Réponses de Ma
(Traduites par
Marol dans « La saturée de joie » Dervy)
Question : Je suis
pris dans les filets de l'illusion (mâyâ). Comment en sortir ?
Mâ : à la machette.
C'est comme ça qu’on se fraie un chemin dans la jungle. Pour cela, il faut déjà
s'enfoncer dans la jungle. Nous parlons de l'illusion de qui ? Les jeux
d'illusions de Dieu n'ont pas de commencement. Pourtant ils peuvent avoir une
fin. Même au plus profond de la jungle, on peut ouvrir une clairière.
Un pot bien astiqué révèle sa qualité.
"Cela qui est" resplendit quand on a suffisamment frotté! Comment
retirer la pellicule de l'illusion ? Dans la compagnie des sages, et en suivant
les conseils de son guide (gourou).
Tant que le guide de n'a pas été trouvé,
tous les noms font écho à Son nom, toutes les formes sont Sa forme, toutes les
qualités, Ses qualités.
Réfléchissez bien à cette question :
comment me libérer de l'illusion ? Quelle est la voie ? Quels sont les moyens ?
D'une façon ou d'une autre, pensez toujours à Lui. Nos pensées, nos paroles,
dédions-les Lui. Le reste n'est que futilité et souffrance. (p. 182)
Dieu peut se révéler indépendamment de
vos efforts. Si vous vous êtes engagés dans des exercices spirituels, c'est que
pendant des vies vous n'avez voulu satisfaire que vos envies.
Si après avoir gaspillé
tant de vies, vous avez l'intelligence, la bonne idée de décider :
"Maintenant ça suffit ! Je ne veux plus tourner en rond de naissance en
naissance !"... Alors vous vous engagerez sérieusement dans une ascèse
réelle. Sinon vous vous réabonnez à de nouvelles souffrances, vie après vie,
ballottés par vos appétits et vos passions.
Il n'y a que Dieu, rien
d'autre. Ne pas s'en apercevoir est dû à votre brouillard mental. Engagez-vous
dans une discipline, kriya, qui vous convienne, qui soit dans votre
style d'approche. (p. 184)
Question : je vous ai entendue dire que tous les instants sont contenus dans
l'Instant suprême. Je ne comprends pas.
Mâ : le moment de naître
conditionne une nouvelle expérience de vie : à l'Instant suprême, tout est
accompli ! Notre destin est comblé !
Quand il n'y a plus rien à brûler, là est
le moment de toute éternité ! Saisir ce moment, là est votre destin. En
réalité, il est Cela ; Tout-Cela. Comment Cela pourrait laisser quoi que ce
soit en dehors ? Qui a plongé dans ce courant ne peut plus séparer présent,
passé, futur.
Les moments tels que vous les vivez, sont tétanisés. L'instant contient l'être
et le devenir, il contient tout ; rien n'est là et tout est là.
Il n'y a pas même d'opposition entre cet
Instant et des moments qui ne sont que des bouts de temps ! L'Instant est
temps, mais pas ce que vous nommez "temps". Le temps, samaya
est saturé de Soi, sva maya, « tissé du seul Soi » ; rien
n'existe, sauf le Soi ! (p. 185)
Un ermitage idéal
par Vijayandanda
Mai 1966
Me voici de retour dans cet ermitage
en pleine forêt himalayenne, aux environs du village de Dhaulchina. La première
fois que j'ai entendu parler de cet ashram, vers 1960, j'étais à Almora,
capitale de la province himalayenne du Kumaon. Un nouvel ashram, m'avait-on
dit, venait d'être construit en pleine montagne sur un plateau face aux neiges
éternelles. L'ermitage était loin de toute habitation humaine au milieu de la
forêt, hantée par les fauves. Les voies de communication étaient précaires.
L'endroit était à peu près à 25 km de la ville d'Almora. Les premiers quinze
kilomètres pouvaient être effectués en autobus jusqu'au village de Baréchina,
mais de là, il fallait accomplir, avec un guide, huit kilomètres d'ascension à
pied jusqu'au village de Dhaulchina puis
encore deux kilomètres en pleine forêt jusqu'à l'ashram.
En outre, le point d'eau potable le plus
proche était au village, c'est-à-dire à près de 2 km de distance et le
ravitaillement en denrées de première nécessité s'avérait difficile car le
village ne possédait que quelques boutiques mal achalandées. Vivre dans un
pareil ermitage paraissait sinon impossible, du moins très difficile. Pourtant,
c'est justement la difficulté qui me tenta et peut être aussi la curiosité de
me rendre compte comment l'on pouvait résoudre les problèmes vitaux : eau,
nourriture, habitation etc. là où leur solution s'avérait si précaire. Mais les
choses vont lentement aux Indes et ce n'est qu'en avril 1963 que mon désir
d'aller vivre dans cet ashram a pu se réaliser. Mais ce n'était pas une chose
si simple. L'ashram de Taratal, puisque c'était son nom à l'époque, était sous
la responsabilité d'un gardien qui habitait au village et qui avait les clés,
mais qui était souvent absent. D'autre part, pour un européen, s'aventurer seul
au milieu de ces villages de montagne sans connaître personne était une
expédition plutôt hasardeuse.
Le gardien s'appelait H.Singh. C'était un
notable du village, tenancier d'une petite boutique d'épicier. La solution la
plus simple, c'était de lui écrire et de lui demander de venir me chercher à
l'ashram d’Almora. C'est ce que je fis. Mais ma lettre resta sans réponse. Il
faut dire que H.Singh ne savait ni lire ni écrire. Néanmoins, il aurait pu
envoyer une réponse par personne interposée. Mais je ne perdis pas courage et
fit écrire par le directeur de l'ashram d’Almora puis par des hommes importants
de la ville. Toujours pas de réponse. Pourtant, un beau matin, "un homme
qui descendait des montagnes" vint à l'ashram d’Almora et demanda à me
voir. C'était le fameux H.Singh, le gardien du seuil de l'ermitage convoité. Et
il venait me chercher... Il me donna rendez-vous en ville à l'heure du départ de
l'autobus que nous devions prendre ensemble jusqu'au relais de Baréchina. Enfin
mon rêve allait se réaliser...
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres,
car un messager de H.Singh vint bientôt m’informer qu'il était inutile de me
rendre en ville pour prendre l'autobus, ce dernier était surbondé, il était
impossible de s'y caser. H.Singh lui-même retourna à son village, je ne sais
par quel moyen et me donna rendez-vous au relais de Baréchina quelques jours
plus tard. Là, il viendrait me chercher ou enverrait des porteurs pour me
guider jusqu'au village de Dhaulchina, et à l'ashram au-dessus.
… Vijâyananda va au rendez-vous, attend des porteurs qui ne viennent
pas, et finalement décide de prendre les siens propres.
Et nous voici en route à travers les
sentiers de montagne vers le village de Dhaulchina. Le chemin passe en pleine
forêt himalayenne et monte presque continuellement. Une voie assez praticable a
été taillée sur le flanc de la montagne. Mais mes porteurs préféraient prendre
les raccourcis à travers des sentiers périlleux pour un homme de la plaine
comme moi. Le raccourci principal, qui fait gagner presque 1 km, passe à
travers un torrent de montagne. Nous descendîmes jusqu'au lit du cours d'eau à
un endroit où il était possible de le
traverser à gué. Puis commença l'escalade de la grande montée, la charaï
comme ils l’appelaient, sur un sentier qui grimpait presque tout droit vers le
sommet pendant près d'un demi kilomètre.
Il s’agissait d’un gros effort pour mes
jambes et mon souffle et j'admirais ces vigoureux montagnards qui montaient
avec une lourde charge sur le dos ou sur leur tête. Pourtant, je sentais à
peine la fatigue, enivré que j'étais à
la joie de respirer l'air pur de ces solitudes sauvages. L'odeur des résines,
le parfum des herbes de la montagne, le bruit du torrent qui roule en bas, ce
majestueux silence, la splendeur des paysages et, - qui sait - peut être aussi
quelque présence mystérieuse dégageait une atmosphère prenante qu'on ne trouve
que dans ce légendaire Himalaya.
Enfin, nous atteignîmes le sommet du pays
et notre petit groupe reprit le chemin battu ; le plus gros était fait, le
village n'était plus bien loin. Nos porteurs s'arrêtèrent pour souffler un peu
et fumer une bidi (cigarette populaire constituée d'une feuille de tabac
roulée). Encore une demi-heure de marche et nous arrivâmes enfin au village de
Dhaulchina. Quel contraste avec le relais de Baréchina, car Dhaulchina est un
village adorable ; "adorable" est bien le mot. C'est un tout
petit village comprenant quelques groupes de maisonnettes disséminés entre les
flancs de montagne comme placés là par un artiste géant au goût exquis ;
autour des maisonnettes, la montagnes est taillée en gradins horizontaux qui
sont transformés en champs de culture pour le riz, le blé etc. Et quelle
richesse de coloris ! La verdure, les champs encadrés par le bleu sombre des
pics dans le lointain et au-dessus, un ciel d'azur transparent comme celui de
Provence.
Notre première halte au village fut à la
boutique de H.Singh. Dès qu'il m'aperçut, il vint à ma rencontre et me reçut
avec une cordialité touchante. Après tout, je n'étais qu'un étranger qui venait
faire intrusion dans ses montagnes
paisibles. Il avait, me dit-il, envoyé des porteurs à ma rencontre. Ils
avaient dû prendre un autre chemin.
Je pensais continuer ma route vers
l'ashram mais le soleil venait de se coucher et H.Singh me conseilla de passer
la nuit au village et de ne repartir que le lendemain matin. Je fus installé le
mieux possible dans une véranda couverte et mon hôte de passage s’ingénia à ne
me laisser manquer de rien. Le lendemain matin, avec de nouveaux porteurs je
repris la route vers la hauteur de
Taratal où se trouve le fameux ashram ; il était inhabité depuis longtemps
car les deux ou trois sadhous qui y avaient vécu pendant une courte période
avaient battu en retraite devant les difficultés qu'ils avaient
rencontrées ; en plus des deux guides, un homme portant sur sa tête un
bidon d’eau nous accompagnait. Désormais, un homme apporterait tous les matins
du village un bidon d'eau (environ 18 litres) qui devrait suffire pendant
vingt-quatre heures à tous les usages, bains, cuisine, boisson, etc.
Nous prîmes d'abord le chemin qui mène
vers le bourg de Pannanaula puis, quittant la route, ce fut une ascension en
pleine forêt sur un sentier de montagne. Le chemin paraît long quand on le
prend pour la première fois, pourtant cela ne représentait qu'à peine deux
kilomètres et je les fais maintenant allégrement à l'aller ou au retour comme
une simple promenade. Enfin, nous atteignîmes le plateau de Taratal. C'était
une clairière au sommet de la crête, entourée au sud, à l'est et à l'ouest par
des forêts où le pin résineux et le chêne
croissent en abondance. Mais au nord et au nord-est, la vue est ouverte
sur un quart de cercle où s’étagent les pics couverts de neige éternelle,
rivalisant de splendeur les uns avec les autres.
L'ashram comprend deux maisonnettes
inhabitées, plus une petite cabane à demi-construite ; je fus logé dans la
maisonnette la plus confortable et qui avait en plus l’avantage d'être munie
d'une fenêtre faisant face aux sommets neigeux. Puis mes compagnons et H.Singh
qui était venu nous rejoindre redescendirent vers leur village et je fus laissé
seul…Comme le Petit Poucet dans la forêt ! Je dois dire que contrairement
au Petit Poucet, je manque totalement de sens de l'orientation et que je perds
ma route avec une facilité étonnante. Néanmoins, cette fois-ci, j'avais
soigneusement repéré la direction que mes compagnons avaient prise pour
retourner vers leur village. Ces braves gens pour qui les chemins et sentiers
de la forêt étaient familiers depuis leur enfance n'avaient pas pensé que, si
je devais redescendre vers le village pour mes provisions, je risquais fort de
m'égarer dans cette vaste forêt himalayenne. En effet, personne ne
s’occupait plus de moi. Néanmoins, un
homme venait tous les matins apporter de l'eau et du lait. A cette heure
matinale, j'étais assis en méditation et observais d'ailleurs le silence.
L'homme déposait sa charge dans une chambre à côté et je ne le voyais presque
jamais.
….. Les hindous de ces montagnes
ressemblent physiquement assez aux européens, surtout à ceux du nord de la
Méditerranée. Ils sont en général droits et honnêtes et ne sont pas contaminés
par l'esprit des villes de la plaine. Comme beaucoup d'hindous, ils font
souvent preuve de timidité et ils ont quelquefois une attitude quasi féminine.
Les montagnards de Dhaulchina sont pour la
grande majorité de la caste des kshatriyas, les guerriers. A leur
prénom, ils ajoutent la particule Singh, une déformation du mot sanskrit
sinha qui signifie lion. Ils devinrent bientôt presque tous mes amis et
quand je descendais au village, j'étais comme chez moi en famille. Toujours
est-il que malgré les difficultés, je réussis à équilibrer mon menu et à ne
manquer de rien (c'est-à-dire à obtenir les denrées de première nécessité) sauf
en de rares occasions.
…… Quand le soleil se
couchait sur le plateau de Taratal, alors commençait pour moi la grande
solitude. Car qui oserait se promener la nuit dans cette forêt sauvage ?
Néanmoins, entre juillet et octobre, un concert crépusculaire se faisait
entendre comme un prélude au silence. Les musiciens n'étaient pas des humains,
mais des insectes ; dans ces montagnes vit une variété de cigales qui
semble être perchée sur les pins résineux ; son chant est de beaucoup plus
varié et harmonieux que celui de sa cousine de Provence. Elle est capable
d'émettre trois sons différents ayant
une étonnante tonalité musicale. Avec ces trois sons, elle peut aussi produire
des variations d'intensité et de rythme ; quand une seule cigale chante,
c'est déjà assez harmonieux, mais quand elles jouent en chœur, il en résulte
une véritable symphonie qui ne serait pas déplacée dans un programme de musique
d'avant-garde.
Sur le plateau de Taratal, je ne les
entendais que rarement dans la journée et jamais chantant en chœur ; mais
dès l'heure précise du coucher du soleil (tellement précise que j’aurais pu y
ajuster ma montre) commençait une symphonie crépusculaire. L'une d'elles - peut être le chef d'orchestre - donnait le
départ avec un son prolongé et puis, une à une, les cigales du voisinage se
joignaient à cette "prière au Dieu vivant". Chacune émettait un des
trois sons différents. L'ensemble produisait un concert d'une réelle
harmonie ; cela durait environ vingt minutes jusqu'à la tombée de la nuit
et le chant s'arrêtait brusquement. On aurait dit une congrégation de moines
disant leur prière commune du crépuscule. Pendant toute la période allant de
début juillet à la mi-octobre - c'est-à-dire en grande partie la saison des
pluies - le chant avait lieu tous les soirs, avec la même précision horaire.
Quelquefois, il pleuvait à verse, le vent soufflait en tempête, mais les cigales
continuaient leur symphonie avec une intensité à peine diminuée.
Je n'ai pas pu trouver d'explication à ce
curieux phénomène. Après le chant des cigales, le grand silence de la nuit
tombait sur la clairière de Taratal. Seul le vent, murmurant, chantant,
gémissant, quelquefois soufflant avec furie, venait rompre ce silence. Ou
peut-être aussi, mais plus rarement, le hurlement d'une bête sauvage dans le
lointain.
Entre l'ashram de Patal Dévi situé en dehors de la ville d’Almora et
Dhaulchina, Vijâyananda aura passé seize ans pratiquement seul dans l'Himalaya.
Il est difficile de lui faire parler de ses expériences pendant cette
période-là. Souvent, quand on lui demande comment cela a été, il répond
simplement : "c'était bien !" et cependant, il revient sur le fait
que l'intérêt de la solitude, c'est déjà de ralentir le mental et ainsi de
pouvoir beaucoup mieux l'observer jusqu'à sa racine. Un autre intérêt, c'est de
pouvoir éradiquer le moindre mouvement de peur qui ne manque pas de venir quand
on vit pendant longtemps en pleine nature, surtout la nuit. A propos de
l’incommunicabilité de l'expérience spirituelle, il aime raconter cette
histoire de Ramakrishna : un aveugle de naissance voulait savoir ce qu’était le
blanc, un ami lui dit : "le blanc, c'est comme la neige" "et de
quelle couleur et la neige ?" "Eh bien... Comme le cygne !" "Et
comment est le cygne ?" l'ami, un peu désarçonné, finit par trouver une
solution : il plia son avant-bras et son poignet pour évoquer la forme du
cou du cygne et demanda à son ami l'aveugle de le toucher. A ce moment-là, celui-ci
s'en alla courir chez ses autres amis
tout content en disant : "voilà !
J'ai compris ce que c'est que le blanc ! C'est comme cela !" et il
montrait à tout le monde son avant-bras
et son poignet pliés..
L'ermitage de Dhaulchina a été à l'abandon pendant onze ans, puis Swami
Nirgunânanda, le dernier secrétaire privé de Mâ Anandamayî, y est monté et y
vit depuis dix-sept ans. Il a travaillé pour aménager les lieux et les rendre
plus vivables. Jacques Vigne y vient depuis dix ans, et depuis un an y réside
aussi le plus clair de son temps.
Entretiens
avec Swami
Nirgunananda
recueillis par
Claire Landais
à l’ermitage de
Dhaulchina en Himalaya au mois d’avril 2002
Le texte ci-dessous représente des entretiens
entre Swami Nirgunânanda et Claire Landais, de Paris qui est venue en visite en avril 2002 pour un
mois entier à Dhaulchina. Il s'agit d’un ermitage de Mâ Anandamayî à une
altitude de plus de 2000 m, dans la région himalayenne du Kumaon, au-dessus
d’Almora. Pendant de longues conversations avec Swâmîjî, elle a pris des notes
en français, puis les a mises au propre, et les a envoyées en Inde pour
révision. Comme celui-ci ne sait pas le français, j'ai traduit ces notes en
anglais. Claire a noté ce que Swâmîjî a dit sans mentionner le contexte et
donc, à certains endroits, la suite logique des choses a été perdue. Néanmoins,
Swâmî Nirgunânanda a essayé de se souvenir de ces contextes particuliers et a
donné la présente forme aux échanges qu'il a eus avec elle. J’espère que ce
petit livre sera utile aux fidèles français de Mâ et à tous ceux qui ont
rencontré ou rencontreront Swâmîjiî, que ce soit lors de ses tournées en France
en été ou pendant le reste de l'année à l'ermitage même.
Jacques Vigne
Dhaulchina , le 2 janvier 2004
Question : Est-ce
qu’on vous avait confié des tâches spécifiques quand vous étiez avec Ma ?
Swamiji : Dès le
premier jour de ma vie auprès de Mâ, on m'a confié la rédaction des réponses
aux lettres de ses fidèles. Il y avait des milliers de lettres et sans aucune
exception elles contenaient des questions sur des sujets spirituels ou de la
vie du monde. Je devais lire ces lettres, en extraire l'essentiel, demander les
réponses de Mâ et les écrire aux fidèles respectifs. Des gens de toutes les
couches sociales écrivaient à Mâ à propos de leurs problèmes et de leurs doutes
et la priaient de leur donner des solutions.
Q. Etaient-ils
satisfaits des réponses ?
S. A mon sens, oui. Mon
expérience, c'est que personne n’a réécrit à propos des mêmes problèmes. A ce
propos, une parole de Mâ me revient à l’esprit : " Ce corps ne
répond pas à vos questions. C’est vous qui répondez. ". Les questions
sont les vôtres, les réponses sont les vôtres. Ceci ne fait que sortir de la bouche de ce corps."
Quel est le sens
spirituel de notre vie ?
Le but spirituel de la
vie, notre devoir aussi, c’est d’être heureux perpétuellement. La vie de l'être
humain commence avec une note de malheur. Pourquoi un nouveau-né crie-t-il?
Parce qu’il se sent malheureux d'avoir à faire face à un monde inconnu ;
il ne se sent pas en sécurité. Peut-être voudrait-il retrouver le confort
rassurant qu’il connaissait dans le sein de sa mère. Ce sens d'insécurité et de
malheur imprègne toute la vie.
Comment peut-on
rendre les autres heureux ?
D'abord, rendez-vous
heureux vous-même. Votre bonheur va se répandre chez les autres : vous ne
pouvez donner de l'argent à un mendiant que si vous en avez. Seul l'amour peut
rendre les autres heureux. On dit : "Aime ton voisin comme toi-même".
D'abord, ressentez de l'amour pour vous-même.
Est-ce que ce n'est
pas une attitude égoïste ?
Comment peut-on être égoïste sans connaître le Soi ? [Ici, Swâmîjî joue
sur les mots anglais, égoïste se disant selfish et Soi se disant Self] Comment pouvez-vous vous aimer sans d'abord vous connaître ? Regardez
ces rhododendrons (le coin de Dhaulchina est plein de rhododendrons en fleurs,
ceux-ci ont la taille d'arbres. Ils offrent une vue magnifique en février, mars
et avril.) Est-ce que vous pensez qu'ils fleurissent pour vous ? Non, ils
ne se soucient pas de vous, et pourtant vous êtes heureuse de les regarder. On
doit cependant se souvenir d'une chose, que son bonheur ne doit pas être au
prix de la souffrance de quelqu'un d'autre.
Quelle est la
différence entre activité
spirituelle et non spirituelle ?
Apparemment, il y en a, mais en fait, il
n'y en a pas ! Ce qu'on considère être activité spirituelle pour une religion
particulière peut ne pas l'être aux yeux d'une autre religion. La différence
réside dans la manière dont on les accomplit et dont on les considère.
Est-ce qu'on peut considérer l’art comme une activité spirituelle ?
Bien sûr, c'est une
activité spirituelle. Par l'intermédiaire de sa peinture, l'artiste exprime et
établi le lien entre les mondes intérieur et extérieur. Il fait ceci pour son
propre plaisir et il en a de la joie.
Que pouvez-vous dire d'une personne qui ne s’aime pas elle-même et n'aime pas sa
propre image ?
Des
gens peuvent dire qu'ils n’aiment pas leur propre image ou qu'ils ne s’aiment
pas... D’accord, certaines personnes peuvent ne pas aimer leur image. Mais
malgré tout ils s'aiment eux-mêmes. Quand quelqu'un n’aime pas quelque chose ou
une autre personne, il existe à arrière-plan de son mental d’autres objets
d'amour. Quand Mâ a quitté son corps, je voulais me suicider parce que Mâ
n'était plus physiquement avec moi, c'était parce que je m'aimais moi-même que
je désirais que Mâ soit avec moi !
Comment puis-je vivre sans Mâ ?
En aimant le Soi. Le but
de la vie, c'est de se connaître soi-même, d’entrer en soi-même. D’habitude, on désire connaître toujours plus
les gens qu'on aime et on ignore le Soi. Quelqu'un a demandé à Mâ : "Mâ, est-ce que vous
nous aimez autant que nous vous aimons?" "Vous m’aimez parce que je vous aime", répondit Mâ. "Vous
ne pouvez vous figurer l'amour que j'ai pour vous !" L'amour de Mâ
commence là où notre imagination s'arrête. En d'autres occasions, Mâ a dit :
"Aimer Mâ signifie s'aimer soi-même." Il est un fait simple que nous
ignorons toujours, c'est que jamais nous ne sommes sans amour. Mes souvenirs
font partie intégrante de mon existence. Tant que Mâ est dans mes souvenirs, je
ne suis pas « sans elle ».
Pour vous,
qui est Mâ ?
Un jour pendant un satsang,
quelqu’un a demandé " Mâ qui êtes vous ? " J’étais
très heureux car c’était aussi ma question, la question de tout le monde. Elle
a répondu : " Ce que vous pensez, je le suis. " Mon
problème était résolu ainsi que celui de tous ceux qui avait entendu la
réponse. Elle pouvait être Lord Krishna pour l’un, Lord Shiva pour un autre ou
ma mère…
Mais cette question a
continué à être posée. Elle est devenue une controverse. On disait que c’était
une question normale de la dévotion. C’est la seule question qui a été posée
plus de 1000 fois ! Elle avait répondu la première fois à cette question à
l’âge de vingt ans. Elle était une femme au foyer dans le Bengale rural et
conservateur. Un cousin qui était proche
d'elle la lui a posée. Elle a répondu : Purna
Brahma Nârayân puis elle a ajouté : Nârayân, Nârayanî Les gens
connaissaient cette réponse et pourtant lui ont redemandé bien des fois… C’est
qu’ils ne la croyaient pas, ils doutaient.
Comment aimer
Mâ ?
Il n’y a pas de
technique particulière pour aimer. Pour chaque activité de la vie, nous avons
besoin d'apprendre de quelque part ou de quelqu'un. Mais aimer est la seule
activité que nous ayons de naissance. J'ai débuté ma vie en aimant ma mère. A
ce moment-là, le monde m’était tout à fait inconnu. Ma mère était le seul objet
de mon amour. Puis, le monde objectif s'est insinué dans ma vie. Mon amour pour
la mère a été dilué parmi d'autres objets d'amour. Pour entreprendre quelque
chose de nouveau, nous avons besoin d'un professeur, mais aimer est un savoir-faire
naturel. On pense que Mâ est spéciale, c’est pour cela qu’on souhaiterait avoir
une technique spéciale. Ou bien, il se peut que notre instinct naturel pour
aimer se soit terni à cause du nuage des objets avec lesquels nous avons été en
relation dans le passé. Si nous pouvons aimer une chose ou une autre, pourquoi
avons-nous besoin d'une méthode spéciale pour aimer Mâ ? Mâ a dit :
"Soyez comme un enfant qui ne connaît rien, si ce n'est sa mère."
Mâ aime tout le monde de
la même façon, mais nous voulons plus. Un enfant nouveau-né ne fait aucune
distinction entre les objets avec lesquels il entre en relation.
Tout le monde aime la simplicité. Il n’y a pas de spécification de la
simplicité. Mâ est l’incarnation de la simplicité, du naturel, mais cette simplicité
même, nous l’avons perdue dans la complexité des processus du monde. Nous avons
égaré ces qualités ou il se peut qu'elles se soient déposées à la base de notre
conscience, là où nous ne pouvons plus les voir. En Mâ, nous les reconnaissons.
Essayons de les extraire des recoins les plus cachés de notre cœur et de les
faire revenir à la surface. Expérimentons ce sentiment qui nous permettra de
dire : " Mâ, je ne peux rien faire sans vous ". En agissant
ainsi, un jour pourra venir où je serai capable de retrouver mon Soi ainsi que
cet amour qui était apparemment perdu.
Swâmîjî,
suivez-vous une pratique spirituelle
particulière et si oui, dans quel but ?
A mon sens, les
pratiques spirituelles ne sont pas faites avec un but imaginaire, mais pour
dissoudre ce qui recouvre la pureté naturelle en moi. C'est ce voile qui
obscurcit ma vision de l'amour. Le point central autour duquel gravite toute ma
vie, c'est mon amour pour Mâ.
Avez-vous besoin de
tout abandonner pour cela?
Mâ elle-même dit :
"Vous n'avez pas besoin de quitter quoi que ce soit, les choses vous
quitteront" Ce dont vous n'avez pas besoin s'en ira automatiquement. Un
petit enfant aime son nounours. Par la suite, il l’abandonne, et devient
passionnément attaché à quelque autre jouet en oubliant ceux du début. Mais
souvenez-vous, les jouets changent pour l'enfant, mais non son amour pour les
jouets.
Que pensez-vous du
monde autour de vous ?
Le monde existe
vraiment, et ce pour que j'en aie l’expérience dans mon amour. Les expériences
sont incrustées dans les souvenirs et
deviennent une partie de moi-même ; je sais que je m’aime moi-même et dans
ce cas, je dois aimer le monde.
Pourquoi éprouve-t-on de la tristesse ?
Parce qu'on perd la
conscience de son unicité, parfois, on devient triste. On cherche toujours à
comparer son existence avec celle des autres et on se fait des reproches, alors
on tombe dans la tristesse. L’unicité est au-delà de toute comparaison.
Comment évaluez-vous l'état spirituel de Mâ?
En ai-je besoin ?
A mes yeux, elle est un être humain parfait. Mâ n'est pas une déesse abstraite
- pour moi bien sûr, je ne suis pas opposé à ce qu’affirment les autres à ce
sujet. Je sais bien que j'ai des lacunes dans mes comportements et mes
activités et la perfection de Mâ m’aide à les voir. J’essaie de rectifier mes
défauts en apprenant à me comporter comme elle, dans ses manières de faire
humaines. En outre, pour quantifier quoi que ce soit, on a besoin d'avoir une
unité de mesure. Mâ n'étaient pas une déesse à mes yeux, bien que les gens qui
disent ainsi puissent être dans le vrai ; elle était ma mère. Elle était
un être humain parfait, on peut dire au moins qu'elle a été quelqu’un qui n'a
commis aucune erreur dans sa vie. Quant à son niveau spirituel, je ne serais
pas capable d’en sonder la profondeur ni d'en évaluer la hauteur car il est
certain que moi-même, je n'ai aucune unité de mesure pour m’en rendre compte.
Elle est simplement ma mère et j'ai besoin d'elle plus que de toute chose.
Mâ n'avait pas fait d'études. Comment
expliqueriez-vous sa sagesse ?
Dans les mots mêmes de Mâ : " La vie est le plus grand des
livres. Pour celui qui en a pénétré la profondeur, votre science, philosophie, dharma
et Ecritures ne restent pas inconnus" La vie est un grand livre. Mâ n'a
jamais étudié, mais elle était pleine de sagesse. Elle a vu la vie telle
qu’elle était. La vie nous donne des réponses, tandis que parfois, les
Ecritures nous embrouillent.
Pourquoi les gens
partent-ils en pèlerinage ?
Notre vie est en elle-même un pèlerinage vers
la joie. Nous sommes tous des pèlerins, que nous soyons croyants ou incroyants.
Si je ne crois pas en Dieu je crois à quelque chose que j’aime fortement...
Nous allons vers un lieu saint pour le voir, le sentir, l’aimer parce que nous
avons cet amour à l’intérieur mais nous ne sommes pas capables de le sentir.
Est-ce que cela vous fait du bien de partager vos
souffrances et vos plaisirs ?
Nos
émotions ont envie de s'exprimer à l'extérieur. C'est une partie intégrante de
la nature humaine de partager l’amour, la peine avec
les autres. Un homme -ou une femme- ne peut pas vivre seul. Bien que je sois
heureux tout seul à Dhaulchina, si quelqu’un vient et que je peux partager, je
suis encore plus heureux ! En ce qui concerne la souffrance, je l’assume
tout seule. Je ne souhaite pas infecter les autres avec mes douleurs.
Swâmîjî, suivez-vous le chemin de la bhakti ?
Oui. Pouvez-vous me dire le nom de quelqu'un, dans l'histoire globale des
religions du monde, qui n'ait pas suivi le chemin de la dévotion dans son
voyage spirituel? Bien sûr, vous pouvez citer des personnes qui ont suivi,
défendu et soutenu le chemin du discernement, appelé aussi connaissance. Mais
si je vous demande pourquoi ils ont
suivi ce chemin même, la réponse sera aussi simple que cela : "Parce
qu’ils l’ont aimé". La base commune, c’est l’amour. Cela peut être l'amour
pour le but, ou aussi pour le chemin. Ceux qui suivent la bhakti, la voie
dévotionnelle, essaient d'abord d'établir une relation humaine entre eux-mêmes
et le visage bien-aimé, de Dieu ou de la Réalité ultime telle qu'ils se la
figurent, et ensuite essaient de la purifier et de l'élever. Je pars du point
de vue humain parce que je le connais, et par la pratique, je peux le sublimer
jusqu'au niveau divin. Une fois que j'ai établi cette relation entre moi et mon
objet d’amour, si quand même je pose la question "Qui es-tu ?", je ne serai
plus capable de goûter l’essence de cette relation qui a été établie. De cette
manière, je mets des distances entre mon objet d’amour et moi plutôt que je ne
l'attire. Je coupe la relation avant de l’élever et de la sublimer.
Qu'est-ce que la
sâdhanâ ?
De grands enseignants,
maîtres, saints et différents sages ont défini la sâdhanâ, la pratique
spirituelle, de façon variée. Mais la définition la plus simple que j'ai
trouvée jusqu'à présent vient des lèvres de Mâ. Svadhan praptir upay holo
sadhana. C'est-à-dire : "la voie pour retrouver votre propre trésor
est appelée sâdhanâ". En sanskrit, sva- signifie son propre soi et dhan-
signifie richesses, trésor. On peut donc dire dans le langage de Mâ, que la
sâdhanâ, c'est de redécouvrir ses propres richesses.
Est-ce que Mâ était en faveur d’une voie de
sâdhanâ particulière ou exclusive ?
La voie de Mâ bien sûr,
si elle en avait une en particulier, incluait tout sans aucun cadre ou dogme.
Une dame aspirante spirituelle chrétienne a demandé à Mâ une direction pour la
vie intérieure. Mâ s'est enquise de la doctrine spirituelle qu'elle suivait. La
dame a répondu qu'elle était chrétienne. Mâ dit : "Je suis aussi une chrétienne,
une musulmane et une hindoue". Mâ demandait toujours aux aspirants de
suivre leur propre voie et leurs Ecritures.
Pouvez-vous parler d'une pratique intérieure prescrite par Mâ indépendamment
de toute doctrine spirituelle particulière ?
Voici une histoire que
je répète souvent : une fois, Mâ voyageait en train avec une dame pour
l'accompagner. Il y avait d'autres passagers dans le même compartiment. A cette
époque, elle n'était pas très connue dans le monde spirituel indien. Quelques
jeunes gens rentrèrent aussi dans le compartiment. Ma avez une personnalité
magnétique et attirante. Ils voulaient lui adresser la parole. Quand Mâ s'est
engagé dans la conversation, ils restèrent
suspendus à ses lèvres. Ils se rendaient compte que c’était une personne
spirituelle même s’ils ne la connaissaient pas. Quand ils ont dû descendre, Mâ
leur a demandé : " Vous ne me donnez rien? (C’est la tradition
en Inde de donner quelque chose aux moines errants). Les gens se mirent à
chercher dans leur porte-monnaie. Elle disait : " Non, non, je
vous demande juste du temps à Dieu chaque jour, seulement cinq minutes par
jour."
Mâ demandait souvent 5,
10, 15 minutes par jour pour elle, toujours à la même heure. C’est la meilleure
des pratiques. Elle est suffisante. Aucune autre pratique n’est nécessaire.
Mais en fait c’est très difficile. Même pour un ermite c’est très difficile.
Offrir 5 minutes à Mâ, c’est s’offrir 5 minutes à soi-même. On ne le fait
jamais, c’est difficile. Offrir vraiment, sans rien attendre, pas de
reconnaissance, pas de gain, pas de résultat. Ce n’est pas un
investissement pour satisfaire des attentes futures ! Peut-être faut-il
avoir pour seule attente que cela fasse plaisir à Dieu et à Mâ.
Vous devez tout le temps
être en alerte pour cela. Voici une autre histoire : Il y avait un
zamindar ( grand propriétaire terrien) à Dehra-Dun, qui était un buveur
invétéré. Il avait grand plaisir à chasser les tigres. Il aimait beaucoup Mâ.
Un jour elle lui a demandé s’il accepterait de lui donner quelque chose :
Cinq minutes chaque jour à heure fixe, pour la vie. Il lui a dit, "vous ne
m’avez jamais rien demandé, alors d’accord". Une nuit, il partit à la
chasse au tigre, il avait tendu un piège et soudain le léopard est arrivé, il
leva son fusil et était sur le point de tirer mais les yeux tombèrent sur sa
montre : c’était l’heure précise qu’il avait abandonnée à Mâ. L’homme
laissa tomber son fusil, il a fermé les yeux et pendant cinq minutes il a pensé
à Mâ. Quand il a réouvert les yeux, le léopard était parti. On doit tenir ses
engagements de cette façon.
Est ce qu'il y avait des
rejets dans la vie de Mâ ?
Mâ ne rejetait jamais qui ou quoi que ce soit
car elle voyait Dieu en tous et en toutes.
Comment peut-on être sûr de la
pratique spirituelle juste pour soi-même ?
Trouver la
pratique spirituelle juste pour soi-même est un long travail. On doit suivre de
façon stricte les instructions données par le Gourou. C'est le Gourou qui
connaît le chemin approprié pour son disciple. Pendant onze longues années,
j'ai dû chercher après le départ de Mâ. J'ai pratiqué différentes voies et
méthodes par moi-même. Bien sûr, j'ai eu des résultats apparents mais ils ne me
satisfaisaient pas. A un moment, il m'est apparu à l'esprit de rechercher les
instructions spécifiques données par Mâ. J'ai commencé mon voyage à reculons
dans les voies de ma mémoire afin de récapituler les interactions que j'avais
eues avec Mâ et d'identifier précisément la voie spécifique qu'elle m'avait prescrite.
Est-ce que Mâ est votre Gourou ?
Est-ce que
j'ai besoin d'une autre définition de Mâ ? Oui, j'ai appris beaucoup d'elle
Que pouvez-vous dire de votre initiation ?
Bien sûr, je suis initié mais Mâ n'est pas mon gourou. Le premier mantra
que j'ai obtenu a été de Mâ et non du gourou. Mes mantras d'initiation sont différents
du mantra que j'ai reçu de Mâ. Tout en
me donnant le mantra, elle a dit : "Ce n'est pas ton initiation et
ce corps n'est pas ton gourou." Elle ajouta aussi. "Ce corps ne
demande jamais à quiconque de prendre la dikshâ et ne refuse
jamais quand on la lui demande." Quant à moi, j'avais besoin d'un mantra
et je l'ai obtenu avant l'initiation formelle.
Quand alors avez-vous pris la dikshâ ?
Mâ m'a demandé de la prendre.
Est-ce que Mâ ne s'est pas contredite alors ?
En apparence, on peut
avoir cette impression. En fait, j'ai été aussi choqué quand Mâ m'a demandé de
prendre la dikshâ. Mais après, mes doutes se sont clarifiés. Il arriva
qu'un jour, elle m'appela et me dit : "Ton initiation est fixée pour
demain matin à l’aube." J'étais tout à fait choqué de l'entendre dire
cela. Je pensais ne jamais avoir de dikshâ. Cela m'a fait souffrir de
penser que Mâ se contredisait. Je fus envahi par l'émotion et me mis à pleurer.
Elle m'a demandé la cause de cet état pitoyable. Je lui ai dit : "Mâ,
comme vous avez dit que la dikshâ est donnée simplement à celui qui la
demande, il se trouve que moi-même, je suis tout à fait satisfait de mon
mantra. Je l’ai reçu de vos lèvres et je n'ai jamais voulu de dikshâ de
vous. Cela me bouleverse de voir que vous allez contre ce que vous m'avez dit
dans le passé." Elle dit : "Connais-tu vraiment ce qu'il y a de caché
dans les profondeurs de ton esprit ?" Mâ m'expliqua alors que je
souhaitais cette initiation au fond du cœur mais que je ne m'en rendais pas
compte.
Existe-t-il des
pratiques qui soient vaines ?
Tout ce que nous faisons
porte ses fruits. Rien n’est en vain. Parfois, les résultats ne correspondent
pas à notre attente. Il n'y a pas d'échelle de temps en spiritualité. Les
transformations spirituelles sont lentes et profondes, et elles peuvent ne pas
être reconnues si on se fie aux apparences.
Quel doit être l'axe
principal dans le chemin de la dévotion ?
Essayer de faire
confluer la volonté individuelle avec la volonté divine. On raconte
l’histoire suivante : un jour, un groupe de voyageurs traversait un grand
fleuve. Arrivé au milieu du fleuve, l’orage éclate, la tempête se lève. Le
bateau se remplit d’eau et risque de sombrer. Un sadhou à bord puise l’eau du
fleuve avec son pot et la reverse dans le bateau ; tous les passagers sont
furieux et ont peur que le bateau ne sombre dans la rivière. Néanmoins, la
tempête s'apaise soudainement. L’embarcation s'approche de la rive. Le sadhou
commence à écoper… Les gens, étonnés,
lui demandent pourquoi il écope maintenant alors que tout va bien. Il
répond qu’il essaie toujours d’aider Dieu dans ses desseins. Il se trouvait que
maintenant, la tempête s'était atténuée ; ceci est également la volonté de Dieu, en retirant l'eau du
bateau, il a facilité la sortie des passagers de celui-ci. Telle doit être
l’attitude de l'aspirant.
Qu’est-ce qui attirait le plus chez Mâ ?
Son amour inconditionnel pour
tous.
Que signifie amour inconditionnel ?
Un amour sans aucune attente de retour.
Comment peut-on
apprendre quelque chose à propos de l'amour inconditionnel ?
Nous avons besoin
d'apprendre de quelque part presque toutes nos actions mentales ou physiques,
mais la seule chose pour laquelle nous n’avons pas besoin d’enseignant,
c’est l'amour. Nous sommes nés avec lui. Il est avec nous tout le temps.
Le désir nous pousse à l’action et pour cette action, nous ne devons utiliser
notre intelligence. La seule l'action qui n'a pas besoin d'intelligence, c’est
l’amour. Nous avons commencé à aimer avant même le développement de notre
intelligence, mais au fil du temps l'amour avec lequel j'étais né a été
recouvert par l'invasion des objets dans
mon champ mental. Notez bien que nous avons
perdu notre enfance physique, mais les impressions de l'enfance sont
toujours à l'intérieur de nous. Essayons d'aller à l'intérieur et d’y trouver
l'amour.
Dites-moi quelque chose à propos de la méditation.
Considérons d'abord ce
que nous voulons dire par méditation. Les gens en général prennent le mot
sanskrit dhyân comme synonyme de méditation. Dans les Ecritures, on
dit : dhyânah nirvishayah manah c'est-à-dire « dhyân se
trouve dans l'état d'esprit sans objet » (nir, no vishayah,
objet, manah, mental). Dans les mots de Mâ, achinta hi param dyân,
« l'absence de pensées est dhyâna » (achinta, absence de pensées ;
hi, vraiment ). Elle a dit aussi, comme nous l'avons mentionné
: dhyân kara jay na, dhyân hoi
« dhyân survient, on ne peut l’effectuer ». En outre, dans
ses Yoga soutras, (aphorismes sur le Yoga), Patanjali décrit dhyân comme
l'avant-dernier, le septième stade des pratiques yoguiques. Un aspirant est
supposé s'établir progressivement dans la succession de yama, niyama,
âsâna, prânâyama, pratyahara et dhârana. Il doit atteindre l'état de
perfection en pratiquant chacun de ces
états. C'est seulement alors que l'état de dhyân mène à l'état de
samâdhi qui représente la culmination de toutes les pratiques spirituelles. On
ne doit pas mélanger les concepts de dhyân et de méditation.
Maintenant, considérons
ce qu’est le but de la méditation. En bref, on peut dire que la méditation aide
à contrôler le mental. Tout le temps, nos sens sont en relation avec le monde
objectif et les impressions qui en proviennent alimentent incessamment le
mental qui tourne autour d'elles. Cette agitation du mental est la cause de toutes
nos misères et de notre sentiment d'esclavage. De façon intéressante, c'est
aussi dans le mental qu'on ressent le bonheur. Ce dont nous avons besoin pour
être heureux, c'est l'attention juste [right mindfulness]. Dans ce but,
nous avons besoin de contrôler le mental. Pour le contrôler, il faut d'abord le
connaître. Ainsi, on peut dire que le but de la méditation est de : (a) connaître le mental, (b) donner forme à ce
mental (c) libérer le mental.
Nos organes des sens, c'est-à-dire la vue,
l’ouïe, l’olfaction, la parole, le goût et le toucher sont en relation
constante avec les objets, ils rapportent leurs impressions au mental et les
inscrivent sur la surface de la conscience (ici, il s'agit de la conscience des
objets). Le mental est engagé en fait également
avec les organes des sens, il est en mouvement constant, ce qui a pour résultat
la perte de l’attention juste. Parfois, il y a soit une surimposition ou une
succession très rapide d’impressions, qui font que la conscience des objets est
incapable de discerner correctement et les impressions perdent de leur clarté.
Si vous déplacez une torche allumée selon un trajet circulaire, vous verrez un
anneau de feu ; dans un film, des photographies a priori immobiles sont
projetées sur l’écran avec une telle vitesse qu'en fait, vous voyez un film.
Tous ces phénomènes sont des illusions. A cause des limitations de nos organes
des sens pour enregistrer la réalité, des illusions sont perçues. Par la
pratique méditative, nous pouvons identifier les impressions réelles. On doit
se souvenir que le mental est agité dans l’espoir de se débarrasser de
l'agitation. Le mental cherche constamment le bonheur, la paix et l'amour.
Toutes nos activités sont dirigées vers un seul vecteur qui a pour nom
« bonheur perpétuel ». N'oublions pas qu’apparemment, nous n'avons
pas d'autre instrument que le mental pour atteindre cet état. Etant donné que
le monde des objets est impermanent, est-il possible d’atteindre l'état de
permanence en partant de ce monde transitoire dont je suis une partie intégrante ? Si oui, comment ? Quel rôle
le mental joue-t-il dans ce contexte?
Sans vouloir entrer
dans une psychologie complexe, une définition simple du mental comme base de
travail peut être utile pour répondre aux questions ci-dessus. Le mental est un
sac de pensées et nos conceptions abstraites, ces pensées mêmes sont
l'enregistrement conscient des impressions des interactions des organes des
sens avec la réalité. Les impressions sont stockées dans différentes couches de
mémoire et sont toujours dans un état actif. Les souvenirs stockés entrent en
relation les uns avec les autres, donnant naissance à plus de nouvelles
impressions qui, elles, peuvent ne pas être le résultat d'interactions directes
des organes des sens avec le monde extérieur. Ainsi, le volume des impressions
augmente en progression géométrique et au hasard. On peut dire que les
permutations et combinaisons de ces réactions stimulent des impressions
stockées et les efforts du mental pour les enregistrer incessamment rend celui-ci
hyperactif, d’où l'agitation. Avec la pratique de l’enregistrement contrôlé des
impressions, on peut établir une stabilité dans le mental. Ceci s'appelle
« donner forme au mental ». Une fois que le mental est formé, le
sentiment d’emprisonnement disparaîtra, et on aura des expériences de félicité,
de paix et bonheur (qui sont tout le temps ici en nous, à l'intérieur).
En compagnie de Mâ Anandamayî
Par Bithika
Mukerjî (suite)
Une interruption dans
ma carrière universitaire.
Lorsque j'étudiais le sanskrit et la
philosophie à Allahabad, j'ai pu avoir l'entraînement pour comprendre un petit
peu les vânî (paroles) de Shrî Mâ malgré mon jeune âge. Je
m'émerveillais devant la philosophie qui
était sous-jacente à ses expressions même les plus légères. Elle ne mettait
jamais en avant un argument qui n'avait pas de cohérence interne. Lorsqu'elle
dictait une longue lettre, ces liens intimes devenaient très apparents. Elle
demandait à celui qui écrivait, l'une d'entre nous, de relire encore et encore
la lettre, en changeant un mot par-ci, un signe de ponctuation par-là, afin que
la signification en devienne claire comme de l'eau de roche. (p. 118)
Dans la seconde moitié de l'année 1945, la
guerre se rapprocha de l'Inde. Jusqu'ici, nous n'avions pas été touchés de très
près par elle - simplement nous avions
eu à observer des couvre-feux et à utiliser des cartes de rationnement. Les
horreurs qui avaient balayé les pays d'Europe à cette époque nous étaient
inconnues. Rétrospectivement et en relisant le journal de Didi, il m'est apparu
que durant toutes ces années, Shrî Mâ avait été éprouvée par des souffrances
sans qu'on en connaisse la cause. Très fréquemment, on la voyait accomplir des kriyas
(pratiques) yoguiques, prononcer des mantras, parfois pendant plus de deux
heures. Une fois elle s'exclama : « Arrêtez le combat ! Arrêtez le
combat ! (Vivâd bandh karo, vivâd bandh karo) ». Pourtant,
elle a rajouté : "Je vois une scène terrible !" Didi relia cela à un
décès qui était arrivé dans un village proche, mais est-ce que Shrî Mâ aurait
utilisé le mot "terrible" (bhayankara) pour décrire un simple
décès ? Il m'est venu à l’esprit que si l’on entreprenait une recherche pour
établir une corrélation entre les événements du monde et les réponses
spontanées de Shrî Mâ, on obtiendrait des résultats intéressants. Je n'ai pas
de doute que ces exemples de souffrances intenses qu'elle subissait parfois, et
qui restait sans explication et mystérieux pour son entourage de fidèles,
étaient des réactions réflexes aux souffrances des gens ailleurs dans le monde.
(p.122)
Comme tous les enfants, nous considérions la
présence de nos parents comme évidente. Ce ne fut que très tard dans mon
existence que j'ai appris à apprécier leurs côtés extraordinaires. Je ne me
souviens pas que mon père n’ait jamais élevé sa voix de colère contre
quelqu'un, pas même un serviteur. Il n’a aussi jamais dit un mot de reproche à
Bindou quand il ratait ses examens. Il a pu s’exprimer à ma mère, mais cela n'a
jamais filtré jusqu'à nous, nous n'en savions rien.
Bithikâ va avec un groupe de Ma au Bengale,
à Navadvîp, le lieu de pèlerinage de Chaitanya Mahâprabhou, qu'on appelle aussi
le Seigneur Gaurânga.
Chacun reçut Shrî Mâ avec des honneurs
particuliers. Shrî Mâ avait là-bas une grande réputation. Les vishnouïtes la
traitaient comme leur divinité d'élection, le Seigneur Gaurânga. Chacune de ses
visites était acclamée comme la venue du Seigneur lui-même.
J’ai eu du mal à supporter les fatigues du
voyage. Je restai au lit pendant deux jours. Le troisième, je me suis sentie
mieux. Je pris un bain qui m'a rafraîchie et ensuite me suis installée en
dehors de l'hôtel où nous résidions, en observant Shrî Hari Babajî se déplacer
en chantant des kîrtans avec toute sa suite. Une voiture à cheval attendait
à la porte avec Shrî Mâ et Didi à l'intérieur, prêtre à suivre le groupe de
kîrtans. Shrî Mâ me vit de la fenêtre du véhicule et me fit signe de
m'approcher. "Est-ce que tu vas bien ?" demanda-t-elle :
"Oui", répondis-je. Elle dit ensuite : "Monte !". La
voiture était toute petite, juste assez pour elle et Didi. En me voyant
hésiter, elle dit : "Assieds-toi sur mes genoux ". Je rentrai en essayant de me rendre si légère que
possible, m'assi sur les genoux de Shrî Mâ ; elle dit : "Ne te perche
pas comme ça, assieds-toi convenablement !" Didi dit :
"Assieds-toi sur mes genoux à moi ". Ainsi, pour obéir aux deux, je
m'assis au milieu. Nous sommes allés voir un beau temple ce jour-là. Hari
Babajî avait l'habitude de marcher à reculons à chaque fois qu'il voyait la
voiture de Shrî Mâ. Il ne tournait jamais le dos au véhicule qu’elle utilisait.
Lui-même ne se servait presque pas de voiture à moteur ou à cheval, et
préférait marcher avec ses gens. (p. 127) [C’est la coutume chez les gens
pieux, en particulier en Inde du sud, de sortir d’un temple à reculons pour ne
pas avoir à tourner le dos à la statue du dieu]
Dans cette même année 1946, Shrî Mâ se
rendit à Dhaka où ses fidèles l’attendaient depuis longtemps :
Les fidèles de Dhaka étaient
autour de Shrî Mâ. Elle leur parla pratiquement pendant toute la journée et la
plus grande partie de la nuit. Ma sœur Rénou se souvient qu'elle était assise
derrière Shrî Mâ. A un moment donné, Shrî Mâ s'adossa sur ses genoux. C'était
une position plutôt gênante pour cette dernière, qui cependant ne voulait pas
bouger parce qu'elle sentait que Shrî Mâ devrait alors se redresser. Et Shrî Mâ
avait déjà été assise pendant des heures, il était donc nécessaire qu'elle soit
dans une position un petit peu plus confortable. Rénou se souvient aussi avec
un grand émerveillement que bien qu'elle ait tenu cette position pendant plus
de deux ou trois heures, elle n'avait eu
aucun sens de contractures, douleurs ou fatigue. Shrî Mâ parla aux gens de
Dhaka pratiquement jusqu’à l'aube. L'un des principaux interlocuteurs était
Biren Babou, le frère aîné de Didi. Nous l'avions connu à Agra. Cela allait
être la dernière visite de Shrî Mâ à Dhaka. La menace de la partition du
Bengale s'approchait. D'ici deux ans, le
Pakistan allait détruire l'ashram et tous ses temples hindous, et même le
temple ancien et fameux de Râma Kalî. Seulement le temple de Siddhesvarî
subsista. Shrî Mâ dit à tous ceux qui venaient lui demander conseil que si
possible, ils devaient s'en aller du Bengale oriental (qui deviendra en 1972 le
Bangladesh). Voilà comment les fidèles de Dhaka ont trouvé asile en Inde avant
que les horreurs de la partition commencent à se dérouler (p.130).
Traduit
de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
EN PRESENCE DE LA MERE
DIVINE, SREE ANANDA MAYI MA
Par Caroline Rosso-Cicogna
Fidèle de Ma depuis 1979, Caroline Rosso
Cicogna est imprégnée de spiritualité hindoue. Dès 1971, elle se rend
régulièrement en Asie, comme interprète simultanée et elle réside en Inde de
1979 à 1984.
Durant son
séjour, elle est étroitement associée à Gaurinath Sastri, éminent Sanskritiste,
disciple de Gopinath Kaviraj et maître de Sabda Yoga, avec qui elle étudie la
Bhagavad Gita et le Vedanta.
Elle
séjourne également auprès de maîtres tels que Swami Chidananda, Sa Sainteté le
Dalai Lama, Sa Sainteté le Shankaracharya de Kanchipuram et Bhagavan Sri Satya
Sai Baba.
À son retour
d’Inde, elle fonde à Trieste, en Italie, l’Association Internationale Yoga
Aditya où elle collabore, pendant plus de dix ans, à l’enseignement et
l’application thérapeutique du Yoga avec Yogacharya Janakiraman.
Elle
réside actuellement à Nice et se consacre à la sadhana dans la voie de la
bhakti.
Elle
est l’auteur de “Solar Yoga”,
en collaboration avec Yogacharya Janakiraman et de “Solar Way”, un
commentaire de la Bhagavad Gita.
" Le chemin
spirituel débute par un appel de la Grâce divine - gurukripa - qui ouvre progressivement notre être
intérieur à une vision du Réel - darshan
- et notre âme -atma - qui a soif de
plénitude - pûrnam - cherche refuge
aux pieds du Guru Gurupadanamaskar -
jusqu'au jour où elle est entièrement fondue dans l'amour de la Mère
Divine."
Dans mon cas, cela s'est produit lors du
transfert de mon mari à l'Ambassade d'Italie à la Nouvelle Delhi en Mai 1979,
qui me semblait être l'occasion bénie de pouvoir résider quelques années en
Inde et être auprès de Ma. À ma grande surprise, je dus me rendre en Inde, de
façon tout à fait imprévue, avant la date du transfert, car j'y avais été
appelée comme interprète pour une Conférence de l'Agence Internationale de
l'Énergie Atomique au Centre nucléaire de Trombay. Après la réunion, je me
rendis à Delhi pour me familiariser avec ce qui allait devenir notre nouvel
environnement et un jour, alors que je déjeunais avec des collègues de mon mari
qui me proposaient de visiter le Club de Polo, j'entendis une voix intérieure
qui me dit d'un ton ironique : " Serais-tu venue en Inde pour voir
des chevaux ?" Je restai clouée sur la place, la fourchette en l'air
et je ne dis mot. Je n'attendis pas un instant de plus et cet après-midi même,
je me rendis à l'ashram de Ma à Kalkaji dans les faubourgs de Delhi. Je trouvai
l'endroit désert et je sus immédiatement que Ma n'y résidait pas ce jour-là
car, sinon, il y aurait eu une grande foule à l'entrée de l'ashram. Je suis
rentrée malgré tout et je me suis adressée à un swami qui faisait un peu de
jardinage. À mon approche, il se leva d'un bond et à ma question à propos de
l'endroit où se trouvait Ma, il répondit sans hésitation: - "Dans son
ashram de Brindavan". Je fus assez surprise qu'il me révèle cela car il ne
me connaissait pas du tout et, du vivant de Ma, ses fidèles avaient pour instructions
de ne pas révéler ses allées et venues à des inconnus afin d'éviter les foules
de curieux.
De retour chez nos amis, je les priai
d'organiser pour le lendemain une voiture avec chauffeur pour me rendre dans la
ville de Krishna. J'étais frappée de ma détermination à me rendre auprès de Ma
avant même d'avoir déménagé en Inde et je me remémorais simplement la promesse
que j'avais faite à mon mari de ne pas voyager sur les routes indiennes après
le coucher du soleil.
Je
partis donc de bonne heure le lendemain, mais il s'avéra que cela n'avait pas
été assez tôt car, lorsque j'arrivai à l'ashram, l'heure du darshan était déjà terminée. Quand
j'appris que le prochain darshan
aurait lieu à six heures du soir, la promesse faite à mon mari me revint à
l'esprit et ce fut l'abattement à l'idée de ne pas rencontrer Ma cette fois-ci.
Je me vois encore, comme si c'était hier, assise sur les marches du temple, aux
prises avec ce terrible dilemme : obéir à mon mari et risquer de ne pas
voir Ma ou assister au darshan du
soir et briser ma promesse ! J'étais décidée à rester sur les marches du
temple jusqu'au moment où une solution s'offrirait à moi, je n'avais d'ailleurs
rien d'autre à faire ! Je veillais également à ne pas attirer l'attention
car je savais que les swamis de Ma préféraient que l'on ne traîne pas dans
l'ashram après le darshan. Je suis
restée assise comme cela longtemps jusqu'à ce que je sois tirée de mes rêveries
par un vieux monsieur qui se tenait devant moi appuyé sur sa canne et qui me
demandait ce que je faisais là. Dans un anglais hésitant, il me posa toutes
sortes de questions auxquelles je répondis tout en lui communiquant mon
désarroi d'être arrivée en retard pour le darshan
du matin. Il me demanda aussi si j'avais apporté un cadeau pour Ma. Surprise,
je lui répondis par l'affirmative et il me pria alors de le lui montrer.
C'était une étole de laine blanche qu’il approuva d'un geste admiratif. La
scène commençait à m'intriguer et ma vigilance devint plus profonde car on ne
sait jamais par quel moyen le Divin peut nous appeler. Le vieux monsieur me
demanda de revenir à cet endroit à trois heures de l'après-midi en m'assurant
qu'il m'emmènerait lui-même auprès de Ma et que je n'aurais pas à attendre le darshan du soir ! Sur ces mots, il
s'en alla. Il fallait, je m'en rends compte aujourd'hui, une bonne dose de foi
pour y croire, mais, de toute façon, je n'avais rien à perdre et comme j'avais
quelques heures à ma disposition, je m'en fus visiter la ville chère à Krishna,
sur les bords de la Yamuna. Les rues étroites de la ville étaient en grande
effervescence et les jeunes gens et les jeunes filles se lançaient de la poudre
de vermillon et de l'eau de rose, au son de kirtans
et de tambourins. En quelques instants, je fus, moi aussi, couverte de poudre
rouge de la tête aux pieds et je fus à nouveau saisie par le découragement à
l'idée que l'on ne me laisserait pas entrer dans l'ashram dans un état
pareil !
À trois heures donc, je me trouvais au
rendez-vous et je me demandais encore si la rencontre du matin n'avait pas été
un mirage lorsque je vis arriver, d'un pas gaillard, ce merveilleux vieillard à
qui je dois le plus beau moment de ma vie. D'un ton décidé et avec un grand
sourire, il me somma de le suivre et il me fit passer devant le temple et
traverser une grande cour protégée du soleil de mars par un de ces arbres
millénaires sous lesquels Ma aimait s'abriter. Lorsque nous arrivâmes devant
une belle demeure située au fond de la cour, un swami imposant, vêtu d'un habit
couleur safran, nous fit comprendre que nous ne pouvions aller plus loin car
c'était la résidence privée de Ma. Indifférent aux paroles du swami, le vieux
monsieur brava l'interdiction et me fit signe de le suivre dans l'escalier.
Mais je pouvais déjà apercevoir deux autres swamis qui nous barraient le
passage en haut de l'escalier en nous faisant signe de redescendre. Tapant
légèrement de sa canne sur le sol, mon "protecteur" leur dit qu'il
était un intime de Ma et que Ma, elle-même, l'avait chargé de me mener à Elle.
Je ne savais pas, à ce moment-là, à quel point j'étais près de Ma sur cet
escalier et je fus encore plus surprise quand les deux swamis, comme par
enchantement, se retirèrent et nous laissèrent passer. Mais ce n'était que le
début de l'enchantement car, un instant plus tard, nous débouchions sur une
grande terrasse inondée du soleil de l'après-midi en cette magnifique journée
de printemps. Là, sur un charpoy, un
de ces lits indiens à courroies, se tenait Ma, plus rayonnante que mille soleils,
dans son saree blanc, avec son irrésistible sourire et avec ce merveilleux
regard légèrement larmoyant qui vous pénétrait de part en part. Un Amour si
profond, si puissant émanait de Ma que rien au monde ne pourrait effacer ce
moment d'éternité de ma mémoire.
Quoique, dans mon cœur et dans ma tête, je
me fusse préparée à une rencontre avec Ma, je n'avais pu imaginer que j'allais
être mise en sa présence d'une façon aussi intime. Ce qui se produisit par la
suite ne fut que le kheyal de Ma. Son
Énergie et son Amour m'attirèrent tout près d'elle et me firent m'agenouiller,
front contre terre et lorsque, lentement, je me redressai et la regardai, mon
regard fut entraîné de façon irrésistible dans ses yeux pleins d'amour et de
compassion qui me pénétrèrent tout entière. Elle me garda ainsi, tournée vers
l'Infini de son regard, dans un silence parfait et dans un état d'immobilité
totale qui vibraient cependant d'une intensité surnaturelle. À ce jour, je
serais incapable de dire combien de temps cela a duré. Tout ce dont je me
souviens c'est que, lorsque je sortis de cet état, j'aperçus l'expression
d'étonnement béat sur le visage des brahmacharinis
qui se trouvaient derrière Ma et je réalisai que de longs moments avaient dû
s'écouler ainsi. J'entendis vaguement les questions que Ma posait à mon sujet
au vieux Monsieur et je la remerciais, dans mon cœur, de ne pas me les poser
directement car j'aurais été bien incapable d'y répondre dans l'état de
béatitude où je me trouvais. Ensuite, d'un geste affectueux, que je savourerais
dans les mois et les années qui allaient suivre, elle déposa délicatement sur
mes genoux des fruits, des sucreries et un châle blanc.
Le darshan de Brindavan devait être le
premier d'une longue série de rencontres avec Ma au cours de mon séjour de cinq
ans en Inde. J'allais vers elle rarement pour lui poser des questions car je
sentais intuitivement que les moments en sa présence étaient tellement sacrés
et uniques qu'ils devaient être vécus dans un état de communion silencieuse avec
la Mère Divine. D'ailleurs, l'essentiel de l'enseignement de Ma se donnait dans
le silence et par le silence. En outre, le premier darshan est un peu comme le Sa (Do) de la gamme de musique
indienne. Tous les darshans
successifs ne sont que des combinaisons et des permutations de notes. On
pratique sa sadhana comme on fait des gammes en revenant inévitablement à la
note fondamentale du début.
Ce devait être à Brindavan, encore une
fois, que deux ans plus tard, sur cette même terrasse et à nouveau le jour de
Holi Purnima j'allais être initiée dans un mantra directement par Ma.
Au cours de mon séjour en Inde, j'eus le
privilège béni de passer de longs moments très proche de Ma grâce à Gaurinath
Sastri, dévot de longue date de Ma, philosophe de son état et disciple direct
du grand philosophe Gopinath Kaviraj, fervent dévot de Ma. Avec lui, je pus
étudier la Bhagavad Gita et certains textes des Upanishad tout en l'aidant à
corriger les épreuves de ses écrits philosophiques de Sabda Yoga. Chaque fois
qu'il se rendait avec ses étudiants et ses dévots dans des lieux anciens de
culte de Shiva ou de la Mère Divine, il m'emmenait dans son groupe. C'est ainsi
que je pus m'imprégner des vibrations divines qui règnent dans ces endroits
magiques, comme, par exemple, au temple de Mahakala à Ujjain la nuit de
Shivaratri, dans la ville sainte d'Ayodhya lors du festival de Rama, à Bénarès
pendant les pujas de l'aube au temple
de Visvanath et d'Annapurna ou lors de l'ascension au temple de Shiva à
Kedarnath. C'est avec lui surtout que j'eus la grâce de passer des jours de
retraite avec Ma dans ses ermitages de Naimishar au bord du fleuve Gaumati et
de Vyndhyachal près du Gange.
C'est à l'ashram de Vyndhyachal, que j'affectionnais
particulièrement, que j'ai vu Ma pour la dernière fois dans sa forme physique,
quoique, à l'époque, j'ignorais totalement que je n'aurais plus la grâce de la
revoir ainsi. C'était environ un an avant qu'elle ne quitte son corps.
Étrangement, après cette dernière rencontre, je n'avais plus ressenti cet
intense désir d'être en sa présence physique. Parfois, cela me faisait douter
de la profondeur de ma foi ou de la sincérité de ma dévotion alors que c'était
Ma elle-même qui, dans son immense amour, me préparait petit à petit à son
départ de notre terre !
Le nom de l'ashram est emprunté à celui
d'un temple très ancien dédié à la déesse Vindhyavasini. Cet endroit est un des
cinquante-deux tirthas ou lieux
sacrés d'énergie féminine - shakti -
où, selon la légende, une partie du corps de la déesse Uma était tombée. Situé
sur une paisible colline dominant le Gange, l'ashram est une bâtisse
rectangulaire avec, au premier étage, une terrasse couverte qui entoure le hall
de darshan de telle sorte que l'on
peut en faire le tour complet - "pradakshina
" -. Un jour, alors que je me promenais sur cette terrasse dans un
sens, Ma est arrivée dans l'autre sens et nous nous sommes retrouvées face à
face. Comme cela se produit spontanément en présence de grandes âmes, l'on ne
peut rester debout devant elles, mais l'on se prosterne tout naturellement à
leurs pieds. C'est ainsi que Ma, dans son immense grâce, me permit de toucher
ses pieds dans un geste d'abandon alors qu'elle se tenait, immobile, devant
moi. Lorsque je me suis redressée, j'ai vu son visage d'une douceur infinie et
l'Énergie divine qui émanait d'elle me pénétra avec des vagues de Joie. Je
restai agenouillée au sol alors qu'elle, lentement, poursuivit sa promenade sur
la terrasse.
Quelques mois plus tard, je devais rentrer
en Italie pour passer des vacances dans notre résidence de Trieste avec mon
mari et une amie. Sans aucune raison logique, le 27 Août 1982, alors que nous
nous rendions en voiture en ville, je me mis soudainement à raconter la vie de
Ma à mon amie, que cela intéressait très peu, tout en me demandant
intérieurement pourquoi j'agissais de la sorte. Dans la soirée, je me sentis
très mal et je souffris de fortes douleurs abdominales mais je ne voulais pas
que l'on appelle un médecin. Je tenais simplement à être entourée de mon mari
et de mon amie et à boire des infusions de camomille. Au lever du jour,
j'arrivai finalement à m'endormir et, après quelques heures de sommeil, je fus
réveillée par un appel de l'Inde : c'était Gaurinath Sastri qui tenait à
m'annoncer personnellement la triste nouvelle du mahasamadhi de Ma avant que je ne l'apprenne d'une autre source.
Encore aujourd'hui, je ne serais pas en
mesure de décrire l'état de choc qui fût le mien. La douleur était si intense que
je n'arrivais plus à respirer. Dans mon désarroi, je courus vers la salle de
méditation qui se trouvait au deuxième étage et où j'avais installé
symboliquement un fauteuil pour Ma. Je me laissai tomber près du fauteuil en y
étendant les bras et je me mis à sangloter comme une enfant apeurée. Alors que
j'étais dans cet état de détresse profonde, je sentis distinctement une faible
pression à l'intérieur de mes paumes ouvertes comme si les pieds de Ma se
posaient délicatement dans mes mains. Elle apparut devant moi, dans cette
position qui lui était si familière, debout, enveloppée dans son châle blanc,
mains jointes et les pieds couverts de petites chaussettes blanches. Son corps
physique n'était plus mais Sa présence demeurerait pour l'éternité.
Malgré ces moments de grâce intense, je
n'arrivais pas à me consoler de sa disparition et les jours et les nuits sans
sommeil qui suivirent furent extrêmement pénibles. Je ne trouvais du
soulagement qu'en voiture, en me faisant conduire sans destination à rejoindre,
sans paroles à prononcer, sans amis à rencontrer et sans mélodies à fredonner.
Même si c'était le plein été en Italie, j'étais tout le temps entourée d'un air
froid qui me glaçait jusqu'aux os. Un jour, alors que nous roulions sans but,
nous sommes passés devant la petite église romane de Duino, le lieu où Rainier
Maria Rilke composa ses élégies. Abritée dans des bosquets au bord d'une
rivière, cette église n'est ouverte que lors de fonctions religieuses spéciales
et sans horaire précis. Lorsque nous sommes arrivés, on y célébrait un mariage
et lorsque nous avons franchi le portail, une voix magnifique s'éleva au plus
haut de la voûte sur les notes de l'Ave Maria de Schubert. C'était Ma à nouveau
qui nous invitait à voir sans nos yeux, à entendre sans nos oreilles le message
Divin qui proclame qu'au-delà des apparences demeure l'union des
contraires : le ciel et la terre, le visible et l'invisible, l'âme et
Dieu, l'immanent et le transcendant, l'atma
et le paramatma. Et lorsque le
silence suivit les dernières notes chantées, une paix profonde et une joie
indicible envahirent mon cœur. La voie intérieure menait, bien au-delà de
l'Union des polarités, vers l'immensité de l'Inconnu où réside, profondément
enfoui, le mystère de la Mère Divine. La vision m'apparut du Seigneur Vishnou
allongé sur son éternel serpent, Ananta, flottant sur l'Océan intemporel de
Béatitude.
OM
JAI MA!
Premamayee
(Caroline Rosso Cicogna) Roquebrune, le 19 Mars
2002
J
O
I
E
Joyeusement, bat mon
coeur...
Om l'habite et résonne en lui.
Irrésistiblement, circule
l'amour,
Eveillé mystérieusement. Je suis.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~~
~ ETRE ~
~~~~~~~
Plus de crainte, plus
de désir,
Plus de besoin, plus de
tristesse...
Je goûte l'instant.
Tout me paraît
Egal...Plus rien ne
m'affecte...
Dieu est Tout...Quelle fête!
Monique Manfrini.
.
Nouvelles
- Après trois semaines
d'hospitalisation à Delhi en novembre à cause d'une brûlure, Swâmî Vijayânanda
s'est bien remis et il va bon pied bon oeil vers ses quatre-vingt-dix ans qui
arriveront dans environ six mois.
- Swami
Nirgunânanda revient en France cet été. Nous donnons déjà les programmes qui
sont fixés :
1. Terre
du Ciel du 17 au 23 août au domaine de Chardenoux près de Lyon 03 85 60 40 terre-du-ciel @ terre-du-ciel.fr
2. Epernon
du 23 au 28 août. Contact Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain 01
34 51 74 41
3. Domaine
des Courmettes, près de Nice, du 9 au 14 septembre contact : 04 93 24 17 00 ou Michèle Cocchi au 06 61 14 20
58
4. Du
15 au 22 septembre, Swâmîjî sera en Angleterre
5. Puis,
il passera quatre semaines États-Unis.
6. Récemment,
il est question d'un programme près de Genève le week-end du 7-8 août :
renseignements Jamshid Anvar 6 route de Comminy 1296 Coppet Suisse 00 41 22 776 19 18
- la retraite de
juillet sur l’écoute du silence à
Dhaulchina avec Swâmî Nirgunânanda et Jacques Vigne est déjà plus que complète
avec vingt-deux participants. Le voyage de la première moitié d’avril pour la demi Koumbha-Méla à Hardwar et un
tour vers Kédarnath se déroulera comme prévu.
Devant le nombre de demandes pour juillet,
nous pensons réorganiser un petit groupe pour une retraite à Dhaulchina à
l'automne du 29 octobre au 14 novembre. Il aura huit ou neuf jours de retraite
de silence à Dhaulchina, et nous descendrons avec Swâmî Nirgunânanda à Kankhal
pour trois jours, qui se termineront par
le jour de la fête des Lumières, Diwali, avant de repartir sur Delhi. Pour
l’organisation bénévole du voyage comme des satsangs sur place, il peut
être plus commode d’être en petit
groupe. Contact: Geneviève
Koevoets - koevoetsg@wanadoo.fr
- Il y a un article de Terre du Ciel d’une dizaine de pages dans le numéro d’hiver
(numéro 66, janvier-février 2004), où Swâmî Nirgunânanda est interviewé sur son
expérience avec Mâ. Il s'intitule : « Je vis l’essence de la
relation ». Par ailleurs, deux membres de l'équipe de Terre du Ciel sont
actuellement à Dhaulchina pour des entretiens avec Swâmîjî. Alain Chevillat a
aussi laissé tomber pendant trois jours le groupe qu’il accompagnait pour venir
à l'ermitage en février. Il va publier dans la revue un nouveau de texte de
questions-réponses de Swâmîjî, Pensées de l'Himalaya, en deux parties.
Il s’agissait à l’origine d’entretiens avec Claire Landais, que Swamiji a
révisé et complété. On peut les trouver en anglais ainsi qu’en français sur le
site de Mâ www.anandamayi.org/ashram/devotees et ashram/French. La version anglaise est en
train d'être imprimée à Delhi en 1000 exemplaires.
- Patrick Mandala nous
informe de ses projets de publications pour la grande majorité avec les
éditions Accarias, il prépare trois volumes sur Mâ Anandamayî, ils contiendront
une traduction à 90 % des cinq volumes de Gurupriya Devî, et des extraits du
livre de Ganguli et des trois volumes d’Amulya Kumar Datta Gupta dont nous
avons donné des extraits dans le Jay Mâ. Il traduira aussi des passages de la biographie de Bithika Moukerjî A
bird on the wing
- Il travaille aussi sur un volume avec des
anecdotes et des satsangs inédits de Râmana Maharshi en deux volumes : le son
du silence. Il prépare également un livre sur l'enseignement de Dudjom Rimpoché
et un commentaire de l'Ashtâvakra-gîtâ sur lequel il travaille depuis une
dizaine d'années. En 2004 doit paraître un roman de lui : Mâyâ, chronique
védiques, qui porte sur l'Inde ancienne mais qui raconte indirectement ses
expériences de l’Inde moderne. Comme dernier livre en cours, il en a un
rassemblant des paraboles contées par Shrî Râmakrishna. Signalons parmi ses
ouvrages passés où il cite souvent Mâ : Le yoga de la Bhagavad-Gîtâ, le Yoga-vâsishtha,
et Aux sources de la sagesse qui rapproche la Grèce de l'Inde, ainsi
que la Voix du cœur. Dans un plus domaine large, il a aussi écrit l’Arbre
de vie et Sarva Annam. Les droits d'auteur de ses livres servent à
soutenir le Mandala Welfare Centre, une institution de service social
à Ootamund dans les Nilgiris, montagnes
du sud de l'Inde. Pour tous renseignements complémentairesr ses activités,
s'adresser à L’arbre de vie, Rue Noblemaire, 74290 Talloires (Lac d’Annecy)
Tél : 04 50 60 75 18
- des extraits du livre La
saturée de joie de Marol vont être publiés par le journal en anglais de la
Sangha de Mâ, Amrita Vartâ : ce sera une reconnaissance posthume pour
Jean-Claude, dont ce livre a été le dernier ouvrage, publié en mi-2001, quelques mois avant son
décès.
- le journal d’Atmânanda est paru à l'automne 2003 chez Accarias. Nous tâcherons
d'en mettre des extraits dans le prochain numéro. Nos remerciements à Râm
Alexander et Lalita Bugnon de Lausanne qui ont soutenu le projet, ainsi qu’à
l'éditeur qui s'est engagé dans ce travail, car il s'agit d'un gros volume, qui
traduit la plus grande partie de l'original anglais de plus de 400 pages.
- un brahmachâri à
l'ashram d'Almora travaille pour taper
le livre de Vijayânanda, In the Steps of the Yogis - écrit il y a déjà quarante ans à Dhaulchina,
et publié par la suite à Bombay par le grand éditeur religieux indien,
Bharatiya Vidha Bhavan. On y trouve toutes sortes de réflexions intéressantes
sur l'Inde et sa religion, nous le mettrons sur le site de Mâ. Des extraits de
la version française y sont déjà, et nous en avons mis dans les deux ‘Jay Mâ’
précédents ainsi que dans le présent numéro.
Renouvellement
des abonnements
La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs abonnements au printemps
dernier. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou pour les nouveaux, il est possible
d’envoyer un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques Vigne à l'adresse suivante :
Nadine Laudebat et José Sanchez-Gonzalez
Maison Augier-Quartier Saint-Martin
84110
VAISON-La-ROMAINE
Tél : 04 90 28 80 23 en cas de besoin.
75005 Paris
Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.
Table des
matières du n°72
Réponses de Ma
Un ermitage idéal par Vijayandanda
Pensées de l'Himalaya Entretiens
avec Swami Nirgunananda
En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukerjî (suite)
En présence de la Mère divine,
Sree Anandamayi Ma
par Caroline
Rosso-Cicogna
Joie Poèmes par M.Manfrini
Nouvelles
Renouvellement des abonnements
Paroles
de Ma
Extraites de
« 100 réponses de Mâ » choisies par B.Mukherji
dans son livre In
Your Heart Is My Abode à paraître avec d’autres textes d’elle aux Editions
Agamat, Paris, sous le titre En
compagnie de Mâ Anandamayi, traduit
de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
Shrî Mâ : tout arrive selon son karma. C'était votre karma de servir votre
enfant pendant quelques années et son karma
d'accepter vos services. Parfois, de grands saints doivent renaître pour
quelque temps afin d'épuiser dans une atmosphère propice les karmas qu'il leur
reste. Quand le processus est terminé, Dieu les reprend. C'est la lîlâ
divine. Certaines fleurs tombent sans
porter de fruits. C’est la voie du monde. Il y a obligatoirement perte et
deuil.
Le père inconsolable demanda : "Où peut-on trouver la force de
supporter de telles pertes ?"
Shrî Mâ : souvenez-vous que l’âtman de l'enfant et votre âtman sont un. L’âtman
n'est jamais né, ni il ne meurt, il est
éternellement, il n'y a que le corps qui
se détache et tombe. Faites effort pour ne pas être attaché au corps et ne pas
pleurer pour lui. Pleurez pour Dieu seul, si vous devez vraiment pleurer.
Souvenez-vous de Lui, répétez son nom sacré. Plongez-vous dans la lecture des
Ecritures, cela vous réconfortera, votre chagrin deviendra bien plus léger. Que
votre vie soit une vie de consécration ! Votre maison elle-même peut être
un ashram. Les souffrances viennent afin de vous rappeler d’orienter votre
esprit vers la recherche des bénédictions divines.
Shrî
Mâ posa ses mains sur le cœur de la dame et dit avec une grande compassion :
"Non, cela ne vous submergera pas de nouveau si vous pensez à Dieu ;
répétez son Nom sacré constamment."
Shrî Mâ : A présent, vous vous souciez de votre mari jour et nuit parce que vous êtes sa femme. Avant de l’épouser, il était pour vous un étranger et vous n'aviez pas d'occasions de penser à lui. De même, on doit tout d'abord établir une relation avec Dieu en adorant une de Ses formes qui puisse captiver votre cœur. Ce lien de familiarité accroîtra votre intensité et vous remplira avec des pensées à propos de Dieu lui-même. A travers ce mari, pati, le bonheur vient à vous tout comme le malheur. Mais la félicité vient seulement de ce Seigneur, Pati. Néanmoins, votre mari est aussi est une forme de cet Un suprême, si donc vous pouvez penser à lui en tant que tel, vous penserez constamment à Dieu lui-même. Tout et tous sont Ses formes, Lui seul est.
Shrî
Mâ : Tout est possible avec la miséricorde divine. S'il donne Sa grâce,
qu'est-ce qui ne peut être accompli en
un instant ?
Question
: De toutes façons, avant que je meure, je dois l'atteindre ! S'il vous plaît,
dites-moi comment.
Shrî
Mâ : Vous devez être immobile autant que possible et méditer dans la solitude.
Au lieu de cela, vous vous êtes mis sur le dos tellement de travail qui vous
oblige à donner votre attention aux affaires du monde !
Question
: mais je ne veux pas me retirer du monde. Pourquoi ne puis-je pas avoir la
Réalisation ici et maintenant, au milieu de mes activités du monde ?
Shrî Mâ hocha la tête en disant : Cela ne peut pas être. Considérez cela sous
cet angle : quand vous souhaitez écrire une lettre, vous ne le faites pas en
public. Vous prenez votre stylo et votre papier et vous asseyez toute seule.
Une fois écrite, vous pouvez la lire aux autres. Une fois que le Soi est
réalisé, la question de vivre dans le monde ou en solitude et ne se pose pas.
Mais tant que vous luttez pour cela, vous devez être vivre à l’écart.
Question : Mâ,
l'autre jour, vous m'avez demandé de faire le japa de Gayatrî. Pourquoi?
Shrî Mâ : J'ai vu qu'il y a avez
une cordelette sacrée sur votre épaule. Si on vous demande de décliner votre
identité, vous direz : "Je suis un brahmine". Ainsi, vous devez
effectuer les pratiques d'un brahmine. Vous n'avez pas à vous demander pourquoi
ou à cause de quoi. Comme vous arrosez les racines d'une plante, pratiquez un
petit peu de japa tous les jours. Qui sait, la plante peut revivre, vous
pourrez ressentir un vrai besoin de faire vos pratiques avec un grand sérieux.
Question : Mais je ne peux pas suivre les règles de régime, etc.
Shrî Mâ : Vous n'avez pas besoin. Souvenez-vous simplement du mantra. C'est
ce que je dis, maintenant la balle est dans votre camp.
Conversations récentes
avec
Swami Vijayananda
Q. - Vaut-il mieux
suivre la voie de la dévotion, ou celle de la connaissance?
R. - Toutes les deux
sont nécessaires, comme les deux ailes d'un oiseau lui sont indispensables pour
voler. Mais chez certains la dévotion prédomine, alors que chez d'autres c'est
la voie de la connaissance qui prend plus d'importance. Ma disait que connaître
le Soi c'est connaître Dieu, et connaître Dieu c'est connaître le Soi: à la fin
les deux voies se réunissent, quelle que soit celle à laquelle on s'est
consacre en priorité.
L'idéal est en réalité
de combiner toutes les voies: connaissance (méditation, discrimination -
discernement, lecture des Ecritures sacrées), dévotion, karma-yoga, japa.
Pour les personnes qui
suivent le Vedanta, la dévotion est
dirigée vers le Guru, en qui l'on
voit - au-delà de sa forme physique - le Divin suprême; en effet, en réalité le
seul Guru est l'Absolu, qui se
manifeste à travers des sages fonctionnant comme un canal. Ils sont des
conducteurs plus ou moins efficaces de cette énergie divine en fonction de leur
niveau, et seul un Sadguru (qui a
atteint la Libération complète) est un super-conducteur, qui transmet le
pouvoir divin totalement et sans l'altérer.
Q. - Est-ce que le
renoncement (au confort matériel, aux plaisirs mondains etc.) est une étape
importante dans la sadhana?
R. - Oui, si c'est
définitif. Mais les renonçants véritables sont rares, et quoi qu'il en soit on
peut aussi suivre une discipline spirituelle tout en vivant dans le monde.
C'est une question de maturité et d'intensité de l'aspiration spirituelle.
Prenez le cas de deux enfants qui sortent de l'école et rentrent chez eux: l'un
souhaite si ardemment retrouver sa mère qu'il court la rejoindre, alors que
l'autre s'arrête en chemin, flâne, bavarde et rentre plus tard.
Q. - Est-ce que le
renoncement total a été difficile pour vous?
R. - Non, parce que la
joie d'être près de Ma rendait toute autre chose insignifiante. A propos de
détachement, Ma racontait volontiers l'histoire suivante:
Un roi très religieux
souhaitait ardemment poser à un grand Sage quatre questions à propos de Dieu.
Il offrit publiquement une forte récompense à qui lui donnerait des réponses
satisfaisantes. De nombreux savants et sages tentèrent leur chance, mais le Roi
n'était jamais satisfait. Un mendiant, qui demandait depuis un long moment à
pouvoir offrir ses réponses, fut enfin - en désespoir de cause - admis auprès
du Roi. Celui-ci lui posa sa première question: "Où Dieu vit-il?" La
réponse fut "Où ne vit-il pas?". Le Roi, enchanté, poursuivit:
"Qu'est-ce que Dieu mange?" "Il mange des égos."
"Quand Dieu
rit-il?" À cette troisième question, le mendiant répondit: "En deux
occasions: Dieu rit quand un père meurt et ses deux fils divisent en deux le
terrain qu'il leur laisse en disant: ceci est à moi, cela est à toi, puisque
tout appartient à Dieu. Dieu rit aussi lorsqu'un bébé encore dans le ventre de
sa mère et souffrant d'être à l'étroit, demande à Dieu de le laisser sortir, en
promettant de faire ensuite beaucoup de japa,
de méditation etc. - et ensuite, quand celui-ci accède à sa demande, il oublie
ses promesses".
Alors le Roi, très
heureux, posa sa dernière question. " Que fait Dieu?" Le mendiant
répliqua: "C'est une atiprashna
(question transcendantale), donc pour y répondre, il faut que je sois assis sur
votre trône et vous à ma place". Le Roi accepta. Une fois assis sur le
trône, le mendiant resta silencieux. Alors le Roi lui demanda de donner sa
réponse, qui fut: "C'est cela même la réponse! Dieu fait que les rois deviennent
mendiants et les mendiants deviennent rois".
Q. - Parliez-vous avec
Ma de questions personnelles, mises à part celles concernant la sadhana?
R. - Ce n'était pas
nécessaire, puisque je communiquais mentalement avec Elle.
Q. - Vous êtes-vous
totalement abandonné à Sa volonté?
R. - Je suivais
précisément les conseils de Ma concernant tout ce qui est physique; si Elle
m'avait dit de me jeter dans le Gange, je l'aurais fait sans hésitation. Mais
concernant le mental et les émotions, je voulais maintenir un parfait contrôle.
Q. - Est-ce que Ma était
parfois dure avec les disciples?
R. - Elle pouvait
prendre une expression sévère quand nécessaire, mais c'était par Amour.
Q. - Comment peut-on se
débarrasser des doutes?
R. - Il ne s'agit pas de
les éliminer, mais d'y faire face, car c'est une étape nécessaire pour acquérir
une foi profonde et solide.
Si vous avez des doutes
à propos de l'utilité de votre pratique spirituelle, rappelez-vous que la
conquête de soi-même est la plus grande qui soit. Elle mène à n'avoir plus
besoin de quoi que ce soit venant de l'extérieur.
En outre, l'Union
mystique (intérieure) est la seule qui soit satisfaisante, qui amène à une paix
totale accompagnée d'une Joie infinie.
Q. - Comment se protéger
quand l'on devient très sensible pendant la sadhana?
R. - En répétant
constamment le mantra, en respectant
le Dharma en toutes choses même pour
les plus petits détails, et en gardant un mental calme.
Q. - Et comment calmer
le mental quand il est très agité?
R. - En l'observant avec
diligence; en le considérant comme un cheval à dresser de manière à la fois
ferme et douce. Il s'agit de cesser de s'identifier avec le mental et les
pensées, et bien sur avec le corps. La méditation est une grande aide pour
cela.
Q. - Comment considérer
la peur de mourir?
R. - L'instinct de
conservation (de survie) existe pour protéger le corps, et crée une peur de la
mort qui est à la base de toutes les peurs. Cela crée en même temps une
conscience de l'impermanence, qui nous réveille en nous rappelant qu'il ne faut
pas perdre de temps: nous devrions faire tout notre possible pour éliminer les
obstacles et les voiles qui nous séparent de notre réelle Nature, le Soi
éternel.
Q. - Et comment
conquérir la peur?
R. - Quand une peur ou
une autre émotion arrive, il importe de s'arrêter et de faire face à la
sensation physique - généralement déplaisante - qui en est à la base. Il s'agit
d'observer les sensations subtiles du corps qui créent les émotions, sans
laisser le mental les interpréter ni s'agiter. On peut conquérir la peur en
allant à sa source, qui est en nous et non dans son objet.
Q. - De nombreuses
personnes en Occident parlent de "jouir de l'instant présent". Qu'en
dites-vous?
R. - Le moment présent
est conscience, et non jouissance. Etre conscient de tout ce qui est maintenant
mène pas à pas à la réelle Joie de l'Unité, alors que jouir des plaisirs
mondains apporte nécessairement de la souffrance, puisque cela fait partie de
la dualité, où l'on est la proie des paires d'opposés.
Q. - Est-ce que la capacité
à supporter la souffrance physique aide au contrôle du mental?
R. - Oui, parce que la
douleur est généralement seulement 10% physique, alors que 90% vient du mental
qui ajoute des interprétations, associations d'idées, souvenirs etc. En tentant
d'éviter la douleur, de la fuir en se réfugiant dans le mental, on ne fait que
rendre la douleur plus forte. En revanche, si on la regarde en face, calmement,
en silence, la douleur revient à ses proportions réelles, souvent très
supportables, et parfois même elle disparaît! Le contrôle du mental et la
capacité à supporter la souffrance vont de pair et aident à acquérir une
stabilité intérieure.
Q. - Pourquoi est-ce
qu'il est nécessaire d'appendre à se restreindre et à maîtriser ses désirs dans
la pratique spirituelle?
R. - La maîtrise de soi
est ce qui rend un être humain différent des animaux, et c'est indispensable à
toute vie sociale. C'est spécialement important en sadhana (pratique spirituelle), parce que la capacité de contrôler
ses propres émotions - c'est la base – ainsi que les actions et pensées est ce
qui permet au sadhaka de tourner son
attention vers l'intérieur, au lieu de laisser le mental être attiré par toutes
sortes d'intérêts et plaisirs extérieurs, qui ne sont que la réflexion du
bonheur du Soi.
Le fait de regarder en
soi et de se connaître soi-même est l'essence de la sadhana, et c'est possible seulement avec un bon self-control. En
effet, sans cela l'attention et l'énergie vont dans la "mauvaise"
direction, vers les plaisirs des sens etc. Ce n'est qu'en maîtrisant son mental
et en sachant renoncer à la satisfaction de certains désirs que l'on peut se
concentrer sur la sadhana. Il est
important d'éviter les extrêmes et la rigidité: pendant la période de
prohibition de l'alcool aux Etats-Unis, il y a eu beaucoup plus de consommation
d'alcool et de gangsters qu'avant! De même, si vous vous interdisez quelque
chose de manière absolue, votre mental risque ensuite de chercher à se
rattraper voire de se venger! Le mieux est de céder un petit peu; par exemple
si vous avez envie de chocolat prenez-en régulièrement une petite quantité,
plutôt que de vous en priver puis d'en manger une plaque entière! Ne luttez pas
contre le mental comme s'il s'agissait d'un ennemi; expliquez-lui gentiment,
comme à un enfant, que ce qu'il cherche est tout à fait légitime, puisque le
bonheur et la paix sont notre vraie nature, mais qu'il les cherche dans la
mauvaise direction, vers l'extérieur, là où tout est transitoire et tôt ou tard
décevant. Une paix durable et le vrai bonheur ne peuvent se trouver qu'à
l'intérieur. Le désir (l'attraction vers les choses extérieures) est dû à un
effet de miroir: on croit voir dans les objets le bonheur qui est en réalité en
nous, et on court après une image de miroir.
Q. - Que faire lorsqu'on
se sent découragé?
R. - Pensez à l'histoire
que racontait Ramdas: quand vous voulez casser une grosse pierre, il faut
frapper de nombreuses fois; pendant un long moment cela ne semblera produire
aucun effet, mais en réalité, chaque fois que vous frappez, les molécules de la
pierre sont modifiées, et cela prépare le coup final: soudain, quand on ne s'y
attend pas, cela explose. C'est pareil en matière de sadhana; chaque effort compte, même lorsque cela semble inutile. Et
un jour vos efforts porteront leurs fruits. Patience et persévérance sont
essentielles. À ce propos, vous avez peut-être remarqué que lorsque vous avez
de la difficulté à vous endormir, il vaut mieux ne pas chercher à dormir car
faire des efforts accroît la tension qui empêche de dormir; en vous relaxant
cela viendra tôt ou tard naturellement. À un certain stade de la sadhana, il faut aussi adopter cette
attitude à propos de la Réalisation. Au début des efforts et un intense désir
de Réalisation sont indispensables, mais vers la fin il faut lâcher tous les
désirs y compris celui-ci, et l'état sans effort pourra s'installer.
Q. - Pourquoi est-ce que
certaines personnes ont obtenu la Réalisation du Soi alors que beaucoup
d'autres ont encore tant de chemin à parcourir avant d'arriver à la Libération?
R. - Du point de vue
d'un grand sage, nous sommes tous déjà au stade de la Réalisation. Un jour,
j'ai demandé à Ma de me donner la Libération. Elle m'a répondu "Mais tu ES
libre!"… C'est seulement le voile de l'ignorance qui fait que les gens
pensent qu'ils sont loin de la Réalisation et qui les fait agir en conséquence.
C'est pourquoi la sadhana consiste
principalement à enlever progressivement ces voiles (constitués des émotions
négatives, des croyances etc.), et à agir conformément à de solides principes
moraux et au Dharma.
Q. - La Grâce divine est
toujours présente, mais souvent nous ne savons pas être réceptifs. Que faire
pour s'ouvrir à la Grâce?
R. - En récitant
constamment votre mantra avec amour,
en pensant à sa signification (donc si possible pas mécaniquement). Et en
vivant une vie pure, notamment en évitant de faire du mal à quiconque, en étant
parfaitement honnête etc.
Q. - Est-il vrai que si
je pense être une personne qui commet beaucoup de "péchés", alors je
le deviens?
R. - Oui, vous devenez
ce que vous pensez, alors ne vous identifiez pas avec votre mental, mais avec
votre vrai Soi, qui est pur! Et pensez à Ma (ou à toute autre manifestation du
Divin suprême) aussi souvent et intensément que vous le pouvez. Quand vos pensées
s'échappent en direction de ce que vous appelez un "péché", observez
ces pensées sans faire ce qu'elles vous suggèrent de faire. Regardez-les
simplement, sans jugement, et laissez-les passer, en vous souvenant qu'elles ne
sont pas vous, c'est juste votre mental, alors que vous êtes le Soi.
Pensées
de l’Himalaya
Par Swami
Nirgunananda
Quel est le rôle de la poûjâ
(culte) dans la voie de la dévotion ?
Essayons
d'abord de comprendre ce qu'on veut dire par poûjâ. La poûjâ est un ensemble
d'actions effectuées avec amour, pas simplement un rituel. Cela me rappelle
une des expériences que j'ai eues avec Mâ. Elle m'a demandé d'effectuer la poûjâ de la déesse Kali dans
le temple qui lui est dédié à notre ashram de Delhi à l’occasion de chaque nuit
de nouvelle lune pendant un an. À cette époque, j'ignorais tout à fait les
rituels des poûjâs. Trois jours avant la première poujâ, Mâ m'a
appelé sur la terrasse de l'ashram de Vrindâvan et m’a dit qu’un prêtre de
Bénarès devait venir m’enseigner les détails de la poûjâ. Elle me donna en fait
toutes les instructions possibles précisément,
y compris comment cuire la nourriture pour offrir à la déesse et les
aliments qu’on devait préparer.
Elle
se mit ensuite à me montrer comment peler et couper les pommes de terre, les
aubergines et d'autres légumes. C'était l’heure du darshan du soir de Mâ (son
apparition devant les fidèles) et ceux-ci attendaient Mâ en dehors du bâtiment, ils étaient des
centaines à être là. Je pensais en mon for intérieur : "Quelle perte de temps
pour un sujet aussi insignifiant ! Elle pourrait facilement me dire quoi faire
à la place de le montrer ! Je suis assez intelligent pour faire comme elle
dit." Mais bien sûr, voir Mâ faire tout ceci en pleine attention et avec
une perfection méticuleuse était en soi
une scène digne d'être contemplée. Après avoir fini, elle dit : "Ta
poujâ a
commencé dès maintenant. Tout ce que tu fais, si c’est fait avec amour
pour le divin, cela s'appelle poûjâ."
Tout ce qui est fait avec amour est la clé de la perfection.
Quel est le rapport entre perfection et
bonheur ?
Une histoire : un
jour un grand violoncelliste va jouer en concert. Il accorde son instrument
dans sa loge, il joue. C’est parfait. Tout d’un coup, il a soif. Il n’y a pas
d’eau dans sa loge. Il descend un instant au bar du théâtre. À ce moment-là, un
petit garçon entre dans la loge. Il joue du violoncelle. Pour de bons
musiciens, c’est de la très mauvaise musique mais pour l'enfant, c'est un
plaisir immense. Il y a mis tout son cœur et il trouve la musique qu’il extrait
des cordes, très belle. Pour le maître, ces sons seraient pénibles, mais
l'enfant est très heureux. Il est très difficile de généraliser la notion de
perfection. Tout est parfait en son genre. Notre vie est une magnifique
composition. La vie de Mâ était la plus belle composition qui soit. Il y avait
de la beauté dans tous ses gestes, comportements et paroles.
Quel est le sens de
votre nom Nirgunânanda, et qui l’a choisi pour vous?
Ni signifie
« non » et gun signifie
« attribut » ou « qualité ». Nirgunânanda signifie
donc « la félicité de la non-attribution ». Quant au choix du nom,
j'ai entendu l’histoire suivante de la bouche même de Swâmî Bhaskarânanda quand
il m'a initié au sannyâs. Brahmacharis Bharatjî, Kusumjî et Tapapanjî étaient
trois ascètes, des aînés de notre ashram. Après avoir achevé trois années de
disciplines et pratiques intenses et
austères, ils devaient recevoir une initiation dans une catégorie particulière
d’ascètes, avec de nouveaux noms. Ils souhaitaient que la première partie du
nom de Mâ soit aussi la première partie de leur nouveau nom. Le nom de Mâ était
Nirmalâ. On décida ainsi que tous les trois nouveaux noms devraient contenir nir
en tant que première partie. Mâ elle-même a sélectionné les noms Nirmalânanda
pour Tapan, Nirvanânanda pour Kusum et
Nirgunânanda pour Bharat.. C'est une tradition répandue et aussi une directive
scripturaire que la première syllabe du nom d’origine doit être aussi la
première syllabe du nouveau nom. Or, le pandit qui menait la cérémonie était
très méticuleux dans l'observance des instructions de s Ecritures. Il émit
une objection à propos de ces nouveaux noms. Deux brahmachâris ont refusé
catégoriquement de changer leur nom. Mâ était embarrassée, elle essaya de
trouver un compromis. Elle demanda au pandit si cela conviendrait que seul un
des noms soit modifié pour être en accord avec les instructions scripturaires.
Le pandit accepta. Mâ a demandé à Bharat, le futur Bhaskarananda s’il serait
d’accord d’abandonner le nom qui avait
été prévu. Comme c’était Mâ elle-même
qui demandait, il a accepté.
Quand j'ai souhaité
prendre le sannyâs, j’avais sélectionné le nom Shanmbhavânanda. Cela va
bien avec la tradition. Je m’appelais Shantivrat, j'ai donc choisi un nom qui
commençait par un « Sh », en fait c’était un nom qui n'était pas
commun, c'était un nom "moderne". Il faisait référence à une épithète
de Shiva, Shambu [être paisible] et de sa parèdre Shambavî. Dans la pratique
quotidienne, je rends un culte au Shrî Yantra qui est associé à Shambhavî. De
plus, c'est une référence au Shambhavi moudra dans la voie du Yoga où
les yeux sont ouverts, mais l'attention est dirigée à l'intérieur. Ceci
représente une pratique de l'unité entre le monde extérieur et intérieur, ce
qui est signifiant pour moi. Swâmî Bhaskarânanda était celui qui devait me
donner l’initiation au sannyâs et le nouveau nom. Au début, j'étais réticent à
prendre le nom qu'il me proposait, mais quand il m'a raconté l'histoire, je l’ai accepté :
c’était un grand honneur pour moi de recevoir ce nom même qui avait été choisi
par Mâ et que mon dikshâ âchârya me l’ait offert.
Est-ce que le chagrin qui vient du passé est
inévitable ?
Le chagrin et les
souffrances sont toujours des choses du passé. Toutes les religions nous
enseignent des manières d'échapper aux souffrances et d'être dans un bonheur
perpétuel. Il me faut vous raconter une des expériences grâce auxquelles j'ai
appris la manière d'échapper au chagrin.
À Calcutta il y a un endroit appelé Dhapa qui a toujours été utilisé comme une
déchetterie. Il y a quelque temps, je passai en voiture avec un ami près d'une
ville nouvelle proche de Calcutta. Je
remarquai une cité neuve, propre avec des routes larges, une architecture
moderne, des parcs et des jardins. Avant d'embrasser la vie ascétique, j'avais
résidé à Calcutta pendant pratiquement vingt-cinq ans et j'étais tout à fait
familier avec les endroits dans et autour de la ville. Je me renseignais sur ce
lieu, et mon ami m’a dit que cette ville nouvelle avait été construite sur la
déchetterie de Dhapa. Ce fut une révélation pour moi. Si je creuse profondément
dans le sol de cette belle cité toute neuve, des couches entières d'ordures qui
y ont été jetées depuis deux cent ans en
ressortiront. Mais pourquoi donc devrais-je le faire, quand je peux profiter de
la beauté d'une ville moderne et propre, en laissant les déchets par-dessous ?
Nous ne serons pas capables d'effacer les souvenirs du passé, mais nous pouvons
nous construire une vie belle et
heureuse en laissant de côté la tristesse du passé, là où elle est. Notre vie
doit être comme une cité moderne construite sur des dépôts d'ordures.
Comment prenez-vous
le décès de Marol ?
[Claire était une amie
de Marol, et réfléchissait sur sa mort précoce de cancer survenu six mois auparavant
sa venue à Dhaulchina, c'est-à-dire en octobre 2001. Marol a été un fidèle de
Mâ en France pendant des années. Il était écrivain et a publié à Paris trois
livres rassemblant des paroles de Mâ ; il avait rencontré Nirgunânanda
près de Paris il y a quelques années, et depuis cette époque, communiquait
régulièrement avec lui]. La première fois, je l'ai rencontré quinze minutes
seulement. J'avais entendu dire que Marol était un écrivain, un poète, un
dessinateur d’humour spirituel et plein
d’esprit, quelqu'un qui avait du génie. Je désirais le rencontrer. Nous avons
parlé de nos points de vue respectifs sur Mâ. Il soutenait une manière de voir
qui était tout à fait différente de la mienne, mais je l'écoutais. Je n'ai pas
émis d'objections à son point de vue parce que je crois que chacun est dans la
vérité à partir de la où il en est. Il en fit de même quand j’exprimais ce que
j'avais à dire. Je ne sais pas pourquoi, mais Marol s'est mis à m'aimer. Il
avait l'habitude de dire que j'étais son frère, son ami, son enseignant et son
fils. Moi aussi, j'ai trouvé quelque chose de très attirant chez lui, il m'a
donné beaucoup plus que ce que j'attendais. La dernière fois que je l'ai vu à
Paris, il était très malade et je savais qu'il ne survivrait pas, mais on ne
peut pas lancer ce fait à la figure de
quelqu'un. Depuis ce moment-là, il a pris l'habitude de m’appeler une ou
deux fois par jour, où que je sois, cela
pouvait être en Suisse, en Italie, en
Angleterre, à Dehli ou à Almora. Malheureusement, pendant les derniers jours,
il ne pouvait communiquer avec moi. Les lignes téléphoniques étaient trop
mauvaises. J'ai été informé de son décès par Jacques Vigne qui enfin a pu me
joindre.
Ma vieille mère âgée de
quatre-vingt-seize ans est aussi décédée en juillet 2001. Cela a été également
un choc momentané pour moi. Mais j'ai pu le gérer de la même manière. À chaque
fois que je sentais leur absence, j'ai essayé de me souvenir des bons moments
passés avec eux. À la fois ma mère et Marol sont vivants dans ma mémoire et je
peux être avec eux dès que je le souhaite.
Ce qui nous rend
heureux, c'est d'avoir une relation avec nous-mêmes ; mais tout seul, nous ne
sommes pas capables d'avoir cette relation ; nous ne pouvons faire
l'expérience de cet amour que nous avons en nous-mêmes sans aimer quelqu'un
d'autre. Ainsi, nous avons des relations et nous existons dans les autres comme
dans des miroirs. Ce miroir que Marol a été
semble avoir été brisé dans le monde extérieur, mais le miroir intérieur
est toujours intact.
Comment avez-vous
ressenti le départ de Mâ ?
Lorsque je l'ai appris,
cela a été le plus grand choc de ma vie.
C’était quand je revenais du
pèlerinage du Mont Kailash, nous venions de traverser la frontière chinoise et
étions entrés dans le territoire indien, un militaire qui escortait les
pèlerins nous a annoncé la nouvelle. Au début, je ne pouvais y croire. Le
militaire me dit que cela avait été
diffusé à la Radio nationale indienne le 27 août 1982 dans la soirée. Il
m’a semblé que le ciel m'était tombé sur la tête. J'avais le mental paralysé,
en état de choc. Une chose dont je me souviens, c'est que j'ai désiré me
suicider en sautant d'une falaise dans les hautes montagnes. Un des moines plus
âgé de notre ashram qui venait par-derrière m’a vu et m'a sauvé de ce suicide
Comment vous êtes
réconcilié avec ce fait du départ de Mâ ?
Cela m'a pris longtemps,
mais maintenant, je sens que j'aime Mâ
de la même manière que lorsqu'elles étaient dans sa forme physique. Si je
prétends aimer Mâ, je dois aimer ses paroles également. Elle a dit :
"Souvenez, où que vous soyez, à
chaque instant, ce corps vous regarde constamment ; mais vous ne voulez
pas me voir, qu’y puis-je?" Cette parole de Mâ m'a apporté une grande consolation
et j'ai été pénétré de la conviction que Mâ était toujours avec moi.
Les souvenirs de
Marol me rendent triste. Comment puis-je dépasser cela ?
C'est tout à fait
naturel de ressentir de la tristesse lors d’un deuil. Y a-t-il un moyen de le
ramener la vie ? Vous ne pouvez défaire ce qui est inévitable et destiné.
La mort peut être la fin de la vie physique de celui que vous aimez, mais pas
de votre vie. Vos souvenirs sont des parties intégrantes de votre vie. Ils
resteront vivants tant que vous le serez. Celui que vous aimez est mort mais
non pas votre amour pour lui. Souvenez-vous, vous aimez quelqu’un parce que
vous aimez l’aimer. C’est l'amour pour vous-même qui vous fait aimer les
autres. Ramenez dans le présent les souvenirs du passé et soyez avec eux.
Qu’est-ce que fait
Marol ?
Marol ne fait plus aucune action avec son corps. Vous pouvez imaginer
qu'avec son corps subtil il est avec Mâ et qu’avec Mâ il est heureux. Vous
aimez Mâ ? Oui, alors vous aimez son corps, son esprit et aussi ses
paroles. Mâ disait qu’elle est partout. Elle est donc aussi avec Marol.
Qu’est-ce que pense Marol à présent?
Quand Marol était là, vous ne saviez pas non plus ce qu’il pensait. Vous
saviez juste ce qu’il en exprimait, et ce n’était pas le tout de son monde
intérieur.
Comment avoir des échanges avec Marol ?
L’amour, dans son essence véritable, n’attend rien. D'abord, demandez-vous
pourquoi vous désirez échanger avec lui ? C'est l'évidence que vous ne pouvez
revenir sur sa mort. Mais votre amour pour lui vous fait désirer échanger avec
lui. Vous avez ses souvenirs à l'intérieur, avec leur aide, ramenez-le à la vie
dans votre imagination. C’est quelque chose que l'on fait souvent pendant la
vie quotidienne quand celui qu'on aime n'est pas physiquement présent auprès de
soi.
Mâ a dit que nous
devrions être comme des enfants, le mais la réalité, c'est que nous avons
grandi. Comment est-ce possible ?
Il est vrai qu’en passant à travers l'enfance et adolescence, nous avons
atteint l'état adulte.. Mais les
souvenirs de notre enfance et de son innocence sont toujours en nous. Essayez
d'emprunter de nouveau les chemins de la mémoire, de récupérer ces souvenirs et
soyez avec. Si vous ne pouvez vous reconvertir en un enfant, vous pouvez tout
de même essayer de sentir ce que ça fait d'être un enfant.
Les émotions créent des problèmes dans la vie comment les gérer ?
Toutes les émotions ne
sont pas en problématiques. Avant d'aborder ce sujet, essayons de trouver la
place des émotions dans notre vie. Les émotions sont des états mentaux qui
proviennent des interactions que nous avons avec le monde des objets. Ce monde
des objets n'est pas seulement en dehors de nous, nous l'avons aussi à
l'intérieur. Or, la question se pose de savoir si nous pouvons effacer ces
émotions qui sont à la racine de nos problèmes ? Est-ce que nous avons même besoin
de les effacer ? La réponse à ces deux questions est simplement
"non". Examinons à présent quelques émotions l'une après l'autre :
Le désir : Les désirs sont des signaux en retour de notre
vie même, celle-ci serait paralysée sans désirs et semblerait dépourvue de
sens. En tant que tel, les désirs ne peuvent être appelés la racine du malheur.
L'accomplissement de désirs nous procure le bonheur. On dit qu'il faut mériter
avant de désirer [first deserve, then desire]. Mais la plupart du temps,
nous désirons quelque chose que nous ne méritons pas, voilà la racine de nos
problèmes ! Ce qui est nécessaire, c'est de poser les limites à nos
désirs. Et la culmination de tous nos désirs, c’est Dieu.
La colère : L’envie non satisfaite est la mère de la colère. En d'autres
termes, on peut dire que quand notre attente rencontre un obstacle, la colère
vient. Nous avons besoin d'un objet contre lequel nous mettre en colère. Que
Dieu soit l’objet de notre colère, de
cette manière, nous pourrons avoir un souvenir constant de Lui.
L'avidité : Il y a une différence entre l'avidité et
les désirs. Nous sommes poussés à posséder plus que ce que nous avons déjà. En
tant que tel, et il n'y a rien de mauvais là-dedans tant que cela ne s’opère
pas aux dépens du bonheur des autres. Soyez avides de la grâce de Dieu.
Egoïsme : projeter son propre moi devant les autres afin d'établir son
existence même est inhérent à la nature humaine. Mais des fois, nous nous
projetons afin de prouver notre supériorité sur les autres. Quant la personne
en face agit de même, c'est là que commence le choc des egos. Souvent, on dit
qu'il faut se débarrasser de l'ego et que ce sera la fin de tous les problèmes.
Il se peut que ce soit une notion savante, mais est-ce praticable ? Mon
existence même dépend de ce sens de l’ego, d’un soi fonctionnel. Comment
serait-il possible de se débarrasser de ce soi par ce même soi ? L’ego ne
causera pas de problèmes tant que je ne cherche pas à prouver ma supériorité
sur les autres. Défiez en combat singulier l'ego de Dieu et voyez comme vous
vous amuserez !
La jalousie : c'est une expression de complexe d’infériorité,
un état mental de frustration. Ceux qui ne possèdent pas sont toujours jaloux
de ceux qui possèdent. On n'est jamais content de ce qu’on a et on devient fou de ce
qu’ont les autres. Soyons satisfaits avec ce qui a été offert par Dieu.
Ces états émotionnels ne sont rien que le résultat des interactions de nos sens
avec le monde des objets et sont transitoires. Ils viennent comme des tempêtes
et s'en vont. Si l'on essaie de considérer ceci du point de vue du témoin, on
sera moins malheureux.
Est-ce que des changements de voies sont à conseiller dans la pratique
spirituelle ?
Si on a commencé sur une voie juste, la question de la changer ne se pose
pas, même jusqu'à la fin. Il n'y a pas de voie spirituelle qui soit mauvaise en
elle-même. Il y a une chose qu'on doit toujours garder présent à l’esprit,
c'est que le but spirituel n'est pas limité par le temps. Une fois que j'ai
commencé à suivre une voie, je dois
continuer à essayer d'avancer dans sa direction avec une attention
imperturbable et de la sincérité. La vie est trop brève pour tester au hasard
des chemins spirituels les uns après les autres.
Quelle est la signification des mots sâdhanâ et
tapasyâ ?
Ce
sont des mots sanskrits. Le sens littéral du mot sâdhanâ est pratique
spirituelle, celui du mot tapasyâ pénitence. Mâ les définissait à sa
façon ; elle disait, comme nous l'avons mentionné : swa dhan
praptir holo sadhana, cad « la manière de retrouver son propre trésor, voilà ce qu'on
appelle sâdhanâ ». Pour tapasya, elle
disait : tapasya holo tap saha, cad
« endurer, s’adapter à la ‘chaleur’
du monde, voilà la tapasyâ ». En sanskrit, swa signifie soi-même et dhan richesse ou trésor. Tap veut dire chaleur et saha endurer ou s’adapter.
Le plus grand des trésors, celui auquel on aspire à tout jamais, c’est la félicité ou la paix qui réside
au-dedans de nous. Nous les oublions pour les rechercher dans le monde ;
la sâdhanâ montre la voie vers l'intérieur à un aspirant spirituel et le rend
capable de reconnaître son propre trésor.
En général, les gens font du mot tapasyâ un synonyme de
souffrance durant le travail spirituel.
Si le but ultime de la spiritualité, c'est un état de félicité et de
bonheur perpétuel mais qu’on l’associe avec la
souffrance, on ne pourra expérimenter la félicité pure. On doit comprendre clairement la différence
entre tapasyâ et souffrance. Prenons par exemple une comparaison :
Deux
personnes travaillent à casser des cailloux pour gagner leur vie au jour le
jour. L’un d’eux est un moine qui désirait acheter une guirlande de fleurs pour
son dieu bien-aimé : comme il n’avait pas d'argent, il s’est mis au
travail. L’autre est un ouvrier ordinaire payé à la journée. Le moine, tout en
accomplissant son labeur, imagine son dieu avec la guirlande autour du cou et
prend plaisir à son travail tandis que l'autre pense seulement à ce que la
nuit tombe pour que s’achève son labeur.
Tous les deux font le même travail, y dépensent la même énergie et en
retireront le même salaire. Pour le moine, le travail est de la tapasya, pour l'autre, le même
labeur est de la souffrance.
Propos recueillis
par Claire Landais
et révisés par
Swamiji en janvier 2004
Védanta
et modernité
Vers une compréhension de l'ontologie de la
félicité dans le contexte de la
modernité.
Comment doit-on connaître la
Félicité suprême et indicible qu'on réalise directement en tant que
"Ceci" ? Brille-t-elle de sa propre fulgurance - ou la voit-on resplendir de façon distincte ?
Kata-Upanishad II. 2-14
Nous avons vu dans la première partie que
Bithikâ Mukerjî était allé étudier au Canada. Elle y a réfléchi sur le lien
entre tradition et modernité, en particulier à propos du védanta. Il se trouve
que les éditions Agamât, de par leur nom même "qui provient de la
tradition" ont pour vocation de mettre
en évidence les sources traditionnelles dans leur authenticité. Dans ce
contexte, il m'a paru intéressant de résumer le livre Neo-védanta and modernity qui rassemble les
recherches de Bithika sur le sujet. La plus grande partie du texte ci-dessous
est constituée de citations directes de celle-ci que j’ai reliées par de
brefs résumés ; si j’ai dû ajouter
des idées pour éclaircir ou pour avancer une opinion différente de la sienne,
je l’ai fait en note. Bithikâ commence à rappeler son expérience d’un an de
session œcuménique en 1972 de Genève, dont
elle a parlé à la fin de la partie précédente :
"Pour la première fois, j'ai pris
conscience des dimensions multiples qui
constituent l'Occident. Les étudiants venaient de nombreux pays et de multiples
confessions, et tous avaient une bonne formation en théologie. Cela a été pour moi
une tâche très exigeante de comprendre leurs problèmes et de les aborder d'une
façon signifiante. Un discours philosophique sur "la réalité Une"
semblait déplacé car le problème qui hantait ce rassemblement depuis le début était d'entrer en dialogue avec
"l'autre". J'écris tout cela car j'ai trouvé là une occasion de vivre
et de travailler avec des gens dévoués, qui m'accueillirent à bras ouverts,
bien que ma présence remit en question chez beaucoup d'entre eux ce qu'ils
représentaient."
Bithika a été en contact au Canada avec un
des philosophes les plus connus du pays durant les années soixante-dix, le
professeur Grant, de l’Université d’Halifax ; laissons la parole à
celui-ci pour présenter le contexte des études de Bithika au Canada et l'intérêt
de son ouvrage pour des Occidentaux qui réfléchissent sur eux-mêmes :
"Bithika Mukerji a acquis une
qualification énorme pour écrire sur un
tel sujet. Elle a enseigné la vérité du védanta durant de nombreuses années en
Inde. Elle est venue ensuite pour quelque temps en Occident. Elle n’a pas
étudié la pensée occidentale à partir d'Inde, avec une distance de sécurité
pour ainsi dire, ou de l'enclos limité d'un collège d'Oxford, comme l'a fait
Radhakrishnan [ce dernier, après avoir écrit de nombreux livres qui rapprochent
la philosophie de l'Inde de celle de
l'Occident, est devenu président de l'Inde]. Elle est venue d'abord à Genève,
et ensuite dans le cœur même de la modernité, la région des Grands lacs en Amérique
du nord. Elle s'est installée dans une ville d'acier et a travaillé dans une
université dominée par l'informatique. L’acier et les ordinateurs sont après
tout les deux substances centrales de la modernité ; l'acier dans une ère
précoce, et les ordinateurs dans le règne le plus récent de la cybernétique.
Elle a étudié de grands artisans de la modernité comme Hobbes et Kant,
Nietzsche et Heidegger. Cela revient à dire qu'elle a vécu la modernité au
quotidien dans sa chair et ses os, et qu'elle l'a pensé dans ses études. Elle a
donc le droit d'en parler non pas d'une façon abstraite, mais comme elle est en
réalité. Elle est grandement qualifiée pour comprendre ce que la modernité
signifie dans le contexte de l'ontologie védantique de la félicité…
Platon a été le penseur occidental qui a eu
le plus de points communs avec le védanta ; pour lui, la distinction
"idéale - réel" serait une distorsion. L’ "idée" est
elle-même la véritable réalité ; l'idée n'est pas idéale. Surtout, ce qu’il y a
de particulièrement merveilleux dans le livre de Bithikâ Mukerjî, c’est sa mise
en évidence de l'ontologie de la félicité, ânanda[1][1]. Cela est suffocant pour tout lecteur occidental.
Comme il est juste de traduire le terme ânanda par félicité ! Le
mot "joie" serait trop subjectif et nous ferait perdre de vue que ce
dont on parle ici concerne l'être. Le point auquel on en est arrivé dans la
civilisation dynamique de l'Amérique du nord – et en fait dans toutes ces
sociétés qui expriment en elle les pensées de Locke et Marx, Rousseau ou Darwin
ou Hume - c'est une recherche fébrile pour la félicité qui nous échappe car on
ne peut pas la connaître en tant qu'être même. La vie moderne est devenue
une poursuite sans joie de la joie. Une des nouvelles réellement grandes du
monde anglophone s'appelle "Félicité " (elle est aussi écrite par une
femme). Cette nouvelle met superbement en évidence le besoin pressant que la
félicité soit plus que la subjectivité des sentiments mais qu'elle se soit
enracinée dans l’Etre des êtres. Qu'y a-t-il de plus urgent, pour nous Occidentaux,
que la compréhension qu'il y a une ontologie de la Félicité ? Le fait que cela
soit impensable est peut être le plus grand prix que nous ayons à payer pour la
modernité. Pour ceux d'entre nous qui sont chrétiens, c'est l'élimination de la
compréhension de la Trinité en tant que félicité qui laisse le christianisme
chancelant, avançant à tâtons au milieu de la modernité qu'il a tant contribué
à constituer. Ce qu'il y a de triste dans le monde occidental, c'est un désir
profond de participer à la félicité, par exemple à travers une poursuite
détachée de l'orgasme ; cependant, comme cela est effectué en dehors de toute
compréhension ontologique de la Félicité, cela a pour conséquence que le bon
côté de cette poursuite est dénigré d'une façon plutôt noire.
On a écrit beaucoup de bêtises dans le monde
moderne à propos de la rencontre de l'Orient et de l'Occident, et aussi bien
des Occidentaux que des Orientaux ont
contribué à cela. Une telle rencontre ne doit pas sacrifier la grandeur de
chacun des deux côtés - le livre de Bithika Mukerjî fait comprendre que le
védanta véritable et authentique ne doit pas être mis sous le boisseau, même de
façon temporaire, pour rendre possible cette rencontre. Les Occidentaux aussi
bien que les Orientaux doivent lire ce livre avec grande attention."
(p.iv, v)
Les bases du védanta
"On dit souvent que la philosophie
de l'advaïta reflète l'humeur générale du peuple indien. Et même ceux
qui ne soutiennent pas intellectuellement cette école de pensée ont un attrait
envers sa terminologie car ils sentent que c'est elle qui leur permettra
d'exprimer le mieux les croyances qui leur sont chères. Il en va ainsi parce
que la base de toute la compréhension de la vie dans le monde est formulée à la
lumière de la dichotomie qui existe entre ce qui est simplement agréable, preyas,
et ce qui est réellement bon, shreyas.
Cette distinction est répandue à travers
tous les modes de pensée du sous-continent, qu'ils soient monistes,
monothéistes ou dualistes. Ce sens de la séparation entre ce qui est agréable
et ce qu'on doit préférer imbibe l'ethos de l'Inde et on peut le reconnaître
immédiatement dans l'ambiance de détachement, de retrait, ou de renoncement qui
la caractérise. On peut facilement comprendre que la demande de discernement
implique de façon sous-entendue qu'on doit abandonner une sphère pour
s'approprier l'autre.
L'idéal de renoncement en tant que forme
de connaissance a été étudié en tant que tel seulement dans la philosophie advaïta
de Shankarâchârya, le penseur, ascète et écrivain bien connu du VIIIe - IXe
siècle après JC. Toutes les autres écoles de pensée soutiennent cela comme un
idéal élevé, mais n'en font pas une partie intégrante de leur philosophie.
Shankarâchârya, par contre, l'a placé au cœur même de ses écrits sur l'unité du
Soi, âtman, avec la réalité ultime, Brahman…
Le discernement suprême entre ce qui est le
domaine du non-Soi et ce qui mène vers la véritable connaissance, la
réalisation du Soi, s'appelle renoncement. On ne doit pas le confondre de façon
erronée avec un acte de retrait physique du monde, qui de toute façon n'est
peut-être pas la meilleure manière de le dénier. La demande même du monde qu'on
le considère comme réel et final s'appelle mâyâ dans la philosophie advaïta, cette dimension de
non-réalité, mâyâ, peut être écartée seulement par un processus
également puissant d’annulation métaphysique, un renoncement des couches de
fausses identifications afin que le voile puisse être anéanti. L'inspiration
pour cette méthode trans-naturelle de compréhension de la condition
humaine vient des Upanishads qui parle
dans un langage poétique afin de raviver l'attention de l'être humain dispersé
dans le monde à la recherche du bonheur, et de le ramener à la quête de la
source même de la félicité. C'est la manière dont Shankarâchârya a développé
son exégèse des Upanishads et celle des Brahma-soutras, (appelés aussi Védanta
- soutras), cette dernière représentant
son oeuvre majeure.
Dans le néo-védanta, c'est-à-dire dans
l’interprétation contemporaine de la pensée de Shankarâchârya, nous nous
trouvons en face d’une compréhension très différente de mâyâ aussi bien
que des bases philosophiques des textes des Upanishads. Il ne sera peut-être
pas déplacé d'expliquer au moins un peu la théorie de mâyâ puisse que je
vais développer l'idée que ce concept a subi une transformation presque totale
dans les écrits des penseurs modernes.
La théorie qu'on connaît d'habitude à
propos de mâyâ est présentée par Shankarâchârya dans un préambule bref
de son commentaire des Brahma-soutras. Il commence par séparer clairement deux
sphères bien différentes : la conscience et l'objet de conscience. On sait
bien, écrit-il, que celui qui connaît et
ce qui est connu – qui contiennent respectivement la notion de "je"
et ce qui lui est offert de l'extérieur, comme "toi" pourrait-on
dire, en tant qu'autre, sont totalement opposés l’un à l'autre, comme la lumière aux ténèbres.
Pourtant, dans un usage commun, on parle des deux constamment ensemble, comme
par exemple dans les affirmations : "c'est moi" ou bien de
"cela est à moi". Le fait que cette association soit intelligible est
dû à l'opération inconsciente d'une sorte de surimposition de l'un sur l'autre
qui efface complètement la discontinuité entre les deux, au moins en apparence.
Le corps et la conscience du je deviennent ‘un’ et il y a même une
identification avec des personnes du monde, comme les fils etc. Dans un exemple
classique de surimposition, un bout de corde est pris par erreur pour un
serpent, et déclenche une peur dans le cœur de celui qui observe. Cette
illusion, qu'on reconnaît comme erreur simplement quand elle est annulée, est
un cas de surimposition d'une chose sur l'autre. C'est le Soi caché sous les
identités et la conscience du je.
Cet obscurcissement n'est pas apparent mais l'identification de la conscience
du je avec le corps ("c'est moi") ou avec les choses du monde
("ceci est à moi") sont des sujets d'expérience courante. C'est une
erreur qui imbibe toutes les expériences
humaines. Dans la définition de Shankarâchârya qu'on pourrait résumer ainsi,
l'erreur consiste "en la connaissance d'un objet comme quelque chose de
différent et qui est de la nature de quelque chose d'autre qu’on a vu
ailleurs."
En d'autres termes, l'objet est "faussement" connu en termes de
quelque chose qu'on a vu auparavant ; cette connaissance est par la suite
annulée quand la reconnaissance de l'objet réel a lieu. La nature de cette
erreur est donc indéterminable en ce sens qu'on ne peut l'appeler réelle (à cause
de la possibilité d'annulation) ni irréelle (car il y a quand même connaissance
de quelque chose en tant que tel).
La caractéristique de la surimposition,
c’est qu’elle est naturelle, mais sujette à annulation. D’après Shankarâchârya,
le Soi ou âtman est la réalité fondamentale, auto-lumineuse qui s'oppose à des
catégories relationnelles telles que connaître, expérimenter, etc. La
surimposition est la fausse attribution de catégories relationnelles qu'on ne
peut appliquer qu’à la sphère du non-Soi. L’ignorance, ou avidyâ, est
d'abord le principe de rationalité qui donne une apparence de réalité à
l’édification de la surimposition fait par mâyâ. Brahman, le fonds non
relationnel de toute relation se révèle
seulement quand cette structure relationnelle cesse d'opérer. Il y a
ainsi un lien intime entre un retrait métaphysique de la part de la conscience
du je et la découverte de son fonds ontologique par expérience
immédiate. Ceci explique l'affirmation des Upanishads selon laquelle on doit
connaître Brahman à travers la connaissance seulement, car celle-ci révèle ce
qui est déjà là comme Réalité, par le simple fait d'annuler le voile en tant
que voile. La dissipation de la dualité est simultanée avec la réalisation de
la vraie nature de l'Atman en tant que réel, conscient, infini, et suprêmement heureux. (Satyam, jñânam,
anantam, ânandam brahma)."
Par souci de modernisation et de réponse à
l'Occident, les philosophes indiens ont cherché à défendre le védanta par le
biais de la philosophie comparée. Ce faisant, ils ont négligé des différences
irréductibles entre les deux traditions. En particulier, la corrélation
fondamentale entre renoncement et félicité a été perdue de vue pour s'attacher
seulement à l'aspect d’être et de conscience de la Réalité, alors qu'elle est
décrite dans le védanta comme sad-chid-ânanda, c'est-à-dire être,
conscience et félicité. Il est vrai de dire que le renoncement a été au
centre de l'enseignement des Upanishads; ainsi donc, de quelle manière peut-on
relier cet enseignement au mode de vie contemporain en Inde ? C'est ce que nous
allons voir dans les pages qui suivent.
Des termes tels que transformation,
réussite, libération, donnent l'impression que le chercheur de connaissance est
perdu pour le monde ; il n'en est évidemment pas ainsi. Les Upanishads
décrivent très clairement la vie enrichie d'un homme qui est d'une grande
utilité à ses congénères grâce à son
mode d'existence et ses paroles qui proviennent de la joie de son expérience
d'accomplissement ; par une sympathie pleine de compassion pour le monde,
il peut aussi continuer à vivre en son sein sans se retirer. Nous voyons ainsi
que le connaisseur de Brahman, brahmavit peut être n'importe qui
n’importe où, un empereur comme Janaka,
un sage comme Yajñavalkya, une femme comme Gârgî ou un jeune homme comme
Sanatkumâra. Nous nous apercevons donc que cet enseignement est hautement
sélectif et pourtant complètement universel, en cela que tout un chacun peut
devenir un chercheur de connaissance, jijñâsu, et devenir ainsi qualifié
comme disciple pour l’apprentissage de la connaissance de Brahma. La question
du passage du temps n'est pas ici à
propos. Les dialogues au sujet de la connaissance de Brahman doivent
nécessairement être reliés à des situations spécifiques ; néanmoins, le
dynamisme requis pour s'ajuster à la marche du temps est encore du domaine du
temps créé. Le disciple doit faire montre d’une analyse réflexive et d'une
intégration de l'enseignement qui mène à l’expérience de la présence de Brahman
en tant que suprême Je. On lui demande de toute façon de chérir, méditer
et réaliser pour lui-même la vérité ; bien qu'il puisse appartenir à un
moment et à un lieu particulier, il est en position de dépasser toutes ces
limitations.
La
question de continuité ininterrompue de cette tradition est nécessairement
reliée, par conséquent, à la manière d'enseigner telle qu’elle est décrite dans
la littérature védique. Les recommandations claires qu'on retrouve dans les
Védas sont du ressort de la vie dans le monde et de la félicité après la mort.
Une vie sur terre consacrée à la recherche du bien est nécessaire à la fois
pour l'obtention du ciel après la mort aussi bien que pour un éveil de
l'aspiration à la connaissance. Le renoncement forme alors le cœur de la
tradition védique. Dans cette façon de voir les choses, ce détachement
correspond à une dimension de connaissance, un pouvoir de discernement entre
l'ordre du monde qui change et ce qui reste caché et immuable. Le questionnement tourné vers la base de notre être n'est pas une conséquence
naturelle du statut donné de l'homme dans le monde. Sans les Ecritures, il n'y
aurait pas d'indication de connaissance possible d'autres choses que ce qui
nous est offert dans notre expérience du monde. L'insistance sur la continuité
de la tradition ne cherche donc pas la continuation répétitive de principes
désuets d'une façon dépourvue de sens. La tradition cherche à préserver la
pureté de ce qui nous indique une vie de bénédictions et de félicité, en effet,
l'homme, disent les Shroutis, les Ecritures révélées, est capable d'atteindre la connaissance
supérieure…
Les Védas disent :
Le Soi est plus subtil que le subtil et
plus vaste que le vaste, il est logé dans le cœur de chaque créature. Un homme
dépourvu des désirs voit cette gloire du Soi pas la grâce de l’Ultime et est
ainsi libéré de toute souffrance. (Taittirîya-âranyaka 0.10 (Sâyana-bhâshya)"
(p. de 108,209, 210)
Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne
Chanson…
Par Yahel
Pauvres poissons, tombés du Ciel
Sont venus pour un monde nouveau…
Ils ont pris la route de la vie,
Pour continuer leur chemin jusqu'à la Mer rouge...
Ils ont gardé espoir, enfin arrivés au bout du chemin,
Ils ont purifié
l’eau salée...
Doum…doum…doum
Quel est cet homme ?
Loin là-bas...
C'est sûrement le Sonneur de nos cœurs...
Implorons notre Seigneur...
Celui qui nous a
donné l’eau, le pain, la vie, l'Amour et la Beauté,
la mort et la
renaissance...
Il nous a
porté...nous et nos péchés...
Et nous, nous n'avons pensé qu'à la
violence …
Cette chanson a été écrite par
Yahel quand elle avait neuf ou dix ans.
A l'heure où vous lirez ces lignes,
elle en aura seize et pour préparer
cet anniversaire important, elle est venue avec ses parents et son oncle
faire une retraite durant les vacances de
Pâques
à l'ermitage de Dhaulchina en Himalaya,
près de Swâmî Nirgunânanda, qu’elle avait déjà
rencontré
plusieurs fois au domaine des Courmettes.
Une jeune femme marchait sur le chemin...
Par Parvati(Florence Pittolo)
Une jeune femme marchait sur le chemin...
qui montait,
son attention était portée à chacun des pas qui la rapprochaient,
le soleil régnait, éclairant la pierre en la révélant à sa blancheur,
un Yogi,
assis sous un arbre offrant son ombre fraîche
la vit passer et se dit : "quelle dévotion,
son cœur bat le mantra de son Maître !",
en une seconde il se transforma en une vieille
femme et se posa accroupi sur le bord du chemin, et lui dit : « Jeune Ma,
s'il te plaît, donne-moi de ton eau, celle que tu portes dans ce tissus enroulé
sur ton dos, je ne suis qu'une vieille femme sans aucun bien »,
la jeune fille ouvrit son sourire intérieur et,
tranquillement enleva le couvercle du récipient argenté, la vieille femme
ajouta « laisse-le moi jeune Ma, il fait si chaud »,
la jeune fille sourit et dit : « Ma, regarde comme
la nature est équitable, elle me présente une pierre bien creuse qui te servira
de bol, le reste de cette eau ne sera pas détournée de sa source, je l'apporte
à mon Maître », elle versa l'eau et repartit,
le Yogi, impressionné changea de stratégie, comme
il observait la jeune fille s'éblouir de la beauté des quelques herbes qui
résistaient à la sécheresse de ce chemin, il se transforma en une fleur
éblouissante dont les pistils enivreraient qui la toucherait du bout de son
nez,
la jeune fille aux grands yeux s'émerveilla de la
fraîcheur de cette fleur qui dépassait d'un buisson sur le côté du chemin, tout
en honorant sa beauté par la vision, elle ne voulut pas faire un pas hors de ce
chemin et dit à son cœur :" vois-tu, toi et moi nous cueillons l'éclat de
cette fleur par le regard, en la conservant dans notre amour, nous l'offrirons
quand nous serons arrivés. » Elle continua son chemin,
le yogi fut doublement impressionné, il décida alors de se transformer en
un jeune homme fort aimable et habile,
quand il croisa le chemin de la jeune fille il fit
une révérence et doucement annonça : « Jeune Dame, votre fardeau est bien
lourd, permettez-moi de vous aider à le porter sur ce chemin si aride, nous
converserons alors. »
Elle de dire : « je remercie votre attention,
Seigneur, mais je ne trouve pas ce chemin si aride, il est pour moi pavé d'or,
aussi je n'ai pas besoin de converser avec quiconque car mon cœur se prépare en
silence à la rencontre », - ayant déjà fait un pas devant, elle se retourna et
ajouta « mon sac n'est pas si lourd
car... qui le porte ? »
Le yogi regarda s'éloigner la jeune femme sans mot
dire, il vit que chacune des gouttes de sa sueur en tombant au sol luisaient
comme de l'or, il vit aussi une flopée de papillons jaunes se poser sur le
baluchon et le soulever en chantant le silence de cette communion si naturelle.
Quand la jeune fille arriva au sommet, son Maître
l'attendait. Elle déposa ses offrandes et, quand elle releva la tête, elle
s'aperçu qu’autour de lui flottaient dans l'air, suspendues dans l’espace, les
images de la vieille dame, celles de la fleur et du jeune homme. Au moment où
elle croisa le regard de son Guru, ces images se résorbèrent dans le cœur du
Maître.
Ils partagèrent l'eau,
cette eau qui était la source, le chemin et sa destinée à la fois.
«
Nouvelles
- Swami
Nirgunânanda revient en France cet été. Nous donnons déjà les programmes qui
sont fixés :
1. Genève
le week-end du 7-8 août : Renseignements
6 route de Communy 1296 COPPET 00 41 22
776 19 18 ou Jeanne-Marie Deschenaux dans la même région 345 00 19
2. Terre
du Ciel du 17 au 23 août au domaine de Chardenoux près de Lyon 03 85 60 40 terre-du-ciel @ terre-du-ciel.fr
3. Epernon
du 23 au 28 août. Contact Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain 01
34 51 74 41
4. Domaine
des Courmettes, près de Nice, du 9 au 14 septembre contact : 04 93 24 17 00 ou Michèle Cocchi au 06 61 14 20
58
5. Du
15 au 22 septembre, Swâmîjî sera en Angleterre
6. Puis,
il passera quatre semaines États-Unis.
- La retraite de juillet sur ‘L’écoute du silence’ à Dhaulchina avec
Swâmî Nirgunânanda et Jacques Vigne est déjà plus que complète avec 21
participants. Le voyage de la première moitié d’avril pour la demi Koumbha-Méla à Hardwar et un
tour vers Kédarnath se sont déroulés comme prévus, avec de beaux morceaux de
pèlerinage à pied dans l’Himalaya et une découverte de la vie religieuse
traditionnelle des montagnes, sans compter les satsangs avec Swami Vijayananda
lorsque le groupe est redescendu sur Hardwar.
Nouveaux
abonnés
La plupart d'entre vous ont renouvelé leurs abonnements au printemps
dernier. Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, ou pour les nouveaux, il est possible
d’envoyer un chèque de 8 € à l'ordre de Jacques Vigne à l'adresse suivante :
Nadine Laudebat et José Sanchez-Gonzalez
Maison Augier-Quartier Saint-Martin
84110
VAISON-La-ROMAINE
Tél : 04 90 28 80 23 en cas de besoin.
Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.
Tables des matières
Paroles de Mâ
Réponses récentes de Vijayânanda
Pensées de l'Himalaya par Swâmî Nirgunânanda
Néo-védanta et modernité par Bithika Moukerjî
Chanson par Yahel
Une jeune femme marchait sur le chemin...
Parvatî
Nouvelles
Nouveaux abonnés
Jay
Ma N°74
- Automne 2004
Paroles de Mâ
Shrî Mâ : Personne n'est appelé « mère ». Une mère est juste une mère. Ceux qui deviennent ses enfants savent comment elle est.
Shrî Mâ : A ce moment-là, il est juste
pour vous d'en faire ainsi.
Le sadhou : Je me déplace avec des ascètes, ils n'observent aucune règle, cela
me pose problème.
Shrî Mâ : Qui êtes-vous ?
Le sadhou : Je suis un brahmachâri.
Shrî Mâ : alors, vous devez suivre les
règles et les coutumes liées à votre état. Maintenez votre propre
individualité. Laissez les autres ascètes faire comme ils veulent.
Shrî
Mâ : Elle est très utile. Un enfant, tandis qu'il étudie, ne comprend pas
combien de connaissances il est en train d'acquérir. Quand il a de bonnes notes
à ses examens, il se sent heureux. De même, quand le temps viendra, vous vous
rendrez compte de combien de progrès vous avez fait. Continuer à vivre dans le
souvenir de Dieu. Ce qui est agréable, preyas, est bon en apparence ; ce
qui est réellement bon, shreyas, est en apparence difficile et
désagréable. Il est nécessaire de rendre ce qui est réellement bon agréable
aussi.
Question
: Si quelqu'un se tourne vers la religion dans ses vieux jours, est-ce qu’il
sera capable de maintenir un calme de l'esprit
à l'heure de la mort ?
Shrî Mâ : Il y a des attirances
et influences innombrables qui déterminent le style de vie d'une personne, on
ne peut donc rien dire en ce qui concerne sa dernière heure. Ce corps dit :
tout est possible, il n'est donc pas bon de restreindre sa vision.
Shrî Mâ : Si vous devez réellement prier
pour des choses du monde, faites-le, mais la prière la meilleure est pour Dieu
lui-même.
Shrî Mâ : Par la foi. Agissez en accord avec les paroles de votre Gourou ;
la grâce de Dieu et du Gourou réussira tout pour vous.
Shrî Mâ : Eh bien, Mâtâjî, dans votre
propre maison il y a bon nombre de personnes. Est-ce que vous ne parlez pas
avec eux ? Vous bougez aussi vos propres membres, est-ce que vous sentez
fatiguée pour autant ?
Shrî Mâ, en souriant : qu'il en soit
ainsi, Pitajî.
.
Sur le chemin du retour, Shrî Mâ dit à un ami commun dans la voiture :
"Cadi Sahib à commencer par me demander de ne rien dire, j’ai donc obéi.
Maintenant, quand vous reviendrez, dit à Pitajî : "Qui que ce soit qui s'engage
dans une bataille pour L'atteindre, est soutenu par Lui-même. C'est Lui-même
qui donnera tout ce qui est nécessaire,
il n'y a donc absolument pas de raison
pour entretenir des pensées d'inquiétude"
Shrî Mâ : Voyez comme la création divine
est merveilleuse ! Les animaux, les oiseaux, les êtres humains, les arbres, les
plantes, les insectes, répondent à
l'atmosphère ambiante chacun à leur manière, différemment. La capacité
d'imbiber les vibrations ou de les rejeter n'est pas uniforme. Ainsi, par
exemple, cent personnes écouteront un discours, et il y en a également qui sont
très éduqués parmi eux. Certains obtiennent une connaissance profonde de ce
discours, d'autres ne sont pas touchées ; ici, la question de l'éducation ne se
pose pas. La compréhension dépend de ses
samskâras intérieurs, des conditionnements passés. De même en va-t-il
dans le royaume des animaux ou de la végétation. Ne les banalisez pas en disant
qu'ils ne sont pas intelligents. C'est Lui Lui-même qui habite dans toutes les formes de la
création.
Shrî Mâ : Où le
"non" se trouve, le "oui " est là aussi potentiellement.
Qui peut affirmer être au-delà de la négation et de l'affirmation ? Avoir une
foi est impératif, la croyance d'une personne est grandement influencé par son
environnement ; c'est pourquoi, choisissez la compagnie de personnes saintes et
sages. Croire signifie croire en son propre Soi ; ne pas croire signifie
confondre par erreur le non-Soi avec le Soi.
24. Où que vous soyez, vous devez vivre en compagnie
de ce qui est de la nature de la paix. Je vous le dis, et gardez cela toujours
présent à l'esprit, Dieu, Dieu seul est la paix. Une persévérance acharnée,
focalisée, procure le changement de perspective qui vous établira dans la
paix.
.
On ne peut atteindre la paix nulle part en ce monde, ni non plus’ailleurs en
s’en éloignant. Vous dites que j'ai trouvé la paix et que je dois la distribuer
aux autres. Je vous dis que je suis un petit enfant et que vous êtes mes
parents. Toutes les personnes qui ne sont pas mariées et les enfants sont mes
amis. Acceptez-moi en tant que telle et donnez-moi une place dans vos cœurs. En
disant "Mâ", vous me gardez à distance. On doit avoir de la révérence
et du respect pour les mères. Mais une petite fille n'a besoin que d'être aimée et qu'on prenne
soin d'elle, elle est chère au cœur de tout un chacun. Ainsi donc, voilà la
seule demande que j’aie envers vous : me faire une place dans votre cœur.
Réponses de Vijayananda
Q. - Quelle est l'importance de dire la vérité?
R. - C'est essentiel
pour quelqu'un qui mène une vie spirituelle. Il s'agit d'un des cinq Yamas, l'un des cinq principes moraux
fondamentaux dans l'hindouisme (cf. Yoga
Sutra de Patanjali). J'aime beaucoup la devise de l'Inde: "seule la
vérité vaincra" (satyam evam jayate;
on peut la lire sur les pièces de monnaie et billets de banque indiens!). Bien
entendu, c'est à combiner avec une autre maxime, qui dit que la victoire est là
où est le Dharma. Il faut du bon sens
dans la manière de respecter les principes; il existe des moments où il vaut
mieux garder le silence plutôt que de dire la vérité, notamment si cela risque
de blesser quelqu'un inutilement.
A propos de vérité et
humilité, voici l'histoire d'un sage hassidique, qui était tellement humble
qu'il ne se rendait pas compte de son propre niveau spirituel (très élevé). De
trop nombreux disciples se regroupaient auprès de lui, tant et si bien que le
rabbin de la ville lui conseilla de leur dire de s'en aller en leur expliquant
qu'il n'avait aucun pouvoir, ne pouvait rien leur enseigner etc. Le sage suivit
son conseil. Après avoir entendu cela, les disciples affluèrent de plus belle,
reconnaissant à son humilité la qualité du sage. Alors le rabbin, après lui
avoir dit "Oh, vous tous aimez tant l'humilité…", lui conseilla de
leur dire le contraire, de se vanter qu'il pouvait faire des miracles, etc.,
afin d'éloigner ses disciples. Le sage, inconscient de son propre pouvoir
spirituel, répondit: "mais non, je ne peux pas leur mentir"!
Q. - Quelle est
l'influence de l'alimentation sur la vie spirituelle?
R. - Ce qu'on mange et
la manière de le manger ont une influence sur le mental; "jaysa ann taysa man": telle est la
nourriture, tel est le mental. Cela peut-être une aide (quand c'est sattvique) ou un obstacle (comme la
viande) pour la sadhana. Dans ce
domaine comme en beaucoup d'autres, il s'agit de trouver un équilibre.
L'ascétisme aussi bien que les excès sont à éviter; la modération est l'idéal.
Il faudrait traiter le corps avec respect, mais sans s'y identifier, comme un
cavalier avec son cheval. De nombreux sadhakas
cherchent du plaisir dans la nourriture, puisqu'ils ne se permettent aucun
autre plaisir "du monde". Cela passe des qu'ils trouvent une vraie
joie dans la méditation; alors il n'y a plus d'attirance pour des plaisirs
aussi transitoires et extérieurs. En attendant cela, et tout en cherchant à maintenir
un équilibre en prenant de la nourriture sattvique
en quantité modérée (ce dont le corps a besoin, ni plus ni moins), il ne faut
pas oublier que ce qu'une personne mange n'a pas autant d'importance que
combien elle donne de compassion et d'amour sincères!
Q. - Qu'entendez-vous
lorsque vous parlez de la capacité à contrôler le mental?
R. - C'est la capacité
d'arrêter ses propres pensées à volonté, de garder un mental silencieux (au
moins calme) lorsqu'il n'est pas nécessaire de l'utiliser. Cela permet de maîtriser
désirs, peurs, instincts et impulsions; des lors la raison domine la passion…
C'est cette discipline de self-control qui fait la différence entre une
personne forte et une personne faible, et c'est ce qui permet au sadhaka de faire de rapides progrès.
Lorsque votre mental est
maîtrisé, vous voyez qu'en réalité les problèmes n'existent pas. Les problèmes
ne sont que dans le mental! Nous n'en avons pas quand nous sommes en plein
sommeil profond (sans rêves) : dans cet état le monde n'existe pas. D'une manière
comparable, quand nous contrôlons nos pensées et émotions nous nous libérons
des illusions et des croyances négatives qui voilent la réalité, et nous
entrons en contact avec notre vraie nature, qui est le Divin suprême. C'est
pourquoi la pratique spirituelle consiste surtout dans la purification et la
maîtrise du mental pour que notre vrai Soi apparaisse.
Q. - Quelle attitude
adopter concernant la Kundalini?
R. - La principale règle
a ce sujet est de ne rien forcer, en aucune manière. Un éveil de cette force ne
devrait avoir lieu que sous la supervision d'un Satguru (un sage ayant obtenu la complète Realisation). Toute
ouverture des nadis (soit la première
étape vers l'éveil de la Kundalini)
ne devrait se faire que lorsque le sadhaka a un excellent contrôle de ses
désirs (surtout sexuels) et de la colère. Le Satguru teste le disciple pour voir s'il est capable de résister à
la pression énorme - et dangereuse - qui vient avec la Kundalini. Dès lors, il
ne faudrait jamais rien faire volontairement à ce sujet, mais se contenter de
laisser le Satguru s'en occuper, tout
en menant une vie pure, avec une parfaite chasteté et un bon contrôle du
mental. Avant de parvenir a ce stade ou de rencontrer un Satguru, le karma-yoga
est la meilleure manière de se préparer, puisqu'il peut être pratiqué partout
et en toute circonstance.
Q. - Qu'est-ce que le
karma-yoga exactement?
R. - Il est a distinguer
du seva, le service désintéressé, qui
en est une étape. Le véritable karma-yoga
est une attitude mentale à adopter en toutes circonstances, dans chaque
activité. Il s'agit "d'attaquer" l'ego à sa racine, qui est la
croyance que "c'est moi qui agis, et c'est moi qui récolte les fruits de
mes actions". Au lieu de cela, on peut accomplir chaque acte en ayant
conscience d'être juste un instrument du Divin, avec l'attitude mentale de
faire son propre devoir de son mieux, mais sans se préoccuper des résultats.
S'ils sont bons tant mieux, sinon c'est bien quand même. Petit a petit, on en
vient a percevoir très clairement qu'on est en effet juste un "outil"
pour le travail du Suprême, et tout se fait de manière spontanée, avec de moins
en moins d'attentes et d'attachement.
Le corps, les émotions et le mental forment un tout; il n'y a pas de pensée
sans émotion ou du moins sans "couleur affective", c'est-à-dire sans
attraction ou répulsion. Le but du karma-yoga
et de toute pratique spirituelle est de laisser tomber ces voiles qui cachent
le Soi. Un grand sage comme Ma Anandamayi n'a ni pensée ni émotion ni
préférence, il est pure compassion, pure Conscience, et il joue le jeu de ceux
qui sont près de lui, s'identifiant à eux pour se mettre à leur niveau et
pouvoir interagir "normalement" avec eux.
Q. - Comment se
sent-on une fois obtenue la Liberation?
R. - La question ne se
pose pas en ces termes, puisqu'il n'y a plus de "moi" pour se sentir
d'une manière ou d'une autre… Pour décrire le dernier stade de l'Illumination,
appelé sahaja samadhi, Ramdas (qui
l'avait atteint) disait de lui-même qu'il était comme le Gange: bien qu'ayant
atteint l'Océan (l'Absolu), il continue a couler vers l'Océan (en vivant dans
un corps), tout en étant toujours conscient a la fois de ces deux niveaux et de
leur Unité.
On ne peut pas dire d'un
sage parfait comme Ma Anandamayi qu'il est heureux, puisqu'il est le
Bonheur suprême! Il voit que les vagues de la dualité (le monde) sont faites de
la même eau salée que les eaux immobiles du fond de l'Océan (pure
Conscience-Bonheur). La seule différence est dans le mouvement. Le sage voit
que tout est Conscience, au-delà des les paires d'opposes comme le bien et le
mal, les critiques et louanges, le plaisir et la souffrance… Il voit que le
mouvement aussi est divin, ainsi que le monde et ce qui fait obstacle au Soi;
il sait que le mouvement emporte tout, donc il ne cherche pas à garder quoi que
ce soit. Il est sans désir ni attente, sans peur ni attachement. C'est dans
cette liberté que s'épanouit le véritable Amour.
Pensées de l’Himalaya
Dans le monde
chrétien, on nous en enseigne à souffrir pour Dieu. Comment considérez-vous ce
point de vue ?
Ils doivent avoir leurs
raisons. Je ne suis pas un chrétien, je
n'ai pas pensé à cela.
Comment trouver de la
joie dans sa sâdhanâ ?
Si on effectue la
sâdhanâ comme un jeu, on y trouvera de la joie.
Est-ce qu’il est
possible de considérer la sâdhanâ comme un jeu ?
Bien sûr, c'est
possible. Très souvent, Mâ a utilisé l'expression de sâdhanâ kâ khel
"le jeu de la sâdhanâ". Essayons d'abord de comprendre ce qu’est un
jeu. Le jeu est une suite d'actions dans le temps qui nous donne du bonheur du
début à la fin. Jeu et compétition ne sont pas des notions équivalentes. Quand
nous entrons en compétition, notre bonheur dépend du résultat final
c'est-à-dire de la victoire ou de la défaite, alors qu'en jouant avec un
véritablement bon esprit, la victoire ou la défaite n’ont pas d’importance. Si
nous prenons la sâdhanâ comme jeu, nous pouvons éprouver de la joie en la
faisant quel que soit le résultat final.
Qu'est-ce que vous
pensez de la profession spirituelle ?
Une profession, c'est
une manière de gagner sa vie, la spiritualité, c'est la vie elle-même. Je ne
crois pas au professionnalisme en spiritualité.
Est-ce que la chance
joue un rôle en spiritualité ?
La chance est un autre nom de l’ignorance du
résultat del’action. Chance est accident signifie ignorance.
Vous dites que vous
n’aviez jamais entendu parler de Mâ avant de la rencontrer, pourtant vous êtes
restés auprès d’elle dès l’instant de cette rencontre. Appelez-vous cela de la
chance ?
Je ne pense pas voir
rencontré Mâ par hasard ou par chance. Il se peut que j'aie eu au fond du
cœur l'aspiration constante et intense
d’être avec quelqu’un qui était l’incarnation de la perfection, de la pureté et
de l’amour sous forme humaine. Je n’en étais pas conscient.
Comment puis-je
connaître ce qu’il y a à l’intérieur de moi ?
Par l'introspection.
Nous avons toutes les ressources à l'intérieur de nous. Nous essayons tout le temps de connaître le mental des
autres mais pas le nôtre. Je vois le monde extérieur mais je ne réussis pas à
me connaître moi-même. Il y a l'histoire suivante : dix amis voyageaient
ensemble sur la route, ils atteignirent un fleuve et il n'y avait pas de bac
pour les faire traverser. Il la passèrent à la nage et arrivèrent à l'autre
rive. Le chef demanda à quelqu'un de compter les membres du groupe pour
confirmer que personne n'a été emporté par le courant du fleuve ; l'homme
s'est mis à compter et n’a trouvé que neuf personnes. Ils étaient tristes
d'avoir perdu un de leurs compagnons et se mirent à pleurer. Un moine passant
par là les vit et leur demanda la raison de leur chagrin. Celui qui avait
compté dit qu'il y avait dix membres
dans le groupe et qu'après avoir traversé la rivière, le dixième manquait. Le
moine sourit et dit: "Vous êtes le dixième". Nous prenons en compte
tout le monde et toutes les choses, mais nous ne nous connaissons pas
nous-mêmes. Je trouve du bien et du mal dans les autres et je sens
comparativement une supériorité ou une infériorité chez moi sans me soucier de
réellement m'étudier moi-même. Je peux reconnaître quelque chose chez l’autre
seulement quand j'ai l'impression de quelque chose de similaire en moi. Se
surestimer est mauvais, mais se sous-estimer est encore pire. Si vous ne pouvez
pas trouver le chemin pour aller à l'intérieur de vous-même, priez Dieu pour
cela.
Comment faire face au
complexe de peur ?
La sensation
d'insécurité est la mère de la peur. Nous sommes nés avec elle ; à la
naissance, le bébé crie parce qu’il a peur de la nouveauté autour de lui. Il
subit un changement d'état. Mais peu à peu, il se met à faire face aux
modifications et a moins peur. On peut utiliser la peur dans les pratiques
spirituelles. Parfois, elle nous retient et nous évite de commettre de
mauvaises actions. On dit : "Crains ton Seigneur". Dans l'amour comme
dans la peur, il y a le souvenir
constant de l'objet que vous aimez ou bien craignez. Que vous aimiez ou que
vous craigniez Dieu, vous vous
souviendrez constamment de lui. C'est à vous de savoir utiliser votre peur.
L’amour peut la neutraliser. Si j'essaie d'avoir un peu d'amour pour celui dont
j'ai peur, j’en serai moins effrayé. Il est vrai que la plus grande peur, c'est
la frayeur de la mort. Personne ne peut y échapper. Mais il me reste à être témoin de ma mort ; j'ai vu des
gens mourir devant moi, je connais la mort des autres, mais certainement je ne
serais pas là pour voir ma propre mort. Tant que je vivrai, la mort restera
morte à mes yeux. Mâ dit : "La mort
doit mourir" La peur est toujours dans le futur, mais elle a ses racines
dans le passé. Quelqu'un peut dire qu’il a peur du passé, cela signifie en fait
qu’il craint que celui-ci ne revienne à l’avenir. Si vous aimez le présent, la
mort mourra. La mort est un concept du futur. Yama est le fils du dieu-soleil.
Il est le seigneur de la mort. Dois-je avoir peur de Dieu? Vivez dans le
présent et soyez heureuse : la mort choisira son temps pour venir, quand,
où et comment, je ne sais pas.
Pourquoi
échouons-nous parfois dans nos efforts,
bien que nous soyons sincères ?
La plupart du temps,
cela est dû au fait que nous avons surestimé nos capacités. Le succès dans nos
efforts dépend de notre sincérité, de notre capacité et de notre méthodologie.
Quand ces trois éléments se complètent, c'est alors qu'on peut espérer obtenir
le résultat désiré. Si, sur le chemin qui mène à ma destination, un grand arbre
tombe et bloque le sentier étroit, n’est-il pas conseillé de trouver une
manière de contourner l'obstacle plutôt que de dépenser mon énergie à des
efforts futiles pour retirer l'arbre ?
N’éprouvez-vous pas
de l'ennui à rester au même endroit, en vivant la même
vie depuis tant d'années ?
L'ennui et l'amour sont
deux pôles opposés. Le monde est transitoire et change à chaque instant ;
simplement, nous n’avons pas le regard pour remarquer ces changements.
Souvenez-vous de notre promenade la nuit dernière au clair de lune :
lorsque nous sommes revenus à l'ashram,
j'ai perdu la trace du sentier habituel et j'en ai découvert un nouveau.
Chaque matin vient avec un jour nouveau et frais, chaque crépuscule amène une
nuit nouvelle. Je ne ressens jamais d'ennui en face des sommets enneigés de
l’Himalaya qui s'étendent à horizon vers l’est et le nord. Je n'ai jamais
éprouvé d'ennui avec les prairies tout autour. Il y a un oiseau particulier ici. Il chante durant toute la
nuit. Le son de cet oiseau m’attire particulièrement au crépuscule, j'attends
impatiemment le son mélancolique qu’il produit ; je n'ai jamais vu
l'oiseau, ni ne connaît son nom, mais je suis amoureux du son. Il a été mon
compagnon depuis seize ans. Cela m'importe peu de savoir s'il s'agit du même
oiseau ou non. Le son est le même. Quand vous êtes amoureux de quelque chose ou
de quelqu'un, vous trouvez quelque chose de nouveau en lui à chaque instant.
Dans la pratique
spirituelle, est-il nécessaire que le corps et l'esprit soient en accord ?
Bien sûr, c'est
nécessaire ; l'état physique agit sur l'état mental et vice versa. Tant
qu'il y a identification du corps avec le soi, un état de bien-être physique
est obligatoire dans la recherche spirituelle.
Pourquoi est- ce la plupart du temps pendant la méditation qu’on se sent troublé?
Voilà
une bonne question ! Considérons d'abord ce qui survient pendant la méditation.
Ici, nous parlons de la méditation avec objet : nous choisissons d'abord
un objet, et nous essayons de focaliser l'attention sur lui et de le
contempler. L'objet peut être visuel, auditif, olfactif, gustatif ou sensible.
De façon répétée, nous ramenons notre attention à lui. Pendant l'état d'éveil, les sens sont en interaction constante avec
le monde au dehors et le mental est occupé par des séquences rapides qui font intervenir ces objets ; ainsi,
nous nous retrouvons avec une attention dispersée. Dans l'état contemplatif,
quand nous choisissons un objet unique qui correspond à un sens particulier et
qu’ainsi nous coupons les interactions des autres sens momentanément, les
souvenirs emmagasinés des interactions correspondant à ces sens deviennent
actifs et remontent en surface. Le monde extérieur est remplacé par le
monde intérieur. On doit se rappeler que
se séparer des interactions des sens ne signifie pas les désactiver. Par
exemple, s'asseoir en silence ne rend pas quelqu'un sourd ni ne dénie sa
capacité auditive. Simplement, il y a absence d'objet d'audition. Prenez par
exemple ce réveil à quartz dans ma chambre. Il n'y a pas de son perceptible qui
en provienne. Mais chaque nuit, je
laisse ce réveil dans l’armoire car dans le silence de la nuit, le son de ce
réveil paraît être un roulement de tambour et il est perturbant. Ce n'est pas
que ce son apparemment inaudible se soit accru durant la nuit ou qu'il y ait eu
aucun changement dans ma capacité auditive. Ma réceptivité auditive n’a pas été
perturbée à cause du silence environnant.
Vous avez dit que Mâ ne blessait jamais personne.
Pouvons-nous en faire autant ?
Certainement,
nous pouvons y arriver. On blesse les autres soit physiquement, soit
mentalement. Les agressions physiques sont produites par la colère et celle-ci
a sa racine dans les attentes, l'avidité et la jalousie. Par une introspection
convenable, on peut essayer de minimiser ces facteurs. L'agression mentale a
ses racines dans la tendance à miner et minimiser l'autre afin de projeter une
image de soi plus grande que la réalité ou de se poser comme quelqu'un qui a
raison par rapport à l'autre qui a tort. Ma avait l'habitude de dire que chacun
avait raison de son propre point de vue. Prenez par exemple une dame qui est
une fille pour sa mère, une mère pour sa fille et une femme pour son mari. Tous
les trois points de vue sont justes dans le cadre des relations avec cette
dame, mais la manière dont ils se concrétisent n’est pas la même. Est-ce qu'il
y a lieu de se disputer à propos de la validité d'une relation en prouvant que
les autres sont fausses ?
Est-ce que l'art peut
être un instrument de pratique spirituelle ?
Oui bien sûr, mais cela
dépend du point de vue de l'artiste et du but pour lequel il pratique son art.
Celui-ci est l'expression de son monde intérieur. Le monde extérieur avec
lequel il est en relation produit des impressions à l'intérieur. Celles-ci, en
s'additionnant avec la constitution mentale de l'artiste, prennent forme et se
traduisent en tant que création. En outre, l'artiste, quand il est absorbé dans
son travail, a une grande concentration mentale. En d'autres termes, on peut
dire qu’il a l’attention juste pour le travail spécifique qu'il est en train de
faire et cet état d'esprit peut être facilement appelé un état méditatif. Grâce
à la pratique, cet état sert à former le mental. Ensuite, c'est l'affaire de
l'artiste de savoir comment il va utiliser cet entraînement mental.
Comment peut-on distinguer entre activité
spirituelle et non spirituelle ?
Nous
avons déjà mentionné qu'il n’y avait pas réellement besoin de tracer une ligne
de démarcation entre les activités spirituelles et non spirituelles. C’est le
point que j'ai observé et appris durant mon association avec Mâ : la vie
en totalité est spirituelle. Cela est devenu ma conviction. Avant la seconde
guerre mondiale, il y a avait une seule Allemagne. Le mur de Berlin a été érigé
et à ce moment-là, nous avons vu la division entre l’Allemagne de l’Est et
celle de l’Ouest. Quand ce mur a été démoli, nous avons eu de nouveau une
Allemagne unie. Le mur n'était là ni au début ni à la fin. Ce n'était qu’une
séparation temporaire. De même, dans notre vie,
la classification de nos activités entre « spirituelles » et
« non spirituelles » ne peut être soutenue jusqu'au bout.
Comment
définiriez-vous l'intuition et la pensée
?
Les deux suivent la
logique de la corrélation entre la cause et les effets mais leur base de départ
est différente. La première fait appel au subconscient alors que la seconde se
fonde sur le conscient.
Quelle est la place
de la grâce dans le travail spirituel ?
En sanskrit, la grâce
s'appelle kripâ. D'après certaines écoles, cette grâce doit être
atteinte par nos actions. Il y a une autre école qui croit en une grâce sans aucune cause
sous-jacente, c'est ce qu’on appelle ahetuki kripa, hetuki
signifiant cause, raison. Mâ donne une définition très belle de la grâce. Elle
a dit : "kripâ signifie karo, pao " karo
voulant dire « fais » et pao « obtiens» ; elle a
aussi ajouté : "La grâce de Dieu se déverse constamment sur vous. Si vous
gardez votre récipient tourné vers le haut, il se remplira, si vous le gardez
tourné vers le bas, la grâce sera gaspillée." Il n'y a pas de conditions
dans la grâce de Dieu. Il octroie sa grâce à tous sans différence. Ce qu'on
doit comprendre, c'est que sa grâce est toujours ici avec nous. La plus grande
de ses grâces, c'est que je sois doué de la capacité de concevoir le fait même
de la grâce. Les pratiques spirituelles sont le moyen de saisir cela.
Quel rôle joue la foi en spiritualité ?
C'est la condition la
plus importante du travail spirituel. Avant de donner sa foi à quoi que ce soit
d'autre, on doit avoir foi en soi-même. Mâ dit : "atal bishwas" « une foi, bishwas, ferme comme le roc, atal, »
est nécessaire pour l'aspirant. Notre foi est toujours vulnérable. Nous gardons
foi en Dieu tant que tout va bien, dans notre soi-disant confiance, nous aimons
penser : "Que ta volonté soit faite". Mais que quelque chose de
fâcheux survienne, nous nous exclamons aussitôt : "Mon Dieu, qu’as-tu fait
!" En tant qu’aspirant, j'ai besoin d'avoir la conviction que tout ce qui
arrive est la volonté de Dieu et que c’est pour mon bien.
J'aime être
indépendante et j'ai envie d'une liberté sans aucune obligation, même celle de discipline spirituelle.
Si quelqu'un vous demande de faire quelque
chose, vous acceptez ou non, s’il insiste vous vous mettez en colère. Ce n'est
pas une expression d'indépendance. Vous êtes en fait sous le coup de
l'irritation ou de la colère. Derrière votre désir d'indépendance, il y a
l’aspiration intérieure constante au bonheur perpétuel. Dans la poursuite du
bonheur, si vous vous mettez en colère, le but même d'être indépendant se
trouve mis en péril. La rationalisation et l'équilibre des modèles
d’interaction avec le monde à la fois intérieur et extérieur réduit le sentiment
de malheur dans notre vie. Si vous obtenez votre bonheur aux dépens de
quelqu’un d'autre, ce n'est plus du bonheur.
Apporter cet équilibre dans la vie, cela
revient à y introduire une discipline et un contrôle de soi. Ceci n'est
possible que par la pratique ; au début, cela peut sembler une sorte
d'obligation qui vous est imposée, mais ensuite, avec l'habitude, cette
impression de carcan s'évanouit. On dit qu’il faut ramasser une épine pour
extirper celle que vous avez dans le pied, et ensuite rejeter les deux. Votre
soi-disant indépendance est enracinée dans votre désir d'indépendance. La
liberté authentique est la liberté des liens du désir. En ce monde, vous ne
pouvez vivre seul. Vous devez dépendre de quelque chose ou de quelqu’un :
notre vie est sous le signe de la
symbiose. Celle-ci n’est pas contradictoire avec la liberté. Tant que
notre conscience se projettera sur les objets, notre espoir de liberté se
situera toujours dans un horizon très lointain. Plus nous essaierons de nous en
approcher, plus il s’éloignera.
Vous faites bien de dire
que vous aimez la liberté : cela signifie que vous en avez le goût à
l'intérieur. Sinon, comment pourriez-vous l’aimer? Essayez de rentrer à
l'intérieur et vous découvrirez qu’elle est là, simplement ; la pratique
spirituelle montre le chemin de la liberté.
Pour venir à Dhaulchina,
vous m’avez demandé comment organiser votre voyage, et je vous ai répondu. Vous
auriez pu venir sans mon aide, mais cela aurait été moins confortable. Il y a
un autre endroit dans la région qui s'appelle Dhaula-Dévî, beaucoup de gens se
trompent et perdent une journée avant d'arriver ici : parce qu’en fait ils
ne se sont pas souciés d’être guidés, ils ont eu des ennuis. Pour suivre la
voie spirituelle, vous avez besoin d’un guide qui vous assiste de son
expérience. Ayez confiance, essayez et acceptez-le. Il n’agit pas sur votre
indépendance, mais il rend votre voyage vers l'indépendance plus facile.
Est-ce que les restrictions sur l'alimentation
sont obligatoires dans la pratique spirituelle ?
Avant de répondre à
cette question, essayons de répondre à
une autre : pourquoi prend-on de la nourriture ? La première réponse est
simple, nous mangeons pour vivre. Notre vie est orientée vers l'action. Pour cette
action, nous avons besoin de nourriture ; celle-ci est la source de
l'énergie. De fait, la nourriture a trois utilités. Le métabolisme,
l’apaisement de la faim et la satisfaction. Il y a un proverbe en Inde qui dit
que la nourriture constitue le mental. En d'autres termes, on peut dire qu’il y
a une relation intime entre la nourriture et le mental. Si l’on souhaite
contrôler le mental, le contrôle de la nourriture est nécessaire. Un aspirant
est supposé manger pour vivre et non pas vivre pour manger. La plupart du
temps, on mange plus que nécessaire ; pour un aspirant, la quantité de
nourriture absorbée doit être basée sur le besoin et non sur le désir.
Qu'en est-il de la nourriture végétarienne ou non?
Les
habitudes alimentaires dépendent de différents facteurs. Il y a des variations
dans la situation géographique, les conditions climatiques, la disponibilité
des aliments, la quantité de travail à fournir, etc., et tout cela influence
les habitudes alimentaires des gens ; en Inde, on recommande la nourriture
végétarienne pour les aspirants spirituels. De plus, d’après les règles
alimentaires prescrites pour la pratique du Yoga, les épices fortes sont
interdites. La nourriture doit être bien cuite, facile à digérer, agréable à
regarder et elle ne doit pas être avariée. Cela peut vous sembler étrange que
l'état mental du cuisinier et la manière dont la nourriture est préparée jouent aussi un rôle
important : par exemple, si vous préparez un plat en étant de mauvaise
humeur et que vous préparez le même à une autre occasion avec amour, le goût de
ces deux plats ne sera pas le même.
Dhaulchina
La Retraite de SILENCE
Dans la clairière de LUMIERE
2-23 juillet 2004
Par Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti)
Le
petit bus en folie, débarrassé de la plupart de ses participants qui ont
préféré suivre Jacques Vigne à pied le long des crêtes, s’envole dans les
tournants himalayens, les valises en bataille !
Je parsème toujours ce que j’écris de quelques notes
d’humour, ce qui donne le recul nécessaire pour l’observation, l’analyse et la
dédramatisation de certains états d’âme. A chacun d’y déceler la profondeur qui
s’y cache, selon sa nature…
Nous sommes donc arrivés à Delhi, joli petit groupe de 21
personnes, le soir du 2 Juillet. Pour aller plus vite afin de ne pas tous faire
la file d’attente pour changer nos Euros en Roupies, on avait chargé deux
messieurs de récolter les fonds et de les répartir, ce dont ils se chargèrent
avec brio et avec l’aide (en guise d’enveloppes) des ‘vomiting bags’ de notre
avion d’Air France/Air India, car les liasses de Roupies sont plutôt
volumineuses !
Dépassant la foule d’une tête, Jacques Vigne nous
accueillait comme d’habitude, et cette fois avec les pétales de roses provenant
de la fête de Gurupurnima (la fête du
Gourou) qui venait d’avoir lieu comme chaque année, à la pleine lune de
Juillet.
A Minuit, au sortir de l’aéroport bien frais, on fit
notre entrée en Inde dans un ‘four’ à 39° centigrades.
Puis le lendemain, ce fut le ‘De Luxe Bus’ à air
conditionné qui nous conduisit pendant toute la journée jusqu’à l’ashram de Mâ
Anandamayî à Patal Dévi (1500m en Himalaya) où eut lieu notre première
véritable prise de contact.
Dans le bus, Jacques a pour habitude de prendre chacun à
tour de rôle pour mieux le connaître, approfondir sa vie, ses aspirations, sa
démarche spirituelle, ses connaissances.
Ayant bien demandé à loger seule, j’eus droit, à mes
yeux, à une ‘chambre de moine’. Et qu’est-ce que c’est qu’une chambre de moine
en ashram ? C’est : « Au
centre un lit en bois dur, une araignée sur le mur… » (Sur l’air de
« Une poule sur un mur, qui picote du pain dur » etc…)
Hé hé ! Quand on veut être seule… !
« Jacques, où dois-je aller, je n’ai ni lavabo, ni
WC ? »
La réponse du mystique tomba drue, tandis qu’une lueur de
malice traversait les yeux du psychiatre qu’il est tout à la
fois : « Eh bien, dans ce cas là, tu transcendes le
corps !!... »
Et pan sur le bec. Les voyages forment la jeunesse,
avais-je écrit en recrutant mes participants au voyage et je parvins à très
bien me débrouiller.
Enfin le lendemain ce fut : la ‘montée’ vers le
Paradis, l’ermitage de Dhaulchina, clairière de lumière faisant face aux
sommets des grands Himalayas sortant d’une brume légère…
Quand Jacques dit qu’il y aura une montée à pied
d’environ 3h30 par les crêtes des montagnes, soyez sûrs que 5 bonnes heures
seront nécessaires, surtout en groupe ! Les quelques-uns restés dans le
bus avec les valises volantes, se contentent pour les dernières 20 minutes à
pied obligatoires, de gravir une ‘montée de chèvres’, boueuse ou herbeuse,
selon le temps. (Laissez quand même les bagages au vestiaire).
L’énergie et la puissance du OM
Je sens le groupe à la résonance du OM. Déjà, après 3
jours de retraite silencieuse où nous travaillons avec Jacques sur les
significations du OM, les vibrations timides du début prennent de la vigueur.
Chacun à son rythme, au tempo mélangé, l’ensemble résonne comme dans une
cathédrale, les dos se redressent, les cœurs s’ouvrent, les esprits s’envolent
et la méditation commence dans la petite salle dédiée à Mâ Anandamayî, où soir
et matin Nandoû le jeune gardien vient faire sa pûjâ et fleurir l’autel. Ma
chambre est contiguë. J’entends donc ses clochettes, ses chants, et le son de
la conque dans laquelle il souffle, alors que les cigales se mettent à chanter
en chœur à 19h30 pile et que la brume se dissipe pour laisser place parfois à
un coucher de soleil sur les sommets himalayens, entre deux nuages de crème
Chantilly qui ressemblent à ceux qui entourent le Bon Dieu sur les images de 1ère
Communion. C’est féerique !
La demeure de Swami Nirgunananda, telle la proue d’un
navire, vitrée de toutes parts, domine l’horizon infini : les fleurs et le
petit potager à gauche, la chaîne des Himalayas devant à perte de vue, la forêt
de pins à droite.
Plusieurs petites maisons roses abritent les
participants. Le lieu fut déboisé peu à peu par Nirgunananda. Il est devenu une
clairière lumineuse aux parfums fleurant bon le thym, le serpolet et le tulsi
qu’on met dans nos tisanes du soir.
La nourriture est savoureuse, équilibrée et variée :
riz et dal aux lentilles, délicieux légumes simplement ébouillantés, choux,
concombres, haricots verts, courgettes…Tout est végétarien. Des desserts
succulents : petites nouilles au lait et à la mangue, tapioca aux fruits,
riz au lait, semoule, concombres hachés au lait, sucre et fruits (original).
Sans compter les sortes de porridge, ou muesli au miel du matin, le tout
dégusté en SILENCE au milieu des fleurs, parfois sous quelques gouttes d’une
pluie bienfaitrice.
Le programme de la retraite
Il est souple : de 6h à 7h, première méditation
silencieuse. 7h15 petit déjeuner. 9h30 à 10h Hatha Yoga. 10h à 10h45 Ecoute du
Silence avec Jacques Vigne. 11h30 à 12h30 satsang avec Swami Nirgunananda.
12h35 déjeuner. Puis pose silencieuse jusqu’à la promenade de 16h avec
Nirgunananda et Jacques dans la nature sauvage, plaines, mamelons, et sentiers
parsemés d’aiguilles de pins. Enfin de
17h à 18h satsang avec Swamiji, généralement sur sa terrasse surplombant l’Himalaya.
18h15 dîner. Puis de 20h30 à 21h dernière méditation silencieuse, horaire dédié
également toute l’année au silence consacré à Mâ, qui avait coutume de
dire : « Je suis comme un instrument de musique. De la manière
dont vous en jouez, de cette manière vous entendrez le son. Pour moi, je n’entends
que le son fondamental. »
Vers 5h du matin, quand je m’éveille au son de la chorale
des criquets dans l’herbe, j’aperçois un joli renard argenté, aux yeux clairs
flamboyant de malice, occupé à guetter des proies au milieu des herbes hautes
et des buissons de roses, de glaïeuls et de pivoines derrière ma chambre. Il
aperçoit mon visage à travers la moustiquaire de ma fenêtre. Nous nous toisons
en silence, comme avait dû le faire Swami Vijayananda devant un léopard, il y a
des années, quand il vivait seul ici dans une cabane sans eau ni électricité.
Le léopard l’avait fixé, Vijayananda l’avait toisé calmement et l’animal s’en
était allé.
Dans le Hatha Yoga du matin, Jacques maintient ses 1m92
en équilibre parfait, accroupi sur les doigts de pieds d’un seul pied. Puis, il
nous montre la posture assise sur les talons, les deux plantes de pieds
verticales. C’est le Kurmasana, la
‘Tortue’ (on devrait l’appeler ‘la torture’ !...
L’enseignement qu’il nous transmet conduit à une rude
restructuration de soi-même, à une purification intérieure.
Que va-t-il se passer en nous ? Chacun ‘à son
niveau’ va capter ses vibrations puissantes et subtiles, parfois déchirées par
le cri d’un oiseau.
Des Courmettes à Dhaulchina
Deux années ont passé depuis le premier choc reçu par moi
lors d’une retraite spirituelle avec Jacques Vigne sur le thème du Mariage
Intérieur. Etape de la vie, tournant fulgurant qui brouille les vieilles pistes
et éclaircit la route. Après les péripéties d’une vie journalistique et surtout
artistique, le chemin n’est pas des plus faciles. Mais c’est là où l’Art
rejoint la Foi. Quel que soit le moyen d’expression, l’important est d’être
sincère et d’aller jusqu’au bout de sa motivation.
Bien qu’ayant des années de lectures et eu des rencontres
d’âmes exceptionnelles, je n’aurai pas la prétention d’écrire sur la
spiritualité. D’autres beaucoup plus qualifiés que moi s’en sont chargés. Je me
limiterai à être le porte-parole de tous ceux, ou celles, qui sont à la
recherche d’une vérité, d’une compréhension d’eux-mêmes, avides d’ouverture,
comme des petites antennes s’élevant au-dessus de la déliquescence actuelle de
notre pauvre monde et cherchant une porte de sortie vers la spiritualité, la
méditation, le SILENCE…
Les trois sont le propre de Dhaulchina, et c’est aussi le
but de ces voyages de groupe, dont le prix payé par les participants est
destiné, pour une partie non négligeable, à des œuvres utiles, à des aides
cruciales et nécessaires pour aider à améliorer les conditions de vie de plusieurs
communautés.
Aux côtés de Jacques Vigne, ermite, brahmachari, yogi, doublé de l’auteur talentueux que l’on connaît,
vit (j’allais dire ‘sévit’) Swami Nirgunananda. Les deux hommes sont très
différents et se complètent en quelque sorte. Grand philosophe, Nirgunananda
nous entraîne dans le labyrinthe de ses pensées et de ses paradoxes, ainsi que
dans son amour illimité pour Mâ Anandamayî, dont il fut le secrétaire pendant les trois dernières
années de sa vie. Voir et entendre également Swamiji éclater de rire est déjà
un bain de plénitude.
Le grand Jacques, roulé dans sa longue cape blanche, est
là également pour traduire ses propos de l’anglais en français.
En tant qu’ex-scientifique, biochimiste, Nirgunananda
nous plonge avec dynamisme dans la dissolution du ‘Moi’.
« I
am the salt, God is water ». Il
faut pouvoir se dissoudre l’un dans l’autre, comme le sel et l’eau, et non pas
comme le sel et le sable. La manière de traiter le sel et le chemin spirituel
est la même chose. On dissout, on filtre, on obtient le sel pur. Je suis le sel
de roche avec toutes ses impuretés à l’intérieur. En plongeant dans le divin,
la saleté va se déposer au fond. Plongez profond dans l’amour de Dieu, et vous
serez dissout dans l’amour. Même chose pour la beauté ou la bonté. C’est le but
ultime de l’adoration, l’ajapa-japa…En plongeant dans la pureté de
Dieu, vous devenez une partie de Dieu. Le vrai sel pur est là, dans le minerai
de base qui est impur. Le travail du chimiste est de séparer le vrai sel de
l’impureté. Vous êtes le sel de l’Univers. Le ciel a besoin d’un solvant :
c’est le Père dans les Cieux. Si vous êtes sincères et honnêtes, il vous sera
donné ce dont vous avez besoin.
Comme nous l’a dit Jacques Vigne en citant R.M.
Rilké : « On fait Dieu à partir du meilleur de toutes choses, comme
l’abeille fait le miel de toutes fleurs. »
Avec Jacques, ce sont les initiations à l’écoute de notre
propre SILENCE et les suggestions de techniques de méditations.
Le groupe est bien en harmonie, les participants sont
heureux. Le travail se fait à l’intérieur. Les hommes sont presque tous devenus
barbus.
Le contraste entre Jacques, l’homme en blanc, et le Swami
en orange, est des plus enrichissants.
Un soleil chaud et radieux fait suite à la pluie, et les
promenades à 2200 mètres, dans les forêts de pins aux herbes odorantes,
dominant les vallées aux pieds de la grande chaîne des Himalayas, sont une
bouffée de cet univers, une envolée vers ce qui crie en nous le besoin d’union,
d’amour et d’UNITE à la fois.
Durant les ‘entractes’ pluvieux, une certaine nuit
d’averse m’a inspiré un long poème dans lequel je dis que « J’aime la
chambre où il pleut dedans ». Extrait :
Pluie
d’étoiles sur mon mental
Pluie d’amour, purificatrice
Qui efface les cicatrices
Pour faire place nette et totale.
Sous peu, nous redescendrons à Kankhal pour aller visiter
le vieux Maître Vijayananda qui va allègrement sur ses 90 ans…Nous l’écouterons
lui aussi au cours des satsangs nous reparler de Mâ devant son samadhi de
marbre blanc.
Cette fameuse chambre ‘où il pleut dedans’ a des
vibrations particulières, Vijayananda y avait sa cuisine lorsqu’il habitait
Dhaulchina, seul pendant 7 ans.
Avant de regagner Delhi pour y faire les
achats/souvenirs, nous visiterons le vieux village de Kankhal, son temple de
Shiva Daksheshwar et des 10 formes de la Déesse, puis nous passerons une
journée à Rishikesh, la capitale du yoga, et ferons notre visite habituelle sur
les rochers des bords du Gange, aux pieds de la Grotte de Vashishta Gupha, où le
petit fils spirituel de Ramakrishna passa 30 années de sa vie en méditation,
immergé dans le silence.
« Le son du silence est à l’intérieur de nous, c’est
lui que vous pouvez entendre » C’est la première résonance du SOI en écho
d’une longue tradition.
L’Apothéose
C’est
notre avant-dernier jour, consacré au SILENCE complet. Et comme par
enchantement, le coucher du soleil nous réserve une magnifique surprise en nous
révélant des sommets himalayens émergeant au-dessus des nuages.
D’habitude,
en cette saison, ils sont cachés par la brume, mais voilà que plusieurs se
dressent à l’horizon : le Trishul à 7100m, le Panchashuli 6900m, la Nanda
Dévi 7860m. C’est un enchaînement de cimes enneigées sur des centaines de
kilomètres, à perte de vue.
Notre silence ajoute encore une profondeur impalpable au
côté féerique du moment. Nous tous, groupés sur la terrasse autour de Jacques,
nous avons l’impression d’admirer le toit du monde.
Mais je termine une fois encore par une nuit d’averse,
comme pour le poème…La pluie crépite sur mon toit qu’elle traverse hardiment
par endroits. C’est la mousson qui commence.
Je mets fin à ces quelques lignes et mon dernier mot se
noie dans l’évanescence d’une goutte d’eau…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Ecrit à Dhaulchina
Retraite silencieuse de Juillet 2004
Dhaulchina –
Minuit
(Sous la pluie)
Ce poème pour
démontrer qu’une chose qui peut sembler négative au départ,
Peut se
transformer en une ‘Joie Intérieure’.
La chambre où il pleut dedans
J’aime la chambre où il pleut dedans,
Où est cet enclos de lumière ?
A Dhaulchina dans la clairière
Les grands Himalayas devant.
Rhododendrons, magnolias,
Forêts de pins, herbes odorantes,
Et là une pensée me hante
‘Pourquoi suis-je donc allée là-bas’ ?
Un homme en blanc, l’autre en orange
M’ont tracé ce chemin qui monte,
Pourrai-je le grimper sans honte
Moi qui suis si loin d’être un ange…
Le ciel de la mousson s’égare
De la pluie mes pensées s’emparent
Chaque goutte un émerveillement
Chaque mot un enseignement.
Le satsang du soir m’émerveille
Et les pensées de Mâ m’éveillent
Les gouttes de pluie me réveillent
Dans mon lit je n’ai pas sommeil.
L’araignée sur le mur attend
Le seau recueille le scintillement
Des grosses gouttes qui, gentiment,
Giclent aussi sur mon duvet blanc.
L’averse bat son plein maintenant
Lavant à coup sûr les pensées
D’un EGO redimensionné
Par la joie de l’Enseignement.
Pluie d’étoiles sur mon mental
Pluie d’amour, purificatrice
Qui efface les cicatrices
Pour faire place nette et totale.
Puis c’est le retour au SILENCE
C’est l’aube, un oiseau s’envole,
Le cœur en paix n’est plus frivole
Le temps est à l’impermanence.
Et dans mon éveil du matin
Le renoncement est certain
Un nouveau SOI surgit enfin
Pour se rattacher au DIVIN.
J’aime la chambre où il pleut dedans
Où est cet enclos de lumière ?
A Dhaulchina dans la clairière
Les grands Himalayas devant.
Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)
Dhaulchina - Retraite silencieuse de Juillet 2004
Rattachement
Nous étions attachés
Nous nous sommes
détachés
Nous voici enfin
rattachés
Se rattacher, c’est
revenir au monde en état de Liberté
C’est reconnaître
l’autre en Frère dans son altérité
C’est avoir foi dans ses
actes sans en être dérangé.
C’est aussi apporter
présence et fraternité,
Quelque soit le degré de
proximité,
Afin que chacun y trouve
à prendre à volonté.
Ainsi seulement pourra
se réaliser
Ce vieux rêve de
l’Humanité
Que nous appelons Solidarité.
Hélas nombreux sont ceux
qui ont peine à se détacher,
Tant le voyage leur
apparaît semé de dangers…
Mais il faudra qu’un
jour certains se sentent appelés
Pour qu’apparaissent
aussitôt des Frères pour les accompagner.
Ainsi pourront-ils à
leur tour cheminer
Puis, le moment venu,
venir se rattacher
Comme d’autres avant
eux, à la grande chaîne des Initiés.
Sandra
Poèmes écrits à Manikarnika Ghat
(Le ghat de crémation de Bénarès)
par Antonio Dagnino
Oh mort, apprends-moi comment mourir d'instant en
instant,
Afin que mon esprit demeure toujours immaculé!
Oh vie, enseigne-moi à ne jamais oublier l'amour.
Aimer l'amour, être l'amour.
Etre en amour comme une semence avec la terre
fertile,
Comme l'eau douce avec l'eau salée, le feu avec le bois sec, l’air avec le vent
rapide...
Comme l'univers avec l'espace infini.
Oh Shiva-Shaktî...
Puisse ce poète être votre canal,
votre instrument spontané, votre voix joyeuse
vibrante, terrestre,
mais aussi de l'autre monde.
Puisse-t-il chanter la mort de la mort,
Et le Soi immortel, omniprésent,
dans tous les sois.
Antonio a passé peut être un mois en avril 2004
avec sa famille à Kankhal. Voici son
poème qu'il a écrit en vers rimés en anglais (Kankhal est le lieu où Sati s'est
jeté dans le bûcher à cause de conflits I avec son père Daksha, et où son mari
Shiva a emporté son corps, submergé par la douleur et a entamé sa danse tandava de destruction du monde) :
Auprès de ce cercle magique où Sati - jamais brûlée - continuent à chanter son
Mari ;
En cet endroit même où Shiva s'est oublié
Comme n'importe quel être humain affolé, au cœur brisé, en adoration ;
Auprès du Gange purificateur, comme une balançoire
Jaillie du pied des collines turquoise et des pics bleus souverains...
Je connais un tombeau qui parle :
Là, en une conscience supérieure, libre,
complètement à l'aise,
Dans un corps subtil constitué d'éveil et de paix,
Anandamayî, la mère de délices,
dispense son silence
profond, sa lumière douce
et sa vision
pénétrante.
Secrètement, sublimement, discrètement,
Furtivement, magnifiquement, affectueusement,
Elle comprend, englobe, élucide,
Remercie, infuse, communique,
Emane, transforme et émancipe !
(Traduit
par Jacques Vigne)
Le
luthier le violoniste
par Parvatî
Dieu est comme un luthier
Avec l'aide d'un bûcheron, et il prend un morceau de vie dans la forêt immense
de l'univers.
Il fait, avec ce morceau de vie-là, le dessus du corps (le violon), puis il
prend un autre bout de vie et il fait le
dessous du corps (du violon).
Cela donne un homme (on un instrument), puis
le luthier continue son travail, il prend ensuite des cordes pour faire
une âme au corps - à partir de ce moment-là, le violon joue, et devient
musical…
magnétique.
Mais le son n'est pas encore merveilleux pour autant.
On en joue la première fois en poussant un cri (ou une fausse note) à la naissance.
Il faut alors avec la vie qui passe apprendre à accorder notre violon en
écoutant les conseils du luthier.
Nous joignons à ce texte de Parvatî une strophe écrite par son petit frère
Bruno, juste avant qu'il passe jeune âge emporté par une myopathie progressive
:
Au lieu de se battre
Pour soi, contre les autres,
Se battre contre soi,
Pour les autres.
Nouveaux
abonnés
La plupart d'entre vous ont
renouvelé leurs abonnements au printemps dernier. Pour ceux qui ne l'auraient
pas fait, ou pour les nouveaux, il est possible d’envoyer un chèque de 6 € à
l'ordre de Jacques Vigne à l'adresse suivante :
Nadine Laudebat et José Sanchez-Gonzalez
Maison Augier-Quartier Saint-Martin
84110
VAISON-La-ROMAINE
Tél : 04 90 28 80 23 en cas de besoin.
Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.
En cas
de problèmes de ‘Jay Ma’ précédents qui n’auraient pas été reçus, s’adresser
directement à Pushparaj Pandey en écrivant un courriel en anglais à ishu1145@yahoo.co.in ou à Ma
Ananadamayi Ashram Kankhal 249408 Hardwar UA Inde ou par téléphone au 00 91
98 37 38 90 33. Il et en charge de l’envoi des ‘Jay Ma’ et a maintenant une
photocopieuse chez lui pour refaire de nouveaux exemplaires si besoin.
Jacques Vigne réside maintenant principalement au
Ma Anandamayi Ashram Dhaulchina 263681
Almora UA Inde
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
Réponses récentes de Vijayânanda p.8
Pensées de l'Himalaya par Swâmî Nirgunânanda p.13
Dhaulchina – La retraite de silence par Mahâjyotî p.23
La chambre où il pleut dedans par Mahâjyôtî p.32
Rattachement par Sandra p.34
Les strophes de Manikarnika par Antonio Dagnino p.36
Le mahâsamâdhi de Mâ " p.37
Le luthier et le violoniste par Parvatî p.38
Nouveaux abonnés p.39
Table p.39
Jay Ma N°75 - Hiver 2004-2005
Paroles de Mâ
Question : Quel est le moyen de stabiliser le mental? Ce qui ne connaissent
rien et n’ont pas de gourou, quelle sadhanâ doivent-ils choisir? Comment
comprendront-ils la sâdhanâ dont ils ont besoin?
Mâ : Voyez-vous, de la
même manière qu’on consacre de grands efforts à apprendre à lire et écrire à de
tout petits enfants, et par la suite ils deviennent très instruits, de même il
faut faire effort pour enseigner cet enfant qu’est le mental. Tout comme la
nature du mental est l’instabilité, sa nature est églement la stabilité. Il
désire la paix autant que possible [ou “la paix réelle” yathârtha shânti] à cause de cela, il ne la trouve pas dans aucun
des objets du monde et il ne cesse de courir.
En étant
vide, tu peux devenir “blanc” (shveta),
ou en te dissolvant à l’intérieur de tout, tu peux aussi devenir blanc. Cette
couleur est la synthèse de toutes les autres et pourtant n’a pas de forme, elle
est la non-forme des formes. Pour devenir blanc, il faut être droit et direct (sidha).
Si tu t’efforces d’être blanc comme lait à l’intérieur et à l’extérieur
en t’appuyant sur la vérité et la simplicité, tu seras heureux, et tu rendras
les autres heureux. Le signe le plus direct qu’on est devenu simple et blanc,
c’est quand on est détaché. Engage-toi dans le monde en réduisant ton
auto-suffisance à zéro, et tu verras comment tout concourra àte faireparvenirà
laplénitudedelavacuité et rendra ton activité favorable où que tu sois, tes
devoirs s’accompliront de façon idéale.
En cette époque qui pousse au matérialisme et à la consommation, on doit
particulièrement se servir du détachement
sacré et de la simplicité. En réalité, la plénitude du détachement (tyaga) est un autre nom pour la
plénitude de l’expérience (bhoga)
Hari
Baba
Par Vijayananda
J'ai connu Hari Baba pendant plus de
quinze ans et je l'ai rencontré en de nombreuses occasions, mais aussi étrange
que cela puisse sembler, nous n'avons jamais échangé un seul mot. Il faisait
partie des mahâtmâ-s qui venaient
fréquemment rendre visite à mon gourou
et j'ai souvent été assis en face de lui parfois pendant des heures d'affilées
; mais il n'y a jamais eu de contacts établis par la parole.
Pourtant, Hari Baba était un
Siddha-Pourousha, un sage qui a eu la vision de la Vérité ; il est aussi un
saint, un bhakta qui a choisi de suivre le chemin de l'amour. J'ai entendu dire
qu'il était à l'époque un étudiant en médecine, mais qu'avant qu'il ait fini
ses études son ardeur religieuse a pris complètement possession de lui et qu'il
a renoncé au monde. Sa soif pour le Divin était si intense qu’il pouvait même
se rouler sur le sol en pleurant et en s'exclamant Hari!
Hari! ! (Un des noms de Vishnou).
Apparemment c'est à cause de cela qu'il a reçu le nom de Hari Baba ; ses
disciples pensent qu'il est une incarnation de Chaitanya Mahâprabhou, le
célèbre saint bengali qui a réformé le vishnouïsme au XVIe siècle. Comme le
grand réformateur, Hari Baba est né le jour de la pleine lune de Holi (à peu
près mi-mars).
Hari Baba est un Punjabi
et comme la plupart des personnes de cette origine, est doué d’un corps solide.
Il s'habille très simplement dans une robe de couleur de flamme, la couleur des
sannyâsins, car il en est un
lui-même. Son gourou était Swami Satchidananda de Hoshiarpur et il était un ami
intime du célèbre sage de Vrindâvan, Uria Baba, qui a quitté ce monde juste
avant que je n'arrive en Inde.
Une longue barbe blanche encadre un visage
sérieux et pensif. Il sourit rarement. Et quand il rit, c'est presque à regret
; car, en vérité, y a-t-il de quoi se réjouir en ce monde ? Pourtant, je ne l'ai jamais vu le visage
triste. Une expression de sérénité et de douceur filtre à travers un masque
superficiel sévère, comme une lumière qu'on voudrait cacher derrière un rideau.
Son regard semble constamment tourné vers l'intérieur, comme s'il vivait dans
une sphère qui échappe au commun des mortels ; quand il est assis dans des
réunions religieuses, il regarde rarement le public. Sa tête est baissée et son
esprit semble reposer sur les vérités profondes. Puis, il se lève et retourne à
sa chambre à pas rapides avec le même regard baissé sans regarder à droite, ni
à gauche, donnant l'impression qu'il aurait hâte d’échapper à la foule.
Pourtant, ce n'est pas un sage qui
néglige le monde, car, quand cela est nécessaire, il fait travailler ses
disciples pour le bien de la société et met la main à la pâte quelquefois lui-même.
Il est célèbre au Punjab pour avoir fait construire au village de Bandh un
barrage destiné à protéger des inondations. L'on raconte aussi qu'un jour, dans
une période de sécheresse anormale, ses admirateurs le supplièrent de prier pour la pluie. Hari
Baba se laissa attendrir. Il rassembla ses disciples et fit un kirtan (chant religieux)... Et la pluie
vint.
Son enseignement et ses méthodes sont
pleinement en accord avec la vieille tradition hindoue orthodoxe, spécialement
sous son aspect de dévotion. Il n'a pas de disciples Occidentaux, ni même
d'admirateurs non hindous, car c'est un domaine entièrement fermé aux gens
d'Occident. Hari Baba s'adresse avant tout à l'hindou des couches populaires et
non à l'intellectuel. Ses disciples sont pour la plupart des gens rudes et
frustes, aussi les méthodes enseignées sont celles en accord avec ceux qui les
reçoivent. Ceci ne les empêche pas d'être excellentes et efficaces, car l'homme
fruste est souvent plus capable d’appréhender l’expérience spirituelle que
l'intellectuel ou le savant, à l'esprit encombré par un bagage trop lourd pour
passer la porte étroite de la vraie connaissance. Le grand yogi de Nazareth
n'a-t-il pas dit : "heureux les simples selon l'esprit..."
Hari Baba, bien que semblant planer dans des
sphères éthérées, est un sage réaliste. Ce qu'il veut avant tout, c'est attirer
le cœur de ses auditeurs vers Dieu et pour ce faire, il emploie- en plus des
méthodes classiques des écoles de bhakti - des méthodes simples et directes qui
frappent l'esprit ; dans les réunions religieuses où Hari Baba est
présent, il y aura toujours au moins deux éléments spectaculaires : la Ras-lîlâ, et le kirtan.
La Ras-lîlâ
est une représentation théâtrale religieuse mettant en scène les aventures de
Krishna telles qu’elles sont décrites dans le Bhagavata Pourana. Le plus souvent, c'est une troupe de jeunes
garçons spécialement entraînés à Vrindâvan qui donnent la représentation. Les
garçons sont vêtus de costumes luxuriants, fardés et souriants. Il n'y a pas de
femmes dans la troupe, et ce sont les garçons qui tiennent les rôles féminins.
Ces représentations attirent toujours des foules formées surtout par les gens
du peuple. Les hindous (comme les Occidentaux d'ailleurs) sont très friands de
spectacles et de cinéma, et c'est avec une volonté d’opérer un "transfert
affectif" qu’on demande de diriger cette passion vers les choses divines.
Le kirtan
est un chant religieux en groupe accompagné d'instruments. Mais celui de Hari
Baba est tout à fait remarquable et mérite une mention spéciale. Ceux qui ont
l'habitude des kirtans s'attendent à
y trouver une atmosphère de douceur, de tendresse et toute la gamme des
émotions de ceux qui ont choisi de chercher le Divin par la route de l'amour.
Mais rien de tout cela dans les kirtans
de Hari Baba : les chants religieux qu'il entonne lui-même en compagnie du
groupe de disciples dégagent une impression de formidable puissance. D'autre
part, ce ne sont pas une série de chants choisis au hasard selon l'inclination
du ou des chanteurs, comme cela se fait d'habitude, mais une suite de mantras à
réciter ou chanter avec une gradation progressive et l'intonation voulue.
Ces kirtans
imposent à l'esprit le souvenir des rites magiques des temps védiques où l'on
évoquait le pouvoir divin qui devait venir... de gré ou de force. Hari Baba et
ses disciples récitent ces chants à
heures fixes : le matin à l'aube et le soir vers le coucher du soleil.
Cela fait partie du programme journalier obligatoire des disciples et constitue
un élément important de leur sâdhanâ.
Quand le kirtan va commencer, Hari
Baba est debout au centre d’un cercle dont ses disciples forment la
circonférence. Tout d'abord ils semblent appeler avec toutes leurs énergies le
Pouvoir divin vers la terre. Puis les chants commencent...
Au début, c’est mezzo voce, puis le son
des voix devient de plus en plus fort, de plus en plus violent et semble
vouloir dépasser les limites de la puissance humaine. Hari Baba est toujours
debout au centre, les disciples lui ont passé un gong en laiton et un marteau.
Hari Baba commence à frapper en cadence sur son gong de plus en plus fort. Il
utilise d'abord ses mains, ses bras, puis tous les muscles du corps participent
à l'effort. Tout en martelant le gong, il danse et danse. Il tourne en cercle
la tête baissée de côté comme si le centre de gravité de son corps était
déplacé et l'entraînait dans ce mouvement. Ses yeux sont fermés et en plein kirtan, il semble qu'il ait perdu
conscience du monde extérieur. Les disciples autour de lui dansent en cercle et
chantent en chœur avec leur maître sur le même ton de voix, utilisant l'extrême
limite du pouvoir des cordes vocales. Leur danse évoque plutôt l'idée d'une
danse martiale que celle d’un l'exercice chorégraphique. Comme leur maître, ils
utilisent leurs muscles au maximum de leurs capacités. Ils s'accompagnent
d'instruments - presque uniquement des tambours, des gongs et des cymbales –
qu’ils frappent avec un maximum d'énergie.
L'ensemble produit un bruit formidable, mais
qui néanmoins, malgré la puissance, conserve son harmonie. Quant le kirtan est chanté dans une salle, tout
vibre : les murs, les lampes, les meubles. La première fois qu'on l'entend, on
a envie de s'enfuir. La vibration se transmet du tympan à la tête, à la cage
thoracique, jusqu'aux pieds. Il semble que la coquille du corps va se briser.
Mais si l'on résiste à ce premier choc, on s'aperçoit que dans cette puissance,
il y a un grand calme, comme celui d'une majestueuse montagne ou du formidable
roulement du tonnerre.
Les autres méthodes préconisées par Hari
Baba font partie de l'enseignement classique des écoles de bhakti. Le Hari katha (conférence religieuse), le japa (la répétition d'un nom du Divin),
le Bhagâvat-smaran (penser
constamment à Dieu), la lecture de textes religieux, surtout les Pourana-s (Bhagavad-Gîtâ, Bhagavata Pourana etc.). Toutes ces méthodes sont
excellentes et partent d'un même principe : tenter une dérivation de
l'affectivité vers les choses divines. Néanmoins, elles sont spécifiquement
hindoues car elles s'appuient sur des traditions millénaires et s'adressent à
des individus qui sont nés et ont été élevés dans cette atmosphère spéciale de
l'hindouisme orthodoxe. L'Occidental moyen croit qu'on peut changer de
religion. Mais en Inde, la religion est encore une chose vitale, on sourit
quand on entend parler de conversion à l'hindouisme. Car l'on est convaincu que
la religion fait partie intégrante de l'individu, de sa race, et de la caste
dans lequel il est né. Néanmoins, le "sentiment religieux", la
"ferveur religieuse", "l'amour du Divin", sont des
archétypes communs à toute la race humaine. Ce ne sont en fait que les détails
du rituel, c'est-à-dire les noms et les formes qui créent les barrières, le
"rideau de fer". Néanmoins, ceux-là sont utiles pour la majorité des
humains car pour appréhender l'infini, il faut passer par un chemin des noms et
les formes servent de jalons.
Souvent, en me promenant dans les rues de
Bénarès, Hardwar ou Vrindâvan, en
assistant à un kirtan, à une Durgâ poujâ (fête de Durgâ) ou à une Shivaratrî (une nuit de Shiva, une fête importante en général en
début mars) j'ai senti, comme une chose presque palpable, cette intense ferveur
religieuse. Mais en même temps, j'ai compris combien absurde il serait de
vouloir essayer de m'intégrer et de participer, ne serait-ce que mentalement,
au détail des rituels... Et pourtant, combien j'aurais aimé tendre la main à
mes frères de derrière le rideau de fer...
Extraits de Un
Chemin de Joie livre disponible au complet seulement sur le site de Mâ,
www.anandamayi.com
Voyage vers l’immortalité
Le
journal spirituel d’Atmananda est paru sous ce titre aux éditions Accarias à
l’automne 2003. Nous en avons déjà parlé, maintenant nous en publions un
certain nombre d’extraits. Atmananda était, avec Vijayânanda, l un des deux
sannyasis occidentaux, à être restés longtemps auprès de Mâ, de 1947 jusqu’en
1982, moment où Mâ a quitté son corps. Atmanânda elle-même est partie de ce
monde en septembre 1985 à Kankhal. Elle ne pensait pas, quand elle a pris ces
notes, que ces dernières allaient être un jour publiées. Ceci leur donne une
saveur d’immédiateté, avec en particulier des réflexions très directes sur sa
relation avec Krishnamurti et de précieux conseils de Mâ à propos de la
méditation. Certes, ceux-ci étaient particulièrement adaptés aux besoins
d’Atmananda, mais ils ont aussi une certaine portée générale.
Nous
remercions Râm Alexander d’Assise et Lalita Bugnon de Lausanne, tous deux amis
de longue date d’Atmananda, d’avoir permis la parution de ce gros ouvrage de
plus de trois cent pages, avec la collaboration de Jacques Gontier pour la
traduction. Ce dernier réside à Tiruvanamalai près del’ashram de Ramana
Maharshi.Il a traduit déjà la première partie de la vie de Mâ par Bithika
Mukerji, qu’on trouvera sur le site de Mâ www.anandamayi.com:
ils’agissait d’une parution ancienne en série dans un magazine disparu depuis,
qui était donc considéré perdu, et qui a pu être ressuscité sur Internet grâce
au dévouement de Sylvie Boksenbaum qui a retapé tout le texte sur ordinateur.
Atmananda
était pianiste professionnelle et professeur de piano à l’école de Krishnamurti
à Rajghat, dans les faubourgs nord de Bénarès sur les bords du Gange. Elle y a
passé dix ans, mais finalement s’est détachée de la musique pour plonger plus
intensément dans la sâdhanâ en tant que telle. Il est intéressant de voir
comment elle décrit une phase de cette transition importante dans sa vie:
La nuit dernière, j’ai eu encore une fois ce
vieux cauchemar dans lequel je dois donner un concert et ne parviens pas à
trouver la partition, etc. L. [Lewis Thomson, un ami proche, poète anglais
influencé par Ramana Maharshi et Mâ et
qui avait amené à cell-ci Atmananda] dit qu’il doit avoir un sens symbolique
profond. Je me demande s’il signifie le
choix entre la musique et l’Eternel, la musique représentant le monde.
Toutes les fois que je vois J.K. [Jiddhu
Krishnamurti], cela me détourne de la musique. J’ai aussi interrogé Mâ
Anandamayi pour savoir si je devais ou non aller à Delhi [pour le poste de
directeur musical] . Elle a dit “non” sans hésiter.
Delhi me déplaît plus que jamais. C’est un
endroit visqueux, horrible. Cette maison [La Radio indienne] est consacrée aux
activités politiques. L’environnement est très important. Dieu merci, je n’ai
pas accepté ce poste.
27 août 1943
Toutle monde à l’All India Radio essaie de me convaincre d’accepter le poste de
directrice. Le plus curieux, c’est que je suis encore tentée. Je me dis que
puisque de toute façon je ne suis pas capable de vraiment méditer, pourquoi ne
pas faire autre chose. Cependant, la perspective d’aller à Delhi me fait peur.
Cela me plongera dans l’irréalité absolue.
Ici, c’est tellement mieux que Delhi !
Lewis m’a longuement parlé de ma façon d’interpréter la musique, qu’il a
sérieusement critiquée. Il dit qu’au lieu de m’abandonner à la musique, je pars
à l’assuat et m’impose à elle tandis que je devrais la laissercouler
naturellement à travers moi. J’éprouve de moins en moins d’intérêt pour la
musique. Je ne suis plus vraiment une
musicienne. Il est d’accord avec moi. L’art ne se justifie que lorsqu’il
constitue une voie de développement personnel : mais pour moi, ce n’est
plus le cas. Il m’équilibre tant que demeurent en moi certaines forces
puissantes qui ont besoin d’être libérées. Mais par ailleurs, elle trouble le
calme de la méditation. Il faut que j’y renonce, et j’y renoncerai, mais je
n’ai pas vraiment le courage de le faire maintenant. Il faut se jeter à l’eau.
Mais ce ne peut être imposé de l’extérieur. Exaxctement comme lorsque j’ai
envie d’aller à Tiruvanamamlai : il faut réellement être prêt.
8 septembre 1945
Aujourd’hui, je me suis vraiment rendu
compte que si je veux découvrir « Qui je suis », je dois m’y employer
jour et nuit et abandonner tout le reste. Se contenter de passer une demi-heure
à méditer pour ensuite vivre la même vie inconsciente que tous les autres est
assez ridicule. (p.95-97)
***
27 septembre 1945
1)…J’ai l’impression que
rien ni personne ne peut retenir longtemps toute mon attention. L’esprit se
lasse même des gens et des choses que l’on aime le plus; il aspire au changement. N’est-ce pas
parce qu’il cherche l’Atman, sa propre source, qui transcende le temporel? Mère
m’a dit d’observer la respiration ou de méditer sur l’Atman, mais pour cette
dernière chose je ne sais pas comment procéder. On ne peut pas penser à l’Atman,
car il est dépourvu de qualités ‘En touchant l’Atman, l’esprit s’évapore. Toute
pensée recouvre l’Atman véritable et la pensée est anéantie, quand on
L’atteint).
2) Comment imaginer que
je suis une parcelle de la vie qui anime chaque être? Qui suis-je? Oh, je
devine à présent, je commence à comprendre: oublie ton corps, tes sentiments,
tes pensées et sens que tu n’es pas séparé de cette vie unique (auparavant,
j’essayais toujours inconsciemment de me forcer, en tant qu’égo, à m’unir à tout
au lieu de renoncer à tout effort personnel et laisser être ce qui est).
3) Mâ a dit : “Imaginez
que la Grâce et la Lumière divine se déversent sur vous”. Sur qui? Qui suis-je,
là encore? Mais je vois aussi à présent que mon point de départ consiste à imaginer
que je suis une parcelle de la vie qui anime tous les êtres vivants. Dans cet
état, je me fonds dans la lumière et la paix – pas question de corps. Ces
visualisations sont une technique capable de propulser l’esprit dans une
dimension entièrement nouvelle et libératrice.
Mettre tout ceci par écrit et
s’auto-analyser est vraiment une aide immense. Ma Anandmayi sait de quoi Elle
parle. Il faut que je La voie et que je discute de mes problèmes avec Elle.
Je ne suis pas animée d’une ardeur suffisante
pour pouvoir obtenir la Réalisation.
C’est peut-être parce que certains samskaras ne sont pas actualisés. Pourtant,
puisque le destin m’a épargné les entraves (pas de famille, pas de
responsabilités), n’est-ce pas la situation idéale pour la poursuite de cette
Quête? (p.101)
***
18 février 1955
Aujourd’hui, Mâ a donné une causerie
merveilleuse sur le pranam, ou plutôt sur le namaskar
comme Elle l’appelle : ‘Faire le namaskar signifie mettre sa tête au bon
endroit,à savoir aux Pieds de Dieu. LesPieds de Dieu sont partout et l’on peut
donc faire le namaskar partout et
devant n’importe qui ou n’importe quoi, en pensant aux Pieds de Dieu. Cela
signifie s’ouvrir à l’Energie divine qui descend constamment sur chacun.
Généralement, nous nous fermons à elle. Faire le pranam signifie donner son esprit [à Dieu]; et se donner soi-même,
de sorte qu’il y ait seulement l’Un et non deux – c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’autre. A défaut de pouvoir faire autre
chose, faites au moins le namaskar.
Il faut le faire avec tout le corps, ou si c’est impossible, avec l’esprit.
Tout d’abord pendant l’inspiration on reçoit en soi Son énergie, puis pendant
l’expiration on se prosterne et l’on expire la notion de je, puis on demeure ainsi le plus longtemps possible en kumbhaka
[rétention de souffle], la respiration naturellement suspendue. C’est dhyâna”. (p.288)
Vijayananda a demandé : ‘Peut-on atteindre
la Réalisation en intensifiant une émotion comme l’amour?’
Matajî
: Oui, prema, l’amour pourDieu, est
une voie. Mais ce que le monde appelle amour est moha, illusion. Il n’y a pas d’amour vrai entre les individus.
Comment pourrait-on recevoir un pur amour de quelqu’un qui est limité par
l’égocentrisme et la possessivité? Les gens me disent : “Mon amour pour Untel
est vrai, ce n’est pas un amour ordinaire”.Mais ils se bercent d’illusion, moha est toujours un amour pour ce qui
est mortel et conduit donc à la mort. Si vous ne pouvez pas obtenirl’objet de
votre amour, vous voulez le tuer ou mourir vous-même.Mais l’amour de Dieu, prema, conduit à la mort de la mort, à
l’Immortalité. C’est la raisoon pour laquelle, dit-on, c’est un péché de
considérer que le Gourou est limité à un corps humain. Il faut considéreer que
le Gourou est Dieu.
Je connais une femme qui voulait se suicider
quand son Gourou est mort; je lui ai dit : ‘Un Gourou meurt-il? Ce n’est pas
parce qu’il a quitté son corps qu’il est mort. Le Gourou est omniprésent et
n’abandonne jamais son disciple. Si vous voulez mettre fin à vos jours parce
qu’il est parti, cela montre que vous l’aimez comme une personne, pas comme un
Gourou.’ Il arrive que les gens tombent amoureux de leur Gourou, mais s’il s’agit d’un gourou authentique il
peut sublimer leur amour et le diriger vers le Divin. Mais s’il n’a pas transcendé la personnalité, alors il y
aura des problèmes.
Il arrive assez souvent que des jeunes
filles inexpérimentées ou de jeunes veuves, voire des femmes mariées, se
laisssent entraîner sur un mauvais chemin. On dit qu’il faut abandonner son
être entier, corps, esprit et coeur au Gourou. Abandonner son corps signifie
abandonner ses désirs au Gourou afin qu’ils puissent être éliminés : cela ne
signifie pas s’abandonner physiquement. (p.290)
Mâ m’a
autorisée à rester ici à Kalyanvan près de l’ashram de Kishenpur. C’est une
très belle retraite, parfaitement tranquille, au milieu d’un grand jardin dont
une partie est plantée d’arbres fruitiers. De là on découvre la chaïne de
l’Himalaya.
Ce matin,
elle nous a parlé à Jack et à moi, et m’a demandé de noter Ses paroles : ‘Quand
vous travaillez dans le jardin, vous devez servir les arbres et les plantes;
vivez avec eux et essayez de devenir comme eux. Que les arbres soient vos
Gourous. Un arbre donne des fruits et de l’ombre. Il vous donne son bois, que
vous utilisez pour cuire vos aliments. L’arbre se donne entièrement, il negarde
rien pour lui. Observez les arbres, faites-en des amis, et voyez ce qu’ils ont
à vous apprendre. Et aussi ce que l’herbe vous apprend. Elle est humble et
supporte tout. On marche sur elle, on la coupe, et elle ne se défend pas.Il en
est de même pour la terre.
Vous
serez aussi responsible de la bibliothèque de l’ashram. Préparez le catalogue.
Plus tard, elle deviendra plus grande.”
L’épouse
de l’ambassadeur hollandais et son amie, toutes deux psychologues jungiennes,
sont venues voirMâ et ont posé les questions suivantes :
Q : En psychologie, on guérit les patients en leur
parlant, mais ici on dirait que votre émanation guérit les gens sans paroles.
Nous essayons d’aider les gens. Que devons-nous faire pour eux en priorité?
Mataji : En cemonde, qui peut être considéré comme
normal? Tout le monde est un peu fou : certains courent après l’argent ou la
beauté, d’autres sont passionnés par la musique ou entichés de leurs enfants,
etc. Ainsi nul n’est parfaitement équilibré.
Q : Quel est donc le remède?
Mâ : De même que l’on n’arrose pas les feuilles
d’un arbre mais ses racines, de même il faut s’attaquer aux racines de la
maladie des hommes. Le remède à toutes les maladies consiste à stopper les
fluctuations mentales. Quand l’esprit aura cessé de s’agiter, alors tout ira
bien pour l’individu, tant au niveau physique que psychologique.
Q : Comment les fluctuations mentales peuvent
s’arrêter?
Mâ : En comprenant le chemin qui permet de
découvrit “Qui suis-je?”. Le corps, qui passe de la jeunesse à la vieillesse,
finit par disparâître. Ce n’est pas le vrai je.
L’homme doit doncdécouvrir sa véritble identité. Quand il s’y emploiera, son
esprit recevra la nourriture qui le calmera. L’esprit ne peut trouver une
nourriture adéquate dans les choses de ce monde, qui sont périssables, mais
seulement dans cela qui est Eternel. Le rasa,
le nectar de cet Eternel, pacifiera l’esprit.
C’est la
joie qui est à l’orignie de l’univers, et c’est pourquoi les choses éphémères
de ce monde procurent une joie passagère. Sans joie, la vie est un supplice. Vous devez donc découvrir cette
Joie pure qui a engendré le monde et qui est l’essence même de votre être.
Et cela se produit quand les
fluctuations mentales s’arrêtent.
Q : Quel rôle spécifique peut jouer la femme?
Mâ : Une femme est avant tout une mère et son
devoir est donc de servir les autres en les considérant comme ses propres
enfants. Et puis, comme vous êtes en même temps fille, épouse et mère, il est
donc important de prendre conscience que les trois ne font qu’un. Mais en
chaque femme ily a un homme et en chaqsue homme une femme. Le devoir de la femme
est donc aussi de trouver l’homme en elle.
Q ; Quel est le rôle spécifique de l’homme?
Mâ : L’homme est le reflet du Suprême, l’Un qui
soutient l’Univers. La vraie virilité est la divinité. Et puis il y a l’Atman,
qui transcende l’homme et la femme. Chacun doit découvrir cet Atman en
lui-même. Chaque être humain a le devoir d’épanuoir à la fois l’hommme et la
femme qui se trouvent potentiellement en lui, et de réaliser l’Atman qui
letranscende tous lesdeux.
1er
février 1960, Kumbha Méla
En réponse à une question de Kriyananda
(disciple de Yogananda Paramahamsa, il a écrit de nombreux livres sur le Yoga,
et invite maintenant de temps à autre Swami Nirgunananda dans son centre à
Assise):
Un âsana
sera parfait quand il surviendra spontanément comme une expression naturelle de
notre état intérieur. Excécuter un âsana par effort volontaire ne peut jamais
avoir la même perfection. Les âsanas sont liés au rythme de la respiration, et
la respiration à l’état d’esprit à un moment spécifique. Quand on excécute des
âsanas comme pratique de yoga – c’est-à-dire, dans le but d’arriver à la
réalisation de l’union avec l’Un, qui existe éternellement–, seulement alors
donnera-t-il le résultat souhaité. S’il est excécuté seulement comme excercice
physique, il occasionnera la santé physique, mais c’est tout – pas la vraie
union (yoga).
Epilogue par Râm Alexander
J’étais de
retour à Hardwar en début de 1986 (4 mois aprèes le décès d’Atmananda) et le
sort voulait que je demeure dans la même chambre de la dharamshala où Atmananda
était morte. Peu après mon arrivée, Mélita est apparue devant ma porte avec un
grand paquet enveloppé d’étoffe. Elle m’a saluée en disant : “Je crois que cela
vous était destiné”. Le paquet contenait les dix volumes manuscrits du Journal
d’Atmananda. Melita les avait sauvés de la petite maison d’Atmananda à
Dehra-Dun peu avant qu’ils fussent destinés à être jetés. Elle pressentait
fortement que je devais les avoir, tout en ignorant complètement qu’Atmananda
m’avait déjà demandé ce travail. En ouvrant le journal, j’ai trouvé aplaties
entre beaucoup de pages des fleurs que Ma Anandamayi avait données à
Atmanananda, parfaitement conservées
après plus de 40 ans!
J’avais
presque complètement oublié ce journal au moment de le recevoir. Mais une fois
la lecture commencée, c’est devenu clair pour moi qu’ildeviendrait le point
culminant du travail d’Atmananda : toute sa vie, elle avait cherché à faire
connaître Mâ Anandamayi à l’Occidennt.
Comme
toute réponse à la question : “Qu’est-ce que le vrai darshan?” Mère avait dit: “De voir
Cela, et quand c’est vu, disparaît à tout jamais le désir de voir autre
chose : d’entendre Cela et quand c’est entendu, se tait à tout jamais ledésir
d’entendre autre chose.” Le rapport entre Atmananda et Ma Anandamayi est
finalement devenu un beau reflet d’un tel darshan.
Jay Mâ
21 décembre 2002, Assise.
Nouvelles
- Le 26 novembre, nous avons fêté les 90 ans de
Swami Vijayananda. C’était aussi la pleine lune et la fin de la Samyam Sapta. Nous avions demandé que la
puja du soir au samadhi de Mâ soit
faite à son intention. Curieusement, pendant la puja, il s’est mis à pleuvoir
des cordes et cela a duré après ce qui fait qu’exceptionnellement, toute
l’assistance est restée vingt minutes ou une demi-heure de plus dans le samadhi
ce soir là…D’habitude, il ne pleut qu’un fois par mois en cette saison. La
petite fête ensuite au Centre International avec les amis qui venaient
d’arriver d’Europe s’est passée dans la simplicité et la joie, ce qui est
naturel pour un disciple d’Ananandamayi.
- Swami Nirgunananda a passé deux mois en Europe et
un aux Etats-Unis : comme les autres années, il a été à Epernon et Terre du
Ciel; en Allemagne il été reçu par un grand centre de Shivananda, et aux
Etas-Unis par une Université où une grande partie des enseignants qui sont
venus l’entendre parler de Mâ. En fin mars et début avril, l’école de Yoga de Terre
du Ciel avec Alain Chevillat va venir pour une retraite à Dhaulchina. Dans le
dernier numéro de la revue, celui-ci a mis un article sur Mâ avec de belles
photos d’elle, peu connues.
- Pour mettre un peu d’animation autour de Mâ, nous
avons été averti parArnaud Desjardins qu’il y avait une escrocquerie en bonne
et due forme qui se déroulait au nom d’Anandamayi. Une certaine Julie Haley
prétend avoir reçu un cristal d’un disciple de Mâ qu’elle appelle Bhologhra,
que personne ne connaît –et même ce nom
n’existe pas en Inde parmi les noms de sadhous qui ont tous un sens. Cette
pierre aurait été donnée par Mâ et aurait des pouvoirs magiques, et la dame se
fait prendre en photo avec deux personnes qui auraient gagné le gros lot au
loto grâce au cristal. Elle adresse des lettres pseudo-personnalisées aux gens,
en leur proposant de leur louer à eux
seuls le cristal pour six ou neuf mois. Il y a probablement un certain nombre
de gens crédules en ce moment qui sont convaincus d’avoir le cristal “unique”
de Mâ qu’ils ont loué à cette dame mpoyennant finances. Comme elle sait qu’elle
peut être poursuivie pour escrocquerie, elle donne comme contact seulement une
boîte postale à Amsterdam. Nous lui prépararons une lettre officielle de la
Sangha lui demandant d’arrêter d’utiliser le nom de Mâ pour son commerce plutôt
douteux.
- Le site internet de Mâ (www.anandamayi.org ) se porte bien, avec
400 visiteurs par jour en moyenne. Nous y avons mis le premier livre de
Vijayananda en anglais, In the Steps of
the Yogis, au complet car il est épuisé. Il y a un autre livre très
intéressant de Bithika Mukerjî, aussi épuisé, qui vient d’être tapé pour être
mis sur le site. Il ne lui manque plus qu’une relecture. Il s’intitule Neo-vedanta and Modernity. Bithika, qui, rappelons-le, est la
biographe de référence de Mâ et a enseigné comme Professeur de Philosophie à l’Université
Hindoue de Bénarès, soutient que leVédanta n’a guère besoin de la modernité,
car il correspond au stade du sannyas où le sadhaka s’est déjà affirmé dans le
monde de son époque. Elle nuance cet argument, et nous avons mis aussi une
vingtaine de pages extraites de ce livre
dans l’ouvrage en français En
compagnie de Mâ Anandamayi qui doit paraître courant 2005 aux Editions
Agamat, traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne.
Le Bel Art de l’Ame
à l’école de Mâ
Antonio est revenu récemment à Kankhal avec
un livre déjà écrit aux deux tiers à propos de ses souvenirs de l’Inde entre
les années soixantes et soixante-dix, contenant principalement ses
réminiscences de Mâ à partir de 1964 et
des poèmes qui lui sont consacrés. Il a rédigé son ouvrage directement en
anglais. Originaire du Vénézuela, il a
étudié lesBeaux-Arts à Paris après une adolescence tempétueuse et a été fasciné
par l’Inde un peu avant avant que la vague des jeunes y aille dans les années 68.
Sa rencontre et sa relation avec Mâ ont fortement aidé à faire de cette
expérience quelque chose de constructif et de durable, puis Mâ l’a renvoyé en
Occident où il a fait une carrière de Professeur de Beaux-Arts à l'Université au
Vénézuela. Il a maintenant quatre filles. Avant la retraite qu’il vient de
prendre, il a pu enseigner toujours les Beaux-Arts, mais à l’Université de
Bangalore. Trois de ses filles, bien que
vénézuéliennes, sont installées en Inde
où elles poursuivent leur sâdhanâ, deux d’entre elles en lien avec Sathya Sai
Baba et une installée à l’ashram d’Amma au Kérala.
Nous commmencerons par traduire le récit de
sa première rencontre avec Mâ, puis un poème à Mâ écrit pendant la Durgâ Pûjâ
de 1971, et enfin d’autres réminisences.
En
arrivant en Inde, Antonio a d’abord rencontré à Delhi une dame âgée connue pour sa voie mystiquye
entre soufisme et bhakti, Raihanna Tyagi ; il a eu un lien fort avec elle:
Il est
facile de comprendre qu’un garçon de 24 ans qui a vécu pratiquement seul depuis
qu’il en avait 11, et a été de façon insistante en recherche de son identité,
ait pu croire de tout son coeur, après avoir rencontré une grand-mère si
aimante et magique, qu’il soit finalement arrivé à la MAISON.
Mais il
n’en était pas ainsi.
Et ce fut
Raihanna elle-même qui m’a contredit, en m’envoyant à Hardwar pour rentrer en
contact avec Sri Sri Ma Anandamauyi, cette femme dont j’avais vu la photo à
Paris dans une libraiire et j’avais pensé : « Si jamais j’arrive
à la rencontrer, je serai sauvé ».
En une
soirée éléctrique de septembre, dans un ashram immaculé qui dominait le ruban
argenté et orange du Gange, et le bastion indigo, améthyste et rose de
l’Himalaya lointain, mon désir le plus cher a été comblé et mes prières ont
reçu leur réponse : après avoir attendu pendant plusieurs heures avec le
coeur battant qui me criait qu’il s’agissait du jour le plus important de mon
existence, la plus belle femme de la terre m’est apparue tout d’un coup – surnaturelle et sublime. Et pourtant si pleine de compassion, si maternelle qu’on
pouvait ressentir son grand amour même à distance, comme une caresse…
Quand
chacun eût fini de se lever pour aller recevoir sa bénédiction, elle s’est
assise, jambes croisées ; son corps vêtu de blanc était complètement
relaxé, et pourtant énergétique et vibrant. J’ai eu l’audace de lui faire
passer, de ma place au fond de la salle, une lettre d’introduction que Soeur
Raihanna m’avait donnée.
C’était
en hindi et quand un Swami barbu vêtu d’orange l’a lue à voix haute, je n’y ai
rien compris…Mais le visage de Shri Ma s’est illuminé, elle me jeta un coup
d’oeil rapide et m’invita à ses côté d’un geste charmant, accompagné de la voix
la plus belle que je’aie jamais entendu.
Tandis
que je m’avançais vers elle, je me damandais quel âge elle pouvait bien avoir,
car elle paraissait alternativement très jeune et très âgée, très innocente et
très sage, très puissante et trèsdélicate. Et je réalisai alors qu’à chaque pas
que j’effectuais, je devenais de plus en plus léger, comme si j’étais vidé par sa grâce de ce qui
sembait des siècles de poids, de douleur, de peur et de chagrin.
Quand je
parvins à ses pieds, je me sentis presque éthéré, et elle fit signe d’un autre
geste de la main et des yeux de m’asseoir sur le tapis en face d’elle. Elle me
demanda par l’intermédiaire d’un interprète d’où je venais. Quand je répondis,
Shri Mâ voulut savoir pourquoi j’éatais venu en Inde de si loin. Après quelques
secondes de questionnement profond, je répondis : « Pour trouver
mon Soi véritable ».
C’est ce
que j’ai fait.
Je
ressentis un calme immense. Et puis je ne pouvais guère m’empêcher d’être perdu
dans l’infinité de ses yeux…
Et de
cette profondeur un rayon de lumière, d’amour, de pouvoir pénétra mon être
entier ; le nettoyant ; l’inondant : le dissolvant en une
Conscience éveillée, parfaite, silencieuse.
Et durant
les quatorze heures qui suivirent, il n’y eut que la félicité : pas une
pensée. Pas un sentiment personnel de volition. Pas un souvenir, ou évaluation,
ou regret ou désir !
Seulement le moment présent, dans sa lénitude et
son immensité. Seulement la lumière, l’amour, la beauté et la paix profonde.
Seulement l’Etre pur, sans mélange d’aucune sorte,
trouvant joie en lui-même.
(Quand ce samadhi s’est finalement évanoui à
cause des tiraillements de mon prarabdha
karma [karma accumulé], je me souvins tout d’à coup d’une vision de la
Vierge Marie quand j’avais 10 ou 11 ans, dans laquelle elle avait prédit que je
“passerai par bien des douleurs et confusions”; mais que je ne devrais pas paniquer, car elle reviendrait au moment
juste, prendrait ma vie en charge et m’aiderait à changer ma destinée.)
Je dois
tout à Mâ : je crois que si je ne l’avais pas rencontrée, j’aurais été submergé
parla folie et une mort prématurée, comme ma soeur C. et plusieurs amis.
Grâce à sa shakti-pat [descente d’énergie sur le disciple provoquée par le
gourou] j’ai reçu la mantra-dikshâ,
l’initiation, mon amour pur l’Esprit s’est accru, mes intuitions visionnaires
se sont développées et sont devenues poésie et art.
Elle m’a donnée une femme aimante, quatre
filles belles et un travail stable auquel j’ai toujours pris plaisir.
Mais plus que tout, elle s’est donnée
Elle-même : le Suprême, l’Absolu, le Dieu omniprésent sous forme féminine qui
vit pour toujours en mon coeur.
Ces
poèmes sont des flammes
et toujours
présents de Shri Shri Ma Anandamayi
durant la
Durga Puja du printemps 1971
[la statue deDurga en train de tuer le démon
Mahîsha est honorée pendant neuf jours et neuf nuits, d’où son autre nom de
nava-râtrî]
Autour de votre forme sombre,
Une lumière d’un rouge profond
Qui se transforme en un feu brillant, débordant de
félicité,
Transportant le coeur
Vers un espace joyeux et pulsatile
Au-delà de la pierre et de la forme et du nom.
O Toi qui a trois yeux; génitrice de la totalité
Énergie se déployant à tout jamais,
Matrice
D’où jaillit
La vie éternelle de l’éternelle vie
Par le mystère de ta mâyâ,
Créant les univers en expansion
O Toi qui te dissous, quand la maturité survient,
Dans la gloire sombre et Unique.
2
Mère primordiale,
Vision de beauté
si sacrée
Qu’elle consume la conscience de tout le reste,
Transmutant la peur
En une révélation ineffable d’amour…
Sans visage
Avec un visage
Avec neuf visages,
Avec une infinité de visages….
Transcendant les trois temps,
Les cinq voiles,
Tous les royaumes du devenir…
Extension mystique de la lumière
Où l’esprit rayonnant du Père
Se fond dans l’extase.
Vous venez comme une radiation d’Etre pur,
Insondablement essentielle,
Remplissant les espaces sombres de mon ignorance
Avec l’inondation rougeoyante de votre
grâce !
3
Mère vêtue de blanc,
Source immaculée d’une intelligence
toute-puissante
Ornée comme d’une guirlande par la capacité
De combler les désirs
Des êtres nus
Qui sont tombés amoureux de vous :
Ils se transforment en champ de crémation
Répètent votre nom incessamment
Jusqu’au moment où, sous forme d’équanimité,
Vous apportez la compréhension
Et le souffle d’une paix extatique.
Dévî.
Aujourd’hui vous êtes éclatante, d’une splendeur
infinie
Parmi les mondes qui nagent librement
En votre coeur caressant.
Vous dissolvez la souffrance
Crée par des siècles de dur labeur
Et l’illusion récurrente
De l’attachement au corps
Commes’il était la vie elle-même,
Croyant par erreur
Que je
Suis seulement l’accumulation de douleur et de
plaisir…
En effet, le cadavre solitaire
Se consumera inévitablementet et s’en ira
Au fil dela rivière toujours neuve.
Tuez-moi, Mère !
Tuez les démons qui me rongent
Tuez les illusions qui empoisonnent de désir
Et souillent d’angoisse
Le réceptacle sacré
De votre lumière qui s’est allumée
d’elle-même !
Apprivoisez mon orgueil par vote douceur,
Dancez sur mes peurs comme sur des cadavres,
Réduisez au silence, par les débordementsde votre
pureté
Les serpents qui terrifient mon coeur.
D’un poison divin, tuez mon karma empoisonné
Faites-moi demeurer dans l’obscurité divine
Dans le non-savoir
Dans le silence du Vide,
Ô, Vous !
Parce quevous êtes
La racinede toute aspiration,
Le frisson de la joie qui court,
La cicatricede la souffrance qui s’efface,
Et la mémoire de naissances sans fin
Où nous fûmes nourris par votre main intemporelle
Alors que nous ne le savions même pas !
Inconscients d’être la sorce d’éternité…
Vous, Vous, Vous.
4
Ô compassion…
Vagues d’attention, d’affection sans fin,
Intelligence d’amour,
Goutte une de pure lumière qui grandit comme une
semence,
Telle une galaxie tourbillonnante…
Ô Mondes !
Ô espaces puissants delumière fondue
Dans vos yeux bien-aimés !
Ô radiation
Qui absorbe en elle-même
La matrice des formes-pensées, des sons et des
gènes
Dans l’instant du Pralaya [dissolution]!
Ô source, mer, inondation
D’un feu inconnu qui brûle mes limitations
Et donne des ailes à l’âme !
…Espace, pas de limites à l’espace,
pas de limites à l’énergie libérée,
pas de limites à l’être
conscience
ravissement …
Si, lorsqu’elle était en Inde, Nadine, ma
première épouse, avait pensé que j’étais devenu un fanatique religieux bon pour
l’enfer (tombé amoureux de Mâ Anandamayî pour compenser une relation frustrante
avec ma propre mère), qu’aurait-elle pensé de moi après son départ quand, libre
de son influence amoindrissante et après avoir obtenu un programme d’études
souple de la part de l’Université Hindoue de Bénarès, je me suis mis à vivre
selon ma propre inspiration, faisant mes propres choses à mon propre rythme, et
ne faisant jamais ce que je n’avais pas envie de faire ?
Je devins totalement centré sur Mâ : je
ne pouvais m’empêcher de m’abandonner à sa plénitude et de laisser ma vie
graviter, spontanément et passionnément, autour d’elle. Je respirais Mâ,
mangeais Mâ, étudiais les ensignements de Mâ, pensais à Mâ constamment (ou
aussi souvent que mon mental brûlant et fou le permettait), rêvais de Mâ,
m’identifiais à Mâ, avais des visions de Mâ, et m’endormais et me réveillais
avec Mâ et obéissais à chacune de ses paroles et commandements mentaux de mon
mieux – c’est sûr, je n’y réussissais pas toujours.
Même lorsqu’elle était à l’autre boutde
l’Inde, sa photo semblait prendre vie quand je m’asseyais pour méditer, et tant
que je ne m’égarais pas loin de mon propre centre, je ne me suis jamais senti
trop éloigné de sa Présence.
Mais pourtant, les démons maudits faisaient
rage ! Les forces déchaînées du rajas et du tamas attaquaient
del’intérieur et de l’extérieur, fiévreuses, morbides, cupides ; elles me
sautaient dessus afin que je ne puisse conquérir – grâce à la bhakti et à une
attention imperturbable– le Portail de
la Paix.
A certains moments, ma peur était horrible,
insupportable ; glauques et putrides étaient les racines de l’inconscient.
Tortueux, les mille et un attachements qui me tenaient prisonniers dans les
chaînes dorées d’une sentimentalité aussi poisseuse qu’insipide.
Mais, peu importait la durée de la bataille
intérieure, la difficulté et l’intensité du combat, je n’ai jamais oublié que,
aussi longtemps que le Saint Nom tournoyait en mon coeur et sur mes lèvres, la
Mahâshaktî me protègerait. En effet, aucune force de ténèbre ne peut tenir bon
devant un pouvoir d’Amour infini et de Paix absolue.
*****
Bien sûr, pour l’intellect sophistiqué de l’occidental moderne, ou pour la mentalité
traditionnellment dualiste des musulmans, des chrétiens, des juifs ou des
rationalistes indiens modernes, adorer un être humain comme un dieu vivant est
un blasphème (pour des raisons différentes selon les conditionnements de
chacun). Mais ce préjugé en général implose si on a la chance de communiquer
avec quelqu’un comme Shri mâ, qui est de fait l’Etre Suprême, loin au-delà tout
conditionnement ou limitation, et pourtant complètement familière avec ce qui
nous carctérise. (Et je dis communiquer,
pas seulement être assis là et tomber dans le jugement comme Nadine avait
l’habitude de faire). Oui, si nous nous ouvrons au miraculeux, nous serons
submergés et nos vies seront changées. Car le miraculeux est l’essence
véritable de la condition humaine, et quelqu’un qui est totallement conscient
de cette essence ne peut s’empêcher d’émaner des effluves de grâces
merveilleuses, magiques et trancendantes sur tous ceux ou toutes celles qu’il
rencontre.
Pareille à Durgâ ? Pareille à une
Dakinî du Bouddha? Pareille à Krishna ? Pareille au Christ ?
*****
Un jour en fin dematinée pendant la saison
des pluies, quand le Gange se gonfle comme en un flot débordant et puissant de
force brune et liquide et quand des vols d’oiseaux traversent l’horizon sur
fond de murailles de nuages gris perle et platine, Anna, une amie proche, me
prit par surprise quand elle frappa à ma porte après des mois sans avoir donné
de nouvelles.
Elle avait la peau tannée par le soleil et
était amaigrie par le fait d’avoir marché avec Shri Pad Baba et ses disciples
(parfois pendant des journées d’affilée) autour des sanctuaires les plus
vénérables du Nord del’Inde (à propos desquels elle me raconta des anecdotes
merveilleuses de dévotion et d’austérité, de sacrifice et de rasa [‘saveur’ de l’expérience
intérieure]. Pourtant, parmi tout ce qui lui était arrivé de stupéfiant, ce
qu’il y avait eu de plus choquant et gratifiant venait de se dérouler, à
Bénarès même, juste ce matin. Et j’allais être le premier à en entendre parler:
Quand Anna était descendue du train, les
premiers rayons de soleil donnaient chaleur et couleur à la foule bariolée,
agitée, bruyante, polyglotte qui s’entassait dans les compartiments ou
descendait à Kachi, la ville sacrée, pour inonder le labyrinthe de rues comme
un delta humain à la recherche du Gange. Les flots de gens s’écoulaient dans
toutes les dirctions possibles vers les ghats, les champs de crémation, les
temples et dharamshalas vénérables et pleines de monde. Dans un état un peu
second et toujours somnolente, Anna décida, sous l’inspiration de l’instant, de
visiter l’ashram de Mâ avant de continuer son propre programme, et elle prit
donc un rickshaw vers Bhadaini. Une fois arrivée, elle se mit à faire attention
à l’aspect qu’elle donnait. Elle fut l’objet de regards sévères, durs, à la
porte de l’ashram, qui la forcèrent à reconnaître qu’elle n’avait pas encore
pris son bain, et que sa longue robe était plus ou moins fripée et sale, ayant
été portée durant toute cette période de vie austère qu’elle avait menée,
depuis qu’elle avait donné son argent aux pauvres et s’en été remise à Shri Pad
Baba. Ainsi donc, elle respira profondément, décida de ne pas être vexée par
ces sales regards, tourna la tête dans l’autre direction et monta jusqu’au
temple d’Annapurna Dévî au premier étage pour attendre le darshan de Shri Mâ.
Mais cela ne devait pas se faire, car deux
brahmacharis très vindicatifs lui ordonnèrent de s’en aller sur le champ,
l’agressant par des sourires sardoniques tandis qu’ils la ramenaient à la porte
de l’ashram, en marmonnant quelque chose du genre : “Ces femmes occidentales
impures ne font que polluer notre domaine”.
Anna était en état de choc. Elle ne pouvait
croire que cela s’était réellement passé dans la maison même de Mâ. Elles’assit
donc sur le seuil et fondit en larmes, désespérément, sentant le risque dêtre
submergée par une vague de doute amer et un sentiment terrible d’indignité…
Cependant, au bout de seulement cinq minutes
environ à être plongée dans cette humeur triste, ces hommes mêmes qui l’avaient
mise dehors revinrent (maintenant pleins d’attentions et quelque peu onctueux)
et l’emmenèrent à l’autre bout de l’ashram, tout en haut. Anna ne pouvait se
rendre compte de ce qui arrivait, mais avant qu’elle ait le temps de réellement
se remettre et de demander, on l’introduisit dans la petite chambre où Mâ qui
l’attendait l’embrassa. Et ensuite (pour une demi-heure? Pour une éternité?),
elle plongea dans un oceéan de communion joyeuse, intime, silencieuse avec
quelque chose d’absolument parfait qu’elle était tout à fait incapable de me
décrire!
Ce n’est que lorsqu’elle a été ramenée à la
porte de l’ashram par une brahmachirinî de Mâ qu’elle saperçut que lorsqu’elle avait
été éjectée du temple d’Annapurna et s’était mise à pleurer, Shri Mâ aussi
avait commencé à pleurer dans sa chambre, en se plaignant avec découragement
qu’elle était expulsée de sa propre maison par des gens sans coeur! Cela prit
quelque temps pour que la dame qui
assistait Mâ comprenne que quelque chose avait dû se passer à l’extérieur. Et,
après s’être renseignée, Mâ expliqua ce qui s’était déroulé et demanda de faire
venir Anna pour un darshan.
*****
Il est intéressant de citer la
critique vigoureuse qu’Antonio fait des artistes modernes, en particulier en ce
qui concerne leur manque de dimension spirituelle. Ces réflexions ne sont pas
des vaticinations gratuites, mais le fruit de toute une carrière dans le milieu
artistique à Paris, à Londres et au Vénézuéla:
Désespoir sans porte de sortie, sans âme,
morcellement mental, agonie à donner la nausée et violence implacable semblent
être les composantes centrales de la condition humaine telle qu’elle est mise
en avant par la littérature et l’art occidental le plus influent depuis la fin
du XIXe siècle ou même avant. De fait, je
ne peux guère me souvenir d’un poète qui, après Walt Whitman qui n’avait
pas eu peur de soutenir son chant du rythme d’un gong cosmique, ait proclamé –
comme les sages de l’Inde le font– la
sainteté du Soi, le pouvoir de l’amour et la joie d’une vie pleine et
généreuse.
Je ne pouvais convaincre la plupart des
artistes et des écrivains que je connaissais de ce fait : peinture et
poésie doivent faire plus que juste explorer les labyrinthes sombres de l’inconscient
et de démasquer nos peurs cachées, elles doivent aussi donner vie à l’aspect
magique, dynamique de la beauté, où l’amour et la mort, l’homme et la femme, la
lumière et les ténèbres se rencontrent, se fondent, puis s’élèvent encore
–au-delà de l’affirmation de soi et de l’apitoiement sur sa petite personne–
dans le royaume subtil de l’espace et de la couleur pure…où le Divin Inconnu se
laisse saisir !
J’écris sur ceci, car, dans notre société
agnostique hautement individualiste, folle d’argent, tenaillée parl’argent,
dans laquelle la plupart des gens ont perdu contact avec leurs croyances
d’enfance et avec les valeurs de la religion, de la sensibilté et de la
spiritualité, l’artiste doit être le prêtre. Et si le prêtre, commeSartre,
déclare que la vie ne vaut pas tripette…ou décrit,commme Kafka, les
métamorphoses d’un être humain non pas en unange ou en Dieu, mais plutôt en un
insecte impuissant et mourant, certainement l’humanité s’est égarée. Quelle consolation
ou guidance peut-on donner pour contrebalancer la violence gratuite d’
« Oranges mécaniques », le pessimisme morbide de « La
Peste » et du « Repas
nu », ou la philosophie suicidaire d’une sculpture conçue pour s’auto-détruitre
si vous appuyez sur le bouton ?
Ces artistes qui tournent le dos à l’esprit
et adorent les ténèbres et le désespoir avec leurs oeuvres, ne font que
répandre leur maladie mentale de par le mond, et ce au détriment de tous.
Cherchons la Lumière, et exprimons-là !
Assoiffé, extatique, obsédé,
Passionné, persévérant, déprimé,
J’ai marché au travers du souffle sacré de l’Inde
En recherchannt Shiva ; en recherchant la
folie et l’amour,
Une lumière d’en haut,
Du dedans, au-delà de la portée de mon regard.
….Mais au pieds des montagne bleues aux pics
enneigés,
fatigué, je suis tombé comme une colombe avec du
sang sur le bec,
esseulé et affaibli…
C’est alors qu’une vision magique, inattendue ou
un rêve
–répondant à mes prières– m’a replacé sur les
ailes :
Avec des yeux enflammés
Emettant des nuances dans toutes les teintes
La Mère de mères m’a fait pris avec elle en son
envol…
Léger commme la lumière,
Allongé, je sortais de mon corps par la colonne
vertébrale
Et mon esprit se projeta vers le pilier stratifié,
solennel
Du lointain Mont Kailash,
L’épine dorsale de ce monde
…et comme nous nous élevions
Je vis la rose absolue aux pétales de ravissement,
Et nous avons escaladé ces pétales profonds, plan
par plan,
Jusqu’à des niveaux
d’intoxication toujours plus hauts et la félicité jeune à tout jamais.
Nouveaux
abonnés
La plupart d'entre vous ont
renouvelé leurs abonnements au printemps dernier. Pour ceux qui ne l'auraient
pas fait, ou pour les nouveaux, il est possible d’envoyer un chèque de 18 € à
l'ordre de Jacques Vigne à l'adresse suivante :
Nadine
Laudebat et José Sanchez-Gonzalez
Maison
Augier-Quartier Saint-Martin
Tél :
04 90 28 80 23 en cas de besoin.
Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2007. Pour
l’ensemble des lecteurs, la demande de renouvellement général se fera dans le
prochain numéro en mars.
En cas
de problèmes de ‘Jay Ma’ précédents qui n’auraient pas été reçus, s’adresser
directement à Pushparaj Pandey en écrivant un courriel en anglais à ishu1145@yahoo.co.in ou à Ma Ananadamayi Ashram Kankhal 249408 Hardwar
UA Inde ou par téléphone au 00 91 98 37 38 90 33. Il est en charge de
l’envoi des ‘Jay Ma’ et a maintenant une photocopieuse chez lui pour refaire de
nouveaux exemplaires si besoin.
Jacques
Vigne réside à présent principalement au Sri Sri Ma Anandamayi Ashram
Dhaulchina 263681 Almora UA Inde
Table des matières
Hari Baba par Swami Vijayananda
Le Bel Art de l’Ame par AntonioDagnino
Voyage vers l’immortalité par Atmananda
Nouvelles
Nouveaux abonnés
Table des matières
Jay Ma N° 76 - Printemps
2005
Paroles de Ma
Il
est Celui dont le souvenir apporte la libération de toute anxiété - penser à Lui
seul est bon et juste. À chaque instant, efforcez-vous de soutenir la
contemplation de Dieu, le flot de son nom. Par la vertu de Son nom, tout
mal-aise devient aisé.
En
vérité, tout est sa loi. Comment celui qui est capable d'accepter ceci demeure
encore tellement perturbé ? Ce n'est que votre devoir de considérer tout comme
Sien. Quoi qu'Il fasse, faites en sorte que Sa pensée vous garde en paix.
Le
sens du manque s'élève-t-il parce qu'on n'obtient pas l'objet désiré ? Quand
son désir demeure frustré, le fruit de celui-ci ne vient pas, continuer à en
avoir intensément envie et en être répétitivement déçu, n'est-ce pas a priori
un processus futile ? Quand il y a désir, l'expérience du manque et du chagrin
est tout à fait naturelle du point de vue du monde. Ce monde change constamment
: tout ce que vous pouvez désirer en provenance de lui apportera le chagrin.
Même si on peut parfois y obtenir un bonheur momentané, chercher Cela dans lequel il n'y a pas
de chagrin et dans lequel on réalise, voici le seul devoir de l'homme.
Forcez-vous à prendre le médicament. C'est sûrement le devoir de l'homme
de chercher refuge dans la pensée de Dieu, même quand il n'a pas d'inclination
à le faire.
Abandonner la protection que la vie de famille nous procure afin de
consacrer ses journées entièrement à la Quête Suprême est difficile. Si vous en
êtes capables – c'est bien. Mais réfléchissez soigneusement sur ce qui vous y
pousse de l'intérieur : Sa
volonté sera faite.
Celui
qui vous a donné ce que vous possédez dans ce monde, richesse, distinction,
jeunesse, appelez-Le pour lui-même. Vous ne pouvez pas ? Pourquoi ? Vous allez
y être obligés ! Vraiment, l'être humain peut faire toute chose. Qui peut dire
ce qu'Il va donner à qui et à travers quoi ? Tout est Sien, entièrement Sien.
En ne
priant pas pour quoi que ce soit de ce monde, efforcez-vous de vous abandonner
sans réserve à Lui- là où il n'y a aucun désir ou manque de quelque sorte que
ce soit, pas de douleur, pas de luttes intenses et douloureuses. C'est en Lui
qu'on parvient au sommet de
l'accomplissement.
Réminiscences d'Amulya KD Gupta
Dhaka, le 23 octobre 1938
[La
présence résiduelle d’un sage en un lieu donné]
Ce
matin-là, Mâ s’est rendue à l'ashram de Siddhesvari, près de Dacca dans la
jungle, avec le Dr Pant (un médecin-chef en retraite qui était un des fidèles
très anciens de Mâ). Je les ai suivis en voiture à cheval. En arrivant au
temple de Kali à Siddhesvari, j'ai appris que Mâ était partie dans la maison du
mahant, le chef du temple. Il y a
plusieurs années, un Mahâtmâ qui s'appelait Swâmî Soumerou Van avait effectué
des pratiques intensives à cet endroit et était parvenu au siddhi (la perfection)....
Mâ déclara : "Il y a une prophétie qui a
cours ici : tant que la plante
grimpante le long du manguier est vivante et que la chaîne de fer n'est pas
entièrement recouverte par l'eau du puits, Babaji (Soumerou Maharaj) demeure
ici. Il fut un temps où tous les environs étaient des endroits consacrés à la sâdhanâ.
Naresh
Babu : Ceci a dû se passer il y a
bien longtemps.
Mâtâjî : Oui, tout à fait. Néanmoins, bien que tout ceci
appartienne au passé, on peut toujours en sentir la vibration. Même si l'herbe
pousse sur une terre carbonisée jusqu'à la couvrir, on sait que le sol est
toujours brûlé par dessous, c'est quelque chose de similaire.
Moi-même : Ces vibrations dont vous parlez sont-elles dues
à la transmission d'un individu ou des pratiques qui ont été effectuées à cet
endroit ?
Mâtâjî : Elles sont aussi causées par certains samskâra. Le fait que Babaji ait affirmé
qu'il resterait ici aussi longtemps que la plante grimpante est vivante, montre
qu'il avait un désir de demeurer en ce lieu. Sinon, il aurait pu déclarer qu'il
était partout. Puisqu’il s’est référé à cet endroit particulier, on peut
supposer qu'il avait une prédisposition en faveur de ce lieu même.
Moi-même : Mâ, après avoir transcendé la naissance et la
mort, est-ce qu'on existe toujours dans un corps éthérique ?
Mâtâjî : Le corps éthérique aussi finit par périr.
Cependant, les grands êtres, mahapouroushas, assument souvent des formes
particulières. Ceci est causé par leurs dispositions inhérentes. Certains, même
après avoir assumé ces formes particulières, peuvent quand même demeurer immergés
dans l'Etre Suprême. On peut encore dire
que l'existence simultanée d'une absence de forme est aussi possible.
Après ces discussions brèves, Mâ partit pour
Shahbag.
[Il ne faut
pas demander à Mâ de donner son avis sur le niveau spirituel de quelqu'un]
Ramana
Ashram, Dacca, 17 août 1939
Moi-même : Shobha Mâ [une sainte femme de Bénarès
contemporaine de Mâ] déclare qu'une fois qu'on a été béni par la grâce d’un
sadgourou, on atteint la Libération dans l'espace de trois naissances. On peut
aussi appliquer ce principe à des individus qui ont moins de qualification.
Est-ce correct ?
Mâtâjî : Je ne sens pas de répliquer à cette question
maintenant.
Moi-même : Shobha Mâ affirme qu’il ne peut y avoir plus de
neuf sadgourous vivant simultanément dans le monde. Cela ne fonctionnera pas si
il y en a un de plus ou de moins.
Mâtâjî : Est-ce que Shobha Ma dit cela? Moi-même, je ne
peux rien dire de ce genre. Vous devez considérer qu'il y a une variété infinie
d'expériences dans le monde spirituel. Tout est possible. En ce sens,
l'existence simultanée de neuf sadgourous est aussi correcte.
Moi-même : Après avoir atteint l'accomplissement, est-ce
que le point de vue de tout un chacun ne devient pas également valide ? Ainsi
donc, pourquoi certains parlent d'une façon claire et définie tandis que
d'autres se contentent de faire des allusions vagues à propos de l’Infini ?
Mâtâjî : Voyez-vous, la plénitude est constituée à la
fois des parties et du Tout. Quand vous voyez quelque chose d'une façon
partielle, comment pouvez-vous voir le Tout ? Si vous désirez réfléchir ou
contempler quelque chose d'une façon convenable, vous ne pouvez le confiner à
l'intérieur de limites données.
Moi-même : Ainsi donc, dois-je comprendre que ce ne sont
pas tous ceux qui ont expérimenté le
Brahman qui sont pleinement réalisés ? Par exemple, les divers auteurs de nos
Shastras sont, dit-on, des connaisseurs de Brahman et ces Shastras indiquent
des chemins bien définis d’accomplissement − ils ne sont pas vagues.
Mâtâjî (en riant)
: On peut répondre à ceci de deux façons : d'une part, on peut dire qu'ils ont décrit simplement
leurs propres expériences, il s’agissait donc d'une exposition partielle de la
vérité. D'autre part, on peut avancer l'argument qu'ils ont écrit pour éduquer
le public. Ainsi les auteurs des Shastras qu'on suppose avoir été des
connaisseurs de Brahman peuvent ou non avoir été entièrement réalisés.
Avez-vous compris, maintenant ?
Moi-même : Oui, j'ai saisi d'une certaine manière,
mais pas complètement.
Mâtâjî (en riant) : Vous essayez de trouver les
individus qui on a atteint un niveau particulier, mais rien à proposde ce genre de sujets ne
sera dévoilé par ce corps.
Amrita Varta, VIII, 4, octobre 2004p.2-7
(extraits)
Pensées de l’Himalaya
Par Swami Nirgunananda
Qu’est-ce que la poûjâ ?
Il y a des définitions
variées et détaillées de la poûjâ dans nos Ecritures. Une définition simple de
la poûjâ, c'est qu'il s'agit d'une action accomplie avec amour pour faire
plaisir à quelqu’un. De façon conventionnelle, poujâ signifie effectuer des
rituels et des offrandes à Dieu accompagnées de mantras afin de lui faire
plaisir.
Qu'est-ce que
l’abandon [surrender] ?
C’est de tout consacrer,
y compris soi-même, sans conditions au Bien-Aimé ou à Dieu, voilà ce qu'on appelle
l’abandon. C'est le stade le plus élevé de la dévotion. Dans cet état, il y a
une cessation complète de la volonté individuelle et dépendance totale à la
volonté divine. Je vais vous raconter une histoire authentique à ce
sujet :
Au Bengale, il y a avait
un érudit réputé du nom de Shashi Bhusan Sanyal ; il était un contemporain
du grand saint de l'Inde d’alors, Shrî
Ramakrishna. Il était un puits de science et de sagesse, il faisait
autorité sur des domaines aussi variés
que les différentes formes de médecine, la science, les mathématiques, la
philosophie, les religions et les Ecritures. Shrî Ramakrishna envoyait ses
disciples brillants comme Vivékânanda ou Abhédânanda pour étudier le védanta
chez lui. Bien que Shrî Sanyal fût disciple d’un autre saint fameux de l'Inde,
Swâmî Shivarâma, il avait le plus grand respect pour Shrî Ramakrishna. Il
n’acceptait jamais d’honoraires de ses étudiants et pratiquait les trois
branches de la médecine, l'homéopathie, l’allopathie et l'ayur-véda pour gagner
sa vie. Il était le seul membre salarié d’une
famille de trente-cinq personnes.
Une fois, Ramakrishna lui a demandé de
ne plus pratiquer la médecine et d’essayer de dépendre complètement de la grâce
de Dieu même pour ses besoins matériels. Il a pris le vœu de ne rien demander à
personne et a commencé à pratiquer âkâsh vritti [la tendance, l’habitude vritti, du ciel, âkâsh, de celui qui jamais ne demande ni ne mendie
quoi que ce soit, même pour ses besoins quotidiens et qui s’abandonne
complètement à la volonté de Dieu]. Vous pouvez imaginer quelle période
difficile il a eue à traverser pour nourrir trente-cinq bouches affamées avec
deux repas par jour sans aucun revenu. A certains moments, la famille avait à
jeûner pendant des jours entiers mais il n’en disait rien à personne. Il ne
perdit pas son équilibre mental et n'a pas dévié non plus de son vœu malgré
toutes ces difficultés. Un jour, pendant qu'il enseignait, un facteur lui a
apporté un pli recommandé provenant d'une personne inconnue de Bénarès. Il l’a
ouverte, a sorti la lettre, l'a lue et a poursuivi le fil de son enseignement.
Des larmes coulaient à flots de ses yeux. Les étudiants étaient étonnés de voir
cela et pensaient que c'était tout à fait inconvenant pour un homme comme lui
qui était établi dans l'état le plus haut du védanta de tant souffrir après
avoir lu une lettre ! Ils avaient vu le même homme porter son jeune enfant mort dans les bras sans
aucun signe de chagrin ni de larmes aux yeux. Swâmî Abhédânanda (qui s'appelait alors Kali Mâharâj) ne put
s’empêcher de demander à Shrî Sanyal la raison de sa souffrance. Il tendit la
lettre à l’étudiant : "Ce ne sont pas des larmes de souffrance, je suis
ému par la grâce du Seigneur et ne peux m'empêcher de pleurer. Tu peux lire ce
qui est écrit et te rendre compte par toi-même." Le pli venait d'une
personne bien connue de la célèbre famille Mitra du quartier de Chowkhamba à
Bénarès et contenait 500 roupies en liquide. Il y était écrit que la personne
avait vu en rêve le Seigneur Shiva lui
apparaître et lui dire qu'un fidèle à Calcutta avait vraiment besoin d'être
aidé ; il avait jeûné avec toute sa famille durant ces derniers jours. Le
Seigneur lui avait donné le nom et
l’adresse de Shrî Sanyal en rêve, sur la base de quoi Mitra avait envoyé la lettre
ainsi que l'argent avec l'espoir qu'elle atteindrait la personne à laquelle
elle était destinée. Ce n'est qu'alors qu’il parla à ses étudiants de sa
situation financière misérable. Il savait à l'évidence que beaucoup de gens
auraient pu venir à son secours au moindre signe de sa part mais il voulait
s’abandonner complètement à la volonté de Dieu et avait la ferme croyance que
Celui-ci s'occuperait de tous ses besoins matériels. Il s'était abandonné à
Dieu par amour pour lui.
Il y a une autre sorte d'abandon qui
résulte de la peur. Supposez qu’un homme avec un revolver m’attaque pour une
raison ou pour une autre. Pour sauver ma vie, je lève les mains et me rends à
lui. Ce sont les circonstances, et non pas l'amour qui m'obligent à effectuer
ce geste de reddition dans l’espoir de sauver ma peau. Et je ne suis pas sûr
que l'agresseur m’épargne ou non. L'abandon est une conviction de toute la vie,
et non une solution de facilités pour un temps limité. Prenons un autre exemple
– on dit très souvent qu'un homme qui craint Dieu s’abandonne à Sa volonté. Il
peut être honnête en parlant ainsi pour la période actuelle. Si son jeune
enfant est sur son lit de mort et que le docteur a abandonné tout espoir, la
seule option qui lui reste est de tout abandonner et de prier Dieu. Mais si le
garçon meurt, immédiatement, il va
s'exclamer : "Dieu, qu'as-tu fait ?" C'est un abandon motivé.
L'abandon authentique est la fusion de la volonté individuelle avec celle de
Dieu sans aucune arrière-pensée.
Comment un gourou peut-il aider son disciple ?
De
la manière dont un maître aide ses étudiants ou de celle dont un répétiteur
entraîne ses élèves. Un gourou montre la voie pour que ses disciples soient
exposés aux potentialités latentes qu'ils portent en eux.
Est-ce que les relations
que nous entretenons dans le monde nous aident dans notre développement
spirituel ?
Bien sûr qu'elles nous
aident ! Toutes les relations ont leur essence dans l'amour. Le monde
n’est pas quelque chose qui soit en dehors du domaine de Dieu. Si Dieu qui est
tout amour a créé le monde, cela doit
être par amour pour sa création. Rien de mauvais ne peut venir de Dieu. Le bien
et le mal existent seulement dans notre perspective. Un aspirant établit avec
Dieu d'abord un type de relation qu'il connaît bien du point de vue du monde,
et ce, quelle que soit la religion qu’il suive ; avec cette pratique, il
essaie ensuite d'élever la relation jusqu'à son essence. L'instrument de base
qui nous est confié, c'est la compréhension des relations du monde, tout simplement.
Une célèbre prière récitée en Inde par presque tous les aspirants spirituels
est la suivante : tvameva mâtâ cha pita tvameva, tvameva bandhu cha sakha
tvameva… « Tu es la mère, le père, le frère et l’ami... » Ici,
les relations qu’on cite sont des relations du monde qu’on expérimente dans la
vie ordinaire mais de façon superficielle sans aller jusqu'à leur essence
profonde. Avec la pratique, nous explorons le nectar essentiel des dites
relations. Si nous pouvons les vivre d'une façon symbiotique -plutôt que
parasitaire comme nous le faisons souvent- ces relations du monde nous
rapprocheront de Dieu. Mâ disait souvent : « Aimez vos jeunes enfants
comme des incarnations de jeunes dieux et déesses ». Elle ajoutait :
"yatra nârî tatra Gaurî, yatra
jîva tatra Shiva ». « Là où il y a la femme, il y a la déesse
Gauri, là où il y a l'âme
individuelle, il y a le dieu
Shiva » A ce propos, il faut que je vous raconte une histoire : Le saint
Eknath était un grand fidèle vishnouïte. Le nom du Seigneur était toujours sur
ses lèvres même quand il était engagé dans les travaux de la maison. Il servait
son père handicapé comme son dieu bien-aimé. Un jour, il était en train de
nourrir son père en chantant constamment le Nom du Seigneur. Celui-ci est apparu devant lui, sur le pas de la porte
mais il a continué à servir le vieil homme. Il a offert une brique au Seigneur
et lui a demandé de rester debout dessus pendant qu’il terminait le service de
son père. Vittal accepta cette requête et fut content de rester debout sur la
brique elle-même. Jusqu'à nos jours, la célèbre statue de Vittalnath à
Pandarpur est debout sur une brique en
souvenir de cet épisode. La relation d’Eknath avec son père avait été élevée à
un tel niveau que même le Seigneur se devait d'apparaître devant lui.
Voici une autre histoire : Un yogi avait
pratiqué des austérités et pénitences et avait acquis certains pouvoirs
paranormaux. Un jour, alors qu’il méditait sous un arbre, un oiseau fit ses
besoins sur lui. Le yogi regarda
l’oiseau avec colère, et celui-ci en fut réduit en cendres. Après s’être levé
et avoir pris un bain, il s'en alla au
village voisin pour mendier sa nourriture quotidienne. Il parvint à une maison
et frappa à la porte en demandant l’aumône ; la voix d'une jeune femme
vint de l'intérieur en le priant d’attendre quelques instants jusqu'à ce
qu’elle en finisse avec le travail dans lequel elle était engagée à présent.
Après quelques instants, il frappa de nouveau à la porte et la même demande
vint de l'intérieur. Le yogi s'impatienta, et enragé, frappa une troisième fois
à la porte. Soudain, une femme avec la nourriture dans les mains se tint devant
le yogi qui la regardait avec colère à cause du retard. La dame s'excusa pour
cela, mais l’ire du yogi n’en fut point diminuée pour autant. La dame fit alors
remarquer au yogi d’une voix très douce qu’elle n'était pas l'oiseau de la
forêt et que ce regard coléreux n'aurait pas d'effet sur elle. Le yogi fut
abasourdi par cette simple réflexion et se mit à penser que la dame était une
personne spirituellement très avancée
pour être ainsi au courant à distance de ce qui y était arrivé à
l'oiseau ; il lui demanda des
informations sur ses pratiques spirituelles, par la force desquelles elle avait
été capable de connaître de façon subtile ce qui s’était passé au loin. La
femme répondit qu’elle servait simplement le divin en son mari avec tout son
esprit, ses paroles et ses actions. Le retard avait été causé par le fait
qu'elle devait lui donner son repas. Aussitôt qu’elle avait fini ce service, elle
était venue avec des aumônes pour le yogi.
Quel rôle le silence
et la solitude jouent-t-il dans la pratique spirituelle ?
Avant de répondre à ces
questions, essayons d'abord de définir ces deux termes d’une façon simple et
compréhensible : solitude signifie le fait d’être seul ; il y a deux
aspects à cela, mental et physique. On peut se sentir esseulé dans une
atmosphère de foule et vice-versa. On peut ressentir la solitude réelle quand
les deux aspects physiques et mentaux évoluent en parallèle. En d’autres
termes, la solitude réelle nous aide à être avec nous-mêmes, libres des objets
du monde extérieur et intérieur. Le fait d'être seul ne doit pas être confondu
avec l'état de mélancolie.
Le silence signifie l'absence de bruit ou
l'abstention de paroles. Le premier aspect est physique et le second
mental ; en sanskrit, silence se dit "maun". C’est un
terme dérivé de manas, le
mental, ainsi, le silence consiste non
seulement à s'abstenir de paroles, mais aussi de pensée. Le silence physique
aide jusqu'à un certain point à réduire le mental au vrai silence. Après ces
préliminaires au sujet de la solitude et du silence, examinons maintenant leur
rôle dans la pratique spirituelle. Lorsque vous vous retirez dans un endroit
solitaire, vous vous débarrassez jusqu’à un certain point des perturbations
auditives et visuelles qui vous troublent dans le monde. Ceci représente une
manière directe d'avoir un contrôle sur votre mental. Le silence physique vous
aide à éviter les gênes auditives - en solitude, on n’a personne à qui parler,
il y a donc une restriction automatique de la parole. Vous serez d'accord avec moi que la plupart du temps,
nous conversons par habitude et non par nécessité et nous gâchons ainsi
beaucoup d’énergie. Nous pourrions la préserver et l’utiliser de façon à
atteindre le but de la vie. Une fois que vous êtes habitués au silence, votre
capacité d'introspection augmente de façon signifiante. Mâ soutenait toujours
l'utilité du silence. Dans ses ashrams, on s'attend à ce que tous les membres
observent le silence de huit heures quarante-cinq à neuf heures du soir. Vous
remarquerez que quand nous observons le silence, les activités du mental ne
s'arrêtent pas pour autant et que le besoin de s'exprimer existe au début, c'est ainsi qu’on a recours au langage des
signes. De plus, vous ne pouvez pas empêcher les gens de vous parler, et comme
en outre, observer le silence ne
désactive pas pour autant votre sens auditif,
et vous pouvez être perturbé à cause de cela. La solitude est une grande
aide de ce point de vue. Mes trois ans d’observance du silence à l'époque de
Mâ, et seize ans de retraite en solitude à Dhaulchina ont été de grandes aides
dans ma pratique spirituelle. Un silence et une solitude initialement forcés
doivent devenir habituels. C'est alors seulement qu’il est possible de
ressentir la félicité qui en découle. Il est presque impossible d'avoir un
contrôle sur tous vos sens simultanément. Mais si vous contrôlez complètement
l’un d’eux, les autres vont suivre. Souvenez-vous, le vrai silence, c'est l'état de samâdhi.
Mâ a dit :
"Soyez comme un enfant qui jamais ne grandit." En tant que tel, ceci
n'est praticable ni psychologiquement ni
physiologiquement. De plus, cette parole de Mâ semble nier le rôle de
l'intelligence dans la spiritualité.
Vous
avez soulevé un point important : je dois citer une autre parole de Mâ en
rapport avec cela. Elle a dit : "Vous avez assez joué avec votre
intelligence dans cette vie. La victoire ou la défaite, quelles qu'elles
soient, elles sont arrivées. Ne serait-ce qu'un instant, regardez-Le et sautez
sur Ses genoux, vous n'avez pas besoin de penser à quoi que ce soit." Oui,
ici, elle dénie apparemment l'intelligence, mais dites-moi quel rôle
l'intelligence joue dans l'amour ? Est-ce que vous avez jamais rencontré une
expression comme "amour intelligent"? Est-ce qu'un enfant a besoin
d'appliquer son intelligence quand il aime sa mère? Je ne veux pas dire que
l'intelligence n'a pas de rôle dans la vie, elle a son importance quand elle
est à sa place. Je ne pense pas que le travail spirituel soit un jeu à jouer
avec son intelligence, mais jouer le jeu de la vie intelligemment aide à
réussir l'objectif ultime.
Je
suis d'accord qu’il est impossible -à la fois physiologiquement et
psychologiquement- de revenir à mon enfance passée. Mais je porte toujours en
moi mes impressions de l'enfance, je peux essayer de reprendre les chemins de
ma mémoire, de déterrer ces impressions, d'être avec elles et de ressentir à
nouveau mon enfance. En agissant ainsi, je goûterai le nectar de l'amour que
j'avais perdu dans les jeux de l'intelligence. Ceci n'est ni impraticable ni
impossible. Parfois je ressens que mon cœur est comme une
pierre. Je ne sens pas d'amour pour quoi ou qui que ce soit.
Votre
cœur ne peut jamais être comme une pierre car une pierre n'a pas de cœur pour
ressentir ! Ce que nous appelons le cœur est le siège des émotions dans le
mental et non l'organe physiologique qui
réside dans la cage thoracique. Sans rentrer dans la signification littérale de
ce que vous avez dit, je comprends bien l'état mental auquel vous faites
allusion ; ceci est tout à fait naturel dans l'esprit humain. Maintenant,
essayons de voir pourquoi cela arrive. Dans un tel état, le mental perd son
calme naturel à cause des perturbations qui proviennent au hasard du monde des
objets extérieurs et intérieurs. Cet état peut être le résultat de
frustrations. Vos attentes ne sont pas comblées et vous n'êtes pas capable de
définir exactement ce que vous souhaitez à ce moment-là. Vous avez une attention
dispersée. Comme nous sommes dans un monde relatif, nos envies et dégoûts sont
aussi relatifs. En toile de fonds de l'aversion envers quoi que ce soit, il y a une aspiration intérieure pour aimer
quelque chose d'autre que parfois nous ne pouvons pas définir, et ainsi,
nous éprouvons de la confusion. Si votre cœur est comme une pierre, ce serait
l'état du mental le plus désirable, cela voudrait dire que vous n'avez pas de
pensée, et cet état d'absence de pensées est un autre nom du samâdhi, le
but de tous les efforts humains.
Comment peut-on développer son amour pour Dieu?
C'est
très simple : d'abord établir une relation avec Dieu et ensuite la nourrir
petit à petit de tout votre cœur, vous sentirez sa proximité. Essayez de lui
établir un siège permanent dans votre cœur.
Quelles sont les conditions de base sur le chemin
de la dévotion ?
L'amour de Dieu, une
foi totale en Lui et une pratique infatigable selon les conseils du gourou,
voici quelques éléments de base du chemin de la dévotion.
Est il possible d’aimer
sans rien attendre en retour ?
Bien
sûr, c'est possible. Vous le faites tout le temps sans le savoir. Vous ne
pouvez dénier que c'est vous-même que vous aimez le plus. La toile de fond de
votre amour des objets, c’est votre amour pour le Soi. Qu’attendez-vous de
votre propre Soi ? Vous aimez regarder votre image dans le miroir. Est-ce que
vous vous attendez à ce que cette image vous aime en retour?
Comment développer l'amour en moi ?
La
question de développer l'amour ne se pose pas : la seule chose qui nous
soit demandée, c’est de sentir qu’il est
déjà en nous dans toute sa gloire: avec la pratique, on peut acquérir et
développer une faculté particulière en soi. Nous sommes nés avec l'amour. Le
côté objectif du monde l’a voilé et c'est pour cela que nous sommes incapables
de le sentir dans sa plénitude. Il n'y a pas de qualification ou de
quantification de l'amour, mais bien
souvent, nous l'objectivons. Par la pratique, nous serons capables de le
dévoiler, et cet amour resplendira alors dans
sa pleine gloire.
Pourquoi
aimons-nous ? Parce que nous savons que c'est l'ambroisie permanente, le
remède pour toutes nos souffrances et douleurs en ce monde. S'il en est ainsi,
est-ce que l'amour peut quand même aboutir à la douleur ? Il n'est pas rare en
effet d’observer autour de nous que l’amour
finit dans la douleur. Ici, la définition même de l'amour n'est pas
tenable. Pourquoi en est-il ainsi ? C’est parce que notre compréhension de
l'amour est erronée. L'amour se manifeste en action, mais n'est pas l'action
elle-même. Aucune action ne peut être perpétuelle. Elle commence, continue
pendant une période donnée puis s'arrête. Ainsi en est-il de notre amour quand
nous le prenons faussement pour être une action. Quand nous considérons l'amour
comme un objet, il ne peut être perpétuel. Notre monde est transitoire. Tout
change sous le coup du Temps. Mon objet d'amour du moment ne demeure pas dans
le moment suivant. Ainsi va mon amour quand je le considère du point de vue des
objets ; le résultat en est de nouveau
la douleur. Ces faits nous poussent à voir l'amour sous un jour
différent, au-delà de la compréhension conventionnelle. L'amour n'est pas dans
l'objet mais j'ai besoin d'un objet pour projeter mon amour afin de le sentir
en moi seulement.
Comme vous l'avez dit
auparavant, il y a ni qualification ni quantification de l'amour. Pouvez-vous
préciser ?
Voilà une bonne
question ! La quantification est possible dans le cas d’un matériau ou
d'un objet. Pour mesurer quoi que ce soit, vous avez besoin d'une unité. Maintenant,
dites-moi quelle est l’unité d'amour par laquelle vous pouvez le quantifier?
Vous aimez pour vous faire plaisir et faire plaisir à votre bien-aimé en même
temps. Il est aussi naturel que vous aimiez plus d'une personne. Si vous dites
à quelqu’un que votre amour pour lui est moindre que celui que vous avez pour
un autre, est-ce que cela lui fera plaisir à entendre ? Quand vous donnez
quelque chose aux autres, il y aura une baisse quantitative de cet objet dans
votre stock. Mais quand vous donnez de l’amour aux autres, est-ce que vous en
avez moins pour autant ? Maintenant, vous pouvez juger par vous-même si
oui ou non il est faisable de quantifier l'amour.
Maintenant, considérons
les qualifications de l'amour. La qualification est toujours comparative et par
degré. Ici, de nouveau, nous sommes en face des mêmes difficultés que dans le
cas de la quantification.
Pierre Trudeau et la philosophie de Mâ
Par Bithika Mukherjî
Au début des années 70, un
changement de direction dans mon collège apporta quelques détériorations dans
les conditions de travail, mais aussi quelques nouveautés.
Ce fut à ce moment là que je fis
la connaissance de plusieurs professeurs d’universités canadiennes qui
prenaient un congé sabbatique et étaient venus à la Banaras Hindu University
pour entrer en contact avec le Dr. T.R.V. Murti et d’autres érudits de la
ville. Le Professeur G.M.C. Sprung était très intéressé par tous les aspects de
la vie indienne. Plusieurs d’entre nous se réunissaient dans sa chambre pour
des discussions sur des sujets généraux. Je rencontrai aussi sa femme, Ilse,
qui vint le rejoindre un moment. Elle se trouva être à la B.H.U. quand le
Premier Ministre du Canada, Pierre Trudeau, vint rendre visite à Shrî Mâ à
l’ashram. Ilse s’y rendit aussi avec moi pour voir comment Mâ allait recevoir
le Premier Ministre de son pays. Elle attendit dans le hall avec le public
pendant que Pierre Trudeau avait sa première entrevue avec Shrî Mâ. Cette
dernière m’avait choisie comme interprète. Etant donné que ses questions
n’étaient pas d’ordre privé, bien qu’assez personnelles, on peut les publier
désormais car elles sont révélatrices de la façon aisée que Shrî Mâ avait de
communiquer avec un homme appartenant à une autre religion, à un autre pays, et
à différentes traditions dans leur ensemble.
Après les salutations d’usage,
Shrî Mâ lui dit : « Vous venez d’une contrée bien lointaine,
avez-vous eu un voyage confortable ? Est-ce que tout est à votre
convenance ici ? »
Le visiteur acquiesça comme il
se doit et quelques échanges courtois s’ensuivirent. Puis Mâ dit :
« Il y a une Suprême Réalité dans l’univers et au-delà. Elle seule (La
Réalité) sous cette forme (de vous-même) est venue rencontrer ce corps, pour
qui personne n’est un étranger ni un nouveau venu. Il n’y a qu’une seule
Réalité – une Atma – C’est celle qui a
toujours été, est, et sera. Cela est éternellement permanent et cependant
toujours nouveau. »
Le visiteur contempla posément l’étendue de cet exposé, puis il
demanda : « Le progrès est-il possible ? »
Réponse : Oui, toujours.
Avec des efforts, vous pouvez accomplir une expérience de vérité directe,
tangible et réelle. Tout comme un étudiant peut atteindre un stade de
connaissance qui n’était pas à sa portée au début, un être humain peut acquérir
un degré de conscience qui est convenable pour son état de créature.
Question : Est-ce qu’on
peut prétendre à ces acquis tout de suite, ou après de longs efforts ?
Réponse : Les deux. Quand
vous grattez répétitivement une allumette, le flamboiement se produit toujours
de façon subite, il peut arriver après beaucoup d’efforts, ou bien du premier
coup. Dans la création de Dieu tout est possible.
Question : Comment un homme
peut-il savoir si ce qu’il est en train de faire est la meilleure chose à
faire ? S’il est vrai avec lui-même ou pas ?
Shrî Mâ : Cette question se
réfère-t-elle aux choses de ce monde ou bien de l’autre ?
Question : Selon moi, les
deux ne sont pas séparés. Je peux comprendre l’autre seulement par rapport à ce
monde-ci.
Shrî Mâ : Ce sont les
phases, ou les niveaux de la compréhension. L’étudiant au stade le plus bas a
des potentialités, mais il ne peut pas s’attendre à être à la portée des leçons
de niveau supérieur. Le voile de l’inconscient ou de l’ignorance est repoussé
de temps en temps. L’homme peut agir selon son meilleur degré de connaissance
d’une situation, mais ses efforts sont relatifs et non absolus. C’est pour
cette raison, voyez-vous, que vous faites toutes sortes d’efforts mais que le
résultat ne vous donne pas satisfaction. Il est impossible pour les êtres
humains de savoir ce qui est le mieux. Ce que vous disiez au sujet de la
non-différenciation entre les deux mondes est très juste. Ce monde-ci est
dominé par le mental et par conséquent il crée des divisions. Le mental fonctionne
dans le domaine de la créativité, du rendement, du meilleur train de vie, etc…
Le mental mesure. Nous sommes définis par notre sens des valeurs. Le mental
établit des normes. L’Incommensurable est parfait tel qu’il est. Cette
réalisation commence à poindre du moment que le mental est dissout. La
réalisation quelle qu’elle soit, est Cela seulement. C’est seulement ce que
Cela doit être et pas autrement. C’est vrai. Cependant, à moins que l’on
n’obtienne cette vision englobante de la totalité, on ne doit pas renoncer à
ses plus gros efforts pour faire ce que l’on pense être la meilleure chose.
La conversation continua encore un peu,
alimentée par l’Ambassadeur que Shrî Mâ connaissait très bien. Mr. Trudeau et
Mâ sortirent sur la terrasse pendant un instant. Mr. Trudeau sembla très
heureux, relaxé, et il se consacra le plus longtemps possible à la Presse. Il
insista pour porter lui-même le petit tapis (âsana) qu’on lui avait
offert spécialement, au lieu de le confier à ses assistants.
En conclusion, moi-même, Bithikâ, ayant
obtenu une bourse, je décidai de partir pour un an au Canada. (p.283-284-285)
Extrait de En compagnie de Mâ Anandamayî – Editions Agamat – Mars 2007 –
Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et
Jacques Vigne.
Le Sage et le papillon
Coquin papillon s'en vint un beau jour
Voleter gaiement auprès d'une barbe.
Dis-moi donc, vieux Sage, aurai-je droit un jour
à pouvoir flirter au creux de ta barbe ?
Puis-je y butiner sagesse et mystère ?
Cesser d'être pris pour une âme légère ?
Gentil papillon, répondit le maître,
Sache rester toi-même sans te contrefaire.
Donne du bonheur dans ta légèreté.
Ne t'alourdis point de tant d'anxiété !
Ma barbe argentée connut la misère,
Le poids des années, la gloire éphémère.
J'aimerais comme toi pouvoir m'envoler !
Qu'à cela ne tienne, je vais vous tirer
vers le ciel d'azur laissez-vous guider.
D'en haut vous verrez les âmes égarées,
regardez-les toutes, elles sont fatiguées...
Je n'veux plus descendre, s'écria le Sage,
je les vois souffrir, elles n'ont rien compris,
aide-moi à voler jusqu'au bout de ma vie !
Un grand cerf-volant forma l'escadrille,
puis ils disparurent, loin à l'horizon.
C'est depuis cela qu'une toute jeune fille
Mis dans ses cheveux de beaux papillons...
De Mahâjyotî (Geneviève
Koevoets)
à
Vijayânanda
(Kankhal -
mars 2005)
Prière à la Mère divine
« Elle est mon essence »
Mère divine,
Tu es le Corps de mon corps
Tu es l'Ame de mon âme
L'esprit de mon esprit.
Mère divine,
Tu es l'oeil de mes yeux,
L'Oreille de mon oreille,
Et la Bouche de ma bouche,
Mère divine,
Tu es la Chair de ma chair,
L'Os de mes os,
le Sang de mon sang.
Mère Divine,
Tu es l'Amour de mon amour,
Le Désir de mon désir,
La Force de ma force.
Mère divine,
tu es la Joie de ma joie,
Le But de mon but,
La paix de ma paix.
Prière à la Mère divine
L'Union
Mère divine,
Viens au-dedans de moi,
Reste avec moi,
Afin que je ne me sente plus séparée de Toi.
Mère divine,
Absorbe-moi,
Engloutis-moi,
Ramène-moi toi,
Afin que je ne me sente pas différent de Toi.
Mère divine,
Parle à travers moi,
Ris à travers moi,
Agis à travers moi,
Afin que je puisse finalement me sentir une avec Toi .
Marion Mantel, février 2003, après un darshan avec
Amma
(Marion
vient de faire publier chez ALTESS
un livre de poèmes inspirés par la Mère divine
La source
inépuisable de la joie avec une
préface de Jacques Vigne.
Nous en mettrons des extraits dans le prochain ‘Jay
Ma’)
Méditation et relation au Gourou
Par Atmananda
(Extraits de Voyage vers l’immortalité)
En
ouvrant directement le livre d’Atmânanda ce matin, voici ce qui est venu comme
texte, et qui semble à propos dans le cadre du ‘Jay Ma’ :
Rajghat,
le 15 juillet 1951
Que j’aie ou non l’impression de progresser,
je demeure totalement engagée dans ma sadhana avec Elle : advienne que
pourra. Tout ce qui est nécessaire, c’est une aspiration intense, rien d’autre.
Bien sûr, Mâ dit bien que cette aspiration est nourrie et intensifiée par des
séances quotidiennes de méditation, pratique qu’il ne faut jamais manquer
d’observer, qu’on en ait envie ou non
31 août 1951
Quand Mère est là, je vis dans une sorte d’intoxication.
Quelqu’un m’a demandé aujourd’hui ce qui m’était arrivé au cours de cette
année, et je ne savais pas quoi lui répondre. Je suis seulement consciente du
moment présent rempli de Sa présence. Ce n’est peut-être pas bien de continuer
mon travail à l’école [de Krishnamurti à Rajghat au nord de Bénarès], puisque
cela me fournit une sorte d’échappatoire aux rigueurs de la Quête. Si quatre
heures de sommeil me pouvaient suffire, je n’aurais pas à me précipiter autant.
Rahghat, 19 octobre 1951
Un jour Patalda m’a donné une sucrerie de la
bouche de Ma. En l’avalant, j’ai senti que la Lumière se diffusait dans mon
corps. Cela a produit un état de profonde méditation dans mon esprit.
Un matin, quelqu’un a demandé à Mâ :
« Cela sert-il à quelque chose de prendre l’initiation d’un Gourou qui ne
présente pas les signes caractéristiques d’un gourou authentique, tels qu’ils
sont définis dans les Ecritures ? »
Mâ : « Il y a deux choses ici.
Premièrement, prendre un Gourou et deuxièmement que ce Gourou soit le Gourou. Il ne peut être question de prendre ou de quitter, car ce Gourou est le Soi. S’il ne l’est pas, il se peut
qu’il vous indique un chemin, mais il ne peut pas vous conduire jusqu’au but,
jusqu’à l’illumination, parce que lui-même ne l’a pas atteinte. Vous
pouvez prendre quelqu’un comme Gourou et
puis le quitter, mais dans ce cas je dis que vous n’avez jamais eu de Gourou.
On ne peut pas quitter le vrai Gourou. Il est le Gourou par sa nature même et
il comble naturellement toutes les lacunes du disciple. Tout comme la fleur
donne son parfum naturellement, le Gourou aussi donne l’initiation par le
regard, la parole, le toucher, l’enseignement, le mantra ou même sans rien de
tout cela, simplement parce qu’il est le Gourou. La fleur ne fait d’effort pour
donner son parfum, elle ne dit pas : ‘Venez me sentir’. Elle est là.
Quiconque s’approche d’elle pourra jouir de son parfum. Tout comme le fruit mûr
tombe de l’arbre et est ramassé par quelqu’un ou mangé par les oiseaux, ainsi
le Gourou est tout ce dont ont besoin ceux qui lui appartiennent, quels qu’ils
soient.
« Il y a effectivement de faux gourous
et beaucoup s’y laissent prendre. On dit que vous devez vous donner corps et
âme au Gourou, mais cela ne signifie pas qu’il a le droit de vous exploiter.
S’il essaie de le faire, vous devez le quitter et la plupart du temps
laisser aussi le mantra qu’il vous a donné parce qu’il lui est associé et qu’il
vous fait penser à lui. Alors je dis : allez vous baigner dans le Gange et
prenez un nouveau départ avec un autre mantra.
Un mantra est ce qui protège. S’il ne remplit pas
cette fonction, ce n’est pas un mantra. »
23 janvier 1952
Essayer d’écrire quelque chose sur Mâ a au
moins un effet positif : cela me fait comprendre plus que jamais combien
elle est au-delà de tous les mots et de toutes les pensées, et combien ma
compréhension est limitée. Combien, en dépit de tout, je fais peu de cas de mon
contact avec Elle ; sinon pourrais-je prêter la moindre attention à la
façon dont je suis traité, permettrai-je à mon corps d’avoir le dessus et
quitterai-je Mâ parce que je désire davantage de confort, comme je l’ai fait à
Ambala ?
Ne vaut-il pas mieux mourir à Ses pieds
plutôt que de vivre loin d’Elle ? A présent je pleure tous les jours,
parce que penser à Elle me tire invariablement des larmes. Comme je suis
indigne de Sa grâce et de Sa compréhension !
11 février 1952
Certaines personnes pensent que Mâ est
supérieure à tous les avatars qui ont existé, mais je crois que c’est une
exagération injustifiée ; bien qu’en un sens cela soit vrai, parce que
chaque incarnation divine est certainement unique en son genre. Il me semble
que cette tendance exclusiviste de la part de certains aura l’effet contraire.
Il faut que chacun découvre ces choses par lui-même.
Quand nous avons pris refuge en Mâ, nous
devons vivre sa fameuse maxime [Jo ho
jayega ce qui arrive, arrive (comme par Volonté divine)]
Atmânanda Voyage vers l’immortalité Accarias,
2003, p.258-260
Nouvelles
- Swami Nirgunananda
vient en France du 16 au 23 août à Terre du Ciel infos@terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30 et à Epernon du 24 au 31
août ; contact : Claude Portal 12 rue Lamartine 78100
St-Germain-en-Laye 01 34 51 74 41 et pendant les vacances ; en
Auvergne ; 04 71 50 93 87 :
- Il y aura un groupe
de l’école de Yoga de Terre du Ciel qui viendra pour dix jours de retraite
auprès de Swami Nirgunananda à
Dhaulchina, dans les montagnes au-dessus d’Almora, en fin mars-début avril.
- Swami Virajananda a
eu une thrombose cérébrale en début mars : il est partiellement paralysé,
ne peut plus s’alimenter mais a retrouvé récemment un peu l’usage de la parole. Il est soigné en ‘hospitalisation
à domicile’ à l’ashram même. C’est lui qui a eu l’idée de lancer la Sangha de
Mâ vers 1950 et qui a recueilli les paroles de Mâ dans l’ouvrage Words of Ma
Anandamayi qui a été une source importante de L’enseignement de Ma chez
Albin Michel. Il est aussi l’auteur de Swakriya Swaras Amrita, issu de
ses conversations avec Mâ et de ses propres méditations à son propos. Il est
honoré par le titre de moukhya sadhou, « sadhou principal » de
la Sangha. Swami Vijayananda lui avait prédit depuis longtemps qu’il vivrait
jusqu’à plus de cent ans, et il en a maintenant 102.
- Geneviève Koevoets,
qui a reçu à Kankhal le nom de Mahajyoti (Grande lumière) a traduit en italien Un
Français dans l’Himalaya de
Vijayananda (disponible en Français à Terre du Ciel ou sinon sur www.anandamayi.org). Elle est en contact avec un éditeur spirituel
de Rome en vue d’une éventuelle publication.
- Une sélection d’écrits de Bithika Mukherji sur
Mâ et le védanta doit paraître dans le
courant de l’année chez Agamat à Paris (éditeur Bernard Bouanchaud aagamaat@wanandoo.fr, aagamaat est un
ablatif et signifie littéralement en sanskrit ‘en provenance de la
tradition’ ; en ce sens les textes de Bithika qui a été professeur de
philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès sont bien à leur place dans cette
maison d’édition).
Renouvellement général des abonnements
Il y a eu
de sérieux problèmes de courrier entre Kankhal et la France. Ceci est peut-être
dû à la présence d’un ashram de Yoga thérapie dans le village qui est très
connu et qui envoie régulièrement des
mailings en 7000 exemplaires, ce qui noie la petite poste du village et les ‘Jay
Ma’ aussi s’ils ont le malheur de se
trouver pris dans la tourmente. Maintenant Pushparaj doit aller à la grande
poste d’Hardwar et envoyer la revue par petits paquets de 20 ou 30 exemplaires
seulement. Une consolation relative : l’ashram de Mâ a exactement le même
problème avec les courriers collectifs qu’il expédie aux fidèles en Inde. Tout
envoyer en recommandé n’est pas la solution car cela doublerait le prix de
l’envoi, ne serait pas complètement sûr non plus et obligerait les abonnés qui
travaillent à faire de longue queues à la poste le samedi matin avec leur avis
en main juste pour récupérer l’envoi…Les ‘Jay Ma’ sont expédiés tous les trois
mois, si cinq mois après le dernier envoi vous n’avez rien reçu, écrivez par
courriel à Pushparaj en disant le numéro qui vous manque et il vous le fera
parvenir ishu1145@yahoo.co.in
ou à Pushparaj Shre Shree Ma
Anandamayee Ashram Kankhal 249408 Hardwar UA Inde.
Ceci dit, l’avenir semble être
l’envoi par courriel pour ceux qui sont habitués à l’internet. Depuis tout
récemment, nous avons enfin à Hardwar un système de réseau qui marche à une
vitesse normale et sans être coupé toutes les 10 minutes. Nous pouvons aussi
joindre la photo de couverture en pièce jointe. Nous faisons donc cette fois-ci
deux tarifs, un pour la souscription en ligne et l’autre par internet. Les
bénéfices de ces souscriptions ont servi depuis deux ans à faire saisir sur
ordinateur deux livres quasiment introuvables que nous sommes en train de
mettre sur le site de Ma :
- In the steps of the Yogis de Vijayananda
- Neo-Vedanta and Modernity de Bithika Mukerji
Nous
travaillons aussi sur un troisième livre
de souvenirs sur Ma, le premier du genre publié en 1946 à Calcutta et
qui était tout à fait oublié. Le but est de le mettre en ligne également.
Renouvellement général des
abonnements
Je me réabonne au Jay Ma pour huit numéros, soit
jusqu’au N° 84 du printemps 2007 :
- par courriel pour la somme de 10 €
mon courriel est le
suivant :
- par courrier ordinaire pour la somme de 16
€ :
mon adresse est la
suivante :
Chèque à rédiger à l’ordre de Jacques Vigne et à
adresser à :
José Sanchez-Gonzalez
Maison Auger Quartier St-Martin
84110
Vaison-la-Romaine
En cas de besoin nagajo3@yahoo.fr tél : 04 90 28 80 23
Les réclamations pour les ‘Jay Ma’ non reçus sont
à envoyer directement à Pushparaj et son épouse Padma : ishu1145@yahoo.co.in
Jay Ma n°77 - Eté
2005
Paroles de Mâ
La
lumière du monde va et vient, elle est instable. La Lumière qui est éternelle
ne peut s'éteindre. Dans cette Lumière, vous considérez la lumière extérieure
et toute chose dans l'univers : c'est seulement parce qu'elle resplendit à tout
jamais en vous que vous pouvez percevoir cette lumière extérieure. Ce qui vous
apparaît dans l'univers n'est dû qu'à cette grande Lumière en vous, et c'est
seulement parce que la Connaissance suprême de l'essence des choses demeure
cachée dans les profondeurs de votre être qu'il vous est possible d'acquérir
une connaissance quelle qu'elle soit.
Tout
ceci qui est Sa création, est en Son pouvoir, en Sa présence et c'est Lui.
En
quelque situation où Il puisse maintenir qui que ce soit n'importe quand, tout
cela est pour son bien, car en vérité tout a été ordonné par Lui et vient de
Lui.
Le
bonheur relatif, c'est-à-dire celui qui dépend d'une chose ou d'une autre, doit
s'achever dans la frustration. C'est le devoir de l'être humain de méditer sur
Dieu, qui est la paix elle-même. Sans avoir recours à ce qui aide au souvenir
de Dieu, on ne peut avoir de paix. N'avez vous pas expérimenté ce qu'est la vie
dans le monde ? Celui qu'on doit aimer est Dieu. En Lui il y a tout, c'est Lui que vous devez
trouver.
Essayez
toujours de garder présent à l'esprit que Dieu envoie tous les soucis de la vie
pour vous purifier.
Souvenez-vous
toujours que la répétition de Son Nom a assez de pouvoir pour laver les péchés,
qu'ils proviennent de cette vie ou des vie passées.
Lui
seul connaît celui auquel il va se révéler et sous quelle forme. L'intelligence
humaine ne peut comprendre par quels chemins et de quelle manière il attire un être
particulier à lui avec une grande force. Le chemin est différent pour des
pèlerins différents. Souvenez-vous qu'il détruit le malheur par le malheur et
annihile le chagrin par le chagrin.
Si
l'on doit désirer quelque chose, à tout prendre, que ce soit Sa grâce.
Si
vous êtes persévérant et stable comme la terre, la vie divine s'éveillera en
vous.
De
même que l'eau purifie par son simple contact,
la vue, le toucher, les
bénédictions, et même seulement le souvenir d'un sadhou réel, nettoie petit à
petit les aspirations et les désirs impurs.
Ma Anandamayi
vue
par ses disciples
Extraits du premier livre de souvenirs sur Mâ,
Publié par l’ashram en 1946
Hymne à Mâ Anandamayi
(Traduit du « Matri Darshan. En compagnie de Mâ Anandamayi », de Bhaiji, par G.Dasgupta)
Gloire à Toi, Sri Mâ
Anandamayi,
Qui habite en chaque âme dans
une pureté absolue
A travers le temps, O
Mère !
Ton éclat, mère Nirmala,
illumine l’univers ;
Tu es la splendeur des vertus
célestes, O Mère !
Tu es le Guru incarné, la
reine de toutes les royautés,
Et le sceptre de tous les
pouvoirs ;
Tu es le symbole du
« Aum » dans le Swaha,
Et le Swadha, O Mère !
Devant tous les regards, tu
rayonnes, O Mère !
Dans une grâce dont la
divinité surpasse toutes choses ;
Tu es la réalité absolue,
suprêmement belle et parfaite, O Mère !
Le soleil et la lune sont les
lobes jumeaux de Tes oreilles ;
Le bleu profond du ciel infini
est Ta chevelure elle-même,
Et l’univers, ta silhouette
glorieuse, O Mère !
Tu es le charme de toutes les
richesses de la terre, douceur incarnée,
Radiant éclat de la splendeur
de la vie, O Mère !
Tu es aussi délicieuse que
Lakshmi l’est à Vishnu,
Toujours si pleine de paix, de
tranquillité et de pardon,
Tous les dieux et toutes les
déesses émanent de ta personne, O Mère !
Tu es la dispensatrice de
toute joie,
De toutes les bénédictions de
la vie, de l’amour de la dévotion,
De la sagesse divine et du
salut, tout coule de Toi, O Mère !
L’univers est Ton enfant, tu
as pris soin de lui avec toute ta tendresse
Et finalement, tu l’as fait
prendre refuge au cœur de Toi, O Mère !
La vie même de tes dévots est
tienne,
Tu es la divine grâce
incarnée,
Et la douceur de ce monde et des deux
prochains, O Mère !
Tu es la fontaine même d’où
coulent toutes les causes,
Comme les effets,
Bien au-delà des liens de
toute harmonie et de toute discorde,
Le mouvement premier de toute
force divine est Toi-même, O Mère !
Tu es la formule sacrée de
toute sagesse,
Celle qui charme et appelle à
Elle tous les yogis,
Et toutes les terreurs de la
vie terrestre sont dissipées par Ta présence, O Mère !
L’âme de tous les mantras et
Bijas est tienne,
En Toi, se tient la révélation
des Védas,
Tu es celle qui nourrit les
mondes par l’omnipotence de Ta présence, O Mère !
Tous les Gunas et les formes
irradient de Ta personne,
Mais tu es bien au-delà de
leur portée,
Tu es celle qui resplendit de
la plus haute bénédiction de l’existence, O Mère !
L’univers entier, de l’animé à
l’inanimé,
Tremble de ravissement à Ton
contact,
Et chante sans cesse la
douceur de Ta grâce, O Mère !
Permets-nous de nous unir,
Afin de n’être plus qu’un cœur
et qu’une âme,
Pour offrir nos vœux à Tes
pieds, O Mère !
Que la plus haute gloire
croisse et resplendisse toujours davantage pour Toi,
O Mère !
Chapitre 1
J’entendis pour la première fois le nom de
Mâ Anandamayi un beau matin de la fin de l’automne de l’année 1928. J’étais en
train de finir mes préparatifs pour me rendre au collège (je n’avais pas encore
pris ma retraite à l’époque) quand celui qu’on appellera plus tard Mahamahopadhaya
(Pt Padmanath Vidyavinoda) arriva chez moi et me prévint que Mâ Anandamayi de
Dacca se trouvait en ce moment même à Bénarès. Il me tendit un article écrit
par Mr Kunja Mohan Mukerji (alias Swami Turiyananda) sur Mâ, et la guérison
miraculeuse que Sa grâce avait opérée sur une dangereuse morsure de serpent
qu’avait subi son fils. Il ajouta que la vision de Mâ en Samadhi était de la
plus haute élévation, et il insista pour que je vienne par moi-même y assister,
si cela m’était possible. Cette démarche provenant d’une personne réputée pour
un esprit critique acéré envers toutes choses, et qui n’épargnait rien ni
personne dans ses attaques, me sembla d’une portée remarquable. Mâ demeurait
dans la maison de Kunja Babu à Ramapura. Et je décidai d’aller la voir. De ce
fait, lorsque je me rendis là-bas le soir, Kunja Babu, comme son frère aîné
Sasanka Babu (alias Swami Akhandananda), me conduisirent vers Mâ pour avoir son
Darshan. Ils me présentèrent immédiatement à Blolanath qui m’emmena dans une
petite pièce au rez-de-chaussée où je trouvais Mâ absorbée en Samadhi et
entourée d’un grand nombre de dévots (bhaktas). Blolanath n’était pas à l’aise
qu’elle ne reprenne pas rapidement conscience, et il fit quelques tentatives
infructueuses pour la ramener à elle-même. Sachant qu’un état de transe doit
poursuivre son déroulement naturel sans être interrompu de façon artificielle,
sous peine de faire encourir à la personne de gros risques, je lui demandai de
cesser ses tentatives. J’attendis donc qu’elle revienne à un état de conscience
normal, mais rien de tel ne se produisit dans les deux, trois heures qui
suivirent. Anticipant qu’il se pourrait que cela prenne un temps infini avant
qu’elle ne revienne à une condition normale, je décidai de rentrer chez moi,
mais fermement décidé à revenir la voir le jour suivant. Ce fut un 6 Septembre
que je rendis ma première visite à Mâ. J’en vins à apprendre qu’elle était
arrivée un ou deux jours auparavant, et que c’était la seconde fois qu’elle se
rendait à Bénarès. Sa première visita remontait à 1927, et avait été une étape
sur sa route vers Hardwar, à l’occasion du grand marché de Khumba.
Je revins le 7, comme prévu, à l’endroit où
elle habitait. Et en réalité, je vins deux fois par jour durant le bref séjour
qu’elle fit à Bénarès et qui se finit le 12 Septembre. Je me souviens très bien
que je n’ai pas fait faute de me rendre là-bas un seul jour pendant cette
période. Mais c’est difficile de rendre compte après un laps de temps de plus
de dix sept années de mes premières impressions d’alors sur Mâ, et d’essayer de
formuler à l’aide de mots ce que j’ai alors ressenti. Tout ce que je peux dire,
c’est que ce que j’ai alors vu de mes propres yeux, dépassait de loin tout ce
que l’on peut imaginer rencontrer dans le monde naturel ; c’était un rêve
concrétisé sous mes yeux. Pendant les quelques jours que Mâ passa à Bénarès, la
maison de Kunja Babu fut le tableau vivant d’une intense ferveur, et un flot
ininterrompu de visiteurs s’y succédait du matin avant l’aube, jusqu’au soir,
bien après minuit. Les portes de la maison étaient en permanence laissées
ouvertes, et qui voulait y pénétrer était le bienvenu. Personnalités de haut
rang, pandits, étudiants d’université, commerçants, saddhus, sannyasins,
prêtres, laïcs et mendiants – tous surgissaient en nombre, chacun à leur
convenance, pour avoir la chance d’avoir son Darshan, de lui offrir leur
respect, et dans la mesure du possible, d’échanger avec Elle quelques mots. Des
gens des deux sexes, de tous les âges et de tous les rangs de la société
formaient cette foule. Certains ne venaient que dans le but d’avoir son
Darshan, d’autres pour trouver une solution à leurs doutes intérieurs, et
d’autres enfin par pure curiosité. La magie de la situation voulait que tous
sentent le charme magnétique qui émanait de la personnalité de Mâ, ainsi, ceux
qui étaient venus une première fois par curiosité, ne résistaient pas à la
tentation de revenir, non plus pour satisfaire une curiosité, mais guidés par une
mystérieuse attraction. Ce que tous sentaient, en fait, c’était la sensation de
se retrouver comme de tout petits enfants en présence de leur mère bien aimée.
L’austérité et la froideur formelle étaient remplacées par une chaleureuse
intimité, une familiarité immédiate. Mâ
se conduisait avec eux tous comme avec ses propres enfants – tendre,
prévenante, et très intime. Il n’y avait pas la moindre réserve dans Son
regard, ni aucune retenue dans Son expression. L’atmosphère générale donnait
l’impression d’un rassemblement amical, imprégné de gaieté et de bonheur.
Chaque soir, on organisait une sorte de
rassemblement informel dans la cour où les visiteurs s’asseyaient en rond
autour de Mâ, et la pressaient de questions. Elle répondait à chacune, apaisant
les doutes des chercheurs (de sagesse…) de quelques phrases avec Sa manière
inimitable et douce de le faire. Du fait que les chercheurs venaient tous de
niveaux culturels différents et représentaient des courants intellectuels et
spirituels spécifiques, il va de soi que les questions posées abordaient un
grand nombre de sujets, et soient de valeur et d’intérêt variés. C’était
incroyable de voir de quelle manière Mâ s’adaptait à chacune de ces questions
avec la même aisance, et la même spontanéité, sans demander, ne serait-ce qu’un
moment de réflexion avant de répondre aux problèmes les plus abstraits et les
plus intriqués qu’on lui présentait. Ses réponses étaient invariablement de la
plus grande pertinence, allant droit au cœur de celui qui L’avait interrogée,
et formulée dans une langue remarquable par sa concision et son expressivité.
Chaque mot qui sortait de ses lèvres avait un impact, et lorsque l’occasion s’y
prêtait, un trait d’humour ne se faisait pas attendre.
Mâ était à cette époque, une interlocutrice
hors du commun. C’est une qualité dont toute personne ayant eu le privilège de
parler avec elle pouvait témoigner, même des années après. Il était intéressant
d’observer qu’elle manifestait une attitude de réticence inaltérable vis-à-vis
des questions qui n’étaient pas véritablement sincères dans leur nature –soit
qu’elles relevaient d’un domaine plus académique, soit qu’elles essayaient de
soulever des opinions propres à blesser les sentiments d’un certain nombre de
personnes. Des célébrations de Kirtan différents rivalisaient entre
elles chaque jour, au-devant de Mâ pour glorifier le Divin et son nom. Des
dévots à la voix mélodieuse tenaient pour une distinction et un honneur qu’on
leur permette de La régaler de leurs chants. Généralement, en ces occasions,
quand la musique s’écoulait spontanément du plus profond du cœur d’un chanteur,
ou au beau milieu d’une conversation, lorsqu’un point crucial était abordé, on
pouvait observer que l’apparence de Mâ se nimbait d’un rayonnement de Bhava,
et que son état normal était en train de subir une transmutation vers quelque
chose d’un ordre appartenant au surnaturel. On avait l’impression que la
personnalité habituelle que les Bhaktas
côtoyaient, était remplacée, pendant un certain laps de temps, par une
présence d’une autre nature. En de pareils moments, on observait des phénomènes
variés et inhabituels.
Des
« Stotras » et des « Mantras » d’une qualité extraordinaire
jaillissaient de ses lèvres, avec une telle rapidité qu’il était impossible à
qui que ce soit de les identifier. La langue dans laquelle ceux-ci étaient
prononcés, était unique. Ce n’était pas, à proprement parler, du sanskrit ou un
de ses dérivés vernaculaires, bien qu’on puisse reconnaître ça et là quelques
mots épars de Sanskrit. De nombreux mots étaient inconnus et même ceux que l’on
croyait venir du Sanskrit ne paraissaient pas avoir le même sens. De plus des Bijas
monosyllabiques – connus ou inconnus – émaillaient ses paroles. La
prononciation en était si parfaite que même un son conjoint, fait de plusieurs
consonnes et sans voyelles inter-vocales, était parfaitement distinctement
audible. Quelquefois, en de pareilles occasions, Mâ répandait des larmes ou des
exclamations, et parfois encore, elle devenait rigide et entrait dans une sorte
de transe.
A cette époque, des états de transe
surgissaient aussi lorsque des Bhaktas déposaient des fleurs à ses
pieds, ou lui offraient, d’une façon ou d’une autre, un acte propiatoire. La
réponse surgissait immédiatement.
Il y avait à l’époque une divergence
d’opinion quant au statut précis de Mâ, certains soutenaient qu’elle était une
déesse incarnée, soit Kali, soit Durga, ou encore Sarasvati ou Radha. D’autres
pensaient qu’elle était un être humain, ayant atteint la perfection dans cette vie,
après une série de renaissances où un progrès spirituel avait pu venir à son
terme et à sa complétude. Enfin, d’autres soutenaient le point de vue qu’elle
était une Brahmavadini du temps jadis, ou peut-être encore une
incarnation du divin venue sur terre pour apaiser les souffrances. On
l’identifiait parfois à Sukadeva, et parfois même à Sri Krishna. Des personnes
d’une nature plus mondaine soutenaient qu’une entité spirituellement supérieure
– humaine ou céleste – possédait son corps et l’utilisait en vue de ses fins
propres. Un monsieur de ma connaissance, qui habitait alors dans une maison
adjacente à la mienne, et qui travaillait dans un des lycées locaux, alla même
jusqu’à me soutenir que Son cas relevait clairement d’une possession – et que
même si elle était le fait d’un bon esprit, il était souhaitable que l’âme
d’origine retournât habiter son corps et se libère de cette possession. Ce
monsieur, qui était d’un certain âge et qui avait la réputation d’être un
pratiquant tantriste de longue date, soutenait qu’il détenait le pouvoir de
rendre Mâ à sa condition normale, à la seule condition que son mari et son père
donnent leur accord. Son idée était que le cours normal et l’évolution de Sa
vie, étaient, du fait de cette « possession », entravés dans son
développement, et que dans son propre intérêt spirituel, cette
« manipulation » (retardant son évolution) devait lui être retirée.
Il va sans dire que personne n’attachait la moindre importance à ses paroles.
Un jour, le grand orateur qui allait devenir Swami Dayananda du Bharat Dharma
Mahamandal, vint voir Mâ et eut une conversation privée avec elle. Bien que
cette conversation entre Swamiji et elle dû demeurer privée, on convint que le
futur Sasanka Babu et moi-même, puissions demeurer présents en cette occasion.
Swamiji put poser plusieurs questions à Mâ auxquelles elle répondit
immédiatement.
Ainsi :
Swamaiji : Mère, qu’êtes-vous en
réalité ? Les gens sont tous d’un avis contraire, et personne n’arrive à
se mettre d’accord. Que diriez-vous pour vous définir vous-même ?
Mâ : Vous voulez savoir ce
que je suis… ? Et bien, je suis ce que vous pensez que je suis. Rien de
plus, ni rien de moins.
Swamiji : Quelle est la nature
de votre Samadhi ? Est-il d’un Savikalpa ou d’un Nirvikalpa ?
Devenez-vous consciente ?
Mâ : Et bien, c’est à vous
d’en décider ! Tout ce que je peux dire, c’est qu’au beau milieu de tous
ces changements apparents, je sens et je suis consciente que je demeure la
même. Je sens qu’au-dedans de moi, il n’y aucun changement d’état. Appelez
ça du nom que vous voulez. Est-ce un Samadhi ? Bien des fois, cette
question a été posée, et on y a répondu.
Les quelques jours où Mâ resta à Bénarès
suffirent à me convaincre de la grandeur de Sa personne, et de la sainteté hors
du commun de sa vie. J’appris son histoire de la bouche de ceux qui
l’entouraient, parmi eux, il y avait Bolanathji, Sœur Gurupriya, Sansanka Babu
et d’autres, et je me rappelle encore avec bonheur ces occasions si joyeuses où
Mâ elle-même consentait à évoquer les événements de son enfance, et ses
développements ultérieurs quand elle était à Bajitpur et à Dacca. C’étaient des
histoires d’un tel intérêt qu’on était tous passionnés. Ces histoires qui
rapportent une époque de sa vie où elle se trouvait à Astagram, Bajitpur et Dacca,
ont été depuis mises par écrit par ses admirateurs et disciples, et l’histoire
de sa vie postérieure à cette époque, jette une lumière mémorable sur la
qualité totalement unique de sa personnalité.
D’ailleurs, la chose qui me frappa le plus
en elle à cette époque, était Sa personnalité. Ses traits physiques émanaient
un rayonnement magnétique – aussi bien sa contenance souriante, la douceur de
son expression que la simplicité de sa vie et de sa conduite. Son
indéfinissable façon d’être, comme la cordialité et la chaleur de ses relations
avec chacun, ceci allié à une vie d’une extraordinaire sainteté et d’une
profonde sagesse, faisait d’elle l’objet d’une attraction et d’une adoration
universelle.
Par Bithika Mukerji
(Extraits de ‘En compagnie de Mâ Anandamayi’ - Agamat – Mars 2007
Ces jours à Solan furent merveilleux et tout pleins d’incidents
mémorables. Une fois, tandis que le kîrtan se déroula, Shrî Mâ quitta son siège dans la
véranda et entra dans le cercle des chanteurs,
levant sa main droite dans ce geste inimitable qu'elle effectuait durant
les nâma sankîrtans. Gini et moi-même avions entendu dire que Didi se
tenait toujours derrière Shrî Mâ quand elle se déplaçait avec un groupe de kîrtans,
nous envoyâmes donc quelqu'un chercher Didi et toutes les deux nous nous
glissâmes dans le cercle des hommes pour
être derrière Shrî Mâ. Pratiquement à la seconde suivante, nous nous sommes
retrouvées avec nos mains agrippées par Shrî Mâ ; elle nous reconduisit tout
simplement droit à la véranda puis entra de nouveau dans le groupe de kîrtans.
Elle avait été si rapide qu’on n'avait même pas noté son absence et que nous
avions eu l'impression qu'elle était juste sortie et rentrée dans le même
mouvement. Nous avons réalisé plus tard que Shrî Mâ ne permettait pas aux
jeunes filles de se mêler à la foule. Elle ne faisait pas semblant d'avoir un
état d'âme extatique durant ces kîrtans, mais elle représentait tout le
temps un mélange si harmonieux de surnaturel et de sens pratique que nous
vivions à tout jamais dans un pays merveilleux où tout événement extraordinaire
était possible.(p.133)
Les mahâtmas voulaient en
savoir plus sur la sâdhanâ de Mâ, en particulier sur sa période de
« jeu de sâdhanâ » qui a duré plusieurs années dans sa
jeunesse à Dhaka. Elle dit : "Tout cela est survenu naturellement. Vous
savez tous ce que ce corps n'a pas lu sur de tels sujets ni n’a appris d'autres
personnes. De plus, en voyant mon absorption en méditation, beaucoup de gens
pensaient qu'ils pourraient m’aider en me parlant de sâdhanâ ou en me
lisant des ouvrages sur le travail spirituel. De tels efforts étaient
absolument rejetés par ce corps comme s’ils étaient des briques jetés contre un
mur massif. Parfois, des conseils venant de l'extérieur étaient aussi
perturbateurs qu'un choc électrique - et dissipaient tout simplement
l'inspiration intérieure du moment."
"Tout venait de
l'intérieur. Les manifestations des mantras védiques, le rythme, comme ils
étaient beaux ! Dans la sâdhanâ, il y a des niveaux, il y a des
états durant lesquels les mantras se révèlent d’eux-mêmes. Certains d'entre
vous ont vu comment ce corps en était affecté. Quand les mantras védiques
sortaient en abondance de ce corps, il assumait les postures justes tandis que les
mains prenaient les gestes appropriés ; le flux de la respiration était en
accord avec les paroles, même le regard était changé. Tous les mantras ont leur
forme spéciale de manifestation. Quand ces manifestations sont spontanées,
l'aspect extérieur de l'être intérieur est révélé, et toutes sortes de
phénomènes sont possibles. En ce qui concerne ce corps, il n'est pas question de stade postérieur ou
antérieur. Tout ce qui devait se passer se révélait pleinement et ensuite
laissait place à quelque chose d'autre. Le processus naturel a sa propre
splendeur. Vous plantez une graine ou une pousse et vous vous mettez à la
soigner - et l'arbre émerge dans toute sa gloire avec des feuilles, des fleurs
et des fruits. On n'a pas besoin de tirer sur les bourgeons. Tout arrive en son
temps et déploie une beauté qui lui est propre. Tout ce dont on a besoin, c'est
d’un soin constant.
La sâdhanâ n'a pas amené
de changement dans ce corps - il est resté tel qu'il est. Vous pouvez le
comparer à une boule de pâte - vous pouvez en faire ce que vous voulez, un
oiseau, un animal, un arbre, une poupée, et ensuite en faire de nouveau une
masse amorphe ".
Durant ce séjour à Solan, je me
souviens d'un autre incident plutôt étrange. Un monsieur, N., avait accompagné
Shrî Mâ à partir de Bahrampour au Bengale. il était très calme, mais Shrî Mâ
lui marquait une attention particulière à tout moment. Shrî Mâ nous dit une
fois que sa femme venait la voir fréquemment. Un jour, Shrî Mâ a vu une cicatrice récente sur son bras et lui a
demandé si elle s'était blessée. Cette dame me raconta alors l'épouvantable
histoire de son mari alcoolique. Ce monsieur, un riche propriétaire terrien,
avait l'habitude de se laisser aller parfois à des beuveries en oubliant
complètement son statut et ses devoirs dans le monde. Quand il sortait de sa
stupeur alcoolique, sa femme se blessait elle-même pour protester contre son
mode de vie. Il regrettait, promettait de ne plus jamais boire mais un autre
accès revenait inévitablement. La dame a montré à Shrî Mâ comment ses bras et
ses jambes étaient pleins de ces blessures qu'elles s'étaient infligées à
elle-même, et qui s'étaient transformées maintenant en cicatrices.
On convainquit N. de visiter
Shrî Mâ. Elle lui demanda s'il voudrait bien l’accompagner où qu'elle aille. Il
a dû avoir conscience de sa grâce et de sa compassion car elle ne lui a dit
aucune parole de critique à propos de sa faiblesse. Il obéit et s'en alla de la
maison pour être avec elle. C’était ainsi qu’il s’était retrouvé à Solan et qu’il
y menait une vie tranquille. Un jour il dit à Shrî Mâ qu'il avait un grand
désir de toucher ses pieds. Il savait qu'un pécheur comme lui ne devrait pas
aspirer à ce privilège mais il sentait aussi que seul ce contact pourrait le
sauver, ou au moins quelques paroles dans ce sens. Shrî Mâ était assise sur son
chowki (lit), avec ses pieds à quelques centimètres du sol. Puisque Shrî
Mâ ne dit rien, N. s’agenouilla et avec de grands tremblements et de
l’agitation toucha ses pieds, les prenant dans les deux mains.
A ce moment-là, le Dr Girin
Mitra, un ancien disciple de Mâ, entra dans la chambre et prit conscience de la
situation d’un coup d’œil. L'expression de Shrî Mâ était indescriptible ;
en général, tous ceux ou celles de la suite de Shrî Mâ étaient supposés stopper
les nouveaux venus dans leurs tentatives de toucher ses pieds. Girinda sourit
et regardant Bhoupen dit : "Je
suis maintenant trop vieux pour m'engager sur cette mauvaise voie, qui a
pu procurer ce grand privilège. Mais tu as l'âge qu'il faut, donc commence
maintenant !" Tout le monde se mit à rire. Mâ a laissé entendre que si son
khéyala demeurait si constamment sur N., c'était à cause de sa femme qui
était restée loin à Bahrampour. (p.137)
A Solan, je me suis mise à bien
connaître Atmânandaji [la sannyâsinî de Mâ d'origine autrichienne qui a
traduit de nombreux ouvrages sur Mâ du bengali ou du hindi en anglais. Son
journal spirituel a été publié en partie dans Présence de Mâ aux Deux Océans, et récemment de façon plus complète dans La mort doit mourir aux éditions
Accarias]. Elle et moi avions l'habitude de partir pour de grandes promenades
sur les chemins de montagne. A cette époque, elle se débattait avec ses propres
problèmes. (p.138)
Traduit
de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne
Mâ, la Mère Universelle
Par Anil Guha
Shrî Shrî Mâ Anandamayî est un nom unique
dans le royaume des saints et des sages de l'Inde. Elle est née le 30
avril 1896 dans un simple hameau appelé
Khéora (au Bangladesh) dans une famille brahmine pieuse. Elle a été nommée avec
affection Nirmalâ (immaculée) par ses parents, son père Bipin Bihari
Bhattacharya et sa mère Mokshada Sundari Dévi (connue plus tard sous le nom de
Swâmî Mouktânanda Girijî, après avoir pris le sannyâs en 1938). Contrairement
au mortel ordinaire, elle était apparue sur cette terre avec pleine conscience.
Ceci s’est révélé clairement dans les années qui ont suivi grâce à sa propre lîlâ (jeu) et à ses paroles. Elle a dit
souvent à ses fidèles : «Je suis toujours avec vous... Souvenez-vous, où que
vous soyez, proches ou loin, de tout ce que vous faites, rien n'échappe à
l'attention de ce corps [la manière dont Mâ se désignait-elle même].»
Paramhamsa Swâmi Yogânanda cite Shrî Mâ dans son fameux livre l'autobiographie
d'un yogi : « Ma conscience ne s'est jamais associée avec ce corps
temporaire. Avant de venir sur cette terre, j'étais la même. En tant que petite
fille, j'étais là même, et quand j'ai
grandi pour devenir une femme, je suis demeurée toujours la même. Et en face de
vous, maintenant, je suis la même. Après également, à travers la danse des
changements et de la création autour de moi, je resterai la même. » Cette
affirmation indique très clairement le fait que Mâ Anandamayî est toujours
restée en unité complète avec Brahman, le Non-manifesté.
La petite Nirmalâ s'est développée en une
fille exceptionnellement belle et aimable, et dès l'âge de treize ans on la
maria à Ramani Mohan Chakravarti qu'on a
appelé plus tard Bholanâth ou Pitajî. C'était le 7 février 1909. En décembre
1922, celui-ci a reçu l'initiation de Mâ et il a été peut-être été le premier
fidèle et disciple à propos duquel Mâ ait dit : « Il menait une vie
extraordinaire de renoncement à soi-même et d'ascétisme rigoureux ».
Quelques années après le mariage, à
Ashtagram, la nature spirituellement très élevée de Nirmalâ a été reconnue par
un certain Hara Kumar Roy : un jour, tandis qu'il la saluait avec révérence, il
s'exclama d'une façon prophétique : « Maintenant, c’est moi qui vous
appelle Mâ, mais un jour, ce sera le monde entier vous appellera ainsi
! ». De nouveau, une autre personne, Kshetra Mohan, un ami de
Bholonath, a découvert la déesse Durgâ
en Mâ et s'est prosterné devant elle.
Nirmalâ Chandra Chattopadhyay à Dacca, une
autre fidèle ardente de Mâ, a vu Mâ à Shahbag sous la forme de Sarasvâtî Dévî.
Pramatha Babu, encore un autre de ses fidèles, a souhaité un jour en son for
intérieur avoir la vision de Mâ en tant qu'incarnation (mûrtî) de Kali Chinnamasta. Une fois, Mâ
l’emmena avec Bholonath au temple de
Kali Siddhesvarî. Un serviteur de Pramatha Babu les avait aussi accompagnés. Mâ
resta assise en silence là-bas pendant
longtemps mais quand la paix fut répandue de façon parfaite alentour, elle se
mit debout et Pramatha Babou vit clairement en elle cette forme de Kali
Chinnamasta. Plus tard, le serviteur de Babou révéla que Mâ lui était aparue
sous forme des dix Mahavidya [littéralement « les grandes
connaissances », les dix formes terribles de la déesse Kali].
Plus tard, alors qu'elle résidait dans
différentes parties du pays en
établissant des relations spirituelles avec ses fidèles, beaucoup d'entre eux
l'ont vue sous différentes formes divines. Le râja Durga Singh de Solan (connu
plus tard sous le nom de Yogi Bhai) avait reconnu Mâ sous la forme de Bhagavati
Durgâ. Un industriel du Goujarat (Shri Munsha) avait distingué en elle sa divinité d'élection, Amba Dévi.
Shri GS Pathak y avait vu la déesse Sarasvâtî. Il y a de très nombreux exemples
de ce genre de fidèles qui ont reçu la
bénédiction de voir Mâ sous différentes formes. Cela confirme ce que Mâ avait
l'habitude de dire : « Ce corps est tout ce que chacun d'entre vous pense
qu'il est ».
Il y avait un autre trait unique qu'on
pouvait remarquer durant toute la vie de Shrî Mâ, et qui l'a révélée comme la
Mère universelle acceptant toutes les religions comme des chemins menant à la
Réalité ultime. C'était au tout début de
son existence, quand elle avait à peine cinq ou six ans, dans le village où les
missionnaires chrétiens étaient venus prêcher leur foi. Elle leur courut après et leur acheta un
livre sur le Christ en en payant le prix de deux centimes. Elle voulait tout
savoir à propos de Jésus. Plus tard, un frère de Bholanâth qui dans sa jeunesse
avaient fugué de la maison et était devenu chrétien pour même finalement
s'engager dans la prêtrise, est venu voir Mâ qui était alors largement reconnue
comme une sainte aux vertus rares, et l'a saluée respectueusement. Shrî Mâ
n'hésita pas le bénir.
Les proches de Shrî Mâ pendant sa jeunesse
ont observé qu'elle est passée à travers des phases distinctes marquées par des
types différents d'épanouissement spirituel. La première phase qu'on appelle
d'habitude le « jeu de la sâdhanâ » a couvert à peu près les années
1918-1924. La sâdhanâ de Mâ étaient cependant d'un genre différent. Elle a
expliqué sur ce sujet à l'un de ses fidèles: « Il me faut vous dire que ce
que je suis, je l'ai été depuis la petite enfance; mais quand les différents
stades de la sâdhanâ se sont manifestés à travers ce corps, il y a eu comme une
surimposition d'Ajñâna,
d'ignorance ; mais qu'elle sorte d'Ajñana était-ce ? C'était réellement Jñâna, la connaissance, déguisée sous
forme d'Ajñâna... » Elle a
ensuite développé plus avant cette
nature inhabituelle de sa sâdhanâ. « Un jour à Bajitpur, j'ai été me
baigner dans un étang près de la maison où je vivais. Pendant que je versais de
l'eau sur mon corps, le khéyâla me
vint soudainement : « Qu'est-ce que cela ferait si je jouais le rôle d'une
'sadhika' (une aspirante
spirituelle)? C'est ainsi que la lîlâ
a commencé ». Mais quelle sorte de sâdhanâ était-ce pour Shrî Mâ ?
Etait-ce vraiment nécessaire pour des maîtres réalisés de pratiquer la sâdhanâ
? On a largement débattu de cette question dans la littérature indienne sur les religions. Les fidèles de Shrî
Râmakrishna soutiennent qu'il s'était engagé volontairement dans la sâdhanâ
seulement pour inspirer ses disciples à se soumettre à des disciplines religieuses
intenses. Contrairement à la sâdhanâ de Shrî Râmakrishna sous l'autorité de
différents gourous, Shrî Mâ n'a reçu d'initiation d’aucun gourou. Elles étaient
en fait son propre gourou. Ceci est arrivé la nuit de Jhulan Purnima [où l'on
célèbre Krishna] en août 1920. Pendant qu'elle se préparait pour le rituel
habituel de la nuit, elle reçut l'inspiration de jouer à la fois le rôle de
gourou et de disciple. Le bija mantra,
le mantra d'initiation qui ne comporte qu'une syllabe, s'échappa de ses lèvres
spontanément et elle le répéta avec la réalisation que gourou, disciple et
mantra ne sont qu'un. Shrî Mâ a expliqué
la signification sous-jacente de l'initiation de la façon suivante: « C'est
Dieu lui-même dans le rôle du précepteur spirituel (gourou) qui a révélé son
nom aux pèlerins qui se lancent à la recherche d'un guide ». Il n'y a
peut-être pas d'autre exemple connu d'auto-initiation. Ainsi dans la vie de
Shrî Mâ, nous pouvons distinguer l'épanouissement spontané d'une lîlâ plutôt qu'une sâdhanâ.
A Shahbag, le jardin qui était la propriété
du Nawab de Dacca et dont Bholonath était l'intendant, Shrî Mâ passait la
plupart de son temps plongée en extase. C'était à cette époque qu'un événement
unique, la découverte de l'ancien temple à Kali, eut lieu à l'instigation de
Shrî Mâ. Tandis qu'elle était encore à Bajitpur quelques années auparavant,
elle avait eu la vision de ce temple. Après s'être informée à Dacca, on l'a
menée à un temple de Kali abandonné, presque inaccessible au milieu d'une jungle
sauvage et sombre. On disait qu'il avait été visité dans le passé par nombre de
saints et de sages fameux d'Inde, y compris le grand Adi-Shankarâchârya (788 -
820) qui avait passé quelques jours là-bas. Après avoir découvert ce temple,
Shrî Mâ s'est mis à passer beaucoup de temps là-bas. Un jour à midi à Shabagh,
Shrî Mâ a envoyé soudainement chercher à son bureau Bhaïjî (JC Roy, à l'époque
haut fonctionnaire du gouvernement du Bengale) qui était l'un des premiers
fidèles de Shrî Mâ et qui avait eu le privilège unique d'être accepté comme son
dharmaputra, son fils selon le Dharma
(filleul, fils spirituel). Quand il arriva, elle lui demanda de l'accompagner à
Siddhesvarî. Il y avait là-bas à l'époque un petit creux dans le sol où se
trouve maintenant un pilier de taille réduite ainsi qu'un shivalingam. Mâ s'assit dans ce creux et son visage se mit à
rayonner, à transpirer d'une joie radieuse. Voyant ceci, Bhaïjî s'est exclamé
en s'adressant à Bholanâth : « A partir d'aujourd'hui, nous allons
désigner Mâ du nom de Anandamayî »,
ce à quoi Bholonath obtempéra de suite. Ainsi, la 'Mâ' reconnue par Hara Kumar
devint 'Anandamayi' pour Bhaïji, et la postérité l'a connue sous le nom de Shrî
Mâ Anandamayî, la Mère universelle qui est toute pénétrée de félicité et qui diffuse
son parfum spirituel sur toute la
planète.
Le séjour de Mâ à Shabagh a été
remarquable sous bien des points de vue. C'est là-bas que le docteur Sasanka
Mohan Mukhopadhya, un médecin-chef du district de Dacca en retraite, et sa
fille Adarini Dévî (appelée plus tard Gurupriyâ Dévî ou Dîdî) est venu en
contact avec Shrî Mâ en début 1928. L'influence purificatrice de Shrî Mâ sur
eux a été telle que le Dr Mukhopadya, au fil du temps, a embrassé la vie de
renoncement et est devenu Swâmî
Akhandânanda; Gurupriyâ Dévî, quant à elle, a été la femme la plus
dévouée à Shrî Mâ, le compagnon constant qui faisait le service de Mâ dans les
débuts et ensuite l'administration des divers ashram. En outre, c'est elle qui
a soigneusement noté les souvenirs précieux et tout à fait authentiques de
la lîlâ,
du jeu de Shrî Mâ au fil des années. On
les a publiés depuis en dix-sept volumes, en bengali, hindi et anglais, pour le
bénéfice des millions de fidèles de Shrî Mâ.
Lorsqu'elle était à Shahbag à Dacca, Shrî
Mâ a visité un jour le mausolée d'un
saint musulman situé dans le jardin même, et s'est mis soudainement à réciter
des versets du coran. Des fidèles musulmans qui étaient alentour se sont
exclamés qu'ils n'avaient jamais entendu de récitation si claire du coran de
qui que ce soit auparavant. Ils étaient stupéfaits, d'autant plus qu'ils
savaient bien que Shrî Mâ n'avait jamais eu d'apprentissage de ce texte sacré
chez quiconque auparavant. Le jardin de Shabagh, là où Bholonath et Shrî Mâ
demeuraient appartenait à la famille du Nawab de Dacca, dont Bholanâth étaient
l'employé à l'époque. La Nawabzadi Pyari Banu et les membres de sa famille ont
été attirés par la ferveur spirituelle inhabituelle de Shrî Mâ et sont devenus
ses ardents fidèles, à tel point qu'au mariage de ses deux seuls enfants, sa
fils et sa fille, célébré le même jour à Calcutta, elle a invité Shrî Mâ à être
présente au cours des deux cérémonies qui eurent lieu dans deux maisons
différentes. Une vieille histoire de famille a été aussi réglée à l'amiable
grâce à l'intervention bénéfique de Shrî Mâ, et tous en furent satisfaits.
On sera intéressé de savoir que, bien que le
jardin de Shahbag ait été la propriété de la famille d'un Nawab musulman, la
poujâ annuelle de Kali y a été célébrée en présence de Shrî Mâ et que la femme
du Nawab, Pyari Banu, plaça une guirlande en or autour de l'idole de Kali.
C'étaient le type d'intégration spirituelle que Mâ induisait entre les deux
communautés.
Shrî Mâ avait aussi des centaines de
fidèles Sikhs, y compris nombre de saints de cette confession tel qu'Avadhûtjî
qui était devenu tout à fait proche de Mâ. Beaucoup de fidèles de Jalandhar,
Ludhinana et d'autres lieux viennent souvent à l'ashram de Kankhal, où il y a
le Mahâ Samâdhi Mandir (Ananda Jyotî Pîtham) et sont présents en bon nombre à
l'occasion des grandes fêtes. Ils conquièrent le coeur de tous les fidèles et
membres de l'ashram par leur dévotion et leur service généreux. De multiples
chercheurs spirituels du monde entier appartenant à toutes sortes de croyances,
de castes et de religions différentes sont venus voir Shrî Mâ pour avoir des
réponses à leurs questions spirituelles, et s'en allèrent pleinement
satisfaits, avec une bénédiction de paix et de consolation. Ceci indique
l'universalité de Shrî Mâ dans son approche à la vie spirituelle, elle voyait
l'humanité comme un tout intégré et identifié avec l'Un unique, ce sont les termes mêmes de Mâ .
Jusqu'en 1928, les activités de Shrî Mâ
sont restées principalement confinées au district de Dacca. Mais la 'marée
montante' était déjà venue et il devenait difficile de la retenir. En mai 1928,
elle alla visiter les temples de Déogarh au Bihar où elle rencontra le saint
célèbre Balânanda Brahmâchari; celui-ci, profondément impressionnés par son
comportement spirituel, n'eut pas d'hésitations à proclamer : « Elle est
la Mère divine incarnée ». Grâce à Balânandajî, de nombreux autres saints
de l'époque sont rentrés en contact avec elle. Ce n'était qu'un début. Où
qu'elle puisse aller, à partir de ce moment-là, elle attirait comme un aimant
non seulement les gens en général, riches ou pauvres, quelles que soient leur
caste, leurs croyances, leur couleur ou leur religion, mais aussi les saints
les plus réputés de tous les coins de l'Inde et de l'étranger. En fait, en
réalité, lors des dernières années de sa vie, les saints et les sages se sont
rassemblés autour d'elle pour recevoir sa bénédiction d'une façon telle que
cela rappelle le verset de la Bhagavad-Gîtâ (IV, 8):
Paritrânâya sâdhûnâm vinâshâya cha duskritâm
Dharmasansthâpanârthâya samhavâmi yuge yuge
Afin de
soutenir le bien, afin de détruire le mal, pour rétablir le Dharma,
j'interviens d'âge en âge.
On peut peut-être être dire que c'est lors
de son séjour à Déogarh qu'elle s'est mise à vraiment remplir sa fonction
d'aider et conseiller les gens. D'abord dans le Bengale oriental, et ensuite
dans le nord de l'Inde, elle visita d'innombrables lieux de pèlerinage. Pendant ces voyages,
beaucoup de fidèles, hommes ou femmes, jeunes ou vieux se sont joints à son
entourage. Certains quittèrent de façon permanente la maison familiale et
demeurèrent auprès de Shrî Mâ. C'est ainsi qu'on ressentit le besoin de
construire des ashrams et que par conséquent un petit centre fut d'abord établi
à Siddhesvarî, puis un autre à Râmana à Dacca. Plus tard, bien sûr, une série
de beaux ashrams sont apparus dans différents centres de pèlerinage du pays, il
y en a une trentaine, certains de ses ashrams ont de belles statues de
différents dieux et déesses, et il y en a qui
sont investis d'une signification sacrée particulière, par exemple la
Kali de Siddhesvari, le Chaliya Krishna de Vrindâvan, l'Ananda Gopal de
Vârânasî, le Shrî Râma-Sîtâ et Lakshmana de Kalyanvan à Dehra-Dun, etc.. A
Vindyâchal, Mâ indiqua un endroit spécifique près du lieu où il y a son ashram
maintenant. Le Département d'Archéologie
du gouvernement s'est mis à faire des fouilles, et le site d'un temple ainsi
qu'un grand nombre de statues de dieux et de déesses ont été exhumés.
On notera avec intérêt que Bhaïjî, bien
qu'il ait eu le privilège de garder une association constante avec Shrî Mâ
seulement pendant une dizaine d'années, a été animé de l'intuition profonde de
reconnaître la Mère divine Anandamayî chez Nirmalâ, la jeune femme de village
belle mais illettrée. C'était lui qui avait prédit : « La sainte Mère est
l'incarnation, la manifestation de tout ce que nous pouvons concevoir de la
divinité ou de la déité. Sa forme physique, ses actions et ses humeurs joueuses
sont toutes surnaturelles et extraordinaires. Si nous sommes établis dans cette
conviction, nous réaliserons que dans toutes nos actions, notre méditation et
notre connaissance, elle est l'objet d'adoration suprême et unique, et si
finalement nous concentrons notre attention sur ses pieds sacrés, nous n'aurons
pas besoin d'autres havres ou refuges dans notre voyage de la vie vers
l'illumination et l'émancipation spirituelle ultime.»
Le fait même que Shrî Mâ ait révélé de
multiples façon sa vraie nature durant une période plutôt brève est une
indication suffisamment claire de l'état spirituel élevé de Bhaïjî. C'était en
1937 que Bhaïjî s'était joint à Shrî Mâ dans son pèlerinage au mont Kailash et
au Lac Mansasarovar; il fut alors envahi soudainement par un besoin de
renoncement complet et reçut de Shrî Mâ
l'initiation au sannyâs, sous le nom de Maunanand
Parvat [littéralement « Montagne, félicité du silence »]. En
revenant de ce pèlerinage, il décéda soudain à Almora dans une paix et une
félicité complète sous la protection de Shrî Mâ. Après ce décès, elle fit
remarquer qu'il avait atteint un état de réalisation du Soi qu'on ne pouvait
exprimer par le langage.
Le fait que Bhaïjî ait observé
silencieusement, mais avec grande attention et de très près les diverses
manifestations spirituelles de Shrî Mâ dans ses années de jeunesse, il l’a mis
dans une position unique pour comprendre également la vraie nature de ses
développements. Dans son livre Matri
darshan, il a relevé un nombre de pouvoirs inhabituels que Shrî Mâ avait
manifestés, que ce soit au niveau des mantras, de la pensée ou du Yoga. A
partir de sa connaissance personnelle et de son expérience intime, il a cité un
grand nombre d'exemples de tels pouvoirs qui ont émanés de Shrî Mâ pour le bien
de ceux qui étaient dans le besoin ou la souffrance. Pendant cette période
précoce, il arrivait que Shrî Mâ revienne à son état normal après des extases
profondes et des états de samâdhi, et
que beaucoup d'activités yoguiques se manifestent alors d'elles-mêmes; à
certains moments, un flot ininterrompu et suprêmement mélodieux de vérités
divines émergeaient de ses lèvres sous forme d'hymnes en sanskrit remplis d'un
sens spirituel riche, comme si les vérités divines avaient pris la forme de
symboles sonores en provenance du ciel éternel à travers le langage de Mâ. Il
est en fait dommage que simplement quatre de ces hymnes sacrés aient pu être
notés, et encore seulement en partie,
pour être ensuite transmis à la postérité. Par la suite, il a cependant été
possible de garder des documents authentiques des mouvements de Shrî Mâ, de ses
activités, de ce qu'elle disait, de ses chants etc. sous forme de centaines de
rouleaux de film, de cassettes audio ou vidéo. En outre, un grand nombre de
publications sont sorties ces dernières années sous la plume de savants réputés
et de fidèles, que ce soit en Inde ou à
l'étranger : ils offrent aux chercheurs de vérité un matériel précieux ouvrant
sur des abîmes de sagesse.
Une caractéristique de Shrî Mâ, c'était qu'elle
ne restait pas confinée entre les quatre murs d'un ashram donné dans quelque
partie du pays que ce soit. Elle semblait toujours être en mouvement, en
général avec un entourage et parfois en ajnâta
vâs, en solitude, vivant par elle même. Il n'y avait jamais de traces de
fatigue sur son visage. Une fois, cependant, quand certains fidèles ont
remarqué que Shrî Mâ se déplaçait tout le temps, elle les a contredit
immédiatement en affirmant que, puisqu'il n'y avait pas assez de place pour
elle afin de se reposer, la question de son mouvement d'un lieu à un autre ne
se posait pas. La pleine conséquence de cette affirmation, c'est qu'elle
n'était pas conditionnée par le temps et l'espace, sa vision étaient en fait au
delà de toutes les dimensions. Elle avait souvent dit : « Il n'y a pas
d'allées et venues pour ce corps ». Shrî Mâ insistait toujours sur l'unité
des sois individuels, qui paraissent séparés, à l'intérieur de l'Ame suprême
est unique. La multiplicité émane du Un. Et elle était toujours identifiée avec
ce Un. Elle a déclaré constamment : « Il n'y a rien que le Un ».
Brahman, dans le jeu de sa pensée créatrice, kheyal, avait pris des
millions de formes dans cet univers manifesté tel que nous le percevons, et de
même, la forme 'Anandamayî' de Shrî Mâ, la Mère universelle pénétrée de
félicité s'est manifestée par sa lîlâ et ses kheyals à un grand nombre de fidèles
sur la planète.
Cependant, il semblait plutôt étrange pour
une telle Mère divine qui ne connaît ni début ni fin, que de nombreux fidèles
dans les ashrams ou chez eux célèbrent son anniversaire chaque année en grande
pompe, avec joie et splendeur. Lors des célébrations de son 60e anniversaire,
en 1956, un fidèle lui a demandé la signification de cet anniversaire : elle
lui a répondu qu'il était vrai qu'elle n'était pas née au sens réel du terme,
Krishna ne l'a pas été non plus, cela n'empêche pas malgré tout de célébrer
avec une ferveur religieuse son anniversaire, Krishna Janmâshtami. De tels anniversaires, qui ne consistent que
dans des rituels religieux, ont l'utilité de concentrer l'attention des gens
sur le divin et ainsi d'accroître leur dévotion et leur réceptivité
spirituelle. C'était en avril-mai 1982 que des centaines de fidèles de tous les
pays s'étaient rassemblés à l'ashram de Mâ Anandamayî à Kankhal et ont célébré
son anniversaire en sa présence physique pour la dernière fois.
Une réunion religieuse importante qu'on
appelle Samyam Vrata [voeu d'auto-contrôle] a été débutée à
l'instigation de Shrî Mâ en 1952. Elle revient chaque année pendant une semaine
pour donner aux fidèles une discipline physique, morale et spirituelle et
conférer de la beauté à leur vie. Mâ désirait qu'au moins une semaine chaque
année ses fidèles essaient d'abandonner la vie du monde et consacrent cette
période aux pratiques spirituelles. Le Samyam
Vrata a lieu chaque année en des endroits différents. Les participants
s'engagent à jeûner, à part un repas
léger, et à s'abstenir de disputes, de
bavardages stériles, de fumer, de boire même du café ou du thé, etc., et à observer le brahmachârya. Chacun vit
dans une simplicité complète. Les participants passent la plus grande partie de
leur temps occupés avec la méditation, le japa ou le kirtan, etc. Des religieux
renommés pour leur sainteté et des orateurs savants de différentes parties du
pays participent aussi à cette réunion qui dure une semaine et éclairent les
participants sur des sujets spirituels grâce à leurs discours éloquents pendant
la journée. Le soir, il y a environ une heure accordée au Matri Satsang. et Mâ
de son temps répondait à toutes les questions des participants et ainsi les
aidait à dépasser leurs doutes.
Il y avait des aspects inhabituels chez
Shrî Mâ. Tout ce qu'elle faisait émanait en fait de l'intérieur, et provenait
de ses khéyâls. C'était depuis la période de Dhaka qu'elle était
incapable de prendre aucune nourriture de son propre chef. Le peu qu'elle
prenait devait lui être donné par des personnes très proches comme Gurupriya
Didi ou Udasjî dans les dernières années. À certains moments, elle plongeait
dans un silence complet pendant des journées voire des mois d'affilée. Une
fois, ceci a continué pendant une période de trois ans. Souvent au milieu de
programmes chargés, Shrî Mâ allait en solitude complète dans des endroits
inconnus de tous. On sait sa préférence pour les règles traditionnelles. Shrî
Shrî Prakash, le gouverneur du Maharashtra lui demanda en 1968 quel était le
traitement qu'elle proposait pour remédier à la décadence morale et spirituelle
de la société moderne. Shrî Mâ n'a pas eu d'hésitation à suggérer que la
panacée étaient l'adhérence au système védique ancien dont les fondations
étaient le brahmachârya, c'est-à-dire que les jeunes hommes et femmes vivent
comme des célibataires en recevant une éducation spirituelle de leur gourou
avant de se lancer dans la vie de famille. Elle estimait que c'est seulement si
on enseigne aux jeunes le contrôle de soi, l'équanimité, l'absence d'ego et la
centration sur Dieu qu'ils peuvent être bien équipés pour pratiquer cet art
qu’est la vie. Le brahmachârya mène alors automatiquement à la brahmavidya,
la connaissance de Brahman.
Shrî Mâ suivait la ligne traditionnelle à
propos de la nourriture aussi. Elle
insistait sur le fait de prendre une nourriture satvique, c'est-à-dire
pas de viande, de poisson, d’ail ou d'oignons. En fait, elle élargissait le
concept de nourriture pour signifier tout ce qui est absorbé par le mental et
les sens également. Cela signifiait se libérer des pensées et sentiments impurs
comme le désir sensuel, l'avidité, la haine, les inimitiés et la colère, etc.
L'insistance de Shrî Mâ sur l'observance de certains rituels était aussi
connue. Les sacrifices au feu, yajña,
avaient une place particulière dans la manière dont Shrî Mâ ordonnait les cérémonies
religieuses. Cela commença dès la période de Dhaka, en 1926, quand après la
poûjâ à Kali, on alluma le feu sacrificiel pour le yajña et l'offrande finale a
été consacrée, Shrî Mâ suggéra qu'on entretienne le feu sacrificiel. C'est ce
même feu qui fut ensuite transporté à l'ashram de Vârânasî et après en
plusieurs autres ashram y compris celui de Kankhal où on le garde toujours allumé comme Shrî Mâ elle-même
l'a demandé. Beaucoup de fidèles se souviennent encore avec vénération et
crainte sacrée du Savitri Mahâyajña qui s'est tenu à l'ashram de Vârânasî
pendant trois ans, entre 1947 et 1950. Des milliers de religieux en provenance
de différentes parties du pays y ont participé. Récemment, en mai 1980, on a
fait une célébration du grand sacrifice à Rudra, Ati Rudra Mahâyajña, en la
sainte présence de Shrî Mâ dans une yajñashâlâ
(abri spécialement conçu pour ce genre de sacrifice) qu'on avait spécialement
improvisée à l'ashram de Kankhal. Des milliers de fidèles venant de toute Inde
et de l'étranger y ont pris part avec enthousiasme. Depuis, une structure
permanente a été joliment édifiée, au même endroit exactement. La forme
architecturale de cette yajñashâlâ
unique a reçu l'accord et les bénédictions de Shrî Mâ.
En insistant sur les valeurs traditionnelles,
Shrî Mâ a toujours conseillé à ses fidèles d'être absorbé de plus en plus dans
le japa et la méditation. La
participation au satsang, la lecture de livres saints et le fait d'écouter des
discours religieux avec sincérité, tout cela est sûr de mener régulièrement
chacun le long de la route vers le but ultime de la Réalisation divine. Souvent
Shrî Mâ demande à son audience de consacrer au moins quelque temps chaque jour
au souvenir du nom de Dieu sous quelque forme que ce soit, pourvu que celle-ci
leur soit chère. Il est donc tout à fait naturel que dans chaque ashram qui
font partie de l'Anandamayî Sangha, des satsangs, la récitation des livres
saints tels que la Gîtâ, la Chandî, les kirtans, parfois l'akhanda Nâma
Sankîrtan et le Nama Yajna [vingt-quatre heures de récitation continue du
mahâ-mantra Hare Krishna... par les
hommes et les femmes en alternance] constituent des caractéristiques de leurs
activités spirituelles. Ils représentent des façons sûres de parvenir à la
Réalisation de soi, et c'est simplement à travers la réalisation des individus
que la transformation du monde aura lieu, rendant ainsi la planète un meilleur
endroit pour que l'homo sapiens y vive dans une paix et une harmonie éternelle.
Pendant son long séjour spirituel de par
le pays, qui s'est étendu sur plus de 60 ans, Shrî Mâ a attiré des millions de
fidèles en leur donnant l'aide et le secours auxquels ils aspiraient. Parmi ces
chercheurs spirituels, on pouvait trouver des hommes d'affaire, des artistes,
des savants, des journalistes, des religieux, des râjas et des reines, des
chefs politiques ou sociaux, des hauts fonctionnaires, des diplomates
étrangers, des gens de toutes les couleurs, castes, croyances ou
religions, des riches et des pauvres.
Tout ceux, hommes ou femmes, qui l'ont rencontrée même une fois en sont revenus
d'une façon constante plus heureux, ayant trouvé auprès d'elle une paix
indicible de l'esprit et une joie du coeur. Sa présence, même en silence
complet, résolvait d'une façon satisfaisante
toutes les questions lancinantes dans le mental des chercheurs
spirituels qui se trouvaient dans l'assistance. Shrî Mâ était sans aucun doute
un exemple vivant du Dakshinamoûrtî de Shrî Shankarâchârya : Mauna bhi akshaprakâtita parabrahma tattvam «le
silence représente la réalité du Brahman Suprême totalement au-delà de la
connaissance (intellectuelle)»
Il peut être intéressant de connaître les
conseils de Shrî Mâ pour tous ceux qui veulent trouver un style juste de vie
quotidienne afin de sortir des filets de ce monde de souffrance. Un malade a
besoin à la fois d'un contrôle alimentaire et de médicaments. A ceux qui
souffrent, Shrî Mâ suggère : Votre médicament, c'est la répétition du Nom divin
et la contemplation de sa signification, votre régime quotidien sera le
contrôle de soi. Pratiquez les deux ensemble pendant un jour donné de la
semaine, une fois tous les quinze jours au moins une fois par mois. Plus vous
le pouvez, mieux c'est. Vous devez observer les règles suivantes durant cette
journée particulière de pratique
1. Observez
la vérité en paroles, en pensée en action.
2. Conservez
votre esprit serein durant cette journée, en préférant l'éternel à l’éphémère;
avec une dévotion intense, gardez votre mental constamment orienté vers la
forme divine, son message envers l'être humain et sa gloire telle qu'elle est
révélée dans la Gîtâ.
3. Maintenez
une simplicité extrême de nourriture et de vêtement.
4. Essayez
pendant cette journée de garder toujours présent à l'esprit que Dieu envoie
tous les soucis pour purifier votre Soi.
5. Gardez
un esprit de service pendant cette journée en considérant que vos parents, vos
enseignants, vos enfants, votre femme ou vos voisins sont autant de canaux à
travers lesquels votre service Le touche.
6. Renforcez
toujours la conviction que vous demeurez dans la vérité, que vous grandissez
dans le sein de Dieu et que vous vous perdez vous-même pour Le trouver encore
plus de jour en jour.
7. Souvenez-vous
constamment que les joies et souffrances du monde sont des ombres éphémères de
votre propre Soi ; en jouant avec la force divine faites venir en vous une paix
et un bonheur qui dure toujours.
8. Laissez
à votre mental toute liberté afin qu'il puisse jouer avec Lui, se réjouir des
beautés de ces formes, de ses attributs et de sa grâce, et évoluer avec joie
dans ce qui a été dit à propos de Lui dans les écritures par les saints de tous
les pays.
9. Quand
vous sentez que vous ne progressez pas spirituellement, pensez toujours que
c'est vous seul qui êtes responsables des difficultés qui vous arrivent;
renforcez votre volonté avec de plus en
plus d'énergie, avec un sens de l'ego qui est plus pur et plus élevé,
c'est-à-dire «je dois réciter Son nom de plus en plus pour L'appeler", ou
"je vais L'adorer, apprendre à L'aimer». Ce sens du je dirigé vers Dieu est bien meilleur qu'un soi égoïste.
10. Souvenez-vous toujours
pendant la journée, que la répétition de Son Nom a assez de pouvoirs pour laver
tous les péchés, que ce soit de cette
vie ou des vie passées.
Shrî Mâ Anandamayî a quitté sa forme
physique le 27 août 1982 à l'ashram de Kishenpour près de Dehra-Dun : son corps
a été déposé dans le mahâsamâdhi de l'ashram de Kankhal le 29 du même mois. On
a bâti autour un nouveau sanctuaire de toute beauté qui s'appelle 'Ananda Jyotî Pitham' et on l'a
inauguré solennellement le 1er mai 1987. On y a
aussi installé le même jour une statue de marbre blanc de Shrî Mâ
Anandamayî. On a accompli dignement les célébrations du centenaire de Mâ du 3
mai 1995 au 6 mai 1996 en différents lieux du pays et à l'étranger, de nombreux
fidèles de Shrî Mâ, des personnalités religieuses et des responsables de la vie
sociale et publique y ont participé.
Clairement, il est futile pour nous de
chercher à évaluer Shrî Mâ Anandamayî. D'après ses paroles elles-mêmes, elle est immuable,
toujours existante, Satchidananda [être-conscience-félicité],
la vérité elle-même et ne peut être mesurée ni par le temps ni par espace, au-delà de toutes les dimensions. Comment
pourrions-nous, nous qui sommes des êtres infimes, nous aventurer à englober
ses gloires avec notre compréhension et vocabulaire limités?
A la fin de ces
réflexions, puissions-nous chanter à gorge déployée le beau chant d'offrande de
Bhaïjî qu'il a laissé à tous les aspirants à la vie divine :
«Toutes mes actions,
toutes mes pensées de religion sont en fait une adoration qui
t'es dédiée. O Mère,
donne-moi la bhakti et une foi ferme, afin que je puisse faire de la méditation
sur toi l'ancre de mon existence».
Anil Guha, ex-secrétaire de l’ashram de Mâ à Delhi
Table des matières
Paroles de Mâ
Mâ vue par ses disciples Souvenirs de 1946
En compagnie de Mâ – Mâ à Solan Bithika
Mukerji
Mâ, la Mère Universelle Anil Guha
Jay Ma N° 78 - Automne 2005
Éditorial
Jay Mâ a vingt
ans !
C'est exactement il y a deux décennies, en septembre 2005, qu'Atmânanda a relu le numéro un du ‘Jay Mâ’. Elle avait
suggéré à Danièle Perez de commencer ce journal
trimestriel sur Mâ en français. Celle-ci l'a continué à partir de Paris
jusqu'au 1991, et ensuite Jacques Vigne - qui est devenu Vigyânânanda
depuis l'anniversaire de Mâ en mai dernier- en a repris la rédaction à partir
de Kankhal. Quant à Atmânanda, ce fut son dernier
travail après une vie bien remplie par l'écriture, surtout pour la traduction
et la présentation des enseignements de Mâ. En effet, elle est décédée à
Kankhal début 2005 en quelques jours d'une infection grave. Nous évoquerons son
itinéraire remarquable dans ce numéro, depuis une enfance dans le
bouillonnement intellectuel de la Vienne de l'après guerre, puis la société
Théosophique et Krishnamurti, jusqu'à Mâ Anandamayî.
Le monde a toujours été le domaine de l'éphémère, mais de nos jours où tout
s'accélère, la durée des revues et des
magazines et souvent plutôt brève, même s'ils sont lancés en grande fanfare
avec des fonds considérables. Vingt ans d'une journal comme ‘Jay Ma’ est une
preuve de stabilité, et celle-ci a au fond pour base le Soi lui-même. Dans l'enseignement
de Mâ, nous ne recherchons pas l'expansion d'un mouvement ou le prosélytisme,
mais nous souhaitons que chacun ait le temps, l'énergie et le savoir faire pour
pouvoir mener une réelle vie intérieure.
A l'occasion de ce numéro, nous demanderons aussi aux lecteurs de nous
faire savoir s'il l'ont bien réceptionné (voir à la fin pour les adresses à
contacter). Il y a des problèmes avec la poste indienne à Kankhal et à Hardwar, nous essayons à partir de cette fois-ci une
nouvelle formule avec une sorte de poste-suivi, et
souhaitons donc savoir qui a reçu ou non le ‘Jay Mâ’ pour pourvoir le signaler
à la poste. Si ce système ne fonctionne toujours pas bien, Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) a accepté de faire photocopier et d'envoyer les ‘Jay
Mâ’ de Nice, ce qui aurait l'avantage d'une distribution beaucoup plus sûre,
mais l'inconvénient de doubler le prix d'abonnement. Voyez à la fin de ce
numéro pour le détail des contacts afin de répondre brièvement à cette enquête.
Faites-le immédiatement, ainsi vous n'oublierez pas et de notre côté nous
aurons les idées plus claires. Vous serez informés de la suite de ces questions
pratiques probablement dans le prochain numéro.
Je ne sais pas s'il faut souhaiter aux lecteurs une bonne étude et
méditation sur le ‘Jay Mâ’ pour les vingt ans qui viennent : l'avenir ne nous
appartient pas, mais nous pouvons toujours souhaiter le développement de cette
graine de lumière, cette bîjâ
dont parle souvent Mâ, qui est en nous et qui ne demande qu'à croître.
Kankhal, le 4 septembre 2005
Vigyânânanda (Jacques Vigne)
Paroles de Mâ
Par le fait d'être vide, le "blanc", shveta,
peut survenir et il arrive qu'ils survienne également en dissolvant tout à
l'intérieur. Ce "blanc" est la non-forme
qui prend la forme de toutes les formes, on peut donc dire qu'il représente la
forme de la non-forme. Pour devenir
"blanc", il faut rester simple et direct. Si tu t'efforces de rester
dans la vérité et la simplicité tu deviendras blanc comme le lait, tu demeureras
toi-même dans le bonheur et les autres en feront de même en t’approchant. Être
détaché, voilà le signe de cette "blancheur" et de cette simplicité.
Si tu annules, rends vide ton orgueil et tu te mêles à ce monde, tu verras que
tous s'activeront pour combler ton vide et que ton travaillait et ton
comportement religieux juste et idéal serviront aux autres de modèle. En notre
époque de consommation et de distractions, le renoncement sacré et la
simplicité sont le but spécifique de l'homme. En
réalité, un notre nom du renoncement complet, pûrna
tyag, c'est l'expérience complète, pûrna bhog. (Amrita Varta, hindi,
octobre 2004)
Si tu dois être libre, que ce soit en coupant la chaîne, comme un oiseau
indépendant qui a laissé tomber le souci du vivre et du couvert et qui doit se
lancer sans peur et avec audace dans le ciel.
Dans ce qu'il y a de périssable, on ne peut trouver de révélation du Soi.
Comme un héros, prends refuge dans la patience, et fais ce que tu as à faire. Dans les
richesses et les propriétés, et n'y a certainement pas de paix
Tant qu'on n'a pas trouvé Dieu, le chagrin ne s'en ira pas
Efforcez-vous de consacrer votre esprit exclusivement à l'éternel. (Shree Shree Ma Anandamayi diary)
Evocation de l'histoire d'Atmânanda
"Oubliez l'oubli. La mort doit mourir ".
Shrî Mâ Anandamayî
Avant la rencontre de Mâ
Le journal d’Atmânanda
constitue un témoignage intime de l'odyssée spirituelle d'une européenne
artiste et ses rapports troits avec quelques-uns des
personnages les plus importants du XXe siècle - notamment avec son guru, la
grande mystique
bengalie, Shrî Mâ Anandamayî. De façon exceptionnelle, il relate le trajet de ses
compagnons de route, d'autres artistes de l'Occident, des intellectuels et des
gens partis à la découverte du spirituel. Comme elle, ils ont entrepris le
voyage en Orient durant la première moitié du XXe siècle; ils ont servi de
précurseurs a beaucoup de jeunes Européens et Américains qui, à partir de la
fin des années 60, ont envahi l'Inde en quête d'une plénitude spirituelle.
Atmânanda naquit à Vienne le 7 juillet 1904, dans une famille juive de condition
aisée et reçut le nom de Blanca. Son enfance fut
profondément perturbée par la mort de sa mère après la naissance de sa soeur
cadette. Les deux fillettes furent élevées par leur grand-mère et une série de
tuteurs. Malgré ses fréquents déplacements, le père de Blanca
s'intéressa de près à l'éducation de ses filles et voulut leur procurer ce que
le monde offrait de meilleur. C'est ainsi qu'elles eurent une gouvernante qui
ne leur parlait qu'en français et une autre qui ne leur parlait qu'en anglais,
afin qu'elles apprennent à s'exprimer dans ces deux langues couramment. Quand on s'aperçut que Blanca
était douée pour la musique, on achèta un piano à
queue et on engagea les meilleurs professeurs. Elle devint une sorte d'enfant
prodige et donna son premier récital public à l'âge de seize ans.
Le père de Blanca
l'encouragea à plonger dans le tourbillon de la vie culturelle de Vienne, qui
était alors la capitale du vaste empire austro-hongrois. C'étaient la Vienne de
Freud, de Mahler, de Gustave Klimt et de Richard Strauss, la cité qui, l'espace
d'un instant vertigineux, avait atteint les plus hauts sommets de la
civilisation occidentale. Mais toute cette splendeur allait bientôt s'écrouler
sous les coups de canons de la première guerre mondiale, pendant laquelle Blanca, comme une bonne partie des habitants de la ville,
vécut parfois au bord de la famine.
C'est pendant cette période
marquée par le chaos et la dévastation que furent semées les graines de la
quête mystique de Blanca. Elle se mit à lire les
écrits spirituels de Tolstoï, les sermons du Bouddha et de maître Eckhart, la
poésie mystique de Rilke et les romans ésotériques de Hermann Hesse et de
Gustave Meyrink. Un jour, à l'âge de seize ans, tandis qu'elle traversait un
parc en songeant à toute cette destruction insensée, se produisit l'un des
événements les plus importants de sa vie. Soudain le monde matériel - les
arbres, les rochers, le ciel, l'eau - s'anima d'une vie immense et s'emplit
d'une lumière divine dans laquelle il n'y avait plus de ligne de séparation
entre celle qui percevait et ce qui
était perçu, une unité qui, par définition, était amour perpétuel. L'espace
d'un instant éternel, tout ceci lui fut révélé avec une force inouïe, et cette
révélation allait être désormais le nerf moteur de sa vie.
Blanca
découvrit bientôt la Théosophie, qui donna une structure et une expression à
son expérience. Elle s'immergea dans ce nouveau mouvement spirituel à une
époque où celui-ci avait atteint l'apogée de sa popularité et de son dynamisme.
En 1925, elle assista à la convention marquant le 50e anniversaire de la
Société Théosophique qui eut lieu en Inde du sud, au quartier général de la
société. Elle vécut ensuite plusieurs années en Hollande dans une grande
communauté théosophique.
Blanca
fit la connaissance du "Messie malgré lui" de la Théosophie, J. Krishnamurti, et tomba sous son influence. Elle finit même
par abandonner définitivement l'Occident pour aller enseigner à Bénarès, à
l'école de Krishnamurti. En même temps, un
compatriote autrichien saisit le pouvoir à Berlin. Il s'embarqua sur une voie
de destruction et de racisme plein de haine qui anéantirait complètement et à
tout jamais le monde où elle était née et qui allait emporter la plupart de ses
amis et membres de sa famille.
Plus tard, déçue par
l'enseignement de Krishnamurti, elle reprit sa quête,
qui la mena à l'ashram de Râmana Maharshi,
le célèbre sage de l'Inde du sud. Elle trouva auprès de lui une grande paix,
mais sa destinée était ailleurs. Elle toucha enfin au but lorsqu'elle rencontra
Shrî Mâ Anandamayî, la grande mystique bengalie, que ses fidèles considéraient
comme une incarnation de la Mère divine. De 1945 à sa mort, la vie d’Atmânanda fut de plus en plus centrée sur sa relation avec
cette femme extraordinaire, relation dans l'unique but était la révélation du
mystère de sa propre existence…
Les dernières années
En 1965, une
disciple hollandaise fit construire une charmante maisonnette pour Atmânanda dans la retraite de Mâ Anandamayî baptisée Kalyanvan non loin de la ville de Dehra-Dun.
Situé à une altitude de 750 m, dans un beau et paisible jardin entouré de pins
et de jaquiers, avec vue sur l'Himalaya, ce lieu était plus qu'Atmânanda n'avait jamais osé espérer et elle eut la joie
d'y demeurer jusqu'à la fin de sa vie. Chaque après-midi, elle parcourait à
pied les quelques deux kilomètres qui la séparaient de l'ashram de Kishenpur et dirigeait le kirtan auquel assistait
fidèlement un groupe de disciples locaux.
Quand je l'ai connue en 1972, Atmânanda avait depuis longtemps trouvé refuge dans son
guru ; les luttes passionnées consignées ici étaient déjà un souvenir lointain.
Au moment de notre première rencontre, malgré la grande différence d'âge
(j'avais 23 ans et elle 68), elle m'a immédiatement traité comme un vieil ami.
Nous restions tous les deux dans la même dharamshâlâ
à Hardwar et assistions à la semaine de méditation et
de jeûne, connu comme Samyam Sapta, qui se célébrait tous les ans et que présidait
Mâ Anandamayî. Il pouvait faire très froid à cause du vent coupant qui traverse
Hardwar durant cette période de l'année, et tard le
soir dans ma chambre nous avions l'habitude de partager un breuvage chaud
préparé sur l'indispensable cuisinière à pétrole qu'elle m'avait enseigné à
utiliser. Je me souviens qu'elle m'a longuement interrogé sur ma formation,
etc., comme si elle était à la recherche de quelqu'un, et je me souviens d'un
moment précis où s'est produit une sorte d'éclairs de reconnaissance - quelque
chose de profond vu dans la périphérie de la vision et qui se dissipe aussitôt
qu'on se tourne pour le regarder.
Après être devenu brahmachâri à
l'ashram, je voyais assez souvent Atmânanda et
l'aidais parfois dans son travail pour le journal de l'ashram, Ananda Vartâ, dont elle était l'éditrice. Elle considérait que
traduire les paroles de Mâ Anandamayî et préparer les publications de l'ashram
étaient sa sâdhanâ principale ; mais c'est toujours avec beaucoup de modestie
qu'elle évoquait son rôle dans ce travail pour lequel elle était absolument
indispensable et qu'elle accomplissait pratiquement toute seule.
Malgré toutes ses occupations, Atmânanda était toujours prête à faire l'impossible pour
aider les autres, en particulier les étrangers qui venaient de si loin pour
avoir le darshan de Mâ Anandamayî et qui auraient pu se laisser
décourager. C'était parfois une tâche ingrate, pas toujours appréciée par
certaines autorités de l'ashram ; celles-ci n'encourageaient les étrangers
d'aucune façon, surtout après l'invasion hippie de la fin des années soixante.
Elle avait l'impression que Mère voulait qu'elle aide ces gens, elle qui se
trouvait dans une situation idéale pour comprendre leurs besoins et leur
expliquer le protocole de l'ashram.
Un célèbre astrologue de
Bénarès qui avait établi l'horoscope de Atmânanda lui
dit qu'elle mourrait à l'âge de soixante-quatorze ans. En hindi, on considère
d'habitude que de telles prédictions, basées sur des calculs précis, sont
généralement exactes. À l'époque où cette prédiction aurait dû se réaliser,
elle en fit part à Mâ qui lui dit : "Eh bien, considère que ta vie est à
présent terminée. Dorénavant tu vivras sur le temps que je t'accorde et ta vie
m'appartient." C'était bien sûr une réponse qui la comblait de joie ; en
fait, sa santé s'est améliorée de façon notable à partir de ce moment-là.
C'est pendant cette période
(1979) que Mâ Anandamayî envoya Atmânanda à Gaya, antique cité de pèlerinage, pour faire célébrer ses rites funéraires par
les pandits du lieu selon la tradition. Ceci marqua son entrée officielle dans
le sannyâs, l'état final du renoncement, dans
laquelle on est totalement mort au monde. Elle portait la robe ocre du sannyâsin depuis longtemps déjà, mais avec ce rite elle a
fait un pas irrévocable. Extérieurement, pourtant, elle tenait tout cela
secret.
Vers la fin de 1980, la santé de
Mâ Anandamayî commença à se détériorer sérieusement. Elle cessa de prendre des
aliments solides et n'absorba plus qu'une alimentation liquide minimale. De
grands Mahâtmâ vinrent la voir des quatre coins de l'Inde, La suppliant de
rester dans son corps pour le bien du monde qui avait tant besoin d'Elle. On
croyait fermement qu'elle avait le pouvoir de se guérir, si seulement elle en
avait le "khéyâl". Mais il apparut
finalement qu'elle n'avait pas de "kheyal"
à ce propos, sinon celui de partir vers l'avyakta,
le Sans-forme qui, disait-elle, l'appelait.
Finalement, le 27 août 1982, elle abandonna son corps à l'ashram de Dehra-Dun - Kishenpur. Selon ses
propres instructions, son corps fut transporté à son ashram de Kankhal (à Hardwar), où elle donna son ultime darshan. Après le
départ de Mâ, Atmânanda s'absorba plus que jamais
dans son travail. Elle donnait l'impression de travailler "contre-la-montre".
Elle me dit d'un ton joyeux qu'elle voulait être prêtre quand la mort viendrait
la chercher, et qu'à cette fin, elle mettait ses affaires en ordre (elle se
préoccupait, par exemple, de ce qu'elle devait faire d'un vieux pot que je lui
avais donné).
C'est à cette période (fin 1984) qu'Atmânanda m'a
parlé pour la première fois de son Journal. Elle me dit qu'elle avait toujours
eu l'intention de le détruire et ne l'avait jamais montré à personne.
Récemment, alors qu'elle s'apprêtait à le jeter, elle s'était mise à le relire
et s'était dit "qu'il pourrait peut-être intéresser quelques
personnes". Elle m'a demandé de le lire et de lui dire ce que j'en
pensais, et m’a suggéré de venir rester près d'elle afin d'accomplir ce
travail. Malheureusement, pressé par le OTAN et à mon grand regret, je ne pus
accomplir ce travail au cours de ce séjour.
Atmânanda
est décédée en quelques jours d'une infection en fin septembre 1985, juste
après avoir relu le premier exemplaire du ‘Jay Ma’ en français pour lequel elle
avait donné l'inspiration initiale.
Quelques réponses de Mâ notées par Atmânanda dans
son journal:
Almora, 8 juin 1954
Entretien privé avec Madame M. (une Occidentale).
Madame M. a demandé ce que signifiait vraiment la doctrine chrétienne du
salut par la foi dans le Christ sanctifié.
Mâtâjî : Il y a bonheur et souffrance, péché et vertu,
vie et mort : ces couples d'antagonismes sont la croix sur laquelle le Christ
est crucifié. Mais il est la vérité éternelle qui transcende la dualité, c'est
pourquoi il a souri sur la croix. C'est ce que nous devons faire. C'est là
notre sauveur. C'est aussi la voie hindoue. C'est aussi l'idéal des rishis.
Méditez sur le Christ en tant
que lumière du monde, la lumière intérieure comme la lumière extérieure du
soleil et de la lune. Tous sont en lui et Il est dans tous. Il est la lumière
entre vos sourcils. Si pendant la méditation vous avez des visions de Kali,
Durgâ, Mâ, Shiva, considérez-les également comme des formes du Christ et non
pas comme des formes distinctes de lui. Si vous rencontrez un grand être
spirituel, dites-vous : "C'est le Christ qui s'est révélé à moi sous cette
forme même. Toutes les formes sont ses formes. Il est vaste, et n'est pas
uniquement limité à la forme de Jésus. Considérez votre demeure comme celle du
Seigneur. Brûlez de l'encens et réservez un siège spécial pour la méditation.
Méditez et lisez des textes sacrés. Laissez vos enfants vivre leur vie et
passez la vôtre en contemplation.
Nainital, 28 juin 1954
Dans la soirée du 25 Mâtâjî a parlé jusqu'à une
heure du matin. Quelle qu'un lui a dit : "Quand vous serez partie, nous
nous sentirons très seuls : comment ferons-nous ?"
Mâtâjî : Je ne pars jamais. Pourquoi voulez-vous me repousser au loin ? Je suis
toujours avec vous.
Question : Alors, demeurez-vous dans nos coeurs ?
Mâtâjî : Dans vos coeurs ? Pourquoi voulez-vous m'enfermer dans un endroit
particulier ? Sang de votre sang et moelle de vos os, voilà ce que je suis.
C'est la vérité, je ne dis jamais de mensonges.
Le lendemain soir, dans une
salle bondée (il y avait essentiellement des femmes), Mâtâjî a dirigé le kirtan et a chanté Hé Bhagavan et Sita
Ram, Prana Ram. Quelqu'un dit à nouveau :
"nous sommes venus vous voir chaque jour. Maintenant que vous partez, notre vie va nous sembler vide sans vous. Que
faire ?"
Mâtâjî : Pourquoi dites-vous que je m'en vais ? Je suis votre petit enfant et je
suis toujours avec vous. Souvenez-vous de cela : je suis toujours avec vous. Je
ne vous demande pas de faire des rétentions de son élève, de vous asseoir le
dos droit, de vous purifier. Tel que vous êtes, je suis avec vous. Un enfant
est avec ses parents, quelle que soit leur caractéristiques.
Quelqu'un : Nous vous
considérons comme notre Mère, pas comme notre enfant.
Mâ : Mère, c'est aussi très bien. Une mère quitte-t-elle ses enfants? Non,
jamais. »
Atmananda Voyage vers l’immortalité texte établi par Ram Alexander, traduit
en français par Jack Gontier Accarias l’Originel
p.9-11, 296-9,
282-3, 303-4.
« Comment j’ai été admis
dans les ashrams de Mâ. »
Par Swâmî Bhaskarananda
Après un premier darshan de Mâ dans un train en partance, Baskarananda a revu Mâ assez souvent quand elle passait à
Bombay. Pendant les vacances, il la rejoignait, en particulier à Shimla en Himachal Pradesh, c'est-à-dire dans l'Himalaya. Mâ n'avait pas
encore accepté qu'il abandonne son emploi. Cependant, arriva un été où les
choses furent différentes :
Pendant la saison chaude, nous avions l'habitude d'aller à Shimla. Progressivement,
j'ai fait connaissance de tout le monde autour de Mâ. Celle-ci était à Solan : elle m'a fait appeler. Pour ma part, je gardais
toujours sur moi ma lettre de démission. [Resignation
letter, en anglais dans le texte hindi]. J’avais eu cinq emplois de fonctionnaire successifs, mais il
n’y avait pas de congés en vue, et je pensais que ces emplois n'avaient pas de
sens. Je ne voulais pas rester à tourner
vide et donc je désirais me consacrer à une oeuvre qui me motive
vraiment. Mâ m'a fait appeler à Solan : "Est-ce
que maintenant tu peux abandonner ton travail ?" C'était un ou deux ans
après la demi Koumbha-Méla (vers 1950). Mâ me donna
l'instruction d'aller à Vindhyâchal [célèbre lieu de
pèlerinage à la déesse à une centaine de kilomètres sur le Gange en amont de
Bénarès].
Il y avait avec moi Mahavir Trivedi,
le père du gouverneur du Goujarat. Il m'a dit "Va-donc
à Vindyâchal!" C'est ainsi que j'y suis parti. J'y étais complètement inconnu.
Je me suis présenté, et on m'a dit : "Nous allons te confier la gérance de
l'ashram". On m'indiqua comment m'y prendre dans tous les détails. À cette
époque, nous recevions la somme de seize roupies par mois, dépenses de
nourriture étant à part. Il n'y avait pas d'eau dans cette partie de Vindhyachal qui se trouvait sur la colline de la déesse ashtabhujâ [la déesse à huit bras, une grotte
sacrée tout près de l'ashram même de Mâ.]. Il fallait remplir d'eau de grands
récipients au pied de la colline et les
monter. Avec ce petit stock, nous avions à arroser les plantes et les arbres,
en garder assez pour le bain, la cuisine et l'eau de boisson. Dans cet ashram
de Vindyâchal, on sent jusqu'à nos jours l'influence,
les vibrations de Mâ. J'ai eu de bonnes expériences là-bas. (Au moment où il
raconte ces souvenirs, Swâmîjî était dans l'ashram de
Bhimpura sur les bords de la Narmada).
De même qu'il y a une grotte ici, il y en avait une aussi là-bas. J'y ai
pratiqué l'assise méditative. Ma m'avait prévenu qu'il faisait très chaud
là-bas et que le terrain était rocailleux, autant qu'à Omkareshwar
[un lieu de pèlerinage célèbre proche des sources de la Narmada].
Dès les huit heures du matin il y avait un soleil de plomb comme si c'était
déjà midi. Ainsi, Mâ m'a conseillé de me rendre dans une sorte de crypte à
partir de sept heures et demi ou huit heures du matin et de n'en ressortir que
le soir. À ce moment-là, je pouvais me
mettre à préparer ma cuisine. Je me suis mis à m'efforcer de suivre ces
instructions de Mâ.
- Qu'en est-il advenu de cet ami qui était proche de vous?
- Mon ami est resté à Bombay. Il s'est marié. Quant à moi, j'avais l'esprit
de vagabond, de fakir, fakkararâm, depuis l'enfance.
- Comment se déroulait votre sâdhanâ ?
- J'ai réalisé que Mâ m'avait envoyé là, mais qu'elle ne m'avait pas
expliqué comment pratiquer, ni également quel mantra je devais réciter. J'ai
donc médité selon ce que je ressentais. À l'époque,
je lisais beaucoup les livres de Bhaïjî sur Mâ. J'ai
réalisé que celui-ci s'était tellement investi dans un renoncement intense et
dans la dévotion à son objet d'amour spirituel qu'il s'était mis à le voir
partout.
Dans cette période de début, j'étais dans un état qui faisait que je ne
m'occupais pas de la nourriture et des autres détails matériels. Un jour,
soudain, Mâ arriva. Elle a vu tout mon emploi du temps quotidien. Elle m'a dit
de venir avec elle. Swâmîjî aussi était venues à Vindhyachal à cette période, cet ashram servait de centre
de remise en forme.
- Comment faisiez-vous financièrement ?
Tous les mois ou tous les deux mois, il y avait de
l'argent qui était envoyé de Bénarès. Mais un certain mois, rien ne vint. Je
n'en ai pas parlé. Swâmîjî m'a demandé :
"Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de cette question d'argent, certainement je
t'en aurais envoyé, pour peu que j’en ai eu à ce
moment!" Pour ma part, je me débrouillais en cuisant des épinards. Mahâvîr Trivedî était venus avec Swâmîjî. Mâ était
également arrivée. Swâmîjî lui a dit : "Est-ce
que vous vous rendez compte que, dans l'ashram de Kashi tout le monde mange à
sa faim et boit, et lui, il reste seul, il suit toutes les règles, il en arrive
à oublier de cuisiner pour lui-même, et ne fait pas attention au fait qu'on lui
envoie de l'argent à temps. Mâ me dit : "Je vais préparer moi-même la
cuisine pour Swâmî Parâtmânanda
et tu vas manger avec nous." Ainsi donc, je prenais mes repas avec Swâmîjî. J'ai effectué les travaux qu'il me demandait. Je
ramenais le marché, et j'étais nourri.
- Qu'est-ce que Mâ a dit en entendant toute cette histoire?
- Mâ m'a emmené avec elle à Bénarès. Elle a réuni tous les personnes
importantes de l'ashram et leur a dit : "Est-ce que vous pouvez rester
sans nourriture? Ce jeune brahmachâri a passé un mois
sans argent et il n'a même pas écrit à qui que ce soit". Chacun se mit à
rejeter la responsabilité sur les autres. Mâ leur dit : "Personne ne va à
l'ashram de Vindhyachal. Lui, il y est resté seul. Il
faut qu'il soit soutenu." C'est ainsi que Mâ a organisé concrètement mon
séjour à Vindhyachal.
- Racontez-nous de façon directe le moment où Mâ a immédiatement accepté le
désir de votre coeur?
- Il y a plusieurs exemples de cela, mais il y a une
première occasion où la grâce de Mâ m'a profondément touchée. C'était la
période de l'anniversaire de "ma Mâtâjî".
Je ne savais pas très bien quoi faire à cette occasion. Il y avait des sadhous
qui nous rendaient visite. J'ai organisé un repas pour eux. À cette époque-là
il y avait une Didi qui vivait dans l'ashram et qui
m'avait conseillé d'offrir un repas à ces deux sadhous. Elle-même, avec beaucoup d'amour, le leur a préparé. Ces
deux sadhous sont donc venus et ont pris leur nourriture. Au pied de l'ashram
de Vindhyachal, il y avait la soeur de Gurupriya Didi. C'était elle qui
s'occupait principalement de la gestion de l'ashram. Je lui ai demandé
d'apporter du prasâd. Elle refusa en
disant qu'elle ne préparait pas la nourriture de la shraddha
[offerte en mémoire des défunts, elle voulait sans doute dire qu'elle
ressentait l'absence de Mâ comme une mort] ". Il m'est venu à esprit que
si Mâ pouvait venir, nous aurions la chance d'avoir son prasâd directement. Sur ces entrefaites, quelqu'un est venu
m’annoncer qu'une information de Bénarès disait que Mâ allait arriver dans une
heure. Ce que j'avais pensé s'était donc réalisée.
J'ai appris de plus que Mâ s'était assise pour le satsang
mais avait refusé le repas qu'on lui avait proposé et par des signes de main
avait demandé qu'on prépare une voiture pour aller à Vindhyachal.
Je fus envahi d'une joie extrême en trouvant ainsi une réponse [le mot anglais response est employé au beau milieu du texte en
hindi] à mon désir intime.
Je suis allé trouver cette Didi qui avait préparé la nourriture et lui ait annoncé que
Mâ arrivait. Elle en fut extrêmement heureuse. Sur ces entrefaites, Mâ est
parvenue à l'ashram, et elle a dit : "Apportez-moi mon repas à
l'étage". Didi alla directement chercher la
nourriture et l'apporta à Mâ. Celle-ci la mangea. Je me trouvai là-bas aussi. Biloudi (cette soeur de Gurupriya
Didi dont nous avons parlé) ne mangeait pas avant
d'avoir donné à manger à Mâ. Après que Mâ ait pris sa nourriture, elle a obtenu
un bon prasâd de Mâ. Ce qui se passait correspondait en fait à l'état
intérieur de chacun. Le Seigneur est omniprésent. C'est Lui qui nous dirige de
l'intérieur, l'antaryâmî. Si vous pensez que
Mâ va venir, elle arrive! Il en a été ainsi avec moi plusieurs fois à Vindhyachal.
- Etiez-vous en congé de votre
travail à cette époque ?
- Oui, j'avais demandé des vacances pour venir à Solan
: mais en fait, je ne suis pas retourné au bureau. Tout simplement, je ne suis
pas revenu non plus à la maison. Je suis parti de Vindhyâchal
à Bénarès. A cette époque, c'était là que se trouvait le quartier général de la
Sangha [mouvement] de Mâ. J'ai passé plus d'un an et demi à Vindhyachal.
Il faisait tellement chaud là-bas à partir de 8 heures du matin qu'un vent
brûlant se mettait à souffler, ce qu'on appelle le loo
dans ces régions. J'avais donc l'habitude, sur les conseils de Mâ, de demeurer
dans la grotte. J'y faisais ma méditation. Le soir, je me débrouillais avec ce
qu'il y a avait comme provisions. On trouvait là-bas beaucoup de mangues. Je me
faisais une soupe en faisant frire les mangues vertes. Il y avait aussi du lait
le soir. Mâ avait donné les instructions suivantes : "Trempe une ou deux
chapatis dans le lait et mange-les, ne te soucie pas de préparer la cuisine
!" C'était ce que je faisais.
De cette façon je suis resté à
peu près deux ans à Vindhyachal. Mâ y revenait
souvent. Il n'y avait pas de sentiment de solitude, tout au contraire, il semblait quelqu'un progressait avec moi. [Ou alors "qu'il y avait quelqu'un de
grand avec moi"]. Je me suis mis à lire les livres de Mâ. Il y a avait une
grande grâce palpable de notre vénéré Bhaïjî, bien qu’il
n’était plus dans son corps. C’était une expérience aussi évidente que de
constater que deux et deux font quatre.
- Quels étaient vos sentiments à l’époque ? De quelle façon
pourriez-vous nous donner un avant-goût de vos expériences ?
- Il n’y a pas de paix dans le monde extérieur. La véritable paix n’est
qu’à l’intérieur. Voilà ce qu’il faut rechercher, selon les paroles de Mâ
elle-même : « Se connaître soi-même, se trouver soi-même, voilà le
devoir de l’être humain. »
Quand je suis allé retrouver Mâ,
elle m’a dit : « Rends-toi à Uttar-Kâshî
[la première bourgade quelque peu importante sur le Gange après sa source à Gomukh au dessus du village de Gangotri],
il faut que tu t’y occupes du temple de Kali et fasse son service. »
Traduit du hindi par Vigyânânanda
Amrita Varta, octobre 2004, p.27-29
En compagnie de Ma Anandamayi
Par Bithika Mukherji
Le jour de Mahâshtami,
le 2 octobre 1946, ma sœur vint soudain me voir et me dit d'aller dans la
chambre de Mâ quand j'aurais fini mon travail et de ne rien boire au manger car
j'allais être initiée. Initiée ! Avant que je puisse demander des précisions,
elle disparut.
Je n'étais pas du tout préparée
pour cette situation délicate. Une douzaine de questions se posaient automatiquement
en moi. Qui donc allait m’initier ? Je pensais à tous les ascètes de
l'ashram un par un et ne pouvais me réconcilier avec une initiation par un
quelconque d'entre eux. Peut être Shrî Mâ elle-même ? Mais elle ne donnait
jamais d'initiation ! J’étais en proie au doute et à la méfiance, mais je
terminai mon travail qui consistait à aller porter la nourriture dans la salle
du rituel, et m'approchai lentement de la chambre de Shrî Mâ. J'y ai trouvé en
plus d’elle Didimâ (la mère de Shrî Mâ), ma mère et ma
sœur. Shrî Mâ s'adressa à moi : "Assieds-toi ici près de ta mère. Elle
sait quoi faire. Aujourd'hui, c'est un jour très favorable – Mahâshtami (le jour, vers
la fin de la Durga poûjâ, où la déesse
mère a tué le démon Mahîsha) les Shastras sont de l'avis qu’être initié par sa mère,
c'est gagner quatorze fois plus de mérite que de l’être par un autre gourou". Elle a pu avoir
dit d’autres choses aussi mais j'étais tellement soulagée que je n'enregistrais
rien d'autre excepté le fait que le gourou ne serait pas quelqu’un que je ne
puisse accepter. J'occupai avec reconnaissance le siège déjà désigné près de ma
mère.
Celle-ci, toujours sereine et
calme, semblé l'être plus à ce moment-là ; elle avait une qualité de silence
qui m'a alors frappée comme étant inhabituelle. Shrî Mâ sortit avec ma sœur, en
laissant Didimâ, ma mère et moi-même dans la chambre.
Shrî Mâ était très occupée en ce jour important et elle ne pouvait guère se
libérer plus que pendant quelques moments, pourtant elle continua à aller et
venir et je pense qu'elle était à l'intérieur quand ma mère m'a effectivement
donné le mantra. En tous cas, elle était là pour accepter mon offrande rituelle
de fleurs, poushpânjalî, à ses pieds lors de
la conclusion de la cérémonie.
Plus tard, j'ai pu reconstituer les événements de la journée. D'abord, Shrî
Mâ avait demandé à Didimâ de donner l'initiation à ma
mère. Shrî Mâ avait tout arrangé elle-même car ma mère, ne s'attendant pas du
tout à cela, était perdue sans recours pour se procurer les objets nécessaires,
comme un tapis pour s'asseoir, des fruits, des friandises et des fleurs. Dès
que ma mère avait reçu l’initiation,
elle se trouvait dans une position qui lui permettait de communiquer le mantra
aux autres. Ma sœur vint la première. Shrî Mâ était assise avec elle durant
tout ce temps, en les guidant. Shrî Mâ révéla aussi les mantras à ma mère par
l'intermédiaire de Dîdîmâ. Ma mère ne savait rien de
ces rites et cérémonies. Dîdîmâ nous fit comprendre
non sans peine ce qu’il fallait faire et comment accomplir le rituel de la poûjâ
du soir, le sandhya. En dernier lieu, Didimâ me dit : "Shrî Mâ elle-même est ton gourou. Le gourou
et elle sont les mêmes - médite toujours sur cette vérité." Cela fait maintenant juste un peu plus de
cinquante ans depuis ce jour-là ! La pensée qui prédomine dans mon esprit,
c'est de me demander comment, avec une grâce qui nous a autant inondé -et si
constamment, nous avons pu rester les mêmes sans avoir été totalement
transformés. Ma consolation doit être que Shrî Mâ savait pleinement combien le
matériel sur lequel elle agissait était récalcitrant ! ...
Haribâbâjî était
aussi à Delhi. Il souhaitait rencontrer Gandhijî qui
était en ville à cette époque. Le nom de Shrî Mâ était suffisant pour ouvrir
toutes les portes. Nous sommes arrivés à la résidence de Gandhijî
avec une colonne de voitures dans la mesure où tous ceux qui étaient dans les
environs de Mâ désiraient aller avec
elle où qu'elle aille. Gandhijî la reçut avec une
grande affection et un grand plaisir. Il parla de sa visite à Sevagram (son ashram de service près de Wardha
dans le centre de l’Inde) et de la manière dont elle ne voulait pas rester avec
lui et dont il n’était pas en faveur de ses déplacements incessants. Shrî Mâ
lui avait dit avec une certaine insistance : "Pitaji,
je ne vais nulle part loin de vous, je suis toujours avec vous. Croyez ceci.
Cette fille qui est la vôtre ne dit jamais quelque chose qui ne soit la
vérité." Gandhijî l'a crue, mais ils étaient réticents à la laisser s'en aller, tout comme
chacun l’était, du mahâtmâ jusqu'au simple enfant.
Il passa le bras autour d'elle et ouvrit
la voie en direction de la réunion de prière. C'était évident qu'il n'était pas
intéressé aux mahâtmâs qui étaient venus le visiter.
Shrî Mâ le retint jusqu'à ce qu'il ait reconnu leur présence et on organisa les choses pour que ceux-ci puissent aussi être
placés sur l'estrade. Upadhyâyajî, un proche de la
famille de Nehru qui connaissait Shrî Mâ depuis les jours de Kâmalâ Nehru (l’épouse du Pandit), était présent. Il
organisa les choses de la façon la plus satisfaisante qui soit. Gandhijî fit s'asseoir Shrî Mâ près de lui.
Il était d'une humeur joyeuse. Il lui
parlait, et ensuite parlait d’elle à l'assemblée. Je pense qu'il demandait des
donations ou quelque chose du genre. Je me souviens qu'il disait : "Donnez
généreusement ; voyez, ma fille (bachî) est ici. Que
va-t-elle penser de vous si vous comportez d'une façon avare !" Il fit
rire l'assemblée un bon nombre de fois.
Cela allait être leur dernière rencontre.
La date tragique du 30 janvier 1948, l'assassinat du Mahâtma,
n'était plus éloignée. (p. 143)
Les parents de Bithikâ
lui parlent de perspective de mariage, mais après réflexion, elle leur dit qu'elle préfère
rejoindre sa sœur Rénou comme brahmachârinî
dans les ashrams de Mâ.
Mon père parut stupéfait mais il ne dit
rien. Bien après, en fait des années après sa
mort, ma mère me parla d'une conversation qu'il avait eue à mon sujet
avec Shrî Mâ à cette époque à peu près. Il avait exprimé son angoisse à propos
de mon futur, qui semblait tellement incertain à ses yeux et lui avait dit :
"Je ne serai pas ici pour m'occuper d'elle." Shrî Mâ, alors, avait
prononcé ces mots rassurants, qui ont aussitôt dissous toute son anxiété à mon
sujet : "Mais je suis là !" (en bengali : ami to acchi ); ainsi donc, Shrî Mâ est restée à mes côtés à
travers toutes les vicissitudes de la vie. Même en des occasions que d'autres
gens considéraient comme désastreuses, je n'ai pas connu la peur, ni ne me suis
sentie incapable de faire face ; Shrî Mâ était toujours et est toujours avec
moi.
Malgré ce
désir de Bithikâ, Shrî Mâ demanda sans qu'elle le
sache à son frère Bindou d'obtenir les formulaires
d'inscription à l'université de Allahabad pour qu'elle puisse passer ses
examens de maîtrise en philosophie en 1947. (p. 144)
Les temps étaient troublés pour notre pays.
On entendait de tous côtés des nouvelles de combats de rue et de massacres
d’hindous par les musulmans. Shrî Mâ écoutait calmement tous ces récits de
malheur. Elle s'exclama une fois : "C'est Dieu sous forme de dévastation
et de cris de terreur !" (hahaka rûpe Bhagavân).
On ne peut s'empêcher de ressentir
qu’en présence de Dieu, le mal est le plus grand mystère sur terre. (p. 145)
De 1947 à 1950 eut lieu à l'ashram de Shrî
Mâ à Bénarès un grand sacrifice au feu, le Mahâsavitrî
yajña, accompli pour la paix du monde. Cet
événement eut un grand retentissement et aida à faire connaître l'organisation de Mâ dans l'Inde
entière.
Durant toute cette période, Didi était toujours à court d'argent. Et Mâ elle-même nous
raconta l'histoire suivante : un jour, Shrî Mâ était assise dans la pièce qui
donnait sur le balcon du côté ouest de l'ashram, et il n'y avait que Didi avec elle. Didi lui disait :
"Je me suis lancée dans cette grande affaire, mais je ne sais pas comment
je vais pouvoir en couvrir les dépenses même pour demain !" Dans
l'intervalle, ma mère s'était approchée de la porte et hésitait à entrer. Mâ
dit : "Entrez, qu'est-ce que c'est ?" Ma mère avait de l'argent
avec elle qu'elle avait apportée en guise de contribution pour le yajña. Elle hésitait à offrir cette somme en face de
Shrî Mâ. C'est alors qu'elle la plaça dans les mains de Didi,
qui l'accepta avec grand soulagement. Shrî Mâ avait l'habitude de raconter
cette histoire aux gens plus tard en disant : "Quand Didi
était dans le désespoir, cette Lakshmî (ma mère) vint
avec l'argent pour le lendemain, et après cela, celui-ci a tout simplement
coulé à flots et Didi n'a plus jamais eu à se faire de
soucis à propos des dépenses du yajña."
L'appréciation de Shrî Mâ pour le peu que
chacun pouvait faire était réellement phénoménale. Une compilation de telles
anecdotes remplirait facilement un volume entier. (p. 147)
L’un des villageois de Vrindâvan, Manohar, était
le préféré de Haribâbâjî
Mahârâj. Il avait une bonne voix et menait souvent
les kîrtans. Sinon, il était quelque peu
dissipé et causait des tas d'ennuis à Haribâbâjî par
ses comportements irresponsables. A ce moment précis, il se conduisait très
bien. Il s'était mis à travailler régulièrement dans les champs et avait gagné
un peu d'argent. Il acheta des céréales avec sa première paye et les apporta à
Shrî Mâ. Il voulait que Didi cuise un pot de tahri, du riz frit avec des légumes, et qu’ensuite
Shrî Mâ en distribue à chacun.
Une fois prêt, on apporta à Shrî Mâ le pot
de riz. Elle se mit à distribuer le prasâd avec une grande cuiller. Aussitôt
que les gens apprirent que Shrî Mâ était en train de donner le prasâd, ils vinrent en courant de tous les coins de l'ashram. Shrî
Mâ remonta d'une marche. Je ramassai le pot et le tint pour elle. Elle était
devenue très calme et il y avait sur son visage un regard éthéré. Je
pressentais que quelque chose de merveilleux était en train d'arriver avec le
pot de riz. Il semblait être approvisionné d’une façon inépuisable. Ce n'était
pas un grand pot, on pouvait le tenir facilement dans une main. D'autres gens
aussi ont eu la même pensée - une personne est même montée pour jeter un coup
d’œil dans le pot. Je lui fis signe s’en abstenir et j'ai éloigné le pot de
lui. Deux cent personnes ont dû recevoir le prasâd ce jour-là. Shrî Mâ
resta là avec une cuiller en main jusqu'à ce que la dernière soit venue et
repartie. Quand elle laissa tomber la cuiller dans le pot, il était tout à fait vide.
J'ai toujours trouvé que le mot
"miracle" n'était pas adapté en ce qui concernait Shrî Mâ. Nous ne
voyions pas de ligne de démarcation entre le normal et ce qu'on pourrait
appeler le supra-normal. Sa compréhension, sa
compassion réduisait à néant nos fragilités humaines - demander nous amenait à
recevoir cent fois plus ; si l'on avançait d'un pas, elle s'approchait de dix.
Elle était en elle-même le miracle. Son regard profond pouvait créer,
métamorphoser ou établir des liens de fidélité avec quiconque. Il n'y avait pas
d’ "autre" pour elle. Ce que Manohar a
provoqué ce jour-là, le 30 janvier 1947, est l'un des nombreux incidents de ce
genre, mais pourtant cela a été en soi quelque chose d’une beauté et d’une
générosité qui embrassait tout.
Grâce à de bons
résultats aux examens de philosophie et de sanskrit, j'ai obtenu une double
bourse. J'ai pris le premier mois de ces bourses et l’ai déposé sur le lit de Shrî Mâ, en lui expliquant ce
dont il s’agissait. Shrî Mâ dit : "Mets l'enveloppe à l'intérieur de la
tête d'oreiller", ce que je fis. Personne d'autre n'était dans la chambre.
Je mentionne ce petit incident car il allait avoir une suite. (p. 148, 149,
édition française en cours d’édition chez Agamat,
Paris – Sous le titre En compagnie de Mâ
Anandamayî – Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne)
Le soleil du Soi
Anthologie de pensées de Swami Ramatîrtha
Citons des extraits de ce que Swami Ramatîrththa dit par
exemple sur les religions :
- Que l’homme ose être divin, puisque Dieu a
osé être humain.
- Il est bizarre, très bizarre que les gens
veulent se piller les uns les autres - en ce qui concerne les biens matériels -
mais en ce
qui concerne la richesse supérieure, spirituelle, quand on la leur
offre, ils veulent tuer celui qui la donne.
- A Lahore comme à Lucknow, la communauté musulmane Shia sort en procession un cheval décoré qu'on appelle Douldoul. Les fidèles l'honorent et le couvrent de fleurs,
car il considère qu'il est le cheval de l'Imam, le petit-fils du prophète
Mohamed. Il n'y a personne de physique qui le chevauche. Ce corps est votre Douldoul. Son cavalier, l’ego, doit être annihilé Dieu seul
doit le chevaucher et contrôler. Ainsi, ceux qui permettent à leur corps d’être
contrôlé par Dieu lui-même sont adorés dans le monde entier. Si vous voulez
vraiment être contrôlés par Dieu, avec une détermination forte et une foi ferme
en lui, non seulement vous remuerez ce monde, mais vous inspirerez également
des milliers d'autres mondes comme celui-ci, et ce, sans efforts.
- Ne
soyez pas géocentrés en faisant tourner le soleil du
Soi autour de la terre de vos désirs égoïstes. Faites votre révolution copernicienne,
et soyez héliocentrés.
- Quand
l’or est ingéré tel quel, c'est un poison, mais quand il est traité, il peut
devenir un médicament puissant. De même, l'ego en tant que tel est nocif, mais
quand il est raffiné et rendu subtil
pour atteindre les dimensions du « Je » cosmique, il devient le
meilleur des médicaments.
- Si quelqu'un commet un crime, il est puni. Mais
s'il meurt durant l'instruction, sa peine tombe automatiquement. De même, quand
l'ego disparaît, la punition des péchés s’efface d’elle-même.
- Il est
très frustrant de remarquer que vous étudiez les livres religieux des autres
pour y trouver des points faibles à ressortir durant vos séances d'insultes
publiques, mais, hélas, vous n'en faites pas ainsi pour en découvrir les bons
côtés qui pourraient vous aider dans votre développement et évolution
spirituelle. Malheureusement, vous avez développé la nature de la sangsue qui
ne peut s'empêcher de sucer le sang du
sein de la femme, à la place du lait qui se trouve pourtant si proche. On
doit stopper immédiatement ce genre d'antagonismes religieux. Vous concéderez
que c'est un grand obstacle à votre progrès individuel et national.
- Je ne
veux pas dire que vous devez abandonner la religion dans laquelle vous êtes nés
et vous avez été éduqués. Mais je mets l'accent
sur le fait que ce serait
un suicide spirituel si vous considériez qu'il
est un péché d'enjamber les quatre murs de votre propre religion pour
aller voir les autres également. Il n'y a pas de mal à cela… qu'est-ce qui se
trouve à la racine de ce mépris et de cette haine entre les
religions ? Le manque
qu’ont les gens de connaissances et d'expérience de leur propre religion. Un
poète persan dit : « Notre liberté dépend de notre maturité, car le fruit
vert reste attaché à la branche et ne peut se libérer avant d'être mûr. »
- De même
qu'on a limité par étapes la monarchie absolue en Angleterre, ainsi il est
temps d’ôter ses pouvoirs à ce tyran qu'est le Dieu personnel et de réussir la
liberté religieuse.
- Emerson
disait : « Chaque être humain est Dieu qui joue à l'idiot. »
- En
s'adressant aux chefs musulmans de Lucknow qui sont venus le visiter pour
parler de religion :
Chers amis, le sens littéral de koufra est « cacher ». Quoi ? Cacher la la Vérité ou la
Réalité. Est kafir (infidèle) celui qui cache la Vérité. Comment
un kafir cache-t-il la Vérité ? Il la cache
derrière le rideau de son ego.
- Sans
pratiquer les principes de la religion, consciemment ou inconsciemment, dans
notre vie quotidienne, il nous est impossible d'obtenir aucun succès, aucune
prospérité, progrès, paix, pouvoir,
santé, connaissance, art, grâce ou aucune autre bénédiction quelle qu’elle
soit. Une personne atteint le succès simplement quand elle poursuit, qu'elle le
sache ou non, le chemin de la religion dans ses pensées et ses actions.
Voici maintenant des pensées extraites des Carnets
de notes de Râma :
- Nous ne pouvons connaître une
religion, une science, un art ou une
personne tant que nous ne l'aimons pas.
- Celui qui
excelle dans la pensée religieuse doit prendre seulement cette nourriture qui
le garde un avec le Tout. Tout autre forme de nourriture est aussi nocive que
le vin et l'opium, car elle le fait se ressentir autres que ce qu'il est.
- Les
points forts des religions, en très bref : intellectuellement, le védanta ; moralement, le bouddhisme ;
pratiquement, le christianisme ; religieusement, le vishnouisme ; pour
l'intensité du sentiment, l’islam.
- C'est
une idiotie qualifiée de sacrifier l'homme intérieur pour l'extérieur. C’est laisser le centre de gravité tomber à l'extérieur de
soi-même et par conséquent, trébucher.
- La
bagarre entre les différentes formes religieuse illustre cette histoire pleine
de sens des chevaliers qui ont commencé un combat à propos de la couleur d'un
écu qu’aucun des deux n'avait regardé sur plus d'un côté. 1
- Une foi
qui repose sur l’autorité n’est plus une foi..
- La
religion est décriée comme étant une relique de l'époque barbare. Or, les
animaux et les barbares mangent aussi tout comme nous le faisons. Devons-nous
dire en nous basant sur cela que le fait de manger est une relique de l'époque
barbare ?
- La
religion est commune au sauvage et à
l'homme civilisé. C’est quelque chose qui apaise la faim et la soif de
l'âme et représente une nourriture essentielle pour le corps. Les articles qui
sont consommés, la manière de les manger peut changer de temps à autre, mais le
fait de manger en lui-même ne peut jamais être abandonné, de même qu'on peut
faire l'économie d'aucun des éléments essentiels de l'alimentation.
- Un
homme bon dans un ciel fermé sur lui-même serait en enfer.
- Pourquoi
devrais-je prier ? En effet, tous les objets lointains ou proches ne font
que répondre aux besoins les plus intérieurs de mon esprit. J'apporte ma joie,
ma gratitude, mon amour. J'entre dans la vie, sans peur et plein de confiance.
Je me purifie de toute pensée de haine. Crainte. Je fais de mon labeur
quotidien un chant de louange. J'aime la aime la terre et je sens sa vie même
comme une partie de moi. Ma Ma Ma
seule prière, c'est le bonheur que j'aime.
- L'attitude du monde des conservateurs à
propos des réformateurs et des prophètes : « Tuer le
docteur et donner ses honoraires à la uvaise
maladie. »
- En
hydrostatique, une fine colonne d’eau peut contrebalancer, à la
er à la même hauteur, tout un océan. Ainsi
donc, vous pouvez contrebalancer balancer tous les prophètes et les philosophes
du monde.
- Les credos sont
la grammaire des religions. Le langage ne découle jamais de la grammaire,
c'est l'inverse qui se passe. Quand le langage progresse et change pour des
causes inconnues, la grammaire doit suivre.
La grammaire et la tombe du langage
- Toute la
charité et la générosité des riches : « Ils nettoient l’extérieur de la
coupe ou du plateau, mais à l'intérieur ils sont remplis d’extorsions et
d’excès
- Les
codes de moralité anciens veulent l'extinction de certaines passions -
considérant qu'il est plus facile de tuer à coups de feu à un un cheval rétif plutôt que de le monter
-Tout dogmatisme prend la tangente par rapport aux faits objectifs.
La ifs : la tangente représente la direction de la courbe sur un petit
arc: arc mais en suivant celle-ci, nous perdons bientôt la dite courbe.
.
Anxiété-légèreté
L’anxiété
me dévore
Vais-je
une fois encore
Pour ne
pas l’avouer
Rire au
lieu de pleurer ?
Légèreté
ma compagne
Légèreté
m’accompagne !
Ma vraie
amie d’enfance
Celle en
qui j’ai confiance.
Ne
m’abandonne pas
Soleil de
mes pas !
YANG de
ma légèreté
YIN de
mon anxiété.
C’est le
soleil ou l’ombre,
L’inquiétude
où l’on sombre ?
Ou la
joie de l’humour
Qui rime
avec AMOUR ?
Quand les
paires d’opposés
Se seront
apaisées
De mes
peurs je rirai
Je les
surmonterai !
La JOIE
est ma nature
L’enthousiasme
qui dure
Au fil
des années
Surmonte
l’anxiété.
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
C’est moi qui, c’est moi que !
(Violence et luminosité – Travail de maturité sur
soi-même)
C’est
moi qui, c’est moi que,
Moi moi moi, je je
je,
J’ai fait
ci, j’ai fait ça,
C’est pas
lui, non c’est moi !
On se
dresse, on se jauge,
On rumine
et on cause.
Le ventre
en jalousie
Le mental
en folie !
Tel Sacha
Guitry
C’est
« Môa » qui le dit,
C’est
« môa » qui fait tout bien,
Les
autres ne sont rien !
Devant
moi il est là
C’est le
portrait de Mâ !
Son
regard me sourit,
Sa
douceur m’envahit…
La bougie
nous éclaire
Apaise ma
colère.
Sel de
l’Himalaya
Pureté,
silence et joie,
Reflètent
leurs éclats
Sur le
portrait de Mâ.
Reflet de
ma conscience
Mâ
redonne confiance.
Que
suis-je en train de dire ?
Quelle
crise ? Quel délire ?
A quoi
bon ? Quelle sottise !
Un peu de
lâcher-prise !
Pourquoi
donc avoir peur ?
Ne
serait-ce qu’un leurre ?
Chacun
peut faire sa route.
Mâ !
Enlève mes doutes !
Mental,
sois silencieux !
Mon cœur,
sois lumineux !
Souris
dans l’ouverture
Je
plierai, je le jure.
C’est moi
qui, c’est moi que,
C’est moi
quoi ? Je je je…
C’est moi
rien, piou piou piou
C’est
moins que rien du tout.
Détacher,
décrocher,
Pour
pouvoir s’envoler !
S’entr’ouvrir et sourire
Savoir
oser le dire.
Celui
qu’on croit ennemi
Reflète
notre peur
Faisons
jaillir pour lui
La
lumière intérieure.
Vu sous
cet angle là
Je dis
merci à Mâ !
C’est la
paix que l’on trouve
C’est
l’horizon qui s’ouvre !
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
- Swâmî Nirgunânanda va bientôt revenir d'une tournée de deux mois
en Occident, où il a eu en particulier en France deux programmes d'une semaine,
l'un à Epernon avec Claude Portal et l'autre à Terre du Ciel, comme les années
précédentes. Il a parlé aussi dans le plus grand centre de Yoga d'Allemagne,
près de Paderborn dans la région de Cologne. Et s'agit d'une école fondée par
un disciple de Vishnoudevânanda, lui-même disciple de
Shivânanda. Chaque week-end, il y a 300 ou 400 élèves
qui viennent pour des stages, et le responsable du Centre a demandé à Swâmî Nirgunânanda de parler de
Mâ dans un de ces stages.
- Le dernier article du dernier numéro
de Terre du Ciel, celui de juin-juillet, est consacré
à une interview de Vijayananda. Elle a été recueillie
par Caroline Abitbol qui vient souvent en Inde.
- l'Enseignement de Mâ Anandamayî
était épuisé depuis quelque temps et est de nouveau édité dans la collection
Spiritualité vivante.
- Les éditions L'Originel-Jean-Louis
Accarias ont publié sous le titre de Le soleil du Soi une présentation
par Vigyânânanda de la vie et de l'oeuvre de Swâmî Râmatîrtha avec une
anthologie de ses écrits qui eux-mêmes occupent en tout sept volumes. Râmatîrtha a été professeur de mathématiques à l'université
de Lahore, il savait l'ourdou et avait étudié la poésie soufie dans cette
langue et en persan, et en même temps il était un grand védantin
influencé par Vivékananda qui l'a fait venir pour
parler à Lahore même. Comme lui, il
était allé présenter l'hindouisme et de la non-dualité aux États-Unis, puis
s'est retiré dans l'Himalaya où il est mort jeune, à l'âge de trente-trois ans, d'un accident de noyade dans le Gange en 1906. Swâmî Vijayânanda recommande la lecture de ses écrits, qui
mêlent l'expérience directe à la métaphysique et à la poésie de l'unité avec la
nature. Ceux qui lisent ‘Infos-Yoga’ auront déjà vu
dans un numéro de cet hiver en avant-première quelques pages de sa vie.
- Le site de Mâ Anandamayî est
toujours un succès : environ 400 visites tous les jours. Cependant, il faut
tenir compte du grand défaut des internautes qui est facile à identifier : la
dispersion... Il est difficile de savoir combien, sur ce grand nombre, décident
d'approfondir réellement l'enseignement de Mâ. Par ailleurs, nous sommes en
train d'opérer pour ce site la dernière relecture de la traduction espagnole du
livre Words of Ma Anandamayi
qui contient les propos les plus védantiques de Mâ, recueillis à Bénarès vers
1950 par Swâmî Virâjânanda.
- Celui-ci s'est éteint à l'âge de 102
ans au début du mois d'août. Il avait eu une attaque cérébrale, avait du mal à
marcher, à manger, à parler, et sa mémoire était déficiente. De ce point de
vue-là, son départ à dû être pour lui une véritable libération. C'est lui qui
avait organisé la fondation de la Sangha de Mâ dans les années cinquante, et il
a aussi recueilli des réflexions de Mâ qu'il a augmentées de ses propres
méditations dans sa série de livres Svakriya
svarasamrita. Il a été longtemps président du
comité des sadhus des ashrams de Mâ.
- Padma, qui a fait toutes ses études
à Paris et ensuite a eu des responsabilités importantes dans l'administration
britannique à Londres, est rentrée à
l'ashram de Shivananda à Rishikesh comme une jeune brahmacharini disciple de Swami Chidananda. Elle est aussi proche de Mâ. Elle revient en
France pour un mois en novembre et animera des stages, dont un à Paris même.
Ceux qui souhaitent trouver en y participant une bouffée
d'air des bords du Gange peuvent la contacter directement pour les détails padmaflorine@yahoo.co.in
Réponse à l'enquête sur la bonne réception du
Jay Mâ
Nous avons essayé pour ce numéro
d'envoyer chaque exemplaire avec une sorte de post-suivi qu'on appelle ici
"certificate of postage", ce qui veut dire
que la poste indienne est responsable pour rendre compte d'où sont passés les
exemplaires qui ne seraient pas arrivés. Nous l'envoyons aussi directement d'Hardwar, qui est la ville à côté du village de Kankhal
Prenez deux minutes pour :
- soit envoyer un courriel directement
à Vigyânânanda en donnant votre nom pour accuser
réception de l'envoi : jacquesvigne@yahoo.fr
- soit téléphoner à Nadine Laudebat et José Sanchez qui ont déménagé dans Vaisons-la-Romaine et sont maintenant au 04 90 12 19 83
l'Olivette 26 Hameau de Beausoleil Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaisons-la-Romaine. Ils feront suivre votre nom
comme ayant bien reçu le numéro.
Du résultat de cette enquête dépendra
notre décision de continuer à envoyer le ‘Jay Mâ’ d'Inde ou de le faire partir de Nice. Comme nous l'avons dit dans
l'éditorial, cela aurait l'avantage d'avoir une distribution plus sûre, mais
l'inconvénient de doubler le prix des abonnements.
Nouveaux abonnements
Vous avez pour la plupart renouvelé au
printemps dernier. Pour ceux qui sont nouveaux et voudraient prendre un nouvel
abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José (nouvelle adresse
ci-dessus) et en leur envoyant un chèque de 10€. Il seront abonnés pour cinq
numéros jusqu’en mars 2007 inclus. L’abonnement par courriel est toujours
possible pour 5€
Table des matières
Editorial : Jay Mâ a vingt
ans !
Paroles de Mâ
Évocation de l'itinéraire de Atmânanda
Comment j'ai été admis auprès de
Mâ par Swâmî Bhaskarânanda
En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Moukerjî
Le soleil du Soi par Swâmî Râmatîrtha
Anxiété-légèreté par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
« C’est moi qui, c’est moi
que ! » par G. Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
Réponse à l'enquête à propos de la
réception du Jay Mâ
Nouveaux abonnements
Table des matières
Jay Ma n°79 - Hiver
2005-2006
1
Paroles de Mâ
Le sentiment de manque surgit spontanément, c'est
le Divin qui l'éveille.
Perdre tout, c’est aussi tout gagner. Il est plein
de miséricorde et de compassion. Tout ce qu'il fait à chaque instant est pour
le mieux, bien que certainement parfois douloureux. Quand il se manifeste en
tant que 'tout-perdu', il y a une chance qu'il puisse aussi se manifester sous
forme de 'tout-gagné'. Aspirer intensément à ce qui aide pour progresser vers
la lumière de Vérité est salutaire, car cela éveille la conscience de cette
Vérité.
Vraiment, il est partout en tout temps.
L'effort d'éveiller sa
propre nature est le devoir de l'homme et de la femme en tant qu'être humain.
On doit passer
toutes les vingt-quatre heures à la recherche de Dieu (sâdhan-bhajan). Le désir de
trouver Dieu doit être particulièrement encouragé. Exister en tant qu'être
humain signifie placer d'abord et avant tout le désir de la réalisation du Soi.
En dehors du peu de temps nécessaire pour le service de la famille, tout le
reste doit être consacré au japa, à la méditation, à la lecture des Ecritures,
l'adoration, la prière et l'offrande de soi-même. Aspirer intensément à Dieu et
pleurez pour lui en tant que tel. Si vous en avez la possibilité et la chance,
allez au satsang : quand ce n'est pas possible, efforcez-vous de garder un
sentiment pur, comme une pierre
précieuse au fond de votre coeur.
2
Dites la vérité à tous.
Les petits secrets, les faux-semblants et les ruses reviennent à tromper les
gens. Cela ne sert qu'à vous envoyer dériver sur une mer de misère. Une vie
simple et pure tend à la joie et au bonheur suprême.
Travaillez avec vos
mains et gardez le nom de votre divinité d’élection, ishta, présent à l'esprit.
Cela améliorera votre travail et peut aussi faire du bien à votre famille.
Mener une vie de famille
sans tenir compte des devoirs religieux, c'est s'embarquer sur un océan de
misère. Si on cherche la vie de famille, elle doit toujours être fondée sur les
directives de la religion et de ce qui est juste.
Quelques réminiscences de Patoun
à propos de Vijayananda
Patoun a été associé avec Mâ depuis la
naissance. Ses parents ont rencontré Mâ à Shimla en 1936, et lui-même est né en
1940. Il a rencontré Vijayananda en 1951, dans leur maison de Delhi où il
recevait les membres de l'ashram de Mâ quand ils passaient avec
3
elle
dans la capitale ou qu'ils y venaient pour des démarches administratives.
Patoun est resté célibataire, mais n’est pas rentré dans les ashrams de
Mâ : il a eu une carrière brillante dans le monde , il a été
ingénieur-chef pour toute l'électricité de l'Uttar-Pradesh, une
"province" qui compte quand même 150 milllions d'habitants...
Il est
depuis quelques années à la retraite, sa mère est décédée il y a un an, et il
s'est maintenant installé en permanence à l'ashram de Mâ à Kankhal. Il s'y
occupe d'archiver de façon très systématique tous les documents écrits, sonores
ou filmés à propos de Mâ. On peut dire qu'il vit du matin au soir dans le monde
de Mâ. Même quand il parle d'événements qui se sont passés avant sa naissance à lui, il en connaît tellement les
détails que quand il les raconte, on a
l'impression qu'il y était !
Comment votre famille est-elle venue en contact avec Mâ ?
Cela a été à Shimla, en Himachal Pradesh, en 1936. Il faut se rappeler que Mâ a
commencé à voyager dans le nord de l'Inde à 1930, elle se déplaçait en suivant
son khéyâla, et il n’y avait pas d’itinéraire fixé longtemps à l'avance. En
1934 elle est venue à Solan et le raja du lieu est devenu un de ses fidèles
proches, nous l'appelions Yogibhai, et il a même été le premier président de la
Sangha de Mâ.
Le médecin-chef
de ce petit royaume de l'Himalaya était le docteur Joshi; il avait entendu
parler de la venue de Mâ à Solan, il en a informé son frère Hari Râm Joshi,
celui-ci est venu finalement
4
rencontrer Mâ à Dehra-Dun. Il était lié aussi à Bhaïjî
duquel il a reçu l'initiation, et c'est lui qui a organisé en 1960
l'acquisition du terrain de l'ashram de Dhaulchina au-dessus d'Almora, ville
dont il était originaire.
En 1936,
probablement en juin, Mâ est venue soudainement de Shimla à Solan. C'était en réponse
aux prières d'un sannyâsi avancé spirituellement, Dayal Baba. Celui-ci avait
pris la résolution intérieure, le sankalpa,
de quitter son corps à une date particulière. Il désirait beaucoup avoir la
présence de Mâ auprès de lui pour ce passage, de fait il répétait son nom à
voix basse, l'entourage ne pouvait pas très bien savoir s'il s'agissait du
mantra de son ishtâ-dévatâ ou de celui de Mâ. Vers 3 h - 45 ou 4 heures dans
l'après-midi, Mâ s'est présentée dans l'embrasure de la porte. Dayal Baba s'est
exclamé : "Mâ, vous êtes venue
!" et il a quitté son corps. Dans les jours qui ont suivi, Mâ a habité
dans la chambre juste à côté de celle de Dayal Baba, c'était une sorte de
mini-dharamshâla attenante au temps de Kali où se réunissait la communauté bengalie
des fonctionnaires intéressés par la vie religieuse. Il faut savoir qu'à
l'époque, Shimla était la capitale d'été du gouvernement de Delhi, et que cette
capitale venait de se déplacer, aux environs de 1930, de Calcutta à Delhi même.
Il avait donc principalement des Bengalis à tous les niveaux du système
gouvernemental. Ils appelaient leur temple de Kali à Shimla Kali bari, « la maison de
Kali », comme au Bengale.
Dayal Baba
lui-même était probablement aussi d'origine bengalie, mais on ne savait rien
sur son passé, il vivait avec juste des vêtements pour se couvrir, et tout ce
qui lui venait en surplus, il le donnait aux nécessiteux. C'est à cause de cela
que les gens de la
5
région lui avait donné ce nom de Dayal, celui qui est
plein de compassion.
Il s'est
trouvé que mon oncle, Dhirendranath Datta, étaient là au moment du décès de
Dayal Baba, il a donc vu Mâ de près, mais n'a pas cherché à rentrer en contact
: telles étaient les coutumes de séparation entre hommes et femmes à cette époque,
ce que les hindous appelaient avec les musulmans le parda, le voile. C'est ce même oncle qui s'est occupé ensuite de la
construction de l'ashram de Delhi. À l'époque, son emplacement se trouvait dans
une zone tout à fait isolée au sud du temple de Kalkaji, le terrain était aride
et infesté de scorpions et de serpents. Il y avait de plus très peu de
ressources financières, les fidèles donnaient ce qu'ils pouvaient, et on peut
dire que cet ashram a été construit brique après brique.
Pour en revenir
à Shimla, mon oncle a répandu la nouvelle qu'une certaine Mâ Anandamayî était
arrivée du Bengale. Peu après, il y a eu l'anniversaire annuel du temple de
Kali avec un déroulement qui était le suivant : on commençait les chants autour
d'une colonne centrale décorée des images de Krishna, Râdhâ, etc. pendant toute
la soirée, on arrêtait pendant la nuit et le lendemain on reprenait.
Pendant toute
la journée jusqu'au soir, on faisait la procession dans la rue, ce qu'on
appelle depuis l'époque de Chetanya Mahaprabhu au XVIe siècle au Bengale le
nagar kirtan. Le soir, Mâ est venue, elle était déjà dans une sorte de bhâv,
mais elle ne l'a guère exprimé. Par contre, le lendemain matin, elle était
complètement prise par ce bhâv comme à l'époque de Dhaka. C'était la première
fois dans le nord de l'Inde que cela lui revenait. Elle s'est d'abord installée
avec les femmes, qui étaient séparées par une cloison de bambou des hommes,
chaque groupe étant assis d'un côté du temple de Kali. Elle a passé cette
cloison et est venue danser au
6
milieu des hommes entourée par Bholonath, Gurupriya Didi
et le père de celle-ci, Akhandanandaji, qui essayaient de guider sa transe,
mais celle-ci est vite devenue incontrôlable Cela se passait vers 9 h 30 ou 10
h du matin. Mâ s'est mise à pivoter sur un seul gros orteil en suivant le
mouvement du groupe, ensuite elle s'est roulée sur le sol comme une feuille
morte, puis elle est revenue en position assise avec le visage inondé par un
éclat intense. Il faut comprendre que ce comportement n'était pas
extraordinaire dans le milieu vishnouïte du Bengale en général, et en
particulier dans ce groupe. Il arrivait régulièrement que certains soient pris
par un bhâv, et cela augmentait d’autant l'intensité des autres
participants. Tout ceci pour dire que les réguliers de ce groupe de kirtans ont
compris que Mâ avait en fait par rapport à eux une autre intensité : ils ont
découvert en elle les signes qu'ils avaient lus dans la vie de Chaitanya
Mahâprabhou; ils étaient pénétrés de cette culture et avait été souvent étudier
l'art du kirtan à Navadveep au nord de Calcutta. C'était là qu'avait vécu
Chaitanya Mahaprabhou et l'endroit était donc devenu depuis un grand centre de pèlerinage du Bengale. A partir
de ce moment-là, le groupe a été fortement attiré par Mâ. Quelques jours plus
tard, elle est partie dans la ville d'à côté, Solan, et toute l’assemblée s'est
déplacée pour la voir durant la fin de semaine. Mes parents en faisaient
partie, et c'est ainsi qu'ils sont venus
en contact avec Srî Mâ.
Nos
rapports avec Vijayananda
Nous sommes
revenus à Delhi de Calcultta en fin 1951. C'est à ce moment-là que Vijayananda
a commencé à visiter notre maison,
7
quand il accompagnait Mâ dans ses déplacements. À cette
époque-là, il n'y avait que quatre "étrangers" autour de Mâ :
Vijayananda, Atmânanda, Jack Unger et Keshavananda. Ce dernier, en tant que
Parsi, était considéré comme étranger par les hindous orthodoxes de l'ashram,
bien qu'il ait été de nationalité indienne. C'était la période où le centre de
gravité des activités de Mâ se déplaçait progressivement de Bénarès vers Delhi.
Les responsables de l'ashram venaient
souvent, car en cette époque de l'après-guerre, beaucoup de choses étaient encore
rationnées : la nourriture, le ciment pour les constructions, et il fallait des
autorisations gouvernementales pour tout, même pour organiser de grandes
cérémonies religieuses. Au début, les ashramites avaient quelques hésitations à
venir habiter dans une maison de gens "du monde". Mais Mâ les a
rassurés en disant : « Allez-y ! C'est un ashram ! ».
De fait, la
vie de la maison était tout à fait réglée : mon père se levait vers 3 heures ou
3h30, et après son bain, faisait la poûjâ de quatre heures à 7h ou 7h30, moment
où il se préparait pour partir au bureau. À ce moment là, ma mère continuait
dans la même chambre consacrée aux rituels et à la méditation. Le soir nous
avions des chants, sandya kirtan.
Les gens de
l'ashram se sentaient aussi à l'aise chez nous car la vie y était naturelle et
sans inhibition. AvecVijayananda, nous avions des relations très amicales, et
mangions régulièrement à la même table. Il se souvient que je lui ai posé
beaucoup de questions à l'époque, c'est vrai que j'étais très curieux de savoir
pourquoi un Occidental comme lui était venu vivre la vie traditionnelle de
l'Inde auprès de Mâ. En fait, ces ashrams de Mâ représentaient notre famille,
et pour les vacances par exemple,
c'était là que nous nous rendions.
8
Plus tard,
quand mes parents ont quitté les logements de fonction pour construire leur
propre maison à Aurobindo Place à Delhi, ils sont devenus comme des vânaprasthas, c'est-à-dire le stade
intermédiaire entre la vie de famille et celle de sannyâsi. Nous les enfants étions
dispersés aux quatre coins de l'Inde, et Mâ est venue habiter trois ou
quatre fois dans la chambre de séjour qui était plus ou moins séparée par la
cour du reste de la maison. C'était le signe qu'elle considérait cette demeure
comme un ashram, car sinon, elle observait la règle des sannyâsis de ne pas habiter dans les demeures des familles.
L'anniversaire
de Mâ à Solan en 1955
A cette
occasion, nous avons habité dans la même petite maison que Vijayananda. Toutes
les chambres donnaient sur la même véranda, nous étions quatre ou cinq garçons
dans l’une d’entre elles, et Vijayananda en avait une autre petite où il
résidait seul. Nous étions plutôt excités, et nos jeux s'accompagnaient
régulièrement de cris et de rires aux éclats. De temps en temps, Keshavananda et Tapanda (devenu maintenant
Nirvananda) nous rappelaient que Vijayananda méditait et nous disaient
gentiment de baisser le volume. Mais celui-ci ne se mettait jamais en colère
contre nous, il ne sortait même pas de temps en temps pour nous dire de faire
moins de bruit. Après plusieurs jours, nous avons nous-mêmes été étonnés de sa
patience, et lui avons demandé ce qu'il faisait pour supporter tout notre
chahut. Il nous a alors montré du coton et de la cire qu'il mettait dans ses
oreilles... [Plus tard, Mâ a conseillé à Vijayananda de ne pas recourir à ce
genre « d'aides au silence »]
9
Notre
maisonnette commune était proche de l'habitation de Mâ, il y avait un court de
tennis qui avait été transformé pour l'occasion en lieu de réunion, de kirtans
et de satsang; mais Vijayananda, quant à lui,
ne se laissait pas impliquer dans les discussions avec ce qu'on appelait
les bhaktas de Mâ, il était très centré dans sa sâdhanâ, et se tenait à
distance. Il ne posait pas non plus de questions en public. Même dans le groupe
pendant le satsang, il ne prenait pas le prasâd qui était distribué à tous. Il
l'acceptait des mains de Mâ, ou alors s'il était envoyé expressément pour lui
de la part de Mâ. En fait, nous ne le
voyions sortir de sa chambre que pour les nécessités de la vie quotidienne.
Maintenant que j'ai plus d'expérience de la sâdhanâ et de me tenir à part, je
peux bien apprécier ce fonctionnement. Quand on a ses états intérieurs, on a
envie de continuer dedans sans être dérangé.
De nos jours, il
parle beaucoup plus aux gens : le changement s'est opéré à l’époque où
Atmânanda nous a quittés. Je me souviens avoir parlé avec lui après cet
événement, il m'a dit qu'effectivement, il sentait que c'était désormais à lui
de répondre aux questions des Occidentaux à propos de Mâ et de la vie
spirituelle comme Atmânanda l'avait fait pendant des dizaines d'années. Il
reconnaissait que ces étrangers avaient fait l'effort de venir de très loin
recevoir quelque chose de Mâ, est donc qu'il devait servir de lien.
Ce qui nous
frappait aussi chez Vijayananda, c'était qu'il acceptait les coutumes brahmines
comme elles étaient. Pourtant, ils ne pouvaient pas manger sous le même toit
que les autres, on leur servait la nourriture dans des embrasures de portes,
parfois par la fenêtre, et on les envoyait manger sur des terrains qui étaient
parfois sales. Mais pas une fois n'avons-nous vu sur leur visage de réactions
de mécontentement ou de colère. Ils restaient indifférents. Il était
10
clair qu'ils
étaient venus là pour Mâ, et non pour des questions de salle à manger.
A la base, la
vie traditionnelle de l'Inde ainsi que celle des brahmines du Bengale avait
beaucoup de points positifs. Les relations étaient moins dictées par l'argent,
et finalement plus humaines. Par exemple, les servants faisaient réellement
partie de la famille, c'était la coutume par exemple qu'ils mangent d'abord et
que la maîtresse de maison mange après. Ils participaient pleinement aux fêtes
de famille, par exemple aux mariages à l'extérieur. L'idée d'un service
ponctuel en échange d'un paiement également ponctuel n'existait guère, les
échanges se déroulaient dans le cadre d'une relation à long terme, et le
résultat global consistait en des rapports beaucoup plus humains.
Dans la
dernière partie de l'existence de Mâ, il y a eu des gens importants, des
politiciens qui sont venus visiter fréquemment l'ashram, et les membres de la
communauté se sont mis à être distraits, à choisir ceux qu'ils aimaient ou non,
en un mot d’avoir leurs préférences, d'où l'apparition de clans. Mais pendant
toute la première partie, nous formions réellement une famille, chacun étant
centré sur Mâ à sa manière. Il y avait par exemple Bhagavatananda, un
ex-journaliste devenu sannyâsi auprès de Mâ. Il recueillait de façon méticuleuse
les paroles et les dialogues de celle-ci. Nous étions encore enfants, mais
pourtant il nous indiquait en cachette des questions complexes à poser à Mâ
pour qu'elle puisse les développer. Nous ne comprenions guère ce qu'elles
voulaient dire, mais nous les posions néanmoins à sa suggestion. Nous formions
une seule famille, et pour chacun d’entre nous, Mâ était le centre.
Patoun
11
Ma première rencontre avec Mâ
Par un Européen
C'était en 1971,
j'habitais à l'ashram de Ramana Maharshi à Tirouvannamalaï. Un jour, j'ai
visité dans leur chambre un couple d'américains que je connaissais et ils m'ont
dit qu'ils venaient d'aller à Calcutta et avaient rencontré une femme sage qui
les avait fort impressionnés. Ils m'ont montré une photo de la vieille dame -
mais c'était en fait juste l'impression que cela m'a fait- la photo d'une
vieille dame. La pensée qu'une femme pouvait être sage me paraissait bizarre à
l’époque et je n'étais pas intéressé.
Quelque temps plus tard, nous avons reçu la nouvelle que Mâ
Anandamayî, qui était cette dame qu'ils avaient rencontrée, venait dans le sud
à Madras pour la première fois en vingt ans - car d'habitude elle voyageait dans
le nord de l'Inde. Je pensai alors que si je devais la rencontrer, il me
fallait au moins avoir quelques renseignements à son sujet. Dans ce sens, j'ai
rendu visite à Mme Talyarkhan, une dame qui vivait près de l'ashram et faisait
partie de ses fidèles, comme je l'avais entendu dire. Elle me montra un petit
album de photos à son sujet, et je l'ai pris dans ma chambre pour l'étudier. En
en tournant les pages, je suis tombé sur une photo qui est devenue pour ainsi
dire vivante. On pouvait trouver une telle énergie qui en émanait! Cela m'a
profondément touché. Je n'avais jamais vu auparavant une photo qui ait eu cet
effet.
À partir de ce moment-là, je
pouvais à peine attendre sa venue tellement j'étais impatient. Chaque jour, je
comptais les journées qui me séparaient de son arrivée - 58, 57,56... Si le
lecteur n’a jamais été envoyé dans une pension, il saura comment les jeunes
enfants comptent les jours jusqu'à celui où ils
12
pourront revenir à la maison. D'une façon inexplicable, il en était pour
mo ur moi ainsi.
Finalement cette journée en
janvier est venue. Il y avait un groupe d'occidentaux qui résidait à l'ashram
de Shrî Râmana Maharshi et peut-être une douzaine d'entre nous sont partis en
car pour Madras. Mâ Anandamayî résidait pour trois jours dans une maisonnette
secondaire située dans la propriété d'une grande demeure, celle de Madame M.S
Subhalakshmi et de son mari Shri Sadasivan. Quand nous sommes arrivés là-bas,
une foule s'était déjà rassemblée. Nous descendîmes une pente vers les gens,
tous en blanc, et je me demandais si Mâ ressortirait d'une façon ou d'une
autre. Même à distance, mes yeux ont été attirés par une silhouette assise sur
un lit, habillée en blanc avec des
cheveux noirs. Quand je me suis approché, j'ai pu voir qu'elle était assise de
côté en regardant vers la gauche de la foule, sans aucun mouvement. Elle
semblait ne pas regarder qui que ce soit là-bas, ses yeux étaient fixés juste
devant elle. Peu après, je me suis mis à contourner l'endroit pour arriver du
côté des gens afin de la voir directement en face. Je me suis aperçu que mon
corps s'était mis à trembler sans aucune raison. Heureusement, il y avait une
rampe sur le côté du bâtiment, et je m'y suis retenu, secoué que j’étais par
des tremblements. Tout ceci était mystérieux pour moi. Après quelques temps, le
darshan s'est achevé et Mâ s'est
retiré, retirée, nous ne pouvions plus la voir.
Notre groupe est reparti vers
les hôtels, mais cette nuit, je ne pouvais pas dormir du tout. J'étais juste
allongé dans un état complètement paisible et alerte. Le jour suivant, nous
sommes retournés à la maisonnette de Mâ et nous avons trouvé à nous asseoir
juste en face de son lit. Comme nous étions en janvier, il faisait frisquet
mais il y avait un ciel bleu et brillant, et le soleil produisait des effets de lumière et d'ombre
sur le sol à travers les branches des palmiers. Pushpadî et d'autres jeunes
femmes de l'ashram chantaient des kirtans si beaux que l'on se sentait au
paradis.
13
Après quelques temps, Shrî Mâ
est sortie et s'est installée. Le kirtan s'est poursuivi, des vagues d'émotion
remontaient en moi, d'où, je ne sais, et
je ne pouvais pas non plus dire pourquoi - mais c'était difficile à contenir.
Une fois le darshan fini, Mme Talyakhan a fait en sorte que notre groupe puisse
rencontrer Mâ en privé. En effet, nous la connaissions, et c'était elle qui
avait organisé la tournée de Mâ. Celle-ci s'est assise dans un pandal à
l'arrière de la maison et nous nous sommes prosternés devant elle un par un.
Comme j'étais familier avec la manière dont Râmana Maharshi regardait
directement dans les yeux, j'espérais qu'une telle chose puisse survenir. En
m'agenouillant, je regardai Mâ et je
sentis que ses yeux étaient dirigés de ci de là... Ensuite, progressivement, elle
les ramena et nos yeux se rencontrèrent, se touchèrent et les siens s'en
allèrent de nouveau.
Après le darshan, nous avons
été invités à déjeuner dans la demeure de Mme Subhalakshmi et de son mari. Elle
était en fait un vrai palais.
J'ai oublié tous les détails
des satsangs qui ont suivi tandis que Mâ était à Madras, mais ce qui est resté
fortement gravé dans ma mémoire, c'est quelle était en silence. Elle écrivait
sur la paume de sa main ou sur celle de quelqu'un d'autre ce qu'elle souhaitait
exprimer. Mme Subhalakshmi et sa fille Radha ont chanté plusieurs fois - et
ceux qui la connaissaient et étaient au courant de sa dévotion pourront
imaginer comment l'exécution de ses chants pouvait être belle quand elle était
assise au pied de Shrî Mâ. Mâ elle-même a chanté, en particulier He Bhagavan,
je me suis dit que c'était peut-être à cause de l'influence visible des
nombreux fidèles de Ramana Maharshi qui était présents. [Ramana Maharshi était
souvent appelé Bhagavan, ce qui signifie Seigneur]
Le jour suivant, je pense, est venu le
moment pour Mâ de prendre le train de Trivandrum, où elle devait assister une
cérémonie à la demande du Maharadjah de Travancore. Nous nous sommes rassemblés
à la gare pour lui dire au revoir. Il était touchant de voir MS Subhalakshmi
presser ses mains sur son coeur et ensuite vers Mâ, et Mâ, (en maun à cette époque) lui
14
répondre de la même manière silencieusement. Mâ était assise les jambes
croisées sur son siège et quand le train a pris de la vitesse, j'ai couru avec
lui et j'ai vu ses pieds menus quand elle les a mis sur le sol une fois que les
gens étaient partis.
Les effets de cette visite à Mâ
ont exigé quelque temps pour être digérés, j'étais réellement bouleversé. Mais
déjà, je faisais des plans pour savoir quand je pourrais aller la rencontrer
une prochaine fois...
L’européen qui a écrit ces lignes vient encore
régulièrement à l’ashram de Mâ, et il a pu redire ses expériences en novembre
2005 même à une équipe qui enregistrait sous forme d’un documentaire vidéo les quatre grandes cérémonies de
l’ashram de Mâ à Kankhal et effectuait des interviews de certains de ceux qui
viennent y participer.
Védanta et modernité
Par Bithika Mukerjî
Nous continuons la présentation d’extraits de ce
livre de Bithika Mukerjî ; celle-ci est la biographe principale de Mâ et
une ancienne professeur de philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès. Le
livre a été écrit à l’occasion d’une bourse qu’elle a obtenue pour étudier deux
ou trois ans dans une université canadienne. Elle raconte dans ses souvenirs
que son arrivée au Canada a été marquée par la découverte d’un cancer, c’était
il y a une trentaine d’années mais elle a guéri et est toujours bien vivante,
maintenant
15
âgée de 80 ans. Elle habite à Allahabad. Elle
n’avait parlé pratiquement à personne de cette maladie, et Mâ a loué hautement
son courage quand elle a appris ce qui s’était passé.
Quelques questions
posées par la modernité
Nous ne rentrerons pas dans le détail des problèmes posés par la modernité,
en effet, les lecteurs français qui sont plongés dedans les connaissent
directement d'expérience. Cependant, deux citations d'auteurs Occidentaux que
fait Bithika Mukerji suffiront à poser les certains faits :
"Pourquoi à notre époque, des sociétés qui
sont pleines d'abondance industrielle et
de génie scientifique sont devenues plus laides par leur violence totalitaire qu'aucun peuple
barbare ? …Pourquoi le nihilisme et la névrose planent sur ce que nous nous
plaisons à appeler les sociétés "développées", prenant un tribut
aussi grand de bonheur humain que les manques matériels évidents du Tiers-monde
? " [2][1]
Cette autre réflexion situe
également bien le problème de notre société de consommation postindustrielle.
"La nausée existentielle a toujours perturbé les riches ; la démocratie
l'a maintenant mis à la portée de tous".[3][2]
Pour mieux comprendre les
différences de contexte de fonds indien qui a donné naissance au védanta, il
n'est pas inutile de
15 bis
rappeler quelques facteurs importants qui ont donné forme à la pensée
occidentale. Commençons déjà par Platon :
"Pour celui-ci, l'homme était
en possession d'une raison qui pouvait l'amener à la vision du réel et du bien.
La nature, donc, n'était pas épuisée en découvrant la cause des événements,
elle restait enracinée dans l'ordre éternel des formes. L'âme de l'homme était
activée par le même principe qui activait la nature. Celle-ci n'était pas
simplement un objet pour la recherche mais elle se trouvait nécessairement
reliée au bien-être de l’homme. En se centrant sur le fond immuable derrière
l'ordre changeant de l'existence, la tradition platonique a agit comme un frein
sur le processus d'aliénation qui a séparé l'être humain de la nature. "
On sait que le christianisme,
malgré son dogmatisme, a préparé à l'étude et à l'exploitation de la nature, en
particulier en développant la notion d'individu séparé d'elle. Cela peut être
une simplification, mais pas complètement illicite, de dire que les deux grands
philosophes, Kant et Hegel, ont fait un
lien entre science et religion d'une manière qui a influencé pour de bon le
cours de la pensée occidentale depuis leur époque. Le premier pas majeur dans
l'avènement de l'âge de la Raison peut être identifié chez Kant dans la
réfutation des preuves traditionnelles de l'existence de Dieu par
l’établissement de la suprématie de la loi morale comme seul objet digne de
respect. L'union de la vertu et du bonheur représente le bien suprême envisagé
par la raison et la demande pour ceci vient de la loi morale elle-même ;
la nature est indifférente à cette rencontre ; la seule source donc de ce
bonheur est Dieu ; dans les mots mêmes de Kant, "il est moralement nécessaire d'assumer
l'existence de Dieu".
Il a renversé ici la relation
traditionnelle entre moralité et religion. Cette réorientation des arguments en
faveur de l'existence de Dieu a
16
eu de grandes répercussions dans la tradition occidentale. On peut dire que
la coexistence pacifique de la raison et de la révélation a été bouleversée par
la théorie révolutionnaire de Kant. L'autonomie morale est achetée à un certain
prix : "Le même acte qui s'approprie la loi morale donnée par Dieu réduit le fait qu’elle soit donnée par Dieu à
l'inutilité."[4][3] En d'autres termes, dans un monde rendu
vulnérable aux tendances séculaires par les découvertes scientifiques, Kant a
procuré la clé pour l'indépendance morale. En lui accordant une volonté qui
légifère d’elle-même, il a rendu possible ce phénomène de l'être humain, maître
de sa propre destinée et debout seul au carrefour de l'histoire.
Chez Hegel, la substitution du
christianisme par une foi suprême en la
destinée historique de l'homme européen a été consommée… En conférant de la
fluidité à la dimension de la vérité, Hegel
a garanti qu’une qualité de religiosité imbiberait toutes les théories
de progrès devenues en vogue depuis cette époque. Si nous en venons maintenant
au XXe siècle, de nouvelles questions sont apparues : "De tous les
changements que le XXe siècle a apportés, aucun ne va plus profond que la
disparition d'une foi aveugle dans le futur et dans la valeur absolue de notre
civilisation, ce qui avait été la note dominante du XIXe siècle."[5][4]
La question qui réclame notre
attention maintenant, c'est de savoir pourquoi le fait de vivre à notre époque
est une expérience d’aliénation pour l’homme d’Occident quand, paradoxalement,
il a à
17
sa disposition toutes les possibilités d'une richesse et d'un pouvoir
croissants, ainsi qu'une religion fortement institutionnalisée qui peut agir
comme une force d’unification pour l'ensemble du monde chrétien.
Le facteur crucial qui sépare le
XXe siècle du précédent, c'est l'échec de l'histoire pour l'Occident. En ces
années où la science a apporté de plus en plus de mécanisation, l'être humain
savait qu'il était aliéné de la nature. Après les deux guerres mondiales, il
s'est senti en plus aliéné de l'histoire. Comme le dit un poète de
l'après-guerre :
Notre divinité, l’Histoire, nous a creusé une tombe ;
pour en sortir, il n'y a pas de résurrection.[6][5]
Les religions du Livre attendent
une fin du monde –ainsi que la venue d'un Messie pour le judaïsme et le
christianisme. Dans leur esprit, cela donne un sens, une réalité à l'histoire
et à l'évolution du monde. Et ils pensent que les religions ou les conceptions
philosophiques qui n’ont pas cette notion de l'histoire comme un axe à sens
unique sont en dehors de la réalité. Mais considéré à partir de ces autres
points de vue, l'attente d'un Messie est une illusion, et ce n'est pas en
ajoutant une illusion à la réalité qu'on lui confère plus de réalité.
Pour être bref, il faut aussi
faire une distinction entre la science, qui en découvrant les lois de la
nature, reste proche d'elle et d'un certain humanisme, et la technologie pure
et dure qui fabrique seulement de l'artificiel. Celle-ci nous entraîne dans une
course à la réalisation de toutes sortes de désirs, mais sans que nous ayons
aucune idée du but final de ce marathon. Dans ce sens, on raconte
18
l'histoire de la patte de singe, qui était en fait un talisman magique pouvant réaliser automatiquement trois vœux
de son possesseur. Quelqu'un qui venait de l'obtenir a demandé comme premier
vœu 100.000 roupies. Peu après, un représentant de la société où son fils était
employé vint pour lui dire que celui-ci était mort dans un accident de travail
écrasé par un véhicule. Comme compensation, la société donnait au père 100.000
roupies. Son second vœu fut donc que l'enfant revienne, et par conséquent le
fantôme de l'enfant tout mutilé est
apparu en frappant à sa porte la nuit. Etant donné tout cela, son troisième et
dernier vœu fut que l'enfant s'en aille pour de bon...
Pour conclure cette partie, il faut aussi rappeler un fait nouveau qui a bien
pénétré maintenant la pensée post-moderne, c'est la possibilité concrète
d’auto-anihilation de l'humanité.
La réponse indienne à la tradition occidentale
La question principale est maintenant,
comme cela l'a toujours été, la liberté de l'homme. Toutes les traditions,
chacune à sa façon, ont nourrit des idéaux de liberté personnelle, de justice
sociale et de vénération pour Dieu. L'ombre de la néantisation plane sur ces
idées car le processus de pensée lui-même est en train d'être remplacé ou pris
de court par des statistiques et des planifications informatisées dans chaque
aspect de la vie humaine.
On peut facilement voir que les inventions
technologiques ajoutent de nouvelles dimensions à notre monde, transformant
ainsi toutes les structures existantes de significations par lesquelles la vie en société est soutenue. Ce changement
radical n'est pas du domaine des arts créatifs comme la musique ou la peinture.
Ces créations ne changent
19
pas ce qu'elles
cherchent à comprendre. Un morceau de musique brillant, un chef-d’œuvre peut
être copié une centaine de fois sans affecter la pureté première de l’œuvre
originale. La répétition est ici simplement la célébration de l'unicité de la
première vision. Le mystère du dialogue entre l'artiste et la nature est
préservé de cette façon pour les générations à venir. Avec les inventions
scientifiques, au contraire, on ne peut progresser qu'en rejetant ce qui est
devenu désuet. Le premier type de création conquiert le temps, le second est
vaincu par le temps.
Pour le philosophe, connaître n'est pas
faire et fabriquer, mais être prêt à recevoir. La pensée philosophique ne peut
opérer qu’entre une recherche de connaissance et une expérience qui consiste à
recevoir cette expérience d’un Autre, ce qu'on pourrait appeler
"l'attente". La liberté ne peut survivre que dans le clair-obscur de
cette "attente". Pour le philosophe, les questions sont plus
importantes que leurs réponses, car par le fait même de formuler une question,
il évite de lui donner une réponse automatique ; pourtant, poser la question
est crucial puisque c'est la seule forme de préparation pour ce qui peut faire
venir une vision de la Vérité. La vérité philosophique ne peut être créée mais
simplement reçue, vue, réalisée ou
expérimentée sous forme de saisie immédiate.
Ce qui sépare la pensée moderne occidentale
des traditions pourrait être résumé en disant qu'il s'agit du "renoncement
au concept de connaissance en tant que contemplation". Du point de vue de
la pensée indienne, la séparation entre un ordre du monde changeant et ce qui
reste caché et immuable est essentielle. Tout ce qui change est une
présentation, une apparence de ce qui ne change pas. On peut dire que
l'ensemble de la pensée indienne rend compte de cet Immuable sous-jacent à cet
ordre d'existence dont le côté changeant
20
nous est donné de toute
façon a priori. Cette idée de "séparation" pénètre l'ethos de l'Inde.
Celle-ci sous-entend une exigence de discernement entre ce qui est de la nature
de la permanence et son opposé ; et inévitablement, il nous est instamment
demandé de nous dégager de ces activités ou liens qui sont seulement agréables
mais finalement insatisfaisants afin de concentrer notre attention sur ce qui
amène à voir la vérité.
L'usage inévitable de termes négatifs dans
ce contexte donne malheureusement une mauvaise impression, mais il s'agit d'une
référence à l'ontologie et c'est une manière légitime d'attirer l'attention sur
cette discontinuité essentielle qui est précisément la manière de se relier au
fonds de toute existence. Dans les Upanishads, le renoncement et la félicité de
la plénitude sont considérés ensemble,
comme une seule et même Unité.
Il est habituel de dire que l'axe
principal de la pensée des Upanishads, c’est d'établir l'unité de Brahman, qui
est le fonds ontologique de tout ce qui est. Il serait bon aussi d'ajouter
qu'il y a également un effort majeur qu'on peut identifier en engageant
l'attention de l'être humain dans le sens d'une recherche de cette réalité
unifiée.
Les textes sacrés sont considérés
indispensables à cette recherche ; ils éveillent dans l'esprit le goût à la
recherche ; cette quête de la base de notre être n'est pas naturelle dans
la situation de l'être humain en ce monde. Nous sommes en général fascinés et
suspendus à ce qui nous est donné comme expérience. Sans les textes, il n'y
aurait pas d'indications de la connaissance d'autre chose que notre expérience
du monde. Ces textes sont donc les seuls indicateurs d'une quête vers une
région qu'on dit suprêmement signifiante pour l'être humain.
21
La tradition ne se centre pas sur la
réalité du monde et tout ce que signifie une adaptation réussie dans celui-ci,
car l'on ne peut échapper à cet engagement. Le monde est notre seule sphère
d'activité connue, et il n'y a donc pas lieu d'insister sur ce qui est évident.
C'est la nature de l'homme de prendre plaisir au monde et de sentir toutes les
émotions qui le maintiennent en contact avec ses congénères. L'environnement de
la nature est aussi un élargissement de
ses centres d'intérêt. Dans la tradition, la forêt est aussi importante que la
cité, mais la vie de la cité est considérée comme une préparation pour celle de
la forêt.
Comme nous l'avons déjà dit, la tradition
n'est pas la continuation absurde et la répétition de principes vieillissants.
La tradition cherche à préserver et la pureté de ces indicateurs d'une vie qui,
tout en étant vécue en ce monde, permet de recevoir cette bénédiction qu’est le
don de la vérité. Ceci ne veut pas dire qu’une tradition ne peut pas changer du
tout, comme le voudraient les intégristes. Cette attitude rigide n'est pas un
bon moyen de soutenir de façon vivante les valeurs d’une tradition.
Si les philosophes de l'Inde du XXe siècle
se sont centrés sur Kant et Hegel, c'est aussi parce qu'ils n'avaient pas
d'intérêt spécial pour le christianisme ; l'affirmation de celui-ci selon
laquelle il possédait la vérité de façon exclusive les faisait fuir d'emblée,
car ils considéraient que c'était directement contraire à l'esprit de la
philosophie ; par contre, la réflexion et la comparaison avec des philosophes
Occidentaux leur paraissait une bonne solution. Dans la tradition indienne, il
y avait une haute exigence pour bien comprendre et présenter le point de vue
des critiques et opposants. Par exemple, les universitaires indiens ont bien
repéré qu'il y avait un lien entre le Soi de l'Inde et "la chose en
soi"(das Ding) de Kant,
22
au-delà de toute
capacité d'appréhension de la raison, même pure. Par contre, ils ne sont pas
d'accord pour dire que ce qui n'est pas perceptible par la raison n'est pas
expérimentable. C'est là tout le champ de l'expérience mystique, autour de
laquelle gravite la philosophie
traditionnelle de l'Inde.
Les philosophes indiens du XXe siècle
ont essayé d'expliquer le védanta aux esprits occidentaux à travers la
philosophie comparée, mais ils n'y ont guère réussi. Les philosophes
occidentaux ne se sont pas intéressés à cette entreprise, et les Européens ou
Américains qui se sont plongés dans le védanta l'ont fait en général pour
raisons spirituelles directement du point de vue de la tradition
elle-même ; par ailleurs, ce
néo-védanta universitaire n'a pas eu non plus de véritable impact sous forme
d'une nouvelle école de pensée, ou sous forme d'une pratique spirituelle
renouvelée.
Ce qui a rendu la base de cette philosophie
comparée fragile, c'est que les philosophes indiens étaient sur la défensive,
ils avaient une intention apologétique, il ne s'agissait pas d'une discussion
d'égal à égal, mais la philosophie de l'Inde était rejetée comme n'étant même
pas de la philosophie.
La rencontre la plus sévère entre les deux
mondes de pensée fut à propos de l'eschatologie. On peut dire que le thème
central de la tradition occidentale après l’avènement du christianisme a été le
temps. Le temps est l'aire de l'action providentielle de Dieu que nous devons
réconcilier avec la conception du temps comme histoire qui a été établie par
l'être humain. Le présent est ainsi maintenant à cause de la manière dont a été
le début, et le futur dépendra de la manière dont on modifie le présent, ce qui signifie que l’on
peut faire survenir dans le futur ce qui
n'était pas auparavant. Un sens élevé de responsabilité pour ces processus qui
surviennent dans le temps
23
caractérise chaque mode
de pensée philosophique en Occident depuis ceux qui sont le plus sévèrement
pragmatiques et utilitaires jusqu'à ceux qui paraissent à l'extrême opposé,
c'est-à-dire les idéalistes…. En ce sens, une religion qui n'avait pas
d'eschatologie pouvait être seulement primitive, animiste, anthropomorphique,
ou au mieux panthéiste, et le panthéisme en Occident n'est pas une position
philosophique viable. Certains savants Occidentaux ont même donné comme raison
pour l'attitude de "quiétude complète" de l'Inde un type d’hérédité
inférieure, ou un climat très chaud qui
handicapait l'organisme pour un exercice actif et prédisposait à la vie
contemplative...
L'Occident monothéiste ne pouvait
être patient avec une tradition qui maintenait un dialogue ouvert, depuis des
siècles, entre un théisme soutenu par certaines écoles de pensée et
l'Absolutisme de l'advaïta. Dans la perspective de la tradition elle-même, un
tel débat était pourtant nécessaire afin de comprendre le thème central des
Upanishads. La meilleure opinion des indologues occidentaux à cette époque,
était que la tradition sanskrite avait à certaines périodes atteint des
hauteurs sublimes de la spiritualité, comme l'avait fait d’autres cultures
classiques ou païennes, mais qu'elle n’a pas été touchée par la dimension de
charité et est donc restée inconsciente du fait que "la grâce de Dieu est
toujours disponible, même si nous ne de la méritons pas."
Ce genre de critiques a été résumé en une
formule lapidaire par Radhakrishnan : "l'hindouisme est
intellectuellement incohérent et
éthiquement malsain".
Le fait est que la philosophie indienne
n'était pas réfutée, mais rejetée en bloc par les penseurs occidentaux, comme
étant une non-philosophie : pour eux, la diversité des écoles menait à
l'incohérence, et la focalisation sur l'expérience mystique en faisait un
système
24
irrationnel. Ceci dit,
la préférence pour le raisonnable par rapport au strictement rationnel est
aussi le fait de la théologie et philosophie chrétienne. En voulant défendre de
façon intellectuelle le védanta, les universitaires indiens ont insisté sur
l’être et la conscience aux dépens de la félicité - qui est pourtant le centre
mystique de l'expérience védantique. Celle-ci provient d'un détachement mental complet par rapport aux interactions
avec le monde, même si on continue à vivre dedans. Certains philosophes ont
essayé de faire dire au védanta que le monde était réel. Le raisonnement était
le suivant : "Puisque Brahman est réel et que le monde est Brahman, le
monde est aussi réel". Mais Shankarâchârya n'avait pas besoin de soutenir
la réalité du monde pour présenter son chemin de libération. De plus, il faut
savoir remettre en question le postulat sous-jacent à la pensée occidentale,
selon lequel on ne peut agir de façon juste dans le monde si l'on ne croit pas
que celui-ci est réel. Il y a une possibilité d'action juste, qui est selon le
dharma, et nous avons vu que Shankarâchârya recommande comme préliminaires au
védanta l'étude des Dharma-Shastras. De plus, les actions dictées par
l'attachement mènent aux conflits, voire aux guerres. Ceci n'est pas pour le
bien du monde.
Pour Shankarâchârya, il est évident qu'on
continue à vivre dans le monde de mâyâ. La "fausseté" de cette
mâyâ consiste à expérimenter la multiplicité quand il n'y a qu'une
réalité ; à percevoir la matière là où il n'y a pas de principe matériel ; à
considérer l'Eternel comme permanent ; à manquer l'unité derrière les
fragmentations et à demeurer inconscient du Soi caché par le non-Soi. La
vérité, c'est que mâyâ n'est pas seulement une illusion mais c'est la
"condition cosmique" qui fait apparaître l’illusion comme une réalité
à laquelle on ne peut échapper.
25
Le védanta est basé sur une
triade : révélation - raison – expérience, shrouti, youkti, anubhava. Les
philosophes du XXe siècle ont eu
tendance à laisser tomber l'aspect de révélation et d'expérience. [On peut dire
aussi que dans le néo-védanta occident actuel, on a souvent tendance à
privilégier l'expérience comme un absolu en laissant tomber complètement la
révélation, et même la raison, ce qui peut mener à des résultats étranges]...
Dans le védanta, le monde n'est pas privé
de son importance puisqu’il est l’unique sphère connue de l'activité humaine,
mais on considère sa plénitude comme un voile qu'on doit pénétrer. La
non-dualité bien comprise amène à voir l'autre comme soi-même, et elle est donc la base même d’une véritable
éthique. Il n’y a pas qu’en prêchant une relation à un Dieu personnel qu’on
peut fonder une éthique, le bouddhisme de son côté le montre largement.
Extraits de En compagnie
de Mâ Anandamayi
A paraître aux éditions
Agamat, Paris.
Traduit par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
et Jacques Vigne (Vigyânânanda)
26
Le soleil du
Soi
Par Swami Râmatirtha
Védanta
une religion pratique d'amour, de
jeu et d'innocence.
Cette unité provient d'une confiance
naturelle de chaque enfant
dans son cher Soi qui est la douceur
même.
Les raisons pour lesquelles le védanta n'attire pas les gens :
Quand
une personne pense à quelque idée nouvelle, il y a une impression qui se
crée dans la matière grise de
son cerveau. Quand un enfant vient en contact avec de nouvelles associations,
quand il lit un nouveau livre, des marques caractéristiques sont imprimées dans
les profondeurs de son mental et quand il atteint un niveau plus développé de
pensée, il peut aisément se remettre à suivre ces sillons, qui sont gravés
comme dans un disque. Cela signifie qu'il est facile de se souvenir et
d'exprimer des pensées qu'on a saisies auparavant dans son esprit. A chaque
fois que celles-ci sont discutées, elles sont facilement comprises. Par contre,
s'il y a une information sur un sujet inconnu avec laquelle une personne n'est
pas familière ou à propos de laquelle il n'a pas formé d'impressions
appropriées dans son cerveau, elle n'est pas facilement comprise et pleinement
27
appréhendée. Dans de
telles circonstances, le mental est dans la confusion ou ce genre de discussion
le porte à la perplexité…
Devant
de pareils sujets, les gens s'exclament : « Je ne suis pas intéressé.
C'est assommant ! » Bien que les mathématiques, la philosophie et les
sciences soient plutôt coriaces, nos jeunes gens doivent travailler dur dans
ces matières pour simplement passer leurs examens à l'université. Si l'on admet
que la connaissance divine du védanta aussi est difficile, il faut pourtant
l’étudier si l'on souhaite s'assurer de réussir l'examen de la mort, c'est même
essentiel. C'est une ironie du sort que la majorité des jeunes gens sont
indifférents à cet examen de la mort, qui est des plus importants et finals.
Ils ne réussissent pas à porter un intérêt quelconque à cet aspect spirituel de la vie.
Râma, dans certaines de ses conférences, développe en grand détail
l'idée suivante : si nous avons en nous le sentiment intime d'immortalité, de
liberté, de toute-puissance, d'innocence et de repos, ce sont des indices de la
réalité du Soi sous-jacent, qui possède effectivement ces qualités.
Lorsqu’on dit en védanta jagat mithya, le
monde est illusion, Râma rapproche ce terme mithya de mythe : le monde en vérité
est un mythe, seul le Soi est réel. Le fait que toute une culture ou groupe
humain croie à un mythe ne le rend pas
plus réel pour autant. Râma interprète aussi Mâyâ, l'apparence du monde, comme
mâ –yâ, « pas cela ».
Si vous limitez votre identité au corps et au mental seulement, vous
n’avez pas droit de dire Shivoham (Je suis Shiva). Ce serait vous tromper
vous-mêmes. Cela reviendrait à préparer du gâteau de riz dans un pot de cuivre
souillé et mourir d'empoisonnement. Le védanta vous autorise à
28
manger des gâteaux, mais non pas à les cuire
dans un pot en cuivre. Il ne veut pas que vous vous considériez comme le corps
ou le mental ou que vous vous déguisiez avec le masque de Shivoham. Par contre, vous
devez sentir Shivoham au plus intime de votre cœur afin qu'il
consume, comme un feu brûlant, tout complexe d’infériorité. Celui qui connaît
ce secret de l'unité avec le Tout devient sans peur et il incarne la générosité.
Sortez-vous de la boue de la conscience du corps et demeurez dans votre
Soi réel. Réalisez et exprimez Shivoham, Shivoham et que le drapeau du
Om sacré flotte librement au sommet du Mont Kailash d’ânanda, la Félicité.
Je
suis debout dans ce monde, ferme et libre. Mon cœur est plein de sérénité, de
satisfaction en soi, et de calme. Le temps et l'espace agitent leur queue comme
des chiens fidèles pour me faire plaisir. Comment puis-je être limité par les
descriptions du monde ?
- Moi et
Moi seul existe. Il n'y a personne d'autre. Où devrais-je aller?
Une voix : - Va au diable
!
Râma : - Même le
diable va au diable à l’idée même de moi. Il est détruit. Il est annihilé. Même
le temps et l’espace ne peuvent me laisser de place suffisante. Je suis au-delà
du temps et de l'espace.
Voici comment Puran Singh évoque Swâmî Râma lorsqu'il était encore à
Lahore :
A cette époque, ceux qui le rencontraient dans
les rues sentaient une étrange fascination envers lui. Concentré, absorbé en
lui-même, vibrant avec le son du Om, il allait à travers les rues et même la
chaussée vibrait sous son pas. "Dis que tu es Dieu, va au sommet de ta maison
au cœur de la
29
nuit et proclame « je suis Dieu » ô Ram ! Réveille-toi, lève-toi et dit
« je suis Dieu »", c'était ce qu'il prêchait. Il le proclamait
au plus haut de sa voix et souhaitait que ses admirateurs l’affirment :
"Je suis Dieu". Quand on lui rapportait la survenue d'une bonne
chose, quand il voyait quelque chose de beau, ou quand il entendait parler
d'une action héroïque, d’une pensée ou d’un exploit audacieux, cela évoquait
chez lui cette remarque : « Ah ! c'est du védanta ! » Védanta était
un mot qui exprimait tout ce qui était noble, beau, spirituel et glorieux dans
l'histoire humaine. Pour lui, ce n'était pas une philosophie, c'était
complètement de la poésie.
En
1905, après être redescendu de
l'Himalaya pour une période, Râma reçoit la visite des chefs musulmans de
Lucknow et leur souhaite la bienvenue en leur disant : Om ! Ils lui ont
demandé pourquoi c’était sa salutation, il leur a alors expliqué que le Om n'existe pas seulement dans l'hindouisme, mais qu’il est également présent
dans la Bible sous forme de amen ; dans le Coran, il fait remarquer
que le mot qui est en exergue du Livre est ALM. Comme en arabe, le l se
transforme devant une consonne, souvent en o, nous avons ce AUM au début
même du texte sacré des musulmans. Il disait que le Om était sa seule
possession. Il conseillait, comme une
des manières de le réciter, de méditer sur a comme l'être, u comme
la conscience, et m comme la félicité, retrouvant ainsi la triade du
védanta sat-chit ânanda.
Voici
maintenant des pensées extraites des Carnets de notes de Râma :
Réalisation.
De même qu'un solide est relié à ses
propres surfaces, ainsi la Conscience cosmique est reliée à la conscience
ordinaire.
30
De même qu'un océan est relié aux
vagues, ainsi la Conscience cosmique est reliée au monde.
De même qu'un hyper-espace est
supposé être relié aux autres dimensions de l'espace, ainsi la Conscience, jñâna,
est reliée aux autres consciences.
Veille, rêve et sommeil profond
sont les trois phases de la conscience
personnelle, et ne représentent que les phases de l'autre Conscience ; des
expériences qui semblaient éloignées les unes des autres au niveau de
l'individu sont peut-être très proches dans l'Universel. L'espace lui-même,
comme nous le savons, peut être pratiquement annihilé dans la conscience d'un
espace avec un plus grand nombre de dimensions,
dont il n'est alors que la superficie.
Agir au moyen de l'inaction, c'est
Dieu.
Dans le son de ta voix, je
demeure en un monde protégé du mal.
[Ici, Râma fait probablement allusion au Om subtil qui n'est pas
différent du son du silence].
On ne peut diviser le Soi. Vous pouvez
rendre un pot imperméable ou presque à l'air : mais pouvez-vous rendre ce même pot imperméable à l'éther ? Si
l’éther-espace ne peut être enfermé au-dedans ou en dehors, qui peut diviser et
découper le Soi ou Dieu ? Ainsi donc, vous ne pouvez être (seulement) une
partie de Dieu.
Foi et raison : cette Unité est un article de foi dans la
mesure où elle est un axiome et un postulat de notre être le plus intérieur.
Nous avons pu ne l'avoir vérifié en pratique que dans un nombre limité de cas,
mais heureux sont ceux qui le voient à tous les niveaux de la vie.
31
Nous vérifions la relation entre
l'hyperbole et son asymptote jusqu'à un certain point, mais pour le reste, nous
sommes certains (croyons ?) que la même relation subsiste.
Après avoir déterminé que le Soi
est le substratum de l'univers, ne nous posons pas d'autres questions quant à
savoir pourquoi et où est l’Atma : après avoir déterminé le centre du cercle,
nous ne devons pas nous demander :
« Où est le milieu du
centre ? »
Derrière nos parents et
grands-parents demeure la Grande Volonté Eternelle ! Cela aussi est ton
héritage - fort, beau, divin, un levier sûr de succès pour celui qui l'essaye.
Question : Quel est le plus grand
champ du monde ?
- Le champ des améliorations possibles.
Après sept ans d'expérience :
Pour le védanta, la pureté du
réceptacle est extrêmement importante : si, avant que le lait pur de l'advaïta,
non-dualité, ne soit versé, il reste la moindre trace d'ego, d'inclination à
l'autodéfense, le tout va cailler, fermenter et se détériorer.
Dans la montagne, là-bas, il y a
une belle colonie de géants de la forêt qui s'épanouissent ! Quel lien les unit
? Ce n'est pas un attachement de l'un à l'autre (relation personnelle). Ils ont
une organisation sociale, pour ainsi dire, seulement dans la mesure où ils
envoient leurs racines à la même nappe d'eau souterraine reliée au lac. L'amour
de la même eau les maintient tous ensembles. Puissions-nous nous retrouver dans
l'amour de la même Vérité, nous rencontrer dans le ciel (du cœur), Râma. O vous
qui gagnez
32
des honneurs, qui acquerrez de la
connaissance, réformateurs sociaux, travailleurs politiques, messagers d’une
religion, chers tâcherons du quotidien !... Râma est sur un ticket
différent, il ne peut interrompre son voyage et faire des séjours dans les
stations intermédiaires. Le terminus, ô le terminus interminable !
Ton travail en ce monde est terminé quand tu as réalisé
la Vérité. Qu’elle soit communiquée à un être humain seulement, et tu en auras
fini.
Libération
Pourquoi ces larmes coulent-elles au moment de l'union délicieuse avec
le Bien-aimé ? Est-ce qu’elles sont dues au deuil à propos de la perte de la
conscience mentale ? C'est la fin de tous les rituels du monde. Tous les désirs
se sont évanouis dans le néant. Tous les chagrins, souffrances, soucis, ont disparu comme l'obscurité de la
nuit. L'armada des maux et des vertus a été noyée dans le vaste océan de
l'unité avec le Bien-aimé. Un poète ourdou dit :
Je suis Lui. La question d'une quelconque
correspondance avec Lui ne se pose pas. Je suis moi-même l'intoxication. Il
n’est point de nécessité pour aucun autre intoxiquant.
Comme
c'est merveilleux ! J'ai maintenant découvert et réalisé que je suis moi-même Brahman ! Je suis moi-même le
Témoin !
Quand un enfant suce une mangue,
elle explose et le jus se répand sur sa
bouche, ses mains et ses vêtements. Il y a du jus partout. De même, si vous
33
goûtez la Vérité du védanta, vous aurez une expérience du nectar sucré de
Brahman. Rien, si ce n'est Brahman, ne demeurera.
Et évidemment, vous deviendrez
vous-même Brahman.
Une fois, Râma perdit ses amis
dans une vallée envahie par une végétation dense. Ils ne pouvaient entendre les
appels les uns des autres. Quand, avec difficulté, Râma put atteindre le
sommet, il cria à pleine voix pour les appeler, et le résultat fut qu'ils purent l'entendre et se réunir. De
même, quand nous sommes dans la chute, personne ne nous entendra, mais quand
nous parlons d'un niveau plus élevé, tous pourront nous écouter.
Ceci est un extrait de la
dernière lettre de Râma à être citée dans la biographie de Puran Singh ;
elle date de juin 1906.
Quand on le voit du point de vue
du Dieu-Soi, le monde entier devient une effusion de beauté, une expression de
joie, un déversement de félicité. Quand la limitation de la vision est
dépassée, il ne reste rien de laid pour nous. « Le monde entier est
beau est gracieux. » En réalité, les pouvoirs de la nature deviennent nos
mains, pieds et autres sens.
Comme le Soi est Félicité et en même temps le Tout, il
s'ensuit que la réalisation du Soi signifie la réalisation de mon propre Soi
comme Félicité suprême cristallisée dans le monde entier.
L'univers, étant une incarnation de
mon propre Soi, il est la douceur incarnée. Qui devrais-je blâmer ? Qui
devrais-je critiquer?
O Joie ! Tout est « Je ». Om
34
Voici maintenant des pensées extraites des Carnets de notes de Râma :
Le libéré-vivant, jîvan-moukta,
quand il se détache du corps physique, entre dans l'état de
‘libéré-sans-le-corps’, videha-moukta, comme le vent qui finit par
s'immobiliser.
O feu qui brûle derrière tous les
mondes, Essences immortelles, flammes de cet univers qui se consume à tout
jamais, qui ne se consume jamais - rire et rire avec vous et que notre rire
libère une impulsion qui ébranle la Création !
Dans les yeux de ta
bien-aimée, dans le visage fidèle de ton
ennemi pendant la bataille, sois conscient, (méfie-toi) au moins de ton propre
Soi ! Joie ! Joie ! Joie inextinguible et rire.
Comme le simple sens de l'espace
dans le monde est merveilleux... après la chambre de malade et les journées de
souffrance ! Et comme un autre sens doit être merveilleux, celui de l'espace
sans mesure de l'âme, et de la liberté, et ainsi donc inaliénable ! Regarde, là, à travers la
vitre une fois de plus, et satisfais-toi en profondeur à ce sujet.
Sois stable comme la lumière. Que
les papillons de nuit viennent et soient consumés en toi.
Celles qui sont vraiment belles,
ce sont ces fleurs adorables, inconscientes de leur propre beauté.
Si les trains et le télégraphe
actionnés par électricité sont utilisés pour économiser notre temps et notre
énergie, ce serait stupide de ne pas utiliser les conditions électrostatiques
et météorologiques du cosmos - dans la
35
forme d'une atmosphère inspirante et d'un climat qui aide - pour favoriser en nous un progrès spirituel
rapide. La brise qui nous embrasse et les rivières qui murmurent etc. ne
doivent pas être mises de côté comme des aides extérieures ; tout est en
nous si nous pouvons le contrôler et le
tourner à notre avantage.
Je suis parti dans les bois parce
que je souhaitais vraiment vivre afin de
faire face aux faits essentiels de la vie seulement, et je ne souhaitais pas
vivre ce qui n'était pas la vie, la vie est si chère ! Je désire vivre
profondément et sucer la vie jusqu'à la moelle !
Un jñâni parfait ne pose pas de
questions personnelles, il n’y pense même pas.
Ne vous laissez pas dévorer par le
« trop de concessions ». Soyez seulement vous-même. Pas de politesse
avec la « nuit de l'ignorance ». Pourquoi le monde serait-il si
pauvre qu’il vous demande constamment ceci ou cela ? Le fait que vous viviez
comme Dieu est une faveur suffisante pour les gens. Soyez Dieu et c'est la plus
grande grâce que vous puissiez conférer à l'humanité.
« Les tentations de
l'extérieur continuent à m'assaillir, mais il n'y a plus rien à l'intérieur qui
leur réponde. »
Donnez-vous l'absolution, et vous
recevrez les suffrages du monde.
L'être qui vit la Vérité ne la connaît
pas plus que le poisson ne connaît la mer. Un tel être ne pense pas qu'il
vaille la peine de la formuler.
36
Maintenant, Râma vous dit au revoir
par un poème :
La lune s'est levée, ils voient la lune,
Je bois à la lumière de Tes sourcils.
Ce sont de grands spectacles qu’ils organisent, pleins de foule, bientôt,
J'observe et observe la source de la vue !
En fait, n'appelle pas de chirurgien, pas de
docteur
Car ma souffrance est tout entière délice.
Adieu! O vous citoyens ! Cités, au revoir !
O bienvenue, hauteurs enivrantes, éthérées !
O modes, coutumes, vertu et vice.
Lois, conventions, paix et guerre !
O amis et ennemis, relations, liens,
Possession, passion, le vrai et le faux.
Au revoir, O espace-temps ; au revoir !
Au revoir! O monde et jour et nuit,
Mon amour
est fleurs, musique, lumière
Mon amour est jour, mon amour est nuit,
Dissous sont en moi l'obscur et le lumineux.
O quelle paix , paix et joie !
O
laissez-moi seul, mon amour et moi,
Au revoir. Au revoir. Au revoir.
Om !
37
Fleur de Cactus, Fleur de Lotus,
Par Mahâjyoti
Qui s’y frotte s’y pique, m’a-t-on dit souvent
Quand j’étais petite, et même maintenant.
Savoir me défendre, j’y crois mordicus !
Fleur de Cactus !
Pourtant à quoi bon ? Et si le fossé
Qu’il faut traverser, comme le bouclier
Qu’il faut transpercer, n’étaient pas un
‘plus’ ?
Fleur de Cactus ?
Et si le guerrier qui en nous s’obstine
Comme le porc-épic rentrait ses épines,
Cessait de combattre à la Spartacus,
Fleur de Cactus ?
Sur mon grand balcon, à force de soin,
Agaves et Chardons ont fleuri soudain,
A force d’amour : 6 jolis Brutus !
Bébés Cactus !
Leur cœur s’est ouvert, laissant apparaître,
Roses, tendres et fous, semblables à mon être
Qui à l’intérieur recèle une fleur.
Bébés sauveurs !
38
Tout l’amour de Mâ a brisé mes chaînes
Je l’ai pris en moi, cet amour m’entraîne.
Je suis transformée, j’en reste motus !
Fleur de Cactus !
On s’y pique un peu, mais au fond du cœur,
Si on sait la voir, s’élève cette fleur.
Une vraie douceur, un Stradivarius !
Fleur de Lotus !
Mahâjyoti,
2005
(Geneviève Koevoets)
Nouvelles
Swâmî Bhaskarânanda a
fait une grande tournée aux États-Unis, avec en particulier un rassemblement
important pour Gourou-pournima.
- Swâmî Nirgunânanda,
comme d'habitude, a été en France en juillet et août, à Epernon et à Terre du
Ciel. En Allemagne, il a enseigné pendant un week-end à 300 ou 400 étudiants
dans l'un des plus grands centres de Yoga du pays, tenu par un disciple de
Vishnou Dévânanda, lui-même disciple de Shivânanda.
- Nous avons fêté les 91
ans de Vijayananda le 26 novembre par une belle cérémonie au Centre International.
Un petit groupe de fidèles
39
s'est réuni des quatre
coins du monde pour cela. Il ne marche plus comme un jeune homme, mais le reste
du corps va bien et il continue à assumer soir après soir sa responsabilité du
satsang en face du samâdhi de Mâ. Les visiteurs anciens et nouveaux sont
toujours touchés par sa présence et l'amour qu’il répand.
- C’est Swami Vijayananda
qui s’est retrouvé en « tête de liste » des cinquante Occidentaux
interviewés par Malcolm Tillis dans le livre New Lives. Cette réédition en 2004 d’un ouvrage d’il y a une
trentaine d’années par Indica Books à Bénarès (indicabooks@satyam.net.in) a été
augmentée de nouvelles interviews et préfacée par Râm Alexander. Les fidèles de
Mâ le connaissent, il a été 10 ans auprès de Mâ et vit maintenant à Assise. Il
a aussi préfacé et fait publier Voyage
vers l’immortalité d’Atmananda.
- Le film sur Amma qui a
été montré pour le festival de Cannes au printemps est sorti récemment sur les
écrans français. Nous souhaitons qu’il touche le cœur d’un grand nombre.
- Une nouvelle revue sur
l’Inde paraît en kiosque. Elle est dirigée par François Gautier qui a été
pendant quinze ans correspondant du Figaro en Inde et qui vit entre Auroville et Delhi. Elle a
l’air d’être une revue de haute qualité dans le style de l’ancienne Revue des deux Mondes. Ceux qui utilisent
l’internet peuvent s’abonner directement à :
http://www.lesbelleslettres.com/html/abonnements.htm#Inde
et aussi visiter le site de François Gautier
lui-même http://www.francoisgautier.com
Sinon, on peut la prendre en kiosque ou contacter
Marie-José d’Hoop aux éditions Budé-Les Belles Lettres, Bd Raspail 75006 Paris.
40
On y trouvera dans le site non seulement des
articles fort intéressants, mais aussi deux livres complets qui éclairent
beaucoup d’aspects de l’Inde et déboulonnent nombre de clichés à son propos.
- Un groupe de trente
français guidés par Jacques Vigne sur le thème Psychothérapie et spiritualité a passé une semaine à Bénarès, et a
également visité l'ashram de Mâ sur les ghats. Ensuite, ils sont venus à
Kankhal et ont participé aux débuts de la Samyam Sapta.
- Le soleil du Soi de Swâmî Râmatîrtha traduit par Jacques Vigne est
paru en juin dernier aux éditions Accarias. Sa version anglaise est en cours de
relecture pour publication chez Indica Books à Bénarès.
- Peut-être
n'avons-nous pas mentionné dans le ‘Jay
Ma’ un numéro spécial du Monde des
religions de 2004 consacré au Maîtres spirituels du monde entier : il
avait en couverture Mâ jeune, assise en
samâdhi.
- Les carnets du Yoga
vont publier un article sur Vijayananda et un autre sur Mâ Anandamayî. Le texte
leur a été envoyé.
- Bettina Bäumer est une
amie proche de Bithika Mukerjee ainsi qu’une sanskritiste de haut niveau vivant
depuis trente ans à Bénarès; de passage à Kankhal, elle vient de rencontrer
Swâmî Vijayânanda, et a demandé à Vigyânânand un article sur lui pour le petit
journal de la fondation Swâmî Abhishiktânanda qu'elle dirige, et qui s'appelle Setu, c'est-à-dire en sanskrit pont.
- Patoun est maintenant
quasi permanent à l’ashram de Kankhal et travaille intensément sur les archives
des documents écrits, audio et filmés de Mâ. Il va guider un pèlerinage sur les
lieux de Mâ pour un groupe de quatre Bengalis et Vigyânânanda pendant dix jours
en janvier au Bangladesh sur les lieux de la première partie de la vie de Mâ,
jusqu’à trente ans. Vous aurez certainement un compte-rendu de l’expédition
dans le prochain ‘Jay Mâ’.
41
Nouveaux
abonnements
Pour ceux qui voudraient prendre un nouvel
abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José Sanchez
L’Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la
Sainte-Croix
84110 Vaison-la-Romaine.
Envoyez un chèque au nom de Jacques Vigne de
8 €, et de 4 € pour l'abonnement par courriel. À ce moment là bien sûr,
communiquez aussi votre adresse électronique et
envoyez de plus et directement une copie de votre message à
jacquesvigne@yahoo.fr. Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste
indienne, cette formule mérite d'être considérée sérieusement.
Table des matières
Paroles de Mâ 1
Quelques réminiscences de Patoun à propos de
Vijayananda 2
Ma première rencontre avec Mâ par un Européen 11
Védanta et modernité par Bithika Mukerjî 14
Le soleil du Soi par Swâmî Râmatîrtha 27
Fleur de cactus par G. Koevoets (Mahâjyoti) 38
Nouvelles 39
Nouveaux abonnements 42
Jay Ma N° 80 - Printemps
2006
Je dois d'abord m'excuser pour le retard de ce
numéro de printemps de Jay Mâ. Je
reviens de dix semaines fort occupées avec différents groupes de Français, y
compris cinq semaines à l'île de la Réunion où il y a eu nombre d'ateliers sur
le Yoga, la psychologie, le sens de
l'Inde pour l'Occident et où j'ai pu évoquer souvent l'enseignement de Mâ
devant des publics variés qui tous avaient envie d’apprendre et d’évoluer.
Vigyânânand, le 6 avril
2006
Paroles de Mâ
Les paroles suivantes sont extraites du début
de l'agenda spirituel 2000 avec une pensée de Mâ pour chaque jour, en anglais
et en hindi, ce qui permet de mieux en cerner le sens quand on connaît cette
dernière langue.
Etre attiré signifie être
transformé.
Quand le but devient
stable, le noeud de la limitation s'ouvre.
Lorsqu’on est sérieux et
intelligent, on progressera vers Lui.
Sans la souffrance
intense (yantranâ) de ce monde, l'intérêt pour identifier le "Machiniste
de la machine" (yantra ka yantri) ne s'éveillera pas.
Il n'y a rien en ce monde
qu'on puisse considérer avec mépris,
manque de confiance ou négligence.
En t'embellissant
toi-même, si tu parviens à installer sur un beau siège Celui qui est
éternellement beau, alors tout apparaîtra comme beau.
Où que tu ailles, si tu y vas avec une conscience et une
énergie entière, tu verras que l'altérité de qui que ce soit n'existe pas.
Les différentes voies des
hindous, des musulmans, des shaktas et
des vaishnavas arrivent à Sa porte.
Le Seigneur et son
serviteur peuvent bien être deux, mais leur racine est une.
En association avec
Mâ Anandamayî
9e partie
Par Amulya Kumar Datta Gupta (traduit du hindi)
Le bonheur de la liberté
12 mars 1953
Mâ parle de l'opposition
apparente entre souvenirs et oubli, action et inaction, japa et ajapa, vérité est
fausseté. Elle évoque aussi un état supérieur :
"Dans cet état, il n'y a rien qui soit comme la vérité ou
l'erreur, la cause en est qu'il n’y subsiste pas de dualité. Du point de vue du
monde, on peut séparer les choses en vraies et fausses. Certes, il peut arriver
qu'un propos sorte de la bouche de ce corps, et qu'il soit obligatoirement
vrai. Dieu est l'essence de la vérité. Mais il y a aussi un état où la question
du vrai ou du faux ne se pose pas. À ce niveau, il y a seulement un jeu en
soi-même [ou : 'un jeu du divin en Lui-même']. Si l'on se situe à un autre
niveau, il y aura quand même la séparation entre vrai et faux. Par exemple, on
peut dire qu'on a une démangeaison dans une partie du corps, mais après, quand
elle n'est plus là, cela ne veut pas
dire qu'on a menti en en ayant parlé. De même, si on dit à quelqu'un d'attendre
et qu'ensuite on ne peut venir, cela ne veut pas dire qu'on ait dit quelque
chose de faux. La vraie raison de cela, c'est que celui qui demande d'attendre
et celui qui attend ne sont qu'un seul et même être.
AKD Gupta: Est-ce que
nous pouvons appeler ce genre de comportement
'la joie de la liberté'?
Mâtâjî (en riant): Cela,
vous le savez. Vous savez aussi la manière dont on appelle dans les Shastras tel ou tel niveau spirituel. Ce
corps n'a pas lu les Shastras.
La prière des gens dépend de leur état
23 mars 1953
Ce matin, dans l'ashram, nous avons été
témoins de la conversation de Mâtâjî avec le docteur Pannalal (le préfet de
Bénarès qui était un proche de Mâ, et dont le gendre, Govind Narayan, a été
Ministre de la Défense sous Indira Gandhi et est encore l'actuel président de
la Sangha). Dans le fil de l'entretien, il a demandé : « En se prosternant
devant Dieu, quelle sorte de prière faudrait-il faire ? »
Mâtâjî : Dans l'idéal, il
ne faudrait pas faire de requête, et pourtant, on peut obtenir le fruit de ses
requêtes. Il est tellement miséricordieux qu'Il donne tout ce qu'on lui
demande. Il se donne aussi Lui-même. Quand on demande des objets du monde, c'est-à-dire un objet dont on manque, Il
apparaît sous forme de manque. Par ailleurs, en ne demandant rien, on peut
aussi obtenir Son être entier. Il n'y a pas de cause à cela, à ce niveau tout
est Lui.
Dr Pannalal : S'il en
était ainsi, il n'y a pas besoin de
prier.
Mâtâjî : Tu peux exprimer
la prière, "que ta volonté soit faite", mais cela reste une requête.
Si tu dis : "ô Dieu, je ne te demande rien" cela aussi est une requête. La vérité est
que, selon l'état dans lequel se trouve les gens, leurs prières se
concrétisent. Quand le jeu de la sâdhanâ s'est déroulé dans ce corps, c'est ce
qui est apparu comme évident. À cette période, Bholanâth s'approchait de ce
corps et lui disait avec insistance de faire ceci ou cela. À ce moment-là, c'était
une période de pratique intensive et je n'avais aucune envie d'écouter ce que
disait Bholanâth, est-ce qu'on doit faire ce genre de demande à Bhagavân [alors
qu'il n'a pas envie de les entendre]? Rien qu’en entendant ces demandes, un
courant électrique venu du ciel traversait ce corps et il demeurait comme
frappé par la foudre. Ainsi, les propos de Bholanâth furent enterrés, et il n'y
eut plus de demandes qui sortaient de sa bouche. Je pourrais comparer cela à
une tempête qui assaille un voyageur en chemin,
à ce moment-là on se met à effectuer différents types de prière, mais il
y a aussi un niveau supérieur où l'esprit se trouve soudain dans un état où il
n'y a pas la moindre trace de demande. C'est donc pour cela qu'on peut dire que
les prières des gens remontent spontanément d’après leur état particulier.
Le sens de l'enfant Krishna qui suce son gros
orteil
Mâtâjî (en riant) : Oui, on peut
interpréter ainsi le jeu de Krishna. En ce monde, quand on cherche à obtenir le
"nectar du pied" il s'agit en fait du sien propre. [Le nectar du
pied, charan-amrit, vient en général
du pied du gourou pendant la puja, Mâ veut dire que le sâdhaka est en lui-même son propre gourou] cela est dû au
fait qu'en ce monde, il n’y a rien d'autre que le Un. Donc, en suçant son gros
orteil, Shrî Krishna manifeste le fait fondamental qu'il demeure en lui-même.
Tout ce qu'on dit à propos de déguster le rasa signifie seulement qu'il demeure
avec lui-même.
[Un autre bhakta présente
une interprétation un peu différente]
Dr Pannalal (à Mâtâjî):
Je ne comprends pas clairement ce que vous expliquez.
Mâtâjî : Pitâjî, ce corps ne parle que rarement des actions
d'avatars comme Râm, Krishna, etc... ou de celles des mahâtmas. Parfois, il
peut ressortir certaines idées dans la conversation, mais en général, ce corps
ne s'exprime pas sur ces sujets. Tu peux voir aussi que Dieu lui-même
n'explique pas ses propre lîlâs [jeux]. Est-ce qu'il ne pourrait pas le faire
lui-même ? Une des raisons peut-être qu'il est en fait très heureux de voir de
quelle manière ses propres lîlâs sont interprétés et développés dans le coeur
de ses fidèles. C'est lui-même qui fait en sorte que chaque bhakta puisse
interpréter ces lîlâs à sa façon. Ainsi personne ne peut être déclaré de façon
claire se trouver dans l'erreur. En évoluant avec spontanéité dans le coeur de
ses fidèles, Dieu savoure l'infinie douceur de ses propres jeux.
L’histoire des quatre-vingt-dix-neuf
Un vieux couple vivait dans une cabane :
ils étaient pauvres, mais avaient quand même de quoi manger trois fois par jour
et allumer une chandelle pendant quelques temps lorsque l'obscurité de la nuit
s'installait. Cependant, un soir, le voisin vit qu'ils n'allumaient plus de
bougie le soir, et qu'en plus ils ne prenaient plus qu'un repas par jour. Il a
pensé qu'ils avaient dû avoir un gros problème financier inattendu, et qu'ainsi
leur pauvreté avait probablement tourné à la misère. Il s'est enquit
discrètement de la situation, en leur
demandant ce qui s'était passé. Ils lui dirent, en le prenant dans la
confidences et en lui demandant de ne le répéter à personne : "En fait,
nous n'avons pas eu de pertes d'argent, au contraire nous avons trouvé un
trésor : il contenait quatre-vingt-dix-neuf
pièces d'or, et nous avons réfléchi ainsi : si nous économisons sérieusement
pendant un an, en ne mangeant qu'un repas par jour et en cessant d'allumer une
chandelle le soir, nous pourrons compléter cette somme d'une pièce de plus et
ainsi pouvoir jouir de la possession de cent pièces d'or !"
Vacances d’été
Extraits de ‘En compagnie de Mâ Anandamayi’
De Bithika Mukerjî
L’année 1947 fut une
époque de célébrations et de festivités. Shrî Mâ se rendit à Dehradun où les
fleurs sont en abondance spécialement durant l’été, et où leur gamme multicolore
semble s’épanouir à l’infini. Ayant trouvé des fleurs d’un gris bleuté, en
forme d’étoiles, il me vint à l’idée de faire un satchakra pour le lit de
Haribâbâjî. Toutes les autres couleurs étant facilement disponibles, je pus les
disposer en forme de lotus avec le nombre de pétales approprié, la couleur et
l’ordre voulus, représentant ainsi une sorte de moelle épinière s’élevant en
serpentant pour aller se terminer dans les mille pétales blancs du lotus.
Haribâbâjî en fut ravi et se fondit en compliments. Shrî Mâ fut surprise que je
connaisse les détails du Satchakra. Le même soir, en privé, elle m’enseigna un
kriya impliquant les chakras. Si nous avions tous obéi à ses instructions
concernant ces simples chemins des kriyas yoguiques, je suis sûre que nos vies
auraient pris une autre direction, mais hélas, la tentation d’échapper à la
discipline était, quant à moi, une chose sur laquelle il fallait compter.(p.
152)
Parfois Shrî Mâ devait intervenir dans
certains débats âpres en adoptant une position équitable vis-à-vis des
opposants :
« Quelle est l’étendue de ce qui n’est pas
? Même si l’on dit que seul l’Un existe, ce n’est pas approprié car cela
indique une distinction. Tout ce qui est, est (Ja ta). Tout est Lui, et Il est
tout. »
« Que n’est-Il pas et où n’est-Il
pas ? Là où le jeu (lîlâ) de la dualité est une entrave dans la compréhension
(badhaka), sachez que c’est une étape pour le sadhaka. Ce que les Ecritures
décrivent comme la plénitude de la félicité n’est pas une étape ou un état,
mais il est ce qu’il est, et si on l’atteint tout est aussitôt exaucé. »
A ce stade du débat, Pandit Sunderlal émit des objections, plus par provocation
envers Shrî Mâ qu’autre chose. Un jour il lui avait dit : « Vous ne prêtez aucune
attention à ce que je vous dis. Vous vous êtes détournée de moi pour regarder
autour de vous au moins 10 fois pendant que je parlais. » Shrî Mâ sourit et dit
: « Pitajî, continuez je vous en prie, je vous prête toute mon attention ! »
Lorsque Pandit Sunderlal finit son discours, Shrî Mâ ajouta : « Pitaji, vous ne
vous êtes pas adressé qu’à moi, vous avez regardé autour de vous au moins 117
fois ! » Tout le monde éclata de rire au grand embarras du vieil homme. (p.153)
L’histoire d’une guérison
Durant ces vacances d’été, nous fûmes témoins
de la guérison miraculeuse de Râmlâl qui avait été victime d’une maladie
funeste. Râmlâl était un jeune garçon très attaché à sa grande amie Shrî Mâ, à
qui il était venu rendre visite avec ses parents Ranadeva et Lila Ghosh de New
Delhi. Un jour le petit Râmlâl eut de la température. On fit venir des
médecins. Hélas, la fièvre monta rapidement et aucun traitement ne put en venir
à bout.
Les médecins dirent alors
qu’il s’agissait d’une pneumonie mais d’après leur attitude les parents en
déduisirent que le gamin avait peu de chance de s’en tirer. Shrî Mâ était
assise pendant le satsang, tandis que Haribâbâjî faisait une lecture à haute voix. Liladi entra par la gauche de la
véranda et s’inclina devant Shrî Mâ, en pleurant d’impuissance, n’arrêtant pas
de répéter : « Mâ, redonne-moi la vie de Râmlâl, Mâ, redonne-moi la vie de
Râmlâl. » Ses sanglots à fendre le cœur émurent l’assistance. Haribâbâjî était
visiblement touché. Seule Shrî Mâ resta immobile comme une statue, son
expression sereine nullement impressionnée.
Après un moment Liladi, au bord de
l’épuisement, finit par se calmer. Haribâbâjî suggéra que chacun se mette à
prier pour la guérison de Râmlâl. Il choisit le mantra spécial de
Durgasaptasati 11.29, le griffonna sur des bouts de papier qu’il distribua à
tous les occupants de l’ashram. Un akhanda japa de ce mantra fut donc commencé
près de la chambre du patient. Je crois que la crise arriva environ deux jours
plus tard. Shrî Mâ avait pris l’habitude d’aller voir le jeune garçon très
souvent pour se rendre compte de son état. Haribaba lui-même prit part à
l’akhanda japa. La nuit de la crise, un voile de tristesse descendit sur
l’ashram. La fièvre resserrait son étreinte, des glaçons ou autres remèdes de
fortune à portée de la main se révélèrent inefficaces pour le gamin. On apprit
plus tard que Mâ avait donné à Didi comme instruction de veiller dans la
chambre de Râmlâl jusqu’au plus profond de la nuit. Suivant à la lettre les
directives que Shrî Mâ lui avait communiquées en privé, Didi avait soutenu le
garçon de sa main gauche tandis qu’elle avait prononcé le japa de son propre
Ista mantra. A l’aube, Didi fut soudain effrayée, comme si quelque chose
d’affreux était sur le point d’arriver. Puis, rassemblant ses forces, elle se
réfugia dans la méditation de Mâ. Non loin de là, Gini et moi dormions dans la
partie est de la véranda. Gini s’éveilla soudain, tremblante de peur, puis elle
se rassura en pensant que ce n’était qu’un cauchemar. Le matin suivant, la
fièvre avait disparu.
Peu à peu Râmlâl se reprit et fut guéri
après cette nuit de crise. Nous fûmes tous persuadés que cette mort avait été
pressentie par la seule pensée intérieure, par la manifestation spontanée, suprême et divine (le kheyâla) de
Shrî Mâ.(p.155-156)
Haribâbâ et son entourage
Durant cette visite à Shrî Mâ, Haribâbâjî
arriva seul au début et sans sa « suite » habituelle, excepté Ghanshyam, son
accompagnateur personnel. Nous apprîmes qu’il avait quitté Baandh sans rien
dire autour de lui. Il confessa à Shrî Mâ que personne parmi ses fidèles
n’était assez sérieux dans sa quête de félicité spirituelle. Tous avaient fait
semblant de s’intéresser à lui. De toutes manières, son rêve de traverser la
rivière de la vie (bhavanadî), en tenant par la main toute sa suite, était irréaliste. Sur le
chemin spirituel, chacun doit voyager seul.
Quelques-uns parmi les plus importants
villageois et propriétaires terriens de Baandh vinrent à Dehradun à la
recherche de leur vénérable Haribâbâjî. Ils savaient qu’il serait allé voir
Shrî Mâ. Ils vinrent donc le prier de retourner à Baandh et donnèrent à Mâ leur
son de cloche : « Baba ne veut pas comprendre que nous avons fait de notre
mieux mais que nous n’avons pas pu atteindre son niveau. Nous avons notre
travail aux champs, à la maison, et ailleurs. Parfois on manque le satsang ou
bien on s’endort. On a déçu Baba. » Une fois de plus ils demandèrent son
indulgence, et ce dernier accepta de rentrer au village tout en invitant Mâ à venir
le visiter. (p.157)
Péchés mignons
Durant ces vacances d’été 1947 où l’Inde
prit son indépendance, Shrî Mâ passait par Varanasi, et souvent par Allahabad.
Puis un jour, de passage à Krishna-Kunja, elle me fit appeler.
Je la trouvai se reposant sur une simple
natte posée au sol. Après un début de conversation sans importance, elle me
demanda ce que j’avais fait à une date précise. Sur le moment je ne pus m’en
rappeler, mais par association d’idées, je me souvins qu’un ami était venu nous
chercher, Bindou et moi, pour nous emmener au cinéma.
Shrî Mâ me demanda à brûle-pourpoint : « Et
vous avez vu quoi au cinéma ? »
Surprise, je répondis : « Vous voulez que
je vous raconte le sujet du film ? »
« Oui. »
Je me mis alors à lui narrer l’intrigue
de Rage in Heaven (Fureur au Paradis). C’était l’histoire d’un
homme fou qui avait l’apparence d’un homme sain. Un jour il se suicida, mais
s’arrangea pour que certains indices fassent que son meilleur ami soit arrêté
pour l’avoir assassiné. Le film était interprété par une pléiade de stars dont
désormais, je ne me rappelle plus les noms.
Shrî Mâ écouta l’histoire avec grande
attention. Puis elle me fit remarquer la futilité qu’il y avait à perdre ainsi
son temps d’une façon qui n’avait rien à voir avec le choix de vie que je
m’étais tracé. Ce à quoi je répliquai immédiatement et presque sans réfléchir :
« Mâ, je n’irai plus jamais voir aucun film ! »
Cela sembla lui faire plaisir. Elle avait
dû avoir un kheyâla à ce propos, parce que depuis ce jour, je n’eus plus le
moindre désir d’aller au cinéma. A tel point que je perdis tout intérêt pour
les faits et gestes de mes stars préférées, ce qui pourtant avait été pour moi
le passe-temps favori de ma jeunesse. Les magazines de cinéma ne présentaient
plus aucune fascination pour moi, les affiches, les panneaux publicitaires me
laissaient parfaitement indifférente. Ce fut comme si j’avais fait table rase à
ce sujet. Ce n’est pas pour autant que je ne vis plus de films, non, Bindou fut
le premier à me faire manquer à ma parole envers Mâ. Alors qu’il faisait son
service à Kanpur, il vint une fois à Allahabad et m’emmena voir Jhanak Jhanak Pâyal Baje (Clic ! Clic ! On a joué des clochettes !),
une comédie musicale faite de chansons et de ballets magnifiques. Il me dit : «
Tu dois absolument voir ce film, quitte à ce que tu commettes un péché envers
Mâ en ne tenant pas ta parole ! »
Je n’eus pas l’impression de commettre un
péché, à la rigueur il s’agissait tout au plus d’un simple petit méfait qui, je
l’espérais, me serait pardonné. De toutes façons, je ne sentis plus jamais
aucun regain d’intérêt pour les films et je continue à obéir aux conseils de Mâ
tout au moins en esprit, sinon à la lettre, car dans les années qui suivirent,
je vis The Sound of Music (La Mélodie du
Bonheur) ainsi que Shatranja Ke
Khilari, (Le joueur d’échecs une œuvre
célèbre de Sajyavit Ray]).
Ceci me fait revenir en mémoire un autre
genre de conseils, mais de ceux auxquels je ne pouvais vraiment pas me
soumettre. Quelqu’un avait raconté à Shrî Mâ que j’étais fervente de romans à
énigmes. Mâ s’enquêta auprès de moi et suggéra que j’arrête de m’adonner à ce
genre de lectures. J’en fus consternée et me défendis : « Mâ, j’affectionne
tout particulièrement ce genre de romans pleins de mystère et j’ai bien peur de
ne pas pouvoir y renoncer si facilement. »
Shrî Mâ laissa tomber l’argument sans plus tarder, à mon grand
soulagement. Il était évident qu’elle n’avait pas eu de kheyâla la poussant à
éradiquer chez moi tout intérêt pour ce genre de romans que je continue
d’ailleurs à apprécier. Je ne pense pas qu’elle ait jamais dit à qui que ce
soit, une chose à laquelle il ne fut facile ensuite de se soumettre.
(p.160-161)
(Peut-être que Shrî Mâ
pressentait que Bithikâ allait beaucoup écrire. En tous les cas, il faut
témoigner qu'elle a un excellent anglais, certainement nourri par toutes ses
lectures).
Après
ma maladie
Bithikâ est atteinte d’une primo-infection
tuberculeuse, mais s’en remet.
Après
une année en sanatorium où ma tuberculose fut enrayée, je fis retour auprès de
Mâ. Sadhanda qui nous avait accompagnées (Tara, Bouba, Sati et moi) se plaignit
d’avoir eu à escorter des jeunes filles alors qu’il avait l’air d’un sadhou.
Shrî Mâ ne prêta guère attention à la
requête de Sadhanda. Elle le congédia en disant du bout des lèvres : « On verra
cela… » Puis elle s’enquêta de notre lieu de résidence et voulut savoir à
quelle distance il se trouvait par rapport à la maison de notre hôte Kantibhai,
qui était un organisateur remarquable. Elle en conclut que c’était une distance
raisonnable pour la parcourir à pied. « N’utilisez pas leurs voitures même
s’ils vous les offrent. » Ainsi, bien que nous ayons eu des voitures à notre
disposition, nous fûmes obligées d’aller à pied partout, durant tout notre
séjour à Ahmedabad. (p.190)
La Namayajna, festival où l’on célèbre les
noms de Dieu, dépassa toutes nos espérances d’expérience spirituelle. Mme
Talyarkhan fut particulièrement enchantée par la musique et les danses autour
de l’autel fleuri. Elle devint une grande admiratrice de nama yajna. Elle avait
été disciple de Ramana Maharshi, mais après la disparition de son Gourou, elle
se rapprocha de Shrî Mâ. On apprit que ce fut le grand Maharshi lui-même qui
avait dit à quelques-uns de ses disciples qu’ils pouvaient aller voir Shrî Mâ
s’ils sentaient le besoin d’être guidés spirituellement en son absence. Durant
les années 50, de nombreuses personnes, en groupes ou individuellement, vinrent
rendre visite à Mâ à Varanasi, certainement en réponse à cet ordre de Ramana
Maharshi. (p.192-193) [les questions qu'ils posèrent alors à Shrî Mâ furent
consignées par Swami Virâjânanda dans le livre Words of Mâ Anandamayi]
Les plus belles années…
Les plus belles années de l’ashram à
Varanasi…Souvenirs de festivals, de solennités, de célébrations… souvenirs
d’importantes personnalités, de mahatmas avec leurs disciples, de familles
royales, de magnats de la finance… souvenirs des écoliers avec leurs
récitations et des petits chanteurs avec leurs musiques… Didi écrivait son
journal et j’étais une des premières à avoir commencé la biographie de Mâ en
anglais.
Le premier samyam saptah fut un succès sans
précédent. Période de discipline rigoureuse couronnée par de joyeuses
activités. Shrî Mâ était entourée de ses fidèles de longue date, Kamalaji,
Ramaji, et autres matrones déguisées en villageoises, sans parler des filles de
la laiterie de Vrindaban avec leurs pots de lait caillé sur la tête en train de
danser en groupe autour de Shrî Mâ. Cette dernière les rejoignit, passant son
bras autour de la taille d’une fille après l’autre. Shrî Mâ bougeait de façon
gracieuse, allant de l’une à l’autre. Parfois, les pots tombaient et se
brisaient à terre en répandant leur contenu. Alors Mâ choisissait des morceaux
de lait caillé qu’on lui tendait dans des débris de pots et elle les offrait à
ceux qui l’entouraient. Elle en barbouillait aussi les visages de toutes ses
compagnes. Les hommes qui se tenaient à distance du groupe des danseuses virent
tout à coup Shrî Mâ au milieu d’eux et ne purent échapper au barbouillage.
Cependant, même durant une telle scène de chaos et de confusion, Shrî Mâ
demeurait fidèle à elle-même. Je me souviens clairement m’être cachée derrière
la foule car la perspective de me trouver mêlée à toute cette pagaille ne
m’enchantait nullement. Mais Shrî Mâ, en dépit de tout, s’était frayée un
chemin jusqu’aux plus éloignés des participants. Je me préparai donc à être
arrosée comme les autres, mais non, elle tendit sa main devant moi, j’ouvris la
bouche et elle me donna un minuscule petit bout de lait caillé, de façon si
adroite que rien de fâcheux n’arriva. (p.208-209)
Shrî Mâ et le Kanyapeeth
Aujourd’hui le Kanyapeeth est reconnu comme
une Institution privée et réputée, où les jeunes filles reçoivent un
enseignement impeccable, en sanskrit comme en d’autres matières philosophiques.
La facilité avec laquelle certaines choses
apparemment impossibles parvenaient à s’accomplir dans le voisinage de Mâ,
tenait du miracle, ou mieux, il conviendrait de dire que le miracle était
d’usage quand il s’agissait de Mâ. On ne sentait guère l’effort en
accomplissant nos tâches. Elle n’avait qu’à laisser s’exprimer son kheyâla et tôt
ou tard tout se réalisait. Le kheyâla de Mâ joua son rôle, en effet, pour que
les jeunes filles puissent avoir une bonne éducation en sanskrit. Ainsi, son
kheyâla fit que toutes les facilités furent réunies pour atteindre ce but.
(p.215)
Bithika Mukerjî –
Extraits de En compagnie de Mâ Anandamayî
Ouvrage pris par les
éditions Agamat à Paris, et qui paraîtra en
Mars 2007
Traduit de l’anglais par
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et Jacques Vigne (Vigyânânanda)
Mes débuts avec Mâ
Par Râm Alexander
Ram
Alexander a passé une dizaine d'années auprès de Mâ, il nous a raconté lors de son passage à Kankhal en fin
décembre2005 la manière dont il a été
attiré par elle.
J'ai rencontré Mâ deux jours seulement
après être arrivé en Inde. J'avais un
programme de visiter le pays dans son ensemble, mais quelqu'un m'a amené
de Delhi directement où Mâ se trouvait, à Naimisharanya près de Lucknow, un
endroit isolé où, dit la tradition, les dix-huit Pouranas ont été rédigés.
Finalement, je me suis déplacé pendant trois mois environ avec elle, cependant
en gardant toujours l'idée de partir ensuite pour découvrir l'Inde. Un jour
donc, mentalement pendant le satsang, je lui ai dit au revoir, et j'ai quitté
l'ashram de Bénarès où j'étais. Mais à ce moment-là, je suis tombé très malade,
et j'ai tout juste réussi à me traîner jusqu'à l'avion pour rentrer d'urgence
aux États-Unis. Là-bas, j'ai eu dix jours de fièvre intense, comme 40 ou 41°.
Je ne voulais pas prendre de médicaments, même pas de l'aspirine. Au bout de
ces dix jours un beau matin, tout avait disparu. J'ai passé longtemps à
regarder mes mains : j'avais le sentiment que chacun des atomes de mon corps
était entièrement nouveau, avait été complètement renouvelé.
J'avais déjà un gourou aux États-Unis,
Satchidananda, le disciple de Shivânanda. À l'époque, je n'imaginais pas que Mâ
pouvait être mon gourou. Je pouvais facilement rester assis ici six ou sept
heures en méditation. Voyant cela, il m'a dit d'aller dans sa propre maisonnette
où il faisait retraite, pour en être le gardien. C'était une faveur, car
d'habitude il poussait les gens à l'action, au
karma yoga. C'était un yogi et j'étais content d'être dans son lieu.
Cependant, j'ai quand même été assailli de doutes à son sujet. Un jour, je
regardais une petite photo de Mâ que j'avais avec moi, et lui dit : "Si tu
es vraiment omniprésente, manifeste-toi maintenant !" Les fenêtres étaient
ouvertes, et juste à ce moment-là un grand tourbillon de vent est venu et m'a
entouré, comme un cylindre d'environ 1,5 m de diamètre et deux ou trois mètres
de haut. J'étais terrorisé, je me suis recroquevillé sur moi-même et j'ai
imploré que cela se termine.
De retour en Inde, quand j’ai rencontré Mâ
pour la seconde fois, elle m'a regardé et m'a dit qu'elle prendrait soin de
tout. J'ai passé deux mois avec elle à la suivre dans ses déplacements. J'ai
pris l'initiation. Après cette période, je me suis dit que j'en savais assez et
je me suis préparé à retourner aux États-Unis, avec dans la tête de fonder un
centre de Mâ ou quelque chose comme ça là-bas, une entreprise plutôt stupide!
Au moment de prendre congé, j'ai demandé à Mâ si je pouvais faire quelque chose
pour elle aux États-Unis; elle m'a répondu : "Si tu veux faire quelque chose pour moi, c'est de rester
ici ! " Et du coup, je suis resté! Elle m'avait aussi dit de me faire
construire quelque chose sur le terrain de l'ashram, à l'époque, il y avait
seulement des plans pour le grand ashram, mais beaucoup de bâtiments n'étaient
même pas commencés. Elle avait ajouté qu'il ne fallait pas que je dise que
c'était elle qui m'avait conseillé cela. Cela a pris donc trois ans pour que
les travaux de construction de mon nouveau koutir commencent. Quand ils ont
débuté pour de bon, j'ai eu peur, je me suis senti piégé et j'ai voulu
m'enfuir. Mâ m'a dit : "Si tu veux partir, tu le peux, mais de toute façon
en tous lieux je serai dans ton coeur." Après qu'elle m'eut dit cela, j'ai
été désarçonné, que pouvais-je faire? Cela m'a ôté complètement l'envie de m'en
aller, et je suis resté !
Mâ
Par Patrick Mandala
Ce
texte correspond au second chapitre du roman initiatique Mâyâ de
Patrick Mandala. Il se met dans le personnage d’un Sumérien qui aurait visité
l'Inde en des temps très anciens. On découvre bien sûr dans ce récit toutes
sortes de prises de conscience et d'intuitions de l'Inde éternelle qui sont
venues à Patrick Mandala lui-même dans ses déplacements à travers le pays
contemporain.
Mohenjo-Daro
"Je ne sais si cette femme du nom de Mâ
est une sage, un maître ou une femme-prêtre comme celles du royaume de Sumer...
Il émane d'elle une telle force et à la fois une telle douceur! Dieu seul le
sait si moi je ne le sais pas !
"Et puis il y a eu ses trois réponses
à trois questions qui furent posées hier. Ces réponses sont pour moi une
énigme, insondable, comme l'océan qui borde Sumer. Ses proches disent qu'elles
sont le reflet même de l'advaïta, de la non-dualité ultime. C'est possible...
Je ne sais... mais si je suis venu là, c'est pour entendre de telles paroles !
Cette Mâ semble présente et absente à la fois - curieux paradoxe..."
- Mâ, guidez-nous !
- Selon l'approche, ainsi
(est) la récompense (jar jemon bhâva tar temon lâbha)
- Mâ, répondez-nous !
- Ce que vous entendez
dépend de la manière dont vous jouez (jemon bajâbe temoni sunbe).
- Mâ, qui êtes-vous?
- C'est et ce n'est pas.
Et ni, "c'est" ou "ce n'est pas"; même au-delà. Tout ce que
vous direz est Cela (âcche, nâi, Acchcheo nâ, têr o âgé. Jâ bolo tâi) (en bengali).
Je suis ce que j'étais et ce que je serai.
Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez ou dites. Mais le fait suprême, c'est
que ‘ce corps’ (Mâ) n'a pas pris naissance pour recueillir les fruits d'un
karma passés (prârabda-karma). Pourquoi ne pas vous rendre compte que ‘ce corps’
est la somme et la manifestation matérielle de toutes vos aspirations et de
toutes vos pensées ? Vous l'avez tous désiré et maintenant vous l'avez. Alors
jouez quelque temps avec cette poupée !
"Quand on demande à
cette femme, à Mâ, ce qui la pousse à parler et agir ainsi - d'une manière si déroutante parfois, elle
joint ses mains et en silence, et les
élève vers le ciel. J'en déduis... J'en déduis, me semble-t-il, que c'est la
volonté divine qui agit à travers elle. Si on la pousse à s'expliquer, comme je
viens de le faire, elle répond doucement :
"Khéyâla (improvisation, imprévisible). Il n'y a que l'Un et rien
que l'Un. Tout est contenu dans l'Un, et l'Un est tout". Il semble que
pour elle, l'existence d'une volonté individuelle séparée de l'Absolu, de cet
Absolu dont parlent aussi nos moines-médecins à Sumer, ne se pose absolument
pas. C'est une sorte... Oui, c'est une sorte d'"unité ininterrompue".
Comprenne qui pourra !"
Patrick Mandala, Mâyâ, Chroniques védiques
L'Originel Accarias,
collection Advaita, 2004, p.27-28
Ode au Silence
Quand la vie te secoue
Quand les gens te
bafouent
Quand tu rentres peiné
Te sens abandonné
Comme une jouissance
Il est là le SILENCE
Lorsqu’un peu tu bascules
Et te sens ridicule
Quand tu cries dans le
vide
Et crois perdre ton guide
Suis ton itinéraire
Et apprends à te taire.
Ta voix vient à manquer
Tu ne peux plus ‘râler’
Tu vas ouvrir la cage
Et faire bon usage
De la ‘petite voix’
Qui est au fond de toi.
O restructuration
Des pensées qui
s’emmêlent
Vraie cohabitation
Pour des idées
‘nouvelles’
SILENCE ô guérisseur
Des conflits intérieurs !
Tu envoies la détente
Tu chasses la pression
La musique est présente
Sans en avoir le son.
On plonge dans le bain
De l’inertie soudain !
En coupant toute écoute
De tes bruits, de tes
pleurs
C’est alors que tu goûtes
Ton ‘Ecoute Intérieure’.
Celle que Mâ proclame
Pour le bien de ton âme.
Reprends donc à la main
Le bâton de pèlerin
Du petit ‘cheminant’
Qui avance en rampant.
Adopte le SILENCE
Comme un bain de jouvence
!
SILENCE ô Energie
Après le bain, l’humour
Tu redonnes la Vie
Tu redonnes l’Amour !
Puis c’est la volupté
Du calme retrouvé.
Savoureux à goûter
C’est presque aussi sucré
Qu’un bonbon à sucer
Qui va régénérer
L’onde perturbatrice
Chargée de cicatrices !
Mâ riait des malices !
Travaille aux flancs
l’Ego
Reviens sans artifices
Et reprends ton credo.
Puis fais que le son AUM
S’étende comme un baume.
Tu retrouves tes sens
Lumière, béatitude,
Amies de solitude.
C’est vrai que le SILENCE
Si l’Ego se calfeutre
Est LE Grand Thérapeute !
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Retour d’Inde,
Novembre 2005
O Inde, ô mon Amour
!
(Mes deux Indes)
Les singes sont énervés
Les chiens sont
efflanqués
Les vaches sont avachies
J’avoue que je fléchis.
La boue et la misère
Les cris et la colère
Tintamarre de clochettes
De klaxons, de sonnettes.
Poussière et pollution
Les mendiants à foison
Les sadhous, les gourous,
Les sourires si doux !
Lentilles et choux-fleurs
Le train et sa lenteur
Les valises en bataille
Vite que je me taille !
Il y fait froid l’hiver
La mousson ? Un enfer !
La santé qui me quitte
Ca y est, c’est la
bronchite !
Les rickshaws dans le
vent
Les ventilos branlants
Les robinets cassés
Les plats trop épicés !
Enfants si miséreux
Moustiques si nombreux
Horaire si matinal
Douleur abdominale !
Enlevons nos chaussures
Nous sommes des impurs
Les groles qu’on doit
mettre
Nous font des ‘pieds de
prêtre’ !
Et pourtant la pûjâ
Résonne en nous déjà
Le samâdhi de Mâ
De marbre blanc est là !
Le vieux Maître est assis
Nous lui disons merci
Il est vêtu d’orange
Au loin coule le Gange !
C’est le ‘satsang’ du
soir
Qui redonne l’espoir
Et qui nous restructure
Pourvu que cela dure !
La visite des temples
Tout ce que l’on
contemple
Les guirlandes de fleurs
Nous ouvrent grand le
cœur !
C’est du miel et c’est
doux
L’EGO est prêt à tout
La spiritualité
Chasse la méchanceté !
Mâ est l’Enseignement
C’est le jaillissement
La lumière qui pénètre
Et la foi qui va naître !
Inde, l’imprégnation
De TOUT a eu raison
Tu es comme une fleur
Lotus du bonheur !
Tu habites chez moi
Où tu vibres de joie
Ton image en mon cœur
Est mon ‘Inde Intérieure’
!
Ton âme reste en moi
Je penserai à toi
Je t’aimerai toujours
O Inde, ô mon Amour !
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Retour de Delhi en avion,
Novembre 2005
Aux rives de
l'outre rêve
Par Yves Moatty
Yves
Moatty est l'auteur d'un beau livre sur La Mère des origines, et d'un autre
Kabir, le fils de Râm et d'Allah, tout deux aux Deux Océans. Il a exercé comme
juge à l'île de la Réunion, où il a également rencontré Mâ Amritamayi, qui
venait souvent en visite là-bas. Il est influencé aussi par le zen qu'il
pratique et par le style poétique des haïkus. Il est publié par les Editons
Grand Océan, dans la collection "Lumière de Clermont". C'est le lieu où habite l'éditeur, sur les
pentes du volcan en face de la mer, il s'agit de Jean-François Reverzy,
écrivain lui-même, ainsi que psychiatre qui à la retraite et devenu récemment
évêque d'une petite église orthodoxe... Il présente ainsi son édition : « Elle
accueille ceux qui aiment la lumière d'or de la mémoire, la sagesse des
profonds archétypes sans séparation ni distinction de forme d'écriture ou
d'inspiration religieuse et philosophique ».
Yves a
fait passer à Vigyânânand son recueil de
poèmes lors de la visite récente de celui-ci au satsang de l'ashram d'Amma à
Saint Louis de la Réunion. Nous reproduisons trois poèmes où il évoque
directement le pouvoir de la Mère divine.
Une pluie de pétales
mille vagues de joie
doucement glissent
des doigts de la déesse
sur l'autel de nos coeurs
tombent tombent les
fleurs
éparpillées au vent
invisible du vide
nuit où souffle l'Esprit
et scintillent les
étoiles
roulant au jeu sans fin
de l'Un avec lui-même
"Je suis noire mais belle"
Cantique des cantiques
Et ainsi tu allais
le soleil sur ton front
ta longue chevelure qui
ruisselait d'étoiles
l'océan déferlant en
tourbillons d'écume
l'éternelle innocence de
tes yeux
et ton rire éclaboussaient
nos coeurs
car ainsi tu allais
ta beauté vierge ta
beauté noire
ta beauté inondait
le chemin quotidien de
nos pleurs
calvaire sans fin de la
douleur
"A minuit tu me montres l'aube
de la joie
Roumi
Lotus noir ô déesse
dissimulant ton coeur
pour l'ouvrir seulement
au soleil de minuit
tu exhales l'essence
à peine évaporée
du grand parfum de
l'invisible
à toi seule je dédie
ce que je suis à qui tu
es
tu es l'océan sans retour
tu es le visage du temps
miroir où tout s'efface
tout l'ailleurs de la vie
caresses de l'instant
de tes yeux dans mes yeux
de ma joie pour ta joie
si en toi je suis seul
au regard de l'unique
cascade de tes yeux
sur mes cheveux épars
caresse où ton souffle
s'engouffre
tout océane ma vision
tu es l'éternité précoce
aubade de l'instant
et sur tes lèvres le goût
des parfums de la nuit
tu es le regard de la
lune
miroir où je me mire
au jardin de lumière
arbre de vie ma
sentinelle
Yves Moatty Aux rives le l'outre rêve
Editions Grand Océan 6
rue Pasteur 97400 St Denis La Réunion
(JFREVERZY@wanadoo.fr),
Nouvelles
- Swâmî Vijayânanda est
en cours de traitement à l'ashram même, pour une obstruction prostatique. Il
s'agit d'un problème courant à son âge avancé et il se sent déjà beaucoup mieux
du point de vue de son état général grâce à ces soins.
- Swami Nirgunananda se
rendra de nouveau en France cette année. Il se rendra à Terre du Ciel (03 85 60
40 30 infos@terre-du-ciel.fr) du 30 juillet au 5 août, et aura probablement un
programme à Genève les 1er et 2 juillet. Pour le reste, il ira au Etats-Unis,
puis en Allemagne. Nous réannoncerons un programme plus précis dans le prochain
numéro, et l'on peut aussi consulter www.anandamayi.org pour les mises à jour
ou changement de dernières minute.
- Les participants aux
stages et conférences de Vigyânânand à la Réunion en mars on donné
généreusement 4000 € pour le Mâ Anandamayî Vidyâ Mandir (le 'Temple de la
Connaissance de Mâ Anandamayî), l'école de Ramrari, un joli petit village
himalayen niché en contrebas de l'ermitage de Dhaulchina. Nous remercions
particulièrement Rachid Ganthy, un homme d'affaire réunionnais d'origine
gujarati par ses ancêtres qui a contribué à cette action pour 2000 euros. Grâce
à cela, il sera possible de construire un premier étage qui pourra abriter
trois classes de plus et permettra de garder les enfants dans l'école jusqu'à
la quatrième ou à la troisième. Leur nombre va passer de 80 à150 ou 160
environ. Le bâtiment sera enfin non seulement branché avec l'électricité et le
téléphone, mais aussi avec l'internet grâce à un nouvel ordinateur donné par
l'ashram.
- Nous signalons la
parution de deux ouvrages de Patrick Mandala Le son du silence consacré à des instructions spirituelles et des
anecdotes inédites de Râmana Maharshi et un roman initiatique, Mâyâ, qui donne forme à des expériences
de l'auteur avec l'Inde, et dont nous avons reproduit un bref chapitre dans ce
numéro même. Les deux ouvrages ont été publiés par Accarias - l'Originel, 5 rue
de la Folie-Régnault, 75011 Paris
originel-accarias@club-internet.fr
Nouveaux
abonnements
Pour ceux qui voudraient prendre un nouvel
abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José Sanchez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaison-la-Romaine.
Envoyez un chèque au nom de Jacques Vigne
de 6 €, et de 3€ pour l'abonnement par courriel. À ce moment là bien sûr,
communiquez aussi votre adresse électronique et
envoyez de plus directement une copie de votre message à
jacquesvigne@yahoo.fr. Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste
indienne, cette formule mérite d'être considérée sérieusement.
Table des matières
Paroles de Mâ
En association avec Mâ
Anandamayî 9e partie
par Amulya Kumar Datta Gupta (traduit du hindi)
Vacances d’été par Bithika Mukerjee
Mes débuts avec Mâ par Râm Alexander
Mâ par Patrick Mandala
Poèmes ‘Ode au Silence’
et ‘O Inde, ô mon amour’
par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
‘ Aux rives de l'outre
rêve’ par Y. Moatty
Nouvelles
Nouveaux abonnements
Table des matières
Jay Mâ N° 81
- Eté 2006
1
Paroles de Mâ
Où que vous alliez, allez-y avec tout votre coeur et toute votre âme, vous
verrez alors que personne n'est étranger.
Les hindous, les musulmans, les shaktas et les vishnouïstes arrivent au
seuil de Sa porte.
Le Seigneur-maître et le serviteur, bien qu'étant deux, fondamentalement
sont un.
Il n'y a pas d'aspiration intense en ce monde pour connaître cette
félicité, dont une seule parcelle suffit à donner du plaisir à tout un chacun.
Parfois, un désir profond de détachement est engendré lorsqu'on dérape en
cheminant dans l'alternance des plaisirs et des douleurs de la vie.
Il y a moment où vous arrivez à vous élever au niveau de l'enthousiasme,
c'est alors que vous pourrez vous concentrer de façon satisfaisante.
De même que vous faites toutes sortes d'efforts pour rendre le corps sain
et beau, de même arrangez-vous pour travailler de la même façon sur votre
esprit.
C'est l'esprit qui est son propre ami ou son propre ennemi, c'est l'esprit
qui doit détruire sa propre ignorance.
2
À force de travailler en étant concentrés sur un but, la capacité,
l'habileté pour atteindre la perfection de l'action se révélera d'elle même.
Questions récentes
à Vijayânanda
- Combien de temps avez-vous passé avec Mâ Anandamayî ?
- Je suis toujours avec Mâ.
- Avez-vous obtenu la félicité, ânanda ?
- Je suis avec Mâ Anandamayî depuis cinquante-cinq ans, ce n'est pas
étonnant que j'aie obtenu ânanda...
- Que signifie ‘Yoga’ ?
- On dit d'habitude que 'yoga' représente l'union du jîvâtma et du Paramâtma
(âme individuelle et âme universelle), mais en fait, en pratique, c'est surtout
l'union du masculin et du féminin, par la rencontre des nâdîs droites et
gauches. Quand elle est stabilisée, on obtient le corps divin.
- Quelles sont les caractéristiques de ce corps divin ?
- Un visage rayonnant, radieux, plein de lumière ; mais on peut aussi
réaliser ce corps divin au-delà du corps physique, sans lien avec lui, directement.
Comment interpréter la violence de
certaines formes religieuses?
3
- Une fois qu'on a bien compris que la diversité fait partie du monde, on
peut vraiment accepter la variété de gens très différents. Si tout le monde
était pareil et parfait, le monde serait ennuyeux !
- Est-ce que vous garder des liens avec votre famille depuis cinquante-cinq
ans que vous vivez continûment en Inde ?
- Ils gardent contact avec moi.
- Une dame a écrit, et se plaint d'être victime avec son mari de magie
noire, provenant de son beau-père. Que faire ?
- Il y a souvent beaucoup d'ima
- Est-ce que le Conseil de Râmana Maharshi de méditer sur le Soi en se
concentrant sur le coeur à droite peut être suivi ? Du point de vue de la physiologie subtile,
cela semble logique de rééquilibrer la convergence de l'attention et du stress
sur le cœur physique à gauche en la remplaçant par une concentration symétrique
subtile à droite.
- Cela est très personnel, et marchera certainement si vous pratiquez en y croyant. En fait, dans les Proverbes de Salomon, on dit que le sage
a le coeur à droite, le sot à gauche. Le mot pour ‘sage’ signifie en fait celui
qui a éveillé de la koundalinî, la Hokhma, mots qu'on traduit en général
par Sagesse. Ailleurs dans les Proverbes, on dit que la Hokhma a
ouvert sa maison, et
4
qu'elle a sept colonnes, ceci évoque aussi clairement la koundalinî. Dans
ce sens, il y a également cette citation vers la fin du Cantique des cantiques.
Qui est celle qui vient, claire comme l'aurore, belle comme la lune, brillante comme le soleil et puissante comme
une armée rangée en bataille? En fait, le mot hébreu traduit par brillante
pourrait être rendu plus exactement par pure. Avec des citations de
ce genre, on voit bien que le Cantique des cantiques n'est pas une histoire
d'amour habituel, mais qu’il s'agit du récit d'un éveil mystique.
Est-ce que le rejet viscéral qu'effectue le monothéisme du culte des idoles
n'est pas une forme de paranoïa ?
Le monothéisme est certainement trop exclusif, au départ, c'était une réaction justifiée contre des cultes
primitifs des esprits qui avaient des aspects très sombres, L'adoration des
idoles était considérée par les juifs comme un des plus grands péchés. De nos
jours, c'est excessif, il est suffisant de reconnaître qu'il y a une basse
commune d'Absolu qui est une, c'est ce que la physique quantique appelle le
champ unifié. Après, chacun doit être laissé libre d'adorer la forme du Divin
qui lui convient. Le monothéisme exclusif et violent n’est plus de mise, et est
en fait dépassé à notre époque.
5
Mâ est à l'écoute
Une anecdote racontée par Dîpak
Somal
Dîpak et Kiran Somal sont frère
et soeur et petits-enfants de Mahârathan. Celle-ci était très proche de Mâ.
Entre 1945 où son mari est mort, et son propre décès en 1964, elle était tout
le temps à suivre Mâ. Comme Vijayânanda à ses débuts, elle était très attachée
à être en sa présence physique et à simplement la regarder pendant des heures.
À l'époque, on les surnommait dans l'ashram "les deux Gopis", du nom
des amantes de Krishna. Une des filles de Mahârathan, Bilidi, a passé sa vie
comme brahmacharinî dans les ashrams de Mâ, après avoir été cependant
sous-directrice dans un collège. En ce moment, Dîpak et Kiran organisent à
l'ashram de Kankhal une Bhagavat-Sapta, une semaine de lecture du Bhagavata
Purana, l'histoire de Krishna, en mémoire de leur père. Lui vient de me
raconter cette anecdote à propos de sa grand-mère :
C'était dans les années cinquante.
Mahârathan était venue à l'ashram de Bénarès en espérant trouver Mâ, mais elle
n'y était pas, De ce fait elle s'est rendue à la Birla Dharamshala de Sarnath,
c'était à l'époque le seul endroit où on pouvait loger en ce lieu, où le Bouddha
avait fait sa première prédication, près de Bénarès. Physiquement, elle était
malade et moralement triste aussi d'avoir manqué Mâ, elle pleurait beaucoup. De
son côté, Mâ revenait d'ailleurs vers Bénarès, le train passait par Sarnath
mais ne devait pas s'arrêter. Finalement - était-ce un coup de pouce de la
Mâ ? - il a stoppé en pleine voie dans
6
l'agglomération de
Sarnath, Mâ est descendue, a suivi les ruelles, est arrivée à la Birla
Dharamshâla, s'est rendue à la chambre où était Mahârathan et l'a retrouvée...
Néo-védanta et modernité
Par Bithika Mukerjî
Détachement et félicité
Les différentes sortes
d'attachements procurent des joies fragmentaires, seul le détachement peut
amener à la plénitude. La plupart des gens se satisfont d'une parcelle de
bonheur, ce qui avait déjà été indiqué
dans la Brihad-Aranyaka Upanishad (IV 11. 32).
Voici la félicité suprême de Brahman. D’une
particule de cette félicité même, les autres êtres vivent...
L’exclusivité qu'on demande à
propos de l'enseignement aussi bien que le désir d’écouter cet enseignement de
l'advaïta n'est pas incompatible avec son universalité. La recherche orientée
vers la connaissance de Brahman pourrait être le sujet d'intérêt de quiconque,
partout et à n'importe quelle époque. Ainsi, la philosophie de Shankarâchârya
peut être appelée
7
universelle et aussi s’adapter à tous les modes de vie, qu'ils soient
anciens ou modernes ; pourtant, on doit insister sur le fait qu'elle s'adresse
exclusivement et de façon constante au "dénouement du nœud du cœur"
(Mundakya Upanishad II 2 8) – qui reste fermé d'une façon si complète à toutes
les tentatives qu’on fait dans le monde pour l'ouvrir. Il est évident que
l'universalité qui ressort de la philosophie de Shankarâchârya est à un niveau
plus profond qu’un spiritualisme mou ou qu'un pseudo - universalisme soutenu
par certains de ses interprètes modernes.
La discontinuité d’avec la tradition ne réside pas tant dans le fait,
chez les modernes, de mettre en avant les valeurs de l'humanité que de penser
que celles-ci diffèrent de la pensée védantique. Pourtant, le domaine exclusif
du védanta, n’est pas en conflit avec les soucis du monde, et cela a été une
erreur tragique de penser qu'il en était ainsi. Les questions qui sont spécifiquement
développées dans les Upanishads sont des affirmations textuelles qu'on présente
afin d'être intégrées grâce à la
recherche intérieure et la méditation. Sans recherche il n'y a pas de réponse.
En préservant cette méthodologie, les Upanishads ont touché la corde la plus
intime de tous les cœurs humains. C'est en cela seulement peut-être qu'on peut
trouver le secret de cet universalisme qu'on cherche généralement à propager à
un niveau tout à fait différent. Etre
pur et félicité dans la Taittiriya Upanishad Il y a trois parties dans cette Upanishad
majeure connue pour son enseignement sur ânanda, la félicité. Ces parties
s'appellent vallîs, ce qui signifie plantes
8
grimpantes.[7] La
première partie de l'Upanishad, la shikshâ vallî, est consacrée à
l'enseignement, comme son nom l'indique. Il s'agit de communiquer au disciple
les bases d'une vie équilibrée afin qu'il soit prêt, adhikari, à
expérimenter la connaissance de Brahman. Cette notion de préparation est
essentielle dans le védanta classique, et échappe souvent aux interprètes
modernes. D’après Shankarâchârya, le monde dont on parle dans cette partie doit
être considéré comme une étape, un caravansérail, et non pas comme la sphère
ultime de la réussite humaine. L'action dans le monde a un effet de
purification, mais seule la connaissance peut donner la Réalisation. C'est à cette connaissance que sont
consacrées les
deux parties suivantes de l'Upanishad, ânanda vallî et bhrigu
vallî, Bhrigu étant le nom d’un futur Rishi encore disciple dont
l’itinéraire vers la sagesse est décrit à ce moment-là.
La tradition décrit quatre axes
d’engagement, anubandha, pour se rapprocher de la Libération :
Pour résumer le sens de toute
cette préparation, on peut dire que l'unité du Soi et de Brahman qu'on présente
dans les
9
Upanishad s'effectue en montrant la dissociation complète du Soi avec la
manière dont il est impliqué dans les expériences du monde ; le résultat de ce
discernement est ce bonheur suprême que l'être humain toujours recherche :
ainsi donc, les Upanishad s'adressent à tous ceux qui peuvent choisir de faire
attention et mettre en pratique son message.
Le récit fondateur de la
Taittirîya Upanishad, derrière son apparence étrange, transmet un enseignement
profond. Yajnavalya était déjà un disciple avancé quand son maître,
probablement jaloux de lui, lui a
demandé de lui rendre tout l'enseignement qu’il lui avait donné ; il l'a
alors vomi, et le maître a demandé aux autres disciples de se transformer en
perdrix (tittirî, d'où le nom Taittiriya, "qui est associé aux
perdrix") pour s'en nourrir. De son côté, Yajñavalkya est parti dans la
forêt où il a médité par lui-même et a finalement atteint la réalisation
complète. Un enseignement a priori verbal et intellectuel est comme de la
nourriture mal digérée dans l'estomac, seulement un engagement dans une pratique intensive et
solitaire, peut favoriser la survenue de la Réalisation.
A ce moment-là on pourra dire
avec la Mundakya Upanishad (II 2
8) : le nœud du cœur est percé, tous les doutes sont résolus, tous les
liens sont détruits, en Le voyant, lui qui est ici et au-delà. Le nœud de cœur est entouré par des
doutes qui le nourrissent et l'entretiennent. Il doit être défait non pas en le
dénouant lentement mais en le perçant jusqu'au centre afin qu'il soit annulé.
En voyant Brahman, tous les doutes se dispersent, de même que le soleil
éclatant met en déroute les nuages qui couvrent le ciel.
Pour en revenir à la similarité de
l’homme et de l’oiseau, cet animal qui oscille entre ciel et terre, nous
pouvons mentionner la
10
structure des différentes enveloppes ou corps, kosha, qui
constituent l’être humain. Son corps physique déjà, comme celui de l'oiseau est
composé d'une tête, de membres inférieurs et de côtés. Au centre réside âtman.
Au centre du corps fait de prâna se trouve l'espace du coeur, entouré par les
divers prânas, au centre du corps mental se trouvent les injonctions védiques,
entourées par les quatre Védas, au centre du corps de l'intuition supérieure se
trouve le Yoga avec, à sa gauche la
justice, à sa droite la vérité, et en guise de tête ou troisième œil la
vénération, et enfin au centre du corps de félicité se trouve ânanda. Il y a à
sa gauche la gaîté, moda, et à sa droite le bonheur, pramoda,
elle a pour base le Brahman et pour tête l'amour, priyam[8].
Selon une comparaison
traditionnelle, dans l'état de sommeil profond, (comme dans celui de samâdhi),
le Soi brille de son propre éclat de même que la lampe dans une salle de
banquet continue d’éclairer quand les participants sont partis et que l'endroit
se vide.
Quand on demande : "Où donc se trouve le Soi ?", on répond
d’une façon pleine de poésie et de mystère dans la Taittiriya Upanishad (II 1
1) : dans la grotte du vaste ciel ! D’ après Shankarâchârya,
ce mot "grotte", guhâ, indique le fait de cacher la diversité
; cela dénote donc l'expérience intérieure avancée qui permet de masquer la triade connaisseur - connaissance
- connu
11
ou bien aussi, les deux buts inégaux de la vie humaine, c'est-à-dire, le
plaisir qu'on a à expérimenter par opposition à la libération. Cette
"grotte" se situe dans le grand ciel du cœur, ainsi on peut dire que
le Soi réside dans les fibres les plus intimes de notre propre être.
Les espaces extérieurs et
intérieurs ne font qu'un, c'est ce que dit la Chandogya Upanishad (III. 12. 9):
Ce qu'on désigne comme Brahman, même
cela est dans l'espace, âkâsha en dehors du corps. Ce qui est dans l'espace à
l'intérieur du corps, même cela est dans cet espace à l'intérieur du lotus du
cœur. Ce Brahman remplit tout et il est immuable. Celui qui le connaît de cette
manière obtient une prospérité qui comble tous ses désirs et qui ne change pas.
La Mundakya Upanishad va aussi
dans le même sens (II. 2.5) : Connais ce Soi unique qui est un sans
second, auquel sont attachés comme à une corde le ciel, la terre et l'espace
qui les séparent, le mental ainsi que les souffles vitaux avec tous les autres
organes - et abandonne tout autre discours. Voilà le pont qui mène à
l’immortalité ![9]
La Taittiriya Upanishad (II 1.1)
supporte la même idée : Brahman est
Réalité, Conscience et Infini; celui qui Le réalise comme un trésor dans la
grotte, dans l'espace le plus élevé, en tant que Brahman omniscient, voit tous ses désirs comblés
12
immédiatement.
Ce passage est fameux à juste titre car,
dans son expression inspirée, il contient l'enseignement entier de la
philosophie de l'advaïta. C'est le texte qui définit Brahman en tant que
Réalité, Conscience et Infini. En laissant cette définition de côté pour le
moment, nous pouvons considérer la dernière expression qui dit qu’en
connaissant Brahman, chaque désir se voit comblé non pas comme ils le sont dans
le monde c'est-à-dire un par un, mais tous ensemble et tous immédiatement. Cela
signifie qu’en connaissant Brahman, tout est accompli et que plus rien ne reste
qui ne soit effectué ou connu, il s'agit donc d'un état de tranquillité
joyeuse.
Si le védanta insiste tant sur la
question du voile, c'est parce que l'homme ne sait pas qu'il ne sait pas.
Comment celui qui est en train de dormir pourrait-il savoir qu'il est
endormi ? Quand l’être humain se détache des jouets qui l’occupaient comme
un enfant, s'éveille en lui le renoncement. Celui-ci consiste en un désir
brûlant pour la Connaissance que rien
qui ne soit pas encore cette Réalisation ne peut assouvir ; quand
celle-ci arrive, rien d'autre ne reste à accomplir. Il s'agit d'un désir
positif, et non pas d'une désillusion négative avec le monde… Ce désir de Connaissance
est crucial dans le contexte des Upanishads. On peut dire qu'une conscience
débutante à propos de l'existence du voile faire venir au premier plan pour
l'esprit qui recherche une aspiration intense pour la véritable Connaissance.
Afin d’évoquer celle-ci, tout langage qui
crée l'impression de mouvement ou d'obtention reste inapproprié. On s'approche
le mieux de cette réalité par les comparaisons de retrouver un objet, une
réalisation soudaine que quelque chose
qui était déjà accompli, mais d'une façon ou d'une autre non encore
expérimenté, est la Réalité. C’est comme la réalisation du
13
dixième homme qui
était confus il y a encore un instant et dont
l'esprit s'illumine comme en un éclair : après avoir traversé une
rivière dangereuse, il compte les neuf compagnons qui étaient avec lui et dont
il était responsable, et trouve donc qu'il en manque un puisqu'ils étaient dix
au départ et qu’il s’est oublié lui-même, jusqu'à ce que quelqu'un lui dise :
"Tu es le dixième homme !" Dans cette situation, il n'y a rien de
nouveau qui soit accompli. Il n'est pas devenu le dixième homme, il était déjà
celui-ci, simplement il ne savait pas qu'il en était ainsi. Quand l'Enseignant
prononce la parole de l'identité du tu, tvam, et du Cela, Tat, il
se peut qu’une telle réalisation survienne et qu'on expérimente une grande joie.
Extraits de En compagnie de Mâ Anandamayî
Par Bithika Mukerjî, à
paraître aux éditions Agamât –Mars 2007 – Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) et Jacques Vigne (Vigyânânanda)
Rencontre avec Mâ Anandamayî,
une femme
remarquable.
Par le Pr Marc-Alain Descamps
Marc-Alain Descamps vient de faire sortir aux
éditions Alphée un livre intitulé : Rencontre avec douze femmes remarquables.
Il parle d'occidentales et d'indiennes, en commençant par Blavatsky et Bailey
pour finir par Mâ Anandamayî, Mère Meera et Amma, en passant par la Mère de
Shrî Aurobindo, Alexandra David-Neel et Maryse Choisy. Il a lui-même enseigné
la psychologie à la Sorbonne et présidé aux destinées
14
de l'Association Française du Transpersonnel
depuis une vingtaine d'années dont il est toujours le président ; il
enseigne le Yoga et continue à exercer comme psychothérapeute et psychanalyste
spirituel.
J'ai pu rencontrer Mâ Anandamayî
trois ans avant sa mort. Et au bout d'un moment de darshan [présence rayonnante
d'un sage], un fait prodigieux s'est produit. Elle m'est apparue soudain telle
qu'elle était dans sa jeunesse. Puis alternativement, je la voyais à trente ans
et à quatre-vingt-trois ans comme si elle voulait me dire qu'elle n'avait pas
d'âge et que c'était toujours la même. Mais dans les deux cas, elle était
irradiante de lumière.
Le don de la joie
Ses dons étaient fort nombreux et
elle donnait sans cesse autour d'elle. Elle était l'incarnation de la joie
divine. Elle était la joie. Elle irradiait la joie. Dès qu'on la voyait ou que
l'on s'approchait d'elle, on ressentait cette joie, comme une vague de bonheur qui soulève. Sa
simple vision donnait des flashs de bonheur,
une euphorie complète. On avait l'impression de flotter, de marcher en
l'air.
Soyez toujours heureux, la tristesse
est votre ennemie.
Réalisez donc cet état de félicité
divine,
et qui est au fond de nous.
Cherchez toujours à vivre dans la
joie,
à exprimer la joie dans vos pensées
et vos actes.
L'être suprême est joie incarnée.
Sentez sa présence joyeuse dans tout
ce que vous voyez et entendez.
15
La tristesse est fatale à l'homme.
Essayez d'être attentifs à tout ce
qui est une vraie joie,
elle vous rapprochera de Dieu.
Apprenez à vous immerger dans la
joie divine.
Mâ était d'une beauté à vous
couper le souffle. Pas seulement d'une beauté physique, elle était éblouissante
de lumière intérieure. Elle était multiple. Elle pouvait être un rêve d'enfant
et soudain passer au visage dur et terrible de Kali, reflétant toute la
souffrance du monde. Tantôt elle semblait avoir soixante, puis vingt-cinq ans,
pour revenir à quatre-vingts ans avec toujours la même beauté...
Elle fait cet aveu fondamental :
"Vous l'avez tellement demandée, que la joie divine est venue dans ce
corps, pour votre édification."
Nous ne devrions jamais l'oublier.
Mâ avait l'omniscience divine.
Elle connaissait tous les livres sans les avoir lus. Elle comprenait et expliquait
de l'intérieur les textes sacrés des védas et des Ecritures.
Elle est dans l'état de pure conscience ori
La guidance
Elle ne la vit pas comme un
gourou, ne donne pas d'initiation ni de mantra. Elle ne demande rien et
confirme le positif.
Elle laisse faire librement son choix, simplement elle confirme quand on a
fait le bon.
Mâ s'occupe des gens autour d'elle, très attentionnée à ceux qui ont des
difficultés ou des crises et laisse ceux qui vont bien
16
trouver la suite par eux-mêmes ;
certains se jugent alors abandonnés et en ont écrit des livres.
Elle a un regard qui transforme et provoque des réactions profondes
instantanées.
Les entretiens particuliers sont un prétexte pour un échange profond et un
renouvellement de la joie...
C'était une bénédiction de la rencontrer, comme d'en parler
simplement, d'écrire ceci ou de le lire
avec amour. À qui sera donnée cette joie ?
Extraits de Rencontres avec douze femmes
remarquables
Par Marc-Alain Descamps, Editions Alphée, 2006, www.editions-alphee.com
Un lotus sud-américain aux pieds de Mâ
Par Kamalnârayân
Antonio Dagnino a reçu dans les années 60 ce nom de Kamal-Narayan
(Vishnou au Lotus) de Mâ elle-même. On peut dire qu’il est citoyen du monde :
ori
17
France, et ensuite au Mexique et en
Inde. C'est là-bas qu'il a rencontré Mâ Anandamayî, puis, à l'instigation de celle-ci,
il est retourné au Venezuela où il a eu trois filles qui sont maintenant
chacune engagées de façon soutenue dans une voie spirituelle de l'Inde. L'une
d'elles habite chez Satya Sai Baba au Karnataka, et l'autre chez Amma au
Kérala. Il a enseigné les beaux-arts au Venezuela et à l’université de
Bangalore, et maintenant, après sept ans en Inde, il fait de nouveau cap vers
l’Amérique du Sud. Juste avant son retour vers le Nouveau Monde, il est passé
pour l'anniversaire de Mâ à Kankhal et m'a laissé son recueil de poèmes dans
une version à peu près définitive. Comme les livres hindous, il commence par
une invocation à Ganesh, le dieu du bon début, et tout de suite après il parle
de Mâ :
Om Gam, Gam, Ganapati Jay!
A Mâ Anandamayi, absolument la Mère, absolument l'Absolu;
qui silencieusement, miraculeusement a changé mon coeur
et a donné pouvoir à ma voix.
Il commence par remercier entre autres
Atmânanda, qui s’occupait du journal de la Sangha, l’Ananda Vartâ, et qui a
publié ses premiers poèmes en anglais en parallèle avec le journal de la
Banaras Hindu University. Il termine sa brève série de remerciements par
celui-ci : "Et - ce qui vient en dernier dans ce cas ne sera jamais le
moindre - je désire remercier le peuple de l'Inde, l'homme et la femme de tous
les jours de cette terre ancienne, berceau de multiples formes et cultures, où
j'ai passé bien des années extraordinaires ; il
18
garde à jamais vivante -
consciemment ou inconsciemment - sa
profondeur.
La
parole de Mâ qu’il a mise en exergue
dans son livre de poèmes mérite d'être citée :
"Quand l’esprit se centre
sur ce qui donne la paix et que son regard demeure sur ce qui la promeut; quand
l’oreille écoute ce qui remplit le coeur de paix... et qu'il y a une réponse de
Celle qui est la paix elle-même, c'est alors seulement qu’il peut y avoir
promesse de paix. "
Purna
Brahma Nârayânî
Il
s'agit de la réponse qu'a donnée Mâ dans sa jeunesse, elle avait peut-être 25
ans, à son cousin Nishi Babu quand elle
était à Bajitpur où celui-ci travaillait comme pandit et médecin ayurvédique.
Il lui avait demandé un jour, avec Bholonath :"Qui es-tu?", et elle
avait répondu de cette façon, ce qui signifie "le Plein, l'Absolu, le
Seigneur (dans sa forme féminine)".
Le poème
ci-dessous a été inspiré à Kamalnârayân
par Shrî Shrî Mâ Anandamayî durant les célébrations de son anniversaire à
New-Delhi en 1972.
Om Mâ
Avec tendresse,
avec le désir fort de la
journée passée sous un soleil écrasant
19
pour la nuit fraîche,
infinie,
avec l’humilité de la
terre
ouverte aux pluies,
avec le plaisir et la
douleur comme double autel,
et l’accumulation des
actions passées
bonnes ou mauvaises,
conscientes ou inconscientes –
Comme le ghee [beure
clarifié] qu’on va verser dans le feu sacré,
avec la passion comme
flamme,
et l’esprit mystérieux,
insondable,
comme le vent qui nourrit
le bûcher funéraire,
Avec l’entièreté de la
vie,
la pulsation, l’énergie qui bat,
la diversité merveilleuse
des formes et des êtres,
le travail pénible, les
contradictions, les batailles
comme le champ du
sacrifice,
avec le Temps comme
prêtre,
et la mort comme
témoin,
Je t’adore.
Je t’exalte.
Et je tombe à tes pieds,
toujours présent.
Avec la peur de perdre ce
qui reste de mon vieux soi,
et pourtant cherchant
avec désespoir à fondre cette laideur
dans ta lumière.
Avec la peur de
finalement mourir
aux mains de l’égotisme
torturant qui limite l’amour
et de me fermer
complètement à ta beauté,
pourtant cherchant aussi
avec désespoir à voir avec tes yeux.
Avec la peur de n’être
jamais capable
20
de purifier pleinement ce
qui obscurcit la vertu,
et pourtant certain que
sans vertu
il ne peut y avoir de
joie.
Avec la peur de la
petitesse, de la limitation, de la culpabilité ;
et des prisons qu’on se
crée à soi-même
et qu’on doit brûler
dans le feu de
l’aspiration transcendante.
Avec la peur de moi-même
–
je m’offre moi-même en
sacrifice.
Om Hrim
Spontanément radieuse
Conscience, oeil infini
répandant en nous ton
immobilité centrale
plus vite que la lumière,
créant, maintenant et
détruisant
les systèmes planétaires
et les sphères célestes,
les royaumes de son pur
et de couleur pure
où des êtres chastes
vivent dans la joie.
Mahâ Koundalinî
tourbillon essentiel
sacré
actif dans toutes les
énergies,
perfection demeurant dans
le coeur de l’imperfection,
perfection qui moule la
matière en vie
et la vie dans la liberté
du nirvâna.
Je t’adore.
21
Je t’exalte.
Je place cette fleur à
tes pieds sacrés.
Om Shrim
Ton visage contient
toutes les douceurs
des cieux et de la terre,
Les oiseaux qui chantent,
l’immobilité extatique au
crépuscule,
la beauté immaculée des
étoiles,
les eaux qui courent et
courent,
la force sublime des pics
enneigés,
le corps d’amour,
la plénitude d’amour
d’où la vie se déploie,
qui protège, inspire et
comble la vie ;
qui révèle la vie comme
divine,
comme le temple infini
où l’homme et la femme
peuvent évoluer…
unissant
les liens du temps à la
splendeur intemporelle.
Mère,
tu es le désir et sa
satisfaction,
le corps harmonieux,
et l’extase sacrée qui
lie l’amant et sa bien-aimée.
Tu es l’attraction et la
répulsion
22
de la force génératrice,
l’innocence des enfants,
la richesse,
l’intelligence, la bonne
santé, la beauté,
et la loi morale
créative.
Tu es la lumière
perpétuelle,
le noyau de vérité
qui, à travers les
siècles, s’incarne dans des formes humaines parfaites,
qui resplendit avec la
connaissance radieuse de l’esprit
Et apporte au monde
inconscient
la pureté libératrice du
supra-mental…
Tu es Une dans ton soi
inconnaissable,
sans forme et totalement
joyeux,
Et Une dans ta
descendance,
Tu pénètres tout.
Tu es la vie ordinaire,
Le substrat : OM.
(à
suivre)
Le dernier poème de la série sur Mâ, qu’a composé
Kamalnârayân, s’intitule Bindu, le point à la fois lumineux et sonore sur
lequel se concentre le yogui et qui peut être placé en différents lieux du
corps ou en-dehors.
23
Bindu
Le point de non retour
correspond à ce moment
même qui se tourne vers nulle part
et pourtant est partout.
Le point de non-retour
est sans début et sans
fin
pour quiconque connaît le
Soi comme dépourvu de soi.
Le point de non-retour
est la conscience de
l’amour dans la mort, l’étoile, la femme,
l’arbre, l’oiseau,
l’abeille et toutes les autres formes de vie.
Le point de non-retour
est au-delà du temps, de
la pensée, de la vue, de la parole, et du visage ;
C’est une énergie libérée
qui se noie joyeusement dans l’espace.
Le point de non-retour
est un joyau aux facettes
multiples qui reflète l’infinité
dans l’étincelle de notre
divinité innée et consciente.
Le point de non-retour
est maintenant.
Ici.
Toi !
(à suivre)
24
Ô Mère d’Amour
Par
Monique Manfrini
Ô Mère, tes enfants sont là,
Tous réunis autour de Toi.
Ils respirent le parfum subtil
De Ton Amour immense.
Telle la fleur, épanouie au soleil,
Tu les nourris de Ta présence…
Ton Amour est don total
Qui n’exige rien en retour.
Ô Mère, tes enfants sont là,
Tous réunis autour de Toi.
Ils respirent le parfum subtil
De Ton Amour immense.
Telle la fleur, épanouie au soleil,
Tu les nourris de Ta présence…
Ton Amour est don total
Qui n’exige rien en retour.
Tu répands la joie et
La gaieté aussi, en nous offrant
Ton sourire rayonnant.
Notre coeur s’envole vers Toi, enchanté…
25
Tu nous accueilles, toujours,
Aimante et allèges nos peines.
Près de Toi, le coeur le plus lourd
Se sent heureux, précieux…
Ô Mère, l’Amour est Ta Vérité
Et notre coeur plonge en Toi,
Telle l’abeille dans la corolle
Pour y recueillir le pollen lumineux…
Ce nectar d’Amour, Tes enfants
Ne peuvent le garder en eux.
Ils l’offrent à tous car Ton Amour
Est tendrement contagieux…
Nos yeux s’allument, alors,
De Ta Lumière si douce.
Nous ressentons une grande chaleur,
Partout et nos coeurs chantent avec Toi…
Ô Mère, Tes mains ouvertes
Pour nous, abritent nos détresses
Et partagent nos joies. Tu es Amour
Illimité. Tu donnes et tu accueilles.
Les tempêtes de la vie
Sont apaisées auprès de Toi…
Aide-nous à semer l’Amour
26
De nos deux mains ouvertes…
Alors, revenus en Toi,
Notre Félicité sera sans fin…
Ô Mère d’Amour, Tu nous dévoiles
La Vie Eternelle, pénétrant Tout.
Monique
Manfrini,
L’Estaque,
le 18.04.2006.
Le Yoga du Traducteur
(Dans la joie du ‘Traduire’)
Par Mahâjyoti
Ayant vécu la plupart du
temps à l'Etranger depuis mon adolescence, en y exerçant des métiers de
communication, des centaines de textes me sont passés par l'esprit et par les
mains en deux autres langues que la mienne.
Quel rapport avec le Yoga
me direz-vous ?
Eh bien je répondrai celui
du souffle : de 'l'inspir' et de 'l'expir', celui des deux sens des nadis,
celui des deux roues d'un chariot, d'une réponse à un chant, à une mélodie…
La roue gauche du chariot
entraîne la mélodie du texte initial qui vous pénètre de son ronronnement, de
son rythme et de sa musicalité…qui vous imprègne à l'intérieur, là où a lieu la
transformation magique, celle de faire revivre avec d'autres sons une pensée profonde,
une inspiration première, un 'inspir', un
27
souffle provenant d'une pensée inconnue qui, dans les rails implacables d'une technique
sans concession va éclore peu à peu et fleurir de nouveau dans 'l'expir' du
texte traduit renouvelé par d'autres mots, d'autres sons, d'autres rythmes. Le
plus dur étant de passer par ce processus sans 'trahir' non seulement la
musicalité, mais le noyau central, la roue, le 'chakra' qui a créé l'idée, le
thème, la souffrance, ou l'amour qu'il souhaitait exprimer.
C'est la roue gauche du
chariot qui correspond à mon oreille écoutante. Soudain, il y a décodage entre
les deux hémisphères : ce sont les mots qui se transforment en une langue
différente, en traversant mon esprit, pour aller chanter la nouvelle version dans
mon oreille droite qui doit alors se synchroniser sur l'ori
C'est un peu comme le
doublage d'un film. Tant que les deux roues ne se synchronisent pas sur les
deux mélodies parallèles, le texte n'est pas bon…
Si l'on est doué pour,
c'est captivant d'effectuer ce transfert dans 'sa' langue…C'est presque une
jouissance ! Mais quand vous abordez l'autre sens, vous apprenez à nager à
l'envers…chaque envolée recèle un piège, c'est presque l'expir essoufflé qu'il
faut faire retomber dans
'l'inspir…ation' simple, car on a toujours tendance à vouloir
compliquer.
En traduisant en 'italien'
le livre de Vijayânanda, Un Français dans
l’Himalaya, aurai-je su faire chanter la langue transalpine aux 'oreilles' de nos amis italiens au travers
des propos du vieux maître que vous avez aimés
dans ' Les Entretiens de Kankhal ' (Infos-Yoga
n° 46/47/48) et 'Questions/Réponses de
Vijayânanda' (‘Jay Mâ' du n° 54
au n°
28
74) rassemblés et transcrits par Jacques Vigne, et qui sont extraits de ce
livre ? Je l'espère du fond du cœur, en hommage à ce qu'il nous transmet, à
l'Enseignement de Mâ Anandamayî et à l'Italie qui fut ma terre d'adoption
pendant de nombreuses années.
Aurai-je pu passer pour la
première fois de l'expir à l'inspir (en ne traduisant pas dans 'ma' langue),
aurai-je pu harmoniser mon cœur et mon oreille pour pouvoir m'envoler comme
Ben-Hur sur son char et ainsi m'élever entre deux mélodies qui, au bout du
chemin, n'en formeront plus qu'une, puisque TOUT se rejoint, en l'UN ?...Je
l'espère…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
La
ballade de l'EGO
Mâ aide-moi…moi moi
Je suis à toi…toi toi
Uni au SOI…soi soi
Rends-moi la joie…joie joie !
Je suis l'EGO… 'Gogo'
Je suis l'plus beau… bobo
J'en ai plein l'dos… dodo
D'être un chameau… mo mo !
On n' m'a pas regardé
Même pas félicité
O pleurs, ô désespoir
Et j'enrage le soir !
Aaaah ! Je sens que je
meurs
Il croit qu'il me fait
peur
J'vais ‘l’envoler’ tout
cru
A coups de pied aux nues
… !
Mais mon Dieu que c'est
bête
Mieux vaut courber la
tête
Et plier un genou
Après tout je m'en fous !
Mais pourquoi je m'entête
A manier à tout prix
L'orgueil qui meurtrit
Il est temps que j'arrête
!
Pour plaire à Mâ… Mâ Mâ
Faut que je rame… Ram Ram
C'est le SEVA… va va
Faut rendre l'âme…lam lam !
Dissolution… sion sion
Libération… sion sion
Je me sens bien… bien bien
Je n'attends RIEN… rien rien !
L'EGO dans sa dissolution
L'auteur dans sa résolution
(Geneviève
Koevoets/Mahâjyoti - Février 2006)
Dépouillement
- Renoncement
Dépouillement
C'est Dimanche, il fait
chaud, il flotte aux alentours
Un parfum impalpable qui
ressemble à l'Amour…
C'est l'ébauche
intérieure de vacuité, de vide,
D'abandon d'un vieux
'MOI' désormais insipide.
Dénuement
Renoncement à l'EGO et au
mental menteur,
Aux atours frivoles et au
succès trompeur.
Acharnement
Il est vain, il est fou,
et il n'a plus de sens,
Lorsque l'esprit s'élève
et en a pris conscience.
Recueillement
Sa volupté survient comme
un bain de velours,
L'on y trempe son âme
libérée pour toujours.
Détachement
Purifiée, sans attaches,
dans la liberté pure
D'aimer sans s'accrocher,
sans pleurer, sans blessures.
Déguisement
Pourquoi feindre la joie
lorsque l'on a la peur ?
Les vêtements, chaussures
et bijoux sont des leurres !
Compliment
Il nous flatte, il nous
fausse et souvent nous entraîne
Sur la piste glissante
qui conduit à la haine.
Enchantement
Mâ Anandamayî dans son
Enseignement
A rappelé la joie et
l'éblouissement.
Amusement
Le plaisir de donner,
d'écouter, de comprendre
Au lieu de désirer,
d'envier et de prendre.
Egarement
Et quand l'esprit s'égare
vers d'autres horizons
Mâ est là qui rassure,
ramène à la raison.
Enrichissement
Alors l'esprit s'élève,
se détache et s'envole,
L'entêtement faiblit,
n'est plus un pot de colle…
Epanouissement
On a donc déversé le
'MOI' gluant d'EGO
Dans le chaudron magique,
sans se faire bobo ?
Frémissement
Dans les premiers
frissons du voile qui se déchire
On aperçoit la route et
on s'attend au pire !
Perfectionnement
Va-t-on pouvoir monter ?
Deux routes s'offrent à toi
C'est la plus difficile
qu'il faut choisir pour soi.
Rayonnement
Alors à l'intérieur vient
jaillir la lumière
Celle que Mâ nous offre
au sein de sa prière.
Raisonnement
C'est fini le 'paraître'
? Un peu de 'jeu' demeure !
Mais tout au fond de
nous, on sent qu'on est meilleur.
Remerciement
Merci à tous nos guides,
conscients de nos erreurs
Et qui d'un grand
tourment ont fait un vrai bonheur.
Renoncement
Personne plus jamais ne nous
dira 'je t'aime' ?
C'est nous qui le dirons,
ce sera l'Amour même.
Nous aurons tant reçu,
juste retour des choses.
Alors la récompense sera
comme une rose…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Par un beau Dimanche de printemps…
Paroles de félicité
Ce choix de pensées
m'a été envoyé par une fidèle de Mâ franco-italienne. Pour ceux qui peuvent
lire l'italien et veulent avoir le diaporama qui va avec, de très belles photos
de fleurs, qu'ils n'hésitent pas à le demander à Marie-Louise. louisefunaro@aliceposta.it.
Il est toujours bon de
passer du temps à tout simplement revenir à cette félicité, ânanda dont était
constituée Mâ.
La félicité la plus
grande ne réside pas dans le fait de ne pas chuter mais dans celui de se relever après.
(Confucius)
La félicité, c'est de
désirer ce qu'on a. (Saint Augustin)
La félicité, tout comme
la religion, est un mystère et ni l'une ni l'autre ne devraient jamais être
rationalisées. (GK Chesterton)
Les personnes les plus
joyeuses [felici] semblent être celles qui n'ont pas de motif
particulier pour l'être, sinon celui-la même de l'être. (Ralph William Inge)
Le bonheur, comme la
beauté, est dans les choses.
La félicité même s'insinue
à travers une porte que vous ne vous souveniez plus d'avoir laissée ouverte
(T.Barrymore)
Ne crois pas que tu
puisses trouver le bonheur en offrant le malheur aux autres. (Sénèque)
Le plaisir peut se fonder
sur l'illusion, mais c'est sur la vérité que se base la félicité.
Quel que soit le voyage
que nous entreprenions, c'est la félicité que nous poursuivons.
Mais la félicité est ici.
(Quinto Orazio Flaca)
La félicité ne consiste
pas à faire tout ce que tu veux, mais à vouloir tout ce que tu fais (Nietzsche)
La félicité réside dans
le fait de connaître ses propres limites... et de les aimer. (R.Barthes)
Nouvelles
- Swami Nirgunânanda sera à Terre du Ciel du 30
juillet au 5 août pour une retraite
sur Mâ, qui sera suivie par une autre de Chandra Swâmî du 12 au 18 août. secretariat@terre-du-ciel.fr 0385 60 40
33
- Swami Vijayânanda se remet d'une ablation de la prostate pratiquée le 5
mai à Delhi avec la nouvelle technologie laser. Celle-ci a beaucoup moins
d'effets secondaires que l'opération habituelle, et effectivement les suites
opératoires se sont bien passées. Il est en convalescence dans sa chambre de
Kankhal, et reprendra les satsangs courant juin ou en juillet, car après ce type
d'opération, il n'est guère conseillé de monter et descendre les escaliers
avant un certain temps.
- La vidéo des cousins Maréchaux sur Vijayânanda, réalisée en 1998, est
maintenant sortie sous forme de DVD. Renseignements luc.marechaux@free.fr et Tel : 0873706742. (Prix 22 Euros +
4,50 de port). Grâce aux contacts de Mahâjyoti, des traducteurs sont en train
de travailler à Rome sur la version italienne et anglaise de ce DVD.
- Vigyânânanda animera des retraites pour des groupes de Yoga à Kankhal
avec Vijayânanda du 8 au 15 août (Mathieu, le directeur d'Infos-Yoga) et à la
mi-février (l’école de Yoga de Lyon avec Robert Dumel). Un autre groupe du
Vercors viendra
35
à Dhaulchina pour rencontrer Swâmî Nirgunânanda du 16 au 22 octobre, après
un pèlerinage à la source du Gange de Kédarnath.
- Marc-Alain Descamps, ancien professeur de psychologie à la Sorbonne et
président de l'Association Française du Transpersonnel, vient de publier aux
éditions Alphée un nouveau livre : Rencontres avec douze femmes remarquables
où il consacre un chapitre à Mâ Anandamayî, ainsi qu'un autre à Mère Mira et un
dernier sur Amma. Nous en avons mis un extrait dans ce numéro.
- Vigyânânanda reviendra en France de fin mars à décembre 2007, avec la
publication programmée de trois livres par le groupe Albin Michel.
Nouveaux abonnements
Pour ceux qui voudraient prendre
un nouvel abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José Sanchez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaison-la-Romaine.
Envoyez un chèque au nom de
Jacques Vigne de 5 €, et de 4€ pour l'abonnement par courriel. À ce moment là
bien sûr, communiquez aussi votre adresse électronique et envoyez de plus directement une copie de
votre message à jacquesvigne@yahoo.fr
Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste indienne, cette
formule mérite d'être considérée sérieusement.
36
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
Questions récentes à Vijâyananda p.2
Mâ est à l’écoute anecdote racontée par Dîpak Somal p.5
Néo-védanta et
modernité Bithika Mukherjî p.6
Rencontre avec Mâ, une
femme remarquable M.A.Descamps .13
Un lotus sud-américain
aux pieds de Mâ Kamal Nârayân p.16
O Mère d’amour Monique Manfrini p.24
Le Yoga du
traducteur Mahâjyoti (G.Koevoets) p.26
La Ballade de l’EGO Mahâjyoti ‘ p.28
Dépouillement-Renoncement Mahâjyoti ‘ p.30
Paroles de félicité p.32
Nouvelles p.34
Nouveaux abonnements p.35
Table des matières p.36
Jay Ma 82 - Automne 2006
1
Paroles de Mâ
Question : Si le mental refuse de se calmer, quels sont les moyens de quand même y
arriver ?
Mâ :
Pensez à l'eau dans le pot : aussi longtemps que vous agiterez le pot, l'eau
remuera à l'intérieur. Mais après avoir maintenu le pot pour quelque temps
immobile, vous vous apercevrez que l'eau aussi se calme. De la même façon en
faisant l'effort de maintenir stable le corps pendant quelques temps, le mental
se calmera aussi. D'un côté, c'est la nature même du mental d'être agité, mais c'est aussi sa nature de demeurer dans
un état stable et paisible. Efforcez-vous de rester assis le plus longtemps en
récitant Son nom, le mental pourra s'en
aller de-ci de-là, mais n'abandonnez jamais votre effort. Quand le mental
n'abandonne pas ce qu'il a à faire, son 'dharma', pourquoi abandonneriez-vous
le vôtre ?
Question : A propos de quoi pouvez-vous parler de samâdhi ?
Mâ:
Baba, je dis que le samâdhi, c'est la fin, samapti, de toutes les
ressources, samâdhân des états intérieurs et des actions. Du point de
vue du monde, je dis, de même que vous faites toutes sortes de travaux pendant
une journée, vous mangez, buvez, il arrive qu'ensuite vous plongiez dans un
sommeil profond et réparateur.
Un être humain qui se
respecte lui-même éprouvera encore plus de respect pour les autres.
2
C'est par le mental
lui-même qu'on dissipera l'ignorance du mental.
On n'obtient pas le but
de sa recherche si on néglige de considérer
l'intérieur et l'extérieur comme une unité.
Recherchez l'essence de
l'Atma, méditez sur la félicité perpétuelle.
Tant qu'il est nécessaire
de parler, utilisez les mots avec retenue.
À chaque instant, on doit
maintenir le but comme bien réel et authentique.
La force de l'action est
bien plus grande que de simples paroles.
L'appel [vers le divin]
est un : pour cet appel, dans les diverses communautés, il y a différentes manières de faire.
Shrî Mâ et le Pr Upendra Gupta
Par Amulya Kumar Datta Gupta
Plus tard, Shrî Mâ est venue
s'asseoir dans la salle de kirtans et beaucoup de gens se sont approchés pour
lui présenter leurs respects. Nous étions assis à ses pieds et attendions
3
impatiemment qu'elle nous éclaire de ses conseils. Le professeur Upendra
Gupta était parmi nous. En guise d'introduction, Abani Babu dit : " Mâ, il
est un grand philosophe".
Mâtâjî (en riant) : Baba, qu'est-ce qu'on appelle
philosophie ?
Upendra: Qu’est-ce que j'en sais ?
Mâtâjî : Oh! Vous connaissez tant de choses ! Vous
enseignez les garçons (en me regardant) : Est-ce que ce n'est pas vrai ? Est-ce
qu'il n'est pas professeur ?
Moi-même : Oui, Mâ, il enseignait, mais maintenant il est
à la retraite.
Mâtâjî (en riant) : Ainsi donc, vous êtes un enseignant
plein d'expérience. Dites-moi, qu'est-ce que signifie "philosophie"?
Upendra : Je ne pourrais parler que simplement si vous me
le demandez. Pourquoi ne parlez-vous pas ?
Mâtâjî : Qu'ai-je donc étudié ? Vous, dites-nous !
Upendra: Parler de quelque chose dont on n'a pas la
connaissance, voilà ce qu'on appelle philosophie!
Mâtâjî : Peut-on parler sans connaître quoi que ce soit?
Upendra : Bien qu'on ne sache pas, on prétend savoir.
Mâtâjî (en riant) : Oui,
c'est savoir quelque chose sans le comprendre. Mais Baba, vous avez très
bien parlé, en fait.
Afin de Le connaître, vous devez
entrer dans votre vraie nature. Vous demeurez dans le royaume du manque
constant. Tout ce que vous faites ne fait que produire de plus en plus de
manque. Il ne peut y avoir de paix tant que vous ne transformez pas cet état de
manque (abhâva) en votre vraie nature
(svabhâva).
Upendra: Que devons-nous faire ?
4
Mâtâjî : Je vous répète ce que je dis à tout le monde :
commencez avec vos études ! Ce qui est destiné à arriver aura lieu de lui-même.
Tenez, quand les enfants commencent à étudier, ils ont d'habitude un sujet dans
lequel ils sont particulièrement forts. De même, quand quelqu'un se met en
chemin pour la quête de la réalisation de Dieu, tout ce qui doit être fait se
trouve révélé à partir de son propre intérieur. C'est pour cela qu'on dit que
Dieu brille de Lui-même. Il montre lui-même le chemin qui mène à Sa
réalisation. Ce qui est nécessaire pour vous, c'est simplement de vous mettre
au travail - de commencer vos études.
Très souvent, vous niez que votre
mental soit agité et qu'il vous est impossible de le stabiliser. Mais en fait,
de par sa propre nature, le mental ne peut se reposer. C'est pour cela que je
considère le mental comme un enfant. L'intelligence et le sens du 'je' (ahamkâra) sont les parents du mental -
enfant. De même que le père et la mère influencent leur enfant qui ne veut pas
travailler de différentes façons afin de le persuader d'apprendre à lire et à
écrire, ainsi, grâce au discernement de votre sens du 'je' et de votre
intelligence, vous devez concentrer votre mental. Ce travail doit être accompli
avec patience et avec le zèle d'un esprit bien unifié. Sinon, il n'y aura pas
de résultats. De même que quand vous désirez extraire de l'eau du sol, vous
devez creuser patiemment à l'endroit choisi et ne pas piocher un peu par ici un
peu par là, de même, afin de réaliser Dieu, vous devez pratiquer pendant longtemps
avec une dévotion unifiée et une persévérance des plus grandes.
Souvent, on entend dire, quel que
soit le nombre de fautes que le plus grand des pécheurs puisse avoir commis,
ils seront tous purifiés en prononçant le nom de Râm même une seule fois.
5
Cela est tout à fait vrai, tout comme une seule étincelle de feu brûle plus
d'objets que ce que l'homme ne pourra jamais accumuler. Que vous récitiez son
nom ou que vous l'adoriez, quoi que vous fassiez pour réaliser Dieu, si vous
l'effectuez avec une patience sans faille et une dévotion unifiée, vous
trouverez le chemin de la paix durable.
En nettoyant la forêt, vous
obtenez un champ, vous n'avez pas besoin de créer un nouveau champ. Vous
répétez souvent "je-je" (ahamkar)
"je suis Lui" (soham), n'est-ce
pas? Savez-vous où cela mène? C'est
comme l'arbre et son ombre, si vous suivez l'ombre, vous arriverez à l'arbre. De même, en vous
concentrant sur "aham",
vous arriverez au "soham".
En compagnie de Mâ Anandamayî
Par Bithika Mukerji
Durant l’un
des satsangs de Mâ très courus à Varanasi, une question fut posée
concernant les réincarnations. Pandit Vaidyanath dit : « Mâ,
nous croyons en la réincarnation selon les lois karmiques. »
Shrî
Mâ : « En effet, il en est ainsi. »
Question : « Mais
les chrétiens croient en une seule naissance. Après la mort, ils vont attendre
le Jour du Jugement quand Dieu décidera de leur destinée. »
Shrî
Mâ : « Oui, c’est la vérité. »
Chacun
se mit à rire en entendant Mâ souscrire à deux points de vues apparemment aussi
opposés. Mais Mâ
6
ajouta : « Bholanâth avait
l’habitude de m’appeler la reine de la Cour d’Appel (Appealeshwarî),
parce que j’ai toujours l’air d’être d’accord avec tout le monde. Le fait est
que je vois clairement un rapport entre ces affirmations qui, prises
singulièrement, mènent à la totalité ou à l’infinité. Que faut-il là-dedans
rejeter et que faut-il accepter ? Les croyances appartiennent au domaine
de l’esprit. L’esprit est modelé et déterminé par préférences inconscientes (samskâras).
La tendance naturelle à aller vers un tas de croyances vient de préférences
engrammées qui nous sont parfois inconnues. Tout ce que je vois c’est que si
quelqu’un exprime une croyance et qu’il est convaincu que ce en quoi il croit
est vrai, eh bien si tel est son point
de vue, c’est vrai ! » (p.231)
Ganga…mère divine
Quand
je contemple l’irrésistible variété, la profondeur, l’intensité et le flot
ininterrompu des paroles (vani) de Shrî Mâ, j’ai envie de les comparer à
l’avènement du Gange sacré dans notre pays. Aucun mot ne pourrait vraiment
mettre en valeur le mystère de ce fleuve grandiose qui s’impose à notre premier
regard dans toute sa majestueuse apparence, dans la beauté de ses eaux bleues
profondes tombant en cascades dans la résonance de ses gorges, dans la
progression joyeuse et dansante de ses ravins et de ses plaines au pied des
chaînes de l’Himalaya. Ici le fleuve change de rôle. Ses eaux brillantes et
scintillantes deviennent calmes et sereines. Le Gange s’écoule, profond, large
et gracieux, permettant à son peuple de tirer de
7
lui autant d’avantages qu’il peut en provenir de
son abondante présence. Il leur permet de profiter de sa générosité, et même de
l’exploiter, d’en abuser. Et puis silencieusement il se retire jusque dans
l’océan. Même dans l’acte de se retirer, il se partage en d’incommensurables
parcours, pour le bienfait de ses enfants toujours insatiables. Il arrive
majestueux et son élégance regorge de plénitude, kilomètre après kilomètre,
jusqu’à ce qu’il rejoigne l’océan pour se mélanger dans l’anonymat de
l’immensité. A travers toutes les variations de son trajet, il maintient sa
pureté. De Gomukh à Gangâsagar ses eaux sont sacrées et confèrent la paix à
tous ceux qui viennent à lui. Pour les hindous, le Gange est considéré comme la
mère divine appelée Gangâ, qui ne se refuse à personne. Chacun, de façon égale,
est le bienvenu sur ses rives pour y trouver la sainteté, la paix, et la
tranquillité. (p.232)
Les paroles de Mâ
Je me
souviens d’une conversation sur le futur de l’Inde entre un sadhou de la
Mission Ramakrishna et Mâ. Le Swamijî
essaya longtemps d’obtenir quelques déclarations concernant le futur, mais Shrî
Mâ éluda ses requêtes. A sa question : « Parviendrons-nous
jamais à rejoindre les gloires du passé et à nous élever vers de nouvelles
splendeurs dans le futur ? » Shrî Mâ répondit : « Si
vous êtes si nombreux à penser que tel devrait être le cas, alors peut-être
qu’une telle atmosphère pourra prévaloir et que vos rêves deviendront réalité. »
Le Swamijî resta pessimiste. Il ajouta : « Les gens ne
s’en soucient guère. Ils sont occupés à copier l’Occident. Quant
8
à eux, les occidentaux, ils commencent à
apprendre, à suivre nos chemins et à emmener tout le meilleur de l’Orient avec
eux. » Shrî Mâ répliqua : « Pourquoi dites-vous
‘eux’ ? Ils sont aussi ‘vous’, n’est-ce pas ? » Cette réponse
fournit au Swamijî de quoi ruminer et nourrir ses pensées. (p.232-233)
En
écoutant ses conférences, ses discours et conversations courantes à longueur
d’année, je réalisai que Mâ évoquait à notre intention l’ancienne pensée des Upanishads,
pensée de discrimination entre ce qui est plaisant (preyas) et ce qui
est bon-en-lui-même (shreyas). Tous buts dans la vie, toutes valeurs
guidant la conduite pouvaient être englobés par elle en une seule rubrique à la
recherche d’une ultime vérité. Le fait de donner 10 minutes chaque jour, ou un
jour dans une semaine à un programme de samyam (modération, abstention)
faisait partie du comportement général d’une vie consacrée au souvenir de Dieu.
Mâ
semblait jauger avec subtilité et précision l’aura de tous ceux qui
l’approchaient pour être sous sa conduite ; elle leur donnait le point de
départ, peu importe le niveau où ils se trouvaient ; elle redonnait de
l’espoir aux plus pessimistes des interlocuteurs. Parfois, elle les rencontrait
avec indifférence, et c’était également admissible de sa part. Un jour elle
affirma : « Si vous n’avez aucun intérêt et n’avez rien à
demander, alors je n’ai rien à vous dire, mais si vous demandez et si je sens
mon kheyâla, alors je vous dirai certainement les shreyas, les
ultimes buts de la vie qui valent vraiment la peine pour tout être
humain. » (p.233)
9
Un
idéal de renonciation imprégnait ses discours tel un fil entourant un bouquet
de fleurs. Non pas qu’elle eut demandé à quiconque de renoncer à tout, au
monde, à la société, à la carrière, à la famille, à la maison ou aux amis. Elle
disait plutôt que si on pouvait arriver à abandonner le mental aux pieds du
Seigneur, on n’aurait plus besoin de rien d’autre. Tout adviendrait au moment
voulu. Cependant, elle accorda le plus grand respect à tous ceux qui avaient
choisi d’être des renonçants, des hommes en robe orange. Graduellement, des
gens de notre génération s’approchèrent de ce nouveau chemin ; en considérant
notre sadhou-samaj, notre « société de sadhous », on
doit reconnaître que précédemment, les gens en robe ocre-orange avaient plutôt
été regardés avec méfiance. Il faut aussi rappeler que Shrî Mâ elle-même fut
déçue par ces personnes un nombre incalculable de fois au cours des années,
mais elle ne se départit jamais, même pas d’un iota, de son attitude
respectueuse en la présence d’un sannyâsi (renonçant). Ces hommes et
femmes étaient voués à être appelés très haut, et par conséquent ils méritaient
le respect…
Une
question revenait sans cesse dans le voisinage de Mâ : « Est-ce
qu’un homme peut voir Dieu ? »
Shrî
Mâ : « Bien sûr qu’il peut. Il apparaît devant les yeux des
humains, exactement comme vous me voyez devant vous en train de vous parler,
ainsi on peut voir Dieu et tenir une conversation avec Lui. »
Shrî Mâ
dit maintes fois qu’elle n’était qu’une spectatrice, qu’elle n’était pas ici
pour faire quoi que ce soit ou enseigner à qui que ce soit. En fait, où était
« l’autre » ? Elle était elle-même tout ce qui Est, même pour
elle il n’y avait pas d’espace pour reculer, aussi qu’y avait-il pour elle à
faire ou à dire ? En
10
définitive, si on lui demandait de donner son
avis, elle répétait ses mots habituels (vani) :
« Seul parler de Dieu est valable.
Tout le reste n’est que vanité et
souffrance ! » (p.234)
Bindou et moi en quête de travail
Didi
avait été malade. Des douleurs de dos l’avaient clouée au lit. Plusieurs
chirurgiens de bonne réputation vinrent la visiter. Leur diagnostic fut implacable :
tuberculose des os. Afin d’immobiliser entièrement sa colonne vertébrale, ils
préconisèrent d’utiliser un plâtre et voulurent que Didi se rende à Bombay pour
la durée du traitement. Bhaiya libéra son appartement pour Didi et sa suite.
Rénou se souvint qu’il y avait des groupes de femmes auprès de Shrî Mâ, toutes
ferventes adeptes prêtes à s’acquitter de son kheyâla. Bien que Rénou et
Gini aient admiré la riche installation de cet appartement avec sa vue
magnifique donnant sur l’océan, pendant bien des jours elles ne surent pas qui
était le propriétaire des lieux. C’était un exemple extraordinaire
d’auto-effacement. La femme de Bhaiya, Lîlâben, s’était entièrement identifiée
à l’attitude de Bhaiya envers les fidèles de Shrî Mâ. On put admirer son savoir-faire
en matière de maîtresse de maison, de même que sa générosité et son dévouement
pour Mâ. Leur maison à Villeparle devînt une annexe de l’ashram tel qu’il était
alors. Les fidèles de Shrî Mâ se relayaient afin de venir à Sunayana House pour
différentes raisons. Quiconque en mal de traitement médical était envoyé à
Bombay aux bons
11
soins du Dr. Surabhai Seth qui était le
responsable médical du Nanawati Hospital de Villeparle. Pendant plus de
quarante ans ces ferventes fidèles continuèrent à rendre à Shrî Mâ ce genre de
services que le commun des mortels pourrait à peine ima
Bindou
avait fait sa route de son côté et avait demandé à Mâ de consulter son kheyâla
concernant son nouveau job dans le milieu de la finance.
J’eus
moi-même des expériences intéressantes à l’Université d’Allahabad, que je dus
quitter à regret.
Shrî Mâ
vint à Varanasi peu après que je fus admise à la Banaras Hindu University. Elle
sembla heureuse de me voir. Tout en me donnant une guirlande de petites fleurs
blanches et odorantes, elle me parla de façon
étrange : « Continue tes visites comme d’habitude, le sens du
devoir vient au premier plan (quand on est dans une vie de service). » Ces
quelques mots me firent réfléchir pendant très longtemps. Maintenant, je réalise
qu’elle avait parfaitement raison. Il y avait deux sortes
12
de personnes en service auprès d’elle. Celles du
premier groupe étaient partout et si souvent avec Mâ que nous nous demandions
comment elles pouvaient faire pour être en service également. Un personnage
important parmi ces gens était le cher Patun (S.K.Datta) qui, non seulement
continuait son emploi de haut fonctionnaire du gouvernement, mais montait
assidûment d’échelon en échelon dans sa position. Néanmoins, il fut l’un des
plus proches compagnons de Shrî Mâ, toujours à ses côtés pour accomplir son kheyâla
et pour assumer bien des responsabilités. J’appartenais pour ma part et
manifestement au second groupe. Je m’investissais de plus en plus dans une
carrière professionnelle. J’adorais enseigner et je pris la chose très au
sérieux. Je m’intéressais beaucoup aux étudiants qui étaient à ma charge et je
me dévouais à leur cause en m’investissant dans des extra-activités avec
quelque succès. Pendant les courtes périodes de vacances, je retournais chez
moi à Allahabad. Mes visites à Shrî Mâ devinrent moins fréquentes. Heureusement
qu’elle venait souvent à Varanasi ce qui me permit de rester proche d’elle,
mais je trouvais un sens de plus en plus significatif aux paroles qu’elle
m’avait dites au tout début de ma carrière.
Alors
que Shrî Mâ était à Varanasi, une convocation arriva de l’Université
d’Allahabad me demandant de me présenter une fois de plus devant un nouveau
Comité de Sélection. Je me rendis à l’ashram après le collège et informai Shrî
Mâ de cette nouvelle et du fait que j’aurai à me rendre à Allahabad pour cette
entrevue. Shrî Mâ me dit : « A maintes reprises ils n’ont pas
pris ta requête en considération, si tu acceptais cette convocation, ce serait
comme si tu t’exposais à recevoir un nouvel affront, tu ne crois
pas ? » Je répliquai : « Mâ, les temps
13
ont changé quelque peu. J’ai acquis une certaine
notoriété et il est évident que cette fois ils ont l’intention de remédier à
cela. Mon père est enthousiaste à l’idée que je retourne à Allahabad. Je ne
peux tout de même pas lui dire que je ne vais pas aller à cette
convocation ! » C’est alors que Shrî Mâ eut ces mots décisifs à
l’intention de mon père : « Dis à Baba que j’ai dit cela. »
Durant
tout le temps passé avec Shrî Mâ, je l’ai rarement entendue émettre une
sentence aussi manifeste et sans aucune réserve. Elle se basait toujours sur
son kheyâla et ne sortait en général que des phrases comme :
« Ne serait-il pas mieux ? Ne pensez-vous pas ? Si vous
considérez que c’est juste » etc…etc… Mais cette fois elle parla comme si
elle s’adressait à lui directement, et en des termes sans équivoque.
J’écrivis
de nouveau à la maison pour avertir que je ne me rendrai pas à l’entrevue. En
mon absence, ma collègue et amie fut confirmée dans le poste qu’elle avait
obtenu finalement, ce qui fut bien aussi. Shrî Mâ m’avait demandé un jour s’il
y avait une différence entre ces deux postes à l’Université. J’avais répondu
que le salaire à la B.H.U. était moins élevé que celui d’Allahabad, mais
qu’autrement c’était pareil. Etrangement, après trois mois environ, mon salaire
de base fut augmenté de 50 roupies, en tant que reconnaissance particulière de
mon diplôme de recherches. Désormais, c’était exactement identique au salaire
de base de l’Université d’Allahabad lequel, à ce moment là, était de 300
roupies. Quoi qu’il en soit, la B.H.U. offrait des logements spacieux entourés
d’un jardin sur le campus avec tous les services et leurs aménagements, ce qui
rendait ce poste l’un des plus convoités du moment. (p.244)
14
15 minutes pour Mâ
L’année
1957 vit le début du soulèvement des étudiants à la Banaras Hindu University.
J’y fus impliquée dès le premier jour, mais ceci est une autre histoire.
Plusieurs de mes collègues vinrent parfois avec moi à l’ashram. Aussi étrange que
cela puisse paraître, peu d’entre elles participèrent à fond, ou tout au moins,
ne s’impliquèrent pas autant que Padmâji et moi. Je fus toujours stupéfaite de
voir l’indifférence démontrée par la plupart des gens qui gravitaient autour de
Shrî Mâ. Ils la traitaient comme l’Image Mobile (chalanta vigraha)
d’un temple. Ils lui obéissaient, recevaient une guirlande de fleurs, ou des
sucreries, et s’en retournaient chez eux pour continuer comme avant. Elle était
reconnue comme une Présence Divine, et par conséquent comme une source de
bénédiction (kripâ). Une visite quotidienne pour faire le pranâm,
comme on fait une visite quotidienne à un temple, suffisait à beaucoup de ceux
qui se pressaient autour de Mâ. Elle était belle, affable, parlait de façon
délicieuse, elle distribuait des fleurs, des fruits ou des douceurs, et ne
posait aucune question. Parfois, si on lui demandait son avis, elle
disait : « Donnez-moi 15 minutes de votre temps, chaque jour, à une
heure de votre choix. Essayez de ne penser qu’à Dieu. Vous pouvez faire un japa,
ou méditer, ou seulement rester silencieux. Ce créneau horaire de 15 minutes
est comme une mince cale à insérer dans le perpétuel mouvement tournant du
cycle de préoccupations qui fait le monde. Il serait bon que ce court instant
de pause puisse se développer et se répandre, car par la grâce de Dieu il
influencerait le rythme de votre vie entière ! »
15
Les
paroles (vani) de Shrî Mâ affirmant qu’elle n’était qu’une spectatrice
étaient certainement vraies. Elle avait souvent répété qu’elle n’était pas
venue pour faire quoi que ce soit, mais plutôt juste pour voir comment allaient
les choses, tout comme un jardinier se promène dans les allées de son jardin en
observant les différentes plantes fleuries et rampantes qui en rehaussent la
beauté. (p.244-245)
Les dernières années de la vie de mon père
Bien
des années passèrent. Bindou maintenant avait un emploi. Quand Shrî Mâ vint à
Allahabad, il n’en est pas moins vrai qu’elle opta pour la meilleure et la plus
impromptue des organisations, en rappelant à Bindou qu’il lui avait promis de
lui construire un petit cottage au 31 George Town, là où nous habitions.
D’après le kheyâla de Mâ, Bindou était capable de lui construire ce
cottage. Ce qu’il fit d’ailleurs en le situant sous un arbre immense non loin
de la maison principale. Nous fîmes en sorte de le meubler et de le décorer en
anticipant ainsi la venue de Mâ à Allahabad. Rénou avait demandé aux jardiniers
de construire un ensemble de pièces de style villageois aux murs revêtus de
terre à côté du cottage, où la nourriture sacrée (bogha) pourrait être
cuisinée. Par la suite, Shrî Mâ avait pris l’habitude de passer ses après-midi
dans l’une de ces pièces qui était fraîche et tranquille. Dans les années qui
suivirent, bien des célébrations furent organisées dans notre maison,
cependant, il me sembla que Mâ y venait de moins en moins depuis que son
cottage avait été construit. Mais à bien y
16
réfléchir, je réalisai que Shrî Mâ avait voulu ce
cottage afin qu’il puisse devenir pour nous et notre famille plus tard, une
fois privés de sa présence et de son darshan, un temple dans lequel elle avait
résidé. Le culte divin de son Image, installé dans ce petit édifice, est depuis
lors devenu une partie importante de notre vie de tous les jours. (p.247-248)
Mon
père avait dit qu’il nous accompagnerait à la gare pour me saluer en partant.
Ce n’était pas son habitude, car il n’aimait pas cela. J’en fus quelque peu
interloquée. Ma mère et des amis avaient emboîté le pas. Une fois dans le train,
en me penchant par la portière et en voyant mon père droit dans ses bottes, sa
canne à la main, je ne savais pas que je le voyais pour la dernière fois…
Prémonition ou pas, je ne l’avais pas quitté des yeux cependant… Peu de temps
après, je reçus un message de ma mère me demandant de me rendre à Allahabad
immédiatement. En arrivant, je réalisai soudain que mon père n’était plus. Ma
mère, comme beaucoup d’autres, avait suivi un régime durant la semaine. Mon
père et elle avaient mangé un repas léger. Mon père s’était alors allongé pour
faire sa petite sieste habituelle, tandis que ma mère s’était assise en
méditation de 15 heures à 16 heures dans la pièce à côté. A 16 heures, elle fit
un thé qu’elle alla lui porter. Elle fut surprise de le trouver immobile dans
son lit et lui toucha l’épaule pour le réveiller. Bien qu’il ait eu l’air de
dormir, elle comprit aussitôt qu’il n’était plus de ce monde. Par la suite,
tout ce que fit ma mère nous sembla incroyable. Mais un jour, elle nous raconta
en privé, qu’au moment où elle toucha mon père, elle sentit comme si Shrî Mâ
lui attrapait le poignet avec force pour la guider ensuite dans tous ses
mouvements. Il semblerait donc que ma mère fut sortie pour demander au
jardinier Jagdeo
17
d’aller chercher Madan, un ami de Bindou qui
habitait au bout de la rue. Puis, elle téléphona à la famille du docteur et
ami, Dr. Chatterjee, qui était absent. Elle demanda à sa femme de le faire
venir dès que possible. Avant ce jour, ma mère n’eut jamais une occasion
d’utiliser le téléphone pour appeler qui que ce soit, s’étant bornée à recevoir
un ou deux coups de fil. Là, non seulement elle se chargea de téléphoner, mais
elle obtint la ligne jusqu’à Varanasi en passant par l’interurbain. Elle était
seule à la maison. Comment avait-elle fait pour localiser les numéros
appropriés, pour appeler les standardistes, cela restait une énigme. Madan dit
plus tard que lorsqu’il arriva, il la vit avec le combiné en main en train de
parler avec Gyanvatijî. Finalement ma mère confia le récepteur à Madan et s’en
alla jusqu’à la chambre de mon père où elle s’assit au pied du lit pour une
grande partie des 24 heures suivantes. Nos amis et parents nous dirent plus
tard qu’ils étaient restés émerveillés devant son expression sereine, et qu’ils
comprenaient ce que c’était que d’être en présence de la grâce (kripâ).
(p.250-251)
Famille,
amis, voisins, tout le monde arriva à Allahabad pour saluer une dernière fois
mon père, voir son visage détendu encore en parfait état, et exprimer leurs
condoléances. Quelqu’un fit remarquer qu’une telle mort n’était possible que
pour un yogi d’une considérable élévation spirituelle, car ni son visage
ni son corps ne montraient de traces de détérioration même après 24 heures. Ce
fut ma première rencontre avec la mort. Jusqu’alors j’avais vu quelques corps
de personnes aimées d’où la vie avait disparu, et j’en avais gardé le souvenir
que leur visage était troublé. Aussi, après coup, je fus
18
émerveillée de constater ce phénomène. Mon père
n’avait pas dû se débattre pour lutter contre une crise cardiaque, car sinon ma
mère l’aurait entendu ou ses draps auraient été en désordre. Apparemment il
s’était éteint dans son sommeil. Shrî Mâ l’avait emmené aussi facilement que
l’on cueille une fleur dans un jardin. (p.253)
Quand
l’Université ferma ses portes pour les vacances d’hiver, j’eus une étrange
réticence à retourner au 31 George Town. Le vide laissé par la mort de mon père
m’effrayait, mais Shrî Mâ vint nous trouver et il était impossible d’être
triste en sa radieuse présence. Un jour, une jeune européenne vint lui rendre
visite. Cette jeune fille apprenait le yoga en Inde. Mâ lui demanda de lui
montrer quelques postures. Elle fit certaines démonstrations et ensuite
s’étendit en shavâsana, la dernière posture de relaxation. Elle affirma
qu’il était difficile de tenir cette posture correctement, car en dépit de
tout, les muscles restaient tendus. Elle en fit la démonstration avec les
jeunes filles qui étaient dans la pièce. Levant une main, ou un pied, ou même
un doigt, elle dit : « Vous voyez, il y a très peu de résistance. Le
corps devrait devenir comme s’il était sans vie au cours de cet
exercice. » Shrî Mâ intervint : « D’accord, essayez avec
moi. » Elle s’étendit sur son chowki. Son corps devint soudain
aussi flasque que celui d’une poupée de chiffon. Le jeune yogi la testa
en lui soulevant la tête, puis un ou deux membres. Elle resta stupéfaite. Elle
n’avait jamais vu une telle perfection, même pas chez son propre gourou. Shrî
Mâ se mit à rire en se rasseyant. Elle dit : « Ces postures servent souvent d’exercices aux gens
qui ne les réussissent que jusqu’à un certain point. Dans la sâdhanâ
visant à l’émancipation
19
spirituelle, les postures se prennent tellement
naturellement qu’elles sont exécutées comme elles doivent l’être. »
Je me souviens d’une autre
occasion. Nous étions tous assis dans la chambre de Mâ, quand soudain elle se
leva de son chowki et joignit les mains en un namaskara pour
saluer quelqu’un debout devant la porte. On le fit entrer. Ma mère reconnut en
lui le frère aîné de notre prêtre de famille. On lui amena un petit tapis
carré. Lorsqu’il fut assis, Shrî Mâ s’installa par terre dans une attitude de
déférence envers une importante personnalité. Au cours de la conversation qui
suivit, nous apprîmes que cette famille de prêtres était apparentée au prêtre
de famille de Bholanathji. Shrî Mâ et Bholanathji avaient visité Allahabad une
fois dans les années vingt. Ils s’étaient arrêtés, le temps d’une journée, dans
le temple de Kâlî à Muthyganj. Bholanath et Mâ avaient rendu une petite visite
de courtoisie à cette famille de prêtres. C’était stupéfiant de voir que Shrî
Mâ avait reconnu cet homme dès le premier coup d’œil après au moins 30 ans.
Shrî Târâcharan Bhattâcharya quant à lui, se souvint avec émerveillement de sa
première impression à propos de Shrî Mâ.
Quand
Mâ quitta notre maison, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Il était
évident qu’elle était restée avec nous afin de nous aider à sortir de notre
dépression, qu’elle nous avait soutenus avec bonté dans notre détresse d’avoir
été soudainement plongés dans un chagrin profond. Rétrospectivement, on en vint
à penser que Bindou avait souffert de sa première crise cardiaque à ce moment
là. Il raconta calmement : « C’est comme si elle m’avait enlevé le
poids que j’avais senti peser dans ma poitrine. » Ma mère n’était pas
démonstrative, aussi continua-t-elle à rester calme et
20
digne. Une fois, je l’entendis faire une remarque
à une amie de son âge qui était venue en visite de condoléances : « Comment
se comporter après la perte brutale de celui qui fut votre proche compagnon
pendant près de 40 ans ? » Mais Shrî Mâ l’avait aidée depuis le
premier jour. Quant à nous, au fur et à mesure que les années passaient, nous
avions senti que le kheyâla de Mâ était resté constamment auprès d’elle,
et auprès de chacun de nous. Nous sommes devenus très occupés par nos affaires
et l’avons oubliée parfois, ce qu’elle ne fit jamais. A peine quelqu’un tendait
la main qu’elle était aussitôt serrée dans une étreinte de soutien. Je dirais
même que de temps en temps, au cours de nos pérégrinations, alors que nous
aurions pu rester empêtrés dans l’engrenage du monde, nous en étions détournés
par un kheyâla toujours vigilant. (p.254-255)
(Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne)
LE MENTAL, LA SUPERPOSITION ET LA CONSCIENCE
Par Monique Manfrini
Arjuna dit à Krishna, dans le sixième chapitre de
la Bhagavad Gita que le mental est agitation et donc très difficile à contrôler
pour atteindre la vision d'unité -yoga- développée par Krishna.
Arjuna connaît son mental tel qu'il est. Il n'a
pas de doute sur sa véritable nature. Ce mental qui habituellement juge et
souvent condamne est ici objectivement décrit par Arjuna.
21
Arjuna est persuadé que son mental rend très
difficile tout accès au yoga, à la vision d'unité : tous les êtres existant
dans l'atma-conscience individuelle- et l'atma étant dans tous les êtres.
Mais, si le mental d'Arjuna est ainsi n'est-ce
pas, avant tout, pour qu'il parvienne à le maîtriser?
Certes, une fois l'agitation de son mental
reconnue, Arjuna doit agir pour parvenir à la maîtriser. Dans un monde en
changement permanent, le mental qui l'appréhende ne peut être que le reflet de
ce changement. L'état d'agitation semble donc être naturel. Dès lors,
sommes-nous désarmés face à cette agitation?
Il faut que nous saisissions, avec ce mental
changeant, la "permanence" de la vision d'unité. Comment
saisir la "permanence" de cette vision avec un mental
"impermanent" ? Nous n'avons d'autre choix que d'accepter
cette "impermanence". En effet, nous mobiliserions toute notre
énergie inutilement si nous tentions de modifier la nature même du mental sans
l'avoir exploré et observé longuement.
Nous
pourrons, ensuite, le suivre dans tous ses méandres et pérégrinations tout en
sachant qui le suit. Ainsi, nous pouvons le voir agir sans nous laisser
submerger par son agitation : "Tiens, il s'intéresse à ce sujet. Il essaie
de résoudre ce problème". Oublions, également, le "pourquoi?".
La question est dépourvue d'intérêt immédiat. Bornons-nous à constater ses
déplacements. Observons-le. Cela requiert une attention soutenue de toutes nos
facultés.
22
Qui est présent alors? Ce ne peut être notre
mental errant puisqu'il va en tous sens, selon sa logique propre. Le sujet
observe son mental."J" 'observe mon mental. Dès lors, se crée
une distance entre "moi" et "mon mental". "Je"
suis conscient de son fonctionnement agité, incontrôlé. Alors, "je"
peux essayer d'appréhender cette distance entre "moi qui observe"
et le "mental observé".
"Je" peux aussi, progressivement,
tâcher d'apprécier ses choix, ses engouements, ses divers comportements.
Comment
puis-"je" y parvenir? En me posant une question toute simple :
"qu'est-ce que les choix, les engouements, les divers comportements du
mental m'apportent à "moi, l'observateur"? Autrement
dit, en quoi ces pensées me rapprochent-elles de la vision d'unité
recherchée? En rien, évidemment, puisqu'elles sont erratiques, incontrôlées.
Je
peux donc les négliger, ne pas y attacher d'importance, ne pas m'appesantir
sur leur signification. Je me concentre alors sur le sujet, "je",
en qui toutes ces pensées s'agitent. Ce tourbillon incessant de pensées
dans lequel "je" me perds doit donc être connu de moi
comme tel. Il ne peut me mener à la vision d'unité puisque
"je" m'y égare.
Dès que je sais cela, je peux
réussir à maîtriser le tourbillon des pensées. Pour ce faire, je m'efforce
de maintenir la distance qui me permet de le voir tel qu'il est.
23
Mais, quelle est la nature de cette distance entre
"moi" et "mes pensées"
(mental)
? L'ego s'approprie les pensées (mental) comme, d'ailleurs, tout ce qui me
concerne. Cet ego est insatiable. Il veut tout englober. Il veut
tout posséder, avoir. Cependant, il considère comme acquis le fait d'être. Il
utilise les pensées (mental) à son seul profit. Il phagocyte tout ce qu'il a
et ne se préoccupe pas de "qui" il est. Ainsi, il assimile
"son" être à ce qu'il a.
Mon existence échappe au mental
puisque la conscience d'exister n'est jamais abolie dans les trois états
de la vie quotidienne -veille, rêve et sommeil profond-. Je sais
toujours, inexplicablement, que je suis en vie à travers ces trois
états. Dès que je me réveille je sais que je dormais et ce
"je" désigne quelqu'un dont j'ai une image
mentale.
Même
l'amnésique qui a tout oublié de son identité personnelle sait, cependant,
qu'il est. "Je" ne représente plus pour lui quelqu'un de
connu. Il n'a plus de représentation mentale concernant sa personnalité.
Il ne sait plus quel genre d'être humain il était avant de perdre la mémoire.
Les pensées relatives à sa personnalité se sont effacées, ont, soudain,
été oubliées. Elles dépendent donc bien de la mémoire. Par
delà les problèmes psychologiques que sa pénible situation peut lui causer,
l'amnésique peut se composer une nouvelle identité, une personnalité nouvelle.
L'ego peut donc changer profondément. Toutefois, l'oubli de l'ego n'abolit
pas le sentiment d'exister. Le sentiment d'exister ne dépend
24
donc
pas de la mémoire. L'être
humain peut se constituer un nouvel ego mais il ne doute jamais de son
existence.
L'ego, lui-même constitué de pensées, se
superpose donc sur le sentiment d'exister tandis que le sentiment d'exister est
totalement indépendant de l'ego. L'ego peut évoluer à
partir d'une observation critique de ses caractéristiques. Qui observe
alors? L'ego peut-il s'observer lui-même? Puisque l'ego se
superpose sur le sentiment d'être mais dépend de la mémoire et peut changer,
une autre entité "permanente" doit exister. Cette
entité "permanente" peut, seule, observer l'ego
"impermanent", changeant. Elle est notre regard intérieur.
Elle est conscience, indépendante de l'ego, mais dont l'ego dépend.
Je suis sûr(e) que j' existe et j' utilise mes pensées
tant que j' existe. Mais, qui les analyse, les évalue, les juge,
en toute objectivité? Qui est cet "oeil intérieur", toujours
ouvert sur mes pensées, mes sentiments et mes actions? Ce ne peut être mon ego
qui ne se connaît pas et ne veut pas vraiment se connaître. Cet oeil de
Caïn ne peut donc être que la Conscience, l'atma, sans changement,
indépendante de l'ego changeant et précaire.
Comment connaître l'ego et comment se
connaître? Les rishis ont dévoilé à l'être humain le fonctionnement du
mental. Ils ont décrit nos trois corps- physique, subtil et causal- et sont
remontés à leur ori
25
que nous parvenions à nous connaître. Ils
ont voulu nous aider à répondre aux deux questions que nous nous posons tous,
un jour : Qui sommes-nous et que cherchons-nous à travers
cette existence?
Initialement,
l'être humain cherche, généralement, d'où il vient mais, rarement, qui
il est. Il a le sentiment d'être et cela lui suffit. Il ne
s'interroge pas sur son être. Il sent ses limitations physiques, psychiques et
temporelles et cela lui fait très peur. Le fait qu'il vit est pour lui une
évidence. Il a toujours voulu vivre éternellement mais, surtout, vivre
un bonheur éternel. Une éternité de souffrance ne l'intéresse pas. Il
sait assez ce qu'est la souffrance.
Il veut donc connaître un état de bonheur
éternel. Pour y parvenir, il utilise le seul outil mis à sa disposition afin
d'effectuer cette recherche : son mental. Ainsi, parfois et pour quelque temps,
il peut accéder à un certain bonheur. Mais, ce bonheur demeure
précaire et transitoire tout comme l'est sa propre vie dans un corps matériel
périssable. De plus, ce bonheur finit toujours par se dégrader et se
transformer en frustration et en souffrance. L'être humain se lance alors dans
une quête incessante et, in fine, douloureuse de tout ce qui peut lui procurer
un moment de bonheur. Il tente ainsi de se rapprocher toujours davantage du bonheur
éternel, tout en se comportant comme l'insecte qui finit par se consumer
sur la lampe.
Son
comportement est totalement irrationnel du point de vue de la seule logique
alors qu'il est doté de raison, contrairement à l'insecte. Nous cherchons tous
le
26
bonheur
éternel dans ce que nous croyons le mieux connaître: les objets, les pensées et
les sentiments. Pour ce faire, nous leur attribuons des valeurs positives qui
sont censées nous permettre d'accéder au bonheur éternel. Cependant, la
tâche est ardue et elle se heurte constamment à l'échec. L'être humain ne se
demande pas pourquoi, lui et tous ses semblables, recherchent toujours le bonheur
éternel. Il est obnubilé par sa quête désespérée.
Mais, le jour vient où, soudain lucide ou épuisé,
il réussit à prendre quelque distance par rapport à son mental. Il essaie,
alors, d'abord, de se connaître. Si, comme nous, l'insecte pouvait
penser, il parviendrait à s'éloigner de la lumière qui ne peut que le tuer...A
ce moment là, l'être humain commence à s'observer au lieu de se
précipiter dans l'action et de surimposer ses impressions, opinions et valeurs
sur tout ce qu'il appréhende. Il apprend, peu à peu, à voir tout ce qu'il
perçoit sans ces filtres déformants. Il applique cette méthode à lui-même.
Il se rapproche de plus en plus de sa vraie nature. L'ego et les pensées sont
toujours là mais, désormais, l'être humain sait ce qu'ils représentent. Ils ne
constituent pas un obstacle. L'autre est alors perçu comme soi-même. La
dualité, la différence disparaît.
Seul, l'atma est. Seul l'ÊTRE est. TOUT EST UN :
ÊTRE, CONSCIENCE, FELICITE!
27
OM!
Monique Manfrini,
L'Estaque- du 11/07/06 au 21/08/06 -
Conscience en solitude
(Par Mahâjyoti)
SEUL avec sa Conscience
Dans un moment d’Absence
Conscient de la Présence
Qui vous donne confiance…
SEUL avec son Ego
Qu’on cache, incognito,
On quitte la matière
Plongeant dans la lumière
Des livres des grands Maîtres
D’où on se sent renaître.
On emprunte un passage
Vers un grand lessivage…
Noumènes (subjectif)
Phénomènes (objectif)
Vers la Libération,
La Réalisation !
28
Moi, Je, Vous, Lui…Qui suis-je ?
L’apparence à vos yeux
D’un concept, d’un non-lieu,
D’un reflet, d’un prodige ?
Dans le Manifesté
Du Non-Manifesté
Il faut tout effacer
L’Absolu doit rester.
Il faut l’obéissance
En totale ‘vacance’
Il faut l’humilité
Il faut la vacuité
Et la Non-Dualité
Vivre dans l’Unité
Sortir de l’illusion
Et du jeu des passions.
L’individualité
La personnalité,
Vil asservissement,
Puéril fonctionnement.
Entité ridicule
Annihile ton ‘moi’ !
Petite particule
Reste unie dans le ‘Soi’…
Identification
Dans cette unicité.
Puis séparation
Dans cette dualité.
L’inertie, la matière,
Le bon et le méchant,
L’ombre et la lumière,
Ne seraient que néant ?
Seul reflet d’une image
Nous dit bien Maharaj…
Je ne suis que ‘cela’ !
L’Atma est au-delà…
Dans son Enseignement
Mâ Anandamayî,
Dans son Renoncement
Ramana Maharshi
Maîtres qui ont quitté
L’humble souffle de vie
Qui les a habités
Nous ont légué l’envie
D’aller au fond du coeur
De trouver l’ouverture
Bien que SEUL on demeure
Face à sa vraie nature…
SEUL avec sa Conscience
Dans les moments d’Absence
Proches de la Présence
De la ‘Non-Existence’…
Il faut garder confiance,
Et près du Samâdhi
Rejoindre en sa Conscience
Mâ Anandamayî…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
(En un 15 Août désert, mais riche de lectures…)
Le Voyage Intérieur
(Poème à mes participants
au voyage)
Avec vous je n’irai
Mais je m’envolerai
Sur l’aile du bonheur
Du Voyage Intérieur…
Mon chemin, ma démarche
Dans leur évolution
Ont voulu que je marche
Vers une autre mission.
Mon Voyage Intérieur
N’est pas un abandon
Car mon âme et mon cœur
Vous accompagneront.
Si l’Inde est un joyau
Dans sa comparaison
C’est divinement beau
En ima
C’est chez moi que je crée
Mon travail en amont.
C’est là-bas l’apogée
De son application.
Différente est l’optique
Avec le temps qui passe
Je garde l’authentique,
Le recul, et repasse
Le chemin parcouru
Dans l’émerveillement !
Découverte absolue
Du pur Enseignement
Que je dois appliquer
Dans ma vie, dans ma foi
Non plus me promener
Mais vivre dans le SOI !
Dédoublement subtil
De l’Inde en mes voyages
Qui renaît sur le fil
Déroulant des images.
Il est très beau en rêve
Ce voyage vécu
Ce n’est pas qu’il s’achève
Puisqu’il est entendu
Que dans ma sadhâna,
SEULE, auprès de mes guides,
J’irai retrouver Mâ
Il n’est donc point de vide !
Ma famille est sur place
Son nom est ‘Ananda’
Hautement elle remplace
Celle qui n’est plus là…
Je suivrai son appel
Et Mâ, dans sa splendeur,
Rendra vrai l’irréel
Du Voyage Intérieur…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
33
Purna Brahma Narayânî
Par Kamal Narâyân
Voici la suite du poème
d'Antonio Dagnino, auquel Mâ a donné le nom de Kamal Narâyân. Les trois
premières parties (dans le n° 81) s'appelaient Om Mâ, Om Hrim et Om Shrim,
les deux derniers termes correspondant à des mantras-semences de la déesse. En
une seule syllabe, ils ont le pouvoir de la faire descendre dans le fidèle qui
l’invoque. La dernière partie que nous donnons ci-dessous est intitulée Om
Aim. Abhinavagupta interprétait ce mantra-semence comme la rencontre du
masculin, a, et du féminin, i, pour induire le mariage intérieur
des parties droites (Shiva) et gauche (Shaktî) du corps dans le canal
central. En effet, ai se prononce
é ou è en français comme en sanskrit.
Om Aim
Tu es le son,
la musique des sphères,
le rythme parfait
qui harmonise l'énergie
et articule la création.
Tu es la musique,
le son de vie et le son
de mort
chantant ta plénitude,
car tu es le son
et tu es son témoin.
L'immensité du vide
et dans cet espace
une lumière,
et à l'intérieur de cette
lumière
la parole qui donne
naissance à tous les mots,
le Logos
contenu dans un silence
au-delà du temps
dans l'immobilité de
l'Absolu,
et exprimant l'Absolu
dans le temps
comme des
vibrations-semences
qui font apparaître la
multiplicité,
plaisir et souffrance,
action et extase.
La vérité Une
devenant relative
et pourtant Une dans
chaque partie.
Le son Un
devenant atomes, formes,
univers,
Une profondeur infinie
d'Etre
divisée et jouant avec
lui-même.
L'intelligence
parfaitement libre
Cristallisée sous forme
de pensées
En tant que conscience
centrée sur le Soi,
En tant que mémoire
attachée à la forme
et karma se nourrissant
de contradictions.
Dans le nadir, le fond du
fond de la souffrance,
dans la culmination du
combat héroïque du mental,
le zénith de
l'introspection,
dans ce moment de
solitude suprême
dans laquelle seule la
mort est,
le silence est né
ainsi que la bénédiction
infinie de la paix
qui unit de nouveau
ce qui est né ce qui
n'est pas né,
l'enfant et la mère...
les pensées dissoutes
dans la joie...
Matrice de révélations !
Rivière pure de sagesse
éternelle
qui nourrit l'humanité,
montre les voies de
libération
selon les besoins de
l'évolution.
Tu es l'art le plus pur,
la poésie sublime des
Voyants,
la quintessence des
religions,
la bonté sous-jacente
au-delà du bien et du mal
relatif
.... Et tu es aussi la
confusion,
le langage utilisé pour
mentir,
les pensées utilisées
pour diviser,
la force utilisée pour
exploiter.
Tu crées des myriades de
désirs illusoires
que la mort met en échec,
pour nous enseigner, en
nous forcer à faire preuve de discernement
et à chercher la vérité
ainsi que l'immortalité,
en révélant enfin, quand
tu choisis de le faire,
que tu es Tout , et en
tout,
et Cela qui est
au-delà...
All Names are Your Names,
All Forms Are Your Forms
Par Kamal Nârâyân Dagnino,
Traduit de l’anglais par Vigyânânanda
Nouvelles
- Swâmî Nirgunânanda s'est rendu en Europe et aux États-Unis cet été. Il a
animé une retraite à Terre du Ciel, où il a commenté le premier tiers des Narada
Bhakti Sutras. Il y retournera pour continuer le second tiers l'an prochain
du 7 au 12 août, cette fois-ci Vigyânânanda ( Jacques Vigne) sera aussi là-bas
pour la traduction.
- Swâmî Vijayânanda a repris ses satsangs comme d'habitude après s'être
bien remis de son opération de la prostate en mai. Nous avons eu à Kankhal du 7
au 15 août un groupe réuni par le magazine Infos-Yoga avec son directeur,
Mathieu. Ils ont logé au Centre International et nous avons eu des sessions de
yoga et de méditation dans la salle au-dessus du musée de Mâ. C'était la
première fois dans son histoire que l'ashram de Mâ ouvrait ses portes pour une retraite avec un
groupe d'étrangers. Il y avait eu certes des Occidentaux qui étaient venus aux
semaines de retraite de Mâ de son vivant, et il y en a toujours qui participent
individuellement à la Samyam Sapta, mais ils n'ont pas un programme indépendant
à l'intérieur de
37
l'ashram. Le groupe est ensuite parti pour effectuer une belle randonnée
sur le sentier de pèlerinage le long du Gange, et a visité Déoprayag ainsi que Rishikesh.
- Un concert de musique indienne avec le flûtiste Hariprasad Chaurasya va
se tenir à Londres vers le 25 septembre. Plusieurs Swâmîs de l'ashram de Mâ
seront présents, dont Bhaskarânanda et Nirgunânanda. Ceux qui voudraient s'y
rendre peuvent prendre les informations auprès de Christopher Pegler, Czjp.Pegler@btinternet.com
- La semaine de retraite, Samyam Sapta, aura lieu du 28 octobre au 5
novembre. Les fidèles qui ne peuvent pas venir ont toujours la possibilité de
s'associer à distance en intensifiant leurs pratiques de méditation durant
cette période.
- Vigyânânand reviendra en France après cinq ans pendant dix mois à partir
de mars 2007, pour une tournée de conférences et séminaires et la publication a
priori de plusieurs livres.
Nouveaux abonnements
Le renouvellement général des abonnements aura lieu lors du numéro de mars
2007. Pour ceux qui ne reçoivent pas le ‘Jay Mâ’ et voudraient s'abonner
maintenant, ils peuvent le faire pour
dix numéros jusqu'en mars 2009, en faisant un chèque de 20 € à l'ordre de
Jacques Vigne et en l’envoyant à :
Nadine et José Sanchez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaison-la-Romaine
L'abonnement pour recevoir le ‘Jay Mâ’
par voie électronique est aussi possible. Envoyer un chèque de 10 € à l’ordre de Jacques Vigne à Nadine et José
et signalez votre inscription à Mahâjyoti qui a accepté de se charger bénévolement
des envois par courriel koevoetsg@wanadoo.fr en les
illustrant des photos de Mâ.
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
Shrî Mâ et le Pr Upendra Gupta par AKD Gupta
p.2
Ces jours anciens avec Mâ par
B.Mukerjî p.5
Le mental, la superposition et la conscience
par M.Manfrini p.20
Conscience en solitude et Le voyage
intérieur
par
Mahâjyoti (G.Koevoets) p.27
Purna Brahma Narayânî par Kamal Narayân p.33
Nouvelles p.36
Nouveaux abonnements p.37
Table des matières p.38
Jay Ma 83 - Hiver 2006-2007
1
Paroles de Mâ
Si quelqu’un n’agit pas pour l’amour de Dieu et qu’il n’assume pas d’un
cœur joyeux toute responsabilité qui puisse lui incomber n’importe quand, il
trouvera l’existence excessivement ennuyeuse et ne sera jamais capable
d’accomplir quoi que ce soit. Le devoir de l’Etre humain – en particulier pour
ceux qui ont fait de la Quête Suprême leur but seul et unique – est de
travailler joyeusement pour élever le niveau du monde, avec la conviction que
tout service est Son service. Le travail fait dans un tel esprit aide à
purifier l’esprit et le cœur.
Ecrivez-lui que son état occupe en fait souvent le kheyal de ce
corps. Lui-même, par son propre effort de volonté, doit faire preuve d’un
esprit fort et laisser tomber son attitude négative. Au contraire, il doit
avoir la détermination de ressentir que ça sera possible, que la réussite
finalement lui échoira. Il doit se dire en son for
intérieur : «Quelque soit l’état dans lequel Dieu se plaît à me
garder, c’est à cela que je me résigne, en m’abandonnant à Celui dont je
suis la créature, dont « ceci » est le corps. C’est tout. Avec un
calme et une tranquillité parfaite, il doit rester complètement allongé dans ce
qu’on appelle shavâsana, la posture du cadavre et répéter
silencieusement son mantra en rythme avec son souffle. Il n’y a qu’un Brahman
sans second. (Ekam advaitam Brahman),
c’est ce qu’il doit réaliser. Ecrivez-lui en des mots simples que pour lui, il
n’y a pas besoin d’intermédiaires.
…C’est l’attachement au monde qui a
apporté une telle détresse chez ce malheureux.
Rien d’autre que l’ignorance est à la racine de tout cela. Il doit
continuer à donner de ses nouvelles à ce corps de
2
toutes les façons qu’il peut :
il n’a personne à qui il puisse confier ses perturbations et chagrins qui –
chacun en son genre – ne sont que les fruits de ses propres actions passées.
Quelque soit le travail que l’on
fasse, on doit le faire bien. Si l’on cultive l’habitude de faire tout bien, il
y a bon espoir qu’on fera de même sur le chemin spirituel également. L’action
est Lui, le responsable de l’action est Lui et personne d’autre. En toute circonstance, on doit s’efforcer de
développer cette attitude d’esprit. La Vérité, CELA qui EST, doit être adoptée
complètement.
(Paroles extraites d’Ananda Varta,
octobre 2006)
Le jeu de la sâdhanâ de Mâ
Extraits de En compagnie de Mâ
de AK Datta Gupta.
Il y avait avec nous une Gujarati,
Mademoiselle Maniben. Elle demanda : « Mâ, vous venez de vous
référer à vos visions du passé et du futur. Comment les avez-vous ? Les
voyez-vous avec vos deux yeux physiques ou (en indiquant l’espace entre les
deux yeux) avec le troisième œil qui est ici ?
Mataji : Comment est-ce que je les vois ? Pourquoi pas ? Les
yeux sont sur tout le corps. Ne savez-vous pas que tout est dans tout ?
Les mains, les pieds, les cheveux, en fait chaque partie du corps peut
3
devenir un instrument de la vision.
Bien sûr, il est tout à fait possible de voir à travers les deux yeux
que tout le monde possède ; et l’existence d’un troisième œil est également
vraie. Cela peut vous sembler étrange, mais est cependant exact.
Une fois, ce corps a vécu
seulement de trois grains de riz quotidien pendant quatre ou cinq mois. Qui
donc peut vivre si longtemps avec un régime si réduit ? Cela semble un
miracle, mais il en a été ainsi avec ce corps. Il en a été ainsi, parce qu’il
peut en être ainsi. La raison, c’est que ce que nous mangeons ne nous est pas
du tout nécessaire. Le corps prend
simplement la quintessence de la nourriture, le reste est évacué. En conséquence
de la sâdhanâ, le corps se met à être constitué de telle sorte que, bien qu’il
ne prenne rien physiquement, il peut prendre de l’environnement ce qui lui est
nécessaire pour sa subsistance. On peut maintenir le corps de trois façons sans
nourriture : nous venons d’expliquer la première, la seconde, c’est que
nous pouvons vivre d’air seulement. Car je viens d’indiquer qu’il y a tout en
tout ; ainsi les propriétés des autres choses sont dans l’air également.
Par conséquent, en n’inspirant que de l’air, on absorbe aussi l’essence des
autres choses. Troisièmement, il peut arriver que le corps ne prennne rien du
tout, mais que pourtant il soit maintenu inchangé en état de samâdhi. Vous
trouverez donc qu’en état de sâdhanâ, il est tout à fait possible de vivre sans
ce que nous appelons nourriture. De la même façon, la sâdhanâ peut effectuer de
telles transformations dans le corps qu’en vertu de celles-ci, chacune de ses
parties peut assumer la fonction des yeux. »…
Une dame fit remarquer :
« Mâ, je vous ai entendue une fois chanter et pleurer »
4
Mataji : Il n’y a rien qui soit uniforme en ce corps. Svabhava, sa prore nature, suit son cours naturel. Le
chant et les pleurs que vous mentionnez sont possibles à un certain stade de la
sâdhanâ. Supposez que je m’assoie pour chanter. A cette époque mon idée était
que c’était par la Grâce de Dieu que je prononçais Son Nom. Comme je continuais
à répéter Son Nom, une autre idée m’a saisie et je
pensais : « Hélas ! Je prie avec tant de ferveur et depuis
si longtemps, et pourtant Dieu ne s’est pas révélé à moi ! » Ce sens
de frustration m’a créé une douleur dans le cœur, et tout d’un coup mon visage
s’est mis à être baigné de larmes. Ce sont, bien sûr, des états d’ignorance,
car avec l’aube de la Connaissance même les prières et la sâdhanâ cessent.
Quand les différents stades de
la sâdhanâ se sont manifestés à ce corps, quelle variété d’expériences je n’ai
pas eues ! Parfois j’entendais distinctement : « Répète ce
mantra » ! Quand je l’obtenais, un questionnement s’élevait en
moi : »S’agit-il du mantra de Ganesh, ou de Vishnou ? » Ou
quelque chose comme cela. De nouveau, une autre question se manifestait : « A quoi
ressemble-t-il ? » En un instant, une forme se révélait. Chaque
question trouvait sa réponse immédiate et il y avait une résolution immédiate
de tous les doutes et méfiances. »
« Un jour j’ai reçu de
façon claire le commandement : « Tu ne dois plus t’incliner devant
qui que ce soit ». J’ai demandé à mon conseiller
invisible : « Qui es-tu ? » La réplique est venue
ainsi : « Ta shaktî (ton
Pouvoir) ». Je pensais qu’il y avait une shaktî distincte en moi qui me guidait en émettant des ordres de
temps à autre. Comme tout ceci est survenu au stade de la sâdhanâ, la
connaissance, jñâna, s’est révélée
morceau par morceau. La connaissance intégrale dont ce corps était doué dès la
naissance était
5
brisée, pour ainsi dire, en divers fragments et il y avait quelque chose
comme une surimposition d’ignorance. A cette époque j’étais mauni, j’observais le silence. Cela
était aussi dû à un commandement particulier. Le père de ce corps était venu me
voir, et je ne pouvais présenter mes respects, même pas à lui. Ce n’était pas
que je refusais de le faire intentionnellement, mais ce corps s’abstenait de
faire quoi que ce soit qui se serait opposé aux commandements qu’il recevait de
temps à autre. Quand il s’est aperçu que je n’accomplissais pas mon devoir
envers lui, il fut vexé. Mais comme j’étais mauni
à cette période, je ne pouvais lui expliquer la situation. Il s’est mis à me
considérer avec suspicion. Il était d’avis que si mes divers états d’âme et
expériences étaient d’ori
A cette époque, Shivaratri, (la nuit de Shiva en
février) est arrivée. En cette occasion, l’habitude était avec le père de ce
corps de rester assis ensemble et de rendre culte à Shiva. Il effectuait les quatre poûjâs
correspondant aux quatre veilles de la nuit. Cette fois-ci aussi il
accomplissait les poûjâs comme d’habitude et je l’accompagnais pour faire les
préparations. Au début de la quatrième poûjâ qu’il célébrait aux intentions de
ce corps, quelque chose d’étrange s’est passé : il s’est aperçu que tandis
qu’il progressait dans le rituel, ce corps prononçait toutes les prières et
mantras nécessaires automatiquement. Cela lui causa une grande surprise. Bien
que ne disant rien, il ne pouvait s’empêcher de me regarder de temps en temps.
Quoi qu’il en soit, continuons à
parler de ma sâdhanâ. Après quelque temps, j’ai de nouveau entendu une voix à
l’intérieur de moi
6
qui me disait : « A qui veux-tu présenter tes respects ? Tu
es toute chose. » Instantanément je réalisais que l’Univers était
entièrement ma manifestation. La connaissance partielle a alors laissé la place
à l’intégrale, et je me suis trouvée face à face au Un qui se manifeste comme
multiple. C’est alors que j’ai réalisé ce pourquoi on m’avait interdit depuis
si longtemps de m’incliner devant qui que ce soit. »
Moi-même : Combien de temps s’est écoulé entre ces deux stades ?
Mâtajî : Très longtemps. Cependant, durant cette période, différents vibhutis, phénomènes extraordinaires, se
sont manifestés à travers ce corps. Ils sont apparus de diverses façons :
parfois presque dans un état d’ignorance, par exemple je m’apercevais que dès
que je touchais un patient particulier, il guérissait sous peu, mais je ne
savais pas d’avance qu’il guérirait de cette façon. Parfois la manifestation se
déroulait avec une connaissance mêlée d’ignorance, par exemple en voyant le
patient, je me mettais à raisonner ainsi : « Je sais de mon
expérience passée que mon contact a un effet de guérison ; si je touche le
patient il peut être soigné ». Pour vérifier ceci, je le touchais et je
m’apercevais qu’il était immédiatement guéri. D’autres fois enfin, les vibhutis, les manifestations
extraordinaires se sont déroulées en toute conscience et connaissance de ma
part. Ainsi je savais pour sûr que je pouvais soigner une maladie par simple
contact, et je l’effectuais en ayant toute confiance dans le succès. »
Jiten Babou : « De quelle façon vos vibhutis se sont-ils manifestés ? Et comment se
manifestent-ils maintenant ?
Mâtaji : Les vibhutis sont
devenus une partie presque intégrante de mon svabhava, de ma nature propre.
Jiten Babou : Je ne vous suis pas vraiment.
7
Mâtajî : ‘Les vibhutis
devenant une partie du svabhava’
signifie que tout est régulé par le svabhava
ou le Soi Suprême. Il en était ainsi avec ce corps depuis la petite enfance. De
telles révélations de secrets ne sortent pas toujours en provenance de ce
corps. Puisqu’elles viennent
spontanément maintenant, je les laisse s’exprimer. Laissez-moi vous dire que ce
que je suis maintenant, je le suis depuis mon enfance. Cependant, il y avait
comme une surimposition d’ajñâna,
d’ignorance quand les différents stades de sâdhanâ se manifestaient à travers
ce corps. Mais quelle sorte d’ajñâna
était-ce ? C’était en réalité jñâna prétendant être ajñâna…
A ce stade de la sâdhanâ, vibhuti se manifeste d’abord en tant que
joie qui vient de la récitation du Nom de Dieu. Quand les personnes
expérimentent ceci, elles pensent qu’elles ont obtenu tout ce que la sâdhanâ
peut livrer, et elles sont ainsi stoppées dans leur ascension. Mais celui qui
continue à avancer sans se laisser submerger par de telles manifestations se
trouve muni de divers pouvoirs miraculeux. Cependant, ces pouvoirs ne sont pas
faits pour être déployés. On doit les garder soigneusement sous contrôle.
Seul peut connaître le vrai Soi celui
qui garde vivante une soif insatiable du Divin, en ne se contentant pas de la
possession de pouvoirs surnaturels – des pouvoirs qui lui permettent de guérir
une maladie par un simple contact de la main ou qui mènent à l’accomplissement
instantané de tous ses désirs. »
8
Les messages de Shrî Mâ
Extraits de
‘En compagnie de Mâ Anandamayî’
Par Bithika Mukerji
(Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne)
« Seul parler de Dieu est valable.
Tout le reste n’est que vanité et souffrance ! »
Mâ se
plaisait à répéter, partout et encore, cet énoncé lapidaire.
Un
jour, un jeune homme moderne très audacieux osa dire carrément à Shrî Mâ que la
félicité pourrait être aisément expérimentée en prenant des drogues
appropriées, aussi pourquoi devrions-nous aller vers autant d’austérité (tapasya) ?
Shrî Mâ
répliqua : « Oui, mais ces expériences sont passagères et non
parfaites. Elles ont des répercussions déplaisantes. La félicité, selon les
Ecritures, ne peut pas être provoquée artificiellement parce qu’elle n’est pas
liée au physique ou au mental, ni même au niveau intellectuel. En effet, on ne
peut rien faire pour nous y amener. On peut seulement se préparer et attendre
cet évènement comme une réalisation. Ce n’est pas un état d’âme, mais on
devient la nature même de la félicité. » Shrî Mâ était connue en général
pour éviter la terminologie moderne concernant les états élevés de conscience.
Je l’entendis une fois dire avec emphase : « Parler de
l’expansion de la conscience sans référence à la foi et à la dévotion est pure
indulgence euphorique (vilasa). Si vous laissez Dieu en dehors de
9
vos intérêts dans la vie, alors vous vous
désengagez du chemin qui mène à la paix absolue. »
Tout
comme Shrî Mâ ne tolérait pas la banalisation dans la vie de dévotion, elle
mettait entre parenthèses tout épanchement émotionnel et tout étalage ou
manifestations physiques de sentiments religieux. Je l’ai entendue dire à quelqu’un
qui était enclin à ce genre de démonstrations : « On doit
toujours garder le contrôle sur sa propre conduite et ses propres émotions. Si
vous vous perdez dans ces flots de sentiments vous n’en obtiendrez aucun
résultat favorable. Pourquoi ? Parce que certains spectateurs pourraient
faire des remarques désobligeantes dont vous n’avez que faire. D’autres
pourraient être sincèrement impressionnés au point de commencer à vous admirer.
Cela n’incite pas non plus à une vie de sâdhanâ. Chacun doit procéder selon
son propre chemin, sans se laisser distraire par des considérations en dehors
du sujet. »
Shrî Mâ
insistait toujours sur la nécessité de l’intimité et de la force intérieure.
Une sâdhanâ se devait d’être pratiquée loin des regards indiscrets,
disait-elle, et elle ne devait pas non plus causer d’inconvénients pour les
autres. Une femme lui demanda : « Mâ, je n’ai même pas le temps
de m’asseoir tranquillement, ne serait-ce que dix minutes. Il y a toujours
quelque chose ou quelqu’un qui va me solliciter alors que je suis enfin sur le
point de me retirer en moi-même. » Shrî Mâ sourit et
dit : « C’est ce qui arrive dans un ménage, mais laissez les
choses et la famille vous occuper pendant le jour, et gardez les nuits pour
vous-même. »
10
A une
autre personne qui lui exposait un problème du même genre, elle
répondit : « Est-ce qu’un homme peut se planter debout devant la
mer en pensant qu’il ira se baigner quand les vagues auront diminué ? Il
doit se jeter à l’eau en bravant les déferlantes. »
Un
autre point sur lequel Mâ insistait était la constance intransigeante. Elle
disait : « Ne renoncez pas à l’effort. Si vous tombez de
sommeil, faites un petit somme ; si vous mourez de soif, allez prendre un
verre ; mais revenez encore et toujours à votre nâma japa.
Dites-vous bien : je dois, je dois finir mon nâma japa, peu
importe si je suis dérangée une ou plusieurs fois. » (p.228-229)
Durant
l’un des satsangs de Mâ très courus à Varanasi, une question fut posée
concernant les réincarnations. Pandit Vaidyanath dit : « Mâ,
nous croyons en la réincarnation selon les lois karmiques. »
Shrî
Mâ : « En effet, il en est ainsi. »
Question : « Mais
les chrétiens croient en une seule naissance. Après la mort, ils vont attendre
le Jour du Jugement quand Dieu décidera de leur destinée. »
Shrî
Mâ : « Oui, c’est la vérité. »
Chacun
se mit à rire en entendant Mâ souscrire à deux points de vues apparemment aussi
opposés. Mais Mâ ajouta : « Bholanâth avait l’habitude de
m’appeler la reine de la Cour d’Appel (Appealeshwarî), parce que j’ai
toujours l’air d’être d’accord avec tout le monde. Le fait est que je vois
clairement un rapport entre ces affirmations qui, prises singulièrement, mènent
à la totalité ou à l’infinité. Que faut-il là-dedans rejeter et que faut-il
accepter ? Les croyances appartiennent au domaine de l’esprit. L’esprit
est modelé et déterminé par préférences inconscientes (samskâras). La
tendance naturelle à aller vers un tas de croyances vient de préférences
11
engrammées qui nous sont parfois inconnues. Tout
ce que je vois c’est que si quelqu’un exprime une croyance et qu’il est
convaincu que ce en quoi il croit est vrai, eh bien si tel est son point de vue, c’est
vrai ! » (p.231)
Ganga…mère divine
Quand
je contemple l’irrésistible variété, la profondeur, l’intensité et le flot
ininterrompu des paroles (vani) de Shrî Mâ, j’ai envie de les comparer à
l’avènement du Gange sacré dans notre pays. Aucun mot ne pourrait vraiment
mettre en valeur le mystère de ce fleuve grandiose qui s’impose à notre premier
regard dans toute sa majestueuse apparence, dans la beauté de ses eaux bleues
profondes tombant en cascades dans la résonance de ses gorges, dans la
progression joyeuse et dansante de ses ravins et de ses plaines au pied des
chaînes de l’Himalaya. Ici le fleuve change de rôle. Ses eaux brillantes et
scintillantes deviennent calmes et sereines. Le Gange s’écoule, profond, large
et gracieux, permettant à son peuple de tirer de lui autant d’avantages qu’il
peut en provenir de son abondante présence. Il leur permet de profiter de sa
générosité, et même de l’exploiter, d’en abuser. Et puis silencieusement il se
retire jusque dans l’océan. Même dans l’acte de se retirer, il se partage en
d’incommensurables parcours, pour le bienfait de ses enfants toujours insatiables.
Il arrive majestueux et son élégance regorge de plénitude, kilomètre après
kilomètre, jusqu’à ce qu’il rejoigne l’océan pour se mélanger dans l’anonymat
de l’immensité. A travers toutes les variations de son trajet, il maintient sa
pureté. De Gomukh à Gangâsagar ses eaux sont sacrées et confèrent la paix à
tous ceux qui viennent à lui. Pour les hindous, le Gange est considéré
12
comme la
mère divine appelée Gangâ, qui ne se refuse à personne. Chacun, de façon égale,
est le bienvenu sur ses rives pour y trouver la sainteté, la paix, et la
tranquillité. (p.232)
Les paroles de Mâ
Je me
souviens d’une conversation sur le futur de l’Inde entre un sadhou de la
Mission Ramakrishna et Mâ. Le Swamijî
essaya longtemps d’obtenir quelques déclarations concernant le futur, mais Shrî
Mâ éluda ses requêtes. A sa question : « Parviendrons-nous
jamais à rejoindre les gloires du passé et à nous élever vers de nouvelles
splendeurs dans le futur ? » Shrî Mâ répondit : « Si vous
êtes si nombreux à penser que tel devrait être le cas, alors peut-être qu’une
telle atmosphère pourra prévaloir et que vos rêves deviendront réalité. »
Le Swamijî resta pessimiste. Il ajouta : « Les gens ne
s’en soucient guère. Ils sont occupés à copier l’Occident. Quant à eux, les
occidentaux, ils commencent à apprendre, à suivre nos chemins et à emmener tout
le meilleur de l’Orient avec eux. » Shrî Mâ
répliqua : « Pourquoi dites-vous ‘eux’ ? Ils sont aussi
‘vous’, n’est-ce pas ? » Cette réponse fournit au Swamijî de
quoi ruminer et nourrir ses pensées. (p.232-233)
En
écoutant ses conférences, ses discours et conversations courantes à longueur
d’année, je réalisai que Mâ évoquait à notre intention l’ancienne pensée des Upanishads,
pensée de discrimination entre ce qui est plaisant (preyas) et ce qui
est bon-en-lui-même (shreyas). Tous buts dans la vie, toutes valeurs
guidant la conduite pouvaient être englobés par elle en une seule rubrique à la
13
recherche d’une ultime vérité. Le fait de donner
10 minutes chaque jour, ou un jour dans une semaine à un programme de samyam
(modération, abstention) faisait partie du comportement général d’une vie
consacrée au souvenir de Dieu.
Mâ
semblait jauger avec subtilité et précision l’aura de tous ceux qui
l’approchaient pour être sous sa conduite ; elle leur donnait le point de
départ, peu importe le niveau où ils se trouvaient ; elle redonnait de
l’espoir aux plus pessimistes des interlocuteurs. Parfois, elle les rencontrait
avec indifférence, et c’était également admissible de sa part. Un jour elle affirma : « Si
vous n’avez aucun intérêt et n’avez rien à demander, alors je n’ai rien à vous
dire, mais si vous demandez et si je sens mon kheyâla, alors je vous
dirai certainement les shreyas, les ultimes buts de la vie qui valent
vraiment la peine pour tout être humain. » (p.233)
Un
idéal de renonciation imprégnait ses discours tel un fil entourant un bouquet
de fleurs. Non pas qu’elle eut demandé à quiconque de renoncer à tout, au
monde, à la société, à la carrière, à la famille, à la maison ou aux amis. Elle
disait plutôt que si on pouvait arriver à abandonner le mental aux pieds du
Seigneur, on n’aurait plus besoin de rien d’autre. Tout adviendrait au moment
voulu. Cependant, elle accorda le plus grand respect à tous ceux qui avaient
choisi d’être des renonçants, des hommes en robe orange. Graduellement, des
gens de notre génération s’approchèrent de ce nouveau chemin ; en
considérant notre sadhou-samaj, notre « société de
sadhous », on doit reconnaître que précédemment, les gens en robe
ocre-orange avaient plutôt été regardés avec méfiance. Il faut
14
aussi rappeler que Shrî Mâ elle-même fut déçue par
ces personnes un nombre incalculable de fois au cours des années, mais elle ne
se départit jamais, même pas d’un iota, de son attitude respectueuse en la
présence d’un sannyâsi (renonçant). Ces hommes et femmes étaient voués à
être appelés très haut, et par conséquent ils méritaient le respect.
Une
question revenait sans cesse dans le voisinage de Mâ : « Est-ce
qu’un homme peut voir Dieu ? »
Shrî Mâ : « Bien
sûr qu’il peut. Il apparaît devant les yeux des humains, exactement comme vous
me voyez devant vous en train de vous parler, ainsi on peut voir Dieu et tenir
une conversation avec Lui. »
Shrî Mâ
dit maintes fois qu’elle n’était qu’une spectatrice, qu’elle n’était pas ici
pour faire quoi que ce soit ou enseigner à qui que ce soit. En fait, où était
« l’autre » ? Elle était elle-même tout ce qui Est, même pour
elle il n’y avait pas d’espace pour reculer, aussi qu’y avait-il pour elle à
faire ou à dire ? En définitive, si on lui demandait de donner son avis,
elle répétait ses mots habituels (vani) :
« Seul parler de Dieu est valable.
Tout le reste n’est que vanité et
souffrance ! » (p.234)
Bindou et moi en quête de travail
Didi
avait été malade. Des douleurs de dos l’avaient clouée au lit. Plusieurs
chirurgiens de bonne réputation vinrent la visiter. Leur
15
diagnostic fut implacable : tuberculose des
os. Afin d’immobiliser entièrement sa colonne vertébrale, ils préconisèrent
d’utiliser un plâtre et voulurent que Didi se rende à Bombay pour la durée du
traitement. Bhaiya libéra son appartement pour Didi et sa suite. Rénou se
souvint qu’il y avait des groupes de femmes auprès de Shrî Mâ, toutes ferventes
adeptes prêtes à s’acquitter de son kheyâla. Bien que Rénou et Gini
aient admiré la riche installation de cet appartement avec sa vue magnifique
donnant sur l’océan, pendant bien des jours elles ne surent pas qui était le
propriétaire des lieux. C’était un exemple extraordinaire d’auto-effacement. La
femme de Bhaiya, Lîlâben, s’était entièrement identifiée à l’attitude de Bhaiya
envers les fidèles de Shrî Mâ. On put admirer son savoir-faire en matière de
maîtresse de maison, de même que sa générosité et son dévouement pour Mâ. Leur
maison à Villeparle devînt une annexe de l’ashram tel qu’il était alors. Les
fidèles de Shrî Mâ se relayaient afin de venir à Sunayana House pour
différentes raisons. Quiconque en mal de traitement médical était envoyé à
Bombay aux bons soins du Dr. Surabhai Seth qui était le responsable médical du
Nanawati Hospital de Villeparle. Pendant plus de quarante ans ces ferventes
fidèles continuèrent à rendre à Shrî Mâ ce genre de services que le commun des
mortels pourrait à peine ima
16
moment là, il était le président-directeur général
de la compagnie d’assurances New India Insurance Company. Une très grosse
entreprise aux dires de ceux qui s’y connaissaient en la matière. (p.236-237)
Bindou
avait fait sa route de son côté et avait demandé à Mâ de consulter son kheyâla
concernant son nouveau job dans le milieu de la finance.
J’eus
moi-même des expériences intéressantes à l’Université d’Allahabad, que je dus
quitter à regret.
Shrî Mâ
vint à Varanasi peu après que je fus admise à la Banaras Hindu University. Elle
sembla heureuse de me voir. Tout en me donnant une guirlande de petites fleurs
blanches et odorantes, elle me parla de façon
étrange : « Continue tes visites comme d’habitude, le sens du
devoir vient au premier plan (quand on est dans une vie de service). » Ces
quelques mots me firent réfléchir pendant très longtemps. Maintenant, je
réalise qu’elle avait parfaitement raison. Il y avait deux sortes de personnes
en service auprès d’elle. Celles du premier groupe étaient partout et si
souvent avec Mâ que nous nous demandions comment elles pouvaient faire pour
être en service également. Un personnage important parmi ces gens était le cher
Patun (S.K.Datta) qui, non seulement continuait son emploi de
haut-fonctionnaire du gouvernement, mais montait assidûment d’échelon en
échelon dans sa position. Néanmoins, il fut l’un des plus proches compagnons de
Shrî Mâ, toujours à ses côtés pour accomplir son kheyâla et pour assumer
bien des responsabilités. J’appartenais pour ma part et manifestement au second
groupe. Je m’investissais de plus en plus dans une carrière professionnelle.
J’adorais enseigner et je pris la chose très au sérieux. Je m’intéressais
beaucoup aux étudiants qui étaient à ma charge et je me dévouais à leur cause
en
17
m’investissant dans des extra-activités avec
quelque succès. Pendant les courtes périodes de vacances, je retournais chez
moi à Allahabad. Mes visites à Shrî Mâ devinrent moins fréquentes. Heureusement
qu’elle venait souvent à Varanasi ce qui me permit de rester proche d’elle,
mais je trouvais un sens de plus en plus significatif aux paroles qu’elle
m’avait dites au tout début de ma carrière.
Alors
que Shrî Mâ était à Varanasi, une convocation arriva de l’Université
d’Allahabad me demandant de me présenter une fois de plus devant un nouveau
Comité de Sélection. Je me rendis à l’ashram après le collège et informai Shrî
Mâ de cette nouvelle et du fait que j’aurai à me rendre à Allahabad pour cette
entrevue. Shrî Mâ me dit : « A maintes reprises ils n’ont pas
pris ta requête en considération, si tu acceptais cette convocation, ce serait
comme si tu t’exposais à recevoir un nouvel affront, tu ne crois
pas ? » Je répliquai : « Mâ, les temps ont changé
quelque peu. J’ai acquis une certaine notoriété et il est évident que cette
fois ils ont l’intention de remédier à cela. Mon père est enthousiaste à l’idée
que je retourne à Allahabad. Je ne peux tout de même pas lui dire que je ne
vais pas aller à cette convocation ! » C’est alors que Shrî Mâ eut ces
mots décisifs à l’intention de mon père : « Dis à Baba que j’ai
dit cela. »
Durant
tout le temps passé avec Shrî Mâ, je l’ai rarement entendue émettre une
sentence aussi manifeste et sans aucune réserve. Elle se basait toujours sur
son kheyâla et ne sortait en général que des phrases comme :
« Ne serait-il pas mieux ? Ne pensez-vous pas ? Si vous
considérez que c’est juste » etc…etc… Mais cette fois elle parla comme si
elle s’adressait à lui directement, et en des termes sans équivoque.
J’écrivis
de nouveau à la maison pour avertir que je ne me rendrai pas à l’entrevue. En
mon absence, ma collègue et amie fut
18
confirmée dans le poste qu’elle avait obtenu
finalement, ce qui fut bien aussi. Shrî Mâ m’avait demandé un jour s’il y avait
une différence entre ces deux postes à l’Université. J’avais répondu que le
salaire à la B.H.U. était moins élevé que celui d’Allahabad, mais qu’autrement
c’était pareil. Etrangement, après trois mois environ, mon salaire de base fut
augmenté de 50 roupies, en tant que reconnaissance particulière de mon diplôme
de recherches. Désormais, c’était exactement identique au salaire de base de
l’Université d’Allahabad lequel, à ce moment là, était de 300 roupies. Quoi
qu’il en soit, la B.H.U. offrait des logements spacieux entourés d’un jardin
sur le campus avec tous les services et leurs aménagements, ce qui rendait ce
poste l’un des plus convoités du moment. (p.244)
15 minutes pour Mâ
L’année
1957 vit le début du soulèvement des étudiants à la Banaras Hindu University.
J’y fus impliquée dès le premier jour, mais ceci est une autre histoire.
Plusieurs de mes collègues vinrent parfois avec moi à l’ashram. Aussi étrange
que cela puisse paraître, peu d’entre elles participèrent à fond, ou tout au
moins, ne s’impliquèrent pas autant que Padmâji et moi. Je fus toujours
stupéfaite de voir l’indifférence démontrée par la plupart des gens qui
gravitaient autour de Shrî Mâ. Ils la traitaient comme l’Image Mobile (chalanta
vigraha) d’un temple. Ils lui obéissaient, recevaient une guirlande de
fleurs, ou des sucreries, et s’en retournaient chez eux pour continuer comme
avant. Elle était reconnue comme une Présence Divine, et par conséquent comme
une
19
source de bénédiction (kripâ). Une visite
quotidienne pour faire le pranâm, comme on fait une visite quotidienne à
un temple, suffisait à beaucoup de ceux qui se pressaient autour de Mâ. Elle
était belle, affable, parlait de façon délicieuse, elle distribuait des fleurs,
des fruits ou des douceurs, et ne posait aucune question. Parfois, si on lui demandait
son avis, elle disait : « Donnez-moi 15 minutes de votre temps,
chaque jour, à une heure de votre choix. Essayez de ne penser qu’à Dieu. Vous
pouvez faire un japa, ou méditer, ou seulement rester silencieux. Ce
créneau horaire de 15 minutes est comme une mince cale à insérer dans le
perpétuel mouvement tournant du cycle de préoccupations qui fait le monde. Il
serait bon que ce court instant de pause puisse se développer et se répandre,
car par la grâce de Dieu il influencerait le rythme de votre vie entière ! »
Les
paroles (vani) de Shrî Mâ affirmant qu’elle n’était qu’une spectatrice
étaient certainement vraies. Elle avait souvent répété qu’elle n’était pas
venue pour faire quoi que ce soit, mais plutôt juste pour voir comment allaient
les choses, tout comme un jardinier se promène dans les allées de son jardin en
observant les différentes plantes fleuries et rampantes qui en rehaussent la
beauté. (p.244-245)
Les dernières années de la vie de mon père
Bien
des années passèrent. Bindou maintenant avait un emploi. Quand Shrî Mâ vint à
Allahabad, il n’en est pas moins vrai qu’elle opta pour la meilleure et la plus
impromptue des organisations, en rappelant à Bindou qu’il lui avait promis de
lui construire un petit cottage au 31 George Town, là où nous habitions.
D’après le kheyâla de Mâ, Bindou était capable de lui construire ce
cottage. Ce qu’il fit
20
d’ailleurs en le situant sous un arbre immense non
loin de la maison principale. Nous fîmes en sorte de le meubler et de le
décorer en anticipant ainsi la venue de Mâ à Allahabad. Rénou avait demandé aux
jardiniers de construire un ensemble de pièces de style villageois aux murs
revêtus de terre à côté du cottage, où la nourriture sacrée (bogha)
pourrait être cuisinée. Par la suite, Shrî Mâ avait pris l’habitude de passer
ses après-midi dans l’une de ces pièces qui était fraîche et tranquille. Dans
les années qui suivirent, bien des célébrations furent organisées dans notre
maison, cependant, il me sembla que Mâ y venait de moins en moins depuis que son
cottage avait été construit. Mais à bien y réfléchir, je réalisai que Shrî Mâ
avait voulu ce cottage afin qu’il puisse devenir pour nous et notre famille
plus tard, une fois privés de sa présence et de son darshan, un temple dans
lequel elle avait résidé. Le culte divin de son Image, installé dans ce petit
édifice, est depuis lors devenu une partie importante de notre vie de tous les
jours. (p.247-248)
Mon
père avait dit qu’il nous accompagnerait à la gare pour me saluer en partant.
Ce n’était pas son habitude, car il n’aimait pas cela. J’en fus quelque peu
interloquée. Ma mère et des amis avaient emboîté le pas. Une fois dans le
train, en me penchant par la portière et en voyant mon père droit dans ses
bottes, sa canne à la main, je ne savais pas que je le voyais pour la dernière
fois… Prémonition ou pas, je ne l’avais pas quitté des yeux cependant… Peu de
temps après, je reçus un message de ma mère me demandant de me rendre à
Allahabad immédiatement. En arrivant, je réalisai soudain que mon père n’était plus.
Ma mère, comme beaucoup d’autres, avait suivi un régime durant la semaine. Mon
père et elle avaient mangé un repas léger. Mon père s’était alors allongé pour
faire sa petite sieste habituelle, tandis que ma mère s’était assise en
méditation de 15
21
heures à 16 heures dans la pièce à côté. A 16
heures, elle fit un thé qu’elle alla lui porter. Elle fut surprise de le
trouver immobile dans son lit et lui toucha l’épaule pour le réveiller. Bien
qu’il ait eu l’air de dormir, elle comprit aussitôt qu’il n’était plus de ce
monde. Par la suite, tout ce que fit ma mère nous sembla incroyable. Mais un
jour, elle nous raconta en privé, qu’au moment où elle toucha mon père, elle
sentit comme si Shrî Mâ lui attrapait le poignet avec force pour la guider
ensuite dans tous ses mouvements. Il semblerait donc que ma mère fut sortie
pour demander au jardinier Jagdeo d’aller chercher Madan, un ami de Bindou qui
habitait au bout de la rue. Puis, elle téléphona à la famille du docteur et
ami, Dr. Chatterjee, qui était absent. Elle demanda à sa femme de le faire
venir dès que possible. Avant ce jour, ma mère n’eut jamais une occasion
d’utiliser le téléphone pour appeler qui que ce soit, s’étant bornée à recevoir
un ou deux coups de fil. Là, non seulement elle se chargea de téléphoner, mais
elle obtint la ligne jusqu’à Varanasi en passant par l’interurbain. Elle était
seule à la maison. Comment avait-elle fait pour localiser les numéros
appropriés, pour appeler les standardistes, cela restait une énigme. Madan dit
plus tard que lorsqu’il arriva, il la vit avec le combiné en main en train de
parler avec Gyanvatijî. Finalement ma mère confia le récepteur à Madan et s’en
alla jusqu’à la chambre de mon père où elle s’assit au pied du lit pour une
grande partie des 24 heures suivantes. Nos amis et parents nous dirent plus
tard qu’ils étaient restés émerveillés devant son expression sereine, et qu’ils
comprenaient ce que c’était que d’être en présence de la grâce (kripâ).
(p.250-251)
Famille,
amis, voisins, tout le monde arriva à Allahabad pour saluer une dernière fois
mon père, voir son visage détendu encore en parfait état, et exprimer leurs
condoléances. Quelqu’un fit remarquer
22
qu’une telle mort n’était possible que pour un yogi
d’une considérable élévation spirituelle, car ni son visage ni son corps ne
montraient de traces de détérioration même après 24 heures. Ce fut ma première
rencontre avec la mort. Jusqu’alors j’avais vu quelques corps de personnes
aimées d’où la vie avait disparu, et j’en avais gardé le souvenir que leur
visage était troublé. Aussi, après coup, je fus émerveillée de constater ce
phénomène. Mon père n’avait pas dû se débattre pour lutter contre une crise
cardiaque, car sinon ma mère l’aurait entendu ou ses draps auraient été en
désordre. Apparemment il s’était éteint dans son sommeil. Shrî Mâ l’avait
emmené aussi facilement que l’on cueille une fleur dans un jardin. (p.253)
Quand
l’Université ferma ses portes pour les vacances d’hiver, j’eus une étrange
réticence à retourner au 31 George Town. Le vide laissé par la mort de mon père
m’effrayait, mais Shrî Mâ vint nous trouver et il était impossible d’être
triste en sa radieuse présence.
Un
jour, une jeune européenne vint lui rendre visite. Cette jeune fille apprenait
le yoga en Inde. Mâ lui demanda de lui montrer quelques postures. Elle fit
certaines démonstrations et ensuite s’étendit en shavâsana, la dernière
posture de relaxation. Elle affirma qu’il était difficile de tenir cette
posture correctement, car en dépit de tout, les muscles restaient tendus. Elle
en fit la démonstration avec les jeunes filles qui étaient dans la pièce.
Levant une main, ou un pied, ou même un doigt, elle dit : « Vous
voyez, il y a très peu de résistance. Le corps devrait devenir comme s’il était
sans vie au cours de cet exercice. » Shrî Mâ intervint :
« D’accord, essayez avec moi. » Elle s’étendit sur son chowki.
Son corps devint soudain aussi flasque que celui d’une poupée de chiffon. La
jeune yogi la testa en lui soulevant la tête, puis un ou deux membres.
Elle resta stupéfaite. Elle n’avait jamais vu une telle perfection, même
23
pas chez son propre gourou. Shrî Mâ se mit à rire
en se rasseyant. Elle dit : « Ces
postures servent souvent d’exercices aux gens qui ne les réussissent que
jusqu’à un certain point. Dans la sâdhanâ visant à l’émancipation
spirituelle, les postures se prennent tellement naturellement qu’elles sont
exécutées comme elles doivent l’être. »
Je me
souviens d’une autre occasion. Nous étions tous assis dans la chambre de Mâ,
quand soudain elle se leva de son chowki et joignit les mains en un namaskara
pour saluer quelqu’un debout devant la porte. On le fit entrer. Ma mère
reconnut en lui le frère aîné de notre prêtre de famille. On lui amena un petit
tapis carré. Lorsqu’il fut assis, Shrî Mâ s’installa par terre dans une
attitude de déférence envers une importante personnalité. Au cours de la
conversation qui suivit, nous apprîmes que cette famille de prêtres était
apparentée au prêtre de famille de Bholanathji. Shrî Mâ et Bholanathji avaient
visité Allahabad une fois dans les années vingt. Ils s’étaient arrêtés, le
temps d’une journée, dans le temple de Kâlî à Muthyganj. Bholanath et Mâ
avaient rendu une petite visite de courtoisie à cette famille de prêtres.
C’était stupéfiant de voir que Shrî Mâ avait reconnu cet homme dès le premier
coup d’œil après au moins 30 ans. Shrî Târâcharan Bhattâcharya quant à lui, se
souvint avec émerveillement de sa première impression à propos de Shrî Mâ.
Quand
Mâ quitta notre maison, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Il était
évident qu’elle était restée avec nous afin de nous aider à sortir de notre
dépression, qu’elle nous avait soutenus avec bonté dans notre détresse d’avoir
été soudainement plongés dans un chagrin profond. Rétrospectivement, on en vint
à penser que Bindou avait souffert de sa première crise cardiaque à ce moment
là. Il raconta calmement : « C’est comme si elle m’avait enlevé le
poids que j’avais senti peser dans ma poitrine. » Ma mère n’était pas
24
démonstrative, aussi continua-t-elle à rester
calme et digne. Une fois, je l’entendis faire une remarque à une amie de son
âge qui était venue en visite de condoléances : « Comment se
comporter après la perte brutale de celui qui fut votre proche compagnon
pendant près de 40 ans ? » Mais Shrî Mâ l’avait aidée depuis le
premier jour. Quant à nous, au fur et à mesure que les années passaient, nous
avions senti que le kheyâla de Mâ était resté constamment auprès d’elle,
et auprès de chacun de nous. Nous sommes devenus très occupés par nos affaires
et l’avons oubliée parfois, ce qu’elle ne fit jamais. A peine quelqu’un tendait
la main qu’elle était aussitôt serrée dans une étreinte de soutien. Je dirais
même que de temps en temps, au cours de nos pérégrinations, alors que nous
aurions pu rester empêtrés dans l’engrenage du monde, nous en étions détournés
par un kheyâla toujours vigilant. (p.254-255)
La Présence de l’Absence
(Conte vécu…en Mâ !)
Par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Aujourd’hui c’est le jour
de mon Anniversaire…je suis seule, mais ‘ILS’ sont tous là !
L’éloignement ne compte
pas, l’effluve de leurs présences ne nous quitte jamais, celle des êtres aimés,
des parents, de nos guides …et cette lumière de Mâ Anandamayî qui en TOUT nous
soutient.
Cette ‘présence de
l’absence’, si proche du détachement et si fidèle en tout à l’enseignement des
sages, cette ‘non-absence’, si proche du cœur qui s’est donné pour le bienfait
de l’autre…m’effleure en cette belle journée solitaire.
25
Cette pensée m’évoque une
courte histoire d’un ami italien (Roberto Leoni, cinéaste et auteur du livre ‘Racconti ad occhi aperti’ 1992) qui
aimait à rêver avec les yeux ouverts…et que le Japon avait fasciné. Il raconte
que sa stupeur d’occidental qui avait cru tout voir, avait été marquée par
cette nation, par ses textes philosophiques, sa poésie dénudée et par ses
coutumes, par ses trains monorails qui arrivaient à l’heure, par l’art de
composer les fleurs, par la cérémonie du thé, aussi longue et complexe qu’une
messe chantée ! Véritable liturgie dans l’Art !
Il avait découvert qu’à
Tokyo (à l’époque) il n’y avait pas de numéro sur les portes des immeubles, et
que pour qu’une lettre puisse être délivrée, l’adresse devait relever du
parcours du combattant : Monsieur Untel, 3ème maison à gauche à
partir du second croisement à droite, depuis la place où était le fleuriste, au
5ème arrêt du métro N°7…véritable chasse au trésor pour les facteurs
qui n’étaient autres que des encyclopédies vivantes des quartiers en question.
Mais par-dessus tout, la
culture japonaise lui était apparue comme la définition même du triomphe de
l’absence, avec ce ‘je ne sais quoi’ d’art et de poésie qu’on ne voit pas avec
les yeux, mais qu’on perçoit avec l’âme !
Quand on fait un cadeau au
Japon, la confection est presque plus importante que le cadeau lui-même. Le
cadeau est souvent banal, mais son emballage reflète une spécificité
personnelle.
Les poésies peuvent aussi
être creuses, mais non pas la ‘griffe’ pour les écrire.
L’obsession de l’unicité
dans la présentation devient primordiale, le sujet certes est important, mais
plus fondamentale encore en est l’exécution.
26
Après avoir visité les
musées, les usines, les studios de cinéma, les palais, mon ami voulut voir un
temple des plus anciens. Le guide japonais l’emmena alors sur les rives d’un
lac où trônait simplement un portique de bois rouge en forme d’arc de cercle.
Lorsqu’il demanda où était
le temple, le guide lui répondit : « Au-delà de cet arc… »
Seuls le lac et le
panorama s’étendaient à perte de vue, aussi le guide ajouta : « Nous
avons construit l’entrée, tout le reste est le temple. Connaissez-vous
quelqu’un capable de réaliser une œuvre aussi belle ? »
Non certes ! Dans son
rationalisme mon ami se sentit un peu frustré et inculte.
Pour le réconforter, le
guide lui parla des jardins célèbres d’un temple Zen de Kyoto où l’on ‘pouvait
voir le Divin’, ou tout au moins entrer en contact avec lui, toujours selon
cette étrange mais fascinante philosophie religieuse, ou religion philosophique, qu’est le Zen, qui ne
peut s’expliquer. Et mon ami de citer un célèbre aphorisme : si deux sages
dorment appuyés contre un arbre et rêvent d’un papillon, est-ce que ce sont eux
qui rêvent de l’insecte, ou bien est-ce le papillon qui rêve des deux
sages ?
Le lendemain, il alla voir
ce temple et se retrouva dans un petit jardin de sable ondulé avec quelques
pierres recouvertes de mousse. C’était là le ‘Jardin Extraordinaire’, l’image
même du Divin ! Aucune magnificence, aucun lustre clinquant…mais un ordre
géométrique, poétique, visant à l’essentiel dans ce petit rectangle de sable
immobile comme le temps, mystérieux dans son ‘manque’, dans son absence de
tout, comme l’éternité.
Mon ami demanda : « Mais,
selon vous, c’est ça le Divin ? »
27
Et le guide répondit
seulement : « Pourquoi pas ? »
Ce récit en mémoire me
fait comprendre que la vraie spiritualité peut exister aussi bien dans la
présence que dans l’absence, parce que si la Nature Divine est en toutes
choses, il devait être dans ces pierres, dans cette mousse et dans ce sable !
Moins on s’efforce de le représenter, plus il existe et peut nous apparaître.
Un jour, dans un catalogue
de ventes par correspondance, au milieu d’objets hétéroclites, mon ami eut son
attention attirée par une offre singulière : une reproduction en miniature
du fameux jardin de Kyoto, format 30x12 centimètres, dans un récipient de bois
noir, muni de son petit râteau minuscule et de sa notice, pour le prix de 29
Dollars. Très recommandé aux hommes d’affaires stressés qui pourront se
détendre les nerfs en dessinant à coups de râteau sur le sable, entre des
petits cailloux, ces vaguelettes immobiles qui symbolisent la présence de
l’absence, avant-dernier pas vers la pureté et la simplicité de cœur, en deux
mots : l’unique façon de voir Dieu sur la terre !
Nous n’en sommes pas
encore arrivés à vendre notre âme par correspondance, noyée au milieu du sable
dans un cadre de bois de quelques centimètres…mais l’enseignement de Mâ
Anandamayî dans son dépouillement m’a replongée dans cette histoire vécue. Il
n’est point d’illusion sans amour partagé, mais point d’absence si on a Sa
présence intérieure permanente qui nous sert de guide, qui nous ouvre les yeux.
Récemment, j’ai demandé à
mon guide intérieur : « Etre un bon disciple par rapport à un maître,
n’est-ce pas tout simplement être un cœur qui tourne autour d’une
lumière ? »
Il n’a pas répondu parce
qu’il savait que son absence deviendrait sa présence si je savais comprendre
l’enseignement reçu.
28
En cette journée
d’Anniversaire j’ai compris que le plus beau cadeau était de les avoir
rencontrés, ceux dont l’Absence m’entoure de leur Présence.
Et j’ai senti que le
portrait de Mâ me souriait…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets - Un 4 Juin)
Le Soi du SILENCE
(Notre Ego, l’aimons-nous
vraiment ?...)
C’est l’Ego de la joie
quand il fourvoie nos cœurs
C’est l’Ego de la peine
quand il se joue des pleurs
C’est l’Ego de la peur
quand il trahit l’ami
C’est l’Ego de la haine
quand il crée l’infamie
C’est l’Ego de l’amour quand
il nous rend hideux !
C’est l’Ego du pardon
quand il fait semblant de…
C’est l’Ego du pouvoir
quand il sème la mort
C’est l’Ego du savoir
quand il ruine l’effort
C’est l’Ego de nos doutes
quand il joue les affreux
C’est l’Ego de l’ivresse
quand nous parjurons Dieu !
C’est l’Ego du travail
qui nous rend tous odieux
C’est l’Ego en famille
qui nous rend malheureux
L’Ego du sacrifice où
l’on se croit sincère
L’Ego de l’artifice où le
faux se libère
Mâ nous dit que l’Ego, à
travers son rejet,
Dépassant le mental, nous
conduit au progrès
Dépourvus du désir
d’auto-satisfaction
Il nous rendra ‘égaux’,
sans ses limitations
Mâ dit que sans l’Ego, si
on le veut vraiment
C’est l’aboutissement au
non-attachement
Mâ dit que notre Ego est
en définitive
La cause des naissances
et des morts successives
Qu’il peut être, selon la
loi universelle,
Force de volonté ou
effort personnel
Pouvant ainsi créer notre
propre salut
Comblant divinement notre
soif d’absolu !
Notre Ego est-il donc
source de tout le mal ?
Ce n’est pas toujours
vrai, tout dépend du mental
Certains même prétendent
que dans le samâdhi
Le mental de l’Ego s’en
va, se purifie
Existe-t-il
vraiment ? N’est-ce qu’une illusion ?
L’étouffer carrément,
est-ce la solution ?
Dans le ‘tien’ et le
‘mien’ tout en co-existence
Est le renoncement, mais
aussi l’attirance
L’Ego est à la fois
changeant et immobile
Quand les nœuds sont
mêlés, tout est plus difficile
Dans notre société,
hagarde et sans scrupules
Sans lui ne semblons-nous
pas un peu ridicules ?
Orgueil ou
décadence ? Fini les apparences
Amour ou abstinence,
lâcher-prise ou puissance ?
L’Ego ? Pauvres de
nous…il ne reste, à mon sens,
Si on y tient vraiment,
que le SOI du SILENCE !
Mahâjyoti (Geneviève
Koevoets)
(Inspiré par le livre
« L’Enseignement de Mâ Ananda Moyî »)
31
Nouvelles
- Un concert pour les œuvres de Mâ s’est déroulé fin septembre à Londres,
en présence de certains swamis de l’ashram dont Bhaskarananda et
Jyotirmayananda. Il a réuni 800 personnes. Félicitation aux organisateurs, dont
Madhavi de Bombay qui a pris l’initiative et Christopher Pegler de Londres qui
s’est occupé de ce projet en plus de son travail pour le site de Mâ.
- Une retraite avec 22 Français a eu lieu à Dhaulchina pour cinq jours
pleins en octobre. Il s’agissait d’un groupe de Yoga de la Drôme venu avec leur
professeur J. Margier, ce dernier étant déjà passé à Dhaulchina auparavant. Un
campement avait été organisé pour doubler la capacité des chambres, avec une
tente pour la salle à manger aussi,
moyennant quoi tous les participants ont pu être logés sur place, pour la
première fois autant de monde pendant cinq jours dans l’histoire de cet ashram.
Ils ont profité d’une vie dans la nature, des satsangs avec Nirgunananda et
d’une pratique régulière. Le groupe avait visité Kankhal et Kédarnath
auparavant.
- Un autre groupe français avait fait en août une retraite d’une semaine
avec programme régulier durant la journée et satsang avec Vijayânanda le soir.
C’était la première fois qu’une telle retraite de groupe était organisée à
Kankhal pour des Occidentaux en dehors de la Samyam Saptah. Mathieu, sa femme
et la revue Infos-Yoga étaient les organisateurs à partir de France. Mathieu
avait participé déjà à Kankhal à une Samyam Saptah en présence de Mâ en 1980,
et était revenu plusieurs fois depuis.
- Les 92 ans de Swami Vijayânanda vont être fêtés
dans quelques jours. L’arthrite aux genoux et au dos le gêne pour marcher, mais
il
32
continue à rencontrer les visiteurs au satsang du soir, qu’il n'y en ait
qu’un ou deux ou un groupe d’une trentaine de personnes. Il participe aussi aux
réunions de la Sangah, il voudrait bien ‘prendre
sa retraite’ de ces délibérations administratives, mais les fidèles de Mâ
ne sont pas de son avis, il continue donc à les assumer de son mieux…
- Vigyānānand (Jacques Vigne) reviendra en France après 6 ans en
mars 2007 pour neuf mois de tournée. Son livre Inde intérieure doit en principe sortir pour le Salon annuel du
Livre à cette époque, dont le thème sera précisément l’Inde. On trouvera son
programme sur www.jacquesvigne.fr.st
- Un lexique sanskrit de termes spirituels et religieux a été préparé par
Sylvain du Québec et mis sur le site de Mâ www.anandamayi.org . Le vocabulaire pouvant être au début une
difficulté, ce travail sera le bienvenu.
Nouveaux abonnements
Le renouvellement général des abonnements aura lieu lors du numéro de mars
2007. Pour ceux qui ne reçoivent pas le Jay Mâ et voudraient s'abonner
maintenant, ils peuvent le faire pour
neuf numéros jusqu'en mars 2009, en faisant un chèque de 18 € à l'ordre de
Jacques Vigne et en l’envoyant à :
Nadine et José Sanchez
Gonzalez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
33
Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaison la Romaine - nagajo3@yahoo.fr -
0490121983
L'abonnement pour recevoir le
Jay Mâ par voie électronique est aussi possible, et même plus sûr car il y a
toujours des problèmes avec l’acheminement des Jay Mâ par la poste indienne
ordinaire. Envoyer un chèque de 9 € à
l’ordre de Jacques Vigne à Nadine et José et signalez votre inscription à
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) qui a accepté de se charger bénévolement des
envois par courriel, en les illustrant : koevoetsg@wanadoo.fr Vous serez
abonnés aussi jusqu’en mars 2009. Nous faisons ce système de prix d’abonnements
décroissant à chaque numéro pour pouvoir faire tous les réabonnements en même
temps une seule fois tous les deux ans. C’est beaucoup plus pratique pour l’administration.
Table des matières
Paroles de Mâ
Le jeu de la sâdhanâ de
Mâ AK
Datta Gupta
Les messages de Shrî Mâ Bithka Mukerji
La Présence de l’Absence G.Koevoets (Mahâjyoti)
Le Soi du Silence G.Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
Nouveaux abonnements
Table des matières
Jay Ma N° 84 - Printemps 2007
1
Paroles de Mâ
– Peut-on déposer aux pieds du Seigneur ce qu’on fait au bureau, dans ses
affaires, etc.?
– Efforcez-vous d’exécuter tout travail dans un eprit de consécration.
Essayer de s’abandonner est tout autre chose que l’abandon qui arrive sans
effort. De même que faire du japa n’est pas du tout la meme chose que le
japa qui arrive spontanément. La pratique constante de l’abandon à Dieu
amènera finalement à s’abandonner à Lui.
– Pourquoi le mental est-il instable même après avoir prononcé le vœu de sannyâs ?
– Parce que votre indifférence aux plaisirs du monde n’est pas encore parvenue à maturité. Consacrez chaque parcelle de votre énergie et de votre force à essayer de réaliser Dieu. Tout ce que fait Dieu est parfait. Puisque vous avez obtenu cette bénédiction qu’est le corps humain, utilisez-le à atteindre la réalisation de Dieu. Essayez de toutes vos forces et vous réussirez sûrement. Beaucoup de gens ont l’habitude de regarder en arrière tandis qu’ils avancent. Ne revenez pas sans cesse sur le passé, car cette habitude freinera votre progrès. Continuez votre travail sans vous préccuper des résultats. Ne sollicitez pas Dieu sans cesse ! Sans aucun doute vous récolterez les fruits de votre labeur. Si vous méditez concentré sur un seul but, Dieu se révèlera certainement à vous. Utilisez les pouvoirs de votre mental et de votre ego pour accomplir votre sâdhanâ. Dépêchez-
2
vous de vous engager dans les execrcices spirituels, et la lumière viendra à vous. Ne vous souciez pas des résultats de ce que vous entreprenez. Brûlez vos désirs au feu du discernement et du renoncement, sinon faites-les se dissoudre dans la dévotion. Utilisez un de ces deux moyens.
–
Lequel est le meilleur?
–
Cela dépend
de ce qui convient le mieux à chaque personne. Ce qui est consumé par le
discernement et le renoncement peut l’être aussi par la dévotion.
– Mes désirs n’ont ni envie de brûler ni de se dissoudre. Que faire?
–
Celui qui
prétend ne pas vouloir, en réalité le veut. La nature même de l’homme est de
vouloir. Pourquoi êtes-vous pris au filet ? Ce n’est pas dans ce filet que
votre désir s’apaisera.
« En compagnie de Mâ Anandamayî»
Par Bithikâ Mukerjî
3
Mâ Anandamayî était
certainement la femme sage la plus célèbre du XXe siècle. D’après un védantin
respecté de Rishikesh : « Elle disait en toute humilité ‘je ne suis
qu’une petite fille, je n’ai jamais été éduquée’, mais j’ai entendu le bouillonnement
du véda-védanta sortir de ses lèvres divines ». Bithikâ Mukerjî depuis son enfance a été
proche d’elle, elle a passé la plupart de ses vacances et de sa vie en sa
compagnie. Elle est donc bien placée pour donner ses témoignages personnels et
ceux de sa famille dans ce volume. Elle est de plus la meilleure biographe de
Mâ, connaissant à fond ce milieu bengali dont elle et Mâ sont originaires. En
plus de l’aspect de concentration de toute une vie sur l’enseignement de Mâ,
Bithikâ a été professeur de philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès, elle
est donc capable de situer l’enseignement de Mâ Anandamayî dans le cadre des
rishis et mounis de l’Inde ancienne et des doctrines qui en ont découlé. On
trouvera certainement du charme à l’évocation d’une sage évoluant avec facilité
et naturel dans un monde indien en voie de modernisation et pourtant restant
très traditionnel, avec tous ces sadhous, ascètes, hommes politiques,
chercheurs spirituels occidentaux,
femmes et enfants qui venaient la visiter jour après jour. Par ailleurs,
notre époque est traversée au moins de puis un siècle par un courant puissant
visant à redonner au sacré féminin la place qu’il mérite. Il s’agit d’un
rééquilibrage social, psychologique et métaphysique, pouvant entre autres
contribuer à limiter la violence tristement mâle qui agite le monde, y compris
celui de la religion. Si l’Occident découvre le besoin de savoir gérer un
pluralisme religieux réel, l’Inde n’en donne-t-elle pas l’exemple depuis des
millénaires ?
A lire et à méditer…
Voici maintenant des extraits du texte principal :
4
Festivités
Beaucoup
d’évènements importants eurent lieu au 31 George Town. Mariages, anniversaires,
célébrations, visites de haute qualité.
Un
jour, on reçut un message disant que le Premier Ministre Pandit Jawaharlal
Nehru, qui visitait la demeure de ses ancêtres « Ananda Bhâvan »,
souhaitait instamment voir Shrî Mâ et assister à son darshan. Accompagné
de son secrétaire privé Upâdhyajî, et de sa fille Mme. Gandhi, il arriva le soir
dans une limousine. Il n’y avait pas d’escorte pour sa sécurité, ni aucune
voiture pour le précéder ou le suivre. Panditjî, Indirâjî et Upadhyajî furent
accompagnés jusqu’au cottage de Mâ, où ils s’assirent un moment.
Il fut
bientôt temps pour Shrî Mâ de se rendre
sous le pandal (tente) pour le satsang. Comme Panditjî ne
prononça aucun mot d’adieu, on comprit qu’il n’était pas pressé de s’en aller
mais qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’estrade, où Shrî Mâ prit place avec
ses invités. Les habitants d’Allahabad furent très contents de voir le Premier
Ministre. Ils l’acclamèrent et quelques-uns demandèrent même un discours.
Pandit Jawaharlal Nehru sourit et dit que cette fois-ci il était venu pour
écouter et non pour parler. Cette déclaration plut à l’assistance qui se
prépara ainsi à écouter l’allocution de Haribâbâjî. Shrî Mâ commença le satsang
en entonnant un chant religieux (kîrtana) pendant quelques minutes. Le
Premier Ministre semblait très à l’aise, mais il avait un autre engagement au Holland
Hall de l’Université d’Allahabad, et après quelque temps il salua et s’en
alla. (p.102-103)
5
La famille s’agrandit
La
célébration de l’anniversaire de Mâ, début mai, démarra une série d’heureux
évènements dans la famille. Babou s’était marié en Novembre 1961, et à peu près
à ce moment là, la famille arrangea un mariage pour Bindou. Ce dernier avait
décliné toute idée de convoler en justes noces jusqu’à présent car il souffrait
d’arthrite depuis l’époque où il était au collège. Ni la science, ni la médecine n’était en mesure de soigner cette
maladie à l’époque. Au lieu de lui prescrire des exercices pour la zone
affectée, les médecins avaient choisi d’immobiliser pendant six mois dans un
plâtre la partie inférieure de sa colonne vertébrale. Il eut lui-même la
sagesse de se débarrasser de ce carcan, mais le mal était fait. Toute sa vie,
il souffrit de cette erreur initiale. A l’époque du mariage de Babou, il
s’était bien établi dans sa vie professionnelle, obtenant prestige et standing
jour après jour. Alors qu’il conduisait Shrî Mâ de Varanasi jusqu’à notre
maison à Allahabad, elle-même le persuada de se marier. Swami Paramânanda, qui
était assis sur le siège arrière, avait abordé la question et Shrî Mâ avait
saisi l’occasion pour lui dire qu’il fallait adopter une position nette et
claire dans la conduite de vie. Si quelqu’un avait des penchants pour la
religiosité, alors il fallait qu’il fuie les embrouillaminis du monde. Par
contre, profiter de la vie dans le monde sans en assumer les responsabilités n’était
pas juste non plus. Bindou marmonna quelques excuses, mais Shrî Mâ passa outre
assurant qu’il devait choisir entre une vie de renoncement complet ou une vie
d’homme au foyer. Elle se mit à rire et dit : « Il faut que tu
prennes ta décision avant de passer le portail de ta maison ! »
6
On entendit alors Bindou murmurer entre ses dents
son choix de rester un homme ordinaire.
Tout
d’abord le pauvre Bindou fut très malheureux. Il était jusqu’alors comme un roi
sans couronne à Allahabad et il jouissait d’une immense popularité, ce qui lui
faisait dire : « Si je me marie, je vais devenir comme tout le
monde. »
Il
n’aurait pas dû se faire de souci. Il demeura ce qu’il était et sa femme
s’avéra être si belle que cela lui donna un charme de plus. (p.103-105)
Mémoires vives (au hasard des souvenirs…)
Après
avoir rejoint la Banaras Hindu University, je ne fus plus en mesure de
suivre Shrî Mâ dans ses voyages. Je continuai cependant la routine de me rendre
aux célébrations d’Anniversaire. J’assistai au Samyam saptah à
Sukhtal, car Mâ m’avait fait demander. Je me rendis également à Vrindavan pour
un autre Samyam saptah, parce que les brahmachârinîs m’avaient
dit que Shrî Mâ avait remarqué mes absences répétées. Je n’avais pas vu Mâ
depuis longtemps. En arrivant à l’ashram je trouvai que le satsang était
en cours dans le hall. Je demeurai debout sur le pas de la porte pour avoir son
darshan. Shrî Mâ me regarda depuis l’estrade au loin où elle était
assise et délibérément elle tourna la tête de l’autre côté. Sur le moment je
fus amusée par sa réaction si humaine. Mais tandis que je m’inclinai pour le pranâm,
je me dis en moi-même : « Tourner la tête ne te vaudra rien de bon,
tu ne peux pas nous délaisser et nous n’avons pas d’autre refuge que
toi. » Quand je relevai la tête et me remis debout, je sentis son regard
sur moi rempli d’une très belle expression, comme si elle avait
7
approuvé mes sentiments. Indéniablement, je me
souviens très clairement de cet incident. (p.105)
Bien
des situations embarrassantes se développèrent quand les mahâtmâs
devinrent de fréquents visiteurs de nos ashrams. Shrî Mâ déplaça tous ses
rendez-vous afin de rester libre pour les satsangs ultérieurs. Les
jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ étaient à chaque fois mécontentes car il
leur fallait se tenir à distance pendant que les sadhous étaient au satsang
avec elle. La vie devint extrêmement difficile quand Shrî Krishnânanda
Avadhutjî devint un ardent fidèle de Mâ. C’était un grand renonçant à la
réputation exemplaire, et il semblait assurément ne pas aimer la vue des jeunes
filles qui entouraient toujours Mâ. Aussi chaque fois qu’il venait la voir,
elle demandait clairement que nous quittions la pièce pour attendre dehors.
Cette situation donna lieu à un incident plutôt amusant. Nous étions à Puri à
cette époque-là. Ce devait être durant une période de vacances car beaucoup
d’entre nous étaient là. A travers la fenêtre ouverte de la chambre de Shrî Mâ,
nous vîmes Avadhutjî s’avancer sur la rive, le long de la mer, ce qui nous fit
déguerpir rapidement dans la pièce voisine et dans la véranda adjacente. Seuls
les jeunes hommes, dont Abhayda, Vibhuda et Bindou purent rester. Quand
Avadhutjî se fut assis dans la chambre de Mâ, elle demanda à Bindou de chanter
un Bhajan car le jeune Swamijî était friand de musique
religieuse. Bindou commença par le chant
bien connu « man ko range jogi sache rang
me (ô ascète, trempe tes vêtements dans la vraie couleur du détachement.
La robe orange seulement n’est pas suffisante) ».
Quand
Bindou chanta de sa voix mélodieuse, on put voir Shrî Mâ s’agiter sur son chowki,
nous regarder à la dérobée et rapidement détourner les yeux pour fixer l’océan
au loin.
8
Avadhutjî, assis immobile, sembla goûter le chant.
Il fit donc son pranâm devant Shrî Mâ et s’en alla. Avec un soupir de
soulagement, notre petite troupe se rua dans la pièce pour trouver Mâ n’en
pouvant plus de rire. Elle était presque en train de gronder Bindou pour le
choix de son chant et lui disait, tout en essuyant des larmes de rire sur ses
joues : « Bindou, Bindou, comment as-tu pu t’asseoir ainsi sous le
nez d’un sadhou et chanter cette chanson ! Je ne sais pas comment
j’ai pu me retenir. Grâce au ciel les jeunes filles n’étaient pas là, car
sinon, si elles avaient eu seulement l’ombre d’un sourire, j’aurais perdu tout
contrôle. Vous verrez que ce sadhou ne reviendra pas ! » Le
pauvre Bindou secoua la tête et assura qu’il avait choisi ce chant sans aucune
arrière-pensée et sans rien de particulier que Shrî Mâ ne sut déjà. Inutile de
dire que le révérend Swamijî ne le prit pas non plus comme une atteinte
personnelle.
O
combien attachant était le comportement de Shrî Mâ avec toute sa suite de
jeunes autour d’elle, ô combien circonspecte était son attitude vis-à-vis des
ascètes, et tout cela vécu si gentiment et si joyeusement. L’allégresse était
le mot d’ordre de notre expérience durant ces jours anciens passés auprès de Mâ
Anandamayî. (p.105-106-107)
Un jour
Didou (Chhabi Chowdhary), Bunidî et moi étions en visite avec Shrî Mâ à
Bishtupur. Il nous fut dit que c’était le kheyâla de Mâ qui continuait à
aller de l’avant sans son habituel environnement de jeunes filles, mais
accompagné seulement de Swamijî (Paramanandaji) et de Didi. On nous dit
à toutes trois de retourner à Calcutta et d’attendre que Mâ nous rejoigne. Sans
même qu’il nous soit donné de protester, Didou et moi commencèrent tristement à
faire nos bagages. Bunidî restait inconsolable à la pensée de ce départ. Elle
pleura à nous
9
en fendre l’âme. A Kharagpur Junction, on monta dans
le train tandis que Shrî Mâ et ses quelques fidèles restaient sur le quai pour
nous regarder partir. Didou et moi étions penchées à la fenêtre, mais Bunidî
s’était effondrée dans un coin et essayait de sécher ses larmes. Au départ du
train, Shrî Mâ saisit dans une main un pan de son chaddar (châle) et
commença à l’agiter en guise d’adieu comme un mouchoir. Elle continua à
trottiner, presque à courir le long du train, tout comme nous l’avions toujours
fait lorsqu’elle partait en voyage et que nous demeurions sur le quai. Je me
mis à crier : « Bunidî, Bunidî, regarde Mâ ! » Bunidî
bondit alors et se pencha à la fenêtre (qui n’était pas encore munie de barre
de protection à cette époque). Elle se mit à rire en voyant Shrî Mâ agiter son
coin de châle en courant le long du train en marche. Ainsi Mâ put voir le
visage rieur de Bunidî avant de nous quitter. Cette dernière vint se rasseoir,
disant : « Elle a fait cela juste pour me faire rire, mais je n’en
reste pas moins contrariée. » Cependant, son humeur avait changé.
Shrî Mâ
n’approuvait jamais les trop grandes effusions chez les jeunes qui
l’entouraient. Les larmes, les bouderies, les ressentiments, elle ignorait tout
cela, ou bien traitait le tout de cent façons différentes. Néanmoins, le cas de
Bunidî était exceptionnel. Nous avions tous admiré son engagement au service de
Mâ. Parmi les jeunes filles, c’était elle qui évaluait le mieux le kheyâla
de Shrî Mâ et qui agissait en conséquence. Elle avait souffert de crise
d’asthme assez violemment, mais elle se présentait toujours soignée et pimpante
et ainsi elle s’occupait des vêtements variés de Shrî Mâ. Les souvenirs
m’assaillent… Bunidî était une personne qui se sentait heureuse quand Mâ était
joyeuse et rayonnante. Si Shrî Mâ devenait grave ou sérieuse, Bunidî essayait
de détourner son kheyâla
10
vers quelque chose de léger et d’amusant, afin que
Mâ puisse sourire ou éclater de rire.
Bunidî,
en dépit de ses petites défaillances, était irremplaçable en tant que gardienne
des vêtements de Shrî Mâ. Cette dernière vécut dans un perpétuel désordre quand
Bunidî ne fut plus là. Les autres jeunes filles qui vinrent après elle ne
furent jamais à sa hauteur. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre
un hommage à Bunidî qui fut entièrement dévouée à Mâ, et qui fit office de sœur
aînée pour l’ensemble des petites jeunes comme moi à l’époque, je veux parler
de Gini, Târâ, Buba et bien d’autres. En y repensant, je réalise que jamais
notre expérience de vie enrichissante auprès de Shrî Mâ n’avait été plus
intense que grâce à cette amitié entre nous toutes. (p.107-109)
L’organisation du courrier
La
lecture et la réponse au courrier en compagnie de Mâ étaient toujours un moment
très riche de satisfactions. Le sac de lettres, sans cesse plus gros, que Didi
transportait avec soin, faisait partie intégrante de ses propres bagages. De
temps à autre, elle demandait à Shrî Mâ d’accorder un moment à ce travail.
Importantes ou urgentes, les lettres étaient lues et Mâ y répondait quand
l’occasion le demandait, bien que la plupart d’entre elles ne contenaient en
général que des nouvelles provenant de fidèles adeptes qui désiraient seulement
rester en contact avec Mâ. Shrî Mâ elle-même avait développé un plan
d’organisation pour traiter tout le courrier en une seule séance. Cinq ou six
d’entre nous devions sortir toutes les lettres du sac et nous les distribuer,
en général selon le langage, tel que Bengali, Hindi, Gujarati ou Anglais. Après
quoi nous devions
11
les lire attentivement, en faisant ressortir les
passages importants ou bien en résumant. Shrî Mâ s’asseyait sur son chowki,
tandis que nous étions assises en demi-cercle devant elle. L’une après l’autre
nous devions ‘lire’ nos lettres à haute voix et prendre note des réponses. Mâ
était très rapide. Elle accordait toute son attention à chaque correspondant et
s’occupait de chacun avec le plus grand sérieux. Certains correspondants
étaient plutôt prolixes. Il y avait jusqu’à cinq ou six missives provenant de
la même personne dans le sac. Il ne fallait pas en négliger une seule. Mâ les
écoutait une par une et dans l’ordre chronologique où nous les avions rangées.
Parfois certaines lettres nous amusaient, mais elles n’éveillaient pas l’ombre
d’un sourire chez Mâ. Elle leur prêtait la même attention sérieuse, mais elle
applaudissait de joie quand nous arrivions à vider le contenu du sac en une
seule séance et elle s’écriait : « Maintenant Didi va être
heureuse. »
Les
réponses de Shrî Mâ sont des écrits conservés précieusement dans la collection
unique des paroles (vani) de Mâ, élaborée par Didi. Je vais en
reproduire ici quelques-unes à titre d’exemples pour montrer le soin et
l’intérêt apportés par Shrî Mâ pour chacun de ses correspondants.
A une
femme qui écrivit sur sa vie privée en des termes angoissés, disant qu’elle
était en colère contre Mâ pour son indifférence, Shrî Mâ répondit :
« Ce
corps vous a causé de la douleur, mais ne pensez rien de ce corps, n’en tenez
pas compte si vous le pouvez. Tout en vous ne devrait s’engager que dans la
recherche de Celui qui est l’Absolu. Lui seul est compassion et miséricorde. Il
vous fait même signe de venir vers Lui. Vous, ma mère (la correspondante), vous
vous sentez offensée, mais cela a aussi le bon côté. »
12
« Il
vous a été donné cette vie humaine, précieuse. Ne perdez pas votre temps en de
vaines pensées. Rendez service autour de vous avec la conviction que toute
pratique représente les différents aspects de Dieu. Faites en sorte que ‘la
colère
même’ vous devienne familière. Pensez que c’est à
Lui que vous rendez service, à Lui, à Lui seul. Si vous parvenez à maintenir
cet esprit de service, vous verrez que vous serez enrichie par l’amour, la
dévotion et le respect envers Lui. La vie est courte. Est-il intelligent de
gâcher son temps en de vaines pensées qui créent des obstacles ? Ne dites jamais ‘Je ne peux pas’. Toutes les
relations sont éphémères après tout. On ne sait pas de quoi demain sera fait.
C’est à chacun de faire ses bagages pour se préparer au voyage de la vie. »
Pour affronter ce long voyage il faut vous
préparer
Car c’est tout seul sur le chemin que vous
voyagerez.
« Vous
avez envie de gronder ce corps ?
Pourquoi pas ? Quoi que vous pensiez vous êtes la bienvenue ici.
C’est mon kheyâla qui, puisque ce corps ne peut rien faire pour
personne, en devenant l’objet de votre réprimande, il rend quand même quelques
petits services (seva). » (p. 109-110-111)
L’accident
Et
ainsi, aussi bien par écrit que de vive voix Shrî Mâ répondait, parfois même
par des mots d’esprit qui lui étaient propres. Elle prit part à de vives
discussions sur les quatre ashrams de la vie, soit la première période
de brahmacharya (strict célibat), puis la deuxième grhasthasrama,
quand l’étudiant retourne chez lui pour se marier, pour observer les règles
religieuses, les traditions sociales et morales, puis une fois en couple, après
une vie commune de rectitude, pour
13
s’isoler en sâdhanâ dans les ermitages de
la forêt en laissant les enfants s’occuper des traditions, arrivant ainsi au troisième
stade, le vanaprastha (se détacher, vairagya, pour suivre le
chemin des comportements spirituels et des services inhérents à la sâdhanâ).
Après quoi vient la période de sannyâsa (stade
final du renoncement en quête de la vérité et de
l’amour pour toute l’humanité). J’avais beaucoup à apprendre.
La
cérémonie d’ouverture au Shrî Mâ Anandamayî Seva Hospital fut présidée par le
Premier Ministre d’alors, Smt. Indirâ Gandhi.
Bindou
devait y venir pour chanter et bien que le kheyâla de Shrî Mâ l’ait incité
à ne pas s’éloigner avant sa participation, il partit en voiture et eut un
grave accident en capotant sur une flaque d’huile. A la fin de la cérémonie où
Indirâ Gandhi entourée de notables se montra gracieuse et compétente, je fus
surprise en rentrant à l’ashram de voir le chauffeur de Bindou, derrière les
cordons de policiers, nous faire signe de le suivre pour aller au chevet de ce
dernier qui avait été blessé et souffrait énormément. A l’hôpital, le
chirurgien orthopédiste diagnostiqua une légère fêlure dans le bas de la
colonne vertébrale due au terrible choc quand la voiture se retourna. Lorsque
Shrî Mâ fut mise au courant de l’accident, il nous sembla qu’elle s’attendait à
une telle nouvelle. Son kheyâla ne l’avait-il pas avisée…mais elle ne
souffla mot.
Dans
l’après-midi, au moment creux où l’ashram observe une période de répit entre le
déjeuner de midi et le satsang du soir, Shrî Mâ quitta tranquillement sa
chambre et s’en alla. Vimaladî (Dayânandajî) qui était dans l’entrée, fut
surprise de la voir debout devant elle sans ses sandales ni son chaddar
(châle). Sans même lui donner le temps de réagir, Mâ lui demanda de préparer
une dose d’un médicament dont elle connaissait les ingrédients. Quand cette
petite pilule fut
14
confectionnée, Shrî Mâ attrapa le bras de Vimaladî
et commença à descendre l’escalier. Vimaladi réalisa que Mâ allait sortir. Elle
se désengagea de l’étreinte et courut chercher les sandales et le châle de Mâ
qui, ainsi accompagnée de Vimaladî en plein étonnement, s’achemina le long de
la petite
route. Aussi étrange que cela puisse paraître, pas
un de ses fidèles qui étaient nombreux autour de l’ashram quand Shrî Mâ y
résidait, ne la vit s’éloigner.
En
arrivant à la grande route principale, elles aperçurent Pataldâ qui allait s’y
engager également. Naturellement, il fut surpris de voir Shrî Mâ. Elle lui
demanda : « Savez-vous où habite Bithou [le surnom de Bithikâ
Mukerjî] à la Banaras Hindu University ? Pouvez-vous m’y
amener ? » Avant même qu’il ait pu répondre par l’affirmative, un ami
en voiture s’arrêta auprès d’eux. Il se rendait à l’ashram. Il s’extirpa
rapidement de la voiture en tenant deux guirlandes en guise d’offrandes. Shrî
Mâ les prit en disant : « Tout enchaînement dans les évènements (samyoga)
est de bon augure. » (Plus tard, elle les énuméra, comme par
exemple : elle put sortir sans qu’un tas de gens ne lui pose toutes sortes
de questions ; on ne l’arrêta pas pour fixer des rendez-vous ; elle
rencontra Pataldâ au moment voulu et il était l’une des seules personnes à
connaître ma propre maison à la B.H.U. ; dans son véhicule un chauffeur
plein de bonne volonté se présenta juste à temps, et par surcroît avec deux
guirlandes au lieu d’une seule comme on en apporte habituellement.
Nous
fûmes fort étonnés, à l’Université, à la vue de Shrî Mâ qui entrait
tranquillement par la porte du jardin. Elle hésita un instant devant les
marches de l’escalier. [Elle suivait la règle des sannyâsis de ne pas pénétrer
dans les maisons individuelles où les familles habitaient] Patalda affirma avec
véhémence : « Mâ, ces maisons appartiennent à l’Université. Les
membres
15
du personnel vont et viennent, ce ne sont pas des
résidences permanentes, c’est plutôt comme une dharamshâlâ. »
De
toutes façons, Shrî Mâ eut le kheyâla d’y entrer. Elle fut bien vite
devant le lit de Bindou, et commença à trouver à redire à tous mes
aménagements : « Regardez-moi ce lit,
comment peut-on être confortable dans un lit aussi
étroit ! Amenez-moi un autre chowki beaucoup plus large. »
Tandis que nous nous précipitions pour exécuter ses ordres, elle fit en sorte
que Vimaladî, à notre insu, mette son médicament dans la bouche de Bindou tout
en lui faisant signe de l’avaler. Elle lui parla de l’accident. Elle posa alors
doucement ses mains sur sa poitrine en frottant par quelques mouvements vers le
bas. Elle offrit les guirlandes à Shyamoli et Bindou, en se référant à la
coïncidence qu’il y en ait eu justement une paire pour le couple qu’ils
formaient.
Shyamoli,
trouvant Shrî Mâ si proche et si abordable s’aventura à parler de la situation
actuelle de Bindou. Elle dit : « Mâ, il ne va pas nous permettre de
stopper le flux ininterrompu des gens qui viennent le voir. Des douzaines parmi
ses collègues de bureau sont déjà venus le visiter et d’autres vont suivre car les
nouvelles vont vite dans le voisinage. Le médecin lui a dit de se reposer mais
on n’arrête pas de le déranger. »
Si
Shyamoli s’attendait à une marque de compassion, elle dut être déçue, car Shrî
Mâ lui sourit tout en répondant : « Voyez-vous, il est si charmant
dans ses manières d’être que toutes sortes de gens s’inquiètent pour
lui. »
Quelques
minutes plus tard, Shrî Mâ s’en alla, nous laissant nous étonner et nous
émerveiller de sa grâce divine (kripa) et de sa courtoisie. Très vite ma
mère remarqua chez Bindou que sa respiration faible était devenue normale et
qu’il semblait ne plus souffrir de cette douleur qui le faisait se ressentir
comme
16
dans un carcan. Il était étendu très relaxé et à
son aise désormais. Il progressa très rapidement, à tel point que le jour
suivant il persuada son chauffeur Kapoor de le conduire à l’ashram. Il monta
les escaliers menant à la chambre des audiences sans aucune aide. Tout le monde
fut surpris de le voir
et on s’exclama de joie devant sa guérison. Shrî
Mâ rit et lui tendit une guirlande. Il vint jusqu’à elle et s’inclina dans un pranâm.
Quand il releva la tête ses joues avaient légèrement rougi. Shrî Mâ dit :
« Pourquoi cet effort supplémentaire ? » Elle mit les mains sur
sa tête et ses épaules en un geste de bénédiction. Elle demanda aux jeunes
filles d’aller chercher un harmonium. Quand on le lui amena, Bindou entonna un
ou deux chants pour Shrî Mâ. Son kheyâla en l’écoutant chanter l’avait
sorti des conséquences de cet accident, qui, au dire de chacun, aurait pu lui
être fatal. (p.113-114)
A propos de la félicité
Ananda, la félicité, est le langage de la réalisation ; dans
ânanda, il y a ni Soi ni Brahman mais une unité homogène, non brisée, un
sentiment de joie unifiée, akhand-aika-rasa, qui touche chacun dans son
omniprésence. Chaque vie est enrichie dans la mesure où elle s'approprie la
joie intense de l'être (Taittirîya Upanishad II. 7). La vérité de cette
affirmation est un objet d'expérience pour chacun. Plutôt que la souffrance, la joie de vivre est le fait de la vie. Le
chagrin est une aberration, une négation de la véritable forme de la vie. Il
vient de l'autre, alors que la joie de vivre est enracinée dans le Soi. La peur
prend son origine dans l'anxiété pour l'autre, (ainsi que les attentes à leur
égard, le désespoir, les déceptions, les deuils à
17
leur propos, etc.) qui assombrit constamment le débordement naturel de joie qui est la
nature de l'être humain. En cela, il est identique à Brahman, à la grande
Réalité, et ainsi il est à son tour en contact avec l’ensemble du monde. Qui
peut être
"autre" par rapport à celui qui
appartient à tout lieu car personne
n'est dépourvu de cette étincelle de la joie de Brahman. Pour le cœur en expansion qui a accueilli le monde entier
et a trouvé la Félicité en lui, il ne peut être question de souffrance.
La
question d’ânanda touche le nœud réel du
cœur de l’être humain. On n'a pas de doute sur la réalité de sa propre
existence, et on est donc capable d'imaginer Brahman comme sat. On est
aussi conscient de soi-même et on peut comprendre l'idée de chit ;
mais ânanda est tellement fragmenté, tellement diffus, une expérience si ténue
dans la vie qu’il est difficile de la faire se relier au concept du Brahman
Suprême. Pour cette raison, la tradition développe le point de vue que sat
et chit révèlent Brahman mais ânanda est le voile qui le cache ;
pourtant, ce voile n'en est pas moins indicateur de sa présence.
Le
terme ânanda est utilisé comme synonyme
pour ananta, l’infini, dans la définition qu’en donne la Taittiriya, car
ce qui est fini ne peut être de la nature de la félicité. Seule l'infini, où il
n'y a aucune trace ni ombre d'"autre" peut être identifié avec la
joie suprême. La Taittiriya Upanishad
déclare (II. 8. 1) :
Cela est de la nature d'une saveur ;
En l'expérimentant, l'être humain rentre dans une extase suprême.
18
On explique alors à l'élève que c'est en lui qu’il y a effectivement ce
bonheur Suprême, mais qu'il est intermittent et de forme complexe dans
l'expérience qu'il en a actuellement. Tout ce qu’on lui demande, c'est de
suivre son Enseignant dans son énonciation de la nature de Brahman et cet
enseignement selon lequel ce Brahman réside caché sous forme de
Conscience-Témoin dans la grotte de son propre cœur. S'il y a mise en
présence directe avec cet "homme dans le cœur" qui est le même que
"l’homme dans le soleil", tout s’accomplit d'un seul coup[10], il y a la tranquillité même de la plénitude, et
l'expérience de félicité suprême d’être son propre Soi (Taittiriya Upanishad
III 9.1.)
Pour étayer ce qui a été dit, nous allons citer quelques versets (21 à
29) d'un commentaire de la Taittiriya
Upanishad, le Taittiriyaka-vidyâ-prakâsha ( l'exposition de la connaissance de
la Taittiriya ) que Bithikâ a traduit en entier en seconde partie de son
livre :
Il s’agit d’un texte écrit vers
le XIVe ou XVe siècle par Vidyâranya, dont le nom signifie "forêt de connaissance". C’était,
dit la tradition, le premier ministre du début de l’histoire du royaume de Vijayanagar qui a résisté avec
succès, aux invasions musulmanes et qui a fait vivre la tradition hindoue dans
le sud de l'Inde pendant plusieurs siècles. Au comble de sa gloire, il est allé
se retirer dans la forêt, puis a été
19
nommé le Shankarâchârya de Shringeri au Karnataka, devenant ainsi le chef
d'une des quatres lignées fondées par le premier Shankarâchârya. Il est aussi l'auteur d'un
célèbre texte védantique, le Panchadashi, dont le nom signifie
"quinze" car il est constitué de quinze chapitres. Les cinq derniers
sont consacrés à ânanda, la félicité.
Voici maintenant les quelques versets
que nous citons. Nous en avons révisé la traduction à
partir du texte sanskrit. On
remarquera que dans les premiers, Vidyâranya est en faveur d’une pratique
parallèle du védanta et du Yoga :
« La vision tournée vers l'extérieur consiste en l'apparence du
monde ainsi qu’en la notion de sa réalité. Par le discernement, on dissipe
cette fausse réalité du monde ; par le Yoga, on retire l'apparence même du
monde.
Après s’être débarrassé de la vision tournée vers l'extérieur, ce qu'on
voit par la vision tournée vers l'intérieur, c'est cette mystérieuse conscience
du "Je" qui nous est chère et qu’on considère comme Brahman.
En voyant celle-ci, si on demande "Par l’obtention de l’Ultime, qu’y
a-t-il de si extraordinaire pour celui qui a la Connaissance ?", on
répondra alors que l’accomplissement de
toutes les plénitudes simultanément est ce qu'il y a d’extraordinaire.
Toutes les créatures désirent constamment les plaisirs des objets ;
tous ces désirs proviennent de la félicité de Brahman - cela est affirmé dans
un autre texte (Brihad-Aranyaka
Upanishad IV.3.32)
"Les objets extérieurs sont la source de la Félicité" : à cause
de cette illusion, tous les êtres vivants désirent les objets, (emportés qu’ils
sont) par leur vision tournée vers l'extérieur.
20
En obtenant l'objet désiré, l’esprit (dhî) revient au cœur, où il expérimente la félicité de Brahman pour
un instant, puis il se remet à désirer
l’extérieur.
A cause de cette impermanence, des traces de félicité subsistent dans
l'expérience de ces objets. Le plaisir perçu dans les objets est l’effet de
l’illusion, en réalité, il n’y que la félicité de Brahman.
Ceux qui sont pourvus de discernement contemplent constamment avec leur
vision tournée vers l’intérieur cette félicité de Brahman, et toutes leurs expériences temporaires de félicité se
fondent dans cette continuité (ou immédiateté,
nirantara).
Celui qui connaît la réalité obtient simultanément tous les désirs sous
forme de Brahman, nous avons entendu (le témoignage des Ecritures) à propos de
cet avantage extraordinaire qu’il y a à parvenir à Brahman. »
Conclusion
Si l’on entend par conclusion une
réponse définitive à un problème spécifique, on ne peut que reprendre dans ce
livre le plaidoyer pour une meilleure compréhension de ce problème et chercher
à mettre en valeur son intérêt majeur non seulement pour l'Orient mais aussi
pour l'Occident. En cet âge d'accélération et de progrès, tout est rendu possible
en principe à tout moment. Il n'y a pas de sujet qui ne soit global dans ses
implications à notre époque. Nous avons étudié la modernité et
21
nous avons trouvé que le monde Occident est sous tension, partagé qu’il est
entre un sentiment d’enthousiasme pour les grandes réussites de la science et
l'angoisse venant du fait qu'il prend un chemin sans retour. Nous avons vu aussi que les tentatives
d'occidentalisation du langage de l'advaïta allaient au-delà des limites de la
conception traditionnelle de la manière dont la vie doit être vécue aussi bien
dans la cité que dans la forêt. L'Inde contemporaine, en choisissant la cité, a
certainement opté pour "ce qui est agréable" preyas, plutôt
que "ce qu'on doit préférer", shreyas ; mais est-il
possible de parler
de renoncement dans un environnement qui affirme rendre possible
l'obtention de la plénitude pour tout un chacun dans le monde et non pas en
s'en éloignant ?
Devons nous rappeler ici que mâyâ
correspond exactement à cette situation consistant à rester fascinés, suspendus
à l'ordre extérieur qui nous est donné, avec même une complaisance métaphysique
à le considérer comme ultime? La philosophie védantique dit qu'il en est
effectivement ainsi, mais il y a dans
les expériences des plaisirs du monde les germes qui nous permettent de
dépasser le pouvoir de mâya. Le védanta nous dit que notre propre
existence, sat, et notre conscience, chit, établissent une continuité avec Brahman. Avec
la félicité, ânanda, nous en venons à une séparation entre le royaume de mâyâ
et celui de Brahman. Il n'y a pas de continuité dans l'expérience de joie pure
; chaque expérience est une totalité en soi. Elle ne laisse rien derrière pour
la faire perdurer d’un moment de plaisir à l’autre. Elle disparaît sans laisser
de traces, mais reste cependant un fort désir pour sa répétition. L'importance
réelle du plaisir dans le monde vient du fait qu'il ramène l'attention à ce que
précisément il n'est pas. La
22
fragmentation de la
joie doit évoluer inévitablement vers l'accomplissement et la plénitude. Que le
monde soit donc là où il est, astu samsâra eva, car lui seul peut nous
montrer la voie vers la Félicité de l'Etre, mais en oubliant la leçon du
discernement, il y a la crainte que nous oubliions également le message qui nous
rappelle vers notre véritable maison, vers ânanda, la Félicité.
Citations et résumé de Bithikâ Mukerjî :
Neo-Vedanta and Modernity,
Ashutosh
Prakashan Sansthan,
Lewis Thomson
Journal d’un poète intégral
J’ai pu rencontrer récemment Richard Lannoy dans sa maison près de la mer
du côté de Southampton. Il était proche d’Atmânanda, et a fait une série de
phtos de Mâ en 1954 d’où il a tiré un beau livre pour le centenaire de celle-ci
en1996, avec un texte intéressant. Il est spécialiste d’art, mais s’intéresse
aussi à la psychologie et son livre de synthèse sur l’Inde The Speaking Tree
à Oxford University Press est toujours réédité depuis 30 ans et reste une
référence sur le sujet. Il a épousé une indienne dont il est maintenant veuf.
Il prépare actuelement un ouvrage appelé ‘Epiphanie’sur les manifestations
du spirituel dans l’art moderne. Il vient aussi de finir un troisième livre sur
le poète et sâdhaka Lewis Thomson qui a aidé Atmânanda à se
23
relier à Mâ Anandamayî. Il s’agit de son journal spirituel dont nous
rendons ci-dessous quelques extraits.
5-4-1944
(Ces cinq pages ont été écrites au lit, à l’hôpital, où je me remettais
d’une typhoïde) [Thomson est décédé cinq ans plus tard à Bénarès, au cœur de
l’été, à l’âge de 40 ans]
Dernièrement, pour la troisième fois je pense, visite chez Mâ Anandamayî.
Shri Aurobindo a dit d’une photographie d’elle : une incarnation de
Pureté et de Beauté. Elle a réalisé le Sachidananda, le plus au niveau
possible. Le fidèle qui m’a communiqué cela m’a dit qu’il le tenait d’un fidèle
de Shri Aurobindo. Plus tard, Ajit Basu m’a appris que c’était Dilip Kumar Roy
qui avait demandé à Shri Aurobindo quel était l’état de Shri Anandamayî et
qu’il a dit : « Elle flotte constamment dans la conscience de
Sachindananda ».
Le même fidèle, qui semble
sérieux, intelligent et bien informé, m’a dit qu’elle ne donnait pas
d’initiations, mais que certain avaient des visions d’elle. Cependant, il affirme qu’elle donne des
conseils à certains sâdhakas et peut toujours aider ceux qui stagnent
dans leur sâdhana…..
Pendant que j’étais assis
simplement à un mètre d’elle lors du sankirtan à Dashashvamedh
Ghat, elle m’a regardé dans les yeux
durant plusieurs secondes. –Un regard indescriptible qui a éveillé en moi des
larmes d’émotion profonde. Dans ce regard, en quelque sorte, m’est venu à
l’esprit qu’il y avait la reconnaissance de l’Unité, de l’Un, et pour un
instant il a semblé absorber, oblitérer, ma conscience entière.
24
Un peu plus tard elle demanda qu’on
me donne une guirlande qu’elle avait portée et peu après une personne qui
l’éventait m’en a donné une autre. Elles étaient toutes les deux de jasmin.
Après quelque temps Mère se leva,
et, avec la foule qui se pressait derrière elle commença à descendre les
gradins pour retourner à la barque sur la rivière par laquelle nous étions
venus du temple près d’Assi. Après avoir descendu avec difficulté peut-être une
demi-douzaine de marches, elle se retourna
soudain, remonta et se perdit dans la foule. Elle fit pradakshina
[le tour] de la murti [statue] autour de laquelle tant de gens s’étaient
perdus en extase. Un vieil homme avait été
soutenu mais avait refusé de s’arrêter avant d’être tombé plusieurs fois au
sol et d’avoir été étendu par terre. Un fidèle me dit qu’il n’y avait pas de
doute qu’elle ait fait cela comme un exemple.
13-4-44
Sens fort de la présence de Shri Anandamayî − sa note particulière,
la richesse active, saturée. Un parfum chaleureux aussi, comme une présence
physique. − C’est très puissant et enveloppant, mais quand j’essaie de le
définir, je me trouve en dehors d’elle.
Thomson retrouve Mâ et probablement Atmânanda à Almora
4-6-44
Chaque mouvement à chaque phase de conscience tend continuellement à
s’auto-perpétuer − et à son niveau particulier peut donc produire une
hypnose profonde et une hallucination (par ex. la sexualité). Ce n’est que
‘verticalement’ et d’un
25
centre plus profond que l’individualité, que la réorganisation de la
conscience est possible.
27-8-44
[Après avoir expliqué un de ses rêves]
La perfection de la tradition hindoue, c’est que contrairement au
christianisme, elle n’a jamais perdu la maîtrise sur la relation entre la
conscience centrée psychiquement du monde antique qui, dans les Védas, en
Egypte, en Crète, en Scandinavie, dans les pays celtiques, connaissait les
dieux directement, et aussi l’esprit pur dont tout ceci était la manifestation.
Elle n’est pas aveuglée par l’Ishvara, le Démiurge [Créateur], la voie
intermédiaire pour un cosmos donné pour le
Suprême de tous les mondes possibles.
31-8-44
Mata Anandamayî.
Fraîcheur simple, enfantine dans sa façon de s’exprimer et de rire.
1-9-44
Il n’y a pas de véritable fondation pour la relation à ce monde que
l’abandon au Suprême. Sinon il n’y a que l’impureté et l’incomplétude sans fin
de son ego et de celui des autres.
L’abandon est la seule pureté, la seule lumière et guide dans
l’obscurité de ce monde. Mon esprit peut voir cela, mais hélas, je n’ai pas la
force de le mettre en pratique. − De quelle force a-t-on besoin pour
s’abandonner ? Simplement la force de notre faiblesse effective, que l’ego
ne peut pas accepter. Mais aussi la joie et pureté intrinsèques de notre ego
- la seule force véritable, authentique
et désintéressée qui soit.26-9-44
26
Poème Pollen de fleur écrit
le 13.
Novalis « Le génie est le pouvoir de traiter des objets imaginés comme
réels…et les réels comme s’ils étaient imaginés ».
Et Picasso « On laisse les objets imaginés s’habiller avec des
apparences réelles ».
La Connaissance védantique revient au fait que le réel est la perfection de
ce qui est imaginé (Pure merveille) − comme je l’ai décrit : La
Poésie est la Source et la Substance de tout ce qui apparaît.
Comment étais-tu Mâ ?
(Par Mahâjyoti)
La 1ère ride vient d’un cri
La 2ème d’un pleur
La 3ème quand tu ris
La dernière quand tu meurs
Comment étais-tu Mâ ?
Comment étais-tu Mâ quand tu avais 20 ans ?
Un être de blancheur, pureté et candeur
Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur
Et dont l’Enseignement doublé de l’exigence
Distribuait tout l’AMOUR dont elle était
l’essence !
Savoir fleurir
Savoir sourire
Comment étais-tu Mâ à la fin de ton temps ?
Les rides avaient creusé un sillon de bonheur
Faisant se refléter la ‘Lumière Intérieure’
Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli
Puisqu’en Elle le ‘SOI’ à TOUT s’était UNI.
Savoir souffrir
Savoir vieillir
La 1ère ride : un cri
La 2ème ride : un pleur
La 3ème quand on rit
La dernière quand on meurt !
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
2005
Force ou Courage (Texte anonyme)
Il faut de la FORCE pour
affirmer son opinion
Il faut du COURAGE pour
l’assumer jusqu’au bout.
Il faut de la force pour
prendre une décision
Il faut parfois du
courage pour en assumer les conséquences.
Il faut de la force pour
avancer
Il faut du courage pour
accepter de s’être trompé.
Il faut de la force pour
choisir
Il faut du courage pour
renoncer.
Il faut de la force pour
accepter les épreuves
Il faut du courage pour
en rire.
Il faut de la force pour
dénoncer
Il faut du courage pour
se taire.
Il faut de la force pour
gagner sa vie
Il faut du courage pour
affronter la misère.
Il faut de la force pour
dire non
Il faut du courage pour
être capable d’affirmer son opinion sans violence.
Il faut de la force pour
affronter les autres
Il faut du courage pour
s’affronter soi-même.
Il faut de la force pour
réussir
Il faut du courage pour
se surpasser.
Il faut de la force pour
endurer l’injustice
Il faut du courage pour
l’arrêter.
Il faut de la force pour
aimer
Il faut du courage pour
s’en aller.
Il faut de la force pour
vivre
Il faut du courage pour
survivre.
(Ce superbe diaporama
(1415 Ko)
Fleuri et musical, est
signé :
Jacky Questel - Novembre 2005
Photos Erick Dronnet
Musique Rieu ‘Fleurs du
Printemps’)
Il est à disposition chez
Mahâjyoti
koevoetsg@wanadoo.fr qui en a
relevé le texte.
Nouvelles
-
Vigyânânand
s’excuse pour le retard de ce numéro. Il est rentré en France pour la parution
de son livre Inde intérieure au Salon
du Livre de Paris en fin mars, et depuis est en tournée de retraites et de
conférences, où il est amené assez souvent à parler de Mâ, bien que ses sujets
principaux soient plutôt cette fois-ci « psychologie et
spiritualité » ou « l’esprit de l’Inde ».
-
Nous avons
déjà mentionné la parution du livre de Bithikâ Mukerjî dans le texte ; on
pourra se reporter au début des extraits pour les détails.
- Swami Nirgunananda sera en France pour un programme à Terre du Ciel prévu depuis longtemps du 7 au 12 août sauf erreur, contact Terre du Ciel Domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 03 85 60 40 30 entre 14h et 16h infos@terre-du-ciel.fr. Il passera aussi un
30
week-end à Genève contact Jamshid Anvar 00 41 22 776 19 18 jamshid@bluewin.ch et près de Bruxelles à
l’Université de Louvain-la-Neuve du 25 au 30 août.
Contact Paul et Christine Neeffs christine.neeffs@belgacom.net Nous
publierons dans le prochain numéro des extraits de satsang avec Swamiji.
-
Une samyam
saptah (semaine de retaite) a eu lieu a l’ashram de Bhimpura, sur les bords de
la Narmada, fin janvier autour de Swami
Bhaskarananda à l’occasion de son anniversaire. Beaucoup d’Occidentaux étaient
là, et pour la première fois dans ce genre d’événement, il y a eu des
enseignements réguliers en anglais.
-
Vigyânânand
(Jacque Vigne) est de retour en France pour une dizaine de mois. Son programme
de conférences et stages est disponible à www.jacquesvigne.fr.st ou en s’adressant à Mahâjyoti koevoetsg@wanadoo.fr . Il passera en direct à RFI (Radio France
Internationale) le mardi 1er mai de 11h30 à 12h, ainsi qu’à
l’émission de Michel Cazenave sur France-Cuture « Des vivants et des dieux » qui sera enregistrée à la
même période et diffusée à une date non encore déterminée. Il est diffcile de
dire d’avance si une partie de ces interviews portera
ou non sur Mâ. Le livre Inde intérieure est
paru aux éditions du Relié et était présent au Salon du Livre de Paris dont le
thème cette année était l’Inde. Il s’agit du rassemblement de 20 ans d’articles
et études de Vigyânânand sur la spiritualité et la psychologie de l’Inde
expliquée aux Occidentaux.
31
-
Orianne
Aymard est venue pour trois mois en Inde dans les ashrams de Mâ pour faire le
travail sur le terrain d’une thèse de doctorat qu’elle prépare sur le culte de
Mâ après sa mort. Elle est de Paris, mais
travaille à l’Université de Montréal avec le Pr Mathieu Boisvert qui est un
visiteur régulier de l’ashram de Kankhal.
Renouvellement général des abonnements
A part pour ceux qui ont réglé ces derniers mois pour 9 ou 10 numéros, nous
voici venus au moment du renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui
souhaitent se réabonner, ils peuvent le
faire pour huit numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 16 € à
l'ordre de Jacques Vigne à :
Nadine et José Sanchez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine –
0490121983 – nagajo3@yahoo.fr
Il se trouve que Jacques Vigne donnera à Vaison le 26 avril une conférence
organisée par José et Nadine.
Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par email.
Envoyer alors 8 € pour 8 numéros jusqu’en mars 2009 à Nadine et José
Sanchez, avec le chèque toujours au nom
de Jacques Vigne, en avisant Mahâjyoti (koevoetsg@wanadoo.fr) qui se chargera de vous l’envoyer et de vous
l’illustrer. Cette formule a l’avantage
d’éviter les problèmes fréquents de
32
numéros qui n’arrivent pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à
la hauteur.
Table des matières
Paroles de Mâ 1
En Compagnie de Mâ Anandamayî
Par Bithikâ Mukerjî 2
Lewis Thomson
Journal d’un poète intégral 22
Comment étais-tu Mâ ? Par
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
26
Force ou Courage (Anonyme) 27
Nouvelles 29
Renouvellement abonnements 31
Table des matières 32
Jay Mâ N°85 -
Eté 2007
1
Paroles de Mâ
Est VU, vraiment vu, ce qui une fois vu enlève
tout désir d'en voir plus.
Est ENTENDU, vraiment entendu, ce qui une fois
entendu enlève tout désir d'en entendre plus.
Allez à la recherche
de ce qui est dissimulé derrière le monde. Pour cela, choisissez le seuil qui
rend facile l'accès à votre vraie demeure.
Quand vous dites : "Untel vient de s'en aller", il ne faut pas
oublier qu'en un sens personne n'est parti. Absente de tout va-et-vient, chaque
existence est présente de tout-temps.
Pour qui a gagné la grâce d'une Grande Ame, quelle que soit ensuite sa façon
d'agir, le but suprême ne peut plus être manqué. Cette personne peut traverser
toutes les tribulations, tous les désirs, elle est sur la Voie. Cela s'explique
: une étincelle peut suffire à mettre le feu. Après, tout va de soi. Les
barrières brûlent !
Vos limites sont l'occasion d'un retournement
qui vous renvoie à ce que vous êtes à l'origine.
Où que vous vous dirigiez, vous allez au devant de votre propre Soi. Rien
au monde n'est autre que votre propre Soi.
2
Vous pouvez atteindre le Un autant en vous
déclarant son ennemi qu'en l'adorant. Le Un condense guerre et paix. Tout est
Lui seul. Quoi que vous perceviez, quels que soient les événements, tout est sa
manifestation.
Extraits de Vie en jeu de JC Marol, éditions Accarias
par Bithikâ Mukerjî
Durant cette visite à Shrî Mâ, Haribâbâjî arriva seul au début et sans
sa « suite » habituelle, excepté Ghanshyam, son accompagnateur
personnel. Nous apprîmes qu’il avait quitté Baandh sans rien dire autour de
lui. Il confessa à Shrî Mâ que personne parmi ses fidèles n’était assez sérieux
dans sa quête de félicité spirituelle. Tous avaient fait semblant de
s’intéresser à lui. De toutes manières, son rêve de traverser la rivière de la
vie (bhavanadî), en tenant par la main
toute sa suite, était irréaliste. Sur le chemin spirituel, chacun doit
voyager seul.
Quelques-uns parmi les plus importants villageois et propriétaires
terriens de Baandh vinrent à Dehradun à la recherche de leur vénérable
Haribâbâjî. Ils savaient qu’il serait allé voir Shrî Mâ. Ils vinrent donc le
prier de retourner à
3
Baandh et donnèrent à Mâ leur son de
cloche : « Baba ne veut pas comprendre que nous avons fait de
notre mieux mais que nous n’avons pas pu atteindre son niveau. Nous avons notre
travail aux champs, à la maison, et ailleurs. Parfois on manque le satsang
ou bien on s’endort. On a déçu Baba. » Une fois de plus ils demandèrent
son indulgence, et ce dernier accepta de rentrer au village tout en invitant Mâ
à venir le visiter. (p.67)
Vijayanandajî (Dr.Weintraub) arriva tranquillement et tout aussi
tranquillement il s’intégra dans l’entourage pittoresque des adeptes de Shrî
Mâ. Il apprit le hindi rapidement[11]
et put se dispenser d’un interprète. Je suis entrée en contact avec lui
justement parce que je traduisais souvent pour Mâ. Je me souviens d’un incident
à ce propos dont j’ai plutôt honte. Shrî Mâ vint à Vindhyachal avec cinq ou six
étrangers. Elle voulait donner à ses visiteurs un certain répit par rapport aux
conditions chaotiques qui prévalaient en général autour de Mâ dans ses
principaux ashrams. Les matinées se déroulaient paisiblement en méditation dans
la chambre de Shrî Mâ. Le premier jour, elle s’assit sur son chowki
(lit) telle une magnifique silhouette sculptée dans l’ivoire mais palpitante de
4
rayonnement intérieur. Je n’avais encore jamais
vu une personne pouvant être à la fois si immobile et pourtant si vibrante dans
sa méditation. Ses fidèles provenant d’autres pays s’assirent calmement devant
elle, alors que nous quittions l’endroit. Didi songea qu’il était temps pour
elle de faire un petit somme, elle s’étendit donc dans la pièce attenante à la
chambre de Mâ et je m’assis à ses côtés. Malheureusement, Didi se mit à ronfler
sans tarder, j’eus beau la secouer, elle ouvrit un œil, puis recommença
aussitôt. C’était peine perdue que d’insister. J’eus un soupir de soulagement
quand le moment vint de regagner la chambre de Mâ. Tous ses fervents adeptes
semblaient heureux, ils firent leurs pranâms et quittèrent les lieux de
façon ordonnée pour retrouver leurs chambres. Shrî Mâ ne souffla mot à Didi,
mais quant à moi, j’eus droit à un de ses « savons » ! Dans un
sourire inaltérable elle me réprimanda en disant : « Comment
as-tu pu tolérer cela ? Comment peut-on méditer avec un bruit aussi
disgracieux dans la pièce à côté ? Cela me rappelle les noms qu’on me
donnait quand j’étais petite, atela (étourdie), bedisha
(inefficace). Ne pouvais-tu pas être plus ferme et tenir Didi
éveillée ? »…Elle continua dans cette veine, rendant son sermon plus
humoristique que sévère. Didi pleine de remords se fondit en excuses. Quant à
moi, bien sûr, je me sentais de devoir mériter toutes les épithètes dont Shrî
Mâ se souvenait et m'avait qualifiée, bien que les méditants ne m’aient pas
semblé avoir été dérangés. Après tout, ils avaient eu l’opportunité de
s’asseoir en présence de Mâ et de pouvoir la contempler. (p.67- 68)
Retour à
Raipur et Solon
5
Janvier
1948 fut le mois de la première Kumbha Mela après l’indépendance,
et le 30 Janvier 1948, la radio annonça l’assassinat du Mahatma Gandhi.
Le
matin suivant nous nous rendîmes au campement de Shrî Mâ pour l’entendre parler
encore et encore de Gandhijî. L’ensemble du camp était plongé dans la
tristesse. Le bulletin d’informations avait été interrompu pour elle et nous
entendîmes Shrî Mâ dire : « C’est tout comme Jésus Christ !
C’est tout comme Jésus Christ qui s’était approprié totalement la violence de
son peuple et ainsi l’avait pardonné. »[12]
Finalement le bulletin annonça que le service funèbre était fini. Un
chapitre de l’histoire de l’Inde venait de se terminer avec cette mort inutile
et tragique. (p.70)
Après
quelques jours, Shrî Mâ informa Didi qu’elle allait se rendre à Raipur et que
Didou, Bhupen et moi-même pourrions l’accompagner à condition d’être prêts à
partir en dix minutes. Gurupriya Didi demanda s’il était nécessaire d’emmener
de la nourriture car à Raipur nous serions incapables de cuisiner quoi que ce
soit en partant si précipitamment. Shrî Mâ répliqua avec nonchalance : « Il
n’est pas nécessaire que tous ceux qui ont besoin de leur repas du soir
viennent avec moi. Ils n’ont qu’à rester ici. »
On
arriva à Raipur dans la soirée. Seulement trois occupants de l’ashram étaient
là : Swami Shashwatânandajî, Bishou Mahârâj et un autre ascète. Il n’y
avait pas encore d’électricité, mais l’ashram était déjà vaste et très étendu.
Je l’avais vu durant les vacances d’été de 1941. Rénou était déjà venue ici
6
bien sûr, avec cette cousine que j’aimais et
qui s’éteignit en 1942. Maintenant je pouvais voir la disposition des pièces
telle que Rénou me l’avait décrite de façon si vivante et où Sejdi (Kawna)
avait rendu son dernier soupir. Je fus bouleversée par un cuisant sentiment de
chagrin. Tandis que Rénou et Sidou avaient trouvé ensemble une bonne entente,
j’avais apprécié alors la compagnie de ma brillante cousine Kawna qui avait
tout juste deux ans de plus que moi. Je contournai la chambre de Shrî Mâ et
vins m’asseoir sur une pierre afin de rester seule avec mes pensées. A ma
grande surprise, je vis soudain Shrî Mâ debout devant moi, une main tendue
offrant quelque chose (probablement des fruits secs). J’avançai les deux
miennes pour mieux recueillir l’offrande sans trop l’éparpiller. Mâ étreignit
mes paumes jointes dans ses deux mains et me fixa du regard pendant quelques
instants. Aussitôt je sus qu’elle savait. Ce fut un moment magnifique. La
montée de larmes qui m’envahissait s’évanouit complètement. Je me sentis calme,
heureuse et en paix. Entre temps, plusieurs personnes avaient rejoint Mâ, mais
aucune ne remarqua quoi que ce soit d’insolite. Même Didi ne pensa nullement
que j’étais en train de me souvenir de la mort de ma cousine. Seule Shrî Mâ
s’en souvint, sut comprendre et être avec moi dans ma peine. Qui peut évaluer cette
compassion dont elle nous enveloppe tous, à tout jamais ? (p.70-71)
Srî Mâ décida d’aller voir un de
ses proches fidèles, Yogibhaï, le râjâ de Solan en Himachal Pradesh , car il venait de perdre sa femme ; à
cause des règles traditionnelles, il ne pouvait pas quitter son petit royaume
pendant un an.
Dehradun et Solan sont sur différentes chaînes de montagnes. Nous sommes
descendus sur Moradabad. Puis en changeant de train à Moradabad nous sommes
remontés jusqu’à Kalka et ensuite nous avons pris une petite voie de chemin de
7
fer jusqu’à Solan. Shrî Mâ n’avait laissé
personne informer Yogibhaï de notre visite. Nous sommes donc sortis de la gare
et avons remonté gentiment à pied la petite côte qui mène de la route jusqu’au
palais. Je me souvenais des précédentes visites de Shrî Mâ quand elle avait été
reçue grâce à une organisation élaborée et sponsorisée par un comité de
réception qui avait tout pouvoir. Une ambiance de jubilation avait imprégné la
place du marché tout entière. Maintenant, personne ne nous prêtait la moindre
attention. Shrî Mâ était venue pour une visite de condoléances et elle gardait
le profil bas. Son comportement était toujours tellement correct, même en ces
cas-là, que l’on s’émerveillait devant sa compréhension des normes de ce monde.
Rupram, l’intendant personnel du Raja Saheb, se trouvait au même moment
en train de descendre la côte. Surpris, il s’arrêta en voyant Mâ, n’en croyant
pas ses yeux. Après avoir fait son pranâm, il courut jusqu’à un magasin
le long de la route pour passer un coup de fil au palais. En moins de quelques
minutes, une voiture descendit du sommet de la colline afin de nous y faire
prendre place. Quelques minutes encore et elle nous déposa devant les grilles
de la maison. Ce fut à notre tour d’être
choqués en voyant Yogibhaï debout devant le portail. Il était vêtu simplement
d’une kurta de soie (sorte de chemise longue) et d’un dhoti. Il
ne portait rien sur la tête et ses pieds étaient nus. Nous ne l’avions jamais
vu en si simple attirail. Shrî Mâ s’avança vers lui tandis que nous nous
tenions en retrait. Yogibhaï fit son pranâm et demanda pourquoi Mâ
n’avait pas annoncé son arrivée. Deviram Bhaï et d’autres escortèrent alors
Shrî Mâ jusqu’à son cottage situé juste au-dessous du palais.
Après
quelques temps, Yogibhaï vint s’asseoir auprès d’elle et lui parla pendant un
long moment. Durant les deux ou trois
8
jours qui suivirent, on put le voir passer
autant de temps dans la chambre de Mâ que le lui permettaient ses autres
occupations. Aucun de nous ne s’avisa de le déranger dans ces cas-là. Même Didi
resta dans sa propre chambre, de façon à ce qu’il puisse parler en tête-à-tête
avec Mâ.
Après
trois ou quatre jours, alors que nous étions tous assis avant de nous retirer
pour aller nous coucher, Shrî Mâ elle-même nous dit : « Il n’a
pas cessé de parler de sa femme durant toutes ces journées passées avec moi.
Désormais je pense que ses réminiscences et ses souvenirs sont tous épuisés et
que son cœur s’est déchargé de ce fardeau de douleurs pour un bon bout de
temps. Le moment est donc venu pour moi de lui parler à mon tour. Il a sorti ce
qu’il avait sur le cœur, maintenant il va m’écouter ! »
Pendant tout le restant de son séjour, Mâ lui parla pendant de très
longues heures. (p.71-72)
Peu
après la mort de Rani Saheba, l’épouse du prince régnant, l’annexion de
nombreux royaumes et principautés de l’Inde prit place, donnant lieu à de
nouvelles tragédies, entre autres aux pillages des trésors.
Ruparam affirma que les évènements prenaient la tournure qui avait été
prédite et que les rumeurs étaient vraies. Tout cela ressemblait davantage à un
jeu d’attaques à main armée, plutôt qu’à une manœuvre du Gouvernement pour le
bien de son peuple. Yogibhaï prouva lui-même qu’il était en réalité un ascète
aussi authentique que son nom l’indiquait. (p.73)
De
Solan, nouvelle descente dans la plaine, pour grimper ensuite sur une troisième
montagne jusqu’à Nainital. Shrî Mâ
9
avait des visiteurs même dans ses retraites les
plus reculées. Un jour, un homme vêtu comme un yogi se présenta, triste, l’air
abattu. Avec cinq amis il avait quitté sa
maison il y a 15 ans pour suivre le chemin de l’ascétisme. Ils avaient pratiqué
une rigoureuse sadhana, mais la fatigue, la maladie et la mort les
avaient séparés, le laissant seul sur le chemin. Shrî Mâ le pria de lui parler
de sa sadhana, et nous partîmes tous pour faire que Mâ puisse laisser
agir le kheyâla qu’elle sentait à son égard.
Après
une heure ou deux, l’homme sortit de la tente de Mâ, complètement transformé,
méconnaissable. Il s’inclina devant le Dr. Pannalal, disant qu’il avait reçu
l’inspiration pour sa sadhana en cours. Après qu’on l’eut questionnée à
ce propos, Shrî Mâ expliqua qu’elle était entrée avec lui dans les détails.
Elle lui avait souligné les fautes que son petit groupe et lui avaient commises
et qui les avaient tous portés jusqu’à la maladie. Elle
ajouta : « Le corps est un instrument finement accordé. Ces
chemins yoguiques sont dangereux si on n’est pas guidé par un enseignant
compétent. Le Yoga dans la sadhana est différent des exercices
yoguiques. On peut exécuter des exercices, mais dans la sadhana les
états yoguiques se manifestent automatiquement au moment voulu. Il n’est pas
nécessaire d’essayer d’obtenir à tout prix ce qui se réalisera tout
naturellement. » (p.73)
La
protection de Mâ
Après
de plaisants séjours à Nainital et Almora, nous descendîmes dans la fournaise
de New Delhi. La célébration de l’Anniversaire de Mâ se tenait dans la maison
du Dr. J.K. Les festivités allèrent bon
train malgré la chaleur étouffante. Shrî
10
Mâ resta assise des heures sous la tente
destinée au satsang. Les mahatmas qui étaient venus pour y assister
firent de même.
Nous
avions l’habitude de jeûner totalement la veille de l’Anniversaire de Mâ. La pouja
commença avant l’aube. C’est à ce moment là que l’entière congrégation use de son
privilège
de toucher les pieds de Shrî Mâ, ou bien le chowki
sur lequel elle est étendue en samadhi. Comme d’habitude je continuai à
jeûner ainsi que le jour suivant. En fin de soirée, je me trouvai au bord de
l’évanouissement à cause de la chaleur sans doute. J’étais assise sur une
chaise dans la pièce du devant, en train de me dire que je devrais me lever
pour aider à la préparation de la pouja, quand soudain, je me sentis
soutenue par Udasji. Elle portait un récipient à mes lèvres et me priait d’en
boire le contenu immédiatement. Je reconnus un mélange de citron, eau et sucre.
J’essayai de protester en invoquant le fait que j’étais en plein jeûne. Mais
elle répliqua : « Non, non, Shrî Mâ a ordonné que vous buviez
cela jusqu’à la dernière goutte. » Après qu’elle eut suivi les
instructions de Mâ, elle disparut aussi soudainement qu’elle était arrivée. Je
n’ai jamais compris comment elle avait pu me repérer au milieu de tout ce
monde, d’autant plus que je ne m’étais guère approchée de Shrî Mâ depuis un
long moment. Personne d’autre ne remarqua quoi que ce soit, mais il reste
évident que le kheyâla de Shrî Mâ s’était concentré sur moi, car elle
m’évita de me couvrir de honte avec ma folle tentative d’austérité (tapasyâ)
alors que je ne me sentais pas en forme avec la chaleur. Aussitôt après, je fus
capable de prendre part normalement aux festivités. (p.77)
Souvenirs d’ashrams
11
Le fait d’avoir eu de Shrî Mâ la permission de l’accompagner au Bengale,
fut un éblouissement. Je fus captivée par la beauté qui y régnait, dont le
pittoresque est exprimé aussi bien dans les livres que dans les chants. Une
autre fidèle de Mâ, Maunima, semblait aussi ensorcelée que moi. Elle s’était
tellement amourachée de la région de Birbhaum, qu’elle avait
affirmé à Shrî Mâ qu’elle
aimerait y
rester jusqu’à la fin de ses jours.
Shrî Mâ avait abondé dans son sens, allant même jusqu’à suggérer de quelle
façon et par quels moyens pratiques Maunima aurait pu trouver confortable de
vivre dans un des monastères d’accueil entourant le lac près du village où
nous-mêmes nous envisagions de nous fixer pendant un certain temps. J’écoutai
cette conversation avec quelque scepticisme. Il était reconnu, en effet, que
Maunima ne pouvait rester nulle part au-delà de quelques jours. Elle voyageait
souvent avec Shrî Mâ et choisissait aussitôt son lieu de résidence. Shrî Mâ
élaborait toujours des arrangements pour qu’elle ait son confort et sa
tranquillité chaque fois qu’elle manifestait une préférence, soit pour loger
dans une chambre donnant derrière sur le jardin ou dans tout autre lieu sûr de
son choix. Mais malgré cela, à chaque fois, Maunima retournait sans tarder dans
l’entourage de Mâ, certaine d’avoir rencontré des difficultés insurmontables là
où elle avait choisi de rester.
En écoutant donc avec quel enthousiasme Shrî Mâ adhérait à la décision
de Maunima, je me sentis gênée devant l’irréalité de la chose. Je m’approchai de
Didi afin de lui demander : « Est-ce que Shrî Mâ nous traite
aussi de cette façon ? Est-ce que nous pouvons savoir si elle est prête à
nous passer toutes nos toquades ? A céder à tous nos caprices ?
Comment peut-on distinguer son propre kheyâla de son assentiment à nos
désirs ? »
12
Didi qui ne nourrissait aucun doute à ce sujet répondit sur un ton
musclé : « Mâ ne nous traite jamais de cette façon. Tu sentiras
ce qu’est son kheyâla, ou pas, quand l’occasion s’en présentera. »
Didi
était certaine de ses affirmations, mais je restais tout de même sur mes
doutes, car je n’avais jamais vu Shrî Mâ jouer sur deux tableaux à la fois. Si
quiconque avait pu transformer son esprit en une boule de cristal permettant de
refléter le kheyâla de Mâ sans pour autant le déformer, alors il aurait
pu être certain de connaître la réponse, mais tout cela restait
impossible !
Soit
dit en passant, il est amusant de rappeler que le jour qui suivit cette
conversation, Maunima affirma tristement : « Mâ, tout est vraiment
magnifique, mais les moustiques sont intolérables ! » Aussi, une fois
de plus, elle se joignit à nous. (p.77-78-79)
Extraits de la partie traduite par Geneviève Koevoets dans En Compagnie de Mâ Anandamayî, en
collaboration avec Jacques Vigne.
Editions Agamat - Avril 2007
Echos de félicité
Par Vigyânânanda
13
Certaines pensées sur le Yoga sont venues à Vigyânânanda
dans l’ermitage de Mâ à Dhaulchina. Elles sont en écho avec l’enseignement de
Mâ et l’expérience d’ânanda. Elles viennent d’être publiées début juin
directement en livre de poche dans la collection Espaces libres d’Albin Michel Michel
Jourdan, Jacques Vigne « Cheminer, contempler ». Nous en donnons quelques extraits ci-dessous,
y compris les dernières :
Mâ évoquait l'ouverture du lotus du coeur
comme un tournant important dans la sadhana. Lotus et rose sont deux symboles
qui se répondent comme en miroir en Orient et en Occident. Bien que le lotus
n'ait pas d'épines, il naît de la boue et évoque donc aussi l'élévation
au-dessus des difficultés et des souffrances. La rose se dit parfois en
sanskrit 'fleur de japa', le japa étant la récitation régulière du mantra
souvent aidée d'un rosaire, d’où cette tentative de traduction du nom de cette
fleur inconnue à l’époque ancienne en Inde. Au fur et à mesure de la pratique,
on touche à des blocages de plus en plus profondément enfouis dans le coeur.
Quand ils se dénouent, la respiration est libérée, la cage thoracique, les poumons
se dilatent, donnant physiquement la sensation de fleur qui s'ouvre. Une fois
que celle-ci s'épanouit, non seulement la pratique mais aussi la communication
de l'expérience spirituelle devient plus facile. Elle se fait spontanément,
ceux qu'on doit aider viennent à vous d'eux-mêmes. Dans les Védas, on dit:
14
'Quand le lotus est
épanoui, les abeilles y viennent d'elles-mêmes'.
On voit fréquemment dans les mouvements
religieux des débutants ou des personnes qui peinent dans leurs pratiques et dont
visiblement la rose du coeur n'est pas épanouie. Ils viennent à la recherche
spirituelle plus pour y trouver une consolation partielle qu'une résussite
complète. Ils cherchent à se détacher en adoptant un style de vie nouveau, mais
regardent en fait sans cesse en arrière en direction des petits désirs qu'ils
ont perdus. Ils prétendent chercher la Réalisation mais sont en fait convaincus
que pour eux, elle est hors d'atteinte. De leur tristesse, ils encombrent leur
propre coeur et celui de ceux qui les entourent.
Quand la rose du coeur s'ouvre, la
frustration intime, cuisante, fondamentale est remplacée par une satisfaction
sans cause, une félicité spontanée dont l'intensité ne trompe pas. Cela ne
signifie pas que tous les obstacles soient résolus, mais l'enthousiasme est
certainement là, à portée de main, pour les résoudre; Le bonheur spirituel
cesse d'être une imagination lointaine pour devenir une saveur immédiatement
perceptible au fond du palais. Il n'y a pas lieu de chercher à se tromper
soi-même par des auto-suggestions faciles, mais il faut cependant garder tout
le temps présent à l'esprit le fait que, comme disait Mâ Anandamayî par
exemple, 'la Réalisation peut survenir à l'instant même.'
« L'appât: l'union »
15
Quand les courants de sensations gauches,
droites et médians confluent de façon stable et régulière soit à l'ajna, soit
au coeur, la félicité de l'union, yogananda,
se met à nous illuminer aussi régulièrement que le filament incadescent d'une
ampoule quand le courant électrique passe au travers. Ramakrishna comparait ce
bonheur à un appât; si on a la patience d'attendre, le poisson de la Grande
expérience, celle du Divin, ne manquera pas de glisser sous la surface du
mental-écran et de 'mordre'. Tout ce qu'on a à faire, c'est de tenir fermement
en main la canne à pêche de bambou, c'est à dire de maintenir la colonne
vertébtrale et son empilement de vertèbres bien érigés, tandis que les courants
d'énergie gauche et droite confluent régulièrement vers l'axe médian. On peut
rapprocher cette image d’un des neuf signes porte-bonheur du bouddhisme
tibétain, les deux poissons d’or qui semblent se courber pour rentrer de façon
symétrique dans un courant central. Ils sont constamment attirés par cette
‘voie du milieu’ comme par un appât.
« Le Yogui est plus qu'absolument naturel; il est naturellement absolu »
On peut dire dans le langage courant de
quelqu'un qui est très simple par tempérament qu'il est 'absolument naturel';
mais dire d'un Yogui qu'il est naturellement absolu, cela nous projette dans
une dimension bien plus élevée, celle du sahaja
samâdhi, l'enstase naturelle, spontanée. C'est le stade le plus élevé du
védanta où l'on est capable de faire descendre l'expérience d'unité complète (nirvikalpa samâdhi) dans la vie quotiddienne.
Ce n'est pas donné à tout le monde.
'Etre spontané' ne signifie
pas suivre les
16
premières impulsions d'un
mental non purifié; cela mènerait à la décadence, comme cela a été le cas pour
les sahajiya-s, 'la secte spontanée'
au Bengale à l'époque médiévale. Nisargadatta signifie 'consacré à la
spontanéité, et c'était le nom de Maharaj, le maître védantin qui est mort à
Bombay en 1982. On est effectivement touché par le naturel de ses réponses.
Ceux qui étaient en contact avec Mâ Anandamayî étaient frappés par le mélange
unique d'absolu et de naturel qui émanait d'elle; derrière cela, il y a tout le
mystère de la présence du divin dans l'humain.
« Une félicité continue comme un courant d'huile »
Le mystique ne veut pas un bonheur au
goutte à goutte, comme les matérialistes qui sont maintenus en vie par un
'goutte à goutte' plutôt irrégulier, avec une goutte de bonheur par ci et une
autre par là. Chacun peut recevoir de temps en temps une goutte de vraie
félicité; mais elle s'évapore si vite qu'en général la personne l'oublie, ou
l'associe à un objet ou un autre et se met à rechercher cet objet à la place de
retourner son attention vers l'origine de la félicité pure. En regardant
au-dedans de soi-même, on s'aperçoit que la continuité parfaite du souffle, de
l'attention des courants de sensations (prâna)
ou de l'écoute du son intérieur est une félicité en soi. Classiquement, l'image
du courant d'huile est utilisée par Patanjali pour désigner l'approfondissement
de la concentration en méditation quand l'attention et le souffle deviennent
comme lisses. Quand on suit avec attention le son intérieur, on se sent plongé
en lui comme dans un bain d'huile, et on 'nage' dans la félicité.
17
Tela,
l'huile, est pratiquement le même mot que tila, le sésame qu'on presse pour
obtenir cette huile. Ce sésame est offert régulièrement au feu durant les yajña, accompagné de l'invocation svaha. La 'félicité comme un courant
d'huile' évoque donc ce bonheur qui est à la fois la conséquence et la cause
d'une offrande continue dans le feu de la Conscience. Mais à quoi bon parler
plus avant de cette expérience de félicité? Seuls peuvent la goûter vraiment
ceux qui ont été ‘cuits’ dans le bouillonnement immobile de la jubilation
intérieure.
« Comme suspendu dans le vide »
Dans l'univers, chaque chose repose sur une
autre, et le Divin est le fondement ultime. Par le détachement, le chercheur
spirituel parvient à ne se reposer sur rien, et par cela, en cela il devient
‘un’ avec le Divin. On a longtemps cherché la localisation de l'âme, sans
succès; mais le méditant, lui, l'a trouvée: elle est comme suspendue dans le
vide. L'âme est souflle, quand le souffle est suspendu, il devient pure
conscience. L'âme est tension vers, attention; quand l'attention est suspendue,
elle réalise sa vraie nature. L'âme est flamme: éternellement, elle danse
au-dessus du bois, c'est à dire de l'ego, qu'elle est en train de consumer.
« Sombrer dans la lumière »
Nous en arrivons pour finir à un paradoxe
fondamental de la vie mystique: la lumière essentielle ne se manifeste
18
pleinement que quand les
formes s'effacent, d'où les images classiques de nuit lumineuse, de nuage
d'inconnaissance, de nuée glorieuse, etc… Cet effacement des formes quand on
sombre dans la lumière correspond à un arrêt du mental, à une stupéfaction
émerveillée. Asombroso en espagnol ne
signifie-t-il pas stupéfiant?
Quand un bateau sombre, il abandonne les
tempêtes de surface pour le calme des grands fonds. En achevant là le temps de
sa traversée, il coule dans le non-temps et y trouve la stabilité définitive;
sombrer dans la lumière, c'est aussi s'enfoncer dans le sommeil profond du samâdhi et de la claire conscience qui y
règne. Le sage traverse les couches intermédiaires de la ‘vie sous-marine’, c'est
à dire des créations mentales, des rêves d'enfer ou de paradis pour atteindre
finalement le sable stable du non-temps – et y déposer son trésor. Quels sont
les autres plongeurs qui sauront le trouver ?
Extraits de la
partie rédigée par Jacques Vigne dans
Cheminer,
contempler en collaboration avec
Michel Jourdan,
Albin Michel/Espaces libres, juin 2007
L'Occident spirituel et
religieux actuel vu d'Inde.
19
Par Vigyânânand
Les
lignes ci-dessous correspondent au début et à la fin de la dernière partie de
l’avant-dernier livre de Jacques Vigne, Inde intérieure, paru aux éditions du Relié en mars
2007. :
Comme
nous l'avons vu avec quelque détail dans ce livre, l'Inde a une réelle
expérience du pluralisme. Dans les védas, on dit : «Il est Un, les gens
l'appellent multiples. » L'hindouisme est une mosaïque de mouvements
religieux, mais avec comme base commune, l’Un des Upanishads.
Quand on regarde d’Inde
l'Occident spirituel et religieux actuel, on a une impression plutôt
ambivalente, on discerne de grandes potentialités, qualités, et des défauts. Ce
n'est pas que l'Occident actuel ne soit pas religieux, mais il l’est
certainement très différemment d’avant. Nous vivons de ce point de vue une
réelle révolution, qui devrait peut-être être comparée à celle du Ve siècle
avant JC avec la naissance de nouvelles voie spirituelles qui ont influencé
toute l'humanité, comme le confucianisme, le taoïsme, les Oupanishads, le
zoroastrisme et la philosophie grecque.
La multiplicité des voies spirituelles
possibles de nos jours en France revient de fait à un nouveau polythéisme, même
s'il n’y a pas le culte des statues qu'on associe traditionnellement à cette
forme religieuse et comme le pratiquent encore plus de 800 millions d'hindous
aujourd'hui. On pourrait parler de seconde Renaissance, et elle est à mon sens
plus forte que la première. En effet, celle-ci est venue par un retour au
polythéisme gréco-latin, mais il s’agissait d’une redécouverte surtout
livresque, et elle a été rapidement et en grande partie étouffée par la Réforme
et la Contre-Réforme ; ces dernières représentaient une rechute dans le
fondamentalisme, chacune
20
en son genre. La renaissance actuelle, par opposition, offre la possibilité
d'un lien direct et vivant avec de grandes traditions non monothéistes,
c’est-à-dire par exemple l'hindouisme et le bouddhisme qui lui sont étroitement
associés. Cela donne donc à ce mouvement beaucoup plus de force en soi, et lui
permettra de passer au travers des tentatives de réformes et contre-réformes
fondamentalistes chrétiennes. Bien sûr, il faut ajouter que son importance
croît de façon relative aussi face à l'effondrement « naturel » des
Eglises d'Europe à cause de leur propre problématique interne. En effet,
celles-ci ne peuvent pas dire qu'elles sont l'objet d'une révolution violente
comme en France après 1789 et en Russie après 1917.
Nous
allons déjà essayer de définir une hypothèse commune minimum de travail pour
l'esprit religieux et spirituel occidental actuel. Ensuite nous envisagerons
successivement les problèmes posés par l'instabilité des chercheurs dans leurs
choix spirituels, la question de la fiction par rapport à la réalité dans le
domaine de la quête mystique, et finalement la responsabilité de la
transmission.
L'hypothèse commune minima
Vivékananda a donné une impulsion certaine à l'idée d'une base commune à
toutes les religions au Parlement de Chicago en 1893. Commençons par une
citation de lui qui évoque sa vision de l'Orient et de l'Occident :
« la liberté est la première condition de la croissance. Vos ancêtres [il
s'adresse à des indiens] ont donné toute liberté à l'âme, et la religion s’est
développée. Ils ont imposé toutes sortes de restrictions au monde du corps, et
la société ne s'est pas développée. En Occident, c'est l'opposé – toute liberté
pour la société, aucune pour la religion, maintenant tombent les chaînes des
pieds de la
21
société d'Orient tout comme celles qui lient la
religion en Occident... [i]». On peut dire que la prophétie de
Vivékânanda il y a un siècle est en train de se réaliser. Shri Aurobindo, qui a été éduqué en
Angleterre et est sorti brillamment d'une de ses meilleures universités, a
écrit ceci en 1930, une vingtaine d'années après être entré en retraite
spirituelle à Pondichéry ; il affirmait avec une certaine force :
« La conception du Divin comme un pouvoir extérieur tout-puissant qui a
« créé » le monde et le gouverne comme un monarque absolu et
arbitraire – la conception chrétienne et sémitique– n’a jamais été la mienne ;
elle contredit trop ce que j’ai vécu et expérimenté pendant trente ans de
sadhâna. C'est contre cette conception que l'objection de l’athéisme a été
orientée, – car l'athéisme en Europe a
été une réaction superficielle et plutôt infantile contre un « religionisme »
exotérique également superficiel et infantile, avec ses notions populaires
grossièrement dogmatiques et inadéquates[ii] .»
Passons maintenant la parole à Aldous Huxley qui présente de façon
claire une hypothèse de travail minimum à propos de laquelle de plus en plus de
contemporains sont d'accord :
« Pour ceux qui ne sont pas membre d'une église organisée de
façon ‘congénitale’, qui ont trouvé que l’humanisme et le culte de la
nature ne sont pas suffisants, et qui ne se satisfont pas de demeurer dans les
ténèbres de l'ignorance, les immondices du vice et dans ces autres immondices
que sont la respectabilité, on pourrait considérer que l'hypothèse minimum de
travail pourrait être ceci :
Il y a un fonds, un Brahman, une claire lumière de la vacuité,
qui représente le principe non manifesté derrière toutes les manifestations.
Ce fonds est à la fois transcendant et
immanent.
22
Qu’il est aussi possible pour les êtres humains
d’aimer, de connaître, et de devenir effectivement identiques avec ce fonds Divin,
alors qu'au début on ne l'était que virtuellement.
Que réaliser cette connaissance unitive du
Divin est le but final de l'existence.
Qu’il y a une loi ou Dharma à laquelle on doit
obéir, un Tao ou Voie qu'on doit suivre, si les êtres humains veulent avoir une
chance de réussir à atteindre leur but final
Que plus il y a de soi-ego, moins il y a de
Divin ; et que donc le Tao est une voie d’humilité et d'amour, le Dharma une loi vivante de détachement qui
transcende le petit soi. » Ainsi, nous pouvons dire que ce que propose
Aldous Huxley comme hypothèse minima de travail est une non-dualité au sens
large.
La
non dualité n’exclut pas les autres pratiques religieuses ou
spirituelles. Elle les considère comme des détours certes, mais qui ont leur
utilité. On raconte à ce propos l’histoire suivante : il y avait un homme riche
qui un soir chez lui avait tellement bu qu’il en est devenu complètement ivre.
Dans sa confusion, il se tourne vers son chauffeur et lui demande de le ramener chez lui. Le chauffeur
essaie de lui faire comprendre qu'il est déjà chez lui, mais le patron s’énerve
et menace de renvoyer son employé s’il ne lui obéit pas immédiatement. Placide,
le chauffeur l’emmène faire tout un grand tour en voiture pendant plusieurs
heures, le temps qu’il soit dégrisé. Finalement, ils reviennent à la maison et
le chef est tout content d’avoir été obéi...
[…] L'intérêt de la stabilité dans une voie
spirituelle est qu'on est moins impliqué dans les disputes entre les groupes et
écoles. Ces querelles sont le risque du pluralisme, il faut donc savoir les
prévenir. Swâmî Râmatîrtha donnait à une de ses disciples
23
américaines qui allait
prendre le bateau pour aller résider longtemps en Inde ce conseil : ne pas se
préoccuper des querelles d'écoles et de sectes, et se centrer directement sur
l'unité sous-jacente. C'était trois ans avant sa propre mort à l’âge de 33ans
dans l'Himalaya, en 1906. Gandhi
disait : « Les enseignements de Swami Râma méritent d’être largement
connus. Il était l’une des plus grandes âmes non seulement en Inde mais aussi
dans le monde entier. J’adore ses idéaux »
Le
même Râmatîrtha a écrit aussi à cette disciple américaine un poème
Passage to India, «La traversée
vers l’Inde», et je suis heureux d'en traduire quelques strophes pour terminer
cet ouvrage sur l'Inde intérieure. Tîrtha signifie d’ailleurs traversée, gué
pour aller vers l’autre rive. Après beaucoup de réflexions profondes, place à
la poésie mystique pour faire résonner ce silence qui est comme une mer dans
laquelle le fleuve de ce livre est sur le point de déboucher :
Traversée
vers l'Inde !
O ! Nous ne pouvons attendre plus longtemps !
Nous
embarquons aussi, ô mon âme !
Vers
toi, nous nous lançons également sur les mers où les chemins s’effacent !
Sans
peur des rives inconnues, sur les vagues de l'extase
à parcourir en voilier. Parmi les souffles de la brise,
En évoluant librement– chantant notre chant de Dieu !
Chantant notre chant du Om heureux et apaisant !
Traversée vers l'Inde !
24
En
bateau sur les mers, en marchant dans la nuit, sur les collines
Les
pensées, les pensées silencieuses du Temps et de l'Espace, de la Mort,
Sont
comme des eaux qui s'écoulent,
Elles me transportent en réalité comme dans des régions infinies
Dont je respire l'air.
Baigne-moi
en toi, ô Dieu, montant vers Toi,
Moi-même et mon âme afin que je puisse partager Ta proximité…
Traversée vers Mère l’Inde,
O, secrets de la terre et du ciel !
Et les vôtres, ô vous les eaux de la mer !
Les lignes sinueuses des criques et le Gange !
Et les
vôtres, forêts et champs ! Et le tien, ô puissant Himalaya,
Et le tien, aurore rougeoyante ! O nuages ! O pluie et neiges,
O jour et nuit, traversée vers vous !
O soleil, et vous, toutes les étoiles, Sirius et Jupiter, traversée vers vous!
La traversée, la traversée immédiate !
Le sang brûle mes veines
Allons-y, mon âme, lève l'ancre dans l'instant,
Tranche les amarres, sors l'embarcation, laisse se déployer d’un coup les
voiles.
Ne sommes-nous pas restés assez longtemps ici, comme des arbres accrochés au
sol !
Lève les voiles, mets le cap vers la haute mer,
25
car nous
avons pris comme destination ce lieu où les marins n'ont encore osé aller.
Et nous allons risquer le navire, nous-mêmes et notre va-tout.
O mon âme,
remplie de bravoure !
Au père, père, pars en haute mer !
O joie
audacieuse, mais assurée
Au père, père, pars en haute mer,
Vers ta
réelle Demeure.
Retraites spirituelles avec Swami Nirgunananda.
Eté 2007
- Du 12 au 18 août en France, à
Terre du Ciel en Saône et Loire.
Contact : Terre du
Ciel : 03 85 60 40 33
Email : infos@terre-du-ciel.fr
- Le 19 août à Genève, en Suisse.
Contact :
Jamshid Anvar
Email :
jamshidanvar@yahoo.com
- Du 20 au 22 août en France, en
Drôme/Ardèche, près de Valence.
26
Contact : Marie-Agnès
Bergeon : 04 75 64 41 79
Email : marie-agnes.bergeon@numeo.fr
- Du 25 au 31 août en Belgique, à
Gentinnes
Contact : Paul Neeffs tél. : 00 32 (0) 10 814 780
Email : paulneeffs@yahoo.com
Swami Nirgunananda a rencontré en 1979 Mâ Anandamayî, une des plus grandes
figures spirituelles de l’Inde contemporaine.
Il était alors docteur en biochimie et en
médecine, chercheur et enseignant à l’Université. Mais dès cette rencontre, il
s’engage avec Mâ et reste auprès d’Elle de façon permanente, devenant son
dernier secrétaire privé – jusqu’au décès de Mâ fin août 82.Quatre ans plus
tard, il décide de s’installer dans un ermitage dans l’Himalaya pour continuer
son cheminement, et il y réside encore aujourd’hui.
C’est toute cette expérience qu’il
vient partager avec nous lors des retraites cet été.
Comme l'année dernière le Satsang de
Swami Nirgunananda (le disciple de Mâ Anandamayî) aura lieu à
Genève au Centre Védantique.
Inscription :
Téléphoner ou envoyer un Email :
France : Fred Malfilatre 0631777701 fred.malfilatre@wanadoo.fr
27
Suisse : Jamshid Anvar 0793626494
jamshid@bluewin.ch
(Etant donné que le nombre de places est
limité, l'inscription est obligatoire)
Rendez-vous :
Centre Védantique, 63 Avenue d'Aire
1203 Geneve (0.5 kilomètre au sud de la Promenade de l'Europe, Centre
Commercial appelé Planète Charmilles (voir la carte). Autobus 7 et 27,
arrêt Camille Martin)
Horaire :
De 10h00 jusqu'à 18h00
avec la pause pour déjeuner.
Contribution :
Il n'y a pas de frais
d'inscription. Vous pouvez offrir quand même, si vous le souhaitez, un don à
Swamiji pour l'entretien de son Ashram à Dhaulchina, à la fin de la
retraite.
- Grâce aux donations des Français, l’école au nom
de Mâ Anandamayî dans le village de Jamrari en contrebas de Dhaulchina a pu
construire un nouvel étage et doubler le nombre de ses élèves de 80 à environ
160, et augmenter le degrè des classes enseignées pour pouvoir garder les enfants
plus longtemps en abordant un début de cycle secondaire.
- Vigyânanand (Jacques Vigne) est en tournée de
conférences et de stages pendant 8 mois. Il terminera ce cycle par une journée
sur La méditation selon l’enseignement de Mâ et de Vijayânanda à Bruxelles
le 20 janvier 2008. (Programme complet sur www.jacquesvigne.fr.st et sur
28
koevoetsg@wanadoo.fr ). Son livre Inde intérieure, recueil de
ses articles et études sur l’Inde depuis 20 ans, vient de paraître en mars aux
Editions du Relié, ainsi que Cheminer, contempler en mai, qui fait
suite à Marcher, méditer, de nouveau en collaboration avec Michel
Jourdan chez Albin Michel /Espaces libres. Vigyânanand y parle du Yoga.
Il a été interviewé par Michel Cazenave pour l’émission de France-Culture Les
vivants et les dieux, diffusée en juin. Le livre En compagnie de Mâ Anandamayî de Bithikâ Mukerjî, traduit de
l’anglais par Jacques Vigne et Geneviève Koevoets, vient de paraître en avril
2007 aux Editions Agamat.
- Du 11 au 15 août, Vigyânanand interviendra à
Cordes-sur-Ciel dans un centre tenu par Jean-Jacques Enjalbert, où Caroline
Abitbol organise pour les deux mois d’été une exposition photos sur les sadhous
de l’Inde. Caroline a passé cinq mois récemment auprès de Vijayânanda à
Kankhal. Contact Caroline carolineabitbol04@hotmail.com
.
Renouvellement des abonnements
Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements du ‘Jay
Mâ’ pour une période de deux ans. Pour ceux qui auraient oublié de se
réabonner, ce N° 85 sera le dernier exemplaire qui leur sera envoyé. Pour ceux
qui voudraient se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois au
‘Jay Mâ’ sur papier, ils peuvent le
faire pour 7
29
numéros à venir désormais jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 14 €
à l'ordre de Jacques Vigne à :
Nadine et José Sanchez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte-Croix
84110 Vaison-la-Romaine
04 90 12 19 83 – nagajo3@yahoo.fr
Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel.
Envoyer alors 7 € pour 7 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en
ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement
avéré, à koevoetsg@wanadoo.fr. Ceci afin qu’elle vous l’envoie par email. Cette
formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent
pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à la hauteur.
Paroles de Mâ p.1
Haribâbâ et son entourage
par Bithikâ Mukerjî p.2
Echos de félicité par Vigyânânanda p.12
L'Occident spirituel et religieux actuel vu d'Inde.
Par Vigyânânand p.18
Retraites spirituelles avec Swami Nirgunananda.
Eté 2007 p.25
Nouvelles p.27
Nouveaux abonnements p.28
Table des matières p.30
Jay Mâ N° 86 - Automne 2007
1
Paroles de Mâ
À un moment donné, vous
avez déclaré avec emphase que si seulement vous pouviez obtenir un emploi stable, vous vous
occuperiez, d'une façon juste et royale, du côté spirituel de la vie en même
temps que des conforts matériels et des plaisirs. Il est plus qu'évident que
vous avez tenu parole à propos des plaisirs du monde ; mais dans quelle
grotte sombre, dans quel abîme
inaccessible avez-vous caché la plante tendre de l'aspiration spirituelle ?
Quand ferez-vous un effort pour apporter de la lumière dans cette grotte sombre ? Ne tardez pas. Ne
tardez pas ! Le jour qui est passé ne revient jamais. Un temps irremplaçable
vous glisse entre les doigts. Consacrez vos journées à faire effort pour vous
rapprocher du Seigneur des humbles. Quand vous arrivez dans la grande
vieillesse, vous serez ralentis, trop faibles pour vous concentrer sur le nom
de Dieu. Comment rattraperez-vous alors ce que vous n'avez pas réussi à faire
en son temps ?
Voir Mahadeva, Shiva, apparaître et se dissoudre dans votre corps,
accompagnés par une manifestation de lumière, tout cela est sans aucun doute un
bon signe. La vision même atténuée d'une forme spirituelle (chinmaya murti)
est une manifestation très favorable.
2
Le travail sur le plan physique est tout différent du travail sur le plan
spirituel. Dans le premier toutes choses trouvent leur expression dans des
formes, des couleurs et des sons, tandis que dans le second les pensées et les
idées, les mots et les sentiments, montent silencieusement à la surface des régions
conscientes et subconscientes en vous, sans prendre aucun revêtement matériel.
Et le jeu du monde extérieur est actionné par les ressorts intérieurs. La
source du Gange est cachée dans les replis secrets des Himalayas, mais ses eaux
donnent la vie à beaucoup de villages florissants dans les plaines de l'Inde.
C'est l'idée qui donne naissance aux divers modes d'activité, qui les
entretient et qui mène à leur parachèvement. Tant que le désir d'action reste
fort en vous, continuez d'agir. Cela vous fera du bien. Mais un moment viendra
où ce désir aussi s'affaiblira ; un désir d'activité intérieure prendra alors
sa place.
Satsangs avec Mâ
Par A.K. Datta Gupta
Le 24 mai 1941,
Nous étions tous les fidèles en compagnie de Mâ dans un car sur la route entre
l'ashram de Dehra-Dun et Mérout où
d'autres fidèles nous attendaient pour une séance de kirtans. Après avoir été
plutôt introvertie pendant quelque temps,
Mâ s'est retrouvée en veine de nous raconter quelques souvenirs :
« J'étais dans une dharamshala à
Lucknow avec une dame appellée Virajmohini Dévi. Un certain monsieur avait sa
maison près de cette dharamshala. En voyant mon comportement, il s'est mis à
penser que j'avais certainement comme diplôme une maîtrise, ou au moins une
licence. Il ne
3
pouvait croire que je n'avais pas reçu d'instruction. Il a fini par y
croire quand il a été mis au courant de toute mon histoire. Et là encore,
combien il a pleuré quand j'ai quitté l'endroit ! »
Les souvenirs à propos de
Vajramohini Dévi sont ressortis durant la conversation. Mâ nous a
raconté : « Cette fois-là, quand je me déplaçais d'endroit en endroit avec
Virajmohini, nous n'avions pas de ressources. En beaucoup d'endroits, c'était
les gens eux-mêmes qui nous achetaient nos tickets. Une fois, le contrôleur
voulut voir nos billets. En apprenant que nous n'en avions pas, c'est lui-même
qui nous en a achetés. Nous n'avions pas d'argent. Nous mangions tout ce que
nous trouvions sur le chemin, en passant les nuits parfois
dans des dharamshalas (hôtelleries religieuses), parfois dans des gares.
Cette sorte de déplacement était totalement nouvelle pour Virajmohini. Elle
éprouvait une grande perplexité. Elle s'est mise à économiser toutes les sommes
que nous trouvions en excès de nos besoins, non pour elle mais pour moi seulement. Elle se souciait toujours
de ce qu'elle pourrait me donner à manger ou pour me vêtir. Elle avait ramassé
quelque part un panier et mettait tout ce qu'elle trouvait sur le chemin.
Ensuite, quand nous avons demandé à Karmal (un brahmachari qui est devenu
ensuite Virajânanda, le fondateur de la sangha de Mâ et pendant longtemps le
président du comité des sadhous.) de nous quitter, on lui a donné le panier
avec tout son contenu. De cette manière, l'habitude de Virajmohini d'économiser
quelque chose pour plus tard s’est atténuée progressivement, puisque par
ailleurs elle en est venue à s'apercevoir que en se déplaçant avec moi pendant
quelques temps, nous ne manquions de rien, nous obtenions tout en son temps.
Mâ s’est ensuite mise à parler de
brahmachari Prajñanananda. « Cela
aurait été une joie d'avoir Brahmachari Baba avec nous. Il était d'une nature
très simple. Baba disait souvent : ‘Je
vous ai examiné en détail, mais j'ai été incapable
4
de vous stopper.’ En entendant les différents états que ce corps avait
traversés, il disait aussi : ‘ D'après ces différents états que vous décrivez,
le corps n'aurait pas dû subsister’ ».
-- Moi-même : Mâ, j'avais demandé à Brahmachariji des informations sur ces
états. Il m'a dit que probablement vous aviez atteint un ou deux états dans une
vie précédente et qu’en cette vie, vous aviez réussi ceux qui restaient à
obtenir très rapidement.
-- Mâ (en riant) : Brahmachari Baba disait souvent : « Vous vous êtes
élevée grâce à une roue à eau ! » (Tout le monde s'est mis à rire).
Nous avons continué de cette façon
à bavarder et rire. Il était déjà tard dans la nuit. Il faisait sombre tout
autour. Le car avançait au milieu des champs. De façon irrégulière, il y avait
des bouffées d'air brûlant qui nous enveloppaient. La chaleur était si torride
qu'on avait l'impression que la respiration allait s'arrêter. Notre car
avançait assez rapidement, entre 50 et 60 km heure, des fois même 70 km heure.
Nous arrivâmes à Rorki. Nous avons fait le plein à la station d'essence, et
nous avions très soif. Pandeji alla demander à quelqu'un de l'eau fraîche que
nous avons bue. Après cette halte pour dix minutes ou un quart d'heure, nous
reprîmes la route.
A environ 10h 30, nous sommes
arrivés à Muzaffarnagar. Mérout venait après. Swâmi Paramânandaji et Népal Dada
discutaient en se demandant si les fidèles de Mérout étaient informés de notre
arrivée. On leur avait envoyé un télégramme avant notre départ. Mais il était
raisonnable de penser que le télégramme n'était pas arrivé à temps. Swamiji
essayait de toutes sortes de façons de demander à Mâ si le télégramme avait bien été reçu. En
écoutant ses propos, Mâ se contentait de rire et disait : « Quel est le
problème même s'il n'ont pas reçu le télégramme ? Nous allons dans notre propre
maison. Même s'il n'y a personne là-bas, nous nous installerons et nous
dormirons.
5
Ils seront étonnés de nous trouver là demain matin ». Une fois à
Shimla j'ai agi aussi de cette façon,
sans du tout prévenir. Ils avaient organisé un kirtan et nous avaient envoyé un
télégramme en nous demandant de venir. Nous y sommes donc partis. On avait
organisé les chants dans le Kalibari (le temple de Kali). Il était dirigé par Bhupen Babou. Beaucoup de
gens s'étaient rassemblés. Il me passa par l'esprit que si j'entrais dans
l'endroit où se déroulaient les chants sans me dissimuler, cela créerait un
grand remous et briserait le déroulement du kirtan. En ayant réfléchi à cela,
je pénétrai dans le temple vêtue comme une femme mariée et je pris les
escaliers en hâte vers le premier étage
sans aller vers le programme lui-même. On pouvait voir le déroulement
des chants aussi du balcon du second étage. On y trouvait même des chaises et les dames y
écoutaient le kirtan. Personne n’avait
pu me reconnaître pendant que je traversais le hall d’en bas. Beaucoup de
personnes avaient regardé mon visage, certains d'entre elles me connaissaient,
mais personne ne pouvait me reconnaître. En montant au balcon du premier étage,
j’y trouvai une image de Chaitanya Mahâprabhou
suspendue au mur, en dessous de laquelle il y avait une chaise vide. Je
m'y rendis et m'y suis assise. On devait se pencher un petit peu pour voir le
programme. Les dames qui étaient à côté n'ont même pas remarqué que j'étais
arrivée et que je m'étais assise sur une des chaises. Je me suis mise à
regarder le programme en posant une main sur l’épaule d'une dame qui était à
mes côtés. Elle a repoussé ma main, mais n'était toujours pas capable de me
reconnaître. »
Pendant ce temps, des doutes s'étaient
introduits dans l'esprit des messieurs qui étaient assis au rez-de-chaussée.
Ils se sont mis à se demander qui était cette dame qui était montée si
rapidement. Est-ce que ce n'était pas par exemple un bandit déguisé en femme
qui s’était introduit au sein du groupe des
6
dames ? En réfléchissant à tout cela, l'un d'eux est monté à l'étage. Sur
ces entrefaites, certaines personnes qui étaient assises dans le hall ont pu
aussi me reconnaître en regardant au-dessus. Ce qui s’est passé après, vous pouvez
le deviner !... »
Au milieu de la conversation,
Mâ s'est mise à discuter au sujet des spécificités des fidèles de Delhi et de
Mérout. Elle disait : « L'attitude des gens de Delhi est la suivante : si j’y
vais, ils rentrent en compétition les uns avec les autres pour me garder chez
eux la période de temps la plus longue. Il y a sans fin des invitations et des
demandes. En plus de cela, ils désirent rester auprès de moi en arrêtant
d'aller à leur bureau ». Ils disent : « Nous n'irons pas au bureau, même
si c’est au prix de dire des mensonges, et de toute façon nous ne vous
quitterons pas. » L'attitude des
personnes de Mérout est différente. Même si je leur dis que je m'en vais le
jour même, ils n'auront pas d'objection. Bien sûr, ils auront un sentiment de
souffrance en me donnant la permission de les quitter, mais néanmoins ils
n'essaieront pas de faire quoi que ce soit contre la volonté de ce corps. En
fait, ces deux attitudes sont bonnes. »
Pour deux visions de cette
manière, nous sommes arrivés à Beyrouth. De loin, nous avons pu voir que les
dévots, les fidèles, nous attendaient en étant deux pouces sur le bord de la
route. On a fait descendre Mâ du car, au milieu des cris joyeux de
« Jai »! Ils avaient organisé notre séjour à tous et préparé un Nâma
yagya (un sacrifice au Nom, c’est-à-dire 24 h de chant du mahâmantra en
tournant autour d’un pilier décoré des représentations de Krishna et de
Chaitanya Mahâprabhou) dans une école de filles. On nous a conduit au premier
étage de l'école. Beaucoup de dames et de messieurs se sont assis autour de Mâ.
Un des messieurs a chanté un chant de bienvenue d'une voix très mélodieuse. Les
chants et les Kirtans ont continué jusqu'à minuit. Ensuite, nous avons eu le
dîner et nous nous sommes étendus sur la terrasse en plein air au premier
étage.
7
On organisait aussi pour Mâ de quoi s'allonger en plein air sur un lit
spécial.
Extraits d’Ananda Varta de juillet 2007
(Mahâjyoti)
Dans le cadre du Séminaire « Lumière de l’Inde » où Jacques Vigne
est intervenu en tant qu’invité d’honneur, sur le thème de Mâ Anandamayî.
Preghiera Semplice :
Oh ! Signore, fa di me uno strumento della
tua Pace…
La célèbre ‘Prière de St.François’ résonne en ce
lieu mystique près d’Assise, là où se trouve le cœur spirituel de l’Italie,
dans la province d’Ombrie, proche de celle de Toscane, non loin de Florence,
Sienne, Spolète…Etrusques et Sabins y laissèrent leurs traces…
A environ 800m en
altitude, face à un panorama à perte de vue sur les collines verdoyantes, nous
arrivons avec Jacques Vigne au ‘Centre Ananda Assise’ à 15 kilomètres de
cette
8
ville magique, d’où les vibrations de spiritualité nous pénètrent à travers
le chant des oiseaux (descendants gazouillant de ceux de St.François sans
doute…)
Il existe actuellement
huit ‘Centres Ananda’ : six aux Etats-Unis, un en Inde à Delhi (dont la TV
diffuse les programmes tous les jours), et leur frère latin en Italie, le
second ashram de par son importance.
Véritables ‘Villes
Lumières’ sur trois continents, où environ 1000 personnes consacrent leur vie à
la recherche spirituelle. Ce sont des colonies de fraternité mondiales, nouveau
paradigme multi-ethnique et pluri-culturel, aux sentiments élevés d’intégration
sociale, de fraternité cosmopolite, qui permettent d’aller au-delà des
barrières idéologiques, religieuses et raciales. Associations aux activités de
caractère à but non lucratif. Des ‘Villes Lumières’ sont en train de se
développer également en Russie et en Espagne. Quelles sont les origines de ces
Tours de Babel ?
Ce sont Parahamsa
Yogananda et son disciple Swami Kriyananda.
Fondé en Californie en
1968 par Swami Kriyananda, disciple direct du grand maître indien Parahamsa
Yogananda (auteur du livre célèbre Autobiographie d’un Yogî)
‘Ananda’ est un mouvement de communautés spirituelles et groupes de méditation,
conférences, séminaires, qui s’en réfère à la tradition du Kriya Yoga, amené en
Occident par Kriyananda, enseignements universels qui unissent les traditions
du yoga et celles du christianisme.
La communauté d’Assise est
constituée d’environ une centaine de résidents (célibataires, couples et
familles avec enfants) provenant de dix pays différents. Elle héberge chaque
année jusqu’à 2000 personnes à la recherche de la vérité.
9
Jacques Vigne en Italie.
L’accueil pour Jacques Vigne est extrêmement
chaleureux, d’autant plus que ce dernier donne pour la première fois ses
conférences en italien. Jacques a beaucoup travaillé cette langue depuis
plusieurs années.
Nous répétons les accents
toniques en voiture, sur la belle route qui part de la Côte d’Azur pour
traverser la Riviera dei Fiori et atteindre cette région considérée comme le
berceau de l’Italie, équivalent chez nous aux Châteaux de la Loire.
Mâ Anandamayî est vénérée
au ‘Centre Ananda Assise’, où des chants dévotionnels lui sont régulièrement
consacrés en italien et en anglais.
Durant le stage sur le
thème « Lumière de l’Inde », Jacques Vigne a le plaisir d’évoquer Mâ,
la grande sage, et de raconter des anecdotes sur sa vie en Himalaya, ainsi que
sur son vieux Maître Vijayânanda (92 ans). On sourit dans l’assistance
lorsqu’on apprend qu’ils portent tous deux à peu près le même nom :
Jacques Vigne et Abraham Jacob (Jacques) Weintraub (qui signifie ‘grappe de
raisin’)… Vigyânânanda et Vijayânanda !
Les traductions
simultanées pour les participants étrangers vont bon train (et la mienne en
particulier…) ! Ca pétille comme du champagne et c’est chaud comme du
chianti, malgré les repas à l’eau, strictement végétariens, consommés sous une
tente dressée au milieu des massifs de roses, ou dans le ‘Refuge’, magnifique
demeure principale, achetée au prix de gros sacrifices par l’un des deux
couples italo-américains qui nous offrent une hospitalité remarquable dans sa
chaleur et sa simplicité.
Il s’agit de Shivani et de
son mari Arjuna, les premiers créateurs il y a 22 ans. Un autre couple Kirtani
et Anand, ainsi que Paolo (Narya) sont les garants du déroulement sans faille
10
de tout ce qui compose cette éclectique communauté. Kirtani fut la première
enseignante envoyée d’Amérique. Elle est maintenant la directrice spirituelle
du centre. Ils sont tous complémentaires et animent cette mosaïque de mains de
maître, chacun dans sa spécialité, car les activités sont multiples et la
gestion se fait ‘à l’américaine’.
Sous un ciel lumineux de
fin d’été, nous visitons d’abord : la ‘Coopérative Ananda Assise’ (Inner
Life) qui fabrique ou importe tous les produits pour le yoga, les vêtements,
soieries, coussins, objets, tableaux…dont une jolie boutique en est le fleuron.
Le tout géré par Oliver (ex-cuisinier végétarien) qui en assume la présidence.
Puis c’est au tour de
‘Ananda Edizioni’ qui publie des livres et musiques spirituelles, CD et DVD,
méditations guidées, livres de cuisine végétarienne, cours par correspondance
en anglais et italien, réflexions et pensées en de mini-brochures. Sous la houlette
d’Andrea et de l’Attachée à la Communication Nandini.
Dans cet ensoleillement
d’accueil, nous parvenons dans le silence troublé seulement par les oiseaux de
St. François, jusqu’au ‘Temple de Lumière’ dont la construction octogonale sera
reproduite dans les autres centres, comme à Seattle. Sa coupole transparente
est éclairée le soir, point de lumière pour élever la conscience de l’humanité.
Il est au centre d’une propriété de onze hectares, où intervient le défi
d’agrandir cette communauté en y construisant d’autres structures.
Bienvenus seront les
‘pionniers volontaires’ qui aideront par leurs donations, afin que tout cela
puisse surgir pour la Sangha Ananda.
Par exemple, le ‘Temple de
Lumière’ fut construit par 1000 personnes qui ont ‘uni leurs mains’ afin de
pallier au manque de fonds nécessaires à sa construction !
11
Fraternité…Fratellanza…Brotherhood…
La musique, avec le ‘Chœur d’Ananda Assise’, a
également son mot (ou sa note) à dire, car cette chorale parcourt l’Europe au
nom de la Joie et du Service.
Leur ‘troubadour Jayadev’
(acteur, chanteur, musicien et co-directeur de l’école européenne de ‘Ananda
Yoga’) fut mon ‘contact’ pour préparer la venue de Jacques Vigne. C’est Jayadev
qui a ‘chanté Mâ Anandamayî’ à la guitare durant la cérémonie du soir.
Chaque dimanche matin a
lieu une autre cérémonie spirituelle bilingue, où l’on vient de toute la
région. Elle est ponctuée par les lectures et les kirtans en faveur de l’Union
avec l’Infini et la Réalisation du Soi.
A chacun sa tâche :
Pour l’enseignement, une
journée typique dans ce centre commence à 7h par les pratiques et la méditation
– Puis à 9h30 : yoga en action consacré au Karma Yoga – A 11h : leçon
sur l’argument du jour (le mercredi étant habituellement consacré à un
pèlerinage d’une demi-journée à Assise) – A 16h30 : Ananda Yoga, sessions
guidées pour débutants ou pratiquants chevronnés – A 17h45 : pratiques
spirituelles et exercices pour se recharger avant de méditer – A 19h30 : dîner en SILENCE – Puis à 20h30 : les
activités peuvent varier, allant du concert donné par la chorale, à la pratique
des méthodes de Yogananda, aux chants dévotionnels ou mantras, à des cérémonies
ou célébrations, sans oublier les projections de films, de pèlerinages en Inde,
ou les récits sur la vie de Yogananda, sur St. François, sur Swami Kriyananda
et sa vie
12
aux Etats-Unis, où il fonda ‘l’Ananda World Brotherhood Village’ en 1968 et
où il vécut jusqu’en 1996.
De son vrai nom James
Donald Walters, Swamiji est né en Roumanie en 1926, de parents américains, et
fut élevé en Suisse, Angleterre et Amérique. Compositeur de quelques 400 thèmes
musicaux et auteur de renommée mondiale, ses 86 livres sont publiés en 28
langues dans 90 pays. De la méditation à la spiritualité, de l’Orient à
l’Occident, ample gamme de thèmes sur la philosophie et la pratique. Kriyananda
reste l’un des derniers disciples vivants du grand Maître indien Paramhansa
Yogananda. Il passa sept ans dans la communauté d’Assise avant de retourner en
Inde où il a choisi de vivre maintenant dans le ‘Centre Ananda’ proche de
Delhi, dont des émissions sont diffusées à la Télévision indienne tous les
jours. Il est revenu au Centre d’Assise lorsqu’on y a fêté les vingt années de
sa création.
En quelque sorte St.
François a rejoint le Mahâtma Gandhi. Le grand Yogananda n’avait-il pas prévu
« La voie du réveil de l’hindouisme » ?
Désormais le Centre
d’Assise multiplie ses activités :
-
Avec ‘Ananda
Spiritual Fitness’ des trekkings méditatifs sont organisés dans les collines et
montagnes de l’Ombrie.
-
Les
‘Pèlerinages en Inde’, au printemps et à l’automne, sont axés sur le sud (au
Kérala, avec ses temples, ses plages et ses massages ayurvédiques à l’huile
relaxante…) et sur le nord vers les monts sacrés de l’Himalaya.
-
‘L’Ananda
yoguique et végétarienne’ enseigne à travers ses livres (dont : ‘Cucinare
con Ananda’) à cuisiner de façon efficace et facile.
-
13
-
Le ‘Centre
Ananda’ forme des enseignants à la pratique de la méditation. Il intègre également la préparation au Kriya
Yoga et propose certains programmes pour familles.
-
Un ‘jumelage’
entre Rishikesh et la petite commune italienne de Valfabbrica en Ombrie, a
permis un rapprochement de plus en plus fraternel.
-
‘Ananda Yoga’
propose des ateliers intensifs, sur l’approche méditative du Hatha Yoga.
En deux mots : une oasis de PAIX et de
SILENCE…Centre spirituel, accueil familial, lieu de rencontre…dont l’âme a bien
besoin… et où les oiseaux de St. François vous accueillent…sous le scintillement
argenté des oliviers…[13]
Oh ! Signore, fa di me uno strumento
della tua Pace…
‘L’Orient
rencontre l’Occident, ensemble sur le sentier de St. François,
vers
une nouvelle civilisation de Paix’
« Dall’ IO al NOI : il percorso verso
l’UNO »
(Du JE au NOUS : le parcours vers l’UN)
14
Toujours en compagnie de Jacques Vigne durant nos deux semaines en Italie,
nous avons quitté le ‘Centre Ananda Assise’ pour nous rendre à ce grand congrès
international (à sa 10ème édition), conçu, imaginé et créé par
Gabriella Lavorgna, ex-attachée au Ministère de la Culture et fervente d’un
enseignement de l’Inde. Une maîtresse femme qui, envers et contre tous, a
également fondé le « Prix Mandir de la Paix » décerné chaque
année à des personnalités de la culture, science, art, communication…etc.
Reconnaissance en forme de colombe portant une croix en son cœur, oeuvre de
l’artiste Franco Gabriele.
Le Mandir de la Paix
(‘Mandir’ en sanskrit veut dire ‘Temple’) se compose d’un réseau international
de volontaires bénévoles, opérant pour la promotion de services culturels,
sociaux, humanitaires, ayant pour but le réveil des consciences vers une
éducation de paix. Il agit en collaboration avec l’Association Alveare et
l’Ass. Assise for Peace TV. La remise des prix a lieu au cours d’une cérémonie
pendant le congrès, qui se tient dans le château médiéval de
Torchiagina/Valfabbrica, proche d’Assise.
Ce ‘Prix Mandir de la
Paix’ fut, entre autres, attribué au Dr. Jacques Vigne, en hommage à son
engagement d’une vie en Inde au service de la paix.
A ses côtés, la marocaine
Rita EL Khayat (ethno-psychiatre, anthropologue et auteur), candidate au Prix
Nobel pour la Paix, connue pour sa lutte en faveur des droits et de
l’émancipation de la femme islamique dans le monde, le reçut également.
Après la ‘Ronde pour la
Paix’ en méditation collective, et les lectures de mantras et prières de toutes
les religions représentées, les illustres intervenants ont parlé et débattu sur
les thèmes des différentes Tables Rondes : ‘Homme-Nature-
15
Environnement’ (spiritualité et bien-être, éthique, écologie, économie,
droits de l’homme) puis ‘Science-Evolution de la Conscience’ (psychique et
spirituelle, voyage vers l’illumination) et enfin ‘Le Sentier Unique des
Religions comme Dialogue de Paix entre Foi et Culture’ (Orient et Occident
confondus).
Les intervenants furent
nombreux et de classe : biochimistes, médecins, physiciens, avocats,
auteurs, économistes, psychologues, naturopathes, psychiatres, chercheurs
spirituels, archéologues, théologiens, philosophes, anthropologues, physiciens
nucléaires, chirurgiens, et un kabbaliste ex-général israélien…fort
sympathique !
Le flambeau de la paix
allumé, tenu à tour de rôle par les représentants des différentes religions, a
rassemblé les suffrages et suscité les applaudissements répétés plus tard sous
la statue de St. François, offerte généreusement par Mme Gabriella Lavorgna, et
logée dans le sous-bois qui monte à ‘l’Ermitage des Prisons’ au-dessus
d’Assise.
L’art et la culture
étaient aussi représentés par des peintres, des danseurs, acteurs, un pianiste
virtuose, une soprano…et par le ‘Chœur du Centre Ananda Assise’, dans l’église
du petit bourg médiéval de Valfabbrica où l’on fêtait la fin de la course de
chevaux du ‘Palio’ local…Hommages au St. François de l’Amour Universel, en
musiques, poésies et danses…
Le Château de Torchiagina
a été entièrement rénové pour pouvoir abriter ce genre de congrès, par Fulvio
Fraternale, un homme simple qui a tout agencé modestement avec son cœur. Cette
demeure médiévale abrite une communauté de handicapés légers qui s’occupent des
services, tandis qu’une femme dévouée, Gianna Cobelli, recueille des fonds pour
les
16
‘Veuves de l’Inde’ qui perdent tous moyens de subsistance à la mort du
conjoint.
Tables rondes, séminaires,
projections…dialogue constructif entre deux mondes culturellement différents,
afin d’étendre au-delà de l’ego une nouvelle identité de Paix, en harmonie avec
le message de St. François ‘cum tuttae le creature’.
Une fois le château vidé
de ses participants, Gabriella Lavorgna et sa fidèle collaboratrice Rosalba,
nous gardent dans la bâtisse déserte…
Jacques Vigne a fait des progrès
de géant en italien, et non seulement il peut lire ses conférences en cette
belle langue, mais aussi en débattre avec le public et la presse.
Il dédie son prix à son
vieux Maître Vijayânanda (92 ans) lui aussi médecin français resté en Inde
depuis 53 ans afin de suivre l’enseignement de Mâ Anandamayî. Fils d’un rabbin
de Metz, Vijayânanda a lui aussi l’habitude de dire qu’il ne suit pas ‘une’
religion en particulier, mais qu’il va au-delà de ‘toutes’ les religions.
Rabbin, Imam, Père
Franciscain, Frère Dominicain, Lama bouddhiste tibétain, Sœur missionnaire…tous
furent réunis ENSEMBLE POUR LA PAIX.[14]
17
Ciao, ciao à Gabriella et à son petit chien ‘Buon Sai’ qui a tout vu, tout
regardé, tout entendu dans sa petite âme de chien participant au congrès…
Florence et l’Ayurvéda
L’Ayurveda è una scienza per coloro che
hanno uno spirito aperto
(L’Ayurvéda est une science pour ceux qui ont un
esprit ouvert…)
Sur sa lancée du ‘Centre Ananda Assise’ et du
grand congrès ‘Orient/Occident, ensemble pour la Paix’ Jacques Vigne n’a pas résisté à l’appel de la Toscane et de
Florence pour rejoindre, le temps d’une visite éclair, ‘l’Istituto Italiano
Ayurveda – Benessere Form’.
Fabio et Viviana, assistés de Claudia, l’ont
littéralement ‘envolé’ pour un séminaire de dernière minute, en italien, sur le
thème ‘Comment gérer les émotions et les traumatismes du passé par la
méditation’.
Représenté en Suisse, France (par Tapovan-Kiran
Vyas), en Allemagne ainsi qu’en Inde à Bangalore, Jamnagar et Cochin, cet
Institut est spécialisé dans les soins et la culture ayurvédique depuis 1992,
cours et formation à travers séminaires, rencontres, débats, sous la Présidence
de l’illustre Prof. Baghavan Dash, et dans le cadre unique de cette perle de la
Toscane qu’est la ville de Florence.
Diplômé de la Gujarat Ayurved University,
conseiller pour les médecines traditionnelles à l’Organisation Mondiale de la
Santé, OMS, et Membre du Ministère Indien de la Santé,
18
le Prof. Dash a joué un rôle fondamental dans la diffusion de la médecine
ayurvédique en Italie[15]
Conclusion : Souvenirs d’Italie…
Dans la voiture qui nous
ramène sous la conduite de Dominique, une fervente de l’Inde…le « Prix
Mandir de la Paix » sur les genoux…une farandole de personnages, de
thèmes, de flashes, me passent par la tête : Assise, les chants
dévotionnels de la Chorale d’Ananda dans les collines de l’Ombrie…La ‘Prière’
et les oiseaux de St. François…Le château médiéval de Torchiagina et son
congrès ‘Orient/Occident’…
Les intervenants italiens en prise de bec
‘physico-nucléaire’ avec celui qui aurait dû être un paisible médiateur et qui
(reflet de sa chemise rose vif sans doute) était devenu écarlate de
colère !
Un autre, essoufflé, en retard, qui avait enchaîné
son intervention sans trop se soucier du fait que son prédécesseur n’avait pas
terminé la sienne…
Le brouhaha des bavardages en fond sonore…typique
de l’Italie chaleureuse et insouciante !
Et les petites phrases du congrès :
Mario Arizzi (biologiste) : …où commence le licite et où finit
l’illicite ?...
Andrea Spadoni (biologiste-musicologue) : …soigner la ronchopathie des ronfleurs par
le Didgeridoo, l’instrument ancestral (40.000 ans) des aborigènes
australiens !...
19
Virmani Ashraf (neurologue) : …le lazer, les ondes radio et les émotions humaines
peuvent reprogrammer l’ADN….
Père Piacentini (franciscain) : …Moi et mon Père nous sommes UN…
Sara Muzzi (théologienne) : …La foi peut se tromper, la raison : non…..
Gaetano Mollo (philosophe) en référence à son défunt professeur, Antonio Musorrofiti :
…Sommes-nous le fruit du hasard ou imbroglio cosmique ?... La voie royale
est le rêve ! NDE : l’agonie est le début du dialogue…La MORT :
conscience absolue, illusion d’optique…si on comprenait cela on ne serait plus
esclave !...La CONSCIENCE survit au corps…
Jacques Vigne : …Le méditant, comme l’homme ordinaire, accepte le fait que le désir
c’est la vie ; mais l’homme ordinaire en conclut que l’absence de désir
c’est la mort, alors que le méditant pressent dans son expérience que c’est
plutôt l’immortalité…
Walter Pierpaoli (médecin) : …La mélatonine contenue dans la glande pinéale fait
reculer le vieillissement. Certains ont intérêt à ce que cela ne se sache
pas ! Si l’on transplante la glande pinéale d’un jeune rat dans le cerveau
d’un vieux rat, et inversement, ils deviendront
du même âge biologique au bout d’un an, le jeune ayant vieilli plus vite
et le vieux ayant rajeuni.…
Soeur Giovanna Negrotto (soeur chrétienne vivant en Inde et qui visite souvent Swami
Chidânanda de Rishikesh) : … Mentre i rami degli alberi si slanciano, le loro radici si abbracciano… (Tandis que les branches des arbres s’élancent,
leurs racines s’enlacent…)
20
Père Anthony Elenjimittam (dominicain, disciple de Gandhi, 92 ans), qui
nous a parlé en portant sur son habit blanc de dominicain une longue écharpe
orange évoquant l’état de sannyasi : … Sat Chit Ananda…Etre, Conscience,
Bonheur…
Prof. Arie’ Ben Nun (Rabbin, kabbaliste, ex-général des armées) :
…Qu’est-ce qu’un prêtre ? Sinon un Ministre des Affaires Etrangères de
Dieu !...
De quoi se rappeler encore… ?
De la minute de SILENCE en hommage au grand ténor
disparu, Luciano Pavarotti, qui avait parlé avec la musique et non avec
les armes…
Et que dire de plus… devant un prêtre, un
rabbin et un imam qui se tiennent par la main… ? Dall’ IO al NOI…Du JE au
NOUS…Que sans amour nous sommes fous !
Geneviève Koevoets
(Mahâjyoti)
Une manière peu ordinaire de venir à Mâ
par André Riehl
Enseignant
de yoga
Président
de l’Association pour le Yoga Traditionnel
J'ai retrouvé André au Congrès européen de
yoga à Zinal en
21
Suisse fin août. André
s'occupe de la fédération de yoga traditionnel, il a une longue association
avec Chandra Swâmi qui au début habitait lui aussi Hardwar. Nous avons dîné
dans un chalet en vue du Mont Cervin, et André m'a raconté la manière peu
banale dont il était venu à Mâ.
« Tout a commencé par un rêve, en 1978:
je voyais une dame qui me demandait de venir en Inde. J'avais l’image précise
d'une ruelle avec une vache, des bas-côtés montant à un mètre cinquante contre
les maisons. Au réveil, lorsque je racontai le rêve à ma compagne, mon ton
était si intense qu'elle crut que j'allais partir pour l'Inde le jour
même ! Je me raisonnai en me disant que ce n'était qu'un rêve…Cependant,
la nuit suivante l'appel se fit à nouveau entendre. Cette fois, j'essayais, à
l'intérieur du songe, d’expliquer à cette inconnue, que je n'avais pas d'argent
pour aller la voir ; elle me répondit alors qu’une personne allait se
présenter le jour suivant qui m’en donnerait. Ce jour là, effectivement, une
ancienne amie, Monique, sonna à ma porte. Tout à fait fortuitement au cours de
notre conversation, je lui fis part de mon envie de partir en Inde. Aussitôt,
elle se mit à parler de Mâ Anandamayî en
sortant de son sac le livre qu'elle était en train de lire. Quelle ne fut pas
ma surprise de voir qu'il s'agissait de la dame que j'avais vue dans mes
rêves ! Je me confiai alors à Monique qui me proposa immédiatement de financer ce voyage. Je partis l'été suivant,
et mon amie décida alors de m'accompagner. J'avais sans doute certaines réticences
car, quand nous sommes arrivés à Bénarès, je ne me suis pas directement rendu à
l'ashram de Mâ, mais installé 3 ou 4
jours dans un hôtel. C’est à la réception de cet hôtel qu’un coursier arriva
alors que je m’y trouvais. Le patron me dit simplement : « Tiens, c'est
quelqu'un qui arrive de l'ashram de Mâ et qui vient d’apporter un
message ». Ce message n'était pas pour moi, mais j'ai quand même compris
22
qu'il me fallait
aller à l'ashram, la coïncidence étant trop forte. Quand je suis arrivé dans la
ruelle de Badhaini, j'ai tout de suite reconnu l'image de mes rêves, dans tous
ses détails, y compris les escaliers descendant sur le Gange. Une pûjâ venait
de commencer dans le nouveau temple à gauche, où se tient à présent la statue
de Mâ. Soudain, une joie à perdre connaissance m’envahit, si bien que mon amie
dut me soutenir. Je me rendis ensuite à l'accueil de l'ancien ashram, disant
que je voulais voir Mâ, expliquant que j'avais eu des expériences où elle
apparaissait. On me répondit que beaucoup de personnes avaient des expériences
avec Mâ, et qu’on n'avait pas le temps de toutes les écouter ; d’ailleurs
Mâ était partie à Naimisharanya, un village de l'Uttar Pradesh près de Lucknow,
où les Pouranas sont censées avoir été écrites, et où Mâ avait fondé un ashram.
Le lendemain, nous avons donc pris le
train en troisième classe pour ce lieu de pèlerinage. Le wagon était plein à
craquer et nous avons passé la nuit pressés comme des sardines. Au petit matin,
à la gare, un Swâmi de Mâ s’est avancé vers nous pour nous demander si nous
savions où loger, car il n’y avait pas d’hôtel dans le village. Il nous a
indiqué une dharamsala où nous avons loué une chambre. Il nous apprit également
que Mâ donnait chaque jour son darshan à dix sept heures. Elle était malade et
recevait très peu, mais on pouvait la voir à cette heure-là. Donc, dans
l'après-midi, nous nous sommes rendus au darshan. Il y avait plusieurs
centaines de personnes qui attendaient. A l’heure dite, elle apparut sur la
terrasse, mais deux ou trois minutes plus tard, elle s’apprêtait déjà à faire
demi-tour ! Je venais de faire 10 000 km pour la rencontrer, et elle
allait disparaître sans que j'aie pu m'entretenir avec elle ! Dans un état second, je me mis à crier : «
Mâ, Mâ, je veux vous voir ! Elle se retourna un instant, puis repartit. Un
attroupement d'indiens forts mécontents s’était créé autour de moi, me
reprochant mon incorrection vis à vis de Mâ. Un
23
Swâmi me
demanda finalement : « qu'est-ce que
vous voulez au juste ? » Je répondis : « voir Mâ. », «
Bien, demain après le darshan, je vous ferai signe et vous me suivrez ». Comme
prévu, le lendemain il me fit signe et je le suivis jusqu'à la porte au bas du
bâtiment de Mâ. Mais elle était fermée de l'intérieur, et nous ne pouvions pas
entrer. Là encore, j'ai en quelque sorte perdu le contrôle et je me suis mis à
frapper violemment la porte avec l'épaule. Quand elle s’est ouverte, je me suis
précipité, et bousculant une personne, j'ai gravi les escaliers quatre à quatre
avec Monique qui me suivait comme elle pouvait. Mâ qui se tenait à l’étage,
s’inquiéta du vacarme. Les personnes présentes lui exposèrent ma situation et
elle me demanda de me présenter. Je lui expliquai que je venais de faire
10 000 km pour m'entretenir avec elle, et que je voulais son conseil. Elle
me dit alors: « Allez à la messe le dimanche ! » Je fus complètement
décontenancé par cette réponse totalement inattendue. Après avoir retrouvé mes
esprits, au bout de quelques temps, je réussis à lui dire que la pratique
chrétienne m’était fort éloignée, que j'étais davantage attiré vers le yoga.
Elle réfléchit un moment, et finalement me donna un exercice de yoga. Une fois
dans la rue, j'ai été envahi d'une joie indescriptible, et pendant toute la
nuit, j'ai eu des visions, en particulier, des expériences de lumière, ainsi
que des expériences émotionnelles très fortes. J'ai vécu des périodes d'extase
où je m'oubliais dans la méditation. Cette avalanche d'expériences a duré
ensuite durant six mois de façon très intense, puis encore pendant trois ans de
manière assez soutenue.
Le 27 août 1982, j'allais voir
Krishnamurti en Angleterre. Il était tard, je suis arrivé dans un camping en
région parisienne, j'ai planté ma tente, je n'avais rien dans le ventre, il
faisait déjà nuit, et soudain j'ai senti que Mâ pénétrait dans mon corps. C’est
seulement trois semaines plus tard que j'ai appris que ce
24
soir là, Mâ avait
quitté son corps.
Une autre fois, je me trouvais dans une
petite chambre à Aix en Provence. Je vivais seul, j'avais des hauts et des bas,
et un matin où j'étais plutôt déprimé, j'ai vu Mâ dans ma chambre. Il
s'agissait d'une vision extrêmement réaliste, je ne sais plus si ses paroles
étaient explicites mais le message était très clair : je ne devais plus rester
ici à ne rien faire, je devais sortir. Je suis donc descendu marcher dans les
rues, et suis entré dans une librairie. Là, j'ai pris le premier livre qui me
tombait sous la main, il s’agissait d’un ouvrage de paroles de Mâ, j’ai ouvert
une page au hasard, et celle-ci décrivait directement ma situation.
Des expériences se sont poursuivies jusqu'en
1986. A cette époque je suis retourné en Inde. En passant à Kankhal, où se
trouve le
samâdhi de Mâ, j'ai rencontré Swâmi Ashishanananda. Alors que je lui
contais ce qui m’arrivait parfois, il s’écria : « Mais ce n'est pas
extraordinaire, un certain nombre d’entre nous voit Mâ tous les matins dans le
jardin ! » J’ai aussitôt pensé: « Ils ont bien de la chance ! »
Peu à peu ce contact assez mouvementé que
j'avais eu avec Mâ pendant des années, a cessé ».
André
Riehl
25
(Lettre à Mahâjyoti, par Marie-Claude Vincent)
Hari Om…chère Mahâjyoti,
Plutôt qu’un long récit…voici juste un extrait de carnet de voyage. Il concerne
les retrouvailles avec les lieux de Mâ à Kankhal et à Bénarès. Bien sûr, ce
n’est pas un hasard.
Et puis, il y a cette réserve, pudeur naturelle, accentuée par l’étape
actuelle de forte intériorisation de la sadhana et encore encouragée par l’un
des ‘satsangs’ du merveilleux Vijayânanda : « Tournez-vous vers
l’intérieur, conservez votre énergie, cet exercice essentiel est un exercice de
grand style… ».
Retrouver l’enseignement de Mâ.
Tremblement intérieur, vacillement de l’identité, aspiration vers le centre
de la terre vers un silence infini, un aimant de paix absorbe toute
agitation…laissant s’élever vers l’espace un élan de tout l’être, dissolvant
les limites.
Les cinq sens deviennent des milliards d’atomes et se faufilent parmi les
étoiles…
Larmes vers Mâ
Larmes soudaines, irrépressibles,
Près de tes sandales, de tes regards, de tes maisons…
Larmes sans tristesse ni joie
La pluie de l’âme libère les voiles de l’illusion
Larmes de l’enfant non-né
Larmes hors du jeu
Larmes dans la nudité essentielle
26
Perles de rosée du cœur à genoux
Du front contre le sol
Frémissement de la source
A l’approche de ta Gloire
Murmure de l’être
A l’approche de ton Nom
Larmes de Toi
pour guider l’abandon
Larmes de feu
pour connaître l’Union…
Mots malhabiles jetés en désordre, laissés tels quels !
Mais peut-on domestiquer les larmes ?!
Chère Mahâjyoti, puissiez-vous être remerciée et bénie mille fois d’avoir
organisé avec autant de dévouement, détachement, joie et efficacité ce voyage
vers nous-mêmes !
Gratitude, amitié, JAY MA
Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais
j’ai vu un sage
Par Maria Luigina Funaro
Mon voyage en Inde ! Finalement j’aurai la chance de voir une fleur de
lotus ! Dans les années passées, j’avais dû annuler deux fois mon voyage
pour un motif ou un autre. Cette fois c’était la bonne. J’allais rencontrer un
sage, voir des lieux spirituels,
27
prendre connaissance de l’Inde, de ses habitants, et voir les fleurs, les
fleurs de lotus.
Pourquoi l’Inde ? Pour la spiritualité ! Je voulais comprendre,
pour me comprendre. J’avais des tonnes et des tonnes d’interrogations. J’avais
lu, mais après la lecture, j’avais envie d’aller voir, sentir et connaître.
Comment et pourquoi on choisit de devenir ermite, de suivre une voie
spirituelle ? Qui sont toutes ces personnes qui se sont laissées emporter
dans le flux de la spiritualité ? Ont-elles vraiment réussi à vivre d’une
manière plus sereine ?
Cela ne m’intéressait pas de savoir, on a plus d’une vie, le karma, etc. La
mort ne m’a jamais fait peur. Ce qui m’intéresse, c’est être bien ici et
maintenant, accepter le flux de la vie
avec ses joies et ses peines, agir au lieu de ré-agir aux inévitables coups bas
ou durs de la vie.
Les sites de Mâ Anandamayî, de Jacques Vigne ainsi que ses livres, les ‘Jay
Mâ’ et d’autres lectures m’avaient soutenue dans ma quête. Je trouvais qu’il
fallait être VIP, une Very Important Person, mais avec la signification que je
lui donne en italien : V-volontà (volonté), I-impegno (travail, mais après
avoir entendu Swamiji, je pourrais le traduire par Intensité) et
P-pazienza (patience). Et c’est dur, c’est ardu l’équilibre intérieur ! En
allant en Inde, je pensais : « Peut-être ont-ils trouvé une manière
plus facile. »
Mais non, et c’est le Sage qui me l’a
fait comprendre, pas de recette miracle.
Swamiji a dit : « Cela demande de l’intensité »…Je le
regardais, je le regardais et j’écoutais. Il avait dû en voir des personnes, il
avait répondu aux mêmes et interminables questions, il avait dû travailler sur
lui-même, sur sa vie. C’était vraiment LE SAGE, il avait la sagesse intérieure,
il souriait des yeux, il était content. Nous étions assis, on le regardait et
j’avais envie de lui poser les mêmes et interminables questions,
28
dont je connaissais déjà en partie les réponses pour avoir lu ‘Un Français
dans l’Himalaya’ et d’autres écrits sur le site de Mâ Anandamayî et dans les
‘Jay Mâ’. Mais j’avais envie d’entendre sa voix, son ton de voix, doux, ponctué
de « Hein…hein… ». Il avait une patience infinie, je n’ai jamais
senti qu’il pouvait être agacé ou perturbé, je sentais qu’il était
heureux !
Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais j’ai vu UN sage, Swamiji Vijayânanda.
Maria Luigina Funaro
Il faut de la FORCE pour
affirmer son opinion
Il faut du COURAGE pour
l’assumer jusqu’au bout.
Il faut de la force pour
prendre une décision
Il faut parfois du
courage pour en assumer les conséquences.
Il faut de la force pour
avancer
Il faut du courage pour
accepter de s’être trompé.
Il faut de la force pour
choisir
Il faut du courage pour
renoncer.
Il faut de la force pour
accepter les épreuves
Il faut du courage pour
en rire.
Il faut de la force pour
dénoncer
Il faut du courage pour
se taire.
Il faut de la force pour
gagner sa vie
Il faut du courage pour
affronter la misère.
Il faut de la force pour
dire non
Il faut du courage pour
être capable d’affirmer son opinion sans violence.
Il faut de la force pour
affronter les autres
Il faut du courage pour
s’affronter soi-même.
Il faut de la force pour
réussir
Il faut du courage pour
se surpasser.
Il faut de la force pour
endurer l’injustice
Il faut du courage pour
l’arrêter.
Il faut de la force pour
aimer
Il faut du courage pour
s’en aller.
Il faut de la force pour
vivre
Il faut du courage pour
survivre.
Texte
anonyme
(Ce superbe diaporama (1415 Ko) fleuri et musical,
est signé :
Jacky Questel - Novembre 2005
Photos Erick Dronnet
Musique Rieu ‘Fleurs du Printemps’)
Il est à disposition chez Mahâjyoti
koevoetsg@wanadoo.fr qui en a
relevé le texte.
30
-- Vigyânânanda (Jacques Vigne) s'excuse pour le retard de ce numéro, causé
en particulier par sa tournée en Italie
dont il est question dans les pages précédentes.
-- Swâmi
Nirgunananda a effectué comme chaque année une tournée en Occident, il a passé
une petite semaine à Terre du Ciel où il a continué son commentaire des Narada
Bhakti Sutras entamé les années précédentes, une journée à Genève au Centre
Ramakrishna où il a été traduit par Jacques Vigne qui passait par là. Ils ont
été accueillis par Jamshid Anvar qui avait organisé comme chaque année la
réunion. Jamshid est un visiteur régulier de l'ermitage de Dhaulchina. Swamiji
a ensuite animé une retraite d'une semaine en Belgique, organisée par Paul
Neeffs.
Renouvellement des abonnements
Nous avons déjà procédé au
renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se
réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois, ils peuvent le faire pour 6 numéros jusqu'en
mars 2009, en envoyant un chèque de 12 € à l'ordre de Jacques Vigne à :
Nadine et José
SANCHEZ-GONZALEZ
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine
Tel : 0490121983 –
Email : nagajo3@yahoo.fr
31
Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel.
Envoyer 6 € pour 6 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée
ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une
fois le paiement avéré – koevoetsg@wanadoo.fr - C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer
par email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de
numéros qui n’arrivent pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à la
hauteur.
Paroles de Mâ p.1
Satsangs avec Mâ : par A.K.
Datta Gupta p.2
Un voyage récent en
Italie où il a été question
de Mâ : par Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) p.7
Une manière peu ordinaire de venir à Mâ :
par André
Riehl p.20
Larmes vers Mâ (lettre à Mahâjyoti)
par
Marie-Claude Vincent p.25
Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais j’ai vu
un sage : par Maria Luigina Funaro p.26
Force ou courage : texte anonyme p.28
Nouvelles p.30
Renouvellement des
abonnements p.30
Table des matières p.31
Jay Ma N° 87
- Hiver 2007-2008
1
Sentez Dieu au-dessus
de votre tête, et faites d’un cœur
joyeux vos tâches quotidiennes, ces tâches qui arrivent en une suite
ininterrompue. Tout ce que vous voyez en ce monde est le produit de la volonté.
Par la patience et la stabilité, donnez davantage de vitalité à vos bons
loisirs…Il faut du temps pour édifier une habitude utile. Ne perdez pas courage
si vos premières tentatives aboutissent à des échecs. Restez ferme et ayiez le
courage de continuer sur le bon chemin. Si vous ramenez vos pensées vers Dieu
un peu chaque jour, cela éveillera en vous un désir intense de Lui.
Soyez simples et droits, exercez-vous à
la pureté dans vos pensées et vos actes, et vous aurez bien posé les
premières bases d’une vie spirituelle.
Si vous ne vous écartez pas de la bouculade et de la confusion de la vie,
vous ne pourrez pas réaliser Dieu. Pour ceux qui désirent le réaliser, les
Himalyas sont un lieu de prédilection; la nature y est dans toute sa magnifique
splendeur et sa paix sublime. Dans un tel milieu, il est facile de contempler
l’Infni et de s’examiner soi-même. Pour ceux qui font reposer leur sâdhanâ sur
la culture de la bhakti, ou de quelque autre noble sentiment, c’est le
bord de la mer qui est préférable. Là en
effet on peut voir les vagues se succéder comme les émotions. Elles vous
frappent au cœur et vous conduient vers celui qui est au-delà de toutes les
impulsions émotives. Pour ceux qui commencent leur sâdhanâ, il est utile de
trouver un joli coin dans un beau paysage. Pour celui qui vit en famille, un
endroit consacré dans une pièce de la maison a beaucoup d’avantages.
2
Mais pour un être évolué, dont le cœur déborde d’amour pour Dieu, qui Lui a
tout donné et qui Le découvre partout,
tous les endroits sont également bons. Maîtrisez vos pensées vagabondes,
essayez de vous élever au-dessus des fluctuations de la vie, et vous verrez
disparaître toute votre anxiété au sujet du lieu propice à la sâdhanâ.
(Extraits de Aux sources de la joie)
Par Bithika Mukherjee
L’enseignement de Mâ sur les religions
Shrî Mâ demeurait
silencieuse. Je m’étais rendue jusqu’au Kalkaji Ashram de Delhi pour obtenir sa
permission d’aller enseigner à l’étranger. Elle était à demi-inclinée sur son chowki. Elle me regarda quelques
instants et me posa ensuite plusieurs questions concernant cette assignation.
Elle parla d’une voix douce qui m’était à peine audible. J’en ai des frissons
en écrivant, et en me souvenant de cette incomparable indulgence à propos de la
complaisance envers moi-même sous-entendue dans ma requête. A ce moment-là, je
n’appréciai même pas le fait qu’elle avait interrompu son silence pour me
parler longuement. Je m’empressai de répondre à ses questions, en lui
expliquant tout sur ce discours des chrétiens par rapport à celui des autres
religions, et en lui parlant de mon déplacement au Château de Bossey. Je ne fus
pas surprise de voir qu’elle comprit instantanément le contexte en général et
tous ses problèmes en particulier. Elle parla de la situation et de
3
comment elle se développerait pour moi ultérieurement. Je pris des notes en
hâte dans un calepin. L’endroit où nous étions était peu éclairé et j’écrivis
sans trop bien voir ce que je faisais, car en même temps, je regardais le
visage de Mâ et les gestes délicats de ses mains magnifiques, qui soulignaient
toujours son discours de façon expressive.
J’exposai à Shrî Mâ ma
propre compréhension du christianisme disant que j’aurai à entamer le dialogue
avec ses porte-parole. Je lui demandai : « Mâ, comment peut-on expliquer la personnification de l’Etre
Suprême en tant que Dieu ? »
Shrî Mâ : Quoi que
l’on puisse dire, Personnel, Impersonnel – Le Seigneur est Lui-même tel
qu’Il est. Il est la réalité absolue, omniprésente dans l’univers, autant que
demeurant au plus profond de l’être (antaryâmin).
Il est au-delà de toute compréhension, et en même temps, Il est le Soi
intérieur en chacun, n’est-ce pas ? Lui seul est (qu’on le considère comme
inconnu, ou à connaître) Celui qui est sans nom, sans forme. Cependant, tous
les Noms sont Siens, Il est présent partout et universellement manifesté. Où
n’est-il pas ? Quand on touche la main de quelqu’un, il dit : « Ceci
est moi ». Même ses vêtements indiquent sa présence. Toutes les religions
reconnaissent Sa présence, elles prennent leur source en lui. Comment saisir
cette immensité ? Prenons l’exemple d’une personne seule dans le
tourbillon des relations (irradiant de lui) : il est le père, le fils, le
mari, le frère, etc. Il en est ainsi dans toutes les religions. Ce sont toutes
des relations intimes et chacune est unique en elle-même.
Question : Les
chrétiens croient que le Christ est une Incarnation, la seule Incarnation envoyée pour sauver
l’humanité. Il est le seul médiateur entre Dieu et l’homme.
4
Shrî Mâ : D’accord,
il est certainement juste pour les chrétiens de croire cela, pourquoi
pas ? La foi perd de sa vigueur spirituelle si elle est universalisée. Ce
n’est pas nécessaire d’en arriver là. La miséricorde illimitée de Dieu est
répandue partout, Lui seul sait ce qui est bon pour chacun de nous. Si chaque
individu regarde son propre voyage spirituel, alors il peut apporter l’aide la
meilleure à ses compagnons de route. Chaque communication de la Vérité est un
évènement unique. Aucun de ces évènements ne peut être comparé à un autre. En
célébrant cette Vérité, les communautés religieuses (sampradaya) se forment ou prennent tournure. Les communautés
également sont nécessaires. Elles fournissent la cohésion, l’unité générale des
objectifs à atteindre, et elles donnent du courage à ceux qui ont un moral
faiblissant. C’est une bonne idée que d’appartenir à une communauté et de
marcher sous sa conduite pour obtenir l’illumination. Il n’est pas nécessaire
de se méfier de la foi de nos amis chercheurs de Vérité.
Question :
Les chrétiens restent attachés très fortement à l’unique évènement historique
de l’Incarnation du Christ. Ils sont engagés dans leur mission.
Shrî Mâ : Pourquoi
devrions-nous poser des limites à l’infini, ou des restrictions de temps à ce
qui est intemporel, c'est-à-dire l’éternel ? L’infini a des moyens infinis
pour se révéler lui-même. Personne n’a le droit de dire ‘c’est seulement ainsi
et pas autrement’. Bien que, à proprement parler, un tel credo est aussi
admissible, car chaque optique est concevable. Après tout, quelle est l’étendue
de ce que l’on peut rejeter - à l’intérieur de l’ensemble de la Vérité ?
Réclamer l’exclusivité est une façon de renforcer sa propre foi et sa dévotion,
mais dénigrer la loyauté des autres est déplacé, injustifié. Le
5
véritable pèlerin devrait apprécier les efforts de ses amis grands
voyageurs.
Question : Si quelqu’un croit
en une seule et unique Incarnation, comment peut-il comprendre la vérité des
autres manifestations ?
Shrî Mâ :
L’Incarnation est vraiment seule et unique, c’est une descente, une venue, une
approche, un avènement, chacun étant unique à sa façon. Comme je l’ai dit, il
n’y a rien ni personne à part Dieu. Le vrai nœud de la question est qu’il faut
aller de l’avant ! Pour avancer dans une direction, il est exigé un effort
suprême, constant, déterminé, sans faille. Se détourner de ce but par
comparaisons et contrastes équivaut à ralentir, à moins que certains ne soient
habitués à un renforcement de leurs objectifs dans un esprit d’unité, de
communion. L’Un englobe tous les chemins menant à la réalisation de cette
vérité.
Question : Mâ, on ne peut pas
croire en l’Un, en l’Unique seulement. Une créature, un être, sont séparés de
Dieu pour toujours.
Shrî Mâ : Oui, bien
sûr. Comme Dieu ne peut pas être saisi par l’esprit, Il est séparé pour
toujours. Etre humain veut dire habiter dans le monde des images mentales. Le
mental limite la compréhension. Dieu est séparé de l’être parce qu’il demeure
au-delà des idéalisations du mental. Ce qui est suprême est, par conséquent,
au-delà encore. Aussi, il est juste de dire ‘Dieu et sa créature’. La compréhension de la séparation est
elle-même la ligne de partage [italiques ajoutées par Bithikâ]. Il est
votre soi le plus profond, votre témoin le plus intérieur, votre vous le plus
intime.
Question :
Est-ce qu’un médiateur est nécessaire pour connaître Dieu ?
6
Shrî Mâ : Oui, mais
Dieu lui-même se révèle comme le Gourou (Médiateur). Le Gourou est Dieu
lui-même. Lui seul connaît les exigences du vrai disciple. Pour invoquer la
présence du Gourou on doit devenir un vrai disciple.
Question :
Est-ce que tous les chemins ont la même valeur ?
Shrî Mâ : Oui, pour
autant qu’un chemin soit suivi de façon concentrée, sincère et persévérante.
Cependant, il existe des chemins et sentiers qui se révèlent être des
déviations. Quelqu’un naît avec certaines prédilections (samskaras) qui façonnent les attitudes. La façon de vivre est un
amalgame d’actions, de croyances et de connaissances (karma, bhakti, jñâna). La façon dont on organise sa vie
déterminera le chemin à suivre. Dans la sphère de la recherche de Dieu, l’aide
fixe de façon inévitable, même si quelqu’un est ignorant et ne distingue pas
clairement la voie juste, notre chemin est réorienté dans la bonne direction
par le Gourou qui apparaît immanquablement de façon à apporter de l’aide et à
montrer la route. Ce sont les propres efforts de chacun et la sincérité qui
doivent être évalués, pas les faits.
Question :
Comment peut-on savoir si on n’est pas en train d’errer sans but ?
Shrî Mâ : Quiconque
est sur le chemin en quête de Cela est touché par la paix de la vérité. Dans ce
domaine où celui qui cherche trouve, il n’y a aucune possibilité pour qu’un
véritable effort soit fait en vain, ou qu’un manque de sincérité produise des
résultats. L’effort est requis parce que l’homme utilise sa volonté pour
atteindre des buts matériels. Ainsi la volonté peut également devenir comme des
courroies qui conduisent l’homme au-delà de ses limites.
7
En réalité, seule la miséricorde de Dieu prévaut. Quand on fait un pas vers
lui, Il en fait dix vers nous. En fait, Il est constamment avec nous. La
recherche en elle-même devient, par conséquent, la conclusion.
Dans tout mon dialogue
avec les autres religions, ce sont ces mots de Shrî Mâ qui me servirent de
planche de salut. Au fur et à mesure de mes études et de mes recherches dans
les années qui suivirent, ils prirent une signification toujours plus grande
pour moi. En juxtaposition avec les courants de la pensée occidentale, j’appris
à reconnaître la richesse et l’importance de l’héritage oriental. Ceci me
permit de tenir d’éloquentes conversations avec le Professeur George B. Grant,
philosophe bien connu au Canada à cette époque. Soit dit en passant, je peux
dire que, bien que Shrî Mâ ne m’eut pas donné le ‘feu vert’ pour m’en aller,
elle dut avoir un kheyâla à ce
propos, car je reçus pas mal d’invitations pour me rendre à des conférences dans
les années qui suivirent, jusqu’à ce qu’un jour, je fus obligée d’en décliner
deux ou trois qui ne me convenaient guère. Il n’en est pas moins vrai que mon
souhait d’aller à l’étranger, exprimé en présence de Mâ, me submergea
d’opportunités pour mon propre épanouissement. (p.292 à 295)
Au Château de Bossey
Après mon vol
Bombay-Londres, mon installation eut lieu au Crosby Hall (Chelsea), un vaste
foyer pour universitaires du monde entier. Mon séjour en Angleterre fut
plaisant, la circulation automobile n’y était pas encore gênée par les
embouteillages comme maintenant.
8
C’est en octobre 1972 que
je me transférai en Suisse, au Château de Bossey, peu distant de Genève, dans
un environnement splendide aux couleurs
de l’automne. Cela me prit bien deux bonnes semaines pour m’acclimater à
l’atmosphère de la maison, car la session 1972-73 consistait en à peu près une
cinquantaine d’étudiants du monde entier provenant de 26 pays, représentant un
vaste panorama de l’héritage culturel et religieux. Certains étaient adultes et
déjà prêtres, ou sur le point d’être ordonnés, mais cependant singulièrement
ignorants quant aux autres religions, et n’ayant retenu de l’hindouisme que le
fait qu’on y adorait les vaches comme des créatures sacrées, et que le système
des castes y était redoutable. Malgré les discours, conférences avec
traductions simultanées brillantes, séminaires, discussions, la comparaison des
religions du monde n’amenait guère à un véritable rapprochement. La Graduate
School de Bossey n’était pas un groupe d’harmonieux fidèles. Néanmoins
j’étais très appréciée par mes élèves et les invitations en week-end furent
enrichissantes : Montreux, le Château de Chillon, Zermatt, le Mont Blanc
(à peine entrevu dans les nuages), la musique occidentale, la neige…
La nuit de Noël fut
célébrée à Bossey avec un service œcuménique élaboré. Je me rendis à la Messe
de Minuit. Je m’étais déjà familiarisée avec ce rituel et j’étais contente d’y
assister, avec probablement plus de dévotion que bien des chrétiens.
Un ami, Nicholas, m’invita
en Angleterre dans le Yorkshire, après Noël. Ses parents étaient charmants et
je fus accueillie comme ‘l’enseignante indienne de Nick’.
Je garde de bien nombreux
souvenirs de ces jours passés dans cette jolie contrée. Un jour, nous fûmes
tous peinés de savoir que l’une des secrétaires venait d’apprendre la mort
9
subite de sa mère en Amérique. Je me rendis dans son bureau et la trouvai
assise à sa machine à écrire, parfaitement hébétée devant une page blanche.
Lorsque je m’approchai, elle se retourna soudain, m’entoura de ses bras et
fondit en larmes. C’était une jeune américaine volontaire, tout à fait capable
de se prendre en charge, c’est pourquoi je fus très touchée autant que surprise
de sa réaction. Je lui dis tous les mots appropriés dont je pus me souvenir et
que Shrî Mâ disait à l’occasion de ce genre de deuils.
Je dis : « Nous
prierons ensemble ». Elle me regarda de façon confuse et me confia :
« Je ne sais pas comment on prie ». Je restai avec elle jusqu’à
l’heure où elle eut à prendre l’avion pour se rendre en Amérique. C’était une
gentille fille mais insensible à la qualité de la dévotion. Il y en avait
beaucoup comme elle, mais ce genre de modernité ne m’était pas antipathique. Si
les gens d’aujourd’hui pouvaient être heureux et auto-suffisants, qu’ils le
soient. Dieu est trop précieux pour venir sur commande dans la vie de chacun
En route pour le Canada
Le moment vint où il
fallut quitter le Château de Bossey. Echanges d’adresses. Promesses de se
revoir.
Ce fut le tour des Universités de
Leiden et d’Amsterdam, où l’assistance n’était pas très intéressée par le
langage de la philosophie hindoue, à part pour ce qui concernait le hatha-yoga
et la méditation transcendantale. C’était un peu comme si j’avais été prête à servir
des plats succulents, alors que les clients ne demandaient rien de plus que des
patates bouillies. L’unité religion-philosophie n’était pas encore prise en
compte à ce moment là.
10
L’obtention de mon visa
pour le Canada était dépendante mon état de santé, à cause de mes anciens
problèmes de tuberculose, et pour l’obtenir, je fus obligée de me soumettre à
un examen médical complet. L’ironie du sort voulut que, bien que ne souffrant
de rien ni d’aucune réminiscence de cette maladie, on me détecta néanmoins un
nodule cancéreux.
Mon opération et le suivi
médical furent vécus par moi de façon extrêmement sereine et pleine d’espoir,
grâce aussi à l’entourage de mes nouveaux amis du Canada. Une infirmière fut
affectée à mon service de façon permanente. Après deux jours, je me risquai à
la questionner : « Pourquoi me demandez-vous si souvent si je sais ce
qu’il m’est arrivé ? » Elle me
répondit : « C’est que… on ne voit pas souvent des patientes comme
vous. Vous êtes si calme et réservée que les médecins et nous-mêmes, nous nous
demandons si vous réalisez les conséquences de votre opération. »
Je ne sais vraiment pas ce
à quoi ils s’attendaient de moi. Il s’agissait d’une expérience tout à fait
personnelle, que je n’aurais voulu partager avec personne. D’autre part, je ne
me sentais pas du tout bouleversée. Qu’en savaient-ils de la quiétude
intérieure qui enveloppe quelqu’un grâce au souvenir constant de son ishta
mantra et à la présence permanente de la personnification de ce mantra
[sous forme du Gourou]. D’une certaine façon, ce fut amusant de voir à quel
point l’assistante sociale qui me fut envoyée un jour pour bavarder avec moi,
demeura perplexe. Je crois que les médecins m’envoyèrent aussi un psychiatre,
mais je fis mon possible pour convaincre tout le monde que je me sentais bien
et que j’étais très reconnaissante de leur prévenance. (p.318)
11
Le retour en Inde
L’été venu, je décidai
de rentrer à la maison. Bindou,
Shyamoli, ma mère et ma sœur m’attendaient à Bombay pour m’emmener aussitôt en voiture
à Pune, au darshan de Shrî Mâ.
Chacun fut très heureux de
me voir et de me poser un tas de questions sur mes voyages, mais je leur dit
rien sur mon état de santé. A la fin de la journée les visiteurs de l’ashram
s’en allèrent et seuls les occupants demeurèrent. Je demandai une entrevue
privée à Mâ. Didi et les autres jeunes filles rentrèrent dans leurs chambres.
Shrî Mâ était étendue sur son chowki dans la véranda. Je m’assis par
terre auprès d’elle et je lui dis : « Mâ, j’ai de mauvaises nouvelles
à vous donner. » Après quoi, je la mis au courant de ce diagnostic
inattendu de cancer et de l’opération que j’avais dû subir. Shrî Mâ s’assit sur
son chowki et me posa certaines questions très pertinentes. Comme à son habitude, elle évalua la
gravité de la situation, et la durée du traitement post-opératoire qui était
parti pour traîner au moins trois ans. Je lui expliquai : « Mâ, je
n’arrive pas à me décider à parler à ma mère de toute cette catastrophe. Comme
vous le savez, elle m’a soignée pendant ma terrible maladie précédente, ma
tuberculose, et cela si courageusement et avec tant de compétence. Comment
puis-je lui dire que, tout compte fait, je souffre d’une maladie encore
pire ? Je vous en prie, parlez-lui en à ma place. »
Shrî Mâ accepta, m’enlevant
de ce fait un fardeau de sur les épaules. J’allai me coucher cette nuit là plus
légère et tranquille. L’après-midi suivant, il arriva que toute ma famille vint
s’asseoir dans la chambre de Mâ. Il n’y avait pas d’étrangers, mais seulement
quelques résidents de l’ashram. Shrî Mâ parla à ma mère sur un ton vif :
« Venez ici, mère,
12
avez-vous déjeuné ? » Ma mère acquiesça. Shrî Mâ ajouta :
« Vous parlerai-je du courage de votre fille et de sa force morale ?
Il y en a très peu comme elle. Vous pouvez en être fière. » Shrî Mâ
continua sur ce ton, survolant l’argument d’une façon ou d’une autre, avec un
tel doigté, que ma mère fut complètement détournée du thème principal. Je jetai
un coup d’œil vers Bindou, son visage était rouge et je compris qu’il avait
capté le message. Shyamoli et ma sœur avaient fondu en larmes, mais ma mère,
grâce à la compassion sans limite, à la grâce enveloppante de Mâ, échappa au
choc de réaliser la situation brutalement, et au contrecoup du traumatisme. Ma
mère était loin d’être stupide, elle était tout à fait capable d’estimer les
répercussions de mon opération. Les paroles de Shrî Mâ avaient tout juste fait
partir la peur et l’angoisse inhérente à cette situation. Cela se passa devant
mes yeux et je sus que ma prière avait été entendue. Ma mère continua à écouter
Mâ. Elle avait même une lueur de satisfaction sur son visage. Shrî Mâ s’en
référa à un récent cas d’opération du cancer dans l’ashram. Le patient était
une personne éminente, un érudit, mais il avait été si effrayé qu’il avait
demandé à Mâ de venir à Bombay avec lui et de rester en ville pendant le temps
de son hospitalisation. Shrî Mâ dit alors en me désignant :
« Regardez cette jeune femme, toute seule en pays étranger. »
etc.…etc.…Je me sentis embarrassée devant cette pluie de louanges imméritées
dont elle me couvrait. Imméritées parce que je n’avais jamais eu peur, et
inappropriées à la situation que j’avais affrontée.
Tout fut bien qui finit
bien. Gurupriya Didi aussi exprima de l’inquiétude, les yeux pleins de larmes,
mais au moins je me sentais relaxée et heureuse. Shrî Mâ me demanda si elle
pouvait parler aux autres de ma maladie et de mon
13
opération si on le lui réclamait. Je répondis : « Oui, maintenant
que ma famille le sait, je n’ai pas d’objection à ce que d’autres personnes en
soient informées. » J’avais remarqué qu’au Canada les gens étaient
effrayés d’appeler cette maladie par son nom. En général ils préféraient
camoufler la chose en utilisant des termes techniques, mais je ne voyais aucune
raison d’adopter ces mesures. Je suis sûre que toute personne souffrant de ce
qu’on peut appeler une maladie mortelle, aimerait tout simplement le savoir
afin de l’affronter selon son état d’esprit. (p.319-320)
Matri-satsang…conversation avec Mâ
Je fus de retour en Inde
juste avant le janmotsava de 1977, passant de Dehra-Dun, à Hardwar et
Kankhal pour voir Shrî Mâ. Puis, je partis pour Allahabad où je retrouvai la
Banaras Hindu University non sans quelque nostalgie due au départ des anciens
amis qui l’avaient quittée. Les célébrations de l’anniversaire de Mâ eurent
lieu à Bangalore en 1978. J’emmenai ma mère et ma sœur en pèlerinage dans les
temples du Sud. Parmi la véritable pléiade des robes oranges, Shrî Mâ
resplendissait de candeur angélique tout de blanc vêtue. A l’unanimité, ascètes, sadhous, mahâtmâs,
lui accordaient leur dévotion. Les membres de cette immense congrégation
restaient assis des heures pour l’entendre et ne pas perdre une bribe de sa
conversation.
Les réponses de Mâ
contenaient toujours un enseignement pratique. Ses paroles étaient comme des
faisceaux de lumière qui illuminaient l’esprit…à tel point que certains se
sentaient capables d’entreprendre une sâdhanâ immédiatement, peu importe
en quelles circonstances. Ses mots
14
(vani) maintes fois répétés ‘ Se souvenir de Dieu uniquement est la
seule chose requise des êtres humains’ étaient vibrants de vérité dans sa voix,
accompagnés par son regard brillant d’encouragement et de totale compréhension.
Chaque auditeur devenait convaincu, sur le moment du moins, qu’il était capable
de marcher sur le sentier le plus abrupt, surtout que Mâ n’avait jamais cherché
à arracher quiconque de sa condition humaine. Combien de fois ne l’a-t-on pas
entendue dire : « Commencez n’importe quoi, mais commencez. Le reste
suivra. Si vous ne pouvez pas croire en Dieu, au moins alors ouvrez votre
esprit et priez-le pour qu’il illumine votre cœur par sa présence. Je vous dis
de commencer parce que c’est votre nature de vous efforcer de faire quelque
chose dans le monde, par conséquent votre effort est nécessaire dans cette
dimension aussi. C’est vrai, rien n’arrive à moins que Dieu ne le veuille, mais
votre propre connaissance ne le sait pas. Vous êtes habitués à prendre des
décisions et à agir en fonction d’elles. Ainsi il vous incombe de commencer
dans cette dimension également. Croyez-moi, si vous faites un pas, Dieu en fera
dix vers vous. Cette idée de séparation est néanmoins seulement une façon de
dire. La vérité est qu’Il est toujours avec vous. Le fait que vous ne le
sentiez pas dans votre être intérieur correspond à une distance
artificiellement créée, et qui a besoin d’être dissipée. »
Ce que l’on écrit ne peut
pas recréer l’atmosphère incandescente du matri-satsang. Quand on
entendait Mâ parler de la sâdhanâ dans ses formes les plus simples, cela
semblait facile dans son accomplissement, tout comme la réalisation de Dieu
semblait à la portée de tous.
Tous les mahâtmâs
qui occupaient l’estrade acclamèrent Shrî Mâ avec des ovations puissantes. Elle
était la personne la plus importante pour eux. Je me souviens de ce que disait
Swami Chinmayânandajî : « Que peut-on dire sur Mâ ? Quand
15
le soleil se lève à l’orient, est-il nécessaire de le montrer du doigt aux
autres ? Il est à lui-même sa propre preuve. »
Swami Chidânandajî assuma la tâche difficile de
traduire pour elle, bien que le hindi fut compris de façon plus répandue
désormais que durant ses premières visites dans le Sud de l’Inde. (p.332)
Traditions et rituels
Les célébrations terminées, nous partîmes pour
Madras afin de commencer notre pèlerinage. Le Professeur Sivaraman et sa femme
nous avaient invités. Padmajî se joignit à nous, ce qui faisait un groupe de
six en comptant ma mère et ma sœur. Le professeur Sivaraman fut accueillit avec
respect à Chidambaram où l’on se souvenait avec reconnaissance de son père qui
avait été un érudit et fervent fidèle shivaïste.
Nous vîmes le fameux
panneau de sculptures de Dakshînamurti et beaucoup d’autres précieuses
représentations que nous aurions ratées si nous n’avions pas été guidés par
Parvathyjî et Sivaramanjî (le Professeur et son épouse). Nous fîmes
l’expérience de la très intéressante ligne de démarcation qui existe entre les
pèlerins vishnouïstes et leurs homologues shivaïstes. Chaque temple célèbre
hébergeait les deux formes de Dieu, c'est-à-dire Narâyâna et Siva. Au temple de
Chidambaram, nous nous assîmes un moment dans l’enceinte pour attendre le prasâd
(la nourriture sacrée) que Sivaramanji avait fait demander pour nous. Je
remarquai que bien des gens qui venaient pour le darshan de Siva
Natarâja tenaient une feuille de palmier contre le côté gauche de leur visage
alors qu’ils s’approchaient du sanctuaire intérieur. A leur retour, ils
entraient dans un autre sanctuaire, désormais à leur droite, et qui était
consacré au Seigneur Narâyana ou à Govindarâjâ. Je
16
demandai à Parvathyji l’explication de cette singularité. Elle nous
expliqua que les shivaïstes, en entrant, n’étaient pas sensés ‘voir’
Govindarâjâ avant d’avoir présenté leurs respects à Natarâjâ (Siva).
Après avoir présenté leurs hommages à Siva, c’est en sortant qu’ils pouvaient
également présenter leurs respects à Govindarâjâ. Les vishnouïstes procédaient
de façon diamétralement opposée. La même habitude avait cours dans les temples
qui hébergeaient Govindarâjâ comme
divinité principale. Tous les temples, automatiquement, abritaient de
nombreuses images de Dieu. Chacune était placée après l’image principale à
l’intérieur du sanctuaire.
Ce type de comportement
pouvait seulement fonctionner là où la croyance dans l’unité était aussi forte
que la préférence et la loyauté envers la propre ishta devatâ de
chacun. (p.333)
Shrî Mâ vint à Varanasi au
début de 1981. Plusieurs jeunes femmes de son entourage souhaitèrent arranger
un ati-rudra yajña. De tels rituels de tradition védique
avaient été l’apanage des hommes pendant des milliers d’années. Cependant
Padmâjî connaissait un jeune collègue, Pandit Vamadeva Mishra, très qualifié en
la matière, qui fut très honoré d’aider pour la cérémonie, et accepta de venir
jusqu’à l’ashram de Mâ.
Dans la soirée, Mâ l’attendit dans
la pièce du bas qui ouvrait sur la véranda. Je me souviens que Narâyana Swamijî
était en train de lire à haute voix un article qu’il avait écrit sur Gurupriya
Didi, qui venait de disparaître. Il était monté jusqu’à la chambre de Mâ en
disant : « Mâ, voulez-vous écouter ce que j’ai écrit sur
Didi ? » Shrî Mâ répondit qu’il pouvait lire jusqu’à l’arrivée de la
personne que nous attendions tous. L’article en question était bien écrit, dans
un langage très poétique et fort
17
élogieux pour Didi.
J’admirai son style et sa présentation. C’était une très longue rédaction. Il
en lut la moitié jusqu’à ce que l’on
entendit quelqu’un arriver derrière la porte de la véranda. Swamijî s’arrêta
immédiatement et demanda ce que Mâ pensait de son exposé. Elle répondit :
« Oh ! Vous ne m’aviez pas demandé à ce que je porte un jugement sur
votre récit. Il contient beaucoup d’erreurs et beaucoup de choses ne furent pas
exactement comme vous les avez présentées, mais puisque vous m’avez demandé
d’écouter, j’ai écouté sans toutefois relever les erreurs. »
Narâyana Swamijî resta un
peu interloqué, mais pas autant que moi. A dire la vérité, l’étendue et la
profondeur d’un acquiescement à l’ordre temporel n’avaient pas à être jugées ou
évaluées par nous. Mais c’était si naturel pour nous de réagir que nous en
arrivions à oublier que nous étions devant une personnalité énigmatique qui, de
quelque façon que ce soit, ne se laissait pas gouverner par de vulgaires critères
de comportement. (p.236-237)
Vamadevajî exprima donc sa
volonté d’aider à organiser l’évènement que représentait l’ati-rudra
yajna, l’un des plus grands sacrifices rituels de notre tradition
védique, qui devait avoir lieu en avril pendant onze jours. Nourriture et
logement furent prévus pour 50 personnes. Padmâjî fut chargée de la délicate
mission de tenir les comptes.
Les membres du comité me
demandèrent de rédiger un samkalpa (intention, objectif) pour le yajña.
Ils en avaient déjà proposé un de vive voix qui exprimait leurs sentiments
intérieurs, c’est-à-dire : « Afin d’honorer Shrî Mâ et de rechercher
sa grâce dans nos vies. » Quand on lui lut ceci, Mâ affirma que, dans ce
cas là, elle n’aurait rien de plus à ajouter sur cette intention et qu’ils
pouvaient continuer tout seuls. Ils
18
auraient dû s’y attendre. Shrî Mâ ne démontrait jamais aucune acceptation,
ni appréciation à de telles louanges. Je me mis à y réfléchir quelque peu et
changeai les propos en : « Comme rite propitiatoire envers l’Etre
Suprême qui est l’Ishta de l’humanité tout entière. »
Shrî Mâ ne souleva aucune objection à cela, ce qui nous permit de
l’utiliser au moment opportun. (p.339)
Je suis avec vous pour toujours
1982 fut l’année du décès
de Shrî Mâ mais aussi, auparavant, de l’ardha [demi] Koumbha-Méla
à Allahabad. Nous savions que Shrî Mâ allait venir. Elle arriva en voiture le 9
janvier. Nous avions arrangé la maisonnette dans notre jardin pour elle, afin
qu’il soit le plus confortable possible en ces journées d’hiver. Bien que
fatiguée, assise sur son chowki, elle sembla prête à recevoir un peu de
monde pour un darshan. Les mahâtmâs lui demandèrent de venir pour
l’ouverture de la cérémonie sur le site de la Koumbha-Méla. Ils
lui promirent de prendre soin d’elle. Shrî Mâ sourit et dit : « Ce
corps n’est jamais dérangé. Si vous souhaitez l’emmener à la Méla,
faites-le si vous voulez. »
Avant que Shrî Mâ ne s’en
aille pour aller jusqu’à l’endroit de la Koumbha-Méla, elle parla
un long moment de notre famille. S’adressant à la petite foule de ses fidèles,
elle parla de façon très élogieuse de mes parents et de nous tous. Je me sentis
réellement si embarrassée, que je quittai l’assemblée en prétextant que j’avais
du travail à faire ailleurs. Ceci était un comportement très inhabituel de la
part de Shrî Mâ, car lorsqu’elle était chez nous, elle nous avait plutôt
habitués à de
19
légères réprimandes ou à des gronderies pour nos fautes et pour nos péchés
par omission. (p.350)
Revenons-en au 10 Janvier
1982. Shrî Mâ, pendant un long moment, fit des compliments à Bindou sur son
attitude qui refusait de trouver des fautes, sur son esprit de service. Nous
aurions dû réaliser qu’elle était en train de prononcer un discours d’adieu, au
lieu de nous sentir simplement heureux qu’elle soit fière de nous.
Le soir tombé, Shrî Mâ s’en alla jusqu’à l’endroit
du campement. Je retournai à Varanasi. Notre ashram dressait toujours ses
tentes au nom de Shrî Mâ à la Koumbha-Méla. Cette année là, il
plut à torrent, ce qui perturba l’organisation et abîma bien des aménagements
et structures temporaires. Ma sœur nous raconta que rien ne semblait marcher
droit, ce qui était un évènement incroyable en ce qui concernait Shrî Mâ, car
nous savions par expérience que jamais rien n’allait de travers lorsqu’elle
était près de nous. Nous n’avons jamais eu aucun sens de prémonition pouvant
nous faire penser que les éléments présageaient un futur de mauvais augure pour
nous. Ma sœur nous dit qu’une fois qu’elle était près d’elle, Shrî Mâ se leva
avec difficulté de son chowki, et s’appuyant sur son bras, elle marcha
jusqu’à la fenêtre de la tente et regarda au dehors le spectacle de désolation.
Ce fut l’un de ses regards qui englobait tant de choses qu’il en devenait
difficile à décrire. Cela ne dépendait pas entièrement de son mouvement de tête
imperceptible, ni même de celui de ses yeux, et cependant elle semblait
embrasser du regard toute la vue autour d’elle dans sa totalité. Rénou eut
l’étrange sensation que ce ne fut pas seulement une façon habituelle de
regarder comment allaient les choses, mais plutôt un geste d’adieu. Elle
s’était mise en communion étroite pendant un long moment avec ce lieu de la
20
confluence des
deux rivières sacrées. Plus tard, on se rappela de ce que Didi nous avait
raconté à propos de semblables gestes d’adieu dans des endroits que Mâ savait
qu’elle ne reverrait plus.
Avant de quitter le campement, Shrî Mâ invita tous
les mahâtmâs réunis à la Méla, à une grande fête, ainsi que tous
les gens de la ville qu’elle connaissait. Elle n’oublia, ni ne négligea
personne. Pendant presque un demi-siècle elle était venue participer à la Koumbha
Méla de Prayag. Il s’agissait cette fois de sa dernière visite
Shrî Mâ continua à être souffrante et faible, mais
nous recevions toujours des nouvelles de ses incessants voyages. Il n’y avait
guère de répit entre ses déplacements dans les différentes parties du pays.
Nous fûmes surpris d’apprendre que Shrî Mâ allait se rendre si loin, à Tripura,
à la fin du mois de mars. Lorsqu’elle revint de ce long et exténuant voyage,
elle sembla vraiment épuisée et malade. Tripura était l’endroit de sa
naissance. Eut-elle le kheyâla de visiter l’endroit où elle était née (janmabhoûmi)
avant de se retirer du monde ? (p.353)
Les célébrations pour l’anniversaire de Mâ eurent
lieu à Kankhal en 1982. Etendue sur son chowki elle recevait toujours
les fidèles qui se pressaient pour la voir.
Notre Kanyapîth eut des problèmes. Nous
manquions d’argent, l’inflation ayant créé des dégâts dans notre budget. Mon
idée aurait été de faire un appel de fonds dans notre petite revue, mais Mâ
nous avait toujours défendu de réclamer de l’argent. Les bramacharinîs et
moi-même, avions décidé de lui en parler en lui présentant nos problèmes
monétaires aussi succinctement que possible, et en lui avouant que nous
recherchions tous les moyens pour obtenir des contributions. Mâ avait répondu
que ‘le yajña avait coûté trop cher’, puis
21
l’une des filles, Jayâ, l’avait invitée à venir auprès de nous pour se
reposer et nous avions renoncé à lui parler d’argent.
Shrî Mâ me regarda, alors que j’étais debout au
pied de son lit. En se référant à ce qui venait d’être dit, elle
rétorqua : « Elle (Jayâ) ne sait pas de quoi elle parle. Ces jeunes
filles ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. »
Je m’empressai de dire la première chose qui me
vint à l’esprit : « Mâ, dans cette situation, que devrions-nous
faire ? » Shrî Mâ continua à me regarder pendant quelques secondes.
Elle ne répondit pas. Je me souviens toujours de son regard que je ne
comprenais pas, car c’était un regard de compassion. Elle semblait être désolée
de nous voir plongées dans tant de confusion. Elle savait (alors que nous ne le
savions pas à l’époque) qu’il ne nous serait donné aucun raccourci dans notre
expérience, faite des chocs et des traumatismes que la vie nous réservait.
Cependant, en revenant à Vârânasî, les membres du Kanyâpîth trouvèrent un
chèque de 25.000 roupies de la part d'un nouveau fidèle ; d'autres
contributions suivirent, qui résolurent ainsi le problème financier.
Il fut décidé qu’on ne
demanderait pas à Shrî Mâ de venir dans le grand hall de l’ashram pour les
célébrations d’anniversaire en début mai. Tout devrait se tenir dans ses
appartements. Une grande tente fut montée devant la maison. Plusieurs décorateurs
professionnels construisirent un genre de chariot en guise de trône sur lequel
on pourrait placer le lit de Mâ.
22
Quand le chariot prit forme, Udasji,
l'assistante personnelle de Mâ qui avait succédé à Didi, trouva cela très
désobligeant. Elle ordonna aux ouvriers de le démonter immédiatement,
disant : « Pourquoi un chariot ? Tenez-vous à ce que Mâ s’en
aille ? » Le chariot fut démantelé et enlevé. La pluie tomba à verse
la nuit de la poûjâ. La toile de tente n’était pas suffisamment imperméable
pour contenir un tel déluge. Les gens qui s’étaient rassemblés là, ne savaient
où aller. Quelques-uns seulement purent trouver refuge dans la chambre de Mâ.
Le kîrtan chanté par une poignée de jeunes filles était inaudible à
l’extérieur. L’atmosphère de solennité habituelle ne put être atteinte. La
congrégation des fidèles, désireuse de s’asseoir tranquillement pour rendre un
hommage respectueux à leur ishta-devatâ lors de cette importante
nuit, fut obligée de se disperser afin de chercher un abri de fortune. Nous
n’avions jamais fait l’expérience d’une telle nuit d’anniversaire.
Le matin suivant, il nous
fut dit que Shrî Mâ avait affirmé que les ashrams ne devaient pas s’efforcer
d’organiser des poûjâs auprès d’elle dans l’avenir. Une telle poûjâ
pouvait très bien être offerte au portrait dans le hall. Nous pensâmes que Shrî
Mâ s’en référait à l’inconfort subit par tout le monde, et voulait s’assurer
que la direction de l’ashram aurait pris de meilleures dispositions. Personne
ne comprit la chose pour la prophétie qu’elle contenait.
Quand les célébrations
furent terminées, chacun retourna à son travail. C’était mon dernier darshan
avec Shrî Mâ. Comme de coutume, nous fîmes nos pranâms, nous reçûmes
quelques signes de respect comme prasâd, et nous partîmes en espérant
revoir Shrî Mâ radieuse lors de notre prochaine visite.
23
Les nouvelles de ses voyages continuèrent à nous parvenir. Enfin, elle
retourna à Dehra-Dun et demeura à Kalyanvan du 5 au 24 Juillet. Elle semblait
complètement repliée sur elle-même. Elle ne répondait pas aux messages ni aux
lettres. Bhâskarânanda lui demanda de dire quelque chose en réponse aux
centaines de demandes de renseignements que l’on recevait chaque jour. Shrî Mâ
dit : « Vous devrez tous vous efforcer de vivre votre vie en étant à
la hauteur de la grâce de votre Gourou. »
Le 24 juillet, elle se
rendit à l’ashram de Kishenpur. Elle avait cessé d’absorber toute nourriture
depuis environ 3 mois. Elle prenait quelques petites gorgées d’eau de temps en
temps. Ces quelques nouvelles ne nous semblèrent pas très sérieuses. Nous
avions tellement souvent entendu parler de son abstinence de nourriture, nous
l’avions aussi vue ne manger presque rien et malgré cela être resplendissante.
Elle n’avait jamais souffert du manque de nourriture avant, mais cette période
de diète absolue n’était décidément pas en accord avec son kheyâla
habituel. Nous n’avions jamais vu ses états physiques, que ce soit pour le
jeûne, les entorses, fractures, souffrances ou douleurs déranger son expression
sereine. Ainsi, nous nous sommes mis à la prier de renoncer au jeu (lîlâ)
de la maladie au plus vite.
Ma sœur Rénou et ma mère
étaient à Delhi avec Bindou et Shyamolî. Ma mère avait dû subir une opération à
l’œil qui, malheureusement, n’avait apporté aucun soulagement. Le 27 août,
Rénou reçut un message de Nirmalâ et Shantâ qui avaient été à Delhi faire
quelques courses importantes. Elles avaient l’intention de remonter en voiture
jusqu’à Dehra-Dun et Rénou pouvait aller avec elles, si elle voulait voir Mâ
pour la dernière fois. Ces amies intimes avaient senti que la fin était proche.
24
Ainsi Rénou fut parmi les quelques personnes qui veillèrent dans la chambre
de Shrî Mâ le dernier jour. Personne ne put rien faire pour alléger les
souffrances de Mâ. Il était évident qu’il ne s’agissait pas d’un problème
médical, parce que même les médecins réunis autour de son lit ne trouvèrent
rien pour y remédier. Eux-mêmes ne purent faire autre chose que de la prier de
faire jouer son kheyâla en vue de sa guérison. Rénou apprit qu’au lieu
de répondre à la prière du Dr. Surabhai Seth pour sa guérison, Mâ lui avait dit : « Prenez soin de
Paramânanda. »
L’ânandamayi svaroûpa
(personne, essence de la béatitude) de Shrî Mâ était totalement en suspens.
Elle rendit son dernier soupir dans l’agonie, sous les regards impuissants et
désespérés de ceux qui furent si proches d’elle par leur dévotion et leur
fidélité. Notre tradition ne nous apprend pas à associer la souffrance à la
divinité. En quelque sorte, Shrî Mâ nous avait habitués depuis quelques mois à
la possibilité de ce rapport. Elle qui était la joie personnifiée s’était
montrée sombre et triste durant ces derniers mois. L’énigme de sa majestueuse
et cependant si bienveillante personnalité était soudain remplacée par ce grand
mystère qui, pour nous, prenait l’aspect de la souffrance. Il serait bon que
nous méditions tous là-dessus toute notre vie.
Pour l’heure, à chaque
fois que je me souviens de cette soirée du 27 août 1982, je reste stupéfaite
devant mon insensibilité. A Varanasi, je n’avais ressenti aucune sorte de
chagrin vers 8 heures du soir.
Le matin du 28 Août,
Premlatâ vint me donner les nouvelles qu’elle venait juste d’entendre. Un
voisin amena un journal avec ses gros titres. Premlatâ était prête à faire le
voyage. Je fis rapidement mon sac et l’accompagnai jusqu’à
25
Hardwar par le Doon Express. Nous avons rencontré d’autres personnes qui
avaient pris ce train à différentes gares. Les services du chemin de fer firent
les choses avec beaucoup de noblesse, permettant à des centaines de gens de
monter dans le train sans avoir de réservations et même sans avoir de billets.
On me dit que ce fut le cas dans toute l’Inde. Les trains furent même retardés
parfois pour permettre à certains de courir afin de sauter dedans.
Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne
Extrait de ‘En compagnie de Mâ
Anandamayî’ (Ed. Agamat)
VOYAGES…VOYAGES…
Par
Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)
Et si tout simplement on en venait aux propos de
Mâ Anandamayî sur ce qui est le MERVEILLEUX (chamatkâra), le supra-normal non perceptible par les sens ou par le
mental ordinaire et qui appartient au domaine du mental supérieur ?
Qu’est-ce que la chance,
ou la malchance ? Les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent être et on
ne sait jamais si tel événement est heureux ou pas…
Cela me rappelle une
histoire chinoise, d’auteur inconnu, merveilleusement exposée dans un diaporama
musical et fleuri…la parabole du cheval…
Il était une fois, la main
de la destinée :
Un vieux paysan chinois
avait un cheval
Un jour l’animal s’enfuit
et ne rentre pas.
26
Les voisins disent : « C’est pas de chance ! »
L’homme
répond : « Chance ou malchance, qui pourrait le
dire ? »
Et voilà que quinze jours
plus tard, le cheval revient à la ferme,
suivi d’une dizaine de
chevaux sauvages.
On dit au paysan :
« Tu as bien de la chance ! »
L’homme
déclare : « Chance ou malchance, qui le sait
vraiment ? »
Le fils du paysan saute
sur une des montures,
part à fond de train,
tombe et se casse la jambe.
Pour sûr, c’est de la
malchance.
Mais le père branle la
tête : « Chance ou malchance, on verra bien ».
La guerre civile fait rage
dans la province.
Une bande de soldats passe
dans le village, emmenant de force
tous les jeunes gens en
âge de porter un fusil.
Seul le garçon à la jambe
brisée ne part pas.
« Chance ou
malchance, qui pourrait le dire ? »
En effet souvenons-nous de
cette parabole :
Les choses ne sont pas
toujours ce qu’elles semblent être.
On ne sait jamais si tel
événement est chance ou malchance :
Il faut attendre la fin de
l’histoire…
Ou la fin de la vie…
Alors en se retournant on
verra mieux ce qu’il en était…
(Auteur inconnu)
27
Et quand on revient à ce
que nous dit Mâ Anandamayî dans le livre sur son Enseignement : « Ce
qui est, EST ».
Que des doutes nous
assaillent, c’est naturel. Qui peut dire quand se lèvera le voile devant nos
yeux ? La vision réelle est celle où voyant et vu n’existent plus. Elle
est sans yeux et ne peut pas être perçue avec des yeux ordinaires, mais
seulement avec les yeux de la sagesse. Et dans cette vision sans yeux, il n’y a
pas de place pour la ‘di-vision’.
L’instant de la naissance
détermine ce qui se passera dans la vie, mais l’Instant suprême, qui se révèle
au cours d’une sâdhanâ, conduit à
l’achèvement des actes et par conséquent de notre karma. Essayer de capter cet instant, tout est là…En réalité tout
est CELA.
Un yogî peut attraper
quelque chose qui est de l’autre côté d’un mur, simplement en tendant la main.
Dès que cela devient possible, le mur n’est plus là, bien qu’il existe, et même
si le mur n’existait pas, il pourrait assumer les fonctions d’un mur. Au-delà
du voile se trouve la chose, mais devant nous c’est le voile qui se présente…
Ainsi disait Mâ !
VOYAGES…VOYAGES…en Inde, au pays de
Mâ, au plus profond du SOI…Voyages qui ont fait ressortir de chacun la
recherche, l’aspiration, l’envie de comprendre pour encore mieux aider, le goût
d’aller plus loin pour encore mieux comprendre…la joie de pouvoir remettre en ordre
le puzzle intérieur ! Si tout se casse encore, c’est qu’on n’était pas
prêt !
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
28
J'ai rencontré Babacare Khane
au congrès européen de yoga de Zinal en Suisse en août dernier. Babacar est
très connu dans le milieu du yoga, il a commencé à pratiquer celui-ci avec
Swami Yogânanda Parmahamasa, donc avant 1950,
il vit en partie au Sénégal à Dakar mais il est très souvent en France
pour des stages de yoga, dont Zinal tous les ans. Nous avons pu parler et
échanger des livres, il m'a offert le sien qui s'appelle Le Yoga de la parole.
Nous en reproduisons ici un poème sur la joie et deux sur le silence. Vigyânânand
Joie
O joie, qui es-tu ?
Je te cherche à gauche
et à droite.
Je te cherche dans le
temple du silence.
Je te cherche à travers
l'amitié, je te cherche à travers l'amour.
O joie, qui es-tu ?
Je respire pour me
rapprocher de toi,
Je donne pour que tu
viennes,
Je pardonne pour que tu
penses à moi,
Je mange, dors, ris, pleure pour que tu m'aimes.
O joie, ô joie, ô joie !
Dois-je rêver ou
travailler comme un âne ?
Dois-je me discipliner
ou me laisser aller ?
Dis-moi ce qui est
mieux, ô joie !
29
Je suis la joie, je suis
la joie.
Je suis la vie, je suis
la sève, je suis le sang, je suis la pensée.
Le silence
Tu es le commencement de
toutes choses,
Tu es aussi la fin de
toute chose.
Silence, silence, afin
que le silence parle.
Le silence parle à
travers les nuages majestueux,
Le silence est la nuit
de l'agitation,
Le silence est le
support du sage.
Le yogui combat pour te
conquérir,
Le penseur également te
cherche.
Le monde est partout
dans le silence
Bien qu'il ignore le
silence.
Le silence est avant et
après la naissance,
Oui, avant et après la
naissance de toute chose.
Même l'agité qui
t'ignore te cherche,
Après la grosse dépense
physique,
Après tout effort
violent.
On pense à toi, ô
silence,
O silence, tu es à moi,
je suis à toi,
O silence, ô silence, ô
silence.
30
Dieu du silence
O Dieu du silence, je me
dissous dans l'océan du silence,
A travers l'éternité, le
présent, le passé et l'avenir.
Le sanctuaire de mon
corps est dédié à ta gloire,
L'autel de mon coeur est
embaumé du parfum de ta présence.
Le tabernacle de mon âme
est sanctifié par le silence,
Le silence coule en moi,
inonde mon corps et ses cellules,
Je bois le silence sans
ma bouche, je le respire sans mes narines
C'est le voile de
mystère des mystères de la création.
Par le silence, on peut
parler sans parler à tous,
On peut comprendre
toutes les langues, sans langue,
On peut aussi entendre
tous les rythmes sans les oreilles,
On peut voir tout ce qui
existe sans les yeux.
Le Dieu du silence est
le Dieu des dieux.
Par-delà les
vicissitudes de la vie quotidienne,
Il nous révèle un secret
jamais dévoilé,
Il parle des beautés les
plus rares.
C'est à présent ma seule
vraie prière :
Le silence de mon corps,
de mon esprit de mon âme
Je pénètre directement
au sein du paradis
Par le portail du
silence à jamais ouvert.
Avant la naissance
c'était le silence,
Après la mort, ce sera
le vrai silence.
Je suis enfant du Dieu
du silence
Qui m'appelle en son
sein de silence.
Nouvelles
-
Les 93 ans de
Swami Vijayananda ont été fêtés le 26 novembre à Kankhal. D’après les personnes
qui étaient présentes là-bas, il était en grande forme. Caroline Abitbol qui a
déjà passé 5 mois auprès de lui en 2006-2007 est de nouveau à Kankhal pour la
saison.
-
Le livre de
Swami Vijayânanda Un Français dans
l’Himalaya, traduit en italien par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) a été
publié en novembre à Milan par MC Editrice. Via Vigevano 45 20144 Milano
michela.bianchi@mceditrice.it -
Mahâjyoti était là-bas comme
interprète de Vigyânânanda (Jacques Vigne) lors de ses conférences de
présentation au Musée Léonardo da Vinci, à la Fnac et pour l’assister dans une
interview sur RAI 3, le France-Culture
italien.
-
Swami
Nirgunananda viendra à Terre du Ciel pour l’Ascension pour participer au
Congrès annuel sur l’Inde. 1er-4 mai www.terre-du-ciel.com infos@terre-du-ciel.com 03 85 60 40 33
Vigyânânanda accompagnera un pèlerinage au Mont
Kailash du 30 mai au 20 juin à partir de Kathmandou puis via Lhassa. Contact koevoetsg@wanadoo.fr. Il recevra également un groupe qui compte déjà
20 personnes à Kankhal auprès de Vijayânanda du
32
10 au 18 août. Contact Françoise Estèves 0877497328 - 04 78 06 28 19 de
préférence entre18h et 20h ou le mercredi toute la journée.
-
Un congrès
sur Yoga indien-Yoga européen organisé par la Fédération Italienne de Yoga aura
lieu à Assise
du 1er au 4 mai 2008. Vigyânânanda et
Râm Alexander devraient y être présents pour parler de Mâ et de ses conceptions
sur le Yoga et la sâdhanâ. Les grands mouvements spirituels de l’Inde y seront
représentés. L’organisatrice, Antonietta Rozzi, a été longtemps responsable du
Congrès européen de Zinal et est proche de Swami Chidânanda. Les langues du
congrès seront l’anglais et l’italien. www.sarvayoga.org info@sarvayoga.org Tél 0039-(0)187971385 (c’est le contact
d’Antonietta Rozzi qui parle couramment le français)
Renouvellement des abonnements
Nous avons déjà procédé au
renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se
réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois, ils peuvent le faire pour 5 numéros (sur
papier) jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques
Vigne à :
Nadine et José
Sanchez-Gonzalez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine
33
Tel : 0490121983 –
Email : nagajo3@yahoo.fr
Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par
courriel. Envoyer 5 € pour 5 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse
indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève
Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se charge bénévolement de vous
l’envoyer par EMAIL. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes
fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des problèmes postaux en Inde,
semble-t-il.
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
En compagnie de Mâ
Anandamayî par Bithika Mukherjee p.2
Voyages…Voyages par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) p.25
Le Yoga de la Parole par Babacar Khane
p.28
Nouvelles p.31
Renouvellement des
abonnements p.32
Table des matières
Paroles de Mâ
Vous pouvez essayer de chasser « ce corps » (Mâ) de vos esprits, mais « ce corps » n'est
jamais parti, ne part pas et ne partira jamais. Tous ceux qui ont aimé « ce
corps » ne peuvent l’oublier, même s'ils
essaient de le faire. « Ce corps » reste dans leur mémoire et y demeurera toujours.
Vous êtes en train de demander si les pensées de chacun de vous parviennent
à « ce corps » ? Oui ! Oui ! Oui !
Vous êtes en train de demander si je vous aime ? Je vous dis que, si je ne
vous aimais pas, vous ne pourriez m’aimer ; en vérité vous ne pouvez m'aimer
autant que j'aime chacun de vous.
Je suis toujours avec vous ; c'est vous qui ne voulez pas me voir, que
puis-je faire ?
Question : J'ai participé à des ‘satsang’ pendant les 30 dernières années,
et je ne suis arrivé à rien.
Shri Mâ : Vous étiez présent physiquement. Avez-vous médité sur ce que vous
avez entendu, ou l'avez-vous mis en pratique ?
Question : Les grandes âmes (mahâtmas) ne peuvent-t-elles nous donner
quelque chose de l'abondance de leurs greniers ?
Shri Mâ: Oh! Vous voulez profiter d'un héritage (rires). Dieu vous a donné
de si nombreux talents que vous utilisez à vos propres fins dans le monde. Vous
avez oublié que vous êtes de la nature du Soi (Atma), de la liberté. Qu'est-ce
que vous en dites ? Commencez votre recherche, devenez gérant, ne soyez pas à
la tête de votre monde. Ne serait-ce qu'un petit peu de temps passé au souvenir
de Dieu vous conduira à de vrais efforts. Ne perdez pas de temps, commencez dès
aujourd'hui.
N'entrez pas dans un système de marchandage avec Dieu. Ne soyez pas un
commerçant ou un marchand : « J'ai versé tant de larmes pour toi, mais
n'obtiens rien en retour ». Il est le vôtre, le souffle même de votre vie,
votre choix le plus intime.
Dites-vous toujours : oui, sa grâce est partout. J'en suis baigné, et alors
vous verrez qu'il en est vraiment ainsi.
Être libéré de tous les soucis, ceci est véritablement la suprême
méditation. (Jeu de mots sur le hindi chinta qui signifie ‘souci’, mais
aussi dans certains cas ‘méditation’)
Extraits de Cent paroles de Mâ
Texte traduit par JC Portal
A partir de Bithika Mukerji In your heart is my Abode (1995)
L'Ati-Roudra Mahayajna
A Kankhal en 1981
Par Swami Pûrnânanda
L'Ati Roudra Mahayajna s'est
déroulée à Kankhal du 6 au 16 mai 1981. C'était un an avant que Mâ ne quitte
son corps, et elle a encouragé ce projet des brahmacharînis de Kankhal à tous
les niveaux. Tout récemment, Swami Pûrnânanda, une des quelques Swamis femmes
disciples de Mâ, qui a été en l'occurence l'architecte de ce yajna, a publié un
livre à son sujet, et l'a donné à Vigyânânanda. Mâ avait demandé une
publication substantielle, il y avait eu auparavant d'autres publications plus
brèves sous forme d'articles par exemple dans Ananda Varta, mais le
livre de Swami Pûrnânanda donne toutes sortes de détails intéressants sur la
préparation et le déroulement du rituel. Ses dates en mai 1981 coïncidaient
avec une partie des cérémonies pour l’anniversaire de Mâ, et celle-ci a été
très présente dans la préparation et le déroulement des cérémonies. Le comité
d'organisation était formé de cinq brahmacharînis. Il semblait que un an avant
de quitter son corps, Mâ ait voulu leur donner plus de confiance en elles grâce
à l'organisation non seulement des cérémonies, mais grâce aussi à la
construction du temple permanent du yajña (yajnashalâ). Ce dernier est
toujours présent à Kankhal, à deux pas de la résidence et du samâdhi de Mâ. Cet
événement a été une des dernières grandes interactions de Mâ avec ses
disciples, et a donné lieu à un certain nombre d’anecdotes savoureuses dont
nous rapportons certaines ci-dessous. La préparation et le déroulement de la
célébration ont été entourés d'un grand nombre de synchronicités que
connaissent bien ceux qui ont fréquenté Mâ. L'organisateur du yajna (yajamân)
a été Swami Bhaskarananda. Laissons-lui la parole en traduisant la préface qu'il a faite à l'ouvrage (Ati
Roudra mahayajna in Kankhal 1981 par Swami Pûrnânanda, 2007) :
Préface par Swami Bhaskarananda :
« Bien que le terme yajña
signifie activité, ce ne sont pas toutes les activités qu'on peut nommer yajña.
Il s'agit seulement de ces activités qui mènent à la pureté du corps physique,
des sens et de l'ego, de ces activités qui sont accomplies non pas à cause d'un
désir mondain quelconque, mais pour la réalisation de la Réalité ultime.
Il y avait un temps où le
yajña, dans sa forme réelle, était respecté par chacun. Néanmoins, aujourd'hui,
à cause du manque de connaissances profondes, et de la non-observance des
règles exactes pour accomplir les rituels, les yajñas ne gardent que leurs
formes extérieures. Un yajña effectué dans toutes les règles de l'art selon les
Ecritures, et avec dévotion au Seigneur, est le plus grand exemple de nishkama
karma (action accomplie sans désir). Ce type d'actions ne crée pas de lien,
tandis que les liens qui existent déjà sont atténués (Gîta 3.9 et 4. 22). Si un
yajña est accompli correctement, au bout du compte, Mahajñâna, la Connaissance
ultime, peut être atteinte.
L'inspiration pour l'Ati Roudra
mahayajña est d'abord venue dans l'esprit de Swami Pûrnânanda. Avec la
coopération des soeurs de l'ashram, et par le kheyal [intuition spirituelle
certaine] de Shrî Shrî Mâ Anandamayî, l'Ati Roudra Mahayajña a été accompli
dans toute sa perfection. De plus, chaque personne qui a été présente au yajña
en a retiré des bénéfices spirituels. Shrî Shrî Mâ a dit : « Un tel yajña a
lieu dans le Satya Yuga ». Elle disait aussi : « Chaque chose est en chaque
chose. Le Kali Yuga est dans le Satya Yuga, le Satya Yuga est dans le Kali Yuga.
» Elle affirmait aussi : « Il se peut qu'un yajña
tel que celui-ci n'ait jamais eu lieu dans le passé et n'ait jamais lieu dans
le futur. »
Au début du yajña, Mâ a dit que je
devais en être le yajamân (le commanditaire), un honneur qui m'a été
octroyé simplement par Sa grâce. Le kheyal de Shrî Shrî Mâ, la résolution de
Swami Pûrnânanda de faire tout aussi parfaitement que possible, et la
coopération des soeurs de l'ashram, tout cela a été évident depuis le début du yajña jusqu'à sa complétion (purnahoti)
et s’est trouvé être des plus utiles dans l'accomplissement plein de succès de
cet incomparable yajña. Pour ceci,
Swami Pûrnânanda et les autres brahmacharînis méritent notre gratitude.
Quand Pûrna-Brahma-Narayâna est
présent sous forme de Yajña-narayâna, se trouve aussi Pûrna,
Pûrna, et Pûrna. [Jeu de mots entre le nom de l'auteur, Pûrnânanda, et celui de Mâ qu'elle s'était donnée à
elle-même quand elle était jeune en réponse à une question sur qui elle était]
Ceux qui veulent effectuer un yajña
recevront beaucoup d'informations et de directives de ce livre. Puissent
Bhagavân Ashutosh et Shrî Shrî Mâ faire
pleuvoir leurs bénédictions divines sur chacun !
Sarve bhavantu sukhinah sarve santu nirâmayah½
Sarve badhrâni pashyantu mâ kaschiddukhabhâg bhavet.½½
Que tous soient heureux ! Que tous soient sans maladies !
Que tous perçoivent ce qui est bon ! Qu'aucun n'éprouve de la souffrance !
Avec les bénédictions divines de Mâ »
Swami
Bhaskarânanda
Le mahayajña s'est déroulée
pendant 11 jours, autour de 11 foyers eux-mêmes entourés de 11 récitants. [Un
symbolisme possible de ce chiffre 11, c'est que ce sacrifice au feu représente
la manifestation de l'unité qui se dédouble pour apparaître dans la dualité du
monde.]
Quand Mâ nous guide.
Les préparations ont progressé
sans encombre grâce au fait que Mâ était toujours présente pour nous guider.
Depuis l'idée initiale jusqu'au développement des événements dans l'ordre
naturel, sa grâce abondante a été ressentie par chacun et chacune. Le choix
d'un acharia convenable [le maître des cérémonies], la décision des dates qui
est arrivée à point nommé, la localisation parfaite de la yajnashalâ, sa
construction, la disponibilité des fonds, l'approvisionnement et le transport
des matériaux – dans chaque idée ou événement grand ou petit, l'intérêt, le
support et les bénédictions de Mâ étaient présents. De plus, chacun sentait que
c'était elle qui était réellement l'actrice, et que les autres ne faisaient
qu'exécuter ses plans. Les gens se trouvaient dans le lieu convenable au moment
convenable et ils pensaient, disaient et faisaient tout ce qui était requis
pour l'accomplissement heureux et sans anicroches de ce grand événement.
Les fidèles de Mâ sont
familiers avec le fait que les événements prennent place selon le kheyâl de Mâ.
Ce mot est difficile à traduire. Il représentet le souhait, l'ordre ou
l'observation spontanée de Mâ, tout cela ayant son origine dans quelque chose
de transcendant et de sublime, quelque chose d'incompréhensible à l'esprit
humain. On ne peut comprendre le fonctionnement de son kheyâl, mais dans
l'expérience des fidèles, il fournit une réassurance qui soutient. Il a
toujours un but, bien qu'on ne puisse pas toujours saisir son dessein. Les
circonstances s'organisent de la manière la meilleure possible quand elles ont
été bénies par le kheyâl de Mâ, qu'on se met au travail en accord avec lui.
Pendant les événements qui ont mené jusqu'à l'Ati-Roudra mahayajña et pendant
son accomplissement, ceux qui étaient proches de Mâ et travaillaient sous sa
guidance se sont sentis pleinement conscient du kheyâl de Mâ sur tout ce qui
était relié au yajña. Par ailleurs, puisque Mâ n'était pas bien tout le temps
du point de vue de son corps, brahmacharîni Pûrnânanda a suggéré que le yajna
soit célébré pour sa santé. Cette idée ne lui a pas plu. Néanmoins, quand par
contre Pûrnânanda a suggéré que le but du yajna soit ‘vishu kalyan’, le
bien du monde, Mâ a été immédiatement d'accord.
Mâ avait dit auparavant que les
femmes membres de l'ashram joueraient un rôle majeur dans ce yajna, et c'est
bien comment les choses ont semblé se développer. Les membres de l'ashram qui
n'étaient pas dans le comité, aussi bien que d'autres fidèles, à la fois hommes et
femmes, ont participé aux préparatifs également. Certains ont été
désignés par Mâ pour certaines tâches et d'autres se sont portés volontaires
pour quoi que ce soit qu'ils pouvaient accomplir. Néanmoins, les membres du
comité et les autres membres femmes de l'ashram ont exécuté la portion majeure
du planning et de l'organisation.
Bien que tout cela ait été une
occasion pour chacun de travailler ensemble avec joie, il y a eu des cas où
certaines personnes sont devenues émotionnelles, se sont senties mises de côté,
se sont plaintes ou ont eu du mal à coopérer. La question, bien sûr, arrivait à
Mâ. Elle apaisait les sensibilités à fleur de peau, et montrait des manières
d'éviter la confrontation afin que les choses puissent avancer d'une façon
paisible.
Dans tout yajña, les organisateurs
doivent faire attention aux risques d'incendie. Ceci est particulièrement vrai
quand le yajña est effectué dans un abri temporaire, dont le toit est constitué
de matériaux inflammables. Comme c'était le cas ici également, Mâ a demandé à
ce que des extincteurs, sous forme de seaux de lait mélangé avec de l'eau,
soient préparés tous les jours. De plus, de nombreux récipients d'eau étaient
aussi gardés à proximité.
Un jour, tandis que les
préparations pour le yajna progressaient, Mâ a dit à Pûrnânanda qu'elle voyait
du feu. C'était une indication qu'il pourrait y avoir de sérieux problèmes.
Elle lui a dit de demander aux 'filles' [la manière dont Mâ désignait les
brahmacharînis de l'ashram] de voir ce qu'elles pouvaient faire pour le
prévenir. Conséquemment, on organisa la sécurité dans l'ashram et autour de la
yajñashalâ. On a aussi demandé aux pompiers d'être en alerte. Peu après,
pendant que quelqu'un faisait l'arati de Mâ dans sa chambre, une mèche allumée
est tombée sur le tapis et en a brûlé une partie. Ceux qui étaient présents à
ce moment-là ont ressenti que le danger du feu avait été évité à cause de la
grâce de Mâ.
Pour ceux qui n'étaient pas
impliqués directement dans le travail du yajña, Mâ a dit que c'était leur
devoir d'avoir son darshan. Ils devaient essayer d'imbiber le sens de chaque
chose qu'ils voyaient et entendaient pendant ces jours-là. De plus, chacun
avait à entreprendre au moins une fois le parikrama (circambulation) du
yajnashalâ. Elle dit à tous de prendre autant d'enregistrements
photographiques, audios ou vidéos que possible pendant l'événement. Elle dit
aussi que les bhasma-s (les cendres récupérées du foyer après le
sacrifice) et les nirmalya-s (les fleurs récupérées des autels et des
statues après la pouja) avaient une valeur incomparable. « Il ne sera pas
possible d'avoir quelque chose comme cela plus tard » a-t-elle dit. Beaucoup de
gens ont pris les cendres comme prasâd. Beaucoup ont signalé qu'ils ont
été guéris de maladies en les utilisant. (p 39-44)
Le Pandit Vamadeva et Mâ
Il était évident que Pandit
Vamadeva, le dirigeant du yajña, a eu la
grâce de Mâ pendant les cérémonies, et même après. Un jour, quand le yajña
était en cours, il ne s'est pas senti bien du tout et a dit qu'il ne serait pas
capable d'être présent à la séance de l'après-midi ce jour-là. On en a informé
Mâ. Elle lui a envoyé le message que d'abord il devait se baigner et ensuite
manger ce qu'elle lui enverrait. L'âcharya
n'avait pas envie du tout de se baigner, mais il devait se plier puisque
le messager lui avait dit que c'était nécessaire et devait être accompli
immédiatement. Après ce bain, il s'est senti rafraîchi et plein d'appétit, et a
attendu avec impatience le repas que Mâ devait lui envoyer. Quand il a vu le
grand plat en métal recouvert qu'on lui
apportait, il a pensé qu'il allait s'agir d'un repas bien garni. Néanmoins,
quand on en a retiré le dessus, il n’y a vu que deux minces tranches de pommes
et une petite portion de panîr (fromage frais comprimé). Il a raconté à sa famille
plus tard qu'il s'était senti très déçu, et même en colère à la vue de ce repas
frugal. La personne qui avait amené le repas avait reçu l'instruction de
veiller à ce que tout soit mangé. A sa grande surprise pourtant, à la fin du
repas, le pandit s'est senti complètement rassasié, la colère était passée, et
sa santé s’était complètement remise.
Après la fin du yajña, Pandit
Vamadeva a demandé à Mâ de lui donner sa dakshina [le paiement d'un
brahmane après qu'il eut accompli un rituel]. Mâ s'est renseigné auprès de
Pûrnânanda pour voir si on n'avait pas oublié de lui donner sa dakshina.
En fait, elle avait été remise, et le pandit a expliqué clairement qu'il ne
voulait pas dire la dakshina habituelle. Ce qu'il souhaitait était une dakshina
spéciale de Mâ : il devait être capable d'avoir son darshan à chaque fois qu'il
le souhaitait. Quelques mois plus tard, le pandit devait aller à l'étranger et
a senti un désir intense d'avoir le darshan de Mâ avant de partir. Au bout de
quelques jours, il a trouvé que Nirmal était venu chez lui à Varanasi avec le
message que Mâ l'appelait. Elle voulait qu'il inspecte les nouveaux foyers de
sacrifice au feu. On devait commencer la construction permanente du yajñashalâ
et quelqu'un avait remarqué que les foyers n'étaient pas alignés de façon
correcte. Le pandit est venu à Kankhal et a inspecté les foyers. Il a trouvé
que tout était en ordre. Quand il est allé retrouver Mâ pour le lui dire, elle
lui a demandé : « Est-ce que vous n'avez pas eu le désir de voir ce corps ? »
(p. 58-59)
Environ un mois avant le début du
yajna, Shri S.C.Banerjee, qui demeurait à Varanasi (Bénarès), a été informé
qu'il y avait tout un groupe de 95 pandits qui devait voyager avec Pandit
Vamadeva de Bénarès à Kankhal. Il fit les réservations de train immédiatement
et reçut l'assurance des Chemins de fer qu’un wagon entier serait mis à
disposition. Néanmoins, quand il vérifia
cela avec les responsables quelques jours avant la date du voyage, on lui a dit
qu'ils n'avaient pas reçu l'information à propos d'une telle réservation et
qu'il devait aller à Luchnow pour voir si on pouvait encore faire quelque chose
à ce sujet. Il s'y rendit donc aussitôt mais on lui a apprit qu'il y avait à ce
moment-là un manque de wagons. Il devait donc réserver les couchettes
individuellement. Avoir autant de places réservées en une fois était
impossible, à moins que quelqu'un de l'administration des Chemins de fer à
Delhi ne donne un cou de pouce.
S.C. Banerjee était complètement
découragé, et après avoir envoyé un message à Mâ en l'informant de la
situation, il est retourné à Bénarès. Il ressentait ce que peut éprouver un
être humain quand tous ses efforts ont échoué et que l'aide divine semble la
seule réponse possible. Et de fait, elle l'était. Un fidèle de Mâ, qui était un
fonctionnaire des Chemins de fer à Delhi, a été informé du problème. Il a été
capable de fournir le wagon requis juste à temps et les pandits ont quitté
Varanasi comme prévu. Ils sont arrivés à Kankhal le 4 mai. Pandit Vamadeva les
a introduits à Mâ. Une fois que le yajña a commencé, l’âcharya et quelques pandits venaient voir Mâ chaque
soir. Ils discutaient du déroulement des événements de la journée ainsi que du
programme du lendemain. Ils parlaient aussi de tous les problèmes qu'ils
pouvaient rencontrer, à propos desquels Mâ avait une solution et répliquait : «
Ce sera fait ».
Nombre d'éminentes personnalités
ont été invitées, et un certain nombre d'entre elles sont venues. Etaient
présents déjà beaucoup de swamis connus, ainsi que Gyani Zail Singh, le
président et GS Pathak, le vice-président de la république de l'Inde,
accompagnés de plusieurs gouverneurs d'Etats. Néanmoins, personne, quelle que
soit leur place élevée socialement ou politiquement, n'était autorisé à rentrer
dans la yajñashalâ ou ne recevait un
traitement spécial qui aurait pu compromettre la pureté des rituels. N'y sont
entrés que certains qui vivaient tout le temps selon des règles strictes, comme
le Shankarâcharya, Swami Vidyânanada, Swami Chidânanda et certains autres. Les
règles supplémentaires comme porter des vêtements qui n'étaient pas cousus ou
parler en sanskrit à l'intérieur s'appliquaient à eux également. À propos de
cette règle vestimentaire, Mâ elle-même a enseigné aux membres du comité (des
brahmachârinîs qui devaient entrer dans l'enclos du yajna pour des tâches
diverses) une manière spéciale de porter une longueur de tissu afin que les
mouvements soient libres et que la pudeur soit respectée. Elle avait eu
l'habitude de porter un vêtement de cette manière pendant sa sâdhanâ dans sa
jeunesse. Elle a donné à chaque membre du comité un de ses propres chadars (une
sorte de châle) à être porté.
Swami Brahmânanda a expliqué
dans ses discours les raisons de l'échec du yajña ancien organisé par Daksha à
Kankhal : son objet avait été d'insulter Shiva. Sati avait essayé de réparer la
faute de son père en sacrifiant sa vie. Swami Brahmânanda a expliqué qu'ici,
Shaktî elle-même sous la forme de Mâ avait effectué un yajña pour adorer Shiva
et pour apporter la paix à l'humanité. Ce yajña, donc, se devait d'être un
succès.
Durant cette période du
mahayajña, plusieurs dizaines de petites filles d'environ 7-10 ans ont été
honorées comme la déesse (kumarî-pujâ). Mâ elle-même a été révérée par
ses disciples en tant que Shiva. Pendant les préparatifs du rituel, elle
regardait tout cela avec grand intérêt. Elle a même essayé le tambour. Kumari
Gîtâ a effectué la poujâ à Mâ pendant que les autres chantaient les hymnes à
Shiva et les bhajans. Bientôt, l'expression de Mâ est devenue grave comme si
elle plongeait en elle-même. À un moment donné, elle a regardé tout autour puis
a fermé les yeux. Elle est devenue très immobile et complètement intériorisée.
Chacun savait que Mâ était en bhâva. L'atmosphère est devenue chargée et
tous chantaient « Jay Shiva Shankara, bom bom hara hara ». Quand la poujâ s'est
achevée, Swami Sevânanda (Udasji, une ashramite) a secoué doucement Mâ afin de
la faire sortir de son état. Mâ a ouvert les yeux et est retournée dans sa
chambre.
Il est traditionnel d'inviter tout un
groupe de brahmanes à la fin d'un grand
rituel. Le nombre de personnes à convier dépend du rang de celui-ci. Pour
l'Ati-Roudra Mahayajna, le nombre total en a été de 2800. Entre deux et trois
cents brahmanes ont été nourris une fois par jour. On leur donnait aussi une
petite offrande d'argent (dakshina). La cour du temple de Dakheshvar était
utilisée pour le repas bien que l'organisation ait été prise en charge par
l'ashram. De plus, différents groupes de gens étaient nourris tous les
jours, une centaine par exemple à
l'ashram même. On allait acheter dans les marchés en gros de Delhi des camions
entiers de fruits et de légumes pour les différentes cuisines qui s'occupaient
des hôtes.
Le yajña et la pluie.
Dans la tradition de l'Inde, une
des fonctions du yajña est de faire venir la pluie pour la fertilité des
récoltes. Effectivement, il y a eu beaucoup de pluie durant ce yajña, alors que
le mois de mai est d'habitude plutôt sec. Un jour pendant les célébrations, Mâ
était dans la véranda à l'arrière de sa résidence, Matri Nivas, en train
d'organiser le tri des légumes. On voyait la yajñashalâ depuis cette véranda.
Pûrnânanda a demandé à Mâ de tourner son regard vers la yajñashalâ. Elle était
sûre que si Mâ jetait même un coup d'oeil rapide dans cette direction, le yajña
pourrait progresser sans aucun problème. Mâ n'a pas refusé mais elle n'a pas
non plus levé les yeux, et en souriant par-devers elle, elle a continué avec ce
qu'elle était en train de faire. Pûrnânanda a demandé plusieurs fois encore à
Mâ, mais sans succès. Plus tard dans la soirée, il y eut un grand orage. Des
pluies torrentielles et des coups de vent féroces ont battu la yajñashalâ.
L'électricité a été coupée et les lumières ainsi que les haut-parleurs se sont
éteints. Il y avait du tonnerre et des éclairs. Tandis que la tempête gagnait
en force, les voix des célébrants qui chantaient «svaha » tout en faisant leur
offrande au feu sacré, gagnaient également en force. C'est comme si chacun
essayait de dépasser l'autre !
Mâ, qui était dans sa chambre à
ce moment-là, en a été informée. Elle est sortie et la pluie a commencé à
s'atténuer. Quelque chose de similaire avait été observé à d'autres occasions
également. Si quelqu'un se plaignait de la pluie à Mâ et qu'elle mettait le
pied dehors, quelques gouttes tombaient sur elle et la pluie s'arrêtait. À ce
moment-là, Mâ a dit : « Roudra Bhagavan a montré sa forme terrible en tant que
Roudra. » Pûrnânanda pense que peut-être si Mâ avait jeté un coup d'oeil sur la
yajnashalâ, la tempête terrible, symbole de Roudra, aurait pu ne pas survenir.
Pûrnânanda raconte aussi que quand la tempête s'est achevée, elle a regardé le
ciel et elle a aperçu une scène stupéfiante : celui-ci était rempli de couleurs
frappantes – orange, rose, dorée, rouille et jaune. Les autres qui étaient
présents regardaient aussi émerveillés vers le ciel. De plus, on voyait ce
spectacle directement au-dessus de la yajnashalâ. Pûrnânanda dit qu'elle
n'avait, en fait, jamais vu auparavant, ou depuis cela, une scène aussi belle.
(p. 90)
Le retour à la maison sans encombre et avec de beaux souvenirs
On venait de conclure formellement
cette grande célébration de 11 jours. Néanmoins, un événement comme celui-ci
est traditionnellement considéré comme un succès seulement lorsque les pandits
qui y ont participé rejoignent leur maison sans encombre. C'est ce qui s'est
effectivement passé, avec des souvenirs qui leur ont duré toute la vie.
Beaucoup ont fait la remarque, à ce moment-là, qu'ils n'avaient jamais
participé à un yajña aussi parfait que cet Ati-Roudra mahayajña. Quant à ces
pandits avec lesquels nous nous sommes entretenus pour la préparation de ce
livre, ils étaient toujours du même avis 25 ans plus tard. Maintenant que le yajña était fini, les
membres du comité se sont mis à mettre en ordre les comptes et à mener les
choses à leur conclusion. Les fidèles et les visiteurs qui étaient venus
d'autres endroits ont commencé à quitter Kankhal. La yajñashalâ, qui avait été
au centre de l'attention de tous durant les quelques jours passés, paraissait
calme et paisible. Il n'y avait plus de feu dans les foyers bien que les
braises soient restées chaudes pendant quelques jours. Quand elles se sont
refroidies, les cendres ont été retirées, en utilisant de grandes cuillers avec
un long manche. En se souvenant des paroles de Mâ, nombreux sont ceux qui en
ont pris en les considérant comme quelque chose de très particulier.
En compagnie de Mâ Anandamayî
De
Bithikâ Mukerjî
Festivités
Beaucoup
d’évènements importants eurent lieu au 31 George Town. Mariages, anniversaires,
célébrations, visites de haute qualité.
Un
jour, on reçut un message disant que le Premier Ministre Pandit Jawaharlal
Nehru, qui visitait la demeure de ses ancêtres « Ananda Bhâvan »,
souhaitait instamment voir Shrî Mâ et assister à son darshan. Accompagné
de son secrétaire privé Upâdhyajî, et de sa fille Mme. Gandhi, il arriva le
soir dans une limousine. Il n’y avait pas d’escorte pour sa sécurité, ni aucune
voiture pour le précéder ou le suivre. Panditjî, Indirâjî et Upadhyajî furent
accompagnés jusqu’au cottage de Mâ, où ils s’assirent un moment.
Il fut
bientôt temps pour Shrî Mâ de se rendre
sous le pandal (tente) pour le satsang. Comme Panditjî ne
prononça aucun mot d’adieu, on comprit qu’il n’était pas pressé de s’en aller
mais qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’estrade, où Shrî Mâ prit place avec
ses invités. Les habitants d’Allahabad furent très contents de voir le Premier
Ministre. Ils l’acclamèrent et quelques-uns demandèrent même un discours.
Pandit Jawaharlal Nehru sourit et dit que cette fois-ci il était venu pour
écouter et non pour parler. Cette déclaration plut à l’assistance qui se
prépara ainsi à écouter l’allocution de Haribâbâjî. Shrî Mâ commença le satsang
en entonnant un chant religieux (kîrtana) pendant quelques minutes. Le
Premier Ministre semblait très à l’aise, mais il avait un autre engagement au Holland
Hall de l’Université d’Allahabad, et après quelque temps il salua et s’en
alla. (p.102-103)
La famille s’agrandit
La
célébration de l’anniversaire de Mâ, début mai, démarra une série d’heureux
évènements dans la famille. Babou s’était marié en Novembre 1961, et à peu près
à ce moment là, la famille arrangea un mariage pour Bindou. Ce dernier avait
décliné toute idée de convoler en justes noces jusqu’à présent car il souffrait
d’arthrite depuis l’époque où il était au collège. Ni la science, ni la médecine n’était en mesure de soigner cette
maladie à l’époque. Au lieu de lui prescrire des exercices pour la zone
affectée, les médecins avaient choisi d’immobiliser pendant six mois dans un
plâtre la partie inférieure de sa colonne vertébrale. Il eut lui-même la
sagesse de se débarrasser de ce carcan, mais le mal était fait. Toute sa vie, il
souffrit de cette erreur initiale. A l’époque du mariage de Babou, il s’était
bien établi dans sa vie professionnelle, obtenant prestige et standing jour
après jour. Alors qu’il conduisait Shrî Mâ de Varanasi jusqu’à notre maison à
Allahabad, elle-même le persuada de se marier. Swami Paramânanda, qui était
assis sur le siège arrière, avait abordé la question et Shrî Mâ avait saisi
l’occasion pour lui dire qu’il fallait adopter une position nette et claire
dans la conduite de vie. Si quelqu’un avait des penchants pour la religiosité,
alors il fallait qu’il fuie les embrouillaminis du monde. Par contre, profiter
de la vie dans le monde sans en assumer les responsabilités n’était pas juste
non plus. Bindou marmonna quelques excuses, mais Shrî Mâ passa outre assurant
qu’il devait choisir entre une vie de renoncement complet ou une vie d’homme au
foyer. Elle se mit à rire et dit : « Il faut que tu prennes ta
décision avant de passer le portail de ta maison ! » On entendit
alors Bindou murmurer entre ses dents son choix de rester un homme ordinaire.
Tout
d’abord le pauvre Bindou fut très malheureux. Il était jusqu’alors comme un roi
sans couronne à Allahabad et il jouissait d’une immense popularité, ce qui lui
faisait dire : « Si je me marie, je vais devenir comme tout le
monde. »
Il n’aurait pas dû se faire de souci. Il demeura
ce qu’il était et sa femme s’avéra être si belle que cela lui donna un charme
de plus. (p.103-104)
Mémoires vives (au hasard des souvenirs…)
Après
avoir rejoint la Banaras Hindu University, je ne fus plus en mesure de
suivre Shrî Mâ dans ses voyages. Je continuai cependant la routine de me rendre
aux célébrations d’Anniversaire. J’assistai au Samyam saptah à
Sukhtal, car Mâ m’avait fait demander. Je me rendis également à Vrindavan pour
un autre Samyam saptah, parce que les brahmachârinîs m’avaient
dit que Shrî Mâ avait remarqué mes absences répétées. Je n’avais pas vu Mâ
depuis longtemps. En arrivant à l’ashram je trouvai que le satsang était
en cours dans le hall. Je demeurai debout sur le pas de la porte pour avoir son
darshan. Shrî Mâ me regarda depuis l’estrade au loin où elle était
assise et délibérément elle tourna la tête de l’autre côté. Sur le moment je
fus amusée par sa réaction si humaine. Mais tandis que je m’inclinai pour le pranâm,
je me dis en moi-même : « Tourner la tête ne te vaudra rien de bon,
tu ne peux pas nous délaisser et nous n’avons pas d’autre refuge que
toi. » Quand je relevai la tête et me remis debout, je sentis son regard
sur moi rempli d’une très belle expression, comme si elle avait approuvé mes
sentiments. Indéniablement, je me souviens très clairement de cet incident.
(p.105)
Bien
des situations embarrassantes se développèrent quand les mahâtmâs
devinrent de fréquents visiteurs de nos ashrams. Shrî Mâ déplaça tous ses
rendez-vous afin de rester libre pour les satsangs ultérieurs. Les
jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ étaient à chaque fois mécontentes car il
leur fallait se tenir à distance pendant que les sadhous étaient au satsang
avec elle. La vie devint extrêmement difficile quand Shrî Krishnânanda
Avadhutjî devint un ardent fidèle de Mâ. C’était un grand renonçant à la
réputation exemplaire, et il semblait assurément ne pas aimer la vue des jeunes
filles qui entouraient toujours Mâ. Aussi chaque fois qu’il venait la voir,
elle demandait clairement que nous quittions la pièce pour attendre dehors.
Cette situation donna lieu à un incident plutôt amusant. Nous étions à Puri à
cette époque-là. Ce devait être durant une période de vacances car beaucoup d’entre
nous étaient là. A travers la fenêtre ouverte de la chambre de Shrî Mâ, nous
vîmes Avadhutjî s’avancer sur la rive, le long de la mer, ce qui nous fit
déguerpir rapidement dans la pièce voisine et dans la véranda adjacente. Seuls
les jeunes hommes, dont Abhayda, Vibhuda et Bindou purent rester. Quand
Avadhutjî se fut assis dans la chambre de Mâ, elle demanda à Bindou de chanter
un Bhajan car le jeune Swamijî était friand de musique
religieuse. Bindou commença par le chant
bien connu « man ko range jogi sache rang
me (ô ascète, trempe tes vêtements dans la vraie couleur du détachement.
La robe orange seulement n’est pas suffisante) ».
Quand
Bindou chanta de sa voix mélodieuse, on put voir Shrî Mâ s’agiter sur son chowki,
nous regarder à la dérobée et rapidement détourner les yeux pour fixer l’océan
au loin. Avadhutjî, assis immobile, sembla goûter le chant. Il fit donc son pranâm
devant Shrî Mâ et s’en alla. Avec un soupir de soulagement, notre petite troupe
se rua dans la pièce pour trouver Mâ n’en pouvant plus de rire. Elle était
presque en train de gronder Bindou pour le choix de son chant et lui disait,
tout en essuyant des larmes de rire sur ses joues : « Bindou, Bindou,
comment as-tu pu t’asseoir ainsi sous le nez d’un sadhou et chanter
cette chanson ! Je ne sais pas comment j’ai pu me retenir. Grâce au ciel
les jeunes filles n’étaient pas là, car sinon, si elles avaient eu seulement
l’ombre d’un sourire, j’aurais perdu tout contrôle. Vous verrez que ce sadhou
ne reviendra pas ! » Le pauvre Bindou secoua la tête et assura qu’il
avait choisi ce chant sans aucune arrière-pensée et sans rien de particulier
que Shrî Mâ ne sut déjà. Inutile de dire que le révérend Swamijî ne le
prit pas non plus comme une atteinte personnelle.
O
combien attachant était le comportement de Shrî Mâ avec toute sa suite de
jeunes autour d’elle, ô combien circonspecte était son attitude vis-à-vis des
ascètes, et tout cela vécu si gentiment et si joyeusement. L’allégresse était
le mot d’ordre de notre expérience durant ces jours anciens passés auprès de Mâ
Anandamayî. (p.105-106-107)
Un jour
Didou (Chhabi Chowdhary), Bunidî et moi étions en visite avec Shrî Mâ à
Bishtupur. Il nous fut dit que c’était le kheyâla de Mâ qui continuait à
aller de l’avant sans son habituel environnement de jeunes filles, mais
accompagné seulement de Swamijî (Paramanandaji) et de Didi. On nous dit
à toutes trois de retourner à Calcutta et d’attendre que Mâ nous rejoigne. Sans
même qu’il nous soit donné de protester, Didou et moi commencèrent tristement à
faire nos bagages. Bunidî restait inconsolable à la pensée de ce départ. Elle
pleura à nous en fendre l’âme. A Kharagpur Junction, on monta dans le train
tandis que Shrî Mâ et ses quelques fidèles restaient sur le quai pour nous
regarder partir. Didou et moi étions penchées à la fenêtre, mais Bunidî s’était
effondrée dans un coin et essayait de sécher ses larmes. Au départ du train,
Shrî Mâ saisit dans une main un pan de son chaddar (châle) et commença à
l’agiter en guise d’adieu comme un mouchoir. Elle continua à trottiner, presque
à courir le long du train, tout comme nous l’avions toujours fait lorsqu’elle
partait en voyage et que nous demeurions sur le quai. Je me mis à crier :
« Bunidî, Bunidî, regarde Mâ ! » Bunidî bondit alors et se
pencha à la fenêtre (qui n’était pas encore munie de barre de protection à
cette époque). Elle se mit à rire en voyant Shrî Mâ agiter son coin de châle en
courant le long du train en marche. Ainsi Mâ put voir le visage rieur de Bunidî
avant de nous quitter. Cette dernière vint se rasseoir, disant :
« Elle a fait cela juste pour me faire rire, mais je n’en reste pas moins
contrariée. » Cependant, son humeur avait changé.
Shrî Mâ
n’approuvait jamais les trop grandes effusions chez les jeunes qui
l’entouraient. Les larmes, les bouderies, les ressentiments, elle ignorait tout
cela, ou bien traitait le tout de cent façons différentes. Néanmoins, le cas de
Bunidî était exceptionnel. Nous avions tous admiré son engagement au service de
Mâ. Parmi les jeunes filles, c’était elle qui évaluait le mieux le kheyâla
de Shrî Mâ et qui agissait en conséquence. Elle avait souffert de crise
d’asthme assez violemment, mais elle se présentait toujours soignée et pimpante
et ainsi elle s’occupait des vêtements variés de Shrî Mâ. Les souvenirs m’assaillent…
Bunidî était une personne qui se sentait heureuse quand Mâ était joyeuse et
rayonnante. Si Shrî Mâ devenait grave ou sérieuse, Bunidî essayait de détourner
son kheyâla vers quelque chose de léger et d’amusant, afin que Mâ puisse
sourire ou éclater de rire.
Bunidî,
en dépit de ses petites défaillances, était irremplaçable en tant que gardienne
des vêtements de Shrî Mâ. Cette dernière vécut dans un perpétuel désordre quand
Bunidî ne fut plus là. Les autres jeunes filles qui vinrent après elle ne
furent jamais à sa hauteur. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre
un hommage à Bunidî qui fut entièrement dévouée à Mâ, et qui fit office de sœur
aînée pour l’ensemble des petites jeunes comme moi à l’époque, je veux parler
de Gini, Târâ, Buba et bien d’autres. En y repensant, je réalise que jamais
notre expérience de vie enrichissante auprès de Shrî Mâ n’avait été plus
intense que grâce à cette amitié entre nous toutes. (p.107-109)
Quand Premlata et moi
sommes arrivées à l’ashram de Kankhal, le corps de Shrî Mâ avait été installé
dans le hall principal, devant la statue d’Adi Shankarâchârya. Elle était
entourée de ses fidèles habituels. Chacun était paisible, enveloppé dans un
monde où la peine domine quand les cœurs se brisent. Ils étaient tous très
fatigués aussi. Durant les trois derniers jours, personne n’avait préparé à
manger dans les cuisines. Ils avaient subsisté en buvant seulement. Chacun
attendait le moment du samadhi qui devait être organisé par le Mahant
[le chef de temple de Daksha à côté de l’ashram de Kankhal et qui était proche
de Shrî Mâ] Shrî Narâyandâs Puriji Maharaj en accord avec Panudâ et plusieurs
autres de l’ashram.
Je ne voulais pas voir le
corps de Mâ. Je choisis de m’asseoir dans la véranda près du hall, et de
regarder la queue des fidèles qui arrivaient par la porte principale.
Atmânandajî s’approcha aussitôt et vint s’asseoir auprès de moi. Elle avait
l’air calme et pas du tout perturbée.
Au bout d’un moment elle me
dit : « Pourquoi pleures-tu ? Elle n’est pas partie. Pendant
presque deux ans elle n’a pas été disponible pour des milliers de gens qui
voulaient son darshan. Maintenant elle est libre et elle sera accessible
pour chacun et partout. Elle appartient au monde et pas seulement à quelques
fidèles. » Je sentis qu’elle parlait avec une grande conviction et ses
paroles me réconfortèrent. Avec le temps, je me rendis compte qu’elle avait dit
vrai. Mâ restait pour toujours avec quiconque se souvenait d’elle, pensait à
elle, ou méditait sur son message d’espoir pour une émancipation spirituelle.
L’ashram de Kankhal fut
rapidement envahi par la foule. Je pus reconnaître de très importants
personnages et plusieurs de ses fidèles venant de l’extérieur. Le Premier
Ministre, Mme Indirâ Gandhi, vint aussi et il lui fut donné une place parmi les
jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ. Le temps du samadhi était venu.
Shantâ vint me tendre une guirlande de fleurs. Elle me dit :
« Bithudî, pourquoi restes-tu debout si loin ? » Je répondis :
« Je ne tiens pas à voir Mâ comme elle est maintenant. » Shantâ
répliqua : « Viens, et mets-lui cette guirlande. Rappelle-toi, même
le corps ne sera plus disponible pour nous dans très peu de temps. » Elle
avait l’air infiniment triste bien que sereine. Aussi, je m’acheminai lentement
vers Mâ et lui offris les fleurs comme le faisaient les autres jeunes filles.
J’aurais préféré ne pas m’être laissée persuader par Shantâ, car au lieu de
l’attachant sourire inimitable qui avait toujours fait s’estomper le monde de
ma pensée, je voyais pendant d’interminables secondes ce visage figé et
tranquille dont je n’aurais pas souhaité me souvenir et auquel je n’aurais plus
voulu penser pour rien au monde.
Les mahâtmâs
arrivèrent pour prendre en charge le processus d’enterrement de l’image que fut
Shrî Mâ Anandamayî. Grâce à un consensus d’opinions spontané, il fut décidé que
la cérémonie serait conduite avec les plus grands honneurs prescrits dans la
tradition hindoue. Seule Shrî Mâ commanda cet unique hommage parmi les
défenseurs de notre religion. Aucune dispute sectaire ne s’en suivit. Pour tous
les mahâtmâs, Shrî Mâ fut la personnification de brahmavidya
(connaissance suprême synonyme de réalisation de la Vérité). Tout cela se
déroula comme il le fallait, mais je ne voulus pas être témoin de cette scène
d’adieu irrévocable. Je m’en allai discrètement dans ma chambre et j’attendis
que le temps passe.
Après autant d’années de
constante assiduité et assistance auprès de Shrî Mâ, les jeunes filles de son
entourage se sentirent désemparées. Personne n’avait plus rien à faire. On se
rapprocha les uns des autres, en groupes, pour parler du temps disparu.
J’appris la visite du Jagadgourou Shrî Shankarâcharya de Sringeri
Peetham qui avait eu lieu le 16 Juin. Mâ lui avait dit : « Pitâjî, il
ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un état de tension entre ce qui est
manifesté et le souvenir de ce qui est non-manifesté. »
Nirmalâ m’expliqua que
lorsque l’on attendait le Jagadgourou, Shrî Mâ avait dit : « Envoyez un message
pour prévenir Bithu. » J’en fus étonnée et je répliquai : « Mais
je n’ai jamais rien reçu d’aucun d’entre vous ? » Nirmalâ haussa les
épaules et dit qu’ils avaient tous étés si préoccupés et bouleversés qu’ils
n’avaient pas suivi le conseil. Sans doute chacun avait-il pensé que l’autre le
ferait. Ainsi j’avais raté l’occasion et la chance d’être avec Mâ encore une
fois. Peut-être avait-elle senti son kheyâla pour quelque chose. Regrets
perdus sans profits. Je me suis réconfortée en pensant qu’elle avait eu pour moi
un kheyâla à ce moment là.
Chandan me raconta qu’on
avait entendu Shrî Mâ répéter quelques mantras de temps en temps. Durant
la nuit du 25 août, elle avait clairement prononcé le panchâksara, le mantra
sacré à Shiva dans sa forme inversée ‘Sivâya Namah’. Cela
m’a fait un choc, parce que j’avais lu dans la littérature saiva siddhanta,
que cette forme du mantra indiquait un état de liberté dégagé de tous
les asservissements, et spécialement de ceux du corps. Je m’émerveillai à la
pensée que Shrî Mâ, d’une façon ou d’une autre, avait donné un sens au fait que
sa fin était proche. Elle s’était retirée sur elle-même loin des foules, elle
avait souffert physiquement et elle avait dit des mots qui, s’ils avaient été
interprétés à la lettre, auraient fait comprendre que son kheyâla la
désignait comme faisant partie bientôt du non-manifesté. Les dernières paroles
qu’elle prononça à son entourage furent : « Je jekhane acthho
boshe padho » Leur
traduction la plus proche, ou plutôt leur signification, pourrait être :
« Où que vous soyez, engagez-vous entièrement dans la sâdhanâ, en
excluant toutes les autres choses. »
J’en suis arrivée à la fin de mon récit de ces jours
anciens que j’ai passés avec Shrî Mâ Anandamayî. J’avais écrit une petite note
d’adieu pour le numéro spécial d’Ananda Varta en octobre 1982. Je
la reproduis ici, en conclusion de ces réminiscences.
Pour
Dire Adieu…………….
Nous
savons seulement comment célébrer la venue de notre Shrî Mâ bien-aimée. Nous
savons comment répandre la bonne nouvelle comme quoi Mâ arrive en ville ;
nous nous souvenons de la joyeuse expérience de devoir tout préparer pour sa
visite ; nous savons comment dresser les arches pour les festivités,
comment suspendre les festons multicolores et être prêts à fournir d’innombrables
guirlandes de fleurs pour elle. Nous nous souvenons de notre joyeux
enthousiasme en attendant la voiture de Mâ. Nous revivons encore ce frisson de
joie en écoutant le premier message chuchoté à voix basse : « Mâ
arrive. Mâ arrive ! »
Nous
nous rappelons aussi l’expérience unique alors que soudain, nous pouvons entrevoir de nouveau, comme si c’était pour
la première fois, cette forme de beauté magique et resplendissante ; nous
gardons en nos mémoires le dynamisme qui pénétrait notre esprit, l’enthousiasme
qui soulevait nos cœurs en présence de Shrî Mâ. Mais qui, en réalité, peut
décrire la joie indicible que l’on ressent la première fois que l’on découvre
cet inimitable sourire rayonnant qui dissipe tous les fardeaux pesant sur nos
cœurs, tel un soleil radieux mettant aussitôt en déroute les nuages de pluie
menaçants. Nous nous souvenons tout particulièrement de cette heureuse
plénitude quand nous rencontrions ce regard totalement englobant de compassion qu’il réduisait à néant tous
les soucis de ce monde, et mettait au repos les questionnements incessants de
l’esprit. Nous comprenons la signification de ce texte :
Toutes
nos actions sont annulées, les nœuds du cœur sont dénoués
et
tous les doutes sont dissipés, en percevant Celui qui est Suprême.
Mundaka
II.2.9
Nous
nous souvenons de tout cela et de bien davantage encore, mais nous manquons
singulièrement de préparation pour faire nos adieux à cette personne Unique qui
a pénétré sein même de la véritable texture de notre être. Est-il possible que
nous ne puissions plus revoir ce sourire conquérant qui a captivé le cœur de
tous les âges d’une façon semblable : vieux ou jeune, ascète ou ouvrier, homme d’affaires ou
artiste, ainsi que des personnes éminemment éduquées ou des villageois ? Ne frissonnerons-nous
plus jamais au son de sa voix divine chantant mélodieusement les Noms du
Seigneur ? Même quand nous ne pouvions pas voir Mâ pendant quelques jours,
quelques semaines, ou quelques mois, nous savions qu’elle était avec nous dans
le même souffle de vie, sur la même terre où nous marchions, dans le même
espace qui nous environnait et dans ce même temps que la nature nous a donné en
partage. Comment nous convaincre désormais que cette terre, cet espace, ce
temps, ces endroits et nous-mêmes, nous ne la reconnaîtrons plus ? Qui
peut être plus privilégié que nous et plus malheureux à la fois ?
Nous
ne savons pas très bien comment évoquer, dans ce festival d’adieux, la forme
réelle, chérie, et bien-aimée de Shrî Mâ. Nous nous disons , entre nous tous,
que Mâ est toujours avec nous, qu’elle a simplement changé sa forme visible en
non-manifestée ; et tandis qu’elle appartenait à une époque et à un lieu
particuliers, elle appartient maintenant au monde entier jusqu’à la fin des temps
et au-delà. Néanmoins nos cœurs qui ne connaissent rien d’autre, ni en dehors,
ni au-delà de son Image, demeurent aujourd’hui vides et sans espoir.
Mettons-nous
donc en route désormais vers la compréhension du message de Shrî Mâ.
Rassemblons nos forces et partageons-les ensemble, tout en nous rappelant que
la douleur est injustifiée par rapport à l’Image radieuse que nous avons chérie
pendant si longtemps dans nos cœurs. Unissons-nous en priant pour que nous
puissions être dignes de cette grâce qui, nous le savons, descendra sur nous
tous. Nous avons vécu jusqu’à maintenant dans la joyeuse présence de Shrî Mâ,
mais désormais nous devons essayer d’inculquer cette joie dans nos cœurs afin
d’en remplir le vide. C’est un nouveau voyage qui commence. Nous devons transmettre
la mémoire de l’enseignement de Mâ, en tant que seul support et seul moyen pour
ce voyage, à savoir que : « Avec la concentration pure, orientée vers
un seul but et qui n’en dévie pas, on doit rechercher la Vérité » En ayant
vécu en la présence de la forme manifestée de Shrî Mâ, nous avons compris la
signification du texte des Upanishads. Nous devons maintenant commencer
le voyage vers la réalisation de la vérité contenue dans ce texte. Pour nous
qui avons connu Shrî Mâ et pour ceux qui vont être amenés à la connaître, cela
devrait être le plus facile des voyages, un voyage qui deviendra pour nous la
plus belle récompense. (p.149-153)
Que le kheyâla de Shrî Mâ s’accomplisse.
Traduit de l’anglais par Geneviève
Koevoets et Jacques Vigne – Extrait de ‘En compagnie de Mâ Anandamayî’ - (Ed.
Agamat)
Nouvelles
-
Caroline
Abitbol vient de passer cinq mois quasiment continus à Kankhal auprès de
Vijayânanda.
-
Le groupe
guidé par Jacques Vigne a fait quatre jours de retraite en mars auprès de
Vijayânanda. Il s'agissait principalement de belges, élèves d'une école de yoga
à Bruxelles, dirigée par Huguette Declercq qui était présente. Ils ont fait
ensuite une autre retraite pour expérimenter la méditation en pleine nature
dans l'Himalaya, au-dessus de Dharamshala dans l'Himachal Pradesh pendant quatre jours également.
-
Swami
Nirgunânanda, qui est disciple de Mâ, ermite à Dhaulchina et que beaucoup de
Français connaissent maintenant, fera deux interventions en France :
· En mai, dans un festival de Terre du ciel sur l'Inde. info@terre-du-ciel.fr www.terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30
·
En août, avec
Paul Neeffs
à Gentines en Belgique : nous reproduisons ci-dessous les parties importantes
de son information :
« Retraite avec Swami Nirgunânanda du 23 au
29 août 2008 au Centre Spirituel de Gentines (Belgique)
Programme quotidien : Usha Kirtan (chants de
l’aube) - Prânâyâma - Commentaires
sur les Upanishads - Périodes de méditation -
Temps de repos - Satsang incluant questions et réponses - Chants ...
Contact : Paul Neeffs - Tél. (Belg.) : 0032
(0)10/814780 ou 0485938011
Courriel : paulneeffs@yahoo.com - www.anandamayi.net --Rue E. Goes 3/202
B-1348 Louvain La Neuve
HEBERGEMENT : Chambres individuelles - Chambres
doubles (selon disponibilités). Les repas seront végétariens.
PRIX ET RESERVATION : Séjour complet du samedi 23
août au soir jusqu’au vendredi 29 août 2008 : Forfait de 340,-€. Supplément :
Chacun peut apporter son couchage. Il est cependant possible de louer des draps
sur place; supplément de 7,-€ pour la durée du séjour. En cas de réservation,
veuillez verser une avance de 100,-€ sur le compte Dexia : 833-5599443-85 avec
mention : «Retraite Mâ 2008»
Le vendredi 29 août, à partir de 14 heures :
Satsang. L’accès est libre.
ITINERAIRES : Destination indiquée sur les
panneaux signalétiques : «Mémorial Kongolo» (lieu de la retraite) A partir de
l’autoroute E42 (Paris-Mons-Liège) : SORTIE 14 – SAMBREVILLE.
Train : LIGNE BRUXELLES - NAMUR – Luxembourg
Départ toutes les demi-heures à partir des gares de Bruxelles. (T.G.V. : gare du
-
Vigyânânand
(Jacques Vigne) revient pour une brève tournée en France du 16 avril aux 26
mai. La raison en est un congrès à Assise du 1er au 4 mai qui réunira le yoga européen et le yoga
indien, avec tous les grands mouvements de yoga indiens qui y seront
représentés. Vigyânânand y parlera de Mâ Anandamayî probablement avec la
participation de Râm Alexander, qui a une maison près d’Assise et qui a passé
10 ans comme brahmachari avec Mâ. L'organisatrice de la rencontre est
Antonietta Rozzi, qui a longtemps travaillé pour le congrès européen de Zinal
en Suisse chaque mois d'août et qui est proche de Swami Chidânanda. Les langues
du congrès seront l’italien et l'anglais. info@sarvayoga.org et www.sarvayoga.org. Vigyânânand
visitera de plus Nice, Montpellier, Toulouse, Vannes et Brest.
Informations sur le site www.jacquesvigne.fr.st ou en s’adressant à Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) koevoetsg@wanadoo.fr .
Renouvellement des abonnements
Nous avons déjà procédé au
renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se
réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois, ils peuvent le faire pour 5 numéros jusqu'en
mars 2009, en envoyant un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques Vigne à :
Nadine et José Sanchez Gonzalez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine
Tel : 0490121983 –
Email : nagajo3@yahoo.fr
Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par
courriel. Envoyer 5 € pour 5 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse
indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève
Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer par
email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros
qui n’arrivent pas à cause des problèmes postaux semble-t-il…
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
L’Ati Roudra mahayajña de
Kankhal en 1981 p.2
En compagnie de Mâ
Anandamayî - Bithikâ Mukerjî p.7
Nouvelles p.13
Renouvellement des
abonnements p.15
Table des matières
1
Voici des paroles que Mâ a prononcées à
Vindyâchal en mars 1936 et qui ont été présentées comme un chant au début du
dernier numéro d'Amrit Varta, (avril 2008).
L'état ultime
ne sera pas atteint par le jîva (âme
individuelle) sans détachement.
Par conséquent,
faites de la renonciation et du discernement votre seul objectif,
En abandonnant
tout désir.
Quelle est
l'aune de votre renonciation,
Vous vous en
apercevrez quand vous serez engagés dans l'action,
C'est alors que
vous verrez constamment
Dans quelle
direction votre mental est attiré.
En offrant
toutes vos activités,
Adhérez au
dharma de l'être humain,
Vous êtes le
brahmane éternel et sans changement.
Méditer sur ce
fait de façon répétitive dans votre coeur,
Percevez la
tendance du mental à s'extérioriser,
Gardez-le à
l'intérieur du coeur constamment.
Montez sur la
barque de Brahman
Et traversez
l'océan du Samsara.
Quand votre ego
est annihilé
Toutes les
dualités sont transcendées
Vous verrez que
vous reposez dans votre vraie nature,
Qui correspond
à la Vérité suprême qui doit être
réalisée.
2
Voici quelques
autres paroles de Mâ (extraites d’Amrit Varta en hindi, janvier 2007) :
Que la pensée
de Dieu reste avec vous ; rendez service avec la conviction qu'en servant
qui que ce soit, vous servez le Un, qui seul existe.
Quand on ne
peut disposer de satsangs extérieurs, il faut rentrer dans son coeur et méditer
sur Bhagavan. On doit se préparer à ce
type de satsang.
S'il n'y avait pas de professeurs et d'assistants dans les universités, la
connaissance ne pourrait se transmettre. Il en va de même pour les gourous et
la connaissance de Brahman. C'est là toute la problématique du progrès
spirituel, de la libération et de ce genre de sujets.
La grâce du
gourou est nécessaire, mais quand on n'a pas encore rencontré celui-ci, le seul
devoir de l'être humain, c'est de voir toute forme comme une forme du Divin, de
voir tous les noms comme le nom du Divin, toutes les natures comme la nature du
Divin : qu'on s'efforce de l'invoquer et de le trouver dans cet état d'esprit.
Il ne faut pas faire
les actions à l'arrachée, mieux vaut suivre la voie de la patience. On doit
s'efforcer de comprendre les dons du divin quels qu'ils soient et de les
accepter avec une tête humblement inclinée.
Recourir au nom de Dieu ne peut être nuisible. Que ses propres actions
s'enchaînent de façon heureuse ou malheureuse, tous les travaux deviendront
favorables si l'on recourre au nom du
3
Seigneur.
On ne peut pas
même avoir confiance en une seule respiration (jeu de mot en hindi : ek nishwas ka vishwas nahi). Si tu dois faire
demain, alors aujourd'hui, si tu dois faire aujourd'hui, alors maintenant.
Question : Est-ce que la popularisation actuelle du mantra de Gayatrî
correspond à la tradition ?
Vijayânanda :
Traditionnellement, le Gayatrî était un mantra réservé aux brahmines. Son nom
même signifie « qui protège les organes ». En effet, les brahmines mendiaient
leur nourriture, et risquaient donc de tomber malade ou d'avoir des mauvaises
vibrations qui venaient de ces dons alimentaires. Le mantra leur servait donc
de protection.
Q : Pourquoi
l'éveil de la koundalinî réveille-t-il d'abord des émotions négatives ?
V : La koundalinî
provient du mulâdhâra où résident à la fois la force vitale et l'instinct de
conservation. Quand le corps se sent en danger, il réagit par la colère ou des
émotions fortes, il peut même tuer. Par ailleurs, le mental est basé sur des
émotions qui sont elles-mêmes basées sur le mouvement du prâna dans les nadîs
(les canaux d'énergie). Quand on maîtrise les nadîs et leurs mouvements, on
maîtrise le mental, mais c'est un gros travail. Dans la bhakti, il existe aussi la montée de la koundalinî,
mais on ne la nomme pas comme telle. Mâ non plus ne parlait pas de la
koundalinî, mais de Bhagavân kî shaktî,
4
l'énergie de Dieu.
Tant que la question de désir sexuel n'est
pas réglée, on ne peut commencer une (vraie) sâdhanâ. C'est le gros morceau.
Certains disent que le désir, c'est la vie, mais le désir sexuel vous emmêle
dans un labyrinthe : on peut passer toute sa vie simplement pour essayer de le
satisfaire.
Q: Est-ce que c'est
normal que beaucoup d'ashrams, soit demandent à leurs visiteurs un prix fixe,
soit imposent un minimum fixe aux donations ?
V : Le système
traditionnel des ashrams, celui que j'ai connu en arrivant en Inde, c'est qu'on
donnait ce qu'on voulait, certains même ne donnaient rien. Ce sont les
Américains dans leur avidité d'enseigner le yoga qui en ont fait une activité
régulièrement payante.
Q : Ceux qui
confondent religion, spiritualité et culte d'un Dieu personnel sont-ils dans le
vrai ?
Q : Ce que dit
l'Inde à travers le védanta et le bouddhisme, c'est qu'on peut atteindre une
perfection spirituelle et réaliser l'Absolu sans avoir besoin d'imaginer un
Dieu avec une grande barbe blanche en haut du ciel, en un mot sans avoir besoin
de croire au Père Noël.
Q : Quel est
l'avantage d'un gourou vivant par rapport à un sage qui est mort ou qui nous
apparaît sous forme subtile ?
V : Le gourou
vivant est comme une loupe qui, en rassemblant les rayons du soleil divin,
réussit à allumer la flamme dans le coeur du disciple.
Q : Est-ce que
le Hatha Yoga aide à suivre le brahmacharya ?
V : En fait, pour
ceux qui n'ont pas les nadîs ouverts, la pratique intensifie plutôt le désir
sexuel. Par contre, s'ils sont
5
déjà ouverts, les
âsanas aident au brahmacharya.
Q : Mâ
conseillait-elle d'avoir des animaux domestiques ?
V : Elle disait
que si on avait vraiment besoin d'un chien de garde, à ce moment-là qu'on en
prenne un. Mais elle n'était pas en faveur des animaux de compagnie, qui créent
des attachements inutiles. En fait, je me souviens que Mâ nourrissait un chien
à Solan dans l'Himalaya. Elle m'a expliqué : « Tu vois, il vient à heures fixes
pour recevoir du maître, il est comme un
disciple qui sait que le gourou envoie sa grâce à heures fixes aussi. (Mâ
faisait sans doute allusion au silence qu'elle demandait à ses fidèles de 20
heures 45 à 21 heures). Je lui ai alors répondu : « Et si le disciple n'a pas
faim ? »
Q : Est-ce que
tous les enseignements spirituels peuvent être publics ?
V : Non, dans la
Cabale par exemple, il y a trois niveaux d'enseignement :
1) celui où le
maître donne ses instructions au groupe
2) celui où il ne
les donne qu'à un disciple en particulier.
3) celui où le
disciple réalise l'enseignement par lui-même, intuitivement.
Q : Est-ce que
Mâ essayait de temps en temps de faire peur ?
V : Oui, et cela
marchait avec certains disciples, y compris occidentaux. Mais avec moi, cela
n'a jamais réussi. En fait, il y a un moyen simple de manipuler les sages,
c'est par un amour sincère : leur point faible, c'est la compassion, et donc
ils ne peuvent résister à un amour sincère.
6
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
BHAKTI & GYANA
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Par Monique Manfrini
Le plus haut stade de l'amour
divin est celui de l'unité totale, de la reconnaissance de notre nature divine.
La "Gyana" ou chemin de la "Connaissance du Soi"
décrit cet état ultime de la même manière que les Sutras sur la "Bhakti"
de Narada. Il ne peut en être autrement puisque l'Advaita vedanta - philosophie
de l'UNITE par la "Connaissance du Soi"- et la Bhakti -
philosophie non dualiste où le/la "bhakta" s'abandonne à Dieu
par Amour - sont deux chemins qui mènent à l'UN. "L'UN" ne change pas
selon le chemin parcouru pour "l'atteindre". Il EST de tout temps et
partout. Nous ne pouvons donc que nous éveiller à l'UN.
L'être humain, limité par le
temps et l'espace, ne peut pas concevoir "l’Illimité", sans l'aide
d'une recherche intérieure et d'une transformation profonde de lui-même. Que de
changements à accomplir en soi pour simplement être ! Nous devons reconnaître
puis dépasser tous nos rôles temporels...Nous devons nous défaire de notre
attachement aux corps, mental et intellect puis apprendre à voir le monde tel
qu'il EST...et non tel que nous l'interprétons habituellement.
Mais, quel est le
"sens" de tous ces mots ? Quel regard devons-nous porter sur nous et
sur le monde environnant ? Toutes ces questions hantent tout être humain qui
s'interroge
7
sur le "sens" de sa vie. Comment se comprendre et
comprendre ce qui nous entoure ? Que cherchons-nous dans cette existence? Que voulons-nous vraiment ? Les questions
posées sont les mêmes pour tous. La façon d'y répondre diffère, seule.
Pourquoi existe-t-il des
différences ? Les êtres humains sont soumis à diverses influences depuis leur
plus jeune âge. Leurs personnalités, leurs milieux familiaux, leurs éducations
sont différentes. La sensibilité de chaque individu est plus ou moins forte.
Mais, le fonctionnement du mental et de l'intellect de tout être humain demeure
fondamentalement identique.
Tout individu a des idées, des
sensations, des sentiments, des désirs, des obsessions parfois et agit selon
les stimulis extérieurs et intérieurs perçus.
Certains individus sont sensibles
à la raison, d'autres sont sensibles aux sentiments, d'autres encore semblent
insensibles aux deux. Tels sont les principaux "types" d'individus
rencontrés en ce monde. Ceux qui se sentent attirés par l'argumentation, le
raisonnement, utiliseront leur intelligence pour répondre à leurs questions.
Ceux qui sont guidés par leurs sentiments, se serviront de leur intuition pour
y répondre. Quant à la troisième catégorie, elle n'existe pas vraiment, à mon
sens, mais concerne des individus qui se croient insensibles à la raison
et aux sentiments. Ils ont développé, au cours de leur vie, une résistance ou
un rejet de la raison et des sentiments. J'exclus, à priori, de mon propos les
cas pathologiques. En effet, mon étude concerne la majorité des êtres humains.
Cette troisième catégorie, rejoint donc, de fait, l'une des deux précédentes.
Les deux premières catégories sont basées sur la raison et les sentiments ou,
respectivement, l'intellect et le mental. Or, intellect et mental sont à
l'oeuvre chez chacun d'entre nous. Ils y existent conjointement. Ils se
combinent à des degrés différents et même varient dans le temps et aussi
8
selon les circonstances. En effet, l'homme est soumis aux changements de
son corps, de son mental et de son intellect ainsi qu'aux changements
extérieurs du monde dans lequel il vit. Toutefois, en chacun de nous, existe
une tendance profonde à privilégier la raison ou les sentiments. Cette tendance
nous conduit à suivre l'un des deux chemins déjà cités: "Gyana"
ou Bhakti". Parfois, ce choix n'est pas vraiment fait par l'homme.
Il arrive que l'être humain ne choisisse pas réellement mais se laisse guider vers
l'un des deux chemins. Cela doit, cependant, lui convenir s'il y continue sa
route. N'en changerait-il pas s'il ne s'y sentait pas à l'aise ? Certes, la
recherche du "sens" est trop importante pour que nous acceptions de
rester sur une voie qui ne nous conviendrait pas.
La "Bhakti"
débute dans la dualité puisque
"l'Aimé" est distinct de "l'amant" et culmine dans
"l'Unité" consciemment expérimentée : "l'amant" se fond en
"l'Aimé". Le "Gyana" débute, pareillement, dans la dualité
puisque le "chercheur" et le "Cherché" sont vécus comme
distincts, séparés. Le "Gyana" culmine, également, dans
l'Unité, consciemment expérimentée puisque le "
chercheur" réalise qu'il est le "Cherché". L'Amour, le
Soi ou la Conscience sont Ce qui doit être réalisé et ces trois mots ont la
même signification. Ils désignent tous trois l'UN. Si le début et la fin de ces
deux chemins sont identiques, qu'est-ce qui les distingue ? Mais, avant tout,
essayons de mieux définir chaque chemin : "Bhakti" et "Gyana".
La Bhakti est le
chemin de l'effacement de la personnalité ou Ego par "Amour" pour
Dieu. L'être humain offre son Ego à Dieu par Amour. Il lui donne, joyeusement,
son individualité. C'est la voie de la "foi" totale en Dieu.
Cette voie est fusion de toute différence dans l'Unique Existence par Amour.
L'être humain n'est alors qu'Amour. La "goutte d'eau" prend
9
conscience de son existence en tant qu' "océan". L'Amour pour
Dieu est donc, à la fois, la condition première et ultime qui, seule, permet
d'opérer la transformation décrite ci-avant. Cet Amour se développe par la foi
que le/la bhakta fait croître en lui/elle pour réaliser cette unité
divine. La foi grandit peu à peu en l'être humain, grâce à sa pratique
personnelle, visant à susciter son plein épanouissement. La foi est le
rayon de soleil qui fait germer et croître la graine. Sans foi, aucun
épanouissement n'intervient. A cet égard, Narada présente, dans ses Sutras, les
12 conditions que l'homme doit réaliser pour pouvoir accéder à
l'expérience de l'Amour divin. Ces conditions sont des moyens
pour permettre à l'homme de franchir Maya, l'identification erronée au
corps, au mental et à l'intellect. Elles ne constituent donc pas le but à
atteindre. Ce sont, selon les versets 46 à 49 de Narada Bhakti Sutra :
-
l'abandon de tous nos attachements aux objets des sens;
- le
service des grands fidèles de Dieu (par une vie conforme à leurs
enseignements);
- la
renonciation à tout sens de possession en soi-même (ie: l'esclavage mental qui
nous lie à nos possessions);
- la
localisation dans un endroit calme (pour y être seul avec soi-même);
- le
déracinement total de notre asservissement au monde
(en mettant fin totalement à notre attirance pour le monde des objets et
des êtres);
- la
libération des influences des 3 gunas (ie: sattwa, rajas et tamas)
pour transcender toutes nos tendances innées;
10
- la
renonciation à toutes nos anxiétés pour acquérir et conserver des biens
(matériels ou immatériels) puisque le Bonheur n'est pas dans leur possession;
-
l'abandon des fruits de nos actions ou tyaga (en renonçant à l'anxiété
pour la jouissance des résultats de nos actions);
- la renonciation
à toutes actions égocentriques ou sanyasa (ie: aux impulsions
égocentriques des actions);
- ainsi,
obtenir la libération du jeu des paires d'opposés-ie: joie/tristesse,
succès/échec, chaud/froid etc. (l'être humain n'est plus affecté par les paires
d'opposés puisqu'il ne pense plus qu'il agit);
- La renonciation même aux Vedas puisque l'idée égocentrique que j'étudie
les Vedas ou que j'accomplis le culte divin n'est plus là;
- par
cette pratique, parvenir à l'obtention
d'un flot de dévotion pur et continu
(lorsque le mental devient un flot constant vers la réalité ou OM
et non vers les objets, les émotions et les pensées).
Pour "être Amour", il faut avoir foi en l'Amour
de Dieu pour toutes ses créatures. Notre Amour, seul, peut nous permettre
de connaître l'Amour divin. Cet Amour étant sans cause,
don permanent et inconditionnel, inexprimable et indescriptible, Il ne
peut qu'être expérimenté, directement, dans son coeur, par le/la bhakta dont
l'Amour est pur. Ce/cette bhakta s'est totalement ouvert(e) à l'Amour
divin. Il/elle est devenu(e) Amour. L'univers de l'Amour divin ne peut pas être
expérimenté ni exprimé par nos mentaux et intellects qui ne peuvent traduire
que nos expériences physiques, émotionnelles et intellectuelles. Pour le vivre
le/la bhakta doit s'offrir
11
entièrement à l'Amour divin,
sans aucune limitation ni restriction. Très peu d'êtres humains parviennent à
réaliser l'offrande totale de leurs egos par Amour pour Dieu. En effet, notre
attachement pour notre monde matériel, pour nos sens et nos pensées est si fort
que nous n'arrivons pas à nous arracher à eux. Pourtant, ils ne peuvent pas
nous procurer la paix que nous recherchons en eux puisqu'elle n'y est pas.
Notre ego règne sur notre vie et sur tout ce qui nous entoure. Comment, dès
lors, peut-il s'effacer pour laisser croître la graine de la foi,
devenant Amour pour Dieu ? Cet ego est pareil à un prisme qui déforme la
réalité et nous enferme dans l'illusion. Certes, la tâche est ardue et,
parfois, le/la bhakta relâche ses efforts, découragé(e) ou même renonce.
Mais, la foi qu'il/elle a fait croître en lui/elle est toujours là pour
l'aider à reprendre courage et à continuer sa route. Cette foi ne
disparaît jamais totalement. L'individu peut paraître l'avoir oubliée pendant
quelque temps. Cependant, elle sommeille en lui, telles les cendres d'un feu
qui peut, à tout moment, reprendre et tout embraser. Ceux qui croient
arriveront, tôt ou tard, à l'expérience immédiate de l'Amour divin, mais ceux
qui ne croient pas ne peuvent pas y accéder. En nous, la graine est là, prête à
germer mais, le rayon de soleil de la foi est nécessaire pour qu'elle
puisse croître. La foi totale et profonde en Dieu devient Amour divin.
Ainsi, l'être humain fait l'expérience immédiate de l'Être. Il s'est
identifié à Lui. La dualité est abolie.
Tel est le chemin de la Bhakti,
menant de la dualité à l'unité divine. Krishna, le Dieu incarné de la Bhagavad
Gita, demande à l'être humain de se donner totalement à Lui. Alors,
Krishna veillera sur son dévot et assurera le bien-être d'un tel dévot. Krishna
demande donc à l'homme de Lui faire pleinement confiance, d'avoir une foi
suprême en Lui. Il nous exhorte à nous laisser entièrement guider par Lui pour Le
12
rejoindre. Seule, la grâce divine peut nous aider à connaître, à vivre
l'Amour divin. Cependant, cette grâce divine doit être recherchée par l'être
humain. Pour ce faire, il doit apprendre à s'aimer afin de pouvoir aimer
l'autre et in fine, être Amour divin. Quiconque ne s'aime pas, ne peut
pas aimer autrui puisqu'alors, tout amour lui est étranger.
L'Amour divin ou Amour
inconditionnel, "gratuit", sans cause, se développe, peu à peu, dans
le coeur humain qui a fait croître la foi en lui. Humblement, l'homme
doit accepter ses faiblesses, ses manques, ses imperfections pour pouvoir se
transformer et accéder à la félicité sans limite de l'Amour divin. Alors,
l'homme est Amour. L'amant et l'Aimé ne font plus qu' Un. La créature a rejoint
son Créateur. Toute dualité est abolie. Toute forme divine, toute
représentation de Dieu est désormais superflue. L'homme n'a plus besoin d'image
puisqu'il vit l'Amour divin en lui...Sa vie est, à présent, célébration du
Divin uniquement.
Maintenant, étudions plus en détail le Gyana.
Le Gyana ou
chemin de la "Connaissance du Soi" est une recherche du bonheur en
Soi. L'homme cherche à "se" connaître et pour ce faire, tourne
son attention vers lui-même. Il ne se réfugie pas en lui-même mais, s'efforce
de comprendre le fonctionnement de son mental, de son intellect et de ses sens.
Il est lui-même le sujet et l'objet de sa recherche. Il commence par s'observer,
considérant que cette étude est la plus accessible et la plus directe de
toutes. L'être humain constate qu'il essaie toujours de trouver bonheur et
tranquillité à l'extérieur de lui-même. Or, le monde extérieur ne peut lui
apporter qu'un bonheur et une paix éphémères. Le principe qui régit toute la
création étant celui du changement de toutes choses, rien n'y demeure
stable. Cependant, Bonheur et Paix ne peuvent
13
provenir d'un univers instable. Où donc trouver le Bonheur et la Paix ? Ni
les objets, ni les pensées, ni les sentiments ne peuvent nous procurer ce à
quoi nous aspirons ardemment et qui jusqu'alors nous échappe.
Pourquoi en est-il ainsi? Notre
mental est inféodé à notre EGO. Cet ego veut tout contrôler et diriger. Il
règne sur le monde intérieur de nos pensées et agit sur le monde extérieur
selon "ses" désirs. Il est donc crucial de comprendre et de
bien maîtriser cet ego pour parvenir à le transcender. L'être humain se sent
imparfait, seul, inadéquat, malheureux mais ne sait pas comment changer ce
qu'il ressent. Il cherche donc à combler ce sentiment de vacuité,
d'inadéquation par des satisfactions matérielles, intellectuelles ou
émotionnelles. Mais, le vide ressenti est subtil et non pas matériel,
intellectuel ou émotionnel. Ni la matière, ni le mental, ni l'intellect ne
peuvent donc le combler. L'homme cherche partout ce qui est, en fait, lui-même.
Ce faisant, il souffre, s'épuise mais ne trouve toujours pas le Bonheur,
l'épanouissement tant souhaité. Il est le jouet de ses désirs...Or, nos désirs
sont des leurres, des palliatifs
puisqu'ils ne peuvent pas nous procurer Bonheur et Paix. En effet, comment le
limité pourrait-il combler l'illimité? L'être humain est ainsi prisonnier du samsara
et change donc en permanence. Dans ce tourbillon et cette agitation, toute son
énergie s'éparpille en vain. Sa seule issue est de s'arrêter, de s'observer et
de s'étudier sans à priori, objectivement. A défaut, il ne se transformera pas
et mourra sans s'être connu, étranger à lui-même. Avant de pouvoir se
transformer, l'homme doit pouvoir évaluer sa situation, comprendre qu'il fait
les mauvais choix et qu'il reproduit les mêmes erreurs, encore et encore.
Ce retour sur lui-même, en
lui-même est nécessaire pour qu'il puisse changer d'attitude et parvenir à
évoluer. Regardons-nous agir, observons notre mental, prenons conscience de nos
14
comportements erronés répétitifs. Nous verrons alors que nous agissons tels
des pantins que des ficelles tirent dans tous les sens. Nous nous croyons
adultes, responsables, autonomes mais nous sommes infantiles, irresponsables et
totalement dépendants de nos conditionnements familiaux, émotionnels, religieux
ou athés, éducatifs, sociaux, professionnels, sexuels...De cette prise de
conscience douloureuse, seule, peut naître une recherche réelle de notre
véritable "moi". Qui suis-je derrière tous mes "faux
moi", toutes mes "étiquettes" ou "paravents"?
Toutes ces couches d'ignorance pourront être enlevées une à une dès que j'en
prendrai conscience. Suis-je né(e) affublé(e) d'étiquettes ou d'identités
multiples? Tout ce qui est erroné, faux, ne peut pas être conservé dans un
mental qui cherche la Vérité.
Aussi, la discrimination
(viveka) entre le vrai et le faux, le réel et l'irréel est-elle
une pratique nécessaire pour le/la gyani - celui/celle qui suit la voie
du gyana-. C'est la première aptitude qu'il/elle doit
acquérir ou développer en lui/elle pour amorcer sa transformation. Ainsi, son
mental se purifie, se débarrasse de toutes ses conceptions erronées, conditionnements
et idées fausses. Notre personnalité, peu à peu, se transforme. Nous nous
disciplinons et transcendons notre ego, si limité et imparfait. Puis, nous
devenons capables de nous détacher, progressivement, de notre dépendance aux
objets, émotions, pensées alors que nous vivions auparavant pour eux.
Vairagya, le détachement, est une étape obligatoire
sur le chemin du/de la gyani. C'est la deuxième aptitude que
le/la gyani doit cultiver en lui/elle. Lorsque le/la gyani peut
discriminer entre le vrai et le faux, il/elle se détache obligatoirement de
toutes ses conceptions erronées et recherche, de plus en plus, le VRAI, ne
s'intéresse qu'à lui. Ce faisant, il/elle évolue, intérieurement et approfondit
sa
15
connaissance spirituelle qui lui permet d'aller au-delà de l'intellect.
Il/elle sait que le Bonheur n'est pas dans les objets, les émotions ou les
pensées. Il/elle peut donc se détacher d'eux et rechercher le Bonheur sans
cause, celui qui existe, de tout temps et constitue la seule Vérité.
Sachant s'analyser et analyser ce qui l'entoure
correctement et se détachant progressivement de tout ce qui entrave son progrès
spirituel, le/la gyani doit encore développer en lui les sextuples
accomplissements ou disciplines. Ces sextuples disciplines sont:
1) Sama: -la discipline du mental-;
2) Dama: -le contrôle ou la discipline des organes d'action-;
3) Uparamah: -l'accomplissement de son propre devoir ou dharma-;
4) Titiksa: -la tolérance ou la capacité à tout accueillir-;
5) Sraddhā: -la foi ou la croyance en l'existence de
quelque chose en attendant de la découvrir-;
6) Sãmãdhanam: -la concentration du mental sur un seul
sujet-.
Ces sextuples disciplines constituent la troisième aptitude que le
/la gyani devra cultiver en lui/elle.
Enfin, la quatrième aptitude est
mumuksutvam ou le désir
ardent, la forte aspiration à la libération, à la liberté. Cette liberté est
l'aboutissement de la quête, l'éveil au Bonheur sans cause qui seul, peut nous
rendre heureux. Ce Bonheur est "en" nous-mêmes. Il est nous-mêmes.
Toutefois, pour parvenir à faire sienne cette Vérité, le mental doit y avoir
été préparé par les quadruples aptitudes. Alors et alors seulement, il peut
rechercher qui il est. La recherche peut commencer et être menée
à son terme: "Je suis la Réalité, le Soi ou Atman".
Le chercheur est désormais un jivanmuktah, libéré vivant. Mais,
16
cette Vérité ne doit pas rester à l'état de simples mots. Nous devons vivre
cela, Être.
"Sat, Cit, Ãnanda"
- Existence, Connaissance et Félicité- est Ãtmã, le Soi,
"Je". Cette enquête est
systématique, rigoureuse et inverse toutes nos valeurs. Le/la gyani,
guidé(e) par les écritures sacrées et les maîtres réalisés va d'abord
explorer tout ce qu'Ãtmã n'est pas. Ce faisant, il/elle intériorisera le
fait qu'il/elle est autre que ses corps grossier, subtil et causal et au-delà
des cinq fourreaux qui recouvrent Ãtmã. En fait, l'être humain "a"
tout cela mais "n'est pas" tout cela. Tout ce qu'il "a"
disparaîtra avec le temps mais qui il est ne disparaîtra jamais.
Puis, le/la gyani recherchera tout ce qu'"Ãtmã" est :
* le témoin des trois états qui sont l'éveil, le rêve et le sommeil
profond;
* Sat, Cit et Ãnanda (Être, Connaissance et Félicité): la nature du Soi
(Ãtmã).
Après sa recherche sur la
nature d'Ãtmã, la Conscience individuelle, le/la gyani s'interrogera,
ensuite, sur l'identité de "Brahman", la Conscience totale et
d' "Ãtman", la Conscience individuelle. Il/elle apprendra que "Brahman"
et "Maya", l'ignorance totale, constituent la Création ou "Samasti".
Parallèlement, "Ãtman" et "avidya",
l'ignorance individuelle, constituent l'individu ou "vyasti".
Entre "Brahman" et
"Atman", le/la gyani va découvrir qu'il n'existe aucune
différence. L'impression de séparation provient de notre ignorance, seule. Par
suite, l'ignorance doit être abolie pour que l'individu perçoive son unité
essentielle avec "Brahman", le Soi. L' "Ego" -l'individu qui
ignore- doit être transformé pour que l' "Atman" puisse être
reconnu. Cette transformation totale de l'individu est un processus plus ou
moins rapide, selon le degré d'évolution
de chacun de nous. Mais, cette transformation est indispensable et
incontournable
17
chez tout individu qui cherche à se connaître. En effet,
"l'ignorance"- sans commencement- qui nous sépare de notre vraie
nature, ne peut disparaître -ou avoir une fin- que si nous nous défaisons de
notre vision erronée que nous sommes séparés d' "Atman" ou de "Brahman"-le
Soi, l'Un-.
Ainsi, l'individu s'éveille, de
plus en plus, à "Atman" ou Conscience individuelle et peut,
enfin, être consciemment. Toute dualité est alors abolie. Le Soi, "Atman"
ou "Brahman", seul, est. L' "ego" subsiste
tant que le corps vit mais il est, seulement, utilisé par l'homme éveillé. L' "ego"
est pareil au serpent inoffensif qui entoure le buste de Siva. Siva l'a
transformé en ornement pacifique qui n'inspire plus la peur. Le mouvement du
serpent fait intégralement partie de la danse éternelle de Siva. Seule, sa
beauté est perçue par chacun. Tout danger, toute angoisse, a disparu.
Après avoir décrit les deux chemins -Bhakti et Gyana-
que peut-on conclure sur ce qui les distingue? Si ces deux voies ou moyens
d'accéder à la connaissance divine étaient semblables, elles n'auraient pas
lieu d'être...Mais, avant tout, rappelons utilement que ces moyens
ne sont pas le but. Elles sont utiles comme les catalyseurs dans une expérience
scientifique. Elles permettent la purification de notre "ego",
sa transformation, sa transmutation. Ces deux voies sont des
"passeurs" qui permettent d'accéder à l'autre rive de la vie.
La Bhakti ou voie
de l'abandon à Dieu, par Amour, est la voie de l'offrande totale de notre "Ego"
à Dieu. L'être humain s'oublie en Dieu. Lorsqu'il y parvient, la dualité
s'efface et seul, Dieu, est.
La Gyana ou voie
de la connaissance du Soi est, avant tout, une enquête en Soi pour accéder à
Soi-même, au moyen du Soi. Pour ce faire, le "chercheur" essaie
de trouver "qui" "il" "est",
18
"qui" est". Il
part de lui-même et plonge dans les profondeurs de son "ego"
pour "se" connaître. Il se considère comme "objet"
et "sujet" de sa recherche. In fine, les deux voies se rejoignent
dans la même unité et unicité divines.
La Bhakti
impliquant le don total de soi à Dieu par Amour pour Lui, passe donc par les
sentiments, l'affectif, l'une des deux tendances profondes existant en tout
être humain.
Certains êtres humains ne
peuvent pas s'abandonner ainsi à Dieu car leur intellect les en empêche. Ils
ont un besoin impérieux de comprendre, d'être convaincus par une argumentation
logique. Pour ces être humains, la Bhakti n'est pas un chemin
praticable afin de s'ouvrir à Dieu. Leur intellect résiste et s'oppose à tout
abandon par Amour. Ils ne peuvent pas suivre la voie du don total de leur "ego"
à Dieu parce que la "foi" n'est pas spontanée chez
eux. Leur intellect ne l'accepte pas. Ils doivent donc prendre le chemin de la Gyana
qui seule, leur permettra d'accéder à la "foi" ou
"sraddhã" puis à l'Amour divin. Ils accèdent à la "foi",
peu à peu, parce qu'ils sont sensibles au raisonnement incontournable
des Ecritures...Leur "foi" est, au départ, proche du "pari"
de Pascal..."Ayons la foi en attendant de découvrir ce que nous
cherchons". Toutefois, ces chercheurs sont sincères. Cette attitude leur
paraît raisonnable et peut, par la suite, être acceptée par leur intellect.
Puis, cette " foi" devient de plus en plus sincère,
authentique, vécue et l'Amour, don divin, commence à croître en eux.
Parallèlement, leur ego exploré, connu, maîtrisé n'est plus aussi
puissant. A mesure que l'Amour grandit en eux, leur ego devient de moins
en moins fort, dictatorial. Ils peuvent, enfin, apaisés, percevoir ce qui leur
échappait jusqu'alors. Ils voient de mieux en mieux l'UN derrière le multiple,
l'Amour là où il y avait division, séparation. Leur vision évolue, change. Elle
est désormais devenue très proche de celle du/de la Bhakta.
19
Le/la Bhakta et le/la
Gyani savent que Dieu est tout et qu'ils ne sont pas. Ils sont baignés
d'Amour divin. Rien d'autre ne compte pour eux. Maintenant, ils boivent le
nectar divin à sa source... La Joie est leur état profond...Ils sont
cette Joie pure et totale, uniquement. Aucun nuage ne peut obscurcir ce qu'ils
ressentent...Qui peut troubler la Paix des "Connaisseurs de
l'Unité"?
Ils savent qu'ils ne sont pas et que tout ce qu'ils perçoivent est la
Création divine. Pourquoi se troubleraient-ils? Pour eux, le "samsara"
est un spectacle. Il ne les affecte pas puisqu'ils savent que rien ne
leur appartient. La Création est l'oeuvre de Dieu et suit les lois divines.
Seul, l'être humain "ignorant" résiste et s'oppose aux lois
divines. Le sage s'y soumet avec Joie.
Tous les sages se sont
abandonnés à Dieu par Amour. Dieu prend soin d'eux et ils vivent dans la Paix
et la Félicité. Leur vie est louange permanente à la gloire de Dieu. "Sat,
Cit, Ananda" est la seule Vérité. Ils vivent en Elle, par Elle et pour
Elle. Ils ne redoutent pas la mort puisqu'ils savent qu'ils ne meurent pas mais
vivent, à jamais, en Dieu...Alors, quel qu'ait été leur chemin pour y parvenir,
cela n'a plus d'importance...Ils ont, à présent, la mission de guider tous
les chercheurs sur la voie qui leur convient le mieux...Ils ne peuvent
qu'accomplir l'oeuvre de Dieu...
OM, TAT, SAT.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
La Cadière d'Azur,
achevé le 24.09.2007
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
20
§§§§§
LA VOIX DES FLEURS
§§§§§
J'ai caressé la chevelure
Bleu-violet des lavandes puis
Respiré leur souffle chaud...
Plus loin, j'ai senti la douceur
Amère des lauriers rouges...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Le lantana lumineux m'a saluée
Et gratifiée de son parfum
Tenace...Toutes ces fleurs
M’ont donné un présent,
Simplement, comme un sourire...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Mes sens ont été comblés.
Mais, moi, qu'ai-je fait pour elles
Sinon admirer leur beauté?
Ô Nature, tu es généreuse envers nous
Sans rien attendre en retour.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Ta beauté est offerte à tous,
Sans condition. Tu distribues tes grâces,
Sans compter. L'homme prend tout
Sans même te remercier. Que lui
Dirais-tu si tu pouvais parler?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Ô Humain, arrête toi,
Un instant et pense à Celui
Qui me permet d'être là,
Si belle, si bonne, si accessible
Et si confiante en toi!
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Honore-Le, de tout ton coeur
Et de toute ton âme. Remercie-Le
Toujours car Il me permet
De te donner la joie de me
Contempler à tout moment!
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
N'oublie jamais cela...Tel est
Mon message secret! A travers moi,
Tu peux connaître notre Maître
A tous. Mais, ton mental
Est-il assez subtil pour cela?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Essaieras-tu de Le découvrir,
Caché derrière ma belle apparence?
Des saints l'ont fait avant toi...
Alors qu'attends-tu, maintenant,
Pour commencer ta quête?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Peux-tu être satisfait de mes présents?
Ne veux-tu pas chercher
Qui te les donne? Ô Humain,
Sois curieux, cherche, cherche,
Sans jamais te lasser...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Finalement, tu trouveras ce qui
Est, au-delà de ce que tu perçois.
Ta récompense sera si grande
Que tu ne peux même pas l'imaginer!
Alors, regarde en toi avec les yeux de ton coeur...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Monique Manfrini,
La Cadière d'Azur, le 30.05.2007.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
SOLEIL EN FEU
°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ce matin, l'horizon était en feu
Au-dessus des collines bleues.
Une large étole rouge-rosée
Enveloppait leurs larges épaules.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Les pentes des collines étaient voilées
D'une brume épaisse qui s'étirait
En longs bandeaux superposés.
Quel spectacle, quelle fête pour les yeux!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Le mystère, peu à peu, s'estompait
Tandis que les rayons incandescents,
Doucement, disparaissaient...Quel lever
De soleil! Que de beauté, Ô Créateur!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Devant tant de merveilles, l'idée
De la fin, soudain, s'est imposée.
Qui veut que toute cette beauté
S'en aille à jamais, ô humain?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Même un indifférent n'y songerait pas!
Mais, ne devons-nous pas déceler
Ce qui est derrière tout cela?
Cherchons le sens pour voir au-delà...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Au-delà de quoi? De tous les phénomènes,
De tous les concepts, de toutes nos idées fausses
Et nos conditionnements, de toutes nos habitudes,
Préjugés et croyances aveugles aussi...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
A quoi sert donc tant de beauté?
Notre mental est-il illimité?
Peut-il sentir ce qui le dépasse?
Certes, il reconnaît cet au-delà de sa compréhension.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
La beauté perçue par nos sens,
Echo de la beauté de la Création,
Est un hommage infini à l'Oeuvre
Du Créateur. Soyons humbles et aimants!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Quelle autre attitude pourrions-nous
Avoir face à son Oeuvre si parfaite
Et si généreusement offerte à nous,
Image fidèle de l'Être qui l'a créée?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ainsi, notre gratitude immense ne peut
Que s'épancher, face à cette beauté
Toute puissante de la Création divine,
Ô inspiration de nos coeurs émerveillés!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Sachons, tout naturellement, nous émouvoir
Et remercier notre Créateur aimant
Pour ce si magnifique cadeau,
Donné si simplement à l'homme, sa créature.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Monique Manfrini,
La Cadière d'Azur, le 05/12/2007.
Par Bithika
Mukerjee
(Traduit de l’anglais par Jacques Vigne et
Geneviève Koevoets)
(Editions Agamat)
En route pour le Canada
Le moment vint où il
fallut quitter le Château de Bossey. Echanges d’adresses. Promesses de se
revoir.
Ce fut le tour des
Universités de Leiden et d’Amsterdam, où l’assistance n’était pas très
intéressée par le langage de la philosophie hindoue, à part pour ce qui
concernait
25
le hatha-yoga et la méditation transcendantale. C’était un peu comme si
j’avais été prête à servir des plats succulents, alors que les clients ne
demandaient rien de plus que des patates bouillies. L’unité
religion-philosophie n’était pas encore prise en compte à ce moment là.
L’obtention de mon visa
pour le Canada était dépendante mon état de santé, à cause de mes anciens
problèmes de tuberculose, et pour l’obtenir, je fus obligée de me soumettre à
un examen médical complet. L’ironie du sort voulut que, bien que ne souffrant
de rien ni d’aucune réminiscence de cette maladie, on me détecta néanmoins un
nodule cancéreux.
Mon opération et le suivi
médical furent vécus par moi de façon extrêmement sereine et pleine d’espoir,
grâce aussi à l’entourage de mes nouveaux amis du Canada. Une infirmière fut
affectée à mon service de façon permanente. Après deux jours, je me risquai à
la questionner : « Pourquoi me demandez-vous si souvent si je sais ce
qu’il m’est arrivé ? » Elle me
répondit : « C’est que…on ne voit pas souvent des patientes comme
vous. Vous êtes si calme et réservée que les médecins et nous-mêmes, nous nous
demandons si vous réalisez les conséquences de votre opération. »
Je ne sais vraiment pas ce
à quoi ils s’attendaient de moi. Il s’agissait d’une expérience tout à fait
personnelle, que je n’aurais voulu partager avec personne. D’autre part, je ne
me sentais pas du tout bouleversée. Qu’en savaient-ils de la quiétude
intérieure qui enveloppe quelqu’un grâce au souvenir constant de son ishta
mantra et à la présence permanente de la personnification de ce mantra
[sous forme du Gourou]. D’une certaine façon, ce fut amusant de voir à quel
point l’assistante sociale qui me fut envoyée un jour pour bavarder avec moi,
demeura perplexe. Je crois que les médecins m’envoyèrent
26
aussi un psychiatre, mais je fis mon possible pour convaincre tout le monde
que je me sentais bien et que j’étais très reconnaissante de leurs prévenances.
(p.134-135)
Le retour en Inde
L’été venu, je décidai
de rentrer à la maison. Bindou,
Shyamoli, ma mère et ma sœur m’attendaient à Bombay pour m’emmener aussitôt en
voiture à Pune, au darshan de Shrî Mâ.
Chacun fut très heureux de
me voir et de me poser un tas de questions sur mes voyages, mais je leur dit
rien sur mon état de santé. A la fin de la journée les visiteurs de l’ashram
s’en allèrent et seuls les occupants demeurèrent. Je demandai une entrevue
privée à Mâ. Didi et les autres filles rentrèrent dans leurs chambres. Shrî Mâ
était étendue sur son chowki dans la véranda. Je m’assis par terre
auprès d’elle et je lui dis : « Mâ, j’ai de mauvaises nouvelles à
vous donner. » Après quoi, je la mis au courant de ce diagnostic inattendu de cancer du sein et de l’opération
que j’avais dû subir. Shrî Mâ s’assit sur son chowki et me posa
certaines questions très pertinentes.
Comme à son habitude, elle évalua la gravité de la
situation, et la durée du traitement post-opératoire qui était parti pour
traîner au moins trois ans. Je lui expliquai : « Mâ, je n’arrive pas
à me décider à parler à ma mère de toute cette catastrophe. Comme vous le
savez, elle m’a soignée pendant ma terrible maladie précédente, ma tuberculose,
et cela si courageusement et avec tant de compétence. Comment puis-je lui dire
que, tout compte fait, je souffre d’une maladie encore pire ? Je vous en
prie, parlez-lui en à ma place. »
Shrî Mâ accepta,
m’enlevant de ce fait un fardeau de sur les épaules. J’allai me coucher cette
nuit là plus légère et
27
tranquille. L’après-midi suivant, il arriva que toute ma famille vînt
s’asseoir dans la chambre de Mâ. Il n’y avait pas d’étrangers, mais seulement
quelques résidents de l’ashram. Shrî Mâ parla à ma mère sur un ton vif :
« Venez ici, mère, avez-vous déjeuné ? » Ma mère acquiesça. Shrî
Mâ ajouta : « Vous parlerai-je du courage de votre fille et de sa
force morale ? Il y en a très peu comme elle. Vous pouvez en être
fière. » Shrî Mâ continua sur ce ton, survolant l’argument d’une façon ou
d’une autre, avec un tel doigté, que ma mère fut complètement détournée du
thème principal. Je jetai un coup d’œil vers Bindou, son visage était rouge et
je compris qu’il avait capté le message. Shyamoli et ma sœur avaient fondu en
larmes, mais ma mère, grâce à la compassion sans limite, à la grâce
enveloppante de Mâ, échappa au choc de réaliser la situation brutalement, et au
contrecoup du traumatisme. Ma mère était loin d’être stupide, elle était tout à
fait capable d’estimer les répercussions de mon opération. Les paroles de Shrî
Mâ avaient tout juste fait partir la peur et l’angoisse inhérente à cette
situation. Cela se passa devant mes yeux et je sus que ma prière avait été
entendue. Ma mère continua à écouter Mâ. Elle avait même une lueur de
satisfaction sur son visage. Shrî Mâ s’en référa à un récent cas d’opération du
cancer dans l’ashram. Le patient était une personne éminente, un érudit, mais
il avait été si effrayé qu’il avait demandé à Mâ de venir à Bombay avec lui et
de rester en ville pendant le temps de son hospitalisation. Shrî Mâ dit alors
en me désignant : « Regardez cette jeune femme, toute seule en pays
étranger. » etc.…etc.…Je me sentis embarrassée devant cette pluie de
louanges imméritées dont elle me couvrait. Imméritées parce que je n’avais
jamais eu peur, et inappropriées à la situation que j’avais affrontée.
28
Tout fut bien qui finit bien. Gurupriya Didi aussi exprima de l’inquiétude, les yeux pleins de larmes, mais au moins je me sentais relaxée et heureuse. Shrî Mâ me demanda si elle pouvait parler aux autres de ma maladie et de mon opération si on le lui réclamait. Je répondis : « Oui, maintenant que ma famille le sait, je n’ai pas d’objection à ce que d’autres personnes en soient informées. » J’avais remarqué qu’au Canada les gens étaient effrayés d’appeler cette maladie par son nom. En général ils préféraient camoufler la chose en utilisant des termes techniques, mais je ne voyais aucune raison d’adopter ces mesures. Je suis sûre que toute personne souffrant de ce qu’on peut appeler une maladie mortelle, aimerait tout simplement le savoir afin de l’affronter selon son état d’esprit. (p.135-136-137)
·
Swami
Nirgunânanda, qui est disciple de Mâ, ermite à Dhaulchina et que beaucoup de
Français connaissent maintenant, reviendra en Europe en août, avec Paul Neeffs à Gentinnes en
Belgique : nous reproduisons ci-dessous les parties importantes de son
information :
« Retraite avec Swami Nirgunânanda du 23 au
29 août 2008 au Centre Spirituel de Gentinnes (Belgique)
Programme quotidien : Usha Kirtan (chants de
l’aube) - Prânâyâma - Commentaires
29
sur les Upanishads - Périodes de méditation -
Temps de repos - Satsang incluant questions et réponses - Chants ...
Contact : Paul Neeffs - Tél. (Belg.) : 0032
(0)10/814780 ou 0485938011
Courriel : paulneeffs@yahoo.com -
www.anandamayi.net --Rue E. Goes 3/202
B-1348 Louvain La Neuve
HEBERGEMENT : Chambres individuelles - Chambres
doubles (selon disponibilités). Les repas seront végétariens.
PRIX ET RESERVATION : Séjour complet du samedi 23
août au soir jusqu’au vendredi 29 août 2008 : Forfait de 340,-€. Supplément :
Chacun peut apporter son couchage. Il est cependant possible de louer des draps
sur place; supplément de 7,-€ pour la durée du séjour. En cas de réservation,
veuillez verser une avance de 100,-€ sur le compte Dexia : 833-5599443-85 avec
mention : «Retraite Mâ 2008»
Le vendredi 29 août, à partir de 14 heures :
Satsang. L’accès est libre.
ITINERAIRES : Destination indiquée sur les panneaux
signalétiques : «Mémorial Kongolo» (lieu de la retraite) A partir de
l’autoroute E42 (Paris-Mons-Liège) : SORTIE 14 - SAMBREVILLE .
Train : LIGNE BRUXELLES - NAMUR – Luxembourg
Départ toutes les demi heures à partir des gares de Bruxelles. (T.G.V. : gare du
·
Vigyânânand
(Jacques Vigne) est revenu pour une brève tournée en France du 16 avril aux 26
mai. La raison en a été un congrès à Assise du 1er au 4 mai
30
·
qui a réuni
le yoga européen et le yoga indien, avec les principaux grands mouvements de
yoga indien qui y étaient représentés. Vigyânânand y a parlé de Mâ Anandamayî,
il a lu son texte en italien pendant trois quarts d’heure devant plus de 400
personnes, a répondu ensuite aux questions et a animé un atelier avec la
participation de Râm Alexander, qui a une maison près d’Assise et qui a passé
10 ans comme brahmachari avec Mâ. L'organisatrice de la rencontre était
Antonietta Rozzi, qui a longtemps travaillé pour le congrès européen de Zinal
en Suisse chaque mois d'août et qui est proche de Swami Chidânanda. Ce passage
près d’Assise a été aussi une occasion pour Vigyânânand et Isabelle Clerc qui
s'occupe de ‘Santé Yoga’ de rencontrer Swami Kriyânanda, disciple américain de
Yogânanda Parahamsa et visiteur régulier de Mâ Anandamayî de son vivant. Swamijî ne manque pas de dynamisme. Sa
communauté près d’Assise représente sans doute le plus grand ashram d'Europe,
avec plus de 100 membres permanents. À 80 ans, il a décidé de réaliser un vieux
rêve correspondant aussi à un souhait de Yogânanda : fonder un ashram de
Kriya Yoga à Delhi, et c'est maintenant chose faite, à Gurgaon exactement, la
ville nouvelle près de l'aéroport. Il est devenu très populaire en Inde, en
particulier grâce à de nombreux discours retransmis à la télévision. Il a eu
assez récemment un cancer du côlon, qu’il a commencé à traiter avec la
chimiothérapie, il a ensuite décidé que cela ne lui réussissait pas. Il l’a
donc abandonnée, et d'après ses disciples et ce qu’il nous en a dit lui-même,
il se porte fort bien.
31
·
Vigyânânand
est allé en juin avec un petit groupe de Français faire le pèlerinage de
Muktinath au Népal sur les pentes de l’Annapurna près de la frontière du Tibet.
Cela a été une bonne occasion de marcher une semaine entière dans une belle
nature himalayenne sous la protection du Seigneur de la Libération.
· Pour la première fois, une retraite de 8 jours est organisée de façon structurée en août à l'ashram de Mâ à Kankhal avec un groupe qui ne vient que pour cela, mis à part un peu de visite des environs dans les jours qui suivront. Il y aura donc 32 personnes qui viendront rencontrer quotidiennement Vijayânanda, et auront pendant la journée quelques méditations guidées avec Vigyânânanda. Contact Françoise Estèves francoise.esteves@gmail.com 06 26 92 68 73
Renouvellement des abonnements
Nous avons déjà procédé au
renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se
réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois, ils peuvent le faire pour 4 numéros jusqu'en
mars 2009, en envoyant un chèque de 8 € à l'ordre de Jacques Vigne à :
Nadine et José Sanchez Gonzalez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine
Tel : 0490121983 –
32
Email : nagajo3@yahoo.fr
Il est préférable cependant de
s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer en ce cas 4 € pour 4
numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne
manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement
envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se charge bénévolement de vous
l’envoyer par email, tout en l’illustrant. Cette formule a l’avantage d’éviter
les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause de problèmes
postaux.
Table des matières
Paroles de Mâ p.
1
Quelques réponses récentes de Vijayânanda p.
3
Gyana et Bhaktî par Monique Manfrini, p. 6
(suivi de deux poèmes)
En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukerji p.24
Nouvelles p.28
Renouvellement des abonnements p.31
Table des matières
Jay Mâ N°90 - Automne 2008
1
Paroles de Mâ
A un novice
moine qui était déprimé et qui pensait au suicide
- Comment un
homme qui entretient des pensées de suicide peut s'attendre à devenir un
sannyâsi ? L'idée de suicide n'entre même pas dans le mental de ceux qui se considèrent
comme des candidats au sannyâsa. Un esprit de dépassement de soi extrême et de
renonciation est l'attitude qui fournit l'aide la plus grande pour progresser
vers cet état exalté. Soyez vrais dans vos paroles et évitez d'écrire des
lettres. Ne parlez pas aux femmes, ni ne laissez votre regard s'attacher à elles.
C'est en
cherchant à se connaître qu'on peut trouver la Grande Mère de tout.
Le saint Nom de
Dieu est en lui-même le rite pour exorciser les influences indésirables. En
présence du Nom de Dieu, les fantômes et les esprits mauvais ne peuvent
exister.
Écrivez-lui que
son état occupe en fait très souvent le kheyâl de ce corps[la pensée de Mâ]. C'est à lui-même, par son propre
effort ou sa propre volonté de développer un esprit fort et de laisser tomber
son attitude négative, qui lui fait imaginer qu'il ne peut et ne sera jamais
capable de réussir. Au contraire, il doit avoir la détermination que ce sera
possible, et que le succès très certainement lui reviendra. Il doit se dire à
lui-même : « En quelque état qu'il plaît à Dieu de me mettre, j’accepte : je
m'abandonne à Celui dont je suis la créature, dont ‘ceci’ est le corps. » C'est
tout. Avec un calme et une tranquillité parfaite, il doit passer la plupart de
son temps allongé bien droit dans ce qu'on appelle 'la posture du mort',
2
shavâsana, et
répéter silencieusement son mantra au rythme de sa respiration. Il y a seulement un Brahman sans second --
c'est ce qu'il doit réaliser. Écrivez-lui en langage simple et direct que pour
lui, il n'y a pas besoin d'un intermédiaire.
Ils imaginent
que ce corps est loin, mais en fait il est toujours très, très près. Comment
serait-il possible qu'il quitte quiconque ? Cette question de distance se pose
simplement de leur point de vue. À chaque fois qu'ils ont des vacances, qu'ils
viennent retrouver ce corps.
Peu importe le
travail qu'on fait, on doit l'effectuer correctement. Si l'on cultive
l'habitude de faire bien toute chose, il y a bon espoir d'en faire de même sur
le chemin spirituel. C'est Lui qui est l'action et c'est Lui qui est l'auteur
de l'action et personne d'autre. Dans toutes les circonstances, on doit essayer
de développer cette attitude d'esprit. La Vérité - dans la présence de laquelle l'illusion est
reconnue comme illusion - la Vérité, Cela qui est, doit devenir ce qui nous est essentiel.
Paroles extraites d'Amrita Varta, juillet 2008.
Souvenirs de
Pannâlâl
Pannâlâl était un fidèle des
jours anciens de Dacca très proche de Mâ . Il a fait une carrière de haut
fonctionnaire, et il a été ensuite par exemple préfet de Bénarès. On voit
encore sur la route importante qui mène du centre ville à l'université hindoue
le pont qu'il a fait construire sur la rivière Assi. Il a écrit un livre sur Mâ
qui a une version hindi mais pas anglaise.
3
Le grand intérêt de l'ouvrage est qu'il a été le témoin direct de beaucoup
de ces événements de Dacca qu'il raconte. Le gendre de Pannâlâl est Govind
Naraïn, lui aussi haut fonctionnaire indien. Il a été envoyé par Nehru en 1956
à Pondichéry pour négocier les conditions du passage de la colonie française à
l'État indien. Cette transition s'est faite paisiblement, sans doute en partie
grâce à ses capacités diplomatiques, ce qui n'a pas été par exemple le cas pour
Goa, où le gouvernement indien a dû envoyer l'armée pour faire comprendre de
façon forte aux Portugais qu'il était temps qu'ils s'en aillent. Govind Naraïn
est depuis fort longtemps président de la Sangha de Mâ. Voici donc les
souvenirs de son beau-père, Pannâlâl, pour la première fois traduits du hindi.
Les états de Mâ
Un jour à Déoghar, Mâ se
trouvait chez Prangopal Babou (Prânagopal Mukherjî), qui était très proche de
Mâ et dont on a traduit en français les précieux souvenirs des débuts de l’aventure
d’Anandamayî qu'on pourra trouver sur le site de Mâ, (www.anandamayi.org). Elle est rentrée dans un tel état de conscience
que nous avons tous cru que sa dernière heure était arrivée. Tout d'un coup, alors
qu'elle était assise, tout son corps est devenu noir. Pitâjî a pris le pouls et
s'est mis à avoir très peur. Tout ce que nous pouvions faire, c’était du nâm-kirtan.
C'était tout notre soutien. Mâ avait également bien souligné ceci : « Le
travail complet peut se faire quand, dans cet état, il n'y a pas de khéyâl de revenir dans le corps. Peut-être
fallait-il quand même retourner, et c'est pour cela que l'impatience même de
vous tous a fait revenir la conscience. »
Un autre jour, Mâ est tombée de nouveau dans un tel état.
Elle était allongée durant la nuit. Tout à coup, elle se mit à demander de
fermer la porte et la fenêtre. C'est ce que j'ai fait après avoir saisi non
sans difficultés ce qu'elle voulait dire. Mâ
4
nous avait avertis auparavant : « Quand cet état survient, il faut garder vos mains quelque part au-dessus de
mon corps et chanter le nâm-kirtan mentalement. » Elle ajoutait
également à ce propos : « Le fait que vous vous adonniez au nâm-kirtan a
pour résultat que le khéyâl [désir sûr] de revenir au corps se réveille.
C'est pour cela que je vous dis tout ceci » Mâ avait souvent répété à
Bholânâthjî ce qu'il fallait faire dans ces états. Nous effectuions tout ce
genre d'efforts, mais il survenait quand même certaines situations où l'on ne
pouvait rien faire.
Parfois, il y avait des
expériences du corps de Mâ qui pouvaient être soulagées par certains bhajans.
La respiration s'accélérait subitement,
ce qui s'accompagnait de transformations corporelles incroyables. Quel que soit
le nombre de transformations qui survenaient, Mâ ne perdait pas conscience.
Ceci, elle-même l'a affirmé de sa propre bouche et nous en avons aussi été
témoins. À cause de ce rythme respiratoire, le corps devenait noir. Je donnais
un massage à Mâ, mais elle n'en était pas consciente. À la fin, Bholânâthjî et
les autres fidèles se sont mis à masser ses mains et ses pieds. Alors elle a
reconnu : « j'en ai un peu conscience ». Par contre, ceux qui la massaient
étaient en nage. Ce genre de situation s'est prolongé pendant plusieurs mois.
... Si pour une raison ou pour une autre, Bholânâthjî se mettait très en
colère, le corps de Mâ devenait tel que tous les signes de la mort s'y
manifestaient. Ainsi, progressivement, la colère de Bholânâthjî s'est atténuée.
C'est lui qui dès le début avait été le témoin de tous ces états. Il n'y a
aucun doute qu'il a dû beaucoup aider à la protection de 'ce corps'...
Au moment de partir de Calcutta
pour Dacca, Pitâjî a amené un véhicule et y a chargé tous les bagages, mais
Pramath Babou, d'une façon ou d'une autre, n'a pas laissé Mâ partir. Il n'avait
rien dit verbalement, mais il avait été s'asseoir dans le coin d'une chambre.
Au moment même du départ de Mâ, il est
5
tombé à ses pieds dans un état de souffrance. Ma s'est immobilisée et est
restée là, debout. L'heure du train est passée. Une grosse averse est arrivée.
Mâ a recommandé à tous de faire du kirtan. Mâ aussi est restée sous la pluie
battante. Toute la nuit, il y a eu beaucoup du kirtans chantés. Le jour
suivant, Mâ est retournée à Dacca et s’est mise de nouveau à résider à Shahbag.
À propos de la
violence et des critiques dans la vie relationnelle.
Un jour à Siddheshwarî, les
fidèles se sont mis à se disputer à propos de toutes sortes de choses. On était
chagriné du fait que Mâ se rende chez l'un, et pas chez l'autre. À cette
époque, Mâ ne retirait pas son voile. Cependant, elle était assise avec nous et
conversait beaucoup. Ce jour-là, elle s'immobilisa comme une statue. Elle
n'avait pas la moindre hésitation à s'exprimer. En regardant tout le monde avec
affection, Mâ a dit : «Venez ici. Essayer d'oublier toute haine et toute
violence. Si vous en êtes à vous laisser aller à la violence et à la critique,
quel est l'intérêt de venir ici ? Quant à moi, je vais avec qui, quand et là où
on me mène. Avant j'allais à pied, mais maintenant je ne sais pas comment se
transforme le corps de jour en jour. On ne peut tout le temps aller à pied. Là
où vous voulez me mener en voiture, menez-y moi. » (p.86-89)
... Mâ nous expliquait que les blâmes reçus des autres étaient comme des
ornements de notre corps : une fois, Mâ se trouvait chez nous pour un repas.
Shri Gurubandhu Bhattâchâryajî habitait dans notre voisinage. Sa femme avait
l'habitude de venir voir Mâ. Son fils aîné s’et mis à souffrir du kala-azar.
Elle est venue, le visage baigné de larmes, implorer Mâ de faire quelque chose
pour lui. Bhaïji lui a apporté du prasâd
de Mâ et lui a recommandé de le donner à l'enfant. Sur ces entrefaites,
6
l'enfant s'est remis après quelques jours seulement. Ensuite, la mère est
venue visiter Mâ souvent. Un jour, elle l’a même reçue pour un repas chez elle,
mais après quelque temps sa bhakti est arrivée à son terme. Elle n’est plus
venue voir Mâ. J'en ai parlé à Mâ qui a répondu : « Tous et toutes sont bons.
Si certains me critiquent, il n'y a pas de quoi se mettre en colère. Ceux qui
sont destinés à avoir une interaction avec ce corps pendant un nombre donné de
jours, ils l’auront. Ce n'est la faute à personne. Et souviens-toi, le blâme
est l'ornement du corps. Quand on suit la voie de la dévotion, on doit en faire
comme un ornement de son corps. Considère toutes ces critiques comme ce
bracelet d'or qui rehausse la beauté d'une femme pure. Dans ce chemin aussi, le
blâme est d'une grande aide. C'est pour cela que je vous le dis, n'ayez pas
peur du blâme, ne vous chagrinez pas ! » Certes, Mâ nous le dit, mais nous en
souvenons-nous ? (p.94)
Enlever la souffrance
des patients
Mâ et Bholânâthjî se sont rendus à la maison d'un patient qui souffrait
de tuberculose. Ayant vu cela, Mâ est partie, ne souhaitant pas aller dans de
tels endroits. Mais devant l'insistance de Bholânâthjî, elle s'y est quand même
rendue en disant : « C'est bon ! Je sais, c'est nécessaire, c'est pour cela que
j'y vais. Être sauvée ou mourir, pour moi, cela est égal. Il est peut-être
nécessaire d'aller chez celui qui est destiné à mourir. » Après avoir dit cela,
elle ne refusa plus de s'y rendre, mais elle nous a dit ainsi qu'à Bholânâthjî
: « Ce n'est pas juste d'insister auprès d'une personne pour qu'elle effectue
une sorte de tour de passe-passe. Si tout le monde devait être sauvé, qui donc
mourrait ? Quel sens cela aurait-il ? Chacun doit recueillir les résultats de
son karma. Il n'est pas bon d'interférer dans ce
7
processus. En essayant de forcer, on
obtient le résultat inverse. » (p.93)
... Un jour, un monsieur est venu
montrer à Mâ sa fille qui était atteinte de paralysie. Devant l'insistance de
Bholânâthjî pour que Mâ dise quelque chose, ceci est sorti de sa bouche : «
Ramenez-la jeudi [qu'on appelle le 'jour du gourou,' et qui est aussi le 'jour
de Brihaspati', Jupiter, le maître du monde]. Ainsi donc, ils sont revenus le
jour dit. Mâ était alors en train de couper de la noix de supârî pour la donner
en tant que pân [morceaux d’épices rafraîchissantes à mâcher et qui
aident à la digestion tout en stimulant quelque peu l’organisme] à la fin du
repas. Elle en lança un morceau en direction de la jeune fille et lui demanda
de le ramasser, ce qu'elle fit avec grande difficulté. Mâ dit alors à
Bholânâthjî : « Maintenant, demande-leur de retourner chez eux. » Le lendemain,
le papa de la fille est revenu en annonçant : « Quelle grande surprise !
Aujourd'hui, un joueur de musique ambulant est passé dans la rue. Ma fille était allongée et regardait jouer ses frères
et soeurs. Tout d'un coup, en entendant la voix des chanteurs, elle a tout
oublié de sa maladie et elle est sortie avec eux pour le voir. Comment a-t-elle
pu se mettre à marcher ? La grâce de Mâ est vraiment sans limites ! »
À Dacca, le fils d'un monsieur était très malade. Celui-ci vint à
Shahbag. Juste avant qu'il n'arrive, Mâ était assise dehors, mais elle s'est
soudain levée, a mis son voile et est rentrée à l'intérieur. Nous avons pensé :
« Qu'est-ce qui se passe, est-ce que quelqu'un est en train d'arriver ? » Après
quelques temps, on a vu que deux personnes sont venues et ont insisté pour
emmener Mâ avec elles. « Écoute, le malade est au bord de la mort. Cela fait
trois jours qu'il est dans le coma. » Nous avons alors compris que c'était à
cause de cela que Mâ s'était levée et était partie. Cependant, Bholânâthjî lui
a demandé d'y aller. J'ai déjà dit qu'à cette époque, Mâ ne disait pas souvent
non. Elle
8
s'est donc rendue chez le patient. À
l'arrivée, elle n'avait pas passé la porte qu'aussitôt la femme du patient est
tombée à ses pieds. À cause de cet arrêt imprévu, Mâ s'est assise. Ce n'est
donc que bien plus tard qu'elle a été s'asseoir au chevet du malade. Il était
inconscient. Il avait la langue qui était sortie. On ne pouvait la remettre en
place. Mâ a dit : «Remettez-la en position normale ». Sur ce, elle entreprit de
la replacer elle-même. Quel tour imprévu peut prendre l'action de Mâ ! Ces
personnes ne la connaissaient pas, si ce n'est de nom. Aussitôt qu'elle a
entrepris de remettre la langue en place, les gens de la maison se sont mis à
la critiquer en disant : « Il ne faut pas la toucher, le docteur l'a interdit.
» Mâ tout de suite a retiré la main. Ainsi, on avait empêché son action une
deuxième fois. Ceci n'a été la faute de personne. Qu'est-ce que connaissaient
ces pauvres gens ? Mâ a dit : « Que ce qui doit arriver arrive, que les choses
restent comme elles sont ! » Peu de temps après, Mâ s'est levée et est partie.
Le jour suivant de nouveau, on est
revenu chercher Mâ. Au moment d'y aller, Mâ nous a demandé de venir, à moi et à
Pitâjî. Il n'y avait pas eu de différence dans l'état du patient. À l'arrivée,
Mâ s'est assise sur le sol près de la porte. Ceci a mis Pitâjî dans un état de
grand malaise. Ceci dit, puisqu'elle avait refusé, il ne se sentait pas
d'insister. La famille a quand même approché Pitâjî en lui disant : « Allez
dire un petit quelque chose à propos du patient à Mâ » Pitâjî Bholânâthjî a
commencé à passer le message, mais pendant qu'il le faisait, Mâ l'a regardé
d'une façon telle qu'il a dû s'arrêter et en est resté bouche bée. Peu de temps
après, nous sommes partis. L'après-midi, de nouveau une personne de cette
maison est venue. Mâ n'y est pas retournée. Elle a ajouté : « Ne revenez pas
avant demain soir. »
Tout est mon corps
9
Le lendemain après-midi, Mâ était assise dans sa chambre. Elle m'a dit
[c'est une femme qui raconte le souvenir] : « Il y a des braises dans la
cuisine, apporte m’en un peu ! » J'en ai donc rapporté dans un récipient en
fer. Mâ s'est apprêtée à y mettre les mains. L'ayant vue, Pitâjî m'a admonesté
et m'a dit de remporter les braises. Que pouvais-je faire ? Mâ m'avait dit
d’effectuer quelque chose, mais mon dharma consistait aussi à lui obéir, à elle
et à Pitâjî à la fois. Pour finir, après avoir dit cela, j'ai remporté les
braises.
Quelques temps plus tard, un monsieur est venu. Mâ lui a dit : « Puis-je
juste vous demander quelque chose ? Grattez une allumette ! Quand elle s'est
enflammée, Mâ y a mis tout de suite le doigt et lui a dit : « Tant qu'elle
brûle, ne la retirez pas ! » Ainsi fut fait, et Mâ est restée assise sans
bouger pendant tout ce temps. Ce n'est qu'en fin de soirée qu'on a appris que
le patient était décédé. Sa crémation avait eu lieu dans l'après-midi. Mâ a
expliqué avec un rire léger : « C'est bien pour cela qu'un peu auparavant, j'ai
effectué une petite brûlure sur mon corps. Absolument tout est mon corps. »…
Un jour, Mâ est venue pour des kîrtans chez nous. Elle est restée
pour la nuit. J'ai eu une forte poussée de fièvre. Je dormais dans cette même
chambre où Mâ étais assise à même le sol. Chez nous, nous n'avions pas
l'habitude de donner un âsana pour s'asseoir. Ainsi, Mâ n'était pas
assise sur un petit tapis. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'on a établi la
règle des âsanas. La femme d'un de mes parents était assise à mon chevet
et m'éventait. Mais la nuit était déjà très avancée et elle commençait à
somnoler. Mâ, tout en étant assise, voyait tout cela. Après quelques
temps, elle l’a fait se lever. Dans la
véranda d'à côté, il y avait de l'eau. Mâ elle-même en a apporté et m'a lavé la
tête convenablement. Ensuite elle me l'a essuyée. Que l’eau ait eu un effet rafraîchissant
ou non, mon coeur a fondu en voyant la
gentillesse de Mâ. Ensuite, elle s'est assise
10
sur le lit et s'est mise à faire
aller et venir l'éventail d'une main et à me passer l'autre sur le corps.
Quelques jours auparavant, Mâ avait
dit : « Personne ne doit me toucher ». Cette nouvelle instruction m'a blessée
profondément, car j'étais toujours très collée à Mâ. Un jour, je lui ai dit
dans un état de grande souffrance : « Nous garder loin de cette manière est
très douloureux. J'ai envie de tomber malade pour que tu me passes les mains
sur le corps, et ainsi je pourrais te toucher ! » Je ne savais pas ce que je
disais ! Ainsi, aujourd'hui elle me l'a rappelé : « Maintenant que je te passe
les mains sur le corps, est-ce que tu trouves cela bon ? » À ce moment-là, je
souffrais beaucoup de la fièvre, cependant combien cette grâce de Mâ ne
m'a-t-elle pas réjouie ! Avec une pointe d'humour je lui ai dit : « Cela me
donne beaucoup de soulagement et de joie ! » Ayant dit cela, j'ai touché le
pied de Mâ. A l'aube, Mâ a quitté mon chevet, s'est enveloppée dans un pagne et
s'est allongée. C'était là son habitude pour dormir. C'était sur le sol même
qu'elle se trouvait la plupart du temps. Que ce soit l'hiver ou l'été, elle ne
voyait ni l’eau ni la saleté, elle s’installait pour dormir à l'endroit même où
elle se trouvait. (p.101)
Traduit du hindi par Vigyânânand, extraits de Pannâlâl
Mâ Anandamayî
Shri Shri Mâ Anandamayî Sangha,
Kankhal,
1999
11
Mâ Anandamayî
Prasang
Par Amulya Kumar Datta
Gupta
Nous continuons ces souvenirs du Prof AK
Dutta Gupta. Il avait des fonctions de haute responsabilité dans l'enseignement
et c'est un de ceux qui a le mieux recueilli les paroles de Mâ, avec l'ambiance
et les anecdotes qui les entouraient. Le terme prasang vient de sang
qui signifie ' compagnie' et de pra qui veut dire 'vers l'avant' (de
même que prayag veut dire jonction comme dans 'yoga', et pra vers
l'avant, donc confluence de deux rivières). Le choix de ce terme qui est moins
courant que satsang implique une nuance de la part de l'auteur,
c'est-à-dire que la compagnie de Mâ nous fait progresser, aller de l'avant,
qu'elle nous mène au fond à une confluence avec Elle. Rappelons aussi que la
rencontre des deux courants d'énergie au niveau du troisième oeil est
régulièrement comparée à une confluence, idée que rend d'une certaine manière
le terme prasang. Dans le même sens, ce n'est pas par hasard que ce
troisième oeil est appelé aussi guruchakra, c'est l'endroit où nous confluons avec la
lumière du gourou.
Le 29 mai 1941, à
l'ashram de Raïpur près de Dehradun.
À huit heures du matin, Mâ est venue
s'asseoir dans le hall. Nous avons déjà mentionné que nous nous étions arrangés
pour dormir dans le même hall et que notre literie restait là, étendue aussi
pendant la journée. Elle se résumait en fait à une petite natte et une
couverture pour chacun, sur laquelle il y avait un drap de lit épais de
couleur, qui avait d'habitude l'air bien sale à cause de la poussière, etc.
L'attention de Shrî Mâ est tombée aujourd'hui sur cette literie. Elle nous a
demandé : « Est-ce que vous avez l'habitude de dormir sur des lits si simples,
ou alors
12
essayez-vous de vous
ajuster à toutes les situations possibles par le fait d’être venus ici ? »
Jiten Babou répliqua : «Manmohan Babou m'a
dit que quand il dort chez lui il a besoin de six oreillers, mais qu’ici il se
débrouille simplement avec un ! Nous vivons chez nous d'une façon
différente, parce que là-bas, nous sommes des monarques. Je suis le monarque
chez moi. Amulya Babou est aussi un monarque dans sa propre maison. Là-bas,
personne n'est plus élevé que nous. Ainsi, tout dépend de notre position, ici, nous sommes des êtres insignifiants.
C'est pour cela aussi que nos lits sont dans le même état. » Tout le monde se
mit à rire.
Mâ répliqua avec humour : « Etre le
monarque de sa propre maison signifie être le gouverneur simplement d'une
zone limitée. Vous êtes en fait le
monarque de toutes les régions et aussi de toutes les situations. De plus, vous
devez remarquer que si chez vous, vos enfants sont malades, vous ne serez pas
capables d'avoir un seul instant de sommeil même en reposant sur un lit
moelleux. C'est alors que vous vous mettrez à penser que même si vous aviez à
prendre votre repos sur le sol pour que les enfants aillent bien, vous seriez
préparés à le faire bien volontiers. Ainsi, vous voyez que vous êtes simplement
les « monarques des besoins ». S'il y a un sommeil sain qui survient, on n'a
pas besoin de lit. Tandis que si vous êtes dans un état mental pitoyable, même
de bons lits nouveaux ne vous donneront aucun confort. La nature des choses du
monde est ainsi, quand vous avez un fort désir de confort, l'inconfort vient
aussi. Ainsi, on doit essayer d'être le « monarque, dans toutes les conditions - à la fois dans le confort et l'inconfort. »
« C'est pour cela que
je vous dis ce que je dis aux autres aussi. Mettez à part pour Lui au moins un
jour par semaine, où toutes les deux semaines, ou même par mois. Ce jour-là,
vous devez rester dans une chambre, ne pas avoir de conversations inutiles,
13
passer la journée
entière dans la méditation, le japa ou la lecture des Ecritures etc.
Vous devez garder à part l'âsana ou le lit sur lequel vous passerez
cette journée. Si vous suivez cette manière de faire, vous en retirerez de
grands bénéfices.
Moi-même – N’y
aura-t-il aucun avantage réel à cela ?
Mâ - (En se tournant
vers Jitenbabou) Est-ce que toi tu dis cela aussi ?
Jitenbabou - (En
souriant) Non, je ne veux pas dire ainsi, parce qu'Amulyababou a pris de gros
risques à dire cela ! »
Mâ -- (A Manmohan)
Baba, que dis-tu ? Est-ce que tu dis toi aussi qu'il n'y a pas d'avantages à en
faire ainsi ?
Manmohan : Je ne dis
pas cela. Il peut y avoir des bénéfices à faire ainsi, comme il peut ne pas y
en avoir.
Mâ- (Avec un sourire) :
Tu veux en même temps faire plaisir à Amulya et à moi ! (Tout le monde se met à
rire). (En se tournant vers moi) Tu ne peux pas dire qu'on ne réussit rien. Si
tu dis ainsi, il serait impossible de faire étudier des enfants qui n'en ont
pas envie. C'est à cause de cela que lorsque des enfants s'échappent une ou
deux fois de leurs livres pendant l'étude, on les y ramène en les rabrouant et
même en les battant. Après toute cette discipline, vous découvrez qu'après
avoir étudié même contre leur gré, ils deviendront des savants ou des
spécialistes.
Moi-même : Mâ, ce
n'est pas la première fois que nous entendons ces conseils sur le samyam
(la discipline complètement rassemblée et concentrée). Je les ai entendus
auparavant et j'ai aussi essayé de les mettre en pratique. Mais il n'y a pas eu
de résultats. D'autre part, il s'est avéré que toutes sortes de problèmes se
sont intensifiés en ce jour particulier de samyam. Il n'y a pas
d'expérience et de sentiments spirituels qui soient apparus. Au vu de tout cela,
il me vient à l'esprit qu'il n'y a pas besoin de tout ce travail. Quand le
moment viendra, tout surviendra automatiquement.
14
Mâ : Je dirais que tu
n'as rien fait concrètement de ton voeu de samyam. En effet, ton
attention a toujours été dirigée vers le fruit. Si tu désires un résultat
immédiat, qui te tombe dans la main comme cela, on peut considérer qu'effectuer
un travail particulier, ou non, revient presque à la même chose. Tu ne veux pas
te mettre en peine pour des sujets spirituels, mais tu ne recules jamais quand
tu essaies d'obtenir une bonne réputation ou une reconnaissance sociale.
Moi-même : Dans
ces domaines non plus, je ne fais pas grand-chose !
Mâ : Cela non plus
ne traduit pas un état élevé. Il n'y a pas d'efforts - pas d'enthousiasme vers quoi que ce soit, c'est
de l'inertie! Est-ce qu'il est bon de rester dans un tel état d'inertie ? Ce
que l'on effectue pour le progrès spirituel doit être effectué avec un sens de
ce qui est juste à faire. On ne doit pas penser à propos du résultat. Mais tiens
pour sûr qu'il y aura certainement un résultat
si un travail réel est effectué. En ajoutant même un centime après un
autre, on arrivera à une roupie. Chaque action a son résultat. Pourquoi se
limiter d'ailleurs au domaine de l'action ? Dans le domaine des sens aussi,
voir quelque chose, toucher quelque chose -- tout a une influence qui lui est
propre. C'est à cause de tout ceci que ressort la question du satsang et
de la bonne influence d'un endroit particulier. C'est à cause de cela aussi
qu'un sâdhaka ne permet pas que son âsana, ses vêtements ou son
lit etc. soient touchés par qui que ce soit. Les qualités de ce que nous
mangeons et de ce que nous pensons nous pénètrent, et ces choses nous
transforment également.
Nous avons dit aussi auparavant que ce qu'on
voit dans ce monde, si nous le faisons du seul point de vue du bonheur et de la
peine, ne fera qu'augmenter le sens de servitude en nous. Si, en percevant les
arbres, les montagnes, les fleurs etc. nous pensons : « Oh, comme tout cela est
beau ! », les qualités de ces objets nous pénétreront et conséquemment, de plus
en plus de
15
sentiments nouveaux
seront engendrés en nous. Mais, tout en percevant ces objets, si nous sommes
capables de les accepter comme des formes différentes du divin, si nous sommes
capables de considérer que le divin lui-même réside dans la forme de ces belles
fleurs ou de ces beaux fruits, etc., c'est alors seulement que nous
développerons des pensées pures. Ainsi,
on ne doit rien voir ni faire avec une envie profonde pour les plaisirs du
monde. Tant que vous n'êtes pas à l'abri des sentiments qui sont engendrés par
de tels désirs, on ne peut pas même parler de salut. Bien sûr, par la grâce de
Dieu, la racine de tous les désirs peut être détruite en un seul instant. Néanmoins,
il s'agit d'un sujet différent. On doit plutôt avancer sur le chemin du
développement progressif. De ce point de vue, il faut entretenir des sentiments
purs à travers la répétition du Nom, le japa, et la méditation en
fonction de son niveau.
On ne doit pas se décourager en voyant
qu'il n'y a pas de résultats rapides alors qu'on s'évertue à faire certains
efforts sur ce chemin. Les samskâras, les empreintes du passé accumulées
à travers de nombreuses vies ont créé à l'intérieur des masses de déchets. Tant
qu'ils ne sont pas dégagés complètement, il n'y a pas d'espoir pour développer
des sentiments divins. Cependant, on voit que même après un effort de quelques
jours, certains peuvent réaliser quelque chose. On doit considérer dans ce cas
que de telles personnes sont nées avec de bons samskâras. Ainsi, leur
progrès peut se déployer facilement. Si l'on continue à travailler, on
obtiendra très certainement des résultats - on doit oeuvrer dans cet état d'esprit. Si l'on
n'a pas de gourou, il n'y a pas de mal, car le gourou est déjà présent en tous.
Si l'on continue à travailler, c'est Lui-même qui va venir Se manifester. Mais
si l'on parle du point de vue général, c'est mieux de faire effort sous la
protection d'un gourou. »
Extraits d’Amrita Varta, juillet 2008, .p.3-5
16
La Saturée de joie
Extraits de Jean-Claude Marol
(Editions Dervy)
Parfois, la parole de
Mâ peut être appréhendée (quoi que !) :
Soyez-en sûrs,
où que vous soyez, de là peut surgir l'éveil ! Ne vous fixez pas sur l'idée que
vous êtes dans le péché, ou empêtrés dans l'imposture et qu'il n'y a plus
d'issue pour vous. À chaque instant, en toutes circonstances, tenez-vous prêts
à prendre la direction de l'Ultime. Qui sait à quel moment vos dons, votre
serviabilité, vos gestes de respect, refléteront enfin votre entière
consécration à l’Un. Cela survient.
À la fin elle nous dit
même :
De toutes vos
forces, ayez l'imagination de balayer toutes vos représentations. Au-delà de la
représentation, est la révélation de Cela que vous êtes vraiment.
Mâ ne fait pas que
nous ramener à l'essentiel; elle s'intéresse aussi à la vie, dans ses aspects
les plus quotidiens. L'essentiel pour elle, semble également être là aussi,
intégralement. Ses proches savaient comment aucun « détail » ne lui échappait.
Selon le témoignage de l'ami Pushparâj dont nous avons déjà parlé, une fois,
elle visitait la chambrée des enfants (censée être nette) dans un ashram, elle
alla droit à une natte où avait été cachée toute la poussière ! Elle donne son
avis sur la façon de
17
gérer un ashram ou
de célébrer une poujâ. Elle donne la même attention à la cuisine, la
décoration, le nettoyage, l'aide à un malade, l'accueil d'hôtes, etc. ; rien ne
lui est étranger. Elle veille à tout !
Brandons
Le rapport au
langage de Mâ Anandamayî est surprenant, qu'il soit d'une redoutable
simplicité, ou parfois incantatoire. Gardons de notre côté notre indépendance
d'esprit. Il ne faudrait pas épingler les mots de Mâ comme des papillons. Une
Upanishad tardive (Amritânananda Upanishad) conseille :
Lis, étudie les
Ecritures, mais une fois que la lumière s'est faite en toi, laisse-les tomber,
comme le brandon qui t'a servi à allumer le feu !
Nous pourrions
appliquer cette remarque à la fréquentation que nous avons des mots de Mâ ;
mais attention tout de même... Les mots de Mâ Anandamayî, prenons-en soin, se
sont en effet des brandons. Ils peuvent mettre le feu là où on ne s'y attend
pas !
... Quand j'étais
auprès de Mâ, par méconnaissance du bengali, sauf à certaines occasions où j'avais
l'assistance d'un traducteur, j'étais dispensé des mots. Je pouvais me délecter
de la présence de Mâ, sans discours, et rester devant elle, comme devant un
paysage. C'est peut-être dans cet élan que durant plusieurs années, j'ai
pratiqué le dessin d'humour « sans paroles ». De la part de Mâ Anandamayî, je
recevais plutôt des fleurs, des fruits, des plats d'une cuisine délicieuse...
Des regards. Mâ a signalé une fois :
Si l'initiation
est transfert de pouvoir, le mantra n'est pas son seul support. Des fleurs, des
fruits, des gâteaux, peuvent aussi
18
servir à cela !
À cette période de
ma vie, j'ai surtout reçu des gâteaux ! Des rêves aussi où elle s'expliquait
très clairement ; mais là c'est une autre histoire : la mienne.
Ce n'est pas
nécessaire de comprendre les paroles des personnes qui m'environnent, leurs
pensées captent mon attention et leur langage émerge directement en moi.
J'en ai fait
l'expérience. À d'autres moments tout de même, j'ai eu droit aux mots et à
certaines informations pratiques données dans un langage courant. Un shastri
(grand connaisseur des écritures) fameux de Bénarès, avait été dépêché par Mâ
pour m'instruire un peu !
Aujourd'hui, nous
n'entendons pas les mots prononcés par Mâ elle-même. Nous les approchons de
notre mieux par des transpositions écrites, des traductions. Mais je crois que
Mâ veille sur cette passation. La force des Évangiles a survécu aux multiples
traductions. Il y a une saveur qui transcende toutes les caractéristiques
culturelles, les singularités de langage, qui nous parvient d'elle, «
directement ».
Ma Anandamayî,
parfois tendre, parfois vertigineuse, s'adresse à nous, en même temps qu'elle
s'adresse à tel visiteur ou telle visiteuse. Elle nous donne aussi quelques
conseils pratiques. Par exemple :
Si vous faites
se balancer un seau, l'eau s'agite. Posez-le, l'eau se repose. Essayez de poser
votre corps. Si vous restez longtemps immobiles, avec une réelle détermination,
votre mental finira par se calmer. L'agitation est dans sa nature, mais aussi
la stabilité. Restez assis longtemps à répéter un des
19
noms de Dieu.
Le mental gambadera ici ou là, mais ne relâchez pas votre effort. Si le mental
refuse de céder, pourquoi céderiez-vous?
Elle précise
d'autres fois :
Quand votre
mental s'égare, ramenez-le et enlacez-le au rite de votre respiration...
Le mental par
nature accueille le multiple. Concentrez cette disponibilité sur un aspect
unique, avec ou sans forme. Quand l'accueil est entier, vous ne vacillez plus
entre plutôt ceci, plutôt cela...
Cet aspect unique exclut toute dualité. Vous êtes unifiés. Le mental sait
alors gérer le multiple.
Les remarques de
Mâ sont toujours vigoureuses, simples :
Les vieilles
feuilles tombées aux pieds de l'arbre fournissent un excellent engrais. Rien
n'est en vain, sachez-le !
L'humour est
souvent au rendez-vous. Elle pensait à notre goût pour l'introspection et à
notre manière de tout divulguer de notre
vie, en indiquant :
Une graine ne
germera pas si l'on passe son temps à la déterrer pour l'observer !
Sachons entendre
son langage direct. Elle est prête aussi à tous les détours pour que nous la
sentions proche. Elle nous connaît ! Elle dit :
Personne, à
aucun moment, n'a été inconnu de moi. Le fait même de dire « n'a été » met un
voile sur le véritable état des choses.
20
Soyons à l'affût
du « babillage « » de la petite fille, des mots tendres de la mère ou des
paroles abruptes de celle qui n'est ni ceci, ni cela, et qui bouleverse nos
certitudes :
Le silence réel
s'impose quand la pensée n'a plus nulle part où aller. Mais en réalité, qu'il y
ait pensée ou pas, parole ou pas, ne fait aucune différence !
Ma se confie sur
tous ces modes.
Où il n'y a ni
forme ni attribut, quel mot utiliser ? Où rien n'est exclu, comment empêcher
l'unité? Dans ce rapport au parfait, rien n'est à part de Lui !
J'ajoute : rien
n'est à part d'Elle. Notre « prochaine » nous dit :
Y a-t-il une
différence essentielle entre vous et moi-même ? Seulement tant qu'il existe un je et un
vous...
Jean-Claude Marol
La Saturée de joie, Anandamayî
Dervy, 2001.p. 168-173
SOLEIL en FEU
Ce
matin, l'horizon était en feu
Au-dessus des collines
bleues.
Une large étole
rouge-rosée
Enveloppait leurs
larges épaules.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Les pentes des
collines étaient voilées
D'une brume épaisse
qui s'étirait
En longs bandeaux
superposés.
Quel spectacle, quelle
fête pour les yeux!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Le mystère, peu à peu,
s'estompait
Tandis que les rayons
incandescents,
Doucement,
disparaissaient...Quel lever
De soleil! Que de
beauté, Ô Créateur!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Devant tant de
merveilles, l'idée
De la fin, soudain,
s'est imposée.
Qui veut que toute
cette beauté
S'en aille à jamais, ô
humain?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Même un indifférent
n'y songerait pas!
Mais, ne devons-nous
pas déceler
Ce qui est derrière
tout cela?
Cherchons le sens pour
voir au-delà...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Au-delà de quoi? De
tous les phénomènes,
De tous les concepts,
de toutes nos idées fausses
Et nos
conditionnements, de toutes nos habitudes,
Préjugés et croyances
aveugles aussi...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
A quoi sert donc tant
de beauté?
Notre mental est-il
illimité?
Peut-il sentir ce qui
le dépasse?
Certes, il reconnaît
cet au-delà de sa compréhension.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
La beauté perçue par
nos sens,
Echo de la beauté de
la Création,
Est un hommage infini
à l'Oeuvre
Du Créateur. Soyons
humbles et aimants!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Quelle autre attitude
pourrions-nous
Avoir face à son
Oeuvre si parfaite
Et si généreusement
offerte à nous,
Image fidèle de l'Être
qui l'a créée?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ainsi, notre gratitude
immense ne peut
Que s'épancher, face à
cette beauté
Toute puissante de la
Création divine,
Ô inspiration de nos
coeurs émerveillés!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Sachons, tout
naturellement, nous émouvoir
Et remercier notre
Créateur aimant
Pour ce si magnifique
cadeau,
Donné si simplement à
l'homme, sa créature.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Monique
Manfrini, La Cadière d'Azur, le 05/12/2007.
26
Nouvelles
-
Swami
Chidanananda, le président de la Divine Life Society et le successeur de
Swami Shivananda était aussi très proche de Mâ. Comme celle-ci, il a quitté son
corps à Dehradun, le 28 août, c'est-à-dire 26 ans et une journée après
celle-ci. Avant qu'il ne soit très malade du cœur, c'était le cas depuis
plusieurs années, il ne voyait plus grand monde, il venait régulièrement
participer aux cérémonies de l'anniversaire de Mâ et de la Samyam Sapta à
Kankhal, ainsi qu'aux célébrations annuelles du Kanyâpîth, l'école de filles de
l'ashram de Mâ à Varanasi. Beaucoup d'occidentaux le rencontraient également
durant le mois de février à l’Anandashram de Swami Ramdas au Kérala. C'est
actuellement Swami Yogaswarupanand qui est le Vice président de la Divine Life
Society, et Swami Vimalananda qui est le Secrétaire général de l'ashram de
Rishikesh. Nous souhaitons à tous les membres du mouvement, et en particulier
aux nombreux disciples occidentaux de Swamijî, de continuer dans le sillage de
lumière de leur maître.
-
Pour la
première fois à Kankhal, il y a eu une grande retraite d'occidentaux avec un
groupe organisé directement par Vigyânânanda, avec l'aide en France de
Françoise Estèves, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure qui est
enseignante de biologie en collège à Lyon. Elle était venue de Lyon en février
2007 avec l’école de yoga de Robert Dumel, avait été très touchée par Swami
Vijayânanda et voulait venir le revoir quand
27
elle le pouvait, c'est-à-dire en période de vacances scolaires. C'est donc
ce qui s'est réalisé, il y a eu en tout 32 Françaises et Français à loger à
l'ashram à côté de celui de Mâ Anandamayî. Après un programme de méditation
avec Vigyânânanda pendant la journée, il y avait la rencontre de Swami
Vijayânanda pendant environ 2 h 30 tous les soirs. Celui-ci a bien tenu le
coup, devant des questions qui arrivaient de toutes les directions et sur tous
les sujets. Quand je lui avais demandé auparavant si cela ne le fatiguerait pas
d'avoir un si grand groupe pendant 10 jours complets, il m'a répondu : « Les
gens ne me fatiguent pas ! ». Des membres du groupe qui le découvraient pour la
première fois se sont exclamés : « Mais c'est un jeune homme de 93 ans ! »
-
Il y aura de
nouveau deux retraites pour les occidentaux à l'ashram de Kankhal organisés sur
le modèle de celle d’août, mais elles ne dureront que cinq jours pour celle du 1er
au 5 décembre et quatre jours pour celle du 29 décembre au soir au 3 janvier au
matin. Elles auront lieu dans le cadre de deux voyages-découvertes du Rajasthan
centrés sur l'art et la spiritualité jaïns (du 20 novembre au 8 décembre et du
19 décembre au 5 janvier) mais des participants indépendants seront aussi les
bienvenus. Renseignements et inscriptions auprès de (Mahâjyoti), koevoetsg@wanadoo.fr
-
On peut
retrouver des extraits du documentaire des cousins Maréchaux sur Vijayânanda
sur le site de YouTube. J'ai appris cela par un courriel d’une jeune visiteuse
de l'ashram à Kankhal très engagée dans la voie spirituelle de l'Inde, qui est
avocate à Buenos Aires et qui l’a montré à sa mère qui réside en Patagonie,
c'est-à-dire la région au-dessus de la Terre de Feu à la
28
pointe de l'Amérique latine. Celle-ci a bien apprécié ce darshan
imprévu...Voilà un bon effet de la globalisation!
Renouvellement des abonnements
Nous n’avons pas encore procédé au
renouvellement général des abonnements qui aura lieu en mars 2009, pour deux
ans. Cependant, pour ceux qui ne sont pas déjà abonnés et qui voudraient le
faire en route, ils peuvent s’en acquitter dès maintenant pour 10 numéros, sur
‘papier’, jusqu’en mars 2011 en envoyant un chèque de 20 € à l'ordre de Jacques
Vigne à :
Nadine et José Sanchez Gonzalez
L'Olivette
26 Hameau Beausoleil
Chemin de la Sainte Croix
84110 Vaison-la-Romaine
Tel : 0490121983
Email : nagajo3@yahoo.fr
Il est préférable cependant de
s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par ‘courriel’. Envoyer en ce cas 10 € pour
10 numéros jusqu’en mars 2011 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne
manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement effectué
– koevoetsg@wanadoo.fr, afin qu’elle vous mette sur les listes. C’est
elle qui se chargera bénévolement de vous l’envoyer par ‘email’, tout en
l’illustrant d’une belle photo de Mâ comme pour l'édition sur ‘papier’. Cette formule
a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à
cause de problèmes
29
postaux à partir d'Inde. Dans les deux cas, ceux qui s'inscrivent
maintenant n'auront pas à tenir compte de la demande de renouvellement général d'abonnement au printemps prochain.
Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés pour soutenir l’Amrita
Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de
Bénarès, avec les versions anglaise, hindi et bengali.
Table des matières
Paroles de Mâ p.1
Souvenirs de Pannâlâl p.2
Mâ Anandamayî Prasang
Par Amulya K Datta Gupta p.11
La saturée de joie-
Anandamayî
Par Jean-Claude Marol p.16
Soleil en feu Monique Manfrini p.20
Nouvelles p.26
Renouvellement des
abonnements p.28
Table des matières
Jay
Ma n° 91 - Hiver 2008-2009
Paroles de Ma
En s’engageant dans le service, le coeur et l’esprit sont purifiés,
soyez-en convaincus ! Aller dans ce sens revient à une sâdhanâ très
puissante, ne soyez pas impatients. Servez plutôt ceux qui vous entourent avec
le plus grand calme et ayez un mot gentil pour chacun. A chaque fois que vous
faites ou dites quelque chose qui est erroné, demandez-en pardon et faites de
votre mieux pour ne pas recommencer cette erreur à l’avenir ! Même si les
autres sont injustes à votre égard, vous ne devez ni faire ni dire quoi que ce
soit d’inconvenant. Les occupations et activités du monde sont obligées de
causer des soucis, il ne peut en aller autrement. La seule manière d’y faire face
est par de l’endurance, de l’endurance et encore de l’endurance. Celui qui peut
endurer finit par gagner. On doit passer sous les vagues de la mer et refaire
surface. Les talents et le travail que Dieu vous a confiés sont destinés à son
service et pour rien d’autre − gardez ceci présent à l’esprit !
L’être humain doit se comporter comme un héro ! Pendant les périodes
de malheur il doit se comporter avec courage, persévérance et patience. Jamais
le temps ne se suspend. Le suicide est le péché le plus détestable. A qui
appartient le corps que vous parlez de détruire ? Est-ce la façon dont un
être humain parle ? Quelle honte !
La force de caractère est le plus grand pouvoir de l’être humain. S’il
l’utilise dans ses rapports au monde, il sera de fait victorieux dans la
plupart des domaines.
Vous êtes venus à cette voie pour obtenir la victoire sur ce monde. Il n’y
a rien que le Brahman unique et sans second
− un Atma − voilà votre voie. N’entretenez pas de reproches
entre vous, de colère, de disputes, de sentiments d’amertume. Par une attitude
affectueuse se développe la qualité morale. Si votre mental est perturbé par ce
que dit quelqu’un, avalez-le comme du poison [une allusion à Shiva qui a bu le
poison qui sortait de la mer de lait primordiale et n’en a pas été atteint].
Vous êtes tous bons, bons, bons. En étant bons, illuminez le monde.
Q : En supportant la souffrance, rencontrerons-nous Dieu ?
Mâ : Il ne s’agit pas à proprement parler de rencontrer Dieu : ce
qui vient, supportez-le, c’est le don de Dieu, c’est dans cette mesure et sous
cette forme que Dieu vient, à cause de cela supportez ce qui arrive, voilà la chose à comprendre.
Dites-moi, quels sont ces défauts dont vous parlez ? Ce défaut que
vous pouvez saisir par vous-même déjà ne l’est plus, il a commencé à être
purifié. N’est-ce pas vrai ? Ce défaut que vous avez identifié a déjà
commencé à être purifié.
Satsang avec Vijayânanda
Vijayânanda :
Le jeu divin inclut le bien et le mal
Question : Est-ce que Mâ avait
des traces de mal en elle ?
V : Elle pouvait le jouer momentanément en miroir de l’entourage.
Q : Est-ce que Dieu fait sa
lîlâ, joue au bien ou au mal à
l’intérieur du sage ?
V (en riant) : C’est plutôt le sage qui joue avec Dieu !
− Le suicide peut-il être
parfois licite ?
− Certains jaïns âgés pensent qu’on ne peut vivre incarné sans
violence envers les autres, et donc préfèrent laisser aller le corps en cessant
de manger et s’éteindre ainsi. Pour eux, c’est une forme suprême de
non-violence.
− Est-ce qu’un grand
appétit pour la nourriture est un obstacle pour la sâdhanâ ?
− Une fois, j’ai mangé du dalda,
de l’huile végétale qui devait être adultérée. Cela m’a détraqué complètement
le foie, et depuis ce jour, je ne digère plus bien et je n’ai plus eu
d’appétit. Je mange parce que je sais que je dois le faire, comme pour remettre
de l’essence dans la voiture, c’est tout. En fait, je considère ce problème
physique comme une grâce de Mâ, car si un sâdhaka a un fort appétit, la plus
grande partie de son énergie mentale sera attirée par la nourriture et ce sera
un obstacle à sa pratique.
[A propos d’un de ses petits-neveux
qui vient de se faire opérer à San Francisco d’une récidive de cancer du
cerveau]
V : Je crois que la médecine fait fausse route, depuis un siècle, elle
ne réussit guère à guérir le cancer. On pourrait prendre comme nouvelle
hypothèse de travail ce que soutenait Mâ : elle voyait les maladies comme
des entités vivantes qui entraient et sortaient du corps. En particulier le
cancer peut être considéré comme un être vivant parasite qui se nourrit des
forces vives du corps. Certes, cela semble revenir à des concepts médiévaux de
possession, mais le Moyen-âge avait du bon. La question de la thérapie
consisterait alors à savoir comment expulser ces entités du corps.
− Comment se rendre
compte si un sage est authentique ?
− Ce n’est pas si facile. Les
Indiens s’y retrouvent assez bien, ils ont leurs critères. Ramakrishna donnait
par exemple comme signe la présence de kamini-kanchanam,
les femmes et l’argent. Si un enseignant y est attaché, il y a des risques
qu’il ne soit pas authentique. Cependant, il ne faut pas faire de cela non plus
un critère absolu.
Une personne : hier, vous
aviez l’air de bien aimer la dame italienne qui traduisait pour le
groupe !
V (en riant) : J’aime bien tout le monde ! Simplement, je réponds
au bhava, à l’attitude intérieure des
gens, si je sens qu’ils recherchent un contact fort avec moi, je l’établis.
− Est-ce difficile de
changer de voie spirituelle ?
− Changer de voie spirituelle est non seulement difficile, mais
dangereux. C’est comme vouloir changer de route en plein milieu de l’ascension
d’une montagne, on risque de tomber dans des précipices imprévus. Une fois
qu’on est au sommet, c’est différent, on voit clairement toutes les voies qui y
mènent.
− Quel est le plus grand
renoncement ?
Renoncer au renoncement !
− Et le plus petit ?
[Après un moment de réflexion] Un moine m’a confié : « J’ai
renoncé à tout, sauf à mon repas quotidien…
− Je vis à peu près correctement en
profitant de certains petits plaisirs, mais sans être obsédé par la
Réalisation. Est-ce correct ?
− Les plaisirs auront
automatiquement leur contrepartie de douleur. C’est la loi de la dualité. Seule
l’expérience du Divin peut faire aller au-delà. Cependant, les sages aussi
vivent tranquillement en appréciant les petits plaisirs simples, mais la différence,
c’est qu’ils n’y ont pas d’attachement du tout.
− Donner la vie à un
enfant, n’est-ce pas un acte divin ?
− Certainement, c’est le Divin qui fait se développer l’œuf en
embryon, puis en nouveau-né. Cependant, la naissance créera nécessairement un
lien. Certaines mères affirment qu’elles pourront se détacher complètement de
leur enfant une fois qu’il sera adulte et indépendant, mais c’est une
conviction plutôt théorique. Il y a, certes, en Inde par exemple des cas de
sannyasinîs qui ont complètement coupé les liens avec leur descendance, mais
ils sont plutôt rares. Ceci dit, la maternité est une expérience à avoir, un
stade à passer pour la plupart des femmes, il est bien connu que le brahmanisme
parle à ce sujet des quatre stades de la vie.
− A une jeune femme de trente
ans qui travaille maintenant comme diplomate à l’Ambassade de France à Delhi,
et à laquelle Vijayânanda avait prédit, alors qu’elle n’était qu’étudiante de
Sciences-Po il y a six ou sept ans, qu’elle deviendrait ambassadrice de France
en Inde :
− Si vous avez une telle attirance depuis
l’enfance pour l’Inde, c’est sans doute que vous avez été hindoue dans une vie
antérieure. Comme il semble bien que je l’ai été aussi, il est possible que
nous ayons été ensemble.
− Swami Nirgunânanda, quand il était brahmachari à Kankhal, se réveillait
plusieurs fois la nuit pour voir si l’akhandajyoti, la flamme perpétuelle dont il
avait la charge dans le petit temple à l’entrée de la cour du samâdhi de Mâ, ne
s’éteignait pas. N’était-ce pas un zèle excessif ?
− Cette flamme qui a été installée à Kankhal existe aussi à Bénarès
et dans un troisième ashram de Mâ. Elle date de 1926 à Dhaka lorsque Mâ a
réanimé par son pouvoir magique le feu d’un yajna que le pûjari avait laissé
s’éteindre par inattention. Elle symbolise la continuité de la tradition. C’est
un grand péché d’interrompre ou de laisser se perdre cette tradition. La loi
des civilisations et des empires, c’est de rentrer en décadence et de
disparaître après leur apogée. Cependant, si la civilisation de l’Inde a une
telle permanence, c’est qu’elle n’est pas basée sur la force politique,
mais sur la stabilité religieuse. Il y a
eu toutes sortes d’empires en Inde, y compris les musulmans qui s’activaient
régulièrement à détruire l’hindouisme et les Anglais, mais le brahmanisme a
continué en restant concentré sur la transmission de sa tradition.
− Qu’y a-t-il d’étonnant
dans le psychisme humain ?
− C’est que chacun croit qu’il est quelqu’un d’exceptionnel, alors
que ce n’est pas vraiment le cas …
− Si quelqu’un se plaint
d’avoir un éveil de la kundalinî, que faut-il lui dire ?
− Il faut qu’il le bloque, cela est très dangereux,
car cela met en avant toutes ses qualités négatives s’il n’a pas préalablement
un très bon contrôle du mental. Il faut que cette personne cherche l’aide d’un
grand sage qui ait vraiment l’expérience de ces choses –là. Cependant, beaucoup
de gens croient avoir un éveil de la kundalinî alors qu’ils fabulent simplement
à ce sujet, en interprétant un petit chatouillis dans le dos comme un grand
éveil.
− Ce n’est pas facile de
trouver un grand sage en Occident.
− Si on a la réceptivité et l’intensité du désir
d’en trouver un, il viendra. En fait, il n’y a qu’un seul gourou, c’est le
Divin, et il vous envoie celui ou celle dont vous avez besoin. On dit que le
vrai gourou cherche le disciple encore beaucoup plus que les disciples ne
cherchent le gourou.
− Que voulez-vous dire par
‘bloquer l’éveil de la kundalinî’ ?
− Y être indifférent, ne pas du tout s’intéresser à ces
phénomènes-là. Mâ ne parlait pas de kundalinî, mais de Bhagavan kî shaktî, l’énergie de Dieu. En effet, kundalinî est un
terme tantrique, et les gens ont vite fait de l’associer aux pratiques de la
main gauche.
On dit guru vakya mantra, la parole du gourou, c’est un mantra. Souvent, j’ai négligé
une parole de Mâ en pensant qu’elle était banale et qu’il ne s’agissait que de
mots en l’air, mais après je me suis aperçu qu’ils représentaient des poteaux
indicateurs à des bifurcations de mon évolution alors que je ne voyais pas
clairement dans quelle direction je devais aller.
Ce soir-là de décembre 2008, il y a
autour de Vijayânanda plusieurs personnes qui avaient rencontré et fréquenté Mâ
il y a trente ou quarante ans :
Krishnapriya de Suisse, Ram et Parvati, originaires des Etas-Unis mais installés depuis longtemps
à Assise, et Maria Wirth qui était proche d’Atmananda et vit toujours à
Dehradun près de Kalyanvan. Ils ont échangé avec Swamiji des souvenirs sur
Melitta Maschmann qui a passé beaucoup de temps auprès de Mâ. Elle est
toujours vivante, elle a environ 90 ans mais a perdu la mémoire. Râm par
exemple a raconté ceci :
« Au début, Melitta était
très volontariste et autoritaire, elle avait vu par exemple un vieil homme qui
était visiblement très malade sur les bords du Gange à Kankhal. Elle l’a pris
énergiquement sur un rickshaw et l’a emmené d’autorité à l’hôpital de la
Mission Ramakrishna en demandant avec insistance de le prendre en charge
affirmant qu’elle paierait toutes les dépenses. Cependant, en guise de
remerciements quand elle est revenue le visiter, le vieillard qui était un
brahmane, l’a maudite tant qu’il pouvait : « Mon rêve avait
toujours été de pouvoir mourir juste au bord du Gange, et maintenant avec ce
fichu hôpital vous l’avez ruiné! » Il semble que la machinerie
hospitalière, étant ce qu’elle est en Inde comme ailleurs, on n’ait pas
autorisé le vieillard à sortir de l’institution…avant qu’il ne soit mort !
Assez souvent, Melitta se mettait
en colère contre Mâ. Une fois, Krishnapriya était là et elle a entendu qu’elle
disait à Mâ : « La nourriture que vous nous donnez à l’ashram, dans
mon pays, on ne la jetterait même pas aux chiens ! » Krishnapriya
était à son 36e dessous, mais Mâ restait très tranquille et disait
très gentiment : « Bon…eh bien…mais alors, Melitta, tu as des takas (des roupies, de l’argent), tu pourrais t’acheter toi-même de
la meilleure nourriture si tu le souhaites… » Une autre fois, Ram raconte
qu’elle est venue voir Mâ en lui disant : « Mâ, je vais vous
tuer ! ». Vijayânanda témoigne qu’en fait, après ses colères contre
Mâ, elle se trouvait comme en un état second, c’était en fait un samâdhi que
lui avait donné Mâ elle-même. Ce que souhaitait celle-ci, c’était l’intensité,
à ce moment-là elle pouvait faire quelque chose avec la personne.
Nous parlons en groupe de fidèles anciens de Mâ,
Amla et Rajat, qui ont invité Vijayânanda pour bénir aujourd’hui la pierre de
fondation de leur maison. Celui-ci explique qu’en Inde, on est très conscient
de l’impondérable fondamental de la vie, et qu’il faut penser à prier Dieu par
des pujas par exemple, pour faire
rentrer en compte ce facteur et obtenir une protection. Dans la tradition, on
fait par exemple trois pujas pour une
maison, la première pour rentrer dans le terrain, bhumi-pravesh, la seconde pour la pose de la pierre de fondation, shila-nyas, la troisième pour l’entrée
dans la maison une fois construite, griha-pravesh.
Swamiji nous a raconté à ce propos l’histoire hassidique suivante :
« Le Baal-shem-tov, le grand saint hassidique de la Pologne du XVIIIe
siècle, n’était pas contre boire du vin. Simplement, il fallait que celui-ci
soit préparé selon toutes les règles de pureté casher, qu’il ne soit pas touché ni même vu
directement par des non-juifs. Un de ses disciples a donc cultivé le raisin,
l’a pressé et l’a fait fermenter selon toutes les règles. Il était en train de
décharger le tonneau devant la maison de son maître, tout content du cadeau
précieux et pur qu’il allait lui offrir, quand un policier survint. Il avait
pour instructions de contrôler qu’il n’y ait pas d’alcool distribué, le vin
étant quant à lui autorisé. Cependant, comment savoir ce qu’il y avait
réellement dans le tonneau, comme croire son propriétaire ? Il fallait
qu’il vérifie par lui-même en goûtant, c’est ce qu’il fit malgré les
supplications de notre personnage. Tout son patient travail fut ainsi gâché en
une seconde. Il est venu ensuite, éploré, auprès du Baal-shem-tov. Celui-ci lui
a dit : « Tu as tout fait selon les règles, mais il y a une chose
que tu as oubliée ! » « Laquelle ? » « De
demander la bénédiction de Dieu ! » Dans toutes les entreprises mêmes
les mieux calculées, il y a l’impondérable, et pour s’en protéger il est bon de
demander l’aide du Pouvoir d’En-haut !
« L'absence de pensée,
voilà la méditation suprême ! »
Paroles de Mâ commentées par Swami Nirgunânanda
Cette
parole correspond à la définition de dhyâna,
la méditation, donnée par Mâ en réponse à une question. Essayons de comprendre
ce qu'elle voulait dire par cette réflexion.
Nous savons que la Réalité ultime est
au-delà du domaine de l'intelligence, quelle est non-pensable. Le paradoxe
c'est que, malgré le fait que nous connaissions cette vérité, nous essayons
encore de faire revenir la Réalité ultime dans le domaine du concevable. Bien
sûr, nous n'avons pas non plus d'autres possibilités. Dans un certain contexte,
les Ecritures (Upanishads) disent que la Réalité ultime est inatteignable, que
ce soit par l'intelligence ou par le fait d'entendre de façon répétée les
enseignements. Pourtant, ces mêmes Ecritures disent que cette réalité est shrotavya, ‘ qu'elle doit être
entendue’, mantavya, ‘ qu'on doit
réfléchir dessus’, nidhidhyâsitavya,
‘ qu'on doit la contempler’. En tant que telles, ces deux assertions peuvent
sembler contradictoires. Le but profond des Ecritures est en fait de nous
inspirer le sens de la pratique spirituelle. D'abord, nous devons parvenir à
une compréhension intellectuelle, et celle-ci
à son tour peut être expérimentée à travers la sâdhanâ. Pour entendre,
nous avons besoin des organes des sens, pour réfléchir nous avons besoin du
mental et pour contempler nous avons besoin de l'intelligence. La fluctuation
de l'être intérieur entre l'affirmation et son contraire, la croyance en une
possibilité donnée et les autres possibilités, les autres alternatives, entre sankalpa et vikalpa, voilà ce qui s'appelle le mental. Quand l’être intérieur
s'affirme, c'est ce qu'on appelle l'intelligence (buddhi). Nous avons besoin de cette intelligence pour penser. Le
fait de penser, c'est de considérer à nouveau les vrittis, c’est-à-dire les états mentaux provenant du
conditionnement, les traces mnésiques. Ces vrittis
sont la réapparition d'une image réfléchie des objets, elle-même provenant des
organes des sens, sur la toile de fond de la conscience immédiate des objets.
Celle-ci est stockée en nous sous forme de mémoire. Penser, c'est toujours
penser à un objet. Celui-ci peut être grossier ou subtil. Quand il n'y a pas
d'objets, il n'y a pas de pensée.
La définition
scripturaire de dhyâna est dhyânah nrvishayah manah, cad dhyâna représente l'état du mental quand
il n'y a pas d'objet. Cependant, nous savons que le mental n'existe que quand
il y a objet. Il rentre dans l'oubli quand il n'y a plus d'objet, comme cela
est le cas dans le sommeil.
Nous devons garder
présent à l'esprit que dans l’Ashtanga (le Yoga à huit membres de Patanjali), dhyâna correspond à l'avant-dernier
stade. L'étape suivante, c'est la consommation totale qui a pour nom samâdhi. Le sujet et l'objet se fondent
en une unité dans cet état. Ce que nous comprenons par le mot dhyâna est un processus, qui peut
interagir avec un objet, que celui-ci ait une forme ou non. Nous trouvons ici
que la définition de dhyâna selon les
Ecritures et celle de Mâ ne vont pas bien ensemble d’après notre entendement.
D’habitude un aspirant considère dhyâna
comme un processus et choisit un objet qui lui convient facilement pour se
concentrer dessus. Cet objet peut, soit être l’impression mnémonique d’objets
matériels avec lesquels il a interagit dans
le passé, ou alors une forme subtile. Dans les deux cas, il s‘agit d’une
contemplation centrée sur l’objet, dans laquelle le mental est utilisé comme un
instrument.
Une fois, Mâ a demandé à l'auteur de ces
lignes s'il pratiquait ou non dhyâna.
Il a répondu qu'à chaque fois qu'il essayait, son mental errait sur des objets
variés ou sur les impressions des objets stockés dans la mémoire. Mâ a répondu
: «Dhyâna, la méditation, ne peut
être faite, elle survient ! » Cela signifie que dhyâna n'est pas un processus, mais le résultat d’un processus.
Swami Nirgunânanda, Dhaulchina,
Le 3
novembre 2008
Satsang avec Swami Nirgunânanda
Dhaulchina, le 9 septembre 2008
Swamiji a donné ce satsang à trois
Françaises. Il s'agissait d'Hélène Marinetti avec deux de ses élèves. Hélène
enseigne le sanskrit dans le sud de la France, près de Marseille, elle avait
été disciple de Swami Muktananda de Ganeshpuri et elle a traduit en français
son autobiographie, chitshaktivilas, le jeu de l'énergie de la conscience.
Swamiji allait juste rentrer dans une période de maun, de silence pour
une durée indéterminée.
Comment cela a-t-il été d'observer
le silence pendant trois ans, en ne parlant qu'à Mâ?
Parler à Mâ, c'était le silence.
D'habitude, on observe un silence de la bouche, mais le mental parle beaucoup,
alors que quand on parlait avec Mâ, le mental était complètement silencieux. Il
y a un des plus beaux hymnes de Shankaracharya, le Dakshinamurti stotrra
qui dit ceci : « Le gourou et les disciples sont assis sous un arbre. Les
disciples sont âgés, le gourou est jeune. Il donne un discours en silence, et
les doutes des disciples sont coupés à la racine. » On dit que le gourou est
jeune parce que la sagesse n'a pas d'âge, on dit que les disciples sont âgés
car le savoir intellectuel vieillit. Ce n'est pas par des arguments subtils que
les doutes profonds seront déracinés, mais par le pouvoir de l'énergie du
silence d'un vrai maître.
Dans la transmission spirituelle du védanta, on ne parle pas de lire des
livres. Il y a shravana, qui signifie non seulement l'écoute, mais aussi
la compréhension de l'enseignement. Ensuite, il y a manana, qui est la
réflexion intellectuelle et enfin nidhidyâsana, la contemplation de
l'essence et le sommet du védanta. Il ne suffit pas d'écouter l'enseignement du
gourou, mais il faut méditer dessus longtemps et le réaliser.
À Bénarès vers le milieu du XXe siècle, il y avait un pandit marié
qui était considéré comme le sommet de la connaissance sur le védanta
en Inde à cette époque. Il a eu de nombreux disciples qui sont devenus
eux-mêmes des professeurs réputés de védanta. Un des plus jeunes a décidé de
prendre le sannyâsa, et il s’est engagé dans une pratique spirituelle
intensive. Au bout d'un certain temps, son gourou est venu le visiter, en le
voyant le jeune sannyâsi s’est prosterné devant lui. Mais celui-ci lui a dit :
« Ne t'incline pas, je suis venu pour recueillir ton enseignement ! » Le jeune
a été stupéfait et a dit à son maître : « J'ai tout appris du védanta de ta bouche,
comment pourrais-je te donner un enseignement ? » Le vieux maître a répondu : «
Je suis quelqu'un d'instruit, mais toi, grâce à ta pratique, tu es un sage ! ».
Il en va ainsi dans l'enseignement de l'Inde, il y a toujours les deux courants
parallèles, celui de la transmission de la connaissance intellectuelle et celui
de l'expérience spirituelle et de la réalisation. Il est paradoxal que ce soit
en Occident au XXe siècle qu'il y ait eu le plus de livres publiés sur le
védanta. Je ne dis pas que cela soit dépourvu d'intérêt, ils ont leur utilité,
mais quels sont les occidentaux savants dans le védanta qui ont atteint l'état
de jñani?
Par ailleurs, il est important de
choisir sa voie. Je me suis plongé récemment dans la biographie d'Oriya Baba.
Il venait souvent voir Mâ, et était lui-même un gourou très connu de Vrindavan
: chaque matin, il faisait un discours sur le védanta, et chaque après-midi, il
en faisait un autre sur la bhakti. Cependant, il ne voulait pas qu’un même
disciple vienne aux deux, il lui demandait de choisir soit l'un, soit l'autre.
Que représente la figure de Dakshinamurti?
C'est la figure du Jagadguru, le gourou universel, en fait
Shiva lui-même. On dit qu'il est tourné vers le sud (dakshina) car la vraie stabilité est au Nord avec le pôle (dhruva) et ses étoiles qui ne bougent
pas. Dans le corps, cela correspond au sahasrara,
ou Lotus aux 1000 pétales au sommet de la tête. Quand on reçoit le mantra du sannyâsa, on se tourne vers le nord et
ensuite on va régulièrement méditer tournés vers le nord. Les gens mariés qui
font cela et ont aussi à réaliser certains désirs doivent se tourner vers
l'Est, à ce moment-là ce sera plus efficace. Mais quand on ne cherche que la
libération, on se tourne vers le nord, et donc le gourou qui enseigne comme
dakshinamurti doit se tourner vers le sud pour faire face à ses disciples.
Le 31 octobre 2009, Dhaulchina
-
Que pensez-vous du livre de Swami
Virâjânanda, Svakriya svarasamrita, ‘L'action spontanée dans le nectar de sa propre essence"
?
- Au début j'étais plutôt contre : je trouvais ses
commentaires et ses introductions incompréhensibles, bien qu'au niveau de son
compte-rendu des paroles de Mâ, je n'avais pas de doute qu'il les avait
retranscrites fidèlement. Il faut comprendre la situation. Mâ disait souvent en
parlant d'elle-même : « Comme vous jouez de l'instrument, vous entendez le son
! » Virâjânanda voulait entendre des réponses très métaphysiques à ses propres
questions métaphysiques. Mâ lui a donné cela. En fait, il avait ressenti une
attraction tellement grande pour Mâ, qu'il avait non seulement laissé avec Mâ
un petit garçon en bas âge pour devenir brahmachârî, mais aussi une petite
fille qui était encore dans le sein de sa mère. Cela n'a pas été facile pour
son épouse, sans doute parce qu'elle avait perçu l’intensité de son désir.
Jusqu'en 1952, il était secrétaire général de la Sangha de Mâ qu'il avait
largement contribuée à fonder. Mais à partir de là, il voulait ne plus avoir
qu'un travail, noter les paroles de Mâ, ce qu'il a fait pendant 30 ans jusqu'à
ce que celle-ci quitte son corps. À la fin, il est mort à 103 ans, on disait
qu'il perdait la tête, et c'est vrai qu'il pouvait perdre la mémoire immédiate,
mais il mettait une chaise en face de lui et disait : « Je parle à
Mâ ! » et il avait une conversation avec elle que j'entendais et qui étais
très cohérente du point de vue philosophique et métaphysique, et même d'un haut
niveau. Il était très sévère, il envoyait promener tout le monde, non seulement
ceux qui étaient à son service comme je l'ai été moi-même pendant quelques
jours, mais aussi Mâ. Je l'ai servie pendant quelques jours, et ce n'était pas
facile. Cependant, Mâ avait une haute estime pour son niveau spirituel, elle
m'a expliqué un jour que très peu de gens avaient vraiment compris ses paroles,
Bhaïji les avait bien saisies, et même au-delà des paroles il avait saisi Mâ
elle-même, puis Gopinâth Kavirâj, et ensuite Virâjânanda.
Un jour, j'étais à Vrindavân avec Mâ,
et Chitra Ghosh est venue. C'était l'assistante de Mâ pendant les dernières
années. Elle avait été une étudiante très brillante, celle qui par sa maîtrise
de botanique avait eu les meilleures notes de toutes les maîtrises de
l'université de Calcutta quelles qu'en aient été les matières. Ensuite, elle avait
été faire un doctorat aux États-Unis, et quand elle était revenue, elle avait
été voir Mâ et avait été captée par son amour. Elle a décidé de tout lâcher pour rester avec elle.
Donc, elle est venue voir Mâ ce jour-là en lui disant qu'elle n'était pas contente
avec le troisième volume de Svakriya
qui venait de paraître. Elle n’avait pas de doute que les paroles de Mâ
qu'avait rapportées Virâjânanda étaient authentiques, mais il s'était permis
d’écrire l'introduction dans le style elliptique et parfois difficile à saisir,
caractéristique des paroles de Mâ elle-même. Elle ne trouvait pas cela juste.
Mâ m'a tout de suite appelé en disant, « prends un papier et un crayon, nous
allons écrire à Virâjânanda. » Elle lui a juste dit dans sa lettre :
"Il paraît que tu as écrit une introduction dans le style de Mâ, comment
cela se fait-il ? Viens me voir à Patna !" Virâjânanda était à l'époque à
Kankhal, le fait d’aller donc jusqu'au fin fond du Bihar était un long voyage,
mais il s'y est rendu sur l'ordre de Mâ et là, il s'est expliqué avec elle !
L'histoire de ce livre Svakriya
est intéressante. Brahmachârinî Chandandi était la cousine issue de germain de
Mâ. Son père était le cousin de Didi Mâ, la mère de Mâ. Celle-ci l'appelait
Thakur Bhai (Thakur signifie en bengali ‘seigneur’, dans le double sens de
divin et de noble dans la société). Quand Mâ s'est mise à avoir tous ces états
mystiques, Bholonath a été très perturbé et a commencé à accuser sa
belle-famille de lui avoir refilé la folle du logis. Les parents de Mâ étaient
eux aussi troublés, et ils ont demandé à leur neveu, le père de Chandandi dans
lequel ils avaient une grande confiance, de venir voir ce qui se passait. C'est
là qu'il lui a demandé : « Mâ, qui es-tu ? » et qu'elle a répondu : «Pûrna
Brahma Narayân !» "Plénitude, Absolu, Seigneur !" Donc,
Chandandi s’est mise dans la tête un jour d'écrire un livre sur la mère de Mâ.
Elle a commencé dans un style qui laissait à désirer. Au bout de deux
chapitres, elle s'est entendue avec Virâjânanda pour qu'il continue l'ouvrage,
et il l’a étendu aux paroles de Mâ, y compris celles qu'il a reçues d'elle
directement en réponse à ses questions. Mâ a accepté ce changement d'auteur,
mais en demandant quand même que le livre soit publié sous le nom de Chandandi,
alors qu'au fait qu'elle n'en n’avait écrit que les deux premiers chapitres.
J'ai d'ailleurs moi-même traduit du bengali en anglais le premier chapitre du
livre. On trouve dans les six volumes des renseignements précieux sur la
biographie de Mâ, les deux premiers volumes sont compréhensibles car ils
correspondent à ce que Chandandi avait à dire sur Didi Mâ, et à des
descriptions d'événements historiques, mais les autres chapitres et les autres
volumes sont plus difficiles à suivre, car Virâjânanda est parti dans la
métaphysique. Le sixième et dernier volume en particulier est purement
métaphysique, mais il recèle des perles. Le Swami avait une intelligence de
haut niveau, se posait des questions métaphysiques profondes, et Mâ lui a
répondu à ce niveau, même si peu de gens peuvent suivre. Il faut déjà bien être
initié et au courant de l'enseignement et des conceptions de Mâ, et de sa
manière de s'exprimer, pour pouvoir s'y retrouver dans ce texte. Mais si on a
cette préparation, on les trouvera des trésors.
Comment en êtes vous venu à Mâ ?
-- Je ne suis pas venu à elle
par une recherche a priori de Dieu, mais parce que j'ai trouvé chez elle un
amour vraiment inconditionnel, chose qui est très rare en ce monde. Du coup je
suis resté. J’étais un « petit garçon de sa maman », j'avais un attachement
très fort à ma mère, et même je ne m'étais pas marié car je ne voulais pas
partager cet attachement avec une autre femme. J'ai neuf frères et soeurs, mais
c'était quand même chez moi que ma mère vivait le plus souvent, à Calcutta.
Quand elle me poussait à prendre une épouse, je lui répondais que je
n'arriverais à le faire que quand elle serait décédée. Mais comme je l'ai
quittée pour vivre auprès de Mâ, c'était différent, elle a compris qu'il
s'agissait de la voie ascétique, et elle était fière qu'un de ses dix enfants
se soit orienté sur ce chemin. Au bout de trois mois après mon arrivée dans
l'ashram, Mâ m'a demandé : « As-tu écrit à ta mère ? » Je lui ai répondu que
non. Elle m'a demandé de le faire, et non seulement cela, elle a ajouté que je
devais retourner à Calcutta, de Kankhal [36 heures de voyage en train] pour
aller recevoir la nourriture préparée de ses mains. Mâ n'était pas en faveur qu'on abandonne
complètement sa famille sous prétexte qu'on suivait la voie ascétique.
Elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans avec son mari quand il était encore
vivant, et elle n'en était pas moins pour cela déjà Mâ Anandamayî. Ensuite,
jusqu'à l'âge de 76 ans, elle a eu sa mère auprès d'elle, et son petit frère
Mamou vivait aussi dans l'ashram de Bénarès. Ils n'avaient pas de statut
spécial, mais ils étaient quand même bien présents et en lien au quotidien avec
Mâ. De mon côté, j'avais la coutume
d'appeler ma mère au téléphone tous les samedis, je l'ai fait jusqu'à sa mort,
et de plus j'allais la voir tous les ans à Calcutta. Après tout, c'était grâce
à elle que j'étais venu en ce monde, et que j'avais donc pu choisir cette voie
ascétique.
−Pensez-vous que le nombre de gens qui vont suivre la voie
ascétique va augmenter ?
− Je pense que non. Certains
disent qu'avec l'augmentation du matérialisme, il y aura plus de gens frustrés
par cette voie et donc plus qui viendront sur le chemin de l'ascèse. Mais si
l'on vient à l'état de renoncement simplement par frustration, on n'est pas
vrai renonçant. Il faut y venir par amour.
§§§§§
LA VOIX DES FLEURS
§§§§§
J'ai caressé la chevelure
Bleu-violet des lavandes puis
Respiré leur souffle chaud...
Plus loin, j'ai senti la douceur
Amère des lauriers rouges...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Le lantana lumineux m'a saluée
Et gratifiée de son parfum
Tenace...Toutes ces fleurs
M'ont donné un présent,
Simplement, comme un sourire...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Mes sens ont été comblés.
Mais, moi, qu'ai-je fait pour elles
Sinon admirer leur beauté?
Ô Nature, tu es généreuse envers nous
Sans rien attendre en retour.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Ta beauté est offerte à tous,
Sans condition. Tu distribues tes grâces,
Sans compter. L'homme prend tout
Sans même te remercier. Que lui
Dirais-tu si tu pouvais parler?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Ô Humain, arrête toi,
Un instant et pense à Celui
Qui me permet d'être là,
Si belle, si bonne, si accessible
Et si confiante en toi!
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Honore-Le, de tout ton coeur
Et de toute ton âme. Remercie-Le
Toujours car Il me permet
De te donner la joie de me
Contempler à tout moment!
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
N'oublie jamais cela...Tel est
Mon message secret! A travers moi,
Tu peux connaître notre Maître
A tous. Mais, ton mental
Est-il assez subtil pour cela?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Essaieras-tu de Le découvrir,
Caché derrière ma belle apparence?
Des saints l'ont fait avant toi...
Alors qu'attends-tu, maintenant,
Pour commencer ta quête?
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Peux-tu être satisfait de mes présents?
Ne veux-tu pas chercher
Qui te les donne? Ô Humain,
Sois curieux, cherche, cherche,
Sans jamais te lasser...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Finalement, tu trouveras ce qui
Est, au-delà de ce que tu perçois.
Ta récompense sera si grande
Que tu ne peux même pas l'imaginer!
Alors, regarde en toi avec les yeux de ton coeur...
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Monique
Manfrini,
La Cadière
d'Azur, le 30.05.2007.
Mâ
et la joie…
(Réflexions
en témoignage)
(Par Mahâjyoti)
Souffrance et gaieté…
Pourquoi…pourquoi…pourquoi ?
Pourquoi cette duplicité (j’allais dire ravageuse…) alors
que la non-dualité du Védanta est tout simplement merveilleuse !
En lisant et relisant toujours les livres de Mâ
Anandamayî, pourquoi est-ce qu’on ressent toujours autant de JOIE ?
Pourquoi les Grands sont-ils si joyeux ? Alors que
la souffrance intérieure rend les gens si anxieux ? Etre toujours de bonne
humeur favorise la recherche spirituelle, disait Mâ…
Tous les 4 ans, à la suite des Jeux Olympiques, les Jeux
des ‘athlètes handicapés’ font vibrer les muscles assoupis de ceux dits
‘normaux’, qui ont des esprits parfois tortueux, vantards, ou déformés !
Ces athlètes meurtris ont plus que nous… Ils sortent de
leurs tripes la vraie souffrance physique et mentale, pour en faire un vrai
bonheur psychique et total.
L’école du sport de haut niveau fait penser à la
discipline du mental de haut niveau…même droiture, même engagement, mêmes
sacrifices !
Le but est ‘d’atteindre’ au-dessus de nous ces sphères
ultimes, ‘divines’, où pour chercher à les rejoindre, chacun s’exprime en
allant jusqu’au bout de lui-même...L’important est d’y croire, d’en rêver et de
s’y tenir !
« On devient ce que l’on pense » a écrit
Jacques Vigne dans Le maître et le
thérapeute.
Pourquoi, si ils ont la chance d’être
heureux, certains veinards doivent-ils être considérés comme des crétins
insensibles ? Leurs Samskâras ou
évènements vécus dans leurs vies antérieures ont-ils été des ‘sas’ de sûreté
protecteurs ?
Un petit sourire messieurs-dames ! La spiritualité
peut être ‘spirituelle’ aussi bien dans
les deux sens du terme ! Pourquoi sombrer dans les méandres des
tourments egotiques alors qu’on peut s’offrir la JOIE, et même, quand on y
arrive, ‘l’humour’…ce recul de protection et d’observation tellement nécessaire
pour alléger les états d’âmes sans perdre la félicité intérieure… (petit secret
de fabrication peut-être ?)…l’humour…secours précieux qui peut faire qu’on
se régénère par le rire (le sourire), par la bonne humeur indispensable pour
‘aider’ les autres à regagner le bord du gouffre et à s’y agripper pour en
sortir, toutes griffes dehors, tous muscles bandés, tous yeux hagards, pour
leur apprendre aussi à savoir observer une fleur qui pousse, un oiseau qui
chante, une étoile qui brille !
Le rire n’est-il pas le plus court chemin d’un homme à un
autre… ?
Et l’humour n’est-il pas, dit-on, la meilleure expression
du désespoir… ?
De grâce arrêtons-nous d’être grincheux.
A la radio récemment le père d’un enfant grandement
handicapé, témoignait du fait qu’il avait passé sa vie à essayer de le faire
rire, et qu’il avait su rire lui-même de ce que cet enfant lui avait apporté…Un
jour, l’enfant avait essayé d’enfiler son pull-over non pas par les manches ou
par le col, mais par un trou de mites et avait mis 20 minutes à se
contorsionner afin d’y parvenir…Ce fut un moment de bonheur pour les deux,
l’enfant et le père (malheureusement incompris par l’ensemble de son
entourage). Ce sont pourtant eux les plus joyeux !
Mâ Anandamayî a parlé bien des fois dans tous ses livres
de la JOIE (Ananda) … D’où son nom
Anandamayî : ‘La saturée de joie’. Un des livres de Mâ (traduit et préfacé
par Jean Herbert) s’intitule ‘Aux sources
de la Joie ‘
En ressentant en nous-mêmes cette gaieté, cette douce
béatitude intérieure, sans doute un don du ciel, ou une reconnaissance d’un
comportement de vie bien structuré…rien ne peut être plus salutaire pour aider
autrui.
On sent la gaieté dans les voix souriantes, dans les
regards pétillants, dans la force de reprendre courage alors que les proches
autour de vous n’ont rien compris à vos réactions rendues parfois trop
toniques, par réaction à la douleur ou à l’incompréhension…
Il est facile de faire porter sa croix par les autres en
leur remettant les problèmes sur le dos…Il y a, et il y aura toujours une lueur
d’espoir pour qui saura ‘faire l’effort de voir’ !
Qu’on
se le dise…qu’on s’analyse…qu’on sympathise…se tranquillise…
Qu’on divinise et fraternise…qu’on s’autorise…même une
bise !
Lors de mon tout premier séjour en
Inde, le choc des cultures avait été violent, mais salutaire…sans doute parce
qu’en moi bouillonnait une telle félicité, que tout ce qui avait formé jusque
là le ciment de ma propre nature me semblait soudain dérisoire…
A mon
second voyage, Jacques Vigne m’avait accueillie. Ensemble dans le train de
Delhi à Hardwar, le modeste sandwich qu’on avait partagé, où la mie de pain
délavée abritait un minuscule morceau de
fromage, m’avait semblé un délice…tandis que sur la paroi du wagon un gros
cafard se promenait à côté de mon bras
(moi qui frémissais à la vue des insectes) ! Mais ma joie était
telle, que je m’étais mise à penser que ce cafard avait sans doute une famille,
papa, maman, enfants…et que moi j’allais rejoindre un bonheur impalpable dans
l’enseignement de Mâ…TOUT ne semblait plus RIEN…
Mâ
affirme que la tristesse est fatale à l’homme ! Mâ irradie non seulement
la joie mais aussi parfois une ‘lumière invisible’…
Shrî
Aurobindo, dans Aperçus et Pensées,
dit que Ananda, la joie, est
l’impulsion centrale de la nature humaine. L’agitation, l’inconstance, le doute
n’en sont que des aspects passagers. L’âme cherche la joie partout, comme un
enfant !
«
On perd beaucoup d’occasions de rire quand on ne sait pas rire de
soi-même… » (Jacques Vigne – Soigner
son âme)
Plus
de six années ont passé depuis mon initiation à l’Inde ! J’ai collaboré en
travaillant beaucoup et de mon mieux…et si mes yeux pleurent désormais à
l’ordinateur, c’est sans nul doute…de JOIE !
Geneviève Koevoets
(Mahâjyoti)
Réflexions
sur le Bonheur…
Je te souhaite beaucoup de bonheur
Si tu ne trouves pas le bonheur,
C'est peut-être que tu cherches
ailleurs.
Ailleurs que là, dans ton coeur...
Tu cherches le bonheur ? Le sourire ?
Ne cherche pas dans tes souvenirs,
Recherche-le dans le présent.
C'est là seulement qu'il t'attend.
Le bonheur n'est pas un joujou
Qu’on peut acheter hors de chez nous.
C'est un projet qui part de nous
et qui se réalise en nous.
Il n’y a pas de marchand de bonheur,
Il n’y a pas de machine à bonheur.
Mais des gens qui croient au bonheur.
Toi seulement tu fais ton bonheur.
"Le plaisir se ramasse, la joie se
cueille
et le bonheur se cultive."
Bouddha
(Envoyé à Mahâjyoti
par Fabienne Salengro)
Nouvelles
- José Sanchez-Gonzalez qui se charge de recevoir
les chèques d’abonnement a changé d’adresse et de téléphone à l’intérieur de
Vaison-la-Romaine. Vous trouverez ses nouvelles coordonnées dans la section
suivante.
- Swami Bhaskarananda a eu une petite attaque
cérébrale avec une paralysie du bras et une certaine difficulté à parler, mais
il s’est maintenant à peu près remis.
- L’école primaire au nom de Mâ Anandamayî qui
compte 80 élèves dans le village de Daulchina est en train de finir de
construire deux nouvelles salles de classes dont ils avaient grandement besoin.
Ceci a été dû en bonne partie à la générosité des 32 occidentaux venus à la
retraite d’août dernier à Kankhal, en particulier à Lucienne Légeret qui est psychothérapeute
à Vevey.
- Des retraites avec des groupes francophones ont eu
lieu auprès de Vijayânanda en août donc, mais aussi en septembre, en début
décembre et nous attendons 34 personnes pour début janvier.
- Vigyânânanda (Jacques Vigne) reviendra en Occident
de mi-mars à début août. L’an dernier il avait été invité à Asssise pour parler
de Mâ dans un congrès de yoga, et il a été de nouveau invité en Italie pour le
35e anniversaire de la Fédération Italienne de Yoga en début mai près
de Venise. Il animera en particulier une semaine de retraite à Cannes en avril avec
Geneviève Koevoets et une autre sur une île du Golfe du Morbihan en juillet.
Demandez son programme à Mahâjyoti koeovoetsg@wanadoo.fr (Coordination bénévole).
Renouvellement des
abonnements
Nous n’avons pas encore procédé au
renouvellement général des abonnements qui aura lieu, pour deux ans, en mars
2009, à raison d’un numéro par trimestre. Cependant, pour ceux qui ne sont pas
déjà abonnés et qui voudraient le faire, ils peuvent s’en acquitter dès
maintenant pour 9 numéros jusqu’en mars 2011 en envoyant un chèque de 9 € à l’ordre de Jacques VIGNE pour le recevoir
par EMAIL, ou un chèque de 18 € pour le recevoir sur PAPIER depuis l’Inde, en
précisant votre choix, et en adressant votre chèque à :
José SANCHEZ-GONZALEZ.
Notez sa nouvelle adresse et son téléphone, car il vient de déménager à
l’intérieur de Vaison-la-Romaine :
10 rue Tibère - 84110
VAISON-LA-ROMAINE
Téléphone portable : 06
34 98 82 22
Email : nagajo3@yahoo.fr
Il est préférable cependant de s’abonner
pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par EMAIL. Envoyer en ce cas les 9 € pour jusqu’en
mars 2011 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas
d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr (Coordination
bénévole). C’est elle qui se chargera de
vous l’envoyer par courriel, tout en l’illustrant par une belle photo de Mâ
comme l'édition sur papier. Cette formule a l’avantage d’éviter les difficultés
fréquentes de numéros qui n’arrivent pas à cause de problèmes postaux à partir
de l’Inde. Dans les deux cas, ceux qui s'inscrivent maintenant n'auront pas à
tenir compte de la demande de renouvellement
général d'abonnement au printemps prochain. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’
français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe
Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès, avec les
versions anglaise, hindi et bengali.
Table
des matières
Paroles de Mâ
Réponses de Vijayânanda
Satsang avec Swami Nirgunânanda
La voix des fleurs par Monique Manfrini
Mâ et la joie par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Réflexions sur le bonheur communiquées par F.Salengro
Nouvelles
Renouvellement des abonnements
Table des matières
Jay Mâ n° 92 - Printemps 2009
Vangmayî
Mâ - La mère constituée de Parole
Traduit de l’anglais par : Jean E. LOUIS
Nous publions sur le site de Mâ www.anandamayî.org un nouveau livre de pensées de Mâ classées par
thèmes et traduites du bengali. Il est intitulé Vangmayî Mâ. Vang-mayî
signifie ‘pénétrée de parole’, c'est-à-dire imbibée de l’énergie de la
parole. Vang, ou Vak est non seulement la parole, mais la plus
grande déesse des Védas, fille de Brahman ; c’est par elle que l’énergie
créatrice se propage dans le monde. L'édition française de ce livre est prête,
et devrait être mise en ligne rapidement. Quant à l'édition anglaise et
espagnole, nous espérons qu'elle suivra d’ici un ou deux mois sur le même site.
Nous commençons pas reproduire un des premiers chapitres de cet ouvrage pour en
donner une idée, puis nous reproduisons l'introduction qu'en a écrite Jacques
Vigne après avoir discuté de certains points avec Swami Vijayânanda. D'autres
chapitres suivront dans les prochains numéros. Swami Bhaskarânanda, auquel Mâ
avait confié la charge de l'initiation en son nom de son vivant, a beaucoup
insisté pour la traduction de cet ouvrage du bengali en anglais, pensant qu'il
était bon de revenir facilement, grâce à cette anthologie, à ce que Mâ disait
directement
La Nature du Manque
Chapitre 14
L’être humain se
manifeste sous la forme du désir, du manque [en anglais, want, en hindi
et sanskrit, a-bhav]. Il n’a que le désir, le manque en tête. Et
lorsqu’il s’en va, c’est encore avec le désir, le manque en lui. C’est pourquoi
il devrait méditer sur sa propre nature. Autrement : désir – inactivité –
indolence – malheur – mort. [Le soi dans le soi [nijiti nijai, on doit
se livrer à l’introspection]
15
A l’heure qu’il est,
vous tous êtes en état de désir, de besoin, et c’est là maintenant votre vraie
nature. Lorsque vous avez faim vous ressentez un besoin. Après avoir satisfait
cette faim, la sensation de besoin disparaît. Puis vous éprouvez le besoin de
dormir. Et lorsque vous vous réveillez vous avez envie de prendre l’air ou de
bavarder. Les désirs-manques se présentent les uns après les autres et ne vous
quittent pas un instant. Ainsi votre existence se passe dans le désir et le
besoin. C’est ce que le corps considère comme des besoins naturels. L’homme a
en lui la capacité de vivre dans sa vraie nature, sa vraie forme, sa vraie vie.
De même qu’il y a le voile de l’ignorance, il y a la porte de la connaissance.
C’est en passant cette porte que l’homme retourne vers sa vraie nature et
retrouve son état véritable.
16
Dans ce domaine d’un
monde imaginaire, d’un côté votre corps est soutenu, tandis que de l’autre,
derrière le voile, les actions [du Divin] se déroulent.
Vous êtes nombreux à
vous montrer sous différentes formes, avec différents sentiments. Qu’est-ce
donc, si ce n’est la destruction du désir-manque sous toutes ses formes ?
Dans l’univers, si c’est vous qui donnez et qui prenez, vous qui éprouvez le
sentiment du désir, alors cette action est en fait la vôtre.
17
Là où vous voyez
votre Soi en toutes choses et que vous vous efforcez de ne voir que
« Cela » en quelque existence que ce soit, en quoi la vision est-elle
différente de ce qui est vu ? Le dessein d’un entretien, d’une discussion,
d’une controverse, comme également celui de l’état de besoin, de manque, est en
fait d’obtenir cette connaissance directe. Soyez éveillé dans votre propre
nature.
18
Plus nous passons de
temps à honorer Dieu, plus sera grand l’avantage que nous en tirerons. Où il y
a le monde, il y a le désir-manque. C’est là sa nature. On ne peut qu’espérer
la paix en déposant notre esprit à Ses pieds, de notre plein gré ou de quelque
autre manière que ce soit.
19
Lorsque la question
est incomplète, vous n’obtenez pas la réponse escomptée. N’est-il pas
fastidieux de renouveler la question ? C’est dans la nature des choses que
de connaître le malheur. Le monde est ainsi fait, n’est-ce pas ? Le désir
insatiable des choses de ce monde engendre la souffrance. Bien sûr vous pouvez
en tirer un plaisir passager, et ensuite ? Il est du devoir exclusif de
l’homme de demander ces choses dont l’obtention n’entraîne pas la souffrance et
à travers lesquelles survient toute réalisation.
20
Les actions
elles-mêmes créent un sentiment de manque. Seules de nouvelles actions
effaceront cette sensation de manque. Il appartient à chacun de s’efforcer
d’atteindre sa propre plénitude. En jouissant des objets mondains, on glisse
peu à peu dans la mort. Père, deviens celui qui boit le nectar [a-mrit,
littéralement "immortel"]. Jouis de l’immortalité. Sur cette voie-là
il n’y a ni mort, ni maladie.
Préface
au livre Vangmayî Mâ
Par Vigyânânand ( Dr Jacques Vigne)
C'est dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina, situé au nord-est de
Delhi dans l'angle de l'Inde entre le Tibet et le Népal, que j'ai pu avoir
connaissance du texte anglais non encore publié de Vangmayee Ma (ou
Vangmayî Mâ). Il s'agissait de la traduction à partir du bengali d'un recueil
assez fourni de paroles de Mâ classées par thème. J’ai reçu ce texte de Swami
Nirgunânanda, mon voisin dans ce bel ermitage où il vit depuis 22 ans, Il a
effectué lui-même une bonne partie des traductions à partir du bengali, et a
travaillé avec une autre personne qui elle était partie de la version en hindi,
nécessairement moins précise puisqu'elle était elle-même déjà une traduction de
l'original bengali. Nous avons décidé de publier ces paroles de Mâ à la fois en
français et en espagnol pour mettre sur le site de Mâ Anandamayî. C’est Jean
E.Louis de Nice qui s'est chargé de la traduction française, que j'ai révisée,
en discutant un certain nombre de points peu clairs dans le texte anglais avec
Swami Nirgunânanda à l'ermitage. À chaque fois, il est revenu à l'original
bengali, nous avons discuté de ce qu’a vraiment voulu dire Mâ, et cela a permis
d'améliorer certains points obscurs de la traduction anglaise, et de les rendre
plus clairement à la fois en français et en espagnol. Pour cette dernière
version, c'est Andrea Veselich qui s'en est chargé. Jeune avocate passionnée
par l'Inde, elle ne vit cependant pas tout près, puisqu'elle réside en Patagonie,
la pointe sud de l'Argentine près de la Terre de feu... Mais grâce à l'internet
et à sa bonne volonté car elle ressent un lien fort avec Mâ, elle a pu rendre
ce service de traduction au lectorat hispanophone intéressé par la sagesse de
l'Inde.
Swami Vijayânanda qui a passé plus de 30 ans auprès de Mâ Anandamayî, et
vit toujours dans ses ashrams après 57 ans continûment en Inde, dit clairement
et fortement : guru vakya mantra, ‘la parole du gourou est un
mantra’. Dans la Guru Gita, il est aussi une strophe célèbre où
il est dit mantra-mulam guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c'est la
parole du gourou’. La qualité principale du gourou n'est pas de donner un
enseignement intellectuel et linéaire, mais d'avoir un impact par une
transmission de l'énergie, ce qu'on appelle dans le langage traditionnel le shaktî-pat.
Il peut le faire à travers un mantra chuchoté dans l'oreille au moment de
l'initiation rituelle, mais aussi à travers n'importe quelle autre parole
survenant dans n'importe quelle autre circonstance, à travers le don d'un
objet, d'une fleur, d'un prasâd, et encore, sans aucun intermédiaire (anupaya),
de façon directe, d’âme à âme. Du trop-plein de ce réservoir d'énergie qu’est
le gourou, le manque du disciple peut être comblé.
Pour bien comprendre comment Mâ transmettait l'énergie, il ne suffit pas de
lire ces paroles, mais il faut également se plonger dans sa vie et dans les
expériences de ses disciples proches. Nous avons traduit en français sous le
titre de Matri Darshan, (publié en 1996 par les éditions Terre du Ciel,
maintenant épuisé, mais disponible sur le site www.anandamayi.com, (section française). le témoignage princeps
de Bhaiji, le premier grand disciple de Mâ Anandamayî après son mari Bholonath,
et qui a donné à celle qui s'appelait auparavant Nirmala Dévî le nom
d'Anandamayî. Il y a aussi l'ouvrage de Bithika Mukerjee qui donne beaucoup de
détails (disponible sur le même site pour toute la première partie qui parle de
la vie de Mâ jusqu'à environ 35 ans), et le dernier livre de Jean-Claude Marol
– il est paru deux mois avant sa mort trop précoce – La Saturée de joie
aux éditions Dervy. Il y développe en particulier l'importance du féminin
spirituel, et le lien qu’il discernait entre le lien avec Mâ et le respect pour
l’image de la Dame au Moyen Âge, qui a continué dans le catholicisme jusqu'à
nos jours à travers le culte de Notre-Dame.
Il y a tout un mouvement de fond au XXe siècle et qui prend de l'ampleur
maintenant : il tend remettre à l'honneur l'aspect féminin du sacré. Il peut se
manifester à travers l'écologie, où Gaïa est présenté comme une personne
vivante, la déesse Terre, qu'il faut respecter et cesser de violer dans tous
les sens. Par ailleurs, à cause du conflit israélo-arabe chronique au
Moyen-Orient, beaucoup de gens sensés se mettent à réaliser que le monothéisme
avec son dieu purement mâle et exclusivement unique risque de ne jamais réussir
à dépasser les guerres saintes, et qu'au contraire les armes de destruction
massive exposent au danger qu'elles deviennent beaucoup plus dévastatrices
qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. D'où la nécessité de renforcer
l'aspect féminin du sacré, en encourageant le développement d’enseignantes
religieuses femmes et aussi du point de vue métaphysique, en remettant à
l’honneur le couple divin dieu/déesse qu’on retrouve dans pratiquement toutes
les formes religieuses de l'humanité, excepté le monothéisme.
De plus, l'aspect féminin de la mystique est aussi relié à l'expérience
chamanique, restant proche de la source et peu encombrée de dogmatiques et
d’idéologies religieuses. Dans ses débuts, l’auto-initiation de Mâ par exemple
et ses transes multiples évoquaient tout à fait la descente d'une expérience
chamanique. Cependant, Mâ n'est certainement pas restée à ce niveau, elle était
déjà prise dans le vaste courant de la bhakti du Bengale avec les grands
exemples de Chaitanya Mahâprabhu au XVIe siècle et de Râmakrishna au XIXe. Elle
a passé sa vie de gourou à guider la majorité de ses disciples sur cette voie
traditionnelle de la bhakti, d'où ses multiples conseils dans cet ouvrage sur
la récitation du mantra et la force du lien avec le gourou, mais elle était
aussi solidement enracinée dans la voie de la connaissance et dans l'expérience
de l'Un. Elle revient tout le temps à l’Unité fondamentale, en exprimant en des
termes simples mais forts l'absence de dualité et la capacité fondamentale qu'a
un être humain à se relier directement à l'Absolu sans intermédiaire.
Un mot d'explication sur le sens du titre de ce livre, ‘Vangmayî Mâ’. Il
signifie ‘la Mère pénétrée, constituée de Parole’. Ce nom évoque la première
forme de la Mère divine dans les védas, Vak, de la même racine que vox
en latin et ‘voix’ en français, cette déesse « Voix » donc qui permet
l'expression audible du Brahman. On dit qu'elle est née de la langue de ce
Brahman, ou parfois qu'elle en est son épouse. Elle n'est pas sans évoquer la
Hohkhma-Sophia-Sagesse de la mystique juive. Dans l'hindouisme classique, elle
s'est transformée en Sarasvatî, déesse blanche de la pureté, de l'enseignement
et de la connaissance, ainsi que de la musique. Elle réside (vatî) sur
un cours d'eau (saras), c'est le sens de son nom. Cet archétype
s'associe assez spontanément à Mâ Anandamayî, qui a été toute sa vie vêtue de
blanc, et dont l'ashram principal et le tombeau sont situés au bord du Gange
tout près d'Hardwar. Ce qu'il y a de particulier dans le cas de Mâ, c'est qu'il
ne s'agissait pas d'une divinité vieille de plusieurs millénaires et présents
uniquement sur le plan subtil, mais d’une personne bien vivante qu'on pouvait
rencontrer si on le voulait. Dans ce contexte, la transmission d'énergie était
beaucoup plus puissante et concrète, au moins pour les visiteurs ou disciples
qui avaient l'ouverture requise pour recevoir ce transfert.
Au début de cet ouvrage, nous avons traduit telle quelle la préface à
l'édition hindi. Elle est écrite dans le style fleuri de l'Orient et de la
bhakti. C'est certes un autre monde mental que celui de l'Occident rationnel
contemporain, mais pourquoi ne pas entendre ce qu'il a à nous dire de temps en
temps ? Surtout quand il y a contact direct, le coeur est touché et peut
transcender bien des barrières culturelles. Sarvâtma était un des premiers
disciples français de Mâ Amritânândamayî. Il avait très peur en France que sa
manière d'embrasser les gens pendant le darshan et de leur distribuer des
bonbons choque avec un public plutôt rationaliste et quelque peu coincé. En
fait, rapidement, il y a eu de longues queues pour passer dans les bras de
celle qu'on appelle Amma, et donc celle-ci s’est mise à se moquer de Sarvâtma
en lui disant : « Regarde donc tes Français ! Ils sont prêts à attendre des
heures simplement pour avoir un bonbon ! »
Quand on lit continûment le livre, on s'aperçoit que Mâ revient souvent sur
des thèmes fondamentaux car elle voulait donner des bases au public général de
visiteurs qui venaient la trouver. Le classement par thèmes est intéressant
quand on veut méditer directement sur un sujet précis, mais il a l'inconvénient
de faire ressortir certaines répétitions. Cependant, celles-ci peuvent avoir un
effet ‘mantrique’ sur le lecteur : avec une mouvement qu'on pourrait
appeler en spirale, on revient régulièrement au même point, mais à un niveau de
profondeur plus grand. Mâ conseille d’ailleurs le mantra comme une méthode
accessible à tous, capable d'accompagner le processus de transformation et de
purification du sâdhaka à long terme. Une bonne partie des conseils de son
livre pourrait se résumer ainsi : « Répétez votre mantra avec persévérance et
une confiance complète dans le gourou, vous atteindrez un niveau où toutes les
questions et les contradictions seront résolues spontanément. » Cependant, il
ne faut pas rester sur une fausse impression de simplisme en lisant ce livre
d'une traite. Dans les entretiens privés, Mâ donnait bien d'autres
enseignements et exercices de méditation que le mantra. Quand j'ai demandé à
Swami Vijayânanda qui, nous l'avons dit, a passé plus de 30 ans sous la
guidance directe de Mâ, s'il récitait le mantra quand il s'asseyait pour la
méditation, il m'a répondu que non. Par contre, quand il fait sa cuisine ou des
activités concrètes, il aime bien garder l'esprit relié à l’Absolu et à Mâ
grâce au japa, mais quand il était assis en méditation, il aimait bien
suivre ses propres pratiques et leur évolution spontanée. Pendant toute la
période de début, il était dans l'idée qu'un gourou doit avant tout donner des
conseils de techniques de méditations, des kriyas, et Mâ effectivement
lui en a donné abondamment lors d'entretiens privés. Cependant, à chaque fois
qu'elle en expliquait quelques-uns, elle ajoutait ; « Ceci est
un exercice secret, ne le répète pas. » Mâ a expliqué aussi que les kriyas
était faits pour secouer la torpeur, le tamas. La plupart des gens sont
somnolents, mais c'est bon pour eux de faire quelque chose, que ce soit des kriyas
ou des rituels. Cela leur donne un début de réveil. Cependant, à un niveau
élevé, la volonté de faire quelque chose se révélera être un obstacle. Mais ce
« non faire » n'est pas pour les débutants. Un autre aspect des kriyas,
ou rituels, doit aussi bien être compris : ils peuvent être destinés à éveiller
des pouvoirs, comme les techniques de toumo chez les tibétains qui développent
la capacité de ressortir le feu intérieur et donc de résister aux grands
froids. Pour aller plus loin, on peut évoquer aussi les pratiques de magie qui
sont des formes de kriyas, mais qui peuvent tourner à la magie noire. Au
fond, quand la vie intérieure est éveillée, la manière de méditer vient
spontanément. On ne peut pas en faire une généralité. Ce qui vous réussit à
vous peut être inutile, voire dangereux pour d'autres. Il en va de même pour
les conseils que le gourou vous donne personnellement, d'où l'avertissement de
Mâ.
Dans ce sens, on dit dans la kabbale qu'il y a trois niveaux
d'enseignements, le niveau général correspondant aux conseils que le maître
donne à un petit groupe, le niveau personnel dans sa relation à un disciple en
face-à-face, et le niveau supérieur sous forme d'expériences qui remontent
spontanément chez le disciple, mais qui n'en sont pas pour autant étrangères à
la présence du maître. Vijayânanda ajoute que les kriyas ne sont pas si
importants, la voie spirituelle dans son ensemble est beaucoup plus large qu’une
sorte de technologie où la révélation d'un code secret pourrait vous ouvrir
l'accès à tous les programmes d’un coup. Cette voie spirituelle nécessite un
engagement complet de l'individu : il est bon déjà d'avoir une base large
de lectures et de connaissances pour comprendre vraiment quel est son intérêt,
et ensuite de s'impliquer dans une pratique destinée d'emblée à transformer
toute la vie et le comportement concret. Cela est beaucoup plus large que
l'exécution plus ou moins mécanique de certaines techniques méditatives
supposées secrètes et toutes-puissantes.
Il est tout à fait classique en Inde d'insister sur l'abandon entre les
mains du gourou. Ceci choque les occidentaux qui ont d'ailleurs souvent perdu
le lien avec la spiritualité traditionnelle chrétienne qui insiste elle aussi à
sa manière sur l'importance du maître spirituel et du voeu d'obéissance pour
les moines. « Être comme un cadavre dans les mains du laveur de mort » disait
par exemple Ignace de Loyola. J'ai essayé d'éclaircir ces questions dans mon
premier ouvrage, Le maître et le thérapeute, qui parle de la relation
d'aide à la fois spirituelle et psychologique. De son côté, Swami Vijayânanda a
tendance à distinguer deux niveaux, le niveau concret où il obéissait à la
lettre aux paroles de Mâ, justement pour le plaisir en quelque sorte de montrer
qu'il était capable de faire ce qu'elle lui demandait, et un niveau plus
profond où il gardait tout son discernement et sa liberté. Mâ ne semble pas
avoir été choquée par son attitude, constatant sans doute qu'elle relevait plus
de la voie de la connaissance que de celle de la dévotion. Dès leur premier
entretien à Bénarès en février 1951, elle avait d’ailleurs constaté et dit de
lui qu'il était un pranava upasaka, littéralement un ‘adorateur du Om’,
c'est-à-dire quelqu'un qui suivait la voie de la connaissance. Dans ce sens,
elle ne lui a jamais demandé par exemple de faire de poujâ ni de centrer
sa dévotion sur la forme d'une divinité hindoue.
Il aurait bien sûr beaucoup d'autres choses à dire à propos de Mâ
Anandamayî. J’ai parlé d'elle dans un chapitre de mon livre L’Inde
intérieure, et d'après Swami Vijayânanda, la meilleure introduction qui ait
été écrite au livre de Mâ en français se trouve sous la plume de Jean Herbert
dans les quelques pages qu'il a mises au début de Aux sources de la joie.
(Albin-Michel, spiritualités vivantes/poche, 1996.)
Mâ disait d'elle-même qu'elle n'était pas une réformatrice, qu'elle avait
pris l'hindouisme comme il était, et qu'elle ne faisait que transmette l'enseignement
de l'Inde ancienne et des rishis-munis de jadis. Elle a accompli
cette tâche avec un souci de la perfection et en transmettant tout autour
d'elle une énergie indubitable d'amour et de joie.
Vigyânânand
Kankhal, Hardwar, Inde, mars 2009
Ma
mère Anandamayî
Extraits du livre de Vishuddha
Vishuddha a perdu sa mère jeune. Celle-ci est une fidèle très dévouée à Mâ.
De ce fait, son père a décidé qu'elle soit élevée au Kanyâpîth, l'école de
filles de l'ashram de Mâ à Bénarès fondé par Gurupriya Didi. Elle y a aussi
enseigné après, puis est repartie dans le monde pendant quelques dizaines
d'années, et vit maintenant à l'ashram de Kankhal, où elle a communiqué son
livre à Vigyânânand.
Vishuddha évoque la vie autour de Mâ à Bénarès avant même que l'ashram ne
soit construit :
On avait organisé des discours religieux (satsang) matin et soir
directement sur une grande barque. À midi, la barque était ancrée sur un
haut-fond ou sur un point d'accostage. C'est là que Khukunidi (Gurupriya Dévi),
Tante Matori et Swami Paramânanda cuisaient le kicheri (une préparation
mélangeant le riz et les lentilles). Kukhunidi nourrissait Mâ et ensuite
servait le kicheri bien chaud sur des assiettes faites de feuilles à
ceux qui étaient présents. Cette nourriture avait un goût excellent. Après
avoir eu notre repas, nous jetions les feuilles dans le Gange et nettoyions nos
mains et notre visage. Quand Mâ se reposait, le rideau autour d'elle était
tiré. Nous aussi nous nous reposions où nous pouvions, assis ou allongés. Dans
l'après-midi, la grande barque prenait de nouveau le large. D'un côté de la
rivière, la plupart des ghats étaient encombrés par les gens assis en
groupe autour d'un chanteur spirituel ou d'un savant religieux en train de
donner des discours. Petit à petit, les lumières sur les ghats se
mettaient à briller doucement. Pour nous qui étions assis dans la barque sur le
Gange, ces lumières présentaient une vision rare, s'apparentant au divin.
Beaucoup de fidèles venaient dans l'après-midi pour avoir un aperçu de Mâ.
Je me souviens que le respecté Mahanânanda Brahmachari vivait à l'époque
quelque part près de Kedarghat. Chaque soir, il restait en méditation sur le
toit d'un petit bateau ancré au ghat de Gauranga. Quand Mâ était à Kashi, il
vint à sa barque et il se mit à chanter pour elle des chants et des kîrtans
très doux en s'accompagnant d'un mandira. Un autre visiteur, Shree
Govind Gopal Mukhopadhyay venait souvent voir Mâ et chantait des chants
dévotionnels avec une émotion qui venait du coeur. De plus, il y avait Abhoyda
et Shobanda qui faisaient vraiment vibrer l'endroit avec la modulation des
musiques des kîrtans tandis que Kamalda (qui est devenu Virâjânanda, le
fondateur de la Sangha de Mâ) récitait des textes. Il y avait un flot incessant
de fidèles de Calcutta.
Citons pour finir les extraits de ce numéro de ‘Jay Mâ’ la lettre que
Chitra Ghosh, qui était une brahmachârinî proche de Mâ durant la dernière
période de sa vie, a écrit à Vishuddha pour la féliciter de son livre :
« Ma chère Vishuddha,
J'ai lu votre livre Ma Mère Anandamayî sans reprendre mon souffle.
J'y ai pris beaucoup de plaisir et j'ai senti que je revoyais Mâ de nouveau
parmi nous. Le langage clair et facile de votre livre m'a aussi impressionné.
Vous avez rapporté les incidents que vous avez vécus directement en compagnie
de Mâ avec votre coeur. Ils ne peuvent être oubliés. Mâ est à l'intérieur de
vous et vous inspire pour écrire ces anecdotes véritables. Certes, j'ai lu
d'autres livres sur Mâ, mais le vôtre est tout à fait différent et il ouvre une
nouvelle porte vers Mâ.
En lisant votre ouvrage, j'ai tout oublié à propos de ma maladie, de la
douleur et des troubles de mon corps. J'ai été si heureuse que cela m'a guéri
le corps. Voilà qui me rappelle le chant de Tagore :
« Quand j'ai joué avec toi,
Toi qui savais qui tu étais,
il n'y avait ni peur ni honte... »
Vous êtes des plus fortunées en pouvant jouer avec Mâ... »
[Nous envisageons de continuer à citer des extraits du livre de Vishuddha
dans les numéros suivants.]
Rencontre
avec Krishnapriya
Nous étions un groupe d’une douzaine de Français début décembre 2008 à
Kankhal. Un après-midi, sur le
toit-terrasse du nouvel ashram Shiva-Shakti Pith (en face de l’ashram de Mâ) où
logeait la plus grande partie du groupe, nous avons eu un entretien avec
Krishnapriya. D’origine suisse, Krishnapriya a 78 ans. Elle a passé 12 ans
auprès de Mâ qu’elle a rencontrée en 1970.
Infirmière, elle a participé au développement de l'hôpital de Mâ Anandamayî
à Bénarès à ses débuts. Elle partage à présent son temps entre Kankhal,
Calcutta les mois d’hiver, Dehradun où elle a une petite maison dans l’ashram
de Kalyanvan et la Suisse lors des fortes chaleurs qu’elle supporte moins bien
à présent.
« Dans mon enfance, j’étais le « canard jaune chez les
Lenoir ». Mes parents étaient gentils, mais ils ne comprenaient rien à ce
qui m’arrivait. Je devais probablement présenter des signes de vies antérieures
hindoues, par exemple, je ne voulais pas échanger ma vaisselle ou mes vêtements
avec mes petites sœurs, j’aimais garder mon assiette à table, être à part.
Vers 16 ou 17 ans, j’ai acheté un petit livre de Mâ, la traduction de Sadvani
en français par Jean Herbert qui l’avait rencontrée dès 1937. Cependant, je
pensais qu’elle était morte depuis longtemps comme Ramakrishna ou Vivékânanda.
Lors d’une rencontre avec Arnaud Desjardins qui revenait d’Inde où il avait
fait un film sur Mâ, je l’ai vue (Arnaud faisait des arrêts sur image sur elle
pour favoriser un véritable darshan),
je me suis exclamée : « Pourquoi resterais-je à me tourner les pouces
à Lausanne alors que le Christ est à Rome ? » et je suis partie pour
l’Inde.
Quand je suis arrivée auprès de Mâ à Kanpur, j’étais dans un état
d’excitation incroyable ; pendant plusieurs jours je sautais tous les
trois pas en m’exclamant « Jay Ma » ! J’étais ‘pagal’,
folle ! J’avais une immense bhakti pour Mâ comme Swami Vijayânanda au
début, c’est d’ailleurs cela qui l’a fait ‘basculer’ et rester en Inde, mais
après il a évolué vers le jnâna, moi je suis restée dans la voie de la bhakti.
Pendant les 12 ans qui ont suivi, je n’ai quasiment pas quitté l‘Inde sauf
un mois tous les 2 ans pour voir ma mère. Cela faisait deux ou trois ans que
j’étais en Inde et je n’avais toujours pas de nom. Le jour de mon anniversaire
(c’était le 3 mai et Mâ était du 1er), j’ai demandé un nom à Mâ.
Elle était sur la terrasse de l’ashram de Bénarès, assise, avec une grande
présence. Elle a claqué des mains une fois en disant ‘Krishnapriya’, puis une
seconde fois en disant ‘Shaktipriya’, puis une troisième fois pour
‘Narayanpriya’ et une dernière fois pour un quatrième nom. Tous les quatre
m’allaient, mais j’ai pris le premier puisque Mâ l’avait donné d’abord. J’étais
revenue à la maison !
Les brahmacharinîs me disaient qu’elles devaient faire un effort pour se
souvenir que je n’étais pas des leurs en tant que brahmine de naissance tant je
me suis bien adaptée aux règles, qui étaient très strictes. Par exemple, je
n’ai jamais pollué l’eau ou de la nourriture en m’en approchant dans les
endroits où je ne devais pas. Atmânanda, qui est restée longtemps en révolte
contre les règles, le faisait souvent. Quand on parlait à Mâ de cette
discipline brahmanique, elle levait les bras au ciel avec un air évasif et
s’exclamait ‘Il y a les règles ! » Elle-même n’en avait aucun besoin.
Je dansais régulièrement toute la nuit pendant les Namkirtans. Les autres
participantes s’adossaient ou allaient de temps à autre prendre le thé. Une
nuit vers deux heures du matin, Mâ est venue, elle a fait un signe autoritaire
à celles qui étaient adossées de venir dans la ronde. Elle m’a prise avec elle
et nous avons dansé ensemble. C’était comme être près d’une centrale atomique.
Quand elle m’a laissée, heureusement que j’étais près d’un mur où j’ai pu me
retenir. J’étais complètement ivre.
Quand on était avec Mâ, on était au paradis. Ils étaient parfois obligés de
la ramener dans sa chambre au bout d’un certain temps, car personne ne voulait
ou ne pouvait plus partir. Cependant, je ne demandais pas d’entretiens privés à
Mâ. Parfois je venais près d’elle avec des questions préparées, elle me
regardait et disait juste en levant les mains « Krishnapriya !
Krishnapriya ! Krishnapriya ! » et mes questions étaient
résolues.
Les gens modernes se moquent des miracles du Christ en disant que c’est de
l’imagination. Mais je les ai vus chez Mâ, tout cela est vrai ! Un jour
nous étions dans l’ancien ashram où se trouve le temple de Shiva et les
cuisines des brahmines. Je voyais qu’il y avait dans les casseroles de la
nourriture pour 10 ou 12, et 80 personnes sont arrivées. Mâ a dit :
« Il faut nourrir tout le monde ! », et effectivement tout le
monde a été nourri, les récipients ne se vidaient pas. La multiplication des
pains à la manière du Christ existe donc. Quand il y avait foule, Mâ distribuait
les fruits et la corbeille n’était vide que quand la dernière personne avait
été servie.
Un jour, Mâ avait dit à Chitra à l’ashram de Bénarès qu’elle allait se
baigner dans le Gange puis qu’elle reviendrait prendre un verre de jus
d’orange. Tandis qu’elle nageait, elle a soudain disparu dans le fleuve pendant
cinq, dix, quinze minutes, plus personne ne la voyait ! Les brahmacharinis
se mirent à crier de désespoir, pensant qu’elle s’était noyée. Tout d’un coup,
elle est réapparue et a dit : « J’étais une avec le Gange, mais je
suis remontée car je me suis rappelée que j’avais promis à Chitra de boire le
verre de jus d’orange qu’elle m’avait préparé ! »
Si je dois résumer ce que j’ai à dire, ayez de l’intensité ! Mâ est présente, elle est là, si vous lui
demandez quelque chose avec une vraie intensité, c’est sûr que vous
l’obtiendrez.
Si Mâ revenait sous forme physique, nous serions tous tellement joyeux.
Ella Maillard à laquelle Arnaud Desjardins m’avait adressée me
disait : « J’ai vu passer beaucoup de chercheurs spirituels
occidentaux, mais vous êtes une des rares qui aient vraiment la bhakti ».
Propos recueillis par Jacques Vigne et Caroline Stein
La
saturée de joie
De Jean-Claude Marol
Extraits du livre
A travers le miroir
Ma Anandamayî eut une humanité savoureuse. Nous en saluerons fatalement
quelques moments, mais nous insisterons plutôt, dans les pages de ce livre, sur
une familiarité de Principe avec ``ce corps` (ehi sharir)- tel était le
nom que Mâ Anandamayî le plus souvent se donnait dans sa langue bengalie. Selon
Anandamayî (cela peut se traduire par `la saturée de Joie`), nous sommes ses
proches depuis si longtemps….elle sait comment nous prendre! Elle dit avec
humour :
Voila comment quelqu’un venu rencontrer ce corps, se présenta :
·
Je suis
pour vous un nouveau venu!
Il reçut cette réponse:
· Toujours nouveau! Toujours ancien!
La jeune fille pimentée
Celle “établie dans le Coeur de tous les êtres”, s’est faufilée jusque-là
où on ne l’attendait pas, sous de nombreux aspects, dans nos propres mouvances
culturelles.
Notre esprit philosophique occidental, façonné par la Grèce Antique, et si
fier de sa rationalité, doit faire la place, s’il est conséquent avec ses
sources, avec cette vision; quelques jours avant sa mort, selon le Criton (44)
de Platon, Socrate fit ce songe:
J’eus l’impression de voir venir a moi une femme, belle et pleine de grâce,
vêtue de blanc, qui m’appela par mon nom. Elle me dit:
“Socrate, trois jours après ta fin, tu arriveras dans la Phtie fertile…”
Etrange apparition! De façon plus prévisible, l’ancienne église grecque des
VIIe et VIIIe siècles saluait ainsi Marie, qui rend le plus sage, insensé
(Eikos-IX):
Salut, toi qui rends les sages, insensés!
Salut, toi qui réduis à des absurdités les paroles les plus avisées.
Toujours une féminité ardente a parcouru nos sociétés comme un frisson.
L’Esprit Saint a souvent été qualifié de féminin. La tradition hébraïque,
pour Esprit, emploie un mot féminin (Ruah). Effet de continuité (?), ou simple
connivence dans l’expérience, l’Eglise syrienne, en fidélité à d’antiques
enseignements chrétiens, évoque le Saint-Esprit en tant que Mère. L’Ancien
Testament (Sagesse-7-26-27) pourtant essentiellement patriarcal, laisse aussi
transparaître un visage féminin.
Elle (Hokmah – la sagesse) est en effet un effluve de la puissance de Dieu,
une pure émanation de la gloire du Tout-Puissant.
Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de
l’activité de Dieu.
(…)Seule, elle peut tout! Demeurant en elle-même, elle renouvelle
l’univers.
Un des piliers du christianisme, Bernard de Clairvaux, dans ce XIe siècle
foisonnant de saluts à la Dame, contribua à développer la dévotion à “Notre
Dame, aqueduc de la grâce”.
Sur le plan d’une déité principielle, un des anciens pères, Denys, annonce:
Elle est l’être de tout, elle est au-dessus de l’être, la Déité.
Dans la concision de la langue latine : Esse omnium est, quae
super esse est deitas.
Toutes ces formulations (parmi beaucoup d’autres: dans le celtisme
notamment, qui fut un grand ferment de notre monde médiéval) ont tissé de façon
sous-jacente notre Occident.
Tous ces accents, souvent peu connus et refoulés par l’Eglise, participent,
qu’on le veuille ou non, de notre tréfonds culturel. Ils nous préparent à
entendre le sacré au féminin, tel que l’Inde le proclame sans vergogne depuis
des millénaires et qui s’est actualisé avec la Saturée de Joie.
Qui est cette Mère, proche de tous, dont notre Bible dit:
Seule, Elle peut tout!
Quelle Mère?
En Inde, nous n’aurons pas à nous convertir à quoi que ce soit. En fait, il
n’y a pas d’hindouisme avec l’-isme que nous aimons accoler en Occident à tous
les mouvements de pensée, il n’y a pas de prophète fondateur, pas d’Eglise, pas
de dogme exclusif, mais d’infinies variations de langage, de multiples sagesses
(etc.) et pourtant un fantastique sens de l’unité. Mâ était disponible à toutes
les formes de quête, à toutes les expressions du divin de par le monde :
Les chemins sont sans nombre. On ne peut les limiter à ce qu’ont répertorié
les Ecritures. Où il est question d’Infini, la variété des approches est aussi
infinie et les révélations sur ces chemins sont illimitées. Ne dit-on pas: “il
y a autant de doctrines que de sages?” A moins d’avoir une expression qui vous
soit propre, il n’est nullement question d’être Sage.
Une autre fois, un autre échange :
Question : Mais pourquoi existe-t-il tant de religions sur notre planète,
s’il n’y a que le Un?
Mâ : Il est infini; il est naturel qu’il y ait une infinie variété de
conceptions Le concernant, et une infinie variété de chemins pour Le rejoindre.
Il est toutes choses, Il est toutes les croyances; Il est aussi le refus de
croire en Lui de l’athée. La déclaration des vertus de l’incroyance est une
autre croyance, n’est-ce pas? Il est dans toutes les formes et toutes les non-formes.
Elle résumera :
Je n’ai pas de voie particulière. Toutes les voies sont mes voies.
Ainsi va Mâ; ainsi vont les Indes, depuis des millénaires. Dans cette
générosité indienne, nous tenterons de déceler maintenant, et au nom de la
présence de Mâ (elle s’est incarnée en femme, ce qui n’est pas neutre) plus
particulièrement la composante féminine.
Dans un des Tantrasara, poète kashmiri du XIe siècle, Abhinavagupta, chante
Bhuvaneshvari (celle qui contrôle l’Univers):
Tu es la primordiale,
La Mère des créatures en nombre infini.
Tu différencies l’Absolu en ces trois puissances:
Brahma, Vishnu, Shiva,
Pour créer, maintenir et détruire les mondes.
Mère, puisse ton chant éclairer ma parole!
(Nous
remercions Sandrine Oubrier, qui s’est installée à Kankhal, pour avoir aidé à
sélectionner et saisir des extraits du livre de Marol qui seront continués dans les numéros
qui suivent).
Parler est un besoin, écouter est un
grand art (Goethe)
ECOUTER…
(Voici
un cadeau d’AMMA)
Ecouter est peut-être le plus beau cadeau
Que nous puissions faire à quelqu’un…
C’est lui dire, non pas avec des mots,
Mais avec ses yeux, son visage, son sourire
Et tout son corps : tu es important pour moi,
Tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là.
Ecouter, c’est commencer par se taire.
Ecouter, c’est accueillir l’autre avec
reconnaissance
Tel qu’il se définit lui-même
Sans se substituer à lui pour dire ce qu’il doit
être.
Ecouter, ce n’est pas vouloir que quelqu’un
Soit comme ceci ou comme cela,
C’est apprendre à découvrir les qualités
Qui lui sont spécifiques.
C’est être ouvert positivement
A toutes les idées, à tous les sujets,
A toutes les expériences, à toutes les solutions,
Sans interpréter, sans juger,
Laissant à l’autre son espace
Et le temps de trouver la voie qui est la sienne.
Etre attentif à quelqu’un qui souffre,
Ce n’est pas donner une solution
Ou une explication à sa souffrance,
C’est lui permettre de la dire et de trouver
Lui-même son propre chemin pour se libérer…
Ecouter, c’est donner à l’autre
Ce qu'on ne lui a peut-être jamais donné :
De l’attention, du temps, une présence
affectueuse.
(Recueilli par Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)
Recette
pour le Bonheur
(Par Mahâjyoti)
Précédemment, j’avais évoqué ‘Mâ et la Joie’…
Mais alors… le Bonheur ?
La souffrance ?
La souffrance ? Mais oui, il y a aussi
B……comme Bonheur ! Avec une majuscule.
Cela me rappelle le grand humoriste disparu Raymond Devos, qui raisonnait
dans l’absurde…
Et qu’est-ce que c’est que l’absurde ? C’est NOUS !
La ‘Voix du Maître’ répond à son disciple lorsque celui-ci demande :
Disciple : « Combien de temps me faudra-t-il
chercher ? »
Maître : « Jusqu’à ce que tu trouves… »
Disciple : « Mais quand vais-je trouver ? »
Maître : « Quand tu cesseras de chercher… »
Cela me rappelle alors le grand peintre Michel-Ange lorsqu’il mit plusieurs
années à peindre le plafond somptueux de la Chapelle Sixtine du Vatican à Rome,
alors que son mécène, le Pape Jules II, lui demandait, du bas de l’échelle où
était juché Michel-Ange :
Jules II : « Quand auras-tu terminé ? »
M-A : « Quand j’aurai fini ! »
Il y en a qui assènent des coups à leurs mécènes…mais NOUS…où allons-nous
le dénicher notre bonheur si notre mécène est au-dedans de nous et si on ne
sait pas le voir ?
Frilosité…frivolité… ?
C’est Noël, il fait beau.
C’est l’Année Nouvelle, il fait froid.
C’est l’Année du cœur, il fait triste.
C’est l’Année du Lion, du Chat, du Rat…peu importe, cela devrait être
l’Année du Bonheur. Avec un grand B.
Alors? Comment s’y prendre?
Voici une recette (toujours de ma grand-mère
de 104 ans) :
· Un zeste d’humilité.
·
Une pincée
d’ego, bien broyé et passé au tamis (un peu d’ego est nécessaire quand même
pour contrebalancer l’ego de ceux qui en ont trop).
·
Quelques
épluchures de bonne humeur, bien lavées à l’eau claire (pour les débarrasser de
leurs souillures causées, évidemment, par les autres…).
·
Un soupçon de
bonne volonté et de compréhension envers autrui.
·
Trois grosses
louches de mots gentils pour bien arroser vos interlocuteurs interloqués.
·
Un bidon
d’aide aux plus démunis (bras, huile de coude, regards attentionnés, sourires
indispensables…et porte-monnaie ouverts).
·
Un chariot
d’écoute (bonnes oreilles bien débouchées et bouches cousues, contrairement à
ce que l’on colporte ‘de bouches à oreilles’ et qui n’est pas toujours de la
première fraîcheur !)
·
Un grand
cœur, pas trop ‘artichaut’, pas en pierre non plus…juste tendre et ‘à point’
sans être ‘saignant’…)
·
Un brin de
folie (pour pouvoir supporter tout cela…)
·
Une boule de
lumière pleine d’Amour (celui avec un grand A…comme enseigné par Mâ).
·
Et puis vous
roulez le tout dans la farine, et vous saupoudrez de poudre de perlimpinpin.
·
Vous pouvez à
la rigueur en faire des petits pâtés, que vous enveloppez dans des pages de
livres, de ceux qui vous ont le plus marqués cette année…et que vous relisez au
passage, avant de les envoyer à ceux qui vous sont chers, en les accompagnant
du livre ENTIER sur, par exemple : l’Enseignement de Mâ Anandamayî, sur les
transcriptions des ‘satsang’ avec notre vieux Maître Vijayânanda, sur
les connaissances déployées par notre Jacques Vigne… sur les écrits de nos
grands Maîtres de toujours…
N’est-ce pas tout cela le Bonheur qui nous est prodigué ? Celui de
pouvoir avoir accès à nos anciens…à nos maîtres…à nos guides…
« La compassion du sage éclaire sans éblouir, réchauffe sans
brûler » a écrit Matthieu Ricard dans son « Plaidoyer pour le
bonheur »
Accèderons-nous jamais à une parcelle de ce qu’ils ont atteint ? De ce
qu’ils ont connu ? On peut essayer de faire de notre mieux.
Le Bonheur n’est-il pas un simple ‘état d’être’ indéfinissable qui vient
éclore parfois sans qu’on s’en aperçoive dans les moment les plus
inattendus… ?
En sanskrit, le bonheur se dit
« ANANDA » (béatitude, félicité…)
Mâ Anandamayî (Mère imprégnée de bonheur…habitée
par la joie…)
Si vous voulez que le monde en ait un peu
plus…transmettez, transmettez…Tous les moyens sont bons et atteindront leur but
au moment opportun, après avoir erré quelques temps dans le champ akashique,
dans la mémoire collective, dans les rayons du soleil !
Il n’y a pas de petits bonheurs, ils sont tous à
la mesure de comment vous les recevrez.
« Souvent on rencontre sa destinée par les
chemins qu’on prend pour l’éviter » nous rapporte Victor Hugo.
Et Jacques Vigne a écrit : « Nous nous
lèverons de Bonheur » !
Donc : « Prenez soin du Bonheur, prenez
soin de la vie et elle prendra soin de vous » (Maharishi Mahesh Yogi)
Mais je terminerai simplement en vous affirmant
que le BONHEUR est comme un parfum, on le porte sur soi pour le faire respirer
aux autres…
Heureux JAY MA 2009 !
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Le dalaï-lama :
Le bouddhisme tibétain reconnaît
l'Inde comme gourou
En janvier 2009, le dalaï-lama est venu inaugurer le pavillon du Tibet à
Auroville. Jacques Vigne y est passé en février avec un groupe et grâce à la
revue d’Auroville en français, il a pu prendre connaissance de façon détaillée
du contenu des rencontres et des enseignements du dalaï-lama dans cette cité
internationale voulue par la Mère. Le dalaï-lama a reconnu clairement la dette
du bouddhisme tibétain envers l'Inde, y compris l'Inde du sud d'où sont venus
par exemple Nagârjuna et Bohidharma.
« Je voudrais saluer les habitants de cette région. L'arrivée du bouddhisme
au Tibet a transformé la manière de vivre des tibétains. Depuis plus de mille
ans, le bouddhisme bénéficie immensément au peuple tibétain. Le bouddhisme est
une ancienne religion indienne. Le bouddha Sakyamuni (Siddhartha) était indien.
Les grands maîtres de la tradition bouddhiste sanskrite étaient aussi tous
Indiens. C'est pourquoi nous considérons l'Inde comme notre gourou. Nous
tibétains, nous nous considérons comme des chelas (disciples).
La plupart des grands maîtres comme Nagârjuna venaient du sud de l'Inde. La
plupart de ces grands pandits, de ces maîtres en langues et philosophies sont
venus du Sud :
J’ai personnellement toujours ressenti une très profonde admiration pour
les Indiens du sud.
La personne qui m'a présenté a dit que j'avais fait une petite contribution
à l'humanité. Mais ces idéaux et ces concepts ne me sont pas venus parce que je
suis spécial. En fait, je suis un être humain très ignorant. Ces idéaux sont
avec moi grâce à ces grands textes indiens que j'ai étudiés depuis l'enfance.
Je les ai étudiés sans enthousiasme, en traînant les pieds [rires] par peur de
mon tuteur ; ce n'était pas quelque chose de volontaire. Ce n'est que plus tard
que j'ai réalisé que ces études, ces textes étaient très utiles pour développer
une perception juste, une attitude juste.
J'ai l'occasion de voyager beaucoup dans le monde. J'accepte avec plaisir
les invitations à aller parler ici ou là. Quel message est-ce que je donne ?
Eh bien, c'est cette pensée indienne. Je suis comme un messager de la
pensée de l'Inde ancienne, particulièrement de l'Inde du Sud. Je suis seulement
le messager. Le véritable auteur de ces pensées, c'est vous. »
La revue d’Auroville, numéro 27,
mars-juin 2009, spécial dalaï-lama.
Nouvelles
·
José
Sanchez-Gonzalez qui se charge de recevoir les chèques d’abonnement a changé
d’adresse et de téléphone à l’intérieur de Vaison-la-Romaine. Vous trouverez
ses nouvelles coordonnées dans la section suivante.
·
Swami
Nirgunânanda viendra en France au printemps, pour un programme à Terre du Ciel
près de Lyon dans le cadre du festival Lumière de l'Inde en mai www.Terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30, et en août, il aura un programme
en Belgique de nouveau organisé par Paul Neefs Contact : Tél. (Belg.) :
0032 (0)10/814780 ou 0485938011 paulneeffs@yahoo.com – et aussi www.anandamayi.net Rue E. Goes 3/202 B-1348 Louvain La Neuve et
aussi une journée à Genève organisée par Jamshid Anvar jamshid@bluewin.ch 00 41-22 776 1918
Un nouveau livre de paroles de Mâ classées par thèmes a été traduit en
français et devrait être mis incessamment en ligne sur le site www.anandamayi.org ,
il est intitulé Vangmayî Mâ, et nous en avons mis des extraits ainsi que
l'introduction par Vigyanânanda au début de ce numéro. L’école primaire au nom
de Ma Anandamayî qui compte 80 élèves dans le village de Jamrari est en train
de finir de construire ses bâtiments. Ceci est dû à la générosité de Français
fidèles de Mâ. Près de l'ermitage de Dhaulchina, il y a deux écoles primaires
au nom de Mâ Anandamayî qu’aide l'ashram, dont celle de Jamrari, et le collège
de 300 élèves lui-même est aussi au nom de Mâ Anandamayî, mais est géré par le
gouvernement directement.
Le progrès dans le niveau d'éducation des gens des montagnes, en
particulier des femmes, est une véritable révolution silencieuse qui fera
réellement bouger la société dans le bon sens. Par contre, du côté de
l'Himalaya népalais, les nouvelles ne sont pas bonnes, d'après Pushparaj,
secrétaire de l'ashram de Mâ, et lui-même népalais, le pays est en train de
régresser de 20 ans au point de vue économique, et au point de vue culturel,
les maoïstes font tout ce qu'ils peuvent pour réduire l'importance de
l'hindouisme et de l'Inde et essayer d'imposer leur propre idéologie.
Heureusement, la dépendance envers l’Inde est à la fois un fait historique et
géographique ainsi qu’une donnée économique actuelle, et les maoïstes seront
sans doute défaits avant d'avoir pu la défaire.
·
Des retraites
avec des groupes francophones auront lieu auprès de Vijayânanda en août comme
l'an dernier, il y a déjà 24 inscrits, mais aussi en octobre, avec un groupe de
Monaco organisé par Régine Léone, chef d’entreprise et professeur de Yoga dans
la cité des princes Rainiers et en début novembre avec un groupe réuni par une
professeur de yoga suisse, Carole Dalmas. Vous aurez tous les détails sur le
site www.teerth.org
·
Vigyânânanda
(Jacques Vigne) reviendra en Occident du 19 mars à début août. L’an dernier il
avait été invité à Assise pour parler de Mâ dans un congrès de yoga, et il a
été de nouveau invité par la même organisatrice qui a aussi beaucoup travaillé
pour Zinal, Antonietta Rozzi, en Italie pour le 35e anniversaire de
la Fédération Italienne de Yoga en début mai près de Venise. Il animera en
particulier une semaine de retraite à Cannes avec Geneviève Koevoets
(Mahâjyoti) du 18 au 25 avril et une autre sur une île du Golfe du Morbihan en
juillet, cette dernière étant complète. Du 20 mai au 20 juin il sera à la
Réunion. Demandez si besoin son programme à Mahâjyoti koevoetsg@wanadoo.fr
·
le 26
novembre, Swami Vijayânanda va fêter ses 95 ans. Ou plus exactement, ceux qui
sont proches de lui et ses visiteurs vont lui fêter, car il n'est guère
identifié au temps. Il nous disait encore hier soir au satsang, quand des
français de passage lui demandaient s'il allait vivre 10 ou 20 ans de plus :
« Je ne suis pas le corps, je suis conscience immortelle ; si le
corps veut vivre plus longtemps, c'est son problème, il va falloir qu'il se
débrouille... »
Ce renouvellement général des abonnements nous emmènera jusqu’en mars 2011,
sauf événements imprévus. Vu les problèmes de courrier entre l'Inde et la
France, nous avons décidé de cesser l'envoi du ‘JAY MA’ sur papier, la grande
majorité des abonnés étant déjà passée à la version électronique. Celle-ci est
à la fois plus rapide, plus économique et plus écologique. Pour confirmer votre
renouvellement d'abonnement, envoyez un chèque de 8 € à José et rappelez votre
adresse courriel, ce sera aussi clair.
José Sanchez Gonzalez - 10 rue Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine -Tel :
06 34 98 82 22Email : nagajo3@yahoo.fr
Il ne faudra pas manquer d’en aviser également Mahâjyoti à Nice (Geneviève
Koevoets) une fois votre paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr
- car c’est elle qui se chargera de vous
envoyer le ‘Jay Mâ’ par email, tout en l’illustrant d’une belle photo de Mâ
comme dans l'édition papier. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés
pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des
brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès., avec les versions anglaise, hindi et
bengali.
Table
des matières
Paroles de Mâ extraites du nouveau livre ‘Vangmayee Mâ’ p.1
Introduction à ‘Vangmayee Mâ’ par Vigyânânand p.5
Ma mère, Mâ Anandamayî par Vishuddha p.14
Rencontre avec Krishnapriya p.16
La Saturée de joie de Jean-Claude Marol p.20
Ecouter par Amma p.26
Recette pour le Bonheur par Mahâjyoti p.27
Le bouddhisme tibétain reconnaît l'Inde comme gourou
par le dalaï-lama : p.32
Nouvelles p.34
Renouvellement général des abonnements p.36
Jay Mâ N° 93 Eté 2009
Paroles de Mâ
Pourquoi tâtonner dans l’obscurité ? Demandez
de la lumière, et toujours plus de lumière. Pendant combien de temps un
bougeoir ou une lampe électrique vous éclaireront-ils ? Dès que la source
d’énergie vient à manquer, la lumière s’éteint. Essayez d’éclairer le monde
avec une lumière qui ne puisse jamais s’éteindre. Quelle est-elle ? C’est
la confiance absolue en Dieu et un amour sans bornes pour Lui. Efforcez-vous
d’égayer tous les foyers du monde en fournissant un tel idéal. Il illuminera
tous les aspects de l’existence, intérieurs et extérieurs. Mais observez bien
l’esprit de notre époque. Ce sont les femmes qui seront au gouvernail et les
hommes qui rameront. Si vous voulez arriver à un certain succès, faites-vous
aider par des femmes. Il est indispensable que les filles soient entraînées,
comme les garçons, à chanter les louanges de Dieu, à lire les Ecritures sacrées
(Bhâgavad-Gîtâ et Bhâgavata-Purâna), à concentrer,
quand elles sont jeunes, leurs forces mentales et morales sur la prière et la
méditation et à rechercher la compagnie des cœurs bons et nobles. Ainsi garçons
et filles verront leur conception de la vie s’améliorer grandement. Si vous
reconstruisez la société hindoue sur la base du brahmacharya, comme
autrefois, et selon ce que je viens de vous indiquer, il naîtra un nouvel ordre
des choses.
Toute chose doit avoir un noyau autour duquel les
sensations puissent se développer. Plus votre esprit trouve son centre, et plus
haute est la note de santé, de paix, de tranquillité. Et alors un aperçu de
l’Infini peut devenir possible. Choisissez une image, ou une silhouette, ou un
symbole, ou un son comme centre de votre pensée et tenez-vous-y constamment.
Votre esprit viendra y chercher le repos lorsqu’il aura erré à l’aventure. Un
sentiment de dévotion se développera peu à peu et Dieu sera installé sur
l’autel de votre cœur. A notre époque, il est très difficile pour un adorateur
d’acquérir une conception du Divin, soit par les méthodes de yoga, soit en
cherchant à fondre le moi individuel dans le Moi universel.
Ne critiques pas les autres car cela rétrécit
votre vision, avilit votre âme et ajoute au fardeau de péché qui pèse sur le
monde. Cherchez toujours à voir le bon côté des choses. Le bien est vérité et
la vérité est vie; le mal est aussi irréel qu’une illusion, il est dû à votre
propre perversité. Personne n’aime cultiver le mal.
Chassez de votre esprit la crainte, le
découragement, l’anxiété. La source de toute grande puissance est là où se
trouvent force, énergie, bonne humeur. Apprenez à voir la main bienfaisante de Dieu
dans tous les efforts que font les hommes pour le bien du monde, et en vous
écartant du monde grossier de karma, en vous approchant du monde raffiné
de la Vérité divine, vous trouverez vite la Source du suprême Bonheur.
Extraits de ‘Aux sources de la joie’
traduction de Jean Herbert
VANGMAYEE MA
Paroles de Mâ
Anandamayî
Livre traduit de
l’anglais par Jean.E.LOUIS
(Paroles classées par
thèmes)
Karma
Seule cette action qui fait briller les sentiments
divins est action, le reste est non-action. Il faut renoncer au chemin qui ne
conduit pas aux sentiments divins, tout attrayant que puisse être ce chemin.
Par contre il faut accepter celui qui inspire les sentiments divins, aussi peu
attirant qu’il puisse sembler. L’homme se doit de prendre le chemin qui monte
vers la conquête de la vérité. Le chemin propice va dans la direction de
l’immortalité. Celui qui semble agréable et attrayant est en fait pernicieux,
dangereux et funeste. Il conduit vers la mort.
Il ne faudrait jamais penser à quelque action
négative que ce soit, pas plus qu’il ne faudrait s’évertuer à gagner les
faveurs des autres.
Seule cette action qui conduit à Dieu est action,
le reste est non-action – action qui mène à la mort. L’homme devrait être dans
le Swakriya (le mouvement du Soi par lui-même, en lui-même, en tant
qu’ « acteur-action » indifférencié).
Les actions de l’homme ordinaire visent à
l’assouvissement du désir. Les actions de l’homme qui aspire à la réalisation,
visent à atteindre sa véritable nature.
Le Kriya-Yoga est la voie vers l’objectif
suprême et le kriya-bhog (la jouissance des fruits de l’action) est la
voie de ce monde. Celui qui suit la voie de Kriya-Yoga va dans la
direction du salut. Quelle que soit la direction que l’on prenne, il faut
toujours chercher à s’engager dans une action qui permette de se libérer de
l’action. Dans l’union perpétuelle (avec la réalité suprême), la question ne se
pose pas du passé et de la transcendance du passé. Quelle que soit la voie que
vous suivez, effectuez vos actions avec une dévotion ferme et résolue. Alors
seulement, vous serez libéré de l’action. « Yogi » veut dire celui
qui est toujours en union avec la réalité suprême et le salut est dans l’union
perpétuelle avec cette Réalité suprême.
Toute action entreprise avec le sens qu’on est
l’acteur est cause de tourments.
Il existe quelque chose qui s’appelle prarabhda
(la partie des actions accomplies dans le passé, qui doivent porter leurs
fruits, et engendrent la naissance et la mort) et il y a aussi un stade au-delà
de prarabhda où il n’est question ni de préparation ou de
non-préparation. Lorsque l’inondation survient, elle balaie tout sur son
passage.
Personne n’est tenu de renoncer délibérément à
quoi que ce soit – lors de l’oblation finale du karma, le renoncement advient
de par lui-même.
L’homme est né pour être heureux ou souffrir selon
son destin.
Si l’homme ne peut échapper à son destin, peut-il
se soustraire aux décisions de Dieu ? Le fruit du karma est en fonction de
vos actions. D’où vous viendrait le pouvoir de décider qu’Il peut, ou non,
octroyer ou annuler son propre ordonnancement des choses ?
Tout est possible dans Son royaume. Il peut tout
faire. Vous n’avez pas le droit de vous demander ce qu’Il est en train de
faire, ni pour quelle raison Il est en train de le faire. Pourquoi devrait-il
agir toujours selon vos désirs ? Il est le Seigneur suprême. Quoiqu’Il
fasse, c’est pour votre bien. Gardez cela en mémoire.
Agissez dans un but positif. Cherchez à vous
élever degré par degré, au travers de vos actions. Raccrochez-vous à Lui dans
toutes vos tâches, que rien ne soit laissé de côté. La recherche du Seigneur en
tant que but en sera facilitée. Votre tâche sera parfaitement remplie. Lorsque
vous entreprenez un travail, quel qu’il soit, faites-le avec votre esprit,
votre corps et vos paroles, avec simplicité et contentement. Ainsi, la
perfection sera là. Au moment voulu, les feuilles mortes tomberont et de
nouvelles feuilles apparaîtront.
Quand il y a un continuum de pensées pures, la voie
s’ouvre à coup sûr, vers l’atténuation des karmas.
Il faut expérimenter et vivre le résultat de
l’action, de la non-action et de l’action erronée, aussi longtemps que le but
n’est pas atteint.
L’homme est né pour l’accomplissement de son karma
et de son cycle de renaissances. Un homme fort, un homme en qui le pouvoir
divin se manifeste, peut changer son karma.
De nombreuses actions conduisent à des conditions
misérables après la mort et ne mènent pas à un dénouement heureux. Le sort est
alors d’aller de ténèbres en ténèbres plus profondes. Et nous ne sommes pas en
mesure de dire pourquoi il en est ainsi. Ce sont là les règles de son jeu. De
même l’action, de même les conséquences.
Lorsque quelqu’un est investi d’une tâche donnée et qu’il ne l’accomplit pas
de bon gré et motivé par l’amour de Dieu, cette tâche n’ira pas à bon port,
même s’il fournit un travail acharné.
L’homme devrait accomplir les tâches quotidiennes,
de gaieté de coeur, en les dédiant à Dieu.
Les activités de ce monde-ci sont entrecoupées de
plaisirs éphémères, traînant derrière eux, comme leur ombre, d’inévitables
angoisses. Vous devez être un voyageur qui se dirige vers la réalisation du
Soi. Durant le trajet qui vous conduit vers Dieu, les souffrances qu’entraîne
l’action, iront en diminuant. Souvenez-vous de cela.
Dans l’action forte et résolue, le voile de
l’ignorance disparaît.
Dans chaque action, l’objectif doit rester
l’élément majeur.
Une action juste ne peut être enfin. Tout homme
doit récolter les fruits de ses actions précédentes. Aussi longtemps que
l’union avec Dieu n’est pas réalisée, le Suprême n’abandonne pas l’homme sans
lui octroyer les fruits de son Sanchit Karma (actions accumulées au
cours des précédentes vies).
Faites tout ce que Dieu veut que vous fassiez. Au
moment propice, Il vous inondera de Sa grâce. Engagez-vous dans l’action dans
un esprit totalement résolu. La plupart du temps le gourou conseille certaines
pratiques spirituelles pour vous préparer à la vraie sâdhanâ.
Attendez le moment propice. Restez assis, immobile,
dans l’attente d’un signe de Dieu. Continuez à chercher un être vraiment
préparé jusqu’à ce qu’une réponse vous arrive.
Une fois la juste action entreprise, il n’y a pas
de chute.
Plus l’esprit est pur, plus l’action qui
appartient à Dieu sera belle. Il se manifeste également sous forme du karma.
L’action devrait réfléchir l’image d’une attitude pure et simple.
« On devrait me traiter avec amour et
respect » ou « Il faudrait travailler pour moi » - sur cette
voie il ne faudrait rien entendre de semblable. Il faut toujours faire preuve
de patience et de modération. De même qu’une goutte de présure fait cailler une
grande quantité de lait frais, la survenue de la plus insignifiante colère au
cours de l’action est particulièrement néfaste. Souvenez-vous de cela.
Quoi que vous fassiez, faites-le bien. Vous
prendrez goût à l’action lorsque votre tâche avancera.
Quant à la manifestation des objectifs de
l’action, il faut absolument respecter les rites et rituels qui dissipent les
ténèbres. Essayez de muer les actions extroverties en actions introverties. Il
faudrait toujours s’efforcer d’impliquer le corps physique dans l’action
spirituelle. Le désarroi est une forme de pensée qui tient Dieu à distance.
L’homme devrait essayer de se fixer dans sa nature innée, une fois celle-ci
libérée du besoin de la chasse au désir.
Les plaisirs et les souffrances de l’homme sont la
conséquence de son karma. Il y a le karma yoga (action qui conduit à
l’union avec la réalité ultime) et aussi le karma bhoga (souffrance et plaisir
du fruit des actions). Pour votre salut, gardez toujours l’esprit immergé dans
l’adoration de Dieu, le japa, la méditation et la contemplation. Ce sont
là les voies vers la paix.
Lorsqu’un désir apparaît, probe et droit, Dieu
l’exaucera assurément. Le bien et les récompenses sont présents quand le désir
droit est tenu en éveil. Une action juste donne toujours des résultats, qu’elle
soit accomplie délibérément ou à contrecoeur. Les actions justes ainsi que les
rituels effectués avec une conscience portent chance. La malchance disparaît
progressivement.
La vie dans ce monde est une traversée. Agissez de
façon irréprochable et acceptez ce qui se présente sur le chemin du monde. Ayez
toujours à l’esprit le sens du devoir et la mesure de vos possibilités. Il est
dans la nature innée de Dieu de révéler Son omnipotence là où on le contemple
et où on le loue.
" Ce
que j'ai reçu de Mâ... "
Confession de Nathalie Chazal
Nathalie
est venue pour la seule retraite de 10 jours qui ait été organisée à l'ermitage
de Dhaulchina pour un groupe d'une vingtaine de personnes en été, cela devait
être en 2004. Cette retraite a été animée par Swami Nirgunânanda et Jacques
Vigne. Elle a pu créer à partir de là un lien avec Mâ Anandamayî dont elle
parle avec coeur dans le petit texte ci-dessous.
Je
suis nourrie chaque jour de Sa Présence; quelle que soit la manifestation, ce
peut être une image, un évènement, un ressenti, un regard, un sourire, la joie
de ma fille de 20 mois...
C'est
cette part de Féminin Sacré que j'ai retrouvée lorsque j'ai rencontré Mâ et que
je vis chaque jour, que je reconnais, je ressens, je vois, je perçois.
Je
ne suis pas toujours connectée, reliée, même si cette quête d'absolu demeure en
mon coeur, mais même si c'est parfois quelques instants, je me réjouis.
Ce Féminin Sacré est Force,
Amour et Protection. Protection révélée en guidance et bénédiction.
Lorsque je suis allée en Inde,
j'ai rencontré par cette Présence immanente, la Force, cette force que
je peux re-contacter au sein même d'une fragilité, sensibilité à fleur...
Cette
force du Féminin que j'ai redécouverte en devenant mère.
Quelques
mois après la naissance de cet Etre qui me donne tant d'Amour, Mâ me faisait
signe. Signes, symboles, Sens; je retrouvais des photos d'elle, je sentais sa
douceur, son éternelle Présence. J'étais guidée vers des lectures qui me
nourrissaient, me reconnectaient et vers une nouvelle orientation
professionnelle...
L'Amour infini qui me
berce à chaque instant où j'accueille, j'ouvre les portes de mon âme avec la clef
de mon coeur.
Et cette Protection que
j'ai ressentie dès mes premiers pas sur le sol de l'Inde, Présence
bienveillante, guidance, bénédiction.
Je
suis partie avec Vigyânânand en juillet 2004; aujourd'hui 29 juin 2009, ce
voyage, ces rencontres, cette expérience sont toujours aussi présentes.
Les
fleurs, les odeurs, les couleurs, les contrastes de l'Inde Unique, la présence
des Etres; magnifique Ganga, éternels Himalayas.
Récemment
j'étais émue, traversée par cet Amour infini en peignant; à la fin j'ai
compris, c'était les montagnes, la source, le fleuve, l'Inde et Mère divine au
coeur...
J'ai traversé de nombreuses
épreuves. Accepter d'être dans un corps ne fut pas simple et je rends grâce
chaque jour pour Sa Présence, le Féminin qui habite chaque être.
J'ai
réalisé d'autres voyages après (toujours initiatiques), je suis même retournée
en Inde; quelles que soient les expériences, elle était toujours là, elle est
ici, dans la forme et le non manifesté.
Cette
énergie de vie qui circule, qui pétille, m'apaise et nourrit ma Foi lorsque je
cherche encore le SENS.
Le
sanskrit me transporte vers Dieu.
Un
des noms de Mâ m'a accompagnée lors de grands processus de nettoyages,
transformations et devenait mantra: Om Nirmalaya Namaha
Je
remercie pour cette Grâce, la paix reçue au-delà de la souffrance, la douleur
physique.
Les portes sont restées ouvertes
sur l'infini, l'ultime, l'écho, la Parole sacrée, le Silence habité.
Ashirvad * Bhagavan
* Charan Amrita (bénédiction, océan divin d'amour, nectar immortel). "
Om
Shanti, Nathalie Chazal.
C’est moi qui, c’est moi que !
(Violence et
luminosité – Travail de maturité sur soi-même)
(Par Mahâjyoti)
C’est moi qui, c’est moi que,
Moi moi moi, je je je,
J’ai fait ci, j’ai fait ça,
C’est pas lui, non c’est moi !
On se dresse, on se jauge,
On rumine et on cause.
Le ventre en jalousie
Le mental en folie !
Tel Sacha Guitry
C’est « Môa » qui le dit,
C’est « môa » qui fait tout bien,
Les autres ne sont rien !
Devant moi il est là
C’est le portrait de Mâ !
Son regard me sourit,
Sa douceur m’envahit…
La bougie nous éclaire
Apaise ma colère.
Sel de l’Himalaya
Pureté, silence et joie,
Reflètent leurs éclats
Sur le portrait de Mâ.
Reflet de ma conscience
Mâ redonne confiance.
Que suis-je en train de dire ?
Quelle crise ? Quel délire ?
A quoi bon ? Quelle sottise !
Un peu de lâcher-prise !
Pourquoi donc avoir peur ?
Ne serait-ce qu’un leurre ?
Chacun peut faire sa route.
Mâ ! Enlève mes doutes !
Mental, sois silencieux !
Mon cœur, sois lumineux !
Souris dans l’ouverture
Je plierai, je le jure.
C’est moi qui, c’est moi que,
C’est moi quoi ? Je je je…
C’est moi rien, piou piou piou
C’est moins que rien du tout.
Détacher, décrocher,
Pour pouvo il est devenu uneir s’envoler !
S’entr’ouvrir et sourire
Savoir oser le dire.
Celui qu’on croit ennemi
Reflète notre peur
Faisons jaillir pour lui
La lumière intérieure.
Vu sous cet angle là
Je dis merci à Mâ !
C’est la paix que l’on trouve
C’est l’horizon qui s’ouvre !
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Rencontre avec Mâ Anandamayî
(Les Sages de l’Inde)
Par Swami Kriyânanda
(Traduit de l’anglais
par Jean.E.Louis)
Swami Kriyânanda est né en Roumanie de parents
américains. Disciple de Yogananda Paramhamsa, il a fondé de par le monde toute
une série de « villages de lumière », y compris en Italie près d’Assise. Il
s'agit d'un très grand centre, avec une centaine de permanents, qui représente
certainement le plus grand ashram d'Europe. Swami Nirgunânanda et Vigyânânanda
l’ont visité pour parler de Mâ Anandamayî. Il a aussi fondé, à l'âge respectable
de 80 ans, un nouvel ashram à Gurgaon près de Delhi, et il est devenu un Swami
très connu de la télévision indienne où il parle régulièrement...
L’Inde ! Terre de
grands sages et de yogîs. Toute personne normalement sensible ressent dès
qu’elle pose le pied sur ce sol sacré, le souffle béni qui en émane. C’est
d’ailleurs pour cela que Yogananda Paramhansa termina sa vie avec les derniers
mots de son poème « My India » (Inde, ma terre) :
« Je suis béni. Cette
terre a accueilli mon corps. »
L’Inde est en train de
traverser une période de transition, phase indispensable pour ce pays qui
possède l’une des cultures les plus significatives de ce monde. L’heure est
venue pour elle de prétendre au rang, qui lui est dû, de leader parmi les
nations de la planète.
La première fois que je m’y
suis rendu, en 1958, on y rencontrait encore de grands sages. J’y suis resté
presque quatre ans, hormis une interruption de six mois, en I960, durant
lesquels j’ai dû faire des voyages en Amérique et en Europe. Puis j’y suis
retourné pour une courte durée en 1972. Par la suite, j’y suis allé à
différentes reprises en simple visiteur. Après cela, je m’y suis rendu une fois
encore, en 2003, pour y vivre et achever l’oeuvre de mon Gourou. Au cours de
cette cinquantaine d’années j’ai pu constater nombre de changements dans ce
pays. Et tous n’étaient pas des plus agréables pour une personne dont la vie
était consacrée à la recherche de Dieu. Mais j’ai parfaitement conscience du
fait que ces changements étaient indispensables. Et je suis persuadé qu’en fin
de compte les vibrations sacrées de l’Inde traverseront les brumes du
matérialisme qui maintenant recouvrent l’Inde comme le brouillard recouvre la
terre.
J’ai eu le privilège de
rencontrer, au cours de ma première visite, un certain nombre de sages et de
personnes très élevées spirituellement. J’en ai rencontrés nettement moins lors
de mon séjour de 1972. Et moins encore au cours des quatre dernières années. Je
fais de mon mieux pour apporter un minimum de prospérité matérielle dans ce
pays, en même temps qu’une certaine richesse spirituelle. J’ai fait connaître
le projet de mon Gourou concernant la réalisation de « World Brotherhood
Colonies » que j’ai réussi, d’ores et déjà, à bien établir dans la partie
occidentale du pays. Je nourris l’espoir de parvenir à couvrir le territoire de
ces petites communautés où vivent des fidèles qui oeuvrent pour Dieu, fondent
des familles, si tel est leur désir, et élèvent leurs enfants, tout cela dans
l’amour du Divin. On peut dire, après quarante années de résultats positifs,
que ce mode d’organisation a donné les preuves de son efficacité. Il y a, à
l’heure actuelle, environ un millier de personnes qui vivent dans des
communautés ‘Ananda’ tout à fait florissantes en Amérique et en Italie.
Je souhaite ardemment que
les pages qui suivent incitent les gens à revenir à la spiritualité de l’Inde
ancienne, l’Inde des Védas. C’est ce mode de vie que pratiquent nos communautés
Ananda en Occident. Elles sont d’ailleurs reconnues comme telles aussi bien par
les sages que par les simples visiteurs qui viennent de l’Inde.
Comme je l’ai dit, j’ai eu
le bonheur, lors de mon premier séjour en Inde, de rencontrer des sages. J’ai
d’ailleurs écrit de nombreuses lettres à ce propos, à mes frères et soeurs en
spiritualité, qui eux se trouvaient en Amérique. La plupart de ces lettres ont
été perdues ou sont maintenant introuvables. Certains de ces sages étaient très
élevés spirituellement. L’un d’eux était un vieux yogî âgé de 132 ans. Je
l’avais rencontré à Puri. J’ai connu plusieurs autres sages lors de la Kumbha
Mêla à Allahabad, en 1960. Il y avait, parmi eux, Deohara Baba, âgé de 144 ans.
Il me raconta qu’il avait connu Lahiri Mahasaya. Il y avait également Kara
Patri, dont il est question dans « Autobiographie d’un Yogî »
et Hansa Maharaj, 122 ans, qui avait annoncé qu’il quitterait son corps en
avril de cette même année. Ce qui advint en effet. Et plusieurs autres sages
dont j’ai oublié les noms.
J’ai rencontré, à New
Delhi, une jeune femme qui, à l’âge de neuf ans, avait annoncé à ses parents
qu’elle entendait se retirer du monde et vivre en recluse. Elle leur demanda de
bien vouloir ne pas la déranger et de se contenter de lui laisser de quoi se
nourrir devant la porte de sa chambre. A compter de ce jour elle avait passé
son temps à prier et à méditer, ne prenant que très peu de nourriture. Elle ne
communiquait que par messages écrits. Parfois ses parents lui laissaient un
billet lui demandant de prier pour telle ou telle personne, ce qu’elle ne
manquait pas de faire. Et dans un grand nombre de cas, ses prières étaient
exaucées.
Son père souffrait d’une
maladie chronique. Mais les prières qu’elle faisait pour sa guérison semblaient
ne pas être entendues. Elle expliqua, par une note qu’elle laissa devant sa
porte : « Les prières ne l’aideront pas. » A la fin, sa mère lui
reprocha de faire montre de parti pris à l’endroit de son père en ne se
consacrant pas à sa guérison : « C’est uniquement parce que c’est ton
père » écrivit-elle. La jeune fille finit par accepter de prier, mais elle
laissa une note à sa mère : « Tu verras ce qui en
résultera. » Elle guérit son père, mais peu de temps après, celui-ci se
mit à mener une vie totalement dissolue. En fait, sa maladie avait fait
obstacle à son karma, empêchant celui-ci de se manifester. Elle avait voulu
qu’il expie totalement son karma. Mais, désormais, il allait devoir l’affronter
et, au fil du temps, en payer toutes les conséquences.
Je l’ai rencontrée alors
qu’elle avait dix-neuf ans. Elle avait encore le physique d’une toute jeune
fille. Elle ne sortait presque jamais de sa chambre, mais ce jour-là elle en
sortit pour me recevoir et consentit à méditer avec moi.
Peu de temps après, on la
vit pleurer devant l’image de Krishna. Elle mourut le lendemain.
J’ai connu également
Bhupendranath Sanyal, ou Sanyal Mahasaya le plus vieux disciple vivant de
Lahiri Mahasaya. Cela s’est passé dans son ashram, aux portes de la ville de
Puri, à l’occasion d’une rencontre de spiritualité. Ce lieu était empli de
l’amour du Divin.
Je suis resté quelque temps
au Math de Gowardhan, à Puri, avec Bharati Krishna Tirth, le Shankaracharya de
ce même Math. J’ai préparé sa tournée de conférences en Amérique en 1957 ou 58.
J’ai passé beaucoup plus de
temps avec Mâ Anandamayî que ce qu’il est dit dans le passage, relativement
court, qui concerne cet épisode. Mâ avait coutume de m’appeler son « chhoto
chele », son petit enfant. En fait, elle était en quelque sorte ma
mère spirituelle. J’éprouvais grâce à elle un sentiment d’appartenance
familiale, sentiment que je n’avais pas connu avec mon propre Gourou qui, lui,
m’inspirait un respect mêlé de sujétion. Mes difficultés étaient dues, en
partie, au fait que j’étais très jeune à l’époque. Mais elles provenaient aussi
du fait que mon Gourou avait une personnalité forte et autoritaire.
Ah ! Comme je voudrais
pouvoir consacrer de nombreuses pages à toutes ces visites – oh, combien
précieuses – que je fis à Mâ !
J’ai eu le sentiment, lors
de mon retour en Inde en 1972, que l’atmosphère bénie par la présence des
sages, n’était plus la même qu’auparavant. D’ailleurs, au cours de ces quatre
dernières années, je n’en ai rencontrés que très peu. Je suis toutefois
persuadé que ces temps bénis reviendront un jour.
Et je prie pour que mon
action dans ce pays contribue à accélérer le retour de ces temps-là.
Amitié en Dieu.
Swami Kriyânanda
Mes premières
rencontres avec
Mâ Anandamayî
Février 1959
A l’origine, ce récit a
été publié dans Ananda Varta,
en octobre 1983
Les textes qui suivent
ont été tirés d’une très longue lettre que j’ai écrite – mais que je n’ai
jamais terminée – aux moines SRF de Los Angeles, d’après les notes que j’avais
prises à la fin de chacun de mes entretiens avec Mâ, ainsi que d’après les
récits qui ont été faits par Mohini Chakravarty, un disciple SRF-YSS.
Sri Daya Mata avait décidé
de se rendre avec son groupe – composé de Ananda Mata, de Soeur Revati et de
moi-même – à l’ermitage de Sri Yukteswar situé à Puri près de la mer. Après un
court séjour dans cet endroit, nous décidâmes de retourner à l’ashram YSS
Baranagar, non loin de Calcutta, où nous vivions habituellement. Ce devait être
le 9 février. On nous apprit, dès notre retour, que durant notre absence, Mâ
Anandamayî était arrivée à Calcutta.
Ce fut une grande émotion
pour nous ! Les phrases magnifiques qu’avaient écrites notre maître
Yogananda Paramhansa à propos de Mâ, dans son Autobiographie d’un Yogî,
nous avaient frappés, nous ses disciples. Nous étions subjugués par l’amour
extatique de Mâ, et son infinie dévotion pour le Divin. L’un de nos grands
espoirs, sinon le plus grand, lors de notre venue en Inde, c’était d’avoir le
privilège de la rencontrer. Or, le destin avait, d’une certaine façon, conduit
la Mère Divine sur le pas de notre porte ! Nous brûlions du désir de la
rencontrer.
Mon impatience toutefois
n’était pas exempte d’une certaine anxiété. En effet, je devais prendre un vol
le vendredi suivant, pour Madras, où j’étais censé tenir une conférence au
centre SRF-YSS. Comment faire pour rencontrer Mâ avant ce jour-là ? Il aurait
fallu que je trouve quelqu’un qui soit en mesure de me conduire à Calcutta, car
je n’avais pas la possibilité de m’y rendre par mes propres moyens.
Le mercredi 11 février, à
l’heure du dîner, nous étions assis tous les quatre autour de la table de la
salle à manger, en compagnie de deux ou trois amis Indiens. La conversation
tournait, bien évidemment autour de Mâ Anandamayî et de notre désir profond de
la rencontrer. Nous fîmes part à nos amis de l’une de nos préoccupations, à
savoir que nous n’avions aucune idée de l’endroit où elle se trouvait à
Calcutta.
« Elle est sans doute
à Agarpara » affirma Mohini Chakravarty, un de nos amis Indiens.
« C’est là qu’elle demeure lorsqu’elle vient à Calcutta. »
- Sais-tu comment nous
pourrions nous rendre là-bas ? lui demandai-je.
- Oui, répliqua-t-il.
Je peux vous y emmener.
- A quelle heure
reçoit-elle les visiteurs, normalement ?
- A cette heure-ci, plus ou
moins.
C’était là une opportunité
à ne pas manquer.
« Et si nous y allions
à l’instant même ? » lui dis-je.
A en juger par leur regard
surpris, les amis de mon groupe ne s’attendaient pas à cette proposition.
Mohini, quant à lui, accepta aussitôt de m’accompagner.
Quelques minutes plus tard
nous étions en route.
J’entrai en méditation
alors que nous roulions dans la nuit. Une joie étrange emplissait mon coeur. La
Mère Divine savait-elle déjà que nous venions la voir ? Peut-être
m’envoyait-elle sa bénédiction avant même que je me présente devant elle ?
« Mohini, »
dis-je, « soyez gentil de ne pas dire à Mâ qui je suis, à savoir que
je suis un disciple de Yogananda Paramhansa, que tout l’entourage de Mâ connaît
bien. Je n’ai pas envie d’affronter les formalités d’une présentation. Je me
glisserai discrètement au fond de la salle où je m’assiérai pour méditer. Cette
joie me suffira. »
Je désirais une rencontre
spirituelle avec Mâ, et pas du tout sociale. En fait, je me sentais intimidé,
moi, simple disciple indigne, à l’idée de me faire connaître en tant que
représentant de notre Maître, devant un être aussi élevé, aussi extraordinaire.
Je préférais entrer discrètement et aller m’asseoir sans me faire remarquer.
Je l’aperçus de
l’extérieur, à travers une suite de portes-fenêtres qui s’ouvraient sur la
façade de la salle des réunions. Je compris à l’instant où je la vis – et
chaque fois que j’eus la joie de la rencontrer par la suite, fut-ce même dans
la pénombre où je ne distinguais pas ses traits – je compris le sens profond de
certains mots de notre Maître. Il avait écrit quelque part :
« L’extase emplit votre coeur à la simple vue d’une sainte
créature ». Je me rendais compte à quel point ces paroles étaient justes.
Il y avait, là, devant mes yeux une créature divine.
J’entrai dans la salle et
me dirigeai silencieusement vers le fond. Puis je m’assis en lotus.
Il devait y avoir quelque
cent cinquante personnes.
Mâ parlait d’une voix
tranquille. Ses phrases étaient souvent ponctuées de petits rires amusés. Et
cette voix, qui par moments avait la consonance de celle d’une jeune enfant,
faisait vibrer mon coeur. Je fermai les yeux et entrai en méditation. Une
grande paix intérieure m’envahit, mêlée d’une profonde dévotion.
Après un certain temps,
l’assistance se leva. Selon toute évidence, la réunion était terminée. Je ne
pus me résoudre à bouger, ni même à ouvrir les yeux. Les gens autour de moi
commencèrent à bavarder. Je présumai donc que Mâ avait quitté la salle.
Je n’avais pas voulu lui
être présenté, mais maintenant qu’elle s’en était allée, une certaine tristesse
me gagnait. « Il eut été agréable d’échanger ne serait-ce qu’un regard
avec elle, ou même un sourire affectueux », pensai-je. Mais il était trop
tard, elle était partie. Et de toutes façons, qui étais-je pour prétendre à de
telles faveurs ? Alors je me contentai de la bénédiction que j’étais
certain d’avoir reçue. (A suivre…)
Swami Kriyânanda
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Le
soleil est revenu
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ce matin, un beau soleil
Brille, enfin, vers l'Est.
Sa douce chaleur m'envahit.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Il
fait miroiter les aiguilles
Des
pins et les feuilles du petit
Chêne,
au bout de la terrasse.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Je
souris de joie paisible
En
l'admirant...Quelle richesse,
Quel
bonheur dans sa simple présence!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
J'ai
envie de crier « merci »,
A
pleine voix, pour tout cela
Et
aussi de chanter toute cette beauté.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ma
joie est calme, recueillie.
A
qui adresser mon message muet
Si
ce n'est à Dieu, Créateur ?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Les
fils d'or de la toile
D'araignée
renvoient les rayons
Du
soleil et tissent les branches du pin.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Quel
symbole que cette toile
D'araignée
que le vent agite
Mais
qui ne se rompt pas!...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Le
piège mobile est là,
Bien
visible, sous le soleil
Rasant.
Qui s'y laisse prendre?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
L'insecte
affairé, cherchant
A
se nourrir ne le voit pas.
Il est trop évident et lui trop occupé...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ne
sommes-nous pas tous
Des
petits insectes, captivés
Par
notre vie quotidienne?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
N'oublions-nous
pas, souvent,
Ce
qui nous est proche
Pour
rechercher des chimères, des songes?
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Telle
est notre faiblesse et
Notre
aveuglement...Nous rêvons
De
ce qui n'est pas et ne voyons pas ce qui est!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
« Comment
changer? » me direz-vous.
Apprenons
à voir ce qui est,
Dans
l'instant et ici, sans fuir!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ne
reculons pas, ne nous échappons pas
Du
présent. Restons où nous sommes
Et
sachons ouvrir nos yeux...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Hier,
n'est plus et
Demain
n'est pas encore...
Seul,
le présent existe...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Alors,
ne vivons plus de rêves
Eveillés...Vivons
vraiment
Et
efforçons-nous de nous connaître!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Ainsi,
notre existence ne s'écoulera pas,
En
vain. Le ruisseau devient rivière
Puis
fleuve et, enfin, océan.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Tout
le long, son eau se mélange à d'autres eaux,
Désaltère,
abreuve, arrose, nourrit...
Soyons
pareils au ruisseau!
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Notre
vie s'écoule aussi.
C'est
ainsi! Cependant,
Nous
pouvons, également, être utiles.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
N'essayons
pas de ralentir son flot
Ou
de remonter à contre-courant.
Mais, vivons, consciemment, l'instant...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Laissons-nous
flotter
Dans
le sens de l'eau,
En
étant bien éveillés...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Alors,
nous comprendrons
Ce
qu'est la vie, son sens
Si
évident que nous ne le voyions pas.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Nous
saurons et ne nous égarerons
Ni
ne nous tromperons plus...La toile
Et
son araignée auront disparu...
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Monique Manfrini
La
Cadière, le 29.04.2009
Nouvelles
Comme nous l’avons annoncé
précédemment, Swami Nirgunânanda anime une retraite en Belgique à Biévènes près
de Bruxelles du 13 au 18 juillet. C’est Paul et Christine Neeffs qui se
chargent comme les années précédentes de l'organisation. paulneeffs@yahoo.com et christine.neeffs@belgacom.net 00 32 10 81 47 80. Il a déjà été en France à ‘Terre du ciel’ pour les
journées sur l'Inde en mai dernier et pour une retraite subséquente.
Vigyânânand (Jacques Vigne)
terminera début Août la tournée qu’il a entreprise en France, Italie, Suisse,
Belgique et île de la Réunion. Ses conférences, stages, séminaires et retraites
se sont succédés pour la grande joie de tous. La plus longue retraite de 8
jours sur ‘La gestion des émotions’ eut lieu à Cannes avec environ 60
participants, et la retraite de Suisse sur ‘L’Art de la guérison selon la
tradition de l’Inde et du Tibet’ fut menée par Vigyânânand et par Lama
N.Rigdzin qui évoquèrent des pratiques ancestrales sur ce même thème dans une
approche assez différente mais très complémentaire. Lama Ngawang Rigdzin (J-P
Engel) a été intronisé comme Lama de tradition séculière Nyingmapa par son Père
Spirituel, Kyabjé Trulshik Rinpoché, actuel Maître Spirituel du Dalaï Lama. Il
a déjà rencontré maintes fois à Kankhal notre vieux Maître Vijayânanda et il se
fera un plaisir d’y retourner en compagnie de Jacques Vigne pour partager
ensemble notre quête lors de prochains voyages de groupes. Lama Rigdzin est
connu également pour son activité de psychothérapeute.
Vigyânânand a aussi animé
une soirée à Saint-Gilles sur l'île de la Réunion à propos de Mâ Anandamayî. Il
a parlé d'elle et a invité à parler Swami Premânanand qui l’a connue
directement. Il a témoigné des expériences plutôt fortes qu'il a eues avec
elle. Swami Premânanand est maintenant à la tête de l'ashram d’Amma à la
Réunion, il a été le second à recevoir l'habit orange des mains de Mâ
Amritânandamayî et le premier à avoir été envoyé en dehors de Vallickavu pour
fonder un ashram.
Plusieurs voyages en Inde
sont programmés pour l’année 2009, y compris pour se rendre à la Kumbha Mêla.
Cela se terminera par un voyage au Népal en Avril 2010 (voyage retraite avec
Vigyânânand et Lama Thupten Khedroup). Il y a deux retraites principales organisées
par Vigyânânand auprès de Swami Vijayânanda, une du 6 au 24 août 2009 où il y a
déjà une trentaine d’inscrits, et une autre aux mêmes dates à peu près en Août
2010.
Les programmes complets
sont sur le site www.teerth.org, et c’est à travers une agence de voyages
officielle que pourront être pris les billets, auprès de beatrice@equateurvoyages.fr (N° licence tourisme 069950026) –
Téléphone : 04 78 29 48 58. Ce relais par une agence de voyages est
demandé pour organiser des groupes à l'étranger, même quand il s'agit
principalement de retraites dans des ashrams.
Ensuite, Vigyânânand
prendra une année sabbatique de méditation et d’écriture dans son ermitage en
Himalaya, il se contentera de recevoir certains groupes à Kankhal même, pour
des retraites, mais ne les accompagnera pas dans leurs déplacements.
Ce renouvellement général des abonnements nous
emmènera jusqu’en mars 2011, sauf événements imprévus. Vu les problèmes de
courrier entre l'Inde et la France, nous avons décidé de cesser l'envoi du ‘JAY
MA’ sur papier, la grande majorité des abonnés étant déjà passée à la version
électronique. Celle-ci est à la fois plus rapide, plus économique et plus
écologique. Pour confirmer votre renouvellement d'abonnement, envoyez un chèque
de 8 € à José et rappelez votre adresse courriel, ce sera plus clair.
José Sanchez Gonzalez - 84110 Vaison-la-Romaine - Tel :
06 34 98 82 22 - Email : nagajo3@yahoo.fr
Il ne faudra surtout pas manquer d’en aviser
également Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois votre paiement ‘envoyé’ – koevoetsg@wanadoo.fr - (coordination bénévole) car c’est elle qui se
chargera de vous envoyer le ‘Jay Mâ’ par email, tout en l’illustrant d’une
belle photo de Mâ comme dans l'édition papier. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’
français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe
Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès, avec les
versions anglaise, hindi et bengali.
Table des matières
Paroles de Mâ Extraits de ‘Aux sources
de la joie’
Vangmayee Mâ Extraits du livre de même nom
Ce que j’ai reçu de Mâ parNathalie Chazal
C’est moi qui, c’est moi que !Par
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Rencontre avec Mâ Anandamayî
Par Swami Kriyânanda
Mes premières rencontres avec
Mâ Anandamayî par Swami Kriyânanda
Le soleil est revenu par Monique Manfrini
Nouvelles
Renouvellement des abonnements
Table des matières
Jay Ma 94 Automne 2009
Paroles
de Mâ
Tout ce que notre esprit accepte, hormis Dieu, est
synonyme de souffrance.
Le bonheur et le malheur sont dans l’agrément ou
le non-agrément de quelque chose. Si vous désirez
aller au-delà de cet agrément et de ce non-agrément,
acceptez-Le. Si vous désirez aller outre, alors invoquez-Le.
Qui est souffrant ? Qu’est-ce qui est
souffrant ? Qui cause la souffrance à qui ? Où est la
souffrance ? C’est le Soi avec le Soi. Si les dents d’une personne mordent
sa propre langue, qui ressent la douleur ? Ce sont les propres organes de
cette personne qui la ressentent, son corps – le Soi en Soi.
Nous assumons notre corps pour connaître
l’expérience des plaisirs et des douleurs de ce monde. Pour aller au-delà de ce
bonheur et de cette souffrance, il faut aller chercher refuge en Lui.
Il est Celui qui élimine toutes les souffrances.
Faites appel à Lui, tout le temps. Gardez-Le dans vos
méditations, priez-Le. Offrez-Lui votre obéissance et
ouvrez-Lui totalement votre coeur. Tout en Lui est bénédiction, paix et
béatitude. Il est Le Coeur des coeurs. Il est l’Atma
(l’Âme Suprême).
Quoi que Dieu fasse, Il le fait pour le bien. De
même que le médecin pratique une incision dans le furoncle et en extrait la
substance purulente pour soigner le mal, Dieu, Lui, vous donne la souffrance,
vous lave et vous sèche puis vous prend dans Son étreinte. Dieu corrige toutes
les fautes et dit : « Donne-moi toutes tes impuretés et reçois
l’immortalité en retour ». Il envoie la souffrance et la détresse à Ses
adorateurs pour faire grandir leur ardeur et accroître leur aspiration. Dieu
accepte leur dévotion lorsqu’elle passe par les larmes et la souffrance.
La souffrance ne disparaît que lorsque Dieu est
réalisé. Il n’y a aucune autre façon de Le réaliser qu’en pratiquant le japa de Son nom, en méditant sur Son nom, en le
vénérant et chantant Sa gloire (Naam Kirtan). La compagnie de personnes élevées
spirituellement (satsang), la lecture de
livres spirituels sont une aide sur cette voie. Très souvent ce corps dit une
chose : « vishay (la vie par
les sens) mane (signifie) vish
(poison) hoi (devient) ». Le plaisir que
procurent les sens conduit lentement vers la mort – « poison lent ».
C’est pour cela que vous devez passer autant de temps que possible avec Lui.
Pour trouver une protection contre ces trois
sources d’oppression (afflictions) il faut avoir recours à l’aide d’un autre
type d‘oppression (taap). C’est par
l’oppression qu’on peut combattre l’oppression.
C’est ce qu’on appelle tapasya (‘austérité’,
littéralement, ‘ chaleur’ ; ‘ dessèchement’). C’est avec tapasya qu’on peut vaincre l’oppression. Tout comme
on ressent la souffrance en affrontant l’oppression de ce monde, on peut
connaître la même souffrance au début, lorsqu’on prend le nom de Dieu. Mais ce
n’est qu’en passant par cette souffrance qu’on se libère de l’oppression. C’est
pour cela que l’effort est indispensable, la pratique est indispensable et
l’action est indispensable. Les oiseaux par exemple, ou les animaux en général,
n’ont aucun intérêt à se débarrasser de la souffrance de cette façon, pour la
réalisation de Dieu à tout jamais plein de grâce et de félicité.
Cela n’est valable que pour les êtres humains.
Dialogues
avec Mâ
Extraits du livre
de Jean-Claude Marol :
La Saturée de joie (éditions
Dervy)
Garder le silence ou pas?
Et le jeu commença!
Elle dit, mutine :
S’il y avait la
moindre conscience de moi, je pourrais dire je suis.
Comme ce n’est pas le
cas, vous pouvez dire ce que vous voulez!
Cela laisse le champ ouvert! Tentons
l’aventure de dire un peu!
Celle qui en Inde fut
nommée Mâ Anandamayî, et
qui ces dernières décennies, traça tant de sillages dans tant de coeurs, dit
aussi, simplement:
Soyez plein de
vie partout ou vous allez, et rien ni personne ne vous sera étranger.
Nous n’évoquerons
pas dans ces pages une étrangère! Je forme le voeu que ce livre nous aide a
rencontrer un ‘être plein de vie’, infiniment proche. Pour nous avancer vers ce
Très Proche, le geste à faire est un moindre geste!
Les approches
par lesquelles les humains tentent de réaliser le Soi sont d’une infinie
variété; et chaque variété comporte d’innombrables aspects. Tous ces modes de
recherche m’apparurent comme des parties de moi-même.
L’oiseau en vol
Q.: Vos réponses sont tellement en accord
avec nos Ecritures que vous n’avez pas étudiées…comment est-ce possible?
Ma répondit :
Il y a le grand livre
de la vie. Si on s’y plonge profondément, toutes les vérités expliquées par les
écritures, sont la, prêtes à se révéler!
Elle se disait
parfois udha pakhi
(oiseau en vol) qui se perche ici ou là de façon imprévisible. Elle dira un
jour, alors qu’on venait de lui faire la remarque:
-Mâ, parfois vous semblez porter une grande attention a quelqu’un;
d’autres fois, vous ne nous accordez pas même un regard.
-je ne me comporte
d’aucune façon particulière vis-à-vis de qui que ce soit. Il ne s’agit
absolument pas de comportement.
-Alors à qui
parlez-vous?
-Ce corps, c’est
ainsi, ne parle à personne, ne va chez personne, ne mange la nourriture de
personne …. Pour ce corps il n’y a qu’Un. Il n’y a pas même la possibilité d’un
second. Je ne vais nulle part, je suis toujours ici. Il n’y a ni allées, ni
venues. Tout est Dieu.
En notre temps,
déchiré par tant de fanatismes, où nous sommes arc-boutés sur tant de
“quant-à-soi”, écoutons-la nous dire, et cela paraîtra contradictoire avec les
mots qui précèdent – à nous d’étendre ce qui est déguisé par le langage :
Ici, dans ce
corps est une relation avec tout un chacun.
Ici, pas d’abris, de
demeure séparée.
Si vous voulez parler
de demeure, il n’y en a qu’une, et elle est sans limite!
Où est le nom ; où est la
forme ?
Il est certes nécessaire de rétablir le balancier d’une spiritualité
généralement « patriarcale », en saluant le versant féminin (entre
autres sous son jour maternel). Mais ultimement une vraie vision du Père
Premier et de la Mère Première, implique que l’on transcende les aspects mâle
et femelle ; comprendre un peu Anandamayî
demande que l’on soit capable de la vivre sans qu’elle soit ni ceci, ni cela,
ou contenant et ceci et cela. Dans l’Atharva Veda
(VII-6) la Déesse Première Aditi, est saluée
ainsi : « Aditi est Mère, elle est Père,
elle est fils. »
Mâ Anandamayî nous invite
souvent a perdre nos repères : nos clivages masculin – féminin ou
d’autres paires d’opposés. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Elle est, certes, notre
mère ou notre enfant, elle est surtout Une avec qui que ce soit, quoi que ce
soit. Cela, elle le confie souvent, sous une forme ou sous une autre, car nous
avons besoin de l’entendre et de le réentendre !
Alors qu’un occidental
lui demandait de façon insistante quel message d’elle il pourrait répercuter
quand il serait rentré dans son pays, et comment il pourrait évoquer sa
présence, elle répondit en souriant :
Très bien. Dites à vos amis : j’ai
vu une gamine ; elle papote sur tout ce qui lui arrive. A tout ceux qui
voudront en savoir plus, dites-leur que je suis leur enfant. Mais en réalité,
vous tous et moi, sommes un, n’est-ce pas ? Il n’y a qu’un souffle qui
imprègne tout, il n’y a rien d’autre qu’Un. Vos penchants inconscients (samskara) dressent un mur qui vous enferme.
Le destin humain est
d’effondrer cette limite qui vous sépare de votre propre nature. Réaliser sa
propre nature, signifie réaliser Dieu, c’est réaliser l’Unique Réalité !
Non-quoi-que-ce-soit
Une direction donnée permet d’atteindre un but
donné ; tout le reste par ailleurs, demeure hors d’atteinte. Mais quand la
différence s’évanouit entre ce qui s’atteint et ce qui est hors d’atteinte,
alors Cela se révèle !
Elle ajoutera :
Le mystère de l’univers révèle à qui sait
savourer le non-quoi-que-ce-soit.
Vous voulez
jouer ….
Ce corps n’est
qu’une poupée. Vous voulez jouer avec elle…elle joue !
Humour encore de Mâ Anandamayî, traitant des
propos considérés comme sérieux Un jour, elle s’exclama :
Vous vous émerveillez vis-à-vis de celles et ceux qui renoncent
au monde…en réalité, c’est vous qui renoncez à tout ! Quel est ce
tout ? Dieu, ni plus ni moins ! Le
laisser de côté est la renonciation suprême ! (Et le transcripteur note : à ce
moment elle éclate de rire !)
Une autre fois elle fit la remarque :
Dans le domaine
spirituel, vous aimez vous sentir libre de toute obligation ! Vous
réservez à tous les autres domaines de votre vie, votre grande capacité à être
dépendants …. (Autres rires !)
Laissez les mouches s’amuser un peu !
Quand elle arrive au vaste ashram de
Bénarès, elle s’inquiète de chacun des humains présents, et va saluer avec la
même attention individuelle, vaches et veaux.
Cette tendresse se
manifestait pour le moindre insecte. Une fois, un insecte escaladait un coussin
où Mâ était assise ; une jeune fille brahmacharini s’en aperçoit et le repousse.
L’insecte recommence son escalade. Mâ prend la
serviette qui protège sa tête et délicatement y installe l’insecte qui ne bouge
pas. Mâ remarque qu’il semble absorbé dans une
profonde méditation. Un peu plus tard, Mâ regarde
intensément l’insecte et annonce qu’il a quitté son corps. Elle demande qu’on
le porte au Gange, enveloppé dans sa serviette. Cet insecte avait une rencontre
qui avait bouleversé sa vie !
Texte tapé par
Sandrine Oubrier à Kankhal
Préface
au recueil de paroles de Mâ
« Vangmayee Ma »
Par Vigyânânand (Dr Jacques Vigne)
C'est
dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina, situé au
nord-est de Delhi dans l'angle de l'Inde entre le Tibet et le Népal, que j'ai
pu avoir connaissance du texte anglais non encore publié de Vangmayee Ma (ou Vangmayî Mâ). Il s'agissait de la traduction à partir du bengali d'un recueil assez fourni de
paroles de Mâ classées par thème. J’ai reçu ce texte
de Swami Nirgunânanda, mon voisin dans ce bel ermitage où il vit
depuis 22 ans. Il a effectué lui-même une bonne partie des traductions à partir
du bengali, et a travaillé avec une autre personne qui elle, était partie de la
version en hindi, nécessairement moins précise puisqu'elle était elle-même déjà
une traduction de l'original bengali. Swami Bhaskarânanda, qui était le bras droit de Mâ et auquel celle-ci a confié la charge de donner
l’initiation après le décès de sa mère Didi Mâ, a beaucoup encouragé la traduction de ce livre du
bengali en anglais, pensant qu’il était bon de revenir facilement, grâce à
cette anthologie, à ce que Mâ disait directement.
Nous avons décidé de publier ces paroles de Mâ à la
fois en français et en espagnol pour mettre sur le site de Mâ
Anandamayî. C’est Jean E.Louis
de Nice qui s'est chargé de la traduction française, que j'ai révisée, en
discutant un certain nombre de points peu clairs dans le texte anglais avec Swami Nirgunânanda à l'ermitage.
À chaque fois, il est revenu à l'original bengali, nous avons discuté de ce
qu’a vraiment voulu dire Mâ, et cela a permis
d'améliorer certains points obscurs de la traduction anglaise, et de les rendre
plus clairement à la fois en français et en espagnol. Pour cette dernière
version, c'est Andrea Veselich qui s'en est chargé.
Jeune avocate passionnée par l'Inde, elle ne vit cependant pas tout près,
puisqu'elle réside en Patagonie, la pointe sud de l'Argentine près de la Terre
de feu... Mais grâce à l'Internet et à sa bonne volonté, car elle ressent un
lien fort avec Mâ, elle a pu rendre ce service de
traduction au lectorat hispanophone intéressé par la sagesse de l'Inde.
Swami Vijayânanda qui a passé plus de 30 ans auprès de Mâ Anandamayî, et vit toujours
dans ses ashrams après 57 ans continûment en Inde, dit clairement et fortement
: guru vakya mantra, ‘la parole du gourou
est un mantra’. Dans la Guru Gita, il est aussi une strophe célèbre où il est dit mantra-mulam guru-vakyam,
‘la racine du mantra, c'est la parole du gourou’. La qualité principale du
gourou n'est pas de donner un enseignement intellectuel et linéaire, mais
d'avoir un impact par une transmission de l'énergie, ce qu'on appelle dans le
langage traditionnel le shaktî-pat. Il peut le
faire à travers un mantra chuchoté dans l'oreille au moment de l'initiation
rituelle, mais aussi à travers n'importe quelle autre parole survenant dans
n'importe quelle autre circonstance, à travers le don d'un objet, d'une fleur,
d'un prasâd,
et encore, sans aucun intermédiaire (anupaya),
de façon directe, d’âme à âme. Du trop-plein de ce réservoir d'énergie qu’est
le gourou, le manque du disciple peut être comblé.
Pour bien comprendre comment Mâ transmettait l'énergie, il ne suffit pas de lire ces
paroles, mais il faut également se plonger dans sa vie et dans les expériences
de ses disciples proches. Nous avons traduit en français sous le titre de Matri
Darsh[iii][i]an,
le témoignage princeps de Bhaiji, le premier
grand disciple de Mâ Anandamayî
après son mari Bholonath, et qui a donné à celle qui
s'appelait auparavant Nirmala Dévî
le nom d'Anandamayî. Il y a aussi l'ouvrage de Bithika Mukerjee qui donne
beaucoup de détails[iv][ii], et le dernier livre de Jean-Claude Marol – il est paru deux mois avant sa mort trop précoce – La
Saturée de joie aux éditions Dervy. Il y
développe en particulier l'importance du féminin spirituel, et le lien qu’il
discernait entre le lien avec Mâ et le respect pour
l’image de la Dame au Moyen Âge, qui a continué dans le catholicisme jusqu'à
nos jours à travers le culte de Notre-Dame.
Il y a tout un mouvement de fond au XXe
siècle et qui prend de l'ampleur maintenant : il tend à remettre à l'honneur
l'aspect féminin du sacré. Il peut se manifester à travers l'écologie, où Gaïa
est présentée comme une personne vivante, la déesse Terre, qu'il faut respecter
et cesser de violer dans tous les sens. Par ailleurs, à cause du conflit israélo-arabe
chronique au Moyen-Orient, beaucoup de gens sensés se mettent à réaliser que le
monothéisme avec son dieu purement mâle et exclusivement unique, risque de ne
jamais réussir à dépasser les guerres saintes, et qu'au contraire les armes de
destruction massive exposent au danger qu'elles deviennent beaucoup plus
dévastatrices qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. D'où la nécessité de
renforcer l'aspect féminin du sacré, en encourageant le développement
d’enseignantes religieuses femmes et aussi du point de vue métaphysique, en
remettant à l’honneur le couple divin dieu/déesse qu’on retrouve dans
pratiquement toutes les formes religieuses de l'humanité, excepté le
monothéisme.
De plus, l'aspect féminin de la mystique
est aussi relié à l'expérience chamanique, restant proche de la source et peu
encombrée de dogmatiques et d’idéologies religieuses. Dans ses débuts, l’auto-initiation de Mâ par exemple
et ses transes multiples évoquaient tout à fait la descente d'une expérience
chamanique. Cependant, Mâ n'est certainement pas
restée à ce niveau, elle était déjà prise dans le vaste courant de la bhakti du
Bengale avec les grands exemples de Chaitanya Mahâprabhu
au XVIe siècle et de Râmakrishna au XIXe. Elle a passé sa vie de gourou à guider la majorité de
ses disciples sur cette voie traditionnelle de la bhakti, d'où ses multiples
conseils dans cet ouvrage sur la récitation du mantra et la force du lien avec
le gourou, mais elle était aussi solidement enracinée dans la voie de la
connaissance et dans l'expérience de l'Un. Elle revient tout le temps à l’Unité
fondamentale, en exprimant en des termes simples, mais forts, l'absence de
dualité et la capacité fondamentale qu'a un être humain à se relier directement
à l'Absolu sans intermédiaire.
Un mot d'explication sur le sens du titre
de ce livre, Vangmayî Mâ.
Il signifie’ la Mère pénétrée, constituée de Parole’. Ce nom évoque la première
forme de la Mère divine dans les védas, Vak,
de la même racine que vox en latin et ‘voix’ en français, cette déesse « Voix »
donc qui permet l'expression audible du Brahman. On dit qu'elle est née de la
langue de ce Brahman, ou parfois qu'elle en est son épouse. Elle n'est pas sans
évoquer la Hohkhma-Sophia-Sagesse de la mystique
juive. Dans l'hindouisme classique, elle s'est transformée en Sarasvatî, déesse
blanche de la pureté, de l'enseignement et de la connaissance, ainsi que de la
musique. Elle réside (vatî) sur un cours d'eau
(saras), c'est le sens de son nom. Cet
archétype s'associe assez spontanément à Mâ Anandamayî, qui a été toute sa vie vêtue de blanc, et dont
l'ashram principal et le tombeau sont situés au bord du Gange tout près d'Hardwar. Ce qu'il y a de particulier dans le cas de Mâ, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une divinité vieille de
plusieurs millénaires et présente uniquement sur le plan subtil, mais d’une
personne bien vivante qu'on pouvait rencontrer si on le voulait. Dans ce
contexte, la transmission d'énergie était beaucoup plus puissante et concrète,
au moins pour les visiteurs ou disciples qui avaient l'ouverture requise pour
recevoir ce transfert.
Au début de cet ouvrage, nous avons traduit telle quelle la préface à
l'édition hindi. Elle est écrite dans le style fleuri de l'Orient et de la
bhakti. C'est certes un autre monde mental que celui de l'Occident rationnel
contemporain, mais pourquoi ne pas entendre ce qu'il a à nous dire de temps en
temps ? Surtout quand il y a contact direct, le coeur est touché et peut
transcender bien des barrières culturelles. Sarvâtma
était un des premiers disciples français de Mâ Amritânândamayî. Il avait très peur en France que sa
manière d'embrasser les gens pendant le darshan
et de leur distribuer des bonbons choque avec un public plutôt rationaliste et quelque peu coincé. En fait, rapidement, il y a eu de
longues queues pour passer dans les bras de celle qu'on appelle Amma, et donc celle-ci s’est mise à se moquer de Sarvâtma en lui disant : « Regarde donc tes Français ! Ils
sont prêts à attendre des heures simplement pour avoir un bonbon ! »
Quand on lit continûment le livre, on
s'aperçoit que Mâ revient souvent sur des thèmes
fondamentaux car elle voulait donner des bases au public général de visiteurs
qui venaient la trouver. Le classement par thèmes est intéressant quand on veut
méditer directement sur un sujet précis, mais il a l'inconvénient de faire
ressortir certaines répétitions. Cependant, celles-ci peuvent avoir un effet ‘mantrique’ sur le lecteur : avec une mouvement qu'on
pourrait appeler en spirale, on revient régulièrement au même point, mais à un
niveau de profondeur plus grands. Mâ conseille
d’ailleurs le mantra comme une méthode accessible à tous, capable d'accompagner
le processus de transformation et de purification du sâdhaka à long terme. Une bonne
partie des conseils de son livre pourrait se résumer ainsi : « Répétez votre
mantra avec persévérance et une confiance complète dans le gourou, et vous
atteindrez un niveau où toutes les questions et les contradictions seront
résolues spontanément. » Cependant, il ne faut pas rester sur une fausse
impression de simplisme en lisant ce livre d'une traite. Dans les entretiens
privés, Mâ donnait bien d'autres enseignements et
exercices de méditation que le mantra. Quand j'ai demandé à Swami
Vijayânanda qui, nous l'avons dit, a passé plus de 30
ans sous la guidance directe de Mâ, s'il récitait le
mantra quand il s'asseyait pour la méditation, il m'a répondu que non. Par
contre, quand il fait sa cuisine ou des activités concrètes, il aime bien
garder l'esprit relié à l’Absolu et à Mâ grâce au japa, mais quand
il était assis en méditation, il aimait bien suivre ses propres pratiques et
leur évolution spontanée. Pendant toute la période de début, il était dans
l'idée qu'un gourou doit avant tout donner des conseils de techniques de
méditations, des kriyas, et Mâ effectivement lui en a donné abondamment lors
d'entretiens privés. Cependant, à chaque fois qu'elle en expliquait
quelques-uns, elle ajoutait ; « Ceci est un exercice secret, ne
le répète pas. » Mâ
a expliqué aussi que les kriyas étaient faits
pour secouer la torpeur, le tamas. La plupart des gens sont somnolents,
mais c'est bon pour eux de faire quelque chose, que ce soit des kriyas ou des rituels. Cela leur donne un début de réveil. Cependant, à un niveau
élevé, la volonté de faire quelque chose se révélera être un obstacle. Mais ce
« non faire » n'est pas pour les débutants. Un autre aspect des kriyas, ou rituels, doit aussi bien être compris :
ils peuvent être destinés à éveiller des pouvoirs, comme les techniques de
toumo chez les tibétains qui développent la capacité de ressortir le feu
intérieur et donc de résister aux grands froids. Pour aller plus loin, on peut
évoquer aussi les pratiques de magie qui sont des formes de kriyas,
mais qui peuvent tourner à la magie noire. Au fond, quand la vie intérieure est
éveillée, la manière de méditer vient spontanément. On ne peut pas en faire une
généralité. Ce qui vous réussit à vous peut être inutile, voire dangereux pour
d'autres. Il en va de même pour les conseils que le gourou vous donne personnellement,
d'où l'avertissement de Mâ.
Dans ce sens, on dit dans la kabbale qu'il
y a trois niveaux d'enseignements, le niveau général correspondant aux conseils
que le maître donne à un petit groupe, le niveau personnel dans sa relation à
un disciple en face-à-face, et le niveau supérieur sous forme d'expériences qui
remontent spontanément chez le disciple, mais qui n'en sont pas pour autant
étrangères à la présence du maître. Vijayânanda
ajoute que les kriyas ne sont pas si
importants, la voie spirituelle dans son ensemble est beaucoup plus large
qu’une sorte de technologie où la révélation d'un code secret pourrait vous
ouvrir l'accès à tous les programmes d’un coup. Cette voie spirituelle
nécessite un engagement complet de l'individu : il est bon déjà d'avoir
une base large de lectures et de connaissances pour comprendre vraiment quel
est son intérêt, et ensuite de s'impliquer dans une pratique destinée d'emblée
à transformer toute la vie et le comportement concret. Cela est beaucoup plus
large que l'exécution plus ou moins mécanique de certaines techniques
méditatives supposées secrètes et toutes-puissantes.
Il est tout à fait classique en Inde
d'insister sur l'abandon entre les mains du gourou. Ceci choque les occidentaux
qui ont d'ailleurs souvent perdu le lien avec la spiritualité traditionnelle
chrétienne qui insiste elle aussi à sa manière sur l'importance du maître
spirituel et du voeu d'obéissance pour les moines. « Être comme un cadavre dans
les mains du laveur de mort » disait par exemple Ignace de Loyola.
J'ai essayé d'éclaircir ces questions dans mon premier ouvrage, Le maître et
le thérapeute, qui parle de la relation d'aide à la fois spirituelle et
psychologique. De son côté, Swami Vijayânanda
a tendance à distinguer deux niveaux, le niveau concret où il obéissait à la
lettre aux paroles de Mâ, justement pour le plaisir
en quelque sorte de montrer qu'il était capable de faire ce qu'elle lui
demandait, et un niveau plus profond où il gardait tout son discernement et sa
liberté. Mâ
ne semble pas avoir été choquée par son attitude, constatant sans doute qu'elle
relevait plus de la voie de la connaissance que de celle de la dévotion. Dès
leur premier entretien à Bénarès en février 1951, elle avait d’ailleurs
constaté et dit de lui qu'il était un pranava
upasaka, littéralement un ‘adorateur du Om’, c'est-à-dire quelqu'un
qui suivait la voie de la connaissance. Dans ce sens, elle ne lui a jamais
demandé par exemple de faire de poujâ ni de centrer sa dévotion sur la forme d'une divinité
hindoue.
Mâ disait
d'elle-même qu'elle n'était pas une réformatrice, qu'elle avait pris
l'hindouisme comme il était, et qu'elle ne faisait que transmette
l'enseignement de l'Inde ancienne et des rishis-munis de jadis. Elle a accompli cette tâche avec un souci de
la perfection et en transmettant tout autour d'elle une énergie indubitable
d'amour et de joie.
Vigyânânand
Kankhal, Hardwar, Inde, mars 2009
Introduction
à la version hindi de ‘Vangmayî
Mâ’
Les mots prononcés par les lèvres vénérées de Sri Mâ – Mâ qui habite le
coeur de tous, Mâ qui est pure et éternelle – ces mots de Sri Mâ sont une manifestation particulière de la Mère divine
en tant qu’Essence de la parole. Tout au long de Sa Lîlâ (son jeu) en ce
monde, Mâ s’est communiquée dans la pureté de Ses paroles. Avant que ne
s’achève Sa Lîlâ ici-bas, Mâ a donné une idée de ce qu’est l’appel du non-manifesté.
Dans le présent, Mâ brille de son éclat dans les mots de la Katha
Upanishad :
On se libère des serres de la mort
lorsqu’on connaît Cela qu’on ne peut entendre ni toucher, qui est incolore et
inaltéré, qui est sans goût, éternel, inodore,
sans commencement ni fin, qui est distinct de Mahat [l'espace
primordial] et toujours constant.
Mâ a dit : « Je
viens à votre portée, mais je ne vous permets pas de m’accaparer ».
Les paroles reviennent et l’esprit ne peut s’en emparer, comme on dit dans une
Upanishad : yatho vacha
nirvartante aprapya manasa saha
Durant l’accomplissement de Sa Lîlâ,
dans cette sphère qui est à notre mesure – Mâ s’est présentée Elle-même – dans
la forme humaine de la mère – la Lîlâ de Sri Mâ Anandamayî. Elle était
l’âme de Ses disciples et la grâce personnifiée. Elle était d’une douceur sans
pareille et cette douceur masquait Sa divine grandeur. Sa céleste magnificence
allait au-delà de toute imagination. Sa Lîlâ était le Râs, l'essence, la
sève de l'expérience personnifiée. Quelques rares personnes ont le bonheur
d’être en mesure de visualiser, aujourd’hui encore, [dans leur mémoire]
l’irréprochable Lîlâ de Mâ – la Lîlâ dont il faut faire
l’expérience pour la conserver gravée dans la conscience. Mais alors quel est
l’état d’être, la condition, de ces innombrables âmes ordinaires qui ne
jouissent pas de cet incomparable privilège, qui n’ont jamais rencontré Mâ ? En effet, les premiers,
tous ceux qui ont vécu à l’ombre apaisante de l’amour et de l’affection de Mâ –
la mère tendre et douce dans la forme humaine, ceux qui ont grandi sous Sa
protection, sous Sa discipline aimante et chaude, tous ceux-là, ressentaient
que la présence toute proche de Mâ,
était la plus grande consolation durant les temps de détresse et de
souffrance qu’ils connaissaient. La chance inestimable de ces êtres, de ces
disciples de Mâ, aurait-elle pris fin ? Non ! Le privilège
extraordinaire d’avoir vécu aux côtés de Mâ s’est peut-être évanoui, quelque
part dans les méandres du passé, mais les paroles de Mâ, elles, sont là, dans
la forme écrite. Elles sont là, dans le présent. Et elles seront là aussi dans
le futur.
Une force rayonnante et l’image
ineffaçable de Son geste offrant des guirlandes de mantra, ce sont là
d’inoubliables et merveilleux souvenirs de Mâ. Les paroles de Mâ sont la source
d’un intarissable nectar. La publication de ce livre, bénie par la caresse
transcendante de ce ruissellement, est le fruit d’un effort dont on souhaite
qu’il mène à un bain purificateur. Mâ n’a écrit aucun livre. Les mots qu’Elle
prononçait venaient d’Elle, mais ne Lui appartenaient pas. Le nectar de Ses
paroles jaillissait spontanément. Il contenait la réponse aux questions de Ses
innombrables disciples qui souffraient des trois tourments [qui viennent de
soi, des phénomènes naturels et des dieux, une classification habituelle dans
l'hindouisme] que nous, les êtres humains, sommes condamnés à endurer en ce
monde. Nous avons réuni, dans cet ouvrage, un certain nombre des paroles de Mâ.
Mâ Anandamayî manifeste la Mère divine
qui est l’âme du bîja-mantra (mantra-semence), qui a porté à la lumière
les Vêda (Ecritures sacrées), qui est omniprésente, qui est dans la
forme du Pranava [le Om]. Les paroles d’une telle Mère expriment
l'essence des Védas. Les mots de Mâ imprègnent l’univers tout entier. Elle
règne dans l’océan de l’esprit agité de Ses disciples, sous forme de vérité et de paix éternelle.
Qui donc sont les sources concrètes de
ce témoignage – ce livre, en l’occurrence – qui est la manifestation du svarûpa,
de l'essence de Mâ ? Ce n’est ni la pierre, ni le métal, ni le bois. Ce
n’est ni la boue, ni la pluie. Les mots, ce ne sont que les mots. Filtres de
nectar engendrés par les paroles physiques de Mâ. Les source essentielles du
présent ouvrage sont « Ânanda Varta » (journal trimestriel du
mouvement de Mâ publié depuis 1952 et
qui a recueilli jusqu'à ce qu'elle quitte son corps en 1982 ses faits, gestes
et dires lors de ses nombreuses déplacements et interventions publiques), Matri-Darshan
de Bhaiji, ainsi que les enregistrements de quelques conversations, dans
lesquels on peut entendre les paroles de Mâ,
que l’on peut retrouver également couchées sur le papier dans les
livres. Quand on lit ‘Vangmayee Mâ’ d’une voix claire, il s’agit de quelque
chose qui peut être vu aussi bien qu’entendu. Il n’est pas indispensable
d'effectuer comme un rituel d'insufflation de vie à une statue pour la rendre
consciente, ce qu'on appelle Pran-pratishtha C'est l'énergie même
contenue dans la forme lumineuse de Mâ qui infuse son énergie à toutes ses
paroles.
Nous tous, dans notre élan vital,
déposons l’offrande de nos prânam (prosternations) aux
pieds de Mâ.
Le fils dévoué de Mâ, Bhaiji,
devant lequel nous devrions nous incliner chaque matin, nous a enseigné cette
obéissance dans son livre rempli de science spirituelle, « Matri Vandana ».
A ce sujet, nous nous devons de citer quelques mots de Mâ concernant Bhaiji : « Bhaiji
avait coutume de dire, à tout propos, que celui qui suivait pleinement
et consciencieusement les conseils de Mâ, finissait par récolter les fruits de
centaines d’années de sâdhanâ. En ne faisant que cela : suivre les
conseils de Mâ. Bhaiji a vécu près de ‘ce corps’ avec cet intime sentiment (bhâva). »
Nous publions cet ouvrage à la mémoire
de Bhaiji. Il fut la première personne à nous guider pour ce qui est du recueil
et de la mise en ordre des paroles de Mâ.
Pour faciliter la lecture de ce livre,
nous nous sommes efforcés, autant que faire se pouvait, d'en classer la matière
sous différentes rubriques. Nous avons tenu compte, pour cela, des thèmes
développés que nous avons placés dans des chapitres spécifiques. Il est
possible toutefois, dans le cas précis des paroles de Mâ, que la solution
adoptée ne soit pas idéale. En effet, selon l’avis de différentes personnes,
cette disposition par catégories risque d’engendrer une certaine confusion,
voire une interprétation erronée des textes. Et cela parce qu’un même mot de Sri
Mâ peut être interprété de différentes façons, et, selon le niveau du lecteur,
engendrer dans l’esprit de celui-ci, d’étranges vibrations. Les paroles de Mâ
peuvent être classées de diverses manières. Certains mots, inclus dans une
catégorie donnée, pourraient induire le lecteur en erreur et créer une certaine
confusion au lieu de le mettre sur la juste voie. Il était préférable, dans
cette situation de perplexité, d’invoquer la protection de la déesse du
langage, Vangmayee Mâ et de revoir l’ensemble du projet, du début à la fin. De
tout cela devra ressortir pour le lecteur le fait que Mâ est présente dans
chacun des mots qu’Elle prononce, elle qui n’a aucune attente, elle qui est
l’éternelle Mère Ananda-Mayî. Même si la disposition par catégories effectuée
par le rédacteur n’a pas d’intérêt pour certains lecteurs, la recherche et
l’étude en elle-même, quand on s’est placé sous la protection de Mâ, seront
bénéfiques. En fin de compte, le mantra « il progresse » (charaiveti)
sera celui qui mène à la victoire. L’étude et la recherche constituent l’âme de
la sâdhanâ. Quand on s'y est vraiment plongé, les paroles qu'on y étudie
deviennent comme les siennes propres.
Mâ a dit : « L’océan
est dans la goutte, la goutte est dans l’océan ». C’est là le vrai
principe éternel, tellement difficile à saisir et sujet à tant
d’interprétations et de manifestations selon le moment et la situation. Tout
d’abord, quelle est la signification de ce principe en ce qui concerne les
paroles de Mâ ? Que veut dire Mâ lorsqu’elle affirme que « l’océan
est contenu dans la goutte » ? Dans chacune des paroles de Mâ est
contenu comme son thème central, son essence, l'océan de la Parole divine. Et
ensuite, quel est le sens des mots « une goutte dans l’océan » ?
Depuis l’aube des temps, les vibrations de tous les sons existants (manifestés
ou non manifestés) y compris les sons grandioses et puissants, sont
essentiellement mesurables comme des accumulations de grand homme énergétique.
En d’autres termes, chaque son et chaque parole sont de la nature de l'énergie.
Ce livre de paroles de Mâ en hindi est
traduit d'un original bengali.
Le livre Vangmayee Mâ, traduit de
l’anglais en français récemment par Jean E.LOUIS, est disponible chez Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) qui en a fait l’illustration koevoetsg@wanadoo.fr Pour la somme de 20€+ 4€ de frais d’envoi.
PAROLES
DE CONSOLATION
MENANT
A L’ABSENCE DE PEUR
Début de Vangmayee Ma, receuil de paroles
de Mâ, classées
par thèmes
Mâ est là. Pourquoi s’inquiéter ?
Il y a ceux qui sont incapables
de faire quoi que ce soit, ceux qui n’ont aucun soutien dans la vie
spirituelle. C’est de ceux-là surtout dont j’ai besoin.
Si, le coeur empli de foi et de
vénération, tu peux dire ne serait-ce qu’une seule fois « Oh ! Mâ,
venez je vous en conjure, que mes journées ne se passent pas sans Vous ».
Alors, assurément tu auras le darshan de Mâ, Elle apparaîtra devant toi
dans Sa forme réelle et te serrera affectueusement sur Son coeur. Ne L’invoque
pas uniquement lorsque tu es en proie à la détresse, en La considérant comme
une protection magique ou un refuge momentané. Souviens-toi, Elle est toujours
présente et si proche, qu’Elle est comme ton élan vital. Elle te soulagera de
ton fardeau.
En vérité, Je suis toujours avec
vous.
Vous vous demandez si ce que
vous sentez arrive jusqu’à ce corps, n’est-ce pas ?
Oui, oui, oui.
Ce corps aussi n’est qu’une petite
fille impatiente que vous ne pourrez pas renvoyer, même si vous le désirez.
Elle n’est jamais partie et ne partira jamais.Ayez foi en ce corps. Seule une
foi complète vous ouvrira les yeux.
Acceptez ce qui est bénéfique, (shreyas)
rejetez ce qui ne fait que procurer du plaisir (preyas). Une aide
propice va se manifester à coup sûr.
Un doute prend forme dans votre esprit
– pourquoi la sâdhanâ progresse-t-elle aussi lentement ? Père,
amis, vous savez que lorsque vous souffrez du ventre, le médecin commence par
vous administrer un purgatif pour vous nettoyer les intestins. Ce n’est
qu’après qu’il vous donne les médicaments. D’innombrables actions ont été
accomplies durant cette vie et durant les vies précédentes. Aussi longtemps que
leurs effets n’auront pas été épurés, le progrès dans la sâdhanâ sera
lent. Une fois que le corps et l’esprit seront purifiés, le médicament, sous
forme de nama-japa, fera son effet. Aucun d’entre vous n’a progressé
jusqu’à ce point. Alors continuez à agir – qui sait quand viendra le moment
propice ?
L’accomplissement ne s’obtient
que si on le demande. Mais la requête ne devrait se faire qu'avec un esprit
sincèrement et complètement uni à la parole.
Ce corps est partout. Pour
chacun.
Je ne vous abandonne jamais. Je
suis toujours avec vous.
Vous avez eu suffisamment du jeu
de l'intelligence durant votre vie. Victoire ou défaite, peu importe, tout cela
appartient au passé. Même si c'est seulement une fois, réalisez que vous n'avez
pas d'autres aides, regarder vers Lui et jetez-vous sur Ses genoux. Vous
n'aurez pas à vous soucier de quoi que ce soit d'autre.
Notre mère universelle Mâ Anandamayî
Personnification de l'amour de la
compassion
Par Brahmacharini
Kumar Chitra Ghosh
Chitra a été
une assistante proche de Mâ Anandamayî.
Originaire de Calcutta, elle est revenue vivre dans ses ashrams après avoir
fait un doctorat aux États-Unis. Le texte ci-dessous est une contribution à
l'ouvrage ‘Mâ Anandamayî -
incarnation de l'héritage spirituel et culturel de l'Inde’, publié en anglais
par la Sangha de Mâ pour la Samyam
Sapta de novembre 2005. Il s'agit d'un ouvrage de 120
pages qui réunit une trentaine de contributions brèves de personnes qui, en
général, ont connu Mâ Anandamayî
de près.
En mai 1961, Mâ
était à Bombay dans la propriété de feu Shri BK Shah,
qui était le président de la Sangha d’Anandamayî.
Tous les fidèles le Mâ le connaissent sous le nom de Bhaiya [grand frère]. Mâ
résidait au milieu de son jardin dans une maisonnette de bois ressemblant à une
pagode. [Cette maisonnette a été démontée lors de la vente de la propriété de Bhaiya après son décès et a été réinstallée dans le jardin
de l'ashram de Mâ à Kankhal].
Bhaiya avait
fait la demande à Mâ de rendre visite à Gopinath Kaviraj au Tata Memorial Cancer Institute, où
il se remettait d'une opération risquée pour cancer. Gopinath
était l'un de ces philosophes chez lesquels une grande érudition et un savoir
élevé étaient combinés avec une spiritualité profonde et une aspiration sincère
pour expérimenter les vérités exposées dans les doctrines philosophiques.
Gopibaba – comme
Mâ l’appelait – devait bientôt quitter l'hôpital et Bhaiya a demandé instamment à Mâ
d'avoir le kheyal de le visiter le jour même
de sa sortie. Mâ a donc demandé à Bhaiya
d'organiser cette visite. Les docteurs, les infirmières et le personnel de
l'hôpital étaient très désireux d'avoir le darshan de Mâ. Ils étaient surpris de la guérison miraculeuse de Gopibaba après une invasion dangereuse de cancer à un âge
tellement avancé. On fixa une date et j'ai eu la chance rare, et surtout la
grâce de Mâ de l’accompagner avec Bhaiya
et Swami Paramânandaji pour
la visite à l'hôpital.
Quand Mâ a
pénétré dans la chambre de Gopibaba, il était déjà
tout préparé pour quitter l'hôpital avec elle. Les docteurs et les infirmières
avaient formé une ligne pour accueillir Mâ avec des
guirlandes. Elle les a acceptées, mais leur a retourné les malas
après les avoir bénis. Néanmoins, elle a mis de côté une grande guirlande de
roses rouges. On a offert aussi à Mâ un panier de
grosses pommes rouges. Elle les a distribuées et en a mis deux de côté. Elle me
regarda et me demanda de conserver la guirlande de roses rouges et les deux
pommes, en disant en bengali Rakho parey lagbe c'est-à-dire : « Garde-les
pour être distribuées plus tard ! »
À ce moment-là, Mâ,
de sa voix douce débordant de compassion, remercia les docteurs et les
infirmières pour leur service envers Baba, désintéressé et infatigable. Ils lui
répondirent tous : « C'est votre bénédiction, votre kheyal
[intuition spirituelle sûre] et votre grâce qui a sauvé miraculeusement Baba –
nous n'avons été que les instruments de Dieu – rien d'autre ! » Sur ce, j'ai
entendu une voix faible, comme en train de pleurer et de prononcer trois fois ha
Allah ! Je me suis rendu à la
porte de la chambre d'à côté et j'y ai jeté un coup d'oeil. Pendant ce temps, Mâ supervisait l'organisation du voyage de Baba en chaise
roulante. À l'intérieur de la chambre d'à côté j'ai vu un musulman arabe, un
patient cancéreux, avec une barbe brune, étendu à plat sur son lit. Son corps
était tellement émacié qu’il ressemblait à un squelette. Le milieu de sa
poitrine était affaissé, et des larmes de douleur aiguë et de souffrance
coulaient sur ses joues creusées. Il était secoué régulièrement de hoquets. De
temps à autre il prononçait faiblement Ha Allah ! Ses yeux étaient
fermés. L'infirmière qui s'en occupait me dit qu'il était un cancéreux au stade
terminal.
Je retournai près de Mâ.
Elle se rendit dans le couloir vers les ascenseurs avec Gopibaba
et sa troupe de docteurs et l'infirmière. Soudain, elle revint en arrière et
sans un mot, marcha fermement vers la chambre du patient arabe musulman. Bhaiya semblait déconcerté, Paramânandaji
semblait serein ; les autres et Gopibaba étaient
fascinés et s'arrêtèrent simplement en route, stupéfaits !
Je suis rentré avec Mâ
dans la chambre du patient arabe. Bhaiya et tous les
autres se tenaient à l'extérieur. Mâ dit en souriant
: « Baba, je suis venu à vous, regardez-moi ! ». En disant ceci, elle caressa
la poitrine déprimée de ce cancéreux au stade terminal, trois fois, avec un
toucher rempli de compassion douce et de félicité céleste. J'ai senti qu'en
faisant ceci elle était en train de lui donner la libération des liens humains
et des filets de la mortalité. Ensuite elle lui essuya les larmes qui coulaient
en abondance avec le coin de son pagne. Puis elle saisit la guirlande de roses
rouges de mes mains et la plaça autour de la
nuque du patient musulman. Peu après, elle me prit l'une des deux
grosses pommes et la déposa entre ses mains jointes. Quant à l'autre, Mâ la donna à l'infirmière. Maintenant le patient ouvrit
lentement les yeux et fixa Mâ avec un long regard
plein de gratitude – il prit sa main et la plaça sur sa propre tête. Mâ lui fit un geste signifiant qu'il devait continuer à
répéter son mantra du Coran. Ils eurent un échange prolongé de regards. Elle
resta auprès de lui cinq minutes – ses yeux ressemblaient à des rayons X qui
regardaient à travers lui comme si elle pouvait être le témoin de son passé, de
son présent de son futur en un seul instant. Je me mis à pleurer, en voyant
cette union spirituelle du véritable fidèle et de Dieu au-delà des distinctions
de castes, de credo, de religions et de nationalités. Mâ
savait que c'était son premier et dernier darshan. Elle s'en alla à
reculons, au lieu de se retourner, afin que le patient puisse la voir jusqu'à
ce qu'elle soit sortie de la chambre. Les docteurs lui dirent que ses jours
étaient comptés. En effet, le lendemain je pris l'initiative de demander à Bhaiya de se renseigner pour savoir quel était son état de
santé. L'après-midi, il me dit que le patient était décédé la nuit même
paisiblement. Je me précipitai pour annoncer la nouvelle à Mâ,
mais avant que je n’ai pu ouvrir la bouche elle me dit en bengali : Arab desher Baba chole gacchay « Le baba des pays arabes est parti ! »
Ainsi, la grâce de Mâ
qui n'avait même pas été sollicitée (ahetuki
kripa) a hâté son retour dans le séjour du
royaume des cieux, où on trouve une paix perpétuelle. Le baba arabe s'était
éteint.
Seulement Lui (le Divin) sait à qui Tu (Mâ) te révèles
et une fois que vous L'avez connu vous devenez un
avec Lui.
(Ramayana de Tulsidâs)
Mâ Anandamayî, embodiement of India’s Spiritual and Cultural Heritage, p.110
Mâ Anandamayî Sangha Kankhal 249408 Hardwar Uttarakhand Inde, 2005
INDRA LILA,
Le jeu d'Indra ou le mental illuminé.
A
VIGYANANANDA
et aux amis de
Cilaos
Joëlle Coiret est venue participer à une retraite sur l'écoute du
silence à l'île de la Réunion animée par Vigyanânanda,
dans le cirque de Cilaos, pendant les quatre jours du week-end de l'Ascension
2009. Pour meubler ce silence, des orages tropicaux et le tonnerre étaient au
rendez-vous, se réverbérant sur la falaise de 1000 m de dénivelé qui mène au
Piton des neiges, se dressant juste en face du lieu du stage. Ceci lui a
inspiré le poème ci-dessous. Joëlle vient de prendre sa retraite de professeur
de littérature française, et aime bien venir marcher en Himalaya.
Les premiers jours, loin de nous déplaire,
Indra, dieu des orages et de l'atmosphère,
Nous isola sous une
coupole
De pluie continue et de vent fol.
Incarnant l'exubérance de la vie,
Armé du vajra pour
vaincre l'ennemi,
-Notre mental vaniteux ou dispersé-,
Il éclaira nos âmes de paix.
Il envoya aussi le tonnerre
Et ses résonances extraordinaires
Pour révéler de l'espace l'immensité,
Au-delà de Cilaos, dans ses remparts, enfermé.
Surya rivalisa avec lui:
L'Indra-danush, l'arc-en-ciel
en sanskrit,
Dans ses magiques apparitions
Inspira de poétiques méditations:
L'arc du silence lançait allègrement
La flèche de nos âmes visant
La cible éternellement présente du Soi,
Et les coeurs glorieux vibraient d'une joie,
Qui se répandait en ondes illimitées
Jusqu'aux frontières de l'Incréé.
a)Vajra: -foudre;
-objet utilisé dans les rituels
bouddhistes, symbole de l'illumination. Chez les Tibétains, le dorje représente l'Absolu, l'unité au-delà des opposés, la
force.
b)Danush: arc, symbole de la conscience et de la
détermination.
Joëlle COIRET.
Ascension. Mai
2009
Cilaos, Ile de La
Réunion
A MA
VIEILLE AME
(Confession
à Mâ… dans l’avion pour l’Inde)
Par Mahâjyoti
Ma vieille âme est déjà partie !
La blonde aux yeux bleus est restée
Près de Mâ…afin de
déjouer
Les pièges et ruses de la vie…
Ma vieille âme est un vieux barbu
Etait-ce un Sage ? Un vrai Mystique ?
Elle donne un contraste un peu cru
Avec ma blondeur dynamique.
Ma vieille âme comprend trop de choses
Son magnétisme, ses vibrations,
Comme un cri en mon ‘moi’ se posent
Et on me pose des questions…
Car la blonde demeure incomprise
Pour qui ne sait pas lire au fond
Et pourtant son ego se brise
Au cœur de sa méditation.
Elle sait combattre pour de bon
Lorsqu’en titubant elle avance
Elle sent, telle une imprégnation,
La lumière et l’impermanence…
L’avion a pris de l’altitude
L’Inde est au bout de son chemin
Le silence et la solitude
Désormais lui tiennent la
main.
Un jour en rencontrant ‘quelqu’un’
Elle eut la notion du Divin…
La blonde pourra rejoindre enfin
Ce vieux qui est parti si loin….
Ce vieux qui dirigea sa vie
Voyez, je vous l’avais bien dit :
Ma vieille âme est déjà partie…
Pourquoi n’avez-vous pas compris… ?
Geneviève KOEVOETS (Mahâjyoti)
"Le
pessimiste voit des difficultés dans chaque opportunité...
L'optimiste voit des opportunités dans
chaque difficulté..."
Nouvelles
- A Kankhal ce mois d'août 2009, nous avons eu pour neuf jours
un groupe de 27 Français venus faire retraite auprès de Swami
Vijayânanda. Dinesh et Vigyanânanda se sont occupés de leur séjour, auparavant ils
ont fait une visite de trois jours de Bénarès et ensuite rencontré Swami Jñanananda et Chandra Swami dans la région de Dehradun, en plus d’une visite de Rishikesh.
Le voyage a duré en tout trois semaines
- Swami
Nirgunânanda a animé une retraite de huit jours au
Rosaire, une institution religieuse dans les environs de Bruxelles, qui a été
suivie avec intérêt par les francophones. La retraite a été organisée par Paul
et Christine Neefs. Swamiji
a préparé une traduction avec commentaires des lettres de Mâ
à Pran Gopal Mukerjî, Paul a déjà fait la traduction française des
lettres, une publication est prévue dans le Jay Mâ à
partir du prochain numéro. Nous avions déjà publié quelques lettres de Pran Gopal il y a plusieurs
années dans ce même Jay Mâ.
- Vigyanânanda
est de retour maintenant à l’ermitage de Dhaulchina
et à plus long terme pour deux ans en Inde, après quatre mois et demi de
séminaires et conférences qui l'ont amené en France, Belgique, Suisse, Italie
(pour un congrès de la Fédération
italienne de yoga près de Venise), et cinq semaines à la Réunion, avant de
revenir à Kankhal pour la retraite d’août auprès de Swami Vijayânanda.
Nouveaux abonnements
Les nouveaux abonnements par email,
pour deux ans, sont en cours. Ils iront de Mars 2009 à Mars 2011.La
souscription peut être réglée dès maintenant en envoyant comme d’habitude la
somme de 8 € (soit 1 euro par exemplaire trimestriel) par chèques à l’ordre
de Jacques VIGNE, à : José SANCHEZ-GONZALEZ – (nouvelle adresse depuis
Novembre 2008) : 10 rue Tibère - 84110 VAISON-LA-ROMAINE – nagajo3@yahoo.fr - 06 34 98 82 22 - qui conservera la partie administrative. Prière d’aviser ‘ensuite’ (une fois le
paiement effectué) par email : Geneviève Koevoets
(Mahajyoti) koevoetsg@wanadoo.fr
pour qu’elle poursuive les envois,
car c’est elle qui s’occupe, bénévolement, de la partie artistique,
littéraire, de la mise en page, et des envois par emails ainsi que des
illustrations. Pour ceux qui souscriront en retard ou en cours d’année, elle
leur enverra les numéros arriérés afin qu’ils soient à jour de leur abonnement
complet.
C’est une aide qui va à PANUDA à
Bénarès, pour soutenir les éditions indiennes de « Amrita
Varta ». (Panuda sert Mâ depuis plus d’un demi siècle et dirige son hôpital).
Table des matières
Paroles de Mâ, extraites de ‘Vangmayee
Ma’
Dialogues
avec Mâ, extraits de ‘La saturée de joie’ de
Jean-Claude Marol
Préface au
recueil de paroles de Mâ ‘Vangmayee
Ma’, par Vigyânânanda
Introduction
à la version hindi de ‘Vangmayee Ma’
Paroles de
consolation menant à l’absence de peur, extraites
de ‘Vangmayee
Ma’
Notre mère
universelle Mâ Anandamayî, par Brahmacharini Kumar Chitra Ghosh
Indra Lila,
le jeu d’Indra ou le mental illuminé, par
Joëlle Coiret
A ma vieille
âme… par Geneviève Koevoets
(Mahâjyoti)
Nouvelles
Nouveaux
abonnements
Table des
matières
Jay
Mâ N°95 - Hiver 2009-10
Paroles
de Mâ
Extraites
de Vangmayî Mâ, chapitres 14 et 15
(Le site de Mâ www.anandamayi.org est en cours de restructuration, les textes
français seront réinstallés sous peu, enrichis d’une traduction récemment
effectuée par Jean Louis à Nice de Vangmayî Mâ sous le tire ‘Les enseignements
de Mâ Anandamayî classés par thème’. Nous en citons deux chapitres ci-dessous)
14 - DHARMA
L’action qui aide à la réalisation de ce que
chacun aspire à atteindre, c’est le dharma (loi, vertu). C’est pourquoi il
s'agit de l'action juste, alors que celles qui
apportent l’agitation et la souffrance correspondent à une action
induite par le manque-désir, il s'agit de l’adharma (ce qui n'est pas juste).
La voie pour la réalisation du Soi, qui ne
peut être délaissé, c’est le dharma. Chaque individu peut avoir une voie
différente pour réaliser l’illumination du Soi. Continuez à avancer à partir de
là où vous êtes. En vérité, Lui seul existe. Il tient tout en main ett Il ne
lâche jamais. Je le répète, l’action qui conduit à la révélation de Dieu, c’est
le dharma. Dans ce sens, l’inaction, [la paresse], c’est l’a-dharma. En vérité
le dharma est un.
Chacun doit accorder la plus grande attention
au dharma. En effet le dharma est l’énergie du souffle de vie. Il est le Soi et il adhère fermement à
l’éternelle Vérité. Ce que le Soi représente, ce qu’Il est, doit être connu.
Combien de temps devra-t-on rester à l’écart, tel un voyageur qui traîne dans une auberge sur le bord de la
route, au risque de s'égarer ensuite sur des sentiers dangereux ? Il faut
parcourir son propre chemin et entreprendre son propre voyage en écartant les
simples plaisirs éphémères (preyas)
pour choisir ce qui est réellement bon à
long terme (shreyas).
Dieu est dans toutes les
formes. Il ne faut prêter attention qu’à son coeur et à son âme. Tout le monde
devrait savoir qu’il est interdit, dans le Sanatana Dharma hindou, de prononcer
quelque mot que ce soit qui puisse engendrer une querelle ou causer de la
souffrance. En effet Dieu se manifeste dans toutes les formes, ainsi, se heurter à quelqu’un signifie se heurter à
Dieu Lui-même. Chacun de nous a une âme, Seule et Unique. Il est bon de garder
autour de soi une atmosphère calme, paisible et amicale.
La patience est la
branche maîtresse dans le domaine du karma (action) et du dharma (loi juste).
Tous les dharma ont la même fin. Tous les
chemins mènent à la même fin. Nous sommes tous les mêmes.
Avec un état d’esprit pur et bien centré, tout
est possible.
Souvenez-vous que sur le chemin de la droiture
et de la vertu, même l’ombre d’un ego inavoué peut recouvrir le but que l’on
poursuit.
15- LE NOM, LE NOMMÉ
Le Nom ne peut être
distingué du Nommé, ni le Nommé du Nom. Et Lui-même est comme le Nom. L’akshara
(lettre de l’alphabet) est en effet la forme de Dieu. L’arbre germe et pousse
après qu’on en a planté les graines, tout comme le Nom acquiert de la puissance
au fil des répétitions. La répétition progressive et soutenue du Nom de l’élu,
révèlera que tous les noms sont Ses noms et que toutes les formes sont Ses
formes. De même qu’il sera révélé qu’Il est sans nom et sans forme.
Prenez Son Nom, Son Nom seulement. Je sais que
tout est possible si l’on prend Son Nom. Consacrez-Lui autant de temps que vous
pouvez. Si vous n’avez pas la possibilité de passer de longs moments à
psalmodier Son Nom, parlez de Lui, chantez Son Nom ou lisez des livres de
spiritualité. Efforcez-vous de garder votre esprit tourné vers Lui, de toutes
les façons possibles.
La répétition progressive du nom purifie
l’esprit (chitta). L’état mental étant purifié, il y a éveil de la dévotion et
de la vénération et le coeur connaît alors des états d’exaltation qui ne
tardent pas à agir.
Sans cesse chantez le Nom
de Thakur (Dieu). Chantez Son Nom et de ce chant jailliront et s’épanouiront la
dévotion, la libération et la paix. Gardez et portez ce Nom d’une foi ferme et
solide, avec dévotion, avec vénération et oubliez votre orgueil. Vous verrez
que toutes les tâches que vous entreprendrez s’accompliront d’elles-mêmes.
C’est ce qui s’est passé durant le déroulement de la sâdhanâ de ce corps-ci, je
le dis avec fermeté. Ne gardez pas quelque chose de côté pour vous avec
l'intention de tester Dieu. Si vous le faites, il n'y aura aucune probabilité
que quoi que ce soit se produise quant à Sa révélation. Abandonnez-Lui tout ce
qui vous appartient. En effet, c’est Lui qui soutient et a toujours soutenu votre
fardeau, ainsi que le fardeau de l’univers. Rappelez-vous cela.
Faites en sorte d’être
constamment absorbé par le Nom et d’être immergé en Lui. Souvenez-vous qu’on
prend le Nom de Dieu, par amour pour Dieu.
Le Nom de Dieu efface les
karma aussi bien que les péchés et les désirs accumulés au cours de plusieurs
yuga (cycles de la création). De même qu’une lampe qu’on allume illumine une
pièce restée dans l’obscurité durant des milliers d’années, le nom de Dieu
dissipe les ténèbres de millions de naissances.
Lorsqu’une tâche, quelle
qu’elle soit, est accomplie comme il se doit, les résultats qu’on en attend ne
manquent pas d’apparaître. Il est tout à fait possible que l’on soit plongé
dans l’océan de la divine beauté par le seul fait d’avoir l’esprit absorbé par
le Nom. Par suite de la non-différenciation entre le Nom et le Nommé,
l’attitude en ce qui concerne le monde extérieur, disparaît pour le moment et
le pouvoir « auto-illuminant » du Nom, se manifeste de lui-même.
Les jeunes enfants
n’aiment pas beaucoup étudier : ils préfèrent les jeux aux études. Pour les
obliger à étudier, il faut user d’une certaine contrainte, de même qu’on doit
user d’une certaine rigueur à notre propre égard lorsqu’on entreprend de
chanter le nom. Un minimum de pratique est nécessaire. Comme vous le savez,
pour effacer une tache d’un objet, il faut bien sûr frotter cette tache. Et
celle-ci ne peut être éliminée si on ne la frotte qu’une seule fois. De même,
pour allumer une allumette il est nécessaire de la frotter contre une surface
rugueuse et on ne sait pas à quel moment elle s’enflammera. Il en va de même
lorsqu’on chante le Nom. La réalisation survient grâce à la pratique.
Engagez-vous dans le yoga de la pratique.
Une foi solide est indispensable. Et c’est là
qu’est le grand manque. L’action ne met pas fin aux désirs. Interminables, les
désirs apparaissent les uns après les autres. Mais tous les désirs, quels
qu’ils soient, disparaissent, lorsqu’on se donne entièrement au désir de Dieu.
Si l’on arrose, jour après jour, les racines d’un arbre sans même se préoccuper
de soigner ni les branches ni les feuilles, toutes les vieilles feuilles de
l’arbre tomberont malgréa tout et de nouvelles feuilles apparaîtront. De la
même façon, si une personne se dédie entièrement et uniquement au chant du Nom,
elle sera libérée des sanskar (impressions du karma) passés et naîtra à une
nouvelle vie.
Réponses de Vijayânanda
− Quand on vit dans
le monde, peut-on aimer sans attachement ?
− Vijayânanda :
L'amour est comme de l'essence dans la voiture. S'il n'est pas là, rien ne peut
avancer. Je dis souvent : mieux vaut un mauvais amour que pas d'amour du tout !
L'amour pour une personne, entre hommes et femmes, mène souvent à des
complications parce qu'on cherche à limiter l’Illimité. Le gourou attire sur
lui ou elle toute la concentration d’amour du disciple débutant pour qu’il
puisse se détacher du monde, et ensuite le rejette sur lui-même. Mâ elle-même,
à partir d’un certain point, m’a rejeté sur moi-même.
− Qu'est-ce que regardait Mâ quand elle
avait le regard vide ?
− Vijayânanda :
C'est difficile à dire. On croyait parfois qu'elle dormait ou qu’elle était
inconsciente, mais en fait, elle travaillait sur d’autres plans pour répondre à
la demande des fidèles. Par exemple, à une période elle avait été comme proche
de la mort, puis elle s’est remise brusquement. Après, nous avons fait le lien
et nous nous sommes aperçus qu'il y avait le fils d’un fidèle très proche de Mâ
qui était en train de mourir à Paris. Il travaillait dans l'énergie atomique,
et il est mort jeune. Sans doute Mâ est entrée dans cet état de conscience pour
pouvoir l’accompagner. De même, en 1938, quand Bhaiji est mort, Mâ est restée
plusieurs jours inconsciente, elle
devait l'aider à traverser les mondes subtils.
− Est-ce que c’est
le gourou qui sélectionne ses disciples ?
− Une fois, j'ai
demandé à Mâ si je pouvais la considérer comme mon gourou. Elle a répondu :
« Il n'y a qu'un gourou, c’est Bhagavân
! » J'ai ajouté : « Certes, mais nous vous considérons comme Bhagavân, donc
vous êtes notre gourou ! » Mâ n'a rien dit sur le coût, mais à partir de ce
moment-là, elle m'a traité comme un disciple, en me donnant des conseils, des
pratiques, et même de temps en temps en me faisant des reproches, en me disant
« ne fais pas ça », ou en me punissant. Une fois, c'était à Calcutta, Mâ devait
aller visiter en voiture des anciens fidèles. Cela n'aurait pas fait bien
d’arriver avec un occidental, elle m'a donc dit de rester ou j'étais. Je n'ai
rien dit, mais j’ai fait une telle tête que tous les gens autour ont paru
terrifiés. Mâ a tout de suite dit : « D'accord, tu viens avec nous ». Mais j'ai
été puni, car j'avais quand même, d’une certaine façon, contredit la volonté de
Mâ, et j'ai fait une crise de coliques néphrétiques terrible. En fait, Mâ s’est
occupée de moi à ce moment-là comme une mère physique. Le docteur voulait me
donner de la morphine, mais j’ai refusé. La crise s'est passée toute seule.
Cela, c'était la première punition, mais il y en a eu aussi une seconde, c'est
que Mâ m’a mis au régime avec seulement de l'eau de noix de coco.
Depuis quelques temps,
Vijayânanda répète très souvent, durant le satsang, l’un de ses derniers
souvenirs de Mâ :
« C’était peu avant que
Mâ ne quitte son corps. J’étais seul avec elle, elle m’a montré son corps et
m’a dit : « Cela n’est que mâyâ, je suis omniprésente ! ». Je crois ce que Mâ
m’a dit.
Ma Mère Mâ Anandamayî
Par Vishuddha
Om Mâ
Nous avons présenté Vishuddha dans un numéro
précédent. Elle vit actuellement à Kankhal, et Vigyânânand s’est procuré
directement d’elle son livre de souvenirs. Elle a été éduquée à l’ashram de Mâ
de Bénarès depuis l’âge de 10 ou 11ans, après avoir perdu sa mère qui était une
fidèle de Mâ.
Pourquoi cette tentative ?
Certains des fidèles les
plus loyaux de Mâ, comme notre bien-aimée Dadabhai Gurupriya Didi, ont consacré
leur vie simplement pour la servir. Le respecté BK Shah, Swami Shivanandaji,
nos enseignants au Kanyapeeth Renudi, Satidi et autres, m’ont poussée à coucher par écrit les souvenirs de
Mâ. Ce qui a pu être à l’origine de leurs suggestions, c'est que j'ai eu la
rare chance de l'avoir comme mentor. Mon esprit a été alors déchiré dans un
dilemme, est-ce que j’allais être capable de révéler le portrait de Mâ en
pénétrant l'intimité de sa lumière glorieuse qui rayonnait autour d’elle ! Cela
m'a pris des années pour me décider. Ma défiance a cédé après quelques années
grâce à un miracle, ou est-ce que c'était la grâce de la Mère ? Il y a quelques
années, j'étais au lit avec une méningite sérieuse. Pendant la convalescence,
j'ai découvert que j'avais perdu le souvenir de bien des évènements récents.
Néanmoins, et grâce à la miséricorde infinie de Mâ, je me souviens clairement
de beaucoup des vieux incidents à son propos. J'ai senti qu'il fallait les
enregistrer tant qu'ils étaient encore frais dans ma mémoire, sinon un beau
matin ils pourraient glisser dans l'oubli. C'est ainsi que j'ai commencé à
écrire.
Le fait est que j'ai eu la chance rare de
grandir sous l'oeil plein d’amour de Mère. A cause de sa grâce infinie, elle
nous a disciplinées, et elle nous a guidées avec affection autant que par sa
voie divine. En écrivant à propos de Mâ, je peux difficilement éviter des
références à moi-même de temps en temps. Je peux simplement prier comme Tagore
:
« Ne me laisse pas me
mettre en avant moi-même à travers mes actions,
Puisse Ta volonté suprême
être réalisée au beau milieu de ma vie ».
Le Pr Niraj Nath
Dasgupta (Manikda) a parcouru mon pauvre
compte-rendu à propos de Mâ. Il m'a dit : « Vishuddha, vous devez le faire
imprimer de peur que ce ne soit perdu. En effet, c'est le seul récit à propos
de Mâ qui rend bien vivant ses aspects familiers. » Cette affirmation de
Manikda m'a ramenée à ma conscience − il fallait que le travail soit
fait. L'idée de publier cet effort immature ne m'était jamais passée par
l'esprit.
La chance rare de pouvoir
grandir à l'ashram de Mâ et de la servir a été entièrement due aux efforts de
Dadabhai, c'est-à-dire Gurupriya Didi. En 1955, elle était au lit fort malade à
Bombay. Pendant que je l'assistais, c'est elle qui m'a d'abord demandé d'écrire
à propos de Mâ, comme je la percevais. Cela a été une malchance que je n'ai pu
écrire alors. Aujourd'hui, par la grâce de Mâ, ce livre est sur le point de
voir la lumière du jour. Ainsi, tout en mettant à exécution les souhaits de
Dadabhai, je lui dédie respectueusement ce livre, à elle qui a été ma préceptrice et mon instructrice.
Vishuddha
Préface
Om Jay Mâ
Dans cette terre sacrée qui est la nôtre, des
personnes de stature extraordinaire se manifestent à tous les âges pour
réinsuffler de la vie à la spiritualité. À notre époque, une telle
manifestation extraordinaire a été Mâ Anandamayî. Ella a été un miracle pour
deux raisons. D'une part, elle s’est révélée elle-même en une femme − une
maîtresse de maison typique cachée derrière le voile. D'autre part, et en toile
de fond de sa révélation publique, il n'y avait aucun effort conscient sous
forme par exemple de pratiques d'austérité. L'ensemble de l'affaire était une
explosion spontanée proclamant sa venue comme une tempête qui emporte tout dans
son mouvement. Elle est l'incarnation de la déclaration dans le Dévi Sukta :
Ahameva vata iva pravami
« Je souffle comme le vent »
Au contact vital de ce
courant, la vie de nombreuses personnes a été revivifiée comme en une seconde
naissance. L'une d'entre elles est l'auteur de ce livre, « Ma mère Anandamayî
− brahmacharinî Vishuddha. Tout à son propos, depuis son nom même jusqu'à
la mise en forme de sa vie est l'oeuvre de Mâ.
Le seul but de Mâ
Anandamayî était de motiver les êtres humains dans le sens du divin. En
particulier à cause de cette vision du divin, elle évoquait l'esprit de Gauri
(l’épouse de Shiva) dans la femme. « Là où il y a une femme, il y a Gauri » (Mâ
disait souvent cela). Avec le même but
en vue, Gurupriya Didi, qui a servi Mâ de tout son cœur, était associée de
façon inséparable à sa lîlâ divine, elle a fondé le Kanyapîth dans le lieu de pèlerinage
sacré de Varanasi. Vishuddha a logé dans
ce Kanyapîth depuis sa petite enfance et y a été initiée dans les moyens
d'élever sa vie au niveau d’une existence divine.
En tant que résidente du
Kanyapîth, elle a eu la chance de participer directement à un certain nombre de
jeux divins, lîlâ, de Shri Shri Mâ. Beaucoup pourront connaître de ce livre un
compte-rendu détaillé du Savitrî Mahâyajna accompli par le Kanyapîth de Mâ à
Vârânasî. Outre de nombreux incidents de type miraculeux qu'on y a notés, on
voit que Shrî Mâ aussi riait et jouait avec des jeunes filles comme Vishuddha.
Elle se laissait habiller comme elles en avaient envie et parfois, elle
pleurait de façon irrésistible lorsqu'elle détectait certains manquements chez elles : elle se prosternait à leurs pieds en
pleurant avec les yeux remplis de larmes, et elle disait : « Pardonne-moi,
pardonne-moi, ô Toi, déesse, sous la forme de kumarîs (jeunes filles)».
La trouvant baignée de
larmes en répétant les mêmes paroles dans un état de transe, Gurupriya Didi fut
frappée de surprise et lui dit : « C'est nous qui sommes en faute à chaque
étape ! » Mâ répliqua : « Didi, les fautes commises par ceux qui ont été
appelés à se rassembler autour de ce corps n'en sont pas moins aussi avec ce
corps. »
De cette façon, Mâ s’identifiait à tous. Comme
nous réalisons ce fait, nous devons être alertes et essayer de ne pas faire
d'erreur de peur que cela ne revienne sur elle et ne lui donne les larmes aux
yeux. C’est une responsabilité qui repose sur ses enfants. Nous pouvons obtenir
ces instructions merveilleuses de ces anecdotes de Vishuddha.
Govinda Gopal Mukhopadhyay
Mon père aimait beaucoup
l’ancien système védique d’éducation. Il avait envoyé notre frère aîné au
Vidyapîth, l'école de Râmakrishna à Déogarh,
le second ainsi que le troisième frère à celle de Sri Mâ Anandamayî à
Dehradun et ma soeur aînée au Kanyâpîth de Sri Anandamayî à Raipur, qui se
trouve aussi près de Dehradun. Quand nous avons quitté l’Assam pour Kashi,
notre famille consistait de nos parents, de moi-même et de mes deux petits frères. C'était 1944. La seconde
guerre mondiale était en cours, je me souviens que cela nous a pris 14 ou 15
jours pour atteindre Kashi, car les trains étaient remplis et réservés au personnel
des armées. On acceptait les passagers ordinaires simplement quand les trains
étaient vides. L'ashram de Mâ à Kashi n'avait pas encore vu le jour.
Akhandânandaji (le père de Gurupriya Didi, ancien chirurgien chef de la région
de Dhaka) m'a dit : « Sais-tu pourquoi ton père t’a amenée ici ? Il est prêt à
t’envoyer en forêt, dans un lieu de solitude, en ashram. » Il connaissait très
bien les aspirations de mon père pour la vie d'ashram. L’entourage de Mâ m'a
traitée avec une affection qui n'avait pas de limite.
A cette époque, Shrî Shrî
Mâ visitait fréquemment Kashi. Comme il n'y avait pas d'ashram, elle restait
dans une dharamsala ou sur une barque sur le Gange. Un fidèle très dévoué à Mâ,
résidait dans un bungalow près de la gare de Varanasi. À certains moments, on
plantait une tente pour Mâ sur sa pelouse spacieuse. Mâ demeurait d'habitude
là-bas pour quelques jours et ensuite s’en allait ailleurs. J'ai vu Mâ pour la
première fois dans sa tente là-bas. Je me souviens que nous étions sur la pelouse
en dehors de la tente, lorsque Mâ est
sortie en tirant de côté la toile de la porte. J'avais vu la photo de Mâ sur
l'autel de notre pièce dédiée aux activités religieuses. Mais à ce moment-là où
je la voyais pour la première fois en personne, j'ai été tellement captivée que
je pouvais difficilement détourner les yeux d'elle. Près de l'oreiller du lit
de Mâ il y avait une belle rose rouge. À côté de Mâ, la rose pâlissait et
devenait insignifiante. Mâ me regarda et sourit avec douceur. Après lui avoir présenté
nos respects, nous sommes partis.
Mâ vivait la plupart du temps dans une barque
qui était la propriété de la famille royale de Vijayanagar. Quand nous avons
appris que Mâ était arrivée à Kashi, nous sommes partis directement pour la
barque. Le milieu de celle-ci était couvert par une jolie toile épaisse et
carrée. À l'intérieur, il y avait une chambre pour que Mâ puisse s’asseoir ou
s'allonger. Autour, des quatre côtés, il y avait une véranda pour les fidèles.
On avait organisé des discours religieux, satsang, matin et soir directement
sur la barque…
Nous avons entendu dire que Mâ prendrait
quatre ou cinq heures de repos à Maghalsarai,
une gare à 10 km de Vârânasî. Ensuite elle partirait par un autre train
le lendemain. Beaucoup des anciens de l'ashram partirent pour aller présenter
leurs salutations à Mâ. Le jour suivant mes parents, mes deux jeunes frères et
moi-même sommes partis pour cette gare afin de la rencontrer. Je me souviens
que Mâ se reposait dans un fauteuil de la salle d'attente à moitié allongée.
Chacun d'entre nous lui avons présenté nos respects et sommes restés debout
près d'elle. Il faisait très chaud, mais Mâ n'avait pas l'habitude d'utiliser
des ventilateurs électriques et quelqu'un essayait de lui rendre la situation
plus agréable au moyen d’un ventilateur à main. Mâ m'a demandé en souriant : «
Eh bien, mon amie, peux-tu m'éventer ? » Je répondis dans l'affirmative. Elle
demanda à ce qu'on me passe l'éventail. Je commençais à l'utiliser avec
vigueur. J'avais vu que ma mère mouillait l'éventail avant de l'utiliser. Après
quelques temps, je me suis rendue aux toilettes, j’ai mis l'éventail sous le
robinet et me suis remise à éventer Mâ, sans m’apercevoir que ses vêtements
devenaient tout mouillés. Khukunidi (Didi) et ma mère ont essayé de me stopper,
mais Mâ leur a demandé de rester silencieuses. Ensuite elle m'a demandé : «
Peux-tu me masser les mains et les pieds? » Bien que ne sachant pas faire de
massages, par nature, j'étais incapable de dire non à quoi que ce soit. Et
donc, avec un grand sourire, j'ai dit : « Oui ! » Mâ a tendu sa main droite
vers moi et je me suis mise à la masser aussi bien que je pouvais. Mâ a un peu
patienté et a dit : « Non, mon amie, ce n'est pas la manière ! Elle m'a pris la
main et l’a massée convenablement avec les deux mains pour me montrer la bonne
manière de faire. Ensuite j'ai essayé de presser ses mains de la même façon.
Toutes les personnes présentes étaient très amusées en voyant la manière de
faire de Mâ. En trouvant que Didi l’était encore plus, Mâ a dit : « Savez-vous
pourquoi Khukuni est si heureuse ? Vous allez devenir une kanya, une jeune
fille de son Kanyâpîth ! » Cela était étrange, car on ne parlait pas encore de
mon inscription au Kanyâpîth.
Mâ revenait très souvent à Kashi. Pour Dadabhai
(Gurupriya Didi), Kashi était aussi devenu son lieu de prédilection. Elle se
sentait très chagrinée du fait qu’il n'y avait pas encore d’ashram là-bas. Ses efforts pour trouver un
endroit convenable avaient été en vains. Plus tard, j'ai entendu dire par Didi
que lorsque Mâ s’est rendue quelque part en s'arrêtant à Luchnow, elle a
attendu dans la salle d'attente la correspondance pendant longtemps. Didi s’est
rendue aux toilettes pour un bain. Quand elle ressortit quelques temps plus
tard, elle trouva Mâ qui était debout sur une table et regardait de près une
carte de l'Uttar Pradesh accrochée à un mur. Aussitôt que Didi est entrée dans
la salle, Mâ a placé son doigt sur la carte et a déclaré : «Regarde, voici le
site pour ton ashram. » Dadabhai a sauté de joie et en s'installant à côté de
Mâ sur la table a marqué l'endroit proche de la rivière Assi à la limite sud de
Bénarès. Ensuite de nouveau, en allant par bateau le long du Gange, Mâ a
indiqué du doigt l'endroit. Elle a révélé qu'à chaque fois qu'elle passait près
de ce lieu en bateau, de nombreuses formes divines lui avaient fait signe de la
main et l’avaient invitée à cet endroit.
Ensuite, en accord avec
ce kheyal, cette intuition divine de Mâ, le lieu actuel de l'ashram a été
acheté. Autant que je m'en souvienne, le jour de l'inauguration, on a installé
une pierre de fondation et on a accompli une poûjâ au milieu de la cour en face
du bâtiment du Kanyâpîth. Mâ a installé des briques. Elle-même et les autres
ont chanté des kîrtans partout sur le terrain. Un chant continu des noms divins
a suivi à cet endroit pendant huit ou dix jours. On avait organisé le logement
et les repas des fidèles dans plusieurs maisons près de l'ashram. Quelques
jours plus tard, Mâ est repartie.
La première fête à cet
ashram, Vasanti poûjâ (le rituel du printemps en février), a été célébrée à
grande échelle sous un mandapa (une grande tente au toit plat, avec ou sans
murs latéraux). Je me souviens que durant cette poûjâ, on m'a pour la première
fois rendue un culte en tant que Kumarî (un type de poûjâ spéciale où on adore
la déesse dans le corps d'une petite fille de 8-10 ans environ). Peut-être cela
a été Bithudi (Bithika Mukerji) qui m'a drapée dans un sari et m’a oint les
bords des pieds avec de la pâte de santal, une guirlande et du vermillon
liquide. Bishuddha, un grand fidèle de Mâ, a effectué le rituel. On m'a emmenée
sous la tente de la déesse Chandî et placée sur un coussin. Mes pieds ont été
placés dans un grand plateau de cuivre consacré au culte de la Dévi. Bishuddha
m'a rendu un culte et ensuite s'est prosterné devant moi. Il était comme un
père pour moi. J'étais saisie d'embarras quand il m'a honorée en me touchant
les pieds. Après le culte, moi-même j’ai fait aussi pranâm à Bishuddha, ce qui
a beaucoup amusé Mâ.
Le matin de Mahâshtami, une grande foule s'est
rassemblée dans la cour de l'ashram. Ma mère et moi-même étions debout un peu
en dehors de cette foule. Tout d'un
coup, Mâ a émergé du Chandi mandap et s’est approchée très vite de nous. Elle
avait une grande guirlande de fleurs Java rouges autour du cou qui lui
descendait jusqu'aux pieds. Elle la retira et la disposa autour du cou de ma
mère. Ensuite, elle la toucha de façon répétitive de la tête aux pieds, et elle
répéta : « la déesse incarnée, la déesse incarnée, la déesse incarnée ! » puis
retourna au mandap de cette façon même dont elle était venue. Cela fut la
dernière rencontre entre ma mère et Shrî Shrî Mâ. Un mois plus tard, ma mère
est décédée à Kashi. (p.17)
Ma soeur aînée,
Shraddhâ, reprit ses études à la maison.
Quelques jours plus tard, après une brève maladie, ma mère est partie pour la
demeure céleste à Kashi à l'âge précoce de 35 ans. Mon père aimait bien être en
compagnie des religieux et assister à des discours sur des sujets sacrés. Ainsi,
à Kashi, mon père fréquentait principalement des sannyâsis et des brahmacharis
de la mission Râmakrishna et de l'ashram de Mâ ; ils venaient souvent chez nous
pour des discussions religieuses. Il s'est trouvé que le jour où ma mère a
rendu l'âme, il y avait cinq ou six sannyâsis ou brahmacharis à être présents.
Je me souviens qu'ils ont chanté des textes des védas par coeur. Mon père
prenait part dans les kirtans du soir régulièrement avec nous. Ce jour là, en
fin de soirée, à la fin du kîrtan du soir, ma mère a trouvé la paix éternelle
aux pieds de Vishvanâth (« le Seigneur de l’univers », la forme de Shiva
honorée à Bénarès au Temple d’or) en écoutant le chant des sannyâsis et en
restant parfaitement consciente jusqu'au dernier moment. Shrî Shrî Mâ était alors
à Vindhyâchal. En entendant la nouvelle du décès de ma mère, elle a déclaré
qu’elle avait atteint la libération à Kashi après y avoir résidé exactement une
année, un mois, un jour et une heure. » Plus tard, mon père a vérifié en consultant le journal de ma mère et a trouvé
que Mâ avait raison.
Après le décès de ma mère, Shrî Shrî Mâ a
envoyé notre grand-mère Virâjamohinî pour s’occuper de nous. Cette dernière
nous a dit : « En réalité, ceux qui sont privés de mère dans leur enfance sont
perpétuellement dans le chagrin, mais souvenez-vous, ne refusez pas même un
verre d'eau qui vous est donné par qui que ce soit avec amour. Vous trouverez
que jamais dans votre vie vous ne manquerez d'amour et d'affection ». Et il est
vrai qu'en suivant le conseil de ma grand-mère, j'ai moissonné une riche
récolte d'amour et d'affection. J’accepte cela comme un signe de la grâce
perpétuelle de notre mère.
À cette époque à peu près, j'ai eu un accès de
variole et de typhoïde simultanément. Je suis restée longtemps au lit. Certains
ont fait des commentaires du genre : « Elle aimait sa mère tellement qu'elle
est attirée par elle et il se peut qu'elle décède. » Je l'ai échappé belle. Un
jour, j'ai rêvé que Shrî Shrî Mâ faisait les cent pas le long d'une clôture en
fils de fer barbelés sur les bords du Gange au niveau de l'ashram. Moi-même et
ma soeur aînée Shraddha étions aussi par là. En cheminant, Mâ est arrivée auprès de moi et a remarqué en
souriant : « Mon amie, vous allez parfaitement bien ! » Après cela, j'ai retrouvé
progressivement la santé.
Après le premier rituel
au bout d'un an (shraddha) en mémoire de ma mère, Krishnâ, la fille aînée de la
plus jeune soeur de Shrî Shrî Mâ,
Hemanginni Dévî, s'est mariée à mon frère aîné selon les instructions de
Mâ. Les filles du Kanyâpîth n'étaient pas encore arrivées à Vârânasî. Je me
rappelle que ma belle-soeur, Krishnâ, a reçu les bénédictions d’usage en
présence de Mâ avec de l'herbe durva
apportée des jardins de l'ashram et une lampe allumée. Mâ a distribué
des sucreries à tous. Comme tout cela se déroulait, une dame est arrivée avec
un bol de riz au lait pour Mâ. Tous ceux qui étaient présents ont donné ce riz
à Mâ avec une cuiller d'argent. Je me suis aussi avancée, et Didi a demandé : «
Quoi ? Toi aussi tu veux nourrir Mâ ? » J'ai fait un signe de tête que oui et
j'ai souri. Mâ aussi a souri avec douceur et a dit : « Laissez-la faire ! »
Sans me soucier de rien d'autre, j’ai placé le riz au lait dans la bouche de Mâ
avec une cuiller pleine. Mâ a souri et a dit : « Vous avez vu que sa main n'a
pas du tout tremblé ! » C'était la première fois que je nourrissais Mâ, à cette
époque j'avais 10 ou 11 ans. (p.21)
Mon nom à la maison était
Gayatrî. Comme il y avait une autre Gayatrî au Kanyapîth, Gangâdî (Gangâdevî Panchatîrtha) qui était
responsable du Kanyâpîth a attiré l'attention de Mâ sur ce fait. Cette dernière
m'a alors appelée Shuddha. Quand ma grand-mère a appris ce nouveau nom, ses
yeux se sont remplis de larmes et elle a dit : « une Shuddha qui avait reçu ce
nom de Mâ est morte prématurément, est-ce que ce sera encore une nouvelle
Shuddha ? » Mâ a appris cela de Gangâdî en montant les escaliers, et elle a
frappé des mains en disant : « Quoi que vous disiez, je n'écarterai pas
‘Shuddha’, mais vous pouvez tout à fait y ajouter ‘vi’ pour changer ce nom en
‘Vishuddha’ ! » Comme j'étais quelque peu capricieuse, Kshamadi, Renudi et
d’autres m’ont appelée Bicchu, scorpion, affectueusement pendant que
Bimaladi (Swamùi Dayanândajî) m’appelait
Bishou.
Débat
La pensée de Gandhi
Par Richard Lavergne
Richard pratique la
méditation transcendantale depuis plus de 20 ans. Il travaille comme ingénieur
pour l'environnement et a fait récemment une formation de psychologie
transpersonnelle sur trois ans. Il est venu plusieurs fois en Inde avec les
voyages de Jacques Vigne, il connaît donc l'ashram de Kankhal et a médité sur
l'enseignement de Mâ. Il a senti de nous livrer par écrit quelques-unes de ses
réflexions sur les contradictions de l'Inde moderne, que nous publions telles
qu'elles ci-dessous.
Hier soir, sur la chaîne
ARTE, je regardais un film documentaire qui racontait le périple d’un
journaliste voyageur, parti sur les pas
de « la route du sel » du Mahâtma Gandhi lors de sa lutte pour l’indépendance
de l’Inde sous la colonisation britannique.
Ce journaliste,
inlassablement, village après village, recherchait les traces de cette épopée ;
les personnes encore vivantes et les lieux historiques ou chargés de mémoire.
Quelle désillusion pour
lui-même et pour moi, de faire le triste constat que les jeunes générations
d’indiens se fichent comme de leurs premières sandales de ce passé glorieux à
beaucoup de points de vue.
L’Inde est en plein
bouleversement, le grand mirage économique profite à une petite partie de la
population, laissant sur le bas-côté les trois quarts restants.
Je me souviens de ce jeune homme, gras comme
un porcelet, annonçant fièrement que les idées de Gandhi sont d’un autre temps
et qu’elles n’ont qu’à y rester. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de gagner de
l’argent, par n’importe quel moyen.
Je vois encore les pauvres gens vivant dans
les bidonvilles du Gujarat, en attente d’expulsion de leurs pauvres logis pour
libérer des terrains où des politiciens véreux feront construire des complexes
touristiques et des supermarchés, largement arrosés par les sociétés qui
pourront s’installer à peu de frais.
Tant pis pour les pauvres, on peut se passer
d’eux…
Dans sa démarche, Gandhi promouvait la justice
et l’équité, le respect de l’homme et de la nature, écologiste et prônant un développement durable avant
l’heure basé sur un équilibre social et une juste répartition des richesses que
dispense la terre à ses enfants.
Les classes dirigeantes de l’Inde ont,
semble-t-il, renoncé à l’idéal du
Mahâtma, à la vision de tous les sages et héros que ce coin de terre a porté
depuis des millénaires. Ces héros incarnant la loi du Dharma ont toujours permis à l’Inde de sortir de la domination des envahisseurs.
Mais aujourd’hui, l’envahisseur se trouve dans
le cœur des Indiens. Les forces de l’argent balayent tout sur leur passage, la
corruption est un fléau qui ronge ce pays
et peut le réduire à néant spirituellement.
Les indiens se sont laissés séduire par
l’illusion du matérialisme et du consumérisme.
Quelle tristesse de
constater que pour beaucoup l’idéal se limite à acheter des biens matériels et
à se goinfrer dans les « MACDO », beaucoup d’entre eux sont déjà à
la limite de l’obésité.
Gandhi a, lors de son
passage, matérialisé en quelque sorte la pensée spirituelle de tout un peuple,
ceci a probablement été possible en raison
d’une intense spiritualité ancrée dans cette contrée. Les grands maîtres
connus par l’occident de la fin du XIX ° siècle et du XX° siècle étaient des
maîtres védiques inspirés par la tradition multi millénaire.
Mais le rêve de Gandhiji,
au moment où il était sur le point d’aboutir, a été brisé par le refus
peut-être, de la caste garante des valeurs spirituelles, à l’essence même de
l’Inde, ainsi que par le conflit avec un système religieux tellement différent
de l’hindouisme et vestige des envahisseurs Mogols : l’Islam.
Dans la tradition fondamentale de l’Inde
illustrée par le Ramayana et le Mahâbharata, le souci de l’harmonie et de
l’équilibre social est très présent, l’équilibre social ne peut exister s’il
n’est pas structuré par des valeurs qui imprègnent fortement toutes les couches
qui composent cette société.
De même, ces valeurs ne peuvent perdurer si ceux
qui prétendent présider au devenir de la société, de la Nation, du Pays, ne les
entretiennent pas et n’en prennent pas soin comme le trésor le plus précieux,
ce qui doit être préservé et qui est garant
des temps futurs.
Ceux qui dirigent la société sans souci de leur
prochain, que seuls le pouvoir et le gain motivent à poursuivre ces fonctions,
sont des imposteurs et des voleurs, devant les hommes et les dieux.
L’état d’esprit ‘occidental’ a ravagé
l’ensemble de l’humanité : la destruction des peuples anciens, la destruction
de la nature, la destruction de l’espoir dans le futur et de la connaissance du
Divin.
L’Inde s’engage dans une voie dangereuse pour
elle-même et le reste du monde.
Terre élue pour préserver et sauvegarder le message de l’absolu pour la liberté du monde, Inde, sauras-tu
renaître de la cendre et de la poussière qui te recouvrent, ces scories qui ne
sont pas toi.
Es-tu prête pour recevoir KALKI, le dernier
avatar… pour rappeler aux hommes le devoir sacré du Dharma qui est celui pour
tout être humain d’accéder à sa nature véritable, se connaître lui -même dans
le Soi et entrer dans l’Unité ?
Nous vivons des temps incertains ou beaucoup
de nos semblables n’ont pas reçu le cadeau fondamental de l’initiation sous
quelque forme que ce soit. Sans cette expérience de la profondeur du Soi et du
renouvellement de celle-ci, l’être humain reste la proie de forces et de
volontés étrangères à lui-même et dont les intentions peuvent être obscures. Un
grand combat est en train de se livrer entre les influences créatrices et
destructrices, sur notre planète. Nous devons en être très conscients. Le cumul
de grandes crises : financière, économique, politique, écologique,
épidémiologique, annonce de grands changements. Le mode de pensée qui a généré
ces crises ne peut pas les résoudre.
Les armées célestes de Dévas et Dévatas (Etres
divins) et celles des asuras (Etres démoniaques), sont rangées en ordre de
bataille, les vainqueurs prendront possession des consciences humaines.
Ne pas avoir de filiation spirituelle en ce
monde, c’est être orphelin de la vie.
Enfin, malgré tout, l’espoir demeure. Toutes
les grandes lumières spirituelles qui ont traversé les temps de l’humanité ont
déposé des graines qui germent et germeront.
La lumière est toujours la plus forte, une
petite lumière fait reculer une grande obscurité.
(Tous ces propos n’engagent que leur auteur,
en aucun cas, ils ne sont dictés par une intention extérieure).
Richard Lavergne
Réflexions
de Shri Nisargadatta Mahârâj
En plus de son article
sur la pensée de Gandhi, Richard Lavergne nous a envoyé cette sélection
intéressante de pensées de Nisargadatta Mahârâj.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
Très peu de personnes en
ce monde peuvent raisonner normalement. Il existe une terrible tendance à
accepter tout ce qui est dit, tout ce qui est lu, accepter sans remettre en
question. Seul celui qui est prêt à remettre en question, à penser par
lui-même, trouvera la Vérité ! Pour connaître les courants de la rivière, celui
qui veut la Vérité doit entrer dans l'eau.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
La rivière de la vie
coule entre les rives de la souffrance et du plaisir. Il n’y a de problème que
si le mental refuse de couler avec la vie et reste cloué aux rives. Ce que
j’entends par couler avec la vie, c’est l’acceptation, laisser venir ce qui
vient et laisser aller ce qui va. Ne désirez pas, n’ayez pas peur, observez le
présent tel qu’il est et quand il arrive, car vous n’êtes pas ce qui arrive,
mais celui à qui ça arrive. »
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
Apprenez à vivre sans
inquiétude pour vous-même, et pour cela il faut que vous sachiez que votre être
vrai est indomptable, sans peur, toujours victorieux. Quand vous savez, d’une
certitude absolue, que rien, sauf votre propre imagination, ne peut vous
troubler, vous en venez à ne plus tenir compte de vos désirs et de vos
craintes, de vos concepts et de vos idées, et à ne vivre qu’en fonction de la
Vérité.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
C’est le désir qui donne
la naissance, qui donne le nom et la forme. On imagine et on veut le désirable
et il se manifeste comme quelque chose de tangible ou de concevable. C’est
ainsi qu’est créé le monde dans lequel nous vivons, notre monde personnel. Le
monde réel est hors du champ du mental ; nous le voyons à travers le filet de
nos désirs, divisé en plaisir et misère, juste et faux, intérieur et extérieur.
Pour voir l’Univers tel qu’il est vous devez passer de l’autre côté du filet.
Ce n’est pas difficile, le filet est plein de trous.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
C’est toujours le faux
qui vous fait souffrir, les faux désirs comme les fausses peurs, les valeurs et
les opinions fausses, les fausses relations entre les gens. Renoncez au faux et
vous serez libéré de la misère ; la Vérité rend heureux - la Vérité libère.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
Qu’est-ce qui est né le
premier, vous ou le monde ? Tant que vous accordez la première place au monde,
vous êtes lié par lui ; une fois que vous aurez réalisé, sans l’ombre d’un
doute, que le monde est en vous et non vous dans le monde, vous serez hors du
monde.
http://idata.over-blog.com/1/22/04/29/fleur.gif
Dès l’instant où vous
serez profondément convaincu de ne rien pouvoir dire d’autre de vous que « je
suis » et que rien qui puisse être désigné soit vous, le besoin du « je suis »
sera dépassé et vous ne serez plus appliqué à vous définir avec des mots. Tout
ce dont vous avez besoin, c’est de vous débarrasser de la tendance à vous
définir. Toutes les définitions ne s’appliquent qu’au corps et à ses
expressions. Une fois l’obsession du corps disparue, vous retournerez
spontanément et sans effort à votre état naturel.
SRI NISARGADATTA
MAHARAJ
(Envoyé par Richard
Lavergne)
Autres merveilles discrètes
Jean-Claude Marol à propos de Mâ
Autres merveilles
discrètes
Une femme vint à Ma désespérée : « Mon mari
est mort. J’ai pu le supporter car j’avais ma fille unique. Une enfant
délicieuse et douée. A douze ans, elle vient de mourir ; ça, je ne peux pas
l’admettre. » Mâ lui parla longuement et finit par lui dire « je suis ta fille
». La même femme réapparut quelques mois plus tard, sereine. Elle confia : «
Quand Mâ m’a dit ‘je suis ta fille’, elle avait exactement la voix de ma fille,
j’en fus bouleversée. A partir de là, mon cœur a commencé de s’apaiser. »
Les sept rivières
Point
En Inde, nous
rencontrerons encore cette joie intégrale, Anandamayî, dans un antique
diagramme, le Sri chakra (roue splendide), considéré comme le signe des signes,
et vénéré par de nombreux courants religieux. Ce sceau exprime la déflagration
du principe essentiel suscitant toutes les manifestations, et montre par là
même, leur résorption. Ce yantra (littéralement : support entraînant), le
seigneur des yantra, montre le processus de déploiement et de repliement de
l’univers.
Gigantesque palpitation,
la ‘roue splendide’ illustre la relation paradoxale du Plein Repos et du Plein
Mouvement. S’y interpénètrent :
4 triangles mis en
abîmes, et posés sur leur base – donc pointes en haut - qui interprètent l’être
immuable, transcendant toute manifestation : Shiva.
5 autres triangles mis en
abîmes, ‘reposant’ eux, sur leurs pointes – en bas. Qui traduisent l’énergie
pure qui suscite tous les aspects de la manifestation : Shakti
Tout au cœur de cette
figure irradiante qui célèbre le Un, à la fois indifférencié et toujours prêt à
toutes les variations, réside une ultime matrice triangulaire (le cinquième et
plus petit triangle, pointe en bas), nommée ‘la roue de l’acquisition de tous
les dons’, sarvasiddhi pradha chakra.
Dans l’abîme de cette
enceinte féminine, est le point germe, souvent nomme bindu (semence), et plus
secrètement sarva-anandamaya chakra (roue entièrement saturée de joie).
En ce foyer de joie
suprême, tout prend son origine et se résorbe.
Dans un des premiers
textes fondateurs des ‘visions’ indiennes, elle est nommée encore ici, au cœur
du cœur, au point-limite, à l’origine :
Anandamayî, la joie toute
présente.
Par vagues
‘ Indes’ …. Les Indes sont un pays pluriel !
Ce mot même dérive d’une dénomination sanskrite : Sapta Sindhavah (sept
rivières). ‘Indes’ dérive donc de ‘rivières’ (sindhava) au pluriel ….bien plus
de sept, en réalité ! L’Inde est région d’affluence ! S’y mêle une
invraisemblable quantité de limons culturels, et il est impossible d’aborder
une figure comme celle de Mâ Anandamayî, aussi libre soit-elle de toute
contingence, sans la situer sur ce sol qu’elle n’a cessé de fouler. Elle disait
:
Je ne vous réponds pas. Cela passe par ma
bouche. Les réponses sont vôtres, comme vos questions sont vôtres.
Réalisons cela, ce sont majoritairement des
indiens qui se sont adressés à elle ! De son vivant, il n’y eut aucune
imprégnation occidentale, avec son cortège connu d’ambitions expansionnistes,
de frénésie ‘guru-maniaque’, d’argent versé de façon claironnante et
prédatrice. Certains occidentaux étaient là, peu et tellement assimilés, qu’ils
se faufilaient aussi discrètement que possible, sans ‘marquer leur territoire’
!
Ecouter l’Inde pour écouter Anandamayî a donc
son importance, même si bien entendu ce qu’elle est, et ses chemins pour nous
rejoindre (quelles que soient notre culture ou inculture…) s’inventent,
toujours inattendus, toujours neufs :
De nombreuses âmes – pas
seulement les plus pures ! – viennent à moi. Je les rencontre chacune, selon
son mode de compréhension.
Venons donc à Mâ
Anandamayî, si nous le pouvons, en visiteurs attentifs aux parfums de cette
terre si habitée, et non pas seulement en touristes pressés de rapporter leurs
clichés. Le sous-continent indien, par sa forme même de triangle pointe en bas,
a été vu comme le yantra
(Nous l’avons dit plus
haut, ‘le support entraînant’ de la déesse Mère …. Et tel est le chant national
de l’Inde. Les Indiens disent leur mantra Vandematram :
Mère, je te salue,
Toi qui détiens la force
de la multitude,
Toi qui écartes les
démons malfaisants.
Tu nous sauves, ô Mère.
Tu es sagesse et loi,
Tu es notre cœur et notre
âme,
Tu es notre corps, notre
propre force
Et l’amour et la foi dans
notre cœur !
Le célèbre poète bengali,
Rabindranath Tagore (1861-1941), qui fit tant pour servir la culture de son
pays (il fut Prix Nobel en 1913), lui a consacré un hymne, dans la même
mouvance de sensibilité :
Quand les ténèbres dans
leur longue horreur pesaient encore sur notre terre inerte, ta Mère la tenait
dans ses bras ; ses yeux grands ouverts, scrutaient son visage.
Chez nous, ‘patrie’ est
le pays du père. Les indiens appellent communément leurs pays Matribhumi
(littéralement : Mère-Terre).
Ce serait révélateur de
placer le chant-mantra national de l’Inde, face a d’autres chants nationaux, à
notre « qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » par exemple….[Note de
Vigyânânand : en fait, le jeune Rouget de l’Isle qui a composé la Marseillaise
en débarquant de La Réunion en France s’est beaucoup intéressé à l’Inde durant
sa maturité. Il est tombé amoureux d’une indienne et a écrit de très beaux
poèmes à la Dévî, nous les citerons peut-être dans un prochain Jay Mâ]. L’Inde
où l’on chante même dans les casernes « Mère, je te salue » est la contrée de
ce monde où Mâ Anandamayî s’est manifestée pour nous tous.
L’Inde est une énergie
matricielle, qu’il n’est pas vain d’approcher et d’aimer. N’oublions pas non
plus qu’elle nous parcoure depuis des siècles.
Goûter le fruit
Vous faites volontiers la distinction entre
Bhagavan et Bhagavatì, ‘un Dieu’ masculin et ‘une’ énergie féminine. Pourtant,
d’un certain point de vue, il n’est nullement question de masculin et de
féminin.
D’un autre point de vue,
la divinité semble divisée entre ces deux aspects. Nous le voyons, l’un émeut
l’autre pour développer sa puissance et son activité. Cet état de fait, nous
l’appelons shiva-shakti.
Le héros reste sans forme
tant que son héroïne ne l’a pas inspiré ; le disciple cherche en un maître le
sens de sa vie ; de même, l’âme reste inerte, jusqu’à ce qu’un choc divin la
ranime ; elle découvre d’un coup que l’ensemble du monde extérieur – comme le
monde intérieur, sont inséparables.
Il n’y a donc qu’une
question : connaît-on Cela, oui ou non ? C’est tout.
Rappelons-nous. Alors
qu’on demandait à Jésus :
Entrerons-nous dans le
Royaume ?
Il répondit vivement :
Quand vous ferez de deux,
un, et vivrez l’extérieur comme l’intérieur et quand vous expérimenterez mâle
et femelle comme une seule chose. (Evangile de Thomas)
Une rencontre avec Vijayânanda à
Kankhal-Novembre 1977
Puisque Mâ est itinérante,
nous tentons un autre ashram, celui de Khankal. Je me souviens d’un joli
paysage près d’une rivière. Mâ n’est pas là, mais un médecin, français de
surcroît, est d’accord pour nous recevoir. Nous nous asseyons tous sur de jolis
rochers arrondis et tout blancs, au soleil, que le cours d’eau a dû apporter là
lors de ses crues. Il doit faire 25 degrés, et nous y sommes parfaitement bien.
Nous sommes au fin fond de l’Inde, et le voilà en train de nous parler de…
Louis Jouvet, de la qualité de sa présence sur scène ! Notre interlocuteur, qui
semble avoir une petite soixantaine d’années, aime bien le théâtre et semble
content de parler à des français. Il est manifestement très cultivé. Mais il a
une telle qualité d’être que ses paroles paisibles, ponctuées de nombreux
silences, sont envoûtantes. Tout le groupe le ressent, nous sommes tous touchés. Pourtant, ce qu’il
dit ne m’intéresse pas vraiment, dans la mesure où, sortant de khâgne, j’ai
justement une overdose de culture française, et je préfèrerais dix mille fois
parler des moyens d’arriver à Dieu. De plus, à cette époque, je ne comprends
pas ce qu’il entend par « Présence » et passe donc complètement à côté du sens
réel, pas aussi purement « culturel » qu’il y paraît, des propos tenus à ce
groupe de 20 personnes, tous thérapeutes, sauf moi, et presque tous
quadragénaires. Pourtant, il se passe bien « quelque chose ». La qualité de ce
qui émane de lui est contagieuse… Elle m’amène à regarder la nature à l’entour
avec une sensibilité nouvelle, à m’ouvrir comme une fleur qui cherche à
s’épanouir, tout en restant branchée sur lui, source de mon inspiration.
Instant de grâce, tout à fait paisible… Instant tellement naturel que je ne me
rends même pas compte que c’est la première fois que ce genre d’ouverture se
produit en moi. Le nom de cet homme est Vijayânanda…
Mais sa qualité de présence me frappe
suffisamment pour rester très précise et pour que j’en parle à Jacques Vigne à
Cannes en avril 2009. Il se fait un plaisir de m’expliquer qu’à cette période,
Vijayânanda redescendait tout juste de l’Himalaya où il avait vécu en ermite
pendant 10 ans…Je comprends maintenant qu’il ait eu en effet une si belle
présence !!! Vijayânanda qui est encore en vie aujourd’hui (95 ans) et qui est
en fait le principal disciple européen de Mâ. Il nous avait reçus avec une
telle simplicité que nous ne nous sommes doutés de rien ! Certains membres du groupe l’avaient cru
heureux de parler de la culture française, alors qu’il était surtout dans un
tel niveau d’accueil qu’il nous a en réalité fait une conversation abordable
pour nous tels que nous étions…tandis que la qualité de son être travaillait
chacun dans la profondeur, incognito. Voilà pourquoi nous étions touchés !
Renoncement…
Le moment est venu où
l’on doit se quitter
Ce sera au Divin que l’on
dira ‘je t’aime’…
Renoncement, courage,
émotions maîtrisées,
Le non-attachement devra
nous libérer
Pour que l’ego-passion
n’engendre plus les peines
Mais que la joie
fleurisse au sein de nos pensées…
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
-
Nous avons célébré le 95ème anniversaire de Vijayânanda le 26 novembre ;
il y avait là un groupe de 20 ou 25 personnes, avec un certain nombre d’entre
elles qui étaient venues de Paris pour une période brève, ou d’autres qui
voyagent à plus ou moins long terme en Inde et qui se sont arrangées pour être
là à cette période.
- La grande Kumbha-Mela d’Hardwar
revient après 12 ans, du 14 janvier au 15 avril 2010. Le Centre International
est en train de finir d’être restauré, mais il ne sera pas garanti que les
occidentaux puissent y être logés vu le nombre de demandes de toutes parts. Une
autre solution est de s'adresser à Dinesh Sharma, l’assistant de Vigyânânand
pour les voyages : teerthtravel.har@rediffmail.com
- 0091-98 97 28 39 82 - Il a le moyen de réserver juste en face de
l'ashram de Mâ au Shivshakti Peeth, qui a été construit il y a juste un an.
Vigyânânand et lui organiseront deux groupes pour rencontrer des gens
intéressants durant cette Kumbha-Mela. Le premier sera du 6 au 18 mars, le
second du 24 mars au 10 avril. A Kankhal, le groupe sera logé à ce Shivshakti
Peeth. Nous aurons tous les soirs le satsang avec Swami Vijayânanda, et pendant
la journée, en plus des visites des camps de la Kumbha-Mela et de l'observation
des processions les jours de grands bains, il y aura des sessions de méditation
guidée et de questions-réponses. Les gens intéressés auront tous les renseignements
sur le site www.jacquesvigne.fr.st ou sur www.teerth.org. Les visiteurs
individuels sont aussi les bienvenus, simplement, il est plus prudent pour eux
de prendre contact bien à l’avance pour réserver leur chambre, sinon ils
risquent de ne rien trouver ou de ne trouver que des logements très chers. Il y
a cependant toujours la solution d'aller dans les camps et de dormir sur la
paille à la manière traditionnelle.
- Le site de www.anandamayi.org est en cours de restructuration, les textes
en langues autres qu’anglaise n'ont pas encore été réinstallés mais ils le
seront sous peu. Nous allons mettre en ligne les paroles de Mâ classées par
thèmes, qui sont traduites du bengali, mais non encore publiées en anglais,
avec l'aide de Swami Nirgunânanda. Pour éclairer les passages obscurs,
Vigyânânand a discuté directement avec Nirgunânanda à l’ermitage de Dhaulchina.
- Celui-ci est en train de préparer une
édition des lettres de Mâ Anandamayî à Brahmar Ghosh. Il y environ 25 lettres
qui ont été retrouvées dans un vieux cahier par hasard par Swamijî dans la
bibliothèque d’Almora, elles sont déjà traduites en français (nous avons publié
une première traduction de la plupart dans le présent journal) et Swamijî est
en train de compléter un commentaire d’une centaine de pages à leur sujet. Il
s'agit d'un des premiers documents écrits de l'histoire de Mâ, d’où leur
importance.
Abonnements
Les abonnements au ‘Jay
Mâ’ se prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire,
et pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger
à l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue
Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr - Ne pas oublier de prévenir Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) une fois le règlement avéré, car c’est elle qui se charge
bénévolement de vous envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr
Table des matières
Paroles de Mâ
Réponses de Vijayânanda
Ma Mère Mâ Anandamayî par
Vishuddha
La pensée de Gandhi par
Richard Lavergne
Réflexions de Shrî
Nisargadatta Mahârâj
Autres merveilles
discrètes par Jean-Claude Marol
Une rencontre avec
Vijayânanda à Kankhal (1977)
Renoncement par Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
Abonnements
Table des matières
Jay Mâ N° 96 - Printemps 2010
Paroles de Mâ
Extraites des
Enseignements de Mâ Anandamayî
Devoir
78
Voici les devoirs de chacun : japa,
dhyân et satsang.
79
Que cela plaise ou non, il faut
vivre avec Lui. Il faut avaler cela comme on avale un médicament. Parler de Hari,
voilà lapa&role réelle. Tout le reste n’est que non-sens et anxiété [vritha-vyatha].
Et on ne peut en parler que si on L’aime. Souvenez-vous de cela. Toujours.
80
Où, quand et comment Dieu vous
maintient -t-il ? On doit tous considérer comme bénéfique. Tâchez de
poursuivre votre route en ne dépendant que de Lui. Il est le protecteur et le
guide. Il est toutes choses.
81
Chacun doit accomplir son devoir
sans en attendre aucune contrepartie.
82
Le corps appartient à Dieu, l’esprit
appartient à Dieu, tout le monde appartient à Dieu. Quoi que vous fassiez et
pour qui que ce soit, considérez que vous le faites uniquement pour Lui. Et
faites en sorte de garder votre esprit à un niveau élevé. Qu’est-ce qui est,
sans être vu ? Ce qui doit encore être révélé.
83
Mâyâ est là, aussi longtemps que le sens du devoir
existe.
84
Le désir se manifeste sous la forme
du sens du devoir.
85
Dieu pénètre tout, Lui seul est
l’image et le temple de chacun. Seule la grâce de Dieu nous incite à l’aimer et
c’est là une question de chance. Il serait bon de développer l’amour entre Dieu
et l’homme. C’est le seul espoir de paix et de bonheur. Réfugiez-vous toujours
à Ses pieds.
86
Faites en sorte de garder votre
esprit à Ses pieds. La grâce de Dieu, l’océan de miséricorde et le bienfaiteur
universel, s’y déverse sans discontinuer. Penser toujours au bien est une
obligation. Le bien c’est l’espoir de la révélation de Dieu, c’est-à-direla
béatitude parfaite et l’illumination parfaite.
87
Il est dans la nature de l’homme
d’invoquer Dieu et de chercher la réalisation du Soi. Invoquer Dieu c’est se
défaire du sentiment dumanque. Le but de la vie humaine devrait être la
réalisation divine. .Le renoncement viendra spontanément pour nous
rendre capable d‘accepter quelques chose de supérieur, comme on laisse un objet
qui était dans la main pour en prendre une autre. On doit accepterr ce qui est
éternel et vrai.
L’attirance est accrochée à celui
qui est asservi.
88
Il n’y a personne au-dessus de Dieu.
Toutes les choses qu’Il fait, Il les fait Lui-même. Personne n’est en mesure de
faire quoi que ce soit. Il est bon de se le rappeler. Il n’y a qu’à Dieu qu’on
peut faire confiance. Lorsque quelqu’un d’autre semble avoir l’intention
de nuire, il est bon de réciter des japas de son Ishta, aussi
longtemps que perdure cette intention. S’en remettre toujours à son Ishta
Deva.
89
Quel remède l’homme a-t-il à sa
disposition dans ce monde des vivants si ce n’est le recours à l’endurance et à
la patience ? Il est préférable de garder son calme en se raisonnant. Il
faut accomplir sa tâche de la meilleure façon possible. L’homme ne devrait
penser qu’à Dieu.
90
Lorsqu’on chemine sur la voie
spirituelle qui mène au Soi, et que l’on progresse avec patience, sérieux,
calme et détermination, le déferlement des vagues – obstacles et difficultés –
n’influe en rien sur cette progression. L’homme devrait essayer d’atteindre cet
état.
91
L’homme peut sans aucun doute
remporter la victoire à tous égards. L’esprit doit demeurer éveillé. Rester
dans l’ignorance des naissances et se sentir bien dans cet état d’esprit, voilà
une attitude qu’il faudrait changer. La vérité doit être exposée clairement,
ouvertement et avec courage. Ainsi la force de la vérité décuplera, car elle
est le phare et l’indicateur de la juste voie. Il faut agir et avancer
victorieusement tout en gardant le respect de soi et en ayant une conduite
digne à l’égard de chacun. Ne vous laissez posséder par personne. Efforcez-vous
toujours d’entretenir les belles dispositions que vous avez en vous, par des
pensés positives et droites que même l’adversité la plus forte ne peut
entacher.
92
Il y a une chose qu’il faut toujours
rappeler, c’est que ce corps est censé accomplir des actions
spirituelles. C’est pour cela qu’il faut s’efforcer d’impliquer le corps,
l’esprit et l’âme, à chaque instant pour se raccrocher à Lui.
93
Efforcez-vous de suivre la voie que
vous indique votre gourou et, dans le cas où vous préfèreriez la voie de
l’action, agissez dans l’intention de servir Dieu. Seul Dieu se manifeste sous
différentes formes. Servez le pays, servez le Griha-Lakshmi (épouse en
tant que déesse Lakshmi), servez le Bal-Gopal (fils en tant
qu’enfant Krishna) – Il est sous différentes formes. Ne passez pas votre temps
à manger et à dormir. L’inestimable naissance de l’homme ne devrait pas être
dilapidée en vaines pensées. Efforcez-vous de revenir dans votre demeure. Ne
vivez plus dans une taverne au bord du chemin.
94
La compréhension faussée (dur-buddhi)
c’est de sentir la distance qui nous sépare de Dieu (door-bodh). Essayez
de rester engagé dans « Cela » (tat-bhavanâ), jusqu’à ce
qu’advienne la réalisation de « Cela » (tat-bodh). Dieu est
sous forme d’action dans toutes les activités. Efforcez-vous de vous le
rappeler.
95
Il est du devoir de l’homme de se
réaliser, de réaliser son Soi. Seul l’homme peut réaliser Dieu. Il doit
chercher à connaître la vérité. Chacun doit choisir la voie qui lui convient.
Les instructions que donne le gourou doivent être acceptées sans discussion.
Lisez des textes spirituels (sadgranth) et participez à des satsang
(en présence de saints et de personnes spirituelles). Dans l’attente
d’instructions précises de la part de votre gourou, ayez la constance de vous
asseoir plusieurs fois par jour, sereinement, l’esprit vide, pour la
réalisation de Dieu qui se manifeste sous forme de vérité.
N’oubliez pas qu’Il est sous forme
de toutes les actions. Il est le Yantra (l’instrument) aussi bien que le
Yantri (le musicien). Jouez le rôle de l’instrument dont Il joue.
Satsang avec Vijayânanda
Quelques
réponses en janvier-février 2010
Une femme
médecin, française d’une cinquantaine d'années, après avoir eu de hautes
fonctions hospitalières s'était reconvertie en psychologie. Elle demanda à
Vijayânanda :
Q : Pourquoi l'esprit est-il si
difficile à maîtriser, de quoi a-t-il vraiment peur ?
R : Il a peur d'être
complètement détruit par la Réalisation.
- Comment faire pour le maîtriser
?
- Il faut lui donner ce qu'il
recherche, c'est-à-dire de la joie, de la paix, et cela s’éveille par l'amour
du divin.
- Comment faire pour éveiller cet
amour du divin ?
- Développer la pureté. Quand on a
la pureté mentale complète, le pouvoir divin ne peut que venir à vous, il est
obligé de le faire. Au fond, c'est le gourou authentique qui peut éveiller la
vraie joie intérieure. Cependant, on peut se préparer à cette joie en
développant la pureté intérieure.
- Qu'est-ce qui stabilise le
mental ?
- L'ouverture du coeur, cela ne
vient pas de la tête. Quand le coeur est ouvert, la joie vient, c'est cette
joie même qui stabilise le mental.
- J'ai été très touchée en
relisant votre témoignage en anglais sur votre première rencontre avec Mâ, il y
a juste une heure ou deux..
- En fait, je ne crois pas beaucoup
à l'écrit. La vraie communication spirituelle est comme un fruit frais,
car la personne qui parle mets son bhava, son émotion intime dans ce
qu'elle dit, et c'est ça l'important. Quand il y a quelqu'un qui prend des
notes, il interpose son propre bhava, et ce n'est plus pareil. C'est
comme du réchauffé. Cependant, c'est mieux que rien !
Krishnapriya a
été 12 ans avec Mâ de 1970 à 1980 et nous raconte qu'un jour, près de Poone,
elle était présente quand Mâ Anandamayî se trouvait en petit comité avec BK
Shah, ils étaient au-dessus d’une propriété au pied d’un grand jardin qui
donnait sur la forêt. Mâ a gravi les trois marches qui montaient à ce jardin,
et soudain elle s’est mise à dire : « Voilà ma maison, la fenêtre est ici, les
murs sont là, je m'assieds là-bas et j'attends la bhikshâ, l'aumône ! »
On aurait dit qu'il s'agissait d'un oiseau qui s'envolait à la porte de sa
cage, elle se retrouvait dans son élément en pleine nature. Vijayânanda a
confirmé en disant : « Mâ n’aimait pas les ashrams. Savez-vous quand son
premier ashram a vu le jour? Bhaiji l’a suppliée d'avoir un endroit où les gens
puissent réciter son nom, mais elle a refusé. Finalement, il a tellement
insisté qu'elle a cessé de refuser. Bhaiji a donc fait construire l'ashram mais
le soir même de son inauguration à Dhaka, elle est partie. Elle est venue à
Dehradun, et elle a habité dans un temple désaffecté de Raipur en dehors de la
ville. Plus tard, les gens ont appris qui elle était et lui ont monté quatre
ashrams sur Dehradun. (La propriété du quatrième est disputée).
Au début, ils
pensaient que Bholonath avait pris le sannyâs, que son épouse était désespérée,
qu’elle n'avait pas voulu le laisser partir seul et donc qu’elle le suivait et
qu'ils étaient avec leur fidèle Bhaiji Plusieurs fois je l’ai entendu
dire à des gens qui venaient la visiter alors qu'elle était sous un arbre : «
Voilà mon ashram ! Si tu veux rentrer dans cet ‘ashram’ demande à Didi !
»
Krishnapriya
raconte qu’elle était là juste après la mort de Gangadhar, un brahmachari
américain encore assez jeune, décédé brusquement d’hépatite fulminante. Ses
parents sont venus pour jeter ses cendres dans le Gange, l'ambiance était tout
à fait poignante, c'était dans la cour principale de l'ashram (où nous étions
assis pour le satsang comme tous les soirs). Mâ est sortie de sa chambre dans
la cour avec une émotion au bord des larmes. Plus elle s’avançait, plus la mère
en deuil se dégageait de ses émotions perturbatrices, et en fait se dégageait
de son deuil, et quand Mâ eut fini de traverser la cour, la mère en deuil
était devenue pratiquement normale.
Le lendemain, nous
étions en petit comité avec les occidentaux qui avaient connu Gagadhar, et ses
parents ont voulu offrir à l’ashram le plat d'argent qui lui servait pour la
poujâ. Ils ont dit : « Mâ, c'est pour votre ashram ! » Mâ s'est
exclamée : « Gagadhar est toujours avec moi ! Ce corps n'a pas
l'ashram ! » Finalement, elle a accepté le plateau d'argent pour faire plaisir
aux parents.
Je n'ai
jamais pu avoir de véritable entretien privé avec Mâ. À chaque fois qu’il y
en avait un qui commençait, elle me regardait avec son regard débordant
de compassion, et c'était fini. J'étais comme ivre, comme si j’avais bu
du whisky, c'était l'amour fou, et ensuite pendant 15 jours je marchais
deux centimètres au-dessus du sol.
- Vijayânanda, est- ce que vous
pensez que j'exagère ?’
- Non, c'était comme cela quand je
suis arrivé : je ne parlais non seulement pas le bengali, mais même pas le
hindi et pourtant je communiquais très bien avec Mâ par le coeur.
Vijayânanda dit à la
femme médecin qu'elle paraissait jeune, mais celle-ci répondit qu'elle avait
déjà 52 ans et quelques cheveux blancs. Cependant, Vijayânanda continua
en disant : « Quand on a le contact avec le Soi, on est éternellement
jeune ! »
29-1-10
Swamijî a
redit, comme souvent, que le sage arrivé au sommet de la montagne voyait que
tous les chemins y menaient, mais qu'il valait mieux suivre la voie dans
laquelle on était né, parce qu'on avait une base, et que c'était dangereux de
changer en cours de route. Si on quitte le chemin qui monte dans la montagne,
on risque de tomber dans un précipice ! Je lui ai demandé : « Et vous-même,
qu'avez-vous fait ? » Il a mis un peu de temps à répondre, et finalement a dit
: « J'ai suivi Mâ ! Elle était au-delà des diverses voies, elle était
universelle. De plus, toutes les voies ont une base commune. [Donc, je n'ai pas
vraiment abandonné ma voie de départ, qui était le judaïsme] »
Krishnapriya
témoigne : « Quand nous étions avec Mâ, il n'y avait plus de questions. Les
foules elles-mêmes ne voulaient pas partir, le mental était arrêté. Quand un
participant avait une question, souvent Mâ y faisait répondre par quelqu'un
d'autre directement en son nom, tout cela se passait spontanément, et il y
avait un moment où les assistants de Mâ devaient l'emmener, sinon les gens
seraient restés toute la nuit avec elle. Comme ici même, si on n'éloignait pas
Vijayânanda en l'emportant sur sa chaise, nous serions restés toute la nuit
avec lui ! (Rires). Grâce à cela, j'ai suivi la voie de l'amour fou avec Mâ,
Vijayânanda aussi a commencé comme cela, mais ensuite il s’est rendu beaucoup
plus loin avec la voie de la connaissance pratiquée intensément. »
17-2-2010
Nombre d’aspects, de facettes de la
personnalité de Mâ sont tout simplement extraordinaires. Ce qui nous
impressionne le plus en Elle, c’est l’absence totale de toutes ces passions et
autres caractéristiques propres aux êtres vivants (Jiva) telles que la
colère, la cupidité, l’envie, la haine, le désir, l’aversion, l’hypocrisie, la
fausseté, etc. Aucun d’entre nous, aucun de ceux qui ont côtoyé Mâ durant de
longues périodes, ne L’a jamais vue manifester de tels sentiments. Même
en butte aux pires provocations Elle conserve son calme et sa sérénité et
demeure imperturbable, ferme et posée, telle les monts de l’Himalaya. La
patience de Mâ, son énergie, sa simplicité, de même que sa nature
bienveillante, sa douce tranquillité, tout cela illumine son beau visage au
sourire simple et chaleureux. Sa nature libre de toute dualité telles que le
bonheur et le malheur, l’aversion et l’attirance, est véritablement unique.
Lorsque nous la voyons, nous avons le sentiment qu’Elle n’appartient pas à ce
corps qui est le sien et qu’Elle n’appartient pas à ce monde auquel nous
appartenons.
Autre particularité extraordinaire
de Mâ, qu’on ne peut que souligner, c’est son amour et sa
tolérance universels. Mère garde toujours sa porte grande ouverte pour tous,
même s’ils sont fous, idiots, sans scrupules, indignes de confiance, bref, le
genre de personnes que tout le monde évite. Elle connaît très bien la véritable
nature de chacun, car rien ne peut lui être caché, néanmoins Elle
accueille tout le monde avec le même sourire et offre à chacun sa gentillesse
et sa compassion. Quand on lui fait remarquer qu’Elle ne devrait peut-être pas
proposer un abri à un certain genre de personnes, Elle répond : « Mais où
vont-ils aller ? Ce corps n’appelle personne en particulier. Mais
lorsque ces êtres se présentent ici, recevez-les de la meilleure façon
possible. Chacun d’eux est Sa forme et Son image. Maintenant que vous les
connaissez comme tels, efforcez-vous de les servir. Pensez-y, Lui se révèle
sous diverses formes. » L’amour de Mère à l’égard de tous, la miséricorde
qu’Elle ne refuse à personne, ce sont là des vertus que l’on rencontre
rarement. La plupart des gens ne proposent logis et protection qu’après avoir
jaugé l’allure et l’aspect de la personne qui demande. Mère, quant à Elle,
offre miséricorde et protection à tous ceux qui en ont besoin, indépendamment
de toutes considérations d’ordre moral ou physique. Mère est au-dessus de tout
sectarisme et accepte toutes formes d’opinions, de doctrines religieuses
et de croyances. Elle n’a choisi aucun gourou et n’a pas de disciples, excepté
Bholanath, aucun autre. Quand on lui demande de procéder à l’initiation de
quelqu’un, Elle dit : « Aucune action, qu’elle soit réfléchie ou
spontanée, ne peut être accomplie par ce corps. Dans le cas de Bholanath, son ‘Kheyal’
(une pulsion) s’est manifesté spontanément. Si un Kheyal apparaissait
maintenant, cela se produirait encore. Ce corps n’a jamais fait le voeu
d’initier qui que ce soit. Tout ce qui se produit, se produit de façon
spontanée. » Mère n’a pas de gourou, elle n’appartient donc à aucun
courant particulier (Sampradaya). Lorsqu’on lui pose une question
à ce sujet, Elle dit : « Laissez de côté ce qui concerne ce
corps. Il est comme un petit enfant parmi vous. Ce corps est ce que chacun de
vous pense être. Et d’ailleurs, il n’y a qu’une seule et unique école.
Celle de tous les êtres qui Le cherchent. Et ce corps affirme que tout ce qui a
été dit ou que l’on est en train de dire à Son sujet est juste et vrai. Car Il
est infini. Et Il est un. Ce que chaque personne dit de Lui est exact, quelle
que soit la communauté à laquelle cette personne appartient. Ce qui compte
c’est ce que l’on pense de Lui. Toutes les pensées, excepté celles qui Le
concernent, sont vaines ou sont source de souffrance. » Puis elle
ajoute : « Lui, Lui seul existe dans toutes les formes et il demeure
également dans le sans forme. Ce qu’il faut, c’est que vous pensiez à Lui, de
quelque façon que ce soit, le choix vous appartient, dans la forme ou dans le
sans forme. Car Il est tout, Il est chaque chose. Ainsi tous ceux qui pensent à
Lui ou qui Le cherchent, appartiennent au même courant. Chacun doit se dire et
comprendre qu’Il est sans fin et sans limites. Alors peu importe la manière de
Le chercher, peu importe les idées, les concepts qui incitent à le faire :
toutes ces personnes qui Le cherchent appartiennent à la même communauté,
puisque en fait c’est Lui et Lui seul qu’elles cherchent. »
Peu après, Mâ poursuit :
« Certains enseignements, certaines doctrines sont supérieures ou sont
inférieures à d’autres, certains arguments sont plus près de la vérité que
d’autres, ou plus loin. Ce corps n’a rien à voir avec ce genre de controverses
ou de litiges. Ce que chacun dit est juste puisqu’en accord avec son propre
point de vue. Chaque personne réalise à sa manière son Infini et sa Réalité
Suprême. Il est donc tout à fait naturel que les êtres empruntent des voies
différentes et adoptent des façons différentes dans l’intention de s’expliquer
et de Le révéler. Il faut trouver dans cette Infinie Réalité l’unité et
l’harmonie qui existent et qui subsistent, même dans cet enchevêtrement de
doctrines et d’opinions divergentes. Rien n’est en dehors du Tout et de
l’Infinie Totalité, pas même le « non-existant ».
Pour Mâ toutes les sectes, toutes
les doctrines sont sur le même pied d’égalité. Ainsi, membres et disciples de
toutes les religions viennent la voir pour obtenir d’Elle bonheur et sérénité.
Quelle que soit la voie empruntée,
quelle que soit la bhava des uns et des autres (attitude ou sentiment),
tous ressentent comme une bénédiction la bonté et la grâce que Mâ leur
dispense, car cela est en accord avec le samskâra ( tendances et dispositions)
de chacun. Nous avons appris de la bouche de nombreuses personnes appartenant à
différents ordres et âshrama de la société indienne, tels que les brahmacharya,
les grihastha, les sannyâsi, que l’image en eux de Ishta, (leur
déité) ou sa contemplation, se trouve stimulée lorsqu’ils sont assis aux côtés
de Mâ.
Mère dit que les instructions que
donne le Gourou, sont toujours justes. Quelles que soient ces instructions,
elles doivent toujours être suivies. On ne trouve la paix qu’en respectant
cela. C’est pour cette raison que les personnes de toutes religions et de
toutes catégories sociales qui viennent la rencontrer, trouvent la paix.
Presque chacun des visiteurs, a le sentiment que Mâ a une affection
particulière pour lui, qu’elle fait montre de la plus grande bonté à son
endroit, qu’elle le favorise. Chacun d’eux pense qu’elle partage les mêmes
croyances que lui.
Parlons maintenant du terme « Kheyal »
que Mâ utilise très souvent. Lorsque quelqu’un pose une question à Mâ ou lui
demande de faire quelque chose de précis et lui dit : « Mère, vous
savez tout et vous pouvez tout faire », Mère ne répond jamais :
« Je ne peux pas le faire », ou : « Je ne connais pas
cela », ou : « Je n’ai pas le pouvoir pour le faire ». Mère
n’emploie jamais des expressions telles que « Je ne sais pas »,
ou : « Je ne peux pas le faire ». Personne n’a jamais
entendu ces mots sortir de sa bouche. Elle a coutume de répondre dans ce
cas : « Il n’y a pas de Kheyal en ce moment. Faites-moi
cette demande lorsque les circonstances le permettront ». Pour autant que
nous ayons pu comprendre, Mâ n’a ni le mental, ni l’intellect, ni l’égoïsme que
nous avons tous, ni les trois états : réveil, rêve ou sommeil :
En Mère il n’y a que cet état d’unité avec l’Infini, à moins qu’Elle ne soit
l’Infinité même.
Ainsi il n’y a en Elle aucun conflit
entre le désir et l’aversion, entre l’esprit et l’intellect. « Ici »
(en Elle), tout est net, propre et reluisant. Il n’y a aucune pensée
d’aucune sorte. Les actions de Mâ émanent directement de la Réalité Ultime ou
de la Volonté Suprême puis elles sont accomplies. Cette Volonté Suprême qui se
manifeste à nous selon notre samskâra est probablement le « Kheyal »
de Mère.
Mère est absolument dépourvue
d’« ego », de l’ego primaire et limité. Ainsi les expressions de cet
ego, telles que « Je vais » ou « Je sais, je peux, je fais,
etc... » de même que la forme négative de ces expressions, ne sortent
jamais de sa bouche. Ses remarques sont fréquemment ponctuées de
« si » ou de certaines expressions telles que « si les
circonstances le permettent » ou « si rien ne s’y oppose », ou
encore « on n’est jamais sûr de certaines choses », ou « ce qui
doit advenir adviendra ». Cela ne veut pas dire qu’Elle évite
intentionnellement tel ou tel type de langage pour en utiliser un autre. Pas du
tout. Les mots qu’Elle prononce sortent spontanément de sa bouche.
Les facettes extraordinaires de la
personnalité de Mâ sont innombrables. Tout en Elle – sa façon de rire, de
pleurer, de chanter – tout est hors du commun et pour le moins surprenant. Tous
ceux qui ont la chance inouïe de la côtoyer, qui sont présents à ces
moments-là, peuvent en témoigner.
Il est pratiquement impossible de
décrire ces traits, ces aspects de sa nature par de simples mots. On peut
toutefois ajouter d’autres particularités, d’autres détails fort
intéressants qui la concernent. Mâ voit les âmes de grands saints désincarnés,
de sâdhus, etc. Elle dit « Ils sont assis tout autour de ce corps, tout
comme vous. Mais vous, vous ne pouvez pas les voir. » Un jour
Elle a dit : « Il y a tellement de saints et d’autres êtres dans
cette salle qu’il n’y a pratiquement plus de place. » Elle voit également
les formes des maladies et souvent elle les décrit. Elle dit :
« Chaque maladie a sa forme spécifique et lorsque telle ou telle forme se
présente devant ce corps, celui-ci ne la repousse pas ni ne la renvoie, de même
qu’il n’empêche aucun de vous de venir ici. Il peut arriver toutefois que
quelque chose s’oppose à leur venue ou que leur destination change. Ainsi, par exemple,
certaines formes qui viennent dans cette direction peuvent, à un certain
moment, être déviées vers une voie différente. »
Il est impossible de comprendre la
personnalité étrange et tellement extraordinaire de Mâ, à moins qu’Elle ne se
révèle à nous de son propre gré. Les enseignements de Mâ sont universels,
simples et ils vont droit au coeur de chacun. Elle ne fait aucune prédication,
ne dispense aucune instruction dans un but spécifique.
En fait le Gourou jaillit de
l’intérieur. Lorsqu’on mène une recherche avec force et sincérité, son
aboutissement ne peut que se manifester spontanément. Il ne peut en être
autrement. Le Suprême engendre Sa manifestation dans la forme du Gourou, ou Se
révèle Lui-même.
Arnaud
Desjardins
Dès le premier jour où j’ai
rencontré Mâ Anandamayî, j’ai eu l’intime conviction que je n’étais pas en
présence d’un être humain, mais d’un Être d’une toute autre dimension. C’est en
1959, au mois de septembre, que j’ai tout à coup réalisé cet état de fait. Par
la suite j’ai rendu visite à Mâ en 1961, 1962, 1963, 1964 et 1965 et j’ai
éprouvé ce même sentiment à chacun de mes séjours auprès d’Elle. Comment
définir cette sensation extraordinaire ? En la qualifiant de
« divine » ? De « surnaturelle » ? En fait ces
concepts englobent un tel mystère que je n’ai guère le courage de les employer.
Je suis un Occidental, un Européen,
de tradition chrétienne aussi bien dans ma profession que dans ma vie de
famille. A part quelques mots d’usage courant, je ne parle pas l’hindi ni le
bengali et Mâ ne parle pas l’anglais. A l’exception d’une heure environ
d’entretien que j’ai eu avec Elle – entretien durant lequel je bénéficiais de
l’aide d’un interprète – je n’ai pratiquement jamais compris le moindre mot de
ce qu’Elle disait ou de ce qu’Elle répondait à mes questions. Et en dépit de
cela, j’ai entrepris six voyages en Inde par amour pour Elle et passé huit mois
à ses côtés, parfois dans des conditions plutôt difficiles. Cela prouve bien le
pouvoir de son influence même sur quelqu’un comme moi, un Européen
totalement étranger à la tradition hindoue où se trouvent toutes les racines de
Mâ Anandamayî.
Pendant des années, les photos de
Sri Ramana Maharshi ont été pour moi, comme pour nombre d’autres personnes à
Paris, un véritable enseignement. Quelques minutes d’une attention silencieuse
et soutenue passées devant son portrait à l’attitude et au regard
sublimes, m’auront enseigné beaucoup plus que la lecture des meilleurs livres –
je parle de la seule véritable connaissance, celle qui transforme les personnes
qui l’ont acquise. Je n’ai jamais manqué l’occasion de rencontrer les Français
qui avaient eu son darshan. C’est à la suite de ces témoignages vivants
que j’ai ressenti le désir irrésistible et plus fort que tout autre désir, de
rencontrer un sage, un être libéré, un être réalisé, un Jîvanmukti.
J’attendais énormément de mes
voyages en Inde. Le darshan et la rencontre de Mataji ont largement
répondu à mes espoirs. Depuis lors je me suis rendu à plusieurs reprises
à Kanhangad pour séjourner auprès de Swami Ramdas et de sa disciple principale
Krishnabai. Là aussi j’ai vécu des moments intenses et lumineux. La vie
éprouvante et tumultueuse de Paris n’est pas parvenue à effacer les souvenirs
chaleureux de ces moments-là. Il faut dire que Swami Ramdas parlait anglais et
que ses réponses, ses paraboles et ses observations souvent débordantes
d’humour, procuraient à nos esprits insatiables une précieuse nourriture.
Le rôle qu’aura joué Swami Ramdas dans la vie de nombreux Occidentaux est tout
à fait compréhensible, même pour cette mentalité moderne qu’est la nôtre,
enserrée qu’elle est par la logique rationnelle.
Cela dit, s’il est une chose qui
aujourd’hui encore me semble étonnante, c’est bien le rôle de maître qu’a
assumé Mâ, de précepteur spirituel d’un simple visiteur français qui a été et
continue d’être son élève et son disciple. Je tiens à souligner qu’Elle m’a
fait comprendre petit à petit la signification des Evangiles et du message du
Christ. Grâce à Mâ, la parole de Jésus est devenue pour moi parole de vie. Et
qui plus est, Elle m’a ouvert les portes de cette merveille universelle qu’est
la Bhagavad-Gîtâ et m’a fait découvrir Sri Krishna.
Rien ne peut être plus éloigné de la
vie que je mène à Paris, où je travaille pour le cinéma et la télévision, que
l’atmosphère des ashrams de Mataji. L’orthodoxie hindoue, l’observance
des règles de caste, l’importance attachée aux rites et aux cérémonies, autant
de traditions qui semblent n’avoir aucun point commun avec les problèmes auxquels
l’homme moderne est confronté dans sa vie de tous les jours, au coeur d’une
métropole européenne. Je suis en mesure, toutefois, de témoigner
du fait que l’enseignement de Mâ, quand bien même il m’ait été communiqué
« sans paroles », a totalement transformé ma vie à Paris. Parce
qu’Elle m’a convaincu, intellectuellement, qu’il existe une perspective
métaphysique qui est unique et universelle, une Philosophia perennis
qui nous enseigne que tous nos problèmes ont déjà été résolus même si nous n’en
avons pas conscience : « Il est tout en tout, Lui seul
est. » Mais Elle enseigne également que la Réalisation peut tout englober.
Bien que je sois à l’autre bout de la terre, je sens vibrer en moi la vie des
ashrams de Mâ, je vois la pureté des habits d’une blancheur candide, j’entends
la chaude psalmodie des kirtans. Et cela en dépit de la confusion, des
ennuis et des contrariétés d’ordre professionnel que l’on doit affronter dans
une ville comme Paris, car Mataji, à tout le moins ce qu’Elle signifie, ce qu’Elle
représente, est toujours avec moi. En moi. J’ai encore en mémoire les paroles
bien connues : « Kurukshetra dharmakshetra... » Et
aussi : « L’action est la pièce théâtrale de la vie » (Yoga
Vashista) et je sais qui est l’acteur et qui ne l’est pas.
J’ai le sentiment que pour les
étrangers, la relation maître-disciple représente à l’heure actuelle l’aspect
le plus intéressant de l’hindouisme. Il y a des personnes qui considèrent que
le sens de leur vie s’est trouvé radicalement changé après qu’elles aient eu le
darshan de Ramana Maharshi, de Ramdas ou de Mâ Anandamayî. C’est là une
certitude qui ne peut être ni prouvée, ni contredite. On peut confirmer la
véracité du récit d’un miracle, on peut être surpris – au nom de l’orthodoxie
chrétienne – lorsqu’on entend des Êtres autres que le Christ dire « le
Père et Moi sommes Un », on peut être sidéré devant le phénomène
social que représente la gloire d’une femme qui enseigne uniquement la voie qui
mène à Dieu. Mais pour ce qui est du choc que l’on ressent au simple regard de
cette femme et à la signification que peut avoir le moindre de ses gestes,
c’est là une expérience toute personnelle. Ceux qui ont vu, ont cru. Et ceux
qui ont compris le vrai sens des paroles de Vie Eternelle, ceux-là se sont
engagés sur la Voie.
Par quel mystère l’Être réalisé
qu’est Mâ déclenche-t-il en nous ces vibrations qui nous mettent en harmonie
avec Elle ? De quelle profondeur de notre être proviennent ces
vibrations ? Toutes les personnes avec qui j’ai comparé mon expérience à
la leur, ont éprouvé la même certitude que moi. Les choses se sont passées
ainsi, rien n’a été ajouté. Face au Maître, il n’y a que clarté et certitude
et il y a cette expérience extraordinaire de la vie au-delà du temps,
expérience qui nous libère de toute peur. Cela dit, il n’est pas facile de
côtoyer Mataji. Aucune de nos petites ruses habituelles ne fonctionnent. Elle
nous démasque immanquablement. Jamais auparavant je n’ai été aussi
divinement heureux que je l’ai été en la présence de Mâ, de même que jamais
auparavant je ne me suis senti aussi mal à l’aise et aussi terriblement
bouleversé. Bien sûr je savais qu’une transformation pénible et douloureuse
devait s’opérer en moi. Je le savais parfaitement en venant ici. Et je savais
également que cette transformation devait se faire avec mon accord et ma
collaboration. Il ne suffit pas de bénéficier de la présence d’un sage et de se
contenter de rester passif : il faut apporter son aide propre et s’en
remettre à lui de sa propre volonté.
« Il est plus facile pour les
mouches que pour quiconque de suivre ce corps, où qu’il aille » disait Mâ,
se référant à Elle-même, « mais cela ne leur donne pas
l’illumination pour autant ». Mataji insiste pour que nous travaillions en
permanence sur nous-mêmes, pour que nous fassions des efforts importants et
soutenus. Avec le temps, ces efforts finiront par être transcendés. Apparaîtra
alors un être vrai dont la spontanéité sera née au beau milieu du « champ
de bataille » en même temps qu’une liberté intérieure allant au-delà de
l’action et de la réaction.
Durant des années, avant mon premier
voyage en Inde, je me suis posé une question : « Et si c’était
vrai ? » Combien de fois me la suis-je posée cette question, avec une
anxiété doublée d’un tremblant espoir lorsque j’entendais parler de certains
grands sages de l’Inde qui « d’un simple regard peuvent changer le cours
d’une vie » ? Combien de récits ai-je lus qui décrivent leur présence
surnaturelle, témoignage vivant d’un monde totalement différent de celui auquel
nous croyons et où nous sommes emprisonnés ! La réponse « Oui, c’est
vrai », je l’ai obtenue, en même temps que la certitude, lors du darshan
de Mâ Anandamayî. A cet instant-là, son regard était perdu dans le lointain et
l’expression de son visage était d’une beauté surnaturelle défiant toute
description. Que voyait-Elle dans ces moments-là ? Quelle est la
signification de la présence parmi nous d’un Être si totalement
différent ? Il émane une telle puissance de ce visage, que semaine après
semaine, perdu dans la foule, j’étais incapable d’en détacher mon regard,
subjugué qu’était mon être tout entier par un irrésistible sentiment
d’intensité et de plénitude. En la présence de Mâ, quelque chose était en train
de se passer dans ma vie. Et je savais maintenant, avec certitude, que tout
était possible pour Elle.
Cela dit, il faut reconnaître que la
nature et l’attitude quasiment miraculeuses de Mâ Anandamayî, l’attraction
qu’Elle exerce sur des milliers et des milliers de personnes, induisent
certaines d’entre elles à voir en cela des manifestations
« anormales » plus que « surnaturelles ». Ma gratitude
envers Mâ est encore plus grande pour ce que j’ai pleinement conscience de
recevoir d’Elle lorsque je suis à Paris, que pour les moments, pourtant
extraordinaires, que j’ai vécus en Inde. Je ne cherche aucune explication. Le
caractère unique du Soi, l’éveil du gourou intérieur sont suffisants. Un
fait demeure toutefois : dès mon retour en Europe, après ce premier voyage
en Inde, les rapports difficiles et source de souffrance que j’entretenais avec
mon entourage, se modifièrent radicalement. J’avais compris que notre être
conditionne notre vie. Je savais que par la grâce de Mâ Anandamayî et de Swami
Ramdas, quelque chose dans mon être avait été transformé. J’ai gardé sur la
cheminée de la pièce où je passe la plupart de mon temps la photo de Bhagavan
Ramana Maharshi, la première photo d’un sage que je possédais et que j’avais
regardée si souvent pendant des années. C’est cette photo qui avait fait
grandir en moi le désir de me rendre en Inde. Et j’ai parfois le sentiment
que c’est Ramana Maharshi qui m’a guidé vers Mâ Anandamayî.
A ses côtés j’ai trouvé la vie qu’il
y a au-delà de toutes les choses de la création – outre celle qui se trouve en
elles – et contre laquelle aucun pouvoir en ce monde ne peut prévaloir, ni
aucun obstacle, ni aucune opposition. Dès ma première visite à Mâ Anandamayî, à
Varanasi, j’ai découvert la vie en moi-même. Je peux comprendre que certaines
personnes dénient l’existence de Dieu ou de l’Atma. Mais la vie ?
Qui peut se refuser à s’ouvrir à la Vie et à se laisser transformer par
elle ? Le Christ a dit : « Je suis la Vie. Je donnerai la Vie à
tous ceux qui viendront à moi. » Et je sais que Mâ est la Vie et qu’Elle
donne la Vie à tous ceux qui viennent à Elle. Dans ce cas, pourquoi serait-il
difficile de l’appeler Mère ou bien Mâ ? Car une mère n’est pas seulement
celle qui conseille et qui protège, celle qui réprimande ou réconforte, une
mère est avant tout et surtout celle qui donne la naissance et qui vous amène à
la vie. Il est un fait clair et définitif à mes yeux – et pas une seule semaine
ne s’est écoulée, durant ces cinq années, sans qu’il ne m’ait été donné
confirmation de ce fait : ma vie a véritablement commencé au mois de
septembre 1959, à Varanasi.
Combien de fois, en France, ne m’a
t-on pas posé cette question : « Qu’avez-vous reçu de cette grande
sainte ? » Je savais parfaitement que l’on attendait de ma part une
réponse conforme aux récits qu’on lit couramment dans les livres qui parlent de
chakras, de kundalinî ou de nirvikalpa-samâdhi. Mais la
réponse est beaucoup plus simple et, pour moi tout au moins, infiniment plus
révélatrice : « Ce que j’ai reçu de cette femme sainte c’est
moi-même. J’étais mort et je suis revenu à la vie. J’étais né de la chair et
maintenant je suis né de l’esprit. » Quelque soit mon péché et quelque
soit mon impureté, Sri Sri Mâ Anandamayî vous êtes à tout jamais ma mère et je
suis votre fils. Jay Guru. Jay Mâ.
Réflexions à propos de Mâ
Anandamayî
Je ne vois rien d’absurde dans le
fait de supposer que ce monde apparent et concret qui nous entoure n’a pu être
créé, ou en tout cas n’est pas apparu, sans un motif précis. Ishwara le
tout-puissant, le sage suprême de toutes les compassions devait bien avoir une
raison objective et bien définie lorsqu’il a conçu ce monde. Celui-ci peut nous
sembler être le fruit de mâyâ (illusion) parce qu’il est en perpétuel
changement, mais il a en lui une Vie Divine immanente. On peut affirmer, sans
risque de se tromper, que le véritable dessein de cette manifestation n’est
connu que de Lui qui est la source de notre existence. Nombre de conjectures
ont été formulées et nombre de réponses ont été proposées quant au
« pourquoi » et au « comment » de notre univers. Mais
personne, jusqu’à présent, n’a fourni de réponse satisfaisante et convaincante.
Il est dit, fort justement, qu’à moins de devenir un avec la Réalité, il est
impossible de percevoir et de comprendre la véritable raison d’être de ce monde
qui est le nôtre. Il faut donc s’en tenir à présumer qu’ayant surgi d’une
source de suprême sagesse il ne peut qu’avoir une raison d’être bien définie.
Selon une vieille tradition hindoue,
il y a deux voies que l’homme peut emprunter : Pravritti et Nivritti,
la première pour celui qui est en retard spirituellement, la deuxième pour
celui qui a progressé spirituellement.
Pour satisfaire le besoin récurrent
de spiritualité des êtres humains, différents maîtres de l’enseignement
spirituel sont venus et s’en sont allés. Ils apparaissent d’époque en époque
pour inciter l’homme à s’élever et pour anéantir les esprits malfaisants qui se
sont glissés dans les rangs de la société humaine.
Seuls ces maîtres sont considérés
comme des Siddha Purusha. Ce sont des Êtres parfaits qui sont
devenus ce qu’ils sont grâce à une sâdhanâ sans faille aucune, une
intense purification morale et une totale réalisation spirituelle qui va
jusqu’à l’éveil en eux d’un état parfait de conscience cosmique. Ils n’ont
pas de vouloir indépendant, de volonté propre. Leur individualité
fusionne avec la Réalité Suprême et ils sont guidés davantage par celle-ci que
par leur propre Sankalpa. On les nomme également Nitya Siddha.
La grandeur spirituelle ne connaît pas de limites. Durant leur évolution
spirituelle ils deviennent non seulement Ishwara mais aussi Maheshwara
et Parameshwara.
Seul un être spirituellement élevé
est à même de comprendre et de pénétrer leur profondeur spirituelle. Pour une
âme ordinaire, la vie et les activités de tels êtres apparaissent totalement
mystérieuses. Ils sont en mesure d’accomplir des actes qui semblent absolument
irréalisables au commun des mortels. Leurs désirs, leurs façons d’être et
d’agir sont empreints d’une totale sérénité. Ils se sont défaits de toute
passion. Aucune chose, aussi repoussante soit-elle, n’inspire en eux la
répugnance. Aucune chose, aussi attirante soit-elle, n’éveille en eux
l’attirance. Ils sont en ce monde pour se mettre purement et simplement au
service du genre humain.
Si nous examinons la vie de Mâ
Anandamayî – sa vie de tous les jours – et ses activités dans différentes
sphères, à la lumière de ces faits, on ne peut que constater qu’Elle se trouve
au niveau le plus élevé des idéaux dont nous parlons. Personne jusqu’à présent
n’a été capable d’évaluer la profondeur de son être spirituel, pas plus que
l’ampleur de sa spiritualité. Elle représente un mystère, une
véritable énigme, pour chacun d’entre nous. Ses propres disciples ne
parviennent pas à la comprendre. Seule une âme spirituellement réalisée est en
mesure de savoir qui Elle est réellement. Ceux qui pensent qu’Elle est une
incarnation du Divin venue sur terre pour soulager les souffrances des êtres
humains ne se trompent pas. Quant à ceux qui l’identifient à Sukadeva ou
à Sri Krishna, ils ont peut-être raison car Elle suit les traces du
Seigneur que nous désignons sous différents noms. Il en fut d’ailleurs
ainsi pour le Seigneur Sri Krishna qui fut l’entière manifestation de Mahavishnu
et qui vécut toute sa vie comme une personne commune, sans jamais faire valoir
Sa divinité avec tout ce que cela impliquait. Il aimait jouer avec les enfants,
Il aimait rire et plaisanter avec ses compagnons de toujours et ses disciples. Il
en est de même pour Mâ Anandamayî. Elle assume toutes sortes de rôles
dans sa vie, entre autres celui d’épouse ou celui de soeur, ou bien celui
de Sakhi (ami), avec autant d’attentions que le Seigneur Sri
Krishna lorsqu’Il jouait son propre rôle dans différentes sphères de la
vie. Elle observe et respecte scrupuleusement la Varna (distinction de
castes) et l’Ashrama Dharma (la différence entre les quatre stades de la
vie) mais traite et considère un Indien et un étranger de la même manière. Elle
est aussi douce et affable avec les jeunes gens qu’avec les vieilles personnes.
Elle dispense ses faveurs à tout un chacun, quel que puisse être son statut
social.
Il est clair pour tout esprit
averti, que la raison profonde et le but de sa présence sur cette terre, est de
délivrer l’humain des souffrances de ce monde.
Il y a quatre sortes de karma :
sakâm (avec désir), nishkâm(sans désir), ishvar arpan (abandonné à Dieu) et
swabhavik (naturel). Ses activités concernent bien sûr la quatrième catégorie.
Tout comme pour Sri Krishna, on
peut dire à propos de Mâ qu’elle ne devrait rien faire, rien accomplir dans les
trois mondes, pas plus qu’elle ne devrait rendre accessible ce qui y est
inaccessible. Et pourtant Mâ se mêle à l’action, car si elle n’y prenait jamais
part, les hommes, non avertis et imprévoyants, s’engageraient tous sur ses
traces. Elle ne se contente pas de nous enseigner les choses par ses seules
paroles. Elle entend nous montrer des exemples pratiques et nous indiquer ainsi
la juste façon d’agir. Souvent lors des kirtan, Elle récite Elle-même
les noms de Dieu nous incitant ainsi à les réciter de tout notre être. Elle
est Une avec la Réalité Suprême et Elle voit Une Vie vibrant dans chaque
atome. Elle voit la propre vie de chaque chose en chaque chose. On raconte
qu’un jour Elle a dit : « Le contentement de chacun est mon
contentement. Le bonheur de chacun est mon bonheur. La souffrance de chacun est
ma souffrance. »
En une autre occasion Elle
affirma en des termes apaisants : « Dieu n’attend pas votre
élévation spirituelle. Tout comme le Gange continue sans cesse de couler, Lui
continue de dispenser Sa compassion à tous les êtres. Telle est Sa nature. Tel
est Son être. »
Voici l’une des plus belles preuves
de sa grandeur spirituelle : Mâ n’a aucune culture livresque, Elle n’a
jamais étudié les textes sacrés ni les religions quelles qu’elles soient. Eh
bien en dépit de cela, Elle est en mesure de répondre aux questions les plus
subtilement philosophiques que lui posent de grands philosophes ou d’éminents
chercheurs qui sont pleinement satisfaits des réponses qu’ils reçoivent. Il est
bon de se souvenir, à ce propos, de ce que nous enseignait le Seigneur Krishna « Les vedas ( ?) sont aussi
utiles à une brahmane réalisé que peut l’être un bassin en période de
grande inondation.... » Alors qu’Elle se trouve en un endroit précis, Elle
est en mesure de savoir ce qui se passe en d’autres endroits. Elle sait où et
quand sa présence est requise de toute urgence, de même qu’Elle sait quelle est
l’âme qui implore son aide et ses conseils. Elle prodigue son amour et sa grâce
pour apporter soulagement et réconfort à ceux qui sont dans la souffrance. Lorsqu’Elle
entreprend une action Elle le fait dans le silence, un silence qui est plus
éloquent que tous les discours des gens instruits. La meilleure chose que
nous puissions faire est de nous en remettre entièrement à Elle et de la
laisser nous conduire comme Elle l’entend. Nous devons noyer notre volonté dans
sa volonté, car Elle a noyé la sienne dans celle du Divin.
Combien c’est peu de
chose…
(Poème inspiré par deux articles de Jacques Vigne ‘L’ivrogne qui se croyait
revenu de loin’, et ‘Quelques réflexions pratiques d’un psychiatre pour les
jeunes de la Réunion à propos des addictions ‘, ainsi qu’en hommage à ma
mère, auteur-compositeur-chansonnière, artiste trop tôt disparue).
Combien c’est PEU de chose une
artiste qui meurt !...
Vous qui ne connaissez que sa
beauté, sa grâce,
Que son sourire, ou sa grimace,
Vous songez rarement qu’elle possède
un cœur !
Combien c’est PEU de chose un jeune
homme qui sombre
Pour lui qui a perdu son honneur et
son nom
‘Cesser’ aurait été la purification,
Au lieu de l’addiction qui le rend
comme une ombre.
Boire c’est se griser, émousser la
pensée,
C’est ‘croire’ qu’on se grise et
qu’on met de côté
Tout ce que l’on refuse et que l’on
croit brisé
Alors que le refuge est dans
l’austérité !
Serait-ce là le fruit de
l’incompréhension ?
Le chagrin si subtil pour
non-reconnaissance ?
Bien qu’il ne faille pas chercher de
complaisance
Dans le chemin ardu de purification.
Combien c’est important de voir
qu’un clown danse
En reliant son âme à celle des
enfants
En reliant son cœur à celui des
amants
Et en donnant sa vie avec tant
d’insouciance.
Combien c’est TANT de choses de
comprendre la foi
Qui fait cesser celui qui se drogue
ou qui boit
Qui fait prendre le poids de la vie
intérieure
Et qui fait que l’artiste renaît
comme une fleur !
Et quand le masque tombe c’est
l’amour qu’on reçoit
L’ivrogne dégrisé peut se relier au
SOI
Le clown redevient ‘enfant’, il faut
l’admettre
Et l’artiste ‘est’ l’enfant qu’elle
n’a pas cessé d’être !
Pourquoi donc tant de cris pour en
arriver là ?
Tant de douleurs cachées au lieu
d’un simple rire ?
Au lieu de se comprendre, au lieu de
se le dire ?
Dans l’amour d’autrui, dans l’Amour
de Mâ !
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
Nouvelles
- La santé de Swami Bhaskarânanda
n’est pas bonne. Il a environ 93 ans et se sort difficilement d’un long coma,
il a été renvoyé de l’hôpital à l’ashram de Bhimpura, où Swami Nirgunânanda et
d’autres s’occupent de lui.
- La grande Kumbha Méla qui revient
une fois tous les douze ans bat son plein à Hardwar. Des millions de pèlerins
viennent, en particulier autour des grands bains comme Sivarâtrî, le 12
février, et Somavati amavasia, le 14 mars. Un groupe de visiteurs français de
l’ashram a pu se rendre à ces deux bains avec Jacques Vigne grâce à l’aide de
Dinesh Sharma et de la Mahânirvani akhara. L’ambiance était intense, la
procession pour arriver à pied au bain dure environ 4h, où les fidèles qui se
répartissent entre les chars des différents chefs religieux chantent, parfois
dansent et sont dans un état de conscience différent. Les camps aussi sont
intéressants à visiter. Mâ Anandamayî disait que la Kumbha Méla était
l’étendard de l’hindouisme, on peut voir sur 20 ou 30 km carrés la
variété considérable des groupes et écoles religieuses de cette religion qui a
tendance plus à assimiler et à inclure qu’à exclure.
On dit qu’il y a des sages qui ne
descendent de l’Himalaya, ou sortent d’une retraite secrète, qu’une fois tous
les 12 ans pour venir à la Kumbha Méla, ou une fois tous les trois ans s’ils
participent à celles qui ont lieu aux quatre endroits fixés par la tradition.
- Orianne a passé avec succès une
thèse de doctorat sur Mâ Anandamayî à Montréal, en se centrant sur l’étude du
culte d’un grand saint après sa mort. Elle avait fait une bonne partie de son
travail sur le terrain à Kankhal. On peut la consulter et la décharger en
ligne :
www.archipel.uqam.ca/1645/1/D1727.pdf
Abonnements
Les abonnements au ‘Jay Mâ’ se
prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire, et
pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger à
l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue Tibère
- 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr - Ne pas oublier de prévenir Geneviève Koevoets
(Mahâjyoti) une fois le règlement avéré, car c’est elle qui se chargera de vous
envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr - (Coordination bénévole)
Pour le moment tous les abonnés qui
reçoivent le ‘Jay Mâ’ sont à jour. C’est Mahâjyoti qui préviendra tout le monde
en temps voulu au moment où les renouvellements d’abonnements se présenteront
pour les deux années successives (Mars 2011 à 2013).
Table des matières
Paroles de Mâ
Satsang avec Vijayânanda
Mère, sa nature mystérieuse (Swami
Paramânanda)
Enseignement sans paroles (Arnaud
Desjardins)
Réflexions à propos de Mâ Anandamayî
(Dr.M.Hafiz Sayed)
Combien c’est peu de chose
(Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)
Nouvelles
Abonnements
Table des matières
Jay Mâ n° 97 - Eté 2010
Editorial
Ces
trois mois qui viennent de s'écouler ont été marqués par le départ de trois
grands Swami de Mâ Anandamayî à cinq jours d'intervalle, d'abord Swami Vijayânanda
le 5 avril, puis Swami Bhaskarânanda le 7, et enfin Swami Shivânanda deux jours
plus tard. Il s'agissait d'une période très particulière, où le grand bain du
14 avril, Mesh Sankranti, revenait pour couronner la fin d’une nouvelle Kumbha-Mela
après 12 ans à Hardwar. Nous avons diffusé par courriel et maintenant mis sur
le site www.anandamayi.org ainsi que
sur www.jacquesvigne.fr.st trois
documents, le premier racontant les derniers mois de Swamijî, le second donnant
les satsang disponibles de la dernière année environ, et le troisième
rassemblant les témoignages qui nous sont parvenus de tous les coins du monde
après le départ de Swamijî. Une version anglaise du compte rendu des derniers
mois de Swamijî est disponible, et Lucie Maguire qui est anglaise vivant dans
le beau village médiéval de Cordes-sur-Ciel près de Toulouse et interprète français-anglais
a commencé à travailler sur la traduction du gros recueil de témoignages.
Pour le public francophone, il y a un
cadeau qui a son importance avec la
publication en février 2010 par Marc de Smedt, aux Editions du Relié, du
nouveau livre de Patrick Mandala Mâ Anandamayî
- retrouver la joie. Patrick Mandala a fréquenté Mâ en Inde entre 1970 et
1982, et cela faisait longtemps qu'il travaillait sur un nouveau recueil de
paroles de Mâ en choisissant celles qui n'avaient pas été déjà publiées en
français, ce que nous essayons aussi de faire la plupart du temps dans le
« Jay Mâ ». Il a donc repris les anciens numéros d'Ananda Varta,
ainsi que les carnets de Didi et les
comptes rendus de bonne qualité d’Amulya Kumar Datta Gupta, dont nous avons
aussi traduit certaines pages dans les numéros précédents, et rendrons compte
d’autres en français dans ceux à venir. Cela fait un bel ensemble, avec en
introduction un témoignage d'Arnaud Desjardins que nous avons déjà mis dans le
numéro précédent et un article de Vijayânanda sur ce que Mâ n'est pas. Ce
dernier se trouve aussi dans Un français
dans l'Himalaya. Dans ce numéro, ainsi que dans le suivant, nous
reprendrons des explications de Patrick ou des paroles de Mâ extraites de ce
livre pour en donner une idée.
Swami Nirgunânanda va
comme d'habitude animer une retraite en Belgique en juillet, voyez la section Nouvelles à la fin du numéro pour les
détails pratiques.
Paroles
de Mâ
Extraits du nouveau
livre Retrouver la joie (Editons du
Relié) par Patrick Mandala
Prasâda et
connaissance
Le mot prasâda signifie à la fois la nourriture
sanctifiée qu’on distribue à la fin d'un rituel ou d'un satsang, mais aussi la
grâce, ainsi que la sérénité joyeuse.
Question :
-- La prise du simple prasâda va-t-elle permettre
de développer la capacité à recevoir le véritable prasâd ?
-- Oui, en obtenant ce prasâd encore et encore, la grâce viendra.
-- Quel est l'état qui survient après avoir reçu
le véritable prasâd ?
-- Cet état ne peut être
compris ; car « comprendre » signifie «
supporter un nouveau fardeau ». [Jeu de mots en bengali sur bhoj qui signifie à
la fois ‘comprendre’ et ‘fardeau’]
-- Si la connaissance ne fait qu'accroître le fardeau,
pourquoi étudier ?
-- Vous n'avez pas
compris ! Le monde est fondé sur la dualité, et pour comprendre la dualité, il
est nécessaire de l'étudier. Ce corps s'amuse à ce genre d'incohérentes
conversations, car vous ne lui avez rien appris ! Ce qui est dit dans vos
Ecritures, c'est-à-dire « les racines au-dessus et les branches au-dessous
» (ûrdhvamûlam, adhasgâkam) signifie
que l'intellect représente les racines − l'organe de l'entendement. Comme
l'eau doit être donnée aux racines de l'arbre, de même la tête est le siège de
l'intellect. Là réside la faculté de
tout comprendre. C'est la raison pour laquelle ce corps dit, voyez, maintenant
vous avez compris une chose, mais ce n'est pas ce que vous avez compris auparavant.
D’une façon très particulière, la compréhension se développe par degrés. Bien
que la connaissance mondaine et la connaissance spirituelle soient différentes,
mais unies à la racine, toutes deux seront perçues par le cerveau. Comprendre
même la seconde, c’est porter un fardeau supplémentaire. Transcender cette
compréhension [qui signifie « porter un poids »], c'est permettre à la
véritable compréhension de se révéler. Tant que la triputi, la division entre connaissance, connaisseur et connu n'a
pas disparu, cela ne peut être atteint. L'un se révèle toujours par lui-même.
» p.74
Mantra signifie, ce qui délivre le mental » [jeu de mots : man, mental, et tran,
délivrance]. Mais dans la manière impropre de parler de cette petite fille [Mâ],
mantra signifie, man tor, « le mental est tien » [autre jeu de mots]. Ce qui revient
à dire : Lui dont vous répéter le Nom, votre mental sera Sien. Avez-vous
compris ? … » 76
« Ce corps [Mâ] n’est le gourou de personne, ni n’enseigne, avait-elle
coutume de dire. Elle présente simplement ce qui est bon et beau. » Comme une
mère aimante donne à son enfant la nourriture ou le médicament parfois amer qui
le guérira − en juste quantité, au juste moment.
Auprès d'elle − et
cela était confirmé par tant de personnes, voyons les témoignages d'Arnaud, de
Denise, de Vijayânanda, d’Anil, d’Indira Gandhi − naît une impulsion ;
donnons à cette Force le nom de « grâce », de shakti, de « divine énergie », ou autre, il n'en reste pas moins
qu'elle conduit « des ténèbres à la lumière, de la mort à l'immortalité ».
Dans un sens, et du
point de vue duel du relatif, de la lîlâ,
on peut dire néanmoins que Mâ Anandamayî est un gourou, qu’elle enseigne, et
par des voies multiples ; par le silence, les satsangs, la sâdhanâ : yoga, japa, kîrtan, étude, rituels, yajnâ
et pûjâ, seva, méditation, etc. Mais du point de vue de l'absolu, de l'unité
totale, « enseigne-t-elle » vraiment, et à « qui » ?
Sa grandeur réside dans son «
impersonnalité », dans son absence totale d'ego, dans un amour infini tout de
compassion. Son « enseignement » est né, semble-t-il, avec le premier matin du
monde. Enseigne-t-elle ? Oui. Comme la lumière dissipe l'obscurité, comme le
soleil réchauffe les corps et les cœurs, comme le chant de l'oiseau conforte
celui qui l’écoute.
Socrate ne disait-il pas que « l'amour est
le messager entre Dieu et l'homme » ?
Mâ ne serait-elle pas la triple
incarnation de l'amour, du messager et du
divin en l'homme ?
L’arbre-guru
De nombreuses personnes approchent Mâ et lui
demandent souvent :
« Je ne
sais pas comment méditer, ni ne me sens enclin à cela. J’ai de la peine à trouver de l'intérêt pour les choses
spirituelles, mais l'agitation mondaine a aussi peu d'intérêt. Quelle est la
solution ? »
− Ce que cette petite fille vous conseille,
répondit Mataji, c’est de vous asseoir sous un arbre.
−
Mais là où j'habite, il n'y a pas d'arbres, lui dit une femme, et une autre. «
Sous quel arbre ? Quel genre d'arbre Un pippal? [figuier religieux]
− Oui, un pippal. Par « arbre », nous voulons dire un vrai sage. Un
sage est semblable à un arbre. Il n’invite ni ne repousse personne. Il donne
une ombre bienfaisante à quiconque vient près de lui, qu’il soit un homme, une
femme, un enfant ou un animal. Si vous
vous asseyez à ses pieds, il vous protégera des intempéries, du soleil brûlant
comme des trombes d'eau, et il vous donnera des fleurs et des fruits. Qu'un
homme ou un oiseau les goûtent lui importe peu, ce qu'il produit, il le donne à
qui vient à lui.
Persévérer
dans la pratique
− Mataji, quelle est l'utilité de suivre une
sâdhanâ, de faire du japa, de la méditation, des cérémonies
religieuses et tout le reste ? Nous pratiquons depuis des années. Mais en
retour de tout ces efforts et altruisme, que reçoit-t-on ? Nous ne le savons pas
! Tout cela conduit-il plus près de la Réalité ?
(Ce sont là des questions qui étaient
souvent posées à Mâ. Quand elle en avait le kheyâla,
elle répondait :)
Quand vous
lavez vos affaires vous mettez du savon, n'est-ce pas ? Mais il est vrai
qu'elles ne seront propres qu’après avoir été rincées encore et encore, et
qu’ait disparu toute trace de savon. La saleté peut-elle disparaître sans savon
? La pensée du Divin est le savon, en finalité cette pensée doit disparaître
aussi sous les eaux pures du Gange de la Suprême Connaissance (jnâna-gangâ). Ne vous souciez pas des résultats. En affaires, vous donnez et recevez quelque
chose en retour. On appelle cela du « marchandage », si vous adoptez cette
attitude mercantile, vous n’obtiendrez rien. Soyez persévérants dans vos
efforts et votre sâdhanâ.
Le
souvenir du divin est pareil à une flamme. Quelle que soit la direction vers
laquelle souffle la flamme, elle brûlera tout ce qu'elle rencontre. Selon vos
actes, vous récolterez les fruits. Aucun
effort n'est jamais vain. p.89
Jeu de mots « échanger » et «
délivrance »
« Commercer » [bepar, donner quelque chose en échange d’autre
chose] signifie que la « délivrance » [par
hona, « être au-delà »] n'est pas encore arrivée [be]. Ce monde est semblable à une place
de marché. Essayez d'arriver sur l'autre rive. Tendez sans cesse toujours vers
la contemplation de l'Unique − là où cessent toutes peines et souffrances.
Jeu de
mots : « corps » et « changement »
Vous n'êtes pas parfaits. Vous sentez un
manque en vous, c'est pourquoi vous avez le désir d'accomplissement et de
plénitude. « Corps » [sharîra]
signifie « ce qui change sans cesse » [shara]
où il n'y a aucun vouloir, aucun désir, et l’identification au corps
mortel disparaît. Après la réalisation du Soi, il n'y a plus personne pour parler encore d'un tel corps
− car le Soi est révélé.
Il n'y a qu'un Livre unique, et TOUT est
contenu en lui. Une fois lu et compris, rien d’autre ne sera étudié.
La sâdhanâ
devrait être pratiquée dans le seul et unique but de découvrir sa propre svadhân, richesse. p.95
« Anandamayî »
[Mâ Anandamayî interprète son propre nom de façon
impersonnelle]
Question : Quel
est le sens du mot Anandamayî ?
Mâ : Depuis la nuit des temps, Anandamayî a été
l’épithète qui désignait Bhagavatî
(le Divin conçu en tant que Mère). Anandamayî [« tout de félicité »] est en
fait contenu en toute chose. Aussi est-il dit que là où se trouve un homme, il
y a Shiva, et que là où est une femme
est Gaurî [Pârvatî, sa Shaktî] 98
Vacuité
Mahâ-shunya, le grand Vide, est sa forme unique. Mais il faut
distinguer entre le vide ordinaire qui est relatif au monde, et le grand Vide
qui ne peut être compréhensible. Qu’est-ce qui l’est et qu'est-ce qui ne
l'est pas ? Malgré cela, tout est et
aussi n’est pas, ni n'est ou n'est
pas. Quoi que vous trouviez en perdant tout, c'est ce vers quoi il faut tendre.
Vous et moi sommes deux personnes,
toutefois, vous et moi sommes ‘un’ ; et le vide qui est entre nous deux
est aussi moi-même : Là, il
n'est plus question du tout de dualité. Attachement et confusion surviennent du
sens même du deux - de la dualité. 99
Traduction
de la lettre du Premier ministre indien Mme Indira Gandhi, envoyée à Patrick
Mandala pour l'un de ses livres sur Mâ (3 septembre 1981)
Le premier ministre est heureux d'apprendre que
vous écrivez un livre sur Mâ Anandamayî, pour laquelle elle a le plus grand
respect.
Mme Indira Gandhi a écrit spécialement pour vous
l'hommage suivant à Mâ Anandamayî et vous pouvez l’utiliser de la manière la
plus appropriée :
« Mâ Anandamayî
est un être rayonnant dont la présence dégage une grande paix. J'ai eu la
chance de bien la connaître et d'avoir reçu telle une affection sans mesure
depuis mon enfance, en raison de son intimité avec ma mère, Kamala Nehru.
« Ma Anandamayî
représente toutes les valeurs profondes de l'Inde sous leur aspect le plus
universel. Il n'est pas de ma compétence de donner une appréciation sur son
accomplissement spirituel. Des millions de gens ont trouvé en elle lumière et
réconfort et sont devenus meilleurs. En vérité, ceci est son message : le
guide de chaque être est en lui-même. »
Préface d'Arnaud Desjardins
Au livre Retrouver la joie rassemblé et traduit par Patrick Mandala
Si nous demandions à différentes personnes
de notre entourage : « Qu’avez-vous vu de plus beau de toute autre existence ?
Certains évoqueraient peut-être un paysage qualifié de grandiose, d'autres une
oeuvre d'art considérée comme sublime. Et si nous précisions : « Quelle est
l'oeuvre d'art sacré qui a le plus remarquablement éveillé en vous le sens de
la transcendance ? », les réponses iraient de la cathédrale gothique à la
statue khmer d'un bouddha ou une des
plus admirables peintures chinoises traditionnelles à telle ou telle mosquée.
Mon
existence personnelle m'a donné l'opportunité de contempler bien des merveilles,
du Mexique au Japon et de l’Inde au Québec, mais ce qui a produit en moi, de
loin, la plus forte impression et pour laquelle aucun terme tel que « divin »
ou « surnaturel » ne me paraît excessif, est la rencontre, le darshan (vision) comme on dit en Inde,
d’un être humain, d’une femme hindoue de naissance bengalie, la célèbre Mâ Anandamayî.
Ce ressenti inoubliable, décisif, a été partagé par de très nombreux hindous et
occidentaux. Les meilleures images d'un film, les photographies les plus
réussies ne transmettent qu'une faible part de son rayonnement. Toutes les
facettes d'un être humain accompli, depuis le rire lumineux d'un enfant jusqu'à
l'immense gravité d'un Sage, s’exprimaient à travers elle. Et ses paroles,
totalement adaptées à chaque personne et à chaque circonstance, ont couvert
toute la gamme des réponses possibles aux questions de ceux qui l’approchaient,
depuis une simple villageoise jusqu'à un pandit
réputé de Bénarès ou un mystique de Vrindavân.
Il est
heureux que son influence puisse encore toucher aujourd'hui des personnes qui,
faute de l'avoir rencontrée « en chair et en os », découvriront au fond de leur coeur sa
dimension infinie.
Hauteville, 29 janvier 2009
6
témoignages à propos du recueil de souvenirs
Sur
Vijayânanda
De Bruno
Ducoux
Merci
Geneviève,
Voici un
message que j'avais envoyé à Jaques
Bien cordialement
Bruno
Cher Jacques,
Merci beaucoup
de ce message fort que tu nous as fait parvenir.
Je ne suis pas
encore allé en Inde et n'ai pas rencontré Vijayânanda
physiquement mais spirituellement grâce à toi.
Vijayânanda est
parti au moment où tous les chrétiens - catholiques,
protestants et orthodoxes- célébraient la Pâque, le passage, la Résurrection:
quitter le corps physique signifie pour moi que Vijayânanda n'avait plus besoin
de lui pour recevoir et donner. Libéré de l'espace et du temps dans
lequel nous survivons, il vit libre, il est;
il n'y a plus
de séparation et donc, sans doute, plus de souffrance...
Avec mon affection
Bruno
D’Eliane Mazzoleni (Suisse)
Chère Mahâjyoti
Merci pour l'envoi de tous ces témoignages qui continuent à
remplir nos cœurs de joie et de bonheur.
Merci à toi, de continuer à faire rayonner toutes ces beautés et de
les partager avec nous. Ce visage doux de Swamiji, même si je ne l'ai pas
rencontré physiquement, c’est dans le
lien du cœur que cela a pu se passer pour moi car lui, à travers Jacques,
a pu me guider vers Trulshik Rinpoché, comme une flèche qui va droit au
coeur et cette voie a été juste pour moi.
Moi-même il me faut entreprendre bien des changements et de nouveaux choix.
Comme disait Swamiji ....... ‘Réveillez vous, attention, vous êtes dans une
jungle..... il y a des lions ......’. La foi me rappelle de ne pas négliger ce
qu'il y a de plus précieux en nous: cette flamme divine qui nous
demande d'écouter ce qu'il y a réellement de si sacré en nous: la
vie.
Dans le Dharma
Eliane
De Véronique Vauvrecy
Cher Vigyân,
Chère Geneviève
Je découvre
avec émotion ce matin les témoignages que vous avez recueillis et rassemblés en
un inestimable document si chargé d'intensité de la part des uns et des autres
autour de l'Etre lumineux que fut Vijayânanda. Soyez infiniment et
chaleureusement remerciés l'un et l'autre !
J'étais
tellement dans l'attente de ce recueil que cette nuit je me suis réveillée
chantant Jaya Jaya Shiva Shamboo comme lors des funérailles de Vijayânanda
!
Pensées
intenses vers vous
Véronique
Jay Mâ !!
De Claudie Sablon
Chère Geneviève (j'ai du mal avec les prénoms
indiens)
MERCI MERCI, je ne vous le dirai jamais assez pour
cet envoi formidable des témoignages après le départ de Swamiji ;
Beaucoup d'émotions. De toutes façons, dès que je
pense à lui je pleure et aussi lorsque je me trouvais près de
lui............Toute son énergie divine me secoue beaucoup, mais ces émotions
sont tellement profondes !
De toutes manières, Il est là et reste dans nos
coeurs.
Le plus difficile je pense, ce doit être pour
l'ashram de Kankhal et tous ceux et celles qui le voyaient souvent et qui
pouvaient profiter de son enseignement "en direct".
Quel bonheur, quelle grâce de l'avoir connu.
Nous attendrons le ‘JAY MA’ avec impatience.
Merci mille fois pour votre dévouement et
votre partage.
Bien cordialement dans la pensée de Swamji
Claudie
De Kiran
Grave : « Un Saint ne meurt jamais… »
Chère Mahâjyoti,
Merci beaucoup pour ces témoignages merveilleux à propos
de notre Swami Vijayânanda bien-aimé. Un véritable fils de Mâ. Swamiji avait
une relation tellement longue et étroite avec ma famille, en particulier avec
ma grand-mère qu’il avait rencontrée dès
le début de son séjour en Inde : que ce soit lui ou elle, les deux avaient un
amour exceptionnel pour Mâ, et très souvent durant le satsang avec Swamijî, il
la mentionnait sous le nom de Maharatan, que Mâ elle-même lui avait donné.
(Elles avaient été ensemble en particulier à Almora dans les années 40, où un
lien fort s’était constitué entre elles). Swamiji et elle avaient un lien
commun qui était leur amour intense pour Mâ. À la fois ma fille Ananta et
moi-même avons été frappés de chagrin, mais nous avons été forcés de regarder
au-delà et une nuit pleine de tristesse, tandis que je priais en regardant la
photo de Swamijî, j'ai senti soudain sa voix qui me disait : « Regarde, je
n'étais nulle part, je suis ici même. Vas donc lire ‘Les conversations avec Vijayânanda’ que Jacques Vigne a mis en
forme. Ainsi, j'ai ouvert le livre au hasard et la phrase qui m'a sautée aux
yeux directement fut : « Un saint
ne meurt jamais ». Oui, Swamijî est toujours avec nous à l'intérieur et à
l'extérieur, c’est à nous de faire l'effort de réaliser cette vérité aussi
difficile qu'elle puisse paraître !
Merci à vous
et à Jacques pour me tenir au courant et rester en contact. Les nouvelles et
témoignages sur Swamijî sont envoyés par le Ciel.
Jay Mâ
Kiran
De Laurent Laferté
Om
Merci, c'est très intéressant.
Le premier jour, après avoir vu Vijayânanda, j'étais allé dans le samâdhi pour
la cérémonie du soir, c'était la toute première fois que j'assistais à ce genre
de rituel, il y avait quelque chose de très fort, je ne trouve pas les mots.
J'avais les yeux fermés, j'étais plus ou moins endormi, pourtant la musique
était particulièrement puissante et à un moment j'ai senti qu'on m'aspergeait
d'eau, ce qui me réveilla et j'imaginai qu'ils étaient tous en adoration devant
moi ! Quelle imagination, n'est-ce pas !
Autrement je n'ai pas eu beaucoup d'échanges avec lui, mais je sentais qu'il
voyait mon mental qui n'était pas toujours comme il aurait dû être. C'était (ou
c'est plutôt) un être d'une grande lucidité et d'un amour infini.
Autrement, le jour de "sa mort", un ami à qui j'avais parlé de Vijayânanda
m'avait dit qu'il était peut-être décédé et je lui avais assuré que je ne le
pensais pas, c'est comme s’il avait voulu me prévenir par l'intermédiaire de
cet ami.
Je suis par ailleurs allé à l'enterrement, c'était très beau et émouvant.
Om Jay Ma
Laurent
Sri Sri Mâ Anandamayî
La Flamme éternelle
Sri Govind Narain ICS (Retd.)
Sri Govind Narain est le gendre de Pannalal qui
était à un moment de sa carrière préfet de Bénarès, ainsi qu’un proche de Mâ
jusqu’à sa mort, et qui a écrit un livre sur elle. Govind Narain a été lui-même
haut fonctionnaire et est toujours malgré son grand âge président de la Sangha
de Mâ. Ce témoignage est un chapitre d'un livre publié à Calcutta en 2007 à la
suite d’un séminaire sur Mâ Anandamayî, constitué d’un recueil de contributions
de la part de personnes qui l'ont bien connue. Il a été édité en anglais avec l'aide de Swami Nirgunânanda.
Il contient également un chapitre avec un témoignage d'Arnaud Desjardins que
nous avons cité dans le numéro précédent et qui a été mis aussi au début du
nouveau livre de Patrick Mandala : Ma Anandamayî − retrouver la joie aux Editions du Relié, février 2010.
De tous temps notre
pays a connu une tradition de grands sages et de grands prophètes. Ces êtres
supérieurs ont préservé notre sagesse et assuré la continuité de nos valeurs et
de notre culture. Cela a constitué l’épine dorsale de notre unité et de notre
intégrité nationales. Chacun de ces grands êtres a fait en sorte de transmettre
à sa façon les enseignements, afin qu’une humanité désireuse de savoir puisse
en tirer profit. Certaines de ces âmes qui ont atteint la réalisation
spirituelle sont venues parmi nous pour assurer notre salut. Leur avènement a
été annoncé par les sages qui les ont précédées. Sri Sri Mâ Anandamayî est
l’une de ces âmes extraordinaires.
User de nos
simples mots pour parler de Mâ Anandamayî équivaut à vouloir expliquer le
soleil éblouissant à l’aide de la maigre flamme d’une bougie. Une vaine
tentative. Mâ est tout et plus que cela. Toutes les descriptions la concernant
ne sont que minuscules fragments de l’infinitude. Le mahasamadhi de Mâ
est un phénomène du monde physique. Mâ est éternelle. Elle existe en nous telle
une flamme vive et brillante à l’intérieur des êtres que nous sommes. Nous
avons besoin de la perception pour La voir. Son Être fragrant est toujours en
nous et il est essentiel que nous nous débarrassions de notre ego et de notre
aveuglement pour avoir pleinement conscience de Sa présence. Elle est la pureté
personnifiée, venue parmi nous pour guider nos pensées et nos actions, à la
condition toutefois, que nous soyons suffisamment grands pour être humbles et
nous en remettre entièrement à Elle. A cet Un qu’Elle représente, j’offre ma
dévotion la plus profonde.
Les Âmes
supérieures appartiennent à la même dimension.
Lorsqu’il était jeune,
mon beau-père, le docteur Panna Lal, effectua ses études au collège St. John à
Agra. Il eut la chance d’y bénéficier de la protection du Professeur Surya Kumar
Karfarma. Ce dernier était un Grahastha qui avait su assurer sa
progression spirituelle par le biais d’une sâdhanâ sérieuse et soutenue.
Grâce à lui, le Dr. Panna Lal apprit énormément de choses, aussi bien sur le
plan de ses études que sur celui de la spiritualité. Leurs rapports se
poursuivirent dans le temps et, plus tard, le Dr. Panna Lal présenta les
membres de sa famille au Prof. Karfarma. Les enseignements que celui-ci leur
prodigua par la suite marquèrent
profondément cette petite communauté. En 1925, le Professeur, qui
s’était retiré depuis longtemps déjà, rendit visite au Docteur Panna Lal à Unao
où celui-ci était en poste. Au cours d’une conversation qu’ils eurent en privé,
le Professeur Karfarma déclara à mon beau-père qu’en ce qui le concernait, il
lui avait transmis toute la connaissance qu’il possédait, mais qu’un grand être
illuminé, qui était déjà incarné, s’occuperait de lui, Dr. Panna Lal, le moment
venu et le conduirait plus avant dans son cheminement. Le Professeur faisait
allusion à Sri Sri Mâ Anandamayî. Plus tard, lorsque le Dr. Panna Lal rapporta
cet épisode à Sri Mâ, celle-ci se contenta de sourire avec douceur. Ainsi,
d’autres âmes supérieures étaient au courant de la venue de Mâ sur cette terre.
Ils appartenaient tous au même monde.
C’est en 1938 que Mâ
vint à Allahabad où mon beau-père exerçait alors son activité de « commissioner »
(équivalent de préfet). Swarnalata Jaspal (Brahmacharini Billoji) et sa famille
avaient coutume de rendre visite à Mâ. Billoji qui avait obtenu ses diplômes quelque temps avant Chandra, ma
femme, annonça à celle-ci qu’une grande sainte était arrivée dans la ville et
lui conseilla d’aller la voir. Mon épouse se rendit au lieu qu’on lui indiqua
et eut le darshan de Mâ en même temps que Billoji. Par la suite elle y
emmena ses parents afin qu’ils aient eux aussi le darshan de Mâ. Lors de
cette première rencontre avec mon beau-père, Mâ se mit tout à coup à rire et
lui dit : « Pitaji, vous étiez présent vous et de nombreuses autres
personnes, lors de la cérémonie de la sannyâsa de Chaitanya Mahaprabhu ».
Cette remarque de Mâ déclencha une véritable décharge électrique dans le corps
du Dr. Panna Lal et emplit son coeur d’une profonde dévotion qu’il conserva
durant toute sa vie.
Durant la période 1941
à 1943, je rendis visite à Mâ en différents endroits, en compagnie de mon
beau-père, mais à l’époque, le contact ne s’était apparemment pas établi entre Mâ
et moi-même. J’étais timide et introverti. Je me souviens avoir assisté à des satsang
de Mâ sur le toit-terrasse de la Hari Ram Joshi à Lucknow. Il y avait en
général quelques vingt-cinq disciples qui y prenaient part. Durant les kirtan
Mâ entrait souvent en samâdhi. Les kirtan « doux » se
répétaient et Mâ revenait dans le monde physique après de courts laps de temps.
Je me souviens aussi de séances en comité réduit, toujours en compagnie de mon
beau-père, à Vindhyachal, à Dehra Dun et en d’autres endroits. J’étais de plus
en plus impressionné par la grâce et la douceur extrême de Mâ mais je dois
avouer que la véritable étincelle n’avait pas jailli en moi.
Le jour où Mâ
déclencha en moi l’Etincelle spirituelle.
Décembre 1943 – janvier
1944. J’étais en poste, en tant que Magh Mela Officer à Allahabad et mon
épouse, nos deux filles et moi-même, campions pour une durée d’un mois au Sangam.
L’atmosphère du lieu semblait littéralement sanctifiée car des bhajan et
des kirtan s’y déroulaient toute la journée et, dès le matin à l’aube,
des flots de disciples venaient y pratiquer l’immersion sacrée dans le froid
glacial de l’hiver. Une nouvelle agglomération s’était développée avec la venue
d’une foule de personnes – sadhus, disciples, pandhas,
commerçants et services de toutes sortes. Il fallait organiser les choses et
prendre les dispositions qui convenaient. Un jour, alors que nous venions de
terminer notre repas de midi, nous trouvâmes Mâ devant la grille de notre
campement, accompagnée d’une simple brahmacharini. Nous nous
précipitâmes, ma femme et moi, dans sa direction. Mâ se mit à rire et
s’exclama : « J’ai entendu dire que Govind Narain vivait dans cet
endroit, alors ce corps est venu. » Nous étions éblouis par son charme.
Nous n’avions pas grand chose à lui offrir si ce n’est deux bananes qui
restaient du repas. Avec sa grâce indicible, Mâ nous bénit tous les deux ainsi
que nos filles puis elle s’éloigna. L’étincelle venait de jaillir en moi.
Dans le courant de
l’année 1946, mon beau-père se rendit à Vrindaban où Mâ prenait part à la
célébration du Holi. Mon épouse et moi, accompagnés de nos deux jeunes
filles Chandan et Nandini, nous rendîmes également sur les lieux. L’atmosphère
qui règne en ces occasions où la présence de Mâ domine le tout, est tout
simplement divine et la venue d’un grand nombre de Mahâtmâs et de
disciples ne fait qu’ajouter à la grandeur de l’évènement. Un jour, lors d’une
des petites réunions qu’Elle tenait, Mâ révéla que tous ceux qui venaient vers
Elle l’avaient toujours accompagnée tout au long de nombreuses vies précédentes
et que chacune de ces personnes était en train de gravir le chemin de la
spiritualité. Cela eut un véritable impact magnétique sur nous tous qui
l’écoutions. Le lien qui nous unissait à Elle se faisait de plus en plus fort.
Après quelques jours de pure béatitude, le moment vint où il nous fallut
reprendre notre travail. Mâ me conseilla de me mettre en route après avoir pris
le prasâd, ce que j’omis de faire
car je devais prendre la route sans perdre de temps pour me rendre à une
réunion à Hatras, en direction de Aligahr. Je persuadai donc ma femme de partir
sans attendre. Un chauffeur était au volant de notre petite Morris. Nous avions
parcouru environ 7 miles, lorsque tout à coup une vieille femme traversa la
route juste au moment où nous arrivions. L’avant de la voiture la heurta de
plein fouet et la traîna sur une dizaine de mètres avant de s’arrêter. Nous
fûmes terriblement secoués. La femme poussait des hurlements. Son fils accourut
pour s’occuper d’elle. J’installai rapidement ma famille à l’ombre d’un arbre,
sur les bas-côtés de la route et emmenai la femme et son fils à Vrindaban, dans
un dispensaire où je la fis soumettre à des examens minutieux. Par la grâce de Mâ,
elle ne souffrait d’aucune blessure, pas même d’une égratignure, mais elle
était en état de choc. Je la fis hospitaliser pour un contrôle supplémentaire
avant qu’elle ne décide de rentrer chez elle. Ensuite je me rendis à l’ashram
de Mâ pour raconter à mon beau-père ce qui venait de se passer. Mâ s’aperçut
alors de ma présence. Elle sourit puis me répéta qu’il serait bien que je
prenne le prasâd avant de m’en aller. La leçon venait de porter ses
fruits. Je pris avec moi le prasâd pour toute la famille et je me remis
en route. Lorsque j’arrivai à l’endroit où j’avais laissé ma famille, ma femme
me lança : « Alors, qu’en est-il de ta crainte d’être en retard
à ta réunion à Hathras ?... » Les voies de Mâ sont
impénétrables !
Au début de l’année
1947, j’étais en poste au Secrétariat à Lucknow. Je logeais alors au 2, Olliver
Road. Mâ nous donna de nouveau sa bénédiction. Elle vint nous rendre visite à
la maison. Nous l’accueillîmes avec nos modestes moyens et lui rendîmes
hommage. Sa divine grâce prévoyait apparemment de me confier de plus grandes
responsabilités.
Un exemple de la lîlâ
de Mâ.
(De 1951 à 1954 j’ai
vécu au Népal avec ma famille. J’avais été commis au poste de Conseiller au
Secrétariat de Sa Majesté le Roi Tribhuvan Bir Bikram Shah du Népal. A
Katmandou l’hiver était en général assez froid, raison pour laquelle ma femme
allait passer les quelques mois de cette période avec son père, le Dr. Panna Lal.
En 1953 elle se rendit avec celui-ci à Vrindaban, à l’ashram de Mâ.)
En 1954, mon père, mon
épouse, nos enfants et d’autres membres de la famille, se trouvaient à
Allahabad, dans l’ashram de Mâ, près du ‘Sangam’. Mâ les emmena tous pour une
immersion dans le Sangam, après quoi elle retourna à l’ashram. Quelque temps
après, une grande fatigue sembla s’abattre sur Mâ qui s’exclama tout à
coup qu’Elle avait le sentiment qu’une foule piétinait son corps. On
apprit un peu plus tard qu’une tragédie avait eu lieu, une panique générale qui
avait causé la mort de centaines de personnes sur les berges glissantes du
fleuve. Je me trouvais alors à Katmandou et bien évidemment je fus pris d’une
terrible angoisse lorsque j’appris la nouvelle par la radio. Tous les fidèles
qui entouraient habituellement Mâ étaient sains et saufs. Quant à Mâ, Elle fut
particulièrement affligée par le drame qui venait de frapper la grande famille
humaine.
Un jour je me rendis,
avec mon épouse et son père, à l’ashram de Varanasi, à l’occasion du Sharavatri.
Un après-midi, alors que mon beau-père était assis dans la cour, Mâ sortit de
la salle de bains, une serviette mouillée à la main. Père, comme à
l’accoutumée, lança une petite réplique amusante. Mâ se mit à rire et lui posa
la serviette mouillée sur la tête. Père, exalté, se prosterna devant Elle, lui
rendant grâce pour sa gentillesse et sa bénédiction. Ceux qui sont familiers de
la théorie de Shaktipat ou de l’éveil de la kundalini,
apprécieront certainement la signification de cette lîlâ.
Les préparatifs
organisés par Mâ à l’occasion de la Shiravâtrî Pûjâ étaient toujours
effectués avec un soin méticuleux sous Sa constante supervision. Tous ceux qui
participaient à ce culte sacré, étaient tenus d’observer un jeûne absolu dès le
lever du jour, sans même absorber la moindre goutte d’eau.
La Kripâ-Sagari de Mâ.
Un jour à Dehli, la pûjâ
Shivarâtri avait été organisée à l’ashram de Kalkaji et Smt. M.S. Subhaluxmi
s’était joint à nous pour la circonstance. Je ne me sentais pas très bien car
je relevais tout juste de maladie. Je demandai à Mâ si je pouvais prendre du
lait. Mâ ne me dit pas « non ! ». Elle me dit tout simplement,
en souriant, que dans ce cas je devrais assister à la pûjâ de
l’extérieur de la salle. Le message était on ne peut plus clair. Je me résolu
donc à observer le jeûne nirjala et décidai de m’asseoir parmi les
autres fidèles mais pour une seule pûjâ prahar. Ma femme et mes filles
étaient présentes elles aussi. Après le premier prahar nous échangeâmes
quelques regards et je leur fis comprendre que je resterai pour le prahar
suivant. Durant la pause, M.S. Subhaluxmi chantait quelques bhajan, de
beaux chants religieux et Mâ passait parmi les fidèles, échangeant quelques
paroles avec les uns et les autres. Le deuxième prahar terminé, je me sentais suffisamment solide pour assister au
troisième, et ensuite au quatrième. Ainsi par la grâce de Mâ j’avais accompli
la totalité de la pûjâ. J’étais étonné du revirement de mon état de
santé pourtant déplorable peu de temps auparavant. Je compris alors que la kripâ,
la grâce divine en Mâ, pouvait être sans limites pour peu que l’on suive ses
instructions.
Une autre
mystérieuse lîlâ de Mâ.
Durant notre séjour au
Népal nous avions fait l’acquisition de deux chaur aux poignées
d’argent. Ces objets sont utilisés pendant les cultes religieux aux déités. Mon
beau-père, quant à lui, avait fait don de deux représentations de Ashtadhatu
– celle de Mahaprabhu et celle de Nityananda – pour qu’on les
expose dans l’ashram de Vrindaban. Mâ les avait joliment disposées, dans un
beau décor qui devait servir pour le culte. Nous nous retrouvâmes tous à Vrindaban.
Les idoles étaient magnifiques et Mâ nous décrivit avec amour et spontanéité la
manière dont Elle avait procédé pour installer tous ces beaux objets et cela
afin de nous préparer à la cérémonie qui devait durer quelques heures. La
veille, alors que Mâ effectuait l’inventaire de ces objets et s’assurait que
toutes les dispositions avaient été prises, plusieurs Ashramites chargés de
l’aménagement vinrent lui rendre compte de la situation. Ils lui signalèrent
que tout était en ordre mais qu’il n’y avait pas de chaur. A ce moment-là,
ma femme avait déjà placé un des chaur dans ses bagages et son père lui
avait dit d’attendre avant de continuer. Il voulait voir quelle serait la lîlâ
de Mâ. Et Mâ était précisément en train de parler de chaur et Elle se
montrait préoccupée. Puis Elle déclara que le Seigneur Lui-même procédait à Ses
aménagements et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Quelque chose se
passerait. A ce moment-là, mon beau-père dit tranquillement à ma femme de
prendre le chaur et d’aller le remettre à Mâ. Ce qu’elle fit. Mâ,
heureuse, se mit à rire et lança : « N’avais-je pas dit que le
Seigneur procédait Lui-même à Ses aménagements ? ». Nous restâmes
bouche bée devant la façon qu’avait eu Mâ, Elle qui est omnisciente, de
préparer Sa lîlâ pour convaincre les
personnes présentes.
Lorsqu’on commence à
parler de Mâ, on perd totalement la notion du temps et de l’espace. Il y a tant
à dire sur Elle qui est omnisciente, omniprésente et sans limites ! Mais
je me dois de tempérer mon enthousiasme. Puisse la grâce de Mâ être avec chacun
de nous. Jay Mâ.
Le
Sage et le Papillon… (La mort d’un sage)
Coquin papillon s’en vint un beau jour
voleter gaiement auprès d’une barbe.
Dis-moi donc vieux Sage, aurai-je droit un jour
à pouvoir flirter au creux de ta barbe ?
Puis-je y butiner sagesse et mystère ?
Cesser d’être pris pour une âme légère ?
Gentil papillon, répondit le Maître,
sache rester toi-même sans te contrefaire.
Donne du bonheur dans ta légèreté,
ne t’alourdis point de tant d’anxiété.
Ma barbe argentée connut la misère
le poids des années, la gloire éphémère.
J’aimerais comme toi pouvoir m’envoler !
Qu’à cela ne tienne, je vais vous tirer
vers le ciel d’azur, laissez-vous guider.
D’en haut vous verrez les âmes égarées,
regardez-les toutes, elles sont fatiguées…
Je n’veux plus descendre, s’écria le Sage,
je les vois souffrir, elles n’ont rien compris,
aide-moi à voler jusqu’au bout de ma vie !
Un grand cerf-volant forma l’escadrille,
Puis ils disparurent, loin à l’horizon.
C’est depuis cela qu’une toute jeune fille
mit dans ses cheveux de beaux papillons…
de Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
à Vijayânanda (poème et portrait)
(Kankhal – Mars 2005)
Nouvelles
- Les dossiers relatant les derniers mois de Swami Vijayânanda, ce qui a
été noté de ses satsang et les témoignages à son sujet, sont maintenant en
ligne à la fois sur www.anandamayi.org et sur www.jacquesvigne.fr.st
- Il y a des satsangs sur Mâ
organisés à Louvain La Neuve par Paul Neeffs :
une fois par mois : infos sur http://www.anandamayi.net/page3.html
C'est
aussi l'occasion d’annoncer la retraite avec Swami Nirgunânanda.
Elle aura lieu à BIEVENE, DU 12 AU 17 JUILLET 2010.
Cette annonce aurait dû se faire plus tôt. Les départs -Mahâsamâdhi- de Swami
Bhaskarananda, auquel Swami Nirgunânanda était (est) très lié et de Swami Vijayânanda
ont influés sur la venue de Swamiji.
Informations pour cette retraite :
Pascal Coureaut : Tél: 0032 - (0) 69 55 84 24 - GSM:
0032 - (0) 474 11 40 89
Paul Neeffs : Tél. 0032 (0)10 81 47 80 - GSM : 0032 - (0) 485 93 80 11
Merci d'annoncer votre
venue :
paulneeffs@yahoo.com 010/81.47.80 - gwendoline_13@hotmail.com
02/660.67.71.
-
Dinesh Sharma a connu Swami Vijyânanda à Kankhal à l'âge de 13 ans, il en a
maintenant 30. Il a ouvert son bureau d'agence de voyages juste en face de
l'ashram de Mâ Anandamayî. Il a commencé à rassembler les documents
photographiques, vidéo et audio sur Swamiji dans l'intention de les exposer
d’une façon ou d'une autre près de l'ashram de Kankhal. N'hésitez pas à lui en
envoyer, il a l’ADSL. teerthtravel.har@rediffmail.com
+91-98 97 28 39 82
-
Vigyanânand (Jacques Vigne) sera présent à Kankhal la plus grande partie du
mois d'août et du mois de novembre. En fin juin et juillet, il sera en retraite
à Dhaulchina.
Abonnements
Les abonnements au ‘Jay Mâ’
se prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire, et
pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger à
l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue Tibère
- 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr - Ne pas oublier de prévenir Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
une fois le règlement avéré, car c’est elle qui, bénévolement, se chargera de
vous envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr
Pour le moment tous les
abonnés qui reçoivent le ‘Jay Mâ’ sont à jour. C’est Mahâjyoti qui préviendra
tout le monde en temps voulu au moment où les renouvellements d’abonnements se
présenteront pour les deux années successives (Mars 2011 à 2013).
Table des matières
Éditorial
Paroles de Mâ
Retrouver la joie, nouveau livre par Patrick
Mandala.
Mâ Anandamayî, la flamme éternelle par Govind Narain
Poème ‘Le Sage et le Papillon’ de G.Koevoets (Mahajyoti)
Nouvelles
Abonnements
Table des matières
Jay Mâ N ° 98- Automne 2010
Paroles
de Mâ
Extraites de ‘Vangmayee Ma’
Chapitre 9 – Le G O U R O U
Le principe du Gourou est particulièrement profond. Le gourou doit être vu
comme Dieu Lui-même. Le Gourou ne peut pas être repoussé. Si on abandonne un
Gourou c’est qu’on ne l’a jamais choisi. Jamais un Gourou ne pourrait commettre
un acte
2
injuste ou indécent. Quand on considère que la relation avec le Gourou est
parfaite, le pouvoir du Gourou et la dévotion pour lui ne se relâchent jamais.
Dieu, qui est la vérité même, fait en sorte que
la recherche de la vérité parvienne à son accomplissement.
Votre Gourou est aussi le Gourou du monde, le Gourou du monde est également
votre Gourou. Il ne faut pas aller dans un lieu son Gourou n’est pas respecté.
Rappelez-vous que le Gourou est uniquement Celui-là Lui-même.
Le Gourou est à l’intérieur. Lorsque la vraie recherche commence, il y a
révélation. Il est impossible de demeurer sans l’illumination. Il vient sous
forme du Gourou et Se révèle, ou Sa manifestation vient à la lumière.
Le chemin vers Dieu est direct et facile. Quelle que soit la parole du
Gourou, c’est le meilleur mantra qui soit. Il ne peut y avoir d’illumination
que si le japa du mantra est pratiqué avec exactitude. Lorsque le
pouvoir du Gourou est manifesté, ne devrait-il pas porter ses fruits ? Il
est clair qu’on se fera brûler si on pénètre dans le feu . Il est dans tous les noms et toutes les
3
formes, et Il est aussi sans nom et sans forme. Si on aime les noms, alors
Il est là, dans tous les noms et toutes les formes. Mais aussi si on préfère le
Sans forme, alors Il est sans nom et sans forme.
Dieu Lui-même se manifeste en tant que Gourou. Croyez cela et appelez-Le.
Dans le contexte du Gourou, tout comme la statue ne doit pas être prise
pour la pierre, le Gourou ne doit pas être considéré comme un être humain. Le
Gourou doit être considéré comme Dieu. Si vous le voyez comme un être humain,
cela signifie que vous ne l’avez pas accepté comme Gourou. La raison en est la
suivante : est-ce qu’un être humain
pourra jamais devenir Gourou ? Gourou signifie Japat-Guru
(Enseignant du monde). Japat-Guru c’est celui qui inverse, qui
transforme la progression vers la mort, en une progression vers l’immortalité. [jag- correspond à la racine d’aller, de mouvement] Celui qui
engendre une telle transformation ne peut être que le Gourou intérieur.
Lorsqu’un Gourou prend un disciple sous sa protection, il ne se sépare de lui
que lorsque le disciple a atteint son but. Le problème du départ du Gourou ne
se pose même pas. Où irait-t-il ? Y a-t-il aucune interrogation au sujet
de sa venue ou de son départ ? Vous ne comprenez donc pas ? Dans le
cas du Gourou, le problème n’est jamais soulevé. Parce que, là, le corps
n’existe pas.
4
Il y a maintenant un autre point à considérer, à savoir, que même lorsque
le Gourou s’en va, et que vous ne Le voyez plus dans Son corps physique, Il
continue, tout le temps, à chaque instant et aussi longtemps que vous n’avez
pas atteint votre but, à vous guider, à vous aider à vous accrocher à cette
voie qui est la vôtre. Quelle est la signification de Sa générosité ? Où
ira-t-Il ? Concernant Son départ, il n’y a pas de question. Il se révèlera
Lui-même.
Où est le Gourou, en présence de votre « Moi-ité » ? Là où
cesse la dualité de « mien et tien ». Peut-être dans le Gourou ou
dans l’Ishta – le Gourou est dans l’Ishta et l’Ishta est dans le Gourou. L’L’Ishta est
aussi dans le mantra – Il est dans toutes choses, dans la même mesure.
Quand le Gourou est accepté comme il se doit, alors le Gourou ne peut plus
être désavoué. Le Gourou est toujours présent avec le disciple. Dieu est en
fait le Gourou de l’être humain. Il devrait toujours Lui faire confiance. Kriya
(exercice spécifique de sâdhanâ), pratique du yoga etc... ne sont pas
possibles sans la présence du Gourou. Alors que c’est possible le japa
et la méditation en Son absence. Pour la tranquillité de votre esprit, essayez
de méditer dans une bonne posture, âsana. Il faut vous efforcer de
garder l’esprit fixé sur le but spirituel suprême. Il n’y a que de cette façon
que l’on peut espérer l’ouverture de la voie vers la paix.
5
Tout comme il est impossible d’étudier à l’université sans l’enseignement
d’un professeur, il est impossible de posséder la Brahmavidyâ (la
connaissance de Brahman, l’ultime réalité) sans Gourou. C’est là en fait, le
problème pour l’élévation spirituelle, le salut et tout le reste.
Le Gourou a des formes sans nombre, des manifestations sans nombre et des
non-manifestations sans nombre. Il se révèle en effet sous la forme du Gourou,
de L’Ishta et du mantra. Dans le contexte de l’esprit, de l’âme, il n’y
a qu’un seul Atman omniprésent. Il [le Divin] est avec Lui-même en
Lui-même si. Pour la révélation de Son swarup (existence véritable,
essence) il existe différentes voies, différentes manières dans ce monde-ci. Là
encore il se retient. Mais il ne s’agit pas de retenir ou de ne pas retenir. Ce
que l’on recherche c’est Sa révélation.
Il est vrai que si un Gourou n’est pas suffisamment compétent, cela peut
porter de sérieux préjudices.
Beaucoup se repentent d’ « une initiation faite avec un satgourou
(précepteur) sans que hélas, rien ne se soit passé ». Il faut beaucoup de
temps pour faire disparaître une tache noire d’un vêtement. Est-il possible
d’éliminer la tache profonde de la chitta (la conscience la plus intime)
en l’espace de quatre ou cinq jours ? Si l’on a une foi solide, une grande
dévotion pour
6
son Gourou ainsi que du respect pour ses conseils, et que l’on est dans l’upasana
(pratique spirituelle) en pleine conscience, le résultat apparaîtra sans aucun
doute.
Le Gourou Lui-même est dans le mantra d’initiation. Vous pouvez être témoin
du départ de son corps physique, mais le Gourou, en fait, ne s’en va jamais. Il
y a tellement de larmes sincères qui coulent pour Lui – le Gourou – alors
pourquoi y aurait-il des obstacles qui entraveraient le cheminement sur la
juste voie, avec l’aide de Ses conseils et de Son enseignement ? En
vérité, le Gourou est un.
Le chemin qui mène à la réalisation du Soi passe par les directives du
Gourou. Là où les actions liées à l’éveil de la Kundalini (une shakti
précise qui se trouve enveloppée dans trois plis et demi au niveau du chakra
inférieur – Muladhara) sont nécessaires pour la réalisation de Dieu. Il
est impossible qu’Il ne réponde pas. Est-il possible que Dieu ne se manifeste
pas Lui-même, alors qu’on Le cherche véritablement ?
Lorsqu’on recherche le Gourou intérieur, on peut prendre, en attendant de
le trouver, un précepteur, un enseignant. Il convient de suivre le chemin et de
centrer sa dévotion vers un point unique. Toute situation liée à Dieu doit être
acceptée. Celui qui cherche Dieu sans autre but trouve son chemin. Il Se révèle
Lui-même.
7
Le plus grand des services qu’on puisse rendre au Gourou, c’est de suivre
sans aucune hésitation ses directives, en partant de là où vous êtes. Il arrive
que le Gourou Lui-même prépare la voie afin que Ses instructions soient
suivies. Ainsi, il peut arriver que grâce à vos efforts, la capacité, le
pouvoir de réaliser Ses instructions, se manifestent. Une totale dévotion doit
accompagner l’accomplissement des instructions.
Le lien Gourou-disciple devient perpétuel lorsque la relation est
authentique. Dans le cas d’un Gourou puissant, quand une défaillance survient,
il est très probable que Gurushakti (le pouvoir du Gourou) le ramènera
par son attraction le disciple vers la foi.
Quelles que soient les instructions que le Gourou donne à son disciple,
elles doivent être suivies sans contestation. Continuez à lire des textes
spirituels et prenez part à des satsangs (rencontre de personnes
spirituelles et discussions sur ces thèmes). Pour la révélation de Dieu, la
vérité, demeurez
assis,
8
immobiles, l’esprit vide.
Celui qui s’absorbe dans le yoga le fait pour CETTE révélation uniquement.
Dans les cas où on se demande si l’initiation est nécessaire ou non, Mâ
dit : « L’initiation a lieu lorsque c’est nécessaire, au moment
voulu. Restez dans la contemplation de Dieu. Il fera ce qui doit être fait, au
moment opportun, croyez-moi.
Même sur ce chemin épineux, le Gourou vous tire sans arrêt vers Lui, en
vous tenant par la main – rappelez-vous cette vérité. Il est très possible que
quelqu’un considère une simple lueur comme la lumière. Mais Il est dans toutes
les formes. Essayez de rester fermement immobile, à chaque instant et selon vos
capacités, le regard dans la direction du point où a lieu la révélation libre
de tout obstacle.
C’est Lui qui est sous forme de
recherche du Gourou, ainsi que sous forme de l’atteinte de la
réalisation, mais il est indispensable d’éprouver un désir vrai et profond.
Ayez-Le toujours en vous afin de mieux Le connaître.
Pour que le parcours du voyageur vers l’illumination connaisse un
déroulement heureux, il faut impérativement respecter les instructions du
Gourou. Mais en l’absence des instructions du Gourou, appelez-Le [le Divin]
comme votre coeur vous incite à le faire. Et continuez à vous ’impliquer dans
la prière et la méditation.
Essaie de poursuivre, sans discontinuer, le japa et la méditation du mantra de l’initiation. Une fois qu’Il a
pris ta main Il ne
9
t’abandonne plus. Rends un culte constant à Ses pieds. (Chacun de nous est)
Son enfant, et s’il y a désir véritable et profond Il ne refusera jamais.
Efforce-toi de devenir un disciple. Ce n’est
qu’ainsi que tu trouveras un Gourou. Le chemin de la grâce s’ouvrira et tu
découvriras le courant de la compassion.
Il y a toujours une chance d’obtenir ce qu’on
cherche quand on le désire vraiment. Au moins, deviens déjà chercheur par la
prière.
(Traduit de l’anglais par Jean E. LOUIS)
Vijayânanda
Le
maître spirituel caché derrière le gentil grand père.
Témoignage de Nicolas Gailledrat
Il y a 60 ans, un jeune médecin français qui voyageait en Inde rencontra
Mâ Anandamayî, la grande mystique bengalie. Rompant radicalement avec sa vie
précédente, il la suivra désormais dans un engagement total passant trente et
un ans et demi avec elle, et vivant pendant presque soixante ans dans ses
ashrams. C’est l'une de ces relations rares fondées sur une
10
rencontre entre le vrai gourou et le
vrai disciple. Celui qui était devenu Vijayânanda a quitté son corps le 5 avril
2010, à l'âge de 95 ans, après des décennies d'une intense sâdhanâ. Depuis
1976, il réside dans l’ashram de Mâ à Kankhal, dans le nord de l'Inde près
d'Hardwar, où se trouve le samâdhi (le tombeau) de la sainte, et depuis 1985
environ, ainsi que Mâ lui avait demandé, il accueille les occidentaux. Ne
délivrant pas à proprement parler d'enseignement, conformément à la tradition,
il répond aux questions de chacun. Il ne se considérait pas lui-même comme un
sage, mais comme un chercheur qui avait reçu la grâce de Mâ.
Parler de Swami Vijayânanda me semble aussi difficile qu’exprimer ce que je
ressens lorsque j'oriente mes yeux vers la profondeur du ciel d'une nuit
d'août, illuminé de l'infini des étoiles. Alors, je scrute le plus loin
possible. Expérience étrange ! Certes, il m'arrive de reconnaître quelques
constellations familières, comme la Grande Ourse, qui me rassure, mais ce qui
prédomine, c'est ce sentiment indestructible du grandiose, cette petite voix
qui me dit au fond de moi : « N’oublie jamais ce que tu vois en ce moment,
ces choses-là sont toujours présentes, même lorsque le soleil réapparaît à la
naissance du jour et fait disparaître toute cette profondeur de l'infini. »
La toute première fois que j'ai rencontré Swamijî, il y a environ quatre
ans, j'ai eu le sentiment d'être en face d'un « gentil grand-père, » vraiment
tout à fait anodin... Mais comme cette rencontre s'était faite grâce à
l'intervention d'un ami que je respecte et écoute tout particulièrement, je me
suis forcé, en quelque sorte, à être à l'écoute attentive de ce que ce « gentil
»
11
grand-père, vêtu d'orange, avait de particulier à dire, et j’ai observé sa
manière d'être tout simplement. Il posait des questions aussi banales que : «
Vous n'avez pas froid ? », « Vous avez fait un bon voyage ? », « Vous habitez à
quel endroit ? » Interrogations parsemées de silences qui semblaient très
gênants ; puis il reprenait : « Ou êtes-vous hébergés en ce moment ? »
Normal, pour un grand-père, non ? Il racontait parfois, à la demande de quelques-uns,
les anecdotes de sa vie auprès de Mâ Anandamayî. D’autres fois, pour des
questions similaires, il « envoyait très gentiment balader » ceux qui
l'interrogeaient, en disant qu’il n'était pas là pour raconter. Petit à petit,
ce personnage aiguisa mon intérêt car il ne me semblait pas aussi « lisse » que
cela. Je m'aperçus de bien surprenants détails ! Comme le fait qu'il répondait
aux questions, des plus idiotes aux plus complexes, avec la même tranquillité,
la même douceur, mais surtout avec la même certitude, et même avec une telle
réalité, une telle ampleur, une telle conviction, une présence telle que cela
devenait une évidence ! J'ai expérimenté directement le fait que si nous avons
la réponse à un problème, alors il n'y a
plus de problème, quelle que soit la qualité et la complexité de la
question et de la problématique
Il est important de connaître le
contexte des satsangs (moments
partagés). Généralement Swamijî venait dans la cour du samâdhi (tombeau) de Mâ Anandamayî, sur le banc adossé au
yajnâshâlâ (petit édifice où est entretenu en permanence un feu sacré). Cet
endroit est très bruyant, la rue est à une quinzaine de mètres, et toutes les
activités extérieures y résonnent. Parfois le bruit s'intensifie car les
prières et arati dans le samâdhi sont
amplifiées par des haut-parleurs qui
12
donnent directement dans la cour où nous sommes installés. Ainsi, si nous
ne sommes pas extrêmement attentifs et près de Swamijî, nous ne pouvons
pratiquement rien comprendre. Parfois quelqu'un répète ce que disait Swamijî et
la question posée, et ainsi nous pouvons recevoir ses paroles. Je réalisais que
Swamijî était bien sourd. Parfois, on devait lui parler très fort dans les
oreilles, mais d'autres fois il comprenait la question d'un de nos voisins alors
que nous étions éloignés, et que moi-même, avec le bruit, je ne pouvais
entendre les mots prononcés. Il comprenait donc sans vraiment entendre… Au
sujet du bruit, il disait en souriant : « Cela vous force à être concentrés ! »
Il disait aussi : « Ce n'est pas important de comprendre ! »
Je compris que je pouvais lui
poser des questions et lui parler de n'importe quel sujet. Une fois, je suis
venu le voir au satsang pendant deux
soirs et j'ai pu lui parler en privé. J'avais voyagé pendant 52 heures pour
rester seulement deux fois deux heures avec lui, avec le désir intense de
déposer cinq questions très importantes pour moi. Avant même de lui poser une
seule question, j'avais déjà les réponses de trois d'entre elles dès que je me
trouvais près de lui. Une autre question a eu sa réponse dans celle qu'il donna
à quelqu'un d'autre ! Finalement, je l'interrogeais peut-être pour satisfaire
mon mental qui voulait une relation particulière avec lui
Je pris conscience presque
physiquement que les complications reviennent au galop lorsqu'on oublie le
firmament et nous l’oublions souvent à cause de la lumière du monde, avec
l'activité qu'elle déploie et dans laquelle je me
13
replonge quotidiennement. Désormais, quelque chose me semble évident :
c'est cette chère Mâyâ, l'oubli de
cette infinie, cette délicieuse illusion de l'identification à ce jeu du monde
rayonnant d'énergie dynamique, qui nous fait oublier ce firmament infini. Mais
si je reste conscient de ce firmament au milieu du soleil et de la ligue du
monde, voilà Mâyâ qui s'efface !
Merci, Swamijî, de m'avoir fait ressentir que si cet infini est en vous, il est
permanent aussi en moi.
Petit à petit, une
transformation intérieure se faisait malgré moi. Je me rendis compte que
j'étais magnétisé par... Par quoi ?... Cette étonnante présence ? Cette
simplicité qui rend chaque instant, chaque réponse, une évidence ? Maintenant,
je peux dire de lui : pas d’agressivité, pas de peur, pas d'orgueil, aucune
trace d'ego, et même de « non-ego ». Pas plus de volonté de faire du bien ou du
mal, pas de voile d'aucune sorte, pas de publicité pour quoi que ce soit, ni
pour lui-même ni pour autrui. Sauf pour tenter, me semble-t-il, d'honorer
quelqu'un pour le faire « travailler » sur quelque chose : autrement dit,
tenter de lui faire prendre conscience de ce quelque chose d'important pour
lui. Aurait-il donc renoncé à renoncer ?
Un des derniers soirs en sa
compagnie, je lui dis que je trouvais magnifiques les policiers qui étaient là
pour garder l'ashram durant les fêtes de la Kumbha-mêla. Au moment où des
moinillons sortaient du samâdhi de Mâ avec la flamme sacrée qu’ils portaient à
chacun pour une sorte de communion traditionnelle, les policiers quittaient
leur rôle pour un court instant afin de partager ce moment précieux. Je lui
expliquai qu'à Paris, la pression policière était toute autre. Swamijî me
14
regarda de son regard si doux et si pénétrant, avec cette fois-ci une sorte
de sourire, et me dit : « Vous n'aimez pas les policiers, n'est-ce pas ? »
J'étais mis à découvert, mais c'était tellement rempli d'amour de sa part.
Il se mettait toujours au niveau
de celui avec qui il conversait ou partageait et ne cessait, en fait, de faire
cadeau sur cadeau, même si parfois ils semblaient quelque peu acides, voire
empoisonnés. Un des moments les plus forts avec Swamijî nacquit d'une situation
rocambolesque. Un petit groupe discutait après le satsang, juste après le
départ de Swamijî chez lui. Nous nous séparâmes pour rejoindre nos lieux de
vie, et me voici accompagnant une jeune femme sur le chemin de la Guest House. Nous marchions dans la rue,
lorsque son regard se tourna et qu'elle aperçut Swamijî, aidé de deux brahmanes
pour monter à l'étage où il habitait. À cette époque, il marchait encore mais
très difficilement et faisait un effort immense pour monter les deux étages en
se faisant aider. Il était à mi-parcours, c'est alors qu’à ma grande surprise
cette jeune fille s'écria très fort : « C'est Swamijî ! Bonsoir Swamijî
! » J'ai vécu ce moment dans l'effroi, avec le sentiment de vouloir
disparaître... Cette inconsciente ne voit-elle pas les difficultés de Swamijî ?
Il stoppa net son ascension, et fit un long et lent demi-tour sur la marche
pour faire un dernier coucou de là-haut à cette personne. Je transpirais
d'émotion, partagé entre le désir de lui
scotcher la bouche ou de disparaître... Revoici Swamijî qui, avec un grand
sourire, lui fait coucou. Mais ce n'était encore rien ! Voilà qu'il se met à
redescendre avec l'aide des deux brahmanes, au prix de grands efforts. Au bout
de cette longue descente périlleuse, il
15
s'approche de la grille pour encore saluer et venir à notre rencontre !
J'étais tellement stupéfait, touché au plus profond, j’avais envie de
hurler : « Comment est-ce possible ? » Finalement, je réussis dans mon
coeur, suite un grand effort, à remercier cette jeune femme de sa
non-conscience ou de son inattention, car quel cadeau Swamijî lui fit, et me
fit ! Je pris conscience de son amour infini : il ne comptait jamais ses efforts
immenses, ni son temps, ni son énergie, pour simplement dire une ultime
fois : « Bonne nuit, dormez bien... Etes-vous bien installés ? » Donner
encore et encore et encore, infiniment,
comme le firmament d’une nuit étoilée.
Il vivait chaque instant avec une intensité et une tranquillité emplie
d'énergie subtile et sublime. Comme si chaque instant de sa vie était le
dernier, l'unique le seul à vivre ! Ce soir-là, je compris une chose qui
ne me quittera plus jamais. Ce que j'avais vu la première fois : que
quelque chose d'anodin s’était transformé en une vision de l’infinie
compassion.
Je ne remercierai jamais assez Dieu ou Swamijî de m'avoir donné la chance
de vivre cela : respirer la rose, s’enivrer de son parfum divin ; alors qu'au
début, je n'avais vu qu’une anodine fleur fanée dont je ne me serais jamais
rapproché, si ce grand ami ne m'avait indiqué l’endroit sacré.
Je crois savoir qu'il y a quelques jours, un notable [en fait l'ambassadeur
de France en Inde, M. Bonnafond] a parlé de la tombe prévue au Père Lachaise, à
Paris, comme d'une tombe miraculeuse : je partage cet avis. Quel cadeau !
16
Mâ Anandamayî, merci.
Swami Vijayânanda, merci.
Nicolas Gailledrat
Nicolas est venu pendant plusieurs
années régulièrement voir Vijayânanda, pour de courtes périodes, car ce n'était
pas facile pour lui de laisser la direction de la péniche-restaurant, Le
Calife, dont il s'occupe depuis des années à Paris, sur le quai de la Rive
Gauche près du Pont des Arts...
.
Le
pèlerinage au Mont Kailash
Souvenirs de Gurpriya
Didi,
Extraits du volume
V de ses carnets.
Traduit
de l'anglais par Vigyânânand
Ce pèlerinage a eu lieu en été 1937, quand Bhaiji et Bholonath étaient
encore en vie. C'est au retour de ce pèlerinage que Bhaiji a quitté son corps à
Almora, et son samâdhi a été le point de départ d’un ashram là-bas, près du
vieux temple de Patal Dévi. C'est là que Vijayânanda a passé 10 ans en retraite
intensive. Le pèlerinage a été aussi important, car en passant le col de Dhaulchina
dès le premier jour après Almora et en y couchant, Bhaiji a vu la splendeur de
la chaîne himalayenne qu'on découvre à partir de ce col sur 400 km de large, et
on voit en un coup d'oeil le chemin qui mène au col de Lipu Lekh, par où passe
le sentier pédestre qui
17
va jusqu'au lac Mansarovar et au
Mont Kailash. Inspiré par ce paysage, Bhaiji a demandé à Mâ qu'on établisse un
petit ermitage à cet endroit. Hariram Joshi, qui était haut fonctionnaire du
gouvernement indien, a entendu parler de ce voeu de Bhaiji qui était un des
derniers qu’il ait émis avant sa mort, il l’a donc estimé comme sacré, et il a
réussi à louer et à long terme au gouvernement indien une crête de colline dans
la forêt à 2 km à l'est de Dhaulchina, où se trouve donc maintenant cinq
petites maisonnettes. Toute la zone est maintenant considérée comme parc
naturel. C'est là que Swami Vijayânanda a passé huit ans de solitude dans des
conditions très austères, sans eau, ni électricité, ni fruits, ni pratiquement
de légumes dans la seule boutique de Dhaulchina qui était ouverte à l'époque.
Maintenant, il y a eu de grands développements. Il y a quatre hôtels pour les
voyageurs qui aiment faire la pause dans ce joli lieu de Dhaulchina, avant de
continuer vers la région de Dharchula, le point de départ actuel du pèlerinage
à pied du mont Kailash, qui se trouve dans l’angle de l'Inde entre le Népal et
le Tibet. C'est à Dhaulchina que Swami Nirgunânanda, le dernier secrétaire
privé de Mâ, d'origine bengalie, habite depuis 24 ans, et c'est là aussi que
j'écris ces lignes.
Ce volume ‘cinq’ des souvenirs de
Didi était le préféré de Swami Vijayânanda, car elle y donne tous les détails,
et ainsi on se rend bien compte de l’atmosphère à la fois difficile
matériellement, mais belle spirituellement, et du cadre splendide du paysage
alentour. À cause des difficultés mêmes du voyage, il était rare qu’un groupe
aussi important que celui de Mâ se rende au Kailash, le plus grand pèlerinage
hindou et bouddhiste du sous-continent indien.
18
Nous commençons ces extraits par le
début du livre.
Dimanche 16 juin 1937
A huit heures du matin, nous nous
sommes mis en route pour le Kailash avec Mâ. Les autres qui étaient avec nous
devaient repartir d'Almora. Ils ont tous pleuré en quittant Mâ. Nagendada, qui était venu de Calcutta, Naren Choudhary et sa
famille de Delhi, Hari Ram et Manik de Dehradun, tous sont repartis. Mâ,
Bholonath, Jyotish Dada, [Bhaïjî], Swami Akhandânanda [le père de Didi],
Dasudada, un serviteur (Keshav Singh) et moi-même nous sommes mis en route. Une
jeune fille originaire d'une ethnie des montagnes, Parvati, était aussi avec
nous. Elle avait attendu à Almora pour accompagner Mâ.
À 11 heures du matin, nous
avons atteint un bungalow de la forêt en un lieu appelé Baréchina. [Les « bungalow
de la forêt » sont aussi appelés « dak bungalows », et servaient a priori pour
loger les fonctionnaires du gouvernement en visite dans des régions reculées,
mais pouvaient être aussi réservés par des personnes privées dans ces endroits
où il n'y avait pas d'hôtel en tant que tel]. Le paysage était magnifique. Nous
nous sommes restaurés et nous sommes reposés jusqu'à trois heures de
l'après-midi. Baréchina [‘la grande, baré,
clairière, china’] était situé à
une distance d'environ 11 km d’Almora. Avant la tombée de la nuit, nous avons
atteint un endroit appelé Dhaulchina [‘la clairière blanche, ou brillante, dhaula’] qui était à 8 km par le
sentier. Nous avons fait la cuisine, pris le dîner et passé la nuit sur la
véranda du dak bungalow.
Le lundi 17 juin, nous sommes
partis à cinq heures du matin et avons atteint Sheraghat 15 km plus loin [nom
qui
19
signifie les rives, ghat, du
tigre, shera]. Des arbres énormes y
poussaient sur les bords de la rivière. Nous avons fait la cuisine sous l'un de
ces arbres et nous nous sommes ainsi débarrassé du rituel de la nourriture.
Ensuite nous nous sommes reposés sous les arbres car il était difficile de
marcher sous le soleil qui tapait. Nous avions 10 ou 12 porteurs pour s’occuper
des bagages et marcher avec nous. Il y avait cinq dandis [chaises à porteurs] qu'on avait pris en location avec
quinze porteurs pour les gérer. Parvati était accompagnée par une autre dame,
sa petite-fille et son frère. Ils avaient deux porteurs avec eux.
Toute cette équipe a atteint un endroit où chacun des participants
s’est préparé des rotis (chapatis), puis ils se sont allongés
pour se reposer. Chaque porteur a coutume de prendre sur lui une charge maximum
de 15 seers. On n’avait pas pu trouver un cheval pour Tanu à Almora −
mais on allait en prendre un sur la route. Comme une chaise à porteurs était
endommagée, on l'a remplacée par une autre Sheraghat .
Nous avons encore été capables
de localiser une boutique ou deux ici ou là, où nous avons acheté du riz, des
lentilles, du beurre clarifié, du sel et d'autres articles de première
nécessité. On nous avait dit qu'il n'y aurait pas de telles boutiques
disponibles lorsque nous progresserions le long du pèlerinage. Nous avions
aussi apporté des vivres avec nous. On nous avait dit qu'il n'y aurait rien de
disponible au-delà de Garbyan, c'est pourquoi nous avons pris des fruits secs,
du sucre en morceaux, du poivre, des pickles de tamarin et d'autres choses. On
a besoin de transporter tout cela en réserve pour traverser ces chemins couverts
de glace, et il faut y ajouter des vêtements chauds, des lunettes et tout un
équipement contre la pluie. On nous avait dit que certains voyageurs avaient le
vertige et
20
s’évanouissaient sur la route de Garbya, et donc une dame à Almora avait
préparé une concoction de poivre, de poudre de mangues séchées et d'autres
épices avec la croyance que cela aiderait à nous garder la tête claire.
Un rêve de Parvati
En chemin, notre compagne de
Garbyan, Parvati, nous a raconté un incident. Il y environ cinq ans, quand elle
était dans son village, elle avait rêvé qu'elle allait quelque part avec un
groupe de gens. Elle ne pouvait pas voir le visage de ces personnes clairement
− cependant elle a vu Mâ comme une dame portant un sarî blanc et qui apparaissait
comme une « Matajî ». Elle a aussi vu clairement le visage de Bholonath. Elle
s'était rendue à Almora pour faire ses études quelque temps après ce rêve.
Maintenant, après cinq ans, à la fin des dites études, elle retournait à son
village avec nous tous. La dernière fois, quand Parvati nous a vus à Almora,
elle a jeté un coup d'oeil à Bholonath, s'est souvenu de son rêve et a décidé
sur le champ de nous accompagner au Kailash. Mâ avait aussi demandé
spécialement à Parvati de venir avec nous. Elle avait attendu un mois pour
faire le voyage en notre compagnie. Quelle coïncidence surprenante dans
l’enchaînement des choses ! Auparavant, elle n'avait pas parlé de la survenue
de ce rêve, mais cette fois-ci, elle nous l’a raconté en entier. Lorsque Mâ a
entendu cela, elle a souri et a dit : « Elle est venue étudier à Almora afin
que son rêve se réalise ! ». Comme cette contrée est délicieuse !
Rencontres en cheminant
21
En route, nous avons rencontré un
brahmane marié qui a demandé : « Où est Matajî ? » Quand on lui a montré
la chaise à porteurs de Mâ, il est allé lui offrir à ses pieds des fleurs et
des fruits et lui a fait son pranâm.
Le soir même, il est revenu avec du lait et des légumes au bungalow. On lui a
demandé : « Comment saviez-vous que Mâtâjî venait ? » Il a
répliqué : « J'ai lu dans le journal que Mâ Anandamayî allait en pèlerinage au
Kailash. Depuis ce jour, j'ai attendu son arrivée. Aujourd'hui, j'ai la
bénédiction d'avoir le darshan des pieds de Mâ ! » Qui sait combien de
fidèles en plus ont pu avoir cette expérience de cette manière ? Cela a pu être
la raison pour laquelle Celle qui est pleine de compassion a quitté le Bengale
et a été attirée par cette partie du pays. Maintenant, je peux observer que ces
gens sentent que Mâ est comme des leurs, alors qu'ils la connaissent si peu,
ils l'appellent « Dévi Bhagavatî », et croient en elle avec leur foi
simple et solide. (p.3-5)
Lettre
de Mâ à Brahmar Ghosh
Avec les
commentaires de Swami Nirgunânanda
Nous parlons dans les nouvelles de
la publication imminente sur internet anandamayi.net d’un petit livre
recueillant 32 lettres de Mâ à une jeune fervente, Brahmpar Ghosh. Ceci est
l’un des premiers documents que nous ayons des conseils
22
précis que Mâ pouvait donner aux
chercheurs spirituels dans les années 1933-1934, avec les commentaires de Swami
Nirgunânanda
Lettre de Mâ retranscrite par Bhaiji
Dehra Dun, 9/11/1934
J’ai reçu ta lettre. Rien n’arrive avant que le temps ne soit venu. Ta
lettre étant arrivée il y a quelques jours, la réponse part aujourd’hui.
Tu sais que je ne fais rien par ma propre volonté. J’agis comme Bhâga
(Dieu) me fait agir. Même si je veux te voir je ne le peux. Pourquoi, ne le
puis-je ? Tu comprendras ces mots lorsque tu seras plus mûre. Je sais combien
tu m’aimes, combien tu es désireuse de me voir et de recevoir mes lettres. S’il
te plait, dis-moi : peux-tu faire advenir et comprendre à chaque instant
tout ce que tu veux ? S’il te plait, garde à l’esprit qu’il y a une force
plus grande (Maha shakti) au dessus du pouvoir de la volonté (iccha shakti).
Chacun est sous son contrôle (de Maha shakti). Pour ma part, je suis toujours assise, la face tournée vers
toi. Quant à toi, tu vois tellement de choses lorsque tu me fais face. Ce que tu
vois avec une imperturbable dévotion (Nishta) et une vision unie, focalisée,
cela seulement tu l’obtiendras. Ce n’est pas que tu l’ignores, mais tu es
assise là, fâchée contre moi. C’est
pourquoi tu nies tout ceci.
23
Tu me taquines toujours et je me sens bien avec cela. Je vois que tu ne
sens pas d’attraction envers moi lorsque tu n’es pas en colère. Ainsi, si mes
yeux se ferment automatiquement, c’est pour percevoir ton état d’esprit
(bhava). Quand nous nous rencontrerons tout sera stabilisé. En se querellant à
distance, tous les autres attachements seront déliés. Alors, lorsque nous nous
rencontrerons en un seul attachement (centrées l’une sur l’autre) cela sera
très doux (madhu). Qu’en dis-tu ? Peut être que tu te sentiras très fâchée
mais je me sens très heureuse (anand).
Je ne reçois pas autant d’amour de ton bonheur mais j’en reçois de ta
colère Je
vois qu’au moment où survient ta colère tous tes mots intérieurs ne visent
personne d’autre que moi. Écris-moi de très longues lettres et ton esprit
s’allègera comme s’il se diluait, alors tu verras qu’en toi il n’y a personne
d’autre que toi et moi, conformément à ce que tu souhaites.
Que tu pratiques la méditation, la contemplation, le japa et la puja,
continue ! En plus de compter le nombre (de mantra), chaque jour tu
devrais répéter 3000 nama en utilisant un chapelet rudraksha. Cela signifie
qu’en moyenne, en un mois, tu devrais répéter 100 000 nama. Rapporte un mala de
Kalighat et fais le nouer par un brahmine qui pratique le rituel adéquat. Tu
devrais essayer de garder le nama constamment dans ton esprit.
L’effort, la patience et la tolérance sont les forces vives de la sâdhana.
Avec tout ceci, essaye de marcher sur le sentier vers ton but. C’est cela que
je veux.
24
Sache que la Grâce de Dieu porte chacun, de la même manière qu’une mère
porte son enfant sur ses genoux.
Mâ
Commentaires de Swami Nirgunânanda
Cette lettre est la plus longue que nous ayons
dans la correspondance entre Mâ et BG. Ceci a son importance à d’autres points
de vue également. Elle ouvre de nouvelles perspectives sur la psychologie
intime d'un chercheur ainsi que sur la particularité de la relation guide-élève
dans le domaine spirituel. Nous sommes déjà frappés de remarquer les mots avec
lesquels Mâ s'adresse à BG. Cela s’écarte de l’usage dans toutes les autres
lettres. Elle s'adresse à elle en tant que mère, Mâ. Naturellement, dans ce
cas, on peut s'attendre à ce que l'expression finale soit quelque chose comme «
ta petite fille ». Mais Mâ a signé simplement comme « mère ». C'était donc la
lettre d'une mère a une autre mère. Le changement de relation est tout à fait
soudain et abrupt. Est-ce que cela était destiné à contrôler le comportement de
BG comme enfant gâtée en lui donnant un statut égal à celui de Mâ, afin que son
ego indiscipliné ne se sente infériorisé d'aucune manière ?
À la
fois Bhaiji et Sharadâ dans leur correspondance ont accusé réception de la
lettre de BG à Mâ. Celle-ci a pris beaucoup de temps pour y répondre. De peur
que BG ne prenne cela comme un signe de négligence ou d’indifférence, Mâ a
commencé sa réponse en présentant ses excuses pour le retard. Si nous regardons
globalement la manière dont Mâ agissait
25
avec les gens qui avaient la chance d'être en
contact avec elle, ce n'est que rarement qu'elle donnait une quelconque explication
ou excuse, à qui que ce soit, pour ce qu'on pourrait appeler ses comportements
dans le monde. Ses actions n'étaient pas
déclenchées par une volonté ordinaire, ce qui n'est pas notre cas.
Très
souvent, Mâ disait : « Pas même une
feuille d'arbre ne bouge sans la volonté de Dieu. » Sa volonté, Son dessein et Ses créations
ne sont pas successifs dans le temps, mais simultanés ; cela aussi est une
différence d’avec notre fonctionnement. Notre concept de simultanéité dans le
temps est relatif. Notre existence empirique est dans le temps seulement. Notre
idée de transcendance du temps, étant dans le cadre du temps, n'est pas
logique. Notre volonté et son accomplissement sont liés au temps. Mâ disait : «
Rien n'arrive avant que le temps n’en
soit venu. » On peut trouver qu’apparemment, dans cette lettre, Mâ donnait
une excuse pour ce retard à répondre à BG. Elle en attribue la cause à la
volonté de Dieu, et non pas à sa volonté en tant qu'individu. Ici, Mâ appelle
Dieu 'Bhaga'. C'est une déformation
du mot Bhagavân et peut sembler du
patois, mais en fait, ce n'est pas le cas. On peut aussi être critique en
disant que c'est là un usage peu éthique d’un surnom pour DIEU, alors que son
Nom doit toujours être exprimé de façon convenable, avec amour et respect.
Cependant, appeler ou mentionner une personne par son surnom, ou par la version
brève de son nom, n'est pas inhabituel. Il n'y a pas lieu de prendre ce type
d'usage comme un signe de manque de respect ou de pureté. Dans sa première
période, en plusieurs occasions, Mâ utilisait ce terme à la place
26
de Bhagavân.
Cependant, un tel usage n’est jamais sorti de ses lèvres dans les années qui
ont suivi.
Mâ
disait souvent : « Tous les noms sont Son nom ».
Le paragraphe suivant de la lettre commence ainsi
: « Je ne dis rien de ma propre volonté
» Ainsi, nous pouvons dire que, contrairement aux gens ordinaires, de
telles déclarations n'étaient pas le résultat d'une action délibérée de la part
de Mâ
Il est
possible que BG ait souhaité que Mâ vienne à Calcutta. Ici aussi, Mâ attribuait
son incapacité à le faire à la volonté de Dieu.
Dans la
phrase suivante aussi, nous devons nous poser une autre question. Mâ dit : «
Même si je désirais te voir, je ne peux y aller. » Cela signifie-t-il que Mâ
avait quand même une volonté qui lui était propre ?
Elle
déclare : « Tu comprendras ces paroles quand tu seras plus mûre ».
Un
saint utilise le même langage et la même grammaire que nous quand il parle.
Mais la signification intime de ce qu'il dit ne peux être saisie, la plupart du
temps, par une personne même doublée de l'intelligence la plus fine, tant
qu'elle n'a pas acquis la maturité spirituelle minima. En tant que telle, BG
était une jeune femme hautement intelligente et mûre. Elle avait été la première
à l'examen de maîtrise pour l'université de Calcutta et elle travaillait comme
directrice des études d'un collège de filles réputé. Une telle maturité ne peut
venir qu'à travers une pratique spirituelle sérieuse et ardente. Ici, Mâ
suggérait indirectement l’intérêt pour BG d’une pratique spirituelle intense.
Mâ
reconnaît l'amour de BG à son égard. Mais cet amour allait de pair avec une
attente de réciprocité, alors que celui de
27
Mâ pour elle était sans condition. Elle souhaitait
que BG ait une attitude plus rationnelle à son sujet. Ce côté raisonnable ne
deviendra vraiment convaincant que quand il sera soutenu par une expérience de
vie. Les attentes et l'imagination ne se réalisent pas toujours. L'individu
peut forcer et la sincérité des actions ne mène pas toujours aux résultats
attendus. Il y a une Energie qui gouverne et qui pénètre tout, Mahâ-Shaktî,
c'est elle qui contrôle tout.
Un
aspirant doit accepter tout ce qui vient, mais ne pas s'attendre à ce que les
choses soient comme il pense qu'elles doivent être. La Réalité ultime bénéficie
d'une liberté absolue pour faire, défaire ou faire d’une façon différente.
L'individu tel que nous le connaissons, en fait, est la représentation de Lui
seulement, bien que limité par certaines conditions. Tant qu'on n'est pas
complètement en accord avec Lui, on doit essayer de fondre sa volonté dans Sa
Volonté. Après cette fusion, on devient convaincu de l’impermanence du monde et
de ses réussites concrètes. En effet, celles-ci amènent la vie à osciller au
hasard entre les joies et les chagrins. Pour que cette fusion prenne place, ce
qui est nécessaire, c'est une dévotion imperturbable, une focalisation, ou une
attention juste.
Mâ cite
un exemple pratique de la vie d'un homme ordinaire en général et de BG en
particulier : elle explique que lorsqu’elle et BG ont des
interactions face à face, elle, Mâ, ne voit que BG, tandis que le mental de BG
saute sur un grand nombre d'objets les uns après les autres, qu'ils soient
matériels ou subtils, malgré le fait qu’elle soit physiquement face à Mâ.
Dans
un autre contexte, Mâ a dit une fois : «
Même une feuille qui tombe d'un arbre laissera aussi une impression sur vous » C'est-à-dire
que cet évènement minime va trouver
28
sa place dans la mémoire. On peut ne pas l’avoir
enregistré dans sa conscience immédiate des objets. Cependant, la remontée au
hasard de souvenirs qu'on croyait ne pas avoir mémorisés sur l'écran de la
conscience, peut tout à fait remplacer l'objet immédiat avec lequel le mental
est engagé à ce moment particulier. Cela signifie que même en étant en présence
de Mâ en personne, BG état incapable de profiter de la compagnie de Mâ
consciemment et continûment. Étant une dame intelligente, on ne peut pas dire
que BG n’ait pas pu comprendre cela.
Il
semble que dans sa lettre, tout en exprimant de l'amour et de l'anxiété pour
Mâ, BG lui fait part de sa colère également.
On
n'est plus du tout raisonnable quand on est pris par la colère. Comme elle
était remontée contre Mâ, elle refusait de reconnaître ce que celle-ci avait
dit. De la réponse de Mâ, on voit bien que BG était d'humeur obstinée et
querelleuse, et qu'elle avait dû sans doute essayer de La provoquer. La
réaction de Mâ ici est tout à fait remarquable. Mépriser son guide sur des
points banals sans aucune raison valable, voilà qui n'est pas convenable pour
un aspirant. Celui-ci doit essayer de maîtriser de telles attitudes. Ici, nous
voyons que Mâ n'est pas froissée par ces tentatives de BG de La provoquer, et
Elle ne lui demande pas non plus de rectifier son comportement. Elle n'était
pas du tout ennuyée. Cela ne signifiait pas quand même que Mâ ait négligé cette
attitude ou l'avait pardonnée en considérant simplement que c'était une
aberration minime dans le comportement de BG. Au contraire, Mâ semblait
l’encourager à continuer avec cette attitude et a dit qu'elle se sentait bien
avec cela. Un tel encouragement est tout nouveau dans ce qu'on connaît dans
l'histoire spirituelle en général. Le
29
désir, la colère, l'avidité, l'illusion de l'ego,
sont considérés comme les grands ennemis intérieurs, ils sont la cause des
souffrances et des chagrins. Sans même parler de chercheurs spirituels, même
une personne dite du monde doit essayer de vaincre ces défauts pour avoir une
vie qui s'écoule de façon harmonieuse. Un des shlokas de la Shrîmâd Bhagâvad
Gîtâ dit ceci :
« L'association donne naissance au désir, du
désir naît la colère, de la colère vient l'illusion, de l’illusion vient la
perte de la mémoire, de la perte de la mémoire, la perte de l'intelligence et
de la perte de cette intelligence de grands dangers surviennent. » (II, 62, 63)
Un
chercheur ardent doit toujours être vigilant pour ne pas tomber dans un stade
ou un autre de la séquence ci-dessus. Toutes les Ecritures, les grands maîtres
et les prophètes, quelle que soit leur appartenance religieuse, demandent à
leurs fidèles d'être vigilants contre ces ennemis intérieurs.
Ici,
dans ce cas, nous trouvons une contradiction apparemment irréconciliable dans
ce que dit Mâ : dans le second paragraphe de la lettre, Mâ a reconnu
l'amour de BG pour elle. Ici, elle implique que l'amour de BG était accompagné
d'attente de réciprocité. Mâ les acceptait, et pourtant BG n'était toujours pas
satisfaite. Peut-être s'attendait-elle à profiter de l'amour de Mâ de façon
exclusive, ou encore avait-elle pu penser qu'à cause de la distance physique,
Mâ l’ignorait et elle n'avait pas la part qui lui revenait. Cette part était
prise par ceux qui accompagnaient Mâ. Sa frustration a donné naissance à la
colère. Elle souffrait d'un complexe d'amour-haine qu'elle s’était fabriquée
elle-même. Mâ pouvait bien discerner cette oscillation mentale de BG. C’est
commun
30
chez l’être humain que les préoccupations mentales
deviennent plus intenses contre l’objet de la colère, plutôt que contre un ami
ou quelqu’un qui vous veut du bien. On n’est plus raisonnable quand on est pris
par la colère et on perd la capacité de jugement équilibré. Cet état mental
négatif est la cause de tous les chagrins et douleurs dans la vie. Au lieu de
décourager ceci, Mâ a indiqué un côté positif de la colère qui peut être
utilisé comme instrument dans la pratique spirituelle. Dans la colère, l'écran
mental est entièrement possédé par l'objet de cette émotion. Dans un état d'humeur
normale, tous les organes des sens importent leurs objets au hasard sur l'écran
du mental, en le rendant agité. La fixation complète sur l'objet
survient : soit dans un état d’amour intense, soit de colère extrême.
Il est
étonnant de voir que le changement d'état mental de BG, à des centaines de
kilomètres de là, pouvait facilement être enregistré par Mâ. Un guide reste
toujours attentif à son élève. Mâ disait : «
La plupart du temps, mes yeux se ferment automatiquement pour voir votre état
mental. » C'est ce que faisait Mâ.
Elle était vigilante pour guider BG en dépit de son comportement imprévisible.
Dans la phrase suivante, Mâ dit que tous ces points de disputes seront arrangés
quand elles se rencontreront en personne.
Ensuite, Mâ indique et donne
l'explication la plus scientifique d’une psychologie comportementale de
l'être humain habituel. Chaque rencontre conflictuelle entre deux personnes
commence, quand on va à la racine des choses, avec un petit point de querelle
particulier. Progressivement, les autres points, qu’ils soient en lien ou non,
se gonflent en une succession rapide. Pendant le cours d'une dispute, les
31
arguments et contre-arguments sur un sujet
insignifiant, deviennent enflés de façon maladroite et donnent finalement à
toute l'affaire une dimension énorme.
Mâ
disait : « En se disputant à distance,
tous les autres attachements seront défaits. »
L'amour de BG était accompagné d'autres attentes, tandis que celui de Mâ
n'avait aucune condition. S'il y a des conditions, l'amour est amoindri. Quand
ces conditions ne sont pas remplies, la colère prend le dessus sur l'amour. Ces
conditions sont toujours fondées sur l'attachement envers des objets autres que
l'objet d'amour. Le temps, la distance et l'absence physique ont un effet de
décompression sur l'état mental du sujet. Là colère s'échappe, se vide, et peu
à peu les autres attachements perdent leur prise sur le mental.
De
plus, quand l’une des deux personnes en dispute sait battre en retraite et ne
répond pas au coup pour coup, la confrontation se délite automatiquement.
Mâ
parle de l'attachement unique. L'amour pour un objet se manifeste d'abord sous
forme d'attachement. Plus nous interagissons avec les objets du monde, plus
l'amour exclusif pour un objet unique se dilue. Le mental erre au hasard sur
plusieurs objets d'attachement. Il se peut qu'ils n'aient aucun lien avec
l'objet principal d'amour. Les autres objets changent avec le temps et les
circonstances. Quand il y a réciprocité, le sujet devient objet et vice versa.
Le sujet aussi change avec le temps. La constance entre deux variables qui
changent au hasard est improbable. Pour avoir la constance, une des deux
variables doit être permanente.
Dans
la relation entre Mâ et BG, les changements en BG à la fois comme sujet et
objet sont tout à fait naturels et ses
32
manifestations d'amour évoluent avec les
changements dans l'espace et le temps de son l'existence dans le monde. Mâ,
quant à elle, bénéficie de la liberté absolue de l'Existence qui n'est pas
affectée par les variations dans l'espace temps. Elle disait souvent : « Ce
corps est le même qu'il a été et qu'il sera ». Pour une intelligence ordinaire,
cette déclaration peut apparemment être contradictoire.
Dans
ce contexte, la parole « ce corps » ne doit pas être pris comme synonyme soit
du corps matériel, ni du corps subtil. Nous nous identifions avec ces deux
types de corps. Contrairement à nous, quand Mâ parle de « ce corps » cela
représente simplement son existence au-delà des qualités.
Comme
il a déjà été dit, dans les cas ordinaires, nous avons une relation d'amour
limitée par des conditions. Elle change avec le temps et les circonstances.
Nous pouvons dire que du point de vue de Mâ, son amour pour BG était constant
tandis que du point de vue de BG, il y avait de nombreuses variables. Si au
moins l'une des deux variables reste constante,
goûter à l'essence de l'amour devient possible.
Mâ dit
que quand elles se rencontreront, « leur union sera très douce ».
La
phrase suivante de Mâ était une question, elle voulait savoir comment BG
réagissait à tout cela. Elle savait très bien que BG était dans un tel état
d'esprit qu'elle ne pouvait être très réceptive à quoi que ce soit que Mâ
dirait. Cela pouvait inciter à déclencher encore plus de colère en elle.
La
colère est comme un virus contaminant ou le feu lui-même. D'abord, il se répand
dans le sujet, et ensuite passe à l'objet en le rendant malade ou brûlé. À la
fois sujet et objet en sont tout marris.
33
Ici, nous observons le contraire. Mâ disait : « Je ne retire pas autant d'amour de
ton bonheur que je le fais de ta colère. » Ainsi la question se pose : «
Est-ce que la colère est une manifestation de l'amour ? » La réponse est que ce
n'est pas le cas pour l'amour dirigé vers un objet, mais certainement cela
l’est pour l'amour dirigé vers soi ou le sujet. On peut dire qu'on est en
colère parce que, à ce moment-là, on aime être en colère.
En tant
que tel, il peut sembler énigmatique que Mâ laisse BG être en colère contre
Elle. Elle répond à cette énigme dans la phrase suivante en disant : « Je vois
qu'au moment de ta colère, toutes tes paroles intérieures ne sont dirigées vers
personne d'autre que moi. »
La
colère a toujours envie de trouver un canal d'expression. Si on la refoule
délibérément, on peut transformer une personne en un volcan dormant mais
imprévisible. Cela peut mener à des éruptions catastrophiques à la fois pour le
sujet et l'objet de la colère. On doit donc baisser la pression de la colère pour
s’en sortir d'une façon convenable.
Mâ
prescrivait un des antidotes effectifs contre la colère. Elle demandait à BG de
lui écrire de longues lettres. Pendant qu'on écrit des lettres, on exprime la
colère sur le papier et cela lui fournit un exutoire. L'objet de la colère
occupe tout l'esprit. Ainsi, BG allait avoir une attention juste, en ce sens
qu’elle allait être centrée sur Mâ seulement. De cette façon, sans le savoir,
elle allait être en compagnie constante de Mâ par l'esprit.
Dans
certains de nos textes traditionnels, nous rencontrons de grands fidèles qui
ont atteint le salut en se laissant aller à une animosité constante envers
Dieu.
34
Dans cette lettre, nous voyons Mâ dans son rôle
non seulement comme une guide, mais aussi comme une psychanalyste
professionnelle et une psychothérapeute efficace. Ensuite, comme un maître
idéal, Mâ donne des instructions à BG de façon minutieuse pour ses pratiques
spirituelles. Elle lui demande de
continuer avec ses rituels et son japa comme d'habitude. De plus, BG devait
faire 3000 ou plus japa du Nom tous
les jours sur le rosaire constitué de rudrâkshas
en les comptabilisant (un rosaire contient 108 grains), afin qu'en moyenne elle
puisse en faire un lakh, c'est-à-dire
cent mille répétitions par mois. Le rosaire doit avoir des noeuds faits selon
les règles rituelles, entre chaque grain. Les deux extrémités de fil doivent
être nouées en les passant à travers le 109e grain qu'on appelle Marou. Il doit
être consacré par un brahmine spécialiste du rituel avant d'être utilisé. Mâ
donnait des instructions spirituelles très méticuleusement. De peur que BG ne
s'excuse en disant qu'elle ne pouvait trouver le rosaire à Calcutta, Mâ lui
mentionne l'endroit ou elle peut l'acquérir. Elle lui demande aussi de se souvenir
du Nom même quand elle est impliquée dans d'autres travaux. À la fin, elle dit
: « C'est ce que je désire ». Ici,
nous avons de nouveau une certaine contradiction puisse qu’à d'autres moments,
Mâ avait déclaré : « Ce corps n'a
ni ‘souhaits ou non souhaits’ » [ ichhâ-anichhâ] Nous allons discuter de
cette question dans nos commentaires de synthèse à la fin.
Dans la
dernière phrase, Mâ fait une remarque très importante en disant : « La grâce de Dieu soutient toujours
chacun, exactement comme une mère tient son enfant sur les genoux »
35
Un Être unique
Dr. Nalini Kanta Brahma, M.A.,
Ph. D.
Cet article est une contribution à
un gros livre de souvenirs sur Mâ, appelé Smaranika,
terme sanskrit qui signifie justement ‘souvenirs’. La traduction est de Jean
E.LOUIS,, nous l’en remercions.
Une froide soirée de décembre de l’année 1924. Le
Député Postmaster General de Dhaka, Rai Bahadur Pran Gopal Mukherji,
m’avait accompagné jusqu’à Shahbagh pour assister à un darshan de Mère.
Il avait bien sûr demandé l’approbation de l’époux de Mâ pour cette visite que
nous lui rendions. Nous nous dirigeâmes donc directement vers la salle où Elle
se trouvait. Elle était assise, seule et totalement absorbée dans sa
méditation. Devant Elle, une lampe à la faible clarté était allumée. Je crois
bien que c’était le seul objet qui se trouvait dans cette pièce. Le visage de
Mère était entièrement masqué à notre vue, car Elle avait coutume de le voiler
tout comme les jeunes filles de village nouvellement mariées. Nous étions là
depuis une demi-heure environ, lorsque tout à coup le voile s’écarta et le
visage de Mâ nous apparut dans tout son éclat et sa beauté. Puis Elle entonna
des cantiques parsemés de nombreux mantras auxquels son étrange façon de
prononcer les mots donnait une résonance merveilleuse qui emplissait la pièce
tout entière. Le calme et la paix de cette froide nuit de
36
décembre, le silence tranquille des jardins et
par-dessus tout l’atmosphère sublime que la présence de Mâ générait, tout cela
conférait à ces instants précieux une senteur de divine pureté tellement forte
qu’elle en était presque tangible. Dès que Mâ cessa la récitation des cantiques
et des mantras, son père, présent ce jour-là à Shahbag, entonna d’une voix
particulièrement mélodieuse, des chants de Ramprasad. Rai Bahadur Mukherji fit
alors remarquer que les doux chants du vieil homme devaient être une des
raisons qui avaient contribué à la descendance de la Divine Mère. Aussi
longtemps que nous restâmes dans la pièce où se trouvait Mâ, nous éprouvâmes
l’indescriptible sentiment de nous élever spirituellement, de vivre des
instants d’une intensité sans pareille et de connaître une sérénité au-delà de
toute description. Nous quittâmes Shahbag tard dans la nuit, intimement
convaincus que nous nous étions trouvés en présence d’un être supérieur et que
rien n’aurait pu nous en faire douter un seul instant.
J’eus par la suite le grand bonheur de rencontrer
Mâ durant l’été 1926, à Deoghar, où Elle s’était rendue sur l’invitation de Rai
Bahadur Pran Gopal Mukherji. Elle passa une semaine en cet endroit. Sri Sri
Balananda, qui à l’époque était encore parmi nous, avait coutume de converser
matin et soir avec Elle, durant de longues heures. Ils s’entretenaient toujours
de sujets traitant de spiritualité. Un namakirtana avait lieu dans
l’ashram et Mâ entra dans un état de profond samadhi durant le kirtana.
Un soir, après le samadhi, Mâ ébaucha joyeusement quelques pas de danse tout en
entonnant ‘Hari Om’. Sa voix était tellement douce et mélodieuse que les
personnes présentes la virent plus comme une Déesse ayant assumé la forme
humaine
37
que comme un être humain normal. Sri Sri
Brahmachari Maharaj lui-même affirma qu’il avait remarqué que Ses pieds ne
touchaient pas le sol et cela constituait à ses yeux la preuve définitive que
Mâ était l’incarnation de la Mère Divine. Elle chanta Hari Om, Hari Om pendant
une demi-heure, après quoi Elle demanda à Brahmachari Maharaji de la suivre
jusqu’à la pièce qu’Elle occupait à l’étage supérieur du ‘Dhyana-Kutir’, puis
Elle lui parla de choses profondes et importantes. Personne d’autre n’ayant été
admis dans la pièce, nous ne pûmes qu’émettre des conjectures quant au thème de
leur entretien. Sri Sri Brahmachari Maharaji était fortement impressionné par
Mère. C’est sur la demande instante de celui-ci qu’Elle accepta de rester
pendant une semaine au lieu des trois jours que son programme initial
prévoyait. Bien que vingt-cinq années se soient écoulées, les Hari Om
qu’Elle entonna ce jour-là semblent vibrer encore dans nos oreilles et l’effet
qu’ils produisent est tellement merveilleux que même des jeunes gens
agnostiques et des non croyants ressentent son influence au point que certains
d’entre eux se sont mis à les chanter durant leur sommeil. A cette époque-là, Mère
avait coutume, pendant une bonne partie de la journée, de s’élever par l’esprit
dans un monde supérieur et lorsqu’il lui fallait répondre à certaines questions
qu’on lui posait, on avait véritablement le sentiment qu’Elle descendait de ce
monde d’en haut. Pendant plusieurs minutes Elle avait de grandes difficultés à
prononcer ses mots et à bien articuler ses réponses. La lumière de son regard
changeait chaque fois qu’Elle essayait de parler et l’on voyait sans le moindre
doute qu’Elle s’efforçait de redescendre de cette dimension supérieure dans
laquelle Elle se trouvait. Ce passage d’un niveau à un autre
38
n’est plus perceptible aujourd’hui. Je dirais même
qu’on a maintenant le sentiment qu’Elle
vit en permanence sur ce plan supérieur et que cet état de fait est devenu
tellement naturel et spontané qu’Elle n’est plus obligée de couper le contact
avec ce monde-là lorsqu’une tâche l’appelle au plan inférieur : Elle
poursuit sa tâche simultanément sur les deux niveaux.
Le jour de mon départ, l’après-midi même où je
devais quitter Deoghar, Mère m’accorda le privilège d’une entrevue privée. Je
Lui demandai, lors de cette rencontre, ce que je pouvais faire pour progresser
spirituellement. Elle répondit que ce que je faisais à l’accoutumée allait très
bien et que je n’avais rien de plus à faire, même si Elle m’avait déjà
conseillé d’agir. Mon regard dut trahir le doute que je ressentis car Mâ
ajouta : « Très bien, je vais vous dire une chose toute simple.
Ne vénérez pas l’image d’un être humain qui est encore en vie ». « Je
n’ai jamais fait cela. Pourquoi l’aurais-je fait ? » répondis-je.
« Parfait » dit-Elle.
Je La rencontrai quelque deux ans et demi après
cette entrevue, chez le frère de son époux, à Calcutta. Je me souviens que deux
ou trois missionnaires étaient venus lui rendre visite ce soir-là. Elle était
donc occupée à s’entretenir avec ces personnes. Dès que je m’approchai, Elle me
dit : « Ainsi vous ne vénérez le portrait d’aucun homme encore
en vie, n’est-ce pas ? ». J’étais sidéré ! Durant cet intervalle
de deux ans et demi je m’étais procuré l’agrandissement de la photographie d’un
saint. Un saint qui était encore en vie ! Et j’avais placé cette photographie dans la pièce où je pratiquais
la puja. Et tous les jours je lui avais rendu hommage ! Elle
n’attendit pas que je lui
39
réponde. Elle me dit : « Eh bien,
vous voyez, lorsque quelque chose doit arriver, ce quelque chose arrive et pas
autre chose. »
On ne peut que s’incliner devant la personnalité
extraordinaire de Mâ. On ne peut faire autrement qu’obéir à ses commandements.
Elle n’est pas une personne qui se laisse convaincre par un ton ou des mots
suppliants. Et Elle entend fermement que soit accompli ce qu’Elle considère
comme devant être accompli. Lorsqu’Elle décide de faire une promenade en
solitaire et qu’Elle demande à ses accompagnateurs les plus proches de demeurer
en arrière, quelle que sévère et cruelle que puisse sembler cette injonction,
elle doit être respectée sans aucune protestation. D’ailleurs personne n’a le
courage de s’opposer aux décisions d’une aussi forte personnalité. Mère est si
généreuse, si délicate, douce et gentille qu’il semble impossible qu’Elle
puisse blesser la sensibilité de qui que ce soit. Mais Elle est en même temps
si forte et résolue qu’Elle peut paraître plus dure que l’acier voire même
cruelle et sans coeur. On peut dire de Mâ qu’Elle est « plus puissante que
le tonnerre et plus douce que la fleur », plus gentille que les plus
gentils, plus belle que les plus belles. Elle est plus impétueuse et plus terrible
que la Mort, aussi chaleureuse, aussi douce que les rayons argentés de la lune,
mais aussi rude que l’Implacabilité elle-même. Elle est affable et cependant
cruelle. Ces caractéristiques apparemment contradictoires montrent à quel point
Mâ transcende le commun des mortels. Sa beauté surpasse celle des êtres les
plus beaux de cette terre et l’on dit d’Elle qu’Elle est la plus belle entre
les plus belles. Elle se montre implacable lorsqu’Elle est contrainte
d’affronter les forces diaboliques et ne descend à
40
aucun compromis. Elle est d’une affabilité sans
limite à l’endroit de tous ceux qui s’efforcent de toujours suivre le droit
chemin et son amour infini englobe tous les êtres. Lorsqu’Elle parcourt des
centaines de kilomètres pour rendre visite à une personne gravement malade ou
pour consoler une mère qui vient de perdre son seul enfant, son visage est tout
empreint d’amour et de compassion. Mais qui sait si son amour et sa compassion
ne sont pas encore plus grands quand Elle ne cède pas aux supplications et
qu’Elle semble cruelle ? Combattre les forces diaboliques est aussi un
signe de compassion, car c’est l’unique voie menant au Royaume des Cieux, que
nous avons perdue.
Les réponses de Mère aux questions qu’on lui pose
sont si simples, si fortes, si vigoureuses, qu’elles ne peuvent pas ne pas
toucher le coeur de ceux qui les entendent. Les réponses extraordinaires que
cette femme presque illettrée propose à des problèmes d’ordre philosophique
particulièrement ardus, sont le signe incontestable de la présence en Elle de
la merveilleuse Lumière qui illumine chaque chose. Les activités incessantes
auxquelles Elle se consacre sans trêve aucune, chaque jour de l’année, sont le
signe indubitable qu’en Elle vibre la Vie universelle. L’affection maternelle qu’Elle
prodigue à tous ceux qui viennent la voir, et qui pénètre chacun jusqu’au fond
du coeur, n’est autre que la manifestation de l’Amour Absolu. Son attachement
farouche à la Vérité, la spontanéité totale et la liberté dans chacune de ses
actions, son adhésion infaillible à l’idéal qui est le sien, la vénération
qu’Elle éprouve pour tout ce qui est élevé et sacré, son respect des coutumes
et de la tradition, le mépris total des louanges ou des reproches sur le
41
plan matériel, toutes ces particularités sont la
preuve incontestable que Mère est un être unique, digne de notre amour et de
notre adoration, de notre dévotion et de notre vénération.
Comment
étais-tu Mâ ?
La 1ère ride vient d’un cri
La 2ème d’un pleur
La 3ème quand tu ris
La dernière quand tu meurs.
Comment étais-tu Mâ ?
Comment étais-tu Mâ quand tu avais 20 ans ?
Un être de blancheur, pureté et candeur
Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur
Et dont l’Enseignement doublé de l’exigence
Distribuait tout l’AMOUR dont elle était l’essence !
Savoir fleurir
Savoir sourire
Comment étais-tu Mâ à la fin de ton temps ?
Les rides avaient creusé un sillon de bonheur
Faisant se refléter la ‘Lumière Intérieure’
Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli
Puisqu’en Elle le ‘SOI’ à TOUT s’était UNI.
42
Savoir souffrir
Savoir vieillir
La 1ère ride : un cri
La 2ème ride : un pleur
La 3ème quand on rit
La dernière quand on meurt !
De Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Conscience
en solitude
SEUL avec sa Conscience
Dans un moment d’Absence
Conscient de la Présence
Qui vous donne confiance…
SEUL avec son Ego
Qu’on cache, incognito,
On quitte la matière
Plongeant dans la lumière
Des livres des grands
Maîtres
D’où on se sent renaître.
On emprunte un passage
Vers un grand lessivage…
Noumènes (subjectif)
Phénomènes (objectif)
Vers la Libération,
La Réalisation !
Moi, Je, Vous, Lui…Qui
suis-je ?
L’apparence à vos yeux
D’un concept, d’un
non-lieu,
D’un reflet, d’un
prodige ?
Dans le Manifesté
Du Non-Manifesté
Il faut tout effacer
L’Absolu doit rester.
Il faut l’obéissance
En totale ‘vacance’
Il faut l’humilité
Il faut la vacuité
Et la Non-Dualité
Vivre dans l’Unité
Sortir de l’illusion
Et du jeu des passions.
L’individualité
La personnalité,
Vil asservissement,
Puéril fonctionnement.
Entité ridicule
Annihile ton ‘moi’ !
Petite particule
Reste unie dans le ‘Soi’…
Identification
Dans cette unicité.
Puis séparation
Dans cette dualité.
L’inertie, la matière,
Le bon et le méchant,
L’ombre et la lumière,
Ne seraient que
néant ?
Seul reflet d’une image
Nous dit bien Maharaj…
Je ne suis que
‘cela’ !
L’Atma est au-delà…
Dans son Enseignement
Mâ Anandamayî,
Dans son Renoncement
Ramana Maharshi
Maîtres qui ont quitté
L’humble souffle de vie
Qui les a habités
Nous ont légué l’envie
D’aller au fond du coeur
De trouver l’ouverture
Bien que SEUL on demeure
Face à sa vraie nature…
SEUL avec sa Conscience
Dans les moments
d’Absence
Proches de la Présence
De la ‘Non-Existence’…
Il faut garder confiance,
Et près du Samâdhi
Rejoindre en sa
Conscience
Mâ Anandamayî…
De Mahâjyoti (Geneviève
Koevoets) En un 15 Août désert, mais riche de lectures…
Nouvelles
- Les échos de la cérémonie d'inhumation du corps de Swami Vijayânanda au
Père-Lachaise en fin avril sont arrivés par différents canaux jusqu'à Kankhal.
Par exemple, Pushparaj qui était là-bas avec son épouse Padma pour effectuer la
poujâ, selon le rituel hindou, a trouvé qu'il y avait une dévotion forte
46
et sincère parmi les 150 personnes réunies. Il a dit qu'il ne trouvait pas
autant de dévotion en Inde. D'autres fervents qui venaient de la lointaine
province ont été frappés par le fait qu’il semblait que personne ne voulait
quitter l'endroit une fois la cérémonie terminée. Certains sont restés pour
méditer, alors que d'habitude, dans ce genre d'occasion, les gens se dispersent
rapidement.
- Une Annonce :
L’inauguration du samâdhi de Swami Vijayânanda au Père Lachaise aura lieu
le dimanche 3 octobre, à 15h. La pierre définitive a été posée, mais des
aménagements sont encore en cours. Renseignez-vous auprès de Mahâjyoti, koevoetsg@wanadoo.fr et dites-lui à combien vous
viendrez. On distribuera de l'eau du lac Mansarovar qu’Izou de Cassan et
Pushparaj ont prise là-bas début juillet, en allant immerger quelques articles
qui avaient appartenu à Vijayânanda. Pensez à apporter vos petits flacons.
La sépulture est
située :
-
division 41,
-
ligne 14/40
-
numéro 12/42
C’est-à-dire près de l’angle de l’avenue Transversale n°2 et de l’avenue
Greffulhe sur le plan (site :
mairie de paris.fr)
Accès au cimetière :
Métro : stations Philippe Auguste (côté entrée principale) ou Gambetta
(côté entrée nord)
Bus : 61, 69 (côté entrée principale) ou 26, 60, 61, 69, 102 (côté
entrée nord)
47
- Swami Nirgunânanda va retourner en France invité par ‘Terre du
Ciel’. Il interviendra au grand congrès
d'Aix-les-Bains, qui rassemble d'habitude plus d'un millier de personnes les 6,
7 et 8 novembre, et le thème sera « la vraie liberté ». Dans le même mouvement,
il animera une session dans le centre de Terre du Ciel à Chardenoux les 10, 11,
et 12 novembre. infos@terre-du-ciel.fr et site www.terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30
- Swami Nirgunânanda a terminé récemment un petit livre de traductions et
commentaires des lettres de Mâ à Brahmar Ghosh. Il s’agit d’une jeune femme
brillante qui était partagée entre la vie dans le monde et l’engagement auprès
de Mâ. On y découvre de bons éclairages sur la psychologie spirituelle de
celle-ci. Ces lettres ont été retrouvées par hasard dans les vieux papiers de
l’ashram de Patal Devi à Almora, par Swami Nirgunânanda. Jacques Vigne et Paul
Neeffs ont traduit la version anglaise en français, on trouvera très bientôt
les deux versions, plus de belles photos de Mâ et le fac-simile des lettres
originales en bengali sur le site de Paul, sur Mâ : www.anandamayi.net.
Nous avons mis quelques extraits dans ce présent numéro du ‘Jay Mâ’.
- Vigyânânand (Jacques Vigne) organise un pèlerinage au Kailash du 13 mai
au 8 juin 2011, avec un avion Kathmandou-Lhassa et visite de la ville. L'aller
sera par le côté nord de la vallée du Brahmapoutr ; le retour par le côté
sud et le col routier de Kandari qui passe la frontière à cinq heures de route
de Kathmandou. On prendra le temps avant le départ de visiter la vallée de
Kathmandou qui est très riche en monuments hindous et bouddhistes fort
intéressants. Le groupe est déjà pratiquement plein avec une trentaine de
personnes, mais il est
48
possible que ce pèlerinage soit repris en mai 2012. Renseignements www.teerth.org et Anne
Hérault 01 48 06 17 29.
- Nous vous rappelons qu’un nouveau livre d'enseignement de Mâ est paru aux
éditions du Relié, Retrouver la joie.
Il n'y avait que le livre d'Albin-Michel et aussi Vie en jeu publié par Accarias, dans le secteur d'anthologie de
textes de Mâ. Celui-ci donc, à sa place, il a été préparé par Patrick Mandala
qui vit entre la France et l'Inde et a fréquenté Mâ avec son épouse entre 1970
et 1982.
Renouvellement
des abonnements
Le renouvellement vous sera demandé dans le prochain numéro de Décembre,
pour la nouvelle période d’abonnement de deux ans, qui ira de Mars 2011 à Mars
2013. Donc, pour l'instant, il n'y a rien à faire…Mahâjyoti qui s’occupe
bénévolement de l’édition et des envois du ‘Jay Mâ’ vous donnera les
instructions.
49
Table
des matières
Paroles de Mâ : le
Gourou p.1
Vijayânanda : le
maître spirituel caché derrière le gentil
grand-père, par Nicolas Gailledrat p. 9
Pèlerinage au Mont
Kailash, de Gurprya Didi p.16
Lettres à Brahmar Ghosh
Commentaires de Swami Nirgunânanda p.21
Mâ, Un être unique, par
Nalini Kanta Brahma p.35
2 Poèmes de
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) :
- Comment étais-tu,
Mâ ?
p.41
- Conscience en
solitude
p.42
Nouvelles
p.45
Renouvellement des
abonnements
p.48
Table des matières
p.49
Jay Ma N° 99
- Hiver 2010-2011
JOYEUX NOEL
Paroles
de Mâ
Ame, Soi, Béatitude, Nectar
(Extraits de ‘Les
Enseignements de Mâ Anandamayî’, chapitre 3)
Comme le jeu est beau dans le royaume de Dieu.
Soi – il n’y a qu’un seul Soi. Même là, « toi », « tien », « mien » sont
présents. Si vous désirez encore dire « mien », « tien », devenez l’éternel
serviteur de Dieu. Dans le contexte du monde de la famille, vous avez continué,
pendant de multiples vies, à dire « moi, mien ». Je suis l’Immortel Soi – Atma.
Il n’existe qu’un seul Brahman, il n’y en a pas d’autre – (chaque chose) Lui
appartient. Si « mien et tien » sont encore là, reportez-les sur Dieu.
De par sa véritable
nature, le Soi de chaque individu désire la béatitude. C’est parce que cette
béatitude est présente en Lui-même qu’Il peut la demander. Autrement Il ne le
ferait pas. Il ne peut pas le faire sans le demander. En fait, l’ardent désir
d’obtenir le bonheur et la paix, habite tous les êtres vivants. Les créatures
les plus simples elles-mêmes, les insectes, les araignées, évitent les sources
de forte chaleur. Elles aussi désirent la paix, la sécurité, le repos. Les
créatures qui souffrent sous le soleil brûlant recherchent vivement l’ombre et
l’eau fraîche. Tout comme l’homme qui, affligé par la triple souffrance
(adhibautik, générale, adhidaivik, catastrophes naturelles, adhyâtmik,
psychologique et spirituelle) cherche Dieu, havre de paix et source de bonheur.
C’est Lui – c’est moi,
l’indépendant, dans Sa vraie manifestation, qui va et qui vient. Il est
indispensable d’être établi dans cette connaissance du Soi. C’est vraiment
vous, vous, vous. Vous seul êtes dans toute chose, vous-même êtes cela. C’est
seulement Lui, c’est seulement moi, le Un sans limites.
Que ce soit sous forme du
serviteur ou sous forme du Soi, efforcez-vous d’atteindre votre Soi. Vous êtes
immortels – contenus dans votre propre Soi– alors pourquoi souffrir dans les
naissances et dans les morts ? Soyez dans votre Soi.
(Traduit par Jean E.Louis)
Mâ, un être incomparable
Tiré d’un livre de souvenirs sur Mâ
‘Smaranika’
Govinda Gopal Mukhopadhyaya
L’année 1924 suivait son
cours. J’étais un jeune garçon tout juste âgé de six ans lorsque mon père, qui
était en poste à Dakha en tant que Deputy Post Master General, rencontra par
hasard Mâ Anandamayî. À l’époque Elle était simplement Nirmala Sundari Devi,
l’épouse de Ramani Mohan Chakravarti qui occupait le poste de Superintendant
des Jardins de Nawab, connus également sous le nom de Shahbagh. C’était une
femme d’intérieur qui portait toujours le voile. Elle ne fixait pas les
personnes et n’adressait jamais la parole à qui que ce fût. Mais moi j’étais un
enfant et j’eus droit à l’insigne privilège de m’asseoir sur ses genoux et de
contempler son visage d’une extraordinaire beauté et son sourire tout aussi
extraordinaire. C’est pour cela que depuis le jour où je la vis pour la
première fois jusqu’au dernier jour de sa vie, Elle fut pour moi l’image même
de la mère parfaite, avec son exquise beauté et l’incomparable tendresse de son
coeur.
Après cette période de
son existence où Elle vécut masquée par un voile et confinée entre les quatre
murs de la demeure conjugale, il y eut la période qui débuta le jour où cette
Céleste Majesté apparut à l’air libre, débarrassée de son voile. Tout cela
appartient désormais à l’histoire. Mais lorsque j’étais enfant et même par la
suite en grandissant, je ne savais en fait que très peu de choses sur la divine
grandeur de Mère, en dépit de tout ce que j’entendais dire d’Elle et de ce que
l’on pouvait lire ici ou là à son sujet. J’étais tout simplement ébloui par sa
beauté de mère et l’enfant affectueux que j’étais s’accrochait fermement à
Elle. Elle me caressait les cheveux et me coiffait, Elle me donnait mille et
une gourmandises. Ou alors Elle
m’asseyait à ses côtés lorsqu’Elle prenait quelque nourriture. Parfois Elle
plaçait son propre oreiller sous ma tête pour que je me repose...C’était là
quelques-uns des petits gestes de la vie de tous les jours qu’Elle avait pour
moi. Elle représentait alors à mes yeux l’image de la mère idéale qui veut le
bonheur et le bien-être de son enfant. Et il en allait de même pour une foule
d’autres enfants qui s’agglutinaient sans cesse autour d’Elle et pour lesquels
Elle avait toutes sortes d’attentions.
Fidèle au nom que ses
disciples lui ont donné, Mère Anandamayî est venue en ce monde uniquement pour
partager avec ses enfants la divine béatitude qui est enfouie au plus profond
du coeur de tous les êtres humains. Dans une lettre écrite de sa propre main et
adressée à mon père bien-aimé, Elle lui fit part de quelques-unes des
expériences marquantes qu’Elle avait vécues un certain temps auparavant et
qu’Elle ne pouvait pas, à ce moment-là, lui communiquer verbalement. Elle
exprimait en termes poignants l’angoisse profonde qu’était la sienne pour
l’humanité souffrante et ce qu’Elle éprouvait en invitant tous les hommes à
partager son expérience de la divine extase et de l’éternelle bénédiction. Tout
le bonheur du monde que l’on peut souhaiter obtenir par la richesse ou le
confort matériel, par les honneurs ou la célébrité, tout cela est totalement
insignifiant comparé à la béatitude extatique que l’on peut connaître en
prononçant le nom du Divin. Son coeur hurlait à ses êtres souffrants qu’Elle
considérait comme ses enfants, de partager ce nectar immortel qu’Elle-même
avait goûté et dont Elle savait qu’il était la seule et unique chose
authentique et éternelle dans ce monde éphémère.
Je pense que cette
pulsion suprême qui l’incitait à exhorter les gens à se tourner vers la
bénédiction divine, finit par la décider à se débarrasser du voile et à quitter
les quatre murs où Elle était confinée. Désormais sans demeure fixe, Elle se
mit à errer et parcourut le pays de long en large. Elle rencontra des gens de
tous les milieux, de toutes les classes sociales, de Gandhi, Nehru et Netaji
aux gens les plus ordinaires, des plus grands saints aux pécheurs les plus
humbles et à toutes ces personnes Elle communiqua ce message suprême et unique
: « Ne parlez que de Hari, le Divin, c’est la seule chose qui importe. Tout le
reste est inutile, tout le reste est cause de souffrance. »
Un jour Elle me raconta,
avec son humour habituel entrecoupé de francs éclats de rire, une des
expériences qu’Elle vécut au cours d’un voyage en train. Ses disciples
l’avaient installée dans une voiture de première classe où, comme d’habitude,
des personnes d’aspect plutôt cossu avaient également pris place. Lorsque ces
voyageurs apprirent la présence de Mère Anandamayî dans le wagon qu’ils
occupaient, ils s’empressèrent d’aller la voir, l’un après l’autre, pour lui
présenter leurs respects et recevoir sa bénédiction. À un certain moment Mâ se
tourna vers eux et, joignant les mains, leur adressa d’un ton de circonstance
ces quelques mots : « La jeune fille que je suis, votre jeune enfant, désire
vous demander quelque chose. Aurez-vous la gentillesse d’exaucer ma demande ? »
En entendant cela, me dit-Elle, quelques personnes s’éclipsèrent furtivement,
d’autres se mirent à chercher leur portefeuille, tandis que certains mettaient
déjà la main à la poche, persuadés qu’ils étaient, que Mère allait leur
demander de l’argent, une donation pour son ashram ou pour quelque autre usage.
Deux ou trois de ces voyageurs recouvrèrent leur assurance et lui demandèrent
de préciser ce qu’Elle attendait de leur part. Elle leur demanda alors combien
de temps ils consacraient quotidiennement à leur profession, ou aux affaires,
aux occupations qui étaient les leurs. Ce à quoi ils répondirent qu’ils
consacraient habituellement entre sept et dix heures par jour, et parfois
davantage, à leurs métiers respectifs. Elle leur dit alors : « Puis-je demander
à chacun de vous de me faire l’aumône ne serait-ce que d’une petite demi-heure
par jour, voire même quinze minutes
seulement et de me promettre gentiment que vous consacrerez ce temps-là au
Seigneur, exclusivement au Seigneur et que vous ferez en sorte que rien ni
personne ne vous dérange durant ce court laps de temps ? Est-ce trop vous demander
? »
C’était là sa façon,
toute personnelle, de persuader ceux qui entraient en contact avec Elle de se
tourner vers le Divin. Cette véritable tendresse de mère qu’était la sienne
avait conscience du tourment dont tous ses enfants souffraient, alors Elle
voulait les nourrir, les soutenir moralement au moyen de cette divine ambroisie
qui est le seul et unique remède, la suprême panacée pour tous les maux de ce
monde.
Dans mon esprit, Mâ était
la plus authentique de toutes les mères, car Elle avait mille et une attentions pour chacun de ses
enfants. Mais Elle ne se contentait pas
de veiller à ce qu’ils jouissent de tout le bien-être possible. Elle
s’intéressait également à leurs faits et gestes, se préoccupant surtout de
savoir qui s’éloignait du Seigneur et qui se rapprochait de Lui. C’est à cela,
en vérité, qu’Elle a consacré toute sa vie.
Quels qu’aient été les
rôles qu’Elle a joués dans la vie, Elle les a joués à la perfection, faisant
toujours en sorte qu’ils représentent un exemple à suivre pour les autres. Le
jour où mon père bien-aimé fit sa connaissance, il fut très impressionné par la
véritable dévotion qu’Elle marquait à son époux et la totale obéissance qu’Elle
lui manifestait. Elle ne répondait à aucune question posée par un étranger sans
le consentement de son mari, ni ne faisait jamais le moindre pas, lorsqu’ils
étaient en quelque endroit, qu’Elle ne fut précédée par celui-ci. Et cela
provoquait parfois une certaine contrariété parmi ses disciples qui
considéraient qu’étant la Mère Divine, Elle était en mesure de prendre ses
décisions toute seule sans faire acte de soumission à l’égard de qui que ce
soit, qu’il s’agisse de son époux ou de n’importe qui d’autre. Mais Elle avait
choisi d’être une épouse parfaite et soumise, de toujours marcher sur les pas
de son mari, d’obéir à tous ses ordres même si, parfois, ils pouvaient lui
paraître futiles ou arbitraires.
La vie de Mâ Anandamayî
est une véritable leçon d’humilité pour nous tous. Elle se désignait Elle-même
comme « la petite fille » et n’imposait jamais à personne cette grandeur que
nous lui connaissons, ni ne prenait en aucun cas un air de supériorité. On
apprenait en l’écoutant comment rendre hommage aux saints et aux érudits et
comment honorer les personnes au coeur noble et à l’intelligence subtile. Dans
une des lettres qu’Elle écrivit à mon père par l’entremise de son mari, elle
faisait part de certaines de ses inestimables recommandations à l’adresse des
chercheurs dans la spiritualité. Elle disait :
« Ceux qui s’efforcent un
tant soit peu d’aller vers le Divin ne doivent jamais se livrer à des
réprimandes ou à des blâmes à l’égard des autres. De même qu’ils ne doivent pas
porter de jugement sur telle ou telle personne, qu’elle soit vertueuse ou
immorale, ni même formuler mentalement une opinion sur qui que ce soit. Ceux
qui se laissent aller à juger font preuve de présomption et s’écartent du
chemin qui mène au Divin. Lorsqu’une personne est prise du désir de juger de ce
qui est bien ou de ce qui est mal chez l’un ou l’autre, qu’elle songe à
examiner attentivement le bien et le mal qu’elle-même porte en elle à cet
instant-là. »
C’est de cette façon et
de mille autres encore, qu’Elle s’efforçait, telle une vraie mère, de ramener
sur la juste voie ceux de ses enfants qui s’étaient égarés. Mais combien
d’entre nous se soucient de tenir compte des conseils qu’Elle a prodigués,
combien d’entre nous ont suivi la voie qu’Elle avait si souvent indiquée ? Et
nous avons cependant le sentiment de lui manifester notre respect et de lui
rendre l’hommage que nous lui devons, en édifiant un mémorial ou un temple en
son honneur, ou en entonnant quelques maigres mots pour chanter ses louanges.
Le seul vrai mémorial digne de son amour merveilleux de mère et de sa grâce
sans pareille, ne peut être que dans l’accomplissement, de notre part, de ce
qu’Elle espérait et attendait de nous tous : que nous devenions les enfants
qu’Elle aurait aimé que nous devenions : simples dans leur foi, sincères dans
leurs desseins, purs et sereins dans leurs pensées.
Puissions-nous nous
élever par sa grâce et être à la hauteur de ce qu’Elle attendait de nous !
°°°°°°°°°°°°°°
La relation entre le Gourou et le disciple
(sisya) est digne d’être considérée comme éternelle lorsque le Gourou est
investi du pouvoir divin et qu’il peut communiquer ce pouvoir au disciple au
moment de son initiation. Ce pouvoir étant éternel, la relation qui s’établit
alors entre le Gourou et son disciple devient, elle aussi, éternelle.
Sri Sri Mâ Anandamayî
(Traduit par Jean E. Louis)
Méditation sur l’enseignement de Mâ
Par Edith Boutherin
Août – Novembre 2010
Edith Boutherin est venue
plusieurs fois à Kankhal rencontrer Vijayânanda. Elle travaille dans les
ambassades de France à l’étranger, et grâce à cela, elle a découvert et
fréquenté beaucoup de pays et de cultures. Elle a eu l’intuition de
‘ré-exprimer’ des idées-forces de Mâ comme cela lui venait de l’intérieur, et
nous offrons ci-dessous au lecteur ces sortes de résumés de ce que Mâ disait en
substance.
Rechercher le bonheur en dehors de moi (le
Divin) est un leurre.
Il est partout mais plus facile à percevoir
dans la beauté, celle de la nature par exemple.
Sur la façon de réciter le mantra : avec
légèreté (à l’opposé de mécaniquement), avec la même confiance que celle de
l’enfant qui tient la main de sa mère (idée
d’abandon absolu).
Mâ dit en substance : « Je vous prends par la
main comme une mère son enfant. Laissez-vous guider. Quelle est la caractéristique de l’enfant ?
Il s’abandonne avec confiance, sans questionnement. Avec moi, vous vous éloignerez
des plaisirs éphémères pour un bonheur plus absolu. Vous connaîtrez alors la
sérénité ».
Ne fabriquez pas la méditation : il suffit
d’avoir une attitude d’abandon et de recevoir mon amour. C’est la forme de
méditation la plus élevée et la plus puissante…
De la même façon que vous rechargez vos portables, connectez-vous à mon
amour chaque jour. C’est l’amour divin qui transforme tout : énergies,
émotions, aspirations …
Si vous me gardez dans le cœur, la dualité
cesse, la vie devient plus aisée.
Si vous avez l’Amour,
vous êtes intouchable. Même en cas d’attaque, vous ne ressentirez pas cela
comme une attaque (idée d’invincibilité).
Chaque action accomplie en la Présence est une
Sadhana. Quoique vous fassiez n’a
vraiment d’importance que si vous êtes en compagnie du Divin.
Peu importe que vous m’évoquiez ou que vous
évoquiez un grand Saint, c’est l’Unité.
Jeter de la nourriture est le non respect d’un
cadeau du Divin.
Acceptez les cadeaux que l’Univers, par le
biais des autres, vous offre, sans vous sentir redevables.
Le son de la vie :
« Silence »
Est-il possible de
répondre à l’appel de la vie sans silence ?
La demeure de vérité et de pure conscience
qui est infinie, sans
dualité,
dénuée de tout objet de
perception, sans maladie,
immaculée, non duelle et
propice,
je suis toujours cela.
Dans ce silence, je
prends refuge.
(Lumière sur son propre
soi de Sri Shankaracharya.)
Le silence ne se déploie
pas qu’en sa propre sémantique : silence extérieur, sensuel… etc… Il s’élance
aussi vers l’éblouissante ‘Immanence-Transcendance’, sens spirituel. Le champ
est immense, infini. Nous parlons ici de celui-ci. Nous parlons de ce lieu
vital tapi en nous sous le mental, sous l’effervescence phénoménale, mondaine,
au milieu de la mouvance des phénomènes et dans les cieux.
« Le silence permet de
suivre l’éternité à la trace et de la rencontrer. »
(Marie Madeleine Davy)
Cet endroit, à la fois
volubile et muet, ne se renferme pas en son secret : point d’écran, de mutisme.
Il ne se renferme pas en lui-même : pas de tour d’ivoire, d’égoïsme. Miroir de
l’absolu, il ne peut vendre son âme aux sens mais il ne peut non plus vivre en
reclus dans un refus. Le silence ouvre le cœur du son originel, libère son
expression, celle de La pure conscience.
Seul ce mystère blotti
derrière les murailles superficielles, broussailles ennemies, épines acérées de
nos ennuis, nos peurs, nos nuits, seul ce silence perçu par un sens nu,
dévoilé, où irréel et réel sont unifiés, donne la vie. Il s’agit du son
créateur de l’univers. Il ne peut tarir, il ne peut trahir son premier cri, la
vibration première, à la fois voix et voie de l’infini. Plus éloquent que
l’éloquence même, le silence inspire, collabore à la vie, protège le monde.
« S’il n’existait pas des
hommes voués au silence, les séismes issus des bavardages, des pensées et des
paroles bouleverseraient l’univers, sortes de laves volcaniques incandescentes
anéantissant tout sur leur passage."
(Marie-Madeleine Davy)
S’il n’est pas possible
de répondre à l’appel de la vie sans silence, il n’est pas non plus possible
d’y répondre sans un élan préalable vers la simplicité, le dépouillement, sans
connivence entre être et pure conscience. Cela va de pair. Comment saisir le
grand mystère enrobé d’un fatras de choses ? En un mot, est-il possible d’être
en vie encombré d’un amas d’envies, assourdi par le bruit de nos gourmandises ?
Non.
Non, disions-nous, nous
ne pouvons prêter nos sens. Nous ne pouvons percevoir par les pores d’un autre.
Entendons par ‘autre’ l’extérieur de soi, le nuage sur la lumière, l’écorce sur
le fruit… l’avoir… les fantasmes… les songes… et cetera… Nous avons nommé ‘ce
qui n’est pas’. Ce serait tenter de déguster la vie par les ‘papilles’ du
mensonge, c’est à dire coupé de la vie elle-même, ce serait tenter de vivre par
les ‘papilles' de l’ombre, de l’errance. En ces ornières peut-on ‘exister’ ?
Peut-on ‘exister’ ainsi déguisé, en pratiquant la vie buissonnière, en fuyant
la lumière ?
La mort de soi est la
seule voie qui mène au silence.
Homologue du silence :
l’art.
« L’art révèle l’être qui
le crée. »
(Klee)
L’art sacré ou profane est un autoportrait
divin, un autoportrait de la pure conscience. Il ne doit rien à l’humain. Il
perdure lorsque le support sensoriel se retranche.
L’artiste est, non
seulement, choisi mais mû. Il s’agit d’une prise en main divine et non d’une
main mise sur ceci… sur cela…. L’art est au-delà du joli, des voilà un tel, des
voici une telle, des ‘simagrées’ de la renommée, des attributs pédants, des
attributs payants…
« L’artiste permet de
rendre perceptible un instant de beauté éternelle. L’artiste fait
l’articulation entre la beauté divine qu’il a en lui et la rend perceptible.
Percevoir cette beauté qui est en lui, mais qu’il ne peut percevoir qu’en
l’exprimant le rend heureux. »
(Swamiji Nirgunananda.)
On ne peut non plus
répondre à l’art enrobé de mille choses. Pour accéder au nectar d’une œuvre, il
convient de nous rapprocher de notre propre nectar en élaguant nos différents
corps, en larguant nos records. On se présente appauvri, nu, au pied de
l’infini et non du sommet de nos attitudes, revêtu de valeurs, de certitudes…
Comprendre l’esprit d’une
œuvre est une forme de déshabillage qui dévoile le centre de nous-mêmes.
Autrement dit, saisir l’esprit d’une œuvre est un raccourci, celui du
pèlerinage qui conduit au silence.
« Amar pantha, amar âtmâ,
svayam. »
(Recueilli et commenté
par Jacqueline Pleyers)
Poème : « Ode au Silence »
Par Mahâjyoti
Quand la vie te secoue
Quand les gens te bafouent
Quand tu rentres peiné
Te sens abandonné
Comme une jouissance
Il est là le SILENCE
Lorsqu’un peu tu bascules
Et te sens ridicule
Quand tu cries dans le
vide
Et crois perdre ton guide
Suis ton itinéraire
Et apprends à te taire.
Ta voix vient à manquer
Tu ne peux plus ‘râler’
Tu vas ouvrir la cage
Et faire bon usage
De la ‘petite voix’
Qui est au fond de toi.
O restructuration
Des pensées qui
s’emmêlent
Vraie cohabitation
Pour des idées
‘nouvelles’
SILENCE ô guérisseur
Des conflits intérieurs !
Tu envoies la détente
Tu chasses la pression
La musique est présente
Sans en avoir le son.
On plonge dans le bain
De l’inertie soudain !
En coupant toute écoute
De tes bruits, de tes
pleurs
C’est alors que tu goûtes
Ton ‘Ecoute Intérieure’.
Celle que Mâ proclame
Pour le bien de ton âme.
Reprends donc à la main
Le bâton de pèlerin
Du petit ‘cheminant’
Qui avance en rampant.
Adopte le SILENCE
Comme un bain de jouvence
!
SILENCE ô Energie
Après le bain, l’humour
Tu redonnes la Vie
Tu redonnes l’Amour !
Puis c’est la volupté
Du calme retrouvé.
Savoureux à goûter
C’est presque aussi sucré
Qu’un bonbon à sucer
Qui va régénérer
L’onde perturbatrice
Chargée de cicatrices !
Mâ riait des malices !
Travaille aux flancs
l’Ego
Reviens sans artifices
Et reprends ton credo.
Puis fais que le son AUM
S’étende comme un baume.
Tu retrouves tes sens
Lumière, béatitude,
Amies de solitude.
C’est vrai que le SILENCE
Si l’Ego se calfeutre
Est LE Grand Thérapeute !
(Geneviève
Koevoets-Mahâjyoti)
EN ASSOCIATION AVEC
SRI SRI MÂ ANANDAMAYÎ
Amulya Kumar Datta Gupta
Volume II
Décembre 1936. Les fêtes de Noël approchent.
Amulya Kumar Datta Gupta a projeté d’emmener son épouse et ses filles en
vacances. Mâ, quant à Elle, doit se rendre à Navadweep, mais la date et la
durée de son déplacement n’étant pas bien définies, Datta Gupta hésitant,
renonce à l’idée d’aller la retrouver avec sa famille, sur les lieux de son
séjour. Peu de temps après cette décision, il reçoit une missive de Jatin Babu
lui annonçant que Mâ resterait à Navadweep jusqu’à la fin de la première
semaine de janvier. Tout excité par cette nouvelle, Datta Gupta revient sur sa
décision et choisit d’aller passer ses vacances avec sa famille à Navadweep.
Ils entreprennent le voyage le jour suivant et arrivent le surlendemain en gare
de Novadweep.
Page 2
Nous embarquâmes à bord
d’un petit bateau pour traverser la rivière et nous nous dirigeâmes vers le
dharmashala du Maharadja de Hetampur. Un groupe de nos amis était déjà arrivé
au dharmashala. Je les reconnus de loin. Aussitôt mon coeur bondit de joie. Une
fois à terre, j’aperçus Mâ qui sortait de sa chambre et qui alla se laver le
visage. Elle était accompagnée de Buni, la fille de Jatish Babu, qui la
secondait.
Lorsque nous pénétrâmes
dans le dharmashala, je rencontrai Jatin Babu et Radhica Babu. Cette dernière
nous dit : « Mâ vous a aperçus de loin, alors Elle est sortie de sa chambre et
Elle a dit : ‘On dirait Amulya Babu, vous ne trouvez pas ?’ Mais moi je ne vous
avais pas reconnu. » Quant à moi, j’étais resté immobile sur les marches de
l’escalier, tandis que Mâ se lavait le visage. Lorsqu’Elle se redressa, nous
lui présentâmes nos hommages. Elle nous dit alors : « J’étais juste en train de
me demander si Babaji allait passer de bonnes vacances. » Je répondis, en
moi-même : « Mâ je suis là uniquement parce que vous avez pensé à moi. » Mâ
ajouta : « Vous avez quitté Dakha hier, à midi. Vous pouvez considérer que
votre voyage continue car nous avons prévu de prendre un bateau maintenant
même. » Je pensai : « Qu’il en soit ainsi ».
Triguna Babu et Prankumar
Babu sortirent avant les autres pour aller louer des bateaux. Quant à moi, je
me rendis au puits du dharmashala et je me lavai le visage et les cheveux. Puis
je retournai près de Mâ.
Mâ me posa la même
question qu’Elle m’avait posée quelques minutes auparavant : « Vous avez pris
votre bain ? »
Moi : « Oui, Mâ » ;
Mâ : « Pendant combien de
temps un bain est-il efficace ? Vous prenez un bain maintenant puis il vous
faut en reprendre un autre. Un seul bain n’est jamais suffisant. ».
Ayant dit cela, Mâ éclata
de rire.
Je m’efforçai alors de
pénétrer le véritable sens de ses paroles. Mâ s’exprime souvent par métaphores.
Je pense qu’en l’occurrence Elle faisait allusion à notre coeur impur, ce qui
était tout à fait juste. En ce lieu et maintenant que je suis assis aux côtés
de Mâ, aucune impureté n’a pénétré ni ne pénètre mon esprit. Mais bientôt, lorsque
je m’éloignerai d’Elle, mon esprit sera envahi par toutes sortes de pensées et
pollué par nombre d’idées matérialistes. Un rapide coup d’oeil de la part de Mâ
ne peut pas me laver de toutes mes impuretés et éclairer mon chemin à tout
jamais. C’est pour cela que nous avons besoin de « bains » à répétition et que
nous devons nous efforcer en permanence de purifier notre mental.
Page 5
Lorsqu’on dévie de la
juste voie, on ne réintègre pas la place que l’on occupait auparavant.
Nous savions déjà que Sisir
s’était froissé et qu’il était retourné au dharmashala. Nous étions tous
persuadés qu’il ne serait pas revenu. Et pourtant nous le vîmes revenir en
bateau, peu de temps après que nous eûmes terminé le repas. Quelques remarques
moqueuses ne manquèrent pas de fuser parmi nous. A l’évidence il se sentait
profondément honteux et n’ayant pas le courage de réintégrer le groupe, il
allait et venait avec son bateau se sentant sans doute plus seul que jamais. Le
voyant dans cette situation embarrassante, Mâ dit : « Lorsqu’on a quitté le
bercail, on ne peut réintégrer la place qu’on y
occupait auparavant. Et si l’on tente de renouer les rapports on se
heurte à une certaine réticence. Il en va de même sur le chemin de la religion.
Une personne qui a emprunté depuis un certain temps la voie spirituelle ne peut
plus s’intéresser aux affaires de ce monde avec autant d’intérêt qu’auparavant.
»
Pages 6 et 7
Distinction entre pur et
impur au contact d’une déité.
Tout le monde ayant pris
place dans la salle, Sri Nitish Chandra Guha s’adressa à Mâ : « Mâ, qu’en
est-il de la distinction entre pur et impur au contact d’une déité ? Lorsque je
vais voir Mâ, lorsque je suis en sa présence, tout près d’Elle, pourquoi
devrais-je me poser des questions sur la pureté ou l’impureté ? Ma mère, elle,
insiste toujours sur cette distinction, mais moi je n’en vois pas le motif !»
Mâ : « Lorsque vous êtes
en présence d’une déité que vous percevez comme votre propre mère, dans ce cas
il est évident que le problème ne se pose pas. Mais combien y a-t-il de
personnes qui ressentent les choses de cette façon ? Il est donc préférable
d’observer les préceptes des Ecritures. Si vous avez véritablement atteint le
stade où l’on identifie totalement les déités à sa propre mère, dans ce cas il n’est pas
nécessaire que vous vous attardiez sur ce sujet. Alors que dans le cas
contraire il faut tenir compte de cette discrimination. »
Page 16
Les Ecritures et la
vérité fondamentale.
Un jour deux ascètes
vinrent rendre visite à Mâ. Après quelques simples formules d’usage, la
conversation s’engagea en Hindi entre Mâ et l’un des deux ascètes :
« Mâ, quelle est la cause
de la naissance et de la mort ? »
Mâ : « Chaque chose a son
origine dans l’Un, vit dans l’Un et meurt dans l’Un. »
La réponse ne satisfit
pas l’ascète. Il poursuivit la discussion. Mâ lui dit un ou deux mots puis
demeura silencieuse. A chaque question que le sannyasi lui posait, Mâ
rétorquait : « Baba, tous les mots ne sortent pas toujours de ma bouche. Je
n’ai pas une connaissance suffisante des Ecritures pour pouvoir répondre à
chacune de vos questions. Je ne sais pas tout. Je vous dis ce que vous me
faites dire. Vous ne pouvez pas miser sur moi et ne pas obtenir de réponse.
C’est votre faute. A vous de susciter les justes mots de ma part de façon à ce
que tous les deux, vous et moi, nous puissions les écouter. »
Page 20
Être au service de Dieu
c’est Lui offrir sa totale dévotion (Bhava).
Un homme accompagné de
son épouse arriva au moment de l’offrande à Mâ de bhoga. On nous avait dit
qu’il s’agissait de l’inspecteur de la Coopérative des Sociétés à Katwa. Il
avait demandé qu’on exécute pour lui les effigies de Gaur (Sri Gauranga) et de
Nitai (Sri Nityananda). Il était venu à Navadweep pour retirer ces effigies.
Ayant entendu parler de la présence de Mâ il était venu ici dans l’espoir de la
rencontrer. Ce monsieur avait l’apparence de quelqu’un de simple et son épouse
semblait être une personne tout à fait pieuse. Lorsque le rite de l’offrande
fut terminé, il fit son pranama (attitude de soumission) à Sri Sri Mâ. Mâ lui
dit : « J’ai le sentiment de vous avoir déjà vu quelque part ». Mais ce
monsieur n’avait pas souvenir d’avoir jamais rencontré Mâ auparavant. Il
informa Sri Sri Mâ de la raison de sa venue à Nordweep. A quoi Mâ se déclara
enchantée.
Le visiteur : «
Pourriez-vous nous donner quelques conseils sur la meilleure façon de se
conduire dans la vie de couple et de famille ? »
Mâ : « Je vais vous dire
une seule chose. Vous êtes venus ici pour rencontrer les déités et aussi longtemps
que les déités seront avec vous, vous n’aurez besoin d’aucun conseil. Le plus
important c’est de garder et d’entretenir le contact avec le Divin. Les
problèmes surgissent quand on se sépare de Lui. Efforcez-vous de toujours
servir Thakur (Dieu).
Le visiteur : « Dites-moi
comment je peux le servir ».
Mâ : « Les conseils
viendront de votre être intérieur, aussi longtemps que Thakur sera avec vous.
Efforcez-vous de mettre tout votre coeur à Son service et votre esprit lui-même
tracera la voie à suivre. Les personnes parlent de se donner à Lui corps et
âme, eh bien c’est en cela que réside le secret de la conduite à tenir. Faites
en sorte de toujours garder votre coeur tourné vers Lui. Cela dit, Le servir
avec tout son coeur est une chose et Le servir machinalement est une tout autre
chose. Vous devriez vous enquérir, auprès de ceux qui savent comment servir le
Divin, sur la manière d’accomplir ce service. Dès que vous agissez, bhava
(l’esprit) s’éveille. Et à partir de ce moment-là vous servez par l’intermédiaire
de bhava. Le seul véritable service au Divin est celui qui vient de l’esprit.
Et ce service n’a pas de règles définitives et absolues. Il est tout à fait
personnel et ne nécessite aucune instruction. Il se peut que bhava se manifeste
durant le déroulement du service conventionnel et toutes les instructions qui
suivent, concernant le service, viennent alors de bhava lui-même. Voyez-vous,
tout le monde peut apprendre un certain nombre de choses en lisant les mêmes
livres, mais tandis que certains sont ensuite en mesure de faire de longs
discours à propos de ces livres, d’autres sont en mesure, eux, d’en faire des
poèmes. Et pourtant ni les discours ni les poèmes ne figuraient dans les livres
qu’ils avaient lus. Tout cela est venu de leur être intérieur. Il en va de même
pour le service au Divin. Servir véritablement, c’est-à-dire servir par le
moyen de l’esprit, cela n’a rien à voir avec un enseignement. C’est quelque
chose qui vient de l’être intérieur. »
Mâ se tourna vers
l’épouse du visiteur et poursuivit :
« Tout le monde devrait
servir comme Mâ sert son époux. Nous sommes tous des créatures féminines. Il y
a un seul et unique époux. Dieu est notre époux commun. Lui seul est un être
mâle. Toutes les autres sont des créatures femelles.
(Traduit
de l’anglais par Jean E. Louis)
« L'amour est sans cause.
Il se donne librement.
Il se reçoit simplement »
Un matin, récemment, je
me suis réveillée avec cette phrase toute entière dans la tête. Alors, j'ai commencé à réfléchir sur son
sens. Que signifie “sans cause”?
Tout ce qui existe doit avoir une cause...Les
êtres humains cherchent toujours la cause, l'explication, la raison de
l'existence de quelque chose. Nous voulons tous comprendre tout ce qui dépasse
notre intelligence. En chacun de nous, il y a un besoin irrépressible de
comprendre, d'expliquer. Chacun veut “savoir” avec certitude. Par la suite,
tout ce qui semble ne pas avoir de cause
est ressenti, par nous tous, comme une aberration puisque tout devrait
pouvoir s'expliquer. Ainsi fonctionne
notre intelligence, cherchant toujours des liens entre causes et effets.
“Pourquoi?” est la
première question posée par tout enfant humain. S'expliquer notre propre
existence et divers phénomènes du monde environnant nous procure vraiment un
bon sentiment de sécurité ! Parachuté dans un univers qu'il ne connaît pas,
l'homme a besoin de se rassurer. Découvrir des liens entre causes et effets,
nous donne le sentiment de ne pas être le simple jouet de l'existence. Tel est
le fonctionnement rationnel de notre mental. Ainsi, lorsque nous aimons une
personne, nous pensons toujours que notre bien-aimé(e) doit nous aimer pour
quelque raison : soit nous sommes beaux, attirants, brillants, riches,
charmants... En notre for intérieur, nous pensons que l'amour de notre
partenaire peut certainement s'expliquer par l'une de ces raisons. Nous ne
pouvons pas imaginer que notre bien-aimé(e) puisse nous aimer sans aucune
raison... En fait, nous ne concevons pas que “l'amour sans cause” puisse
exister entre les êtres humains.
Nous parlons tous de
“coup de foudre” mais nous n'y croyons pas vraiment.”Je l'ai aimé(e)
immédiatement”, puis nous ajoutons : “il/elle est si beau/belle, si attachant(e),
il/elle a si bon coeur”. Ainsi, nous privilégions des qualités qui sont
unanimement et indiscutablement appréciées de chacun. Mais, qui dit : “je l'ai
aimé(e) dès que je l'ai vu(e)” tout en sous-entendant “sans aucune raison”? Donc, “l'amour sans cause” dont on parle
tant, n'est pas, en fait, “sans cause”.
Nous passons simplement sous silence la “raison” qui est cachée derrière
mais qui est bien là.
C'est pourquoi nous avons
beaucoup de mal à concevoir que Dieu puisse nous aimer d'un amour sans cause.
Dans toutes nos relations humaines, notre ‘ego-individualité’ s'exprime. “Je” l'aime parce qu'il/elle m'apporte de
l'affection, de l'estime, du bien-être, un statut social, des richesses, du plaisir etc. Mais, ces
raisons sont cachées aux autres. Qu'advient-il lorsque ces raisons
disparaissent, cessent d'exister? Aimons-nous encore la personne que nous
disions aimer seulement pour lui/elle-même? Certes non et alors l'amour
disparaît, est oublié. Existait-il vraiment s'il peut cesser aussi facilement?
Il était, transitoirement certes, mais il n'était pas “sans cause”. Il
dépendait d'une cause dont nous dissimulions l'existence.
Aussi, quand nous voulons
concevoir ce qu'est l'amour divin ‘incausé’, nous n'y parvenons pas. Même une
mère aime ses enfants pour quelque raison : ce sont “ses” enfants, ils sont
beaux, robustes, intelligents, aimants, ils réussissent bien dans la vie. Ils
donnent de grandes satisfactions à leur mère... Parfois, aussi, une mère
attribue à ses enfants des qualités imméritées. Elle prend alors ses désirs
pour des réalités ou elle s'illusionne à leur sujet. A partir de notre
existence terrestre, comment imaginer qu'il puisse exister un “amour sans cause”?
Cependant, quoi que nous
pensions, disions ou fassions, Dieu nous aime. Son amour est sans changement,
éternel, illimité et totalement vrai. Qui peut aimer ainsi sinon Lui qui est
Amour? Un tel amour nous fait rêver car nous voulons tous le connaître! Mais,
comment y parvenir? Nous ressentons tous, en nous, ce fort besoin d'être aimés
tels que nous sommes et pour qui nous sommes. Cependant, il est très difficile
de rencontrer quelqu'un qui puisse nous aimer ainsi.
D'ailleurs, nous
aimons-nous, nous-mêmes? Car, si nous ne nous aimons pas nous-mêmes, pouvons-nous aimer qui que ce soit? Pour
donner l'amour aux autres, ne faut-il pas l'avoir éprouvé, ressenti en nous-mêmes? Quel amour
pouvons-nous donner si nous ne nous aimons pas nous-mêmes? La première
expérience de l'amour ne commence-t-elle pas par soi-même? Cet amour n'est-il pas naturel? Dès
notre plus jeune âge, on nous enseigne que s'aimer soi-même est égoïste et
qu'il faut d'abord aimer l'autre. Mais, qui connaît-on mieux que soi-même? Avec
qui vit-on constamment?
Qui protègerons-nous
naturellement en cas de danger? N'est-il pas normal d'agir ainsi? Si nous
mourrions, pourrions-nous aider les autres? Donc, ne nous enseigne-t-on pas à
aller à l'encontre des lois naturelles? Est-ce acceptable? A mon sens, c'est
non seulement aberrant mais aussi irréaliste.
Lorsqu'un accident survient, je ne peux aider les autres que si je suis en
vie...Bien entendu, si j'ai survécu et peux aider les autres mais ne le fais
pas, alors je suis égoïste et moralement condamnable.
L'amour pour soi-même
permet d'avoir confiance en soi et d'être facilement ouvert à l'autre. M'aimant
moi-même, je peux donner l'amour que je sens en moi. Nous pouvons donc dire
qu'aimer les autres commence par l'amour pour soi. L'amour nous valorise, nous
rend heureux, et celui/celle qui est heureux(se), souhaite aussi que ses
semblables soient heureux. L'amour est l'ouverture du coeur. Cela signifie se
donner à l'autre par amour. L'amour est libre, sans entraves, sans raison ni
arrière-pensée. Seule, la personne libre aime véritablement et veut que les
autres soient aussi libres qu'elle. Aimer pour que l'autre nous appartienne,
n'est pas “aimer”. L'amour désintéressé de la personne libre est généreux,
respectueux, totalement ouvert, sans restriction.
Lorsque nous aimons
ainsi, l'autre nous accueille avec joie. Un tel amour désintéressé et sincère ne peut qu'être reçu spontanément,
simplement. Il désarme toute hostilité, vient à bout de toute méfiance et
retenue. Il est le souffle de l'Amour Divin sur cette terre.
“L'amour sans cause”
remplit celui/celle qui Le reçoit
simplement d'une joie illimitée.
Donne-nous, Ô Dieu
d'Amour, la Grâce Infinie de Te connaître!
OM.
Monique Manfrini –
11/10/2010
De Yogî BHAJAN
« En tant qu’être humain,
nous avons été bénis avec trois aspects, le corps, le mental et l’âme. L’âme
est l’aspect le plus élevé; le corps et le mental sont là pour servir l’âme.
La seule situation où
nous échouons, c’est lorsque nous commençons à servir, soit le corps, soit le
mental. Quand deux serviteurs commencent à se servir mutuellement, le maître a
faim. C’est la raison pour laquelle les âmes sont affamées, elles sont vides et
souffrent. Le but de l’existence et l’attitude à avoir est de se mettre au
service de l’âme. »
Yogî BHAJAN
(Envoyé par Tanja)
Le Bonheur en Arc-en Ciel
Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup
d’effort et de
volonté mais réside là,
tout près, dans la détente et l’abandon.
Ne t’inquiète pas, il n’y a
rien à faire.
Tout ce qui s’élève dans
l’esprit n’a aucune importance
parce que n’a aucune
réalité. Ne t’y attache pas. Ne te juge pas.
Laisse le jeu se faire tout
seul, s’élever et retomber,
sans rien changer, et
tout s’évanouit et commence à nouveau sans cesse.
Seule cette recherche du
bonheur nous empêche de le voir.
C’est comme un arc-en-ciel
qu’on poursuit sans jamais
le rattraper. Parce qu’il
n’existe pas, qu’il a toujours été là et qu’il
t’accompagne à chaque
instant.
Ne crois pas à la réalité des
expériences bonnes ou mauvaises,
elles sont comme des
arcs-en-ciel.
A vouloir saisir
l’insaisissable, on s’épuise en vain.
Dès lors qu’on relâche cette
saisie, l’espace est là,
ouvert, hospitalier et
confortable.
Alors profites-en. Tout est à
toi, déjà. Ne cherche plus.
Ne va pas chercher dans la
jungle inextricable l’éléphant
qui est tranquillement à
la maison.
Rien à faire.
Rien à forcer.
Rien vouloir.
Et tout se fait tout seul.
Lama Guendune Rinpoché
RENCONTRE AVEC Vijayânanda
Décembre 1998
(Groupe de Nathalie ANTHONY)
Entretien enregistré et
retranscrit par Nathalie.
Fin 1998 début 1999,
Nathalie a organisé un voyage en Inde pour ses élèves. La première destination
fut l'Himalaya : Rishikesh, Haridwar, Kankhal, suivie par les villes de Krishna
: Mathura et Vrindavan, avant de rejoindre Sri O.P. TIWARIJI au centre de
Kaivalyadhama à Lonavla. Nathalie a été en contact épistolaire avec
Vijayânanda. Il est donc prévenu de la visite du groupe qui va s'installer à
Kankhal et il les attend. Tous les participants ont lu les deux livres de
Vijayânanda avant de le rencontrer.
Premier rendez-vous avec
Vijayânanda. Présentation de Nathalie, de Lav (un ami indien enseignant
également issu de Kaivalyadhama) qui l'accompagne. Puis Vijayânanda questionne
les membres du groupe pour les interroger sur leur vie en France.
Vijayânanda : J'ai été
médecin interne à Chambéry, dans un asile d'aliénés. J'étais interne, Mais pas
aliéné !
Si vous avez des
questions, moi je ne parle que si on me tire les vers du nez, alors, c'est à
vous de me faire parler ! Voilà, j'ai horreur des discours, je suis allergique
aux discours. Vous aimez les discours ? (Non ! Ah, non !) (Rires...) Les conférences... Ici, vous
savez, quand je vois que quelqu'un commence à faire un discours, je sors
immédiatement !
E : Depuis combien de
temps êtes-vous à Kankhal ?
V : Eh bien, je suis avec
Mâ Anandamayî depuis 48 ans et à Kankhal ça va faire 23, 24 ans.
E : Vous la suiviez
d'ashram en ashram ?
V : Au début, je la
suivais, et puis alors avant de venir ici j'ai été 16 ans dans l'Himalaya du
côté d'Almora, dans le Kumaon.
L : Qui faisait partie du
Népal dans les temps anciens.
V : Nous sommes restés à
Almora 8 à 9 ans, puis nous avons habité cet ashram en pleine forêt dans la
montagne à Dhaulchina. Au-dessus de ce petit village, il y a un plateau qui est
perdu en pleine forêt et il y a un petit ashram. J'ai vécu là-bas longtemps, 7
ans. Il y a Maintenant un peu de confort. Quand j'y étais, il n'y avait
absolument rien ; il n'y avait pas d'eau, pas d'électricité, il n'y avait pas
de légumes, pas de fruits, et puis il fallait venir à pied du village voisin.
Les gens là-bas sont petits, le visage aplati et honnêtes en général,
travailleurs. Ils ont une énergie extraordinaire, vous les voyez porter des
bagages sur leur dos et ils grimpent sans avoir l'air fatigué. En fait, c'est
l'habitude, vous savez...
JL : Vous n'êtes jamais
retourné en France ?
V : Je ne suis pas
retourné en France, non, non. J'ai des racines ici.
JL : Cela fait donc 48
ans que vous êtes en Inde.
V : Ca va faire, oui,
attendez voir... Oui, j'ai quitté la France le 12 décembre 1950. Le 12, ça
faisait 48 ans.
JL : Et aujourd'hui,
comment voyez-vous cette évolution tellement rapide du monde, vous êtes très
imprégné de la culture indienne et de sa philosophie, comment voyez-vous les
perspectives du monde ?
V : Vous savez, il y a
deux voies : la voie de la spiritualité et la voie des physiciens. (S’adressant
à M, un participant physicien) : Vous êtes physicien ? C'est ça, l'homme
spirituel commence de l'intérieur, cherche l'unité et le mode suprême, et le
physicien part de l'extérieur, et il arrive aux quantum, à la physique
quantique. Vous êtes arrivé Maintenant au son, au champ unifié. Eh bien, c'est
le Brahman des Upanishads !
M : Oui, oui.
V : Alors, eux ils sont
partis de l'atome, ils ont étudié les phénomènes physiques, et tout doucement,
maintenant, ils en arrivent au fait qu'il y a une base à tout cela qu'on
appelle « le son unifié », c'est bien comme ça qu'on l'appelle ?
M : Oui, en effet.
V : Alors, le champ
unifié, c'est exactement le « Parabrahman » des Upanishads, la conscience pure
qui est la base de tout, qui supporte tout, qui est éternelle, qui a toujours
été, qui ne cessera jamais d'être.
M : C'est-à-dire que le
champ unifié est tout en bas, une espèce de base.
V : Oui, eh bien, le
Brahman aussi, c'est la base de toute chose. C'est la base de tout ce qui
existe. C'est comme le fond de l'océan qui est la base de toutes les vagues. La
seule différence qu'il y a encore, c'est que les physiciens n'ont pas encore
dit que ce champ unifié a de la conscience, hein ? Mais ils y arriveront !
Alors, là, on fera l'union totale ! (Rires) La conscience les dérange beaucoup.
Elle est réputée pouvoir résulter des mécanismes chimiques du cerveau et
donc... oui, ils sont partis comme ça, mais ils seront obligés d'abandonner ça,
car les mécanismes chimiques n'expliquent pas tout.
D : Mais il y a des
personnes telles que l'astrophysicien Hubert Reeves qui commencent à parler de
la conscience ?
M : On parle de Hubert
Reeves qui est tout de même un peu une exception ? Il fait de la poésie, il ne
dit pas qu'il fait de la science à ce moment-là, donc il est dans sa partie
spirituelle. C'est un scientifique qui fait de la spiritualité.
D : Mais c'est quelqu'un
qui peut être justement la jonction entre ces deux mondes ?
V : Il faut faire la
jonction, oui, ça date de la fin du XIXème siècle, c’est le rationalisme, on ne
voulait plus accepter toutes les données de l'église, toutes les données de la
croyance.
M : le positivisme, oui,
le rationalisme.
V : Maintenant ça
commence à changer.
Ch : Et pourquoi
préfériez-vous venir en Inde plutôt que de suivre une voie spirituelle dans la
chrétienté ?
V : Parce que j'étais
attiré par l'Inde. La première chose qui m'avait attiré vers l'Inde quand
j'avais 19 ans, c’était un livre de Vivekananda qui m'avait enthousiasmé et
alors je me suis dit : « voilà, c'est exactement ce que je veux… il faut que
j'aille en Inde ».
Ch : Vous étiez dans quel
état émotionnel ? Est-ce que ce désir d'aller en Inde était comme un coup de
passion ? Dans quel état d'esprit étiez-vous ?
V : Non, non, non. Je
cherchais depuis longtemps, je cherchais quelque chose, alors là j'ai trouvé ce
que je cherchais.
Ch : Et c'était une
grande évidence ?
V : (Un peu hésitant)
Oui, oui…enfin la grande évidence, je l'ai eue quand j'ai vu Mâ Anandamayî.
Mais, là, j'avais 19 ans, j'étais en PCM (la première année de médecine qui
alliait physique, chimie et médecine), à l'époque ça s'appelait comme ça, puis
j'ai fini mes études de médecine, j'ai pratiqué 10 ans et c’est après seulement
que je suis venu en Inde. C'est-à-dire beaucoup plus tard. Alors, tout de même,
j'avais cette conviction que c'était ça la voie qu'il fallait suivre. J'étais
très pragmatique, je me disais : « il faut que je fasse l'expérience de la vie
» 10 ans de pratique médicale, c'était déjà pas mal « et puis après, après… je
partirai » C'était ça mon plan.
Q : Et vous n'aviez pas
de famille ?
V : Je n’étais pas marié,
non, pas marié.
Q : Vous n'aviez pas
d'enfants ?
V : Non, non. Si j'avais
été marié, ça aurait été difficile. Enfin, dès le début comme vous le savez,
quand j'ai lu Vivekananda, je me suis dit « Il ne faut pas que je me marie ».
Je sortais avec une jeune fille qui s'appelait Rose, Rosa. Elle était très
belle, comme une artiste de cinéma. Elle pensait que nous allions nous marier.
Alors, un jour je l’ai prise à part, et je lui ai dit : « Tu sais, Rosa, je ne
peux pas t'épouser parce que je veux aller en Inde pour devenir un Yogi ».
C'était durant les années 40, même pas, dans les années 30, à l'époque on ne
savait rien de tout cela, alors elle a dû penser : « il est toc toc ! » (Geste
et rires).
M : Ah, c'était déjà un
projet pour vous ?
V : Oui, c'était un
projet, absolument, j'avais décidé de devenir Yogi, de faire du Yoga. Vous
savez, en tant que médecin, j'avais tout le confort moderne. A l'époque, on
gagnait beaucoup. Maintenant, c'est devenu un métier. Alors, mon rêve, c'était
de vivre dans la solitude, de ne rien posséder, simplement un pagne, et de me
nourrir de bananes et de noix de coco (Rires). C'était mon rêve !
Ch : Et vous l'avez réalisé, donc !
V : Pas complètement !
(Rires) il n'y avait pas de bananes ni de noix de coco, et puis pas de pagne,
il faisait trop froid ! Mais je l’ai presque réalisé quand même !
JL : Vous recevez
beaucoup de visites, parce que, à voir le registre que nous remplissons, j'ai
comme l'impression qu'il y a beaucoup de Français...
V : Oui, ça dépend des
périodes… oui il y a souvent, et surtout, des Français...
N : C'est vrai que c'est
intéressant, parce que souvent quand nous sommes en Inde, nous avons besoin de
faire traduire pour le groupe, alors que là, les gens peuvent communiquer
directement avec vous très facilement et je trouve ça très important.
Ch : C’est très important
en effet !
V : Oui, les gens aiment
bien parler directement.
M : J'ai envie de
prolonger la question de Ch : Quand vous êtes arrivé, vous n'aviez pas réalisé
votre projet ‘bananes et noix de coco’, mais vous avez rencontré une personne,
ou une spiritualité... Je sais bien que c'est une question qui n'a pas de sens,
mais est-ce que vous pourriez préciser si c'est plutôt une personne que vous
avez rencontrée... ?
V : C'est une personne
que j'ai rencontrée. Avant de partir en Inde, j'ai été 5 ans déjà avec un
maître, c'était un psychiatre, il était bien, son enseignement verbal était
bien, mais il n'avait pas la capacité de transmettre du pouvoir. Alors, je
sentais, je ne savais pas à l'époque, c'était obscur, je sentais que j'avais
besoin que quelque chose s'éveille en moi et que lui, n'en était pas capable.
C’est pour ça que je voulais aller en Inde, pour trouver quelqu'un qui serait
capable de m’éveiller. En fait, je voulais voir Ramana Maharshi. Vous avez
entendu parler de Ramana Maharshi ? Oui ? Malheureusement il est mort juste un
peu avant. Voilà.... Alors, après je me suis dit : « bon, eh bien, il y a
Aurobindo ». Mais voilà que quelques jours avant que mon bateau ne parte, mon
bateau est parti le 15 décembre, il y a eu un entrefilet dans le journal : «
Aurobindo vient de mourir ». Voilà !
Ch : Aïe aïe aïe !! Il y
avait des embûches sur le parcours !
V : Oui, il y avait des
embûches ! (Rires)
Alors, j'avais réservé
mon bateau, j'avais tout préparé, j'avais mon visa, et je me suis dit « Tant
pis, je vais partir quand même, on verra bien ! », Mais sans beaucoup d'espoir.
Avant d'aller en Inde, je suis allé au Sri Lanka, ça s'appelait Ceylan à
l'époque, et j'étais dans un monastère bouddhiste pendant pas très longtemps,
une semaine, Mais je n'ai rien trouvé d'extraordinaire, et je suis parti vers
l'Inde. J’avais perdu l'espoir de trouver quelqu'un puisqu'ils étaient tous
morts, et je ne connaissais personne. Je me suis dit « Comment trouver un grand
sage ?...C'était comme trouver une aiguille dans une botte de foin ! » C'était
impossible, ça ! Mais tout de même j’ai pensé « Je vais faire le tour, du sud
vers le nord, et je vais revenir par l'autre côté, pour voir Swami Ramdas, et
puis je vais prendre mon bateau qui était réservé déjà à Colombo pour le 21
février. » Enfin, une fois arrivé à Pondichéry, il y avait la « Mère » qui
était là, qui ne m'a pas impressionné. Il y avait aussi une Canadienne qui
était là-bas, qui était venue d'Afghanistan, et qui avait fait le périple
inverse du mien, c'est-à-dire nord-sud. Elle m'a dit : « Eh bien, si vous allez
à Bénarès, allez voir Mâ Anandamayî ». Je lui ai répondu : « Qui est-ce ? » A
ce moment là j'étais un peu... excusez-moi, ce n'est pas que je n'aime pas les
femmes, mais je pensais qu'une femme gourou n'était pas ce qu'il me fallait
(Rires). Moi, mon idée du gourou, c'était un vieillard avec une grande barbe
blanche ! Alors, j'ai tiqué un peu. J'ai tout de même noté ça sur mes
tablettes. Et puis je lui ai dit : « Mais elle doit être âgée, elle doit être
vieille, et puis un peu – vous savez, comme la ‘Mère’ à Pondichéry, un peu... »
« Non, elle est jeune, elle est même belle ! »
(Rires)
Alors, un peu dépité,
j'ai ajouté : « Oui, mais elle ne doit avoir que des femmes autour d'elle ! » «
Non, non, non, il y a même plus d'hommes que de femmes ! » (Rires) Alors, j'y
suis allé, mais sans aucune idée particulière. Seulement, quand je suis arrivé
à Bénarès, je n'avais pas l'intention de rester dans l'ashram. J'avais
l'intention de la voir et de m'en aller. Mais quand je suis arrivé, elle
sortait justement de la pièce et elle me regardait. Nous avons échangé quelques
mots, et j'ai trouvé quelque chose de drôle dans cette situation là (Il rit).
J’ai dit soudain : « Je reste encore un petit peu! » Puis, je suis resté un
petit peu. Il y avait beaucoup de kirtans, des chants religieux qui m'ont
vraiment impressionné. Et puis après je suis retourné à l'hôtel, le meilleur
hôtel de Bénarès à l'époque. Finalement, une fois dans l'hôtel, il y a eu en
moi une explosion, quelque chose d'extraordinaire, c'était inimaginable,
c'était un bonheur surhumain que je n'avais jamais ressenti, un bonheur
surhumain, et puis la conviction absolue que le maître que j’étais venu
chercher, c'était cette femme-là. Une conviction absolue. Je ne connaissais encore
rien d'elle. Le lendemain matin, je suis revenu, et je lui ai demandé : « Mâ,
est-ce que je peux rester dans votre ashram ? » Elle a répondu « Oui » Et
depuis, je suis là (Rires), c'est tout simple ! Alors, petit à petit, j'ai
découvert sa grandeur, compris que c'était une femme d’une sagesse
extraordinaire, vraiment extraordinaire ! Au début, je voyageais avec elle
constamment. Dans son compartiment, elle me gardait auprès d’elle. Elle
voyageait énormément. Parfois, nous étions 24 heures ensemble. C’est là qu’on
peut juger quelqu'un comme ça, car plus je la rencontrais, plus je découvrais
sa grandeur, c'était ‘un sage’ très extraordinaire. Voilà. Je ne l'ai pas
quittée depuis.
…A suivre…
(Nathalie Anthony est,
depuis 1989, l’élève de Sri O.P. Tiwari, secrétaire général de l’institut
Kaivalyaldhama en Inde. Elle dirige l’école de yoga YOGADHAMA www.yogadhama.com
Note : La vie et les
expériences de Swami Vijayânanda ont été transcrites en détails dans le livre ‘Un Français dans l’Himalaya’ disponible
au complet sur www.anandamayi.org et publié en italien en 2008 par MC Editrice à
Milan, www.mceditrice.it – traduit
bénévolement par Geneviève Koevoets. Elles sont racontées par lui-même dans le
très beau DVD de Olivier et Luc Maréchaux ‘VIJAYANANDA-Un chemin de sagesse’,
l’occasion d’un émouvant cadeau de Noël ou de Nouvel An (luc.marechaux@free.fr
-00 33-06 83 09 01 39 ou 08 73 70 67 42) - 22 € + 2€ de frais de port.
Adressez-vous à lui directement.
Nouvelles
Quelques annonces de
livres :
- Le livre de Patrick
Mandala ‘Retrouver la joie’ aux Editions du Relié, dont nous avons déjà parlé
dans les deux précédents exemplaires du JAY MA en donnant des extraits, que
nous renouvellerons dans les prochaines éditions.
- Un livre écrit par
Bhaiji en bengali ‘Mother Reveals Herself’ (Mayer Katha) qui est l’unique
traduction en anglais des notes prises par Bhaiji (Jyotish Chandra Roy)
retraçant les paroles de Shree Shree Ma et parlant des différents aspects de sa
vie, tout en couvrant une période de 1896 à 1932 (son enfance, sa Divine
Révélation et son enseignement de la sâdhanâ). Cette version de 351 pages
comprend 22 photographies, des plans et explications pour ses fervents qui ne
sont pas suffisamment au courant de la culture du Bengale d’il y a 100 ans. Son
coût est de 16,50 € (15 seulement pour une commande de 5 livres) – Il faut
contacter Patunda à Kankhal matrilila@gmail.com
pour de plus amples détails concernant les envois. Pour plus de facilité
pour les paiements à partir de France, on peut aussi passer par Marie-France
Martin qui habite à Kankhal près de l’ashram et lui faire un virement sur son
compte français. marie_france_m@yahoo.fr
– Portable : 00 91- 99 03 87 75 54
- Un recueil de Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’ (Souvenirs de
l’Inde), en hommage à Mâ Anandamayî, et à Swami Vijayânanda. Recueil d’amour,
de poésies, reportages, témoignages, photos et portraits, créés dans la
profondeur du cœur, mais aussi dans l’humour et la joie, faisant suite aux
voyages de Mahâjyoti en Inde en tant que fidèle collaboratrice et assistante bénévole
de Jacques Vigne (Vigyânânand), et fidèle fervente de Mâ Anandamayî et de Swami
Vijayânanda qui lui a donné son nom initiatique de ‘Mahâjyoti’…Elle est en
quête d’un éditeur, mais vous pouvez lui demander directement le texte, contre
5 Euros de participation symbolique pour l’envoi par email- koevoetsg@wanadoo.fr - Jacques Vigne en a fait la préface.
- Une retraite dans la
lignée de Swami Vijayânanda est organisée avec Vigyânânand (Jacques Vigne) du 6
au 16 août à Kankhal, avec ensuite une visite de Rishikesh et Dehra-Dun en
compagnie de Jacques, et possibilité de prolongation d’une semaine à Bénarès et
Bodhgaya avec l’accompagnement de Dinesh Sharma. Renseignements sur
www.jacquesvigne.fr.st –Organisation Carole Dalmas : terreduyoga@vtxnet.ch – 0041-921 26 65 ou aussi infos par téléphone
auprès de Françoise Estèves au 04 27 11 00 29 (en soirée ou le mercredi de
préférence).
Renouvellement des abonnements
au ‘JAY MA’ pour deux ans
100ème Numéro
Les abonnements en cours
s’arrêteront en Mars 2011, date où le 100ème numéro du ‘JAY MA’ inaugurera le
cycle des nouveaux abonnements pour deux ans, qui iront de Mars 2011 à Mars
2013, toujours pour le même prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, soit 8
Euros pour les deux ans. Pour les infos, l’édition et la marche à suivre des
envois, contactez en premier lieu Mahâjyoti qui s’en occupe bénévolement : koevoetsg@wanadoo.fr et pour les paiements, envoyez un chèque de 8
Euros au nom de Jacques Vigne à : José Sanchez Gonzalez : nagajo3@yahoo.fr – 10
rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine. C’est une aide qui va à Panuda à Bénarès,
pour soutenir les éditions indiennes de ‘Amrita Varta’. (Panuda sert Mâ depuis
plus d’un demi siècle et dirige son hôpital).
Table des matières
Paroles de Mâ
Mâ, un Etre incomparable-
Extrait de Smaranika
Méditation sur
l’Enseignement de Mâ par Edith Boutherin
Le son de la vie
‘Silence’ par Jacqueline Pleyers
Poème ‘Ode au Silence’
par Geneviève (Mahâjyoti)
En Association avec Sri
Sri Mâ Anandamayî
L’Amour est sans cause
par Monique Manfrini
De Yogî Bhajan
Le bonheur en arc-en-ciel
par Lama Guendune Rinpoché
Rencontre avec
Vijayânanda-Décembre 1998 par Nathalie Anthony
Nouvelles
Renouvellement des
abonnements
Table des matières
Jay Ma N° 100
- Printemps 2011
Paroles de Mâ
Darshan
(Extraits de ‘Les Enseignements de Mâ Anandamayî’,
chapitre 12)
12 - D
A R S H A N
«
Est-ce que vous avez vu Dieu ? » A cette question, Mâ répond : « Bien
sûr, je l’ai vu ! On Le voit tout le temps. Regardez, qui voit qui ? Car Il est
toute chose. Il n’y a rien d’autre que Dieu.
Qu’entend-t-on par
réalisation du Soi, ou réalisation directe ? Il y a celui qui voit, il y a ce
qui est vu et l’acte de vision. Le voyant, le vu et la vision (triputi) : ces
trois éléments sont réunis en un. Il n’y a existence dans le Soi et réalisation
du Soi que lorsqu’il n’est plus question d’action (kriya) ou de non-action
(akriya) et si l’on considère la chose en termes de forme, alors Il est
omniprésent. N’est-ce pas là ce que dit le proverbe ? « Où que les yeux se
posent, Krishna se manifeste » ? Quoi que vous voyiez, hormis Krishna, sachez
qu’il ne s’agit pas du vrai darshan. En effet ce n’est que dans le darshan du
Tout qu’il y a révélation de l’Ishta.
La réalisation du Soi aura-t-elle lieu ? Elle
est là, présente, il ne reste plus qu’à détruire le voile. Quel est le sens de
la destruction ? Tout ce qui doit être détruit, finit par être détruit. Que
reste-t-il après que le voile a été détruit dans Sa lumière qui est toujours
présente ? C’est la révélation du Soi dans le Soi.
Même quand le bonheur est
présent, la souffrance est là, dans les coulisses. L’expérience de la Réalité
suprême est un état au-delà du bonheur et de la souffrance. Lorsque vous
regardez une cruche de terre d’une certaine distance et qu’elle vous apparaît
humide, vous en déduisez qu’elle est pleine d’eau, car habituellement, une
cruche remplie d’eau est humide. De même, dans la gestuelle et les attitudes
d’une personne réalisée, un certain état de bonheur transparaît. En fait il ne
s’agit pas de bonheur. Le langage commun est impropre à décrire cet état. La
vision véritable vient quand, après avoir vu Cela, tout désir de voir (autre
chose) disparaît. L’audition véritable vient quand, après avoir entendu Cela,
tout désir d’entendre disparaît. La vision véritable à tout jamais. En vérité,
le vrai darshan (en étant le témoin de la Réalité suprême), est celui après
lequel la question d’être témoin, d’en avoir la preuve ou non, ne se pose plus.
(A suivre)
(Traduit de l’anglais par Jean E.
Louis)
EN
ASSOCIATION AVEC
SRI
SRI MÂ ANANDAMAYÎ
Amulya Kumar Datta
Gupta
Volume II
Page 25
Ce qui mène au Hathayoga.
Un disciple demande à Mâ
: « Mâ, si quelqu’un parle mal de notre gourou en notre présence, comment
devons-nous réagir ? »
Mâ : « Il est préférable
d’accepter ces calomnies en silence. Dites-vous que c’est par la volonté de
votre gourou que vous êtes confronté à ce genre de situation. Cela renforce en
vous cette qualité qu’est la patience. »
Après cela, Mâ exposa
l’interprétation qu’Elle faisait du cas de Nirmala Mâ – son propre cas. «
Voyez-vous, dit-Elle, aussitôt que Nirmala Mâ écoute des kirtan (psalmodies des
noms de Dieu) elle ressent une sorte de déséquilibre physique et une forte
pression qui semble lui écraser la poitrine. Des réactions qui rappellent les
effets du hathayoga. On ressent ce genre de déséquilibre lors des premières
séances de sadhana, mais par la suite cela disparaît. Vous pouvez voir des personnes
qui pratiquent le hathayoga distordre leur corps de toutes sortes de manières
dans différentes postures. Au début de la sadhana, ou dans la pratique de la répétition du Nom, on peut
sentir ces réactions qui se produisent spontanément dans son propre corps, ce
corps physique qui semble s’affoler lorsqu’il entend les kirtan ou qu’il chante
les Noms du Divin. Toutes sortes de douleurs physiques se manifestent dans ces
moments-là. Et si l’écoute d’un kirtan est douloureuse, le fait de cesser de
l’écouter semble encore plus douloureux. Peut-être avez-vous entendu Mâ dire :
« En vérité, écouter un kirtan me fait mal, mais je ne peux pas m’empêcher
d’écouter les doux Noms du Divin. Ne pas les écouter est encore plus douloureux
». Ce genre de conditions exige de la patience. C’est ce qu’on appelle
tapasya. Et moi j’appelle le tapasya
‘tap saha’(qui procure douleur ou chaleur). Bien que l’écoute des psalmodies du
Nom soit source de douleur, il suffit que cette écoute se poursuive avec
patience pendant quelques jours pour que la douleur disparaisse. »
Mâ exposa les choses de
différentes façons.
Je regardai l’heure, il
était presque 3 heures du matin. Je partis me coucher.
Offrande de fruits à Ganga.
14ème Paush, 1343 Mardi
(29/12/1936). Mâ avait projeté une sortie matinale sur le Gange. Nous étions
tous avec Elle. Nous avions loué quatre embarcations. Aucune disposition
n’avait été prise pour la préparation d’un repas à bord de ces embarcations. Mâ
nous avait dit qu’Elle comptait rentrer après une courte promenade sur le
fleuve. Venant de Calcutta, Sachi Babu avait apporté pour Mâ un énorme panier
de fruits que nous avions embarqué avec nous. Reliées par des cordages, les
quatre embarcations étaient toutes proches les unes des autres. Elles
défilaient sur les eaux du Gange. Miroitant sous les rayons du soleil matinal,
les vaguelettes du fleuve semblaient fêter notre passage. Le ciel était d’un
bleu extraordinaire. Autour de nous les eaux limpides et purificatrices du
Gange coulaient paisiblement et là, tout près de nous, sereine et souriante, se
tenait Mâ, tout de blanc vêtue. Son visage brillait d’une lumière dorée, sa
longue chevelure ondoyait doucement sous le souffle de la brise. On eut dit
l’incarnation de la béatitude suprême. Une image à tout jamais fixée dans mon
esprit. Visiblement euphoriques, les disciples avaient doucement entonné des
kirtan qui ajoutaient une note sublime à ces instants que nous vivions. Voyant
cela, les femmes qui se baignaient le long des berges de Navadweep
s’immobilisèrent et regardèrent médusées cette sorte de spectacle que nous
représentions. Les voyant bouche bée, Mâ partit d’un éclat de rire joyeux.
Pages 27-28
L’indifférence de Sri Sri Mâ.
Peu après, le groupe prit
le chemin du retour. Arrivés au dharmashala, les uns et les autres se mirent à
échanger des propos sur la promenade au fil du Gange. Mâ s’était assise sur la
véranda. Quelques instants plus tard, Sachi Babu fit irruption au milieu du
groupe. Il tenait à la main un télégramme. Il s’adressa à Mâ : « Mâ, c’est un
télégramme de Bholanath. Il est malade. Que devons-nous faire ? »
Mâ répondit : « Il
n’avait peut-être pas reçu la lettre que vous lui avez envoyée, lorsqu’il a
expédié ce télégramme. Attendons qu’il réponde à cette lettre. »
Sachi Babu répliqua : « Il
dit qu’il est malade, il est loin de tout et de tous et nous, nous allons
rester là sans rien faire ? Nous devrions au moins lui envoyer un télégramme,
non ? »
Mâ :« Il n’y a pas lieu
de s’inquiéter. Mais faites ce que vous jugez préférable. »
Mâ prononça ces quelques
mots d’un ton qui eut pu laisser supposer que Bolanath était un inconnu pour
Elle. Didima et le vieux Dadamahashay étaient avec Bholanath. Elle ne fit pas
davantage montre d’inquiétude à leur sujet.
L’indifférence de Sri Sri
Mâ est quelque chose de très particulier. Mais nous, nous sommes des êtres
faibles et son indifférence ne fait qu’ajouter à notre anxiété.
Sachi Babu envoya un
télégramme avec réponse prépayée. La réponse arriva en début d’après-midi
annonçant que Bolanath allait bien.
Page 38
Dévotion et foi en Dieu.
Voyant que la discussion
que nous avions entamée se poursuivait, un homme posa une question à Mâ :
« Est-il possible de
trouver facilement dévotion et foi en Dieu ? »
Mâ répondit :
« Pour avoir la dévotion
et la foi en Dieu, un homme doit faire preuve de résolution dans ses actions et
son comportement. Il doit suivre aveuglément la voie qui lui a été tracée par
son gourou. L’aide dont il peut avoir besoin se manifeste d’elle même tandis
qu’il parcourt, sous la direction du maître, la voie qui est la sienne. Il est
inutile de regretter de ne pas encore avoir atteint un certain équilibre, une
certaine tranquillité de l’esprit. L’esprit est inquiet, agité, parce qu’il est
privé de sa nourriture naturelle. Nourrissez votre esprit, entretenez-le et il
s’apaisera de lui-même. La nourriture de l’esprit c’est la joie, la joie
parfaite, c’est elle qui l’anime, qui lui procure sa vigueur. L’esprit tente,
par différents moyens d’ordre matériel, de se procurer cette joie, mais ne
parvenant pas à atteindre l’objet de sa recherche – la joie parfaite – il
demeure inquiet et agité. Cette joie idéale est inhérente à notre nature et
l’esprit est conscient de sa saveur unique. C’est pour cela que les joies
limitées de ce monde ne peuvent le satisfaire. Je compare l’esprit à un enfant.
Tout comme un enfant qui cherche sa mère ne se tranquillise que lorsqu’il l’a
trouvée, l’esprit lui aussi est à la recherche de sa mère. Et sa mère, c’est la
joie parfaite. Je considère que l’esprit est également un grand chercheur de
Vérité. De même que le chercheur ne peut être satisfait aussi longtemps qu’il
n’a pas atteint l’objet de sa recherche, l’esprit ne peut trouver la sérénité
tant qu’il n’a pas atteint la joie parfaite.
Nourrissez votre esprit d’idées
belles et pures. La pratique finira par l’apaiser. Continuez à accomplir vos
tâches quotidiennes. Je ne les considère pas comme inutiles, bien sûr. Mais
gardez constamment votre regard intérieur tourné vers Dieu. Que cela soit
toujours présent à votre esprit. Et un jour vous atteindrez le but suprême. «
So’ham » (je suis cela) et « aham » (ego) sont reliés l’un à l’autre, comme
l’arbre et son ombre. Notre ego est une ombre lui aussi, une projection de
So’ham, le sens de l’identification à Lui. De la même façon que l’on peut
arriver au pied de l’arbre en « remontant » son ombre, l’homme peut arriver à
Dieu en accomplissant ses tâches quotidiennes tout en ayant le regard fixé en
permanence sur Dieu.
Mâ poursuivit son
enseignement sur ce thème pendant un long moment.
Pages 39-40
Des obstacles sur la voie spirituelle.
Babaji (Ananda Bhai) dans
son attachement pour Mâ, s’oppose à ce que l’on chante des kirtan en sa
présence car cela peut engendrer une grande souffrance en Elle. Par contre
Abani Babu, qui est tout aussi attaché à Mâ, est désireux, lui, de stimuler en Elle les sentiments religieux,
en lui faisant écouter le chant des kirtan. Comme si tout cela avait été
programmé dans les samskara acquis dans une vie antérieure.
« Vous devez vous demander
pourquoi Mâ ressent une telle émotion, des sentiments si intenses lorsqu’Elle
écoute des kirtan. Mâ peut répondre à cela que ces rires et ces larmes, ce
plaisir et cette souffrance sont engendrés par le désir. Se sentir heureux
quand on écoute une psalmodie des noms de Dieu cela découle d’une sorte de
désir. N’avez-vous pas entendu Mâ qui disait, hier : « Je ne peux pas non plus
m’empêcher d’écouter la douceur de Ses noms. » Ecouter Ses noms cela cause de
la souffrance, mais s’interdire de les écouter cela cause aussi de la
souffrance. Le bonheur et le malheur sont invariablement liés au désir et à
l’attachement. Il faut parvenir au juste équilibre par le biais de ces
expériences du plaisir et de la souffrance. Cette souffrance persiste aussi
longtemps que le juste équilibre n’est pas atteint. Elle a sa raison d’être.
Ceux qui suivent la voie de la sadhana doivent obligatoirement passer par ce
genre d’expériences. » (A suivre)
(Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)
PELERINAGE AU KAILASH
Sri Sri Mâ Anandamayî
De Grurupriya Devi
Volume V
Page 1
Dimanche 16 juin 1937.
Il était huit heures du
matin. Nous nous étions mis en route, avec Mâ, pour le mont Kailash. D’autres
personnes devaient encore revenir d’Almora pour se joindre à nous. Tout le
monde avait les larmes aux yeux au moment de quitter Mâ. Nagendada qui était
venu de Calcutta, Naren Choudhary avec sa famille, de Delhi, Hari Ram et Manik,
de Dehradun, tous repartaient. Le groupe qui entreprenait ce déplacement était
composé de Mâ, Bholanath, Jyotish Dada, Swami Akhandananda, Tunu (le fils de
Prankumar Babu), Dasudada, une servante (Keshav Singh) et moi-même. En outre, Parvati, une fille d’une communauté
des collines, nous attendait à Almora pour se joindre à Mâ.
A onze heures du matin
nous sommes arrivés au bungalow où nous avions prévu de nous arrêter, dans un
endroit qui avait pour nom Barchina. Le paysage environnant était magnifique.
Nous avons pris quelques boissons fraîches puis nous nous sommes reposés
jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le bungalow était situé à quelques sept
miles d’Almora. Lorsque nous avons atteint Dhaulchina, un lieu-dit situé à cinq
ou six miles d’Almora, le jour commençait à décliner. Nous avons pris un repas
que nous avions préparé nous-mêmes, après quoi nous nous sommes installés au
mieux sur la véranda du bungalow pour y passer la nuit. Le lendemain, lundi 17
juin, nous nous sommes mis en route à cinq heures du matin pour nous rendre à
Seraghat, à quelques onze miles de distance.
A Seraghat, des arbres
particulièrement imposants s’élevaient sur les rives du cours d’eau qui
traversait l’endroit. Nous avons préparé le repas à l’ombre d’un de ces arbres.
Après le rituel de la fin de repas nous nous sommes étendus sous les
branchages. Marcher sous le soleil à cette heure de la journée aurait été trop
pénible. Nous avions une douzaine de coolies qui se déplaçaient avec nous et
s’occupaient de transporter nos bagages. Nous avions loué cinq dandi (genre de
chaises à porteurs) et engagé par la même occasion quinze coolies. Parvati
était accompagnée d’une dame, de sa jeune soeur et de son frère. Ils avaient
avec eux deux coolies. Au moment de la pause, les porteurs avaient préparé des
roti pour leur repas puis ils s’étaient étendus pour se reposer. Chacun d’eux
avait pour tâche de porter une charge qui ne devait pas dépasser un certain
poids. A Almora, Tunu avait cherché un endroit où louer un cheval, mais en
vain. Il espérait tout de même en trouver un en cours de route. Nous avons dû
par ailleurs nous procurer un autre dandi à Seraghat, car l’un des nôtres
n’était plus en état de poursuivre le parcours.
Nous faisions une halte
de temps à autre dans les quelques rares boutiques que nous trouvions encore
sur notre chemin, pour nous approvisionner en riz, dal (lentilles), ghî (beurre
clarifié), sel et autres denrées essentielles. On nous avait avertis, en
chemin, que ces échoppes étaient introuvables au-delà d’un certain point. On
nous avait même précisé qu’après Garbiyan, il ne nous faudrait plus compter que
sur nos propres ressources. C’est
d’ailleurs pour cela que, dans une certaine mesure, nous nous étions
fournis en nourriture avant d’entreprendre notre randonnée : fruits secs
et en conserve, sucre candi, poivre en poudre et diverses autres choses. Il est
vrai que ces denrées sont indispensables dans la traversée des régions
montagneuses froides et enneigées, autant que le sont les vêtements chauds, les
lunettes de soleil et le matériel imperméable. On nous avait dit aussi que des
voyageurs avaient eu des vertiges et s’étaient sentis mal sur les sentiers qui
conduisent à Garbiyan. C’est en fait pour cette raison qu’une femme qui vivait
à Almora, nous avait préparé une décoction à base de poivre, de poudre de
mangue et autres épices, décoction dont elle était convaincue qu’elle nous
aurait épargné les vertiges et autres troubles apparentés.
Page 4
Durant le parcours que
nous accomplissions, Parvati, la jeune fille de Garbiyan, nous a raconté
certains faits assez étranges qu’elle avait vécus dans ce village où elle
vivait. Cinq ans auparavant, nous a-t-elle dit, elle avait rêvé qu’elle se
rendait quelque part avec un groupe de personnes. Dans son rêve elle ne voyait
pas clairement le visage de ces personnes. Par contre elle avait très bien vu
celui d’une dame vêtue d’un sari blanc. Cette dame n’était autre que Mâ. Elle
vit aussi, très nettement, le visage de Bholanath. Quelque temps après ce rêve,
elle avait dû se rendre à Almora, pour ses études. Et maintenant, cinq ans
après les faits en question, ses études étant terminées, elle s’était jointe à
nous tous pour regagner son village natal. Lorsqu’elle nous avait rencontrés
auparavant, à Almora, et qu’elle avait aperçu Bholanath, son rêve lui était
revenu à l’esprit. Elle avait alors décidé de le suivre jusqu’au Kailash. Par
ailleurs, Mâ lui avait demandé personnellement de nous accompagner dans ce
voyage. Et Parvati avait attendu un mois pour pouvoir se joindre à notre
groupe. Que d’étonnantes coïncidences dans tout cela ! La dernière fois que
nous l’avions vue, elle n’avait pas du tout fait allusion à ce rêve. Cette
fois-ci, par contre, elle nous l’avait décrit en détail. Après avoir entendu
cet étrange récit, Mâ a souri puis Elle a déclaré : « Elle était venue à Almora
pour suivre ses études, mais pour faire en sorte que ce rêve se réalise ! »
Comme il était merveilleux cet endroit !
A un certain moment, un
habitant du lieu, un brahmane, s’est approché de nous et nous a demandé : « Où
est Matâjî ? » Nous lui avons alors indiqué le dandi de Mâ. Il s’y est rendu
aussitôt et lui a offert des fruits et des fleurs qu’il a déposés à ses pieds
en s’inclinant en un pranâm respectueux. Le soir venu, le brahmane est revenu
au bungalow. Il portait sur les bras des légumes et du lait. L’un de nous lui a
demandé : « Comment saviez-vous que Mâ allait venir ? » Il a répondu : « J’ai
lu dans les journaux que Mâ Anandâmayî devait se rendre en pèlerinage au
Kailash. J’ai attendu son arrivée depuis ce jour-là. Aujourd’hui j’ai eu le
bonheur d’avoir le darshan des pieds de Mâ. »
Combien d’autres fervents
de Mâ ont eu le bonheur de vivre de tels instants ? C’est peut-être là, la
raison pour laquelle l’Être de la Compassion a quitté le Bengale pour venir
dans cette partie du pays. Je me rends compte, maintenant, à quel point ces
gens considèrent Matâjî comme leur appartenant, alors qu’ils la connaissent à
peine. Ils l’appellent ‘Devi Bhagavati’ et croient en Elle d’une foi simple et
solide.
Page 6
Mercredi 19 juin
Nous nous sommes mis en
route vers cinq heures du matin, en direction d’un lieu nommé Thala, situé à
quelques dix ou onze miles de l’endroit où nous étions. Après avoir parcouru
environ deux miles, les coolies qui s’occupaient des dandi, étaient épuisés.
Nous nous sommes donc arrêtés pour leur laisser le temps de se reposer. Sur le
ton de la plaisanterie, Jyotish Dada a pris un ton officiel pour déclarer Swami
Akhandananda ‘roi’ du groupe, se proclamant lui-même ‘conseiller officiel’.
Nous avons repris notre progression pendant un certain temps, puis les coolies ont
dû à nouveau s’arrêter pour reprendre leur souffle et leur force. Nous nous
sommes aperçus alors, durant cette pause, que le dandi de Swami Akhandananda
s’était détérioré en heurtant une roche. Sans compter qu’en tombant, une malle
avait éraflé, jusqu’au sang, la cuisse de Jyotish Dada et déchiré ses
vêtements. L’évènement est devenu aussitôt prétexte à plaisanterie. Quant à
moi, retenant mon rire, je lui ai dit d’un ton sérieux : « Vous vous êtes
autoproclamé conseiller plénipotentiaire du roi de cette organisation. Eh bien
regardez dans quelle situation nous ont mis le roi et son fameux conseiller,
alors que l’expédition en est à peine à ses débuts ! » Matâjî s’est mise à rire
de bon coeur, comme nous tous d’ailleurs. La voix rieuse, Jyotish Dada s’est
tourné vers moi et m’a dit : « N’oubliez pas de parler de ce fait divers dans
votre journal ! » Effectivement, je n’ai pas oublié, car je trouve qu’il y a
quelque chose d’intéressant dans cette anecdote.
Sur le parcours, peu de
temps après avoir repris notre progression, Mâ a aperçu une vieille femme qui
portait un ballot sur la tête. Elle appartenait à la communauté des collines.
Mâ l’a interpellée : « Matâjî, où allez-vous ? » Sans même poser son ballot à
terre, la vieille femme a répliqué : « Je vais là-bas. » Puis elle a poursuivi
son chemin. Les coolies étaient très fatigués. Ils se sont arrêtés et ont calé
les dandi. La vieille femme s’est retournée pour regarder Mâ puis, brusquement,
elle s’est arrêtée. Elle s’est approchée lentement de Mâ et s’est assise par
terre. Il y avait plusieurs enfants avec elle et à en juger d’après le genre de
vêtements qu’elle portait, elle donnait l’impression d’une personne
relativement aisée. Elle avait un air intelligent. Elle a commencé à parler
avec Mâ de différentes choses. Lorsque les coolies ont empoigné leurs dandi
pour reprendre le chemin, elle s’est
relevée et a dit : « Mâ, les quelques mots que vous m’avez dits semblaient si
gentils que je n’ai pas pu continuer mon chemin. Il fallait que je vienne
m’asseoir près de vous. Nous sommes des gens simples, alors de quoi pourrais-je
parler avec vous ? Je me suis assise uniquement pour vous écouter parler. »
Puis, petit à petit, notre groupe a repris la route et s’est éloigné. Après
quelques instants, je me suis retourné. J’ai aperçu au loin la vieille femme.
Elle était immobile et regardait encore dans notre direction.
Page 11
Vendredi 21 juin
Après un certain nombre
de difficultés et de péripéties quelquefois désagréables, par suite, notamment,
de conditions météorologiques défavorables, le groupe arrive dans la localité
de Dharchula.
Dès l’arrivée des coolies
qui transportaient nos bagages, nous nous sommes mis à cuisiner. Nous avons
pris notre repas vers trois heures de l’après-midi. Chemin faisant nous nous étions
procuré des salades et des légumes frais que nous avons particulièrement
appréciés. Nous savions, avant notre départ, que nous n’aurions pas trouvé sur
notre parcours tout ce dont nous aurions pu avoir besoin. Nous nous étions donc
munis du nécessaire pour pouvoir affronter un certain nombre d’éventualités.
Outre le transport de ce matériel de Calcutta à Almora, nous avions eu
également à charge son emballage dans diverses malles et caisses appropriées,
chose qui m’avait embarrassé, voire même préoccupé, car je n’avais que peu de
familiarité avec ce genre de travail. Mon embarras avait été d’autant plus
grand que je ne voyais pas l’utilité de tout cet attirail, ce qui ne faisait
qu’accroître mon incompétence à gérer la chose. Les garçons qui avaient été
chargés de faire les achats, étaient rentrés épuisés de cette sorte de mission,
car chaque fois que l’un d’eux pensait à un objet, ou à un produit donné, il se
persuadait qu’il devait être indispensable et en faisait aussitôt
l’acquisition. C’est Mâ qui, en fin de compte, a réglé cette affaire, car Elle
savait exactement ce dont nous pouvions avoir besoin. Mais peu de temps après,
d’autres personnes nous ont affirmé que tout ce qui avait été prévu
initialement pouvait très bien s’avérer indispensable. C’en était trop pour
moi. J’étais tout à coup convaincu de ne pas être en mesure d’accomplir la
tâche qui consistait à m’occuper de l’emballage. A ce moment-là Matâjî est
venue s’asseoir près de moi. Elle m’a
donné des conseils, mieux, des directives que j’ai suivies à la lettre. En un
rien de temps, tout est rentré dans l’ordre. Matâjî est purna (entière), c’est
pour cela que tout ce qu’Elle accomplit, Elle l’accomplit de si belle façon.
Elle ne favorise ni ne rejette rien. Toutes les choses à résoudre sont d’égale
importance pour Elle. Elle ne fait aucune différence entre l’une et l’autre.
Elle effectue donc à la perfection chacune des tâches qui se présentent à Elle.
Après le repas, peu avant
le coucher du soleil, Mâ a demandé à Jyotish Dada de l’accompagner dans une
promenade sur les berges du Gange. A son retour Elle est venue vers moi et m’a
dit : « Khukuni, le Gange a emporté avec lui la kurta que vous avez faite pour
moi. » Je lui ai répondu : « Cela veut dire que vous l’avez jetée dans le
Gange. Vous avez bien fait. » Le bhava n’est pas chose nouvelle pour Mâ.
Souvent il m’est arrivé de parler, dans mes écrits, de sa façon de jeter dans
le fleuve des kurta et des dhoti. Et lorsqu’on la questionne à ce propos, Elle
répond avec un sourire lumineux: « L’eau l’a emportée. » C’est exactement ce
qu’Elle venait de faire. Puis Elle a ajouté : « Ce kheyala s’est manifesté il y
a quelque temps de cela. Il vient encore de se manifester. »
En fin de soirée, nous
avons congédié les coolies. Ils nous coûtaient une roupie par jour quand ils
travaillaient. Mais nous n’aurions pas besoin d’eux à Garbiyan où ils
n’auraient rien à faire qu’à attendre. Et nous aurions dû les payer dix ‘anna’
par jour. Leur tarif est d’une roupie par jour pour le parcours proprement dit
et dix ‘anna’ par journée d’attente. Un Rai Sahib d’ici a reçu plusieurs
lettres de Krishna Pant de Nainital dans lesquelles le Raja Askote demande que
toutes les dispositions soient prises pour un accueil parfait de Mâ. Il dit
également que de nouveaux coolies ont été recrutés, ajoutant que le trajet à
venir était très difficile et que ces hommes avaient été choisis pour leur
robustesse. Les coolies qui nous accompagnaient depuis le départ étaient
fatigués et avaient décidé de repartir dès le lendemain.
Demain nous serons
contraints de rester sur place pour attendre les nouveaux porteurs qui se
trouvent à quelques sept ou huit miles d’ici. Chacun d’eux portera une charge
de trente-cinq seers (quantité traditionnelle bengalie). On nous a dit que le
chemin d’ici à Garbiyan était très mauvais et qu’en comparaison, le parcours
que nous avons effectué jusqu’à présent était particulièrement facile.
Quoiqu’il en soit, chacun d’entre nous se réjouit de tous les moments passés en
compagnie de Matâjî. A minuit, tout le monde est allé se coucher. Durant la
soirée, deux bâtons d’encens ont été allumés près de Mâ. Un Ustadji qui
connaissait Mâ est arrivé de Dheradun pour nous accompagner jusqu’au Kailash.
Il a chanté et joué du bela.
J’étais étendu non loin
de Mâ. Sur le point de sombrer dans le sommeil,
quand j’ai entendu tout à coup le son étouffé d’une voix. C’était Mâ
qui, complètement emmitouflée dans ses couvertures s’adressait sans doute à
moi. Je me suis levé instantanément et je lui ai demandé : « Vous m’avez appelé,
Mâ ? » Elle a répondu : « Est-ce qu’il reste de l’encens ? S’il y en a,
allumez-en et fermez la fenêtre qui est près de moi. » J’ai fait ce qu’Elle me
demandait. Mâ n’avait pas bougé, Elle était restée enveloppée dans ses
couvertures. Alors je lui ai demandé : « Quelqu’un est-il arrivé, Mâ ? ». Sans
bouger d’un pouce Elle a répondu : « Oui
». La conversation s’est arrêtée là. Je suis retourné m’étendre et je me suis
enroulé dans ma couverture. (A suivre)
(Traduit de l’anglais par Jean E.
Louis)
Du milieu diplomatique à
l’ashram de Mâ :
soixante ans d’intinéraire de
Pushpa
Par
Marie-France Martin
Nous avons eu ce 2 mars
2011, quelques heures avant le début de Shivaratri, un satsang avec Pushpa, qui
va fêter ses 50 ans d’enseignement de Mâ cette année, sa première rencontre
avec elle ayant été en 1961 (il s’agit d’une personne différente de Pushpadi,
devenue Bhajanânanda, qui était une des meilleures chanteuses de l’ashram).
Elle a maintenant plus de 80 ans. Nous étions 8 occidentaux dans la maison de Pushparaj
pour la rencontrer pendant deux heures, dont Shanti qui a passé de longues
périodes pendant 5 ans avec Vijayânanda entre 1992 et 1999, et était de retour
de Tiruvanamalai où elle habite, et Marie-France qui est permanente à Kankhal
et rencontre Pushpa trois fois par semaine pour travailler avec elle la
Bhagavad-Gîtâ à partir du texte sanskrit. Nous laissons la parole à
Marie-France pour présenter Pushpa, et donnons ensuite une petite série de ses
propos en satsang, y compris le dernier pour Shivaratri. Il est intéressant de
mentionner qu’à la sortie du satsang, nous avons rencontré un éléphant tout
caparaçonné qui passait devant l’ashram de Mâ suivi d’une grande procession de
musiciens, danseurs et figures vivantes de dieux et déesses sur des chars qui
se rendait à Har-ki-pairi, le lieu sacré de bain d’Hardwar dédié à Shiva, pour
le début de Shivaratri.
Vigyânânand
Présentation de Pushpa
Père totalement
anglicisé, pour lequel la culture indienne ne vaut rien, mère croyante qui a
une Bhagavad Gita, pose tous les jours une fleur dessus, mais ne la lit pas.
A mi-course de ses
études, elle se marie avec un diplomate qui l’emmène au Japon. Le jour de son
départ, à Connaught Place, elle trouve un livre de la Bhagavad Gita, l’achète
en souvenir de sa mère avec ses dix dernières roupies, le garde sans l’ouvrir
tout le temps qu’elle reste au Japon. Elle l’a toujours.
Au Japon, vie de diplomate,
très agréable et superficielle. Habitude de boire et de fumer, vêtements et
maquillage, conscience de son image, cocktails quotidiens…
Après 6 ans de vie
conjugale au Japon, son mari a une liaison et lui impose la séparation. Elle
doit également se séparer d’un bébé de la famille de son mari, qui lui avait
été confié à l’âge de 3 mois. Sa mère meurt à la même période.
Une personne de
l’ambassade, au courant de sa situation, lui donne une photo de Mâ, ainsi qu’un
exemplaire de ‘Matri Vani’, lui disant
de chercher à la rencontrer quand elle retournera en Inde. Sans vraiment y
croire, elle garde cette photo, la met sur sa table de toilette, et lit les
paroles de Mâ, qui amoindrissent sa douleur, comme un analgésique.
Le jour où elle quitte sa
belle maison pour rentrer en Inde, une expérience. Elle regarde tout le luxe
qui l’entoure, les œuvres d’art dans sa belle maison, et elle réalise que la
propriétaire de tout cela est morte sans rien emporter.
Retour en Inde, reprise
de ses études, travail comme professeur à Dehra Dun.
Elle cherche un maître
spirituel, rencontre un Suisse, Puis Shivananda, puis Mâ
Premier Satsang
(Expérience avec Shivananda)
Shiva ratri, 02/03/2011
Après le passage de
plusieurs groupes ces derniers temps, il y a à Kankhal quelques personnes qui
ont eu une expérience forte, soit avec Swami Vijayânanda, soit grâce au
sentiment d’être en relation, ou d’être accompagnés par Mâ, bien qu’elles
sachent relativement peu de choses sur Elle. Jacques Vigne est là aussi, ainsi
que Shanti qui, elle, a eu une expérience de plusieurs années auprès de Swami
Vijayânanda.
Je leur ai proposé de
partager le moment que je passe régulièrement avec Pushpa, trois fois par
semaine. Et, curieusement, c’est le même
jour qu’ils sont tous venus.
Pushpa a passé 20 ans
sous la direction de Mâ Anandamayî. Je lui demande de parler, ce soir, de Mâ et
de sa relation avec Elle. Pushpa commence par décrire l’ambiance qui régnait
autour de Mâ, et comment les gens qui la voyaient se sentaient heureux rien qu’à
la regarder, même sans qu’aucune parole ne soit prononcée.
Elle raconte ensuite 2
interactions qu’elle a eues avec Mâ, une ou Mâ lui a donné ses premières
instructions personnelles, une autre ou devant le découragement de Pushpa de venir depuis longtemps sans
jamais pouvoir approcher Mâ (à cause de la foule qui l’entourait
continuellement et des personnes qui lui faisaient barrage) elle ruminait
intérieurement : « Tu n’es pas ma mère, tu es leur mère, je ne reviendrai plus
ici». Mâ lui a parlé et a agi exactement comme sa mère (décédée à l’époque) le
faisait autrefois.
Puis elle parle de ce
qu’est la Maya : l’identification au corps, la croyance en des individualités
séparées, alors qu’il faudrait avoir une conscience de soi qui serait la
conscience d’être le pouvoir divin, unique.
Elle parle également de
la liberté de l’homme et du fait que ses choix ont des conséquences, que
c’est la
subjectivité de l’homme qui crée le monde extérieur. Elle mentionne la
conscience immobile, axe autour duquel la nature s’active en bien comme en mal.
Quand Mâ arrivait quelque part, elle restait assise ou à demi couchée, parlait
peu, mais tout le monde s’activait autour d’elle, personne n’était épargné par
le tourbillon d’action qui se mettait en marche.
A une question sur
l’enseignement de Mâ concernant la méditation, elle parle de la nécessité de se
tenir droit, de l’attention au souffle, ce qui entraîne le silence du mental,
ce qui donne la joie.
Pushpa a parlé
pratiquement sans s’arrêter pendant 2h, le double du temps que nous passons
habituellement ensemble. On pouvait sentir que les personnes présentes
l’écoutaient avec concentration,
personne ne bougeait, personne ne parlait, les yeux étaient fixés sur
elle, sauf quand elle a parlé de la méditation. Là, les yeux étaient fermés.
Pushpa a insisté sur la
foi, la première fois qu’elle a eu un entretien privé avec Mâ, elle lui a dit :
« Mâ, je suis un être fragile, je veux l’assurance que vous ne me quitterez
jamais ». Mâ la lui a donnée de façon ferme et décisive, en lui disant : « A chaque fois que tu penseras à moi, à chaque
fois que tu parleras de moi, je serai présente ». Ces paroles reçues
personnellement sont rentrées précieusement dans son cœur. Elle ajoute qu’elles
sont valides de toutes façons pour nous tous, dans la mesure où Mâ les a
souvent répétées publiquement.
Pushpa fait remarquer que
bien que la foi soit très importante, elle ne doit pas être aveugle. Sa mère,
sa grand-mère, pouvaient avoir une foi aveugle, mais celle-ci n’est pas bonne
pour les gens modernes. La pratique spirituelle est, en fait, une science, avec
ses lois.
Le visage de Pushpa
s’illuminait quand elle évoquait l’entrée de Mâ, par exemple dans le hall de
l’Ashram. « Elle ne faisait rien, mais pourtant on était rempli d’une joie infinie
(Anandamayî en sanscrit ou hindi). On avait envie de danser. Il y avait un
vaste spectre de différence dans les gens présents, savants ou illettrés, vieux
ou jeunes, riches ou pauvres, mais tous étaient tout simplement capturés par la
présence de Mâ.
Expériences avec Mâ
Un jour, elle n’avait pas
encore rencontré Mâ, mais était déjà professeur à Dehra Dun, elle regarde
la photo de Mâ, et lui dit : Je ne peux
pas vous rencontrer, je suis mauvaise, je fume, je mets du parfum venant de
l’étranger, j’ai des vêtements de luxe, je me maquille…. A la minute même, elle
décide de se séparer de tout cela, met tout sur son lit, et appelle ses
collègues, en leur disant de prendre tout ce qui leur plait. Au bout de 5
minutes, il n’y a plus rien sur le lit.
Elle achète des
cigarettes, mais elle a mauvaise conscience. Elle en fume une, trempe le reste
du paquet et le jette, puis le lendemain en fait racheter. Sa domestique lui dit qu’elle aurait bien besoin
de l’argent de ces cigarettes jetées. Elle demande à la photo de Mâ la force,
puis cesse définitivement de fumer. D’où rupture avec son cercle d’amies, ce
qui la soulage.
Un jour, la mère d’une
élève lui parle de la présence de Mâ à Dehra Dun. Elle réalise qu’il s’agit de
la personne dont elle a la photo. Elle y va, se prosterne à ses pieds en
pleurant. Mâ lui dit : « Fille folle, ne pleure pas pour les choses du monde.
Si tu dois pleurer, que ce soit uniquement pour Dieu ».
De ce jour, et pendant un
an, elle va voir Mâ chaque fois que c’est possible sans jamais réussir à
l’approcher vraiment. Progressivement, sous l’influence du rayonnement de Mâ,
elle modifie ses habitudes, de vie superficielle, de tabac…Si elle a senti sur
elle le regard de Mâ, elle repart satisfaite. Elle a le sentiment que ce regard
la purifie.
Un jour de pluie, il y a
moins de monde que d’habitude. Alors qu’elle attend le car pour repartir, elle
est reconnue par une ancienne enseignante de l’université dans laquelle elle
avait été une élève rebelle et dissipée. Cette enseignante devenue
Brahmacharini signale à Mâ de la recevoir. Mâ lui donne ses premiers conseils :
lecture du Ramayana, d’autres textes, Japa, utilisation du chapelet. Mâ lui
demande si elle sait utiliser un chapelet, sur sa réponse négative, elle envoie
en chercher un. La personne revient en disant qu’il n’y en a pas, du coup, Mâ
se lève, sort de la pièce, et revient avec un chapelet dont elle apprend le
maniement à Pushpa.
Elle continue ses visites
à l’Ashram, Au bout d’un an de fréquentation de Mâ sans pouvoir l’approcher,
n’arrivant pas à trouver de sens aux pratiques que Mâ lui a apprises, et sous l’influence de ses copines qui lui
demandent ce que Mâ lui a dit et auxquelles elle n’a rien à répondre, elle se
met à douter du bien fondé de ces expéditions difficiles, puisqu’elle ne peut
pas approcher Mâ. Elle se dit : « Mâ
est leur mère, pas la mienne. Je ne
reviendrai plus ». Ce jour là, Mâ avait donné la consigne que personne ne devait
partir sans prasad, on essaie donc de retenir Pushpa, mais elle s’obstine à
attendre son bus…qui ne vient pas. Quand elle réalise qu’il n’y aura pas de bus
avant 2h, elle accepte de s’asseoir pour manger, tout en gardant le nez dans
son livre, un livre de Ramana Maharshi. A ce moment là, elle entend un bruit de
pas. Mâ est devant elle et lui dit : « Tu ne dois pas lire en mangeant, pose
ton livre là, prend ton repas, va te laver les mains, et après, tu reprendras
ton livre ». Après coup, Pushpa réalise que ces mots et ce ton de voix, sont
exactement l’attitude que sa mère aurait eue.
Un jour, elle se trouve
avec Mâ sur une terrasse. Mâ regarde le ciel, très loin, ne parle pas et ne
bouge pas. Pushpa s’assied à côté d’elle, et se trouve en état de méditation
très profonde, incapable de penser et de bouger. Des gouttes de pluie tombent,
Mâ se lève et lui dit : « Aviakt Rhiday » « Le non-manifesté est dans le cœur »
Un samedi soir, l’heure
du passage de son bus est passée. Elle s’adresse à Atmananda pour lui demander
de l’aide. Mâ entend, lui demande d’où elle vient, et donne l’ordre qu’on
s’occupe d’elle. Ce soir là, elle mange et dors à l’Ashram, et repart par le
premier bus du lendemain matin.
Dimanche 28 mars 2010
Hier soir, son aide n’est
pas venue à l’heure. Elle voulait aller au Samadhi, et l’attendait avant de le
faire. Elle s’est petit à petit énervée, mais en même temps, elle se regardait
s’énerver. Elle se posait la question de Ramana Maharshi : « Qui veut aller au
Samadhi ? Qui s’énerve ? Ce n’est pas moi qui m’énerve, c’est l’Ego, moi, je
suis l’âme, je ne suis ni le corps, ni le psychisme, ni l’intellect. » Cette
question vous bascule dans le silence... L’énervement s’en va....
Samedi 10 septembre 2010
Aujourd’hui, avec Pushpa,
nous étudions le chapitre 6 de la Bhagavad Gita, versets 20 à 30, qui parlent
de la paix et de la joie de l’union au divin, que l’on obtient par le contrôle
du mental, de l’importance de revenir à la concentration à chaque fois que le
mental s’échappe, et aussi de la présence du divin dans tous les êtres. Elle me
parle d’un coup de téléphone de sa sœur, reçu hier. Sa sœur était un chirurgien
renommé, mais a dû arrêter sa pratique, car sa main s’était mise à trembler. Sa
sœur, qui a tout ce qu’on peut avoir, appartement agréable, télévision,
revues….s’ennuie beaucoup, et lui demande comment elle peut supporter le manque
de stimulations à Kankhal. Elle me dit ne pas avoir pu lui expliquer que les 3
heures de solitude et de silence complet, de pratique, de méditation qu’elle se
donne tous les soirs de 18h a 21h lui apportent une très grande joie, une
immense gratitude pour le divin auquel elle ne souhaite que d’être abandonnée,
et qu’elle ne peut rien désirer d’autre ! Elle parle aussi de la présence de la
conscience divine, non seulement dans les animaux, mais aussi dans les plantes,
ce qui induit la nécessité d’avoir un sentiment d’adoration pour toutes
choses…. « Celui qui Me perçoit en toutes choses, et perçoit toutes choses en
moi, je ne le quitte pas des yeux, et lui ne me quitte pas des yeux… » (6, 30)
(A
suivre)
Fleur de cactus, Fleur de Lotus
(Par Mahâjyoti)
Qui s’y frotte s’y pique,
m’a-t-on dit souvent
Quand j’étais petite, et
même maintenant.
Savoir me défendre, j’y
crois mordicus !
Fleur de Cactus !
Pourtant à quoi bon ? Et
si le fossé
Qu’il faut traverser,
comme le bouclier
Qu’il faut transpercer,
n’étaient pas un ‘plus’ ?
Fleur de Cactus ?
Et si le guerrier qui en
nous s’obstine
Comme le porc-épic
rentrait ses épines,
Cessait de combattre à la
Spartacus,
Fleur de Cactus ?
Sur mon grand balcon, à
force de soin,
Agaves et Chardons ont
fleuri soudain,
A force d’amour : 6 jolis
Brutus !
Bébés Cactus !
Leur cœur s’est ouvert,
laissant apparaître,
Roses, tendres et fous,
semblables à mon être
Qui à l’intérieur recèle
une fleur.
Bébés sauveurs !
Tout l’amour de Mâ a brisé
mes chaînes.
Je l’ai pris en moi, cet
amour m’entraîne.
Je suis transformée, j’en
reste motus !
Fleur de Cactus !
On s’y pique un peu, mais
au fond du cœur,
Si on sait la voir,
s’élève cette fleur.
Une vraie douceur, un
Stradivarius !
Fleur de Lotus !
Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)
Des rives de la Mer noire aux pentes de l’Himalaya.
Vladimir Zaitsev est peintre et poète,
dans le style de Nicolas Roerich, inspiré par la nature himalayenne. Depuis 5
ans, il est très souvent en Inde, et il effectue à Delhi un doctorat sur les
artistes russes en Inde. Sa femme Natalia est devenue pianiste après avoir fait
cependant un doctorat en physique fondamentale et elle est venue à l’Inde par
la théosophie. Je les ai rencontrés il y a quelques jours au 25e anniversaire
de la fondation du Temple du Lotus, le centre Bahaï de Delhi. Ses poèmes ont
été publiés en Russie et aux Etats-Unis depuis une vingtaine d’années, mais
c’est la première fois qu’ils sont traduits en Français ci-dessous. Nous continuerons à en donner des extraits
dans des ‘JAY MA’ suivants. Nous commençons déjà par rendre les deux premières
pièces du recueil. Le livre est dédié à son épouse Natalia et les remerciements
du début sont pour ‘les Muses du ciel et de la terre’. Vladimir a grandi au
sein des beaux paysages de Crimée où les vagues de la Mer Noire baignent les
ruines d’anciennes cités. Il a étudié à l’université les religions et récits
anciens de la région, ce qui l’a préparé à sa relation avec le polythéisme
hindou. Le contact avec le Un derrière la nature visible est la trame de ses
poèmes, en cela on est proche de l’inspiration upanishadique et védantique.
En me tournant vers
moi-même
En me tournant vers moi-même
Je m’adresse à Toi
Mon ami inconnu.
Qui suis-je ?
Qui suis-je ? Si ce n’est pas la petite
alouette
Chantant dans le champ
sans limites.
Qui suis-je ? Si ce n’est
pas un fragment d’autres planètes
Qui est tombé sur la
Terre.
Qui suis-je ? Si ce n’est
pas cette fleur
Demeurant sur l’île verte
au sein des colosses de la cité.
Qui suis-je ? Si ce n’est
pas le pic solitaire
S’élevant au-dessus du
royaume des neiges et glaces éternelles.
Qui suis-je ? Si ce n’est
pas l’un d’entre vous,
Engagé dans ce tourbillon
qui n’a de cesse,
Qui suis-je ?
Le Maître
Le Maître te parlera
Grâce aux lèvres du vent,
L’entendras-tu ?
Oh ! Si
nous pouvions
Oh ! Si
nous pouvions nous oublier
Ne serait-ce que pour un
moment
Le miracle surviendrait.
Le Seigneur des destinées du monde
Le Seigneur des destinées
du monde
Etend vers la Terre les
fils subtils
De ses écheveaux
arc-en-ciel.
Ils nous disent en
silence :
« Tissez le motif de
votre vie avec l’amour ».
Rencontre avec Vijayânanda
Décembre 1998
Groupe de Nathalie ANTHONY
(Suite)
C'est ça la vraie
rencontre. Le mot gourou est devenu tabou maintenant, ça ne se dit plus «
gourou », disons « maître ». Ca, c'est la vraie rencontre avec un vrai gourou.
Vous savez, quand un vrai disciple, un disciple sincère, rencontre un vrai
gourou et qu'il y a une relation, c'est la plus belle chose que vous puissiez
imaginer. Vous ne pouvez pas imaginer la beauté de la relation entre un vrai
disciple et un vrai gourou. C'est une histoire d'amour, mais d'amour spirituel.
C'est la chose la plus merveilleuse qu'il puisse arriver, et cela m'est arrivé,
cette chose extraordinaire. Ca n'arrive pas à beaucoup de gens, hein ? J'avais
écrit un article : « Quelque fois, les rêves se réalisent » et c'est vrai.
Voilà.
Ch : Il faut dire aussi
que ça n'arrive pas, parce que des grands maîtres, il n'y en a pas beaucoup !
V : Non, des grands
maîtres il y en a assez, Mais de bons disciples, il n'y en a pas beaucoup ! Des
vrais disciples sincères et authentiques, il n'y en a pas beaucoup.
M : Vous en avez vus un
certain nombre, j'imagine, de bons disciples ?
V : De bons ? (Hésitant)
(Rires) Peut-être un ou deux, c'est très rare. Des gens qui sont vraiment 100%
sincères.
C : Sincère, qu'est-ce
que c'est ?
V : C'est-à-dire qui ne
veulent qu'une chose, qui veulent la libération, qui ne veulent pas autre
chose. La libération, ce qu'on appelle la réalisation, c'est-à-dire la
connaissance du Soi, la connaissance du Suprême et rien que ça.
Beaucoup veulent devenir
célèbres, ou ils veulent devenir des gourous, des choses comme ça. C'est très
rare d'en trouver un qui soit à 100 %, uniquement, c'est très rare, surtout
chez les Occidentaux. Dès qu'ils ont une petite expérience, ils commencent à
enseigner. Ils ont hâte d'enseigner, de devenir des gourous, d'avoir des
disciples.
JL : En Inde aussi, vous
le dites dans votre livre, il y en a beaucoup qui prétendent être et qui ne
sont pas forcément...
V : Oui, il y a beaucoup
de faux gourous. Un gourou authentique est assez rare.
JL : Et aujourd'hui, des
vrais disciples indiens, il n'y en a pas beaucoup non plus ?
V : Non, pas beaucoup.
E : Et vous en connaissez
aujourd'hui des gourous authentiques ?
V : Eh bien, il y en a
une à qui je peux envoyer les gens en toute confiance, c'est Mâ Amritanandamayî
(Amma). C'est un vrai grand sage. Un grand sage authentique. Pour la Noël elle
doit être dans son ashram du Kérala je crois. Je ne l'ai jamais vue, mais il y
a une sorte de correspondance entre nous, parce que je lui envoie tellement de
gens. Je lui ai fait dire plusieurs fois : « Je vous envoie tellement de gens,
je veux 10 % du pouvoir spirituel que vous leur donnez ! » (Rires)
Le vrai sage peut vous
donner un éveil intérieur, ce qu'un gourou ordinaire ne peut pas faire. Moi, je
cherchais quelqu'un qui aurait été capable de cela.
Un jour, j'étais malade,
enfin, j'étais assez guéri déjà, quand une amie de Paris qui s'inquiétait
beaucoup à mon sujet est allée voir Mâ Amritanandamaî avec ma photo. Alors,
Amma a regardé, et elle a dit : « Oh, French swami ! ». Pourtant elle ne m'a
jamais rencontré ! » (Rires) Et puis, (ton amusé) elle a mis du santal sur la
tête de la photo, et au pied elle a mis un pétale de fleur. C'est dommage, je
n'ai pas gardé la photo, je l'ai donnée à quelqu'un…
JLB : On n’entend rien
quand vous parlez par là.
V : Oui, ma voix n'est
pas très sonore. Vous savez, quand je suis enrhumé, que j'ai un peu de
laryngite, ma voix est très sonore ! (Rires).
JLB : (Qui est
acupuncteur) : Il faut que l'on vienne l'hiver, vous avez de la laryngite
l'hiver ?
V (Amusé) : Pas toujours
! Mais quelquefois, alors quand j'ai de la laryngite, on m'entend bien, ça
vibre bien !
M : Est-ce que vous aviez
une culture religieuse ou une pratique religieuse avant de partir ?
V : Oui, oui, je suis né
juif et ma famille est extrêmement religieuse et moi aussi. Quand j'étais
enfant, j'étais extrêmement religieux. Et puis après, évidemment....
Ch : Et vous avez
toujours été religieux, vous n'avez jamais eu une période de doute ?
V : Si, j'ai eu une
période de rupture. Vous savez, quand j'avais 17, 18 ans, j'étais en classe de
philo… Ca existe encore la classe de philo ?
Tous : Oui, oui.
V : Je m'intéressais
beaucoup à la philosophie et puis je lisais ou plutôt je dévorais tous les
livres des philosophes occidentaux et, finalement, j'en étais arrivé à la
conclusion que Dieu n'existait pas, que c'était de la blague. Et je suis devenu
athée pendant quelque temps, je ne croyais plus à rien, et puis après c'est revenu.
Ch : Et c'est revenu
comment ?
V : Comment ? Quand j'ai
lu le livre de Vivekananda.
E : Mais qu'elle était
pour vous la différence entre religieux et non religieux ?
V : C'est la conduite de
tous les jours. Quand on est religieux, on a peur de faire n'importe quoi. Et
quand on n'est pas religieux, il n'y a pas de karma, il n'y a rien, on fait
n'importe quoi. Il y a une grosse différence.
E : Et quelle différence
faites-vous entre la religion et la spiritualité ?
V : La différence,
voyez-vous, les religions sont basées sur le ritualisme, n'est-ce pas ? Et la
spiritualité est un niveau commun à toutes les religions. Alors chaque religion
a son ritualisme, qui doit culminer dans la vie spirituelle. Mener une vie
morale quand vous êtes engagés dans la vie spirituelle n'est ni fondé sur la
peur ni sur la connaissance, c'est aussi naturel que de respirer. Il ne
viendrait pas à l'idée de faire une mauvaise chose. Alors que l'Homme commun,
doit se retenir, se contrôler. Vous avez lu le Yoga les 5 Yamas* ? Vous êtes
naturellement moral, ça fait partie de votre nature. On ne ferait de mal à
personne, n'est-ce pas ?
M : Cela m'évoque
toujours la même question quand j'entends cela... Je suis 100 % d'accord avec
ce que vous dites...
V : (Très amusé) : 100 %?
M : Absolument ! Je le
comprends très bien. Je n'irais pas jusqu'à 150, Mais...
La question : quand on a
cette attitude, finalement, est-ce qu'on n'est pas en train de réduire toutes
les différences de l'Autre en se disant : « Si je me comporte bien tout ira
bien avec l'autre ». Est-ce que ça n'est pas au fond un risque de respect
profond de l'altérité de celui qu'on rencontre ? Je pense que cette orale
naturelle est une première étape, mais qu'il faut faire l'expérience de l'altérité,
enfin c'est comme ça que je le vois, de temps en temps on est devant un mur
comme chez les juifs le « kotel » à Jérusalem, que vous connaissez, pour moi
c'est la vraie image de Dieu, cette altérité, cette différence radicale qui n'a
rien à voir avec mon comportement. De toute façon, quel que soit mon
comportement, une relation c'est un risque de rencontrer une différence et au
fond de se dire : « Si je me comporte correctement, tout ira bien ». Est-ce que
ce n'est pas un risque de manque de respect total ? Voilà, je provoque un
peu...
V : Alors, plutôt se
comporter mal ? Non, voyez-vous, quand vous êtes dans la voie spirituelle, on
vous enseigne que cette Conscience, cette divinité qui est en vous est la même
en tout le monde. Alors, quand vous voyez l'autre, vous voyez à l'intérieur,
c'est votre propre Soi, Mais vous respectez la différence, l'altérité, vous la
respectez. Vous savez que le centre, le noyau, c'est la conscience pure. Mais
en même temps, vous respectez les différences. C'est ce que vous vouliez dire ?
M : Pour moi, la
différence entre les personnes, c'est la richesse de l'existence, et autant il
est essentiel d'avoir un comportement moral naturel, autant on n'a rien fait à
ce moment-là pour moi. La relation profonde qu'on peut avoir avec quelqu'un,
c’est de découvrir une différence radicale. Parce que si cette différence
radicale n'existe pas, c'est que j'ai assimilé l'autre à quelque chose qui est
en moi et la relation n'a aucun intérêt, je me fais plaisir, c'est tout, je suis
passé complètement à côté parce que je n'ai vu dans l'autre que l'image de moi,
parce qu'il n'y a que ça qui m'intéressait.
V : Mais vous voyez
toujours l'autre sur l'image que vous vous faites de lui, vous le voyez
toujours comme ça.
M : Oui, mais on peut
aller vers l'autre en admettant qu'il y a ce risque de trouver quelque chose
qui nous fasse très peur finalement.
V : Oui, mais l'autre est
toujours l'image que vous vous faites de lui, parce que l'autre n'est jamais le
même. Si vous rencontrez une personne par exemple aujourd'hui, si vous la
rencontrez demain, ce ne sera plus la même, n'est-ce pas ? Ce n'est jamais la
même personne que vous connaissez, vous surimposez la mémoire, n'est-ce pas ?
Vous vous dites : « Ah, cette personne, elle est comme ça, comme ça, comme ça
»... On n'est pas capable de voir une personne tout à fait impartialement, dans
l'isolement, c'est toujours une projection. (A suivre)
Nouvelles
- Une puja en hommage à
Swami Vijayânanda a lieu le 26 mars au samâdhi de Mâ à Kankhal, suivie d’une
autre pour Swami Bhaskarânanda et d’une dernière pour Swami Shivânanda. Un
petit groupe d’occidentaux s’est rencontré à cette occasion et a échangé des
souvenirs et témoignages sur Swami Vijayânanda.
- Nouveaux livres :
- Le recueil des
souvenirs de l’Inde ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’ écrit par
Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et dont nous avons parlé dans le dernier ‘Jay
Mâ’ N° 99, a trouvé son éditeur. Le livre sortira à la fin du premier semestre,
relié ‘à la chinoise’. Il est conçu en hommage à Mâ, à Vijayânanda et en
remerciement à Jacques Vigne. Nous en reparlerons.
- Nous avions parlé de la
parution de ‘Retrouver la joie’, une sélection de texte de Mâ traduits et
présentés par Patrick Mandala, et nous en avions cité des extraits (Jay Mâ N°
97). Il prépare un volume II avec une préface de Denise Desjardins. Il est
aussi actif pour faire connaître d’autres aspects des sages et des
enseignements de l’Inde, voici ses travaux récents où en cours, tels qu’il nous
les présente :
QUELQUES PUBLICATIONS
RECENTES
-"Le Pèlerin de
l'Absolu: Râmdâs", histoires spirituelles et perles de sagesse
(Accarias-L'Originel)
Je souhaitais rendre
hommage à ce Maître. Il n'y avait rien de publié sur lui depuis longtemps, et
il risquait de "tomber dans l'oubli".
-"Le Son du
silence"; présence de Râmana Mahârshi (même éditeur).
-"Histoires
spirituelles" Râmana Mahârshi (même éditeur)
-"L'Aventure de
l'éveil: Abécédaire de sagesse selon Krishnamurti’ (Le Relié)
VIENT DE PARAITRE
-"Mîrâ-Bâî: femme,
sainte et poétesse du Râjasthân. 108 Chants d'amour (Librairie orientaliste
Paul Geuthner)
Ce livre me tenait
particulièrement à coeur. J'y travaillais depuis une vingtaine d'années.
-
Eveille-toi!Réveille-toi!": Svâmî Vivekânanda: enseignement et entretiens
(Accarias-L'Originel).
Là aussi je crois qu'il
fallait remettre ce "colosse de la spiritualité" à l'honneur (en
France). Il est tant aimé et populaire en Inde, n'est-ce pas? Et puis sa vie
est un roman, une symphonie wagnérienne!
-"L'Art de
l'amour"; miniatures indiennes et textes choisis de l'Inde.
J'ai la passion des
miniatures indiennes. En France on trouve peu de livres sur le sujet. On y
trouve le fleuron de l'école du Kângrâ particulièrement, avec la Râdhâ-Krishna
lîlâ.
A PARAITRE
-"Aux sources du
Yoga": questions-réponses pour notre temps avec trois Maîtres spirituels
de l' Ânandâshram - Râmanâsramam, et Centre Védantique Râmakrishna.
-Vol.II sur Mâ: surtout
des anecdotes, et satsang. Préface de Denise Desjardins.
Comme je le disais il y a
quelques années, au début de l'écriture du vol.I, mes sources principales sont
les volumes de Gurupriya, puis Ananda Varta et autres.
-Vol. II sur
l'enseignement de Râmdâs.
-"Le Chant du
monde"; petite anthologie des Vedas à Tagore.
Une sélection des textes
sacrés et profanes qui m'ont accompagnés depuis l'adolescence.
On trouvera des textes
rares, dont de superbes et très anciens poèmes du Sud, des perles de sagesse et
de bhakti, comme le Paripâtal, extraits des poèmes d'Ântâl, etc.
-Deux grands projets à
long terme avec un Grand Editeur sur Les Miniatures indiennes/textes de l'Inde,
et sur La Femme dans la peinture orientaliste et la poésie mystique.
Renouvellement des abonnements
Au ‘JAY MA’
Le N° 99 de Noël a été le
dernier numéro envoyé aux abonnés des deux années précédentes.
Merci à tous ceux
(nombreux) qui ont déjà renouvelé
l’expérience du ‘JAY MA’ et qui se sont inscrits de nouveau auprès de José
Sanchez Gonzalez pour la partie
administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève
(Mahâjyoti) qui en gère l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en
vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr
– (Coordination bénévole)
La brochure est toujours
au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler
pour deux ans, de mars 2011 à mars 2013.
Le prochain numéro sera
le 100ème de cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour
avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la
composition qu’en fait Jacques Vigne.
Table des matières
Paroles de Mâ
En Association avec Sri
Sri Mâ Anandamayî
(Amulya Kumar Datta
Gupta)
Pèlerinage au Kailash
(Gurupriya Devi)
Du milieu diplomatique à
l’ashram de Mâ
(Retranscrit par
Marie-France Martin)
Poème ‘Fleur de Cactus,
Fleur de Lotus’
(Par Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)
De la Mer Noire à
l’Himalaya
(Par Vladimir Zaitsev)
Rencontre avec
Vijayânanda (Décembre 1998)
(Satsang retranscrit par
Nathalie Anthony)
Nouvelles
Renouvellement des
abonnements au ‘Jay Mâ’
Table des matières
Jay Ma N° 101 - Eté 2011
Paroles de Mâ
Japa
- Dhyan
(Extraits
de ‘Les enseignements de Mâ Anandamayî’
(Chapitre
10)
Il faut pratiquer la méditation car elle
conduit à la compréhension divine.
Par la récitation de
Gâyatrî, les offrandes, les oblations dans le Yajna, les japa, la méditation et
autres actions appropriées, vous vous débarrasserez de toutes les impuretés de
vos naissances antérieures, de votre vie actuelle et de tous les karmas que
vous avez accumulés. Le but qu’on doit poursuivre, c’est d’ouvrir le voile et
de permettre la manifestation de la lumière qui brille en vous vigoureusement.
Etre sans aucune pensée,
voilà la méditation suprême.
Il est nécessaire de prendre, de façon
régulière, deux à trois repas par jours. De même, il faut faire le trisandhya –
observance obligatoire des rites et rituels d’un initié, à l’aube, à midi et au
crépuscule – vêtu d’un vêtement propre, grand respect pour le sacré en tenant
quand même compte des conditions où on se trouve, dans une posture donnée, en
un lieu donné et avec dévotion. Ce sont là les règles scripturaires. Grâce à
cela, la pureté intérieure, toujours présente, s’éveille. De la sorte, après ce
réveil, il n’est plus question de pureté ou d’impureté.
Il est une règle qui veut
que seul le japa « compté » soit offert à Dieu. Le souvenir constant du
moûl-bîjâ – la semence du mantra de l’initiation – et le japa durant l’action,
sont ce qu’il y a de mieux. Dans ce cas, le japa n’a plus besoin d’être offert
(en étant compté par exemple) Avec cette nouvelle règle on peut pratiquer le
japa à n’importe quel moment, même après la nuit, avec la bouche impure, et le
vêtement impur du sommeil. Ainsi, on peut réciter de nombreux japa. Dieu est
au-dedans de nous et il est bon de pouvoir L’appeler de notre « dedans ».
Mâ est près de vous, dans
chacune de vos actions tout comme dans le kirtan. Restez assis, immobile, dans
une posture et une attitude sereines, et pensez que Mâ est avec vous, dans le
vide. Vous trouverez du bonheur en cela. Allongés aussi, immobiles, méditez.
Dites-vous : « Mâ est avec moi, toujours ! »
Invoquez Celui que vous
connaissez comme étant votre Ishta (la forme bien-aimée de Dieu). Faites le
japa mental, pensez à Lui et méditez sur l’Ishta, consirérez-Le, de Ses pieds à
la pointe de Ses cheveux. Si vous voulez faire d’avantage de japa, concentrez
votre attention sur le son du mantra. C’est Dieu sous forme d’Akshara (syllabe,
en particulier le Om, akshara signifiant étymologiquement ‘indestructible’) et
Dieu sous forme du son – Shabda – également.
Rappelez-vous une chose :
il ne faut pas négliger les pratiques spirituelles qui Lui sont dédiées, car
elles portent à l’expérience de Lui. Il est atteignable au travers des japas et
de la méditation. Cette habitude, cette manière, que vous avez de pratiquer le
japa et la méditation, pratiquez-les, sans discontinuer. Ne pensez pas qu’Il
pourrait ne pas répondre à votre appel. Cela n’arrivera jamais. Mais il faut le
temps. Si vous pratiquez intensément, cela favorisera Sa révélation.
Méditez sur Chidanda (la
réalité suprême qui est béatitude et conscience) car Il est sous forme du Soi
lui-même.
Efforcez-vous d’épancher
votre mental et votre esprit dans le japa et la méditation. Faites-le au mieux
de vos possibilités. Et faites en sorte de rester aussi longtemps que possible
dans un environnement divin et dans cet engagement spirituel qui est le vôtre.
Le voyageur qui accomplit le parcours vers le grand but spirituel doit
accélérer le pas. Qu’il en ait envie ou non, il doit poursuivre le japa, la
méditation et l’invocation.
Il faut que la posture
(âsana) soit ferme, que l’esprit soit concentré et que le japa serve de
soutien. Lorsque ces conditions sont réunies, alors on peut espérer avoir un
avant-goût de Cela. (A suivre)
(Traduit
de l’anglais par Jean E. Louis)
En Association avec Sri Sri Mâ Anandamayî
Amulya Kumar Datta Gupta
(Volume II – Suite)
Page 40
Cosmologie et Méditation.
Un disciple pose une
question à Mâ.
D. : « Comment les
premiers samskara ont-ils été formés ? »
Mâ : « Ces questions-là
relèvent de la cosmologie. Celle-ci en particulier est née dans votre esprit,
de même que vous avez en vous les concepts de création, de continuation et
d’annihilation. Toutes les actions que vous effectuez, vous les effectuez pour
une raison donnée et c’est pour cela que vous considérez que Dieu a des raisons
Lui aussi. Mais dans le domaine de la Vérité dernière cela n’a aucun sens.
C’est pour cette raison que les védantistes appellent cela Maya (illusion). »
Triguna Babu : « Mâ, ne
devrions-nous pas consacrer davantage de temps à la méditation ? »
Mâ : « Si, car cela
renforce la concentration. Et puis la méditation finit par s’épuiser, par se
dissiper durant son propre cours. Et ce qu’elle laisse derrière elle est
indicible. »
Triguna Babu : « Si la
méditation elle-même accroît la concentration, alors nous pourrions très bien
méditer sur les choses de tous les jours ? »
Mâ : « La méditation sur
les choses de la vie courante augmente sans aucun doute la concentration, mais
elle crée des liens, des attaches. Seule la méditation sur les choses vraies
peut rompre ces attaches. »
Page 43
Ce qu’est la Grâce.
Au cours d’un satsang,
Nirod Babu pose une question à Mâ.
Nirod Babu : « Mâ,
pouvez-vous me dire ce qu’est la Gâce ? »
Mâ : « La Grâce est la
récompense obtenue pour des actes exceptionnels qui ont eu lieu dans une vie
précédente. Les bonnes actions que vous avez accomplies dans une vie antérieure
vous reviennent sous forme de Grâce. »
Nirod Babu : « Une
récompense pour mes actions ? J’y ai donc droit ! Ce sont mes gages en quelque
sorte ? »
Mâ : « Vous y avez droit,
sans aucun doute. Mais vous n’en êtes pas conscient alors vous considérez cela
comme la Grâce. En outre, au cours de la sâdhanâ, le chercheur parvient à un
certain stade à partir du moment où tout lui apparaît comme étant la Grâce.
Comme si tout ce qui advient sur cette terre était dû à la Grâce du Divin. Cela
est alors totalement libéré de la relation sadhya-sâdhanâ (« accomplissant » et
objet de l’accomplissement). C’est le stade de la Grâce. Le stade supérieur
transcende la Grâce. Il ne reste plus qu’une seule Existence. Qui manifestera
la Grâce et à qui ?
Il ressort donc, de
l’interprétation que nous donne Mâ de ce qu’est la Grâce et le purushakara,
qu’il existe deux aspects du même concept. Ce qui apparaît comme étant
purushakara lorsqu’on le considère d’un certain point de vue, apparaît comme
étant la Grâce lorsqu’on le considère d’un autre point de vue. Tout ce que nous
faisons dans l’espoir d’atteindre la réalisation de Dieu, à savoir la
méditation, la concentration, etc...était décrit par Mâ comme étant le fruit de
l’ignorance innée. Lorsque le chercheur appréhende, durant les actions qu’il
entreprend ou projette d’entreprendre, toute l’insignifiance de son être et
qu’il décide de se soumettre en toute confiance au Suprême, au Tout-Puissant,
alors commence le véritable purushakara. C’est à ce moment-là que le chercheur
réalise que toute action qui a lieu où que ce soit dans le cosmos, n’a lieu que
par la seule décision de l’Être Suprême : Dieu. C’est à partir de cet instant
que se manifeste la Grâce, car le chercheur a pris conscience de cet état de
fait : rien ne prend forme dans l’univers qui ne dépende de la volonté du
Seigneur de cet Univers. C’est ce que l’on appelle le stade, la phase de la
Grâce, peut-être parce que l’ego persiste et continue d’exister. Quand l’ego se
dissipe, ce qui demeure est inexprimable
: ce n’est autre que la Vérité Suprême.
Page 46
Sâdhanâ ou
l’apprentissage de la patience.
Sri Sri Mâ commença à
décrire ses propres sensations, à la troisième personne, comme Elle avait
coutume de le faire. Elle parla donc de l’état de Bimala Mâ :
« Son corps entre en état
de confusion lorsqu’elle entend des kirtan et l’on peut voir qu’elle ressent
une grande souffrance. C’est du Rajayoga en même temps que du Hathayoga. Cela
se produit quand elle psalmodie ou qu’elle écoute les Noms du Divin. Souvent Mâ
est impatiente de quitter Navadweep. D’ailleurs son impatience correspond à la
phase particulière de sa sâdhanâ. Et chaque fois qu’elle insiste pour se rendre
à Adyapeeth, je m’efforce de l’en dissuader et je le lui déconseille. Cet
obstacle que je dresse sur son chemin est une pratique positive et saine car
elle forme à la patience. Si on laisse à une personne toute liberté d’agir à sa
guise et de suivre la voie que son mental agité et impatient désire emprunter,
cette personne ne pourra jamais faire l’apprentissage de la patience. Pour
celui qui se consacre à la sâdhanâ, la pratique et la discipline de la patience
sont de la plus haute importance. Et c’est pour qu’elle acquière pleinement la
pratique de la patience que je me suis opposée à Mâ cet après-midi et que l’ai
fait descendre du bateau. Si je l’avais laissé faire, cela lui aurait causé de
la souffrance. »
En règle générale Mâ ne
discute pas, ne contrarie pas les souhaits des personnes. Je ne l’ai vue
enfreindre cette règle que dans le cas de Bimala Mâ et de Nirmala Mâ. Je
comprends maintenant la raison de cette exception.
Mâ poursuivit : « La
juste pratique de tapasya consiste à contenir avec patience et persévérance la
souffrance physique causée par la montée soudaine des émotions. Si l’on
s’astreint à supporter cette douleur en silence pendant un certain laps de
temps, après coup, le corps physique est épuisé et comme engourdi. Certains
pourraient considérer cela comme samâdhi, mais ce n’est pas du tout le cas.
C’est une sorte de grande lassitude physique. En réalité, samâdhi et lassitude
physique se différencient l’un de l’autre dans leurs effets et leurs
manifestations. Même si cela n’est pas évident à première vue.
Page 49
L’éducation et l’enfance
de Sri Sri Mâ.
« Durant mon enfance je
n’ai jamais eu aucun livre scolaire pour m’aider dans mon éducation. Tout comme
je n’ai rien appris de qui que ce soit dans le domaine religieux. Il y avait à
la maison un thakur-gar (une pièce avec un autel). Guidée par ta grand’mère
j’effectuais quelques petits travaux pour le thakur-gar et je me souviens
qu’elle me disait toujours que j’étais ‘atela’ (maladroite) ou ‘bedisha’
(rêveuse). Un jour elle me chargea de laver un vase de porcelaine et elle
ajouta, comme pour me mettre en garde « Fais bien attention et n’oublie pas de
me rapporter au moins les morceaux. » Je pris le vase et me rendis à la
fontaine pour le laver. Et là, tandis que je parlais à un arbre, le vase m’échappa
des mains et se retrouva en mille morceaux avant même que j’eus conscience de
ce qui s’était passé. Je ramassai les morceaux du vase brisé et je rentrai à la
maison. Ta grand’mère me regarda et me dit : « Qu’est-ce que tu me rapportes-là
? » Je lui répondis : « Tu m’as dit de te rapporter les morceaux du vase, alors
je les ai ramassés. Et les voilà. » Elle ne me gronda pas. Mais elle eut du mal
à réprimer un éclat de rire.
Page 50
Sri Sri Mâ et Swami
Purnananda.
Ou L’aiguille et le
ballon de baudruche.
Après avoir traité
différents sujets avec les personnes présentes, Mâ commença à parler de Swami
Purnananda de Rishikesh.
« Un jour, alors que
j’étais à Rishikesh, Swami Purnananda m’envoya un de ses disciples chargé de me
soumettre, de sa part, une question. Sans doute était-il curieux de savoir si
j’étais en mesure de répondre à cette question. Le disciple s’approcha donc de
moi et me dit : « Mon gurudeva vous demande ‘quelles sont les choses qui
apparaissent dans les rêves’ » Je répondis : « Qui dit ‘rêve’ sous-entend
‘sommeil’. Il y a donc ignorance. Qui peut raconter ce qui apparaît dans l’état
d’ignorance ? D’ailleurs, pour un homme de connaissance, tout n’est que rêve. »
Cette réponse plut beaucoup à Babaji. En effet il vint me trouver peu de temps
après. De mon côté je lui rendis visite dans les semaines qui suivirent. Babaji
était très doué dans de nombreux domaines, dont celui de l’art culinaire où il
excellait particulièrement. Un jour il me dit : « Même si je vous préparais de
nombreux plats de mon cru pendant une semaine entière, je serais encore loin
d’avoir épuisé mon répertoire de recettes. » D’ailleurs, il prépara toutes
sortes de petits plats spécialement pour moi. Quelque temps après, je lui fis
parvenir des rasgulla et des payas d’oranges, deux spécialités que j’avais
confectionnées à son intention. Aussitôt il me contacta pour me demander la
recette de ces deux spécialités. »
Peut-être était-ce
intentionnellement que Mâ avait fait parvenir au domicile même de Swami
Purnananda cette simple vérité selon laquelle, en dépit de l’étendue de ses
talents dans l’art culinaire, il avait encore des connaissances à acquérir dans
ce domaine. Peut-être avait-il besoin de cette leçon. Ce qui est certain en
tout cas, c’est que cet envoi fait par Mâ, n’était pas un simple échange de
courtoisie. Par la suite Elle ne lui envoya plus rien.
Page 51
Présence d’êtres
immatériels.
Ce soir-là, Mâ nous dit,
au beau milieu de la conversation : « Ne croyez pas que vous soyez les seuls à
être présents dans cette salle. Il y a beaucoup d’autres êtres ici. Tout comme
vous, ils sont venus écouter mes paroles. »
Un disciple : « Mâ, vous
n’avez pas rencontré Mauranga Mahaprabhu ou d’autres êtres, ici à Navadweep ?
Mâ ne répondit pas
directement à cette question. Elle dit toutefois : « Quand je vais quelque
part, je rencontre le bhava, l’esprit dominant de l’endroit. »
La discussion se
poursuivit fort tard dans la nuit. Vers 3h30, nous décidâmes d’aller nous
reposer. (A suivre)
(Traduit
de l’anglais par Jean E. Louis)
LA BOULE DE FEU
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
A l'Est est apparu,
Au-dessus des collines,
Le feu aveuglant
De l'astre solaire.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
La boule a oblitéré
Toute vision proche ou
lointaine,
Et, seul, est resté
l'orbe blanc, éblouissant,
Cerclé d'une auréole
dorée.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Autour de cette
apparition
Des strates de nuages,
Gris foncé presque bleu,
Ont envahi l'espace.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Tout est calme alentour.
La vie commence à battre
Doucement, peu à peu.
A l'entrée, le portail
s'ouvre et se ferme...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Le lotissement se vide
De ses habitants
Qui vont, dehors, gagner
Leur pain quotidien.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Les oiseaux, eux aussi,
Sortent de leurs abris
A la recherche d'une
pitance.
Ils volent, affairés,
d'arbre en arbre.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
L'astre de feu a disparu,
Caché derrière les nuages
Qui ont recouvert
Le ciel et l'horizon.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
De son éclatante et
Pulsative lumière subsiste
Un halo visible entre les
nuages.
Le spectacle est fini!...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
La nostalgie de cette
vision
Demeure un long moment,
Douce plainte,
Qui lentement
s'amenuise...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Telle est notre vie,
Faite de grandes joies
Soulevant nos coeurs,
suivies
De regrets, de tristesse
ou d'ennui...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Dès qu'il a vécu cet état
de grâce,
L'être humain devient
difficile...
Il désire, il veut, il
exige
Toujours plus de tout.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Son coeur est insatiable.
Il cherche ce qui peut
Faire battre son pouls,
Toujours plus vite,
toujours plus fort.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Mais, ce faisant, il
souffre.
Il connaît l'attente
douloureuse,
La déception puis la frustration,
Jumelle de l'amertume.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
La boule de feu est bien
loin...
La regarderons-nous
encore?
Pourtant, elle sera là,
chaque jour,
Fidèle et offerte à
tous...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
La joie, enfant de la
Beauté,
Cadeau divin, est partout
Si nos yeux savent la
voir, réconfort
De nos coeurs, assoiffés
de Bonheur...
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Cependant, l'Homme ne
saisit pas
Que ce Bonheur est le
reflet
De lui-même. Il est en
lui.
Il est Lui, tout
simplement.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
L'évidence est toujours
Ce qui nous échappe,
aveuglément.
Alors, apprenons à voir
la gloire
De l'astre solaire en
Nous-mêmes.
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Monique Manfrini,
La Paquerie,
Le 21.09.2010
Pèlerinage au Kailash
Sri Sri Mâ Anandamayî
De Gurupriya Devi
(Volume V - Suite)
Page 30
Dimanche 23 juin.
J’ai du temps devant moi, aujourd’hui. Je vais
en profiter pour relater un fait qui est advenu à Almora, le 14 juin. Ce
soir-là, Bholanath était particulièrement furieux contre Mâ. Pour une banale
histoire de chapeau. Lorsqu’Elle l’a vu dans cet état de fureur, Mâ s’est mise
à battre des mains et à rire aux éclats et puis tout à coup Elle est sortie en
nous intimant de ne pas quitter la pièce. Il nous est arrivé plusieurs fois de
voir Mâ dans un état semblable. Je ne pouvais pas la suivre, je suis donc resté
sur le pas de la porte en me demandant avec inquiétude où Elle pouvait bien
être allée. Elle est revenue peu de temps après. Elle s’est approchée de
Bholanath, qui était encore en proie à la colère et bougonnait à voix basse.
Elle a tendu la main vers lui et a commencé à tourner les doigts autour de son
visage tout en riant aux éclats. Après quelques instants Elle s’est écartée de Bholanath tout en lui disant : « Du
calme, du calme ! Toujours cette folie ! » Je suis incapable de décrire avec de
simples mots son comportement et l’état dans lequel Elle était à ce moment-là.
Tunu, le fils de Prankumar Babu, nous a raconté, par la suite, que lorsqu’il
avait vu Mâ dans cet état effrayant, il avait littéralement tremblé de terreur.
L’épouse de Dwaraka Prasad, de Bareilly, et sa belle-soeur – l’épouse du
D.P.M.G. de Nagpur – étaient assises tout près de là, sur un canapé. Elles ont
croisé le regard de Mâ à ce moment-là. L’épouse du D.P.M.G. m’a dit : « J’ai
entendu, quand j’étais jeune, les descriptions que faisait mon père de la forme
de Kali Devi, » – dans cette région de notre pays, les femmes savent peu de
choses, en général, sur Kali Devi – « Eh bien, moi j’ai vu Mâ prendre une forme
identique ! » L’épouse de Dwaraka Prasad a ajouté : « Quand je l’ai vue dans la
forme qu’Elle a prise à ce moment-là, j’ai réalisé que Mâ était la Mère
Universelle. » Les autres personnes présentes n’ont pas parlé de leurs visions
personnelles. Chacun avait été témoin d’une forme différente.
Une fois encore, Mâ est
sortie brusquement de la pièce, nous enjoignant de ne pas la suivre. A onze
heures du soir tout le monde était parti, excepté Hari Ram. Bholanath était
resté assis, immobile et tout à fait calme. Mais lorsque Mâ est sortie, lui
aussi est sorti, il s’est dirigé vers la route. Sa colère n’était pas
totalement tombée. Dasu Babu s’est alors précipité et l’a retenu par le bras,
mais Bholanath s’est soustrait d’une secousse à son étreinte et a poursuivi son
chemin. Nagen Babu est alors sorti lui aussi et d’autres hommes se sont joints
à lui. Ils sont parvenus à retenir Bholanath. Mâ était sans doute allée faire
le tour du temple et des édifices adjacents. Quand Elle a vu sortir Bholanath,
Elle l’a rattrapé et l’a dépassé à la vitesse de l’éclair. A ce moment-là, nous
nous sommes précipités dans sa direction, mais nous n’avons pas pu la
rejoindre. Bholanath, quant à lui, était prêt à revenir, après que nous l’ayons
tous raisonné et persuadé de nous suivre. Hari Ram, Swamiji et moi-même, sommes
ensuite partis à la recherche de Mâ et sommes arrivés jusqu’à l’édifice du
grand temple. Hari Ram a monté l’escalier qui menait au parvis, tandis que je
l’attendais en bas. Et il a trouvé Mâ qui allait et venait devant les portes du
temple. Quand Elle l’a vu, Mâ a dit : « Allez vous-en tous d’ici et dites à
Bholanath qu’il retourne à sa place,
autrement je pars immédiatement pour le Kailash ! Vous pourrez me rejoindre
plus tard avec lui. » Hari Ram venait d’être témoin de la forme de Mâ et avait
entendu ses ordres stricts. Lorsqu’il est redescendu, il tremblait
littéralement de peur. Le regard perdu, il est allé informer Bholanath de ce
qui venait d’être dit. Celui-ci avait parfaitement connaissance des différents
états et des différentes formes que Mâ pouvait adopter. Il était déjà retourné
dans sa chambre où il s’était étendu après s’être emmitouflé dans une
couverture. Alors nous nous sommes assis tranquillement. Mais la nuit était
déjà fort avancée et Mâ se trouvait encore dehors. Swamiji attendait dans la
rue, ne sachant s’il devait rentrer ou s’il devait rester là. Il était
incapable de décider quoi que ce fût, tant il avait été bouleversé par les
ordres qu’avait donnés Mâ. Entre-temps, Mâ est descendue du temple puis Elle
s’est dirigée vers Swamiji et lui a demandé pour quelle raison il se trouvait
là, dans la rue. Puis me voyant aller et venir entre l’intérieur et
l’extérieur, Elle m’a appelé et m’a dit : « Vous en savez suffisamment, alors
pourquoi sortez-vous sans arrêt ? Rentrez maintenant et allez dormir. Moi je
rentrerai quand je le déciderai. » Alors j’ai rejoint les autres à l’intérieur
et je me suis assis tranquillement. Ceux qui avaient vu cette forme de Mâ, se
sentaient maintenant comme hébétés. Ces adeptes qui, pour autant qu’ils se
souviennent, ne l’avaient jamais vue aller contre la volonté de Bholanath, mais
qui l’avaient toujours vue s’efforcer de satisfaire chacun de ses désirs, dans
quelque situation ou quelque endroit que ce fût, ces adeptes, qui aujourd’hui,
avaient vu Mâ sous cet aspect et cette forme qu’ils ne lui connaissaient pas,
étaient totalement abasourdis, partagés entre la peur et la stupéfaction.
Quelques instants plus
tard, Mâ est entrée dans la salle, comme si de rien n’était. Elle s’est avancée
en souriant et a dit : « Pourquoi êtes-vous encore assis ? Vous n’avez donc pas
sommeil ? » Puis Elle a demandé : « Et Bholanath ? Il dort ? » L’épouse de
Naren Babu a répondu : « Oui Mâ, Baba s’est endormi. » Mâ a répliqué : « Pas du
tout. Très bien, allons voir » et Elle s’est mise à rire. L’épouse de Naren
Babu est la personnification même de la franchise et de la simplicité, tout
comme son époux, qui a toujours été comme un enfant, en présence de Mâ. Mâ
s’est alors adressée, en langue hindi, à l’épouse de Dwaraka Prasad et à la
belle-soeur de celle-ci : « Comment se fait-il que vous aussi vous soyez
restées assises ? Vous ne voulez pas dormir ? » L’une d’elles a répondu : «
Pourquoi ne voudrions-nous pas dormir ? » Mâ a répliqué : « Eh bien allez
dormir. » L’épouse de Dwaraka Prasad a dit tout simplement : « Mâ, vous êtes la
Mère Universelle. » Puis elles ont posé la
paume de leurs mains par terre, et ont fait le pranâm aux pieds de Mâ.
Mâ a eu comme un petit
geste d’impatience. Elle s’est levée puis Elle est rentrée. Je l’ai suivie.
Elle s’est approchée des lits de Manik et de Tunu et leur a dit : « Vous dormez
? » Ils se sont alors réveillés, puis ils se sont levés et se sont approchés de
Mâ. Elle a parlé avec douceur : « Comment cela a-t-il pu arriver...etc. » Elle
semblait vouloir maîtriser un certain élan mais sa nervosité était évidente.
Tunu, l’épouse de Dwaraka Prasad et sa belle-soeur, avaient croisé le regard de
Mâ au moment précis où un influx particulièrement sauvage semblait sortir de
son être intérieur. Peut-être était-ce cet échange furtif d’un regard qui avait
atténué sur-le-champ l’élan impétueux qui était le sien. En effet, Elle s’était immédiatement contrôlée puis
avait quitté rapidement les lieux. Que se serait-il passé s’il n’en avait pas
été ainsi ? Le lendemain même, Bholanath déclara qu’il était hors de question
qu’il se rende au Kailash. Alors Mâ nous a regardés et nous a dit : « Attendez,
je vais aller apaiser mon Gopal. » Elle est allée le trouver et Elle s’est mise
à lui parler de toutes sortes de manières pour parvenir à le convaincre, ce qui
a été le cas, car il a finalement consenti à prendre part au voyage. Après quoi
Elle est rentrée pour boire un verre de lait. La mystérieuse lîlâ de Mâ est
insondable !
Nous avions désormais à
notre disposition six coolies par dandi, ce qui était appréciable, car les chemins allaient être de
plus en plus difficiles et dangereux. Six autres coolies allaient s’occuper des
bagages. Un dandi avait été loué pour l’usage personnel de Tunu. Les
commentaires des gens allaient bon train, car à part le raja de Mysore,
personne d’autre ne s’était rendu au Kailash avec un groupe de personnes aussi
important. Tout avait été préparé avec une grande rigueur. Avec l’aide, entre
autre, de Mate, le chef de l’ensemble des coolies. Vers minuit, tout le monde
est allé se coucher.
Parvati nous accompagnait
tout le temps. Sa nature simple, naturelle et franche est digne d’être
mentionnée. Parfois, comme une petite enfant, elle prenait la main de
Bholanath, comme si elle avait peur qu’il se passe quelque chose en cours de
route. Elle devait avoir vingt-cinq ou trente ans mais elle n’était ni timide,
ni farouche. On aurait dit une amie de longue date.
Page 18
Lundi 24 juin
A sept heures du matin
nous nous sommes mis en route pour Khela. Une dizaine de miles à parcourir. Le
chemin était très accidenté. A un certain moment Mâ est descendue de son dandi,
nous conseillant d’en faire autant car, nous a-t-Elle dit, le risque de
basculer à terre était sérieux. J’ai marché aux côtés de Mâ, à quelque distance
des autres. Puis Mâ s’est assise sur un rocher et a commencé à chanter. Une
mélodie en langue bengalie dont le leitmotiv était : ‘Reviens, reviens dans ta
demeure’.
Une mélodie magnifique
qui coulait doucement des lèvres de Mâ, dans ce lieu merveilleux.... Cela a été
pour moi un moment extraordinaire. Puis le reste du groupe nous a rejoints et
tous ensemble nous avons poursuivi notre chemin. Nous avons rencontré, sur le
parcours, Ruma Devi, une femme que tout le monde connaît ici. C’est une
disciple de Sri Sri Sarada Mâ. Je l’ai vue très heureuse d’avoir le darshan de
Matâjî. Elle nous a tenu compagnie jusqu’à Khela, où nous sommes arrivés aux
environs de treize heures. Le Gange rugissait en contrebas du chemin. Sous la
conduite protectrice de Kali, il roulait en toute hâte au-devant de son destin.
Insouciant des écueils, bravant les
obstacles, il les contournait et se lançait dans des virevoltes emportées, pour
repartir de plus belle, dans un éclat de rire sonore et joyeux, à la rencontre
du grand océan. J’avais la conviction profonde que les accents de Kali, mêlés
aux flots tourbillonnants, étaient en train de hurler aux humains la façon dont
ils auraient dû aller à la rencontre du Divin.
Ruma Devi s’est arrêtée
avec nous à Khela. C’est une sannyâsini. Elle est d’une nature très calme. Sa
demeure se trouve par là, quelque part au milieu de ces montagnes. Elle a reçu
la dîkshâ de Sri Sri Sarada Mâ, un an avant que celle-ci ne quitte son corps.
Son ashram se trouve précisément à Khela. Elle y reçoit de nombreux pèlerins à
qui elle prodigue son aide sans compter. Le service est d’ailleurs l’idéal
qu’elle poursuit avec constance et ferveur. Narayan Swami de Mysore vit
également dans cet ashram. Elle a de nombreux disciples, dont la majorité des
femmes qui vivent à la mission d’Almora. Les femmes de la communauté des
collines qui sont venues avec nous à Almora, ne manquaient jamais de rendre
visite à Narayan Swami et à Ruma Devi, lorsqu’elles étaient de retour du
Kailash.
Ruma Devi doit avoir une
soixantaine d’années. Elle est restée aux côtés de Mâ pendant très longtemps et
ne manquait jamais de se confier à Elle. Et maintenant elle a exprimé le désir
de vivre quelques jours aux côtés de Mâ, dans le but de parvenir à la paix véritable.
Elle a passé la nuit assise près de Mâ dans notre minuscule dharmashâla. De
nombreuses fois elle a dit son bonheur d’avoir le darshan de Matâjî. Elle a
déclaré qu’elle éprouvait la même joie qu’elle aurait éprouvée aux côtés de sa
propre mère. « Je n’ai jamais connu de plus grand bonheur de toute ma vie ! »
a-t-elle affirmé.
Page 22
Vendredi 27 juin
Ce matin, à six heures,
nous nous sommes acheminés en direction de Malpa, à sept ou huit miles d’ici.
La journée s’annonçait plutôt mal. Aucun d’entre nous n’avait pris place sur
les dandi, car le chemin était tellement accidenté qu’il était très difficile
de s’y déplacer, même à pieds. Mais malgré les difficultés et avec l’aide des
coolies, nous sommes tout de même arrivés à bon port. A treize heures trente
exactement.
Le parcours avait été
magnifique. De très belles cascades agrémentaient le paysage. Mais nous
n’étions guère en condition d’apprécier le décor à sa juste beauté. Nos jambes
tremblaient de fatigue et le soleil flamboyait au-dessus de nos têtes. Nous
craignions une chute à tout moment. Les difficultés auxquelles nous nous
heurtions n’étant sans doute pas suffisantes, il nous a fallu également nous
mesurer à un obstacle...vivant : un troupeau de moutons qui avait emprunté le
même chemin que nous ! En sens inverse ! Et chaque mouton portait une lourde
charge ! Un flot à double sens, voilà qui décuplait les difficultés ! Et ce
n’était pas tout...Par endroits, le chemin était détérioré. Apparemment aucun
entretien d’aucune sorte n’était en cours. On nous a raconté, à ce propos, que
lorsque le Radjah de Mylore avait effectué ce même trajet cinq auparavant, le
Gouvernement s’était empressé de remettre le chemin en état. Mais après cela
plus rien n’avait été fait.
Aujourd’hui, tandis que
nous progressions, Mâ est venue me voir plusieurs fois pour me dire de garder
un oeil sur le dandi de Baba. En tête de la troupe Elle a même dit : « Khukuni,
reste avec Baba, il est en arrière. » Je ne comprenais pas pourquoi Elle me
faisait toutes ces recommandations. De toutes façons, tous les jours le dandi
de Baba était en queue du groupe. Quoiqu’il en soit, peu après, le dandi de Mâ
a été heurté par un éboulement de pierres. Le dandi a été renversé mais Mâ n’a
pas été blessée. Le dandi était inutilisable. Matâjî a déclaré : « Je savais
qu’un dandi allait avoir un accident aujourd’hui. Heureusement que c’est le
mien qui a été touché. » Peu après, le dandi de Baba a été également frappé par
des pierres, mais Baba, fort heureusement, était indemne.
Aucune boutique, pas la
moindre échoppe à Malpa. Nous n’avons donc pas pu nous y approvisionner en
nourriture. Mais nous avons réussi à nous procurer du bois de chauffage. Et il est vrai que nous
avions apporté de la farine et des pommes de terre, de Dipti. Le soleil était
déjà couché lorsque nous avons terminé le repas que nous avions eu quelques
difficultés a préparer. En effet nous étions obligés de cuisiner à l’air libre
où le vent qui soufflait nous compliquait la tâche. Sans parler du fait que
nous étions tous épuisés.
Le local que nous avons
obtenu était encore plus délabré que celui de Dipti. Nous nous sommes arrangés
tant bien que mal pour nous abriter à tout le moins de la pluie. Le sol était
couvert de poussière et jonché de crottes de chèvres et autres détritus. Nous
avons étendu nos cirés à même le ciment et nous nous sommes préparés à passer
la nuit dans ce nouveau refuge. Les sangsues sévissaient dans cette région.
Elles infestaient littéralement le local. Et nous ne pouvions rien faire car
nous n’avions aucune alternative.
Les difficultés du voyage
ajoutées à celles de la montée particulièrement rude, ne nous avaient laissé, à
tous, que bien peu d’énergie pour seconder Matâjî. Les conditions de Jyotish
Dada n’étaient guère rassurantes. Il n’y a que Bholanath qui est arrivé en
bonne forme. Il a déclaré : « Je n’ai pas trouvé le parcours difficile
aujourd’hui ! » Dehors il bruinait, mais nous nous étions arrangés pour ne pas
être mouillés. Nous avons dû nous endormir aux alentours de minuit. Dans ces régions
là, la menace des mouches augmente avec l’altitude. Et si les nuits sont
froides, les journées, elles, sont très chaudes. (A suivre)
(Traduit
de l’anglais par Jean E. Louis)
Satsang avec Vijayânanda
(Recueilli à Kankhal par Brigitte Reynaud-Duport)
Questions posées à SWAMIJI VIJAYANANDA en août
2008
Q : Face à la misère que
peut on faire ?
R. Il faut avoir de la compassion, c’est leur
karma. Donnez oui mais, dans ce cas, peu d’argent avec beaucoup de coeur et,
non l’inverse.
Q : Comment se protéger
d’une personne qui diffuse le mal ?
R. En ayant un bon karma. Ne faire que du bien
et le mal ne vous atteint pas.
Q : Pourquoi a-t-on peur
du Soi et comment éloigner cette peur ?
R. Pourquoi avoir peur?
Peur de quoi, on n’a pas à avoir peur quand on est dans le lien.
Q : La mort ?
R. Notre karma est programmé
ce n’est pas le nombre de jours mais de respirations qui comptent.
Q : L’injustice
existe-t-elle ?
R. Avant il y avait un
Tout, Tout était Un, puis il y eût la dualité : le blanc et le noir, le soleil
et l’ombre, le bien et le mal, il y a injustice parce qu’il y a justice.
Q : Quelle position
adopter devant quelqu’un qui a commis un crime ?
R. C’est son karma, il
est puni par la privation de liberté, il faudra avoir pour lui de la
compassion.
Q : Histoires de MA
ANANDAMAYI ?
R. Elle a autorisé les femmes à sortir le soir,
pour prier elles restaient là, à dormir.
Un jour, on entendit des
cris «Tuez le, tuez le» les femmes tapaient sur un homme qui avait volé des
bijoux sur des femmes endormies.
L’homme avait une plume
dans la main et leur chatouillait les narines : si elles bougeaient, il passait
à la suivante, si elles ne bougeaient pas, elles étaient dans un sommeil
profond....
MA intervint : « Si on
appelle la police, il ira en prison dès qu’il sortira, il recommencera.... »
Elle a convaincu les
femmes de le laisser libre.
Elle a travaillé sur lui
pour lui faire payer par les remords.
Q : Pour la relation
difficile entre les enfants et leurs parents ? :
R. C’est leur karma. Un
exemple : un couple attend un enfant, à la naissance de la fille celle-ci hait
sa mère. Elle était amoureuse de son père dans une autre vie. Elle s’est
réincarnée et a jalousé sa mère toute sa vie.
Q: L’inné ou l’acquis
dans la vie ?
Ma fille Maïa, adoptée, a
retrouvé sa soeur biologique, elles se sont quittées Maïa avait 12 jours et
Blui sa soeur, 1 an.
Elles ne se sont pas
connues, elles ont pourtant des mimiques semblables et des gestuelles communes?
R. Elles étaient soeurs
dans une autre vie.
Q : Attitude de colère
vis à vis de nos enfants ?
R. Il en faut c’est
nécessaire mais il ne faut pas en être affecté, il faut jouer la colère.
Q : Les mantras ?
R. Réciter des mantras
fait circuler les énergies, par la force du mental on peut faire exploser un
pont. [Peut-être Swamiji évoque-t-il la force croissante de la répétition
concentrée, comme dans l’histoire de cet accident du régiment qui marchait au
pas sur un pont déclenchant une onde s’amplifiant et qui a fini par le faire
s’effondrer].
Le gourou parfait qui
vous donne un mantra vous ouvre l’éveil et il y a un lien d’éternité entre lui
et vous. Mais le gourou parfait c’est le Tout, c’est Dieu.
Le Maître donne un mantra
au disciple en fonction de son éveil.
Q : L’évolution de
l’homme et le divin ?
R. Avant le Tout était
Un. La dualité est apparue avec l’homme et le chemin c’est de revenir au Tout,
le chemin vers le Divin.
C’est un jeu. On
redécouvre l’éveil qui vous conduit vers le Tout. Mais le jeu de la vie c’est
accepter cette dualité et jouer avec pour choisir le bon karma.
Q : Le bien et le mal ?
R. Celui qui fait du mal
à l’autre, voit le mal se retourner contre lui.
Il faut avoir de la
compassion, il le paiera dans cette vie
ou dans une autre.
Les miséreux, malades,
handicapés payent dans leur karma les erreurs passées, même d’une autre vie.
Q: Le péché originel ?
R. C’est sexuel. Dieu
avait dit ‘tu ne toucheras pas à l’arbre de la connaissance’. L’homme a
désobéi. Il est condamné à faire le bien sinon il ira en enfer (selon les
chrétiens). L’homme n’a qu’une vie pour gagner son paradis, selon les
chrétiens.
Q : Peut-on changer son
karma ?
R. Exemple ma soeur. J’avais lu qu’elle mourrait
à 60 ans; Elle a vu MA avant... elle a 92 ans, un an de moins que moi : son
karma a changé.
Q : La fin du monde ?
R. Elle va se produire,
la terre va être détruite et l’homme aussi. On retournera au néant d’où l’on
vient du Tout, de deux cellules, de la dualité.
Je souhaitais un cadeau
de sa part, j’ai été comblée j’ai reçu un prasad, une banane et un paquet
d’encens, puis un tapis de méditation béni par Swamiji «Bonne méditation»
dit-il.
Il a béni les photos de
MA: «Je la préfère jeune plutôt que de la voir âgée» a-t-il dit en souriant.
Q : Pour ma fille de 6
ans est-ce que je dois la faire méditer ?
R. Non, dirigez-la sur le
chemin, quelle que soit la religion, elle aura besoin d’un maître, pour ne pas
faire d’erreurs après... c’est son coeur.
Q : Comment peut-on
détourner les ados des phénomènes destructeurs, drogues, alcool ?
R. Par l’éducation, en
leur expliquant que c’est mauvais pour eux. J’ai connu une jeune fille qui
allait aux USA, elle s’est droguée (c’était une grande famille indienne), elle
avait bon cœur et elle aimait beaucoup Ma, elle lui avait même demandé de lui
passer sa maladie quand Ma était âgée et souffrante. Cette jeune fille a fait des cures de
désintoxication, je ne sais pas si elle s’en est sortie, je ne la vois plus.
Q : Comment parler de
Dieu à un enfant ?
R. Lui dire qu’il est là,
dans son coeur.
Q : Comment aider
quelqu’un dans la souffrance ?
R. Lui dire que c’est son
karma. Quelqu’un qui a perdu un enfant souffre pendant un an et puis après il
s’en remet à la prière.
Q : Jésus a-t-il eu des
disciples en Inde ?
R. Certains disent qu’il n’est pas mort sur la
croix, qu’il serait venu en Inde, qu’il aurait eu une femme. Il y a son tombeau quelque part.
A Bénarès, l’ashram de MA
avait une avancée au-dessus du Gange. Il y avait des fissures. Didi ne voulait
pas détruire cette chambre. MA lui indiqua le sens des fissures. Didi fit
mettre de gros cailloux, mais finalement elle dut se rendre à l’évidence, et
cette partie de bâtiment fut détruite.
Q : Certains disent que
la fin du monde va intervenir en 2012 car le calendrier Maya s’arrête à cette
date, qu’en pensez-vous ?
R. Vous avez dit la
planète ne sera plus et l’homme non plus, je pense que la fin du monde est
encore loin. Il ne faut pas croire à tout.
En l’an 1000, les curés
ont fait croire à la fin du monde, tout le monde leur a donné leurs immeubles.
Puis en l’an 2000 ce sont
des foutaises.......On peut aussi tout à fait penser que nous sommes à la fin
du Kali youga et commençons l’âge d’or.
Q: Que faut-il faire pour
avoir un bon karma ?
R. Faire des choses
justes, pour les faire c’est comme pour un oiseau il faut deux ailes :
Une aile de l’amour, une aile de la
connaissance.
Pour les guérisseurs,
géobiologistes ou ceux qui emploient des pouvoirs, Il faut faire des mantras de
protection.
Q : Pourquoi certaines
personnes souffrent-elles ? Pourquoi
a-t-on besoin de souffrir pour rechercher l’éveil?
R. Le divin est amour, il
vous envoie de la souffrance pour vous réveiller c’est un jeu, mais lui-même
souffre aussi parce qu’il vous aime.
Q : Qu’est ce qui
conditionne votre vie future ?
R. Votre dernière phrase ou pensée avant de
mourir.
Q : Quel est le meilleur souvenir que vous
gardez de quand vous étiez petit ?
R. J’étais très religieux
très exemplaire, on me montrait en exemple.
Q : Comment prendre un
mauvais chemin ?
R. En partant dans
l’illusion comme un enfant face à un miroir, il veut embrasser le petit garçon
qu’il y aperçoit,et il s’y cogne le nez.
Quelques notes à bâtons
rompus :
- Il n’y a rien de plus
terrible que l’ennui.
Ne pas se vanter.
Le bonheur c’est faire Un
avec le Divin en vous, indépendamment de la souffrance.
La joie [émotionnelle],
ce n’est que la réflexion du Bonheur fondamental, image non permanente.
On sent les émotions des
autres, sans en être affecté, c’est le jeu du divin.
Les sages jouent avec
Dieu, il n’y a pas de monde sans dualité.
Pour MA le bien et le mal c’est Dieu, Dieu est
un Tout, quelque part il ne peut avoir conscience de lui même, comme l’oeil il
ne peut pas se voir.
Voir en l’autre le Divin.
Le mal, c’est le Divin
voilé.
Le monde ce sont des
vibrations, il faut «quelqu’un» pour faire exister le monde.
Les choses ne sont jamais
les mêmes entre les personnes, elles ont changé mais on projette le souvenir de
la personne.
Le temps n’est pas une
matérialité il n’existe que dans un mouvement.
L’espace existe mais s’il
n’y a pas de mouvement, il n’y a pas de valeur substantielle.
Un désir concentré se
réalisera...
Désir contre son karma.
En Inde le Rishi est un
homme parfait, cependant il peut dégénérer.
L’ego n’a pas de vouloir
seul, le pouvoir divin passe par son canal.
La sadhana, peut
développer un pouvoir de guérir les autres, mais avec le risque de bloquer
l’énergie reçue, ceux qui perdent l’énergie ne peuvent plus progresser dans la
vie spirituelle.
Emotion, compassion, joie
et détachement (voir la lumière divine en l’autre).
La pitié, ne donne pas de
joie : c’est l’identification à la souffrance, on souffre, soi.
Relâcher l’attachement à
ses enfants afin d’être sévère.
Pour trouver l’équilibre
entre la société et l’éducation, il faut du doigté.
La colère détruit le
corps subtil.
Dévier la douleur de
l’endroit douloureux soulage, ou bien un mantra améliore l’état mental.
On doit avoir un mantra
pour vivre avec et canaliser le mental.
Quand on réveille le Soi,
on peut tout faire pour soulager la douleur, cela touche à la profondeur
spirituelle.
Il n’y a rien de plus
terrible que l’ennui.
L’ennui c’est la
solitude, le manque d’amour, pour le combattre, se mettre à aimer un Sage.
La nature a horreur du vide,
le mental aussi, si on peut faire face au Vide, on touche à l’Eternel qui est
le vide parfait.
Développer un attachement
à MA, penser à elle, et l’amour viendra.
Le Gourou vous apprend à
vous détacher du mondain, après il vous rejettera sur vous-même.
La dévotion c’est s’unir,
jouer avec les émotions et ne pas être le jouet des émotions,
Dès qu’elles arrivent,
avoir la maîtrise des émotions, c’était le conseil de MA.
Le Karma est individuel, les parents
transmettent les gènes.
Quand les gens sont rassemblés au même endroit,
c’est leur karma antérieur qui les amène là.
Pendant la guerre c’était
un sport pour moi, de pouvoir rouler l’occupant. J’étais à Marseille et je
n’avais pas une once de peur. « Il a un tel culot qu’il ne peut pas ‘être juif’
» pensaient-ils.
Même en camp de
concentration, être heureux ou être en paix avec soi-même.
Avec un animal sauvage,
il faut un contact, jamais de peur ou d’agressivité.
Les gens qui vous mettent
mal à l’aise, c’est en fonction de votre karma.
Quand on est en grande souffrance, c’est dû à
notre karma antérieur.
Le corps subtil ?
Le Soi est parfait et
omniprésent, à cause de cela l’être réalisé ne va nulle part au moment de la
mort. Par contre, les autres gens sont encore identifiés au corps astral ou
subtil lors du grand passage, ils sortent comme une fusée dirigée par les
derniers désirs comme par une rampe de lancement, et ils atteignent un autre
corps sur cette lancée. La conscience divine contient tous ces désirs.
Bon karma = joie
Mauvais karma =
souffrance
Pour effacer le mauvais
karma, il faut faire un bain sacré dans le Gange, disent les pandits de
Bénarès. Dans le bain, les péchés s’accrochent à l’arbre, mais les mauvaises
langues disent aussi que quand vous sortez, ils reviennent.
On peut prier pour aider
les suicidés à se sortir de leur mauvais karma, c’est ce qu’on dit dans le
Bhagavata purana, qui est consacré à l’histoire de Krishna
Le bonheur réel vient avec la paix intérieure
authentique.
Presque tous les
problèmes ne peuvent être résolus par l’argent, connaître le fonctionnement de
son mental permet d’être heureux.
Le karma est produit par
l’attitude mentale et non par l’acte.
Echapper à la souffrance,
c’est prendre conscience du Moi éternel.
Le Soi ne peut pas se
voir.
Au début il a fait la
dualité pour se voir, pour y échapper.
A la fin du cycle, on ne
va nulle part, on est identifié au Soi Suprême.
Lire le livre de
Jean-Yves LELOUP, il est très bien «Yoga et union»
Dans le couple on peut
trouver son masculin intérieur.
On va dans le monde dans
lequel on se trouve quand on meurt, en fonction de notre dernière pensée.
Ce n’est pas si facile de
se suicider, au moment de mourir, c’est la terreur, ce qui nous met dans un
état négatif, et on revient avec un mauvais karma.
Si on est convaincu que
le suicide est pour une bonne cause, on revient avec un bon karma (si c’est
vrai).
Pour lutter contre la
colère, il faut réciter des mantras.
La racine de la colère,
c’est le mental.
Se libérer de la colère,
c’est faire cesser les mouvements du mental.
Vipassana, nous
l’apprend, cela nous révèle la prise de conscience pour tenir le coup.
Pour la sensation de
peur, il faut conserver son sang froid afin de réagir.
Si on se laisse aller à
la sensation pénible, cela donne l’addiction.
La colère c’est un coup
de fouet sur le muladhara (au centre du périnée) qui réveille la kundalini.
MA pensait que la colère
déchire le corps subtil.
Le muladhara contient la
force de réserve, la colère ‘re-énergétise’ le muladhara.
Habituellement, la joie,
c’est dans le lien aux autres, c’est aussi l’éveil des nadis, puis la maîtrise
du mental.
L’ennui, c’est l’absence
d’émotion, il faut jouer avec les émotions, ne pas en être le jouet, ne pas en
être la racine.
La peur est la racine de
toutes les émotions, elle est basée sur l’instinct de conservation.
Nos désirs nous ramènent
dans telle famille, selon la graine que l’on a de nos désirs.
Le karma, c’est dès la
conception.
Le foetus qui est
avortement peut correspondre à un sage qui avait peu de karma, et qui est
retourné très brièvement pour l’épuiser.
Le corps subtil flotte
dans des conditions intermédiaires à la recherche d’une réincarnation.
Le Soi est immortel, par
le corps subtil.
MA n’avait pas de karma,
elle était un prolongement du Divin.
Le corps subtil est un
conglomérat de désirs, la conscience est éclairée par la conscience divine,
c’est cette réflexion qui lui donne Vie.
L’ego = l’intellect
illuminé par la conscience divine réelle.
Ego - intellect +
conscience divine.
Dans la création, le
Suprême crée l’ingénieur qui est divinité créatrice [Visha-karma, ‘l’ouvrier du
monde’].
Avant c’est la conscience
divine, ensuite c’est l’origine de la création, la dualité.
La viande encombre les
nadis, gêne la vie spirituelle qui devient plus difficile.
Le jeu du créateur, c’est
de nous faire croire que tout est transitoire, d’où la recherche de la vie
spirituelle et du divin.
MA n’avait jamais de
manque.
Même lorsqu’elle a cessé
de se nourrir, elle ne manquait de rien, c’était la responsabilité des
disciples de la nourrir.
Une question posée à MA :
« Pourquoi êtes-vous si proche des gens ? »
Réponse : «Parce que je
suis vous.»
Les gens dans le Soi sont
libérés ou se réincarnent dans le Soi subtil.
L’amour le plus subtil et
pénétrant est celui du Gourou pour le disciple.
L’arme spirituelle c’est
la liberté, qui est d’autant plus grande que la période de choix possible avant
le passage à l’acte est plus longue.
Dans la Réalisation, il y
a tout, mais il faut cependant une grande maturité pour la prendre au sérieux.
Il faut être capable de supporter cette joie.
La beauté, cela éveille
la joie dans le coeur.
VIJAYANANDA = la Joie de la victoire
Les vagues mentales ont
quelque chose de matérielles, elles ne disparaissent pas.
On est un individu qui
échange avec les autres, avec d’autres vibrations mentales.
Le pouvoir on l’a en soi,
on n’a pas à le prouver.
L’artiste a une
inspiration divine.
Vous savez pourquoi on se
marie ? Pour avoir quelqu’un avec qui se bagarrer.
Gourou et disciple
échangent des paroles indirectes.
Vie pure, calme, jamais
en colère.
Eveil intérieur, le
shaktipath, quand j’ai vu en premier le Gourou. Je n’ai en fait pas vu la femme
en MA, je ne l’ai vue qu’après.
C’est un psychiatre de
Paris qui m’a préparé à l’éveil spirituel, mais la vraie conviction est venue de shaktipath, la vraie
initiation, lors de la rencontre avec Mâ. Après, tout est évident, cependant
une forme est nécessaire au début.
Le mont MERU dans
l’Himalaya, le Divin vous manipule par la joie, c’est l’opium des Sages.
Pour MA, Jésus est un
grand sage, mais il y en a d’autres....
Q : Peut-on communiquer
avec les morts ?
R : Ce n’est pas bon pour
eux, ils ont des étapes à franchir, cela les fait revenir, il faut les laisser
en place. On peut y penser et c’est tout.
Q : Que faire lorsque
l’on a une mère nocive ?
R : C’est son karma, il
faut, pour s’en protéger, réciter des mantras.
Q : J’ai eu des relations
terribles avec ma mère et cela m’empêche de bien recevoir.
R : Il faut chercher la
racine de ce problème et savoir pourquoi cela empêche de recevoir.
Q : Etait-ce son karma
d’être perverse, même avec les autres frères et soeurs ?
R : Cela a été le karma
de chacun des frères et soeurs d’avoir été là, avec elle.
Q : Quand on est en mort
clinique et que l’on revient avec le souvenir de la «lumière»...?
R : C’est un autre état
de conscience, comme les gens qui sortent de leur corps.
Il raconte encore:
Lorsque j’étais à
Dhaulchina, dans l’ashram aux pieds de l’Himalaya, il n’y avait au village
qu’un seul épicier qui fermait souvent son négoce pour aller travailler aux
champs. Quand j’avais besoin de quelque chose, je l’appelais en télépathie pour
lui demander si sa boutique serait ouverte, il me répondait et cela
fonctionnait.
Un jour j’étais à Delhi,
je savais qu’AMMA était là, j’ai été la voir à son darshan public, mais je
sortais de l’hôpital, et j’étais tellement fatigué que je n’ai rien ressenti.
Cependant j’ai perçu qu’elle était un très grand Sage, peut-être la seule après
MA, elle s’est révélée après la mort de MA.
Vijayânanda continue : Un
autre jour j’étais à l’hôpital en Inde, une des mes amies qui vient souvent,
présente ma photo à AMMA à son darshan qui avait lieu alors à Paris, en lui
disant que j’étais malade, et en s’écriant : «Guérissez-le». Amma s’est exclamé
« French Swami ! » et a pressé un pétale de rose sur ma photo. Ce qu’il y a
d’étonnant, c’est qu’il s’y est collé et l’est resté depuis, je le sais car je
l’ai reçu et l’ai gardé.
Non, je n’ai pas envie de
me réincarner. (A suivre)
Témoignage du peintre François Sylvand
Merci Geneviève
(Mahâjyoti)
J'ai bien fait de mettre
dans mon coeur quelques personnes dont le
charisme est généreux et
la distance n'a plus aucune importance.
Les paroles que tu m'as
transmises sont précieuses, elles me parlent
et m'éclairent sur ma
voie qui est la peinture, j'en suis maintenant
convaincu, et j'ai trois
valises d'outils, trois béquilles comme :
un trépieds qui se joue
des accidents du sol pour m'y tenir debout ,
bien droit et
responsable;
le Yoga Vipassana pour
faire le vide et laisser le plus de place
possible à la grâce du
"Soi" ;
le chamanisme pour ancrer
les expériences dans des sensations en
dehors du mental ;
les loges de perfection
maçonnique pour comprendre ce qui se passe
dans ma cervelle
d'occidental et lui permettre d'accepter que c'est le
coeur qui commande ;
les paroles de Jacques
Vigne et celles de Vijayânanda me vont donc droit
au coeur et me confortent.
Moins je calcule et plus
j'essaye d'être pur face à mon ouvrage et
plus celui-ci devient
magique sous ma main.
Je suis le premier
émerveillé de ce qui s'offre sous mes doigts :
"Moi l'enfant gâté
à qui il est offert
d'aller à la vitesse de la lumière,
à la vitesse de l'oiseau,
à celle de l'eau, à celle
de la montagne,
à celle du reflet fondu
dans l'instant du présent cadeau
brillant sur le chemin,
ce n'est plus de l'eau
c'est une étincelle
et, du pinceau je
"margoche" dans de la gouille et je suis dans le ciel
un pied dans la mare et
j'entre dans le ciel, même pas mouillé,
"gamin!"
Que me vaut tant de
bonheur?
Qu'ai-je fait pour
mériter tout cela?
Que la montagne me pousse
du coude et me décoche un grand sourire
quand ma robe de couleur
lui convient.
Que la lumière me montre
ses dessous et s'enfuie en riant.
Que les arbres du parc me
retiennent par la manche et me disent de
me calmer.
Alors comme Jean de la
Croix, je ne veux rien d'autre, je suis au
paradis dans le silence
amoureux du pinceau,
"au travail!"
A travers la vitrine j'entends
un môme dans la rue dire à sa mère:
-"T’as vu! Il met du
jaune à côté des nuages!"
-"Chut!"
Je t’embrasse très fort -
François - (05-05-2010)
Nouvelles
- Sans doute la plupart d’entre vous ont
reçu l’annonce de la méditation de Guru-Purnima au samadhi de Vijayânanda au
Père Lachaise. Pour ceux qui n’auraient pas été informés, voici le message :
« Bonjour à tous,
Le 15 juillet 2011, nous
fêterons ensemble à 11h au Samadhi de VIJAYANANDA à Paris, GURU PURNIMA.
Guru Purnima est une fête
hindoue, dédiée à tous les enseignements
spirituels, de toutes confessions, et
plus particulièrement aux SAT GURU, les INSTRUCTEURS DE L'HUMANITÉ.
Swami Vijayânanda
attachait une importance toute particulière à ce jour-là.
A cette occasion, Izu sortira les Paducas
(sandales) de MA et celles de VIJAYANANDA, qui seront posées sur le Samadhi
pendant la cérémonie.
Les Paducas de MA ont été
données à Izu en 1988 par Swami SWARUPPANANDA, meilleur ami de Swami
Vijayânanda et Guru de Pushparaj.
Les paducas de
VIJAYANANDA lui ont été données par lui-même il y a quelques années.
Vous êtes tous les
bienvenus.
En prologue de la
cérémonie, voici deux Paroles de Swami Vijayânanda et leur contexte :
"...On imagine que
sa route est la meilleure, ce n’est pas vrai,
C’est le défaut de
beaucoup de religions.
Une fois au sommet, vous
voyez toutes les autres,
Comme ça, vous serez à
l’aise dans toutes les atmosphères.
Ce qui est mauvais, c’est
l’intolérance.
Les gens qui ont de vrais
bhavs (émotion de base, couleur émotive) religieux, sont tous frères et sœurs,
Quelles que soient leur
religion.
Quand vous êtes bien
convaincus, vous n’avez pas de conflits,
Avec personne
Ceux qui sont sincères,
pas ceux qui veulent des pouvoirs.
…
Un sage ne dit pas de
choses générales
Mais il se connecte à une
ou plusieurs personnes qui comprennent ce qu’il dit
Les livres ne peuvent pas
transmettre
Les enseignements, on ne
peut pas les généraliser
C’est comme les paysans
qui lancent des graines dans la nature
Parfois il y en a qui
poussent
Parfois il y en a qui
tombent dans un terrain fertile
L’enseignement spirituel,
il faut le mettre en situation..."
Ces Paroles sont issues
d’entretiens personnels recueillis lorsque je vivais à Kankhal (entre 2005 et
2010).
La veille de la deuxième
parole, la nuit, j’avais visionné sur l'ordinateur, un film remarquable de
Raymond Depardon sur les paysans, je n’en avais pas encore parlé avec
Vijayânanda.
JAY MAA”
(Caroline Abitbol)
Ceux qui ne reçoivent pas directement les annonces
de Caroline peuvent demander d’être mis sur sa liste en écrivant à Geneviève (Mahâjyoti)
koevoetsg@wanadoo.fr qui lui transmettra.
- Un retraite dans l’esprit de
Vijayânanda et Mâ sera organisée pendant neuf jours à Kankhal avec Vigyânânand
(Jacques Vigne) à partir du 7 août, avec un groupe de 17 personnes venant de
France.
- Le voyage au Kailash avec Vigyânânand
et Dinesh Sharma s’est bien passé, avec 27 participants, dont quatre de la
Réunion et trois de Nouvelle-Calédonie. Nous avons commencé par trois jours à
Lhassa, puis ce fut la visite des villes historiques de Gyantsé, Shigatsé et
Lhatsé, ce qui nous a permis de découvrir la culture tibétaine traditionnelle.
Après, ce fut la traversée des hauts plateaux et le contact direct avec la
grande nature du Toit du monde.
- Vigyânânand est à la Réunion pour six
semaines, afin en particulier de mettre sur pieds avec une équipe d’artistes
réunionnais et indiens un spectacle intitulé Padmapani sur la vie du Bouddha,
spectacle financé par l’Union Européenne et dont il a écrit le texte. Si tout
se déroule comme prévu, le spectacle devrait être joué à la Réunion, à l’île
Maurice et en Inde. Il fera aussi une série de conférences et séminaires à la
Réunion, son programme sera mis dans quelques jours en ligne à
www.jacquesvigne.fr.st
- Un
livre écrit par Michèle Cocchi et
Jacques Vigne vient de sortir ‘L’envol
vers la liberté d’être’ Editions
Accarias l’originel. Une partie de cet ouvrage présente des cas cliniques
ciblés par Michèle Cocchi dans son cabinet de psychothérapeute à Monaco. Toute
souffrance est une opportunité d’ouverture. D’autre part c’est l’ouverture à la
‘non-dualité’ du côté de Jacques Vigne qui complète l’accès à cette ‘liberté
d’être’. Tout ceci à travers des références spirituelles (bouddhisme, védanta…)
ou philosophiques (Socrate, Sénèque, Spinoza…Schopenhauer, Nietzsche…). Les
auteurs s’intéressent particulièrement aux rapports entre la thérapie
analytique et les enseignements non duels de plusieurs grands maîtres. (21
Euros)
Renouvellement des abonnements en cours
Pour le ‘JAY MA’
2011-2013
Le N° 99 de Noël a été le
dernier numéro envoyé aux abonnés des deux années précédentes.
Merci à tous ceux (nombreux)
qui ont déjà renouvelé l’expérience du
‘JAY MA’ et qui se sont inscrits de nouveau auprès de José Sanchez
Gonzalez pour la partie administrative :
10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr
– 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère bénévolement
l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses
nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr
La brochure est toujours
au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler
pour deux ans, de mars 2011 à mars 2013. Les numéros arriérés seront envoyés
automatiquement à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.
Le dernier numéro a été
le 100ème de cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour
avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la
composition qu’en fait Jacques Vigne.
Table des Matières
Paroles de Mâ -
Japa-Dhyan – (Extraites de ‘Les enseignements de Mâ Anandamayî’)
En Association avec Sri
Sri Mâ Anandamayî (suite) (d’Amulya Kumar Datta Gupta)
Poème ‘La boule de feu’
(de Monique Manfrini)
Pèlerinage au Kailash
(suite) (de Guruprya Devi)
Satsang avec Vijayânanda
(recueilli par Brigitte Reynaud-Duport en août 2008)
Témoignage (du peintre
François Sylvand)
Nouvelles
Renouvellement des
abonnements au ‘Jay Mâ’
Table des matières
[1][1] Je laisse le mot ânanda sans italiques, car
j'aimerais que, comme les termes karma et yoga, il devienne partie du
vocabulaire français courant...
[2][1] Theodore Roszak, Where the Wasteland Ends :
Politics and Transcendence in Industrial Society
[3][2] Dennis Gabor Fighting Existential Nausea in Technology and Human Values Centre for the Study of Democratic Institutions 1966 p.13
[4][3] E.L. Flackenheim
The Revealed Morality of Judaism and Modern Thought : A Confrontation with
Kant in Quest for Past and Future
[5][4] Christopher Dawson Dynamics of World History
[6][5] Ingeborg Bachmann „Message“ in Modern European Poetry New York Bantam Books, 1966, p.175
[7] On peut voir là une belle image d'un tuteur qui
est comme un axe central autour duquel tourne la conscience du chercheur
spirituel. Cela évoque aussi l'axe central du Yoga autour duquel viennent
graviter les courants de sensations du méditant.
[8] Cette imagerie est pleine de sens du point de vue
du Yoga : le pratiquant cherche à ramener les courants d'énergie dans
l'espace du cœur afin de suivre les injonctions védiques grâce
au yoga, cela produit la félicité, tous ces facteurs étant concentrés
dans l'axe central. Cette félicité sert de canal de transformation, de pont qui
mène de la base de Brahman vers l'expression extérieure de cette expérience
spirituelle intime à travers priyam, l’amour.
[9] On peut discerner ici également une allusion à la méditation yoguique sur l'axe central, qui correspond au Soi. Le ciel correspond à la tête, la terre au bassin, et l'espace entre les deux à la colonne vertébrale vers laquelle viennent converger les courants de sensations, prâna-s, guidés par le mental, manas. A ce moment-là, l'activité verbale s'éteint, totalement absorbée, le temps se suspend ce qui fait que l'on expérimente un goût d'immortalité. Le pont vers celle-ci est alors ouvert.
[10]
L’identification de "l'homme dans le coeur" et de "
l’homme dans le soleil" peut évoquer en Yoga l'ouverture du canal central
entre le chakra du cœur et celui du troisième œil. Ce canal central est déjà
évoqué dans la Maitreyi Upanishad à propos de la sortie du corps au moment de
la mort, cette fois-ci par le sommet du crâne.
[11] En fait, il ne l’a pas étudié pendant les trois
premières années, et donc ne le comprenait et ne le parlait pratiquement pas.
Shrî Mâ lui a ensuite demandé d’aller faire un an de retraite en silence
complet à Patal Dévî, son ashram près d’Almora dans l’Himalaya, ce qu’il a
effectué. A la conclusion de cette année, il s’est rendu à Solan, ailleurs en
Himalaya, pour retrouver Shri Mâ. Juste après s’être prosterné à ses pieds, il
s’est mis à lui parler couramment en hindi. Shrî Mâ s’est moquée de lui en
disant : « Comment ? Maintenant
tu parles le hindi !
Mais alors, tu n'as pas respecté l'année de silence que je t'ai demandée ! »
En fait, il l’avait observée, mais le hindi lui étaient venu spontanément.
[12] (Note de Bithikâ : Shrî Mâ se référait à
l’incarnation de la doctrine de l’ahimsa seulement, la non-violence
active, et non à d’autres comparaisons).
[13] Les renseignements sont fournis par leur site www.ananda.it et par email à info@ananda.it
- Téléphone : 0039-0742-813620 -
2 (www.shantimandir.org -Email : shantimandir@tiscalinet.it et aussi segreteria@associazionealveare.org - Téléphone : 0039-3687559275
ou 0039-0758039372 – Fax : 0039-0758099245)
[15] (www.ayurveda-it.org – Email : info@ayurveda-it.org -
Téléphone : 0039-055471116 – Fax : 0039-055471708
[i] Vivekananda My India Eternal India
RMIC, Calcutta, 2000, p.31
[ii] Sri Aurobindo India’s
Rebirth 2000, disponible en France à l'Institut de Recherches Evolutives,
140 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris
[iii][i] Publié en 1996 par les éditions Terre du Ciel,
maintenant épuisé, mais disponible sur le site www.anandamayi.org , section française.
[iv][ii] Disponible sur le même site pour toute la
première partie qui parle de la vie de Mâ jusqu'à
environ 35 ans.
Jay Mâ N° 102 - Automne 2011
1
Editorial
Cet été a été marqué par le départ d’Arnaud Desjardins le 10 août. Nous
mettons un beau témoignage de Sundarî à ce propos. Elle était revenue voir
Vijayânanda en fin mars 2011 quelques jours avant qu’il ne quitte son corps.
Nous ajoutons deux textes d’Arnaud où il témoigne de l’impact qu’a eu Mâ sur
lui. Par ailleurs, un groupe de 27 Français a été au Mont Kailash en fin
mai-début juin avec Vigyânânand. Nous incluons quelques extraits de son compte
rendu, en particulier sur le sens symbolique du Mont Kailash en méditation.
Nous reviendrons à plus de textes directement sur Mâ dans le prochain muméro.
Paroles
de Mâ
Extraites du ch 26 de ‘Vangmayee
Ma’ :
‘LE PELERIN
ET LE CHEMIN VERS
LE DIVIN’
2
Le voyageur en quête de la vérité, est tenu d’observer une certaine
discipline et d’avoir un mode de vie exemplaire. Si quelqu’un désire lui offrir
des vêtements, de l’argent ou autre chose, il doit lui dire franchement et
simplement : « Il nous est interdit d’accepter quoi que ce soit
sur cette voie que nous avons choisie. Le but de notre vie est uniquement
d’obtenir la grâce de Dieu. »
Dans quelque état ou disposition que vous soyez, pensez à Dieu et priez
pour obtenir Sa grâce, au mieux de vos possibilités. Ce n’est que le début de
votre voyage pour celui qui vise véritablement à la réalisation divine.
Efforcez-vous de prendre l’habitude de prier et de pratiquer journellement,
avec autant de ferveur que possible.
Dieu ne peut pas faire autrement que d’accorder l’illumination à celui qui
la désire sincèrement. L’activité quotidienne des activités spirituelles doit
se dérouler aussi minutieusement que possible. Plus vous passez de temps à
pratiquer le japa, la méditation, l’invocation de Son Om et l’étude de
textes spirituels, plus vous progresserez sur la voie de l’illumination. Lisez
régulièrement la Bhagavad Gîtâ et efforcez-vous de la comprendre, encore
et toujours.
Le monde est strié d’innombrables et interminables coulées alimentées par
les échecs, les faillites et les ratages en tous genres. Lorsqu’une personne se
fait prendre par une de ces coulées, s’y empêtre et se laisse paresseusement
emporter par le courant, il est naturel qu’elle paye durant sa vie, les
conséquences de ses faiblesses et de ses manquements, sous
3
forme de problèmes et d’épuisement moral et physique. Mais l’esprit ne
devrait pas rester ainsi emprisonné. L’esprit doit être dirigé vers des idéaux
élevés, visant à l’accomplissement du Soi à l’insu de tous, dans ce monde-ci et
dans le prochain. Qui sait de quelle manière se présente son « appel à
comparaître » ? Ne restez pas plantés là ! Vous êtes la vérité,
la pureté, l’illuminé, le libéré et
l’éternel. Pour la progression du Soi dans cette direction, il faudrait, de sa
propre initiative, se lancer sur cette voie avec fougue et résolution. En
effet, Dieu est au-dedans de vous, sous forme de la connaissance et de la juste
intelligence. Forts de cet avantage, il serait juste d’entreprendre ce voyage
sur la voie de la réalisation du Soi. Car le temps passe. Le père suprême, la
mère suprême, le frère suprême, la soeur, l’ami, le maître, c’est Lui. Tout est
en Lui. Chérissez l’image de Ses pieds (tcharanam
signifie ‘pieds’ et ‘charanam’
refuge. Prendre refuge aux pieds du gourou est ainsi une expression courante
dans la dévotion à l’hindou).
Le voyageur en chemin vers la réalisation de Dieu, se doit d’oeuvrer en
personne pour parvenir à soulever le rideau. Et c’est Dieu qui procure
l’énergie indispensable pour avancer dans cette direction. Mais Sa révélation
n’est pas le fruit de Son action. En fait, Il procure, en même temps que
l’énergie, la clé qui ouvre la porte. Il n’est que d’ouvrir la porte pour Le
voir, Lui, le Soi illuminé.
A quelque endroit que Dieu retienne le voyageur et à quelque moment que ce
soit, celui-ci ne devrait entreprendre le
4
véritable voyage, qu’à partir de ce point-là. Car Lui-même est dans toutes
les formes, dans l’action et la non-action. Il faudrait se donner entièrement à
la tâche que l’on s’est fixée, pratiquer
le japa, et invoquer Dieu, avec coeur
et âme. Dans le royaume de Dieu, on ne peut que penser à Lui. Alors
souvenez-vous de Lui. Toujours. C’est le chemin vers la paix.
Dans le domaine de la représentation de l’univers tout entier, Dieu est
dans toutes les formes. Il est souhaitable de progresser vers la réalisation du
Soi.
Si vous vous prenez à penser, pensez à Lui, si vous vous mettez au travail,
travaillez pour Son service. Le voyageur se doit d’accomplir son parcours.
Gardez toujours votre esprit tourné vers le spirituel, c’est là le point
essentiel de ce voyage. Et poursuivez votre chemin.
Tout voyageur devrait affronter le parcours avec un esprit vif, sain,
rapide et inébranlable. Il ne s’agit pas d’une promenade en fiacre. Force et
vivacité d’esprit sont indispensables à tout instant. Il serait bon de construire
sa propre vie soi-même.
Qui appartient à qui dans ce monde-ci ? Tout un chacun s’efforce de
remplir sa propre tâche et d’accomplir le voyage. Un tel état est naturel dans
les déplacements à travers le monde. Il ne faut pas se laisser prendre par l’angoisse.
Comment est-il possible qu’un voyage spirituel s’accomplisse et se termine
comme il se doit, s’il est confronté à mille obstacles que la souffrance et la
douleur ont dressés sur le parcours. Souffrance et douleur elles-mêmes causées
par
5
certains liens et attachements instaurés au cours des différents
séjours ici-bas – naissances et
renaissances. Il faut s’efforcer, pour atteindre la révélation du Soi,
d’effectuer un parcours libre et sans entrave aucune. Le voyageur du Grand
Chemin doit faire en sorte que son voyage soit un succès. Et ce succès n’est
autre que la réalisation du Soi.
Traduit de l’anglais par Jean E. Louis
Le départ d’Arnaud
Par Sundarî
Quelques précisions :
Mâ Anandamayî, rencontrée
dans mon jeune âge, entre 1977 et 1980, est ma mère spirituelle. Elle a établi
d’emblée un lien avec moi de nature spirituelle. Ayant peu connu la Mâ «
humaine » mais, par une grâce stupéfiante
de Sa part, percevant très bien la Mâ « divine », je n’ai jamais souffert du
fait qu’elle ait quitté son corps, puisque ce lien divin est un lien permanent,
qui m’a toujours permis de La sentir présente en moi, n’importe quel jour
depuis lors. Et je ne pouvais pas regretter une dimension humaine que je
n’avais pas connue, alors même que j’étais tellement comblée et inspirée pas Sa
dimension divine. Il en va tout autrement de ma relation avec Arnaud
Desjardins. Arnaud a bien voulu assumer
pour moi la fonction de Maître spirituel depuis plus de 26 ans... Sans faire
partie de ceux ou celles qui l’ont côtoyé au quotidien, j’ai eu la chance
d’être engagée dans une relation personnelle avec lui
6
bien réelle, et, outre l’enseignement libérateur qu’il m’a prodigué, il a
influencé tous les grands choix existentiels de ma vie (profession, mariage,
etc.) J’ai choisi de raconter ce je sais des circonstances de sa mort sans
m’exclure du récit, parce qu’ainsi, cela permet de montrer de façon plus
vivante l’interaction entre le Maître et l’élève... Il me semble que parler de
façon trop convenue, en évitant de parler de soi, amène à un récit « historique
» et objectif, certes, mais pas très utile pour ceux ou celles qui, se sentant
engagés dans un chemin d’évolution, sont à l’affût d’illustrations concrètes
capables de les aider sur leur propre chemin. J’ai donc préféré le témoignage,
plus impliqué, et plus impliquant pour celle ou celui qui le reçoit. Je le
signe, par contre, de mon nom indien, qui me permet de témoigner tout en
restant dans l’anonymat. Je vous souhaite bonne route à toutes et à tous, du
fond du coeur...
GURU KRIPA KEVALA !....
Le lundi suivant, le 4
juillet, j’étais allée le saluer car mon séjour se terminait. C’est la seule
fois de ma vie où je suis allée le saluer seule. Là encore, je ne disais rien,
je restais ouverte à ce qu’il allait dire ou faire, lui. Il était debout et non
pas assis comme habituellement pour les au revoir. Il a commencé par me prendre dans ses bras avec un amour vraiment
extraordinaire. Jamais je n’ai senti, même avec lui, une telle profondeur
d’amour. Une sorte de velours lumineux, de suavité chargée de Sens, de Grâce
infinie... Rien que cela -une telle qualité d’amour est vraiment
indescriptible- est certainement son
dernier enseignement, le plus profond, sa transmission la plus significative.
Il m’a redonné brièvement quelques instructions, fait certains commentaires...
Puis il m’a
7
prise à nouveau dans ses bras, en me chantant : « OM, SHANTI SHANTI
SHANTI...» Je l’ai remercié du fond du coeur et suis partie.
… . Au cours de ce dernier entretien
que j’ai eu avec lui le lundi 4 juillet, il m’a donné repères et instructions
par rapport à mon évolution future la plus profonde. Il devait percevoir sa fin
prochaine, car il m’a recommandé son livre, La
Paix Toujours Présente, en me précisant que ce serait le dernier et qu’il
s’agissait vraiment de son testament spirituel, de son enseignement le plus
abouti. Et puis, lorsqu’il a conclu
l’entretien, il a ajouté ceci : « Tant que je n’aurai pas des tuyaux partout,
je serai là, pour vous aider à atteindre l’Autre Rive... » Dix neuf jours plus tard, en effet, les tuyaux étaient
entrés en scène...
Durant ces 21 jours, je sais
Arnaud étendu sur un lit d’hôpital, la cage thoracique ouverte puis refermée,
le sternum scié, avec des difficultés à simplement respirer... Avec surtout des
difficultés à respirer. Il a, d’instant en instant, l’impression qu’il n’aura
pas la force de supporter l’effort que représente le malaise de la respiration
suivante... La respiration est un point d’appui
capital pour tout pratiquant du yoga... C’est elle qui, justement,
permet d’endurer la souffrance, de la traverser... Et justement, il en est
privé. Le point d’appui physique principal est justement le lieu du principal
malaise... Je ne peux pas ne pas faire le lien entre tout se qui se passe dans
mon existence, les mises en situations édifiantes qui se succèdent à grande
vitesse, l’énergie incroyable qui s’est mise spontanément en oeuvre pour tout
clarifier et tout remettre en ordre depuis qu’il est entre la vie et la mort,
et ce qu’endure Arnaud. Je ne veux
8
pas dire que Arnaud, délibérément, a choisi de souffrir pour nous libérer
de nos entraves. Je suis convaincue qu’il a accepté de supporter
l'insupportable afin de pouvoir continuer à rester dans ce monde, afin de nous
aider NOUS... Lui peut évidemment partir à tout moment dans la lumière et la béatitude. C’est
uniquement pour nous qu’il reste. Une telle compassion me touche au plus
profond. Mais je crois aussi qu’à un autre niveau, réellement, à travers cette
souffrance qu’il ne mérite certes pas, Arnaud brûle le karma de certains de ses
disciples. Véronique, son épouse, qui a reçu différents témoignages, a pu
remarquer que pour un certain nombre d’entre nous, le Travail s’est mis à
accélérer, avec des mises en situation très particulières. Durant cette
période, peu à peu, mon énergie, de réceptive à son égard, s’est mise, au moins
à certains moments, à s’inverser : j’éprouvais le besoin de lui donner, de transmettre de l’aide à son corps physique.
Je me disais que cela préfigurait
certainement ce qui allait suivre lorsqu’il mourrait : nous aurons tous à
donner, à restituer tout ce que nous avons reçu de lui afin que cela fleurisse
dans le monde, et en particulier, dans notre entourage. Nous avons tant reçu...
Nous aurons beaucoup à redonner. Pourtant, à cette époque, j’étais convaincue
qu’il allait survivre à son opération. Il avait, de temps à autre, fait
allusion au fait qu’il finirait sa vie en silence, en mauna. J’étais donc convaincue qu’il
nous reviendrait, assumant une présence silencieuse, mais radieuse encore
quelques années durant... Peut-être
avait-il en fait renoncé à rester silencieux parmi nous, devant l’immense
demande dont nous faisions tous la démonstration, sacrifiant sa précieuse
énergie pour nous. La compassion d’Arnaud est tellement grande. Toujours est-il
que du fait de ces allusions,
9
je n’ai prêté aucune attention à certains signaux avertisseurs : sa
sépulture qu’on avait commencé à construire en avril, par exemple et certaines
phrases de l’entretien...
Au cours de son séjour à
l'hôpital, Arnaud s’est trouvé plusieurs fois en détresse respiratoire, au
risque de mourir en étouffant. Il a été intubé, et -pour utiliser le terme
hospitalier- sédatisé : être intubé est tellement pénible et douloureux qu’on
balance des sédatifs puissants, qui entraînent
aussitôt l’inconscience totale... Le Guru plongé dans l’inconscience par
un corps médical à la fois hyper compétent, et plutôt autoritaire... A la suite de cette expérience, il a été
décidé avec Arnaud que l’on ne recommencerait pas. Au fur et à mesure que les
jours passaient, l’énergie physique d’Arnaud diminuait, ses poumons ne pouvant
pas s'adapter aux suites opératoires. Un matin, le médecin a prévenu : son taux
de gaz carbonique augmente, si on ne fait rien, il mourra ce soir.
Renseignements pris, il s’agit d’une mort douce... On a demandé son avis à
Arnaud qui, estimant qu’il ne fallait pas confondre soins post opératoires et
acharnement thérapeutique, et percevant
mieux que personne combien son corps s’épuisait, a préféré quitter
tranquillement le corps physique ! Un Maître n’a évidemment aucune peur de la
mort, mais s’il peut ne pas trop souffrir, il va évidemment choisir la solution
la plus humaine pour lui. Quoique Véronique nous a dit, les larmes aux yeux,
qu’Arnaud n’imposait rien, même concernant les circonstances de sa mort. Il était vraiment prêt à vivre ce qu’il
aurait à vivre, quelque forme que cela puisse prendre, y compris une agonie
terrifiante. Différents membres de sa famille se relayaient à son chevet... A
partir du moment où il a su qu’il allait mourir (puisqu’en fait
10
on arrêtait les soins), Arnaud a
demandé que l’on pose une photo de Mâ sur lui, et il est mort ainsi, s'unissant
à Mâ, très paisiblement. Véronique lui
tenait une main, Emmanuel, son fils, l’autre, Fabienne, sa belle-fille était
assise à ses pieds. Ils l’ont accompagné en lui chantant des mantras qu’il
aimait, en particulier celui de Ram... Je suis sûre qu’ils se sont tous
installés dans un profond amour, tous unis dans le même recueillement, le même
lâcher-prise, dépassant leur chagrin autant qu’ils le pouvaient, lui
transmettant toute leur affection et leurs plus purs sentiments. Il n’y avait,
probablement, en cet instant, plus qu’un seul Coeur.
Arnaud est donc mort
paisiblement le mercredi 10 août à 23H00, après 21 jours très difficiles. Mon
père, en 1967, est mort le... 10 août, à 23H15... Quelle coïncidence
incroyable... Comme cela m’a touchée... Lorsque je l’ai appris, le lendemain
matin, j’ai eu le sentiment qu’Arnaud, en entrant en Maha Samadhî le même jour et
à la même heures que mon père (mort au
contraire d’une mort brutale et empêtré dans des émotions violentes), inondait
de lumière et de Paix tout ce vieux passé familial si sombre et si loin de
toute spiritualité... Surtout, la grâce divine me redisait, à travers ce
symbole si fort, combien Arnaud est mon père véritable... C’est vrai que c’est
lui qui m’a réellement formée, construite humainement, et pas seulement
enseignée spirituellement... Il est véritablement mon père chéri, humainement
parlant, et je ne suis pas la seule... Le jeudi 11 au matin, en me levant, je
suis étonnée : la veilleuse que j’ai allumée à 2 heures du matin (j’ai regardé l’heure) brûle encore... Au lieu de 4 heures, elle va
brûler 8 heures et demie... Je n’ai pourtant pas remarqué que la mèche
11
soit anormalement courte. Après
m’être recueillie le plus clair de la journée du jeudi, puisque justement je ne
travaille pas étant en vacances, le vendredi, je pars à l’ashram, pensant qu’il
y aura besoin d’aide à la cuisine pour recevoir les personnes qui ne vont pas
tarder à affluer. Avertie par un mail qu’il faut apporter de la nourriture,
j’achète en chemin un brie entier et un immense saucisson qui offre plus de 100
tranches !!!
L’ashram est calme. Pas de
têtes d’enterrement, pas de sanglots, pas de mines ravagées par les larmes.
Bien sûr, il y a de la tristesse, et je croise parfois des visages montrant que
bien des larmes ont été versées dans la nuit, mais vraiment, personne ne donne
dans le pathos. On a installé le corps d’Arnaud dans la pièce où il donnait ses
entretiens et nous disait au revoir. Son corps est étendu, recouvert du châle de cachemire blanc qu’il
portait lorsqu’il transmettait l’Enseignement, son visage est découvert et
paisible, mais dans l’immobilité de la mort. La photo de Mâ, tout emplie de
grâce et de lumière est posée tout près de son visage, entourée de roses
blanches... Les mêmes roses qui poussaient à Noël en Inde, à l’ashram de Mâ, à
Naimisharanya, lorsque j’ai passé une semaine avec Elle à l’âge de 23 ans. Il
est vrai que le blanc est vraiment la couleur de Mataji. Avec une profonde
générosité, la famille d’Arnaud a accepté que nous, simples élèves, puissions
aller nous recueillir près de lui... Nous pouvons y aller par petits groupes de
6 ou 8 personnes, et ce plusieurs fois dans la mesure où il n’y a pas trop de
monde. Simplement, nous ne devons pas rester au delà d’un quart d’heure. Le
corps d’Arnaud ne subit aucun traitement
12
chimique, il ne repose pas sur un lit réfrigérant, la température de la
pièce est un peu refroidie par un appareil, sans plus. Du coup, personne n’est
gêné, comme souvent dans les chambres funéraires où on ne peut pas rester à
cause du froid trop intense. Quel recueillement tranquille sur la plupart des
visages. Parfois d’émouvants sourires au milieu des larmes. La beauté d’un long
regard qu’une disciple pose sur Arnaud me restera longtemps... Pour ma part, je suis allée 4 fois me
recueillir dans la petite pièce. La première fois, il y a eu le choc de voir le
corps de cet homme que j’aime si profondément et que je vénère, dans
l’immobilité de la mort... J’avais besoin de constater sa mort de mes propres
yeux - cela aide à l’accepter plus facilement.
Le vendredi, il y a eu un moment où je suis restée seule en présence
d’Arnaud... Cela m’a énormément touchée, cette intimité miraculeuse quand on
sait le nombre d’élèves qui gravitent autour de lui. Puisque j’étais seule et
comme je regrettais de ne jamais lui avoir demandé de bénir mon mala (ni aucun objet d’ailleurs, ce
n’est pas dans la ligne d’Hauteville),
au bout d’un moment, je l’ai ôté et mis légèrement en contact avec son
châle, puis remis autour de mon cou. (Ce mala,
acheté à Khankhal au samadhî de Mâ, et gardé une dizaine de minutes dans les
mains de Vijayananda en signe de bénédiction, ne me quitte pas, je le porte
nuit et jour depuis mars 2010. Je l’utilise tous les jours depuis que je le porte
pour réciter une variante du mantra de Ram.)
A peine remis le mala autour
de mon cou, d’autres personnes sont
arrivées... Comme chacun se rend à son rythme auprès d’Arnaud et qu’il n’y a
pas de barrières de protocole, chacun peut se recueillir, mélangé à des disciples de longue date, des
débutants ou des membres de la famille d’Arnaud, comme Denise, sa première
épouse. Cela aussi m’a beaucoup touchée.
Le samedi, c’est Muriel,
fille d’Arnaud et son mari, Christophe, ainsi que leurs enfants (qui n’ont pas
parlé mais étaient présents) qui ont animé la réunion. (Muriel et Christophe
étaient présents en Inde auprès de Mâ en même temps que moi, il y a 34 ans, à
Naimisharanya, n’est-ce pas étonnant ?... C’est en voyant combien sa fille
était sérieuse et recueillie que j’avais eu envie de rencontrer Arnaud, me
disant : si la fille est si bien, son
père l’est certainement aussi !) Muriel nous raconte que, lorsque Arnaud
retrouvait un peu de souffle pour
parler, c’était assez souvent pour... raconter des plaisanteries. C’est ainsi
qu’à un moment, Arnaud dit à sa fille : « Tu connais l’histoire du patriarche
juif en train de mourir ?» « Oui »
répond précipitamment Muriel, pour lui éviter de la raconter, ne voulant surtout
pas qu’il s’épuise inutilement. « « Oui, oui, je la connais, tu n’as pas besoin
de me la redire !» Mais Arnaud continue, et voici l’histoire : le vieux
patriarche est sur son lit de mort. Il demande : « Est-ce que Sarah, ma fidèle
épouse, est là ? Oui, répond sa famille. Et mon fils aîné, Jacob ? Oui. Et
Myriam ? Et Samuel, Rebecca ? » Il cite ainsi chacun des noms de ses
nombreux enfants. Chaque fois, on lui répond oui. « Ainsi, vous êtes tous là,
alors, autour de moi ?» « Oui !» « Mais
alors, qui garde la boutique ?» s’exclame-t-il, le souffle court.... Muriel
commente : « Tout de même, Arnaud nous racontait l’histoire d’un homme en train
de mourir, c’était sa façon d’annoncer son départ. »
Dans la journée du samedi, le
corps d’Arnaud est mis en bière, c’est à dire déposé dans son cercueil. Ses
fils les plus proches le portent de la petite pièce où il se trouvait jusqu’au
14
dojo, salle assez grande, où nous avons l’habitude de méditer. Ses fils les
plus proches, c’est à dire Emmanuel, bien sûr, son fils de sang, disciple et
collaborateur, Christophe, son gendre et disciple, son petit fils, Axel, jeune homme au beau regard lumineux, et ses
fils spirituels : Yves et Thierry, collaborateurs, Geoffroy, qui l’a servi
toute sa vie... J’espère que je n’oublie personne, pardon si c’est le cas, j’ai
vécu tout cela dans un tel bouleversement intérieur. La sangha s’est assemblée
tout le long du parcours, à l’intérieur de l’ashram autant qu’à l’extérieur.
Véronique nous annonce alors que nous allons faire une veillée tous ensemble
dans le dojo, autour d’Arnaud, et merveille des merveilles, que ceux ou celles
d’entre nous qui le souhaitent peuvent dormir dans la grande salle où se
tiennent habituellement les sessions d’enseignement, de sorte qu’ils puissent
se recueillir tard et même se relever au milieu de la nuit pour retourner dans
le dojo, veiller leur Maître bien
aimé...
Le soir, le dojo est
recouvert de coussin, zafus et tapis de sols, de telle sorte que chacun puisse
s’asseoir de façon confortable. Là encore, nous sommes serrés les uns contre les
autres. Beau symbole. Puissions nous, en effet, rester à l’avenir extrêmement
proches les uns des autres... Je crois réellement que de ma vie, c’est la plus
belle soirée que j’ai passée. Certainement parce que c’est celle qui a eu le
plus de sens, de profondeur. Comment décrire la beauté du recueillement, la
ferveur sobre mais profonde, les larmes et les sourires... Comment ne pas être
touché par la beauté des chants qui se succèdent, et qui, pénétrant nos coeurs,
nous transforment à certains moments en fontaines silencieuses... La qualité
artistique est au rendez vous. Alternent
des mantras dédiés à
15
Ram, Mâ, mais aussi Swamiji (Swami Prajnanpad) et ô bonheur, Arnaud...
accompagnés au sîtar... et repris par l’assemblée. C’est très inhabituel à
Hauteville, car nous ne sommes pas une voie dévotionnelle. Nous pratiquons le
yoga de la connaissance, et la dévotion au Maître, -en fait très réelle- reste
la plupart du temps cachée. Une jeune fille française formée au chant
karnatique (qui est connue et appréciée en Inde devant certaines artistes
hindoues) nous chante un chant dévotionnel, accompagnée au sitar par son père :
c’est sublime. Nos coeurs s’épanchent, touchés par la beauté du chant, et de
nouvelles fontaines s’écoulent doucement... Comment ne pas verser de larmes ?
Beaucoup sont intériorisés dans la dévotion ou la méditation. Pascal chante
l'alléluia de Léonard Cohen, en s’accompagnant à la guitare, doucement, très
intériorisé. Il l’a beaucoup chanté, cet alléluia... mais là, son coeur à la
fois brisé et paisible est dans chaque
note de musique. De quoi être remué au fond de l’âme. Et puis dans cette
veillée terrible et merveilleuse, il y a aussi l’intervention de Nour... Nour
est une jeune femme soufi qui assume une fonction de Maître spirituel. Elle
chante le dhikr, avec deux autres compagnes musulmanes. Le dhikr est un chant
ésotérique qui vise à mettre celui qui le pratique en état d’ouverture au
divin... Là aussi, comme pour les mantras, nous reprenons en choeur : « La
ilaha illa 'llah...» Chacune des trois
femmes musulmanes, à tour de rôle,
tournera aussi sur elle-même comme le font les derviches. Ce qui est
frappant, c’est de voir combien elles le font à partir de leur coeur. Tout le
mouvement semble y prendre son origine.
Nour nous parle quelques minutes et ses paroles sont aussi très justes,
fermes, courageuses. Pas de sensiblerie... D’abord assise tout au fond, je me
suis approchée peu à peu, à mesure que les
16
personnes partent, ayant des obligations envers leurs hôtels respectifs ou
étant fatiguées. Finalement, je me retrouve très près du cercueil. Il est en
pin clair, et embaume la résine... La photo de Mâ rayonne au milieu des fleurs blanches... Peu
à peu, ne reste qu’un petit groupe de
personnes rassemblées près du corps du Maître, très recueillies... Toute
l’atmosphère de cette veillée est envoûtante, tout emplie de douceur, de
dévotion, de pudeur aussi. Vers une heures 30 du matin, j’émigre dans la grande salle, non sans être
allée chercher un duvet dans ma voiture. Une vingtaine de personnes sont déjà
allongées, certaines simplement enroulées dans leur châle de méditation,
d’autres ayant disposé un tapis de sol... Tout est calme... les dormeurs font
attention dans leur sommeil de bouger doucement... Certains se relèveront au
milieu de la nuit pour retourner encore dans le dojo. Je me relève aussi,
médite encore un peu, mais force m’est de constater que mon cerveau reste
relativement endormi... Cela ne fait rien. Je me recouche un peu plus pénétrée
de l’ambiance de prière et de vénération, et me rendors aussitôt. L’intérêt de
dormir sur place, c’est qu’on ne perd aucun temps... A 7H20, je retourne au dojo pour une longue
méditation très recueillie, facilitée par la veillée... Vrai petit miracle, mon
dos, habituellement si susceptible, supporte ce
sur-régime (seva intensif dans
la cuisine et le reste) sans aucun problème... Tant il est vrai que, dans
l’ascèse, chaque fois que nous avons vraiment quelque chose à faire, il nous
est donné la capacité de le réaliser. Quelle heureuse idée, cette longue
veillée, et ce couchage dans la grande salle...
Lundi 15 août : C’est le jour
choisi pour l’enterrement. Arnaud, étant d’origine protestante, a la
possibilité de se faire enterrer sur le
lieu de son habitation... Donc, à Hauteville et
17
non pas dans un cimetière, comme pour les catholiques. Et comme Hauteville
ne dépend pas de professionnels (qui ne travaillent pas les jours fériés), le
15 août, jour de l’Assomption, est la date choisie. Beau symbole...
(Vijayananda est mort le lundi de Pâques en 2010, et en pleine Khumba-méla... «
Very auspicious », « De très bon augure », dirait-on en Inde !)
Le 15 août, la cérémonie commence à 11 heures et va durer
environ 4 heures. Cette fois ci, il y a vraiment beaucoup de monde. Je ne
saurais dire que très approximativement le nombre, environ 1200 personnes ?
Comment sont-elles venues ? Uniquement le « téléphone arabe », le réseau amical
des disciples ? Nous sommes dehors, au soleil, dont la chaleur, au bout d’une
heure ou deux, sera tempérée par quelques nuages légers et bienvenus. Une
estrade a été aménagée. A droite, la famille d’Arnaud. A gauche, les invités,
qui représentent tous une forme de travail spirituel particulier : Voies
bouddhiste, hindoue, chrétienne, musulmane (soufi), amérindienne... et bien
sûr, des représentantes de la sangha de Lee Lozowick, inclassable mais
prodigieuse, avec laquelle Hauteville a des liens particulièrement proches. Au
centre, assis sur l’herbe, les élèves d’Arnaud. Et bien sûr, sur l’estrade, les
personnes qui sont au coeur de la transmission spirituelle dans la lignée
d’Arnaud et de Swami Prajnanpad. Je ne détaillerai par les différentes prises
de paroles. Il y est bien sûr question d’hommages à Arnaud et du futur de notre
travail spirituel, qui bien évidemment, continue... et même, nous l’espérons va
s’intensifier. Jacques Vigne, présent
par le coeur, organise en Inde, au bord du Gange, une puja à Khankhal, à quelques mètres du samadhî de Mâ Anandamayî. Il
résume bien les
18
choses dans cette courte phrase, qu’il a entendu de son propre Maître,
Vijayananda : « La parole du Guru ne meurt pas. » D’autres cérémonies sont
organisées en d’autres points du globe... Beaucoup ont tout lâché toutes
affaires cessantes, sautant dans le premier avion pour débarquer du Canada, des
Etats Unis, du Mexique, d’Angleterre, de Suisse, d’Inde... Les différentes interventions ont
toutes certains points communs : elles sont totalement sincères, sobres,
profondes.
Ce n’est qu’à 18h30, lorsque
tout est pratiquement rangé et la plupart des participants repartis au quatre
coins de France (ou du monde) que je décide d’aller découvrir le samadhî
d’Arnaud. Le voici, en pleine forêt, au milieu des chants d’oiseaux... Il
jouxte le jardin de méditation, avec son petit bassin tranquille rempli de
poissons d’or... Des cèdres, un bel eucalyptus, et des pins entourent
l’enceinte du samadhi délimité par un petit muret clair. Du gazon frais a été
posé tout autour de la tombe. A l’avant, un amoncellement de brins de buis :
chacune des personnes entrant dans le samadhî en a déposé un... La tombe est
recouverte de fleurs blanches.
Il
y a quelques années, Emmanuel avait demandé à son père ce qu’il aimerait avoir
comme inscription sur sa tombe, le moment venu. Arnaud avait répondu par une
boutade... Il avait répondu qu’on pourrait inscrire : « C’était un chic type...
et... pour la Libération, c’est possible, mais ce n’est pas de la tarte
!!!» Rien n’est inscrit sur sa tombe,
sinon notre amour à tous, invisible et
pourtant tangible. Dans la lumière dorée du soleil déclinant, la photo de Mâ
rayonne paisiblement, au milieu d’un mélange de roses jaunes, blanches, roses
et d’une plante de couleur vert tendre... Comme c’est beau.... Quelle
harmonie...
19
Au bout d’un moment, je prends conscience qu’une grâce surnaturelle émane
de la photo de Mâ, des fleurs qui l’entourent et aussi de la tombe d’Arnaud :
C’est à la fois doux et puissant, cela évolue et devient de plus en plus
large. Le Disciple a rejoint sa Mère divine...
Arnaud, disciple de Swami Prajnanpad, avait
parfois dit qu’au moment de
mourir, il se confierait à Mâ. Devant certains disciples étonnés, il avait
précisé : Swamiji, c’est le Guru, c’est lui qui concentrait toutes les
influences, les bénédictions reçues par Arnaud, et c’est à lui que j’obéissais
en toutes circonstances. Mais Mâ, elle est vraiment divine....» Arnaud, si proche de Mâ par le coeur...
Arnaud qui s’est trouvé parfois tout seul avec Elle... peut-être lors des jours
bénis de la retraite de Vyndiachal, tout petit ashram de Mâ perché sur une
colline. Arnaud écrivait, au sujet de Vyndiachal, dans Ashrams:
« Plus de cérémonie, plus de
règles pour approcher Mataji. Nous allons librement dans sa chambre, nous nous
promenons avec elle dans les bois. Aucune distance entre elle et nous,
seulement l’intimité et la familiarité (...) Au loin, la rivière dessine son
ruban scintillant au soleil qui décline. Tout est amour et recueillement. Dans
le silence, un de ses disciples lit doucement. Mâ ne dit rien. Nous ne disons
rien. Elle nous regarde. Nous la regardons. Et tandis qu’avec la nuit descend
sur nous la Paix qui dépasse toute compréhension, nous voyons briller dans ses
yeux la lumière de la Vie véritable, l’annonce que l’éveil peut venir nous
arracher à notre monde de sommeil ».1
Arnaud a pratiqué de façon
suffisamment intense pour réaliser la promesse que recelait le regard de Mâ.
Bien des fois, j’ai lu à mon tour dans les yeux d’Arnaud la splendeur de
20
l’éveil, une telle splendeur que son regard ressemblait à un rayonnement
doré. J’ai senti, comme bien d’autres, un amour merveilleux littéralement
jaillir de ses yeux, de son corps, de ses gestes et me bouleverser dans
l’intime de mon être. Et là, devant sa tombe claire, dans la lumière dorée du
soir, m’est donnée cette perception, très tangible, indubitable : Arnaud et Mâ,
à présent sont complètement unis dans ananda, la splendeur et aussi la
douceur de l’amour divin. Cela rayonne du visage de Mâ, des fleurs qui
entourent sa photo, cela émane de la tombe d’Arnaud dans une grâce indicible. C’est si fort, si
beau, que je reste encore et encore... D’autres personnes arrivent, s’asseyent
un instant, repartent tranquillement.
Tout est amour et recueillement. Au loin, l’Eyrieux dessine son ruban
scintillant au soleil qui décline... (mais on ne voit pas la rivière pourtant
proche de l’ashram.) Dans l’or oblique du soir, un homme très proche d’Arnaud
vient avec ses 2 petits enfants, qui, tout contents, déposent joyeusement leur
petit brin de buis. Leur père les regarde paisiblement, avec amour... La vie
continue. Guru kripa kevala... Tout est la grâce du Guru. Chaque évènement,
dans chacune de nos existences, petit ou grand, est la grâce du Guru à
l’oeuvre. Puissions nous nous en souvenir. A présent qu’Arnaud a quitté son
corps, sa présence immatérielle est partout, et pour ceux d’entre nous qui lui
ouvriront leur coeur, il ne nous quittera jamais plus. Puissions nous ne jamais
le quitter. Puissions nous, à travers sa Grâce et notre pratique, Etre UN avec
la sérénité et l’amour qui n’ont pas de contraire... Puissent la Paix qui
dépasse toute compréhension, la lumière de la Vie véritable descendre sur
nous...
Toutefois, étant humaine et
faillible, je pourrais aussi
21
chanter, avec notre ami Jerry, la chanson Comanche : « Maintenant que tu es
parti pour le grand voyage, et comme je t’aime si profondément, tu vas me manquer...»
Sundarî
Par
Arnaud Desjardins
Dès le premier jour où j’ai rencontré Mâ Anandamayî, j’ai eu l’intime
conviction que je n’étais pas en présence d’un être humain, mais d’un Être
d’une toute autre dimension. C’est en 1959, au mois de septembre, que j’ai tout
à coup réalisé cet état de fait. Par la suite j’ai rendu visite à Mâ en 1961,
1962, 1963, 1964 et 1965 et j’ai éprouvé ce même sentiment à chacun de mes
séjours auprès d’Elle. Comment définir cette sensation extraordinaire ? En
la qualifiant de « divine » ? De
« surnaturelle » ? En fait ces concepts englobent un tel mystère
que je n’ai guère le courage de les employer.
Je suis un Occidental, un Européen, de tradition chrétienne aussi bien dans
ma profession que dans ma vie
22
de famille. A part quelques mots d’usage courant, je ne parle pas l’hindi
ni le bengali et Mâ ne parle pas l’anglais. A l’exception d’une heure environ
d’entretien que j’ai eu avec Elle – entretien durant lequel je bénéficiais de
l’aide d’un interprète – je n’ai pratiquement jamais compris le moindre mot de
ce qu’Elle disait ou de ce qu’Elle répondait à mes questions. Et en dépit de
cela, j’ai entrepris six voyages en Inde par amour pour Elle et passé huit mois
à ses côtés, parfois dans des conditions plutôt difficiles. Cela prouve bien le
pouvoir de son influence même sur quelqu’un comme moi, un Européen
totalement étranger à la tradition hindoue où se trouvent toutes les racines de
Mâ Anandamayî.
Pendant des années, les photos de Sri Ramana Maharshi ont été pour moi,
comme pour nombre d’autres personnes à Paris, un véritable enseignement.
Quelques minutes d’une attention silencieuse et soutenue passées devant son
portrait à l’attitude et au regard sublimes, m’auront enseigné beaucoup
plus que la lecture des meilleurs livres – je parle de la seule véritable
connaissance, celle qui transforme les personnes qui l’ont acquise. Je n’ai
jamais manqué l’occasion de rencontrer les Français qui avaient eu son darshan.
C’est à la suite de ces témoignages vivants que j’ai ressenti le désir
irrésistible et plus fort que tout autre désir, de rencontrer un sage, un être
libéré, un être réalisé, un Jîvanmukti.
J’attendais énormément de mes voyages en Inde. Le darshan et la
rencontre de Mataji ont largement répondu
23
à mes espoirs. Depuis lors je me suis rendu à plusieurs reprises à
Kanhangad pour séjourner auprès de Swami Ramdas et de sa disciple principale
Krishnabai. Là aussi j’ai vécu des moments intenses et lumineux. La vie
éprouvante et tumultueuse de Paris n’est pas parvenue à effacer les souvenirs
chaleureux de ces moments-là. Il faut dire que Swami Ramdas parlait anglais et
que ses réponses, ses paraboles et ses observations souvent débordantes
d’humour, procuraient à nos esprits insatiables une précieuse nourriture.
Le rôle qu’aura joué Swami Ramdas dans la vie de nombreux Occidentaux est tout
à fait compréhensible, même pour cette mentalité moderne qu’est la nôtre,
enserrée qu’elle est par la logique rationnelle.
Cela dit, s’il est une chose qui aujourd’hui
encore me semble étonnante, c’est bien le rôle de maître qu’a assumé Mâ, de
précepteur spirituel d’un simple visiteur français qui a été et continue d’être
son élève et son disciple. Je tiens à souligner qu’Elle m’a fait comprendre
petit à petit la signification des Evangiles et du message du
Christ. Grâce à Mâ, la parole de Jésus est devenue pour moi parole de vie. Et
qui plus est, Elle m’a ouvert les portes de cette merveille universelle qu’est
la Bhagavad-Gîtâ et m’a fait découvrir Sri Krishna.
Rien ne peut être plus éloigné de la vie que je mène à Paris, où je
travaille pour le cinéma et la télévision, que l’atmosphère des ashrams de Mataji.
L’orthodoxie hindoue, l’observance des règles de caste, l’importance attachée
aux rites et aux cérémonies, autant de traditions
24
qui semblent n’avoir aucun point commun avec les problèmes auxquels l’homme
moderne est confronté dans sa vie de tous les jours, au coeur d’une métropole
européenne. Je suis en mesure,
toutefois, de témoigner du fait que l’enseignement de Mâ, quand
bien même il m’ait été communiqué « sans paroles », a totalement
transformé ma vie à Paris. Parce qu’Elle m’a convaincu, intellectuellement,
qu’il existe une perspective métaphysique qui est unique et universelle,
une Philosophia perennis qui nous enseigne que tous
nos problèmes ont déjà été résolus même si nous n’en avons pas
conscience : « Il est tout en tout, Lui seul est. » Mais
Elle enseigne également que la Réalisation peut tout englober. Bien que je sois
à l’autre bout de la terre, je sens vibrer en moi la vie des ashrams de Mâ, je
vois la pureté des habits d’une blancheur candide, j’entends la chaude
psalmodie des kirtans. Et cela en dépit de la confusion, des ennuis et
des contrariétés d’ordre professionnel que l’on doit affronter dans une ville
comme Paris, car Mataji, à tout le moins ce qu’Elle signifie, ce qu’Elle
représente, est toujours avec moi. En moi. J’ai encore en mémoire les paroles
bien connues : « Kurukshetra dharmakshetra... » Et
aussi : « L’action est la pièce théâtrale de la vie » (Yoga
Vashista) et je sais qui est l’acteur et qui ne l’est pas.
J’ai le sentiment que pour les
étrangers, la relation maître-disciple représente à l’heure actuelle l’aspect
le plus intéressant de l’hindouisme. Il y a des personnes qui considèrent que
le sens de leur vie s’est trouvé
25
radicalement changé après qu’elles aient eu le darshan
de Ramana Maharshi, de Ramdas ou de Mâ Anandamayî. C’est là une certitude qui
ne peut être ni prouvée, ni contredite. On peut confirmer la véracité du récit d’un
miracle, on peut être surpris – au nom de l’orthodoxie chrétienne – lorsqu’on
entend des Êtres autres que le Christ dire « le Père et Moi sommes
Un », on peut être sidéré devant le phénomène social que représente
la gloire d’une femme qui enseigne uniquement la voie qui mène à Dieu. Mais
pour ce qui est du choc que l’on ressent au simple regard de cette femme et à
la signification que peut avoir le moindre de ses gestes, c’est là une
expérience toute personnelle. Ceux qui ont vu, ont cru. Et ceux qui ont compris
le vrai sens des paroles de Vie Eternelle, ceux-là se sont engagés sur la Voie.
Par quel mystère l’Être réalisé qu’est Mâ déclenche-t-il en nous ces
vibrations qui nous mettent en harmonie avec Elle ? De quelle profondeur
de notre être proviennent ces vibrations ? Toutes les personnes avec qui
j’ai comparé mon expérience à la leur, ont éprouvé la même certitude que moi.
Les choses se sont passées ainsi, rien n’a été ajouté. Face au Maître, il n’y a que clarté et certitude
et il y a cette expérience extraordinaire de la vie au-delà du temps,
expérience qui nous libère de toute peur. Cela dit, il n’est pas facile de côtoyer Mataji. Aucune de
nos petites ruses habituelles ne fonctionnent. Elle nous démasque
immanquablement. Jamais auparavant je
n’ai été aussi divinement heureux que je l’ai été en la
26
présence de Mâ, de même que jamais auparavant je
ne me suis senti aussi mal à l’aise et aussi terriblement bouleversé.
Bien sûr je savais qu’une
transformation pénible et douloureuse devait s’opérer en moi. Je le savais
parfaitement en venant ici. Et je savais également que cette transformation
devait se faire avec mon accord et ma collaboration. Il ne suffit pas de
bénéficier de la présence d’un sage et de se contenter de rester passif :
il faut apporter son aide propre et s’en remettre à lui de sa propre volonté.
« Il est plus facile pour les mouches que pour quiconque de suivre ce
corps, où qu’il aille » disait Mâ, se référant à Elle-même, « mais
cela ne leur donne pas l’illumination pour autant ». Mataji insiste pour
que nous travaillions en permanence sur nous-mêmes, pour que nous fassions des
efforts importants et soutenus. Avec le temps, ces efforts finiront par être
transcendés. Apparaîtra alors un être vrai dont la spontanéité sera née au beau
milieu du « champ de bataille » en même temps qu’une liberté
intérieure allant au-delà de l’action et de la réaction.
Durant des années, avant mon premier voyage en Inde, je me suis posé une
question : « Et si c’était vrai ? » Combien de fois me la
suis-je posée cette question, avec une anxiété doublée d’un tremblant espoir
lorsque j’entendais parler de certains grands sages de l’Inde qui « d’un
simple regard peuvent changer le cours d’une vie » ? Combien de
récits ai-je lus qui décrivent leur présence surnaturelle, témoignage vivant
d’un monde
27
totalement différent de celui auquel nous croyons et où nous sommes
emprisonnés ! La réponse « Oui, c’est vrai », je l’ai obtenue,
en même temps que la certitude, lors du darshan de Mâ Anandamayî. A cet
instant-là, son regard était perdu dans le lointain et l’expression de son
visage était d’une beauté surnaturelle défiant toute description. Que
voyait-Elle dans ces moments-là ? Quelle est la signification de la
présence parmi nous d’un Être si totalement différent ? Il émane une telle
puissance de ce visage, que semaine après semaine, perdu dans la foule, j’étais
incapable d’en détacher mon regard, subjugué qu’était mon être tout entier par
un irrésistible sentiment d’intensité et de plénitude. En la présence de Mâ,
quelque chose était en train de se passer dans ma vie. Et je savais maintenant,
avec certitude, que tout était possible pour Elle.
Cela dit, il faut reconnaître que la nature et l’attitude quasiment
miraculeuses de Mâ Anandamayî, l’attraction qu’Elle exerce sur des milliers et
des milliers de personnes, induisent certaines d’entre elles à voir en cela des
manifestations « anormales » plus que « surnaturelles ». Ma gratitude envers Mâ est encore plus
grande pour ce que j’ai pleinement conscience de recevoir d’Elle lorsque je
suis à Paris, que pour les moments, pourtant extraordinaires, que j’ai vécus en
Inde. Je ne cherche aucune explication. Le caractère unique du Soi, l’éveil du
gourou intérieur sont suffisants. Un fait demeure toutefois : dès
mon retour en Europe, après ce premier voyage en Inde, les rapports difficiles
et
28
source de souffrance que j’entretenais avec mon entourage, se modifièrent
radicalement. J’avais compris
que notre être conditionne notre vie. Je savais que par la grâce
de Mâ Anandamayî et de Swami Ramdas, quelque chose dans mon être avait
été transformé. J’ai gardé sur la cheminée de la pièce où je passe la
plupart de mon temps la photo de Bhagavan Ramana Maharshi, la première photo
d’un sage que je possédais et que j’avais regardée si souvent pendant des
années. C’est cette photo qui avait fait grandir en moi le désir de me rendre
en Inde. Et j’ai parfois le
sentiment que c’est Ramana Maharshi qui m’a guidé vers Mâ Anandamayî.
A ses côtés j’ai trouvé la vie qu’il y a au-delà de toutes les choses de la
création – outre celle qui se trouve en elles – et contre laquelle aucun
pouvoir en ce monde ne peut prévaloir, ni aucun obstacle, ni aucune opposition.
Dès ma première visite à Mâ Anandamayî, à Varanasi, j’ai découvert la vie en
moi-même. Je peux comprendre que certaines personnes dénient l’existence de
Dieu ou de l’Atma. Mais la vie ? Qui peut se refuser à s’ouvrir à
la Vie et à se laisser transformer par elle ? Le Christ a dit :
« Je suis la Vie. Je donnerai la Vie à tous ceux qui viendront à
moi. » Et je sais que Mâ est la Vie et qu’Elle donne la Vie à tous ceux
qui viennent à Elle. Dans ce cas, pourquoi serait-il difficile de l’appeler
Mère ou bien Mâ ? Car une mère n’est pas seulement celle qui conseille et
qui protège, celle qui réprimande ou réconforte, une mère est avant tout et
surtout celle qui donne la naissance et qui vous amène à la vie. Il est un
29
fait clair et définitif à mes yeux – et pas une seule semaine ne s’est
écoulée, durant ces cinq années, sans qu’il ne m’ait été donné confirmation de
ce fait : ma vie a véritablement commencé au mois de septembre 1959, à
Varanasi.
Combien de fois, en France, ne m’a t-on pas posé cette question :
« Qu’avez-vous reçu de cette grande sainte ? » Je savais
parfaitement que l’on attendait de ma part une réponse conforme aux récits
qu’on lit couramment dans les livres qui parlent de chakras, de kundalinî
ou de nirvikalpa-samâdhi. Mais la réponse est beaucoup plus simple et,
pour moi tout au moins, infiniment plus révélatrice : « Ce que j’ai reçu de cette femme sainte c’est
moi-même. J’étais mort et je suis revenu à la vie. J’étais né de la
chair et maintenant je suis né de l’esprit. » Quel
que soit mon péché et quelle que soit mon impureté, Sri Sri Mâ Anandamayî vous
êtes à tout jamais ma mère et je suis votre fils. Jay Guru. Jay Mâ.
Préface
d'Arnaud Desjardins
Au livre Retrouver la joie rassemblé et traduit par
Patrick Mandala
Si nous demandions à différentes personnes
de notre entourage : « Qu’avez-vous vu de plus beau de toute votre
30
existence ? »
Certaines évoqueraient peut-être un paysage qualifié de grandiose, d'autres une
oeuvre d'art considérée comme sublime. Et si nous précisions : « Quelle est
l'oeuvre d'art sacré qui a le plus remarquablement éveillé en vous le sens de
la transcendance ? », les réponses iraient de la cathédrale gothique à la
statue khmer d'un bouddha, ou d’une
des plus admirables peintures chinoises traditionnelles à telle ou telle
mosquée.
Mon existence personnelle m'a donné l'opportunité
de contempler bien des merveilles, du Mexique au Japon et de l’Inde au Québec,
mais ce qui a produit en moi, de loin, la plus forte impression et pour
laquelle aucun terme tel que « divin » ou « surnaturel » ne me paraît excessif,
est la rencontre, le darshan (vision)
comme on dit en Inde, d’un être humain, d’une femme hindoue de naissance
bengalie, la célèbre Mâ Anandamayî. Ce ressenti inoubliable, décisif, a été
partagé par de très nombreux hindous et occidentaux. Les meilleures images d'un
film, les photographies les plus réussies ne transmettent qu'une faible part de
son rayonnement. Toutes les facettes d'un être humain accompli, depuis le rire
lumineux d'un enfant jusqu'à l'immense gravité d'un Sage, s’exprimaient à
travers elle. Et ses paroles, totalement adaptées à chaque personne et à chaque
circonstance, ont couvert toute la gamme des réponses possibles aux questions
de ceux qui l’approchaient, depuis une simple villageoise jusqu'à un pandit réputé de Bénarès ou un mystique
de Vrindavân.
31
Il est heureux que son influence puisse encore
toucher aujourd'hui des personnes qui, faute de l'avoir rencontrée « en chair
et en os », découvriront au fond de leur coeur sa dimension infinie.
Hauteville,
29 janvier 2009
Le
pèlerinage au Mont Kailash
Par Vigyânânand (Jacques Vigne)
27
Français se sont rendus au Mont Kailash avec Vigyânânand en partant de
Kathmandu. Le voyage total a duré du 14 mai au 6 juin via Lhassa, Gyantsé et
Shigatsé, et il y a eu cinq jours autour du lac Manasarovar et du Mont Kailash
lui-même. Nous donnons quelques extraits du compte rendu que j’ai effectué.
Vous aurez la version complète, trois fois plus longue, bientôt sur mon site www.jacquesvigne.fr.st N’hésitez pas à demander aussi à
Joëlle Coiret, professeur de lettres en retraite de la Réunion, son propre
récit qui rentre davantage dans les détails au niveau culturel sur le Tibet que
nous avons vu : joelle.coiret@ac-larenion.fr Il sera publié dans le journal de
l’Association Réunionnaise de Yoga
Le mont Kailash est le pèlerinage
le plus révéré du monde hindou, jaïn et bouddhiste tibétain. Ils assimilent ce
sommet à
32
6500 m d’altitude au Mont Mérou, l'axe du monde. Jusqu'à l'invasion
chinoise en 1950, les frontières étaient ouvertes, et les Indiens se rendaient
au Kailash. On en parle déjà dans le Mahabharata et le Ramayana – c'est dire
qu'il s'agit d'un pèlerinage ancien. Les difficultés à l'époque étaient non
seulement physiques, avec des sentiers par endroit peu entretenus et dangereux,
des ressources hôtelières quasi nulles, mais il y avait aussi les brigands qui
taxaient les pèlerins quand ils ne leur prenaient pas directement tous leurs
avoirs. Nous citerons des extraits de l’anthologie des textes de Gurupriya
Didi, l'assistante de Mâ durant toute sa vie : elle a effectué avec elle
et tout un groupe, en 1937, le pèlerinage au mont Kailash à partir d'Almora,
c'est-à-dire la région indienne au nord-ouest du Népal. À l'époque encore,
atteindre le Kailash était toute une aventure, mais cela n'empêchait pas les
pèlerins de toute l'Inde d'y aller.
Du point de vue tibétain, le mont
Kailash est indissolublement associé à la mémoire de Milarépa, qui a vécu sur
le Toit du monde entre 1050 et 1130. Son maître, Marpa, qui avait été étudier
le bouddhisme tantrique en Inde, lui avait conseillé d'aller méditer dans la
région du Kailash. Par l'exemple de ses vertus et une série de miracles, nous
dit l'histoire, il a acquis la région au bouddhisme et en a écarté les böns,
les pratiquants de cette religion tibétaine parallèle au bouddhisme mais plus
empreinte de chamanisme et à l'origine, probablement, de mazdéisme persan. Nous
citerons quelques textes de Milarépa ci-dessous, mais disons tout de suite
qu’il y a deux auteurs principaux qui les ont traduits en français, Étienne
Bacot et Marie-Josée Lamothe. Les textes de celle-ci ont été réunis en un seul
volume d'environ 1000 pages, y
33
compris son récit Sur les pas de
Milarépa relatant son pèlerinage au Kailash en 1987, à l'époque où le Tibet
venait juste de s'ouvrir de nouveau aux occidentaux après le traumatisme de la
révolution culturelle.
… La montée au Kailsh : une acclimatation progressive.
Notre groupe s’est retrouvé à
Kathmandou le 14 mai 2011. Quatre participants de la Réunion avaient décidé,
pour se préparer à l'altitude, de monter au Kalapatar, le belvédère de
l'Annapurna à 5600 m. C'était eux qui avaient le meilleur entraînement. Huit
autres qui venaient de métropole ont décidé de randonner sur les flancs de
l'Annapurna, à Ghorépani qui est une étape importante du tour de l'Annapurna
avec un des meilleurs points de vues sur le pic lui-même : celui-ci est à
8060 m d'altitude et en face s’élève le Dhaulagiri à 8200 m d'altitude. Je
faisais partie de ce second groupe, et nous avons donc passé cinq jours à
environ 3000 m d'altitude, en nous promenant dans les alentours. Nous n'étions
jamais lassés des paysages qui changeaient chaque jour et à chaque heure de la
journée, avec différents effets de nuages au milieu des sommets des environs,
souvent à plus de 7000 m d’altitude.
Après avoir visité Katmandou et
ses environs, riches en stoupas (monuments en demi-sphères, le plus souvent
blancs) et monastères bouddhistes, et avoir résidé à Bodhnath, qui est comme un
village tibétain à la périphérie de la capitale, nous avons pris l'avion pour
Lhassa le 19 mai. Cela nous faisait monter de 1500 m à 3700 m, et nous avons
passé quatre nuits dans la capitale tibétaine pour nous acclimater à
l'altitude. Le temps à Lhassa était on pouvait dire agréable, il suffisait de
bien se couvrir le soir, mais pendant la journée au soleil on
34
pouvait, en fait, être en bras de chemise. Le Potala reste très beau dans
son allure d'ensemble et dans les détails de son intérieur. Il a été construit
entre 1625 et 1635 par le Cinquième Dalaï-lama, qui a réinstauré l'unité du
Tibet grâce à un système de gouvernement monastique qui a tenu jusqu'à
l'invasion des Chinois. Le grand avantage de ce système est qu'il a mis un
point final aux guerres féodales qui avaient déchiré le Tibet pendant deux
siècles dans l'interrègne entre le gouvernement monastique des Sakypas –qui
avait duré environ de 1250 à 1450, et celui des Gélugpas, qui a donc duré du
début du XVIIe jusqu'en 1950.
L'autre centre religieux
principal de Lhassa est le Jhokang. Il s'agit du plus ancien temple du Tibet,
avec des parties de bâtiments qui datent du VIIe siècle, de l'époque du roi
Songsten Gampo qui a été le premier à unifier toute une partie du Tibet sous
l’étendard bouddhiste. Des monastères comme Sera, Ganden ou Samyé avaient entre
5.000 et 10.000 moines dans le Tibet des Dalaï-lamas, maintenant ils reprennent
après la révolution culturelle. Ils ont actuellement environ 500 moines. Quand
on y pense, à part le Mont Athos, il n’y
a aucun monastère chrétien à ma connaissance qui ait 500 moines, pourtant dans
la plupart des pays, les chrétiens ne sont pas persécutés. Au Tibet par contre,
il y a toutes sortes de restrictions imposées par les communistes pour devenir
moine, il faut l'autorisation du ministère, le nombre de moines par village est
limité, mais malgré cela, les grands monastères gelugpa de Lhassa et de
Shigatsé, siège du Panchen-lama, ont quand même 500 moines...Puisque nous
sommes dans ces chiffres, signalons que 35.000 des 150.000 tibétains en exil
sont moines ou moniales, et qu’en Irlande, bastion du
35
catholicisme romain, chaque année le nombre de moines bouddhistes ordonnés
a dépassé environ, à partir de 2005, celui des nouveaux prêtres catholiques
rentrant dans les ordres.
Nous avons visité également
Norbuling, « la résidence d’été des Dalaï-lamas ». C'est émouvant de
voir le pavillon où le XIVe Dalaï-lama, c’est-à-dire l’actuel, a passé ses
dernières années au pouvoir et s'est enfui en 1959, échappant aux chinois qui
l’encerclaient, pour rejoindre l'Inde au niveau de l’Arunachal Pradesh. Lhassa
nous a laissé l’impression d’une ville avec une double vie : on y
trouve le quartier chinois avec ses
banques et ses grands immeubles, les
allées de boutiques le long des grandes avenues avec leurs enseignes en
chinois, et le reste quelques dizaines de mètres par derrière qui est typiquement
tibétain. On retrouve cette structure de façade chinoise et d'arrière tibétain
dans les petites villes sur le parcours. Sinon, on voit en général dans le pays
des bâtiments administratifs et de police chinois flambant neuf, et les
habitations tibétaines souvent pauvres. Cela donne nettement une impression
d'artificialité de la présence chinoise, nous reviendrons sur ce fait dans la
dernière partie.
Traditions et symbolisme du Kailash
Pour les hindous, le Kailash
représente le lieu où siègent Shiva et Parvati, dont le nom signifie fille de
Parvat, c'est-à-dire le dieu de la montagne. Les textes shivaïtes, Tantras ou
Agamas, sont souvent présentés comme des dialogues entre Shiva et sa parèdre.
Les dialogues sont censés avoir eu lieu au sommet du mont Kailash. Il y a une
polarité claire entre le Kailash, symbole masculin et l'étendue du Lac
Manasarovar
36
d’une quarantaine de kilomètres de diamètre et d'une centaine de pourtour,
qui est typiquement féminine. Dans les temples hindous, on connaît la polarité
entre le Shivalingam mâle et sa base,
le yonî, correspondant, elle, à la
matrice féminine et qui est destiné à recueillir l'eau des ablutions et à
l'évacuer. Le Manasarovar est donc en quelque sorte le yonî du Kailash. Pour compléter le symbolisme, il y a un second
lac, le Rakshasha-tal (tal signifie
‘plat’ et est probablement de la même racine que le français
"talon"). Les rakshashas
sont des esprits de la nature, qui peuvent être protecteurs ou malfaisants. On
peut retrouver dans cette structure géographique du Kailash, avec ses deux lacs
en contrebas, celle du corps humain, avec le côté gauche correspondant au
Rakshasa-tal, et le côté droit au Manasarovar. En méditation, on a tendance à
favoriser le côté droit qui permet de libérer le subconscient corporel de
l'anxiété reliée au côté gauche avec ses battements du coeur qui réagissent
immédiatement à toute émulation de stress. On retrouve donc cette structure
dans la nature. Quand on regarde du sud le mont Kailash, le Manasarovar est à
droite et le Rakshasa-tal à gauche.
Le nom tibétain du Kailash est Kang Tisé, le joyau, tisé, des neiges, kang. Et il apparaît véritablement comme cela, que ce soit vu de
loin ou de près. Le nom du lac Manasarovar est Mapham Yumtso, le lac, tso,
de turquoise, yum, invincible, mapham. Il y a deux miracles de Milarépa
qu'on peut assez facilement interpréter de façon yoguique. Dans son concours de
prodiges avec le chef des böns de la région à l'époque, mais Iol a saisi le lac
et l’a fait monter pour le tenir sur son doigt vertical. On peut établir une
correspondance entre le lac et le bassin dans le corps humain, le faire monter
au bout du doigt,
37
c'est faire monter les sensations du bassin à peu près au sommet de l'axe
central, dans cette région au-dessus du palais qui est touché par la langue
quand elle part vers le haut, dans cette position souvent prise en méditation
qu'on appelle khécharî mudra,
l'attitude qui va, charî, vers le
ciel, khé. D'ailleurs, le chakra qui
est dans cette zone-là, c'est-à-dire le plat du palais, s’appelle talu, ce qui est proche de tal qui signifie ‘le lac’. En yoga, on
cherche à maintenir la pointe de la langue vers le haut. Cela accumule
l'énergie au-dessus, comme un lac qui se remplit, et qui de temps en temps se
vide dans le corps, c’est ce qu’on entend par le terme ‘nectar d’immortalité’.
Derrière cette imagerie qui semble tout à fait dans l'hyperbole orientale
habituelle, il y a sans doute une réalité biochimique bien précise. La langue
vers l'arrière et vers le haut va à l’opposé des émotions perturbatrices
habituelles, colère, désirs, peurs, qui sont reliées à une position de la
langue plutôt vers l'avant et vers le bas. En ne partant pas dans le sens de
ces émotions, on économise une énergie qui s'accumule et qui peut donner lieu
aux expériences de joie spirituelle intense. C'est « énergie » est probablement
reliée non seulement à l'accumulation d'endorphines, mais aussi à une plus
grande sensibilité à celle-ci. En effet, une vie disciplinée fait que la
sensibilité aux endorphines n’est plus émoussée par les excès, et que donc ces
endorphines qui seront émises par des activités assez naturelles, comme la
marche, le chant, une alimentation quelque peu restreinte, une activité
sexuelle réduite, ont un effet de joie intérieure beaucoup plus fort que dans
les situations habituelles. D'où cette notion de nectar d'immortalité, l’amritam, qui est cher au yoga, et qui
est contenu dans cette
38
image de Milarépa qui tient le lac de turquoise invincible au-dessus de son
doigt dressé.
Venons-en maintenant au second
miracle de Milarépa, pour conquérir le Kailash par rapport à son concurrent
bön : le défi était de savoir lequel des deux pourrait arriver le premier
au sommet du mont Kailash. Le chaman a fait ce qu'il savait faire, c'est-à-dire
frapper sur le tambour pour rentrer en transe et monter dans des états de
conscience de plus en plus élevée progressivement. Dans l'histoire, il est
monté dans les airs en chevauchant le tambour et s’est approché progressivement
du sommet du Kailash durant sa nuit de transe. Quand à Milarépa, lui, il était
allongé et semblait dormir. Les disciples de celui-ci étaient très inquiets,
car ils voyaient le concurrent se rapprocher du sommet, et de l’autre côté
Milarépa qui paraissait bien somnoler. Cependant, au point du jour, quand le
premier rayon du soleil est sorti de la montagne et a caressé le sommet du
Kailash, Milarépa l’a chevauché et il est arrivé directement au sommet, au nez
et à la barbe du chaman bön. L'idée sous-jacente est que la montée de la
koundalinî dans l'axe central est comme un rayon de soleil qui inonde
directement le sommet de la tête. Si on peut chevaucher ce rayon ascendant, on
n'a plus besoin des pratiques laborieuses du chamanisme, qui nécessitent une
mise en transe très physique par la danse, le rite du tambour et des nuits de
pratiques plutôt épuisantes.
Pour mettre davantage dans
l'esprit le symbolisme de la montagne au centre du monde et les enseignements
de Shiva à Parvati, je cite ci-dessous quelques poèmes qui me sont venus dans
un écrit précédent. On m'avait demandé de présenter de
39
façon poétique des enseignements du yoga, j'ai choisi la forme
traditionnelle du dialogue entre Shiva et Parvati.[iv]
Une montagne près du Kailash
s’appelle Manjusvara, ‘la montagne à la
voix douce’, manju signifiant ‘doux’.
Cela évoque le bodhisattva Manjushri, le « noble et doux », qui a enseigné dans
un soutra du Mahâyana la pratique de l'écoute du silence. En effet, quand on
est dans une montagne de haute altitude et qu’il n'y a pas de vent, on entend
très fort le bruissement du silence, c'est cette voix douce qui caractérise la
montagne solitaire.
À 70 km au sud du mont Kailash,
en direction du Népal, il y a la montagne de Gurla Mandata qui fait partie de
la grande chaîne de l'Himalaya, et qui culmine à 7200 m ; je ne suis pas
sûr qu'il s'agisse d'un Gurla en
sanskrit, mais cela semble quand même être le cas, avec cependant le la tibétain qui signifie ‘élevé’, Gur peut évoquer le gourou, ou alors en
tibétain le chant (les 100.000 chants de Milarépa s'appellent par exemple gur-bum, bum signifiant ‘cent mille’). Mandata semble être de la racine de mandal, qui veut dire la région, le
système, et qui a donné ‘mandala’ en sanskrit et aussi ‘monde’ en français. On
pourrait dire que le mont Kailash au Nord avec sa forme de Shivalingam est le symbole du Soi, et que le Gurla Mandata au sud en est le miroir sous forme du gourou qui, par
son système d'enseignement, transmet l'absolu à l'humanité. Ou encore, si l'on
interprète Gur-la, comme ‘le chant
élevé’, on pourrait évoquer cet Udgitha,
ce chant du ciel, dont parle si bien la Chandgoya Oupanishad dans tout son
premier chapitre. Il s'agit du son du silence, qu’on perçoit à la pointe de la
conscience quand le mental est vraiment tranquille et qui
40
devient notre gourou intérieur. C'est la première manifestation de
l'Absolu, c'est le premier miroir sonore du mont Kailash...
Le Voyage Intérieur
(Aux
participants
Des voyages
de Jacques Vigne)
Par Mahâjyoti
Avec vous je n’irai
Mais je m’envolerai
Sur l’aile du bonheur
Du Voyage Intérieur…
Mon chemin, ma démarche
Dans leur évolution
Ont voulu que je marche
Vers une autre mission.
Mon Voyage Intérieur
N’est pas un abandon
Car mon âme et mon coeur
Vous accompagneront.
Si l’Inde est un joyau
Dans sa comparaison
C’est divinement beau
En imagination !
C’est chez moi que je crée
Mon travail en amont.
C’est là-bas l’apogée
De son application.
Différente est l’optique
Avec le temps qui passe
Je garde l’authentique,
Le recul, et repasse.
Le chemin parcouru
Dans l’émerveillement !
Découverte absolue
Du pur Enseignement.
Que je dois appliquer
Dans ma vie, dans ma foi
Non plus me promener
Mais vivre dans le SOI !
Dédoublement subtil
De l’Inde en mes voyages
Qui renaît sur le fil
Déroulant des images.
Il est très beau en rêve
Ce voyage vécu
Ce n’est pas qu’il
s’achève
Puisqu’il est entendu
Que dans ma sadhâna,
SEULE, auprès de mes
guides,
J’irai retrouver Mâ
Il n’est donc point de
vide !
Ma famille est sur place
Son nom est ‘Ananda’
Hautement elle remplace
Celle qui n’est plus là…
Je suivrai son appel
Et Mâ, dans sa splendeur,
Rendra vrai l’irréel
Du Voyage Intérieur…
Mahâjyoti
(Geneviève Koevoets)
Nouvelles
-
En mai-juin,
Vigyânânand est allé avec un groupe de 27 Français au Mont Kailash et au Lac
Manasarovar.
43
C’était pour tous une première au Tibet, et un
moyen de découvrir cette précieuse culture in
situ. Le voyage s’est déroulé dans
des conditions bien plus confortables que celui de Mâ Anandamayî en 1936, dont nous
continuerons la description dans le prochain numéro sous la plume de Didi. Il
n’y a pas eu de problèmes sérieux de mal de l’altitude dans le groupe.
-
Une retraite
de huit jours à Kankhal a réuni 17 Français autour du souvenir de Vijayânanda.
Il y avait un programme quotidien de 7h du matin à 9 h du soir, les repas
étaient en silence avec des lectures de textes de Vijayânanda ou sur Mâ
principalement. Il y avait deux disciples directs d’Arnaud Desjardins dans le
groupe. Peu après son décès, nous avons pu faire célébrer un puja traditionnelle en mémoire des
défunts sur les bords du Gange tout près de l’ashram de Mâ. Nous avons envoyé
des châles, avec imprimé dessus ‘Om Mâ’ à ses proches. C’était la moindre des
choses pour lui qui a tant fait, sa vie durant, pour faire apprécier la
spiritualité de l’Inde au public
français. Ce séjour a été suivi de quelques jours à Rishikesh et Dehradun, où
nous avons rencontré les vieux yoguis Jnanananda et Chandra Swami, qui connaissaient
chacun Vijayânanda depuis fort longtemps.
-
Izou et
Gonzague se sont rendus à Bénarès pour quelques jours fin août. Ils ont fait
poser une plaque à l’endroit de la chambre où Vijayânanda a résidé et médité
pendant de longues années ; Ce lieu a été
44
-
transformé en
hall de méditation, avec une vue imprenable sur le Gange juste en contrebas.
Une photo de Swamiji a aussi été déposée aux pieds du lit de Mâ dans sa
chambre. De plus, un bâtiment de l’hôpital de Mâ, qui est tout près de l’ashram
et du Gange, a été nommé ‘Vijayânanda’.
-
Une Bhagavat sapta en mémoire des moines et
moniales de Mâ, qui sont décédés depuis début 2010, ainsi qu’en mémoire de
Vijayânanda et de Bhaskarânanda, est en train de se dérouler à Kankhal jusqu’au
12 septembre. Il s’agit d’une semaine où un Swami spécialiste, lit de larges
extraits du Bhagavata Puranam, l’histoire classique de Krishna, en les
commentant. Il y a une ambiance de prédication populaire avec de nombreuses
histoires, des chants accompagnés du tambour, un certain nombre d’enfants y
assistent, cependant des significations plus profondes sont également mises en
valeur au milieu de cela.
- Nous avons réuni toute la série des ‘Jay Mâ’ en un seul document, qui devrait être mis en ligne dans peu de temps. Cela couvre donc les exemplaires du N° 43 au 102, et fait un bel ensemble de plus de mille pages d’ordinateur. L’avantage est, en particulier, que grâce à la
45
fonction de recherche, on peut trouver
immédiatement un article ou les références à un auteur ou un sujet, ce qui est
beaucoup plus difficile quand le contenu est dispersé dans plus de cinquante
documents différents. L’adresse est le site habituel de Mâ www.anandamayi.org, en
ouvrant la page ‘French’ et le document sera sans doute dans la sous-partie
‘Les textes’.
.
-
Geneviève
Koevoets (Mahâjyoti) a pris un accord avec le domaine de TRIMURTI lieu
d’accueil et de paix au milieu des vignes et des romarins, avec vue sur le
Massif des Maures, à Cogolin (Golfe de St Tropez, dans le Var), afin de mettre
sur pieds une belle retraite de 9 jours et demi, du lundi de Pentecôte 28 mai
au 6 juin après-midi, en compagnie de Jacques Vigne (Vigyânânand), sur le thème
‘Méditation, émotions et corps vécu’. Ce
sont les prémices de ce que sera la nouvelle tournée 2012 qu’il
fera aux USA, Italie, France, Suisse, Belgique, Allemagne, La Réunion et
autres…De très beaux endroits en France accueilleront Vigyânânand également,
pour conférences et retraites spirituelles. Mahâjyoti en fera la coordination
bénévole et vous en enverra le programme en temps voulu dès que les choses
seront fixées définitivement.
46
Renouvellement des abonnements en cours
Pour le ‘JAY MA’
2011-2013
Merci à tous ceux (nombreux) qui ont déjà renouvelé l’expérience du ‘JAY MA’ et qui se
sont inscrits de nouveau auprès de José Sanchez Gonzalez pour la partie administrative : 10 rue
Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève
(Mahâjyoti) qui en gère l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en
vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr (Coordination
bénévole).
La brochure est toujours au prix de 1 Euro par
exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler pour deux ans, de mars
2011 à mars 2013. Les numéros arriérés seront envoyés automatiquement à tous
ceux qui s’inscriront en cours de route.
Le dernier numéro a été le 101ème de
cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour avec l’Inde,
avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition
qu’en fait Jacques Vigne.
47
Table des matières
Editorial
…………………………………………………. p. 1
Paroles de Ma
…………………………………………….p. 1
Le départ d’Arnaud par Sundarî………………………….p 5
Un enseignement sans
paroles par Arnaud Desjardins
….p 21
Préface d’A.Desjardins au
nouveau livre sur Mâ
‘Retrouver la joie’
……………………………………… p 29
Un pèlerinage au Kailash par Vigyânânand ……………..p 31
Le voyage intérieur par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)
p 40
Nouvelles
…………………………………………………p 42
Renouvellement des
abonnements………………………..p 46
Table des matières………………………………………...p 47