Dieu' cela a entrainé une transformation immédiate, et qui en même temps a pris du temps pour pénétrer tous les aspects de ma vie. Je me battais beaucoup; biensûr, on dit qu'il faut s'abandonner à Dieu, mais comme l'explique Chandra Swami, si nous le faisions vraiment, nous serions réalisés, nous n'aurions plus, besoin de faire de sadhana. Cette confiance en Dieu s'est accompagnée , d'une 'méfiance' vls-à-vis des êtres humains, et cela m'a donné une grande indépendance. Je sais réellement que Ma m'a donné cette confiance ce jour-là, même si cela m'a pris des années à apprendre à écouter ce que Dieu veut vraiment de moi.

Maintenant, j'en viens à l'histoire elle-même : c'est une histoire merveilleuse, je la raconte aux gens qui ont besoin d'un coup de main. Ma n'hésitait pas à montrer des miracles, elle avait un tel pouvoir! J'ai lu qu'elle pouvait par exemple danser sur un doigt de pied ou changer de taille et devenir plus petite, quand elle était au Bengale, et ce devant des centaines de gens, elle n'attachait aucune importance à la personne. Souvent, les miracles qu'elle faisait se passaient d'une façon naturelle, ce m'était qu'après qu'on s'en apercevait.

En 1975, je venais d'arriver en Inde avec mon mari et j'avais trés envie de rencontrer Ma. Mon guru au Canada, Swami Devananda qui était d'origine punjabi, avait une grande admiration pour Ma et nous racontait souvent des histoires à son sujet. Les deux fois précédentes en Inde, j'étais avec lui et nous avons essayé de rencontrer Ma mais finalement cela n'a pu se faire. J'avais aussi lu le chapitre plein d'amour que Yogananda a consacré à Ma dans son 'Autobiographie d'un Yogi', et cela a bien sûr renforcé mon désir de la voir.

Nous avons été à Kankhal; vous savez comme les gens là-bas étaient à cheval sur les régles de pureté, et le sont toujours d'ailleurs. C'était un drame, car nous n'étions en Inde que depuis quelques semaines, nous ne savions pas le hindi, nous étions encore habillés à l'occidentale, en un mot trés trés innocents... Nous avions pris de nombreux cadeaux pour Ma. Nous faisions de l'agriculture près d'Hardwar, et donc nous avions apporté des légumes que nous avions cultivés nous-même, et aussi une petite peinture de Krishna que j'avais réalisée, car je peignais à l'époque. Nous sommes venus avec beaucoup d'amour, mais tout de suite les assistantes de Ma rejetèrent les cadeaux de nourriture de l'autre côté de la porte, ce qui eut évidemment l'effet de prendre mon mari à rebrousse-poil : il s'est mis à vouloir s'en aller le plus vite possible de cet endroit. Mais j'ai tenu bon, j'ai réussi à cacher mon petit Krishna et à rentrer. On nous a dit d'attendre dans le grand hall au rez-de-chaussée, Ma était à l'étage mais nous ne le savions pas. Au bout de quatre heures, je me suis mise à pleurer, j'étais tellement malheureuse et mon mari aussi. Finalement, un 'homme de Dieu' eut pité de nous et nous dit: 'mais Ma est au-dessus!'. Nous avons emprunté les escaliers, bien sûr on nous a dit 'Non, non!' mais je me suis frayée un chemin et je suis arrivée sur une petite terrasse pleine de monde; il y avait peut-être une centaine de personnes assises, et Ma était juste là, entourée par quatre ou cinq dames. J'étais boulversée. Je me suis mise à pousser, car on ne voulait pas me laisser aller à l'avant; mon mari, lui, après avoir vu Ma, était immédiatement reparti. Quand j'arrivai en face de Ma, je me prosternai. Elle était assise sur le lit, mais recula son corps vers l'arriére en mettant le coin de son sari devant sa bouche pour se protéger. C'était mon darshan; pourtant, j 'ai sorti ma petite peinture de Krishna et je l'ai déposée

sur le lit. Immédiatement les dames la poussèrent par terre. J'étais toujours agenouillée, les gens derrière moi disaient déjà 'allez vous-en, laissez la place', mais j'avais ma question à poser; c'était un problème qui à l'époque était trés important pour moi, maintenant je ne m'en souviens même plus...

A mon grand étonnement, Ma écouta la question et se tourna, toujours protégée par son sari, pour demander à une de ses assistantes la traduction. Elle a dû la donner -non sans un air dégoûté- car Ma m'a dit alors, par l'intermédiaire de l'interprète: 'Tout ce que vous avez à faire, c'est d'avoir confiance en Dieu'. Et c'était tout, mon darshan de trentes secondes était terminé. Mais le fait est que je me suis aperçue qu'exactement au moment où elle m'a dit cela, je me suis mis à avoir effectivement confiance en Dieu. Il n'y avait rien eu d'extérieur ou d'extraordinaire, la transformation s'est passée dans le secret, mais c'était là, à partir de ce moment mon esprit fut complètement transformé. Je me suis mise à me confier en Dieu seulement et à me méfier ('distrust') de tout, excepté de Dieu. Je me suis méfiée de mon mari, de mon guru, etc... Ma confiance en toute chose s'est mise à avoir une limite, et par contre celle en Dieu s'est épanouie.

J'avais déjà une certaine confiance en Dieu auparavant, par exemple pour tout vendre afin de venir en Inde, mais celle-ci s'est développée.

Mon mari attendait en bas des escaliers, trés en colère, et se promettant de ne jamais revenir ici. C'est vrai que l'expérience avait été très déplaisante, Ma avait été trés désagréabIe, j'étais en larmes; mais il y avait eu ce changement à l'intérieur. Je gardais le silence... A deux heure" du matin la nuit suivante, je me réveillai, m'assis sur mon lit et vit Ma juste en face de moi; seule la partie supérieure de son corps était visible; elle me dit de venir directement la voir. Je ne doutais pas une seconde; cette foi devait être le fruit de ma sadhana antérieure, c'est mon grand côté...Je pris mon bain, enfourchai le vélo et fis la course à travers Hardwar, il y avait peut-être huit kilomètres à couvrir, anxieuse d'arriver le plus vite possible. Je n'ai plus aucun souvenir de ce à quoi ressemblait la ville à cette heure-là, je ne voulais qu'une chose : arriver. Juste avant de parvenir à l'ashram, je me suis mise à penser :'Mais c'est fou, il fait un noir d'encre, les portes de l'ashram seront probablement fermées et je ne sais même pas où est la chambre de Ma'. Quoi qu'il en soit, le temps de penser cela et j'étais parvenue à destination.

Il se trouvait que la porte du grand bâtiment sur la droite était ouverte, je rentrais et tout à coup j'ai su exactement où la chambre de Ma se trouvait. Avec mes deux gurus, j'avais eu auparavant et j'ai eu ensuite de nombreuses expériences de ce type. Une fois, mon guru m'a envoyée à Bombay pour rencontrer un certain Mr Gupta. En arrivant là-bas à l'aéroport, je m'apercu que je ne savais pas où il habitait, et qu'il devait y avoir cinq mille Mr Gupta sur Bombay; mais malgré cela, les choses se sont arrangées et je l'ai trouvé. Quand je suis arrivé à l'étage, la porte de Ma était bien sûr ouverte, il n'y avait personne dans la chambre, elle était assise sur son lit comme si elle m'attendait.

Elle me lança un regard rayonnant en ouvrant les bras et en ayant l'air de dire :'Comme je suis heureuse, tu es venue encore plus vite que ce à quoi je m'attendais!' Je rentrais donc droit en face d'elle et avant que j'ai pu faire quoi que ce soit, elle me fit changer brusquement de plan de conscience ('she zapped me'). J'étais en extase; je voyais une lumière d'or, des flocons lumineux, comme des étincelles qui s'écoulaient d'elle en moi, qui se répandaient partout. Tout était parfait, c'était le bonheur. Elle me donnait plus d'amour que Dieu lui-même. J'étais son univers, elle était tellement, tellement heureuse d'être avec moi, et j'étais tellement, tellement heureuse d'être avec elle; nous étions les deux seules dans l'univers, uniquement elle et moi. Nous ne pouvions nous aimer l'une l'autre plus qu'à ce moment-là. Combien de temps s'est écoulé ainsi, je n'en ai aucune idée; peut-être une minute, peut-être deux heures, je ne sais. C'était seulement une expérience d'amour merveilleux, entre nous deux, pas seulement d'elle à moi mais aussi de moi à elle. Même si cela peut sembler manquer de respect, je dirais que c'était un amour égal entre nous, c'était le véritable Soi.

Finalement, les brahmacharinis revinrent, je suppose qu'elles avaient dû prendre leur bain. Elle furent plus que scandalisées en me voyant là. Elles se mirent à invectiver Ma en hindi, et me crièrent :'get out, get out!' en me repoussant vers la porte. Elle finirent par me faire butter sur une sorte de latte de bois qu'il y avait sur le seuil et je tombais à la renverse. L'amusant, c'est que malgré cela nous continuions à nous fixer les yeux dans les yeux avec Ma, elle me regardait et je la regardais, et nous étions parfaitement heureuses. La dernière vision de Ma que j'ai eue, c'était quand elle cherchait à me voir par dessus les épaules des brahmacharinis en me demandant 'Tik hê, tik hê?' (Ca va? Ca va?). Je descendis dans le hall et je trouvai la situation réellement désopilante. Les didis autour de Ma était avec elle 24 heures sur 24 depuis cinq, six ans, et elles étaient comme ça! Elles n'avait rien obtenu, alors qu'en une minute j'avais tout obtenu! C'était tellement désopilant! Ce qu'il y a eu de drôle aussi, c'est que l'une d'elles a été obligée de revenir me voir de la part de Ma pour me dire que celle-ci voulait me revoir. Je lui répondit 'Je sais', et c'était vrai, je savais. Cette fois-ci, elles me firent attendre à la porte, c'était trop pour elles. Je vis Ma de l'extérieur, elle était exactement la même, pour elle rien n'était arrivé, tout se poursuivait entre nous comme avant. Elle me fit donner une mangue et une pomme, et aprés les didis me firent comprendre qu'il valait vraiment mieux que je m'en aille.

Il y a encore une suite intéressante à cette histoire : quand je revins à la maison, il me vint à l'esprit de couper en petit morceaux les deux fruits reçus et de les sécher au soleil, et je le fis. Ils séchèrent parfaitement bien en une seule jourée, ce qui, rétrospectivement, était aussi quelque peu étrange; je les ai mis dans des pots différents, un pour la pomme et un pour la mangue. Pour moi, et même pour mon mari qui a dû sentir quelque chose, c'était un prasad (nourriture sacrée) trés précieux, et chaque matin

nous avions pris l'habitude de manger un morceau de chacun des deux fruits en guise de petit-déjeuner. Le miracle était que cela nous rassasiait complètement, nous n'avions pas besoin de thé, etc... Cela devint une sorte de rituel, le matin, d'avoir notre petite 'injection', Cette habitude a duré jusqu'à l'épuisement des morceaux, peut-être six mois.

Je me suis sentie complètement comblée par ce darshan de Ma, il me semble que c'est pour cela que je n'ai pas cherché à la revoir dans les années qui suivirent.

 

Propos recueillis et traduits par J.Vigne

 


ELLE RIT, JOUEUSE...

 

Elle rit, joueuse.

Moments irisés de parfums, de silences, de paroles promptes;

cela en Inde, de son "vivant", puisque "Ce Corps" a traversé quelques décades, ce pays-là, il n'y a pas si longtemps....

Jusqu'à un soir d'été.

Une traversée prête à entendre tous les langages, attentive à tous les cheminements, tendrement proche aussi de ce qui va sans dogme, sans chemin .....

...."Comme votre petite fille" disait-elle. Comme notre enfant, comme notre mère, comme Celui ou Celle ou Cela même au-delà de tout genre.

"Elle" appartient à tout le monde.

Un amour inévitable, simplement.

L'Amie, l'Ami (Elle et lui si tendrement unis, qui songe à les séparer?) nous accompagne toujours par surprise, où que l'on soit. Sous un visage, sous un autre ou sans visage.

Nommons-la, nommons-le comme il nous plaît. Cette Présence se réjouit de tous les noms qu'on lui donne.

Cette fois-ci, un après-midi, un proche lui donna celui de

Toute-Joie : ANANDAMOYI.

Elle a ri, enchantée. Le nom reste. Elle aussi .

Cette Toute-Joie transpirait de tout temps Elle a fait trembler les âges, et nous avive, à l'instant.

Jean-Claude Marot


EXTRAITS DE YOGA-VASISHTHA (suite)

 La pensée, bien qu'elle paraisse intelligente, est incapable de connaître réellement quoi que ce soit, de même que la statue en granit d'une danseuse ne danse pas même si on lui demande de le faire.

Quand les émotions sont observées à partir de la non-émotion, elles perdent leur caractère perturbateur.

Une compréhension correcte du corps et de l'intelligence qui y demeure permet de saisir la création tout entière sous sa forme matérielle ainsi que spirituelle, aussi facilement que des objets illuminés par une lampe.(VI.1, 6)

Les êtres ordinaires sont enchaînés par leurs conditionnements mentaux. Ils errent dans l'univers (de naissance en naissance) parfois soulevés, parfois rabaissés; et la mort joue avec eux comme au ballon.(IV,43)

Le réel, I'irréel et le mélange des deux ne sont que des notions et rien d'autre; et les notions elles-mêmes ne sont ni réelles ni irréelles,. Quoi donc faut-il appeler réel dans cet univers? C'est pourquoi, mon fils, abandonne ces notions, pensées et intentions. Quand elles cessent, le mental se tourne naturellement vers ce qui est pour de bon au-delà de lui-même la conscience infinie.(IV, 53)

Rester en compagnie des idiots, c'est comme être assis dans la forêt sur un arbre qui va être abattu. Tout ce que vous pouvez faire pour ces gens-là n'a

pas plus d'utilité que battre l'air avec un bâton. Ce qu'on leur donne est jeté dans la boue, et converser avec eux a autant de sens que les aboiements d'un chien vers le ciel.(VI.1, 6)

Même si tu crois que ce monde et toi-même sont réels, qu'il en soit ainsi; demeure fermement en ton propre soi. Si tu penses qu'ils sont à la fois réels et irréels, adopte une attitude appropriée à ce monde qui change. Si tu crois que ce monde est irréel, sois alors fermement établi dans la conscience infinie. De même, que tu croies ou non que le monde ait eu un créateur, que cela ne voile pas ta compréhension.(IV, 55)

Nous contemplons cette lumière qui illumine tout ce qui brille, le Soi qui transcende les concepts jumeaux de 'c'est' et de 'ce n'est pas' et qui est donc, s'il l'on peut dire, à mi-chemin entre l'être et le non-être.(V,8)

Qu'il existe ou non un Soi, ce qui n'est pas sujet à dissolution, c'est la libération suprême.(V,34)

Tout d'abord, en cultivant les bonnes relations et l'amitié, abandonne les tendances et notions lourdes et matérialistes. Par la suite, abandonne même ces notions d'amitié, etc... Abandonne tous les désirs et contemple la nature de la conscience cosmique . (IV, 58)

Rama, contemple le Soi par le soi par l'investigation intérieure pure (ou I 'intérisation, 'vichara' signifiant un mouvement pénétrant (à l'intérieur), de la lune perçoit tout l'espace. (V, 5)

On doit empêcher le mental de s'écouler vers le bas, de même qu'on bloque le cours d'une rivière par un barrage.(V, 13)

De même qu'on peut dire que le Seigneur est à la fois l'agent et le non-agent de toutes les actions ici-bas, de même toi aussi, vis sans volonté propre, faisant et pourtant ne faisant pas ce qu'il y a à faire.(V, 13)

Par le contrôle de la force vitale (prana, les flux de sensations dans le corps), le mental est aussi maîtrisé. De même que l'ombre d'un objet s'évanouit quand on retire celui-ci, de même le mental cesse quand la force vitale est maitrisée.(V, 13)

Les mouvements des pensées surviennent dans le mental à partir des mouvements de la force vitale (prana), et vice-versa. Mental et force vitale forment ainsi un cycle de dépendance mutuelle, comme les vagues et les courants sous la surface.(V, 78)... Le mouvement est naturel au prana et quand il se meut dans la conscience, le mental apparaît ; à ce moment-la, les conditionnements gardent le prana en mouvement, et le cercle vicieux est entretenu. Quand l'un des deux est stoppé, les deux tombent.(V, 91)

En observant où le prana (ici, dans le sens spécifique de flux de sensations liées à l'expiration) et l'apana (flux inspiratoire) achèvent leur mouvement et en se fixant fermement sur cet état de paix, on ne redevient plus sujet à la peine... C'est pourquoi, considère avec attention ce lieu et ce moment où le prana est consumé par l'apana et vice-versa, à l'intérieur et à l'extérieur du corps. En effet, au moment précis où le prana a cessé son mouvement et l'apana n'a pas encore entamé le sien, survient une suspension de souffle (kumbhaka) qui est naturelle. Quand elle est là, c'est l'état suprême, c'est le Soi, la conscience pure et infinie. Celui qui atteint cela ne connaîtra plus la peine...Je contemple cette conscience infinie qui est après que le prana et l'apana ont cessé d'être, qui demeure au milieu du prana et de l'apana. Je contemple cette conscience qui est le prana du prana, la vie de la vie.(VI, 1)

O Rama, celui qui se propose de retirer la peine des gens à l'intelligence pervertie se bat pour essayer de couvrir le ciel avec un petit parapluie...Maintenant que tu as réalisé que le mental s'accroît par l'affirmation continuelle de son existence, abandonne ce processus de pensée... Dans l'espace entre le Soi en tant qu'observateur et le monde en tant qu'objet observé, tu es l'acte d'observation lui-même : demeure toujours dans cette réalisation. (V,14)

Un jeune sage à son frère qui est dans la peine à cause de la mort simultanée de leurs deux parents :'tu t'es lié par ignorance à la notion de 'père' et de 'mère ', et en plus tu te lamentes pour ceux -ci qui viennent de s'en libérer! Il n était pas ton père, elle n'était pas ta mère, tu n'étais pas non plus leur fils. Tu avais eu d'innombrables pères et mères. Ils avaient eu d'innombrables enfants. Innombrables ont été vos incarnations! Et, si tu veux te lamenter sur la mort de parents, pourquoi ne te lamentes-tu pas sur tous ces êtres innombrables qui meurent sans arrêt? Ces fausses notions de père, mère, ami, etc... sont balayées par la sagesse comme la poussière par le vent...Tout au long du chemin de la vie, les parents sont parsemés, pareils à des feuilles mortes sur un chemin dans la forêt.(V, 19 et 20)

Ce n'est que par un effort juste qu'on peut atteindre le détachement; il n'y a pas d'autre moyen. Les gens parlent de grâce divine ou de destinée; mais dans ce monde nous percevons le corps, pas un dieu. Ils nomment grâce divine également tout ce qui produit une équanimité totale et la cessation à la fois du bonheur et de la peine. La grâce divine, l'ordre naturel ou l'effort juste, tous ces termes se réfèrent à la même vérité; la distinction est due à une perception erronée ou illusion.(V, 24)

O Rama, de même que tu rends un culte au Seigneur Vishnou et aux autres, pourquoi ne rends-tu pas un culte à ton propre Soi? Le Seigeur Vishou, en fait, réside au plus profond de chacun; ce sont certainement les pires des hommes ceux qui abandonnent l'habitant de leur intérieur et cherchent Vishnou à l'extérieur. La première résidence du Seigneur, c'est la 'grotte du coeur' de chaque être : c'est Son corps éternel. La forme qu'on voit avec la conque, la masse, etc... est la forme secondaire du Soi. Celui qui abandonne la vérité première et qui court après des aspects secondaires est pareil au patient qui rejette un remède ayant prouvé son efficacité et se débat en vain pour effectuer un traitement par d'autres moyens. Celui qui est incapable de se concentrer avec une attention sans faille sur le Soi demeurant à l'intérieur et qui est donc incapable d'atteindre la sagesse du Soi peut éventuellement s'engager dans l'adoration de la forme extérieure du Seigneur Vishnou. Par l'effort même sous-entendu par cette pratique, le mental deviendra plus pur et transparent. Il atteindra en son temps -pourvu que cede pratique soit poursuivie avec intelligence et sagesse, la joie, la paix du coeur et la maturité nécessaire à la connaissance du Soi. En fait, ce résultat que je viens de mentionner provient du Soi; le culte rendu au Seigeur Vishou (comme on l'appelle) n'est rien d'autre qu'une excuse pour cela. (V, 43)

Celui qui ignore l'infini pour se consacrer au fini abandonne un jardin de plaisirs pour rechercher un buisson épineux. Néanmoins, il arrive parfois que des sages, par jeu, adorent une forme.(VI.1, 29)

L'esprit d'investigation (condensé par exemple dans la question 'qui suis-je') renforce le détachement. Les deux sont interdépendants comme océan et nuages. Ces deux qualités, avec la Réalisation, sont des amies intimes et existent tout le temps ensemble.(V, 24)

Cette apparence du monde est pareille à un grain de poussière dans la conscience infinie; elle ne me satisfait pas, de même qu 'un fruit tout petit n'apaise pas la faim d'un éléphant. C'est pourquoi la forme qui a commencé son expansion dans la demeure du créateur Brahma la continue jusqu'à maintenant. (V, 34)

La flamme d'une lampe (bien que la mèche elle-même soit constituée de fils) ne peut être limitée par un bout de fil; de même, le Soi qui dépasse et transcende toute existence matérielle n'est pas limité par cette matérialité.(V, 35)

D'une certaine manière, tu es le corps puisque tu expérimentes les sensations à travers le corps, de même que, si l'on peut dire, l'espace est responsable de la croissance de la plante dans la mesure où il n'arrête pas une telle croissance.(V, 40)

Le péché, c'est l'ignorance, qui est détruite par l'investigation (par exemple la question 'qui suis-je?'); c'est pourquoi il ne faut jamais abandonner l'investigation.(V, 42)

Quand le mental cesse de se relier au passé et au futur, il devient non-mental... Demeure en paix avec toi-même comme un arbre libre de la perturbation causée par les singes.(V, 50)

Assis un jour dans la solitude, le sage Uddalaka se mit à réfléchir ainsi: 'Quand serai-je libéré?.. .Quand serai-je libre de pensées du genre 'j'ai fait ceci' ou 'je vais faire cela'?... Quand serai-je capable de considérer les activités variées des gens comme un jeu, à la façon des enfants? Quand pourrai-je regarder ce concept qu'on nomme 'temps' sans y être impliqué?(V, 51)

O mental, tu es un produit de l'ignorance; quand l'ignorance s'épuisera, tu t'épuisera également. C'est peu avisé, c'est même idiot d'instruire quelqu'un qui est en train d'étre détruit ! Puisque jour après jour tu t'affaiblis, je renonce à toi; les sages n'enseignent pas à quelqu'un qui doit être abandonné.(V, 52)

L'égo est une notion infantile; ce sont ceux qui ne considèrent pas la vérité en profondeur qui y croient.(V, 52)

O mental, tu as conféré une réalité aux souffrances, de même qu'un amant a mal imaginé qu'il pourrait être séparé de sa bien-aimée. Mais bien sûr, ce n'est pas ta faute; c'est la mienne, car je continue à m'accrocher à la notion que toi, mental, tu es une entité réelle... Quand le mental, ramassant ses pattes en lui-même (comme la tortue) s'offre dans le feu de la conscience pure, il est purifié et atteint l'immortalité (V, 53)

On peut atteindre l'état de conscience pure par le développement du détachement, l'étude des Ecritures, les instructions du gourou et par la pratique persistante de l'investigation. Mais, si l'intelligence éveillée est fine et aiguisée, tu l'atteindras même sans les autres aides... Celui qui va avec sa conscience retournée vers elle-même considère ue ville ou un village comme aussi tranquille qu'une forêt...De même Qu'un arbre ne jaillit pas d'une pierre, de même les désirs n'apparaissent pas dans la vie d'un sage. Et même s'ils survenaient parfois, ils s'évaouiraient instantanément comme des écrits sur la surface de l'eau. Le sage et l'univers ne sont pas différents l'un de l'autre.(V, 56)

Le temps n 'oublie pas de s'écouler; de même, un sage qui a atteint le Soi ne l'oublie pas. Un objet matériel demeure matériel à tout jamais; de même, un sage qui connaît le Soi le connaît à tout jamais.(V, 63)

Même si tu t'engages dans l'action, tu en resteras détaché et donc tu n'en prendras pas la 'couleur', de même que les yeux du poisson ne sont pas affectés par l'eau de mer. Tu n'expérimenteras plus jamais l'illusion. Ce n'est qu'en ces jours où la lumière de la connaissance du Soi resplendit brillamment en son coeur que l'on vit vraiment. En ces jours, toutes ses actions sont pleines de félicité. Seules sont nos amies ces écritures et ces journées qui engendrent en notre coeur un détachement et une connaissance de soi authentique.( V, 64)

La femme qui garde un enfant le met ici ou là pour le distraire; de même, le conditionnement mental mène l'individu ici ou là, rien que pour le distraire.(V, 71)

On ne peut contraindre une femme à oublier son amant; ou un sage à oublier la vérité.(V, 74)

Il y a du vide dans la substance, et de la substantialité dans le vide... Par la vision du Soi, le malheur est décapité.(V, 75)

Les méthodes du Yoga ne portent leur fruit que si on les pratique de façon ni violente ni forcée...certainement, elles peuvent sembler des distractions, mais par leur pratique persévérante, on atteint l'absence de distraction.(V, 78, 79)

L'ignorance est la cire qui soude et maintient ensemble l'obsevateur, l'observation et l'observé; mais la connaissance du Soi est le feu dans lequel cette cire rentre en fusion! (V, 80)

(Le sage évoquant son propre état dit); 'Tous mes doutes ont cessé. Quoi que je sois, je le suis - mais sans l'avidité.(V, 81)

(évoquant l'évolution d'un yogi) :'Il atteignit la quiétude parfaite, comme la roue du potier qui s'arrête. Par la récitation du Om, il dispersa les toiles d'araignées des sens et de leurs objets, de même que le vent chasse une odeur...(V, 87)

Dans le sage se trouve la félicité, comme le bleu dans le ciel. Cette félicité n'est pas une expérience, mais la nature même de la conscience. C'est pourquoi elle n'agit pas comme une perturbation mais est intégrée à la conscience. Il y a la liberté de toute expérience. En même temps, le sage est constamment engagé dans l'action; il y a donc aussi liberté de l 'inactivité. (V, 91)

La contemplation des divisions ne mène pas à la pureté de vision...Toutes les expériences sont vécues au sein de l'existence pure, de même que des goûts variés sont perçus par une seule et même langue. Un nombre infini d'univers sont nés, existent, se dissolvent et entrent en relation les uns avec les autres dans cette existence pure.( V, 91)

Le lait n'abandonne pas sa blancheur quand il bout; de même, le sage n'abandonne pas sa sagesse quand il est mis à rude épreuve par des malheurs terribles. Qu'il soit dans de grandes souffrances ou qu'il soit nommé maître de l'univers, il garde un mental équilibré.

Le Soi est pareil à un aimant qui fait bouger le fer par sa simple présence; il met l'univer en mouvement sans en avoir l'intention; c'est pourquoi on dit qu'il ne fait rien.(VI.1, 9)

Les conditlonnements du passé, le feu, les dettes, la maladie, les ennemis, les amis (ou 'la colle'...), la haine ou le poison, tout cela est source de problème tant qu'il en reste un petit peu alors qu'on croyait s'en être débarassé.(VI.1, 10)

Tout ceci est 'Je', tout ceci est mien, mais 'je' n'est pas et je ne suis pas autre que 'je'. Laissons ce monde être une illusion, ou au contraire une substance. Je suis libre de la fièvre de la détresse.(VI.1, 11)

Bhashunda, qui a atteint la sagesse par le contrôle du prana, dit : 'Je ne suis troublé ni par l'adversité ni par la prospérité quand elles me sont accordées, je les regarde avec une vision égale, de même que je mets sur le même plan mes deux bras. Je partage la joie de ceux qui sont joyeux, et le chagrin de ceux qui sont tristes, car je suis l'ami de tous, tout en sachant que je n'appartient à personne et personne ne m'appartient... C'est le secret de ma longévité.'(VI.1, 26)

En cachette, le chat de la sénilité attrape la souris de la jeunesse.(VI.1, 7)

Un jour, le sage VItahavya se sentit enclin à abandonner son corps et à s'assurer qu'il atteindrait la libération. Il partit dans une grotte des montagnes Sahya, s'assit en lotus et s'adressa à lui-même en ces termes :

 

'O attraction, abandonne ta force d'attraction; ô haine, abandonne la haine. Vous vous êtes assez joué de moi. O plaisirs, à vous vont mes salutations; de fait, vous m'avez soutenu durant toutes ces années, et vous m'avez même fait oublier le Soi. O souffances, à vous vont mes salutations; vous m'avez aiguillonné dans ma recherche du Soi, et c'est par votre grâce que je l'ai atteint; vous m'avez donc donné la félicité... O corps, mon ami, tu as été en relation avec moi depuis longtemps. Maintenant, je t'abandonne. C'est toi-même qui a provoqué cette séparation en m'amenant à la réalisation du Soi. Comme c'est merveilleux! Afin de me permetttre d'atteindre la Connaissance, tu t'es détruit toi-même. O mère avidité (craving)! Laisse-moi m'en aller; tu vas maintenant rester seule et te dessécher, car j'ai atteint l'état de paix suprême. O sensualité! Afin de te conquérir, je me suis lié d'amitié avec ton ennemi le détachement; pardonne-moi. Je m'en vais vers la liberté; donne-moi ta bénédiction,..O illusion, mes salutations vont vers toi; sous ton empire, j'ai longtemps travaillé comme un esclave, mais maintenant je ne te vois même plus. (Tout ce passage de salutations est inspiré par le style des hymnes de louange aux dieux ou aux déesses) (V, 86).

A ce moment-là, le sage Uddalaka fut complètement transformé dans la félicité même, et par conséquent alla au-delà du royaume de la félicité. Il n'expérimentait plus ni félicité ni non-félicité, il était devenu conscience pure.(V, 54)

Un soir après l'enseignement, l'adolescent Rama ne put dormir car il pensait aux paroles de son maitre Vasishtha. Le lendemain, celui-ci lui demande :'0 Rama, as-tu contemplé en profondeur les enseignements que Je t'ai donnés? As-tu réfléchi sur eux durant la nuit et les as-tu gravés sur la tablette de ton coeur? Te souviens-tu de ce que je t'ai dit sur la création de l'univers dans ses moindres détails? Car c'est seulement par le souvenir fréquent de ces enseignements qu'ils deviennent vraiment clairs.(V, 4) 'Je t'ai procuré un filet de paroles de sagesse qui indiquent la vérité suprême; attrape avec ce filet cet oiseau qu'est ton mental et laisse-le reposer dans ton coeur ..0 toi qui est noble, tu ne seras pas lié, bien qu'engagé dans diverses activités, si ton intelligence est saturée de cette vérité; sinon, tu tomberas comme l'élephant tombe de la falaise.(VI.1,1)

Au moment-même où la méchanceté et l'idiotie cessent, le mental avec toute sa suite s'évanouit, comme les perles tombent partout quand est coupé le fil qui les relie.(VI.1, 4)

Quand le Soi est vu, tout est vu; quand il est entendu, tout est entendu; quand Il est touché, tout est touché; en effet, parce qu'il est, le monde est.(V, 35)

Choisi et traduit par J.Vigne de Swami Venkateshananda 'The Supreme Yoga - a new translation of Yoga Vasishtha' 2 volumes, The Divine Life Society PO Shivanandanagar 249492 Rishikesh Dst TehriGarhwal, UP, Inde, 1976, 1991.

En Français est disponible 'Sept récits initiatiques tirés du Yoga-Vasishtha' par Michel Hulin, Berg International, 1987.


NOUVELLES

- "Un Français dans l'Himalaya" de Vijayananda est paru en octobre à Terre du Ciel (BP 2050, 69227 Lyon Cedex 02, 245 pages, 120 Frs). Il n'y avait pas en français de témoignage de personnes qui aient réellement vécu longtemps auprès de Ma, à part 'Présence de Ma' d'Atmananda (Les Deux Océans) et les entretiens avec cette dernière par Madou. Ce livre arrive à point comme un document qui nous montre le vrai visage de Ma Anandamayi. De plus, les réponses de ViJayananda notées au fil des années en réplique à des questions d 'Occidentaux de passage ou en retraite auprès du samadhi de Ma à Kankhal permettent d'élucider des points pratiques sur lesquels l'enseignement de Ma peut être mal compris, en particulier par des non-hindous; en cette période de Noël, trés certainement un cadeau pour l'âme, la vitre et celle de vos amis...

- Le Centre international prés de l'ashram est maintenant fonctionnel, et a déjà été pratiquement plein à deux reprises. Ram Alexander va faire installer sa bibliothèque là-bas prochainement, ce qui fait que les hôtes pourront consulter en tout environ un millier de livres principalement sur les religions, la mystique, l'hindouisme et le Yoga.

- Un séminaire national sur Ma se tiendra les 20 et 21 décembre à Calcutta, avec la publication d'un livre-souvenir à cette occasion : Shree Shree Ma Anandamayee Ashram —Agarpara- PO Ramarthi Calcutta 700058

- La pleine Kumbha-Méla aura lieu le printemps prochain à Hardwar. Les bains principaux se dérouleront les 25/2 (Shivaratri) et 13 et 14/4 (Mesh Sankranti). On attend dix millions de personnes... Le Centre International ne prend pas de réservation durant cette période, mais cherchera cependant à faire son possible pour loger les fidèles occidentaux de Ma. Les logements sous tente sont aussi possibles.


 

ABONNEMENTS 

Pour les nouveaux souscripteurs, l'abonnement est de 30 Frs jusqu'en automne 98 inclus; ce sera la période de renouvellement à la fois pour les anciens et les nouveaux abonnés. Chèques à adresser à Mme Vigne, 95 rue J.Dulud, 92200 Neuilly.

 


Rédactrice: Nathalie MASIA