Jay Ma N° 72     -    Printemps 2004

Réponses de Ma

(Traduites par Marol dans « La saturée de joie » Dervy)

 

Question : Je suis pris dans les filets de l'illusion (mâyâ). Comment en sortir ?

Mâ : à la machette. C'est comme ça qu’on se fraie un chemin dans la jungle. Pour cela, il faut déjà s'enfoncer dans la jungle. Nous parlons de l'illusion de qui ? Les jeux d'illusions de Dieu n'ont pas de commencement. Pourtant ils peuvent avoir une fin. Même au plus profond de la jungle, on peut ouvrir une clairière.

   Un pot bien astiqué révèle sa qualité. "Cela qui est" resplendit quand on a suffisamment frotté! Comment retirer la pellicule de l'illusion ? Dans la compagnie des sages, et en suivant les conseils de son guide (gourou).

   Tant que le guide de n'a pas été trouvé, tous les noms font écho à Son nom, toutes les formes sont Sa forme, toutes les qualités, Ses qualités.

    Réfléchissez bien à cette question : comment me libérer de l'illusion ? Quelle est la voie ? Quels sont les moyens ? D'une façon ou d'une autre, pensez toujours à Lui. Nos pensées, nos paroles, dédions-les Lui. Le reste n'est que futilité et souffrance. (p. 182)

      Dieu peut se révéler indépendamment de vos efforts. Si vous vous êtes engagés dans des exercices spirituels, c'est que pendant des vies vous n'avez voulu satisfaire que vos envies.

Si après avoir gaspillé tant de vies, vous avez l'intelligence, la bonne idée de décider : "Maintenant ça suffit ! Je ne veux plus tourner en rond de naissance en naissance !"... Alors vous vous engagerez sérieusement dans une ascèse réelle. Sinon vous vous réabonnez à de nouvelles souffrances, vie après vie, ballottés par vos appétits et vos passions.

Il n'y a que Dieu, rien d'autre. Ne pas s'en apercevoir est dû à votre brouillard mental. Engagez-vous dans une discipline, kriya, qui vous convienne, qui soit dans votre style d'approche. (p. 184)



Question : je vous ai entendue dire que tous les instants sont contenus dans l'Instant suprême. Je ne comprends pas.

Mâ : le moment de naître conditionne une nouvelle expérience de vie : à l'Instant suprême, tout est accompli ! Notre destin est comblé !

    Quand il n'y a plus rien à brûler, là est le moment de toute éternité ! Saisir ce moment, là est votre destin. En réalité, il est Cela ; Tout-Cela. Comment Cela pourrait laisser quoi que ce soit en dehors ? Qui a plongé dans ce courant ne peut plus séparer présent, passé, futur.
Les moments tels que vous les vivez, sont tétanisés. L'instant contient l'être et le devenir, il contient tout ; rien n'est là et tout est là.

   Il n'y a pas même d'opposition entre cet Instant et des moments qui ne sont que des bouts de temps ! L'Instant est temps, mais pas ce que vous nommez "temps". Le temps, samaya est saturé de Soi, sva maya, « tissé du seul Soi » ; rien n'existe, sauf le Soi ! (p. 185)

 

 

Un ermitage idéal
 par Vijayandanda

 


Mai 1966


     Me voici de retour dans cet ermitage en pleine forêt himalayenne, aux environs du village de Dhaulchina. La première fois que j'ai entendu parler de cet ashram, vers 1960, j'étais à Almora, capitale de la province himalayenne du Kumaon. Un nouvel ashram, m'avait-on dit, venait d'être construit en pleine montagne sur un plateau face aux neiges éternelles. L'ermitage était loin de toute habitation humaine au milieu de la forêt, hantée par les fauves. Les voies de communication étaient précaires. L'endroit était à peu près à 25 km de la ville d'Almora. Les premiers quinze kilomètres pouvaient être effectués en autobus jusqu'au village de Baréchina, mais de là, il fallait accomplir, avec un guide, huit kilomètres d'ascension à pied jusqu'au village de Dhaulchina puis  encore deux kilomètres en pleine forêt jusqu'à l'ashram.

     En outre, le point d'eau potable le plus proche était au village, c'est-à-dire à près de 2 km de distance et le ravitaillement en denrées de première nécessité s'avérait difficile car le village ne possédait que quelques boutiques mal achalandées. Vivre dans un pareil ermitage paraissait sinon impossible, du moins très difficile. Pourtant, c'est justement la difficulté qui me tenta et peut être aussi la curiosité de me rendre compte comment l'on pouvait résoudre les problèmes vitaux : eau, nourriture, habitation etc. là où leur solution s'avérait si précaire. Mais les choses vont lentement aux Indes et ce n'est qu'en avril 1963 que mon désir d'aller vivre dans cet ashram a pu se réaliser. Mais ce n'était pas une chose si simple. L'ashram de Taratal, puisque c'était son nom à l'époque, était sous la responsabilité d'un gardien qui habitait au village et qui avait les clés, mais qui était souvent absent. D'autre part, pour un européen, s'aventurer seul au milieu de ces villages de montagne sans connaître personne était une expédition plutôt hasardeuse.

     Le gardien s'appelait H.Singh. C'était un notable du village, tenancier d'une petite boutique d'épicier. La solution la plus simple, c'était de lui écrire et de lui demander de venir me chercher à l'ashram d’Almora. C'est ce que je fis. Mais ma lettre resta sans réponse. Il faut dire que H.Singh ne savait ni lire ni écrire. Néanmoins, il aurait pu envoyer une réponse par personne interposée. Mais je ne perdis pas courage et fit écrire par le directeur de l'ashram d’Almora puis par des hommes importants de la ville. Toujours pas de réponse. Pourtant, un beau matin, "un homme qui descendait des montagnes" vint à l'ashram d’Almora et demanda à me voir. C'était le fameux H.Singh, le gardien du seuil de l'ermitage convoité. Et il venait me chercher... Il me donna rendez-vous en ville à l'heure du départ de l'autobus que nous devions prendre ensemble jusqu'au relais de Baréchina. Enfin mon rêve allait se réaliser...

      Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, car un messager de H.Singh vint bientôt m’informer qu'il était inutile de me rendre en ville pour prendre l'autobus, ce dernier était surbondé, il était impossible de s'y caser. H.Singh lui-même retourna à son village, je ne sais par quel moyen et me donna rendez-vous au relais de Baréchina quelques jours plus tard. Là, il viendrait me chercher ou enverrait des porteurs pour me guider jusqu'au village de Dhaulchina, et à l'ashram au-dessus.

Vijâyananda va au rendez-vous, attend des porteurs qui ne viennent pas, et finalement décide de prendre les siens propres.

       Et nous voici en route à travers les sentiers de montagne vers le village de Dhaulchina. Le chemin passe en pleine forêt himalayenne et monte presque continuellement. Une voie assez praticable a été taillée sur le flanc de la montagne. Mais mes porteurs préféraient prendre les raccourcis à travers des sentiers périlleux pour un homme de la plaine comme moi. Le raccourci principal, qui fait gagner presque 1 km, passe à travers un torrent de montagne. Nous descendîmes jusqu'au lit du cours d'eau à un endroit où il était possible de le  traverser à gué. Puis commença l'escalade de la grande montée, la charaï comme ils l’appelaient, sur un sentier qui grimpait presque tout droit vers le sommet pendant près d'un demi kilomètre.

      Il s’agissait d’un gros effort pour mes jambes et mon souffle et j'admirais ces vigoureux montagnards qui montaient avec une lourde charge sur le dos ou sur leur tête. Pourtant, je sentais à peine la fatigue,  enivré que j'étais à la joie de respirer l'air pur de ces solitudes sauvages. L'odeur des résines, le parfum des herbes de la montagne, le bruit du torrent qui roule en bas, ce majestueux silence, la splendeur des paysages et, - qui sait - peut être aussi quelque présence mystérieuse dégageait une atmosphère prenante qu'on ne trouve que dans ce légendaire Himalaya.

        Enfin, nous atteignîmes le sommet du pays et notre petit groupe reprit le chemin battu ; le plus gros était fait, le village n'était plus bien loin. Nos porteurs s'arrêtèrent pour souffler un peu et fumer une bidi (cigarette populaire constituée d'une feuille de tabac roulée). Encore une demi-heure de marche et nous arrivâmes enfin au village de Dhaulchina. Quel contraste avec le relais de Baréchina, car Dhaulchina est un village adorable ; "adorable" est bien le mot. C'est un tout petit village comprenant quelques groupes de maisonnettes disséminés entre les flancs de montagne comme placés là par un artiste géant au goût exquis ; autour des maisonnettes, la montagnes est taillée en gradins horizontaux qui sont transformés en champs de culture pour le riz, le blé etc. Et quelle richesse de coloris ! La verdure, les champs encadrés par le bleu sombre des pics dans le lointain et au-dessus, un ciel d'azur transparent comme celui de Provence.

       Notre première halte au village fut à la boutique de H.Singh. Dès qu'il m'aperçut, il vint à ma rencontre et me reçut avec une cordialité touchante. Après tout, je n'étais qu'un étranger qui venait faire intrusion dans ses montagnes  paisibles. Il avait, me dit-il, envoyé des porteurs à ma rencontre. Ils avaient dû  prendre un autre chemin.

     Je pensais continuer ma route vers l'ashram mais le soleil venait de se coucher et H.Singh me conseilla de passer la nuit au village et de ne repartir que le lendemain matin. Je fus installé le mieux possible dans une véranda couverte et mon hôte de passage s’ingénia à ne me laisser manquer de rien. Le lendemain matin, avec de nouveaux porteurs je repris  la route vers la hauteur de Taratal où se trouve le fameux ashram ; il était inhabité depuis longtemps car les deux ou trois sadhous qui y avaient vécu pendant une courte période avaient battu en retraite devant les difficultés qu'ils avaient rencontrées ; en plus des deux guides, un homme portant sur sa tête un bidon d’eau nous accompagnait. Désormais, un homme apporterait tous les matins du village un bidon d'eau (environ 18 litres) qui devrait suffire pendant vingt-quatre heures à tous les usages, bains, cuisine, boisson, etc.

     Nous prîmes d'abord le chemin qui mène vers le bourg de Pannanaula puis, quittant la route, ce fut une ascension en pleine forêt sur un sentier de montagne. Le chemin paraît long quand on le prend pour la première fois, pourtant cela ne représentait qu'à peine deux kilomètres et je les fais maintenant allégrement à l'aller ou au retour comme une simple promenade. Enfin, nous atteignîmes le plateau de Taratal. C'était une clairière au sommet de la crête, entourée au sud, à l'est et à l'ouest par des forêts où le pin résineux et le chêne  croissent en abondance. Mais au nord et au nord-est, la vue est ouverte sur un quart de cercle où s’étagent les pics couverts de neige éternelle, rivalisant de splendeur les uns avec les autres.

     L'ashram comprend deux maisonnettes inhabitées, plus une petite cabane à demi-construite ; je fus logé dans la maisonnette la plus confortable et qui avait en plus l’avantage d'être munie d'une fenêtre faisant face aux sommets neigeux. Puis mes compagnons et H.Singh qui était venu nous rejoindre redescendirent vers leur village et je fus laissé seul…Comme le Petit Poucet dans la forêt ! Je dois dire que contrairement au Petit Poucet, je manque totalement de sens de l'orientation et que je perds ma route avec une facilité étonnante. Néanmoins, cette fois-ci, j'avais soigneusement repéré la direction que mes compagnons avaient prise pour retourner vers leur village. Ces braves gens pour qui les chemins et sentiers de la forêt étaient familiers depuis leur enfance n'avaient pas pensé que, si je devais redescendre vers le village pour mes provisions, je risquais fort de m'égarer dans cette vaste forêt himalayenne. En effet, personne ne s’occupait  plus de moi. Néanmoins, un homme venait tous les matins apporter de l'eau et du lait. A cette heure matinale, j'étais assis en méditation et observais d'ailleurs le silence. L'homme déposait sa charge dans une chambre à côté et je ne le voyais presque jamais.

    ….. Les hindous de ces montagnes ressemblent physiquement assez aux européens, surtout à ceux du nord de la Méditerranée. Ils sont en général droits et honnêtes et ne sont pas contaminés par l'esprit des villes de la plaine. Comme beaucoup d'hindous, ils font souvent preuve de timidité et ils ont quelquefois une attitude quasi féminine.

    Les montagnards de Dhaulchina sont pour la grande majorité de la caste des kshatriyas, les guerriers. A leur prénom, ils ajoutent la particule Singh, une déformation du mot sanskrit sinha qui signifie lion. Ils devinrent bientôt presque tous mes amis et quand je descendais au village, j'étais comme chez moi en famille. Toujours est-il que malgré les difficultés, je réussis à équilibrer mon menu et à ne manquer de rien (c'est-à-dire à obtenir les denrées de première nécessité) sauf en de rares occasions.

…… Quand le soleil se couchait sur le plateau de Taratal, alors commençait pour moi la grande solitude. Car qui oserait se promener la nuit dans cette forêt sauvage ? Néanmoins, entre juillet et octobre, un concert crépusculaire se faisait entendre comme un prélude au silence. Les musiciens n'étaient pas des humains, mais des insectes ; dans ces montagnes vit une variété de cigales qui semble être perchée sur les pins résineux ; son chant est de beaucoup plus varié et harmonieux que celui de sa cousine de Provence. Elle est capable d'émettre trois sons  différents ayant une étonnante tonalité musicale. Avec ces trois sons, elle peut aussi produire des variations d'intensité et de rythme ; quand une seule cigale chante, c'est déjà assez harmonieux, mais quand elles jouent en chœur, il en résulte une véritable symphonie qui ne serait pas déplacée dans un programme de musique d'avant-garde.

    Sur le plateau de Taratal, je ne les entendais que rarement dans la journée et jamais chantant en chœur ; mais dès l'heure précise du coucher du soleil (tellement précise que j’aurais pu y ajuster ma montre) commençait une symphonie crépusculaire. L'une d'elles  - peut être le chef d'orchestre - donnait le départ avec un son prolongé et puis, une à une, les cigales du voisinage se joignaient à cette "prière au Dieu vivant". Chacune émettait un des trois sons différents. L'ensemble produisait un concert d'une réelle harmonie ; cela durait environ vingt minutes jusqu'à la tombée de la nuit et le chant s'arrêtait brusquement. On aurait dit une congrégation de moines disant leur prière commune du crépuscule. Pendant toute la période allant de début juillet à la mi-octobre - c'est-à-dire en grande partie la saison des pluies - le chant avait lieu tous les soirs, avec la même précision horaire. Quelquefois, il pleuvait à verse, le vent soufflait en tempête, mais les cigales continuaient leur symphonie avec une intensité à peine diminuée.

  Je n'ai pas pu trouver d'explication à ce curieux phénomène. Après le chant des cigales, le grand silence de la nuit tombait sur la clairière de Taratal. Seul le vent, murmurant, chantant, gémissant, quelquefois soufflant avec furie, venait rompre ce silence. Ou peut-être aussi, mais plus rarement, le hurlement d'une bête sauvage dans le lointain.

 

     Entre l'ashram de Patal Dévi situé en dehors de la ville d’Almora et Dhaulchina, Vijâyananda aura passé seize ans pratiquement seul dans l'Himalaya. Il est difficile de lui faire parler de ses expériences pendant cette période-là. Souvent, quand on lui demande comment cela a été, il répond simplement : "c'était bien !" et cependant, il revient sur le fait que l'intérêt de la solitude, c'est déjà de ralentir le mental et ainsi de pouvoir beaucoup mieux l'observer jusqu'à sa racine. Un autre intérêt, c'est de pouvoir éradiquer le moindre mouvement de peur qui ne manque pas de venir quand on vit pendant longtemps en pleine nature, surtout la nuit. A propos de l’incommunicabilité de l'expérience spirituelle, il aime raconter cette histoire de Ramakrishna : un aveugle de naissance voulait savoir ce qu’était le blanc, un ami lui dit : "le blanc, c'est comme la neige" "et de quelle couleur et la neige ?" "Eh  bien... Comme le cygne !" "Et comment est le cygne ?" l'ami, un peu désarçonné, finit par trouver une solution : il plia son avant-bras et son poignet pour évoquer la forme du cou du cygne et demanda à son ami l'aveugle de le toucher. A ce moment-là, celui-ci s'en alla courir  chez ses autres amis tout content  en disant : "voilà ! J'ai compris ce que c'est que le blanc ! C'est comme cela !" et il montrait à tout le monde  son avant-bras et son poignet pliés..

    L'ermitage de Dhaulchina a été à l'abandon pendant onze ans, puis Swami Nirgunânanda, le dernier secrétaire privé de Mâ Anandamayî, y est monté et y vit depuis dix-sept ans. Il a travaillé pour aménager les lieux et les rendre plus vivables. Jacques Vigne y vient depuis dix ans, et depuis un an y réside aussi  le plus clair de son temps.

 

 

Pensées

de l'Himalaya

 

Entretiens

avec Swami Nirgunananda

recueillis par Claire Landais

à l’ermitage de Dhaulchina en Himalaya au mois d’avril 2002

Le texte ci-dessous représente des entretiens entre Swami Nirgunânanda et Claire Landais, de Paris  qui est venue en visite en avril 2002 pour un mois entier à Dhaulchina. Il s'agit d’un ermitage de Mâ Anandamayî à une altitude de plus de 2000 m, dans la région himalayenne du Kumaon, au-dessus d’Almora. Pendant de longues conversations avec Swâmîjî, elle a pris des notes en français, puis les a mises au propre, et les a envoyées en Inde pour révision. Comme celui-ci ne sait pas le français, j'ai traduit ces notes en anglais. Claire a noté ce que Swâmîjî a dit sans mentionner le contexte et donc, à certains endroits, la suite logique des choses a été perdue. Néanmoins, Swâmî Nirgunânanda a essayé de se souvenir de ces contextes particuliers et a donné la présente forme aux échanges qu'il a eus avec elle. J’espère que ce petit livre sera utile aux fidèles français de Mâ et à tous ceux qui ont rencontré ou rencontreront Swâmîjiî, que ce soit lors de ses tournées en France en été ou pendant le reste de l'année à l'ermitage même.

Jacques Vigne

  Dhaulchina , le 2 janvier 2004

 

 

 

 

Question : Est-ce qu’on vous avait confié des tâches spécifiques quand vous étiez avec Ma ?

Swamiji : Dès le premier jour de ma vie auprès de Mâ, on m'a confié la rédaction des réponses aux lettres de ses fidèles. Il y avait des milliers de lettres et sans aucune exception elles contenaient des questions sur des sujets spirituels ou de la vie du monde. Je devais lire ces lettres, en extraire l'essentiel, demander les réponses de Mâ et les écrire aux fidèles respectifs. Des gens de toutes les couches sociales écrivaient à Mâ à propos de leurs problèmes et de leurs doutes et la priaient de leur donner des solutions.

Q. Etaient-ils satisfaits des réponses ?

S. A mon sens, oui. Mon expérience, c'est que personne n’a réécrit à propos des mêmes problèmes. A ce propos, une parole de Mâ me revient à l’esprit : " Ce corps ne répond pas à vos questions. C’est vous qui répondez. ". Les questions sont les vôtres, les réponses sont les vôtres. Ceci ne fait que  sortir de la bouche de ce corps."

Quel est le sens spirituel de notre vie ?

Le but spirituel de la vie, notre devoir aussi, c’est d’être heureux perpétuellement. La vie de l'être humain commence avec une note de malheur. Pourquoi un nouveau-né crie-t-il? Parce qu’il se sent malheureux d'avoir à faire face à un monde inconnu ; il ne se sent pas en sécurité. Peut-être voudrait-il retrouver le confort rassurant qu’il connaissait dans le sein de sa mère. Ce sens d'insécurité et de malheur imprègne toute la vie.

Comment peut-on rendre les autres heureux ?

D'abord, rendez-vous heureux vous-même. Votre bonheur va se répandre chez les autres : vous ne pouvez donner de l'argent à un mendiant que si vous en avez. Seul l'amour peut rendre les autres heureux. On dit : "Aime ton voisin comme toi-même". D'abord, ressentez de l'amour pour vous-même.

Est-ce que ce n'est pas une attitude  égoïste ?

Comment peut-on être égoïste sans connaître le Soi ? [Ici, Swâmîjî joue sur les mots anglais, égoïste se disant selfish et Soi se disant Self] Comment pouvez-vous vous aimer sans d'abord vous connaître ? Regardez ces rhododendrons (le coin de Dhaulchina est plein de rhododendrons en fleurs, ceux-ci ont la taille d'arbres. Ils offrent une vue magnifique en février, mars et avril.) Est-ce que vous pensez qu'ils fleurissent pour vous ? Non, ils ne se soucient pas de vous, et pourtant vous êtes heureuse de les regarder. On doit cependant se souvenir d'une chose, que son bonheur ne doit pas être au prix de la souffrance de quelqu'un d'autre.

Quelle est la  différence entre  activité spirituelle et non spirituelle ?
Apparemment,  il y en a, mais en fait, il n'y en a pas ! Ce qu'on considère être activité spirituelle pour une religion particulière peut ne pas l'être aux yeux d'une autre religion. La différence réside dans la manière dont on les accomplit et dont on les considère.
Est-ce qu'on peut considérer l’art comme une activité spirituelle ?

Bien sûr, c'est une activité spirituelle. Par l'intermédiaire de sa peinture, l'artiste exprime et établi le lien entre les mondes intérieur et extérieur. Il fait ceci pour son propre plaisir et il en a de la joie.

Que pouvez-vous dire d'une personne  qui ne s’aime pas elle-même et n'aime pas sa propre image ?

Des gens peuvent dire qu'ils n’aiment pas leur propre image ou qu'ils ne s’aiment pas... D’accord, certaines personnes peuvent ne pas aimer leur image. Mais malgré tout ils s'aiment eux-mêmes. Quand quelqu'un n’aime pas quelque chose ou une autre personne, il existe à arrière-plan de son mental d’autres objets d'amour. Quand Mâ a quitté son corps, je voulais me suicider parce que Mâ n'était plus physiquement avec moi, c'était parce que je m'aimais moi-même que je désirais que Mâ soit avec moi !

Comment puis-je vivre sans Mâ ?

En aimant le Soi. Le but de la vie, c'est de se connaître soi-même, d’entrer en soi-même. D’habitude, on désire connaître toujours plus les gens qu'on aime et on ignore le Soi. Quelqu'un  a demandé à Mâ : "Mâ, est-ce que vous nous aimez autant que nous vous aimons?" "Vous m’aimez parce que  je vous aime", répondit Mâ. "Vous ne pouvez vous figurer l'amour que j'ai pour vous !" L'amour de Mâ commence là où notre imagination s'arrête. En d'autres occasions, Mâ a dit : "Aimer Mâ signifie s'aimer soi-même." Il est un fait simple que nous ignorons toujours, c'est que jamais nous ne sommes sans amour. Mes souvenirs font partie intégrante de mon existence. Tant que Mâ est dans mes souvenirs, je ne suis pas « sans elle ».

Pour vous,  qui est Mâ ?

Un jour pendant un satsang, quelqu’un a demandé " Mâ qui êtes vous ? " J’étais très heureux car c’était aussi ma question, la question de tout le monde. Elle a répondu : " Ce que vous pensez, je le suis. " Mon problème était résolu ainsi que celui de tous ceux qui avait entendu la réponse. Elle pouvait être Lord Krishna pour l’un, Lord Shiva pour un autre ou ma mère…

Mais cette question a continué à être posée. Elle est devenue une controverse. On disait que c’était une question normale de la dévotion. C’est la seule question qui a été posée plus de 1000 fois ! Elle avait répondu la première fois à cette question à l’âge de vingt ans. Elle était une femme au foyer dans le Bengale rural et conservateur.  Un cousin qui était proche d'elle la lui a posée.  Elle a répondu : Purna Brahma Nârayân puis elle a ajouté : Nârayân, Nârayanî Les gens connaissaient cette réponse et pourtant lui ont redemandé bien des fois… C’est qu’ils ne la croyaient pas, ils doutaient.

Comment aimer Mâ ?

Il n’y a pas de technique particulière pour aimer. Pour chaque activité de la vie, nous avons besoin d'apprendre de quelque part ou de quelqu'un. Mais aimer est la seule activité que nous ayons de naissance. J'ai débuté ma vie en aimant ma mère. A ce moment-là, le monde m’était tout à fait inconnu. Ma mère était le seul objet de mon amour. Puis, le monde objectif s'est insinué dans ma vie. Mon amour pour la mère a été dilué parmi d'autres objets d'amour. Pour entreprendre quelque chose de nouveau, nous avons besoin d'un professeur, mais aimer est un savoir-faire naturel. On pense que Mâ est spéciale, c’est pour cela qu’on souhaiterait avoir une technique spéciale. Ou bien, il se peut que notre instinct naturel pour aimer se soit terni à cause du nuage des objets avec lesquels nous avons été en relation dans le passé. Si nous pouvons aimer une chose ou une autre, pourquoi avons-nous besoin d'une méthode spéciale pour aimer Mâ ? Mâ a dit : "Soyez comme un enfant qui ne connaît rien, si ce n'est sa mère."

Mâ aime tout le monde de la même façon, mais nous voulons plus. Un enfant nouveau-né ne fait aucune distinction entre les objets avec lesquels il entre en relation.

Tout le monde aime la simplicité. Il n’y a pas de spécification de la simplicité. Mâ est l’incarnation de la simplicité, du naturel, mais cette simplicité même, nous l’avons perdue dans la complexité des processus du monde. Nous avons égaré ces qualités ou il se peut qu'elles se soient déposées à la base de notre conscience, là où nous ne pouvons plus les voir. En Mâ, nous les reconnaissons. Essayons de les extraire des recoins les plus cachés de notre cœur et de les faire revenir à la surface. Expérimentons ce sentiment qui nous permettra de dire : " Mâ, je ne peux rien faire sans vous ". En agissant ainsi, un jour pourra venir où je serai capable de retrouver mon Soi ainsi que cet amour qui était apparemment perdu.

Swâmîjî, suivez-vous  une pratique spirituelle particulière et si oui,  dans quel but ?

A mon sens, les pratiques spirituelles ne sont pas faites avec un but imaginaire, mais pour dissoudre ce qui recouvre la pureté naturelle en moi. C'est ce voile qui obscurcit ma vision de l'amour. Le point central autour duquel gravite toute ma vie, c'est mon amour pour Mâ.

Avez-vous besoin de tout abandonner pour cela?

Mâ elle-même dit : "Vous n'avez pas besoin de quitter quoi que ce soit, les choses vous quitteront" Ce dont vous n'avez pas besoin s'en ira automatiquement. Un petit enfant aime son nounours. Par la suite, il l’abandonne, et devient passionnément attaché à quelque autre jouet en oubliant ceux du début. Mais souvenez-vous, les jouets changent pour l'enfant, mais non son amour pour les jouets.

Que pensez-vous du monde autour de vous ?

Le monde existe vraiment, et ce pour que j'en aie l’expérience dans mon amour. Les expériences sont  incrustées dans les souvenirs et deviennent une partie de moi-même ; je sais que je m’aime moi-même et dans ce cas, je dois aimer le monde.

 Pourquoi éprouve-t-on de la tristesse ?

Parce qu'on perd la conscience de son unicité, parfois, on devient triste. On cherche toujours à comparer son existence avec celle des autres et on se fait des reproches, alors on tombe dans la tristesse. L’unicité est au-delà de toute comparaison.

Comment évaluez-vous l'état spirituel de Mâ?

En ai-je besoin ? A mes yeux, elle est un être humain parfait. Mâ n'est pas une déesse abstraite - pour moi bien sûr, je ne suis pas opposé à ce qu’affirment les autres à ce sujet. Je sais bien que j'ai des lacunes dans mes comportements et mes activités et la perfection de Mâ m’aide à les voir. J’essaie de rectifier mes défauts en apprenant à me comporter comme elle, dans ses manières de faire humaines. En outre, pour quantifier quoi que ce soit, on a besoin d'avoir une unité de mesure. Mâ n'étaient pas une déesse à mes yeux, bien que les gens qui disent ainsi puissent être dans le vrai ; elle était ma mère. Elle était un être humain parfait, on peut dire au moins qu'elle a été quelqu’un qui n'a commis aucune erreur dans sa vie. Quant à son niveau spirituel, je ne serais pas capable d’en sonder la profondeur ni d'en évaluer la hauteur car il est certain que moi-même, je n'ai aucune unité de mesure pour m’en rendre compte. Elle est simplement ma mère et j'ai besoin d'elle plus que de toute chose.

Mâ n'avait pas fait d'études. Comment expliqueriez-vous sa sagesse ?

 Dans les mots mêmes de Mâ : " La vie est le plus grand des livres. Pour celui qui en a pénétré la profondeur, votre science, philosophie, dharma et Ecritures ne restent pas inconnus" La vie est un grand livre. Mâ n'a jamais étudié, mais elle était pleine de sagesse. Elle a vu la vie telle qu’elle était. La vie nous donne des réponses, tandis que parfois, les Ecritures nous embrouillent.

Pourquoi les gens partent-ils en pèlerinage ?

 Notre vie est en elle-même un pèlerinage vers la joie. Nous sommes tous des pèlerins, que nous soyons croyants ou incroyants. Si je ne crois pas en Dieu je crois à quelque chose que j’aime fortement... Nous allons vers un lieu saint pour le voir, le sentir, l’aimer parce que nous avons cet amour à l’intérieur mais nous ne sommes pas capables de le sentir.

Est-ce que cela vous fait du bien de partager vos souffrances et vos plaisirs ?

Nos émotions ont envie de s'exprimer à l'extérieur. C'est une partie intégrante de la nature humaine de  partager l’amour, la peine avec les autres. Un homme -ou une femme- ne peut pas vivre seul. Bien que je sois heureux tout seul à Dhaulchina, si quelqu’un vient et que je peux partager, je suis encore plus heureux ! En ce qui concerne la souffrance, je l’assume tout seule. Je ne souhaite pas infecter les autres avec mes douleurs.

 Swâmîjî, suivez-vous  le chemin de la bhakti ?

Oui. Pouvez-vous me dire le nom de quelqu'un, dans l'histoire globale des religions du monde, qui n'ait pas suivi le chemin de la dévotion dans son voyage spirituel? Bien sûr, vous pouvez citer des personnes qui ont suivi, défendu et soutenu le chemin du discernement, appelé aussi connaissance. Mais si  je vous demande pourquoi ils ont suivi ce chemin même, la réponse sera aussi simple que cela : "Parce qu’ils l’ont aimé". La base commune, c’est l’amour. Cela peut être l'amour pour le but, ou aussi pour le chemin. Ceux qui suivent la bhakti, la voie dévotionnelle, essaient d'abord d'établir une relation humaine entre eux-mêmes et le visage bien-aimé, de Dieu ou de la Réalité ultime telle qu'ils se la figurent, et ensuite essaient de la purifier et de l'élever. Je pars du point de vue humain parce que je le connais, et par la pratique, je peux le sublimer jusqu'au niveau divin. Une fois que j'ai établi cette relation entre moi et mon objet d’amour, si quand même je pose la question  "Qui es-tu ?", je ne serai plus capable de goûter l’essence de cette relation qui a été établie. De cette manière, je mets des distances entre mon objet d’amour et moi plutôt que je ne l'attire. Je coupe la relation avant de l’élever et de la sublimer.

Qu'est-ce que la sâdhanâ ?

De grands enseignants, maîtres, saints et différents sages ont défini la sâdhanâ, la pratique spirituelle, de façon variée. Mais la définition la plus simple que j'ai trouvée jusqu'à présent vient des lèvres de Mâ. Svadhan praptir upay holo sadhana. C'est-à-dire : "la voie pour retrouver votre propre trésor est appelée sâdhanâ". En sanskrit, sva- signifie son propre soi et dhan- signifie richesses, trésor. On peut donc dire dans le langage de Mâ, que la sâdhanâ, c'est de redécouvrir ses propres richesses.

Est-ce que Mâ était en faveur d’une voie de sâdhanâ particulière ou exclusive ?

La voie de Mâ bien sûr, si elle en avait une en particulier, incluait tout sans aucun cadre ou dogme. Une dame aspirante spirituelle chrétienne a demandé à Mâ une direction pour la vie intérieure. Mâ s'est enquise de la doctrine spirituelle qu'elle suivait. La dame a répondu qu'elle était chrétienne. Mâ dit : "Je suis aussi une chrétienne, une musulmane et une hindoue". Mâ demandait toujours aux aspirants de suivre leur propre voie et leurs Ecritures.
Pouvez-vous parler d'une pratique intérieure prescrite par Mâ indépendamment de toute doctrine spirituelle particulière ?

Voici une histoire que je répète souvent : une fois, Mâ voyageait en train avec une dame pour l'accompagner. Il y avait d'autres passagers dans le même compartiment. A cette époque, elle n'était pas très connue dans le monde spirituel indien. Quelques jeunes gens rentrèrent aussi dans le compartiment. Ma avez une personnalité magnétique et attirante. Ils voulaient lui adresser la parole. Quand Mâ s'est engagé dans la conversation, ils restèrent  suspendus à ses lèvres. Ils se rendaient compte que c’était une personne spirituelle même s’ils ne la connaissaient pas. Quand ils ont dû descendre, Mâ leur a demandé : " Vous ne me donnez rien? (C’est la tradition en Inde de donner quelque chose aux moines errants). Les gens se mirent à chercher dans leur porte-monnaie. Elle disait : " Non, non, je vous demande juste du temps à Dieu chaque jour, seulement cinq minutes par jour."

Mâ demandait souvent 5, 10, 15 minutes par jour pour elle, toujours à la même heure. C’est la meilleure des pratiques. Elle est suffisante. Aucune autre pratique n’est nécessaire. Mais en fait c’est très difficile. Même pour un ermite c’est très difficile. Offrir 5 minutes à Mâ, c’est s’offrir 5 minutes à soi-même. On ne le fait jamais, c’est difficile. Offrir vraiment, sans rien attendre, pas de reconnaissance, pas de gain, pas de résultat. Ce n’est pas un investissement pour satisfaire des attentes futures ! Peut-être faut-il avoir pour seule attente que cela fasse plaisir à Dieu et à Mâ.

Vous devez tout le temps être en alerte pour cela. Voici une autre histoire : Il y avait un zamindar ( grand propriétaire terrien) à Dehra-Dun, qui était un buveur invétéré. Il avait grand plaisir à chasser les tigres. Il aimait beaucoup Mâ. Un jour elle lui a demandé s’il accepterait de lui donner quelque chose : Cinq minutes chaque jour à heure fixe, pour la vie. Il lui a dit, "vous ne m’avez jamais rien demandé, alors d’accord". Une nuit, il partit à la chasse au tigre, il avait tendu un piège et soudain le léopard est arrivé, il leva son fusil et était sur le point de tirer mais les yeux tombèrent sur sa montre : c’était l’heure précise qu’il avait abandonnée à Mâ. L’homme laissa tomber son fusil, il a fermé les yeux et pendant cinq minutes il a pensé à Mâ. Quand il a réouvert les yeux, le léopard était parti. On doit tenir ses engagements de cette façon.

Est ce qu'il y avait des  rejets  dans la vie de Mâ ?

Mâ ne rejetait jamais qui ou quoi que ce soit car elle voyait Dieu en tous et en toutes.

Comment peut-on être sûr de la pratique spirituelle juste pour soi-même ?

Trouver la pratique spirituelle juste pour soi-même est un long travail. On doit suivre de façon stricte les instructions données par le Gourou. C'est le Gourou qui connaît le chemin approprié pour son disciple. Pendant onze longues années, j'ai dû chercher après le départ de Mâ. J'ai pratiqué différentes voies et méthodes par moi-même. Bien sûr, j'ai eu des résultats apparents mais ils ne me satisfaisaient pas. A un moment, il m'est apparu à l'esprit de rechercher les instructions spécifiques données par Mâ. J'ai commencé mon voyage à reculons dans les voies de ma mémoire afin de récapituler les interactions que j'avais eues avec Mâ et d'identifier précisément la voie spécifique  qu'elle m'avait prescrite.

Est-ce que Mâ est votre Gourou ?

Est-ce que j'ai besoin d'une autre définition de Mâ ? Oui, j'ai appris beaucoup d'elle

Que pouvez-vous dire de votre initiation ?

Bien sûr, je suis initié mais Mâ n'est pas mon gourou. Le premier mantra que j'ai obtenu a été de Mâ et non du gourou. Mes mantras d'initiation sont différents du mantra que j'ai reçu de Mâ. Tout en  me donnant le mantra, elle a dit : "Ce n'est pas ton initiation et ce corps n'est pas ton gourou." Elle ajouta aussi. "Ce corps ne demande jamais à quiconque de prendre la dikshâ et ne refuse jamais quand on la lui demande." Quant à moi, j'avais besoin d'un mantra et je l'ai obtenu avant l'initiation formelle.
Quand alors avez-vous pris la dikshâ ?
Mâ m'a demandé de la prendre.
Est-ce que Mâ ne s'est pas contredite alors ?

En apparence, on peut avoir cette impression. En fait, j'ai été aussi choqué quand Mâ m'a demandé de prendre la dikshâ. Mais après, mes doutes se sont clarifiés. Il arriva qu'un jour, elle m'appela et me dit : "Ton initiation est fixée pour demain matin à l’aube." J'étais tout à fait choqué de l'entendre dire cela. Je pensais ne jamais avoir de dikshâ. Cela m'a fait souffrir de penser que Mâ se contredisait. Je fus envahi par l'émotion et me mis à pleurer. Elle m'a demandé la cause de cet état pitoyable. Je lui ai dit : "Mâ, comme vous avez dit que la dikshâ est donnée simplement à celui qui la demande, il se trouve que moi-même, je suis tout à fait satisfait de mon mantra. Je l’ai reçu de vos lèvres et je n'ai jamais voulu de dikshâ de vous. Cela me bouleverse de voir que vous allez contre ce que vous m'avez dit dans le passé." Elle dit : "Connais-tu vraiment ce qu'il y a de caché dans les profondeurs de ton esprit ?" Mâ m'expliqua alors que je souhaitais cette initiation au fond du cœur mais que je ne m'en rendais pas compte.

Existe-t-il des pratiques qui soient vaines ?

Tout ce que nous faisons porte ses fruits. Rien n’est en vain. Parfois, les résultats ne correspondent pas à notre attente. Il n'y a pas d'échelle de temps en spiritualité. Les transformations spirituelles sont lentes et profondes, et elles peuvent ne pas être reconnues si on se fie aux apparences.

Quel doit être l'axe principal dans le chemin de la dévotion ?

Essayer de faire confluer la volonté individuelle avec la volonté divine. On raconte l’histoire suivante : un jour, un groupe de voyageurs traversait un grand fleuve. Arrivé au milieu du fleuve, l’orage éclate, la tempête se lève. Le bateau se remplit d’eau et risque de sombrer. Un sadhou à bord puise l’eau du fleuve avec son pot et la reverse dans le bateau ; tous les passagers sont furieux et ont peur que le bateau ne sombre dans la rivière. Néanmoins, la tempête s'apaise soudainement. L’embarcation s'approche de la rive. Le sadhou commence à écoper… Les gens, étonnés,  lui demandent pourquoi il écope maintenant alors que tout va bien. Il répond qu’il essaie toujours d’aider Dieu dans ses desseins. Il se trouvait que maintenant, la tempête s'était atténuée ; ceci est également  la volonté de Dieu, en retirant l'eau du bateau, il a facilité la sortie des passagers de celui-ci. Telle doit être l’attitude de l'aspirant.

Qu’est-ce qui attirait le plus chez  Mâ ?
Son amour inconditionnel pour tous.
Que signifie amour inconditionnel ?
Un amour sans aucune attente de retour.

Comment peut-on apprendre quelque chose à propos de l'amour inconditionnel ?

Nous avons besoin d'apprendre de quelque part presque toutes nos actions mentales ou physiques, mais la seule chose pour laquelle nous n’avons pas besoin  d’enseignant,  c’est l'amour. Nous sommes nés avec lui. Il est avec nous tout le temps. Le désir nous pousse à l’action et pour cette action, nous ne devons utiliser notre intelligence. La seule l'action qui n'a pas besoin d'intelligence, c’est l’amour. Nous avons commencé à aimer avant même le développement de notre intelligence, mais au fil du temps l'amour avec lequel j'étais né a été recouvert par l'invasion  des objets dans mon champ mental. Notez bien que nous avons  perdu notre enfance physique, mais les impressions de l'enfance sont toujours à l'intérieur de nous. Essayons d'aller à l'intérieur et d’y trouver l'amour.

Dites-moi quelque chose à propos de la méditation.

Considérons d'abord ce que nous voulons dire par méditation. Les gens en général prennent le mot sanskrit dhyân comme synonyme de méditation. Dans les Ecritures, on dit : dhyânah nirvishayah manah c'est-à-dire « dhyân se trouve dans l'état d'esprit sans objet » (nir, no vishayah, objet, manah, mental). Dans les mots de Mâ, achinta hi param dyân, « l'absence de pensées est dhyâna » (achinta, absence de pensées ; hi, vraiment ). Elle a dit aussi, comme nous l'avons mentionné : dhyân kara jay na, dhyân hoi  « dhyân survient, on ne peut l’effectuer ». En outre, dans ses Yoga soutras, (aphorismes sur le Yoga), Patanjali décrit dhyân comme l'avant-dernier, le septième stade des pratiques yoguiques. Un aspirant est supposé s'établir progressivement dans la succession de yama, niyama, âsâna, prânâyama, pratyahara et dhârana. Il doit atteindre l'état de perfection en pratiquant chacun  de ces états. C'est seulement alors que l'état de dhyân mène à l'état de samâdhi qui représente la culmination de toutes les pratiques spirituelles. On ne doit pas mélanger les concepts de dhyân et de méditation.

Maintenant, considérons ce qu’est le but de la méditation. En bref, on peut dire que la méditation aide à contrôler le mental. Tout le temps, nos sens sont en relation avec le monde objectif et les impressions qui en proviennent alimentent incessamment le mental qui tourne autour d'elles. Cette agitation du mental est la cause de toutes nos misères et de notre sentiment d'esclavage. De façon intéressante, c'est aussi dans le mental qu'on ressent le bonheur. Ce dont nous avons besoin pour être heureux, c'est l'attention juste [right mindfulness]. Dans ce but, nous avons besoin de contrôler le mental. Pour le contrôler, il faut d'abord le connaître. Ainsi, on peut dire que le but de la méditation est de : (a)  connaître le mental, (b) donner forme à ce mental (c)  libérer le mental.

   Nos organes des sens, c'est-à-dire la vue, l’ouïe, l’olfaction, la parole, le goût et le toucher sont en relation constante avec les objets, ils rapportent leurs impressions au mental et les inscrivent sur la surface de la conscience (ici, il s'agit de la conscience des objets). Le mental  est engagé en fait également avec les organes des sens, il est en mouvement constant, ce qui a pour résultat la perte de l’attention juste. Parfois, il y a soit une surimposition ou une succession très rapide d’impressions, qui font que la conscience des objets est incapable de discerner correctement et les impressions perdent de leur clarté. Si vous déplacez une torche allumée selon un trajet circulaire, vous verrez un anneau de feu ; dans un film, des photographies a priori immobiles sont projetées sur l’écran avec une telle vitesse qu'en fait, vous voyez un film. Tous ces phénomènes sont des illusions. A cause des limitations de nos organes des sens pour enregistrer la réalité, des illusions sont perçues. Par la pratique méditative, nous pouvons identifier les impressions réelles. On doit se souvenir que le mental est agité dans l’espoir de se débarrasser de l'agitation. Le mental cherche constamment le bonheur, la paix et l'amour. Toutes nos activités sont dirigées vers un seul vecteur qui a pour nom « bonheur perpétuel ». N'oublions pas qu’apparemment, nous n'avons pas d'autre instrument que le mental pour atteindre cet état. Etant donné que le monde des objets est impermanent, est-il possible d’atteindre l'état de permanence en partant de ce monde transitoire dont je suis une partie  intégrante ? Si oui, comment ? Quel rôle le mental joue-t-il dans ce contexte?

Sans vouloir entrer dans une psychologie complexe, une définition simple du mental comme base de travail peut être utile pour répondre aux questions ci-dessus. Le mental est un sac de pensées et nos conceptions abstraites, ces pensées mêmes sont l'enregistrement conscient des impressions des interactions des organes des sens avec la réalité. Les impressions sont stockées dans différentes couches de mémoire et sont toujours dans un état actif. Les souvenirs stockés entrent en relation les uns avec les autres, donnant naissance à plus de nouvelles impressions qui, elles, peuvent ne pas être le résultat d'interactions directes des organes des sens avec le monde extérieur. Ainsi, le volume des impressions augmente en progression géométrique et au hasard. On peut dire que les permutations et combinaisons de ces réactions stimulent des impressions stockées et les efforts du mental pour les enregistrer incessamment rend celui-ci hyperactif, d’où l'agitation. Avec la pratique de l’enregistrement contrôlé des impressions, on peut établir une stabilité dans le mental. Ceci s'appelle « donner forme au mental ». Une fois que le mental est formé, le sentiment d’emprisonnement disparaîtra, et on aura des expériences de félicité, de paix et bonheur (qui sont tout le temps ici en nous, à l'intérieur).

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

Par Bithika Mukerjî (suite)

 

 

Une interruption dans ma carrière universitaire.

 

     Lorsque j'étudiais le sanskrit et la philosophie à Allahabad, j'ai pu avoir l'entraînement pour comprendre un petit peu les nî (paroles) de Shrî Mâ malgré mon jeune âge. Je m'émerveillais devant  la philosophie qui était sous-jacente à ses expressions même les plus légères. Elle ne mettait jamais en avant un argument qui n'avait pas de cohérence interne. Lorsqu'elle dictait une longue lettre, ces liens intimes devenaient très apparents. Elle demandait à celui qui écrivait, l'une d'entre nous, de relire encore et encore la lettre, en changeant un mot par-ci, un signe de ponctuation par-là, afin que la signification en devienne claire comme de l'eau de roche. (p. 118)

   Dans la seconde moitié de l'année 1945, la guerre se rapprocha de l'Inde. Jusqu'ici, nous n'avions pas été touchés de très près par elle - simplement  nous avions eu à observer des couvre-feux et à utiliser des cartes de rationnement. Les horreurs qui avaient balayé les pays d'Europe à cette époque nous étaient inconnues. Rétrospectivement et en relisant le journal de Didi, il m'est apparu que durant toutes ces années, Shrî Mâ avait été éprouvée par des souffrances sans qu'on en connaisse la cause. Très fréquemment, on la voyait accomplir des kriyas (pratiques) yoguiques, prononcer des mantras, parfois pendant plus de deux heures. Une fois elle s'exclama : « Arrêtez le combat ! Arrêtez le combat ! (Vivâd bandh karo, vivâd bandh karo) ». Pourtant, elle a rajouté : "Je vois une scène terrible !" Didi relia cela à un décès qui était arrivé dans un village proche, mais est-ce que Shrî Mâ aurait utilisé le mot "terrible" (bhayankara) pour décrire un simple décès ? Il m'est venu à l’esprit que si l’on entreprenait une recherche pour établir une corrélation entre les événements du monde et les réponses spontanées de Shrî Mâ, on obtiendrait des résultats intéressants. Je n'ai pas de doute que ces exemples de souffrances intenses qu'elle subissait parfois, et qui restait sans explication et mystérieux pour son entourage de fidèles, étaient des réactions réflexes aux souffrances des gens ailleurs dans le monde. (p.122)

 

 Comme tous les enfants, nous considérions la présence de nos parents comme évidente. Ce ne fut que très tard dans mon existence que j'ai appris à apprécier leurs côtés extraordinaires. Je ne me souviens pas que mon père n’ait jamais élevé sa voix de colère contre quelqu'un, pas même un serviteur. Il n’a aussi jamais dit un mot de reproche à Bindou quand il ratait ses examens. Il a pu s’exprimer à ma mère, mais cela n'a jamais filtré jusqu'à nous, nous n'en savions rien.

 

   Bithikâ va avec un groupe de Ma au Bengale, à Navadvîp, le lieu de pèlerinage de Chaitanya Mahâprabhou, qu'on appelle aussi le Seigneur Gaurânga.

     Chacun reçut Shrî Mâ avec des honneurs particuliers. Shrî Mâ avait là-bas une grande réputation. Les vishnouïtes la traitaient comme leur divinité d'élection, le Seigneur Gaurânga. Chacune de ses visites était acclamée comme la venue du Seigneur lui-même.

   J’ai eu du mal à supporter les fatigues du voyage. Je restai au lit pendant deux jours. Le troisième, je me suis sentie mieux. Je pris un bain qui m'a rafraîchie et ensuite me suis installée en dehors de l'hôtel où nous résidions, en observant Shrî Hari Babajî se déplacer en chantant des kîrtans avec toute sa suite. Une voiture à cheval attendait à la porte avec Shrî Mâ et Didi à l'intérieur, prêtre à suivre le groupe de kîrtans. Shrî Mâ me vit de la fenêtre du véhicule et me fit signe de m'approcher. "Est-ce que tu vas bien ?" demanda-t-elle : "Oui", répondis-je. Elle dit ensuite : "Monte !". La voiture était toute petite, juste assez pour elle et Didi. En me voyant hésiter, elle dit : "Assieds-toi sur mes genoux ". Je rentrai  en essayant de me rendre si légère que possible, m'assi sur les genoux de Shrî Mâ ; elle dit : "Ne te perche pas comme ça, assieds-toi convenablement !" Didi dit : "Assieds-toi sur mes genoux à moi ". Ainsi, pour obéir aux deux, je m'assis au milieu. Nous sommes allés voir un beau temple ce jour-là. Hari Babajî avait l'habitude de marcher à reculons à chaque fois qu'il voyait la voiture de Shrî Mâ. Il ne tournait jamais le dos au véhicule qu’elle utilisait. Lui-même ne se servait presque pas de voiture à moteur ou à cheval, et préférait marcher avec ses gens. (p. 127) [C’est la coutume chez les gens pieux, en particulier en Inde du sud, de sortir d’un temple à reculons pour ne pas avoir à tourner le dos à la statue du dieu]

 

   Dans cette même année 1946, Shrî Mâ se rendit à Dhaka où ses fidèles l’attendaient depuis longtemps :

   Les fidèles de Dhaka étaient autour de Shrî Mâ. Elle leur parla pratiquement pendant toute la journée et la plus grande partie de la nuit. Ma sœur Rénou se souvient qu'elle était assise derrière Shrî Mâ. A un moment donné, Shrî Mâ s'adossa sur ses genoux. C'était une position plutôt gênante pour cette dernière, qui cependant ne voulait pas bouger parce qu'elle sentait que Shrî Mâ devrait alors se redresser. Et Shrî Mâ avait déjà été assise pendant des heures, il était donc nécessaire qu'elle soit dans une position un petit peu plus confortable. Rénou se souvient aussi avec un grand émerveillement que bien qu'elle ait tenu cette position pendant plus de  deux ou trois heures, elle n'avait eu aucun sens de contractures, douleurs ou fatigue. Shrî Mâ parla aux gens de Dhaka pratiquement jusqu’à l'aube. L'un des principaux interlocuteurs était Biren Babou, le frère aîné de Didi. Nous l'avions connu à Agra. Cela allait être la dernière visite de Shrî Mâ à Dhaka. La menace de la partition du Bengale  s'approchait. D'ici deux ans, le Pakistan allait détruire l'ashram et tous ses temples hindous, et même le temple ancien et fameux de Râma Kalî. Seulement le temple de Siddhesvarî subsista. Shrî Mâ dit à tous ceux qui venaient lui demander conseil que si possible, ils devaient s'en aller du Bengale oriental (qui deviendra en 1972 le Bangladesh). Voilà comment les fidèles de Dhaka ont trouvé asile en Inde avant que les horreurs de la partition commencent à se dérouler (p.130).

                                    Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

 

 

                  EN PRESENCE DE LA MERE DIVINE, SREE ANANDA MAYI MA

 

Par Caroline Rosso-Cicogna

 

 

 

     Fidèle de Ma depuis 1979, Caroline Rosso Cicogna est imprégnée de spiritualité hindoue. Dès 1971, elle se rend régulièrement en Asie, comme interprète simultanée et elle réside en Inde de 1979 à 1984.

Durant son séjour, elle est étroitement associée à Gaurinath Sastri, éminent Sanskritiste, disciple de Gopinath Kaviraj et maître de Sabda Yoga, avec qui elle étudie la Bhagavad Gita et le Vedanta.

Elle séjourne également auprès de maîtres tels que Swami Chidananda, Sa Sainteté le Dalai Lama, Sa Sainteté le Shankaracharya de Kanchipuram et Bhagavan Sri Satya Sai Baba.

À son retour d’Inde, elle fonde à Trieste, en Italie, l’Association Internationale Yoga Aditya où elle collabore, pendant plus de dix ans, à l’enseignement et l’application thérapeutique du Yoga avec Yogacharya Janakiraman.

Elle réside actuellement à Nice et se consacre à la sadhana dans la voie de la bhakti.

Elle est l’auteur de “Solar Yoga”, en collaboration avec Yogacharya Janakiraman et de “Solar Way”, un commentaire de la Bhagavad Gita.

 

" Le chemin spirituel débute par un appel de la Grâce divine - gurukripa - qui ouvre progressivement notre être intérieur à une vision du Réel - darshan - et notre âme -atma - qui a soif de plénitude - pûrnam - cherche refuge aux pieds du Guru Gurupadanamaskar - jusqu'au jour où elle est entièrement fondue dans l'amour de la Mère Divine."

 

L'appel - "Gurukripa "

 

   Dans mon cas, cela s'est produit lors du transfert de mon mari à l'Ambassade d'Italie à la Nouvelle Delhi en Mai 1979, qui me semblait être l'occasion bénie de pouvoir résider quelques années en Inde et être auprès de Ma. À ma grande surprise, je dus me rendre en Inde, de façon tout à fait imprévue, avant la date du transfert, car j'y avais été appelée comme interprète pour une Conférence de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique au Centre nucléaire de Trombay. Après la réunion, je me rendis à Delhi pour me familiariser avec ce qui allait devenir notre nouvel environnement et un jour, alors que je déjeunais avec des collègues de mon mari qui me proposaient de visiter le Club de Polo, j'entendis une voix intérieure qui me dit d'un ton ironique : " Serais-tu venue en Inde pour voir des chevaux ?" Je restai clouée sur la place, la fourchette en l'air et je ne dis mot. Je n'attendis pas un instant de plus et cet après-midi même, je me rendis à l'ashram de Ma à Kalkaji dans les faubourgs de Delhi. Je trouvai l'endroit désert et je sus immédiatement que Ma n'y résidait pas ce jour-là car, sinon, il y aurait eu une grande foule à l'entrée de l'ashram. Je suis rentrée malgré tout et je me suis adressée à un swami qui faisait un peu de jardinage. À mon approche, il se leva d'un bond et à ma question à propos de l'endroit où se trouvait Ma, il répondit sans hésitation: - "Dans son ashram de Brindavan". Je fus assez surprise qu'il me révèle cela car il ne me connaissait pas du tout et, du vivant de Ma, ses fidèles avaient pour instructions de ne pas révéler ses allées et venues à des inconnus afin d'éviter les foules de curieux.

   De retour chez nos amis, je les priai d'organiser pour le lendemain une voiture avec chauffeur pour me rendre dans la ville de Krishna. J'étais frappée de ma détermination à me rendre auprès de Ma avant même d'avoir déménagé en Inde et je me remémorais simplement la promesse que j'avais faite à mon mari de ne pas voyager sur les routes indiennes après le coucher du soleil.

 

La rencontre - "Darshan "

 

    Je partis donc de bonne heure le lendemain, mais il s'avéra que cela n'avait pas été assez tôt car, lorsque j'arrivai à l'ashram, l'heure du darshan était déjà terminée. Quand j'appris que le prochain darshan aurait lieu à six heures du soir, la promesse faite à mon mari me revint à l'esprit et ce fut l'abattement à l'idée de ne pas rencontrer Ma cette fois-ci. Je me vois encore, comme si c'était hier, assise sur les marches du temple, aux prises avec ce terrible dilemme : obéir à mon mari et risquer de ne pas voir Ma ou assister au darshan du soir et briser ma promesse ! J'étais décidée à rester sur les marches du temple jusqu'au moment où une solution s'offrirait à moi, je n'avais d'ailleurs rien d'autre à faire ! Je veillais également à ne pas attirer l'attention car je savais que les swamis de Ma préféraient que l'on ne traîne pas dans l'ashram après le darshan. Je suis restée assise comme cela longtemps jusqu'à ce que je sois tirée de mes rêveries par un vieux monsieur qui se tenait devant moi appuyé sur sa canne et qui me demandait ce que je faisais là. Dans un anglais hésitant, il me posa toutes sortes de questions auxquelles je répondis tout en lui communiquant mon désarroi d'être arrivée en retard pour le darshan du matin. Il me demanda aussi si j'avais apporté un cadeau pour Ma. Surprise, je lui répondis par l'affirmative et il me pria alors de le lui montrer. C'était une étole de laine blanche qu’il approuva d'un geste admiratif. La scène commençait à m'intriguer et ma vigilance devint plus profonde car on ne sait jamais par quel moyen le Divin peut nous appeler. Le vieux monsieur me demanda de revenir à cet endroit à trois heures de l'après-midi en m'assurant qu'il m'emmènerait lui-même auprès de Ma et que je n'aurais pas à attendre le darshan du soir ! Sur ces mots, il s'en alla. Il fallait, je m'en rends compte aujourd'hui, une bonne dose de foi pour y croire, mais, de toute façon, je n'avais rien à perdre et comme j'avais quelques heures à ma disposition, je m'en fus visiter la ville chère à Krishna, sur les bords de la Yamuna. Les rues étroites de la ville étaient en grande effervescence et les jeunes gens et les jeunes filles se lançaient de la poudre de vermillon et de l'eau de rose, au son de kirtans et de tambourins. En quelques instants, je fus, moi aussi, couverte de poudre rouge de la tête aux pieds et je fus à nouveau saisie par le découragement à l'idée que l'on ne me laisserait pas entrer dans l'ashram dans un état pareil !

    À trois heures donc, je me trouvais au rendez-vous et je me demandais encore si la rencontre du matin n'avait pas été un mirage lorsque je vis arriver, d'un pas gaillard, ce merveilleux vieillard à qui je dois le plus beau moment de ma vie. D'un ton décidé et avec un grand sourire, il me somma de le suivre et il me fit passer devant le temple et traverser une grande cour protégée du soleil de mars par un de ces arbres millénaires sous lesquels Ma aimait s'abriter. Lorsque nous arrivâmes devant une belle demeure située au fond de la cour, un swami imposant, vêtu d'un habit couleur safran, nous fit comprendre que nous ne pouvions aller plus loin car c'était la résidence privée de Ma. Indifférent aux paroles du swami, le vieux monsieur brava l'interdiction et me fit signe de le suivre dans l'escalier. Mais je pouvais déjà apercevoir deux autres swamis qui nous barraient le passage en haut de l'escalier en nous faisant signe de redescendre. Tapant légèrement de sa canne sur le sol, mon "protecteur" leur dit qu'il était un intime de Ma et que Ma, elle-même, l'avait chargé de me mener à Elle. Je ne savais pas, à ce moment-là, à quel point j'étais près de Ma sur cet escalier et je fus encore plus surprise quand les deux swamis, comme par enchantement, se retirèrent et nous laissèrent passer. Mais ce n'était que le début de l'enchantement car, un instant plus tard, nous débouchions sur une grande terrasse inondée du soleil de l'après-midi en cette magnifique journée de printemps. Là, sur un charpoy, un de ces lits indiens à courroies, se tenait Ma, plus rayonnante que mille soleils, dans son saree blanc, avec son irrésistible sourire et avec ce merveilleux regard légèrement larmoyant qui vous pénétrait de part en part. Un Amour si profond, si puissant émanait de Ma que rien au monde ne pourrait effacer ce moment d'éternité de ma mémoire.

    Quoique, dans mon cœur et dans ma tête, je me fusse préparée à une rencontre avec Ma, je n'avais pu imaginer que j'allais être mise en sa présence d'une façon aussi intime. Ce qui se produisit par la suite ne fut que le kheyal de Ma. Son Énergie et son Amour m'attirèrent tout près d'elle et me firent m'agenouiller, front contre terre et lorsque, lentement, je me redressai et la regardai, mon regard fut entraîné de façon irrésistible dans ses yeux pleins d'amour et de compassion qui me pénétrèrent tout entière. Elle me garda ainsi, tournée vers l'Infini de son regard, dans un silence parfait et dans un état d'immobilité totale qui vibraient cependant d'une intensité surnaturelle. À ce jour, je serais incapable de dire combien de temps cela a duré. Tout ce dont je me souviens c'est que, lorsque je sortis de cet état, j'aperçus l'expression d'étonnement béat sur le visage des brahmacharinis qui se trouvaient derrière Ma et je réalisai que de longs moments avaient dû s'écouler ainsi. J'entendis vaguement les questions que Ma posait à mon sujet au vieux Monsieur et je la remerciais, dans mon cœur, de ne pas me les poser directement car j'aurais été bien incapable d'y répondre dans l'état de béatitude où je me trouvais. Ensuite, d'un geste affectueux, que je savourerais dans les mois et les années qui allaient suivre, elle déposa délicatement sur mes genoux des fruits, des sucreries et un châle blanc.

    Le darshan de Brindavan devait être le premier d'une longue série de rencontres avec Ma au cours de mon séjour de cinq ans en Inde. J'allais vers elle rarement pour lui poser des questions car je sentais intuitivement que les moments en sa présence étaient tellement sacrés et uniques qu'ils devaient être vécus dans un état de communion silencieuse avec la Mère Divine. D'ailleurs, l'essentiel de l'enseignement de Ma se donnait dans le silence et par le silence. En outre, le premier darshan est un peu comme le Sa (Do) de la gamme de musique indienne. Tous les darshans successifs ne sont que des combinaisons et des permutations de notes. On pratique sa sadhana comme on fait des gammes en revenant inévitablement à la note fondamentale du début.

    Ce devait être à Brindavan, encore une fois, que deux ans plus tard, sur cette même terrasse et à nouveau le jour de Holi Purnima j'allais être initiée dans un mantra directement par Ma.

    Au cours de mon séjour en Inde, j'eus le privilège béni de passer de longs moments très proche de Ma grâce à Gaurinath Sastri, dévot de longue date de Ma, philosophe de son état et disciple direct du grand philosophe Gopinath Kaviraj, fervent dévot de Ma. Avec lui, je pus étudier la Bhagavad Gita et certains textes des Upanishad tout en l'aidant à corriger les épreuves de ses écrits philosophiques de Sabda Yoga. Chaque fois qu'il se rendait avec ses étudiants et ses dévots dans des lieux anciens de culte de Shiva ou de la Mère Divine, il m'emmenait dans son groupe. C'est ainsi que je pus m'imprégner des vibrations divines qui règnent dans ces endroits magiques, comme, par exemple, au temple de Mahakala à Ujjain la nuit de Shivaratri, dans la ville sainte d'Ayodhya lors du festival de Rama, à Bénarès pendant les pujas de l'aube au temple de Visvanath et d'Annapurna ou lors de l'ascension au temple de Shiva à Kedarnath. C'est avec lui surtout que j'eus la grâce de passer des jours de retraite avec Ma dans ses ermitages de Naimishar au bord du fleuve Gaumati et de Vyndhyachal près du Gange.

 

 

L'abandon aux pieds du Guru - Gurupadanamaskar

 

    C'est à l'ashram de Vyndhyachal, que j'affectionnais particulièrement, que j'ai vu Ma pour la dernière fois dans sa forme physique, quoique, à l'époque, j'ignorais totalement que je n'aurais plus la grâce de la revoir ainsi. C'était environ un an avant qu'elle ne quitte son corps. Étrangement, après cette dernière rencontre, je n'avais plus ressenti cet intense désir d'être en sa présence physique. Parfois, cela me faisait douter de la profondeur de ma foi ou de la sincérité de ma dévotion alors que c'était Ma elle-même qui, dans son immense amour, me préparait petit à petit à son départ de notre terre !

    Le nom de l'ashram est emprunté à celui d'un temple très ancien dédié à la déesse Vindhyavasini. Cet endroit est un des cinquante-deux tirthas ou lieux sacrés d'énergie féminine - shakti - où, selon la légende, une partie du corps de la déesse Uma était tombée. Situé sur une paisible colline dominant le Gange, l'ashram est une bâtisse rectangulaire avec, au premier étage, une terrasse couverte qui entoure le hall de darshan de telle sorte que l'on peut en faire le tour complet - "pradakshina " -. Un jour, alors que je me promenais sur cette terrasse dans un sens, Ma est arrivée dans l'autre sens et nous nous sommes retrouvées face à face. Comme cela se produit spontanément en présence de grandes âmes, l'on ne peut rester debout devant elles, mais l'on se prosterne tout naturellement à leurs pieds. C'est ainsi que Ma, dans son immense grâce, me permit de toucher ses pieds dans un geste d'abandon alors qu'elle se tenait, immobile, devant moi. Lorsque je me suis redressée, j'ai vu son visage d'une douceur infinie et l'Énergie divine qui émanait d'elle me pénétra avec des vagues de Joie. Je restai agenouillée au sol alors qu'elle, lentement, poursuivit sa promenade sur la terrasse.

    Quelques mois plus tard, je devais rentrer en Italie pour passer des vacances dans notre résidence de Trieste avec mon mari et une amie. Sans aucune raison logique, le 27 Août 1982, alors que nous nous rendions en voiture en ville, je me mis soudainement à raconter la vie de Ma à mon amie, que cela intéressait très peu, tout en me demandant intérieurement pourquoi j'agissais de la sorte. Dans la soirée, je me sentis très mal et je souffris de fortes douleurs abdominales mais je ne voulais pas que l'on appelle un médecin. Je tenais simplement à être entourée de mon mari et de mon amie et à boire des infusions de camomille. Au lever du jour, j'arrivai finalement à m'endormir et, après quelques heures de sommeil, je fus réveillée par un appel de l'Inde : c'était Gaurinath Sastri qui tenait à m'annoncer personnellement la triste nouvelle du mahasamadhi de Ma avant que je ne l'apprenne d'une autre source.

     Encore aujourd'hui, je ne serais pas en mesure de décrire l'état de choc qui fût le mien. La douleur était si intense que je n'arrivais plus à respirer. Dans mon désarroi, je courus vers la salle de méditation qui se trouvait au deuxième étage et où j'avais installé symboliquement un fauteuil pour Ma. Je me laissai tomber près du fauteuil en y étendant les bras et je me mis à sangloter comme une enfant apeurée. Alors que j'étais dans cet état de détresse profonde, je sentis distinctement une faible pression à l'intérieur de mes paumes ouvertes comme si les pieds de Ma se posaient délicatement dans mes mains. Elle apparut devant moi, dans cette position qui lui était si familière, debout, enveloppée dans son châle blanc, mains jointes et les pieds couverts de petites chaussettes blanches. Son corps physique n'était plus mais Sa présence demeurerait pour l'éternité.

 

Le pélérinage intérieur-  sadhana

 

     Malgré ces moments de grâce intense, je n'arrivais pas à me consoler de sa disparition et les jours et les nuits sans sommeil qui suivirent furent extrêmement pénibles. Je ne trouvais du soulagement qu'en voiture, en me faisant conduire sans destination à rejoindre, sans paroles à prononcer, sans amis à rencontrer et sans mélodies à fredonner. Même si c'était le plein été en Italie, j'étais tout le temps entourée d'un air froid qui me glaçait jusqu'aux os. Un jour, alors que nous roulions sans but, nous sommes passés devant la petite église romane de Duino, le lieu où Rainier Maria Rilke composa ses élégies. Abritée dans des bosquets au bord d'une rivière, cette église n'est ouverte que lors de fonctions religieuses spéciales et sans horaire précis. Lorsque nous sommes arrivés, on y célébrait un mariage et lorsque nous avons franchi le portail, une voix magnifique s'éleva au plus haut de la voûte sur les notes de l'Ave Maria de Schubert. C'était Ma à nouveau qui nous invitait à voir sans nos yeux, à entendre sans nos oreilles le message Divin qui proclame qu'au-delà des apparences demeure l'union des contraires : le ciel et la terre, le visible et l'invisible, l'âme et Dieu, l'immanent et le transcendant, l'atma et le paramatma. Et lorsque le silence suivit les dernières notes chantées, une paix profonde et une joie indicible envahirent mon cœur. La voie intérieure menait, bien au-delà de l'Union des polarités, vers l'immensité de l'Inconnu où réside, profondément enfoui, le mystère de la Mère Divine. La vision m'apparut du Seigneur Vishnou allongé sur son éternel serpent, Ananta, flottant sur l'Océan intemporel de Béatitude.

OM JAI MA!

 

Premamayee

(Caroline Rosso Cicogna)                                           Roquebrune, le 19 Mars 2002

 

 

 

 

 

 

                                        J

                                         O

                                           I

                                             E

Joyeusement, bat mon coeur...

 Om l'habite et résonne en lui.

   Irrésistiblement, circule l'amour,

    Eveillé mystérieusement. Je suis.

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~ ETRE ~

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Plus de crainte, plus de désir,

Plus de besoin, plus de tristesse...

Je goûte l'instant. Tout me paraît

Egal...Plus rien ne m'affecte...

       Dieu est Tout...Quelle fête!

 

Monique Manfrini. .

 

 

 

Nouvelles

 

- Après trois semaines d'hospitalisation à Delhi en novembre à cause d'une brûlure, Swâmî Vijayânanda s'est bien remis et il va bon pied bon oeil vers ses quatre-vingt-dix ans qui arriveront dans environ six mois.

- Swami Nirgunânanda revient en France cet été. Nous donnons déjà les programmes qui sont fixés :

1.      Terre du Ciel du 17 au 23 août au domaine de Chardenoux près de Lyon 03 85 60 40   terre-du-ciel @ terre-du-ciel.fr

2.      Epernon du 23 au 28 août. Contact Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain 01 34 51 74 41

3.      Domaine des Courmettes, près de Nice, du 9 au 14 septembre contact : 04  93 24 17 00 ou Michèle Cocchi au 06 61 14 20 58

4.      Du 15 au 22 septembre, Swâmîjî sera en Angleterre

5.      Puis, il passera quatre semaines États-Unis.

6.      Récemment, il est question d'un programme près de Genève le week-end du 7-8 août : renseignements Jamshid Anvar 6 route de Comminy 1296 Coppet Suisse 00 41  22 776 19 18

 

- la retraite de juillet  sur l’écoute du silence à Dhaulchina avec Swâmî Nirgunânanda et Jacques Vigne est déjà plus que complète avec vingt-deux participants. Le voyage de la première moitié d’avril  pour la demi Koumbha-Méla à Hardwar et un tour vers Kédarnath se déroulera comme prévu.

   Devant le nombre de demandes pour juillet, nous pensons réorganiser un petit groupe pour une retraite à Dhaulchina à l'automne du 29 octobre au 14 novembre. Il aura huit ou neuf jours de retraite de silence à Dhaulchina, et nous descendrons avec Swâmî Nirgunânanda à Kankhal pour trois jours,  qui se termineront par le jour de la fête des Lumières, Diwali, avant de repartir sur Delhi. Pour l’organisation bénévole du voyage comme des satsangs sur place, il peut être  plus commode d’être en petit groupe. Contact: Geneviève Koevoets -  koevoetsg@wanadoo.fr

-  Il y a un article de Terre du Ciel  d’une dizaine de pages dans le numéro d’hiver (numéro 66, janvier-février 2004), où Swâmî Nirgunânanda est interviewé sur son expérience avec Mâ. Il s'intitule : « Je vis l’essence de la relation ». Par ailleurs, deux membres de l'équipe de Terre du Ciel sont actuellement à Dhaulchina pour des entretiens avec Swâmîjî. Alain Chevillat a aussi laissé tomber pendant trois jours le groupe qu’il accompagnait pour venir à l'ermitage en février. Il va publier dans la revue un nouveau de texte de questions-réponses de Swâmîjî, Pensées de l'Himalaya, en deux parties. Il s’agissait à l’origine d’entretiens avec Claire Landais, que Swamiji a révisé et complété. On peut les trouver en anglais ainsi qu’en français sur le site de Mâ www.anandamayi.org/ashram/devotees et ashram/French. La version anglaise est en train d'être imprimée à Delhi en 1000 exemplaires.

- Patrick Mandala nous informe de ses projets de publications pour la grande majorité avec les éditions Accarias, il prépare trois volumes sur Mâ Anandamayî, ils contiendront une traduction à 90 % des cinq volumes de Gurupriya Devî, et des extraits du livre de Ganguli et des trois volumes d’Amulya Kumar Datta Gupta dont nous avons donné des extraits dans le Jay Mâ. Il traduira aussi des passages de la  biographie de Bithika Moukerjî  A bird on the wing 

-  Il travaille aussi sur un volume avec des anecdotes et des satsangs inédits de Râmana Maharshi en deux volumes : le son du silence. Il prépare également un livre sur l'enseignement de Dudjom Rimpoché et un commentaire de l'Ashtâvakra-gîtâ sur lequel il travaille depuis une dizaine d'années. En 2004 doit paraître un roman de lui : Mâyâ, chronique védiques, qui porte sur l'Inde ancienne mais qui raconte indirectement ses expériences de l’Inde moderne. Comme dernier livre en cours, il en a un rassemblant des paraboles contées par Shrî Râmakrishna. Signalons parmi ses ouvrages passés où il cite souvent Mâ : Le yoga de la Bhagavad-Gîtâ, le Yoga-vâsishtha, et Aux sources de la sagesse qui rapproche la Grèce de l'Inde, ainsi que la Voix du cœur. Dans un plus domaine large, il a aussi écrit l’Arbre de vie et Sarva Annam. Les droits d'auteur de ses livres servent à soutenir le Mandala Welfare Centre, une institution de service social à  Ootamund dans les Nilgiris, montagnes du sud de l'Inde. Pour tous renseignements complémentairesr ses activités, s'adresser à L’arbre de vie, Rue Noblemaire, 74290 Talloires (Lac d’Annecy) Tél : 04 50 60 75 18

- des extraits du livre La saturée de joie de Marol vont être publiés par le journal en anglais de la Sangha de Mâ, Amrita Vartâ : ce sera une reconnaissance posthume pour Jean-Claude, dont ce livre a été le dernier ouvrage,  publié en mi-2001, quelques mois avant son décès.
- le journal d’Atmânanda est paru à l'automne 2003 chez Accarias. Nous tâcherons d'en mettre des extraits dans le prochain numéro. Nos remerciements à Râm Alexander et Lalita Bugnon de Lausanne qui ont soutenu le projet, ainsi qu’à l'éditeur qui s'est engagé dans ce travail, car il s'agit d'un gros volume, qui traduit la plus grande partie de l'original anglais de plus de 400 pages.

- un brahmachâri à l'ashram d'Almora travaille pour taper  le livre de Vijayânanda, In the Steps of the Yogis  - écrit il y a déjà quarante ans à Dhaulchina, et publié par la suite à Bombay par le grand éditeur religieux indien, Bharatiya Vidha Bhavan. On y trouve toutes sortes de réflexions intéressantes sur l'Inde et sa religion, nous le mettrons sur le site de Mâ. Des extraits de la version française y sont déjà, et nous en avons mis dans les deux ‘Jay Mâ’ précédents ainsi que dans le présent numéro.

 

 

 

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Table des matières du n°72

 

 

Réponses de Ma

Un ermitage idéal  par Vijayandanda
Pensées 
de l'Himalaya Entretiens avec Swami Nirgunananda

En compagnie de Mâ Anandamayî  par Bithika Mukerjî (suite)

 En présence de la Mère divine, Sree Anandamayi Ma

par Caroline Rosso-Cicogna

Joie Poèmes par M.Manfrini

Nouvelles

Renouvellement des abonnements

 

 

 

 

 

Jay Ma N°73  -  Eté 2004

 

 

Paroles de Ma

 

Extraites de « 100 réponses de Mâ » choisies par B.Mukherji

dans son livre In Your Heart Is My Abode à paraître avec d’autres textes d’elle aux Editions Agamat, Paris, sous le titre  En compagnie de Mâ Anandamayi, traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

  1. Dites-vous toujours : Oui, Sa grâce est partout. Je suis inondé par elle, et vous verrez alors qu'il en est bien ainsi.
  2. Etre dénué de tout souci, voilà vraiment la méditation suprême !
  3. La souffrance ? La souffrance de qui ? Qui cause de la souffrance à qui ? Il demeure en Lui-même. Quand il vous arrive de vous mordre la langue avec vos propres dents, est-ce que c'est remarquable ? Tout est en Lui seul.
  4. La manière de fonctionner du monde, c'est ce que vous êtes en train d'expérimenter : Etre né dans celui-ci, c'est souffrir et être heureux. Si vous voulez aller au-delà de cette paire d'opposés, prenez refuge à Ses pieds !
  5. Les décrets divins sont pour votre bien. Est-ce que le docteur ne vous fait pas mal afin de vous guérir ? Dieu aussi vous purifie avant de vous prendre dans ses bras. Il dit : "Donne-moi tes impuretés - et prend en retour cette vie immortelle et sans souillure. Certes, Il vous envoie de la souffrance, mais simplement pour éveiller en vous l'aspiration, c'est Lui-même qui accepte votre fardeau de souffrance, les larmes de vos yeux.
  6. La souffrance est inévitable jusqu'à ce que vous trouviez refuge aux pieds de Dieu.
  7. Il est l'antidote de la peine. Essayez de l'appeler constamment, de méditer sur lui, de le prier. Il est le bien, la paix et la félicité, la vie de votre vie, l'âtman.
  8. Dans le monde de l'action aussi bien de l'effort spirituel, le point principal, c'est la patience.
  9. Il n'y a que l'homme pour souffrir des épreuves tragiques. Soyez braves, faites-y face avec courage et détermination. "C’est Lui qui agit", en croyant ceci, prenez refuge sous sa protection.
  10. Je comprends votre sentiment de découragement profond : vous êtes entouré par les nuages sombres de malheurs imminents. Il est naturel que votre mental soit saisi par la tension et la peur. Comment s'en sortir ? Pour ceux qui sont désespérés, la seule source de soulagement est Dieu. Ne perdez pas espoir. Ayez une confiance complète en Lui, malgré tout. Si vous êtes tombé au sol, utilisez-le comme une planche à ressort pour vous relever ; en effet, c'est le devoir de l'être humain de faire effort quoi qu'il arrive. On ne doit pas considérer la malchance comme un désastre. Ce serait un péché de faire ainsi, car qui est Celui qui envoie la malchance ? Tout ce qu'Il fait est pour votre bien, c'est une loi infaillible. En aucune circonstance, même les plus difficiles, l'être humain ne doit accepter la défaite.
  11. Priez pour avoir la capacité d'endurer les épreuves. Rien n'arrive qui ne soit une expression de la grâce de Dieu : vraiment, tout est Sa grâce. Soyez ancrés dans la patience, supportez tout, demeurez en contact avec son Nom et vivez joyeusement.
  12. C'est la volonté du Tout-puissant qui prévaut à tout moment, elle est en réalité la loi de la création. La notion de "monde" signifie qu’il y a une ronde incessante de souffrances, un peu de bonheur, et des chagrins de nouveau ; c'est pour expérimenter ceci que l'homme est né. Ne voyez-vous pas que le monde n'est rien d’autre que cela sous des formes infiniment variées ?
  13. Ainsi est la nature du monde. En vous ceignant de courage, comme un héros, vous devez essayer de vous calmer vous-même. Il n'y a tout simplement aucun espoir de paix, si ce n'est dans la contemplation de Dieu. Que ce soit votre conviction ferme. C'est le devoir de l'être humain, en toutes circonstances, de chercher refuge en Lui, dont les lois régissent toutes choses.
  14. Mettez votre confiance en lui. Vous ne savez pas si, en vous imposant un malheur que vous pouvez supporter, il ne vous dégage pas la route d'un désastre plus grand.
  15. Le monde est le lieu de la dualité et donc une source de douleur. Si l'on recherche la réussite  mondaine, la souffrance est inévitable. Savez-vous à quoi cela ressemble ? C'est comme frapper volontairement une blessure déjà ouverte afin d'en redoubler la douleur. Se diriger vers Dieu par contre, c'est mettre une pommade adoucissante sur la plaie. Il n'y a pas d'autre manière d'apaiser la souffrance.
  16. Un couple qui venait de perdre d'un enfant :


Shrî Mâ : tout arrive selon son karma. C'était votre karma de servir votre enfant pendant quelques années et son karma  d'accepter vos services. Parfois, de grands saints doivent renaître pour quelque temps afin d'épuiser dans une atmosphère propice les karmas qu'il leur reste. Quand le processus est terminé, Dieu les reprend. C'est la lîlâ divine. Certaines fleurs tombent  sans porter de fruits. C’est la voie du monde. Il y a obligatoirement perte et deuil.
Le père inconsolable demanda : "Où peut-on trouver la force de supporter de telles pertes ?"
Shrî Mâ : souvenez-vous que l’âtman de l'enfant et votre âtman sont un. L’âtman n'est jamais né,  ni il ne meurt, il est éternellement,  il n'y a que le corps qui se détache et tombe. Faites effort pour ne pas être attaché au corps et ne pas pleurer pour lui. Pleurez pour Dieu seul, si vous devez vraiment pleurer. Souvenez-vous de Lui, répétez son nom sacré. Plongez-vous dans la lecture des Ecritures, cela vous réconfortera, votre chagrin deviendra bien plus léger. Que votre vie soit une vie de consécration ! Votre maison elle-même peut être un ashram. Les souffrances viennent afin de vous rappeler d’orienter votre esprit vers la recherche des bénédictions divines.

  1. Une dame qui passait par une période de deuil : Mâ, pendant que vous étiez ici, j'ai oublié la perte de ma fille. Maintenant que vous en allez, je serai submergé par le chagrin comme avant.

Shrî Mâ posa ses mains sur le cœur de la dame et dit avec une grande compassion : "Non, cela ne vous submergera pas de nouveau si vous pensez à Dieu ; répétez son Nom sacré constamment."

  1. A une dame dont le mari était en prison pour des raisons politiques durant la période de domination britannique :

Shrî Mâ : A présent, vous vous souciez de votre mari jour et nuit parce que vous êtes sa femme. Avant de l’épouser, il était pour vous un étranger et vous n'aviez pas d'occasions de penser à lui. De même, on doit tout d'abord établir une relation avec Dieu en adorant une de Ses formes qui puisse captiver votre cœur. Ce lien de familiarité accroîtra votre intensité et vous remplira avec des pensées à propos de Dieu lui-même. A travers ce mari, pati, le bonheur vient à vous tout comme le malheur. Mais la félicité vient seulement de ce Seigneur, Pati. Néanmoins, votre mari est aussi est une forme de cet Un suprême, si donc vous pouvez penser à  lui en tant que tel, vous penserez constamment à Dieu lui-même. Tout et tous sont Ses formes, Lui seul est.

  1. Il est naturel d'être bouleversé par le deuil. Parfois, il nous semble que Celui qui est le Bien-aimé suprême de tous est  notre ennemi. Néanmoins, nous avons à nous soumettre à Sa volonté quelle qu'elle soit. Chère mère, écoutez la requête de votre petite fille  qui parle en ce moment : en ces jours de malheur et de détresse, appelez Dieu et pleurez pour lui. C'est seulement Lui qui vient à l'être humain sous forme de frère ou de mari. Il n'y a qu'en L’invoquant qu’on peut trouver la paix.
  2. Essayer de faire revenir l'esprit du disparu n'est pas bon. Très souvent, ce sont d'autres entités qui répondent  et l'individu ordinaire n'est pas en position de distinguer entre une manifestation authentique et un faux. Donc, c'est nuisible. Ne laissez pas votre mental être occupés par de tels propos. Au niveau du Soi, vous êtes uni avec votre fils. En ce monde, le bonheur  alterne invariablement avec le malheur. Gardez présent à l'esprit  qu'elle est en vous sous forme de l’âtman - à l'intérieur de vous. C'est la vérité, ce n'est pas de l'imagination. La naissance et la mort arrivent pour accomplir la volonté divine. Sous toutes les formes et en toute circonstance, il n'y a que Lui seul.
  3. Question : Les gens disent que tout est décidé par sa destinée. Est-ce qu'il est possible de détourner ce sort par des actions convenables ?

Shrî Mâ : Tout est possible avec la miséricorde divine. S'il donne Sa grâce, qu'est-ce qui ne peut  être accompli en un instant ?

  1. Une visiteuse : Mâ, je désire la réalisation du Soi, et qui plus est rapidement. J'ai été en recherche depuis si longtemps et maintenant,  les années s'accumulent.
    Shrî Mâ : La réalisation du Soi n'est pas dans le temps.

Question : De toutes façons, avant que je meure, je dois l'atteindre ! S'il vous plaît, dites-moi comment.

Shrî Mâ : Vous devez être immobile autant que possible et méditer dans la solitude. Au lieu de cela, vous vous êtes mis sur le dos tellement de travail qui vous oblige à donner votre attention aux affaires du monde !

Question : mais je ne veux pas me retirer du monde. Pourquoi ne puis-je pas avoir la Réalisation ici et maintenant, au milieu de mes activités du monde ?
Shrî Mâ hocha la tête en disant : Cela ne peut pas être. Considérez cela sous cet angle : quand vous souhaitez écrire une lettre, vous ne le faites pas en public. Vous prenez votre stylo et votre papier et vous asseyez toute seule. Une fois écrite, vous pouvez la lire aux autres. Une fois que le Soi est réalisé, la question de vivre dans le monde ou en solitude et ne se pose pas. Mais tant que vous luttez pour cela, vous devez être vivre à l’écart.

  1. Question d'une maîtresse de maison : Mâ, il est difficile de m'adonner au nâma-japa ou à la méditation pendant suffisamment longtemps. Aussitôt que je m'asseois et que je m'immobilise, il y a une douzaine de choses qui arrivent et qui demandent mon attention.
    Shrî Mâ sourit, pleine de compréhension. Elle dit : "Supposez que vous êtes au bord de la mer et souhaitez entrer dans l'eau. Pouvez-vous attendre que toutes les vagues  se soit calmées ?"
  2. A un ascète : "demeurez tranquillement en un seul endroit et pratiquez la sâdhanâ comme un aspirant sincère et sérieux. Remplissez d'abord votre vide intérieur ; alors le trésor que vous avez accumulé débordera de lui-même et se communiquera ainsi aux autres."
  3. On peut se demander : quel mal y a-t-il à faire du kîrtan, du japa, de la méditation etc. avec d'autres ? Mais ressentir l'attraction du groupe constitue un obstacle. Cela provoquera naturellement de l’instabilité. De plus, s'il y a une trace de désir ou surtout un vrai désir  d'être le chef et le dirigeant de l'assemblée, c'est aussi nuisible. Cela vaut à la fois pour les hommes et pour les femmes.

Question : Mâ, l'autre jour, vous m'avez demandé de faire le japa de Gayatrî. Pourquoi?
Shrî Mâ : J'ai vu qu'il y a avez une cordelette sacrée sur votre épaule. Si on vous demande de décliner votre identité, vous direz : "Je suis un brahmine". Ainsi, vous devez effectuer les pratiques d'un brahmine. Vous n'avez pas à vous demander pourquoi ou à cause de quoi. Comme vous arrosez les racines d'une plante, pratiquez un petit peu de japa tous les jours. Qui sait, la plante peut revivre, vous pourrez ressentir un vrai besoin de faire vos pratiques avec un grand sérieux.
Question : Mais je ne peux pas suivre les règles de régime, etc.
Shrî Mâ : Vous n'avez pas besoin. Souvenez-vous simplement du mantra. C'est ce que je dis, maintenant la balle est dans votre camp.

 

 

 

Conversations  récentes

avec Swami Vijayananda

 

 

Q. - Vaut-il mieux suivre la voie de la dévotion, ou celle de la connaissance?

R. - Toutes les deux sont nécessaires, comme les deux ailes d'un oiseau lui sont indispensables pour voler. Mais chez certains la dévotion prédomine, alors que chez d'autres c'est la voie de la connaissance qui prend plus d'importance. Ma disait que connaître le Soi c'est connaître Dieu, et connaître Dieu c'est connaître le Soi: à la fin les deux voies se réunissent, quelle que soit celle à laquelle on s'est consacre en priorité.

L'idéal est en réalité de combiner toutes les voies: connaissance (méditation, discrimination - discernement, lecture des Ecritures sacrées), dévotion, karma-yoga, japa.

Pour les personnes qui suivent le Vedanta, la dévotion est dirigée vers le Guru, en qui l'on voit - au-delà de sa forme physique - le Divin suprême; en effet, en réalité le seul Guru est l'Absolu, qui se manifeste à travers des sages fonctionnant comme un canal. Ils sont des conducteurs plus ou moins efficaces de cette énergie divine en fonction de leur niveau, et seul un Sadguru (qui a atteint la Libération complète) est un super-conducteur, qui transmet le pouvoir divin totalement et sans l'altérer.

 

Q. - Est-ce que le renoncement (au confort matériel, aux plaisirs mondains etc.) est une étape importante dans la sadhana?

R. - Oui, si c'est définitif. Mais les renonçants véritables sont rares, et quoi qu'il en soit on peut aussi suivre une discipline spirituelle tout en vivant dans le monde. C'est une question de maturité et d'intensité de l'aspiration spirituelle. Prenez le cas de deux enfants qui sortent de l'école et rentrent chez eux: l'un souhaite si ardemment retrouver sa mère qu'il court la rejoindre, alors que l'autre s'arrête en chemin, flâne, bavarde et rentre plus tard.

 

Q. - Est-ce que le renoncement total a été difficile pour vous?

R. - Non, parce que la joie d'être près de Ma rendait toute autre chose insignifiante. A propos de détachement, Ma racontait volontiers l'histoire suivante:

Un roi très religieux souhaitait ardemment poser à un grand Sage quatre questions à propos de Dieu. Il offrit publiquement une forte récompense à qui lui donnerait des réponses satisfaisantes. De nombreux savants et sages tentèrent leur chance, mais le Roi n'était jamais satisfait. Un mendiant, qui demandait depuis un long moment à pouvoir offrir ses réponses, fut enfin - en désespoir de cause - admis auprès du Roi. Celui-ci lui posa sa première question: "Où Dieu vit-il?" La réponse fut "Où ne vit-il pas?". Le Roi, enchanté, poursuivit: "Qu'est-ce que Dieu mange?" "Il mange des égos."

"Quand Dieu rit-il?" À cette troisième question, le mendiant répondit: "En deux occasions: Dieu rit quand un père meurt et ses deux fils divisent en deux le terrain qu'il leur laisse en disant: ceci est à moi, cela est à toi, puisque tout appartient à Dieu. Dieu rit aussi lorsqu'un bébé encore dans le ventre de sa mère et souffrant d'être à l'étroit, demande à Dieu de le laisser sortir, en promettant de faire ensuite beaucoup de japa, de méditation etc. - et ensuite, quand celui-ci accède à sa demande, il oublie ses promesses".

Alors le Roi, très heureux, posa sa dernière question. " Que fait Dieu?" Le mendiant répliqua: "C'est une atiprashna (question transcendantale), donc pour y répondre, il faut que je sois assis sur votre trône et vous à ma place". Le Roi accepta. Une fois assis sur le trône, le mendiant resta silencieux. Alors le Roi lui demanda de donner sa réponse, qui fut: "C'est cela même la réponse! Dieu fait que les rois deviennent mendiants et les mendiants deviennent rois".

 

Q. - Parliez-vous avec Ma de questions personnelles, mises à part celles concernant la sadhana?

R. - Ce n'était pas nécessaire, puisque je communiquais mentalement avec Elle.

 

Q. - Vous êtes-vous totalement abandonné à Sa volonté?

R. - Je suivais précisément les conseils de Ma concernant tout ce qui est physique; si Elle m'avait dit de me jeter dans le Gange, je l'aurais fait sans hésitation. Mais concernant le mental et les émotions, je voulais maintenir un parfait contrôle.

 

Q. - Est-ce que Ma était parfois dure avec les disciples?

R. - Elle pouvait prendre une expression sévère quand nécessaire, mais c'était par Amour.

 

Q. - Comment peut-on se débarrasser des doutes?

R. - Il ne s'agit pas de les éliminer, mais d'y faire face, car c'est une étape nécessaire pour acquérir une foi profonde et solide.

Si vous avez des doutes à propos de l'utilité de votre pratique spirituelle, rappelez-vous que la conquête de soi-même est la plus grande qui soit. Elle mène à n'avoir plus besoin de quoi que ce soit venant de l'extérieur.

En outre, l'Union mystique (intérieure) est la seule qui soit satisfaisante, qui amène à une paix totale accompagnée d'une Joie infinie.

 

Q. - Comment se protéger quand l'on devient très sensible pendant la sadhana?

R. - En répétant constamment le mantra, en respectant le Dharma en toutes choses même pour les plus petits détails, et en gardant un mental calme.

 

Q. - Et comment calmer le mental quand il est très agité?

R. - En l'observant avec diligence; en le considérant comme un cheval à dresser de manière à la fois ferme et douce. Il s'agit de cesser de s'identifier avec le mental et les pensées, et bien sur avec le corps. La méditation est une grande aide pour cela.

 

Q. - Comment considérer la peur de mourir?

R. - L'instinct de conservation (de survie) existe pour protéger le corps, et crée une peur de la mort qui est à la base de toutes les peurs. Cela crée en même temps une conscience de l'impermanence, qui nous réveille en nous rappelant qu'il ne faut pas perdre de temps: nous devrions faire tout notre possible pour éliminer les obstacles et les voiles qui nous séparent de notre réelle Nature, le Soi éternel.

 

Q. - Et comment conquérir la peur?

R. - Quand une peur ou une autre émotion arrive, il importe de s'arrêter et de faire face à la sensation physique - généralement déplaisante - qui en est à la base. Il s'agit d'observer les sensations subtiles du corps qui créent les émotions, sans laisser le mental les interpréter ni s'agiter. On peut conquérir la peur en allant à sa source, qui est en nous et non dans son objet.

 

Q. - De nombreuses personnes en Occident parlent de "jouir de l'instant présent". Qu'en dites-vous?

R. - Le moment présent est conscience, et non jouissance. Etre conscient de tout ce qui est maintenant mène pas à pas à la réelle Joie de l'Unité, alors que jouir des plaisirs mondains apporte nécessairement de la souffrance, puisque cela fait partie de la dualité, où l'on est la proie des paires d'opposés.

 

Q. - Est-ce que la capacité à supporter la souffrance physique aide au contrôle du mental?

R. - Oui, parce que la douleur est généralement seulement 10% physique, alors que 90% vient du mental qui ajoute des interprétations, associations d'idées, souvenirs etc. En tentant d'éviter la douleur, de la fuir en se réfugiant dans le mental, on ne fait que rendre la douleur plus forte. En revanche, si on la regarde en face, calmement, en silence, la douleur revient à ses proportions réelles, souvent très supportables, et parfois même elle disparaît! Le contrôle du mental et la capacité à supporter la souffrance vont de pair et aident à acquérir une stabilité intérieure.

 

Q. - Pourquoi est-ce qu'il est nécessaire d'appendre à se restreindre et à maîtriser ses désirs dans la pratique spirituelle?

R. - La maîtrise de soi est ce qui rend un être humain différent des animaux, et c'est indispensable à toute vie sociale. C'est spécialement important en sadhana (pratique spirituelle), parce que la capacité de contrôler ses propres émotions - c'est la base – ainsi que les actions et pensées est ce qui permet au sadhaka de tourner son attention vers l'intérieur, au lieu de laisser le mental être attiré par toutes sortes d'intérêts et plaisirs extérieurs, qui ne sont que la réflexion du bonheur du Soi.

Le fait de regarder en soi et de se connaître soi-même est l'essence de la sadhana, et c'est possible seulement avec un bon self-control. En effet, sans cela l'attention et l'énergie vont dans la "mauvaise" direction, vers les plaisirs des sens etc. Ce n'est qu'en maîtrisant son mental et en sachant renoncer à la satisfaction de certains désirs que l'on peut se concentrer sur la sadhana. Il est important d'éviter les extrêmes et la rigidité: pendant la période de prohibition de l'alcool aux Etats-Unis, il y a eu beaucoup plus de consommation d'alcool et de gangsters qu'avant! De même, si vous vous interdisez quelque chose de manière absolue, votre mental risque ensuite de chercher à se rattraper voire de se venger! Le mieux est de céder un petit peu; par exemple si vous avez envie de chocolat prenez-en régulièrement une petite quantité, plutôt que de vous en priver puis d'en manger une plaque entière! Ne luttez pas contre le mental comme s'il s'agissait d'un ennemi; expliquez-lui gentiment, comme à un enfant, que ce qu'il cherche est tout à fait légitime, puisque le bonheur et la paix sont notre vraie nature, mais qu'il les cherche dans la mauvaise direction, vers l'extérieur, là où tout est transitoire et tôt ou tard décevant. Une paix durable et le vrai bonheur ne peuvent se trouver qu'à l'intérieur. Le désir (l'attraction vers les choses extérieures) est dû à un effet de miroir: on croit voir dans les objets le bonheur qui est en réalité en nous, et on court après une image de miroir.

 

Q. - Que faire lorsqu'on se sent découragé?

R. - Pensez à l'histoire que racontait Ramdas: quand vous voulez casser une grosse pierre, il faut frapper de nombreuses fois; pendant un long moment cela ne semblera produire aucun effet, mais en réalité, chaque fois que vous frappez, les molécules de la pierre sont modifiées, et cela prépare le coup final: soudain, quand on ne s'y attend pas, cela explose. C'est pareil en matière de sadhana; chaque effort compte, même lorsque cela semble inutile. Et un jour vos efforts porteront leurs fruits. Patience et persévérance sont essentielles. À ce propos, vous avez peut-être remarqué que lorsque vous avez de la difficulté à vous endormir, il vaut mieux ne pas chercher à dormir car faire des efforts accroît la tension qui empêche de dormir; en vous relaxant cela viendra tôt ou tard naturellement. À un certain stade de la sadhana, il faut aussi adopter cette attitude à propos de la Réalisation. Au début des efforts et un intense désir de Réalisation sont indispensables, mais vers la fin il faut lâcher tous les désirs y compris celui-ci, et l'état sans effort pourra s'installer.

 

Q. - Pourquoi est-ce que certaines personnes ont obtenu la Réalisation du Soi alors que beaucoup d'autres ont encore tant de chemin à parcourir avant d'arriver à la Libération?

R. - Du point de vue d'un grand sage, nous sommes tous déjà au stade de la Réalisation. Un jour, j'ai demandé à Ma de me donner la Libération. Elle m'a répondu "Mais tu ES libre!"… C'est seulement le voile de l'ignorance qui fait que les gens pensent qu'ils sont loin de la Réalisation et qui les fait agir en conséquence. C'est pourquoi la sadhana consiste principalement à enlever progressivement ces voiles (constitués des émotions négatives, des croyances etc.), et à agir conformément à de solides principes moraux et au Dharma.

 

Q. - La Grâce divine est toujours présente, mais souvent nous ne savons pas être réceptifs. Que faire pour s'ouvrir à la Grâce?

R. - En récitant constamment votre mantra avec amour, en pensant à sa signification (donc si possible pas mécaniquement). Et en vivant une vie pure, notamment en évitant de faire du mal à quiconque, en étant parfaitement honnête etc.

Q. - Est-il vrai que si je pense être une personne qui commet beaucoup de "péchés", alors je le deviens?

R. - Oui, vous devenez ce que vous pensez, alors ne vous identifiez pas avec votre mental, mais avec votre vrai Soi, qui est pur! Et pensez à Ma (ou à toute autre manifestation du Divin suprême) aussi souvent et intensément que vous le pouvez. Quand vos pensées s'échappent en direction de ce que vous appelez un "péché", observez ces pensées sans faire ce qu'elles vous suggèrent de faire. Regardez-les simplement, sans jugement, et laissez-les passer, en vous souvenant qu'elles ne sont pas vous, c'est juste votre mental, alors que vous êtes le Soi.

 

 

 

Pensées de l’Himalaya

 

Par Swami Nirgunananda

 

Quel est le rôle de la poûjâ (culte) dans la voie de la dévotion ?

Essayons d'abord de comprendre ce qu'on veut dire par poûjâ. La poûjâ est un ensemble d'actions  effectuées avec amour,  pas simplement un rituel. Cela me rappelle une des expériences que j'ai eues avec Mâ. Elle m'a demandé d'effectuer la poûjâ de la déesse Kali dans le temple qui lui est dédié à notre ashram de Delhi à l’occasion de chaque nuit de nouvelle lune pendant un an. À cette époque, j'ignorais tout à fait les rituels des poûjâs. Trois jours avant la première poujâ, Mâ m'a appelé sur la terrasse de l'ashram de Vrindâvan et m’a dit qu’un prêtre de Bénarès devait venir m’enseigner les détails de la poûjâ. Elle me donna en fait toutes les instructions possibles précisément,  y compris  comment cuire  la nourriture pour offrir à la déesse et les aliments qu’on devait préparer.

Elle se mit ensuite à me montrer comment peler et couper les pommes de terre, les aubergines et d'autres légumes. C'était l’heure du darshan du soir de Mâ (son apparition devant les fidèles) et ceux-ci attendaient  Mâ en dehors du bâtiment, ils étaient des centaines à être là. Je pensais en mon for intérieur : "Quelle perte de temps pour un sujet aussi insignifiant ! Elle pourrait facilement me dire quoi faire à la place de le montrer ! Je suis assez intelligent pour faire comme elle dit." Mais bien sûr, voir Mâ faire tout ceci en pleine attention et avec une perfection méticuleuse  était en soi une scène digne d'être contemplée. Après avoir fini, elle dit : "Ta poujâ  a  commencé dès maintenant. Tout ce que tu fais, si c’est fait avec amour pour le divin, cela s'appelle poûjâ."  Tout ce qui est fait avec amour est la clé de la perfection.

Quel est le rapport entre perfection et bonheur ?

Une histoire : un jour un grand violoncelliste va jouer en concert. Il accorde son instrument dans sa loge, il joue. C’est parfait. Tout d’un coup, il a soif. Il n’y a pas d’eau dans sa loge. Il descend un instant au bar du théâtre. À ce moment-là, un petit garçon entre dans la loge. Il joue du violoncelle. Pour de bons musiciens, c’est de la très mauvaise musique mais pour l'enfant, c'est un plaisir immense. Il y a mis tout son cœur et il trouve la musique qu’il extrait des cordes, très belle. Pour le maître, ces sons seraient pénibles, mais l'enfant est très heureux. Il est très difficile de généraliser la notion de perfection. Tout est parfait en son genre. Notre vie est une magnifique composition. La vie de Mâ était la plus belle composition qui soit. Il y avait de la beauté dans tous ses gestes, comportements et paroles.

Quel est le sens de votre nom Nirgunânanda, et qui l’a choisi pour vous?

Ni signifie  « non » et gun signifie  « attribut » ou « qualité ». Nirgunânanda signifie donc « la félicité de la non-attribution ». Quant au choix du nom, j'ai entendu l’histoire suivante de la bouche même de Swâmî Bhaskarânanda quand il m'a initié au sannyâs. Brahmacharis Bharatjî, Kusumjî et Tapapanjî étaient trois ascètes, des aînés de notre ashram. Après avoir achevé trois années de disciplines et pratiques  intenses et austères, ils devaient recevoir une initiation dans une catégorie particulière d’ascètes, avec de nouveaux noms. Ils souhaitaient que la première partie du nom de Mâ soit aussi la première partie de leur nouveau nom. Le nom de Mâ était Nirmalâ. On décida ainsi que tous les trois nouveaux noms devraient contenir nir en tant que première partie. Mâ elle-même a sélectionné les noms Nirmalânanda pour Tapan,  Nirvanânanda pour Kusum et Nirgunânanda pour Bharat.. C'est une tradition répandue et aussi une directive scripturaire que la première syllabe du nom d’origine doit être aussi la première syllabe du nouveau nom. Or, le pandit qui menait la cérémonie était très méticuleux dans l'observance des instructions de s Ecritures. Il émit une objection à propos de ces nouveaux noms. Deux brahmachâris ont refusé catégoriquement de changer leur nom. Mâ était embarrassée, elle essaya de trouver un compromis. Elle demanda au pandit si cela conviendrait que seul un des noms soit modifié pour être en accord avec les instructions scripturaires. Le pandit accepta. Mâ a demandé à Bharat, le futur Bhaskarananda s’il serait d’accord d’abandonner le  nom qui avait été prévu. Comme c’était  Mâ elle-même qui demandait, il a accepté.

Quand j'ai souhaité prendre le sannyâs, j’avais sélectionné le nom Shanmbhavânanda. Cela va bien avec la tradition. Je m’appelais Shantivrat, j'ai donc choisi un nom qui commençait par un « Sh », en fait c’était un nom qui n'était pas commun, c'était un nom "moderne". Il faisait référence à une épithète de Shiva, Shambu [être paisible] et de sa parèdre Shambavî. Dans la pratique quotidienne, je rends un culte au Shrî Yantra qui est associé à Shambhavî. De plus, c'est une référence au Shambhavi moudra dans la voie du Yoga où les yeux sont ouverts, mais l'attention est dirigée à l'intérieur. Ceci représente une pratique de l'unité entre le monde extérieur et intérieur, ce qui est signifiant pour moi. Swâmî Bhaskarânanda était celui qui devait me donner l’initiation au sannyâs et le nouveau nom. Au début, j'étais réticent à prendre le nom qu'il me proposait, mais quand il m'a  raconté l'histoire, je l’ai accepté : c’était un grand honneur pour moi de recevoir ce nom même qui avait été choisi par Mâ et que mon dikshâ âchârya me l’ait offert.

Est-ce que le chagrin qui vient du passé est inévitable ?

Le chagrin et les souffrances sont toujours des choses du passé. Toutes les religions nous enseignent des manières d'échapper aux souffrances et d'être dans un bonheur perpétuel. Il me faut vous raconter une des expériences grâce auxquelles j'ai appris la manière d'échapper au chagrin.
À Calcutta il y a un endroit appelé Dhapa qui a toujours été utilisé comme une déchetterie. Il y a quelque temps, je passai en voiture avec un ami près d'une ville nouvelle  proche de Calcutta. Je remarquai une cité neuve, propre avec des routes larges, une architecture moderne, des parcs et des jardins. Avant d'embrasser la vie ascétique, j'avais résidé à Calcutta pendant pratiquement vingt-cinq ans et j'étais tout à fait familier avec les endroits dans et autour de la ville. Je me renseignais sur ce lieu, et mon ami m’a dit que cette ville nouvelle avait été construite sur la déchetterie de Dhapa. Ce fut une révélation pour moi. Si je creuse profondément dans le sol de cette belle cité toute neuve, des couches entières d'ordures qui y ont été jetées depuis deux cent ans  en ressortiront. Mais pourquoi donc devrais-je le faire, quand je peux profiter de la beauté d'une ville moderne et propre, en laissant les déchets par-dessous ? Nous ne serons pas capables d'effacer les souvenirs du passé, mais nous pouvons nous construire  une vie belle et heureuse en laissant de côté la tristesse du passé, là où elle est. Notre vie doit être comme une cité moderne construite sur des dépôts d'ordures.

Comment prenez-vous le décès de Marol ?

[Claire était une amie de Marol, et réfléchissait sur sa mort précoce de cancer survenu six mois auparavant sa venue à Dhaulchina, c'est-à-dire en octobre 2001. Marol a été un fidèle de Mâ en France pendant des années. Il était écrivain et a publié à Paris trois livres rassemblant des paroles de Mâ ; il avait rencontré Nirgunânanda près de Paris il y a quelques années, et depuis cette époque, communiquait régulièrement avec lui]. La première fois, je l'ai rencontré quinze minutes seulement. J'avais entendu dire que Marol était un écrivain, un poète, un dessinateur d’humour  spirituel et plein d’esprit, quelqu'un qui avait du génie. Je désirais le rencontrer. Nous avons parlé de nos points de vue respectifs sur Mâ. Il soutenait une manière de voir qui était tout à fait différente de la mienne, mais je l'écoutais. Je n'ai pas émis d'objections à son point de vue parce que je crois que chacun est dans la vérité à partir de la où il en est. Il en fit de même quand j’exprimais ce que j'avais à dire. Je ne sais pas pourquoi, mais Marol s'est mis à m'aimer. Il avait l'habitude de dire que j'étais son frère, son ami, son enseignant et son fils. Moi aussi, j'ai trouvé quelque chose de très attirant chez lui, il m'a donné beaucoup plus que ce que j'attendais. La dernière fois que je l'ai vu à Paris, il était très malade et je savais qu'il ne survivrait pas, mais on ne peut pas  lancer ce fait à la figure de quelqu'un. Depuis ce moment-là, il a pris l'habitude de m’appeler une ou deux  fois par jour, où que je sois, cela pouvait être  en Suisse, en Italie, en Angleterre, à Dehli ou à Almora. Malheureusement, pendant les derniers jours, il ne pouvait communiquer avec moi. Les lignes téléphoniques étaient trop mauvaises. J'ai été informé de son décès par Jacques Vigne qui enfin a pu me joindre.

Ma vieille mère âgée de quatre-vingt-seize ans est aussi décédée en juillet 2001. Cela a été également un choc momentané pour moi. Mais j'ai pu le gérer de la même manière. À chaque fois que je sentais leur absence, j'ai essayé de me souvenir des bons moments passés avec eux. À la fois ma mère et Marol sont vivants dans ma mémoire et je peux être avec eux dès que je le souhaite.

Ce qui nous rend heureux, c'est d'avoir une relation avec nous-mêmes ; mais tout seul, nous ne sommes pas capables d'avoir cette relation ; nous ne pouvons faire l'expérience de cet amour que nous avons en nous-mêmes sans aimer quelqu'un d'autre. Ainsi, nous avons des relations et nous existons dans les autres comme dans des miroirs. Ce miroir que Marol a été  semble avoir été brisé dans le monde extérieur, mais le miroir intérieur est toujours intact.

Comment avez-vous ressenti le départ de Mâ ?

Lorsque je l'ai appris, cela a été le plus grand choc de ma vie.  C’était quand je revenais  du pèlerinage du Mont Kailash, nous venions de traverser la frontière chinoise et étions entrés dans le territoire indien, un militaire qui escortait les pèlerins nous a annoncé la nouvelle. Au début, je ne pouvais y croire. Le militaire me dit que cela avait été  diffusé à la Radio nationale indienne le 27 août 1982 dans la soirée. Il m’a semblé que le ciel m'était tombé sur la tête. J'avais le mental paralysé, en état de choc. Une chose dont je me souviens, c'est que j'ai désiré me suicider en sautant d'une falaise dans les hautes montagnes. Un des moines plus âgé de notre ashram qui venait par-derrière m’a vu et m'a sauvé de ce suicide

Comment vous êtes réconcilié avec ce fait du départ de Mâ ?

Cela m'a pris longtemps, mais maintenant,  je sens que j'aime Mâ de la même manière que lorsqu'elles étaient dans sa forme physique. Si je prétends aimer Mâ, je dois aimer ses paroles également. Elle a dit : "Souvenez, où que vous soyez,  à chaque instant, ce corps vous regarde constamment ; mais vous ne voulez pas me voir, qu’y puis-je?" Cette parole de Mâ m'a apporté une grande consolation et j'ai été pénétré de la conviction que Mâ était toujours avec moi.

Les souvenirs de Marol me rendent triste. Comment puis-je dépasser cela ?

C'est tout à fait naturel de ressentir de la tristesse lors d’un deuil. Y a-t-il un moyen de le ramener la vie ? Vous ne pouvez défaire ce qui est inévitable et destiné. La mort peut être la fin de la vie physique de celui que vous aimez, mais pas de votre vie. Vos souvenirs sont des parties intégrantes de votre vie. Ils resteront vivants tant que vous le serez. Celui que vous aimez est mort mais non pas votre amour pour lui. Souvenez-vous, vous aimez quelqu’un parce que vous aimez l’aimer. C’est l'amour pour vous-même qui vous fait aimer les autres. Ramenez dans le présent les souvenirs du passé et soyez avec eux.

 Qu’est-ce que fait Marol ?

Marol ne fait plus aucune action avec son corps. Vous pouvez imaginer qu'avec son corps subtil il est avec Mâ et qu’avec Mâ il est heureux. Vous aimez Mâ ? Oui, alors vous aimez son corps, son esprit et aussi ses paroles. Mâ disait qu’elle est partout. Elle est donc aussi avec Marol.

Qu’est-ce que pense Marol à présent?

Quand Marol était là, vous ne saviez pas non plus ce qu’il pensait. Vous saviez juste ce qu’il en exprimait, et ce n’était pas le tout de son monde intérieur.

Comment avoir des échanges avec Marol ?

L’amour, dans son essence véritable, n’attend rien. D'abord, demandez-vous pourquoi vous désirez échanger avec lui ? C'est l'évidence que vous ne pouvez revenir sur sa mort. Mais votre amour pour lui vous fait désirer échanger avec lui. Vous avez ses souvenirs à l'intérieur, avec leur aide, ramenez-le à la vie dans votre imagination. C’est quelque chose que l'on fait souvent pendant la vie quotidienne quand celui qu'on aime n'est pas physiquement présent auprès de soi.

Mâ a dit que nous devrions être comme des enfants, le mais la réalité, c'est que nous avons grandi. Comment est-ce possible ?

Il est vrai qu’en passant à travers l'enfance et adolescence, nous avons atteint  l'état adulte.. Mais les souvenirs de notre enfance et de son innocence sont toujours en nous. Essayez d'emprunter de nouveau les chemins de la mémoire, de récupérer ces souvenirs et soyez avec. Si vous ne pouvez vous reconvertir en un enfant, vous pouvez tout de même essayer de sentir ce que ça fait d'être un enfant.

Les émotions créent des problèmes dans la vie comment les gérer ?

Toutes les émotions ne sont pas en problématiques. Avant d'aborder ce sujet, essayons de trouver la place des émotions dans notre vie. Les émotions sont des états mentaux qui proviennent des interactions que nous avons avec le monde des objets. Ce monde des objets n'est pas seulement en dehors de nous, nous l'avons aussi à l'intérieur. Or, la question se pose de savoir si nous pouvons effacer ces émotions qui sont à la racine de nos problèmes ? Est-ce que nous avons même besoin de les effacer ? La réponse à ces deux questions est simplement "non". Examinons à présent quelques émotions l'une après l'autre :

Le désir : Les désirs sont des signaux en retour de notre vie même, celle-ci serait paralysée sans désirs et semblerait dépourvue de sens. En tant que tel, les désirs ne peuvent être appelés la racine du malheur. L'accomplissement de désirs nous procure le bonheur. On dit qu'il faut mériter avant de désirer [first deserve, then desire]. Mais la plupart du temps, nous désirons quelque chose que nous ne méritons pas, voilà la racine de nos problèmes ! Ce qui est nécessaire, c'est de poser les limites à nos désirs. Et la culmination de tous nos désirs, c’est Dieu.
La colère : L’envie non satisfaite est la mère de la colère. En d'autres termes, on peut dire que quand notre attente rencontre un obstacle, la colère vient. Nous avons besoin d'un objet contre lequel nous mettre en colère. Que Dieu soit l’objet de notre colère,  de cette manière, nous pourrons avoir un souvenir constant de Lui.

L'avidité : Il y a une différence entre l'avidité et les désirs. Nous sommes poussés à posséder plus que ce que nous avons déjà. En tant que tel, et il n'y a rien de mauvais là-dedans tant que cela ne s’opère pas aux dépens du bonheur des autres. Soyez avides de la grâce de Dieu.
Egoïsme : projeter son propre moi devant les autres afin d'établir son existence même est inhérent à la nature humaine. Mais des fois, nous nous projetons afin de prouver notre supériorité sur les autres. Quant la personne en face agit de même, c'est là que commence le choc des egos. Souvent, on dit qu'il faut se débarrasser de l'ego et que ce sera la fin de tous les problèmes. Il se peut que ce soit une notion savante, mais est-ce praticable ? Mon existence même dépend de ce sens de l’ego, d’un soi fonctionnel. Comment serait-il possible de se débarrasser de ce soi par ce même soi ? L’ego ne causera pas de problèmes tant que je ne cherche pas à prouver ma supériorité sur les autres. Défiez en combat singulier l'ego de Dieu et voyez comme vous vous amuserez !

La jalousie : c'est une expression de complexe d’infériorité, un état mental de frustration. Ceux qui ne possèdent pas sont toujours jaloux de ceux qui possèdent. On n'est jamais content de ce qu’on a et on devient fou de ce qu’ont les autres. Soyons satisfaits avec ce qui a été offert par Dieu.

   Ces états émotionnels ne sont rien  que le résultat des interactions de nos sens avec le monde des objets et sont transitoires. Ils viennent comme des tempêtes et s'en vont. Si l'on essaie de considérer ceci du point de vue du témoin, on sera moins malheureux.

Est-ce que des changements de voies  sont à conseiller dans la pratique spirituelle ?

Si on a commencé sur une voie juste, la question de la changer ne se pose pas, même jusqu'à la fin. Il n'y a pas de voie spirituelle qui soit mauvaise en elle-même. Il y a une chose qu'on doit toujours garder présent à l’esprit, c'est que le but spirituel n'est pas limité par le temps. Une fois que j'ai commencé à suivre une voie,  je dois continuer à essayer d'avancer dans sa direction avec une attention imperturbable et de la sincérité. La vie est trop brève pour tester au hasard des chemins spirituels les uns après les autres.

Quelle est la signification des mots sâdhanâ et tapasyâ ?

Ce sont des mots sanskrits. Le sens littéral du mot sâdhanâ est pratique spirituelle, celui du mot tapasyâ pénitence. Mâ les définissait à sa façon ; elle disait, comme nous l'avons mentionné : swa dhan praptir holo sadhana, cad « la manière de retrouver son propre trésor, voilà ce qu'on appelle sâdhanâ ». Pour tapasya,  elle disait : tapasya holo tap saha, cad « endurer,  s’adapter à la ‘chaleur’ du monde, voilà la tapasyâ ». En sanskrit, swa signifie soi-même et dhan richesse ou trésor. Tap veut dire chaleur et saha endurer ou s’adapter. Le plus grand des trésors, celui auquel on aspire à tout jamais,  c’est la félicité ou la paix qui réside au-dedans de nous. Nous les oublions pour les rechercher dans le monde ; la sâdhanâ montre la voie vers l'intérieur à un aspirant spirituel et le rend capable de reconnaître son propre trésor.

 En général, les gens font du mot tapasyâ un synonyme de souffrance durant le travail spirituel.  Si le but ultime de la spiritualité, c'est un état de félicité et de bonheur perpétuel mais qu’on l’associe avec la  souffrance, on ne pourra expérimenter la félicité pure.  On doit comprendre clairement la différence entre tapasyâ et souffrance. Prenons par exemple une comparaison :

Deux personnes travaillent à casser des cailloux pour gagner leur vie au jour le jour. L’un d’eux est un moine qui désirait acheter une guirlande de fleurs pour son dieu bien-aimé : comme il n’avait pas d'argent, il s’est mis au travail. L’autre est un ouvrier ordinaire payé à la journée. Le moine, tout en accomplissant son labeur, imagine son dieu avec la guirlande autour du cou et prend plaisir à son travail tandis que l'autre pense seulement à ce que la nuit  tombe pour que s’achève son labeur. Tous les deux font le même travail, y dépensent la même énergie et en retireront le même salaire. Pour le moine, le travail est de la tapasya, pour l'autre, le même labeur est de la souffrance.

 

 

Propos recueillis par Claire Landais

et révisés par Swamiji en janvier 2004

 

 

 

 

Védanta et modernité

 

 

Vers une compréhension de l'ontologie de la félicité  dans le contexte de la modernité.



Comment doit-on  connaître la Félicité suprême et indicible qu'on réalise directement en tant que "Ceci" ? Brille-t-elle de sa propre fulgurance - ou la voit-on  resplendir de façon distincte ?
                                                                        Kata-Upanishad  II. 2-14

 

 

 

 

 

 

 

    Nous avons vu dans la première partie que Bithikâ Mukerjî était allé étudier au Canada. Elle y a réfléchi sur le lien entre tradition et modernité, en particulier à propos du védanta. Il se trouve que les éditions Agamât, de par leur nom même "qui provient de la tradition" ont pour vocation de mettre  en évidence les sources traditionnelles dans leur authenticité. Dans ce contexte, il m'a paru intéressant de résumer le livre Neo-védanta and modernity qui rassemble les recherches de Bithika sur le sujet. La plus grande partie du texte ci-dessous est constituée de citations directes de celle-ci que j’ai reliées par de brefs  résumés ; si j’ai dû ajouter des idées pour éclaircir ou pour avancer une opinion différente de la sienne, je l’ai fait en note. Bithikâ commence à rappeler son expérience d’un an de session œcuménique en 1972 de Genève, dont  elle a parlé à la fin de la partie précédente :

 

    "Pour la première fois, j'ai pris conscience des dimensions  multiples qui constituent l'Occident. Les étudiants venaient de nombreux pays et de multiples confessions, et tous avaient une bonne formation en théologie. Cela a été pour moi une tâche très exigeante de comprendre leurs problèmes et de les aborder d'une façon signifiante. Un discours philosophique sur "la réalité Une" semblait déplacé car le problème qui hantait ce rassemblement depuis le début  était d'entrer en dialogue avec "l'autre". J'écris tout cela car j'ai trouvé là une occasion de vivre et de travailler avec des gens dévoués, qui m'accueillirent à bras ouverts, bien que ma présence remit en question chez beaucoup d'entre eux ce qu'ils représentaient."

 

    Bithika a été en contact au Canada avec un des philosophes les plus connus du pays durant les années soixante-dix, le professeur Grant, de l’Université d’Halifax ; laissons la parole à celui-ci pour présenter le contexte des études de Bithika au Canada et l'intérêt de son ouvrage pour des Occidentaux qui réfléchissent sur eux-mêmes :

     "Bithika Mukerji a acquis une qualification  énorme pour écrire sur un tel sujet. Elle a enseigné la vérité du védanta durant de nombreuses années en Inde. Elle est venue ensuite pour quelque temps en Occident. Elle n’a pas étudié la pensée occidentale à partir d'Inde, avec une distance de sécurité pour ainsi dire, ou de l'enclos limité d'un collège d'Oxford, comme l'a fait Radhakrishnan [ce dernier, après avoir écrit de nombreux livres qui rapprochent la philosophie  de l'Inde de celle de l'Occident, est devenu président de l'Inde]. Elle est venue d'abord à Genève, et ensuite dans le cœur même de la modernité, la région des Grands lacs en Amérique du nord. Elle s'est installée dans une ville d'acier et a travaillé dans une université dominée par l'informatique. L’acier et les ordinateurs sont après tout les deux substances centrales de la modernité ; l'acier dans une ère précoce, et les ordinateurs dans le règne le plus récent de la cybernétique. Elle a étudié de grands artisans de la modernité comme Hobbes et Kant, Nietzsche et Heidegger. Cela revient à dire qu'elle a vécu la modernité au quotidien dans sa chair et ses os, et qu'elle l'a pensé dans ses études. Elle a donc le droit d'en parler non pas d'une façon abstraite, mais comme elle est en réalité. Elle est grandement qualifiée pour comprendre ce que la modernité signifie dans le contexte de l'ontologie védantique de la félicité…

     Platon a été le penseur occidental qui a eu le plus de points communs avec le védanta ; pour lui, la distinction "idéale - réel" serait une distorsion. L’ "idée" est elle-même la véritable réalité ; l'idée n'est pas idéale. Surtout, ce qu’il y a de particulièrement merveilleux dans le livre de Bithikâ Mukerjî, c’est sa mise en évidence de l'ontologie de la félicité, ânanda[1][1]. Cela est suffocant pour tout lecteur occidental. Comme il est juste de traduire le terme ânanda par félicité ! Le mot "joie" serait trop subjectif et nous ferait perdre de vue que ce dont on parle ici concerne l'être. Le point auquel on en est arrivé dans la civilisation dynamique de l'Amérique du nord – et en fait dans toutes ces sociétés qui expriment en elle les pensées de Locke et Marx, Rousseau ou Darwin ou Hume - c'est une recherche fébrile pour la félicité qui nous échappe car on ne peut pas la connaître en tant qu'être même. La vie moderne est devenue une poursuite sans joie de la joie. Une des nouvelles réellement grandes du monde anglophone s'appelle "Félicité " (elle est aussi écrite par une femme). Cette nouvelle met superbement en évidence le besoin pressant que la félicité soit plus que la subjectivité des sentiments mais qu'elle se soit enracinée dans l’Etre des êtres. Qu'y a-t-il de plus urgent, pour nous Occidentaux, que la compréhension qu'il y a une ontologie de la Félicité ? Le fait que cela soit impensable est peut être le plus grand prix que nous ayons à payer pour la modernité. Pour ceux d'entre nous qui sont chrétiens, c'est l'élimination de la compréhension de la Trinité en tant que félicité qui laisse le christianisme chancelant, avançant à tâtons au milieu de la modernité qu'il a tant contribué à constituer. Ce qu'il y a de triste dans le monde occidental, c'est un désir profond de participer à la félicité, par exemple à travers une poursuite détachée de l'orgasme ; cependant, comme cela est effectué en dehors de toute compréhension ontologique de la Félicité, cela a pour conséquence que le bon côté de cette poursuite est dénigré d'une façon plutôt noire.

   On a écrit beaucoup de bêtises dans le monde moderne à propos de la rencontre de l'Orient et de l'Occident, et aussi bien des Occidentaux que des Orientaux  ont contribué à cela. Une telle rencontre ne doit pas sacrifier la grandeur de chacun des deux côtés - le livre de Bithika Mukerjî fait comprendre que le védanta véritable et authentique ne doit pas être mis sous le boisseau, même de façon temporaire, pour rendre possible cette rencontre. Les Occidentaux aussi bien que les Orientaux doivent lire ce livre avec grande attention." (p.iv, v)

 

 

Les bases du védanta

 

      "On dit souvent que la philosophie de l'advaïta reflète l'humeur générale du peuple indien. Et même ceux qui ne soutiennent pas intellectuellement cette école de pensée ont un attrait envers sa terminologie car ils sentent que c'est elle qui leur permettra d'exprimer le mieux les croyances qui leur sont chères. Il en va ainsi parce que la base de toute la compréhension de la vie dans le monde est formulée à la lumière de la dichotomie qui existe entre ce qui est simplement agréable, preyas, et ce qui est réellement bon, shreyas.

     Cette distinction est répandue à travers tous les modes de pensée du sous-continent, qu'ils soient monistes, monothéistes ou dualistes. Ce sens de la séparation entre ce qui est agréable et ce qu'on doit préférer imbibe l'ethos de l'Inde et on peut le reconnaître immédiatement dans l'ambiance de détachement, de retrait, ou de renoncement qui la caractérise. On peut facilement comprendre que la demande de discernement implique de façon sous-entendue qu'on doit abandonner une sphère pour s'approprier l'autre.

     L'idéal de renoncement en tant que forme de connaissance a été étudié en tant que tel seulement dans la philosophie advaïta de Shankarâchârya, le penseur, ascète et écrivain bien connu du VIIIe - IXe siècle après JC. Toutes les autres écoles de pensée soutiennent cela comme un idéal élevé, mais n'en font pas une partie intégrante de leur philosophie. Shankarâchârya, par contre, l'a placé au cœur même de ses écrits sur l'unité du Soi, âtman, avec la réalité ultime, Brahman…

   Le discernement suprême entre ce qui est le domaine du non-Soi et ce qui mène vers la véritable connaissance, la réalisation du Soi, s'appelle renoncement. On ne doit pas le confondre de façon erronée avec un acte de retrait physique du monde, qui de toute façon n'est peut-être pas la meilleure manière de le dénier. La demande même du monde qu'on le considère comme réel et final s'appelle mâyâ dans la philosophie  advaïta, cette dimension de non-réalité, mâyâ, peut être écartée seulement par un processus également puissant d’annulation métaphysique, un renoncement des couches de fausses identifications afin que le voile puisse être anéanti. L'inspiration pour cette méthode trans-naturelle de compréhension de la condition humaine  vient des Upanishads qui parle dans un langage poétique afin de raviver l'attention de l'être humain dispersé dans le monde à la recherche du bonheur, et de le ramener à la quête de la source même de la félicité. C'est la manière dont Shankarâchârya a développé son exégèse des Upanishads et celle des Brahma-soutras, (appelés aussi Védanta - soutras),  cette dernière représentant son oeuvre majeure.

   Dans le néo-védanta, c'est-à-dire dans l’interprétation contemporaine de la pensée de Shankarâchârya, nous nous trouvons en face d’une compréhension très différente de mâyâ aussi bien que des bases philosophiques des textes des Upanishads. Il ne sera peut-être pas déplacé d'expliquer au moins un peu la théorie de mâyâ puisse que je vais développer l'idée que ce concept a subi une transformation presque totale dans les écrits des penseurs modernes. 

    La théorie qu'on connaît d'habitude à propos de mâyâ est présentée par Shankarâchârya dans un préambule bref de son commentaire des Brahma-soutras. Il commence par séparer clairement deux sphères bien différentes : la conscience et l'objet de conscience. On sait bien, écrit-il, que  celui qui connaît et ce qui est connu – qui contiennent respectivement la notion de "je" et ce qui lui est offert de l'extérieur, comme "toi" pourrait-on dire, en tant qu'autre, sont totalement opposés l’un à  l'autre, comme la lumière aux ténèbres. Pourtant, dans un usage commun, on parle des deux constamment ensemble, comme par exemple dans les affirmations : "c'est moi" ou bien de "cela est à moi". Le fait que cette association soit intelligible est dû à l'opération inconsciente d'une sorte de surimposition de l'un sur l'autre qui efface complètement la discontinuité entre les deux, au moins en apparence. Le corps et la conscience du je deviennent ‘un’ et il y a même une identification avec des personnes du monde, comme les fils etc. Dans un exemple classique de surimposition, un bout de corde est pris par erreur pour un serpent, et déclenche une peur dans le cœur de celui qui observe. Cette illusion, qu'on reconnaît comme erreur simplement quand elle est annulée, est un cas de surimposition d'une chose sur l'autre. C'est le Soi caché sous les identités et  la conscience du je. Cet obscurcissement n'est pas apparent mais l'identification de la conscience du je avec le corps ("c'est moi") ou avec les choses du monde ("ceci est à moi") sont des sujets d'expérience courante. C'est une erreur qui  imbibe toutes les expériences humaines. Dans la définition de Shankarâchârya qu'on pourrait résumer ainsi, l'erreur consiste "en la connaissance d'un objet comme quelque chose de différent et qui est de la nature de quelque chose d'autre qu’on a vu ailleurs." 
  En d'autres termes, l'objet  est "faussement" connu en termes de quelque chose qu'on a vu auparavant ; cette connaissance est par la suite annulée quand la reconnaissance de l'objet réel a lieu. La nature de cette erreur est donc indéterminable en ce sens qu'on ne peut l'appeler réelle (à cause de la possibilité d'annulation) ni irréelle (car il y a quand même connaissance de quelque chose en tant que tel).

   La caractéristique de la surimposition, c’est qu’elle est naturelle, mais sujette à annulation. D’après Shankarâchârya, le Soi ou âtman est la réalité fondamentale, auto-lumineuse qui s'oppose à des catégories relationnelles telles que connaître, expérimenter, etc. La surimposition est la fausse attribution de catégories relationnelles qu'on ne peut appliquer qu’à la sphère du non-Soi. L’ignorance, ou avidyâ, est d'abord le principe de rationalité qui donne une apparence de réalité à l’édification de la surimposition fait par mâyâ. Brahman, le fonds non relationnel de toute relation se révèle  seulement quand cette structure relationnelle cesse d'opérer. Il y a ainsi un lien intime entre un retrait métaphysique de la part de la conscience du je et la découverte de son fonds ontologique par expérience immédiate. Ceci explique l'affirmation des Upanishads selon laquelle on doit connaître Brahman à travers la connaissance seulement, car celle-ci révèle ce qui est déjà là comme Réalité, par le simple fait d'annuler le voile en tant que voile. La dissipation de la dualité est simultanée avec la réalisation de la vraie nature de l'Atman en tant que réel, conscient, infini,  et suprêmement heureux. (Satyam, jñânam, anantam, ânandam brahma)."

    Par souci de modernisation et de réponse à l'Occident, les philosophes indiens ont cherché à défendre le védanta par le biais de la philosophie comparée. Ce faisant, ils ont négligé des différences irréductibles entre les deux traditions. En particulier, la corrélation fondamentale entre renoncement et félicité a été perdue de vue pour s'attacher seulement à l'aspect d’être et de conscience de la Réalité, alors qu'elle est décrite dans le védanta comme sad-chid-ânanda, c'est-à-dire être, conscience et félicité. Il est vrai de dire que le renoncement a été au centre de l'enseignement des Upanishads; ainsi donc, de quelle manière peut-on relier cet enseignement au mode de vie contemporain en Inde ? C'est ce que nous allons voir dans les pages qui suivent.

 

    Des termes tels que transformation, réussite, libération, donnent l'impression que le chercheur de connaissance est perdu pour le monde ; il n'en est évidemment pas ainsi. Les Upanishads décrivent très clairement la vie enrichie d'un homme qui est d'une grande utilité à ses congénères  grâce à son mode d'existence et ses paroles qui proviennent de la joie de son expérience d'accomplissement ; par une sympathie pleine de compassion pour le monde, il peut aussi continuer à vivre en son sein sans se retirer. Nous voyons ainsi que le connaisseur de Brahman, brahmavit peut être n'importe qui n’importe où, un empereur comme  Janaka, un sage comme Yajñavalkya, une femme comme Gârgî ou un jeune homme comme Sanatkumâra. Nous nous apercevons donc que cet enseignement est hautement sélectif et pourtant complètement universel, en cela que tout un chacun peut devenir un chercheur de connaissance, jijñâsu, et devenir ainsi qualifié comme disciple pour l’apprentissage de la connaissance de Brahma. La question du passage du temps  n'est pas ici à propos. Les dialogues au sujet de la connaissance de Brahman doivent nécessairement être reliés à des situations spécifiques ; néanmoins, le dynamisme requis pour s'ajuster à la marche du temps est encore du domaine du temps créé. Le disciple doit faire montre d’une analyse réflexive et d'une intégration de l'enseignement qui mène à l’expérience de la présence de Brahman en tant que suprême Je. On lui demande de toute façon de chérir, méditer et réaliser pour lui-même la vérité ; bien qu'il puisse appartenir à un moment et à un lieu particulier, il est en position de dépasser toutes ces limitations.

   La question de continuité ininterrompue de cette tradition est nécessairement reliée, par conséquent, à la manière d'enseigner telle qu’elle est décrite dans la littérature védique. Les recommandations claires qu'on retrouve dans les Védas sont du ressort de la vie dans le monde et de la félicité après la mort. Une vie sur terre consacrée à la recherche du bien est nécessaire à la fois pour l'obtention du ciel après la mort aussi bien que pour un éveil de l'aspiration à la connaissance. Le renoncement forme alors le cœur de la tradition védique. Dans cette façon de voir les choses, ce détachement correspond à une dimension de connaissance, un pouvoir de discernement entre l'ordre du monde qui change et ce qui reste caché et immuable. Le  questionnement tourné vers la base de  notre être n'est pas une conséquence naturelle du statut donné de l'homme dans le monde. Sans les Ecritures, il n'y aurait pas d'indication de connaissance possible d'autres choses que ce qui nous est offert dans notre expérience du monde. L'insistance sur la continuité de la tradition ne cherche donc pas la continuation répétitive de principes désuets d'une façon dépourvue de sens. La tradition cherche à préserver la pureté de ce qui nous indique une vie de bénédictions et de félicité, en effet, l'homme, disent les Shroutis, les Ecritures révélées,  est capable d'atteindre la connaissance supérieure…

    Les Védas disent :

      Le Soi est plus subtil que le subtil et plus vaste que le vaste, il est logé dans le cœur de chaque créature. Un homme dépourvu des désirs voit cette gloire du Soi pas la grâce de l’Ultime et est ainsi libéré de toute souffrance. (Taittirîya-âranyaka 0.10 (Sâyana-bhâshya)" (p. de 108,209, 210)

Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

 



Chanson…


Par Yahel


Pauvres poissons, tombés du Ciel
Sont venus pour un monde nouveau…
Ils ont pris la route de la vie,
Pour continuer leur chemin jusqu'à la Mer rouge...
Ils ont gardé espoir, enfin arrivés au bout du chemin,

Ils ont purifié l’eau salée...

Doum…doum…doum

Quel est cet homme ?
Loin là-bas...
C'est sûrement le Sonneur de nos cœurs...


 
Implorons notre Seigneur...

Celui qui nous a donné l’eau, le pain, la vie, l'Amour et la Beauté,

la mort et la renaissance...

Il nous a porté...nous et nos péchés...
Et nous,  nous n'avons pensé qu'à la violence …

 

Cette chanson a été écrite par Yahel quand elle avait neuf ou dix ans.

A l'heure où vous lirez ces lignes, elle en aura seize et pour préparer

 cet anniversaire important,  elle est venue avec ses parents et son oncle

 faire une retraite durant les vacances de Pâques

 à l'ermitage de Dhaulchina en Himalaya,

 près de Swâmî Nirgunânanda, qu’elle avait déjà rencontré

  plusieurs fois au domaine des Courmettes.

 

 


Une jeune femme marchait sur le chemin...

 

Conte philosophique

Par Parvati(Florence Pittolo)

 

 

Une jeune femme marchait sur le chemin...

qui montait,

son attention était portée à chacun des pas qui  la rapprochaient,

le soleil régnait, éclairant la pierre en la révélant à sa blancheur,

un Yogi,

assis sous un arbre offrant son ombre fraîche

la vit passer et se dit : "quelle dévotion, son cœur bat le mantra de son Maître !",

en une seconde il se transforma en une vieille femme et se posa accroupi sur le bord du chemin, et lui dit : « Jeune Ma, s'il te plaît, donne-moi de ton eau, celle que tu portes dans ce tissus enroulé sur ton dos, je ne suis qu'une vieille femme sans aucun bien »,

la jeune fille ouvrit son sourire intérieur et, tranquillement enleva le couvercle du récipient argenté, la vieille femme ajouta « laisse-le moi jeune Ma, il fait si chaud »,

la jeune fille sourit et dit : « Ma, regarde comme la nature est équitable, elle me présente une pierre bien creuse qui te servira de bol, le reste de cette eau ne sera pas détournée de sa source, je l'apporte à mon Maître », elle versa l'eau et repartit,

le Yogi, impressionné changea de stratégie, comme il observait la jeune fille s'éblouir de la beauté des quelques herbes qui résistaient à la sécheresse de ce chemin, il se transforma en une fleur éblouissante dont les pistils enivreraient qui la toucherait du bout de son nez,

la jeune fille aux grands yeux s'émerveilla de la fraîcheur de cette fleur qui dépassait d'un buisson sur le côté du chemin, tout en honorant sa beauté par la vision, elle ne voulut pas faire un pas hors de ce chemin et dit à son cœur :" vois-tu, toi et moi nous cueillons l'éclat de cette fleur par le regard, en la conservant dans notre amour, nous l'offrirons quand nous serons arrivés. » Elle continua son chemin,

le yogi fut doublement impressionné, il décida alors de se transformer en un jeune homme fort aimable et habile,

quand il croisa le chemin de la jeune fille il fit une révérence et doucement annonça : « Jeune Dame, votre fardeau est bien lourd, permettez-moi de vous aider à le porter sur ce chemin si aride, nous converserons alors. »

Elle de dire : « je remercie votre attention, Seigneur, mais je ne trouve pas ce chemin si aride, il est pour moi pavé d'or, aussi je n'ai pas besoin de converser avec quiconque car mon cœur se prépare en silence à la rencontre », - ayant déjà fait un pas devant, elle se retourna et ajouta  « mon sac n'est pas si lourd car... qui le porte ? »

Le yogi regarda s'éloigner la jeune femme sans mot dire, il vit que chacune des gouttes de sa sueur en tombant au sol luisaient comme de l'or, il vit aussi une flopée de papillons jaunes se poser sur le baluchon et le soulever en chantant le silence de cette communion si naturelle.

Quand la jeune fille arriva au sommet, son Maître l'attendait. Elle déposa ses offrandes et, quand elle releva la tête, elle s'aperçu qu’autour de lui flottaient dans l'air, suspendues dans l’espace, les images de la vieille dame, celles de la fleur et du jeune homme. Au moment où elle croisa le regard de son Guru, ces images se résorbèrent dans le cœur du Maître.

 

Ils partagèrent l'eau,

cette eau qui était la source, le chemin et sa destinée à la fois.

 

« Om, Guru Sharanam »

 

Parvati, F.P,

Nice, 04-04

 

 

 

Nouvelles

 

- Swami Nirgunânanda revient en France cet été. Nous donnons déjà les programmes qui sont fixés :

1.      Genève le week-end du 7-8 août : Renseignements  6 route de Communy 1296 COPPET 00 41 22  776 19 18 ou Jeanne-Marie Deschenaux dans la même région  345 00 19

2.      Terre du Ciel du 17 au 23 août au domaine de Chardenoux près de Lyon 03 85 60 40   terre-du-ciel @ terre-du-ciel.fr

3.      Epernon du 23 au 28 août. Contact Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 Saint-Germain 01 34 51 74 41

4.      Domaine des Courmettes, près de Nice, du 9 au 14 septembre contact : 04  93 24 17 00 ou Michèle Cocchi au 06 61 14 20 58

5.      Du 15 au 22 septembre, Swâmîjî sera en Angleterre

6.      Puis, il passera quatre semaines États-Unis.

 

- La retraite de juillet  sur ‘L’écoute du silence’ à Dhaulchina avec Swâmî Nirgunânanda et Jacques Vigne est déjà plus que complète avec 21 participants. Le voyage de la première moitié d’avril  pour la demi Koumbha-Méla à Hardwar et un tour vers Kédarnath se sont déroulés comme prévus, avec de beaux morceaux de pèlerinage à pied dans l’Himalaya et une découverte de la vie religieuse traditionnelle des montagnes, sans compter les satsangs avec Swami Vijayananda lorsque le groupe est redescendu sur Hardwar.

 

 

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Maison Augier-Quartier Saint-Martin

            84110 VAISON-La-ROMAINE

Tél : 04 90 28 80 23 en cas de besoin.  

Vous serez abonnés jusqu’en fin mars 2005.

 

Tables des matières

 

Paroles de Mâ
Réponses récentes de Vijayânanda
Pensées de l'Himalaya par Swâmî Nirgunânanda
Néo-védanta et modernité par Bithika Moukerjî
Chanson par Yahel
Une jeune femme marchait sur le chemin... 
Parvatî
Nouvelles
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Jay Ma  N°74    -     Automne 2004

 

 

Paroles de Mâ

 

  1. C'est la faute des parents si leurs enfants abandonnent le Gayatrî mantra bien qu'ils aient reçu la cordelette sacrée. Les parents ne leur enseignent pas l'importance des valeurs spirituelles. On apprend aux enfants que l'éducation du monde est nécessaire mais on ne leur dit pas qu'ils ont des devoirs à propos de leurs aspirations religieuses également.
  2. Question par une jeune femme européenne:
    Trouverai-je jamais la paix et le bonheur ?
    Shrî Mâ : La paix et le bonheur se trouvent sur le chemin de Dieu, jamais dans le monde, où l'on a un petit peu de bonheur qui est invariablement suivi par son ombre, la souffrance.
    La jeune femme (après une longue conversation) : Je n'oublierai jamais ce que vous m'avez dit.
    Shrî Mâ : oublier ? Cela ne suffit pas. Vous devez méditer au moins cinq minutes tous les jours suivant les lignes prescrites par votre propre religion, et n'oubliez pas cette amie (en se montrant du doigt) !
  3. Demeurer calme et en paix en toutes circonstances, voilà le devoir de l'être humain. Se faire une mauvaise opinion de quelqu'un simplement parce qu'on a entendu des médisances à son propos n'est pas juste. L'hostilité, la condamnation, les insultes, les mauvais sentiments et ainsi de suite, même s'ils sont cachés dans votre propre mental, vous retomberont obligatoirement dessus. Personne ne devrait jamais se faire du mal à lui-même en entretenant de telles pensées aux sentiments.
  4. Question : Qui est appelé « mère »? Quelles sont les caractéristiques d'une mère ?

Shrî Mâ : Personne n'est appelé  « mère ». Une mère est juste une mère. Ceux qui deviennent ses enfants savent comment elle est.

  1. Question d’un sadhou : Mâ, est-ce que nous devons suivre le système des castes?
    Shrî Mâ : Les gens se comportent selon ce qu'ils préfèrent : qu'en pensez-vous ?
    Le sadhou: Je pense qu'on doit observer les règles.                                                   

     Shrî Mâ : A ce moment-là, il est juste pour vous d'en faire ainsi.
Le sadhou : Je me déplace avec des ascètes, ils n'observent aucune règle, cela me pose problème.
Shrî Mâ : Qui êtes-vous ?
Le sadhou : Je suis un brahmachâri.
Shrî Mâ : alors, vous devez suivre  les règles et les coutumes liées à votre état. Maintenez votre propre individualité. Laissez les autres ascètes faire comme ils veulent.

  1. Question : On dit que Dieu est tout en tout. Rien n’arrive sans qu'Il ne le veuille. Ainsi donc, pourquoi devrait-on nous blâmer pour nos péchés ?
    Shrî Mâ : Tout est Lui seul. Bien et mal sont aussi Lui-même. Il ressent de la joie dans le bien qu'il fait et c’est lui-même  qui souffre des conséquences des mauvaises actions. Je vous vois comme  Lui qui est en train de dire qu'Il souffre. Il est heureux, et Il est misérable. Tel est son jeu, lîlâ, depuis la nuit des temps.
    Question: Quelle est l'utilité de toute cette lutte?

Shrî Mâ : Elle est très utile. Un enfant, tandis qu'il étudie, ne comprend pas combien de connaissances il est en train d'acquérir. Quand il a de bonnes notes à ses examens, il se sent heureux. De même, quand le temps viendra, vous vous rendrez compte de combien de progrès vous avez fait. Continuer à vivre dans le souvenir de Dieu. Ce qui est agréable, preyas, est bon en apparence ; ce qui est réellement bon, shreyas, est en apparence difficile et désagréable. Il est nécessaire de rendre ce qui est réellement bon agréable aussi.

Question : Si quelqu'un se tourne vers la religion dans ses vieux jours, est-ce qu’il sera capable de maintenir un calme de l'esprit  à l'heure de la mort ?
Shrî Mâ : Il y a des attirances et influences innombrables qui déterminent le style de vie d'une personne, on ne peut donc rien dire en ce qui concerne sa dernière heure. Ce corps dit : tout est possible, il n'est donc pas bon de restreindre sa vision.

  1. Il est possible que des idéaux très élevés fassent monter un être humain par des stades de plus en plus hauts. La cible doit toujours être bien au-dessus. Il faut se demander si, quand un rayon de lumière a éclairé sa vie intérieure, il ne serait pas possible aussi que l'illumination complète survienne. Il est naturel qu'il y ait des phases de doutes et d'efforts moins intenses, mais on ne doit pas s'y laisser aller. Soyez persévérants dans vos efforts. Vous verrez que la grâce de Dieu rend tout possible n'importe quand.
  2.  Question : Est-il juste de prier Dieu pour toutes sortes de choses ?

      Shrî Mâ : Si vous devez réellement prier pour des choses du monde, faites-le, mais la prière la meilleure est pour Dieu lui-même.

  1. Il vaut mieux ne pas pratiquer d’exercices yoguiques sans une direction convenable. Des méthodes faciles et naturelles sont suffisantes en ce qui concerne la méditation et le souvenir de Dieu.
  2. Question : le Râmâyana affirme qu’en  prononçant le nom de Râm même une fois cela suffit pour se purifier de tous les péchés. Nous sommes tous en train de faire résonner les cieux avec nos chants à pleine voix où nous répétons le nom de Râm, mais nous n’obtenons rien ! Comment cela se fait-il ?
    Shrî Mâ : C'est justement parce que "vous avez fait résonner les cieux avec vos kirtans à pleine voix" !
    Question : Je ne comprends pas !
    Shrî Mâ : Nous pratiquons des kirtans répétés dans l'espoir qu'un jour,  "la seule fois" puisse survenir !
  3. L'essentiel, c'est de continuer à essayer. Faites un effort, cela viendra.
  4. Question : Est-il nécessaire de suivre les règles de séparation en ce qui concerne les repas ? Est-ce que cela n'aggrave pas la bigoterie ?
    Shrî Mâ : Pour un sâdhaka, des règles sont nécessaires. Son aura est affectée par la proximité de personnes d'un type différent. Souvenez-vous du bloc opératoire : quels efforts ne fait-on pas  pour prévenir les infections ! Néanmoins, si le sâdhaka est parvenu à "l'immunité", et s'il déborde de Shaktî divine, il peut choisir de faire comme il le souhaite.
  5. Question : Comment atteindre l'état d'union ?
    Shrî Mâ : (en souriant) Etes-vous conscient d'un état de séparation ? Pour parler sérieusement, la pensée même : "Comment puis-je m’unir avec lui" "Que dois-je faire pour le connaître" vous montrera le chemin qui mène à l'obtention du but.
  6. Question : Mâ, nous ne comprenons pas ce qu'on attend de nous, mais nous ne pouvons rien faire !
    Shrî Mâ : Pitaji, il n'y a pas de compréhension, sinon cela se révélerait de soi-même dans l'action.
    Question : Comment donc comprendre?                                                                

 Shrî Mâ : Par la foi. Agissez en accord avec les paroles de votre Gourou ; la grâce de Dieu et du Gourou réussira tout pour vous.

  1. Une dame : Il y a une telle foule ici : Mâ, vous n'avez jamais un moment de répit ! Et pourtant, vous n'être jamais fatiguée ou irritée mais toujours tellemen joyeuse !

     Shrî Mâ : Eh bien, Mâtâjî, dans votre propre maison il y a bon nombre de personnes. Est-ce que vous ne parlez pas avec eux ? Vous bougez aussi vos propres membres, est-ce que vous sentez fatiguée pour autant ?

  1. Un Cadi (juge musulman) : je ne suis pas venu pour entendre quoi que ce soit de votre part. Je suis venu vous dire quelque chose : je me suis lancé dans la bataille, s'il vous plaît, accordez-moi la victoire ; parfois je sens que je manque d'armes et de munitions pour le combat. Est-ce que vous pourrez garder votre khéyâla sur moi ?

     Shrî Mâ, en souriant : qu'il en soit ainsi, Pitajî.                            .                                          
Sur le chemin du retour, Shrî Mâ dit à un ami commun dans la voiture : "Cadi Sahib à commencer par me demander de ne rien dire, j’ai donc obéi. Maintenant, quand vous reviendrez, dit à Pitajî : "Qui que ce soit qui s'engage dans une bataille pour L'atteindre, est soutenu par Lui-même. C'est Lui-même qui  donnera tout ce qui est nécessaire, il n'y a donc absolument pas de raison  pour entretenir des pensées d'inquiétude"

  1. Un jour, Jamini Bâbou dit à Mâ que les buissons d’épineux près de la chambre de Shrî Mâ à Shabagh  étaient devenus des arbustes de santal ; cela s'était passé en 1944.

    Shrî Mâ : Voyez comme la création divine est merveilleuse ! Les animaux, les oiseaux, les êtres humains, les arbres, les plantes, les insectes,  répondent à l'atmosphère ambiante chacun à leur manière, différemment. La capacité d'imbiber les vibrations ou de les rejeter n'est pas uniforme. Ainsi, par exemple, cent personnes écouteront un discours, et il y en a également qui sont très éduqués parmi eux. Certains obtiennent une connaissance profonde de ce discours, d'autres ne sont pas touchées ; ici, la question de l'éducation ne se pose pas. La compréhension  dépend de ses samskâras intérieurs, des conditionnements passés. De même en va-t-il dans le royaume des animaux ou de la végétation. Ne les banalisez pas en disant qu'ils ne sont pas intelligents. C'est Lui Lui-même  qui habite dans toutes les formes de la création.

  1. Question : Si Shrî Mâ a trouvé la paix, pourquoi continue-t-elle à se déplacer autant ? Shrî Mâ répondit directement : Pitajî, si je reste à un même endroit, la même question pourrait se poser n'est-ce pas ? Pitajî, ne savez-vous pas que je suis une petite fille très impatiente ? Je ne peux demeurer à un même endroit. C’est une réponse. D’un autre  point de vue, je peux dire que c'est vous qui me voyez voyager. En réalité, je ne me déplace pas du tout. Vous êtes dans votre  maison, restez-vous assis dans un coin ? De même, je me déplace aussi dans ma propre demeure. Je ne vais nulle part. Je suis toujours au repos dans ma  maison
  2. Question : Mâ, que pensez-vous de toutes ces nouvelles personnes qui viennent vous voir presque quotidiennement ?
    Shrî Mâ : rien n'est nouveau. Ils  me sont tous familiers.
  3. Question : Que dire ? Je n'ai pas de foi dans les questions spirituelles!

Shrî Mâ : Où le "non" se trouve, le "oui " est là aussi potentiellement. Qui peut affirmer être au-delà de la négation et de l'affirmation ? Avoir une foi est impératif, la croyance d'une personne est grandement influencé par son environnement ; c'est pourquoi, choisissez la compagnie de personnes saintes et sages. Croire signifie croire en son propre Soi ; ne pas croire signifie confondre par  erreur  le non-Soi avec le Soi.

  1. Le devoir suprême de l'être humain, c'est d'entreprendre la quête pour son être véritable, qu’il s'engage sur la voie de la dévotion, où le "je" se perd dans le "Tu" ou bien  la voie de la recherche du Soi, en quête du véritable "Je". C'est Lui seul qu’on trouve dans le "Tu" aussi bien que dans le "Je".
  2. Message envoyé à la demande du Pr T.M.P.Mâhadevan pour la session inaugurale de la Conférence oecuménique de Bangalore en 1955 :
    "ô Toi, Soi immortel !
    Sois un pèlerin sur le chemin de l'immortalité (loin du chemin qui mène à la mort) ;
    ô Soi immortel, ô pèlerin immortel, demeure à tout jamais dans ton propre Soi."
  3. Un groupe de dames qui étaient venus accompagner Shrî Mâ lors d'un départ pour l'un de ses voyages :
    Mâ, s'il vous plaît, dites-nous que vous nous appartenez !
    Shrî Mâ, en riant : J'appartiens à tout le monde et à tous les lieux !

24.  Où que vous soyez, vous devez vivre en compagnie de ce qui est de la nature de la paix. Je vous le dis, et gardez cela toujours présent à l'esprit, Dieu, Dieu seul est la paix. Une persévérance acharnée, focalisée, procure le changement de perspective qui vous établira dans la paix.                                   . 
On ne peut atteindre la paix nulle part en ce monde, ni non plus’ailleurs en s’en éloignant. Vous dites que j'ai trouvé la paix et que je dois la distribuer aux autres. Je vous dis que je suis un petit enfant et que vous êtes mes parents. Toutes les personnes qui ne sont pas mariées et les enfants sont mes amis. Acceptez-moi en tant que telle et donnez-moi une place dans vos cœurs. En disant "Mâ", vous me gardez à distance. On doit avoir de la révérence et du respect pour les mères. Mais une petite fille  n'a besoin que d'être aimée et qu'on prenne soin d'elle, elle est chère au cœur de tout un chacun. Ainsi donc, voilà la seule demande que j’aie envers vous : me faire une place dans votre cœur.

 

 

Réponses de Vijayananda

 

Q. -  Quelle est l'importance de dire la vérité?

R. - C'est essentiel pour quelqu'un qui mène une vie spirituelle. Il s'agit d'un des cinq Yamas, l'un des cinq principes moraux fondamentaux dans l'hindouisme (cf. Yoga Sutra de Patanjali). J'aime beaucoup la devise de l'Inde: "seule la vérité vaincra" (satyam evam jayate; on peut la lire sur les pièces de monnaie et billets de banque indiens!). Bien entendu, c'est à combiner avec une autre maxime, qui dit que la victoire est là où est le Dharma. Il faut du bon sens dans la manière de respecter les principes; il existe des moments où il vaut mieux garder le silence plutôt que de dire la vérité, notamment si cela risque de blesser quelqu'un inutilement.

A propos de vérité et humilité, voici l'histoire d'un sage hassidique, qui était tellement humble qu'il ne se rendait pas compte de son propre niveau spirituel (très élevé). De trop nombreux disciples se regroupaient auprès de lui, tant et si bien que le rabbin de la ville lui conseilla de leur dire de s'en aller en leur expliquant qu'il n'avait aucun pouvoir, ne pouvait rien leur enseigner etc. Le sage suivit son conseil. Après avoir entendu cela, les disciples affluèrent de plus belle, reconnaissant à son humilité la qualité du sage. Alors le rabbin, après lui avoir dit "Oh, vous tous aimez tant l'humilité…", lui conseilla de leur dire le contraire, de se vanter qu'il pouvait faire des miracles, etc., afin d'éloigner ses disciples. Le sage, inconscient de son propre pouvoir spirituel, répondit: "mais non, je ne peux pas leur mentir"!

 

Q. - Quelle est l'influence de l'alimentation sur la vie spirituelle?

R. - Ce qu'on mange et la manière de le manger ont une influence sur le mental; "jaysa ann taysa man": telle est la nourriture, tel est le mental. Cela peut-être une aide (quand c'est sattvique) ou un obstacle (comme la viande) pour la sadhana. Dans ce domaine comme en beaucoup d'autres, il s'agit de trouver un équilibre. L'ascétisme aussi bien que les excès sont à éviter; la modération est l'idéal. Il faudrait traiter le corps avec respect, mais sans s'y identifier, comme un cavalier avec son cheval. De nombreux sadhakas cherchent du plaisir dans la nourriture, puisqu'ils ne se permettent aucun autre plaisir "du monde". Cela passe des qu'ils trouvent une vraie joie dans la méditation; alors il n'y a plus d'attirance pour des plaisirs aussi transitoires et extérieurs. En attendant cela, et tout en cherchant à maintenir un équilibre en prenant de la nourriture sattvique en quantité modérée (ce dont le corps a besoin, ni plus ni moins), il ne faut pas oublier que ce qu'une personne mange n'a pas autant d'importance que combien elle donne de compassion et d'amour sincères!

 

Q. - Qu'entendez-vous lorsque vous parlez de la capacité à contrôler le mental?

R. - C'est la capacité d'arrêter ses propres pensées à volonté, de garder un mental silencieux (au moins calme) lorsqu'il n'est pas nécessaire de l'utiliser. Cela permet de maîtriser désirs, peurs, instincts et impulsions; des lors la raison domine la passion… C'est cette discipline de self-control qui fait la différence entre une personne forte et une personne faible, et c'est ce qui permet au sadhaka de faire de rapides progrès.

Lorsque votre mental est maîtrisé, vous voyez qu'en réalité les problèmes n'existent pas. Les problèmes ne sont que dans le mental! Nous n'en avons pas quand nous sommes en plein sommeil profond (sans rêves) : dans cet état le monde n'existe pas. D'une manière comparable, quand nous contrôlons nos pensées et émotions nous nous libérons des illusions et des croyances négatives qui voilent la réalité, et nous entrons en contact avec notre vraie nature, qui est le Divin suprême. C'est pourquoi la pratique spirituelle consiste surtout dans la purification et la maîtrise du mental pour que notre vrai Soi apparaisse.

 

Q. - Quelle attitude adopter concernant la Kundalini?

R. - La principale règle a ce sujet est de ne rien forcer, en aucune manière. Un éveil de cette force ne devrait avoir lieu que sous la supervision d'un Satguru (un sage ayant obtenu la complète Realisation). Toute ouverture des nadis (soit la première étape vers l'éveil de la Kundalini) ne devrait se faire que lorsque le sadhaka a un excellent contrôle de ses désirs (surtout sexuels) et de la colère. Le Satguru teste le disciple pour voir s'il est capable de résister à la pression énorme - et dangereuse - qui vient avec la Kundalini. Dès lors, il ne faudrait jamais rien faire volontairement à ce sujet, mais se contenter de laisser le Satguru s'en occuper, tout en menant une vie pure, avec une parfaite chasteté et un bon contrôle du mental. Avant de parvenir a ce stade ou de rencontrer un Satguru, le karma-yoga est la meilleure manière de se préparer, puisqu'il peut être pratiqué partout et  en toute circonstance.

 

Q. - Qu'est-ce que le karma-yoga exactement?

R. - Il est a distinguer du seva, le service désintéressé, qui en est une étape. Le véritable karma-yoga est une attitude mentale à adopter en toutes circonstances, dans chaque activité. Il s'agit "d'attaquer" l'ego à sa racine, qui est la croyance que "c'est moi qui agis, et c'est moi qui récolte les fruits de mes actions". Au lieu de cela, on peut accomplir chaque acte en ayant conscience d'être juste un instrument du Divin, avec l'attitude mentale de faire son propre devoir de son mieux, mais sans se préoccuper des résultats. S'ils sont bons tant mieux, sinon c'est bien quand même. Petit a petit, on en vient a percevoir très clairement qu'on est en effet juste un "outil" pour le travail du Suprême, et tout se fait de manière spontanée, avec de moins en moins d'attentes et d'attachement.
Le corps, les émotions et le mental forment un tout; il n'y a pas de pensée sans émotion ou du moins sans "couleur affective", c'est-à-dire sans attraction ou répulsion. Le but du karma-yoga et de toute pratique spirituelle est de laisser tomber ces voiles qui cachent le Soi. Un grand sage comme Ma Anandamayi n'a ni pensée ni émotion ni préférence, il est pure compassion, pure Conscience, et il joue le jeu de ceux qui sont près de lui, s'identifiant à eux pour se mettre à leur niveau et pouvoir interagir "normalement" avec eux.

 

Q. - Comment se sent-on une fois obtenue la Liberation?

R. - La question ne se pose pas en ces termes, puisqu'il n'y a plus de "moi" pour se sentir d'une manière ou d'une autre… Pour décrire le dernier stade de l'Illumination, appelé sahaja samadhi, Ramdas (qui l'avait atteint) disait de lui-même qu'il était comme le Gange: bien qu'ayant atteint l'Océan (l'Absolu), il continue a couler vers l'Océan (en vivant dans un corps), tout en étant toujours conscient a la fois de ces deux niveaux et de leur Unité.

On ne peut pas dire d'un sage parfait comme Ma Anandamayi qu'il est heureux, puisqu'il est le Bonheur suprême! Il voit que les vagues de la dualité (le monde) sont faites de la même eau salée que les eaux immobiles du fond de l'Océan (pure Conscience-Bonheur). La seule différence est dans le mouvement. Le sage voit que tout est Conscience, au-delà des les paires d'opposes comme le bien et le mal, les critiques et louanges, le plaisir et la souffrance… Il voit que le mouvement aussi est divin, ainsi que le monde et ce qui fait obstacle au Soi; il sait que le mouvement emporte tout, donc il ne cherche pas à garder quoi que ce soit. Il est sans désir ni attente, sans peur ni attachement. C'est dans cette liberté que s'épanouit le véritable Amour.

 

Pensées de l’Himalaya

Par Swami Nirgunananda (suite)

 

Dans le monde chrétien, on nous en enseigne à souffrir pour Dieu. Comment considérez-vous ce point de vue ?

Ils doivent avoir leurs raisons. Je ne suis pas  un chrétien, je n'ai pas pensé à cela.

Comment trouver de la joie dans sa sâdhanâ ?

Si on effectue la sâdhanâ comme un jeu, on y trouvera de la joie.

Est-ce qu’il est possible de considérer la sâdhanâ comme un jeu ?

Bien sûr, c'est possible. Très souvent, Mâ a utilisé l'expression de sâdhanâ kâ khel "le jeu de la sâdhanâ". Essayons d'abord de comprendre ce qu’est un jeu. Le jeu est une suite d'actions dans le temps qui nous donne du bonheur du début à la fin. Jeu et compétition ne sont pas des notions équivalentes. Quand nous entrons en compétition, notre bonheur dépend du résultat final c'est-à-dire de la victoire ou de la défaite, alors qu'en jouant avec un véritablement bon esprit, la victoire ou la défaite n’ont pas d’importance. Si nous prenons la sâdhanâ comme jeu, nous pouvons éprouver de la joie en la faisant quel que soit le résultat final.

Qu'est-ce que vous pensez de la profession spirituelle ?

Une profession, c'est une manière de gagner sa vie, la spiritualité, c'est la vie elle-même. Je ne crois pas au professionnalisme en spiritualité.

Est-ce que la chance joue  un rôle en spiritualité ?

   La chance est un autre nom de l’ignorance du résultat del’action. Chance est accident signifie ignorance.

Vous dites que vous n’aviez jamais entendu parler de Mâ avant de la rencontrer, pourtant vous êtes restés auprès d’elle dès l’instant de cette rencontre. Appelez-vous cela de la chance ?

Je ne pense pas voir rencontré Mâ par hasard ou par chance. Il se peut que j'aie eu au fond du cœur  l'aspiration constante et intense d’être avec quelqu’un qui était l’incarnation de la perfection, de la pureté et de l’amour sous forme humaine. Je n’en étais pas conscient.

Comment puis-je connaître ce qu’il y a à l’intérieur de moi ?

Par l'introspection. Nous avons toutes les ressources à l'intérieur de nous. Nous essayons  tout le temps de connaître le mental des autres mais pas le nôtre. Je vois le monde extérieur mais je ne réussis pas à me connaître moi-même. Il y a l'histoire suivante : dix amis voyageaient ensemble sur la route, ils atteignirent un fleuve et il n'y avait pas de bac pour les faire traverser. Il la passèrent à la nage et arrivèrent à l'autre rive. Le chef demanda à quelqu'un de compter les membres du groupe pour confirmer que personne n'a été emporté par le courant du fleuve ; l'homme s'est mis à compter et n’a trouvé que neuf personnes. Ils étaient tristes d'avoir perdu un de leurs compagnons et se mirent à pleurer. Un moine passant par là les vit et leur demanda la raison de leur chagrin. Celui qui avait compté dit qu'il y  avait dix membres dans le groupe et qu'après avoir traversé la rivière, le dixième manquait. Le moine sourit et dit: "Vous êtes le dixième". Nous prenons en compte tout le monde et toutes les choses, mais nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Je trouve du bien et du mal dans les autres et je sens comparativement une supériorité ou une infériorité chez moi sans me soucier de réellement m'étudier moi-même. Je peux reconnaître quelque chose chez l’autre seulement quand j'ai l'impression de quelque chose de similaire en moi. Se surestimer est mauvais, mais se sous-estimer est encore pire. Si vous ne pouvez pas trouver le chemin pour aller à l'intérieur de vous-même, priez Dieu pour cela.

Comment faire face au complexe de peur ?

La sensation d'insécurité est la mère de la peur. Nous sommes nés avec elle ; à la naissance, le bébé crie parce qu’il a peur de la nouveauté autour de lui. Il subit un changement d'état. Mais peu à peu, il se met à faire face aux modifications et a moins peur. On peut utiliser la peur dans les pratiques spirituelles. Parfois, elle nous retient et nous évite de commettre de mauvaises actions. On dit : "Crains ton Seigneur". Dans l'amour comme dans la peur, il y a  le souvenir constant de l'objet que vous aimez ou bien craignez. Que vous aimiez ou que vous craigniez Dieu, vous vous  souviendrez constamment de lui. C'est à vous de savoir utiliser votre peur. L’amour peut la neutraliser. Si j'essaie d'avoir un peu d'amour pour celui dont j'ai peur, j’en serai moins effrayé. Il est vrai que la plus grande peur, c'est la frayeur de la mort. Personne ne peut y échapper. Mais il me reste à  être témoin de ma mort ; j'ai vu des gens mourir devant moi, je connais la mort des autres, mais certainement je ne serais pas là pour voir ma propre mort. Tant que je vivrai, la mort restera morte à mes yeux.  Mâ dit : "La mort doit mourir" La peur est toujours dans le futur, mais elle a ses racines dans le passé. Quelqu'un peut dire qu’il a peur du passé, cela signifie en fait qu’il craint que celui-ci ne revienne à l’avenir. Si vous aimez le présent, la mort mourra. La mort est un concept du futur. Yama est le fils du dieu-soleil. Il est le seigneur de la mort. Dois-je avoir peur de Dieu? Vivez dans le présent et soyez heureuse : la mort choisira son temps pour venir, quand, où et comment, je ne sais pas.

Pourquoi échouons-nous  parfois dans nos efforts, bien que nous soyons sincères ?

La plupart du temps, cela est dû au fait que nous avons surestimé nos capacités. Le succès dans nos efforts dépend de notre sincérité, de notre capacité et de notre méthodologie. Quand ces trois éléments se complètent, c'est alors qu'on peut espérer obtenir le résultat désiré. Si, sur le chemin qui mène à ma destination, un grand arbre tombe et bloque le sentier étroit, n’est-il pas conseillé de trouver une manière de contourner l'obstacle plutôt que de dépenser mon énergie à des efforts futiles pour retirer l'arbre ?

N’éprouvez-vous pas de l'ennui à rester au même endroit, en vivant la  même  vie depuis tant d'années ?

L'ennui et l'amour sont deux pôles opposés. Le monde est transitoire et change à chaque instant ; simplement, nous n’avons pas le regard pour remarquer ces changements. Souvenez-vous de notre promenade la nuit dernière au clair de lune : lorsque nous sommes revenus à l'ashram,  j'ai perdu la trace du sentier habituel et j'en ai découvert un nouveau. Chaque matin vient avec un jour nouveau et frais, chaque crépuscule amène une nuit nouvelle. Je ne ressens jamais d'ennui en face des sommets enneigés de l’Himalaya qui s'étendent à horizon vers l’est et le nord. Je n'ai jamais éprouvé d'ennui avec les prairies tout autour. Il y a un oiseau  particulier ici. Il chante durant toute la nuit. Le son de cet oiseau m’attire particulièrement au crépuscule, j'attends impatiemment le son mélancolique qu’il produit ; je n'ai jamais vu l'oiseau, ni ne connaît son nom, mais je suis amoureux du son. Il a été mon compagnon depuis seize ans. Cela m'importe peu de savoir s'il s'agit du même oiseau ou non. Le son est le même. Quand vous êtes amoureux de quelque chose ou de quelqu'un, vous trouvez quelque chose de nouveau en lui  à chaque instant.

Dans la pratique spirituelle, est-il nécessaire que le corps et l'esprit soient en accord ?

Bien sûr, c'est nécessaire ; l'état physique agit sur l'état mental et vice versa. Tant qu'il y a identification du corps avec le soi, un état de bien-être physique est obligatoire dans la recherche spirituelle.

Pourquoi est- ce la plupart du temps  pendant la méditation qu’on se sent troublé?

Voilà une bonne question ! Considérons d'abord ce qui survient pendant la méditation. Ici, nous parlons de la méditation avec objet : nous choisissons d'abord un objet, et nous essayons de focaliser l'attention sur lui et de le contempler. L'objet peut être visuel, auditif, olfactif, gustatif ou sensible. De façon répétée, nous ramenons notre attention à lui. Pendant l'état d'éveil,  les sens sont en interaction constante avec le monde au dehors et le mental est occupé par des séquences rapides  qui font intervenir ces objets ; ainsi, nous nous retrouvons avec une attention dispersée. Dans l'état contemplatif, quand nous choisissons un objet unique qui correspond à un sens particulier et qu’ainsi nous coupons les interactions des autres sens momentanément, les souvenirs emmagasinés des interactions correspondant à ces sens deviennent actifs et remontent en surface. Le monde extérieur est remplacé par le monde  intérieur. On doit se rappeler que se séparer des interactions des sens ne signifie pas les désactiver. Par exemple, s'asseoir en silence ne rend pas quelqu'un sourd ni ne dénie sa capacité auditive. Simplement, il y a absence d'objet d'audition. Prenez par exemple ce réveil à quartz dans ma chambre. Il n'y a pas de son perceptible qui en  provienne. Mais chaque nuit, je laisse ce réveil dans l’armoire car dans le silence de la nuit, le son de ce réveil paraît être un roulement de tambour et il est perturbant. Ce n'est pas que ce son apparemment inaudible se soit accru durant la nuit ou qu'il y ait eu aucun changement dans ma capacité auditive. Ma réceptivité auditive n’a pas été perturbée à cause du silence environnant.

Vous avez dit que Mâ ne blessait jamais personne. Pouvons-nous en faire autant ?

Certainement, nous pouvons y arriver. On blesse les autres soit physiquement, soit mentalement. Les agressions physiques sont produites par la colère et celle-ci a sa racine dans les attentes, l'avidité et la jalousie. Par une introspection convenable, on peut essayer de minimiser ces facteurs. L'agression mentale a ses racines dans la tendance à miner et minimiser l'autre afin de projeter une image de soi plus grande que la réalité ou de se poser comme quelqu'un qui a raison par rapport à l'autre qui a tort. Ma avait l'habitude de dire que chacun avait raison de son propre point de vue. Prenez par exemple une dame qui est une fille pour sa mère, une mère pour sa fille et une femme pour son mari. Tous les trois points de vue sont justes dans le cadre des relations avec cette dame, mais la manière dont ils se concrétisent n’est pas la même. Est-ce qu'il y a lieu de se disputer à propos de la validité d'une relation en prouvant que les autres sont fausses ?

Est-ce que l'art peut être un instrument de pratique spirituelle ?

Oui bien sûr, mais cela dépend du point de vue de l'artiste et du but pour lequel il pratique son art. Celui-ci est l'expression de son monde intérieur. Le monde extérieur avec lequel il est en relation produit des impressions à l'intérieur. Celles-ci, en s'additionnant avec la constitution mentale de l'artiste, prennent forme et se traduisent en tant que création. En outre, l'artiste, quand il est absorbé dans son travail, a une grande concentration mentale. En d'autres termes, on peut dire qu’il a l’attention juste pour le travail spécifique qu'il est en train de faire et cet état d'esprit peut être facilement appelé un état méditatif. Grâce à la pratique, cet état sert à former le mental. Ensuite, c'est l'affaire de l'artiste de savoir comment il va utiliser cet entraînement mental.

Comment peut-on distinguer entre activité spirituelle et non spirituelle ?

Nous avons déjà mentionné qu'il n’y avait pas réellement besoin de tracer une ligne de démarcation entre les activités spirituelles et non spirituelles. C’est le point que j'ai observé et appris durant mon association avec Mâ : la vie en totalité est spirituelle. Cela est devenu ma conviction. Avant la seconde guerre mondiale, il y a avait une seule Allemagne. Le mur de Berlin a été érigé et à ce moment-là, nous avons vu la division entre l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest. Quand ce mur a été démoli, nous avons eu de nouveau une Allemagne unie. Le mur n'était là ni au début ni à la fin. Ce n'était qu’une séparation temporaire. De même, dans notre vie,  la classification de nos activités entre « spirituelles » et « non spirituelles » ne peut être soutenue jusqu'au bout.

Comment définiriez-vous  l'intuition et la pensée ?

Les deux suivent la logique de la corrélation entre la cause et les effets mais leur base de départ est différente. La première fait appel au subconscient alors que la seconde se fonde sur le conscient.

Quelle est la place de la grâce dans le travail spirituel ?

En sanskrit, la grâce s'appelle kripâ. D'après certaines écoles, cette grâce doit être atteinte par nos actions. Il y a une autre école  qui croit en une grâce sans aucune cause sous-jacente, c'est ce qu’on appelle ahetuki kripa, hetuki signifiant cause, raison. Mâ donne une définition très belle de la grâce. Elle a dit : "kripâ signifie karo, pao " karo voulant dire « fais » et pao « obtiens» ; elle a aussi ajouté : "La grâce de Dieu se déverse constamment sur vous. Si vous gardez votre récipient tourné vers le haut, il se remplira, si vous le gardez tourné vers le bas, la grâce sera gaspillée." Il n'y a pas de conditions dans la grâce de Dieu. Il octroie sa grâce à tous sans différence. Ce qu'on doit comprendre, c'est que sa grâce est toujours ici avec nous. La plus grande de ses grâces, c'est que je sois doué de la capacité de concevoir le fait même de la grâce. Les pratiques spirituelles sont le moyen de saisir cela.

Quel rôle joue la foi en spiritualité ?

C'est la condition la plus importante du travail spirituel. Avant de donner sa foi à quoi que ce soit d'autre, on doit avoir foi en soi-même. Mâ dit : "atal bishwas" « une foi, bishwas, ferme comme le roc, atal, » est nécessaire pour l'aspirant. Notre foi est toujours vulnérable. Nous gardons foi en Dieu tant que tout va bien, dans notre soi-disant confiance, nous aimons penser : "Que ta volonté soit faite". Mais que quelque chose de fâcheux survienne, nous nous exclamons aussitôt : "Mon Dieu, qu’as-tu fait !" En tant qu’aspirant, j'ai besoin d'avoir la conviction que tout ce qui arrive est la volonté de Dieu et que c’est pour mon bien.

J'aime être indépendante et j'ai envie d'une liberté sans aucune obligation,  même celle de discipline spirituelle.

  Si quelqu'un vous demande de faire quelque chose, vous acceptez ou non, s’il insiste vous vous mettez en colère. Ce n'est pas une expression d'indépendance. Vous êtes en fait sous le coup de l'irritation ou de la colère. Derrière votre désir d'indépendance, il y a l’aspiration intérieure constante au bonheur perpétuel. Dans la poursuite du bonheur, si vous vous mettez en colère, le but même d'être indépendant se trouve mis en péril. La rationalisation et l'équilibre des modèles d’interaction avec le monde à la fois intérieur et extérieur réduit le sentiment de malheur dans notre vie. Si vous obtenez votre bonheur aux dépens de quelqu’un d'autre, ce n'est plus du bonheur.

   Apporter cet équilibre dans la vie, cela revient à y introduire une discipline et un contrôle de soi. Ceci n'est possible que par la pratique ; au début, cela peut sembler une sorte d'obligation qui vous est imposée, mais ensuite, avec l'habitude, cette impression de carcan s'évanouit. On dit qu’il faut ramasser une épine pour extirper celle que vous avez dans le pied, et ensuite rejeter les deux. Votre soi-disant indépendance est enracinée dans votre désir d'indépendance. La liberté authentique est la liberté des liens du désir. En ce monde, vous ne pouvez vivre seul. Vous devez dépendre de quelque chose ou de quelqu’un : notre vie est sous le signe de la  symbiose. Celle-ci n’est pas contradictoire avec la liberté. Tant que notre conscience se projettera sur les objets, notre espoir de liberté se situera toujours dans un horizon très lointain. Plus nous essaierons de nous en approcher, plus il s’éloignera.

Vous faites bien de dire que vous aimez la liberté : cela signifie que vous en avez le goût à l'intérieur. Sinon, comment pourriez-vous l’aimer? Essayez de rentrer à l'intérieur et vous découvrirez qu’elle est là, simplement ; la pratique spirituelle montre le chemin de la liberté.

Pour venir à Dhaulchina, vous m’avez demandé comment organiser votre voyage, et je vous ai répondu. Vous auriez pu venir sans mon aide, mais cela aurait été moins confortable. Il y a un autre endroit dans la région qui s'appelle Dhaula-Dévî, beaucoup de gens se trompent et perdent une journée avant d'arriver ici : parce qu’en fait ils ne se sont pas souciés d’être guidés, ils ont eu des ennuis. Pour suivre la voie spirituelle, vous avez besoin d’un guide qui vous assiste de son expérience. Ayez confiance, essayez et acceptez-le. Il n’agit pas sur votre indépendance, mais il rend votre voyage vers l'indépendance plus facile.

Est-ce que les restrictions sur l'alimentation sont obligatoires dans la pratique spirituelle ?

Avant de répondre à cette question,  essayons de répondre à une autre : pourquoi prend-on de la nourriture ? La première réponse est simple, nous mangeons pour vivre. Notre vie est orientée vers l'action. Pour cette action, nous avons besoin de nourriture ; celle-ci est la source de l'énergie. De fait, la nourriture a trois utilités. Le métabolisme, l’apaisement de la faim et la satisfaction. Il y a un proverbe en Inde qui dit que la nourriture constitue le mental. En d'autres termes, on peut dire qu’il y a une relation intime entre la nourriture et le mental. Si l’on souhaite contrôler le mental, le contrôle de la nourriture est nécessaire. Un aspirant est supposé manger pour vivre et non pas vivre pour manger. La plupart du temps, on mange plus que nécessaire ; pour un aspirant, la quantité de nourriture absorbée doit être basée sur le besoin et non  sur le désir.

Qu'en est-il de la nourriture végétarienne ou non?

Les habitudes alimentaires dépendent de différents facteurs. Il y a des variations dans la situation géographique, les conditions climatiques, la disponibilité des aliments, la quantité de travail à fournir, etc., et tout cela influence les habitudes alimentaires des gens ; en Inde, on recommande la nourriture végétarienne pour les aspirants spirituels. De plus, d’après les règles alimentaires prescrites pour la pratique du Yoga, les épices fortes sont interdites. La nourriture doit être bien cuite, facile à digérer, agréable à regarder et elle ne doit pas être avariée. Cela peut vous sembler étrange que l'état mental du cuisinier et la manière dont la nourriture est  préparée jouent aussi un rôle important : par exemple, si vous préparez un plat en étant de mauvaise humeur et que vous préparez le même à une autre occasion avec amour, le goût de ces deux plats ne sera pas le même.

 

 

 

Dhaulchina

La Retraite de SILENCE

Dans la clairière de LUMIERE

2-23 juillet 2004

Par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

           

 

Le petit bus en folie, débarrassé de la plupart de ses participants qui ont préféré suivre Jacques Vigne à pied le long des crêtes, s’envole dans les tournants himalayens, les valises en bataille !

            Je parsème toujours ce que j’écris de quelques notes d’humour, ce qui donne le recul nécessaire pour l’observation, l’analyse et la dédramatisation de certains états d’âme. A chacun d’y déceler la profondeur qui s’y cache, selon sa nature…

            Nous sommes donc arrivés à Delhi, joli petit groupe de 21 personnes, le soir du 2 Juillet. Pour aller plus vite afin de ne pas tous faire la file d’attente pour changer nos Euros en Roupies, on avait chargé deux messieurs de récolter les fonds et de les répartir, ce dont ils se chargèrent avec brio et avec l’aide (en guise d’enveloppes) des ‘vomiting bags’ de notre avion d’Air France/Air India, car les liasses de Roupies sont plutôt volumineuses !

            Dépassant la foule d’une tête, Jacques Vigne nous accueillait comme d’habitude, et cette fois avec les pétales de roses provenant de la fête de Gurupurnima (la fête du Gourou) qui venait d’avoir lieu comme chaque année, à la pleine lune de Juillet.

            A Minuit, au sortir de l’aéroport bien frais, on fit notre entrée en Inde dans un ‘four’ à 39° centigrades.

            Puis le lendemain, ce fut le ‘De Luxe Bus’ à air conditionné qui nous conduisit pendant toute la journée jusqu’à l’ashram de Mâ Anandamayî à Patal Dévi (1500m en Himalaya) où eut lieu notre première véritable prise de contact.

            Dans le bus, Jacques a pour habitude de prendre chacun à tour de rôle pour mieux le connaître, approfondir sa vie, ses aspirations, sa démarche spirituelle, ses connaissances.

            Ayant bien demandé à loger seule, j’eus droit, à mes yeux, à une ‘chambre de moine’. Et qu’est-ce que c’est qu’une chambre de moine en  ashram ? C’est : « Au centre un lit en bois dur, une araignée sur le mur… » (Sur l’air de « Une poule sur un mur, qui picote du pain dur » etc…)

            Hé hé ! Quand on veut être seule… !

            « Jacques, où dois-je aller, je n’ai ni lavabo, ni WC ? »

            La réponse du mystique tomba drue, tandis qu’une lueur de malice traversait les yeux du psychiatre qu’il est tout à la fois : « Eh bien, dans ce cas là, tu transcendes le corps !!... »

            Et pan sur le bec. Les voyages forment la jeunesse, avais-je écrit en recrutant mes participants au voyage et je parvins à très bien me débrouiller.

            Enfin le lendemain ce fut : la ‘montée’ vers le Paradis, l’ermitage de Dhaulchina, clairière de lumière faisant face aux sommets des grands Himalayas sortant d’une brume légère…

            Quand Jacques dit qu’il y aura une montée à pied d’environ 3h30 par les crêtes des montagnes, soyez sûrs que 5 bonnes heures seront nécessaires, surtout en groupe ! Les quelques-uns restés dans le bus avec les valises volantes, se contentent pour les dernières 20 minutes à pied obligatoires, de gravir une ‘montée de chèvres’, boueuse ou herbeuse, selon le temps. (Laissez quand même les bagages au vestiaire).

 

L’énergie et la puissance du OM

 

            Je sens le groupe à la résonance du OM. Déjà, après 3 jours de retraite silencieuse où nous travaillons avec Jacques sur les significations du OM, les vibrations timides du début prennent de la vigueur. Chacun à son rythme, au tempo mélangé, l’ensemble résonne comme dans une cathédrale, les dos se redressent, les cœurs s’ouvrent, les esprits s’envolent et la méditation commence dans la petite salle dédiée à Mâ Anandamayî, où soir et matin Nandoû le jeune gardien vient faire sa pûjâ et fleurir l’autel. Ma chambre est contiguë. J’entends donc ses clochettes, ses chants, et le son de la conque dans laquelle il souffle, alors que les cigales se mettent à chanter en chœur à 19h30 pile et que la brume se dissipe pour laisser place parfois à un coucher de soleil sur les sommets himalayens, entre deux nuages de crème Chantilly qui ressemblent à ceux qui entourent le Bon Dieu sur les images de 1ère Communion. C’est féerique !

            La demeure de Swami Nirgunananda, telle la proue d’un navire, vitrée de toutes parts, domine l’horizon infini : les fleurs et le petit potager à gauche, la chaîne des Himalayas devant à perte de vue, la forêt de pins à droite.

            Plusieurs petites maisons roses abritent les participants. Le lieu fut déboisé peu à peu par Nirgunananda. Il est devenu une clairière lumineuse aux parfums fleurant bon le thym, le serpolet et le tulsi qu’on met dans nos tisanes du soir.

            La nourriture est savoureuse, équilibrée et variée : riz et dal aux lentilles, délicieux légumes simplement ébouillantés, choux, concombres, haricots verts, courgettes…Tout est végétarien. Des desserts succulents : petites nouilles au lait et à la mangue, tapioca aux fruits, riz au lait, semoule, concombres hachés au lait, sucre et fruits (original). Sans compter les sortes de porridge, ou muesli au miel du matin, le tout dégusté en SILENCE au milieu des fleurs, parfois sous quelques gouttes d’une pluie bienfaitrice.

 

Le programme de la retraite

 

            Il est souple : de 6h à 7h, première méditation silencieuse. 7h15 petit déjeuner. 9h30 à 10h Hatha Yoga. 10h à 10h45 Ecoute du Silence avec Jacques Vigne. 11h30 à 12h30 satsang avec Swami Nirgunananda. 12h35 déjeuner. Puis pose silencieuse jusqu’à la promenade de 16h avec Nirgunananda et Jacques dans la nature sauvage, plaines, mamelons, et sentiers parsemés d’aiguilles de pins. Enfin  de 17h à 18h satsang avec Swamiji, généralement sur sa terrasse surplombant l’Himalaya. 18h15 dîner. Puis de 20h30 à 21h dernière méditation silencieuse, horaire dédié également toute l’année au silence consacré à Mâ, qui avait coutume de dire : « Je suis comme un instrument de musique. De la manière dont vous en jouez, de cette manière vous entendrez le son. Pour moi, je n’entends que le son fondamental. »

            Vers 5h du matin, quand je m’éveille au son de la chorale des criquets dans l’herbe, j’aperçois un joli renard argenté, aux yeux clairs flamboyant de malice, occupé à guetter des proies au milieu des herbes hautes et des buissons de roses, de glaïeuls et de pivoines derrière ma chambre. Il aperçoit mon visage à travers la moustiquaire de ma fenêtre. Nous nous toisons en silence, comme avait dû le faire Swami Vijayananda devant un léopard, il y a des années, quand il vivait seul ici dans une cabane sans eau ni électricité. Le léopard l’avait fixé, Vijayananda l’avait toisé calmement et l’animal s’en était allé.

            Dans le Hatha Yoga du matin, Jacques maintient ses 1m92 en équilibre parfait, accroupi sur les doigts de pieds d’un seul pied. Puis, il nous montre la posture assise sur les talons, les deux plantes de pieds verticales. C’est le Kurmasana, la ‘Tortue’ (on devrait l’appeler ‘la torture’ !...

            L’enseignement qu’il nous transmet conduit à une rude restructuration de soi-même, à une purification intérieure.

            Que va-t-il se passer en nous ? Chacun ‘à son niveau’ va capter ses vibrations puissantes et subtiles, parfois déchirées par le cri d’un oiseau.

 

Des Courmettes à Dhaulchina

 

            Deux années ont passé depuis le premier choc reçu par moi lors d’une retraite spirituelle avec Jacques Vigne sur le thème du Mariage Intérieur. Etape de la vie, tournant fulgurant qui brouille les vieilles pistes et éclaircit la route. Après les péripéties d’une vie journalistique et surtout artistique, le chemin n’est pas des plus faciles. Mais c’est là où l’Art rejoint la Foi. Quel que soit le moyen d’expression, l’important est d’être sincère et d’aller jusqu’au bout de sa motivation.

            Bien qu’ayant des années de lectures et eu des rencontres d’âmes exceptionnelles, je n’aurai pas la prétention d’écrire sur la spiritualité. D’autres beaucoup plus qualifiés que moi s’en sont chargés. Je me limiterai à être le porte-parole de tous ceux, ou celles, qui sont à la recherche d’une vérité, d’une compréhension d’eux-mêmes, avides d’ouverture, comme des petites antennes s’élevant au-dessus de la déliquescence actuelle de notre pauvre monde et cherchant une porte de sortie vers la spiritualité, la méditation, le SILENCE…

            Les trois sont le propre de Dhaulchina, et c’est aussi le but de ces voyages de groupe, dont le prix payé par les participants est destiné, pour une partie non négligeable, à des œuvres utiles, à des aides cruciales et nécessaires pour aider à améliorer les conditions de vie de plusieurs communautés.

            Aux côtés de Jacques Vigne, ermite, brahmachari, yogi, doublé de l’auteur talentueux que l’on connaît, vit (j’allais dire ‘sévit’) Swami Nirgunananda. Les deux hommes sont très différents et se complètent en quelque sorte. Grand philosophe, Nirgunananda nous entraîne dans le labyrinthe de ses pensées et de ses paradoxes, ainsi que dans son amour illimité pour Mâ Anandamayî, dont il  fut le secrétaire pendant les trois dernières années de sa vie. Voir et entendre également Swamiji éclater de rire est déjà un bain de plénitude.

            Le grand Jacques, roulé dans sa longue cape blanche, est là également pour traduire ses propos de l’anglais en français.

            En tant qu’ex-scientifique, biochimiste, Nirgunananda nous plonge avec dynamisme dans la dissolution du ‘Moi’.

            « I am the salt, God is water ». Il faut pouvoir se dissoudre l’un dans l’autre, comme le sel et l’eau, et non pas comme le sel et le sable. La manière de traiter le sel et le chemin spirituel est la même chose. On dissout, on filtre, on obtient le sel pur. Je suis le sel de roche avec toutes ses impuretés à l’intérieur. En plongeant dans le divin, la saleté va se déposer au fond. Plongez profond dans l’amour de Dieu, et vous serez dissout dans l’amour. Même chose pour la beauté ou la bonté. C’est le but ultime de l’adoration, l’ajapa-japa…En plongeant dans la pureté de Dieu, vous devenez une partie de Dieu. Le vrai sel pur est là, dans le minerai de base qui est impur. Le travail du chimiste est de séparer le vrai sel de l’impureté. Vous êtes le sel de l’Univers. Le ciel a besoin d’un solvant : c’est le Père dans les Cieux. Si vous êtes sincères et honnêtes, il vous sera donné ce dont vous avez besoin.


 

            Comme nous l’a dit Jacques Vigne en citant R.M. Rilké : « On fait Dieu à partir du meilleur de toutes choses, comme l’abeille fait le miel de toutes fleurs. »

            Avec Jacques, ce sont les initiations à l’écoute de notre propre SILENCE et les suggestions de techniques de méditations.

            Le groupe est bien en harmonie, les participants sont heureux. Le travail se fait à l’intérieur. Les hommes sont presque tous devenus barbus.

            Le contraste entre Jacques, l’homme en blanc, et le Swami en orange, est des plus enrichissants.

            Un soleil chaud et radieux fait suite à la pluie, et les promenades à 2200 mètres, dans les forêts de pins aux herbes odorantes, dominant les vallées aux pieds de la grande chaîne des Himalayas, sont une bouffée de cet univers, une envolée vers ce qui crie en nous le besoin d’union, d’amour et d’UNITE à la fois.

            Durant les ‘entractes’ pluvieux, une certaine nuit d’averse m’a inspiré un long poème dans lequel je dis que « J’aime la chambre où il pleut dedans ». Extrait :

 

    Pluie d’étoiles sur mon mental

    Pluie d’amour, purificatrice

    Qui efface les cicatrices

        Pour faire place nette et totale.

 

            Sous peu, nous redescendrons à Kankhal pour aller visiter le vieux Maître Vijayananda qui va allègrement sur ses 90 ans…Nous l’écouterons lui aussi au cours des satsangs nous reparler de Mâ devant son samadhi de marbre blanc.

            Cette fameuse chambre ‘où il pleut dedans’ a des vibrations particulières, Vijayananda y avait sa cuisine lorsqu’il habitait Dhaulchina, seul pendant 7 ans.

            Avant de regagner Delhi pour y faire les achats/souvenirs, nous visiterons le vieux village de Kankhal, son temple de Shiva Daksheshwar et des 10 formes de la Déesse, puis nous passerons une journée à Rishikesh, la capitale du yoga, et ferons notre visite habituelle sur les rochers des bords du Gange, aux pieds de la Grotte de Vashishta Gupha, où le petit fils spirituel de Ramakrishna passa 30 années de sa vie en méditation, immergé dans le silence.

            « Le son du silence est à l’intérieur de nous, c’est lui que vous pouvez entendre » C’est la première résonance du SOI en écho d’une longue tradition.

 

L’Apothéose

 

C’est notre avant-dernier jour, consacré au SILENCE complet. Et comme par enchantement, le coucher du soleil nous réserve une magnifique surprise en nous révélant des sommets himalayens émergeant au-dessus des nuages.

D’habitude, en cette saison, ils sont cachés par la brume, mais voilà que plusieurs se dressent à l’horizon : le Trishul à 7100m, le Panchashuli 6900m, la Nanda Dévi 7860m. C’est un enchaînement de cimes enneigées sur des centaines de kilomètres, à perte de vue.

            Notre silence ajoute encore une profondeur impalpable au côté féerique du moment. Nous tous, groupés sur la terrasse autour de Jacques, nous avons l’impression d’admirer le toit du monde.

 

 

 

 


 

            Mais je termine une fois encore par une nuit d’averse, comme pour le poème…La pluie crépite sur mon toit qu’elle traverse hardiment par endroits. C’est la mousson qui commence.

            Je mets fin à ces quelques lignes et mon dernier mot se noie dans l’évanescence d’une goutte d’eau…

 

                                                                                   

                                                                                    Mahâjyoti

                                                                         (Geneviève Koevoets)

                                                                            Ecrit à Dhaulchina

                                                                 Retraite silencieuse de Juillet 2004

 

 

 

           

Dhaulchina – Minuit

(Sous la pluie)

 

Ce poème pour démontrer qu’une chose qui peut sembler négative au départ,

Peut se transformer en une ‘Joie Intérieure’.

 

 

 

 

 

La chambre où il pleut dedans

 

 

J’aime la chambre où il pleut dedans,

Où est cet enclos de lumière ?

A Dhaulchina dans la clairière

Les grands Himalayas devant.

 

Rhododendrons, magnolias,

Forêts de pins, herbes odorantes,

Et là une pensée me hante

‘Pourquoi suis-je donc allée là-bas’ ?

 

Un homme en blanc, l’autre en orange

M’ont tracé ce chemin qui monte,

Pourrai-je le grimper sans honte

Moi qui suis si loin d’être un ange…

 

Le ciel de la mousson s’égare

De la pluie mes pensées s’emparent

Chaque goutte un émerveillement

Chaque mot un enseignement.

 

Le satsang du soir m’émerveille

Et les pensées de Mâ m’éveillent

Les gouttes de pluie me réveillent

Dans mon lit je n’ai pas sommeil.

 

L’araignée sur le mur attend

Le seau recueille le scintillement

Des grosses gouttes qui, gentiment,

Giclent aussi sur mon duvet blanc.

 

L’averse bat son plein maintenant

Lavant à coup sûr les pensées

D’un EGO redimensionné

Par la joie de l’Enseignement.

 

 


 

Pluie d’étoiles sur mon mental

Pluie d’amour, purificatrice

Qui efface les cicatrices

Pour faire place nette et totale.

 

Puis c’est le retour au SILENCE

C’est l’aube, un oiseau s’envole,

Le cœur en paix n’est plus frivole

Le temps est à l’impermanence.

 

Et dans mon éveil du matin

Le renoncement est certain

Un nouveau SOI surgit enfin

Pour se rattacher au DIVIN.

 

J’aime la chambre où il pleut dedans

Où est cet enclos de lumière ?

A Dhaulchina dans la clairière

Les grands Himalayas devant.

 

                                                       Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)

                                             Dhaulchina -  Retraite silencieuse de Juillet 2004

               

Rattachement

 

Nous étions attachés

Nous nous sommes détachés

Nous voici enfin rattachés

 

Se rattacher, c’est revenir au monde en état de Liberté

C’est reconnaître l’autre en Frère dans son altérité

C’est avoir foi dans ses actes sans en être dérangé.

 

C’est aussi apporter présence et fraternité,

Quelque soit le degré de proximité,

Afin que chacun y trouve à prendre à volonté.

 

Ainsi seulement pourra se réaliser

Ce vieux rêve de l’Humanité

Que nous appelons Solidarité.

 

Hélas nombreux sont ceux qui ont peine à se détacher,

Tant le voyage leur apparaît semé de dangers…

Mais il faudra qu’un jour certains se sentent appelés

Pour qu’apparaissent aussitôt des Frères pour les accompagner.

 

Ainsi pourront-ils à leur tour cheminer

Puis, le moment venu, venir se rattacher

Comme d’autres avant eux, à la grande chaîne des Initiés.

          

                                                                                                    Sandra 

 

 

Poèmes écrits à Manikarnika Ghat

(Le  ghat de crémation de Bénarès)
par Antonio Dagnino

 

Oh mort, apprends-moi comment mourir d'instant en instant,
Afin que mon esprit demeure toujours immaculé!

Oh vie, enseigne-moi à ne jamais oublier l'amour.
Aimer l'amour, être l'amour.

Etre en amour comme une semence avec la terre fertile,
Comme l'eau douce avec l'eau salée, le feu avec le bois sec, l’air avec le vent rapide...

Comme l'univers avec l'espace infini.


Oh Shiva-Shaktî...

Puisse ce poète être votre canal,

votre instrument spontané, votre voix joyeuse vibrante, terrestre,
mais aussi de l'autre monde.

Puisse-t-il chanter la mort de la mort,
Et le Soi immortel, omniprésent,

dans tous les sois.

 

Antonio a passé peut être un mois en avril 2004 avec sa famille  à Kankhal. Voici son poème qu'il a écrit en vers rimés en anglais (Kankhal est le lieu où Sati s'est jeté dans le bûcher à cause de conflits I avec son père Daksha, et où son mari Shiva a emporté son corps, submergé par la douleur et a entamé sa danse tandava de destruction du monde) :

 

Le mahâsamâdhi de Mâ


Auprès de ce cercle magique où Sati - jamais brûlée - continuent à chanter son Mari ;
En cet endroit même où Shiva s'est oublié
Comme n'importe quel être humain affolé, au cœur brisé, en adoration ;
Auprès du Gange purificateur, comme une balançoire
Jaillie du pied des collines turquoise et des pics bleus souverains...
Je connais un tombeau qui parle :


Là, en une conscience supérieure, libre, complètement à l'aise, 
Dans un corps subtil constitué d'éveil et de paix,

Anandamayî, la mère de délices,

dispense son silence profond,  sa lumière douce

et sa vision pénétrante.


Secrètement, sublimement, discrètement,
Furtivement, magnifiquement, affectueusement,
Elle comprend, englobe, élucide,
Remercie, infuse, communique,
Emane, transforme et émancipe !

                                            (Traduit par Jacques Vigne)

 

 

Le luthier le violoniste
par Parvatî



Dieu est comme un luthier
Avec l'aide d'un bûcheron, et il prend un morceau de vie dans la forêt immense de l'univers.
Il fait, avec ce morceau de vie-là, le dessus du corps (le violon), puis il prend un  autre bout de vie et il fait le dessous du corps (du violon).
Cela donne un homme (on un instrument), puis  le luthier continue son travail, il prend ensuite des cordes pour faire une âme au corps - à partir de ce moment-là, le violon joue, et devient musical…
magnétique.
Mais le son n'est pas encore merveilleux pour autant.
On en joue la première fois en poussant un cri (ou une fausse note) à la naissance.
Il faut alors avec la vie qui passe apprendre à accorder notre violon en écoutant les conseils du luthier.

Nous joignons à ce texte de Parvatî une strophe écrite par son petit frère Bruno, juste avant qu'il passe jeune âge emporté par une myopathie progressive :

Au lieu de se battre
Pour soi, contre les autres,
Se battre contre soi,
Pour les autres.

 

 

 

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Jacques Vigne réside maintenant principalement au Ma Anandamayi Ashram Dhaulchina  263681 Almora UA Inde

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                          p.1
Réponses récentes de Vijayânanda                                           p.8      
Pensées de l'Himalaya par Swâmî Nirgunânanda                     p.13

Dhaulchina – La retraite de silence par Mahâjyotî                     p.23

La chambre où il pleut dedans par Mahâjyôtî                           p.32

Rattachement par Sandra                                                         p.34

Les strophes de Manikarnika par Antonio Dagnino                    p.36

Le mahâsamâdhi de Mâ                    "                                       p.37

Le luthier et le violoniste  par Parvatî                                         p.38

Nouveaux abonnés                                                                   p.39

Table                                                                                        p.39

 

 

 

 

 

 

Jay Ma  N°75 -  Hiver 2004-2005

 

Paroles de Mâ

 

Question : Quel est le moyen de stabiliser le mental? Ce qui ne connaissent rien et n’ont pas de gourou, quelle sadhanâ doivent-ils choisir? Comment comprendront-ils la sâdhanâ dont ils ont besoin?

Mâ : Voyez-vous, de la même manière qu’on consacre de grands efforts à apprendre à lire et écrire à de tout petits enfants, et par la suite ils deviennent très instruits, de même il faut faire effort pour enseigner cet enfant qu’est le mental. Tout comme la nature du mental est l’instabilité, sa nature est églement la stabilité. Il désire la paix autant que possible [ou “la paix réelle” yathârtha shânti] à cause de cela, il ne la trouve pas dans aucun des objets du monde et il ne cesse de courir.

 

    En étant vide, tu peux devenir “blanc” (shveta), ou en te dissolvant à l’intérieur de tout, tu peux aussi devenir blanc. Cette couleur est la synthèse de toutes les autres et pourtant n’a pas de forme, elle est la non-forme des formes. Pour devenir blanc, il faut être droit et direct (sidha).  Si tu t’efforces d’être blanc comme lait à l’intérieur et à l’extérieur en t’appuyant sur la vérité et la simplicité, tu seras heureux, et tu rendras les autres heureux. Le signe le plus direct qu’on est devenu simple et blanc, c’est quand on est détaché. Engage-toi dans le monde en réduisant ton auto-suffisance à zéro, et tu verras comment tout concourra àte faireparvenirà laplénitudedelavacuité et rendra ton activité favorable où que tu sois, tes devoirs  s’accompliront de façon idéale. En cette époque qui pousse au matérialisme et à la consommation, on doit particulièrement se servir du détachement  sacré et de la simplicité. En réalité, la plénitude du détachement (tyaga) est un autre nom pour la plénitude de l’expérience (bhoga)

 

 

 

 

 

Hari Baba

Par Vijayananda

 

 

 

     J'ai connu Hari Baba pendant plus de quinze ans et je l'ai rencontré en de nombreuses occasions, mais aussi étrange que cela puisse sembler, nous n'avons jamais échangé un seul mot. Il faisait partie des mahâtmâ-s qui venaient fréquemment rendre visite à mon gourou et j'ai souvent été assis en face de lui parfois pendant des heures d'affilées ; mais il n'y a jamais eu de contacts établis par la parole.

   Pourtant, Hari Baba était un Siddha-Pourousha, un sage qui a eu la vision de la Vérité ; il est aussi un saint, un bhakta qui a choisi de suivre le chemin de l'amour. J'ai entendu dire qu'il était à l'époque un étudiant en médecine, mais qu'avant qu'il ait fini ses études son ardeur religieuse a pris complètement possession de lui et qu'il a renoncé au monde. Sa soif pour le Divin était si intense qu’il pouvait même se rouler sur le sol en pleurant et en s'exclamant  Hari! Hari! ! (Un des noms de Vishnou). Apparemment c'est à cause de cela qu'il a reçu le nom de Hari Baba ; ses disciples pensent qu'il est une incarnation de Chaitanya Mahâprabhou, le célèbre saint bengali qui a réformé le vishnouïsme au XVIe siècle. Comme le grand réformateur, Hari Baba est né le jour de la pleine lune de Holi (à peu près mi-mars).

Hari Baba est un Punjabi et comme la plupart des personnes de cette origine, est doué d’un corps solide. Il s'habille très simplement dans une robe de couleur de flamme, la couleur des sannyâsins, car il en est un lui-même. Son gourou était Swami Satchidananda de Hoshiarpur et il était un ami intime du célèbre sage de Vrindâvan, Uria Baba, qui a quitté ce monde juste avant que je n'arrive en Inde.

   Une longue barbe blanche encadre un visage sérieux et pensif. Il sourit rarement. Et quand il rit, c'est presque à regret ; car, en vérité, y a-t-il de quoi se réjouir en ce monde ?  Pourtant, je ne l'ai jamais vu le visage triste. Une expression de sérénité et de douceur filtre à travers un masque superficiel sévère, comme une lumière qu'on voudrait cacher derrière un rideau. Son regard semble constamment tourné vers l'intérieur, comme s'il vivait dans une sphère qui échappe au commun des mortels ; quand il est assis dans des réunions religieuses, il regarde rarement le public. Sa tête est baissée et son esprit semble reposer sur les vérités profondes. Puis, il se lève et retourne à sa chambre à pas rapides avec le même regard baissé sans regarder à droite, ni à gauche, donnant l'impression qu'il aurait hâte d’échapper à la foule.

        Pourtant, ce n'est pas un sage qui néglige le monde, car, quand cela est nécessaire, il fait travailler ses disciples pour le bien de la société et met la main à la pâte quelquefois lui-même. Il est célèbre au Punjab pour avoir fait construire au village de Bandh un barrage destiné à protéger des inondations. L'on raconte aussi qu'un jour, dans une période de sécheresse anormale, ses admirateurs  le supplièrent de prier pour la pluie. Hari Baba se laissa attendrir. Il rassembla ses disciples et fit un kirtan (chant religieux)... Et la pluie vint.

     Son enseignement et ses méthodes sont pleinement en accord avec la vieille tradition hindoue orthodoxe, spécialement sous son aspect de dévotion. Il n'a pas de disciples Occidentaux, ni même d'admirateurs non hindous, car c'est un domaine entièrement fermé aux gens d'Occident. Hari Baba s'adresse avant tout à l'hindou des couches populaires et non à l'intellectuel. Ses disciples sont pour la plupart des gens rudes et frustes, aussi les méthodes enseignées sont celles en accord avec ceux qui les reçoivent. Ceci ne les empêche pas d'être excellentes et efficaces, car l'homme fruste est souvent plus  capable  d’appréhender l’expérience spirituelle que l'intellectuel ou le savant, à l'esprit encombré par un bagage trop lourd pour passer la porte étroite de la vraie connaissance. Le grand yogi de Nazareth n'a-t-il pas dit : "heureux les simples selon l'esprit..."

   Hari Baba, bien que semblant planer dans des sphères éthérées, est un sage réaliste. Ce qu'il veut avant tout, c'est attirer le cœur de ses auditeurs vers Dieu et pour ce faire, il emploie- en plus des méthodes classiques des écoles de bhakti - des méthodes simples et directes qui frappent l'esprit ; dans les réunions religieuses où Hari Baba est présent, il y aura toujours au moins deux éléments spectaculaires : la Ras-lîlâ, et le kirtan.

    La Ras-lîlâ est une représentation théâtrale religieuse mettant en scène les aventures de Krishna telles qu’elles sont décrites dans le Bhagavata Pourana. Le plus souvent, c'est une troupe de jeunes garçons spécialement entraînés à Vrindâvan qui donnent la représentation. Les garçons sont vêtus de costumes luxuriants, fardés et souriants. Il n'y a pas de femmes dans la troupe, et ce sont les garçons qui tiennent les rôles féminins. Ces représentations attirent toujours des foules formées surtout par les gens du peuple. Les hindous (comme les Occidentaux d'ailleurs) sont très friands de spectacles et de cinéma, et c'est avec une volonté d’opérer un "transfert affectif" qu’on demande de diriger cette passion vers les choses divines.

    Le kirtan est un chant religieux en groupe accompagné d'instruments. Mais celui de Hari Baba est tout à fait remarquable et mérite une mention spéciale. Ceux qui ont l'habitude des kirtans s'attendent à y trouver une atmosphère de douceur, de tendresse et toute la gamme des émotions de ceux qui ont choisi de chercher le Divin par la route de l'amour. Mais rien de tout cela dans les kirtans de Hari Baba : les chants religieux qu'il entonne lui-même en compagnie du groupe de disciples dégagent une impression de formidable puissance. D'autre part, ce ne sont pas une série de chants choisis au hasard selon l'inclination du ou des chanteurs, comme cela se fait d'habitude, mais une suite de mantras à réciter ou chanter avec une gradation progressive et l'intonation voulue.

     Ces kirtans imposent à l'esprit le souvenir des rites magiques des temps védiques où l'on évoquait le pouvoir divin qui devait venir... de gré ou de force. Hari Baba et ses disciples récitent ces chants à  heures fixes : le matin à l'aube et le soir vers le coucher du soleil. Cela fait partie du programme journalier obligatoire des disciples et constitue un élément important de leur sâdhanâ. Quand le kirtan va commencer, Hari Baba est debout au centre d’un cercle dont ses disciples forment la circonférence. Tout d'abord ils semblent appeler avec toutes leurs énergies le Pouvoir divin vers la terre. Puis les chants commencent...

    Au début, c’est mezzo voce, puis le son des voix devient de plus en plus fort, de plus en plus violent et semble vouloir dépasser les limites de la puissance humaine. Hari Baba est toujours debout au centre, les disciples lui ont passé un gong en laiton et un marteau. Hari Baba commence à frapper en cadence sur son gong de plus en plus fort. Il utilise d'abord ses mains, ses bras, puis tous les muscles du corps participent à l'effort. Tout en martelant le gong, il danse et danse. Il tourne en cercle la tête baissée de côté comme si le centre de gravité de son corps était déplacé et l'entraînait dans ce mouvement. Ses yeux sont fermés et en plein kirtan, il semble qu'il ait perdu conscience du monde extérieur. Les disciples autour de lui dansent en cercle et chantent en chœur avec leur maître sur le même ton de voix, utilisant l'extrême limite du pouvoir des cordes vocales. Leur danse évoque plutôt l'idée d'une danse martiale que celle d’un l'exercice chorégraphique. Comme leur maître, ils utilisent leurs muscles au maximum de leurs capacités. Ils s'accompagnent d'instruments - presque uniquement des tambours, des gongs et des cymbales – qu’ils frappent avec un maximum d'énergie.

  L'ensemble produit un bruit formidable, mais qui néanmoins, malgré la puissance, conserve son harmonie. Quant le kirtan est chanté dans une salle, tout vibre : les murs, les lampes, les meubles. La première fois qu'on l'entend, on a envie de s'enfuir. La vibration se transmet du tympan à la tête, à la cage thoracique, jusqu'aux pieds. Il semble que la coquille du corps va se briser. Mais si l'on résiste à ce premier choc, on s'aperçoit que dans cette puissance, il y a un grand calme, comme celui d'une majestueuse montagne ou du formidable roulement du tonnerre.

     Les autres méthodes préconisées par Hari Baba font partie de l'enseignement classique des écoles de bhakti. Le Hari katha (conférence religieuse), le japa (la répétition d'un nom du Divin), le Bhagâvat-smaran (penser constamment à Dieu), la lecture de textes religieux, surtout les Pourana-s (Bhagavad-Gîtâ, Bhagavata Pourana etc.). Toutes ces méthodes sont excellentes et partent d'un même principe : tenter une dérivation de l'affectivité vers les choses divines. Néanmoins, elles sont spécifiquement hindoues car elles s'appuient sur des traditions millénaires et s'adressent à des individus qui sont nés et ont été élevés dans cette atmosphère spéciale de l'hindouisme orthodoxe. L'Occidental moyen croit qu'on peut changer de religion. Mais en Inde, la religion est encore une chose vitale, on sourit quand on entend parler de conversion à l'hindouisme. Car l'on est convaincu que la religion fait partie intégrante de l'individu, de sa race, et de la caste dans lequel il est né. Néanmoins, le "sentiment religieux", la "ferveur religieuse", "l'amour du Divin", sont des archétypes communs à toute la race humaine. Ce ne sont en fait que les détails du rituel, c'est-à-dire les noms et les formes qui créent les barrières, le "rideau de fer". Néanmoins, ceux-là sont utiles pour la majorité des humains car pour appréhender l'infini, il faut passer par un chemin des noms et les formes servent de jalons.

   Souvent, en me promenant dans les rues de Bénarès, Hardwar ou  Vrindâvan, en assistant à un kirtan, à une Durgâ poujâ (fête de Durgâ) ou à une Shivaratrî (une nuit de Shiva, une fête importante en général en début mars) j'ai senti, comme une chose presque palpable, cette intense ferveur religieuse. Mais en même temps, j'ai compris combien absurde il serait de vouloir essayer de m'intégrer et de participer, ne serait-ce que mentalement, au détail des rituels... Et pourtant, combien j'aurais aimé tendre la main à mes frères de derrière le rideau de fer...

 

Extraits de Un Chemin de Joie livre disponible au complet seulement sur le site de , www.anandamayi.com

 

 

Voyage vers l’immortalité

 

Par Atmananda

 

   Le journal spirituel d’Atmananda est paru sous ce titre aux éditions Accarias à l’automne 2003. Nous en avons déjà parlé, maintenant nous en publions un certain nombre d’extraits. Atmananda était, avec Vijayânanda, l un des deux sannyasis occidentaux, à être restés longtemps auprès de Mâ, de 1947 jusqu’en 1982, moment où Mâ a quitté son corps. Atmanânda elle-même est partie de ce monde en septembre 1985 à Kankhal. Elle ne pensait pas, quand elle a pris ces notes, que ces dernières allaient être un jour publiées. Ceci leur donne une saveur d’immédiateté, avec en particulier des réflexions très directes sur sa relation avec Krishnamurti et de précieux conseils de Mâ à propos de la méditation. Certes, ceux-ci étaient particulièrement adaptés aux besoins d’Atmananda, mais ils ont aussi une certaine portée générale.

    Nous remercions Râm Alexander d’Assise et Lalita Bugnon de Lausanne, tous deux amis de longue date d’Atmananda, d’avoir permis la parution de ce gros ouvrage de plus de trois cent pages, avec la collaboration de Jacques Gontier pour la traduction. Ce dernier réside à Tiruvanamalai près del’ashram de Ramana Maharshi.Il a traduit déjà la première partie de la vie de Mâ par Bithika Mukerji, qu’on trouvera sur le site de Mâ www.anandamayi.com: ils’agissait d’une parution ancienne en série dans un magazine disparu depuis, qui était donc considéré perdu, et qui a pu être ressuscité sur Internet grâce au dévouement de Sylvie Boksenbaum qui a retapé tout le texte sur ordinateur.

   Atmananda était pianiste professionnelle et professeur de piano à l’école de Krishnamurti à Rajghat, dans les faubourgs nord de Bénarès sur les bords du Gange. Elle y a passé dix ans, mais finalement s’est détachée de la musique pour plonger plus intensément dans la sâdhanâ en tant que telle. Il est intéressant de voir comment elle décrit une phase de cette transition importante dans sa vie:

 

Rajghat, Bénarès, 17 août 1945

   La nuit dernière, j’ai eu encore une fois ce vieux cauchemar dans lequel je dois donner un concert et ne parviens pas à trouver la partition, etc. L. [Lewis Thomson, un ami proche, poète anglais influencé par Ramana  Maharshi et Mâ et qui avait amené à cell-ci Atmananda] dit qu’il doit avoir un sens symbolique profond.  Je me demande s’il signifie le choix entre la musique et l’Eternel, la musique représentant le monde.

   Toutes les fois que je vois J.K. [Jiddhu Krishnamurti], cela me détourne de la musique. J’ai aussi interrogé Mâ Anandamayi pour savoir si je devais ou non aller à Delhi [pour le poste de directeur musical] . Elle a dit “non” sans hésiter.

 

New-Delhi, 26 août 1943

   Delhi me déplaît plus que jamais. C’est un endroit visqueux, horrible. Cette maison [La Radio indienne] est consacrée aux activités politiques. L’environnement est très important. Dieu merci, je n’ai pas accepté ce poste.

 

27 août 1943

   Toutle monde à l’All India Radio essaie de me convaincre d’accepter le poste de directrice. Le plus curieux, c’est que je suis encore tentée. Je me dis que puisque de toute façon je ne suis pas capable de vraiment méditer, pourquoi ne pas faire autre chose. Cependant, la perspective d’aller à Delhi me fait peur. Cela me plongera dans l’irréalité absolue.

 

Bénarès, le 32 août 10945

   Ici, c’est tellement mieux que Delhi ! Lewis m’a longuement parlé de ma façon d’interpréter la musique, qu’il a sérieusement critiquée. Il dit qu’au lieu de m’abandonner à la musique, je pars à l’assuat et m’impose à elle tandis que je devrais la laissercouler naturellement à travers moi. J’éprouve de moins en moins d’intérêt pour la musique.  Je ne suis plus vraiment une musicienne. Il est d’accord avec moi. L’art ne se justifie que lorsqu’il constitue une voie de développement personnel : mais pour moi, ce n’est plus le cas. Il m’équilibre tant que demeurent en moi certaines forces puissantes qui ont besoin d’être libérées. Mais par ailleurs, elle trouble le calme de la méditation. Il faut que j’y renonce, et j’y renoncerai, mais je n’ai pas vraiment le courage de le faire maintenant. Il faut se jeter à l’eau. Mais ce ne peut être imposé de l’extérieur. Exaxctement comme lorsque j’ai envie d’aller à Tiruvanamamlai : il faut réellement être prêt.

 

8 septembre 1945

   Aujourd’hui, je me suis vraiment rendu compte que si je veux découvrir « Qui je suis », je dois m’y employer jour et nuit et abandonner tout le reste. Se contenter de passer une demi-heure à méditer pour ensuite vivre la même vie inconsciente que tous les autres est assez ridicule. (p.95-97)

 

***

  

27 septembre 1945

1)…J’ai l’impression que rien ni personne ne peut retenir longtemps toute mon attention. L’esprit se lasse même des gens et des choses que l’on aime le  plus; il aspire au changement. N’est-ce pas parce qu’il cherche l’Atman, sa propre source, qui transcende le temporel? Mère m’a dit d’observer la respiration ou de méditer sur l’Atman, mais pour cette dernière chose je ne sais pas comment procéder. On ne peut pas penser à l’Atman, car il est dépourvu de qualités ‘En touchant l’Atman, l’esprit s’évapore. Toute pensée recouvre l’Atman véritable et la pensée est anéantie, quand on L’atteint).

2) Comment imaginer que je suis une parcelle de la vie qui anime chaque être? Qui suis-je? Oh, je devine à présent, je commence à comprendre: oublie ton corps, tes sentiments, tes pensées et sens que tu n’es pas séparé de cette vie unique (auparavant, j’essayais toujours inconsciemment de me forcer, en tant qu’égo, à m’unir à tout au lieu de renoncer à tout effort personnel et laisser être ce qui est).

3) Mâ a dit : “Imaginez que la Grâce et la Lumière divine se déversent sur vous”. Sur qui? Qui suis-je, là encore? Mais je vois aussi à présent que mon point de départ consiste à imaginer que je suis une parcelle de la vie qui anime tous les êtres vivants. Dans cet état, je me fonds dans la lumière et la paix – pas question de corps. Ces visualisations sont une technique capable de propulser l’esprit dans une dimension entièrement nouvelle et libératrice.

    Mettre tout ceci par écrit et s’auto-analyser est vraiment une aide immense. Ma Anandmayi sait de quoi Elle parle. Il faut que je La voie et que je discute de mes problèmes avec Elle.

   Je ne suis pas animée d’une ardeur suffisante pour pouvoir obtenir la  Réalisation. C’est peut-être parce que certains samskaras ne sont pas actualisés. Pourtant, puisque le destin m’a épargné les entraves (pas de famille, pas de responsabilités), n’est-ce pas la situation idéale pour la poursuite de cette Quête? (p.101)

 

***

  

18 février 1955

   Aujourd’hui, Mâ a donné une causerie merveilleuse sur le  pranam, ou plutôt sur le namaskar comme Elle l’appelle : ‘Faire le namaskar signifie mettre sa tête au bon endroit,à savoir aux Pieds de Dieu. LesPieds de Dieu sont partout et l’on peut donc faire le namaskar partout et devant n’importe qui ou n’importe quoi, en pensant aux Pieds de Dieu. Cela signifie s’ouvrir à l’Energie divine qui descend constamment sur chacun. Généralement, nous nous fermons à elle. Faire le pranam signifie donner son esprit [à Dieu]; et se donner soi-même, de sorte qu’il y ait seulement l’Un et non deux – c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’autre. A défaut de pouvoir faire autre chose, faites au moins le namaskar. Il faut le faire avec tout le corps, ou si c’est impossible, avec l’esprit. Tout d’abord pendant l’inspiration on reçoit en soi Son énergie, puis pendant l’expiration on se prosterne et l’on expire la notion de je, puis on demeure ainsi le plus longtemps possible en kumbhaka [rétention de souffle], la respiration naturellement suspendue. C’est dhyâna”. (p.288)

 

Solan, le 9 juillet 1955

   Vijayananda a demandé : ‘Peut-on atteindre la Réalisation en intensifiant une émotion comme l’amour?’

   Matajî : Oui, prema, l’amour pourDieu, est une voie. Mais ce que le monde appelle amour est moha, illusion. Il n’y a pas d’amour vrai entre les individus. Comment pourrait-on recevoir un pur amour de quelqu’un qui est limité par l’égocentrisme et la possessivité? Les gens me disent : “Mon amour pour Untel est vrai, ce n’est pas un amour ordinaire”.Mais ils se bercent d’illusion, moha est toujours un amour pour ce qui est mortel et conduit donc à la mort. Si vous ne pouvez pas obtenirl’objet de votre amour, vous voulez le tuer ou mourir vous-même.Mais l’amour de Dieu, prema, conduit à la mort de la mort, à l’Immortalité. C’est la raisoon pour laquelle, dit-on, c’est un péché de considérer que le Gourou est limité à un corps humain. Il faut considéreer que le Gourou est Dieu.

   Je connais une femme qui voulait se suicider quand son Gourou est mort; je lui ai dit : ‘Un Gourou meurt-il? Ce n’est pas parce qu’il a quitté son corps qu’il est mort. Le Gourou est omniprésent et n’abandonne jamais son disciple. Si vous voulez mettre fin à vos jours parce qu’il est parti, cela montre que vous l’aimez comme une personne, pas comme un Gourou.’ Il arrive que les gens tombent amoureux de leur Gourou,  mais s’il s’agit d’un gourou authentique il peut sublimer leur amour et le diriger vers le Divin. Mais s’il  n’a pas transcendé la personnalité, alors il y aura des problèmes.

   Il arrive assez souvent que des jeunes filles inexpérimentées ou de jeunes veuves, voire des femmes mariées, se laisssent entraîner sur un mauvais chemin. On dit qu’il faut abandonner son être entier, corps, esprit et coeur au Gourou. Abandonner son corps signifie abandonner ses désirs au Gourou afin qu’ils puissent être éliminés : cela ne signifie pas s’abandonner physiquement. (p.290)

 

Kishenpur (près de Dehra-Dun),  13 juillet 1956

    Mâ m’a autorisée à rester ici à Kalyanvan près de l’ashram de Kishenpur. C’est une très belle retraite, parfaitement tranquille, au milieu d’un grand jardin dont une partie est plantée d’arbres fruitiers. De là on découvre la chaïne de l’Himalaya.

   Ce matin, elle nous a parlé à Jack et à moi, et m’a demandé de noter Ses paroles : ‘Quand vous travaillez dans le jardin, vous devez servir les arbres et les plantes; vivez avec eux et essayez de devenir comme eux. Que les arbres soient vos Gourous. Un arbre donne des fruits et de l’ombre. Il vous donne son bois, que vous utilisez pour cuire vos aliments. L’arbre se donne entièrement, il negarde rien pour lui. Observez les arbres, faites-en des amis, et voyez ce qu’ils ont à vous apprendre. Et aussi ce que l’herbe vous apprend. Elle est humble et supporte tout. On marche sur elle, on la coupe, et elle ne se défend pas.Il en est de même pour la terre.

      Vous serez aussi responsible de la bibliothèque de l’ashram. Préparez le catalogue. Plus tard, elle deviendra plus grande.”

 

Brindavan, 11 mars 1937

   L’épouse de l’ambassadeur hollandais et son amie, toutes deux psychologues jungiennes, sont venues voirMâ et ont posé les questions suivantes :

Q : En psychologie, on guérit les patients en leur parlant, mais ici on dirait que votre émanation guérit les gens sans paroles. Nous essayons d’aider les gens. Que devons-nous faire pour eux en priorité?

Mataji : En cemonde, qui peut être considéré comme normal? Tout le monde est un peu fou : certains courent après l’argent ou la beauté, d’autres sont passionnés par la musique ou entichés de leurs enfants, etc. Ainsi nul n’est parfaitement équilibré.

Q : Quel est donc le remède?

Mâ : De même que l’on n’arrose pas les feuilles d’un arbre mais ses racines, de même il faut s’attaquer aux racines de la maladie des hommes. Le remède à toutes les maladies consiste à stopper les fluctuations mentales. Quand l’esprit aura cessé de s’agiter, alors tout ira bien pour l’individu, tant au niveau physique que psychologique.

Q : Comment les fluctuations mentales peuvent s’arrêter?

Mâ : En comprenant le chemin qui permet de découvrit “Qui suis-je?”. Le corps, qui passe de la jeunesse à la vieillesse, finit par disparâître. Ce n’est pas le vrai je. L’homme doit doncdécouvrir sa véritble identité. Quand il s’y emploiera, son esprit recevra la nourriture qui le calmera. L’esprit ne peut trouver une nourriture adéquate dans les choses de ce monde, qui sont périssables, mais seulement dans cela qui est Eternel. Le rasa, le nectar de cet Eternel, pacifiera l’esprit.

   C’est la joie qui est à l’orignie de l’univers, et c’est pourquoi les choses éphémères de ce monde procurent une joie passagère. Sans joie, la vie est  un supplice. Vous devez donc découvrir cette Joie pure qui a engendré le monde et qui est l’essence même de votre être. Et  cela se produit quand les fluctuations mentales s’arrêtent.

Q : Quel rôle spécifique peut jouer la femme?

Mâ : Une femme est avant tout une mère et son devoir est donc de servir les autres en les considérant comme ses propres enfants. Et puis, comme vous êtes en même temps fille, épouse et mère, il est donc important de prendre conscience que les trois ne font qu’un. Mais en chaque femme ily a un homme et en chaqsue homme une femme. Le devoir de la femme est donc aussi de trouver l’homme en elle.

Q ; Quel est le rôle spécifique de l’homme?

Mâ : L’homme est le reflet du Suprême, l’Un qui soutient l’Univers. La vraie virilité est la divinité. Et puis il y a l’Atman, qui transcende l’homme et la femme. Chacun doit découvrir cet Atman en lui-même. Chaque être humain a le devoir d’épanuoir à la fois l’hommme et la femme qui se trouvent potentiellement en lui, et de réaliser l’Atman qui letranscende tous lesdeux.

 

1er février 1960, Kumbha Méla

   En réponse à une question de Kriyananda (disciple de Yogananda Paramahamsa, il a écrit de nombreux livres sur le Yoga, et invite maintenant de temps à autre Swami Nirgunananda dans son centre à Assise):

   Un âsana sera parfait quand il surviendra spontanément comme une expression naturelle de notre état intérieur. Excécuter un âsana par effort volontaire ne peut jamais avoir la même perfection. Les âsanas sont liés au rythme de la respiration, et la respiration à l’état d’esprit à un moment spécifique. Quand on excécute des âsanas comme pratique de yoga – c’est-à-dire, dans le but d’arriver à la réalisation de l’union avec l’Un, qui existe éternellement–, seulement alors donnera-t-il le résultat souhaité. S’il est excécuté seulement comme excercice physique, il occasionnera la santé physique, mais c’est tout – pas la vraie union (yoga).

 

Epilogue  par Râm Alexander

 

 J’étais de retour à Hardwar en début de 1986 (4 mois aprèes le décès d’Atmananda) et le sort voulait que je demeure dans la même chambre de la dharamshala où Atmananda était morte. Peu après mon arrivée, Mélita est apparue devant ma porte avec un grand paquet enveloppé d’étoffe. Elle m’a saluée en disant : “Je crois que cela vous était destiné”. Le paquet contenait les dix volumes manuscrits du Journal d’Atmananda. Melita les avait sauvés de la petite maison d’Atmananda à Dehra-Dun peu avant qu’ils fussent destinés à être jetés. Elle pressentait fortement que je devais les avoir, tout en ignorant complètement qu’Atmananda m’avait déjà demandé ce travail. En ouvrant le journal, j’ai trouvé aplaties entre beaucoup de pages des fleurs que Ma Anandamayi avait données à Atmanananda,  parfaitement conservées après plus de 40 ans!

   J’avais presque complètement oublié ce journal au moment de le recevoir. Mais une fois la lecture commencée, c’est devenu clair pour moi qu’ildeviendrait le point culminant du travail d’Atmananda : toute sa vie, elle avait cherché à faire connaître Mâ Anandamayi à l’Occidennt.

   Comme toute réponse à la question : “Qu’est-ce que le vrai darshan?” Mère avait dit: “De voir  Cela, et quand c’est vu, disparaît à tout jamais le désir de voir autre chose : d’entendre Cela et quand c’est entendu, se tait à tout jamais ledésir d’entendre autre chose.” Le rapport entre Atmananda et Ma Anandamayi est finalement devenu un beau reflet d’un tel darshan.

 

Jay Mâ

 

21 décembre 2002, Assise.

 

Nouvelles

 

-         Le 26 novembre, nous avons fêté les 90 ans de Swami Vijayananda. C’était aussi la pleine lune et la fin de la Samyam Sapta. Nous avions demandé que la puja du soir au samadhi de Mâ soit faite à son intention. Curieusement, pendant la puja, il s’est mis à pleuvoir des cordes et cela a duré après ce qui fait qu’exceptionnellement, toute l’assistance est restée vingt minutes ou une demi-heure de plus dans le samadhi ce soir là…D’habitude, il ne pleut qu’un fois par mois en cette saison. La petite fête ensuite au Centre International avec les amis qui venaient d’arriver d’Europe s’est passée dans la simplicité et la joie, ce qui est naturel pour un disciple d’Ananandamayi.

-         Swami Nirgunananda a passé deux mois en Europe et un aux Etats-Unis : comme les autres années, il a été à Epernon et Terre du Ciel; en Allemagne il été reçu par un grand centre de Shivananda, et aux Etas-Unis par une Université où une grande partie des enseignants qui sont venus l’entendre parler de Mâ. En fin mars et début avril, l’école de Yoga de Terre du Ciel avec Alain Chevillat va venir pour une retraite à Dhaulchina. Dans le dernier numéro de la revue, celui-ci a mis un article sur Mâ avec de belles photos d’elle, peu connues.

-         Pour mettre un peu d’animation autour de Mâ, nous avons été averti parArnaud Desjardins qu’il y avait une escrocquerie en bonne et due forme qui se déroulait au nom d’Anandamayi. Une certaine Julie Haley prétend avoir reçu un cristal d’un disciple de Mâ qu’elle appelle Bhologhra, que personne ne connaît –et même ce  nom n’existe pas en Inde parmi les noms de sadhous qui ont tous un sens. Cette pierre aurait été donnée par Mâ et aurait des pouvoirs magiques, et la dame se fait prendre en photo avec deux personnes qui auraient gagné le gros lot au loto grâce au cristal. Elle adresse des lettres pseudo-personnalisées aux gens, en leur proposant de  leur louer à eux seuls le cristal pour six ou neuf mois. Il y a probablement un certain nombre de gens crédules en ce moment qui sont convaincus d’avoir le cristal “unique” de Mâ qu’ils ont loué à cette dame mpoyennant finances. Comme elle sait qu’elle peut être poursuivie pour escrocquerie, elle donne comme contact seulement une boîte postale à Amsterdam. Nous lui prépararons une lettre officielle de la Sangha lui demandant d’arrêter d’utiliser le nom de Mâ pour son commerce plutôt douteux.

-         Le site internet de Mâ (www.anandamayi.org ) se porte bien, avec 400 visiteurs par jour en moyenne. Nous y avons mis le premier livre de Vijayananda en anglais, In the Steps of the Yogis, au complet car il est épuisé. Il y a un autre livre très intéressant de Bithika Mukerjî, aussi épuisé, qui vient d’être tapé pour être mis sur le site. Il ne lui manque plus qu’une relecture. Il  s’intitule Neo-vedanta and Modernity. Bithika, qui, rappelons-le, est la biographe de référence de Mâ et a enseigné comme  Professeur de Philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès, soutient que leVédanta n’a guère besoin de la modernité, car il correspond au stade du sannyas où le sadhaka s’est déjà affirmé dans le monde de son époque. Elle nuance cet argument, et nous avons mis aussi une vingtaine de pages extraites de ce livre  dans l’ouvrage en français En compagnie de Mâ Anandamayi qui doit paraître courant 2005 aux Editions Agamat, traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne.

 

 

 

Le Bel Art de l’Ame

à l’école de Mâ

 

Par Antonio Dagnino

 

    Antonio est revenu récemment à Kankhal avec un livre déjà écrit aux deux tiers à propos de ses souvenirs de l’Inde entre les années soixantes et soixante-dix, contenant principalement ses réminiscences de  Mâ à partir de 1964 et des poèmes qui lui sont consacrés. Il a rédigé son ouvrage directement en anglais.  Originaire du Vénézuela, il a étudié lesBeaux-Arts à Paris après une adolescence tempétueuse et a été fasciné par l’Inde un peu avant avant que la vague des jeunes y aille dans les années 68. Sa rencontre et sa relation avec Mâ ont fortement aidé à faire de cette expérience quelque chose de constructif et de durable, puis Mâ l’a renvoyé en Occident où il a fait une carrière de Professeur de Beaux-Arts à l'Université au Vénézuela. Il a maintenant quatre filles. Avant la retraite qu’il vient de prendre, il a pu enseigner toujours les Beaux-Arts, mais à l’Université de Bangalore. Trois de ses filles, bien  que vénézuéliennes,  sont installées en Inde où elles poursuivent leur sâdhanâ, deux d’entre elles en lien avec Sathya Sai Baba et une installée à l’ashram d’Amma au Kérala.

   Nous commmencerons par traduire le récit de sa première rencontre avec Mâ, puis un poème à Mâ écrit pendant la Durgâ Pûjâ de 1971, et enfin d’autres réminisences.

En arrivant en Inde, Antonio a d’abord rencontré à Delhi  une dame âgée connue pour sa voie mystiquye entre soufisme et bhakti, Raihanna Tyagi ; il a eu un lien fort avec elle:

 

    Il est facile de comprendre qu’un garçon de 24 ans qui a vécu pratiquement seul depuis qu’il en avait 11, et a été de façon insistante en recherche de son identité, ait pu croire de tout son coeur, après avoir rencontré une grand-mère si aimante et magique, qu’il soit finalement arrivé à la MAISON.

   Mais il n’en était pas ainsi.

   Et ce fut Raihanna elle-même qui m’a contredit, en m’envoyant à Hardwar pour rentrer en contact avec Sri Sri Ma Anandamauyi, cette femme dont j’avais vu la photo à Paris dans une libraiire et j’avais pensé : « Si jamais j’arrive à la rencontrer, je serai sauvé ».

 

   En une soirée éléctrique de septembre, dans un ashram immaculé qui dominait le ruban argenté et orange du Gange, et le bastion indigo, améthyste et rose de l’Himalaya lointain, mon désir le plus cher a été comblé et mes prières ont reçu leur réponse : après avoir attendu pendant plusieurs heures avec le coeur battant qui me criait qu’il s’agissait du jour le plus important de mon existence, la plus belle femme de la terre m’est apparue tout d’un coup –  surnaturelle et sublime. Et pourtant  si pleine de compassion, si maternelle qu’on pouvait ressentir son grand amour même à distance, comme une caresse…

    Quand chacun eût fini de se lever pour aller recevoir sa bénédiction, elle s’est assise, jambes croisées ; son corps vêtu de blanc était complètement relaxé, et pourtant énergétique et vibrant. J’ai eu l’audace de lui faire passer, de ma place au fond de la salle, une lettre d’introduction que Soeur Raihanna m’avait donnée.

   C’était en hindi et quand un Swami barbu vêtu d’orange l’a lue à voix haute, je n’y ai rien compris…Mais le visage de Shri Ma s’est illuminé, elle me jeta un coup d’oeil rapide et m’invita à ses côté d’un geste charmant, accompagné de la voix la plus belle que je’aie jamais entendu.

   Tandis que je m’avançais vers elle, je me damandais quel âge elle pouvait bien avoir, car elle paraissait alternativement très jeune et très âgée, très innocente et très sage, très puissante et trèsdélicate. Et je réalisai alors qu’à chaque pas que j’effectuais, je devenais de plus en plus léger,  comme si j’étais vidé par sa grâce de ce qui sembait des siècles de poids, de douleur, de peur et de chagrin.

   Quand je parvins à ses pieds, je me sentis presque éthéré, et elle fit signe d’un autre geste de la main et des yeux de m’asseoir sur le tapis en face d’elle. Elle me demanda par l’intermédiaire d’un interprète d’où je venais. Quand je répondis, Shri Mâ voulut savoir pourquoi j’éatais venu en Inde de si loin. Après quelques secondes de questionnement profond, je répondis : « Pour trouver mon Soi véritable ».

   C’est ce que j’ai fait.

   Je ressentis un calme immense. Et puis je ne pouvais guère m’empêcher d’être perdu dans l’infinité de ses yeux…

   Et de cette profondeur un rayon de lumière, d’amour, de pouvoir pénétra mon être entier ; le nettoyant ; l’inondant : le dissolvant en une Conscience éveillée, parfaite, silencieuse.

   Et durant les quatorze heures qui suivirent, il n’y eut que la félicité : pas une pensée. Pas un sentiment personnel de volition. Pas un souvenir, ou évaluation, ou regret ou désir !

Seulement le moment présent, dans sa lénitude et son immensité. Seulement la lumière, l’amour, la beauté et la paix profonde.

Seulement l’Etre pur, sans mélange d’aucune sorte, trouvant joie en lui-même.

   (Quand ce samadhi s’est finalement évanoui à cause des tiraillements de mon prarabdha karma [karma accumulé], je me souvins tout d’à coup d’une vision de la Vierge Marie quand j’avais 10 ou 11 ans, dans laquelle elle avait prédit que je “passerai par bien des douleurs et confusions”; mais que je ne devrais pas  paniquer, car elle reviendrait au moment juste, prendrait ma vie en charge et m’aiderait à changer ma destinée.)

 

 

Je dois tout à Mâ : je crois que si je ne l’avais pas rencontrée, j’aurais été submergé parla folie et une mort prématurée, comme ma soeur C. et plusieurs amis.

   Grâce à sa shakti-pat [descente d’énergie sur le disciple provoquée par le gourou] j’ai reçu la mantra-dikshâ, l’initiation, mon amour pur l’Esprit s’est accru, mes intuitions visionnaires se sont développées et sont devenues poésie et art.

   Elle m’a donnée une femme aimante, quatre filles belles et un travail stable auquel j’ai toujours pris plaisir.

   Mais plus que tout, elle s’est donnée Elle-même : le Suprême, l’Absolu, le Dieu omniprésent sous forme féminine qui vit pour toujours en mon coeur.

 

 Ces poèmes sont des flammes

Offerts aux pieds bien-aimés

 et toujours présents de Shri Shri Ma Anandamayi

 durant la Durga Puja du printemps 1971

[la statue deDurga en train de tuer le démon Mahîsha est honorée pendant neuf jours et neuf nuits, d’où son autre nom de nava-râtrî]

 

 

Param-Gourou, Para-Shaktî, Param-Ishwarî

 

 

1

 

Une auréole rouge vibrant

Autour de votre forme sombre,

Une lumière d’un rouge profond

Qui se transforme en un feu brillant, débordant de félicité,

Transportant le coeur

Vers un espace joyeux et pulsatile

Au-delà de la pierre et de la forme et du nom.

 

O Toi qui a trois yeux;  génitrice de la totalité

Énergie se déployant à tout jamais,

Matrice

D’où jaillit

La vie éternelle de l’éternelle vie

Par le mystère de ta mâyâ,

Créant les univers en expansion

Dans un espace-temps sans limite

O Toi qui te dissous, quand la maturité survient,

Dans la gloire sombre et Unique.

 

2

 

Mère primordiale,

Vision de beauté

si sacrée

Qu’elle consume la conscience de tout le reste,

Transmutant la peur

En une révélation ineffable d’amour…

 

Sans visage

Avec un visage

Avec neuf visages,

Avec une infinité de visages….

Transcendant les trois temps,

Les cinq voiles,

Tous les royaumes du devenir…

Extension mystique de la lumière

Où l’esprit rayonnant du Père

Se fond dans l’extase.

 

Vous venez comme une radiation d’Etre pur,

Insondablement essentielle,

Remplissant les espaces sombres de mon ignorance

Avec l’inondation rougeoyante de votre grâce !

 

3

 

Mère vêtue de blanc,

Source immaculée d’une intelligence toute-puissante

Ornée comme d’une guirlande par la capacité

De combler les désirs   

Des êtres nus

Qui sont tombés amoureux de vous :

Ils se transforment en  champ de crémation

Répètent votre nom incessamment

Jusqu’au moment où, sous forme d’équanimité,

Vous apportez la compréhension

Et le souffle d’une paix extatique.

 

Dévî.

Aujourd’hui vous êtes éclatante, d’une splendeur infinie

Parmi les mondes qui nagent librement

En votre coeur caressant.

 

Vous dissolvez la souffrance

Crée par des siècles de dur labeur

Et l’illusion récurrente

De l’attachement au corps

Commes’il était la vie elle-même,

Croyant par erreur

Que je

Suis seulement l’accumulation de douleur et de plaisir…

En effet, le cadavre solitaire

Se consumera inévitablementet et s’en ira

Au fil dela rivière toujours neuve.

 

Tuez-moi, Mère !

Tuez les démons qui me rongent

Tuez les illusions qui empoisonnent de désir

Et souillent d’angoisse

Le réceptacle sacré

De votre lumière qui s’est allumée d’elle-même !

Apprivoisez mon orgueil par vote douceur,

Dancez sur mes peurs comme sur des cadavres,

Réduisez au silence, par les débordementsde votre pureté

Les serpents qui terrifient mon coeur.

 

D’un poison divin, tuez mon karma empoisonné

Faites-moi demeurer dans l’obscurité divine

Dans le non-savoir

Dans le silence du Vide,

Ô, Vous !

 

Parce quevous êtes

La racinede toute aspiration,

Le frisson de la joie qui court,

La cicatricede la souffrance qui s’efface,

Et la mémoire de naissances sans fin

Où nous fûmes nourris par votre main intemporelle

Alors que nous ne le savions même pas !

Inconscients d’être la sorce d’éternité…

Vous, Vous, Vous.

 

 

4

 

Ô compassion…

Vagues d’attention, d’affection sans fin,

Intelligence d’amour,

Goutte une de pure lumière qui grandit comme une semence,

Telle une galaxie tourbillonnante…

 

Ô Mondes !

Ô espaces puissants delumière fondue

Dans vos yeux bien-aimés !

Ô radiation

Qui absorbe en elle-même

La matrice des formes-pensées, des sons et des gènes

Dans l’instant du Pralaya [dissolution]!

Ô source, mer, inondation

D’un feu inconnu qui brûle mes limitations

  Et donne des ailes à l’âme !

 

…Espace, pas de limites à l’espace,

pas de limites à l’énergie libérée,

pas de limites à l’être

            conscience

                        ravissement …

 

 

 

   Si, lorsqu’elle était en Inde, Nadine, ma première épouse, avait pensé que j’étais devenu un fanatique religieux bon pour l’enfer (tombé amoureux de Mâ Anandamayî pour compenser une relation frustrante avec ma propre mère), qu’aurait-elle pensé de moi après son départ quand, libre de son influence amoindrissante et après avoir obtenu un programme d’études souple de la part de l’Université Hindoue de Bénarès, je me suis mis à vivre selon ma propre inspiration, faisant mes propres choses à mon propre rythme, et ne faisant jamais ce que je n’avais pas envie de faire ?

   Je devins totalement centré sur Mâ : je ne pouvais m’empêcher de m’abandonner à sa plénitude et de laisser ma vie graviter, spontanément et passionnément, autour d’elle. Je respirais Mâ, mangeais Mâ, étudiais les ensignements de Mâ, pensais à Mâ constamment (ou aussi souvent que mon mental brûlant et fou le permettait), rêvais de Mâ, m’identifiais à Mâ, avais des visions de Mâ, et m’endormais et me réveillais avec Mâ et obéissais à chacune de ses paroles et commandements mentaux de mon mieux – c’est sûr, je n’y réussissais pas toujours.

   Même lorsqu’elle était à l’autre boutde l’Inde, sa photo semblait prendre vie quand je m’asseyais pour méditer, et tant que je ne m’égarais pas loin de mon propre centre, je ne me suis jamais senti trop éloigné de sa Présence.

  Mais pourtant, les démons maudits faisaient rage ! Les forces déchaînées du rajas et du tamas attaquaient del’intérieur et de l’extérieur, fiévreuses, morbides, cupides ; elles me sautaient dessus afin que je ne puisse conquérir – grâce à la bhakti et à une attention imperturbable–  le Portail de la Paix.

   A certains moments, ma peur était horrible, insupportable ; glauques et putrides étaient les racines de l’inconscient. Tortueux, les mille et un attachements qui me tenaient prisonniers dans les chaînes dorées d’une sentimentalité aussi poisseuse qu’insipide.

    Mais, peu importait la durée de la bataille intérieure, la difficulté et l’intensité du combat, je n’ai jamais oublié que, aussi longtemps que le Saint Nom tournoyait en mon coeur et sur mes lèvres, la Mahâshaktî me protègerait. En effet, aucune force de ténèbre ne peut tenir bon devant un pouvoir d’Amour infini et de Paix absolue.

 

*****

   Bien sûr, pour l’intellect sophistiqué  de l’occidental moderne, ou pour la mentalité traditionnellment dualiste des musulmans, des chrétiens, des juifs ou des rationalistes indiens modernes, adorer un être humain comme un dieu vivant est un blasphème (pour des raisons différentes selon les conditionnements de chacun). Mais ce préjugé en général implose si on a la chance de communiquer avec quelqu’un comme Shri mâ, qui est de fait l’Etre Suprême, loin au-delà tout conditionnement ou limitation, et pourtant complètement familière avec ce qui nous carctérise. (Et je dis communiquer, pas seulement être assis là et tomber dans le jugement comme Nadine avait l’habitude de faire). Oui, si nous nous ouvrons au miraculeux, nous serons submergés et nos vies seront changées. Car le miraculeux est l’essence véritable de la condition humaine, et quelqu’un qui est totallement conscient de cette essence ne peut s’empêcher d’émaner des effluves de grâces merveilleuses, magiques et trancendantes sur tous ceux ou toutes celles qu’il rencontre.

   Pareille à Durgâ ? Pareille à une Dakinî du Bouddha? Pareille à Krishna ? Pareille au Christ ?

*****

 

   Un jour en fin dematinée pendant la saison des pluies, quand le Gange se gonfle comme en un flot débordant et puissant de force brune et liquide et quand des vols d’oiseaux traversent l’horizon sur fond de murailles de nuages gris perle et platine, Anna, une amie proche, me prit par surprise quand elle frappa à ma porte après des mois sans avoir donné de nouvelles.

   Elle avait la peau tannée par le soleil et était amaigrie par le fait d’avoir marché avec Shri Pad Baba et ses disciples (parfois pendant des journées d’affilée) autour des sanctuaires les plus vénérables du Nord del’Inde (à propos desquels elle me raconta des anecdotes merveilleuses de dévotion et d’austérité, de sacrifice et de rasa [‘saveur’ de l’expérience intérieure]. Pourtant, parmi tout ce qui lui était arrivé de stupéfiant, ce qu’il y avait eu de plus choquant et gratifiant venait de se dérouler, à Bénarès même, juste ce matin. Et j’allais être le premier à en entendre parler:

    Quand Anna était descendue du train, les premiers rayons de soleil donnaient chaleur et couleur à la foule bariolée, agitée, bruyante, polyglotte qui s’entassait dans les compartiments ou descendait à Kachi, la ville sacrée, pour inonder le labyrinthe de rues comme un delta humain à la recherche du Gange. Les flots de gens s’écoulaient dans toutes les dirctions possibles vers les ghats, les champs de crémation, les temples et dharamshalas vénérables et pleines de monde. Dans un état un peu second et toujours somnolente, Anna décida, sous l’inspiration de l’instant, de visiter l’ashram de Mâ avant de continuer son propre programme, et elle prit donc un rickshaw vers Bhadaini. Une fois arrivée, elle se mit à faire attention à l’aspect qu’elle donnait. Elle fut l’objet de regards sévères, durs, à la porte de l’ashram, qui la forcèrent à reconnaître qu’elle n’avait pas encore pris son bain, et que sa longue robe était plus ou moins fripée et sale, ayant été portée durant toute cette période de vie austère qu’elle avait menée, depuis qu’elle avait donné son argent aux pauvres et s’en été remise à Shri Pad Baba. Ainsi donc, elle respira profondément, décida de ne pas être vexée par ces sales regards, tourna la tête dans l’autre direction et monta jusqu’au temple d’Annapurna Dévî au premier étage pour attendre le darshan de Shri Mâ.

   Mais cela ne devait pas se faire, car deux brahmacharis très vindicatifs lui ordonnèrent de s’en aller sur le champ, l’agressant par des sourires sardoniques tandis qu’ils la ramenaient à la porte de l’ashram, en marmonnant quelque chose du genre : “Ces femmes occidentales impures ne font que polluer notre domaine”.

   Anna était en état de choc. Elle ne pouvait croire que cela s’était réellement passé dans la maison même de Mâ. Elles’assit donc sur le seuil et fondit en larmes, désespérément, sentant le risque dêtre submergée par une vague de doute amer et un sentiment terrible d’indignité…

   Cependant, au bout de seulement cinq minutes environ à être plongée dans cette humeur triste, ces hommes mêmes qui l’avaient mise dehors revinrent (maintenant pleins d’attentions et quelque peu onctueux) et l’emmenèrent à l’autre bout de l’ashram, tout en haut. Anna ne pouvait se rendre compte de ce qui arrivait, mais avant qu’elle ait le temps de réellement se remettre et de demander, on l’introduisit dans la petite chambre où Mâ qui l’attendait l’embrassa. Et ensuite (pour une demi-heure? Pour une éternité?), elle plongea dans un oceéan de communion joyeuse, intime, silencieuse avec quelque chose d’absolument parfait qu’elle était tout à fait incapable de me décrire!

    Ce n’est que lorsqu’elle a été ramenée à la porte de l’ashram par une brahmachirinî de Mâ qu’elle saperçut que lorsqu’elle avait été éjectée du temple d’Annapurna et s’était mise à pleurer, Shri Mâ aussi avait commencé à pleurer dans sa chambre, en se plaignant avec découragement qu’elle était expulsée de sa propre maison par des gens sans coeur! Cela prit quelque temps pour que  la dame qui assistait Mâ comprenne que quelque chose avait dû se passer à l’extérieur. Et, après s’être renseignée, Mâ expliqua ce qui s’était déroulé et demanda de faire venir Anna pour un darshan.

 

*****

 

   Il est intéressant de citer la critique vigoureuse qu’Antonio fait des artistes modernes, en particulier en ce qui concerne leur manque de dimension spirituelle. Ces réflexions ne sont pas des vaticinations gratuites, mais le fruit de toute une carrière dans le milieu artistique à Paris, à Londres et au Vénézuéla:

 

    Désespoir sans porte de sortie, sans âme, morcellement mental, agonie à donner la nausée et violence implacable semblent être les composantes centrales de la condition humaine telle qu’elle est mise en avant par la littérature et l’art occidental le plus influent depuis la fin du XIXe siècle ou même avant. De fait, je  ne peux guère me souvenir d’un poète qui, après Walt Whitman qui n’avait pas eu peur de soutenir son chant du rythme d’un gong cosmique, ait proclamé – comme les sages de l’Inde le font–  la sainteté du Soi, le pouvoir de l’amour et la joie d’une vie pleine et généreuse.

    Je ne pouvais convaincre la plupart des artistes et des écrivains que je connaissais de ce fait : peinture et poésie doivent faire plus que juste explorer les labyrinthes sombres de l’inconscient et de démasquer nos peurs cachées, elles doivent aussi donner vie à l’aspect magique, dynamique de la beauté, où l’amour et la mort, l’homme et la femme, la lumière et les ténèbres se rencontrent, se fondent, puis s’élèvent encore –au-delà de l’affirmation de soi et de l’apitoiement sur sa petite personne– dans le royaume subtil de l’espace et de la couleur pure…où le Divin Inconnu se laisse saisir !

    J’écris sur ceci, car, dans notre société agnostique hautement individualiste, folle d’argent, tenaillée parl’argent, dans laquelle la plupart des gens ont perdu contact avec leurs croyances d’enfance et avec les valeurs de la religion, de la sensibilté et de la spiritualité, l’artiste doit être le prêtre. Et si le prêtre, commeSartre, déclare que la vie ne vaut pas tripette…ou décrit,commme Kafka, les métamorphoses d’un être humain non pas en unange ou en Dieu, mais plutôt en un insecte impuissant et mourant, certainement l’humanité s’est égarée. Quelle consolation ou guidance peut-on donner pour contrebalancer la violence gratuite d’ « Oranges mécaniques », le pessimisme morbide de  « La Peste » et du  « Repas nu », ou la philosophie suicidaire d’une sculpture conçue pour s’auto-détruitre si vous appuyez sur le bouton ?

    Ces artistes qui tournent le dos à l’esprit et adorent les ténèbres et le désespoir avec leurs oeuvres, ne font que répandre leur maladie mentale de par le mond, et ce au détriment de tous.

   Cherchons la Lumière, et exprimons-là !

 

Envol vers le Kailash

 

A Shri Shri Mâ Anandamayî

 

Assoiffé, extatique, obsédé,

Passionné, persévérant, déprimé,

J’ai marché au travers du souffle sacré de l’Inde

En recherchannt Shiva ; en recherchant la folie et l’amour,

Une lumière d’en haut,

Du dedans, au-delà de la portée de mon regard.

….Mais au pieds des montagne bleues aux pics enneigés,

fatigué, je suis tombé comme une colombe avec du sang sur le bec,

esseulé et affaibli…

 

C’est alors qu’une vision magique, inattendue ou un rêve

–répondant à mes prières– m’a replacé sur les ailes :

Avec des yeux enflammés

Emettant des nuances dans  toutes les teintes

La Mère de mères m’a fait pris avec elle en son envol…

Léger commme la lumière,

Allongé, je sortais de mon corps par la colonne vertébrale

Et mon esprit se projeta vers le pilier stratifié, solennel

Du lointain Mont Kailash,

L’épine dorsale de ce monde

…et comme nous nous élevions

Je vis la rose absolue aux pétales de ravissement,

Et nous avons escaladé ces pétales profonds, plan par plan,

Jusqu’à des niveaux d’intoxication toujours plus hauts et la félicité jeune à tout jamais.

 

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    En cas de problèmes de ‘Jay Ma’ précédents qui n’auraient pas été reçus, s’adresser directement à Pushparaj Pandey en écrivant un courriel en anglais à ishu1145@yahoo.co.in  ou à Ma Ananadamayi Ashram Kankhal 249408 Hardwar UA Inde ou par téléphone au 00 91 98 37 38 90 33. Il est en charge de l’envoi des ‘Jay Ma’ et a maintenant une photocopieuse chez lui pour refaire de nouveaux exemplaires si besoin.

    Jacques Vigne réside à présent principalement au Sri Sri Ma Anandamayi Ashram Dhaulchina  263681 Almora UA Inde

 

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ

Hari Baba par Swami Vijayananda

Le Bel Art de l’Ame par AntonioDagnino

Voyage vers l’immortalité par Atmananda

Nouvelles

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Jay Ma  N° 76   -    Printemps 2005

 

 

 Paroles de Ma  

 

     Il est Celui dont le souvenir apporte la libération de toute anxiété - penser à Lui seul est bon et juste. À chaque instant, efforcez-vous de soutenir la contemplation de Dieu, le flot de son nom. Par la vertu de Son nom, tout mal-aise devient aisé.

 

     En vérité, tout est sa loi. Comment celui qui est capable d'accepter ceci demeure encore tellement perturbé ? Ce n'est que votre devoir de considérer tout comme Sien. Quoi qu'Il fasse, faites en sorte que Sa pensée vous garde en paix.

       Le sens du manque s'élève-t-il parce qu'on n'obtient pas l'objet désiré ? Quand son désir demeure frustré, le fruit de celui-ci ne vient pas, continuer à en avoir intensément envie et en être répétitivement déçu, n'est-ce pas a priori un processus futile ? Quand il y a désir, l'expérience du manque et du chagrin est tout à fait naturelle du point de vue du monde. Ce monde change constamment : tout ce que vous pouvez désirer en provenance de lui apportera le chagrin. Même si on peut parfois y obtenir un bonheur momentané,  chercher Cela dans lequel il n'y a pas de chagrin et dans lequel on réalise, voici le seul devoir de l'homme.

 

      Forcez-vous à prendre le médicament. C'est sûrement le devoir de l'homme de chercher refuge dans la pensée de Dieu, même quand il n'a pas d'inclination à le faire.

 

     Abandonner la protection que la vie de famille nous procure afin de consacrer ses journées entièrement à la Quête Suprême est difficile. Si vous en êtes capables – c'est bien. Mais réfléchissez soigneusement sur ce qui vous y pousse de  l'intérieur : Sa volonté sera faite.

 

     Celui qui vous a donné ce que vous possédez dans ce monde, richesse, distinction, jeunesse, appelez-Le pour lui-même. Vous ne pouvez pas ? Pourquoi ? Vous allez y être obligés ! Vraiment, l'être humain peut faire toute chose. Qui peut dire ce qu'Il va donner à qui et à travers quoi ? Tout est Sien, entièrement Sien.

      En ne priant pas pour quoi que ce soit de ce monde, efforcez-vous de vous abandonner sans réserve à Lui- là où il n'y a aucun désir ou manque de quelque sorte que ce soit, pas de douleur, pas de luttes intenses et douloureuses. C'est en Lui qu'on  parvient au sommet de l'accomplissement.

 

 

Réminiscences d'Amulya KD Gupta

 

 

Dhaka, le 23 octobre 1938

 

[La présence résiduelle d’un sage en un lieu donné]

    Ce matin-là, Mâ s’est rendue à l'ashram de Siddhesvari, près de Dacca dans la jungle, avec le Dr Pant (un médecin-chef en retraite qui était un des fidèles très anciens de Mâ). Je les ai suivis en voiture à cheval. En arrivant au temple de Kali à Siddhesvari, j'ai appris que Mâ était partie dans la maison du mahant, le chef du temple. Il y a plusieurs années, un Mahâtmâ qui s'appelait Swâmî Soumerou Van avait effectué des pratiques intensives à cet endroit et était parvenu au siddhi (la perfection)....

Mâ déclara : "Il y a une prophétie qui a cours ici : tant que  la plante grimpante le long du manguier est vivante et que la chaîne de fer n'est pas entièrement recouverte par l'eau du puits, Babaji (Soumerou Maharaj) demeure ici. Il fut un temps où tous les environs étaient des endroits consacrés à la sâdhanâ.

Naresh Babu : Ceci a dû se passer il y a bien longtemps.

Mâtâjî : Oui, tout à fait. Néanmoins, bien que tout ceci appartienne au passé, on peut toujours en sentir la vibration. Même si l'herbe pousse sur une terre carbonisée jusqu'à la couvrir, on sait que le sol est toujours brûlé par dessous, c'est quelque chose de similaire.

Moi-même : Ces vibrations dont vous parlez sont-elles dues à la transmission d'un individu ou des pratiques qui ont été effectuées à cet endroit ?

Mâtâjî : Elles sont aussi causées par certains samskâra. Le fait que Babaji ait affirmé qu'il resterait ici aussi longtemps que la plante grimpante est vivante, montre qu'il avait un désir de demeurer en ce lieu. Sinon, il aurait pu déclarer qu'il était partout. Puisqu’il s’est référé à cet endroit particulier, on peut supposer qu'il avait une prédisposition en faveur de ce lieu même.

Moi-même : Mâ, après avoir transcendé la naissance et la mort, est-ce qu'on existe toujours dans un corps éthérique ?

Mâtâjî : Le corps éthérique aussi finit par périr. Cependant, les grands êtres, mahapouroushas, assument souvent des formes particulières. Ceci est causé par leurs dispositions inhérentes. Certains, même après avoir assumé ces formes particulières, peuvent quand même demeurer immergés dans l'Etre  Suprême. On peut encore dire que l'existence simultanée d'une absence de forme est aussi possible.

Après ces discussions brèves, Mâ partit pour Shahbag.

 

 

 [Il ne faut pas demander à Mâ de donner son avis sur le niveau spirituel de quelqu'un]

Ramana Ashram, Dacca, 17 août 1939

Moi-même : Shobha Mâ [une sainte femme de Bénarès contemporaine de Mâ] déclare qu'une fois qu'on a été béni par la grâce d’un sadgourou, on atteint la Libération dans l'espace de trois naissances. On peut aussi appliquer ce principe à des individus qui ont moins de qualification. Est-ce correct ?

Mâtâjî : Je ne sens pas de répliquer à cette question maintenant.

Moi-même : Shobha Mâ affirme qu’il ne peut y avoir plus de neuf sadgourous vivant simultanément dans le monde. Cela ne fonctionnera pas si il y en a un  de plus ou de moins.

Mâtâjî : Est-ce que Shobha Ma dit cela? Moi-même, je ne peux rien dire de ce genre. Vous devez considérer qu'il y a une variété infinie d'expériences dans le monde spirituel. Tout est possible. En ce sens, l'existence simultanée de neuf sadgourous est aussi correcte.

Moi-même : Après avoir atteint l'accomplissement, est-ce que le point de vue de tout un chacun ne devient pas également valide ? Ainsi donc, pourquoi certains parlent d'une façon claire et définie tandis que d'autres se contentent de faire des allusions vagues à propos de l’Infini ?

Mâtâjî : Voyez-vous, la plénitude est constituée à la fois des parties et du Tout. Quand vous voyez quelque chose d'une façon partielle, comment pouvez-vous voir le Tout ? Si vous désirez réfléchir ou contempler quelque chose d'une façon convenable, vous ne pouvez le confiner à l'intérieur de limites données.

Moi-même : Ainsi donc, dois-je comprendre que ce ne sont pas tous ceux qui ont expérimenté  le Brahman qui sont pleinement réalisés ? Par exemple, les divers auteurs de nos Shastras sont, dit-on, des connaisseurs de Brahman et ces Shastras indiquent des chemins bien définis d’accomplissement ­− ils ne sont pas vagues.

Mâtâjî (en riant)  : On peut répondre à ceci de deux façons : d'une part,  on peut dire qu'ils ont décrit simplement leurs propres expériences, il s’agissait donc d'une exposition partielle de la vérité. D'autre part, on peut avancer l'argument qu'ils ont écrit pour éduquer le public. Ainsi les auteurs des Shastras qu'on suppose avoir été des connaisseurs de Brahman peuvent ou non avoir été entièrement réalisés. Avez-vous compris, maintenant ?

Moi-même : Oui, j'ai saisi d'une certaine manière, mais pas complètement.

Mâtâjî (en riant) : Vous essayez de trouver les individus qui on a atteint un niveau particulier,  mais rien à proposde ce genre de sujets ne sera dévoilé par ce corps.

 

Amrita Varta, VIII, 4, octobre 2004p.2-7 (extraits)

 

 

Pensées de l’Himalaya

 

Par Swami Nirgunananda

 

Qu’est-ce que  la poûjâ ?

Il y a des définitions variées et détaillées de la poûjâ dans nos Ecritures. Une définition simple de la poûjâ, c'est qu'il s'agit d'une action accomplie avec amour pour faire plaisir à quelqu’un. De façon conventionnelle, poujâ signifie effectuer des rituels et des offrandes à Dieu accompagnées de mantras afin de lui faire plaisir.

Qu'est-ce que l’abandon [surrender] ?

C’est de tout consacrer, y compris soi-même, sans conditions au Bien-Aimé ou à Dieu, voilà ce qu'on appelle l’abandon. C'est le stade le plus élevé de la dévotion. Dans cet état, il y a une cessation complète de la volonté individuelle et dépendance totale à la volonté divine. Je vais vous raconter une histoire authentique à ce sujet :

Au Bengale, il y a avait un érudit réputé du nom de Shashi Bhusan Sanyal ; il était un contemporain du grand saint de l'Inde d’alors, Shrî  Ramakrishna. Il était un puits de science et de sagesse, il faisait autorité sur des domaines aussi  variés que les différentes formes de médecine, la science, les mathématiques, la philosophie, les religions et les Ecritures. Shrî Ramakrishna envoyait ses disciples brillants comme Vivékânanda ou Abhédânanda pour étudier le védanta chez lui. Bien que Shrî Sanyal fût disciple d’un autre saint fameux de l'Inde, Swâmî Shivarâma, il avait le plus grand respect pour Shrî Ramakrishna. Il n’acceptait jamais d’honoraires de ses étudiants et pratiquait les trois branches de la médecine, l'homéopathie, l’allopathie et l'ayur-véda pour gagner sa vie. Il était le seul membre salarié d’une  famille de trente-cinq personnes.

       Une fois, Ramakrishna lui a demandé de ne plus pratiquer la médecine et d’essayer de dépendre complètement de la grâce de Dieu même pour ses besoins matériels. Il a pris le vœu de ne rien demander à personne et a commencé à pratiquer âkâsh vritti [la  tendance, l’habitude vritti, du ciel, âkâsh,  de celui qui jamais ne demande ni ne mendie quoi que ce soit, même pour ses besoins quotidiens et qui s’abandonne complètement à la volonté de Dieu]. Vous pouvez imaginer quelle période difficile il a eue à traverser pour nourrir trente-cinq bouches affamées avec deux repas par jour sans aucun revenu. A certains moments, la famille avait à jeûner pendant des jours entiers mais il n’en disait rien à personne. Il ne perdit pas son équilibre mental et n'a pas dévié non plus de son vœu malgré toutes ces difficultés. Un jour, pendant qu'il enseignait, un facteur lui a apporté un pli recommandé provenant d'une personne inconnue de Bénarès. Il l’a ouverte, a sorti la lettre, l'a lue et a poursuivi le fil de son enseignement. Des larmes coulaient à flots de ses yeux. Les étudiants étaient étonnés de voir cela et pensaient que c'était tout à fait inconvenant pour un homme comme lui qui était établi dans l'état le plus haut du védanta de tant souffrir après avoir lu une lettre ! Ils avaient vu le même homme porter  son jeune enfant mort dans les bras sans aucun signe de chagrin ni de larmes aux yeux. Swâmî Abhédânanda  (qui s'appelait alors Kali Mâharâj) ne put s’empêcher de demander à Shrî Sanyal la raison de sa souffrance. Il tendit la lettre à l’étudiant : "Ce ne sont pas des larmes de souffrance, je suis ému par la grâce du Seigneur et ne peux m'empêcher de pleurer. Tu peux lire ce qui est écrit et te rendre compte par toi-même." Le pli venait d'une personne bien connue de la célèbre famille Mitra du quartier de Chowkhamba à Bénarès et contenait 500 roupies en liquide. Il y était écrit que la personne avait vu en rêve  le Seigneur Shiva lui apparaître et lui dire qu'un fidèle à Calcutta avait vraiment besoin d'être aidé ; il avait jeûné avec toute sa famille durant ces derniers jours. Le Seigneur lui avait  donné le nom et l’adresse de Shrî Sanyal en rêve, sur la base de quoi Mitra avait envoyé la lettre ainsi que l'argent avec l'espoir qu'elle atteindrait la personne à laquelle elle était destinée. Ce n'est qu'alors qu’il parla à ses étudiants de sa situation financière misérable. Il savait à l'évidence que beaucoup de gens auraient pu venir à son secours au moindre signe de sa part mais il voulait s’abandonner complètement à la volonté de Dieu et avait la ferme croyance que Celui-ci s'occuperait de tous ses besoins matériels. Il s'était abandonné à Dieu par amour pour lui.

    Il y a une autre sorte d'abandon qui résulte de la peur. Supposez qu’un homme avec un revolver m’attaque pour une raison ou pour une autre. Pour sauver ma vie, je lève les mains et me rends à lui. Ce sont les circonstances, et non pas l'amour qui m'obligent à effectuer ce geste de reddition dans l’espoir de sauver ma peau. Et je ne suis pas sûr que l'agresseur m’épargne ou non. L'abandon est une conviction de toute la vie, et non une solution de facilités pour un temps limité. Prenons un autre exemple – on dit très souvent qu'un homme qui craint Dieu s’abandonne à Sa volonté. Il peut être honnête en parlant ainsi pour la période actuelle. Si son jeune enfant est sur son lit de mort et que le docteur a abandonné tout espoir, la seule option qui lui reste est de tout abandonner et de prier Dieu. Mais si le garçon meurt,  immédiatement, il va s'exclamer : "Dieu, qu'as-tu fait ?" C'est un abandon motivé. L'abandon authentique est la fusion de la volonté individuelle avec celle de Dieu sans aucune arrière-pensée.

Comment un gourou peut-il aider son disciple ?

De la manière dont un maître aide ses étudiants ou de celle dont un répétiteur entraîne ses élèves. Un gourou montre la voie pour que ses disciples soient exposés aux potentialités latentes qu'ils portent en eux.

Est-ce que les relations que nous entretenons dans le monde nous aident dans notre développement spirituel ?

Bien sûr qu'elles nous aident ! Toutes les relations ont leur essence dans l'amour. Le monde n’est pas quelque chose qui soit en dehors du domaine de Dieu. Si Dieu qui est tout amour  a créé le monde, cela doit être par amour pour sa création. Rien de mauvais ne peut venir de Dieu. Le bien et le mal existent seulement dans notre perspective. Un aspirant établit avec Dieu d'abord un type de relation qu'il connaît bien du point de vue du monde, et ce, quelle que soit la religion qu’il suive ; avec cette pratique, il essaie ensuite d'élever la relation jusqu'à son essence. L'instrument de base qui nous est confié, c'est la compréhension des relations du monde, tout simplement. Une célèbre prière récitée en Inde par presque tous les aspirants spirituels est la suivante : tvameva mâtâ cha pita tvameva, tvameva bandhu cha sakha tvameva… « Tu es la mère, le père, le frère et l’ami... » Ici, les relations qu’on cite sont des relations du monde qu’on expérimente dans la vie ordinaire mais de façon superficielle sans aller jusqu'à leur essence profonde. Avec la pratique, nous explorons le nectar essentiel des dites relations. Si nous pouvons les vivre d'une façon symbiotique -plutôt que parasitaire comme nous le faisons souvent- ces relations du monde nous rapprocheront de Dieu. Mâ disait souvent : « Aimez vos jeunes enfants comme des incarnations de jeunes dieux et déesses ». Elle ajoutait : "yatra nârî  tatra Gaurî, yatra jîva tatra Shiva ». « Là où il y a la femme, il y a la déesse Gauri,  là où il y a l'âme individuelle,  il y a le dieu Shiva » A ce propos, il faut que je vous raconte une histoire : Le saint Eknath était un grand fidèle vishnouïte. Le nom du Seigneur était toujours sur ses lèvres même quand il était engagé dans les travaux de la maison. Il servait son père handicapé comme son dieu bien-aimé. Un jour, il était en train de nourrir son père en chantant constamment le Nom du Seigneur. Celui-ci  est apparu devant lui, sur le pas de la porte mais il a continué à servir le vieil homme. Il a offert une brique au Seigneur et lui a demandé de rester debout dessus pendant qu’il terminait le service de son père. Vittal accepta cette requête et fut content de rester debout sur la brique elle-même. Jusqu'à nos jours, la célèbre statue de Vittalnath à Pandarpur est debout  sur une brique en souvenir de cet épisode. La relation d’Eknath avec son père avait été élevée à un tel niveau que même le Seigneur se devait d'apparaître devant lui.

   Voici une autre histoire : Un yogi avait pratiqué des austérités et pénitences et avait acquis certains pouvoirs paranormaux. Un jour, alors qu’il méditait sous un arbre, un oiseau fit ses besoins sur lui. Le yogi  regarda l’oiseau avec colère, et celui-ci en fut réduit en cendres. Après s’être levé et  avoir pris un bain, il s'en alla au village voisin pour mendier sa nourriture quotidienne. Il parvint à une maison et frappa à la porte en demandant l’aumône ; la voix d'une jeune femme vint de l'intérieur en le priant d’attendre quelques instants jusqu'à ce qu’elle en finisse avec le travail dans lequel elle était engagée à présent. Après quelques instants, il frappa de nouveau à la porte et la même demande vint de l'intérieur. Le yogi s'impatienta, et enragé, frappa une troisième fois à la porte. Soudain, une femme avec la nourriture dans les mains se tint devant le yogi qui la regardait avec colère à cause du retard. La dame s'excusa pour cela, mais l’ire du yogi n’en fut point diminuée pour autant. La dame fit alors remarquer au yogi d’une voix très douce qu’elle n'était pas l'oiseau de la forêt et que ce regard coléreux n'aurait pas d'effet sur elle. Le yogi fut abasourdi par cette simple réflexion et se mit à penser que la dame était une personne  spirituellement très avancée pour être ainsi au courant à distance de ce qui y était arrivé à l'oiseau ; il lui  demanda des informations sur ses pratiques spirituelles, par la force desquelles elle avait été capable de connaître de façon subtile ce qui s’était passé au loin. La femme répondit qu’elle servait simplement le divin en son mari avec tout son esprit, ses paroles et ses actions. Le retard avait été causé par le fait qu'elle devait lui donner son repas. Aussitôt qu’elle avait fini ce service, elle était venue avec des aumônes pour le yogi.

Quel rôle le silence et la solitude jouent-t-il dans la pratique spirituelle ?
Avant de répondre à ces questions, essayons d'abord de définir ces deux termes d’une façon simple et compréhensible : solitude signifie le fait d’être seul ; il y a deux aspects à cela, mental et physique. On peut se sentir esseulé dans une atmosphère de foule et vice-versa. On peut ressentir la solitude réelle quand les deux aspects physiques et mentaux évoluent en parallèle. En d’autres termes, la solitude réelle nous aide à être avec nous-mêmes, libres des objets du monde extérieur et intérieur. Le fait d'être seul ne doit pas être confondu avec l'état de mélancolie.

    Le silence signifie l'absence de bruit ou l'abstention de paroles. Le premier aspect est physique et le second mental ; en sanskrit, silence se dit "maun". C’est un terme dérivé  de manas, le mental,  ainsi, le silence consiste non seulement à s'abstenir de paroles, mais aussi de pensée. Le silence physique aide jusqu'à un certain point à réduire le mental au vrai silence. Après ces préliminaires au sujet de la solitude et du silence, examinons maintenant leur rôle dans la pratique spirituelle. Lorsque vous vous retirez dans un endroit solitaire, vous vous débarrassez jusqu’à un certain point des perturbations auditives et visuelles qui vous troublent dans le monde. Ceci représente une manière directe d'avoir un contrôle sur votre mental. Le silence physique vous aide à éviter les gênes auditives - en solitude, on n’a personne à qui parler, il y a donc une restriction automatique de la parole. Vous serez  d'accord avec moi que la plupart du temps, nous conversons par habitude et non par nécessité et nous gâchons ainsi beaucoup d’énergie. Nous pourrions la préserver et l’utiliser de façon à atteindre le but de la vie. Une fois que vous êtes habitués au silence, votre capacité d'introspection augmente de façon signifiante. Mâ soutenait toujours l'utilité du silence. Dans ses ashrams, on s'attend à ce que tous les membres observent le silence de huit heures quarante-cinq à neuf heures du soir. Vous remarquerez que quand nous observons le silence, les activités du mental ne s'arrêtent pas pour autant et que le besoin de s'exprimer existe au début,  c'est ainsi qu’on a recours au langage des signes. De plus, vous ne pouvez pas empêcher les gens de vous parler, et comme en outre, observer  le silence ne désactive pas pour autant votre sens auditif,  et vous pouvez être perturbé à cause de cela. La solitude est une grande aide de ce point de vue. Mes trois ans d’observance du silence à l'époque de Mâ, et seize ans de retraite en solitude à Dhaulchina ont été de grandes aides dans ma pratique spirituelle. Un silence et une solitude initialement forcés doivent devenir habituels. C'est alors seulement qu’il est possible de ressentir la félicité qui en découle. Il est presque impossible d'avoir un contrôle sur tous vos sens simultanément. Mais si vous contrôlez complètement l’un d’eux, les autres vont suivre. Souvenez-vous,  le vrai silence, c'est l'état de  samâdhi.

Mâ a dit : "Soyez comme un enfant qui jamais ne grandit." En tant que tel, ceci n'est  praticable ni psychologiquement ni physiologiquement. De plus, cette parole de Mâ semble nier le rôle de l'intelligence dans la spiritualité.

Vous avez soulevé un point important : je dois citer une autre parole de Mâ en rapport avec cela. Elle a dit : "Vous avez assez joué avec votre intelligence dans cette vie. La victoire ou la défaite, quelles qu'elles soient, elles sont arrivées. Ne serait-ce qu'un instant, regardez-Le et sautez sur Ses genoux, vous n'avez pas besoin de penser à quoi que ce soit." Oui, ici, elle dénie apparemment l'intelligence, mais dites-moi quel rôle l'intelligence joue dans l'amour ? Est-ce que vous avez jamais rencontré une expression comme "amour intelligent"? Est-ce qu'un enfant a besoin d'appliquer son intelligence quand il aime sa mère? Je ne veux pas dire que l'intelligence n'a pas de rôle dans la vie, elle a son importance quand elle est à sa place. Je ne pense pas que le travail spirituel soit un jeu à jouer avec son intelligence, mais jouer le jeu de la vie intelligemment aide à réussir l'objectif ultime.

Je suis d'accord qu’il est impossible -à la fois physiologiquement et psychologiquement- de revenir à mon enfance passée. Mais je porte toujours en moi mes impressions de l'enfance, je peux essayer de reprendre les chemins de ma mémoire, de déterrer ces impressions, d'être avec elles et de ressentir à nouveau mon enfance. En agissant ainsi, je goûterai le nectar de l'amour que j'avais perdu dans les jeux de l'intelligence. Ceci n'est ni impraticable ni impossible. Parfois je ressens que mon cœur est comme une pierre. Je ne sens pas d'amour pour quoi ou qui que ce soit.

Votre cœur ne peut jamais être comme une pierre car une pierre n'a pas de cœur pour ressentir ! Ce que nous appelons le cœur est le siège des émotions dans le mental et non l'organe  physiologique qui réside dans la cage thoracique. Sans rentrer dans la signification littérale de ce que vous avez dit, je comprends bien l'état mental auquel vous faites allusion ; ceci est tout à fait naturel dans l'esprit humain. Maintenant, essayons de voir pourquoi cela arrive. Dans un tel état, le mental perd son calme naturel à cause des perturbations qui proviennent au hasard du monde des objets extérieurs et intérieurs. Cet état peut être le résultat de frustrations. Vos attentes ne sont pas comblées et vous n'êtes pas capable de définir exactement ce que vous souhaitez à ce moment-là. Vous avez une attention dispersée. Comme nous sommes dans un monde relatif, nos envies et dégoûts sont aussi relatifs. En toile de fonds de l'aversion envers quoi que ce soit,  il y a une aspiration intérieure pour aimer quelque chose d'autre que parfois nous ne pouvons pas définir, et ainsi, nous éprouvons de la confusion. Si votre cœur est comme une pierre, ce serait l'état du mental le plus désirable, cela voudrait dire que vous n'avez pas de pensée, et cet état d'absence de pensées est un autre nom du samâdhi, le but de tous les efforts humains.

Comment peut-on développer son amour pour Dieu?

C'est très simple : d'abord établir une relation avec Dieu et ensuite la nourrir petit à petit de tout votre cœur, vous sentirez sa proximité. Essayez de lui établir un siège permanent dans votre cœur.

Quelles sont les conditions de base sur le chemin de la dévotion ?

L'amour de Dieu, une foi totale en Lui et une pratique infatigable selon les conseils du gourou, voici quelques éléments de base du chemin de la dévotion.

Est il possible d’aimer sans rien attendre en retour ?

Bien sûr, c'est possible. Vous le faites tout le temps sans le savoir. Vous ne pouvez dénier que c'est vous-même que vous aimez le plus. La toile de fond de votre amour des objets, c’est votre amour pour le Soi. Qu’attendez-vous de votre propre Soi ? Vous aimez regarder votre image dans le miroir. Est-ce que vous vous attendez à ce que cette image vous aime en retour?

Comment développer l'amour en moi ?

La question de développer l'amour ne se pose pas : la seule chose qui nous soit demandée,  c’est de sentir qu’il est déjà en nous dans toute sa gloire: avec la pratique, on peut acquérir et développer une faculté particulière en soi. Nous sommes nés avec l'amour. Le côté objectif du monde l’a voilé et c'est pour cela que nous sommes incapables de le sentir dans sa plénitude. Il n'y a pas de qualification ou de quantification de l'amour, mais bien  souvent, nous l'objectivons. Par la pratique, nous serons capables de le dévoiler, et cet amour resplendira alors dans  sa pleine gloire.

Pourquoi aimons-nous ? Parce que nous savons que c'est l'ambroisie permanente, le remède pour toutes nos souffrances et douleurs en ce monde. S'il en est ainsi, est-ce que l'amour peut quand même aboutir à la douleur ? Il n'est pas rare en effet d’observer autour de nous que l’amour  finit dans la douleur. Ici, la définition même de l'amour n'est pas tenable. Pourquoi en est-il ainsi ? C’est parce que notre compréhension de l'amour est erronée. L'amour se manifeste en action, mais n'est pas l'action elle-même. Aucune action ne peut être perpétuelle. Elle commence, continue pendant une période donnée puis s'arrête. Ainsi en est-il de notre amour quand nous le prenons faussement pour être une action. Quand nous considérons l'amour comme un objet, il ne peut être perpétuel. Notre monde est transitoire. Tout change sous le coup du Temps. Mon objet d'amour du moment ne demeure pas dans le moment suivant. Ainsi va mon amour quand je le considère du point de vue des objets ; le résultat en est de nouveau  la douleur. Ces faits nous poussent à voir l'amour sous un jour différent, au-delà de la compréhension conventionnelle. L'amour n'est pas dans l'objet mais j'ai besoin d'un objet pour projeter mon amour afin de le sentir en moi seulement.

Comme vous l'avez dit auparavant, il y a ni qualification ni quantification de l'amour. Pouvez-vous préciser ?

Voilà une bonne question ! La quantification est possible dans le cas d’un matériau ou d'un objet. Pour mesurer quoi que ce soit, vous avez besoin d'une unité. Maintenant, dites-moi quelle est l’unité d'amour par laquelle vous pouvez le quantifier? Vous aimez pour vous faire plaisir et faire plaisir à votre bien-aimé en même temps. Il est aussi naturel que vous aimiez plus d'une personne. Si vous dites à quelqu’un que votre amour pour lui est moindre que celui que vous avez pour un autre, est-ce que cela lui fera plaisir à entendre ? Quand vous donnez quelque chose aux autres, il y aura une baisse quantitative de cet objet dans votre stock. Mais quand vous donnez de l’amour aux autres, est-ce que vous en avez moins pour autant ? Maintenant, vous pouvez juger par vous-même si oui ou non il est faisable de quantifier l'amour.

Maintenant, considérons les qualifications de l'amour. La qualification est toujours comparative et par degré. Ici, de nouveau, nous sommes en face des mêmes difficultés que dans le cas de la quantification.

 

Pierre Trudeau et la philosophie de Mâ

Par Bithika Mukherjî

 

 

 

      Au début des années 70, un changement de direction dans mon collège apporta quelques détériorations dans les conditions de travail, mais aussi quelques nouveautés.

      Ce fut à ce moment là que je fis la connaissance de plusieurs professeurs d’universités canadiennes qui prenaient un congé sabbatique et étaient venus à la Banaras Hindu University pour entrer en contact avec le Dr. T.R.V. Murti et d’autres érudits de la ville. Le Professeur G.M.C. Sprung était très intéressé par tous les aspects de la vie indienne. Plusieurs d’entre nous se réunissaient dans sa chambre pour des discussions sur des sujets généraux. Je rencontrai aussi sa femme, Ilse, qui vint le rejoindre un moment. Elle se trouva être à la B.H.U. quand le Premier Ministre du Canada, Pierre Trudeau, vint rendre visite à Shrî Mâ à l’ashram. Ilse s’y rendit aussi avec moi pour voir comment Mâ allait recevoir le Premier Ministre de son pays. Elle attendit dans le hall avec le public pendant que Pierre Trudeau avait sa première entrevue avec Shrî Mâ. Cette dernière m’avait choisie comme interprète. Etant donné que ses questions n’étaient pas d’ordre privé, bien qu’assez personnelles, on peut les publier désormais car elles sont révélatrices de la façon aisée que Shrî Mâ avait de communiquer avec un homme appartenant à une autre religion, à un autre pays, et à différentes traditions dans leur ensemble.

      Après les salutations d’usage, Shrî Mâ lui dit : « Vous venez d’une contrée bien lointaine, avez-vous eu un voyage confortable ? Est-ce que tout est à votre convenance ici ? »

      Le visiteur acquiesça comme il se doit et quelques échanges courtois s’ensuivirent. Puis Mâ dit : « Il y a une Suprême Réalité dans l’univers et au-delà. Elle seule (La Réalité) sous cette forme (de vous-même) est venue rencontrer ce corps, pour qui personne n’est un étranger ni un nouveau venu. Il n’y a qu’une seule Réalité – une Atma – C’est celle qui a

toujours été, est, et sera. Cela est éternellement permanent et cependant toujours nouveau. »    

Le visiteur contempla posément l’étendue de cet exposé, puis il demanda : « Le progrès est-il possible ? »

      Réponse : Oui, toujours. Avec des efforts, vous pouvez accomplir une expérience de vérité directe, tangible et réelle. Tout comme un étudiant peut atteindre un stade de connaissance qui n’était pas à sa portée au début, un être humain peut acquérir un degré de conscience qui est convenable pour son état de créature.

      Question : Est-ce qu’on peut prétendre à ces acquis tout de suite, ou après de longs efforts ?

      Réponse : Les deux. Quand vous grattez répétitivement une allumette, le flamboiement se produit toujours de façon subite, il peut arriver après beaucoup d’efforts, ou bien du premier coup. Dans la création de Dieu tout est possible.

      Question : Comment un homme peut-il savoir si ce qu’il est en train de faire est la meilleure chose à faire ? S’il est vrai avec lui-même ou pas ?

      Shrî Mâ : Cette question se réfère-t-elle aux choses de ce monde ou bien de l’autre ?

      Question : Selon moi, les deux ne sont pas séparés. Je peux comprendre l’autre seulement par rapport à ce monde-ci.

      Shrî Mâ : Ce sont les phases, ou les niveaux de la compréhension. L’étudiant au stade le plus bas a des potentialités, mais il ne peut pas s’attendre à être à la portée des leçons de niveau supérieur. Le voile de l’inconscient ou de l’ignorance est repoussé de temps en temps. L’homme peut agir selon son meilleur degré de connaissance d’une situation, mais ses efforts sont relatifs et non absolus. C’est pour cette raison, voyez-vous, que vous faites toutes sortes d’efforts mais que le résultat ne vous donne pas satisfaction. Il est impossible pour les êtres humains de savoir ce qui est le mieux. Ce que vous disiez au sujet de la non-différenciation entre les deux mondes est très juste. Ce monde-ci est dominé par le mental et par conséquent il crée des divisions. Le mental fonctionne dans le domaine de la créativité, du rendement, du meilleur train de vie, etc… Le mental mesure. Nous sommes définis par notre sens des valeurs. Le mental établit des normes. L’Incommensurable est parfait tel qu’il est. Cette réalisation commence à poindre du moment que le mental est dissout. La réalisation quelle qu’elle soit, est Cela seulement. C’est seulement ce que Cela doit être et pas autrement. C’est vrai. Cependant, à moins que l’on n’obtienne cette vision englobante de la totalité, on ne doit pas renoncer à ses plus gros efforts pour faire ce que l’on pense être la meilleure chose.

      La conversation continua encore un peu, alimentée par l’Ambassadeur que Shrî Mâ connaissait très bien. Mr. Trudeau et Mâ sortirent sur la terrasse pendant un instant. Mr. Trudeau sembla très heureux, relaxé, et il se consacra le plus longtemps possible à la Presse. Il insista pour porter lui-même le petit tapis (âsana) qu’on lui avait offert spécialement, au lieu de le confier à ses assistants.

    En conclusion, moi-même, Bithikâ, ayant obtenu une bourse, je décidai de partir pour un an au Canada. (p.283-284-285)

      Extrait de En compagnie de Mâ Anandamayî – Editions Agamat – Mars 2007 –

      Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne.

 

 

Le Sage et le papillon

 

Coquin papillon s'en vint un beau jour

Voleter gaiement auprès d'une barbe.

 

Dis-moi donc, vieux Sage, aurai-je droit un jour

à pouvoir flirter au creux de ta barbe ?

Puis-je y butiner sagesse et mystère ?

Cesser d'être pris pour une âme légère ?

 

Gentil papillon, répondit le maître,

Sache rester toi-même sans te contrefaire.

Donne du bonheur dans ta légèreté.

Ne t'alourdis point de tant d'anxiété !

 

Ma barbe argentée connut la misère,

Le poids des années, la gloire éphémère.

J'aimerais comme toi pouvoir m'envoler !

 

Qu'à cela ne tienne, je vais vous tirer

vers le ciel d'azur laissez-vous guider.

D'en haut vous verrez les âmes égarées,

regardez-les toutes, elles sont fatiguées...

 

Je n'veux plus descendre, s'écria le Sage,

je les vois souffrir, elles n'ont rien compris,

aide-moi à voler jusqu'au bout de ma vie !

 

Un grand cerf-volant forma l'escadrille,

puis ils disparurent, loin à l'horizon.

C'est depuis cela qu'une toute jeune fille

Mis dans ses cheveux de beaux papillons...

 

                        De Mahâjyotî (Geneviève Koevoets)

                                   à Vijayânanda

                                 (Kankhal - mars 2005)

 

 

Prière à la Mère divine

« Elle est mon essence »

 

Mère divine,

Tu es le Corps de mon corps

Tu es l'Ame de mon âme

L'esprit de mon esprit.

 

Mère divine,

Tu es l'oeil de mes yeux,

L'Oreille de  mon oreille,

Et la Bouche de ma bouche,

 

Mère divine,

Tu es la Chair de ma chair,

L'Os de mes os,

le Sang de mon sang.

 

Mère Divine,

Tu es l'Amour de mon amour,

Le Désir de mon désir,

La  Force de ma force.

 

Mère divine,

tu es la Joie de ma joie,

Le But de mon but,

La paix de ma paix.

 

Prière à la Mère divine

L'Union

 

Mère divine,

Viens au-dedans de moi, 

Reste avec moi,

Afin que je ne me sente plus séparée de Toi.

 

Mère divine,

Absorbe-moi,

Engloutis-moi,

Ramène-moi toi,

Afin que je ne me sente pas différent de Toi.

 

Mère divine,

Parle à travers moi,

Ris à travers moi,

Agis à travers moi,

Afin que je puisse finalement me sentir une avec Toi .

 

Marion Mantel, février 2003, après un darshan avec Amma

 (Marion vient de faire publier chez ALTESS

un livre de poèmes inspirés par la Mère divine

La source inépuisable de la joie avec une préface de Jacques Vigne.

Nous en mettrons des extraits dans le prochain ‘Jay Ma’)

 

 

 

Méditation et relation au Gourou

Par Atmananda

 

(Extraits de Voyage vers l’immortalité)

 

 

En ouvrant directement le livre d’Atmânanda ce matin, voici ce qui est venu comme texte, et qui semble à propos dans le cadre du ‘Jay Ma’ :

 

Rajghat, le 15 juillet 1951

   Que j’aie ou non l’impression de progresser, je demeure totalement engagée dans ma sadhana avec Elle : advienne que pourra. Tout ce qui est nécessaire, c’est une aspiration intense, rien d’autre. Bien sûr, Mâ dit bien que cette aspiration est nourrie et intensifiée par des séances quotidiennes de méditation, pratique qu’il ne faut jamais manquer d’observer, qu’on en ait envie ou non

 

31 août 1951

   Quand Mère est là, je vis dans une sorte d’intoxication. Quelqu’un m’a demandé aujourd’hui ce qui m’était arrivé au cours de cette année, et je ne savais pas quoi lui répondre. Je suis seulement consciente du moment présent rempli de Sa présence. Ce n’est peut-être pas bien de continuer mon travail à l’école [de Krishnamurti à Rajghat au nord de Bénarès], puisque cela me fournit une sorte d’échappatoire aux rigueurs de la Quête. Si quatre heures de sommeil me pouvaient suffire, je n’aurais pas à me précipiter autant.

 

Rahghat, 19 octobre 1951

   Un jour Patalda m’a donné une sucrerie de la bouche de Ma. En l’avalant, j’ai senti que la Lumière se diffusait dans mon corps. Cela a produit un état de profonde méditation dans mon esprit.

   Un matin, quelqu’un a demandé à Mâ : « Cela sert-il à quelque chose de prendre l’initiation d’un Gourou qui ne présente pas les signes caractéristiques d’un gourou authentique, tels qu’ils sont définis dans les Ecritures ? »

   Mâ : «  Il y a deux choses ici. Premièrement, prendre un Gourou et deuxièmement que ce Gourou soit le Gourou. Il ne peut être question de prendre ou de quitter, car ce Gourou est le Soi. S’il ne l’est pas, il se peut qu’il vous indique un chemin, mais il ne peut pas vous conduire jusqu’au but, jusqu’à l’illumination, parce que lui-même ne l’a pas atteinte. Vous pouvez  prendre quelqu’un comme Gourou et puis le quitter, mais dans ce cas je dis que vous n’avez jamais eu de Gourou. On ne peut pas quitter le vrai Gourou. Il est le Gourou par sa nature même et il comble naturellement toutes les lacunes du disciple. Tout comme la fleur donne son parfum naturellement, le Gourou aussi donne l’initiation par le regard, la parole, le toucher, l’enseignement, le mantra ou même sans rien de tout cela, simplement parce qu’il est le Gourou. La fleur ne fait d’effort pour donner son parfum, elle ne dit pas : ‘Venez me sentir’. Elle est là. Quiconque s’approche d’elle pourra jouir de son parfum. Tout comme le fruit mûr tombe de l’arbre et est ramassé par quelqu’un ou mangé par les oiseaux, ainsi le Gourou est tout ce dont ont besoin ceux qui lui appartiennent, quels qu’ils soient.

    « Il y a effectivement de faux gourous et beaucoup s’y laissent prendre. On dit que vous devez vous donner corps et âme au Gourou, mais cela ne signifie pas qu’il a le droit de vous exploiter. S’il essaie de le faire, vous devez le quitter  et la plupart du temps laisser aussi le mantra qu’il vous a donné parce qu’il lui est associé et qu’il vous fait penser à lui. Alors je dis : allez vous baigner dans le Gange et prenez un nouveau départ avec un autre mantra. Un mantra est ce qui protège. S’il ne remplit pas  cette fonction, ce n’est pas un mantra. »

 

23 janvier 1952

   Essayer d’écrire quelque chose sur Mâ a au moins un effet positif : cela me fait comprendre plus que jamais combien elle est au-delà de tous les mots et de toutes les pensées, et combien ma compréhension est limitée. Combien, en dépit de tout, je fais peu de cas de mon contact avec Elle ; sinon pourrais-je prêter la moindre attention à la façon dont je suis traité, permettrai-je à mon corps d’avoir le dessus et quitterai-je Mâ parce que je désire davantage de confort, comme je l’ai fait à Ambala ?

   Ne vaut-il pas mieux mourir à Ses pieds plutôt que de vivre loin d’Elle ? A présent je pleure tous les jours, parce que penser à Elle me tire invariablement des larmes. Comme je suis indigne de Sa grâce et de Sa compréhension !

 

11 février 1952

   Certaines personnes pensent que Mâ est supérieure à tous les avatars qui ont existé, mais je crois que c’est une exagération injustifiée ; bien qu’en un sens cela soit vrai, parce que chaque incarnation divine est certainement unique en son genre. Il me semble que cette tendance exclusiviste de la part de certains aura l’effet contraire. Il faut que chacun découvre ces choses par lui-même.

   Quand nous avons pris refuge en Mâ, nous devons vivre sa fameuse maxime [Jo ho jayega ce qui arrive, arrive (comme par Volonté divine)]

 

Atmânanda Voyage vers l’immortalité Accarias, 2003, p.258-260

 

Nouvelles

 

- Swami Nirgunananda vient en France du 16 au 23 août à Terre du Ciel infos@terre-du-ciel.fr   03 85 60 40 30 et à Epernon du 24 au 31 août ; contact : Claude Portal 12 rue Lamartine 78100 St-Germain-en-Laye 01 34 51 74 41 et pendant les vacances ; en Auvergne ; 04 71 50 93 87 :

- Il y aura un groupe de l’école de Yoga de Terre du Ciel qui viendra pour dix jours de retraite auprès de Swami Nirgunananda  à Dhaulchina, dans les montagnes au-dessus d’Almora, en fin mars-début avril.

- Swami Virajananda a eu une thrombose cérébrale en début mars : il est partiellement paralysé, ne peut plus s’alimenter mais a retrouvé récemment un peu l’usage de  la parole. Il est soigné en ‘hospitalisation à domicile’ à l’ashram même. C’est lui qui a eu l’idée de lancer la Sangha de Mâ vers 1950 et qui a recueilli les paroles de Mâ dans l’ouvrage Words of Ma Anandamayi qui a été une source importante de L’enseignement de Ma chez Albin Michel. Il est aussi l’auteur de Swakriya Swaras Amrita, issu de ses conversations avec Mâ et de ses propres méditations à son propos. Il est honoré par le titre de moukhya sadhou, « sadhou principal » de la Sangha. Swami Vijayananda lui avait prédit depuis longtemps qu’il vivrait jusqu’à plus de cent ans, et il en a maintenant 102.

- Geneviève Koevoets, qui a reçu à Kankhal le nom de Mahajyoti (Grande lumière) a traduit en italien Un Français dans l’Himalaya  de Vijayananda (disponible en Français à Terre du Ciel ou sinon sur www.anandamayi.org).  Elle est en contact avec un éditeur spirituel de Rome en vue d’une éventuelle publication.

- Une sélection d’écrits de Bithika Mukherji sur Mâ et le védanta doit paraître  dans le courant de l’année chez Agamat à Paris (éditeur Bernard Bouanchaud aagamaat@wanandoo.fr, aagamaat est un ablatif et signifie littéralement en sanskrit ‘en provenance de la tradition’ ; en ce sens les textes de Bithika qui a été professeur de philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès sont bien à leur place dans cette maison d’édition).

 

Renouvellement général des abonnements

 

   Il y a eu de sérieux problèmes de courrier entre Kankhal et la France. Ceci est peut-être dû à la présence d’un ashram de Yoga thérapie dans le village qui est très connu et qui envoie régulièrement  des mailings en 7000 exemplaires, ce qui noie la petite poste du village et les ‘Jay Ma’ aussi  s’ils ont le malheur de se trouver pris dans la tourmente. Maintenant Pushparaj doit aller à la grande poste d’Hardwar et envoyer la revue par petits paquets de 20 ou 30 exemplaires seulement. Une consolation relative : l’ashram de Mâ a exactement le même problème avec les courriers collectifs qu’il expédie aux fidèles en Inde. Tout envoyer en recommandé n’est pas la solution car cela doublerait le prix de l’envoi, ne serait pas complètement sûr non plus et obligerait les abonnés qui travaillent à faire de longue queues à la poste le samedi matin avec leur avis en main juste pour récupérer l’envoi…Les ‘Jay Ma’ sont expédiés tous les trois mois, si cinq mois après le dernier envoi vous n’avez rien reçu, écrivez par courriel à Pushparaj en disant le numéro qui vous manque et il vous le fera parvenir ishu1145@yahoo.co.in

ou à Pushparaj Shre Shree Ma Anandamayee Ashram Kankhal 249408 Hardwar UA Inde.

    Ceci dit, l’avenir semble être l’envoi par courriel pour ceux qui sont habitués à l’internet. Depuis tout récemment, nous avons enfin à Hardwar un système de réseau qui marche à une vitesse normale et sans être coupé toutes les 10 minutes. Nous pouvons aussi joindre la photo de couverture en pièce jointe. Nous faisons donc cette fois-ci deux tarifs, un pour la souscription en ligne et l’autre par internet. Les bénéfices de ces souscriptions ont servi depuis deux ans à faire saisir sur ordinateur deux livres quasiment introuvables que nous sommes en train de mettre sur le site de Ma :

-         In the steps of the Yogis de Vijayananda

-         Neo-Vedanta and Modernity de Bithika Mukerji

  Nous travaillons aussi sur un troisième livre  de souvenirs sur Ma, le premier du genre publié en 1946 à Calcutta et qui était tout à fait oublié. Le but est de le mettre en ligne également.

    

Renouvellement général des abonnements

 

Je me réabonne au Jay Ma pour huit numéros, soit jusqu’au N° 84 du printemps 2007 :

-         par courriel pour la somme de 10 €

mon courriel est le suivant :

-         par courrier ordinaire pour la somme de 16 € :

mon adresse est la suivante :

 

Chèque à rédiger à l’ordre de Jacques Vigne et à adresser à :

José Sanchez-Gonzalez

Maison Auger Quartier St-Martin

            84110 Vaison-la-Romaine

En cas de besoin nagajo3@yahoo.fr  tél : 04 90 28 80 23

Les réclamations pour les ‘Jay Ma’ non reçus sont à envoyer directement à Pushparaj et son épouse Padma :  ishu1145@yahoo.co.in

 

Jay Ma n°77     -     Eté 2005

 

 

Paroles de Mâ

 

La lumière du monde va et vient, elle est instable. La Lumière qui est éternelle ne peut s'éteindre. Dans cette Lumière, vous considérez la lumière extérieure et toute chose dans l'univers : c'est seulement parce qu'elle resplendit à tout jamais en vous que vous pouvez percevoir cette lumière extérieure. Ce qui vous apparaît dans l'univers n'est dû qu'à cette grande Lumière en vous, et c'est seulement parce que la Connaissance suprême de l'essence des choses demeure cachée dans les profondeurs de votre être qu'il vous est possible d'acquérir une connaissance quelle qu'elle soit.

 

Tout ceci qui est Sa création, est en Son pouvoir, en Sa présence et c'est Lui.

 

En quelque situation où Il puisse maintenir qui que ce soit n'importe quand, tout cela est pour son bien, car en vérité tout a été ordonné par Lui et vient de Lui.

 

Le bonheur relatif, c'est-à-dire celui qui dépend d'une chose ou d'une autre, doit s'achever dans la frustration. C'est le devoir de l'être humain de méditer sur Dieu, qui est la paix elle-même. Sans avoir recours à ce qui aide au souvenir de Dieu, on ne peut avoir de paix. N'avez vous pas expérimenté ce qu'est la vie dans le monde ? Celui qu'on doit aimer est Dieu. En Lui  il y a tout, c'est Lui que vous devez trouver.

 

Essayez toujours de garder présent à l'esprit que Dieu envoie tous les soucis de la vie pour vous purifier.

 

Souvenez-vous toujours que la répétition de Son Nom a assez de pouvoir pour laver les péchés, qu'ils proviennent de cette vie ou des vie passées.

 

Lui seul connaît celui auquel il va se révéler et sous quelle forme. L'intelligence humaine ne peut comprendre par quels chemins et de quelle manière il attire un être particulier à lui avec une grande force. Le chemin est différent pour des pèlerins différents. Souvenez-vous qu'il détruit le malheur par le malheur et annihile le chagrin par le chagrin.

 

Si l'on doit désirer quelque chose, à tout prendre, que ce soit Sa grâce.

 

Si vous êtes persévérant et stable comme la terre, la vie divine s'éveillera en vous.

 

De même que l'eau purifie par son simple contact,   la vue, le toucher,  les bénédictions, et même seulement le souvenir d'un sadhou réel, nettoie petit à petit les aspirations et les désirs impurs.

 

 

 

Ma  Anandamayi

vue

par  ses  disciples

 

Extraits du premier livre de souvenirs sur Mâ,

Publié par l’ashram en 1946

 

Hymne à Mâ Anandamayi

 

(Traduit du « Matri Darshan. En compagnie de Mâ Anandamayi », de Bhaiji, par G.Dasgupta)

 

 

Gloire à Toi, Sri Mâ Anandamayi,

Qui habite en chaque âme dans une pureté absolue

A travers le temps, O Mère !

 

Ton éclat, mère Nirmala, illumine l’univers ;

Tu es la splendeur des vertus célestes, O Mère !

 

Tu es le Guru incarné, la reine de toutes les royautés,

Et le sceptre de tous les pouvoirs ;

Tu es le symbole du « Aum » dans le Swaha,

Et le Swadha, O Mère !

 

Devant tous les regards, tu rayonnes, O Mère !

Dans une grâce dont la divinité surpasse toutes choses ;

Tu es la réalité absolue, suprêmement belle et parfaite, O Mère !

 

Le soleil et la lune sont les lobes jumeaux de Tes oreilles ;

Le bleu profond du ciel infini est Ta chevelure elle-même,

Et l’univers, ta silhouette glorieuse, O Mère !

 

Tu es le charme de toutes les richesses de la terre, douceur incarnée,

Radiant éclat de la splendeur de la vie, O Mère !

 

Tu es aussi délicieuse que Lakshmi l’est à Vishnu,

Toujours si pleine de paix, de tranquillité et de pardon,

Tous les dieux et toutes les déesses émanent de ta personne, O Mère !

 

Tu es la dispensatrice de toute joie,

De toutes les bénédictions de la vie, de l’amour de la dévotion,

De la sagesse divine et du salut, tout coule de Toi, O Mère !

 

L’univers est Ton enfant, tu as pris soin de lui avec toute ta tendresse

Et finalement, tu l’as fait prendre refuge au cœur de Toi, O Mère !

 

La vie même de tes dévots est tienne,

Tu es la divine grâce incarnée,

 Et la douceur de ce monde et des deux prochains, O Mère !

 

Tu es la fontaine même d’où coulent toutes les causes,

Comme les effets,

Bien au-delà des liens de toute harmonie et de toute discorde,

Le mouvement premier de toute force divine est Toi-même, O Mère !

 

 

Tu es la formule sacrée de toute sagesse,

Celle qui charme et appelle à Elle tous les yogis,

Et toutes les terreurs de la vie terrestre sont dissipées par Ta présence, O Mère !

 

L’âme de tous les mantras et Bijas est tienne,

En Toi, se tient la révélation des Védas,

Tu es celle qui nourrit les mondes par l’omnipotence de Ta présence, O Mère !

 

Tous les Gunas et les formes irradient de Ta personne,

Mais tu es bien au-delà de leur portée,

Tu es celle qui resplendit de la plus haute bénédiction de l’existence, O Mère !

 

L’univers entier, de l’animé à l’inanimé,

Tremble de ravissement à Ton contact,

Et chante sans cesse la douceur de Ta grâce, O Mère !

 

Permets-nous de nous unir,

Afin de n’être plus qu’un cœur et qu’une âme,

Pour offrir nos vœux à Tes pieds, O Mère !

 

Que la plus haute gloire croisse et resplendisse toujours davantage pour Toi,

O Mère !


Chapitre 1

 

    J’entendis pour la première fois le nom de Mâ Anandamayi un beau matin de la fin de l’automne de l’année 1928. J’étais en train de finir mes préparatifs pour me rendre au collège (je n’avais pas encore pris ma retraite à l’époque) quand celui qu’on appellera plus tard Mahamahopadhaya (Pt Padmanath Vidyavinoda) arriva chez moi et me prévint que Mâ Anandamayi de Dacca se trouvait en ce moment même à Bénarès. Il me tendit un article écrit par Mr Kunja Mohan Mukerji (alias Swami Turiyananda) sur Mâ, et la guérison miraculeuse que Sa grâce avait opérée sur une dangereuse morsure de serpent qu’avait subi son fils. Il ajouta que la vision de Mâ en Samadhi était de la plus haute élévation, et il insista pour que je vienne par moi-même y assister, si cela m’était possible. Cette démarche provenant d’une personne réputée pour un esprit critique acéré envers toutes choses, et qui n’épargnait rien ni personne dans ses attaques, me sembla d’une portée remarquable. Mâ demeurait dans la maison de Kunja Babu à Ramapura. Et je décidai d’aller la voir. De ce fait, lorsque je me rendis là-bas le soir, Kunja Babu, comme son frère aîné Sasanka Babu (alias Swami Akhandananda), me conduisirent vers Mâ pour avoir son Darshan. Ils me présentèrent immédiatement à Blolanath qui m’emmena dans une petite pièce au rez-de-chaussée où je trouvais Mâ absorbée en Samadhi et entourée d’un grand nombre de dévots (bhaktas). Blolanath n’était pas à l’aise qu’elle ne reprenne pas rapidement conscience, et il fit quelques tentatives infructueuses pour la ramener à elle-même. Sachant qu’un état de transe doit poursuivre son déroulement naturel sans être interrompu de façon artificielle, sous peine de faire encourir à la personne de gros risques, je lui demandai de cesser ses tentatives. J’attendis donc qu’elle revienne à un état de conscience normal, mais rien de tel ne se produisit dans les deux, trois heures qui suivirent. Anticipant qu’il se pourrait que cela prenne un temps infini avant qu’elle ne revienne à une condition normale, je décidai de rentrer chez moi, mais fermement décidé à revenir la voir le jour suivant. Ce fut un 6 Septembre que je rendis ma première visite à Mâ. J’en vins à apprendre qu’elle était arrivée un ou deux jours auparavant, et que c’était la seconde fois qu’elle se rendait à Bénarès. Sa première visita remontait à 1927, et avait été une étape sur sa route vers Hardwar, à l’occasion du grand marché de Khumba.

    Je revins le 7, comme prévu, à l’endroit où elle habitait. Et en réalité, je vins deux fois par jour durant le bref séjour qu’elle fit à Bénarès et qui se finit le 12 Septembre. Je me souviens très bien que je n’ai pas fait faute de me rendre là-bas un seul jour pendant cette période. Mais c’est difficile de rendre compte après un laps de temps de plus de dix sept années de mes premières impressions d’alors sur Mâ, et d’essayer de formuler à l’aide de mots ce que j’ai alors ressenti. Tout ce que je peux dire, c’est que ce que j’ai alors vu de mes propres yeux, dépassait de loin tout ce que l’on peut imaginer rencontrer dans le monde naturel ; c’était un rêve concrétisé sous mes yeux. Pendant les quelques jours que Mâ passa à Bénarès, la maison de Kunja Babu fut le tableau vivant d’une intense ferveur, et un flot ininterrompu de visiteurs s’y succédait du matin avant l’aube, jusqu’au soir, bien après minuit. Les portes de la maison étaient en permanence laissées ouvertes, et qui voulait y pénétrer était le bienvenu. Personnalités de haut rang, pandits, étudiants d’université, commerçants, saddhus, sannyasins, prêtres, laïcs et mendiants – tous surgissaient en nombre, chacun à leur convenance, pour avoir la chance d’avoir son Darshan, de lui offrir leur respect, et dans la mesure du possible, d’échanger avec Elle quelques mots. Des gens des deux sexes, de tous les âges et de tous les rangs de la société formaient cette foule. Certains ne venaient que dans le but d’avoir son Darshan, d’autres pour trouver une solution à leurs doutes intérieurs, et d’autres enfin par pure curiosité. La magie de la situation voulait que tous sentent le charme magnétique qui émanait de la personnalité de Mâ, ainsi, ceux qui étaient venus une première fois par curiosité, ne résistaient pas à la tentation de revenir, non plus pour satisfaire une curiosité, mais guidés par une mystérieuse attraction. Ce que tous sentaient, en fait, c’était la sensation de se retrouver comme de tout petits enfants en présence de leur mère bien aimée. L’austérité et la froideur formelle étaient remplacées par une chaleureuse intimité, une familiarité immédiate.  Mâ se conduisait avec eux tous comme avec ses propres enfants – tendre, prévenante, et très intime. Il n’y avait pas la moindre réserve dans Son regard, ni aucune retenue dans Son expression. L’atmosphère générale donnait l’impression d’un rassemblement amical, imprégné de gaieté et de bonheur.

    Chaque soir, on organisait une sorte de rassemblement informel dans la cour où les visiteurs s’asseyaient en rond autour de Mâ, et la pressaient de questions. Elle répondait à chacune, apaisant les doutes des chercheurs (de sagesse…) de quelques phrases avec Sa manière inimitable et douce de le faire. Du fait que les chercheurs venaient tous de niveaux culturels différents et représentaient des courants intellectuels et spirituels spécifiques, il va de soi que les questions posées abordaient un grand nombre de sujets, et soient de valeur et d’intérêt variés. C’était incroyable de voir de quelle manière Mâ s’adaptait à chacune de ces questions avec la même aisance, et la même spontanéité, sans demander, ne serait-ce qu’un moment de réflexion avant de répondre aux problèmes les plus abstraits et les plus intriqués qu’on lui présentait. Ses réponses étaient invariablement de la plus grande pertinence, allant droit au cœur de celui qui L’avait interrogée, et formulée dans une langue remarquable par sa concision et son expressivité. Chaque mot qui sortait de ses lèvres avait un impact, et lorsque l’occasion s’y prêtait, un trait d’humour ne se faisait pas attendre. 

 

    Mâ était à cette époque, une interlocutrice hors du commun. C’est une qualité dont toute personne ayant eu le privilège de parler avec elle pouvait témoigner, même des années après. Il était intéressant d’observer qu’elle manifestait une attitude de réticence inaltérable vis-à-vis des questions qui n’étaient pas véritablement sincères dans leur nature –soit qu’elles relevaient d’un domaine plus académique, soit qu’elles essayaient de soulever des opinions propres à blesser les sentiments d’un certain nombre de personnes. Des célébrations de Kirtan différents rivalisaient entre elles chaque jour, au-devant de Mâ pour glorifier le Divin et son nom. Des dévots à la voix mélodieuse tenaient pour une distinction et un honneur qu’on leur permette de La régaler de leurs chants. Généralement, en ces occasions, quand la musique s’écoulait spontanément du plus profond du cœur d’un chanteur, ou au beau milieu d’une conversation, lorsqu’un point crucial était abordé, on pouvait observer que l’apparence de Mâ se nimbait d’un rayonnement de Bhava, et que son état normal était en train de subir une transmutation vers quelque chose d’un ordre appartenant au surnaturel. On avait l’impression que la personnalité habituelle que les Bhaktas  côtoyaient, était remplacée, pendant un certain laps de temps, par une présence d’une autre nature. En de pareils moments, on observait des phénomènes variés et inhabituels.

Des « Stotras » et des « Mantras » d’une qualité extraordinaire jaillissaient de ses lèvres, avec une telle rapidité qu’il était impossible à qui que ce soit de les identifier. La langue dans laquelle ceux-ci étaient prononcés, était unique. Ce n’était pas, à proprement parler, du sanskrit ou un de ses dérivés vernaculaires, bien qu’on puisse reconnaître ça et là quelques mots épars de Sanskrit. De nombreux mots étaient inconnus et même ceux que l’on croyait venir du Sanskrit ne paraissaient pas avoir le même sens. De plus des Bijas monosyllabiques – connus ou inconnus – émaillaient ses paroles. La prononciation en était si parfaite que même un son conjoint, fait de plusieurs consonnes et sans voyelles inter-vocales, était parfaitement distinctement audible. Quelquefois, en de pareilles occasions, Mâ répandait des larmes ou des exclamations, et parfois encore, elle devenait rigide et entrait dans une sorte de transe.

     A cette époque, des états de transe surgissaient aussi lorsque des Bhaktas déposaient des fleurs à ses pieds, ou lui offraient, d’une façon ou d’une autre, un acte propiatoire. La réponse surgissait immédiatement.

    Il y avait à l’époque une divergence d’opinion quant au statut précis de Mâ, certains soutenaient qu’elle était une déesse incarnée, soit Kali, soit Durga, ou encore Sarasvati ou Radha. D’autres pensaient qu’elle était un être humain, ayant atteint la perfection dans cette vie, après une série de renaissances où un progrès spirituel avait pu venir à son terme et à sa complétude. Enfin, d’autres soutenaient le point de vue qu’elle était une Brahmavadini du temps jadis, ou peut-être encore une incarnation du divin venue sur terre pour apaiser les souffrances. On l’identifiait parfois à Sukadeva, et parfois même à Sri Krishna. Des personnes d’une nature plus mondaine soutenaient qu’une entité spirituellement supérieure – humaine ou céleste – possédait son corps et l’utilisait en vue de ses fins propres. Un monsieur de ma connaissance, qui habitait alors dans une maison adjacente à la mienne, et qui travaillait dans un des lycées locaux, alla même jusqu’à me soutenir que Son cas relevait clairement d’une possession – et que même si elle était le fait d’un bon esprit, il était souhaitable que l’âme d’origine retournât habiter son corps et se libère de cette possession. Ce monsieur, qui était d’un certain âge et qui avait la réputation d’être un pratiquant tantriste de longue date, soutenait qu’il détenait le pouvoir de rendre Mâ à sa condition normale, à la seule condition que son mari et son père donnent leur accord. Son idée était que le cours normal et l’évolution de Sa vie, étaient, du fait de cette « possession », entravés dans son développement, et que dans son propre intérêt spirituel, cette « manipulation » (retardant son évolution) devait lui être retirée. Il va sans dire que personne n’attachait la moindre importance à ses paroles. Un jour, le grand orateur qui allait devenir Swami Dayananda du Bharat Dharma Mahamandal, vint voir Mâ et eut une conversation privée avec elle. Bien que cette conversation entre Swamiji et elle dû demeurer privée, on convint que le futur Sasanka Babu et moi-même, puissions demeurer présents en cette occasion. Swamiji put poser plusieurs questions à Mâ auxquelles elle répondit immédiatement.

Ainsi :

Swamaiji : Mère, qu’êtes-vous en réalité ? Les gens sont tous d’un avis contraire, et personne n’arrive à se mettre d’accord. Que diriez-vous pour vous définir vous-même ?

 : Vous voulez savoir ce que je suis… ? Et bien, je suis ce que vous pensez que je suis. Rien de plus, ni rien de moins.

Swamiji : Quelle est la nature de votre Samadhi ? Est-il d’un Savikalpa ou d’un Nirvikalpa ? Devenez-vous consciente ?

 : Et bien, c’est à vous d’en décider ! Tout ce que je peux dire, c’est qu’au beau milieu de tous ces changements apparents, je sens et je suis consciente que je demeure la même. Je sens qu’au-dedans de moi, il n’y aucun changement d’état. Appelez ça du nom que vous voulez. Est-ce un Samadhi ? Bien des fois, cette question a été posée, et on y a répondu.

 

    Les quelques jours où Mâ resta à Bénarès suffirent à me convaincre de la grandeur de Sa personne, et de la sainteté hors du commun de sa vie. J’appris son histoire de la bouche de ceux qui l’entouraient, parmi eux, il y avait Bolanathji, Sœur Gurupriya, Sansanka Babu et d’autres, et je me rappelle encore avec bonheur ces occasions si joyeuses où Mâ elle-même consentait à évoquer les événements de son enfance, et ses développements ultérieurs quand elle était à Bajitpur et à Dacca. C’étaient des histoires d’un tel intérêt qu’on était tous passionnés. Ces histoires qui rapportent une époque de sa vie où elle se trouvait à Astagram, Bajitpur et Dacca, ont été depuis mises par écrit par ses admirateurs et disciples, et l’histoire de sa vie postérieure à cette époque, jette une lumière mémorable sur la qualité totalement unique de sa personnalité.

    D’ailleurs, la chose qui me frappa le plus en elle à cette époque, était Sa personnalité. Ses traits physiques émanaient un rayonnement magnétique – aussi bien sa contenance souriante, la douceur de son expression que la simplicité de sa vie et de sa conduite. Son indéfinissable façon d’être, comme la cordialité et la chaleur de ses relations avec chacun, ceci allié à une vie d’une extraordinaire sainteté et d’une profonde sagesse, faisait d’elle l’objet d’une attraction et d’une adoration universelle.

 

 

Shrî Mâ à Solan

Par Bithika Mukerji

 

(Extraits de ‘En compagnie de Mâ Anandamayi’ - Agamat – Mars 2007

 

    Ces jours à Solan furent  merveilleux et tout pleins d’incidents mémorables. Une fois, tandis que le kîrtan  se déroula, Shrî Mâ quitta son siège dans la véranda et entra dans le cercle des chanteurs,  levant sa main droite dans ce geste inimitable qu'elle effectuait durant les nâma sankîrtans. Gini et moi-même avions entendu dire que Didi se tenait toujours derrière Shrî Mâ quand elle se déplaçait avec un groupe de kîrtans, nous envoyâmes donc quelqu'un chercher Didi et toutes les deux nous nous glissâmes dans le cercle des hommes  pour être derrière Shrî Mâ. Pratiquement à la seconde suivante, nous nous sommes retrouvées avec nos mains agrippées par Shrî Mâ ; elle nous reconduisit tout simplement droit à la véranda puis entra de nouveau dans le groupe de kîrtans. Elle avait été si rapide qu’on n'avait même pas noté son absence et que nous avions eu l'impression qu'elle était juste sortie et rentrée dans le même mouvement. Nous avons réalisé plus tard que Shrî Mâ ne permettait pas aux jeunes filles de se mêler à la foule. Elle ne faisait pas semblant d'avoir un état d'âme extatique durant ces kîrtans, mais elle représentait tout le temps un mélange si harmonieux de surnaturel et de sens pratique que nous vivions à tout jamais dans un pays merveilleux où tout événement extraordinaire était possible.(p.133)

 

    Les mahâtmas voulaient en savoir plus sur la sâdhanâ de Mâ, en particulier sur sa période de « jeu de sâdhanâ » qui a duré plusieurs années dans sa jeunesse à Dhaka. Elle dit : "Tout cela est survenu naturellement. Vous savez tous ce que ce corps n'a pas lu sur de tels sujets ni n’a appris d'autres personnes. De plus, en voyant mon absorption en méditation, beaucoup de gens pensaient qu'ils pourraient m’aider en me parlant de sâdhanâ ou en me lisant des ouvrages sur le travail spirituel. De tels efforts étaient absolument rejetés par ce corps comme s’ils étaient des briques jetés contre un mur massif. Parfois, des conseils venant de l'extérieur étaient aussi perturbateurs qu'un choc électrique - et dissipaient tout simplement l'inspiration intérieure du moment."

    "Tout venait de l'intérieur. Les manifestations des mantras védiques, le rythme, comme ils étaient beaux ! Dans la sâdhanâ, il y a des niveaux, il y a des états durant lesquels les mantras se révèlent d’eux-mêmes. Certains d'entre vous ont vu comment ce corps en était affecté. Quand les mantras védiques sortaient en abondance de ce corps, il assumait les postures justes tandis que les mains prenaient les gestes appropriés ; le flux de la respiration était en accord avec les paroles, même le regard était changé. Tous les mantras ont leur forme spéciale de manifestation. Quand ces manifestations sont spontanées, l'aspect extérieur de l'être intérieur est révélé, et toutes sortes de phénomènes sont possibles. En ce qui concerne ce corps,  il n'est pas question de stade postérieur ou antérieur. Tout ce qui devait se passer se révélait pleinement et ensuite laissait place à quelque chose d'autre. Le processus naturel a sa propre splendeur. Vous plantez une graine ou une pousse et vous vous mettez à la soigner - et l'arbre émerge dans toute sa gloire avec des feuilles, des fleurs et des fruits. On n'a pas besoin de tirer sur les bourgeons. Tout arrive en son temps et déploie une beauté qui lui est propre. Tout ce dont on a besoin, c'est d’un soin constant.

    La sâdhanâ n'a pas amené de changement dans ce corps - il est resté tel qu'il est. Vous pouvez le comparer à une boule de pâte - vous pouvez en faire ce que vous voulez, un oiseau, un animal, un arbre, une poupée, et ensuite en faire de nouveau une masse amorphe ".

   Durant ce séjour à Solan, je me souviens d'un autre incident plutôt étrange. Un monsieur, N., avait accompagné Shrî Mâ à partir de Bahrampour au Bengale. il était très calme, mais Shrî Mâ lui marquait une attention particulière à tout moment. Shrî Mâ nous dit une fois que sa femme venait la voir fréquemment. Un jour, Shrî Mâ a vu une  cicatrice récente sur son bras et lui a demandé si elle s'était blessée. Cette dame me raconta alors l'épouvantable histoire de son mari alcoolique. Ce monsieur, un riche propriétaire terrien, avait l'habitude de se laisser aller parfois à des beuveries en oubliant complètement son statut et ses devoirs dans le monde. Quand il sortait de sa stupeur alcoolique, sa femme se blessait elle-même pour protester contre son mode de vie. Il regrettait, promettait de ne plus jamais boire mais un autre accès revenait inévitablement. La dame a montré à Shrî Mâ comment ses bras et ses jambes étaient pleins de ces blessures qu'elles s'étaient infligées à elle-même, et qui s'étaient transformées maintenant en cicatrices.

     On convainquit N. de visiter Shrî Mâ. Elle lui demanda s'il voudrait bien l’accompagner où qu'elle aille. Il a dû avoir conscience de sa grâce et de sa compassion car elle ne lui a dit aucune parole de critique à propos de sa faiblesse. Il obéit et s'en alla de la maison pour être avec elle. C’était ainsi qu’il s’était retrouvé à Solan et qu’il y menait une vie tranquille. Un jour il dit à Shrî Mâ qu'il avait un grand désir de toucher ses pieds. Il savait qu'un pécheur comme lui ne devrait pas aspirer à ce privilège mais il sentait aussi que seul ce contact pourrait le sauver, ou au moins quelques paroles dans ce sens. Shrî Mâ était assise sur son chowki (lit), avec ses pieds à quelques centimètres du sol. Puisque Shrî Mâ ne dit rien, N. s’agenouilla et avec de grands tremblements et de l’agitation toucha ses pieds, les prenant dans les deux mains.

   A ce moment-là, le Dr Girin Mitra, un ancien disciple de Mâ, entra dans la chambre et prit conscience de la situation d’un coup d’œil. L'expression de Shrî Mâ était indescriptible ; en général, tous ceux ou celles de la suite de Shrî Mâ étaient supposés stopper les nouveaux venus dans leurs tentatives de toucher ses pieds. Girinda sourit et regardant Bhoupen dit : "Je  suis maintenant trop vieux pour m'engager sur cette mauvaise voie, qui a pu procurer ce grand privilège. Mais tu as l'âge qu'il faut, donc commence maintenant !" Tout le monde se mit à rire. Mâ a laissé entendre que si son khéyala demeurait si constamment sur N., c'était à cause de sa femme qui était restée loin à Bahrampour. (p.137)

   A Solan, je me suis mise à bien connaître Atmânandaji [la sannyâsinî de Mâ d'origine autrichienne qui a traduit de nombreux ouvrages sur Mâ du bengali ou du hindi en anglais. Son journal spirituel a été publié en partie dans Présence de Mâ  aux Deux Océans,  et récemment de façon plus complète dans La mort doit mourir aux éditions Accarias]. Elle et moi avions l'habitude de partir pour de grandes promenades sur les chemins de montagne. A cette époque, elle se débattait avec ses propres problèmes. (p.138)

                                 Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

 

Mâ, la Mère Universelle

Par Anil Guha

   

 

 

     Shrî Shrî Mâ Anandamayî est un nom unique dans le royaume des saints et des sages de l'Inde. Elle est née le 30 avril  1896 dans un simple hameau appelé Khéora (au Bangladesh) dans une famille brahmine pieuse. Elle a été nommée avec affection Nirmalâ (immaculée) par ses parents, son père Bipin Bihari Bhattacharya et sa mère Mokshada Sundari Dévi (connue plus tard sous le nom de Swâmî Mouktânanda Girijî, après avoir pris le sannyâs en 1938). Contrairement au mortel ordinaire, elle était apparue sur cette terre avec pleine conscience. Ceci s’est révélé clairement dans les années qui ont suivi grâce à sa propre lîlâ (jeu) et à ses paroles. Elle a dit souvent à ses fidèles : «Je suis toujours avec vous... Souvenez-vous, où que vous soyez, proches ou loin, de tout ce que vous faites, rien n'échappe à l'attention de ce corps [la manière dont Mâ se désignait-elle même].» Paramhamsa Swâmi Yogânanda cite Shrî Mâ dans son fameux livre l'autobiographie d'un yogi : « Ma conscience ne s'est jamais associée avec ce corps temporaire. Avant de venir sur cette terre, j'étais la même. En tant que petite fille,  j'étais là même, et quand j'ai grandi pour devenir une femme, je suis demeurée toujours la même. Et en face de vous, maintenant, je suis la même. Après également, à travers la danse des changements et de la création autour de moi, je resterai la même. » Cette affirmation indique très clairement le fait que Mâ Anandamayî est toujours restée en unité complète avec Brahman, le Non-manifesté.

 

     La petite Nirmalâ s'est développée en une fille exceptionnellement belle et aimable, et dès l'âge de treize ans on la maria à  Ramani Mohan Chakravarti qu'on a appelé plus tard Bholanâth ou Pitajî. C'était le 7 février 1909. En décembre 1922, celui-ci a reçu l'initiation de Mâ et il a été peut-être été le premier fidèle et disciple à propos duquel Mâ ait dit : « Il menait une vie extraordinaire de renoncement à soi-même et d'ascétisme rigoureux ». 

 

    Quelques années après le mariage, à Ashtagram, la nature spirituellement très élevée de Nirmalâ a été reconnue par un certain Hara Kumar Roy : un jour, tandis qu'il la saluait avec révérence, il s'exclama d'une façon prophétique : « Maintenant, c’est moi qui vous appelle Mâ, mais un jour, ce sera le monde entier vous appellera ainsi ! ». De nouveau, une autre personne, Kshetra Mohan, un ami de Bholonath,  a découvert la déesse Durgâ en Mâ et s'est prosterné devant elle.

 

    Nirmalâ Chandra Chattopadhyay à Dacca, une autre fidèle ardente de Mâ, a vu Mâ à Shahbag sous la forme de Sarasvâtî Dévî. Pramatha Babu, encore un autre de ses fidèles, a souhaité un jour en son for intérieur avoir la vision de Mâ en tant qu'incarnation (mûrtî)  de Kali Chinnamasta. Une fois, Mâ l’emmena  avec Bholonath au temple de Kali Siddhesvarî. Un serviteur de Pramatha Babu les avait aussi accompagnés. Mâ resta  assise en silence là-bas pendant longtemps mais quand la paix fut répandue de façon parfaite alentour, elle se mit debout et Pramatha Babou vit clairement en elle cette forme de Kali Chinnamasta. Plus tard, le serviteur de Babou révéla que Mâ lui était aparue sous forme des dix Mahavidya [littéralement « les grandes connaissances », les dix formes terribles de la déesse Kali].

 

    Plus tard, alors qu'elle résidait dans différentes parties du pays  en établissant des relations spirituelles avec ses fidèles, beaucoup d'entre eux l'ont vue sous différentes formes divines. Le râja Durga Singh de Solan (connu plus tard sous le nom de Yogi Bhai) avait reconnu Mâ sous la forme de Bhagavati Durgâ. Un industriel du Goujarat (Shri Munsha) avait distingué  en elle sa divinité d'élection, Amba Dévi. Shri GS Pathak y avait vu la déesse Sarasvâtî. Il y a de très nombreux exemples de ce genre de fidèles qui ont  reçu la bénédiction de voir Mâ sous différentes formes. Cela confirme ce que Mâ avait l'habitude de dire : « Ce corps est tout ce que chacun d'entre vous pense qu'il est ».

 

       Il y avait un autre trait unique qu'on pouvait remarquer durant toute la vie de Shrî Mâ, et qui l'a révélée comme la Mère universelle acceptant toutes les religions comme des chemins menant à la Réalité ultime. C'était au tout début  de son existence, quand elle avait à peine cinq ou six ans, dans le village où les missionnaires chrétiens étaient venus prêcher leur foi.  Elle leur courut après et leur acheta un livre sur le Christ en en payant le prix de deux centimes. Elle voulait tout savoir à propos de Jésus. Plus tard, un frère de Bholanâth qui dans sa jeunesse avaient fugué de la maison et était devenu chrétien pour même finalement s'engager dans la prêtrise, est venu voir Mâ qui était alors largement reconnue comme une sainte aux vertus rares, et l'a saluée respectueusement. Shrî Mâ n'hésita pas le bénir.

 

     Les proches de Shrî Mâ pendant sa jeunesse ont observé qu'elle est passée à travers des phases distinctes marquées par des types différents d'épanouissement spirituel. La première phase qu'on appelle d'habitude le « jeu de la sâdhanâ » a couvert à peu près les années 1918-1924. La sâdhanâ de Mâ étaient cependant d'un genre différent. Elle a expliqué sur ce sujet à l'un de ses fidèles: « Il me faut vous dire que ce que je suis, je l'ai été depuis la petite enfance; mais quand les différents stades de la sâdhanâ se sont manifestés à travers ce corps, il y a eu comme une surimposition d'Ajñâna, d'ignorance ; mais qu'elle sorte d'Ajñana était-ce ? C'était réellement Jñâna, la connaissance, déguisée sous forme d'Ajñâna... » Elle a ensuite développé plus avant  cette nature inhabituelle de sa sâdhanâ. « Un jour à Bajitpur, j'ai été me baigner dans un étang près de la maison où je vivais. Pendant que je versais de l'eau sur mon corps, le khéyâla me vint soudainement : « Qu'est-ce que cela ferait si je jouais le rôle d'une 'sadhika' (une aspirante spirituelle)? C'est ainsi que la lîlâ a commencé ». Mais quelle sorte de sâdhanâ était-ce pour Shrî Mâ ? Etait-ce vraiment nécessaire pour des maîtres réalisés de pratiquer la sâdhanâ ? On a largement débattu de cette question dans la littérature indienne  sur les religions. Les fidèles de Shrî Râmakrishna soutiennent qu'il s'était engagé volontairement dans la sâdhanâ seulement pour inspirer ses disciples à se soumettre à des disciplines religieuses intenses. Contrairement à la sâdhanâ de Shrî Râmakrishna sous l'autorité de différents gourous, Shrî Mâ n'a reçu d'initiation d’aucun gourou. Elles étaient en fait son propre gourou. Ceci est arrivé la nuit de Jhulan Purnima [où l'on célèbre Krishna] en août 1920. Pendant qu'elle se préparait pour le rituel habituel de la nuit, elle reçut l'inspiration de jouer à la fois le rôle de gourou et de disciple. Le bija mantra, le mantra d'initiation qui ne comporte qu'une syllabe, s'échappa de ses lèvres spontanément et elle le répéta avec la réalisation que gourou, disciple et mantra ne sont qu'un. Shrî Mâ a expliqué  la signification sous-jacente de l'initiation de la façon suivante: « C'est Dieu lui-même dans le rôle du précepteur spirituel (gourou) qui a révélé son nom aux pèlerins qui se lancent à la recherche d'un guide ». Il n'y a peut-être pas d'autre exemple connu d'auto-initiation. Ainsi dans la vie de Shrî Mâ, nous pouvons distinguer l'épanouissement spontané d'une lîlâ plutôt qu'une sâdhanâ.

 

   A Shahbag, le jardin qui était la propriété du Nawab de Dacca et dont Bholonath était l'intendant, Shrî Mâ passait la plupart de son temps plongée en extase. C'était à cette époque qu'un événement unique, la découverte de l'ancien temple à Kali, eut lieu à l'instigation de Shrî Mâ. Tandis qu'elle était encore à Bajitpur quelques années auparavant, elle avait eu la vision de ce temple. Après s'être informée à Dacca, on l'a menée à un temple de Kali abandonné, presque inaccessible au milieu d'une jungle sauvage et sombre. On disait qu'il avait été visité dans le passé par nombre de saints et de sages fameux d'Inde, y compris le grand Adi-Shankarâchârya (788 - 820) qui avait passé quelques jours là-bas. Après avoir découvert ce temple, Shrî Mâ s'est mis à passer beaucoup de temps là-bas. Un jour à midi à Shabagh, Shrî Mâ a envoyé soudainement chercher à son bureau Bhaïjî (JC Roy, à l'époque haut fonctionnaire du gouvernement du Bengale) qui était l'un des premiers fidèles de Shrî Mâ et qui avait eu le privilège unique d'être accepté comme son dharmaputra, son fils selon le Dharma (filleul, fils spirituel). Quand il arriva, elle lui demanda de l'accompagner à Siddhesvarî. Il y avait là-bas à l'époque un petit creux dans le sol où se trouve maintenant un pilier de taille réduite ainsi qu'un shivalingam. Mâ s'assit dans ce creux et son visage se mit à rayonner, à transpirer d'une joie radieuse. Voyant ceci, Bhaïjî s'est exclamé en s'adressant à Bholanâth : « A partir d'aujourd'hui, nous allons désigner Mâ du nom de Anandamayî », ce à quoi Bholonath obtempéra de suite. Ainsi, la 'Mâ' reconnue par Hara Kumar devint 'Anandamayi' pour Bhaïji, et la postérité l'a connue sous le nom de Shrî Mâ Anandamayî, la Mère universelle qui est toute pénétrée de félicité et qui diffuse son parfum spirituel  sur toute la planète.

 

     Le séjour de Mâ à Shabagh a été remarquable sous bien des points de vue. C'est là-bas que le docteur Sasanka Mohan Mukhopadhya, un médecin-chef du district de Dacca en retraite, et sa fille Adarini Dévî (appelée plus tard Gurupriyâ Dévî ou Dîdî) est venu en contact avec Shrî Mâ en début 1928. L'influence purificatrice de Shrî Mâ sur eux a été telle que le Dr Mukhopadya, au fil du temps, a embrassé la vie de renoncement et est devenu Swâmî  Akhandânanda; Gurupriyâ Dévî, quant à elle, a été la femme la plus dévouée à Shrî Mâ, le compagnon constant qui faisait le service de Mâ dans les débuts et ensuite l'administration des divers ashram. En outre, c'est elle qui a soigneusement noté les souvenirs précieux et tout à fait authentiques de la  lîlâ, du jeu  de Shrî Mâ au fil des années. On les a publiés depuis en dix-sept volumes, en bengali, hindi et anglais, pour le bénéfice des millions de fidèles de Shrî Mâ.

 

    Lorsqu'elle était à Shahbag à Dacca, Shrî Mâ a visité un jour  le mausolée d'un saint musulman situé dans le jardin même, et s'est mis soudainement à réciter des versets du coran. Des fidèles musulmans qui étaient alentour se sont exclamés qu'ils n'avaient jamais entendu de récitation si claire du coran de qui que ce soit auparavant. Ils étaient stupéfaits, d'autant plus qu'ils savaient bien que Shrî Mâ n'avait jamais eu d'apprentissage de ce texte sacré chez quiconque auparavant. Le jardin de Shabagh, là où Bholonath et Shrî Mâ demeuraient appartenait à la famille du Nawab de Dacca, dont Bholanâth étaient l'employé à l'époque. La Nawabzadi Pyari Banu et les membres de sa famille ont été attirés par la ferveur spirituelle inhabituelle de Shrî Mâ et sont devenus ses ardents fidèles, à tel point qu'au mariage de ses deux seuls enfants, sa fils et sa fille, célébré le même jour à Calcutta, elle a invité Shrî Mâ à être présente au cours des deux cérémonies qui eurent lieu dans deux maisons différentes. Une vieille histoire de famille a été aussi réglée à l'amiable grâce à l'intervention bénéfique de Shrî Mâ, et tous en furent satisfaits.

 

   On sera intéressé de savoir que, bien que le jardin de Shahbag ait été la propriété de la famille d'un Nawab musulman, la poujâ annuelle de Kali y a été célébrée en présence de Shrî Mâ et que la femme du Nawab, Pyari Banu, plaça une guirlande en or autour de l'idole de Kali. C'étaient le type d'intégration spirituelle que Mâ induisait entre les deux communautés.

 

    Shrî Mâ avait aussi des centaines de fidèles Sikhs, y compris nombre de saints de cette confession tel qu'Avadhûtjî qui était devenu tout à fait proche de Mâ. Beaucoup de fidèles de Jalandhar, Ludhinana et d'autres lieux viennent souvent à l'ashram de Kankhal, où il y a le Mahâ Samâdhi Mandir (Ananda Jyotî Pîtham) et sont présents en bon nombre à l'occasion des grandes fêtes. Ils conquièrent le coeur de tous les fidèles et membres de l'ashram par leur dévotion et leur service généreux. De multiples chercheurs spirituels du monde entier appartenant à toutes sortes de croyances, de castes et de religions différentes sont venus voir Shrî Mâ pour avoir des réponses à leurs questions spirituelles, et s'en allèrent pleinement satisfaits, avec une bénédiction de paix et de consolation. Ceci indique l'universalité de Shrî Mâ dans son approche à la vie spirituelle, elle voyait l'humanité comme un tout intégré et identifié avec l'Un unique,  ce sont les termes mêmes de Mâ .

 

     Jusqu'en 1928, les activités de Shrî Mâ sont restées principalement confinées au district de Dacca. Mais la 'marée montante' était déjà venue et il devenait difficile de la retenir. En mai 1928, elle alla visiter les temples de Déogarh au Bihar où elle rencontra le saint célèbre Balânanda Brahmâchari; celui-ci, profondément impressionnés par son comportement spirituel, n'eut pas d'hésitations à proclamer : « Elle est la Mère divine incarnée ». Grâce à Balânandajî, de nombreux autres saints de l'époque sont rentrés en contact avec elle. Ce n'était qu'un début. Où qu'elle puisse aller, à partir de ce moment-là, elle attirait comme un aimant non seulement les gens en général, riches ou pauvres, quelles que soient leur caste, leurs croyances, leur couleur ou leur religion, mais aussi les saints les plus réputés de tous les coins de l'Inde et de l'étranger. En fait, en réalité, lors des dernières années de sa vie, les saints et les sages se sont rassemblés autour d'elle pour recevoir sa bénédiction d'une façon telle que cela rappelle le verset de la Bhagavad-Gîtâ (IV, 8):

 

Paritrânâya sâdhûnâm vinâshâya cha duskritâm

Dharmasansthâpanârthâya samhavâmi yuge yuge

 

   Afin de soutenir le bien, afin de détruire le mal, pour rétablir le Dharma, j'interviens d'âge en âge.   

     On peut peut-être être dire que c'est lors de son séjour à Déogarh qu'elle s'est mise à vraiment remplir sa fonction d'aider et conseiller les gens. D'abord dans le Bengale oriental, et ensuite dans le nord de l'Inde, elle visita d'innombrables  lieux de pèlerinage. Pendant ces voyages, beaucoup de fidèles, hommes ou femmes, jeunes ou vieux se sont joints à son entourage. Certains quittèrent de façon permanente la maison familiale et demeurèrent auprès de Shrî Mâ. C'est ainsi qu'on ressentit le besoin de construire des ashrams et que par conséquent un petit centre fut d'abord établi à Siddhesvarî, puis un autre à Râmana à Dacca. Plus tard, bien sûr, une série de beaux ashrams sont apparus dans différents centres de pèlerinage du pays, il y en a une trentaine, certains de ses ashrams ont de belles statues de différents dieux et déesses, et il y en a qui  sont investis d'une signification sacrée particulière, par exemple la Kali de Siddhesvari, le Chaliya Krishna de Vrindâvan, l'Ananda Gopal de Vârânasî, le Shrî Râma-Sîtâ et Lakshmana de Kalyanvan à Dehra-Dun, etc.. A Vindyâchal, Mâ indiqua un endroit spécifique près du lieu où il y a son ashram maintenant. Le Département  d'Archéologie du gouvernement s'est mis à faire des fouilles, et le site d'un temple ainsi qu'un grand nombre de statues de dieux et de déesses ont été exhumés.

 

     On notera avec intérêt que Bhaïjî, bien qu'il ait eu le privilège de garder une association constante avec Shrî Mâ seulement pendant une dizaine d'années, a été animé de l'intuition profonde de reconnaître la Mère divine Anandamayî chez Nirmalâ, la jeune femme de village belle mais illettrée. C'était lui qui avait prédit : « La sainte Mère est l'incarnation, la manifestation de tout ce que nous pouvons concevoir de la divinité ou de la déité. Sa forme physique, ses actions et ses humeurs joueuses sont toutes surnaturelles et extraordinaires. Si nous sommes établis dans cette conviction, nous réaliserons que dans toutes nos actions, notre méditation et notre connaissance, elle est l'objet d'adoration suprême et unique, et si finalement nous concentrons notre attention sur ses pieds sacrés, nous n'aurons pas besoin d'autres havres ou refuges dans notre voyage de la vie vers l'illumination et l'émancipation spirituelle ultime.»

 

      Le fait même que Shrî Mâ ait révélé de multiples façon sa vraie nature durant une période plutôt brève est une indication suffisamment claire de l'état spirituel élevé de Bhaïjî. C'était en 1937 que Bhaïjî s'était joint à Shrî Mâ dans son pèlerinage au mont Kailash et au Lac Mansasarovar; il fut alors envahi soudainement par un besoin de renoncement complet et  reçut de Shrî Mâ l'initiation au sannyâs, sous le nom de Maunanand Parvat [littéralement « Montagne, félicité du silence »]. En revenant de ce pèlerinage, il décéda soudain à Almora dans une paix et une félicité complète sous la protection de Shrî Mâ. Après ce décès, elle fit remarquer qu'il avait atteint un état de réalisation du Soi qu'on ne pouvait exprimer par le langage.

 

     Le fait que Bhaïjî ait observé silencieusement, mais avec grande attention et de très près les diverses manifestations spirituelles de Shrî Mâ dans ses années de jeunesse, il l’a mis dans une position unique pour comprendre également la vraie nature de ses développements. Dans son livre Matri darshan, il a relevé un nombre de pouvoirs inhabituels que Shrî Mâ avait manifestés, que ce soit au niveau des mantras, de la pensée ou du Yoga. A partir de sa connaissance personnelle et de son expérience intime, il a cité un grand nombre d'exemples de tels pouvoirs qui ont émanés de Shrî Mâ pour le bien de ceux qui étaient dans le besoin ou la souffrance. Pendant cette période précoce, il arrivait que Shrî Mâ revienne à son état normal après des extases profondes et des états de  samâdhi, et que beaucoup d'activités yoguiques se manifestent alors d'elles-mêmes; à certains moments, un flot ininterrompu et suprêmement mélodieux de vérités divines émergeaient de ses lèvres sous forme d'hymnes en sanskrit remplis d'un sens spirituel riche, comme si les vérités divines avaient pris la forme de symboles sonores en provenance du ciel éternel à travers le langage de Mâ. Il est en fait dommage que simplement quatre de ces hymnes sacrés aient pu être notés, et encore seulement  en partie, pour être ensuite transmis à la postérité. Par la suite, il a cependant été possible de garder des documents authentiques des mouvements de Shrî Mâ, de ses activités, de ce qu'elle disait, de ses chants etc. sous forme de centaines de rouleaux de film, de cassettes audio ou vidéo. En outre, un grand nombre de publications sont sorties ces dernières années sous la plume de savants réputés et de fidèles, que ce soit  en Inde ou à l'étranger : ils offrent aux chercheurs de vérité un matériel précieux ouvrant sur des abîmes de sagesse.

 

    Une caractéristique de Shrî Mâ, c'était qu'elle ne restait pas confinée entre les quatre murs d'un ashram donné dans quelque partie du pays que ce soit. Elle semblait toujours être en mouvement, en général avec un entourage et parfois en ajnâta vâs, en solitude, vivant par elle même. Il n'y avait jamais de traces de fatigue sur son visage. Une fois, cependant, quand certains fidèles ont remarqué que Shrî Mâ se déplaçait tout le temps, elle les a contredit immédiatement en affirmant que, puisqu'il n'y avait pas assez de place pour elle afin de se reposer, la question de son mouvement d'un lieu à un autre ne se posait pas. La pleine conséquence de cette affirmation, c'est qu'elle n'était pas conditionnée par le temps et l'espace, sa vision étaient en fait au delà de toutes les dimensions. Elle avait souvent dit : « Il n'y a pas d'allées et venues pour ce corps ». Shrî Mâ insistait toujours sur l'unité des sois individuels, qui paraissent séparés, à l'intérieur de l'Ame suprême est unique. La multiplicité émane du Un. Et elle était toujours identifiée avec ce Un. Elle a déclaré constamment : « Il n'y a rien que le Un ». Brahman, dans le jeu de sa pensée créatrice, kheyal, avait pris des millions de formes dans cet univers manifesté tel que nous le percevons, et de même, la forme 'Anandamayî' de Shrî Mâ, la Mère universelle pénétrée de félicité s'est manifestée par sa lîlâ et ses kheyals à un grand nombre de fidèles sur la planète.

 

    Cependant, il semblait plutôt étrange pour une telle Mère divine qui ne connaît ni début ni fin, que de nombreux fidèles dans les ashrams ou chez eux célèbrent son anniversaire chaque année en grande pompe, avec joie et splendeur. Lors des célébrations de son 60e anniversaire, en 1956, un fidèle lui a demandé la signification de cet anniversaire : elle lui a répondu qu'il était vrai qu'elle n'était pas née au sens réel du terme, Krishna ne l'a pas été non plus, cela n'empêche pas malgré tout de célébrer avec une ferveur religieuse son anniversaire, Krishna Janmâshtami. De tels anniversaires, qui ne consistent que dans des rituels religieux, ont l'utilité de concentrer l'attention des gens sur le divin et ainsi d'accroître leur dévotion et leur réceptivité spirituelle. C'était en avril-mai 1982 que des centaines de fidèles de tous les pays s'étaient rassemblés à l'ashram de Mâ Anandamayî à Kankhal et ont célébré son anniversaire en sa présence physique pour la dernière  fois.

 

     Une réunion religieuse importante qu'on appelle Samyam Vrata [voeu d'auto-contrôle] a été débutée à l'instigation de Shrî Mâ en 1952. Elle revient chaque année pendant une semaine pour donner aux fidèles une discipline physique, morale et spirituelle et conférer de la beauté à leur vie. Mâ désirait qu'au moins une semaine chaque année ses fidèles essaient d'abandonner la vie du monde et consacrent cette période aux pratiques spirituelles. Le Samyam Vrata a lieu chaque année en des endroits différents. Les participants s'engagent à jeûner,  à part un repas léger,  et à s'abstenir de disputes, de bavardages stériles, de fumer, de boire même du café ou du thé, etc.,  et à observer le brahmachârya. Chacun vit dans une simplicité complète. Les participants passent la plus grande partie de leur temps occupés avec la méditation, le japa ou le kirtan, etc. Des religieux renommés pour leur sainteté et des orateurs savants de différentes parties du pays participent aussi à cette réunion qui dure une semaine et éclairent les participants sur des sujets spirituels grâce à leurs discours éloquents pendant la journée. Le soir, il y a environ une heure accordée au Matri Satsang. et Mâ de son temps répondait à toutes les questions des participants et ainsi les aidait à dépasser leurs doutes.

 

      Il y avait des aspects inhabituels chez Shrî Mâ. Tout ce qu'elle faisait émanait en fait de l'intérieur, et provenait de ses khéyâls. C'était depuis la période de Dhaka qu'elle était incapable de prendre aucune nourriture de son propre chef. Le peu qu'elle prenait devait lui être donné par des personnes très proches comme Gurupriya Didi ou Udasjî dans les dernières années. À certains moments, elle plongeait dans un silence complet pendant des journées voire des mois d'affilée. Une fois, ceci a continué pendant une période de trois ans. Souvent au milieu de programmes chargés, Shrî Mâ allait en solitude complète dans des endroits inconnus de tous. On sait sa préférence pour les règles traditionnelles. Shrî Shrî Prakash, le gouverneur du Maharashtra lui demanda en 1968 quel était le traitement qu'elle proposait pour remédier à la décadence morale et spirituelle de la société moderne. Shrî Mâ n'a pas eu d'hésitation à suggérer que la panacée étaient l'adhérence au système védique ancien dont les fondations étaient le brahmachârya, c'est-à-dire que les jeunes hommes et femmes vivent comme des célibataires en recevant une éducation spirituelle de leur gourou avant de se lancer dans la vie de famille. Elle estimait que c'est seulement si on enseigne aux jeunes le contrôle de soi, l'équanimité, l'absence d'ego et la centration sur Dieu qu'ils peuvent être bien équipés pour pratiquer cet art qu’est la vie. Le brahmachârya mène alors automatiquement à la brahmavidya, la connaissance de Brahman.

      Shrî Mâ suivait la ligne traditionnelle à propos de la nourriture aussi. Elle  insistait sur le fait de prendre une nourriture satvique, c'est-à-dire pas de viande, de poisson, d’ail ou d'oignons. En fait, elle élargissait le concept de nourriture pour signifier tout ce qui est absorbé par le mental et les sens également. Cela signifiait se libérer des pensées et sentiments impurs comme le désir sensuel, l'avidité, la haine, les inimitiés et la colère, etc. L'insistance de Shrî Mâ sur l'observance de certains rituels était aussi connue. Les sacrifices au feu, yajña, avaient une place particulière dans la manière dont Shrî Mâ ordonnait les cérémonies religieuses. Cela commença dès la période de Dhaka, en 1926, quand après la poûjâ à Kali, on alluma le feu sacrificiel pour le yajña et l'offrande finale a été consacrée, Shrî Mâ suggéra qu'on entretienne le feu sacrificiel. C'est ce même feu qui fut ensuite transporté à l'ashram de Vârânasî et après en plusieurs autres ashram y compris celui de Kankhal où on le garde  toujours allumé ­­ comme Shrî Mâ elle-même l'a demandé. Beaucoup de fidèles se souviennent encore avec vénération et crainte sacrée du Savitri Mahâyajña qui s'est tenu à l'ashram de Vârânasî pendant trois ans, entre 1947 et 1950. Des milliers de religieux en provenance de différentes parties du pays y ont participé. Récemment, en mai 1980, on a fait une célébration du grand sacrifice à Rudra, Ati Rudra Mahâyajña, en la sainte présence de Shrî Mâ dans une yajñashâlâ (abri spécialement conçu pour ce genre de sacrifice)  qu'on avait spécialement improvisée à l'ashram de Kankhal. Des milliers de fidèles venant de toute Inde et de l'étranger y ont pris part avec enthousiasme. Depuis, une structure permanente a été joliment édifiée, au même endroit exactement. La forme architecturale de cette yajñashâlâ unique a reçu l'accord et les bénédictions de Shrî Mâ.

 

      En insistant sur les valeurs traditionnelles, Shrî Mâ a toujours conseillé à ses fidèles d'être absorbé de plus en plus dans le japa et la méditation. La participation au satsang, la lecture de livres saints et le fait d'écouter des discours religieux avec sincérité, tout cela est sûr de mener régulièrement chacun le long de la route vers le but ultime de la Réalisation divine. Souvent Shrî Mâ demande à son audience de consacrer au moins quelque temps chaque jour au souvenir du nom de Dieu sous quelque forme que ce soit, pourvu que celle-ci leur soit chère. Il est donc tout à fait naturel que dans chaque ashram qui font partie de l'Anandamayî Sangha, des satsangs, la récitation des livres saints tels que la Gîtâ, la Chandî, les kirtans, parfois l'akhanda Nâma Sankîrtan et le Nama Yajna [vingt-quatre heures de récitation continue du mahâ-mantra Hare Krishna... par les hommes et les femmes en alternance] constituent des caractéristiques de leurs activités spirituelles. Ils représentent des façons sûres de parvenir à la Réalisation de soi, et c'est simplement à travers la réalisation des individus que la transformation du monde aura lieu, rendant ainsi la planète un meilleur endroit pour que l'homo sapiens y vive dans une paix et une harmonie éternelle.

 

     Pendant son long séjour spirituel de par le pays, qui s'est étendu sur plus de 60 ans, Shrî Mâ a attiré des millions de fidèles en leur donnant l'aide et le secours auxquels ils aspiraient. Parmi ces chercheurs spirituels, on pouvait trouver des hommes d'affaire, des artistes, des savants, des journalistes, des religieux, des râjas et des reines, des chefs politiques ou sociaux, des hauts fonctionnaires, des diplomates étrangers, des gens de toutes les couleurs, castes, croyances ou religions,  des riches et des pauvres. Tout ceux, hommes ou femmes, qui l'ont rencontrée même une fois en sont revenus d'une façon constante plus heureux, ayant trouvé auprès d'elle une paix indicible de l'esprit et une joie du coeur. Sa présence, même en silence complet, résolvait d'une façon satisfaisante  toutes les questions lancinantes dans le mental des chercheurs spirituels qui se trouvaient dans l'assistance. Shrî Mâ était sans aucun doute un exemple vivant du Dakshinamoûrtî de Shrî Shankarâchârya : Mauna bhi akshaprakâtita parabrahma tattvam «le silence représente la réalité du Brahman Suprême totalement au-delà de la connaissance (intellectuelle)»

 

 

 

 Il peut être intéressant de connaître les conseils de Shrî Mâ pour tous ceux qui veulent trouver un style juste de vie quotidienne afin de sortir des filets de ce monde de souffrance. Un malade a besoin à la fois d'un contrôle alimentaire et de médicaments. A ceux qui souffrent, Shrî Mâ suggère : Votre médicament, c'est la répétition du Nom divin et la contemplation de sa signification, votre régime quotidien sera le contrôle de soi. Pratiquez les deux ensemble pendant un jour donné de la semaine, une fois tous les quinze jours au moins une fois par mois. Plus vous le pouvez, mieux c'est. Vous devez observer les règles suivantes durant cette journée particulière de pratique

 

1.      Observez la vérité en paroles, en pensée en action.

2.      Conservez votre esprit serein durant cette journée, en préférant l'éternel à l’éphémère; avec une dévotion intense, gardez votre mental constamment orienté vers la forme divine, son message envers l'être humain et sa gloire telle qu'elle est révélée dans la Gîtâ.

3.      Maintenez une simplicité extrême de nourriture et de vêtement.

4.      Essayez pendant cette journée de garder toujours présent à l'esprit que Dieu envoie tous les soucis pour purifier votre Soi.

5.      Gardez un esprit de service pendant cette journée en considérant que vos parents, vos enseignants, vos enfants, votre femme ou vos voisins sont autant de canaux à travers lesquels votre service Le touche.

6.      Renforcez toujours la conviction que vous demeurez dans la vérité, que vous grandissez dans le sein de Dieu et que vous vous perdez vous-même pour Le trouver encore plus de jour en jour.

7.      Souvenez-vous constamment que les joies et souffrances du monde sont des ombres éphémères de votre propre Soi ; en jouant avec la force divine faites venir en vous une paix et un bonheur qui dure toujours.

8.      Laissez à votre mental toute liberté afin qu'il puisse jouer avec Lui, se réjouir des beautés de ces formes, de ses attributs et de sa grâce, et évoluer avec joie dans ce qui a été dit à propos de Lui dans les écritures par les saints de tous les pays.

9.      Quand vous sentez que vous ne progressez pas spirituellement, pensez toujours que c'est vous seul qui êtes responsables des difficultés qui vous arrivent; renforcez votre volonté  avec de plus en plus d'énergie, avec un sens de l'ego qui est plus pur et plus élevé, c'est-à-dire «je dois réciter Son nom de plus en plus pour L'appeler", ou "je vais L'adorer, apprendre à L'aimer». Ce sens du je dirigé vers Dieu est bien meilleur qu'un soi égoïste.

10.  Souvenez-vous toujours pendant la journée, que la répétition de Son Nom a assez de pouvoirs pour laver tous les péchés, que ce soit de cette  vie ou des vie passées.

 

      Shrî Mâ Anandamayî a quitté sa forme physique le 27 août 1982 à l'ashram de Kishenpour près de Dehra-Dun : son corps a été déposé dans le mahâsamâdhi de l'ashram de Kankhal le 29 du même mois. On a bâti autour un nouveau sanctuaire de toute beauté  qui s'appelle 'Ananda Jyotî Pitham' et on l'a inauguré solennellement le 1er mai 1987. On y a  aussi installé le même jour une statue de marbre blanc de Shrî Mâ Anandamayî. On a accompli dignement les célébrations du centenaire de Mâ du 3 mai 1995 au 6 mai 1996 en différents lieux du pays et à l'étranger, de nombreux fidèles de Shrî Mâ, des personnalités religieuses et des responsables de la vie sociale et publique y ont participé.

 

    Clairement, il est futile pour nous de chercher à évaluer Shrî Mâ Anandamayî. D'après ses  paroles elles-mêmes, elle est immuable, toujours existante, Satchidananda [être-conscience-félicité], la vérité elle-même et ne peut être mesurée ni par le temps ni par espace,  au-delà de toutes les dimensions. Comment pourrions-nous, nous qui sommes des êtres infimes, nous aventurer à englober ses gloires avec notre compréhension et vocabulaire limités?

 

A la fin de ces réflexions, puissions-nous chanter à gorge déployée le beau chant d'offrande de Bhaïjî qu'il a laissé à tous les aspirants à la vie divine :

 

 

«Toutes mes actions, toutes mes pensées de religion sont en fait une adoration qui

t'es dédiée. O Mère, donne-moi la bhakti et une foi ferme, afin que je puisse faire de la méditation sur toi l'ancre de mon existence».

 

Anil Guha, ex-secrétaire de l’ashram de Mâ à Delhi

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ

Mâ vue par ses disciples Souvenirs de 1946

En compagnie de Mâ – Mâ à Solan  Bithika Mukerji

Mâ, la Mère Universelle Anil Guha

 

 

 

 

 

 

 

Jay Ma N° 78 - Automne 2005

 

 

 

Éditorial

 

Jay Mâ a vingt ans !

 

C'est exactement il y a deux décennies, en septembre 2005, qu'Atmânanda a relu le numéro un du ‘Jay Mâ’. Elle avait suggéré à Danièle Perez de commencer ce journal trimestriel sur Mâ en français. Celle-ci l'a continué à partir de Paris jusqu'au 1991, et ensuite Jacques Vigne - qui est devenu Vigyânânanda depuis l'anniversaire de Mâ en mai dernier- en a repris la rédaction à partir de Kankhal. Quant à Atmânanda, ce fut son dernier travail après une vie bien remplie par l'écriture, surtout pour la traduction et la présentation des enseignements de Mâ. En effet, elle est décédée à Kankhal début 2005 en quelques jours d'une infection grave. Nous évoquerons son itinéraire remarquable dans ce numéro, depuis une enfance dans le bouillonnement intellectuel de la Vienne de l'après guerre, puis la société Théosophique et Krishnamurti, jusqu'à Mâ Anandamayî.

Le monde a toujours été le domaine de l'éphémère, mais de nos jours où tout s'accélère, la durée des  revues et des magazines et souvent plutôt brève, même s'ils sont lancés en grande fanfare avec des fonds considérables. Vingt ans d'une journal comme ‘Jay Ma’ est une preuve de stabilité, et celle-ci a au fond pour base le Soi lui-même. Dans l'enseignement de Mâ, nous ne recherchons pas l'expansion d'un mouvement ou le prosélytisme, mais nous souhaitons que chacun ait le temps, l'énergie et le savoir faire pour pouvoir mener une réelle vie intérieure.

 

 

 

A l'occasion de ce numéro, nous demanderons aussi aux lecteurs de nous faire savoir s'il l'ont bien réceptionné (voir à la fin pour les adresses à contacter). Il y a des problèmes avec la poste indienne à Kankhal et à Hardwar, nous essayons à partir de cette fois-ci une nouvelle formule avec une sorte de poste-suivi, et souhaitons donc savoir qui a reçu ou non le ‘Jay Mâ’ pour pourvoir le signaler à la poste. Si ce système ne fonctionne toujours pas bien, Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) a accepté de faire photocopier et d'envoyer les ‘Jay Mâ’ de Nice, ce qui aurait l'avantage d'une distribution beaucoup plus sûre, mais l'inconvénient de doubler le prix d'abonnement. Voyez à la fin de ce numéro pour le détail des contacts afin de répondre brièvement à cette enquête. Faites-le immédiatement, ainsi vous n'oublierez pas et de notre côté nous aurons les idées plus claires. Vous serez informés de la suite de ces questions pratiques probablement dans le prochain numéro.

Je ne sais pas s'il faut souhaiter aux lecteurs une bonne étude et méditation sur le ‘Jay Mâ’ pour les vingt ans qui viennent : l'avenir ne nous appartient pas, mais nous pouvons toujours souhaiter le développement de cette graine de lumière, cette bîjâ dont parle souvent Mâ, qui est en nous et qui ne demande qu'à croître.

Kankhal, le  4 septembre 2005

Vigyânânanda (Jacques Vigne)

 

 

 

Paroles de Mâ

 

Par le fait d'être vide, le "blanc", shveta, peut survenir et il arrive qu'ils survienne également en dissolvant tout à l'intérieur. Ce "blanc" est la non-forme qui prend la forme de toutes les formes, on peut donc dire qu'il représente la forme de la non-forme. Pour devenir "blanc", il faut rester simple et direct. Si tu t'efforces de rester dans la vérité et la simplicité tu deviendras blanc comme le lait, tu demeureras toi-même dans le bonheur et les autres en feront de même en t’approchant. Être détaché, voilà le signe de cette "blancheur" et de cette simplicité. Si tu annules, rends vide ton orgueil et tu te mêles à ce monde, tu verras que tous s'activeront pour combler ton vide et que ton travaillait et ton comportement religieux juste et idéal serviront aux autres de modèle. En notre époque de consommation et de distractions, le renoncement sacré et la simplicité sont le but spécifique de l'homme. En réalité, un notre nom du renoncement complet, pûrna tyag,  c'est l'expérience complète, pûrna bhog. (Amrita Varta, hindi, octobre 2004)

 

Si tu dois être libre, que ce soit en coupant la chaîne, comme un oiseau indépendant qui a laissé tomber le souci du vivre et du couvert et qui doit se lancer sans peur et avec audace dans le ciel.

 

Dans ce qu'il y a de périssable, on ne peut trouver de révélation du Soi.

 

Comme un héros, prends refuge dans la patience,  et fais ce que tu as à faire. Dans les richesses et les propriétés, et n'y a certainement pas de paix

 

Tant qu'on n'a pas trouvé Dieu, le chagrin ne s'en ira pas

 

Efforcez-vous de consacrer votre esprit exclusivement à l'éternel. (Shree Shree Ma Anandamayi diary)

 

 

 

 

Evocation de l'histoire d'Atmânanda

 

 

 

 

"Oubliez l'oubli. La mort doit mourir ".

Shrî Mâ Anandamayî

 

Avant la rencontre de Mâ

 Le journal d’Atmânanda constitue un témoignage intime de l'odyssée spirituelle d'une européenne artiste et ses rapports troits avec quelques-uns des personnages les plus importants du XXe siècle - notamment avec son guru, la grande mystique

bengalie, Shrî Mâ Anandamayî. De façon exceptionnelle, il relate le trajet de ses compagnons de route, d'autres artistes de l'Occident, des intellectuels et des gens partis à la découverte du spirituel. Comme elle, ils ont entrepris le voyage en Orient durant la première moitié du XXe siècle; ils ont servi de précurseurs a beaucoup de jeunes Européens et Américains qui, à partir de la fin des années 60, ont envahi l'Inde en quête d'une plénitude spirituelle.

Atmânanda naquit à Vienne le 7 juillet 1904, dans une famille juive de condition aisée et reçut le nom de Blanca. Son enfance fut profondément perturbée par la mort de sa mère après la naissance de sa soeur cadette. Les deux fillettes furent élevées par leur grand-mère et une série de tuteurs. Malgré ses fréquents déplacements, le père de Blanca s'intéressa de près à l'éducation de ses filles et voulut leur procurer ce que le monde offrait de meilleur. C'est ainsi qu'elles eurent une gouvernante qui ne leur parlait qu'en français et une autre qui ne leur parlait qu'en anglais, afin qu'elles apprennent à s'exprimer dans ces deux langues couramment.  Quand on s'aperçut que Blanca était douée pour la musique, on achèta un piano à queue et on engagea les meilleurs professeurs. Elle devint une sorte d'enfant prodige et donna son premier récital public à l'âge de seize ans.   

       Le père de Blanca l'encouragea à plonger dans le tourbillon de la vie culturelle de Vienne, qui était alors la capitale du vaste empire austro-hongrois. C'étaient la Vienne de Freud, de Mahler, de Gustave Klimt et de Richard Strauss, la cité qui, l'espace d'un instant vertigineux, avait atteint les plus hauts sommets de la civilisation occidentale. Mais toute cette splendeur allait bientôt s'écrouler sous les coups de canons de la première guerre mondiale, pendant laquelle Blanca, comme une bonne partie des habitants de la ville, vécut parfois au bord de la famine.

    C'est pendant cette période marquée par le chaos et la dévastation que furent semées les graines de la quête mystique de Blanca. Elle se mit à lire les écrits spirituels de Tolstoï, les sermons du Bouddha et de maître Eckhart, la poésie mystique de Rilke et les romans ésotériques de Hermann Hesse et de Gustave Meyrink. Un jour, à l'âge de seize ans, tandis qu'elle traversait un parc en songeant à toute cette destruction insensée, se produisit l'un des événements les plus importants de sa vie. Soudain le monde matériel - les arbres, les rochers, le ciel, l'eau - s'anima d'une vie immense et s'emplit d'une lumière divine dans laquelle il n'y avait plus de ligne de séparation entre celle qui  percevait et ce qui était perçu, une unité qui, par définition, était amour perpétuel. L'espace d'un instant éternel, tout ceci lui fut révélé avec une force inouïe, et cette révélation allait être désormais le nerf moteur de sa vie.

       Blanca découvrit bientôt la Théosophie, qui donna une structure et une expression à son expérience. Elle s'immergea dans ce nouveau mouvement spirituel à une époque où celui-ci avait atteint l'apogée de sa popularité et de son dynamisme. En 1925, elle assista à la convention marquant le 50e anniversaire de la Société Théosophique qui eut lieu en Inde du sud, au quartier général de la société. Elle vécut ensuite plusieurs années en Hollande dans une grande communauté théosophique.

      Blanca fit la connaissance du "Messie malgré lui" de la Théosophie, J. Krishnamurti, et tomba sous son influence. Elle finit même par abandonner définitivement l'Occident pour aller enseigner à Bénarès, à l'école de Krishnamurti. En même temps, un compatriote autrichien saisit le pouvoir à Berlin. Il s'embarqua sur une voie de destruction et de racisme plein de haine qui anéantirait complètement et à tout jamais le monde où elle était née et qui allait emporter la plupart de ses amis et membres de sa famille.

      Plus tard, déçue par l'enseignement de Krishnamurti, elle reprit sa quête, qui la mena à l'ashram de Râmana Maharshi, le célèbre sage de l'Inde du sud. Elle trouva auprès de lui une grande paix, mais sa destinée était ailleurs. Elle toucha enfin au but lorsqu'elle rencontra Shrî Mâ Anandamayî, la grande mystique bengalie, que ses fidèles considéraient comme une incarnation de la Mère divine. De 1945 à sa mort, la vie d’Atmânanda fut de plus en plus centrée sur sa relation avec cette femme extraordinaire, relation dans l'unique but était la révélation du mystère de sa propre existence…

 

Les dernières années

 

     En 1965, une disciple hollandaise fit construire une charmante maisonnette pour Atmânanda dans la retraite de Mâ Anandamayî baptisée Kalyanvan non loin de la ville de Dehra-Dun. Situé à une altitude de 750 m, dans un beau et paisible jardin entouré de pins et de jaquiers, avec vue sur l'Himalaya, ce lieu était plus qu'Atmânanda n'avait jamais osé espérer et elle eut la joie d'y demeurer jusqu'à la fin de sa vie. Chaque après-midi, elle parcourait à pied les quelques deux kilomètres qui la séparaient de l'ashram de Kishenpur et dirigeait le kirtan auquel assistait fidèlement un groupe de disciples locaux.

     Quand je l'ai connue en 1972, Atmânanda avait depuis longtemps trouvé refuge dans son guru ; les luttes passionnées consignées ici étaient déjà un souvenir lointain. Au moment de notre première rencontre, malgré la grande différence d'âge (j'avais 23 ans et elle 68), elle m'a immédiatement traité comme un vieil ami. Nous restions tous les deux dans la même dharamshâlâ à Hardwar et assistions à la semaine de méditation et de jeûne, connu comme Samyam Sapta, qui se célébrait tous les ans et que présidait Mâ Anandamayî. Il pouvait faire très froid à cause du vent coupant qui traverse Hardwar durant cette période de l'année, et tard le soir dans ma chambre nous avions l'habitude de partager un breuvage chaud préparé sur l'indispensable cuisinière à pétrole qu'elle m'avait enseigné à utiliser. Je me souviens qu'elle m'a longuement interrogé sur ma formation, etc., comme si elle était à la recherche de quelqu'un, et je me souviens d'un moment précis où s'est produit une sorte d'éclairs de reconnaissance - quelque chose de profond vu dans la périphérie de la vision et qui se dissipe aussitôt qu'on se tourne pour le regarder.

      Après être devenu brahmachâri à l'ashram, je voyais assez souvent Atmânanda et l'aidais parfois dans son travail pour le journal de l'ashram, Ananda Vartâ, dont elle était l'éditrice. Elle considérait que traduire les paroles de Mâ Anandamayî et préparer les publications de l'ashram étaient sa sâdhanâ principale ; mais c'est toujours avec beaucoup de modestie qu'elle évoquait son rôle dans ce travail pour lequel elle était absolument indispensable et qu'elle accomplissait pratiquement toute seule.

      Malgré toutes ses occupations, Atmânanda était toujours prête à faire l'impossible pour aider les autres, en particulier les étrangers qui venaient de si loin pour avoir le darshan de Mâ Anandamayî et qui auraient pu se laisser décourager. C'était parfois une tâche ingrate, pas toujours appréciée par certaines autorités de l'ashram ; celles-ci n'encourageaient les étrangers d'aucune façon, surtout après l'invasion hippie de la fin des années soixante. Elle avait l'impression que Mère voulait qu'elle aide ces gens, elle qui se trouvait dans une situation idéale pour comprendre leurs besoins et leur expliquer le protocole de l'ashram.

       Un célèbre astrologue de Bénarès qui avait établi l'horoscope de Atmânanda lui dit qu'elle mourrait à l'âge de soixante-quatorze ans. En hindi, on considère d'habitude que de telles prédictions, basées sur des calculs précis, sont généralement exactes. À l'époque où cette prédiction aurait dû se réaliser, elle en fit part à Mâ qui lui dit : "Eh bien, considère que ta vie est à présent terminée. Dorénavant tu vivras sur le temps que je t'accorde et ta vie m'appartient." C'était bien sûr une réponse qui la comblait de joie ; en fait, sa santé s'est améliorée de façon notable à partir de ce moment-là.

      C'est pendant cette période (1979) que Mâ Anandamayî envoya Atmânanda à Gaya, antique cité de pèlerinage,  pour faire célébrer ses rites funéraires par les pandits du lieu selon la tradition. Ceci marqua son entrée officielle dans le sannyâs, l'état final du renoncement, dans laquelle on est totalement mort au monde. Elle portait la robe ocre du sannyâsin depuis longtemps déjà, mais avec ce rite elle a fait un pas irrévocable. Extérieurement, pourtant, elle tenait tout cela secret.

    Vers la fin de 1980, la santé de Mâ Anandamayî commença à se détériorer sérieusement. Elle cessa de prendre des aliments solides et n'absorba plus qu'une alimentation liquide minimale. De grands Mahâtmâ vinrent la voir des quatre coins de l'Inde, La suppliant de rester dans son corps pour le bien du monde qui avait tant besoin d'Elle. On croyait fermement qu'elle avait le pouvoir de se guérir, si seulement elle en avait le "khéyâl". Mais il apparut finalement qu'elle n'avait pas de "kheyal" à ce propos, sinon celui de partir vers l'avyakta, le Sans-forme qui, disait-elle, l'appelait. Finalement,  le 27 août 1982,  elle abandonna son corps à l'ashram de Dehra-Dun - Kishenpur. Selon ses propres instructions, son corps fut transporté à son ashram de Kankhal (à Hardwar), où elle donna son ultime darshan. Après le départ de Mâ, Atmânanda s'absorba plus que jamais dans son travail. Elle donnait l'impression de travailler "contre-la-montre". Elle me dit d'un ton joyeux qu'elle voulait être prêtre quand la mort viendrait la chercher, et qu'à cette fin, elle mettait ses affaires en ordre (elle se préoccupait, par exemple, de ce qu'elle devait faire d'un vieux pot que je lui avais donné).

C'est à cette période (fin 1984) qu'Atmânanda m'a parlé pour la première fois de son Journal. Elle me dit qu'elle avait toujours eu l'intention de le détruire et ne l'avait jamais montré à personne. Récemment, alors qu'elle s'apprêtait à le jeter, elle s'était mise à le relire et s'était dit "qu'il pourrait peut-être intéresser quelques personnes". Elle m'a demandé de le lire et de lui dire ce que j'en pensais, et m’a suggéré de venir rester près d'elle afin d'accomplir ce travail. Malheureusement, pressé par le OTAN et à mon grand regret, je ne pus accomplir ce travail au cours de ce séjour.

    Atmânanda est décédée en quelques jours d'une infection en fin septembre 1985, juste après avoir relu le premier exemplaire du ‘Jay Ma’ en français pour lequel elle avait donné l'inspiration initiale.

 

 

Quelques réponses de Mâ notées par Atmânanda dans son journal:

 

Almora, 8 juin 1954

 

    Entretien privé avec Madame M. (une Occidentale).

Madame M. a demandé ce que signifiait vraiment la doctrine chrétienne du salut par la foi dans le Christ sanctifié.

Mâtâjî : Il y a bonheur et souffrance, péché et vertu, vie et mort : ces couples d'antagonismes sont la croix sur laquelle le Christ est crucifié. Mais il est la vérité éternelle qui transcende la dualité, c'est pourquoi il a souri sur la croix. C'est ce que nous devons faire. C'est là notre sauveur. C'est aussi la voie hindoue. C'est aussi l'idéal des rishis.

     Méditez sur le Christ en tant que lumière du monde, la lumière intérieure comme la lumière extérieure du soleil et de la lune. Tous sont en lui et Il est dans tous. Il est la lumière entre vos sourcils. Si pendant la méditation vous avez des visions de Kali, Durgâ, Mâ, Shiva, considérez-les également comme des formes du Christ et non pas comme des formes distinctes de lui. Si vous rencontrez un grand être spirituel, dites-vous : "C'est le Christ qui s'est révélé à moi sous cette forme même. Toutes les formes sont ses formes. Il est vaste, et n'est pas uniquement limité à la forme de Jésus. Considérez votre demeure comme celle du Seigneur. Brûlez de l'encens et réservez un siège spécial pour la méditation. Méditez et lisez des textes sacrés. Laissez vos enfants vivre leur vie et passez la vôtre en contemplation.

 

Nainital, 28 juin 1954

Dans la soirée du 25 Mâtâjî a parlé jusqu'à une heure du matin. Quelle qu'un lui a dit : "Quand vous serez partie, nous nous sentirons très seuls : comment ferons-nous ?"

Mâtâjî : Je ne pars jamais. Pourquoi voulez-vous me repousser au loin ? Je suis toujours avec vous.

Question : Alors, demeurez-vous dans nos coeurs ?

Mâtâjî : Dans vos coeurs ? Pourquoi voulez-vous m'enfermer dans un endroit particulier ? Sang de votre sang et moelle de vos os, voilà ce que je suis. C'est la vérité, je ne dis jamais de mensonges.

     Le lendemain soir, dans une salle bondée (il y avait essentiellement des femmes), Mâtâjî a dirigé le kirtan et a chanté Bhagavan et Sita Ram, Prana Ram. Quelqu'un dit à nouveau : "nous sommes venus vous voir chaque jour. Maintenant que vous partez,  notre vie va nous sembler vide sans vous. Que faire ?"

Mâtâjî : Pourquoi dites-vous que je m'en vais ? Je suis votre petit enfant et je suis toujours avec vous. Souvenez-vous de cela : je suis toujours avec vous. Je ne vous demande pas de faire des rétentions de son élève, de vous asseoir le dos droit, de vous purifier. Tel que vous êtes, je suis avec vous. Un enfant est avec ses parents, quelle que soit leur caractéristiques.

Quelqu'un : Nous vous considérons comme notre Mère, pas comme notre enfant.

Mâ : Mère, c'est aussi très bien. Une mère quitte-t-elle ses enfants? Non, jamais. »

 

 

Atmananda Voyage vers l’immortalité texte établi par Ram Alexander, traduit en français par Jack Gontier Accarias l’Originel p.9-11,  296-9,

282-3, 303-4.

 

 

« Comment j’ai été admis

dans les ashrams de Mâ. »

 

Par Swâmî Bhaskarananda

 

 

Après un premier darshan de Mâ dans un train en partance, Baskarananda a revu Mâ assez souvent quand elle passait à Bombay. Pendant les vacances, il la rejoignait, en particulier à Shimla en Himachal Pradesh, c'est-à-dire dans l'Himalaya. Mâ n'avait pas encore accepté qu'il abandonne son emploi. Cependant, arriva un été où les choses furent différentes :

 

Pendant la saison chaude, nous avions l'habitude d'aller à Shimla. Progressivement,  j'ai fait connaissance de tout le monde autour de Mâ. Celle-ci était à Solan : elle m'a fait appeler. Pour ma part, je gardais toujours sur moi ma lettre de démission. [Resignation letter, en anglais dans le texte hindi]. J’avais eu cinq emplois de fonctionnaire successifs, mais il n’y avait pas de congés en vue, et je pensais que ces emplois n'avaient pas de sens. Je ne voulais pas rester à tourner  vide et donc je désirais me consacrer à une oeuvre qui me motive vraiment. Mâ m'a fait appeler à Solan : "Est-ce que maintenant tu peux abandonner ton travail ?" C'était un ou deux ans après la demi Koumbha-Méla (vers 1950). Mâ me donna l'instruction d'aller à Vindhyâchal [célèbre lieu de pèlerinage à la déesse à une centaine de kilomètres sur le Gange en amont de Bénarès].

Il y avait avec moi Mahavir Trivedi, le père du gouverneur du Goujarat. Il m'a dit "Va-donc à Vindyâchal!" C'est ainsi que j'y  suis parti. J'y étais complètement inconnu. Je me suis présenté, et on m'a dit : "Nous allons te confier la gérance de l'ashram". On m'indiqua comment m'y prendre dans tous les détails. À cette époque, nous recevions la somme de seize roupies par mois, dépenses de nourriture étant à part. Il n'y avait pas d'eau dans cette partie de Vindhyachal qui se trouvait sur la colline de la déesse ashtabhujâ [la déesse à huit bras, une grotte sacrée tout près de l'ashram même de Mâ.]. Il fallait remplir d'eau de grands récipients  au pied de la colline et les monter. Avec ce petit stock, nous avions à arroser les plantes et les arbres, en garder assez pour le bain, la cuisine et l'eau de boisson. Dans cet ashram de Vindyâchal, on sent jusqu'à nos jours l'influence, les vibrations de Mâ. J'ai eu de bonnes expériences là-bas. (Au moment où il raconte ces souvenirs, Swâmîjî était dans l'ashram de Bhimpura sur les bords de la Narmada). De même qu'il y a une grotte ici, il y en avait une aussi là-bas. J'y ai pratiqué l'assise méditative. Ma m'avait prévenu qu'il faisait très chaud là-bas et que le terrain était rocailleux, autant qu'à Omkareshwar [un lieu de pèlerinage célèbre proche des sources de la Narmada]. Dès les huit heures du matin il y avait un soleil de plomb comme si c'était déjà midi. Ainsi, Mâ m'a conseillé de me rendre dans une sorte de crypte à partir de sept heures et demi ou huit heures du matin et de n'en ressortir que le soir. À ce moment-là,  je pouvais me mettre à préparer ma cuisine. Je me suis mis à m'efforcer de suivre ces instructions de Mâ.

- Qu'en est-il advenu de cet ami qui était proche de vous?

- Mon ami est resté à Bombay. Il s'est marié. Quant à moi, j'avais l'esprit de vagabond, de fakir,  fakkararâm,  depuis l'enfance.

- Comment se déroulait votre sâdhanâ ?

- J'ai réalisé que Mâ m'avait envoyé là, mais qu'elle ne m'avait pas expliqué comment pratiquer, ni également quel mantra je devais réciter. J'ai donc médité selon ce que je ressentais. À l'époque, je lisais beaucoup les livres de Bhaïjî sur Mâ. J'ai réalisé que celui-ci s'était tellement investi dans un renoncement intense et dans la dévotion à son objet d'amour spirituel qu'il s'était mis à le voir partout.

Dans cette période de début, j'étais dans un état qui faisait que je ne m'occupais pas de la nourriture et des autres détails matériels. Un jour, soudain, Mâ arriva. Elle a vu tout mon emploi du temps quotidien. Elle m'a dit de venir avec elle. Swâmîjî aussi était venues à Vindhyachal à cette période, cet ashram servait de centre de remise en forme.

- Comment faisiez-vous financièrement ?

Tous les mois ou tous les deux mois, il y avait de l'argent qui était envoyé de Bénarès. Mais un certain mois, rien ne vint. Je n'en ai pas parlé. Swâmîjî m'a demandé : "Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de cette question d'argent, certainement je t'en aurais envoyé, pour peu que j’en ai eu à ce moment!" Pour ma part, je me débrouillais en cuisant des épinards. Mahâvîr Trivedî était venus avec Swâmîjî.  Mâ était également arrivée. Swâmîjî lui a dit : "Est-ce que vous vous rendez compte que, dans l'ashram de Kashi tout le monde mange à sa faim et boit, et lui, il reste seul, il suit toutes les règles, il en arrive à oublier de cuisiner pour lui-même, et ne fait pas attention au fait qu'on lui envoie de l'argent à temps. Mâ me dit : "Je vais préparer moi-même la cuisine pour Swâmî Parâtmânanda et tu vas manger avec nous." Ainsi donc, je prenais mes repas avec Swâmîjî. J'ai effectué les travaux qu'il me demandait. Je ramenais le marché, et j'étais nourri.

- Qu'est-ce que Mâ a dit en entendant toute cette histoire?

- Mâ m'a emmené avec elle à Bénarès. Elle a réuni tous les personnes importantes de l'ashram et leur a dit : "Est-ce que vous pouvez rester sans nourriture? Ce jeune brahmachâri a passé un mois sans argent et il n'a même pas écrit à qui que ce soit". Chacun se mit à rejeter la responsabilité sur les autres. Mâ leur dit : "Personne ne va à l'ashram de Vindhyachal. Lui, il y est resté seul. Il faut qu'il soit soutenu." C'est ainsi que Mâ a organisé concrètement mon séjour à Vindhyachal.

- Racontez-nous de façon directe le moment où Mâ a immédiatement accepté le désir de votre coeur? 

-  Il y a  plusieurs exemples de cela, mais il y a une première occasion où la grâce de Mâ m'a profondément touchée. C'était la période de l'anniversaire de "ma Mâtâjî". Je ne savais pas très bien quoi faire à cette occasion. Il y avait des sadhous qui nous rendaient visite. J'ai organisé un repas pour eux. À cette époque-là il y avait une Didi qui vivait dans l'ashram et qui m'avait conseillé d'offrir un repas à ces deux sadhous. Elle-même,  avec beaucoup d'amour, le leur a préparé. Ces deux sadhous sont donc venus et ont pris leur nourriture. Au pied de l'ashram de Vindhyachal, il y avait la soeur de Gurupriya Didi. C'était elle qui s'occupait principalement de la gestion de l'ashram. Je lui ai demandé d'apporter du prasâd. Elle refusa en disant qu'elle ne préparait pas la nourriture de la shraddha [offerte en mémoire des défunts, elle voulait sans doute dire qu'elle ressentait l'absence de Mâ comme une mort] ". Il m'est venu à esprit que si Mâ pouvait venir, nous aurions la chance d'avoir son prasâd directement. Sur ces entrefaites, quelqu'un est venu m’annoncer qu'une information de Bénarès disait que Mâ allait arriver dans une heure. Ce que j'avais pensé s'était donc réalisée. J'ai appris de plus que Mâ s'était assise pour le satsang mais avait refusé le repas qu'on lui avait proposé et par des signes de main avait demandé qu'on prépare une voiture pour aller à Vindhyachal. Je fus envahi d'une joie extrême en trouvant ainsi une réponse [le mot anglais response est employé au beau milieu du texte en hindi]  à mon désir intime.

    Je suis allé trouver cette Didi qui avait préparé la nourriture et lui ait annoncé que Mâ arrivait. Elle en fut extrêmement heureuse. Sur ces entrefaites, Mâ est parvenue à l'ashram, et elle a dit : "Apportez-moi mon repas à l'étage". Didi alla directement chercher la nourriture et l'apporta à Mâ. Celle-ci la mangea. Je me trouvai là-bas aussi. Biloudi (cette soeur de Gurupriya Didi dont nous avons parlé) ne mangeait pas avant d'avoir donné à manger à Mâ. Après que Mâ ait pris sa nourriture, elle a obtenu un bon prasâd de Mâ. Ce qui se passait correspondait en fait à l'état intérieur de chacun. Le Seigneur est omniprésent. C'est Lui qui nous dirige de l'intérieur, l'antaryâmî. Si vous pensez que Mâ va venir, elle arrive! Il en a été ainsi avec moi plusieurs fois à Vindhyachal.

- Etiez-vous en  congé de votre travail à cette époque ?

- Oui, j'avais demandé des vacances pour venir à Solan : mais en fait, je ne suis pas retourné au bureau. Tout simplement, je ne suis pas revenu non plus à la maison. Je suis parti de Vindhyâchal à Bénarès. A cette époque, c'était là que se trouvait le quartier général de la Sangha [mouvement] de Mâ. J'ai passé plus d'un an et demi à Vindhyachal. Il faisait tellement chaud là-bas à partir de 8 heures du matin qu'un vent brûlant se mettait à souffler, ce qu'on appelle le loo dans ces régions. J'avais donc l'habitude, sur les conseils de Mâ, de demeurer dans la grotte. J'y faisais ma méditation. Le soir, je me débrouillais avec ce qu'il y a avait comme provisions. On trouvait là-bas beaucoup de mangues. Je me faisais une soupe en faisant frire les mangues vertes. Il y avait aussi du lait le soir. Mâ avait donné les instructions suivantes : "Trempe une ou deux chapatis dans le lait et mange-les, ne te soucie pas de préparer la cuisine !" C'était ce que je faisais.

      De cette façon je suis resté à peu près deux ans à Vindhyachal. Mâ y revenait souvent. Il n'y avait pas de sentiment de solitude, tout au contraire, il  semblait quelqu'un progressait avec moi. [Ou alors "qu'il y avait quelqu'un de grand avec moi"]. Je me suis mis à lire les livres de Mâ. Il y a avait une grande grâce palpable de notre vénéré Bhaïjî, bien qu’il n’était plus dans son corps. C’était une expérience aussi évidente que de constater que deux et deux font quatre.

- Quels étaient vos sentiments à l’époque ? De quelle façon pourriez-vous nous donner un avant-goût de vos expériences ?

- Il n’y a pas de paix dans le monde extérieur. La véritable paix n’est qu’à l’intérieur. Voilà ce qu’il faut rechercher, selon les paroles de Mâ elle-même : « Se connaître soi-même, se trouver soi-même, voilà le devoir de l’être humain. »

   Quand je suis allé retrouver Mâ, elle m’a dit : « Rends-toi à Uttar-Kâshî [la première bourgade quelque peu importante sur le Gange après sa source à Gomukh au dessus du village de Gangotri], il faut que tu t’y occupes du temple de Kali et fasse son service. »

 

Traduit du hindi par Vigyânânanda

Amrita Varta, octobre 2004, p.27-29

 

 

En compagnie de Ma Anandamayi

 

Par Bithika Mukherji

 

Mon initiation

 

  Le jour de Mahâshtami, le 2 octobre 1946, ma sœur vint soudain me voir et me dit d'aller dans la chambre de Mâ quand j'aurais fini mon travail et de ne rien boire au manger car j'allais être initiée. Initiée ! Avant que je puisse demander des précisions, elle disparut.

    Je n'étais pas du tout préparée pour cette situation délicate. Une douzaine de questions se posaient automatiquement en moi. Qui donc allait m’initier ? Je pensais à tous les ascètes de l'ashram un par un et ne pouvais me réconcilier avec une initiation par un quelconque d'entre eux. Peut être Shrî Mâ elle-même ? Mais elle ne donnait jamais d'initiation ! J’étais en proie au doute et à la méfiance, mais je terminai mon travail qui consistait à aller porter la nourriture dans la salle du rituel, et m'approchai lentement de la chambre de Shrî Mâ. J'y ai trouvé en plus d’elle Didimâ (la mère de Shrî Mâ), ma mère et ma sœur. Shrî Mâ s'adressa à moi : "Assieds-toi ici près de ta mère. Elle sait quoi faire. Aujourd'hui, c'est un jour très favorable – Mahâshtami (le jour, vers la fin de la Durga poûjâ, où la déesse mère a tué le démon Mahîsha) les Shastras sont de l'avis qu’être initié par sa mère, c'est gagner quatorze fois plus de mérite que de l’être  par un autre gourou". Elle a pu avoir dit d’autres choses aussi mais j'étais tellement soulagée que je n'enregistrais rien d'autre excepté le fait que le gourou ne serait pas quelqu’un que je ne puisse accepter. J'occupai avec reconnaissance le siège déjà désigné près de ma mère.

    Celle-ci, toujours sereine et calme, semblé l'être plus à ce moment-là ; elle avait une qualité de silence qui m'a alors frappée comme étant inhabituelle. Shrî Mâ sortit avec ma sœur, en laissant Didimâ, ma mère et moi-même dans la chambre. Shrî Mâ était très occupée en ce jour important et elle ne pouvait guère se libérer plus que pendant quelques moments, pourtant elle continua à aller et venir et je pense qu'elle était à l'intérieur quand ma mère m'a effectivement donné le mantra. En tous cas, elle était là pour accepter mon offrande rituelle de fleurs, poushpânjalî, à ses pieds lors de la conclusion de la cérémonie.

    Plus tard, j'ai pu reconstituer les événements de la journée. D'abord, Shrî Mâ avait demandé à Didimâ de donner l'initiation à ma mère. Shrî Mâ avait tout arrangé elle-même car ma mère, ne s'attendant pas du tout à cela, était perdue sans recours pour se procurer les objets nécessaires, comme un tapis pour s'asseoir, des fruits, des friandises et des fleurs. Dès que ma mère avait reçu  l’initiation, elle se trouvait dans une position qui lui permettait de communiquer le mantra aux autres. Ma sœur vint la première. Shrî Mâ était assise avec elle durant tout ce temps, en les guidant. Shrî Mâ révéla aussi les mantras à ma mère par l'intermédiaire de Dîdîmâ. Ma mère ne savait rien de ces rites et cérémonies. Dîdîmâ nous fit comprendre non sans peine ce qu’il fallait faire et comment accomplir le rituel de la poûjâ du soir, le sandhya. En dernier lieu, Didimâ me dit : "Shrî Mâ elle-même est ton gourou. Le gourou et elle sont les mêmes - médite toujours sur cette vérité."   Cela fait maintenant juste un peu plus de cinquante ans depuis ce jour-là ! La pensée qui prédomine dans mon esprit, c'est de me demander comment, avec une grâce qui nous a autant inondé -et si constamment, nous avons pu rester les mêmes sans avoir été totalement transformés. Ma consolation doit être que Shrî Mâ savait pleinement combien le matériel sur lequel elle agissait était récalcitrant ! ...

    Haribâbâjî était aussi à Delhi. Il souhaitait rencontrer Gandhijî qui était en ville à cette époque. Le nom de Shrî Mâ était suffisant pour ouvrir toutes les portes. Nous sommes arrivés à la résidence de Gandhijî avec une colonne de voitures dans la mesure où tous ceux qui étaient dans les environs  de Mâ désiraient aller avec elle où qu'elle aille. Gandhijî la reçut avec une grande affection et un grand plaisir. Il parla de sa visite à Sevagram (son ashram de service près de Wardha dans le centre de l’Inde) et de la manière dont elle ne voulait pas rester avec lui et dont il n’était pas en faveur de ses déplacements incessants. Shrî Mâ lui avait dit avec une certaine insistance : "Pitaji, je ne vais nulle part loin de vous, je suis toujours avec vous. Croyez ceci. Cette fille qui est la vôtre ne dit jamais quelque chose qui ne soit la vérité." Gandhijî l'a crue, mais ils étaient réticents à la laisser s'en aller, tout comme chacun l’était, du mahâtmâ jusqu'au simple enfant.

     Il passa le bras autour d'elle et ouvrit la voie en direction de la réunion de prière. C'était évident qu'il n'était pas intéressé aux mahâtmâs qui étaient venus le visiter. Shrî Mâ le retint jusqu'à ce qu'il ait reconnu leur présence et on organisa les choses pour que ceux-ci puissent aussi être placés sur l'estrade. Upadhyâyajî, un proche de la famille de Nehru qui connaissait Shrî Mâ depuis les jours de Kâmalâ Nehru (l’épouse du Pandit), était présent. Il organisa les choses de la façon la plus satisfaisante qui soit. Gandhijî fit s'asseoir Shrî Mâ près de lui.

     Il était d'une humeur joyeuse. Il lui parlait, et ensuite parlait d’elle à l'assemblée. Je pense qu'il demandait des donations ou quelque chose du genre. Je me souviens qu'il disait : "Donnez généreusement ; voyez, ma fille (bachî) est ici. Que va-t-elle penser de vous si vous comportez d'une façon avare !" Il fit rire l'assemblée un bon nombre de fois.

    Cela allait être leur dernière rencontre. La date tragique du 30 janvier 1948, l'assassinat du Mahâtma, n'était plus éloignée. (p. 143)

    Les parents de Bithikâ lui parlent de perspective de mariage, mais après  réflexion, elle leur dit qu'elle préfère rejoindre sa sœur Rénou  comme brahmachârinî dans les ashrams de Mâ.
    Mon père parut stupéfait mais il ne dit rien. Bien après, en fait des années après sa  mort, ma mère me parla d'une conversation qu'il avait eue à mon sujet avec Shrî Mâ à cette époque à peu près. Il avait exprimé son angoisse à propos de mon futur, qui semblait tellement incertain à ses yeux et lui avait dit : "Je ne serai pas ici pour m'occuper d'elle." Shrî Mâ, alors, avait prononcé ces mots rassurants, qui ont aussitôt dissous toute son anxiété à mon sujet : "Mais je suis là !" (en bengali : ami to acchi ); ainsi donc, Shrî Mâ est restée à mes côtés à travers toutes les vicissitudes de la vie. Même en des occasions que d'autres gens considéraient comme désastreuses, je n'ai pas connu la peur, ni ne me suis sentie incapable de faire face ; Shrî Mâ était toujours et est toujours avec moi.

   Malgré ce désir de Bithikâ, Shrî Mâ demanda sans qu'elle le sache à son frère Bindou d'obtenir les formulaires d'inscription à l'université de Allahabad pour qu'elle puisse passer ses examens de maîtrise en philosophie en 1947. (p. 144)

    Les temps étaient troublés pour notre pays. On entendait de tous côtés des nouvelles de combats de rue et de massacres d’hindous par les musulmans. Shrî Mâ écoutait calmement tous ces récits de malheur. Elle s'exclama une fois : "C'est Dieu sous forme de dévastation et de cris de terreur !" (hahaka rûpe Bhagavân). On ne peut s'empêcher de ressentir qu’en présence de Dieu, le mal est le plus grand mystère sur terre. (p. 145)

   De 1947 à 1950 eut lieu à l'ashram de Shrî Mâ à Bénarès un grand sacrifice au feu, le Mahâsavitrî yajña, accompli pour la paix du monde. Cet événement eut un grand retentissement et aida à faire  connaître l'organisation de Mâ dans l'Inde entière.

    Durant toute cette période, Didi était toujours à court d'argent. Et Mâ elle-même nous raconta l'histoire suivante : un jour, Shrî Mâ était assise dans la pièce qui donnait sur le balcon du côté ouest de l'ashram, et il n'y avait que Didi avec elle. Didi lui disait : "Je me suis lancée dans cette grande affaire, mais je ne sais pas comment je vais pouvoir en couvrir les dépenses même pour demain !" Dans l'intervalle, ma mère s'était approchée de la porte et hésitait à entrer. Mâ dit : "Entrez, qu'est-ce que c'est ?" Ma mère avait de l'argent avec elle qu'elle avait apportée en guise de contribution pour le yajña. Elle hésitait à offrir cette somme en face de Shrî Mâ. C'est alors qu'elle la plaça dans les mains de Didi, qui l'accepta avec grand soulagement. Shrî Mâ avait l'habitude de raconter cette histoire aux gens plus tard en disant : "Quand Didi était dans le désespoir, cette Lakshmî (ma mère) vint avec l'argent pour le lendemain, et après cela, celui-ci a tout simplement coulé à flots et Didi n'a plus jamais eu à se faire de soucis à propos des dépenses du yajña."

   L'appréciation de Shrî Mâ pour le peu que chacun pouvait faire était réellement phénoménale. Une compilation de telles anecdotes remplirait facilement un volume entier. (p. 147)

 

 Un miracle de Shrî Mâ juste sous mes yeux

L’un des villageois de Vrindâvan, Manohar, était le préféré de  Haribâbâjî Mahârâj. Il avait une bonne voix et menait souvent les kîrtans. Sinon, il était quelque peu dissipé et causait des tas d'ennuis à Haribâbâjî par ses comportements irresponsables. A ce moment précis, il se conduisait très bien. Il s'était mis à travailler régulièrement dans les champs et avait gagné un peu d'argent. Il acheta des céréales avec sa première paye et les apporta à Shrî Mâ. Il voulait que Didi cuise un pot de tahri, du riz frit avec des légumes, et qu’ensuite Shrî Mâ en distribue à chacun.

     Une fois prêt, on apporta à Shrî Mâ le pot de riz. Elle se mit à distribuer le prasâd avec une grande cuiller. Aussitôt que les gens apprirent que Shrî Mâ était en train de donner le prasâd, ils vinrent en courant de tous les coins de l'ashram. Shrî Mâ remonta d'une marche. Je ramassai le pot et le tint pour elle. Elle était devenue très calme et il y avait sur son visage un regard éthéré. Je pressentais que quelque chose de merveilleux était en train d'arriver avec le pot de riz. Il semblait être approvisionné d’une façon inépuisable. Ce n'était pas un grand pot, on pouvait le tenir facilement dans une main. D'autres gens aussi ont eu la même pensée - une personne est même montée pour jeter un coup d’œil dans le pot. Je lui fis signe s’en abstenir et j'ai éloigné le pot de lui. Deux cent personnes ont dû recevoir le prasâd ce jour-là. Shrî Mâ resta là avec une cuiller en main jusqu'à ce que la dernière soit venue et repartie. Quand elle laissa tomber la cuiller dans le pot,  il était tout à fait vide.

    J'ai toujours trouvé que le mot "miracle" n'était pas adapté en ce qui concernait Shrî Mâ. Nous ne voyions pas de ligne de démarcation entre le normal et ce qu'on pourrait appeler le supra-normal. Sa compréhension, sa compassion réduisait à néant nos fragilités humaines - demander nous amenait à recevoir cent fois plus ; si l'on avançait d'un pas, elle s'approchait de dix. Elle était en elle-même le miracle. Son regard profond pouvait créer, métamorphoser ou établir des liens de fidélité avec quiconque. Il n'y avait pas d’ "autre" pour elle. Ce que Manohar a provoqué ce jour-là, le 30 janvier 1947, est l'un des nombreux incidents de ce genre, mais pourtant cela a été en soi quelque chose d’une beauté et d’une générosité qui embrassait tout.

 

Grâce à de bons résultats aux examens de philosophie et de sanskrit, j'ai obtenu une double bourse. J'ai pris le premier mois de ces bourses et l’ai déposé  sur le lit de Shrî Mâ, en lui expliquant ce dont il s’agissait. Shrî Mâ dit : "Mets l'enveloppe à l'intérieur de la tête d'oreiller", ce que je fis. Personne d'autre n'était dans la chambre. Je mentionne ce petit incident car il allait avoir une suite. (p. 148, 149, édition française en cours d’édition chez Agamat, Paris – Sous le titre En compagnie de Mâ Anandamayî – Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne)

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Le soleil du Soi

 

Anthologie de pensées de Swami Ramatîrtha

 

 

 

Citons des extraits de ce que Swami Ramatîrththa dit par exemple sur les religions :

 

-    Que l’homme ose être divin, puisque Dieu a osé être humain.

 -   Il est bizarre, très bizarre que les gens veulent se piller les uns les autres - en ce qui concerne les biens matériels - mais en ce

qui concerne la richesse supérieure, spirituelle, quand on la leur

offre, ils veulent tuer celui qui la donne.

-            A Lahore comme à Lucknow, la communauté musulmane Shia sort en procession un cheval décoré qu'on appelle Douldoul. Les fidèles l'honorent et le couvrent de fleurs, car il considère qu'il est le cheval de l'Imam, le petit-fils du prophète Mohamed. Il n'y a personne de physique qui le chevauche. Ce corps est votre Douldoul. Son cavalier, l’ego, doit être annihilé Dieu seul doit le chevaucher et contrôler. Ainsi, ceux qui permettent à leur corps d’être contrôlé par Dieu lui-même sont adorés dans le monde entier. Si vous voulez vraiment être contrôlés par Dieu, avec une détermination forte et une foi ferme en lui, non seulement vous remuerez ce monde, mais vous inspirerez également des milliers d'autres mondes comme celui-ci, et ce, sans efforts.

-   Ne soyez pas géocentrés en faisant tourner le soleil du Soi autour de la terre de vos désirs égoïstes. Faites votre révolution copernicienne, et soyez héliocentrés.

-   Quand l’or est ingéré tel quel, c'est un poison, mais quand il est traité, il peut devenir un médicament puissant. De même, l'ego en tant que tel est nocif, mais quand il est  raffiné et rendu subtil pour atteindre les dimensions du « Je » cosmique, il devient le meilleur des médicaments.

- Si quelqu'un commet un crime, il est puni. Mais s'il meurt durant l'instruction, sa peine tombe automatiquement. De même, quand l'ego disparaît, la punition des péchés s’efface d’elle-même.

-   Il est très frustrant de remarquer que vous étudiez les livres religieux des autres pour y trouver des points faibles à ressortir durant vos séances d'insultes publiques, mais, hélas, vous n'en faites pas ainsi pour en découvrir les bons côtés qui pourraient vous aider dans votre développement et évolution spirituelle. Malheureusement, vous avez développé la nature de la sangsue qui ne peut s'empêcher de sucer le sang du  sein de la femme, à la place du lait qui se trouve pourtant si proche. On doit stopper immédiatement ce genre d'antagonismes religieux. Vous concéderez que c'est un grand obstacle à votre progrès individuel et national.

-   Je ne veux pas dire que vous devez abandonner la religion dans laquelle vous êtes nés et vous avez été éduqués. Mais je mets l'accent

sur le fait que ce serait un suicide spirituel si vous considériez qu'il  est un péché d'enjamber les quatre murs de votre propre religion pour aller voir les autres également. Il n'y a pas de mal à cela… qu'est-ce qui se trouve à la racine de ce mépris et de cette haine entre les

religions ? Le manque qu’ont les gens de connaissances et d'expérience de leur propre religion. Un poète persan dit : « Notre liberté dépend de notre maturité, car le fruit vert reste attaché à la branche et ne peut se libérer avant d'être mûr. »

-   De même qu'on a limité par étapes la monarchie absolue en Angleterre, ainsi il est temps d’ôter ses pouvoirs à ce tyran qu'est le Dieu personnel et de réussir la liberté religieuse.

-   Emerson disait : « Chaque être humain est Dieu  qui joue à l'idiot. »

-   En s'adressant aux chefs musulmans de Lucknow qui sont venus le visiter pour parler de religion :

Chers amis, le sens littéral de koufra est « cacher ». Quoi ? Cacher  la la Vérité ou la Réalité. Est kafir (infidèle) celui qui cache la Vérité. Comment un kafir cache-t-il la Vérité ? Il la cache derrière le rideau de son ego.

-    Sans pratiquer les principes de la religion, consciemment ou inconsciemment, dans notre vie quotidienne, il nous est impossible d'obtenir aucun succès, aucune prospérité, progrès, paix,  pouvoir, santé, connaissance, art, grâce ou aucune autre bénédiction quelle qu’elle soit. Une personne atteint le succès simplement quand elle poursuit, qu'elle le sache ou non, le chemin de la religion dans ses pensées et ses actions.

 

 

Voici maintenant des pensées extraites des Carnets de notes de Râma :

 

-    Nous ne pouvons connaître une religion, une science, un art ou  une personne tant que nous ne l'aimons pas.

-  Celui qui excelle dans la pensée religieuse doit prendre seulement cette nourriture qui le garde un avec le Tout. Tout autre forme de nourriture est aussi nocive que le vin et l'opium, car elle le fait se ressentir autres que ce qu'il est.

-  Les points forts des religions, en très bref : intellectuellement, le védanta ; moralement, le bouddhisme ; pratiquement, le christianisme ; religieusement, le vishnouisme ; pour l'intensité du sentiment, l’islam.

-   C'est une idiotie qualifiée de sacrifier l'homme intérieur pour l'extérieur. C’est laisser le centre de gravité tomber à l'extérieur de soi-même et par conséquent, trébucher.

-   La bagarre entre les différentes formes religieuse illustre cette histoire pleine de sens des chevaliers qui ont commencé un combat à propos de la couleur d'un écu qu’aucun des deux n'avait regardé sur plus d'un côté. 1

-   Une foi qui repose sur l’autorité n’est plus une foi..

-   La religion est décriée comme étant une relique de l'époque barbare. Or, les animaux et les barbares mangent aussi tout comme nous le faisons. Devons-nous dire en nous basant sur cela que le fait de manger est une relique de l'époque barbare ?

-   La religion est commune au sauvage et à  l'homme civilisé. C’est quelque chose qui apaise la faim et la soif de l'âme et représente une nourriture essentielle pour le corps. Les articles qui sont consommés, la manière de les manger peut changer de temps à autre, mais le fait de manger en lui-même ne peut jamais être abandonné, de même qu'on peut faire l'économie d'aucun des éléments essentiels de l'alimentation.

-    Un homme bon dans un ciel fermé sur lui-même serait en enfer.

-   Pourquoi devrais-je prier ? En effet, tous les objets lointains ou proches ne font que répondre aux besoins les plus intérieurs de mon esprit. J'apporte ma joie, ma gratitude, mon amour. J'entre dans la vie, sans peur et plein de confiance. Je me purifie de toute pensée de haine. Crainte. Je fais de mon labeur quotidien un chant de louange. J'aime la aime la terre et je sens sa vie même comme une partie de moi. Ma Ma Ma seule prière, c'est le bonheur que j'aime.


-    L'attitude du monde des conservateurs à propos des réformateurs et des prophètes : «  Tuer  le  docteur et donner ses honoraires à la uvaise maladie. »

-   En hydrostatique, une fine colonne d’eau peut contrebalancer, à la er à la même hauteur, tout un océan. Ainsi donc, vous pouvez contrebalancer balancer tous les prophètes et les philosophes du monde.

-   Les credos sont la grammaire des religions. Le langage ne découle jamais de la grammaire, c'est l'inverse qui se passe. Quand le langage progresse et change pour des causes inconnues, la grammaire doit suivre.  La grammaire et la tombe du langage

-  Toute la charité et la générosité des riches : « Ils nettoient l’extérieur de la coupe ou du plateau, mais à l'intérieur ils sont remplis d’extorsions et d’excès

- Les codes de moralité anciens veulent l'extinction de certaines passions - considérant qu'il est plus facile de tuer à coups de feu à un un cheval rétif plutôt que de le monter

 -Tout dogmatisme prend la tangente par rapport aux faits objectifs. La ifs : la tangente représente la direction de la courbe sur un petit arc: arc mais en suivant celle-ci, nous perdons bientôt la dite courbe.

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Anxiété-légèreté

 

L’anxiété me dévore

Vais-je une fois encore

Pour ne pas l’avouer

Rire au lieu de pleurer ?

 

Légèreté ma compagne

Légèreté m’accompagne !

Ma vraie amie d’enfance

Celle en qui j’ai confiance.

 

Ne m’abandonne pas

Soleil de mes pas !

YANG de ma légèreté

YIN de mon anxiété.

 

C’est le soleil ou l’ombre,

L’inquiétude où l’on sombre ?

Ou la joie de l’humour

Qui rime avec AMOUR ?

 

Quand les paires d’opposés

Se seront apaisées

De mes peurs je rirai

Je les surmonterai !

 

La JOIE est ma nature

L’enthousiasme qui dure

Au fil des années

Surmonte l’anxiété.

 

Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

 

C’est moi qui, c’est moi que !

(Violence et luminosité – Travail de maturité sur soi-même)

 

 C’est moi qui, c’est moi que,

Moi moi moi, je je je,

J’ai fait ci, j’ai fait ça,

C’est pas lui, non c’est moi !

 

On se dresse, on se jauge,

On rumine et on cause.

Le ventre en jalousie

Le mental en folie !

 

Tel Sacha Guitry

C’est « Môa » qui le dit,

C’est « môa » qui fait tout bien,

Les autres ne sont rien !

 

Devant moi il est là

C’est le portrait de Mâ !

Son regard me sourit,

Sa douceur m’envahit…

 

La bougie nous éclaire

Apaise ma colère.

Sel de l’Himalaya

Pureté, silence et joie,

 

Reflètent leurs éclats

Sur le portrait de Mâ.

Reflet de ma conscience

Mâ redonne confiance.

 

Que suis-je en train de dire ?

Quelle crise ? Quel délire ?

A quoi bon ? Quelle sottise !

Un peu de lâcher-prise !

 

Pourquoi donc avoir peur ?

Ne serait-ce qu’un leurre ?

Chacun peut faire sa route.

Mâ ! Enlève mes doutes !

 

 

 

 

 

Mental, sois silencieux !

Mon cœur, sois lumineux !

Souris dans l’ouverture

Je plierai, je le jure.

 

C’est moi qui, c’est moi que,

C’est moi quoi ? Je je je

C’est moi rien, piou piou piou

C’est moins que rien du tout.

 

Détacher, décrocher,

Pour pouvoir s’envoler !

S’entr’ouvrir et sourire

Savoir oser le dire.

 

Celui qu’on croit ennemi

Reflète notre peur

Faisons jaillir pour lui

La lumière intérieure.

 

 

Vu sous cet angle là

Je dis merci à Mâ !

C’est la paix que l’on trouve

C’est l’horizon qui s’ouvre !

 

Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

 

 

 

 

 

Nouvelles

 

- Swâmî Nirgunânanda va bientôt revenir d'une tournée de deux mois en Occident, où il a eu en particulier en France deux programmes d'une semaine, l'un à Epernon avec Claude Portal et l'autre à Terre du Ciel, comme les années précédentes. Il a parlé aussi dans le plus grand centre de Yoga d'Allemagne, près de Paderborn dans la région de Cologne. Et s'agit d'une école fondée par un disciple de Vishnoudevânanda, lui-même disciple de Shivânanda. Chaque week-end, il y a 300 ou 400 élèves qui viennent pour des stages, et le responsable du Centre a demandé à Swâmî Nirgunânanda de parler de Mâ dans un de ces stages.

- Le dernier article du dernier numéro de Terre du Ciel, celui de juin-juillet, est consacré à une interview de Vijayananda. Elle a été recueillie par Caroline Abitbol qui vient souvent en Inde.

- l'Enseignement de Mâ Anandamayî était épuisé depuis quelque temps et est de nouveau édité dans la collection Spiritualité vivante.

- Les éditions L'Originel-Jean-Louis Accarias ont publié sous le titre de Le soleil du Soi une présentation par Vigyânânanda de la vie et de l'oeuvre de Swâmî Râmatîrtha avec une anthologie de ses écrits qui eux-mêmes occupent en tout sept volumes. Râmatîrtha a été professeur de mathématiques à l'université de Lahore, il savait l'ourdou et avait étudié la poésie soufie dans cette langue et en persan, et en même temps il était un grand védantin influencé par Vivékananda qui l'a fait venir pour parler à Lahore même. Comme lui,  il était allé présenter l'hindouisme et de la non-dualité aux États-Unis, puis s'est retiré dans l'Himalaya où il est mort jeune, à l'âge de trente-trois ans, d'un accident de noyade dans le Gange en 1906. Swâmî Vijayânanda recommande la lecture de ses écrits, qui mêlent l'expérience directe à la métaphysique et à la poésie de l'unité avec la nature. Ceux qui lisent ‘Infos-Yoga’ auront déjà vu dans un numéro de cet hiver en avant-première quelques pages de sa vie.

- Le site de Mâ Anandamayî est toujours un succès : environ 400 visites tous les jours. Cependant, il faut tenir compte du grand défaut des internautes qui est facile à identifier : la dispersion... Il est difficile de savoir combien, sur ce grand nombre, décident d'approfondir réellement l'enseignement de Mâ. Par ailleurs, nous sommes en train d'opérer pour ce site la dernière relecture de la traduction espagnole du livre Words of Ma Anandamayi qui contient les propos les plus védantiques de Mâ, recueillis à Bénarès vers 1950 par Swâmî Virâjânanda.

- Celui-ci s'est éteint à l'âge de 102 ans au début du mois d'août. Il avait eu une attaque cérébrale, avait du mal à marcher, à manger, à parler, et sa mémoire était déficiente. De ce point de vue-là, son départ à dû être pour lui une véritable libération. C'est lui qui avait organisé la fondation de la Sangha de Mâ dans les années cinquante, et il a aussi recueilli des réflexions de Mâ qu'il a augmentées de ses propres méditations dans sa série de livres Svakriya svarasamrita. Il a été longtemps président du comité des sadhus des ashrams de Mâ.

- Padma, qui a fait toutes ses études à Paris et ensuite a eu des responsabilités importantes dans l'administration britannique à Londres,  est rentrée à l'ashram de Shivananda à Rishikesh comme une jeune brahmacharini disciple de Swami Chidananda. Elle est aussi proche de Mâ. Elle revient en France pour un mois en novembre et animera des stages, dont un à Paris même. Ceux qui souhaitent trouver en y participant une bouffée d'air des bords du Gange peuvent la contacter directement pour les détails padmaflorine@yahoo.co.in

 

 

Réponse à l'enquête sur la bonne réception du

Jay Mâ

 

 

Nous avons essayé pour ce numéro d'envoyer chaque exemplaire avec une sorte de post-suivi qu'on appelle ici "certificate of postage", ce qui veut dire que la poste indienne est responsable pour rendre compte d'où sont passés les exemplaires qui ne seraient pas arrivés. Nous l'envoyons aussi directement d'Hardwar, qui est la ville à côté du village de Kankhal

Prenez deux minutes pour :

- soit envoyer un courriel directement à Vigyânânanda en donnant votre nom pour accuser réception de l'envoi : jacquesvigne@yahoo.fr

- soit téléphoner à Nadine Laudebat et José Sanchez qui ont déménagé dans Vaisons-la-Romaine et sont maintenant au 04 90 12 19 83

l'Olivette 26 Hameau de Beausoleil Chemin de la Sainte-Croix 84110 Vaisons-la-Romaine. Ils feront suivre votre nom comme ayant bien reçu le numéro.

Du résultat de cette enquête dépendra notre décision de continuer à envoyer le ‘Jay Mâ’ d'Inde ou de le faire  partir de Nice. Comme nous l'avons dit dans l'éditorial, cela aurait l'avantage d'avoir une distribution plus sûre, mais l'inconvénient de doubler le prix des abonnements.

 

Nouveaux abonnements

 

Vous avez pour la plupart renouvelé au printemps dernier. Pour ceux qui sont nouveaux et voudraient prendre un nouvel abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José (nouvelle adresse ci-dessus) et en leur envoyant un chèque de 10€. Il seront abonnés pour cinq numéros jusqu’en mars 2007 inclus. L’abonnement par courriel est toujours possible pour 5€

 

Table des matières

 

Editorial : Jay Mâ a vingt ans !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

Paroles de Mâ                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

Évocation de l'itinéraire de Atmânanda                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

Comment j'ai été admis auprès de Mâ  par Swâmî Bhaskarânanda                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Moukerjî                                                                                                                                                                                                                                                                                   

Le soleil du Soi par Swâmî Râmatîrtha                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

Anxiété-légèreté par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

« C’est moi qui, c’est moi que ! » par G. Koevoets (Mahâjyoti)                                                                                                                                                                                                                                                                        

Nouvelles                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

Réponse à l'enquête à propos de la réception du Jay Mâ     

Nouveaux abonnements                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

Table des matières                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

 

 

 

 

Jay Ma n°79 -       Hiver 2005-2006

 

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Paroles de Mâ

 

Le sentiment de manque surgit spontanément, c'est le Divin qui l'éveille.

Perdre tout, c’est aussi tout gagner. Il est plein de miséricorde et de compassion. Tout ce qu'il fait à chaque instant est pour le mieux, bien que certainement parfois douloureux. Quand il se manifeste en tant que 'tout-perdu', il y a une chance qu'il puisse aussi se manifester sous forme de 'tout-gagné'. Aspirer intensément à ce qui aide pour progresser vers la lumière de Vérité est salutaire, car cela éveille la conscience de cette Vérité.

Vraiment, il est partout en tout temps.

L'effort d'éveiller sa propre nature est le devoir de l'homme et de la femme en tant qu'être humain.

 

On doit passer toutes les vingt-quatre heures à la recherche de Dieu (sâdhan-bhajan).  Le désir de trouver Dieu doit être particulièrement encouragé. Exister en tant qu'être humain signifie placer d'abord et avant tout le désir de la réalisation du Soi. En dehors du peu de temps nécessaire pour le service de la famille, tout le reste doit être consacré au japa, à la méditation, à la lecture des Ecritures, l'adoration, la prière et l'offrande de soi-même. Aspirer intensément à Dieu et pleurez pour lui en tant que tel. Si vous en avez la possibilité et la chance, allez au satsang : quand ce n'est pas possible, efforcez-vous de garder un sentiment pur,  comme une pierre précieuse au fond de votre coeur.

 

 

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Dites la vérité à tous. Les petits secrets, les faux-semblants et les ruses reviennent à tromper les gens. Cela ne sert qu'à vous envoyer dériver sur une mer de misère. Une vie simple et pure tend à la joie et au bonheur suprême.

 

Travaillez avec vos mains et gardez le nom de votre divinité d’élection, ishta, présent à  l'esprit. Cela améliorera votre travail et peut aussi faire du bien à votre famille.

Mener une vie de famille sans tenir compte des devoirs religieux, c'est s'embarquer sur un océan de misère. Si on cherche la vie de famille, elle doit toujours être fondée sur les directives de la religion et de ce qui est juste.

 

 

 

Quelques réminiscences de Patoun

 à propos de Vijayananda 

 

 

 

 

     Patoun a été associé avec Mâ depuis la naissance. Ses parents ont rencontré Mâ à Shimla en 1936, et lui-même est né en 1940. Il a rencontré Vijayananda en 1951, dans leur maison de Delhi où il recevait les membres de l'ashram de Mâ quand ils passaient avec

 

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elle dans la capitale ou qu'ils y venaient pour des démarches administratives. Patoun est resté célibataire, mais n’est pas rentré dans les ashrams de Mâ : il a eu une carrière brillante dans le monde , il a été ingénieur-chef pour toute l'électricité de l'Uttar-Pradesh, une "province" qui compte quand même 150 milllions d'habitants...

Il est depuis quelques années à la retraite, sa mère est décédée il y a un an, et il s'est maintenant installé en permanence à l'ashram de Mâ à Kankhal. Il s'y occupe d'archiver de façon très systématique tous les documents écrits, sonores ou filmés à propos de Mâ. On peut dire qu'il vit du matin au soir dans le monde de Mâ. Même quand il parle d'événements qui se sont passés avant sa  naissance à lui, il en connaît tellement les détails que quand  il les raconte, on a l'impression qu'il y était !

 

 

Comment votre famille est-elle venue en contact avec Mâ ?

 

Cela a été à Shimla, en Himachal Pradesh,  en 1936. Il faut se rappeler que Mâ a commencé à voyager dans le nord de l'Inde à 1930, elle se déplaçait en suivant son khéyâla, et il n’y avait pas  d’itinéraire fixé longtemps à l'avance. En 1934 elle est venue à Solan et le raja du lieu est devenu un de ses fidèles proches, nous l'appelions Yogibhai, et il a même été le premier président de la Sangha de Mâ.

     Le médecin-chef de ce petit royaume de l'Himalaya était le docteur Joshi; il avait entendu parler de la venue de Mâ à Solan, il en a informé son frère Hari Râm Joshi, celui-ci est venu finalement

 

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rencontrer Mâ à Dehra-Dun. Il était lié aussi à Bhaïjî duquel il a reçu l'initiation, et c'est lui qui a organisé en 1960 l'acquisition du terrain de l'ashram de Dhaulchina au-dessus d'Almora, ville dont il était originaire.

     En 1936, probablement en juin, Mâ est venue soudainement de Shimla à Solan. C'était en réponse aux prières d'un sannyâsi avancé spirituellement, Dayal Baba. Celui-ci avait pris la résolution intérieure, le sankalpa, de quitter son corps à une date particulière. Il désirait beaucoup avoir la présence de Mâ auprès de lui pour ce passage, de fait il répétait son nom à voix basse, l'entourage ne pouvait pas très bien savoir s'il s'agissait du mantra de son ishtâ-dévatâ ou de celui de Mâ. Vers 3 h - 45 ou 4 heures dans l'après-midi, Mâ s'est présentée dans l'embrasure de la porte. Dayal Baba s'est exclamé : "Mâ,  vous êtes venue !" et il a quitté son corps. Dans les jours qui ont suivi, Mâ a habité dans la chambre juste à côté de celle de Dayal Baba, c'était une sorte de mini-dharamshâla attenante au temps de Kali où se réunissait la communauté bengalie des fonctionnaires intéressés par la vie religieuse. Il faut savoir qu'à l'époque, Shimla était la capitale d'été du gouvernement de Delhi, et que cette capitale venait de se déplacer, aux environs de 1930, de Calcutta à Delhi même. Il avait donc principalement des Bengalis à tous les niveaux du système gouvernemental. Ils appelaient leur temple de Kali à Shimla Kali bari, « la maison de Kali », comme au Bengale.

        Dayal Baba lui-même était probablement aussi d'origine bengalie, mais on ne savait rien sur son passé, il vivait avec juste des vêtements pour se couvrir, et tout ce qui lui venait en surplus, il le donnait aux nécessiteux. C'est à cause de cela que les gens de la

 

 

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région lui avait donné ce nom de Dayal, celui qui est plein de compassion.

     Il s'est trouvé que mon oncle, Dhirendranath Datta, étaient là au moment du décès de Dayal Baba, il a donc vu Mâ de près, mais n'a pas cherché à rentrer en contact : telles étaient les coutumes de séparation entre hommes et femmes à cette époque, ce que les hindous appelaient avec les musulmans le parda, le voile. C'est ce même oncle qui s'est occupé ensuite de la construction de l'ashram de Delhi. À l'époque, son emplacement se trouvait dans une zone tout à fait isolée au sud du temple de Kalkaji, le terrain était aride et infesté de scorpions et de serpents. Il y avait de plus très peu de ressources financières, les fidèles donnaient ce qu'ils pouvaient, et on peut dire que cet ashram a été construit brique après brique.

     Pour en revenir à Shimla, mon oncle a répandu la nouvelle qu'une certaine Mâ Anandamayî était arrivée du Bengale. Peu après, il y a eu l'anniversaire annuel du temple de Kali avec un déroulement qui était le suivant : on commençait les chants autour d'une colonne centrale décorée des images de Krishna, Râdhâ, etc. pendant toute la soirée, on arrêtait pendant la nuit et le lendemain on reprenait.

     Pendant toute la journée jusqu'au soir, on faisait la procession dans la rue, ce qu'on appelle depuis l'époque de Chetanya Mahaprabhu au XVIe siècle au Bengale le nagar kirtan. Le soir, Mâ est venue, elle était déjà dans une sorte de bhâv, mais elle ne l'a guère exprimé. Par contre, le lendemain matin, elle était complètement prise par ce bhâv comme à l'époque de Dhaka. C'était la première fois dans le nord de l'Inde que cela lui revenait. Elle s'est d'abord installée avec les femmes, qui étaient séparées par une cloison de bambou des hommes, chaque groupe étant assis d'un côté du temple de Kali. Elle a passé cette cloison et est venue danser au

 

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milieu des hommes entourée par Bholonath, Gurupriya Didi et le père de celle-ci, Akhandanandaji, qui essayaient de guider sa transe, mais celle-ci est vite devenue incontrôlable Cela se passait vers 9 h 30 ou 10 h du matin. Mâ s'est mise à pivoter sur un seul gros orteil en suivant le mouvement du groupe, ensuite elle s'est roulée sur le sol comme une feuille morte, puis elle est revenue en position assise avec le visage inondé par un éclat intense. Il faut comprendre que ce comportement n'était pas extraordinaire dans le milieu vishnouïte du Bengale en général, et en particulier dans ce groupe. Il arrivait régulièrement que certains soient pris par un bhâv, et cela  augmentait d’autant l'intensité des autres participants. Tout ceci pour dire que les réguliers de ce groupe de kirtans ont compris que Mâ avait en fait par rapport à eux une autre intensité : ils ont découvert en elle les signes qu'ils avaient lus dans la vie de Chaitanya Mahâprabhou; ils étaient pénétrés de cette culture et avait été souvent étudier l'art du kirtan à Navadveep au nord de Calcutta. C'était là qu'avait vécu Chaitanya Mahaprabhou et l'endroit était donc devenu depuis un  grand centre de pèlerinage du Bengale. A partir de ce moment-là, le groupe a été fortement attiré par Mâ. Quelques jours plus tard, elle est partie dans la ville d'à côté, Solan, et toute l’assemblée s'est déplacée pour la voir durant la fin de semaine. Mes parents en faisaient partie,  et c'est ainsi qu'ils sont venus en contact avec Srî Mâ.

 

 

Nos rapports avec Vijayananda

 

       Nous sommes revenus à Delhi de Calcultta en fin 1951. C'est à ce moment-là que Vijayananda a commencé à visiter notre maison,

 

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quand il accompagnait Mâ dans ses déplacements. À cette époque-là, il n'y avait que quatre "étrangers" autour de Mâ : Vijayananda, Atmânanda, Jack Unger et Keshavananda. Ce dernier, en tant que Parsi, était considéré comme étranger par les hindous orthodoxes de l'ashram, bien qu'il ait été de nationalité indienne. C'était la période où le centre de gravité des activités de Mâ se déplaçait progressivement de Bénarès vers Delhi. Les responsables de l'ashram  venaient souvent, car en cette époque de l'après-guerre, beaucoup de choses étaient encore rationnées : la nourriture, le ciment pour les constructions, et il fallait des autorisations gouvernementales pour tout, même pour organiser de grandes cérémonies religieuses. Au début, les ashramites avaient quelques hésitations à venir habiter dans une maison de gens "du monde". Mais Mâ les a rassurés en disant : « Allez-y ! C'est un ashram ! ».

     De fait, la vie de la maison était tout à fait réglée : mon père se levait vers 3 heures ou 3h30, et après son bain, faisait la poûjâ de quatre heures à 7h ou 7h30, moment où il se préparait pour partir au bureau. À ce moment là, ma mère continuait dans la même chambre consacrée aux rituels et à la méditation. Le soir nous avions des chants, sandya kirtan.

    Les gens de l'ashram se sentaient aussi à l'aise chez nous car la vie y était naturelle et sans inhibition. AvecVijayananda, nous avions des relations très amicales, et mangions régulièrement à la même table. Il se souvient que je lui ai posé beaucoup de questions à l'époque, c'est vrai que j'étais très curieux de savoir pourquoi un Occidental comme lui était venu vivre la vie traditionnelle de l'Inde auprès de Mâ. En fait, ces ashrams de Mâ représentaient notre famille, et pour les vacances par exemple,  c'était là que nous nous rendions.

 

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    Plus tard, quand mes parents ont quitté les logements de fonction pour construire leur propre maison à Aurobindo Place à Delhi, ils sont devenus comme des vânaprasthas, c'est-à-dire le stade intermédiaire entre la vie de famille et celle de sannyâsi. Nous les enfants étions  dispersés aux quatre coins de l'Inde, et Mâ est venue habiter trois ou quatre fois dans la chambre de séjour qui était plus ou moins séparée par la cour du reste de la maison. C'était le signe qu'elle considérait cette demeure comme un ashram, car sinon, elle observait la règle des sannyâsis de ne pas habiter dans les demeures des familles.

 

L'anniversaire de Mâ à Solan en 1955

 

     A cette occasion, nous avons habité dans la même petite maison que Vijayananda. Toutes les chambres donnaient sur la même véranda, nous étions quatre ou cinq garçons dans l’une d’entre elles, et Vijayananda en avait une autre petite où il résidait seul. Nous étions plutôt excités, et nos jeux s'accompagnaient régulièrement de cris et de rires aux éclats. De temps en temps,  Keshavananda et Tapanda (devenu maintenant Nirvananda) nous rappelaient que Vijayananda méditait et nous disaient gentiment de baisser le volume. Mais celui-ci ne se mettait jamais en colère contre nous, il ne sortait même pas de temps en temps pour nous dire de faire moins de bruit. Après plusieurs jours, nous avons nous-mêmes été étonnés de sa patience, et lui avons demandé ce qu'il faisait pour supporter tout notre chahut. Il nous a alors montré du coton et de la cire qu'il mettait dans ses oreilles... [Plus tard, Mâ a conseillé à Vijayananda de ne pas recourir à ce genre « d'aides au silence »]

 

 

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   Notre maisonnette commune était proche de l'habitation de Mâ, il y avait un court de tennis qui avait été transformé pour l'occasion en lieu de réunion, de kirtans et de satsang; mais Vijayananda, quant à lui,  ne se laissait pas impliquer dans les discussions avec ce qu'on appelait les bhaktas de Mâ, il était très centré dans sa sâdhanâ, et se tenait à distance. Il ne posait pas non plus de questions en public. Même dans le groupe pendant le satsang, il ne prenait pas le prasâd qui était distribué à tous. Il l'acceptait des mains de Mâ, ou alors s'il était envoyé expressément pour lui de la part de Mâ.  En fait, nous ne le voyions sortir de sa chambre que pour les nécessités de la vie quotidienne. Maintenant que j'ai plus d'expérience de la sâdhanâ et de me tenir à part, je peux bien apprécier ce fonctionnement. Quand on a ses états intérieurs, on a envie de continuer dedans sans être dérangé.

   De nos jours, il parle beaucoup plus aux gens : le changement s'est opéré à l’époque où Atmânanda nous a quittés. Je me souviens avoir parlé avec lui après cet événement, il m'a dit qu'effectivement, il sentait que c'était désormais à lui de répondre aux questions des Occidentaux à propos de Mâ et de la vie spirituelle comme Atmânanda l'avait fait pendant des dizaines d'années. Il reconnaissait que ces étrangers avaient fait l'effort de venir de très loin recevoir quelque chose de Mâ, est donc qu'il devait servir de lien.

   Ce qui nous frappait aussi chez Vijayananda, c'était qu'il acceptait les coutumes brahmines comme elles étaient. Pourtant, ils ne pouvaient pas manger sous le même toit que les autres, on leur servait la nourriture dans des embrasures de portes, parfois par la fenêtre, et on les envoyait manger sur des terrains qui étaient parfois sales. Mais pas une fois n'avons-nous vu sur leur visage de réactions de mécontentement ou de colère. Ils restaient indifférents. Il était

 

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clair  qu'ils étaient venus là pour Mâ, et non pour des questions de salle à manger.

   A la base, la vie traditionnelle de l'Inde ainsi que celle des brahmines du Bengale avait beaucoup de points positifs. Les relations étaient moins dictées par l'argent, et finalement plus humaines. Par exemple, les servants faisaient réellement partie de la famille, c'était la coutume par exemple qu'ils mangent d'abord et que la maîtresse de maison mange après. Ils participaient pleinement aux fêtes de famille, par exemple aux mariages à l'extérieur. L'idée d'un service ponctuel en échange d'un paiement également ponctuel n'existait guère, les échanges se déroulaient dans le cadre d'une relation à long terme, et le résultat global consistait en des rapports beaucoup plus humains.

      Dans la dernière partie de l'existence de Mâ, il y a eu des gens importants, des politiciens qui sont venus visiter fréquemment l'ashram, et les membres de la communauté se sont mis à être distraits, à choisir ceux qu'ils aimaient ou non, en un mot d’avoir leurs préférences, d'où l'apparition de clans. Mais pendant toute la première partie, nous formions réellement une famille, chacun étant centré sur Mâ à sa manière. Il y avait par exemple Bhagavatananda, un ex-journaliste devenu sannyâsi auprès de Mâ. Il recueillait de façon méticuleuse les paroles et les dialogues de celle-ci. Nous étions encore enfants, mais pourtant il nous indiquait en cachette des questions complexes à poser à Mâ pour qu'elle puisse les développer. Nous ne comprenions guère ce qu'elles voulaient dire, mais nous les posions néanmoins à sa suggestion. Nous formions une seule famille, et pour chacun d’entre nous, Mâ était le centre.

                                                                                                                                                                                                                                                                    Patoun

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Ma première rencontre avec Mâ

 

Par un Européen

 

 

 

         C'était en 1971, j'habitais à l'ashram de Ramana Maharshi à Tirouvannamalaï. Un jour, j'ai visité dans leur chambre un couple d'américains que je connaissais et ils m'ont dit qu'ils venaient d'aller à Calcutta et avaient rencontré une femme sage qui les avait fort impressionnés. Ils m'ont montré une photo de la vieille dame - mais c'était en fait juste l'impression que cela m'a fait- la photo d'une vieille dame. La pensée qu'une femme pouvait être sage me paraissait bizarre à l’époque et je n'étais pas intéressé.

   Quelque temps plus tard,  nous avons reçu la nouvelle que Mâ Anandamayî, qui était cette dame qu'ils avaient rencontrée, venait dans le sud à Madras pour la première fois en vingt ans - car d'habitude elle voyageait dans le nord de l'Inde. Je pensai alors que si je devais la rencontrer, il me fallait au moins avoir quelques renseignements à son sujet. Dans ce sens, j'ai rendu visite à Mme Talyarkhan, une dame qui vivait près de l'ashram et faisait partie de ses fidèles, comme je l'avais entendu dire. Elle me montra un petit album de photos à son sujet, et je l'ai pris dans ma chambre pour l'étudier. En en tournant les pages, je suis tombé sur une photo qui est devenue pour ainsi dire vivante. On pouvait trouver une telle énergie qui en émanait! Cela m'a profondément touché. Je n'avais jamais vu auparavant une photo qui ait eu cet effet.

    À partir de ce moment-là, je pouvais à peine attendre sa venue tellement j'étais impatient. Chaque jour, je comptais les journées qui me séparaient de son arrivée - 58, 57,56... Si le lecteur n’a jamais été envoyé dans une pension, il saura comment les jeunes enfants comptent les jours jusqu'à celui où ils

 

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pourront revenir à la maison. D'une façon inexplicable, il en était pour mo ur moi ainsi.

     Finalement cette journée en janvier est venue. Il y avait un groupe d'occidentaux qui résidait à l'ashram de Shrî Râmana Maharshi et peut-être une douzaine d'entre nous sont partis en car pour Madras. Mâ Anandamayî résidait pour trois jours dans une maisonnette secondaire située dans la propriété d'une grande demeure, celle de Madame M.S Subhalakshmi et de son mari Shri Sadasivan. Quand nous sommes arrivés là-bas, une foule s'était déjà rassemblée. Nous descendîmes une pente vers les gens, tous en blanc, et je me demandais si Mâ ressortirait d'une façon ou d'une autre. Même à distance, mes yeux ont été attirés par une silhouette assise sur un lit,  habillée en blanc avec des cheveux noirs. Quand je me suis approché, j'ai pu voir qu'elle était assise de côté en regardant vers la gauche de la foule, sans aucun mouvement. Elle semblait ne pas regarder qui que ce soit là-bas, ses yeux étaient fixés juste devant elle. Peu après, je me suis mis à contourner l'endroit pour arriver du côté des gens afin de la voir directement en face. Je me suis aperçu que mon corps s'était mis à trembler sans aucune raison. Heureusement, il y avait une rampe sur le côté du bâtiment, et je m'y suis retenu, secoué que j’étais par des tremblements. Tout ceci était mystérieux pour moi. Après quelques temps, le darshan s'est achevé et Mâ s'est retiré, retirée, nous ne pouvions plus la voir.

    Notre groupe est reparti vers les hôtels, mais cette nuit, je ne pouvais pas dormir du tout. J'étais juste allongé dans un état complètement paisible et alerte. Le jour suivant, nous sommes retournés à la maisonnette de Mâ et nous avons trouvé à nous asseoir juste en face de son lit. Comme nous étions en janvier, il faisait frisquet mais il y avait un ciel bleu et brillant, et le soleil  produisait des effets de lumière et d'ombre sur le sol à travers les branches des palmiers. Pushpadî et d'autres jeunes femmes de l'ashram chantaient des kirtans si beaux que l'on se sentait au paradis.

 

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    Après quelques temps, Shrî Mâ est sortie et s'est installée. Le kirtan s'est poursuivi, des vagues d'émotion remontaient en  moi, d'où, je ne sais, et je ne pouvais pas non plus dire pourquoi - mais c'était difficile à contenir. Une fois le darshan fini, Mme Talyakhan a fait en sorte que notre groupe puisse rencontrer Mâ en privé. En effet, nous la connaissions, et c'était elle qui avait organisé la tournée de Mâ. Celle-ci s'est assise dans un pandal à l'arrière de la maison et nous nous sommes prosternés devant elle un par un. Comme j'étais familier avec la manière dont Râmana Maharshi regardait directement dans les yeux, j'espérais qu'une telle chose puisse survenir. En m'agenouillant,  je regardai Mâ et je sentis que ses yeux étaient dirigés de ci de là... Ensuite, progressivement, elle les ramena et nos yeux se rencontrèrent, se touchèrent et les siens s'en allèrent de nouveau.

     Après le darshan, nous avons été invités à déjeuner dans la demeure de Mme Subhalakshmi et de son mari. Elle était en fait un vrai palais.

    J'ai oublié tous les détails des satsangs qui ont suivi tandis que Mâ était à Madras, mais ce qui est resté fortement gravé dans ma mémoire, c'est quelle était en silence. Elle écrivait sur la paume de sa main ou sur celle de quelqu'un d'autre ce qu'elle souhaitait exprimer. Mme Subhalakshmi et sa fille Radha ont chanté plusieurs fois - et ceux qui la connaissaient et étaient au courant de sa dévotion pourront imaginer comment l'exécution de ses chants pouvait être belle quand elle était assise au pied de Shrî Mâ. Mâ elle-même a chanté, en particulier He Bhagavan, je me suis dit que c'était peut-être à cause de l'influence visible des nombreux fidèles de Ramana Maharshi qui était présents. [Ramana Maharshi était souvent appelé Bhagavan, ce qui signifie Seigneur]

      Le jour suivant, je pense, est venu le moment pour Mâ de prendre le train de Trivandrum, où elle devait assister une cérémonie à la demande du Maharadjah de Travancore. Nous nous sommes rassemblés à la gare pour lui dire au revoir. Il était touchant de voir MS Subhalakshmi presser ses mains sur son coeur et ensuite vers Mâ, et Mâ,  (en maun à cette époque) lui

 

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répondre de la même manière silencieusement. Mâ était assise les jambes croisées sur son siège et quand le train a pris de la vitesse, j'ai couru avec lui et j'ai vu ses pieds menus quand elle les a mis sur le sol une fois que les gens étaient partis.

    Les effets de cette visite à Mâ ont exigé quelque temps pour être digérés, j'étais réellement bouleversé. Mais déjà, je faisais des plans pour savoir quand je pourrais aller la rencontrer une prochaine fois...

 

L’européen qui a écrit ces lignes vient encore régulièrement à l’ashram de Mâ, et il a pu redire ses expériences en novembre 2005 même à une équipe qui enregistrait sous forme d’un documentaire  vidéo les quatre grandes cérémonies de l’ashram de Mâ à Kankhal et effectuait des interviews de certains de ceux qui viennent y participer.

 

 

Védanta et modernité

 

Par Bithika Mukerjî

 

 

Nous continuons la présentation d’extraits de ce livre de Bithika Mukerjî ; celle-ci est la biographe principale de Mâ et une ancienne professeur de philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès. Le livre a été écrit à l’occasion d’une bourse qu’elle a obtenue pour étudier deux ou trois ans dans une université canadienne. Elle raconte dans ses souvenirs que son arrivée au Canada a été marquée par la découverte d’un cancer, c’était il y a une trentaine d’années mais elle a guéri et est toujours bien vivante, maintenant

                                                  

 

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âgée de 80 ans. Elle habite à Allahabad. Elle n’avait parlé pratiquement à personne de cette maladie, et Mâ a loué hautement son courage quand elle a appris ce qui s’était passé.

 

Quelques questions posées par la modernité

 

Nous ne rentrerons pas dans le détail des problèmes posés par la modernité, en effet, les lecteurs français qui sont plongés dedans les connaissent directement d'expérience. Cependant, deux citations d'auteurs Occidentaux que fait Bithika Mukerji suffiront à poser les certains faits :

"Pourquoi à notre époque, des sociétés qui sont pleines d'abondance industrielle et  de génie scientifique sont devenues plus laides  par leur violence totalitaire qu'aucun peuple barbare ? …Pourquoi le nihilisme et la névrose planent sur ce que nous nous plaisons à appeler les sociétés "développées", prenant un tribut aussi grand de bonheur humain que les manques matériels évidents du Tiers-monde ? " [2][1]

    Cette autre réflexion situe également bien le problème de notre société de consommation postindustrielle. "La nausée existentielle a toujours perturbé les riches ; la démocratie l'a maintenant mis à la portée de tous".[3][2]

    Pour mieux comprendre les différences de contexte de fonds indien qui a donné naissance au védanta, il n'est pas inutile de

 

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rappeler quelques facteurs importants qui ont donné forme à la pensée occidentale. Commençons déjà par Platon :

   "Pour celui-ci, l'homme était en possession d'une raison qui pouvait l'amener à la vision du réel et du bien. La nature, donc, n'était pas épuisée en découvrant la cause des événements, elle restait enracinée dans l'ordre éternel des formes. L'âme de l'homme était activée par le même principe qui activait la nature. Celle-ci n'était pas simplement un objet pour la recherche mais elle se trouvait nécessairement reliée au bien-être de l’homme. En se centrant sur le fond immuable derrière l'ordre changeant de l'existence, la tradition platonique a agit comme un frein sur le processus d'aliénation qui a séparé l'être humain de la nature. "

    On sait que le christianisme, malgré son dogmatisme, a préparé à l'étude et à l'exploitation de la nature, en particulier en développant la notion d'individu séparé d'elle. Cela peut être une simplification, mais pas complètement illicite, de dire que les deux grands philosophes, Kant  et Hegel, ont fait un lien entre science et religion d'une manière qui a influencé pour de bon le cours de la pensée occidentale depuis leur époque. Le premier pas majeur dans l'avènement de l'âge de la Raison peut être identifié chez Kant dans la réfutation des preuves traditionnelles de l'existence de Dieu par l’établissement de la suprématie de la loi morale comme seul objet digne de respect. L'union de la vertu et du bonheur représente le bien suprême envisagé par la raison et la demande pour ceci vient de la loi morale elle-même ; la nature est indifférente à cette rencontre ; la seule source donc de ce bonheur est Dieu ; dans les mots mêmes de Kant,  "il est moralement nécessaire d'assumer l'existence de Dieu".

    Il a renversé ici la relation traditionnelle entre moralité et religion. Cette réorientation des arguments en faveur de l'existence de Dieu a

 

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eu de grandes répercussions dans la tradition occidentale. On peut dire que la coexistence pacifique de la raison et de la révélation a été bouleversée par la théorie révolutionnaire de Kant. L'autonomie morale est achetée à un certain prix : "Le même acte qui s'approprie la loi morale donnée par Dieu  réduit le fait qu’elle soit donnée par Dieu à l'inutilité."[4][3] En d'autres termes, dans un monde rendu vulnérable aux tendances séculaires par les découvertes scientifiques, Kant a procuré la clé pour l'indépendance morale. En lui accordant une volonté qui légifère d’elle-même, il a rendu possible ce phénomène de l'être humain, maître de sa propre destinée et debout seul au carrefour de l'histoire.

    Chez Hegel, la substitution du christianisme  par une foi suprême en la destinée historique de l'homme européen a été consommée… En conférant de la fluidité à la dimension de la vérité, Hegel  a garanti qu’une qualité de religiosité imbiberait toutes les théories de progrès devenues en vogue depuis cette époque. Si nous en venons maintenant au XXe siècle, de nouvelles questions sont apparues : "De tous les changements que le XXe siècle a apportés, aucun ne va plus profond que la disparition d'une foi aveugle dans le futur et dans la valeur absolue de notre civilisation, ce qui avait été la note dominante du XIXe siècle."[5][4]

     La question qui réclame notre attention maintenant, c'est de savoir pourquoi le fait de vivre à notre époque est une expérience d’aliénation pour l’homme d’Occident quand, paradoxalement, il a à

 

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sa disposition toutes les possibilités d'une richesse et d'un pouvoir croissants, ainsi qu'une religion fortement institutionnalisée qui peut agir comme une force d’unification pour l'ensemble du monde chrétien.

    Le facteur crucial qui sépare le XXe siècle du précédent, c'est l'échec de l'histoire pour l'Occident. En ces années où la science a apporté de plus en plus de mécanisation, l'être humain savait qu'il était aliéné de la nature. Après les deux guerres mondiales, il s'est senti en plus aliéné de l'histoire. Comme le dit un poète de l'après-guerre :

Notre divinité, l’Histoire, nous a creusé une tombe ;
pour en sortir, il n'y a pas de résurrection.[6][5]

   Les religions du Livre attendent une fin du monde –ainsi que la venue d'un Messie pour le judaïsme et le christianisme. Dans leur esprit, cela donne un sens, une réalité à l'histoire et à l'évolution du monde. Et ils pensent que les religions ou les conceptions philosophiques qui n’ont pas cette notion de l'histoire comme un axe à sens unique sont en dehors de la réalité. Mais considéré à partir de ces autres points de vue, l'attente d'un Messie est une illusion, et ce n'est pas en ajoutant une illusion à la réalité qu'on lui confère plus de réalité.

    Pour être bref, il faut aussi faire une distinction entre la science, qui en découvrant les lois de la nature, reste proche d'elle et d'un certain humanisme, et la technologie pure et dure qui fabrique seulement de l'artificiel. Celle-ci nous entraîne dans une course à la réalisation de toutes sortes de désirs, mais sans que nous ayons aucune idée du but final de ce marathon. Dans ce sens, on raconte

 

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l'histoire de la patte de singe, qui était en fait un talisman magique  pouvant réaliser automatiquement trois vœux de son possesseur. Quelqu'un qui venait de l'obtenir a demandé comme premier vœu 100.000 roupies. Peu après, un représentant de la société où son fils était employé vint pour lui dire que celui-ci était mort dans un accident de travail écrasé par un véhicule. Comme compensation, la société donnait au père 100.000 roupies. Son second vœu fut donc que l'enfant revienne, et par conséquent le fantôme de l'enfant  tout mutilé est apparu en frappant à sa porte la nuit. Etant donné tout cela, son troisième et dernier vœu fut que l'enfant s'en aille pour de bon...

    Pour conclure cette partie,  il faut aussi rappeler un fait nouveau qui a bien pénétré maintenant la pensée post-moderne, c'est la possibilité concrète d’auto-anihilation de l'humanité.

 

La réponse indienne à la tradition occidentale

 

     La question principale est maintenant, comme cela l'a toujours été, la liberté de l'homme. Toutes les traditions, chacune à sa façon, ont nourrit des idéaux de liberté personnelle, de justice sociale et de vénération pour Dieu. L'ombre de la néantisation plane sur ces idées car le processus de pensée lui-même est en train d'être remplacé ou pris de court par des statistiques et des planifications informatisées dans chaque aspect de la vie humaine.

   On peut facilement voir que les inventions technologiques ajoutent de nouvelles dimensions à notre monde, transformant ainsi toutes les structures existantes de significations par lesquelles  la vie en société est soutenue. Ce changement radical n'est pas du domaine des arts créatifs comme la musique ou la peinture. Ces créations ne changent

 

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pas ce qu'elles cherchent à comprendre. Un morceau de musique brillant, un chef-d’œuvre peut être copié une centaine de fois sans affecter la pureté première de l’œuvre originale. La répétition est ici simplement la célébration de l'unicité de la première vision. Le mystère du dialogue entre l'artiste et la nature est préservé de cette façon pour les générations à venir. Avec les inventions scientifiques, au contraire, on ne peut progresser qu'en rejetant ce qui est devenu désuet. Le premier type de création conquiert le temps, le second est vaincu par le temps.

    Pour le philosophe, connaître n'est pas faire et fabriquer, mais être prêt à recevoir. La pensée philosophique ne peut opérer qu’entre une recherche de connaissance et une expérience qui consiste à recevoir cette expérience d’un Autre, ce qu'on pourrait appeler "l'attente". La liberté ne peut survivre que dans le clair-obscur de cette "attente". Pour le philosophe, les questions sont plus importantes que leurs réponses, car par le fait même de formuler une question, il évite de lui donner une réponse automatique ; pourtant, poser la question est crucial puisque c'est la seule forme de préparation pour ce qui peut faire venir une vision de la Vérité. La vérité philosophique ne peut être créée mais simplement reçue,  vue, réalisée ou expérimentée sous forme de saisie immédiate.

   Ce qui sépare la pensée moderne occidentale des traditions pourrait être résumé en disant qu'il s'agit du "renoncement au concept de connaissance en tant que contemplation". Du point de vue de la pensée indienne, la séparation entre un ordre du monde changeant et ce qui reste caché et immuable est essentielle. Tout ce qui change est une présentation, une apparence de ce qui ne change pas. On peut dire que l'ensemble de la pensée indienne rend compte de cet Immuable sous-jacent à cet ordre d'existence dont le côté changeant

 

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nous est donné de toute façon a priori. Cette idée de "séparation" pénètre l'ethos de l'Inde. Celle-ci sous-entend une exigence de discernement entre ce qui est de la nature de la permanence et son opposé ; et inévitablement, il nous est instamment demandé de nous dégager de ces activités ou liens qui sont seulement agréables mais finalement insatisfaisants afin de concentrer notre attention sur ce qui amène à voir la vérité.

    L'usage inévitable de termes négatifs dans ce contexte donne malheureusement une mauvaise impression, mais il s'agit d'une référence à l'ontologie et c'est une manière légitime d'attirer l'attention sur cette discontinuité essentielle qui est précisément la manière de se relier au fonds de toute existence. Dans les Upanishads, le renoncement et la félicité de la plénitude  sont considérés ensemble, comme une seule et même Unité.

      Il est habituel de dire que l'axe principal de la pensée des Upanishads, c’est d'établir l'unité de Brahman, qui est le fonds ontologique de tout ce qui est. Il serait bon aussi d'ajouter qu'il y a également un effort majeur qu'on peut identifier en engageant l'attention de l'être humain dans le sens d'une recherche de cette réalité unifiée.

   Les textes sacrés sont considérés indispensables à cette recherche ; ils éveillent dans l'esprit le goût à la recherche ; cette quête de la base de notre être n'est pas naturelle dans la situation de l'être humain en ce monde. Nous sommes en général fascinés et suspendus à ce qui nous est donné comme expérience. Sans les textes, il n'y aurait pas d'indications de la connaissance d'autre chose que notre expérience du monde. Ces textes sont donc les seuls indicateurs d'une quête vers une région qu'on dit suprêmement signifiante pour l'être humain.

 

 

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       La tradition ne se centre pas sur la réalité du monde et tout ce que signifie une adaptation réussie dans celui-ci, car l'on ne peut échapper à cet engagement. Le monde est notre seule sphère d'activité connue, et il n'y a donc pas lieu d'insister sur ce qui est évident. C'est la nature de l'homme de prendre plaisir au monde et de sentir toutes les émotions qui le maintiennent en contact avec ses congénères. L'environnement de la nature est aussi un  élargissement de ses centres d'intérêt. Dans la tradition, la forêt est aussi importante que la cité, mais la vie de la cité est considérée comme une préparation pour celle de la forêt.

    Comme nous l'avons déjà dit, la tradition n'est pas la continuation absurde et la répétition de principes vieillissants. La tradition cherche à préserver et la pureté de ces indicateurs d'une vie qui, tout en étant vécue en ce monde, permet de recevoir cette bénédiction qu’est le don de la vérité. Ceci ne veut pas dire qu’une tradition ne peut pas changer du tout, comme le voudraient les intégristes. Cette attitude rigide n'est pas un bon moyen de soutenir de façon vivante les valeurs d’une tradition.

    Si les philosophes de l'Inde du XXe siècle se sont centrés sur Kant et Hegel, c'est aussi parce qu'ils n'avaient pas d'intérêt spécial pour le christianisme ; l'affirmation de celui-ci selon laquelle il possédait la vérité de façon exclusive les faisait fuir d'emblée, car ils considéraient que c'était directement contraire à l'esprit de la philosophie ; par contre, la réflexion et la comparaison avec des philosophes Occidentaux leur paraissait une bonne solution. Dans la tradition indienne, il y avait une haute exigence pour bien comprendre et présenter le point de vue des critiques et opposants. Par exemple, les universitaires indiens ont bien repéré qu'il y avait un lien entre le Soi de l'Inde et "la chose en soi"(das Ding) de Kant,

 

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au-delà de toute capacité d'appréhension de la raison, même pure. Par contre, ils ne sont pas d'accord pour dire que ce qui n'est pas perceptible par la raison n'est pas expérimentable. C'est là tout le champ de l'expérience mystique, autour de laquelle  gravite la philosophie traditionnelle de l'Inde.

        Les philosophes indiens du XXe siècle ont essayé d'expliquer le védanta aux esprits occidentaux à travers la philosophie comparée, mais ils n'y ont guère réussi. Les philosophes occidentaux ne se sont pas intéressés à cette entreprise, et les Européens ou Américains qui se sont plongés dans le védanta l'ont fait en général pour raisons spirituelles directement du point de vue de la tradition elle-même ; par ailleurs,  ce néo-védanta universitaire n'a pas eu non plus de véritable impact sous forme d'une nouvelle école de pensée, ou sous forme d'une pratique spirituelle renouvelée.

    Ce qui a rendu la base de cette philosophie comparée fragile, c'est que les philosophes indiens étaient sur la défensive, ils avaient une intention apologétique, il ne s'agissait pas d'une discussion d'égal à égal, mais la philosophie de l'Inde était rejetée comme n'étant même pas de la philosophie.

     La rencontre la plus sévère entre les deux mondes de pensée fut à propos de l'eschatologie. On peut dire que le thème central de la tradition occidentale après l’avènement du christianisme a été le temps. Le temps est l'aire de l'action providentielle de Dieu que nous devons réconcilier avec la conception du temps comme histoire qui a été établie par l'être humain. Le présent est ainsi maintenant à cause de la manière dont a été le début, et le futur dépendra de la manière dont on modifie  le présent, ce qui signifie que l’on peut  faire survenir dans le futur ce qui n'était pas auparavant. Un sens élevé de responsabilité pour ces processus qui surviennent dans le temps

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caractérise chaque mode de pensée philosophique en Occident depuis ceux qui sont le plus sévèrement pragmatiques et utilitaires jusqu'à ceux qui paraissent à l'extrême opposé, c'est-à-dire les idéalistes…. En ce sens, une religion qui n'avait pas d'eschatologie pouvait être seulement primitive, animiste, anthropomorphique, ou au mieux panthéiste, et le panthéisme en Occident n'est pas une position philosophique viable. Certains savants Occidentaux ont même donné comme raison pour l'attitude de "quiétude complète" de l'Inde un type d’hérédité inférieure, ou un climat très chaud qui  handicapait l'organisme pour un exercice actif et prédisposait à la vie contemplative...

    L'Occident monothéiste ne pouvait être patient avec une tradition qui maintenait un dialogue ouvert, depuis des siècles, entre un théisme soutenu par certaines écoles de pensée et l'Absolutisme de l'advaïta. Dans la perspective de la tradition elle-même, un tel débat était pourtant nécessaire afin de comprendre le thème central des Upanishads. La meilleure opinion des indologues occidentaux à cette époque, était que la tradition sanskrite avait à certaines périodes atteint des hauteurs sublimes de la spiritualité, comme l'avait fait d’autres cultures classiques ou païennes, mais qu'elle n’a pas été touchée par la dimension de charité et est donc restée inconsciente du fait que "la grâce de Dieu est toujours disponible, même si nous ne de la méritons pas."

   Ce genre de critiques a été résumé en une formule lapidaire par Radhakrishnan : "l'hindouisme est intellectuellement incohérent et  éthiquement malsain".

    Le fait est que la philosophie indienne n'était pas réfutée, mais rejetée en bloc par les penseurs occidentaux, comme étant une non-philosophie : pour eux, la diversité des écoles menait à l'incohérence, et la focalisation sur l'expérience mystique en faisait un système

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irrationnel. Ceci dit, la préférence pour le raisonnable par rapport au strictement rationnel est aussi le fait de la théologie et philosophie chrétienne. En voulant défendre de façon intellectuelle le védanta, les universitaires indiens ont insisté sur l’être et la conscience aux dépens de la félicité - qui est pourtant le centre mystique de l'expérience védantique. Celle-ci provient  d'un détachement  mental complet par rapport aux interactions avec le monde, même si on continue à vivre dedans. Certains philosophes ont essayé de faire dire au védanta que le monde était réel. Le raisonnement était le suivant : "Puisque Brahman est réel et que le monde est Brahman, le monde est aussi réel". Mais Shankarâchârya n'avait pas besoin de soutenir la réalité du monde pour présenter son chemin de libération. De plus, il faut savoir remettre en question le postulat sous-jacent à la pensée occidentale, selon lequel on ne peut agir de façon juste dans le monde si l'on ne croit pas que celui-ci est réel. Il y a une possibilité d'action juste, qui est selon le dharma, et nous avons vu que Shankarâchârya recommande comme préliminaires au védanta l'étude des Dharma-Shastras. De plus, les actions dictées par l'attachement mènent aux conflits, voire aux guerres. Ceci n'est pas pour le bien du monde.

    Pour Shankarâchârya, il est évident qu'on continue à vivre dans le monde de mâyâ. La "fausseté" de cette mâyâ consiste à expérimenter la multiplicité quand il n'y a qu'une réalité ; à percevoir la matière là où il n'y a pas de principe matériel ; à considérer l'Eternel comme permanent ; à manquer l'unité derrière les fragmentations et à demeurer inconscient du Soi caché par le non-Soi. La vérité, c'est que mâyâ n'est pas seulement une illusion mais c'est la "condition cosmique" qui fait apparaître l’illusion comme une réalité à laquelle on ne peut échapper.

 

 

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     Le védanta est basé sur une triade : révélation - raison – expérience, shrouti, youkti, anubhava. Les  philosophes du XXe siècle ont eu tendance à laisser tomber l'aspect de révélation et d'expérience. [On peut dire aussi que dans le néo-védanta occident actuel, on a souvent tendance à privilégier l'expérience comme un absolu en laissant tomber complètement la révélation, et même la raison, ce qui peut mener à des résultats étranges]...

 

    Dans le védanta, le monde n'est pas privé de son importance puisqu’il est l’unique sphère connue de l'activité humaine, mais on considère sa plénitude comme un voile qu'on doit pénétrer. La non-dualité bien comprise amène à voir l'autre comme soi-même,  et elle est donc la base même d’une véritable éthique. Il n’y a pas qu’en prêchant une relation à un Dieu personnel qu’on peut fonder une éthique, le bouddhisme de son côté le montre largement.

 

                                                                Extraits de En compagnie de Mâ Anandamayi

                                                                             A paraître aux éditions Agamat, Paris.

               Traduit par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et Jacques Vigne (Vigyânânanda)

 

 

 

 

 

 

 

 

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                      Le soleil du Soi

 

Par Swami Râmatirtha

 

 

 

Védanta

 

 

                                                                                   Les enfants de par le monde ont en commun

 une religion pratique d'amour, de jeu et d'innocence.

 Cette unité provient d'une confiance naturelle de chaque enfant

 dans son cher Soi qui est la douceur même.

 

Les raisons pour lesquelles le védanta n'attire pas les gens :

   Quand  une personne pense à quelque idée nouvelle, il y a une impression qui se crée dans la matière grise de son cerveau. Quand un enfant vient en contact avec de nouvelles associations, quand il lit un nouveau livre, des marques caractéristiques sont imprimées dans les profondeurs de son mental et quand il atteint un niveau plus développé de pensée, il peut aisément se remettre à suivre ces sillons, qui sont gravés comme dans un disque. Cela signifie qu'il est facile de se souvenir et d'exprimer des pensées qu'on a saisies auparavant dans son esprit. A chaque fois que celles-ci sont discutées, elles sont facilement comprises. Par contre, s'il y a une information sur un sujet inconnu avec laquelle une personne n'est pas familière ou à propos de laquelle il n'a pas formé d'impressions appropriées dans son cerveau, elle n'est pas facilement comprise et pleinement

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appréhendée. Dans de telles circonstances, le mental est dans la confusion ou ce genre de discussion le  porte à la perplexité…

   Devant de pareils sujets, les gens s'exclament : « Je ne suis pas intéressé. C'est assommant ! » Bien que les mathématiques, la philosophie et les sciences soient plutôt coriaces, nos jeunes gens doivent travailler dur dans ces matières pour simplement passer leurs examens à l'université. Si l'on admet que la connaissance divine du védanta aussi est difficile, il faut pourtant l’étudier si l'on souhaite s'assurer de réussir l'examen de la mort, c'est même essentiel. C'est une ironie du sort que la majorité des jeunes gens sont indifférents à cet examen de la mort, qui est des plus importants et finals. Ils ne réussissent pas à porter un intérêt quelconque à cet aspect  spirituel de la vie.

 

 

    Râma, dans certaines de ses conférences, développe en grand détail l'idée suivante : si nous avons en nous le sentiment intime d'immortalité, de liberté, de toute-puissance, d'innocence et de repos, ce sont des indices de la réalité du Soi sous-jacent, qui possède effectivement ces qualités.

 

    Lorsqu’on dit en védanta  jagat mithya,  le monde est illusion, Râma rapproche ce terme mithya de mythe : le monde en vérité est un mythe, seul le Soi est réel. Le fait que toute une culture ou groupe humain croie à  un mythe ne le rend pas plus réel pour autant. Râma interprète aussi Mâyâ, l'apparence du monde, comme mâ –yâ, « pas cela ».

 

         Si vous limitez votre identité au corps et au mental seulement, vous n’avez pas droit de dire Shivoham (Je suis Shiva). Ce serait vous tromper vous-mêmes. Cela reviendrait à préparer du gâteau de riz dans un pot de cuivre souillé et mourir d'empoisonnement. Le védanta vous autorise à

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manger des gâteaux, mais non pas à les cuire dans un pot en cuivre. Il ne veut pas que vous vous considériez comme le corps ou le mental ou que vous vous déguisiez avec le masque de Shivoham. Par contre, vous devez sentir Shivoham au plus intime de votre cœur afin qu'il consume, comme un feu brûlant, tout complexe d’infériorité. Celui qui connaît ce secret de l'unité avec le Tout devient sans peur et il  incarne la générosité.

 

    Sortez-vous de la boue de la conscience du corps et demeurez dans votre Soi réel. Réalisez et exprimez Shivoham, Shivoham et que le drapeau du Om sacré flotte librement au sommet du Mont Kailash d’ânanda, la Félicité.

 

     Je suis debout dans ce monde, ferme et libre. Mon cœur est plein de sérénité, de satisfaction en soi, et de calme. Le temps et l'espace agitent leur queue comme des chiens fidèles pour me faire plaisir. Comment puis-je être limité par les descriptions du monde ?

 

-  Moi et Moi seul existe. Il n'y a personne d'autre. Où devrais-je aller?

Une voix : - Va au diable ! 

Râma : - Même le diable va au diable à l’idée même de moi. Il est détruit. Il est annihilé. Même le temps et l’espace ne peuvent me laisser de place suffisante. Je suis au-delà du temps et de l'espace.

 

Voici comment Puran Singh  évoque Swâmî Râma lorsqu'il était encore à Lahore :

A cette époque, ceux qui le rencontraient dans les rues sentaient une étrange fascination envers lui. Concentré, absorbé en lui-même, vibrant avec le son du Om, il allait à travers les rues et même la chaussée vibrait sous son pas. "Dis que tu es Dieu, va au sommet de ta maison au cœur de la

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nuit et proclame « je suis Dieu »  ô Ram ! Réveille-toi, lève-toi et dit « je suis Dieu »", c'était ce qu'il prêchait. Il le proclamait au plus haut de sa voix et souhaitait que ses admirateurs l’affirment : "Je suis Dieu". Quand on lui rapportait la survenue d'une bonne chose, quand il voyait quelque chose de beau, ou quand il entendait parler d'une action héroïque, d’une pensée ou d’un exploit audacieux, cela évoquait chez lui cette remarque : « Ah ! c'est du védanta ! » Védanta était un mot qui exprimait tout ce qui était noble, beau, spirituel et glorieux dans l'histoire humaine. Pour lui, ce n'était pas une philosophie, c'était complètement de la poésie.

 

   En 1905,  après être redescendu de l'Himalaya pour une période, Râma reçoit la visite des chefs musulmans de Lucknow et leur souhaite la bienvenue en leur disant : Om ! Ils lui ont demandé pourquoi c’était sa salutation, il leur a alors expliqué que le Om n'existe pas seulement  dans l'hindouisme, mais qu’il est également présent dans la Bible sous forme de amen ; dans le Coran, il fait remarquer que le mot qui est en exergue du Livre est ALM. Comme en arabe, le l se transforme devant une consonne, souvent en o, nous avons ce AUM au début même du texte sacré des musulmans. Il disait que le Om était sa seule possession. Il conseillait,  comme une des manières de le réciter, de méditer sur a comme l'être, u comme la conscience, et m comme la félicité, retrouvant ainsi la triade du védanta sat-chit ânanda.

 

 

Voici maintenant des pensées extraites des Carnets de notes de Râma :

 

Réalisation.
   De même qu'un solide est relié à ses propres surfaces, ainsi la Conscience cosmique est reliée à la conscience ordinaire.

 

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   De même qu'un océan est relié aux vagues, ainsi la Conscience cosmique est reliée au monde.

  De même qu'un hyper-espace est supposé être relié aux autres dimensions de l'espace, ainsi la Conscience, jñâna, est reliée aux autres consciences.

   Veille, rêve et sommeil profond sont les trois  phases de la conscience personnelle, et ne représentent que les phases de l'autre Conscience ; des expériences qui semblaient éloignées les unes des autres au niveau de l'individu sont peut-être très proches dans l'Universel. L'espace lui-même, comme nous le savons, peut être pratiquement annihilé dans la conscience d'un espace avec un plus grand nombre de dimensions,  dont il n'est alors que la superficie.

 

   Agir au moyen de l'inaction, c'est Dieu.

 

     Dans le son de ta voix, je demeure en un monde protégé du mal.  [Ici, Râma fait probablement allusion au Om subtil qui n'est pas différent du son du silence].


   On ne peut diviser le Soi. Vous pouvez rendre un pot imperméable ou presque à l'air : mais pouvez-vous  rendre ce même pot imperméable à l'éther ? Si l’éther-espace ne peut être enfermé au-dedans ou en dehors, qui peut diviser et découper le Soi ou Dieu ? Ainsi donc, vous ne pouvez être (seulement) une partie de Dieu.

 

   Foi  et raison : cette Unité est un article de foi dans la mesure où elle est un axiome et un postulat de notre être le plus intérieur. Nous avons pu ne l'avoir vérifié en pratique que dans un nombre limité de cas, mais heureux sont ceux qui le voient à tous les niveaux de la vie.

 

 

 

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    Nous vérifions la relation entre l'hyperbole et son asymptote jusqu'à un certain point, mais pour le reste, nous sommes certains (croyons ?) que la même relation subsiste.

    Après avoir déterminé que le Soi est le substratum de l'univers, ne nous posons pas d'autres questions quant à savoir pourquoi et où est l’Atma : après avoir déterminé le centre du cercle, nous ne devons pas nous demander :

      « Où est le milieu du centre ? »

 

   Derrière nos parents et grands-parents demeure la Grande Volonté Eternelle ! Cela aussi est ton héritage - fort, beau, divin, un levier sûr de succès pour celui qui l'essaye.

 

Question : Quel est le plus grand champ du monde ?

- Le champ des améliorations possibles.

 

Après sept ans d'expérience :

   Pour le védanta, la pureté du réceptacle est extrêmement importante : si, avant que le lait pur de l'advaïta, non-dualité, ne soit versé, il reste la moindre trace d'ego, d'inclination à l'autodéfense, le tout va cailler, fermenter et se détériorer.

 

   Dans la montagne, là-bas, il y a une belle colonie de géants de la forêt qui s'épanouissent ! Quel lien les unit ? Ce n'est pas un attachement de l'un à l'autre (relation personnelle). Ils ont une organisation sociale, pour ainsi dire, seulement dans la mesure où ils envoient leurs racines à la même nappe d'eau souterraine reliée au lac. L'amour de la même eau les maintient tous ensembles. Puissions-nous nous retrouver dans l'amour de la même Vérité, nous rencontrer dans le ciel (du cœur), Râma. O vous qui gagnez

 

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des honneurs, qui  acquerrez de la connaissance, réformateurs sociaux, travailleurs politiques, messagers d’une religion, chers tâcherons du quotidien !... Râma est sur un ticket différent, il ne peut interrompre son voyage et faire des séjours dans les stations intermédiaires. Le terminus, ô le terminus interminable !

 

   Ton travail  en ce monde est terminé quand tu as réalisé la Vérité. Qu’elle soit communiquée à un être humain seulement, et tu en auras fini.

 

Libération

 

 

   Pourquoi ces larmes coulent-elles au moment de l'union délicieuse avec le Bien-aimé ? Est-ce qu’elles sont dues au deuil à propos de la perte de la conscience mentale ? C'est la fin de tous les rituels du monde. Tous les désirs se sont évanouis dans le néant. Tous les chagrins, souffrances,  soucis, ont disparu comme l'obscurité de la nuit. L'armada des maux et des vertus a été noyée dans le vaste océan de l'unité avec le Bien-aimé. Un poète ourdou dit :

Je suis Lui. La question d'une quelconque correspondance avec Lui ne se pose pas. Je suis moi-même l'intoxication. Il n’est point de nécessité pour aucun autre intoxiquant.

     Comme c'est merveilleux ! J'ai maintenant découvert et réalisé que je suis  moi-même Brahman ! Je suis moi-même le Témoin ! 

 

 

 

    Quand un enfant suce une mangue, elle explose et le jus se répand  sur sa bouche, ses mains et ses vêtements. Il y a du jus partout. De même, si vous

 

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goûtez la Vérité du védanta, vous aurez une expérience du nectar sucré de Brahman. Rien, si ce n'est Brahman, ne demeurera.

     Et évidemment, vous deviendrez vous-même Brahman.

 

   Une fois, Râma perdit ses amis dans une vallée envahie par une végétation dense. Ils ne pouvaient entendre les appels les uns des autres. Quand, avec difficulté, Râma put atteindre le sommet, il cria à pleine voix pour les appeler, et le résultat  fut qu'ils purent l'entendre et se réunir. De même, quand nous sommes dans la chute, personne ne nous entendra, mais quand nous parlons d'un niveau plus élevé, tous pourront nous écouter.

 

    Ceci est un extrait de la dernière lettre de Râma à être citée dans la biographie de Puran Singh ; elle date de juin 1906.

    Quand on le voit du point de vue du Dieu-Soi, le monde entier devient une effusion de beauté, une expression de joie, un déversement de félicité. Quand la limitation de la vision est dépassée, il ne reste rien de laid pour nous. « Le monde entier est beau est gracieux. » En réalité, les pouvoirs de la nature deviennent nos mains, pieds et autres sens.

  Comme le Soi est  Félicité et en même temps le Tout, il s'ensuit que la réalisation du Soi signifie la réalisation de mon propre Soi comme Félicité suprême cristallisée dans le monde entier.
    L'univers, étant une incarnation de mon propre Soi, il est la douceur incarnée. Qui devrais-je blâmer ? Qui devrais-je critiquer?


O Joie ! Tout est « Je ». Om

 

 

 

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Voici maintenant des pensées extraites des Carnets de notes de Râma :


    Le libéré-vivant, jîvan-moukta, quand il se détache du corps physique, entre dans l'état de ‘libéré-sans-le-corps’, videha-moukta, comme le vent qui finit par s'immobiliser.

 

   O feu qui brûle derrière tous les mondes, Essences immortelles, flammes de cet univers qui se consume à tout jamais, qui ne se consume jamais - rire et rire avec vous et que notre rire libère une impulsion qui ébranle la Création !

  Dans les yeux de ta bien-aimée,  dans le visage fidèle de ton ennemi pendant la bataille, sois conscient, (méfie-toi) au moins de ton propre Soi ! Joie ! Joie ! Joie inextinguible et rire.

 

     Comme le simple sens de l'espace dans le monde est merveilleux... après la chambre de malade et les journées de souffrance ! Et comme un autre sens doit être merveilleux, celui de l'espace sans mesure de l'âme, et de la liberté, et ainsi  donc inaliénable ! Regarde, là, à travers la vitre une fois de plus, et satisfais-toi en profondeur à ce sujet.

 

    Sois stable comme la lumière. Que les papillons de nuit viennent et soient consumés en toi.

 

    Celles qui sont vraiment belles, ce sont ces fleurs adorables, inconscientes de leur propre beauté.

 

   Si les trains et le télégraphe actionnés par électricité sont utilisés pour économiser notre temps et notre énergie, ce serait stupide de ne pas utiliser les conditions électrostatiques et météorologiques du cosmos - dans la

 

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forme d'une atmosphère inspirante et d'un climat qui aide -  pour favoriser en nous un progrès spirituel rapide. La brise qui nous embrasse et les rivières qui murmurent etc. ne doivent pas être mises de côté comme des aides extérieures ; tout est en nous  si nous pouvons le contrôler et le tourner à notre avantage.

 

    Je suis parti dans les bois parce que je souhaitais vraiment vivre  afin de faire face aux faits essentiels de la vie seulement, et je ne souhaitais pas vivre ce qui n'était pas la vie, la vie est si chère ! Je désire vivre profondément et sucer la vie jusqu'à la moelle !

 

    Un jñâni parfait ne pose pas de questions personnelles, il n’y pense même pas.

 

   Ne vous laissez pas dévorer par le « trop de concessions ». Soyez seulement vous-même. Pas de politesse avec la « nuit de l'ignorance ». Pourquoi le monde serait-il si pauvre qu’il vous demande constamment ceci ou cela ? Le fait que vous viviez comme Dieu est une faveur suffisante pour les gens. Soyez Dieu et c'est la plus grande grâce que vous puissiez conférer à l'humanité.

 

   « Les tentations de l'extérieur continuent à m'assaillir, mais il n'y a plus rien à l'intérieur qui leur réponde. »

 

   Donnez-vous l'absolution, et vous recevrez les suffrages du monde.


   L'être qui vit la Vérité ne la connaît pas plus que le poisson ne connaît la mer. Un tel être ne pense pas qu'il vaille la peine de la formuler.

 

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Maintenant,  Râma vous dit au revoir par un poème :

 

 

La lune s'est levée, ils voient la lune,
Je bois à la lumière de Tes sourcils.
Ce sont de grands spectacles qu’ils organisent, pleins de foule, bientôt,
J'observe et observe la source de la vue !

En fait, n'appelle pas de chirurgien, pas de docteur
Car ma souffrance est tout entière délice.
Adieu! O vous citoyens ! Cités, au revoir !
O bienvenue, hauteurs enivrantes, éthérées !

O modes, coutumes, vertu et vice.
Lois, conventions, paix et guerre !

O amis et ennemis, relations,  liens,
Possession, passion, le vrai et le faux.
Au revoir, O espace-temps ; au revoir !
Au revoir! O monde et jour et nuit,

 Mon amour est fleurs, musique, lumière
Mon amour est jour, mon amour est nuit,
Dissous sont en moi l'obscur et le lumineux.
O quelle paix , paix et joie !

 O laissez-moi seul, mon amour et moi,
Au revoir. Au revoir. Au revoir.

Om !

 

 

 

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Fleur de Cactus, Fleur de Lotus,

 

Par Mahâjyoti

 

Qui s’y frotte s’y pique, m’a-t-on dit souvent

Quand j’étais petite, et même maintenant.

Savoir me défendre, j’y crois mordicus !

Fleur de Cactus !

 

 

Pourtant à quoi bon ? Et si le fossé

Qu’il faut traverser, comme le bouclier

Qu’il faut transpercer, n’étaient pas un ‘plus’ ?

Fleur de Cactus ?

 

Et si le guerrier qui en nous s’obstine

Comme le porc-épic rentrait ses épines,

Cessait de combattre à la Spartacus,

Fleur de Cactus ?

 

Sur mon grand balcon, à force de soin,

Agaves et Chardons ont fleuri soudain,

A force d’amour : 6 jolis Brutus !

Bébés Cactus !

 

Leur cœur s’est ouvert, laissant apparaître,

Roses, tendres et fous, semblables à mon être

Qui à l’intérieur recèle une fleur.

Bébés sauveurs !

 

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Tout l’amour de Mâ a brisé mes chaînes

 Je l’ai pris en moi, cet amour m’entraîne.

Je suis transformée, j’en reste motus !

Fleur de Cactus !

 

On s’y pique un peu, mais au fond du cœur,

Si on sait la voir, s’élève cette fleur.

Une vraie douceur, un Stradivarius !

Fleur de Lotus !

 

                                                            Mahâjyoti, 2005

                                                  (Geneviève Koevoets)

 

 

 

 

 

 

Nouvelles

 

Swâmî Bhaskarânanda a fait une grande tournée aux États-Unis, avec en particulier un rassemblement important pour Gourou-pournima.

- Swâmî Nirgunânanda, comme d'habitude, a été en France en juillet et août, à Epernon et à Terre du Ciel. En Allemagne, il a enseigné pendant un week-end à 300 ou 400 étudiants dans l'un des plus grands centres de Yoga du pays, tenu par un disciple de Vishnou Dévânanda, lui-même disciple de Shivânanda.

- Nous avons fêté les 91 ans de Vijayananda le 26 novembre par une belle cérémonie au Centre International. Un petit groupe de fidèles

 

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s'est réuni des quatre coins du monde pour cela. Il ne marche plus comme un jeune homme, mais le reste du corps va bien et il continue à assumer soir après soir sa responsabilité du satsang en face du samâdhi de Mâ. Les visiteurs anciens et nouveaux sont toujours touchés par sa présence et l'amour qu’il répand.

- C’est Swami Vijayananda qui s’est retrouvé en « tête de liste » des cinquante Occidentaux interviewés par Malcolm Tillis dans le livre New Lives. Cette réédition en 2004 d’un ouvrage d’il y a une trentaine d’années par Indica Books à Bénarès (indicabooks@satyam.net.in) a été augmentée de nouvelles interviews et préfacée par Râm Alexander. Les fidèles de Mâ le connaissent, il a été 10 ans auprès de Mâ et vit maintenant à Assise. Il a aussi préfacé et fait publier Voyage vers l’immortalité d’Atmananda.

- Le film sur Amma qui a été montré pour le festival de Cannes au printemps est sorti récemment sur les écrans français. Nous souhaitons qu’il touche le cœur d’un grand nombre.

- Une nouvelle revue sur l’Inde paraît en kiosque. Elle est dirigée par François Gautier qui a été pendant quinze ans correspondant du Figaro en Inde et  qui vit entre Auroville et Delhi. Elle a l’air d’être une revue de haute qualité dans le style de l’ancienne Revue des deux Mondes. Ceux qui  utilisent  l’internet peuvent s’abonner directement à :

  http://www.lesbelleslettres.com/html/abonnements.htm#Inde

et aussi visiter le site de François Gautier lui-même http://www.francoisgautier.com

Sinon, on peut la prendre en kiosque ou contacter Marie-José d’Hoop aux éditions Budé-Les Belles Lettres, Bd Raspail 75006 Paris.

 

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On y trouvera dans le site non seulement des articles fort intéressants, mais aussi deux livres complets qui éclairent beaucoup d’aspects de l’Inde et déboulonnent nombre de clichés à son propos.

- Un groupe de trente français guidés par Jacques Vigne sur le thème Psychothérapie et spiritualité a passé une semaine à Bénarès, et a également visité l'ashram de Mâ sur les ghats. Ensuite, ils sont venus à Kankhal et ont participé aux débuts de la Samyam Sapta.

- Le soleil du Soi de Swâmî Râmatîrtha traduit par Jacques Vigne est paru en juin dernier aux éditions Accarias. Sa version anglaise est en cours de relecture pour publication chez Indica Books à Bénarès.

- Peut-être n'avons-nous  pas mentionné dans le ‘Jay Ma’ un numéro spécial du Monde des religions de 2004 consacré au Maîtres spirituels du monde entier : il avait en couverture Mâ jeune, assise en  samâdhi.

- Les carnets du Yoga vont publier un article sur Vijayananda et un autre sur Mâ Anandamayî. Le texte leur a été envoyé.

- Bettina Bäumer est une amie proche de Bithika Mukerjee ainsi qu’une sanskritiste de haut niveau vivant depuis trente ans à Bénarès; de passage à Kankhal, elle vient de rencontrer Swâmî Vijayânanda, et a demandé à Vigyânânand un article sur lui pour le petit journal de la fondation Swâmî Abhishiktânanda qu'elle dirige, et qui s'appelle Setu, c'est-à-dire en sanskrit pont.

- Patoun est maintenant quasi permanent à l’ashram de Kankhal et travaille intensément sur les archives des documents écrits, audio et filmés de Mâ. Il va guider un pèlerinage sur les lieux de Mâ pour un groupe de quatre Bengalis et Vigyânânanda pendant dix jours en janvier au Bangladesh sur les lieux de la première partie de la vie de Mâ, jusqu’à trente ans. Vous aurez certainement un compte-rendu de l’expédition dans le prochain ‘Jay Mâ’.

 

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Nouveaux abonnements

 

     Pour ceux qui voudraient prendre un nouvel abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José Sanchez

L’Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte-Croix

          84110 Vaison-la-Romaine.

 

    Envoyez un chèque au nom de Jacques Vigne de 8 €, et de 4 € pour l'abonnement par courriel. À ce moment là bien sûr, communiquez aussi votre adresse électronique et  envoyez de plus et directement une copie de votre message à jacquesvigne@yahoo.fr. Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste indienne, cette formule mérite d'être considérée sérieusement.

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                          1

Quelques réminiscences de Patoun à propos de Vijayananda     2

Ma première rencontre avec Mâ par un Européen                               11

Védanta et modernité par Bithika Mukerjî                                           14

Le soleil du Soi par Swâmî Râmatîrtha                                                27

Fleur de cactus par G. Koevoets (Mahâjyoti)                           38

Nouvelles                                                                                             39

Nouveaux abonnements                                                                        42

 

 

 


 

 

 

 

 

Jay Ma N° 80   -   Printemps 2006

 

 

 

 

 

 Je dois d'abord m'excuser pour le retard de ce numéro de printemps  de Jay Mâ. Je reviens de dix semaines fort occupées avec différents groupes de Français, y compris cinq semaines à l'île de la Réunion où il y a eu nombre d'ateliers sur le Yoga,  la psychologie, le sens de l'Inde pour l'Occident et où j'ai pu évoquer souvent l'enseignement de Mâ devant des publics variés qui tous avaient envie d’apprendre et d’évoluer.

 

Vigyânânand, le 6 avril 2006

 

 

 

Paroles de Mâ

 

 

 

 Les paroles suivantes sont extraites du début de l'agenda spirituel 2000 avec une pensée de Mâ pour chaque jour, en anglais et en hindi, ce qui permet de mieux en cerner le sens quand on connaît cette dernière langue.

 

 

 

Etre attiré signifie être transformé.

 

 

 

Quand le but devient stable, le noeud de la limitation s'ouvre.

 

 

 

Lorsqu’on est sérieux et intelligent, on progressera vers Lui.

 

 

 

Sans la souffrance intense (yantranâ) de ce monde, l'intérêt pour identifier le "Machiniste de la machine" (yantra ka yantri) ne s'éveillera pas.

 

 

 

Il n'y a rien en ce monde qu'on puisse considérer avec mépris,  manque de confiance ou négligence.

 

 

 

En t'embellissant toi-même, si tu parviens à installer sur un beau siège Celui qui est éternellement beau, alors tout apparaîtra comme beau.

 

 

 

Où que tu ailles,  si tu y vas avec une conscience et une énergie entière, tu verras que l'altérité de qui que ce soit n'existe pas.

 

 

 

Les différentes voies des hindous, des musulmans, des shaktas et  des vaishnavas arrivent à Sa porte.

 

 

 

Le Seigneur et son serviteur peuvent bien être deux, mais leur racine est une.

 

 

 

 

 

 

 

En association avec Mâ Anandamayî

 

9e partie

 

Par Amulya Kumar Datta Gupta (traduit du hindi)

 

 

 

Le bonheur de la liberté

 

12 mars 1953

 

 

 

Mâ parle de l'opposition apparente entre souvenirs et oubli, action et inaction, japa et ajapa, vérité est fausseté. Elle évoque aussi un état supérieur :

 

"Dans cet état,  il n'y a rien qui soit comme la vérité ou l'erreur, la cause en est qu'il n’y subsiste pas de dualité. Du point de vue du monde, on peut séparer les choses en vraies et fausses. Certes, il peut arriver qu'un propos sorte de la bouche de ce corps, et qu'il soit obligatoirement vrai. Dieu est l'essence de la vérité. Mais il y a aussi un état où la question du vrai ou du faux ne se pose pas. À ce niveau, il y a seulement un jeu en soi-même [ou : 'un jeu du divin en Lui-même']. Si l'on se situe à un autre niveau, il y aura quand même la séparation entre vrai et faux. Par exemple, on peut dire qu'on a une démangeaison dans une partie du corps, mais après, quand elle n'est plus là, cela  ne veut pas dire qu'on a menti en en ayant parlé. De même, si on dit à quelqu'un d'attendre et qu'ensuite on ne peut venir, cela ne veut pas dire qu'on ait dit quelque chose de faux. La vraie raison de cela, c'est que celui qui demande d'attendre et celui qui attend ne sont qu'un seul et même être.

 

AKD Gupta: Est-ce que nous pouvons appeler ce genre de comportement  'la joie de la liberté'?

 

Mâtâjî (en riant): Cela, vous le savez. Vous savez aussi la manière dont on appelle dans les Shastras tel ou tel niveau spirituel. Ce corps n'a pas lu les Shastras.

 

 

 

La prière des gens dépend de leur état

 

23 mars 1953

 

    Ce matin, dans l'ashram, nous avons été témoins de la conversation de Mâtâjî avec le docteur Pannalal (le préfet de Bénarès qui était un proche de Mâ, et dont le gendre, Govind Narayan, a été Ministre de la Défense sous Indira Gandhi et est encore l'actuel président de la Sangha). Dans le fil de l'entretien, il a demandé : « En se prosternant devant Dieu, quelle sorte de prière faudrait-il faire ? »

 

 

 

Mâtâjî : Dans l'idéal, il ne faudrait pas faire de requête, et pourtant, on peut obtenir le fruit de ses requêtes. Il est tellement miséricordieux qu'Il donne tout ce qu'on lui demande. Il se donne aussi Lui-même. Quand on demande des objets du monde,  c'est-à-dire un objet dont on manque, Il apparaît sous forme de manque. Par ailleurs, en ne demandant rien, on peut aussi obtenir Son être entier. Il n'y a pas de cause à cela, à ce niveau tout est Lui.

 

Dr Pannalal : S'il en était ainsi,  il n'y a pas besoin de prier.

 

Mâtâjî : Tu peux exprimer la prière, "que ta volonté soit faite", mais cela reste une requête. Si tu dis : "ô Dieu, je ne te demande rien"  cela aussi est une requête. La vérité est que, selon l'état dans lequel se trouve les gens, leurs prières se concrétisent. Quand le jeu de la sâdhanâ s'est déroulé dans ce corps, c'est ce qui est apparu comme évident. À cette période, Bholanâth s'approchait de ce corps et lui disait avec insistance de faire ceci ou cela. À ce moment-là, c'était une période de pratique intensive et je n'avais aucune envie d'écouter ce que disait Bholanâth, est-ce qu'on doit faire ce genre de demande à Bhagavân [alors qu'il n'a pas envie de les entendre]? Rien qu’en entendant ces demandes, un courant électrique venu du ciel traversait ce corps et il demeurait comme frappé par la foudre. Ainsi, les propos de Bholanâth furent enterrés, et il n'y eut plus de demandes qui sortaient de sa bouche. Je pourrais comparer cela à une tempête qui assaille un voyageur en chemin,  à ce moment-là on se met à effectuer différents types de prière, mais il y a aussi un niveau supérieur où l'esprit se trouve soudain dans un état où il n'y a pas la moindre trace de demande. C'est donc pour cela qu'on peut dire que les prières des gens remontent spontanément d’après leur état particulier.

 

 

 

Le sens de l'enfant Krishna qui suce son gros orteil

 

    Mâtâjî (en riant) : Oui, on peut interpréter ainsi le jeu de Krishna. En ce monde, quand on cherche à obtenir le "nectar du pied" il s'agit en fait du sien propre. [Le nectar du pied, charan-amrit, vient en général du pied du gourou pendant la puja, Mâ veut dire que le sâdhaka est en  lui-même son propre gourou] cela est dû au fait qu'en ce monde, il n’y a rien d'autre que le Un. Donc, en suçant son gros orteil, Shrî Krishna manifeste le fait fondamental qu'il demeure en lui-même. Tout ce qu'on dit à propos de déguster le rasa signifie seulement qu'il demeure avec lui-même.

 

[Un autre bhakta présente une interprétation un peu différente]

 

Dr Pannalal (à Mâtâjî): Je ne comprends pas clairement ce que vous expliquez.

 

Mâtâjî : Pitâjî,  ce corps ne parle que rarement des actions d'avatars comme Râm, Krishna, etc... ou de celles des mahâtmas. Parfois, il peut ressortir certaines idées dans la conversation, mais en général, ce corps ne s'exprime pas sur ces sujets. Tu peux voir aussi que Dieu lui-même n'explique pas ses propre lîlâs [jeux]. Est-ce qu'il ne pourrait pas le faire lui-même ? Une des raisons peut-être qu'il est en fait très heureux de voir de quelle manière ses propres lîlâs sont interprétés et développés dans le coeur de ses fidèles. C'est lui-même qui fait en sorte que chaque bhakta puisse interpréter ces lîlâs à sa façon. Ainsi personne ne peut être déclaré de façon claire se trouver dans l'erreur. En évoluant avec spontanéité dans le coeur de ses fidèles, Dieu savoure l'infinie douceur de ses propres jeux.

 

 

 

L’histoire des quatre-vingt-dix-neuf

 

 

 

      Un vieux couple vivait dans une cabane : ils étaient pauvres, mais avaient quand même de quoi manger trois fois par jour et allumer une chandelle pendant quelques temps lorsque l'obscurité de la nuit s'installait. Cependant, un soir, le voisin vit qu'ils n'allumaient plus de bougie le soir, et qu'en plus ils ne prenaient plus qu'un repas par jour. Il a pensé qu'ils avaient dû avoir un gros problème financier inattendu, et qu'ainsi leur pauvreté avait probablement tourné à la misère. Il s'est enquit discrètement de la situation,  en leur demandant ce qui s'était passé. Ils lui dirent, en le prenant dans la confidences et en lui demandant de ne le répéter à personne : "En fait, nous n'avons pas eu de pertes d'argent, au contraire nous avons trouvé un trésor :  il contenait quatre-vingt-dix-neuf pièces d'or, et nous avons réfléchi ainsi : si nous économisons sérieusement pendant un an, en ne mangeant qu'un repas par jour et en cessant d'allumer une chandelle le soir, nous pourrons compléter cette somme d'une pièce de plus et ainsi pouvoir jouir de la possession de cent pièces d'or !"

 

 

 

 

 

Vacances d’été

 

Extraits de ‘En compagnie de Mâ Anandamayi’

 

De Bithika Mukerjî

 

L’année 1947 fut une époque de célébrations et de festivités. Shrî Mâ se rendit à Dehradun où les fleurs sont en abondance spécialement durant l’été, et où leur gamme multicolore semble s’épanouir à l’infini. Ayant trouvé des fleurs d’un gris bleuté, en forme d’étoiles, il me vint à l’idée de faire un satchakra pour le lit de Haribâbâjî. Toutes les autres couleurs étant facilement disponibles, je pus les disposer en forme de lotus avec le nombre de pétales approprié, la couleur et l’ordre voulus, représentant ainsi une sorte de moelle épinière s’élevant en serpentant pour aller se terminer dans les mille pétales blancs du lotus. Haribâbâjî en fut ravi et se fondit en compliments. Shrî Mâ fut surprise que je connaisse les détails du Satchakra. Le même soir, en privé, elle m’enseigna un kriya impliquant les chakras. Si nous avions tous obéi à ses instructions concernant ces simples chemins des kriyas yoguiques, je suis sûre que nos vies auraient pris une autre direction, mais hélas, la tentation d’échapper à la discipline était, quant à moi, une chose sur laquelle il fallait compter.(p. 152)

 

 

 

 

 

    Parfois Shrî Mâ devait intervenir dans certains débats âpres en adoptant une position équitable vis-à-vis des opposants :

 

    « Quelle est l’étendue de ce qui n’est pas ? Même si l’on dit que seul l’Un existe, ce n’est pas approprié car cela indique une distinction. Tout ce qui est, est (Ja ta). Tout est Lui, et Il est tout. »

 

    «  Que n’est-Il pas et où n’est-Il pas ? Là où le jeu (lîlâ) de la dualité est une entrave dans la compréhension (badhaka), sachez que c’est une étape pour le sadhaka. Ce que les Ecritures décrivent comme la plénitude de la félicité n’est pas une étape ou un état, mais il est ce qu’il est, et si on l’atteint tout est aussitôt exaucé. »

 

 

 

 

 

    A ce stade du débat, Pandit Sunderlal  émit des objections, plus par provocation envers Shrî Mâ qu’autre chose. Un jour il lui avait dit : « Vous ne prêtez aucune attention à ce que je vous dis. Vous vous êtes détournée de moi pour regarder autour de vous au moins 10 fois pendant que je parlais. » Shrî Mâ sourit et dit : « Pitajî, continuez je vous en prie, je vous prête toute mon attention ! » Lorsque Pandit Sunderlal finit son discours, Shrî Mâ ajouta : « Pitaji, vous ne vous êtes pas adressé qu’à moi, vous avez regardé autour de vous au moins 117 fois ! » Tout le monde éclata de rire au grand embarras du vieil homme. (p.153)

 

 

 

L’histoire d’une guérison

 

 

 

    Durant ces vacances d’été, nous fûmes témoins de la guérison miraculeuse de Râmlâl qui avait été victime d’une maladie funeste. Râmlâl était un jeune garçon très attaché à sa grande amie Shrî Mâ, à qui il était venu rendre visite avec ses parents Ranadeva et Lila Ghosh de New Delhi. Un jour le petit Râmlâl eut de la température. On fit venir des médecins. Hélas, la fièvre monta rapidement et aucun traitement ne put en venir à bout.

 

Les médecins dirent alors qu’il s’agissait d’une pneumonie mais d’après leur attitude les parents en déduisirent que le gamin avait peu de chance de s’en tirer. Shrî Mâ était assise pendant le satsang, tandis que Haribâbâjî faisait une lecture  à haute voix. Liladi entra par la gauche de la véranda et s’inclina devant Shrî Mâ, en pleurant d’impuissance, n’arrêtant pas de répéter : « Mâ, redonne-moi la vie de Râmlâl, Mâ, redonne-moi la vie de Râmlâl. » Ses sanglots à fendre le cœur émurent l’assistance. Haribâbâjî était visiblement touché. Seule Shrî Mâ resta immobile comme une statue, son expression sereine nullement impressionnée.

 

    Après un moment Liladi, au bord de l’épuisement, finit par se calmer. Haribâbâjî suggéra que chacun se mette à prier pour la guérison de Râmlâl. Il choisit le mantra spécial de Durgasaptasati 11.29, le griffonna sur des bouts de papier qu’il distribua à tous les occupants de l’ashram. Un akhanda japa de ce mantra fut donc commencé près de la chambre du patient. Je crois que la crise arriva environ deux jours plus tard. Shrî Mâ avait pris l’habitude d’aller voir le jeune garçon très souvent pour se rendre compte de son état. Haribaba lui-même prit part à l’akhanda japa. La nuit de la crise, un voile de tristesse descendit sur l’ashram. La fièvre resserrait son étreinte, des glaçons ou autres remèdes de fortune à portée de la main se révélèrent inefficaces pour le gamin. On apprit plus tard que Mâ avait donné à Didi comme instruction de veiller dans la chambre de Râmlâl jusqu’au plus profond de la nuit. Suivant à la lettre les directives que Shrî Mâ lui avait communiquées en privé, Didi avait soutenu le garçon de sa main gauche tandis qu’elle avait prononcé le japa de son propre Ista mantra. A l’aube, Didi fut soudain effrayée, comme si quelque chose d’affreux était sur le point d’arriver. Puis, rassemblant ses forces, elle se réfugia dans la méditation de Mâ. Non loin de là, Gini et moi dormions dans la partie est de la véranda. Gini s’éveilla soudain, tremblante de peur, puis elle se rassura en pensant que ce n’était qu’un cauchemar. Le matin suivant, la fièvre avait disparu.

 

    Peu à peu Râmlâl se reprit et fut guéri après cette nuit de crise. Nous fûmes tous persuadés que cette mort avait été pressentie par la seule pensée intérieure, par la manifestation  spontanée, suprême et divine (le kheyâla) de Shrî Mâ.(p.155-156)

 

 

 

 

 

Haribâbâ et son entourage

 

 

 

    Durant cette visite à Shrî Mâ, Haribâbâjî arriva seul au début et sans sa « suite » habituelle, excepté Ghanshyam, son accompagnateur personnel. Nous apprîmes qu’il avait quitté Baandh sans rien dire autour de lui. Il confessa à Shrî Mâ que personne parmi ses fidèles n’était assez sérieux dans sa quête de félicité spirituelle. Tous avaient fait semblant de s’intéresser à lui. De toutes manières, son rêve de traverser la rivière de la vie (bhavanadî), en tenant par la main  toute sa suite, était irréaliste. Sur le chemin spirituel, chacun doit voyager seul.

 

 

 

    Quelques-uns parmi les plus importants villageois et propriétaires terriens de Baandh vinrent à Dehradun à la recherche de leur vénérable Haribâbâjî. Ils savaient qu’il serait allé voir Shrî Mâ. Ils vinrent donc le prier de retourner à Baandh et donnèrent à Mâ leur son de cloche : « Baba ne veut pas comprendre que nous avons fait de notre mieux mais que nous n’avons pas pu atteindre son niveau. Nous avons notre travail aux champs, à la maison, et ailleurs. Parfois on manque le satsang ou bien on s’endort. On a déçu Baba. » Une fois de plus ils demandèrent son indulgence, et ce dernier accepta de rentrer au village tout en invitant Mâ à venir le visiter.  (p.157)

 

 

 

 

 

Péchés mignons

 

 

 

    Durant ces vacances d’été 1947 où l’Inde prit son indépendance, Shrî Mâ passait par Varanasi, et souvent par Allahabad. Puis un jour, de passage à Krishna-Kunja, elle me fit appeler.

 

    Je la trouvai se reposant sur une simple natte posée au sol. Après un début de conversation sans importance, elle me demanda ce que j’avais fait à une date précise. Sur le moment je ne pus m’en rappeler, mais par association d’idées, je me souvins qu’un ami était venu nous chercher, Bindou et moi, pour nous emmener au cinéma.

 

    Shrî Mâ me demanda à brûle-pourpoint : « Et vous avez vu quoi au cinéma ? »

 

    Surprise, je répondis : « Vous voulez que je vous raconte le sujet du film ? »

 

    « Oui. »

 

    Je me mis alors à lui narrer l’intrigue de  Rage in Heaven  (Fureur au Paradis). C’était l’histoire d’un homme fou qui avait l’apparence d’un homme sain. Un jour il se suicida, mais s’arrangea pour que certains indices fassent que son meilleur ami soit arrêté pour l’avoir assassiné. Le film était interprété par une pléiade de stars dont désormais, je ne me rappelle plus les noms.

 

    Shrî Mâ écouta l’histoire avec grande attention. Puis elle me fit remarquer la futilité qu’il y avait à perdre ainsi son temps d’une façon qui n’avait rien à voir avec le choix de vie que je m’étais tracé. Ce à quoi je répliquai immédiatement et presque sans réfléchir : « Mâ, je n’irai plus jamais voir aucun film ! »

 

    Cela sembla lui faire plaisir. Elle avait dû avoir un kheyâla à ce propos, parce que depuis ce jour, je n’eus plus le moindre désir d’aller au cinéma. A tel point que je perdis tout intérêt pour les faits et gestes de mes stars préférées, ce qui pourtant avait été pour moi le passe-temps favori de ma jeunesse. Les magazines de cinéma ne présentaient plus aucune fascination pour moi, les affiches, les panneaux publicitaires me laissaient parfaitement indifférente. Ce fut comme si j’avais fait table rase à ce sujet. Ce n’est pas pour autant que je ne vis plus de films, non, Bindou fut le premier à me faire manquer à ma parole envers Mâ. Alors qu’il faisait son service à Kanpur, il vint une fois à Allahabad et m’emmena voir  Jhanak Jhanak Pâyal Baje  (Clic ! Clic ! On a joué des clochettes !), une comédie musicale faite de chansons et de ballets magnifiques. Il me dit : « Tu dois absolument voir ce film, quitte à ce que tu commettes un péché envers Mâ en ne tenant pas ta parole ! »

 

    Je n’eus pas l’impression de commettre un péché, à la rigueur il s’agissait tout au plus d’un simple petit méfait qui, je l’espérais, me serait pardonné. De toutes façons, je ne sentis plus jamais aucun regain d’intérêt pour les films et je continue à obéir aux conseils de Mâ tout au moins en esprit, sinon à la lettre, car dans les années qui suivirent, je vis The Sound of Music  (La Mélodie du Bonheur) ainsi que  Shatranja Ke Khilari,  (Le joueur d’échecs une œuvre célèbre de Sajyavit Ray]).

 

    Ceci me fait revenir en mémoire un autre genre de conseils, mais de ceux auxquels je ne pouvais vraiment pas me soumettre. Quelqu’un avait raconté à Shrî Mâ que j’étais fervente de romans à énigmes. Mâ s’enquêta auprès de moi et suggéra que j’arrête de m’adonner à ce genre de lectures. J’en fus consternée et me défendis : « Mâ, j’affectionne tout particulièrement ce genre de romans pleins de mystère et j’ai bien peur de ne pas pouvoir y renoncer si facilement. »  Shrî Mâ laissa tomber l’argument sans plus tarder, à mon grand soulagement. Il était évident qu’elle n’avait pas eu de kheyâla la poussant à éradiquer chez moi tout intérêt pour ce genre de romans que je continue d’ailleurs à apprécier. Je ne pense pas qu’elle ait jamais dit à qui que ce soit, une chose à laquelle il ne fut facile ensuite de se soumettre. (p.160-161)

(Peut-être que Shrî Mâ pressentait que Bithikâ allait beaucoup écrire. En tous les cas, il faut témoigner qu'elle a un excellent anglais, certainement nourri par toutes ses lectures).

 

 

 Après ma maladie

 

 

 

    Bithikâ est atteinte d’une primo-infection tuberculeuse, mais s’en remet.

 

    Après une année en sanatorium où ma tuberculose fut enrayée, je fis retour auprès de Mâ. Sadhanda qui nous avait accompagnées (Tara, Bouba, Sati et moi) se plaignit d’avoir eu à escorter des jeunes filles alors qu’il avait l’air d’un sadhou.

 

    Shrî Mâ ne prêta guère attention à la requête de Sadhanda. Elle le congédia en disant du bout des lèvres : « On verra cela… » Puis elle s’enquêta de notre lieu de résidence et voulut savoir à quelle distance il se trouvait par rapport à la maison de notre hôte Kantibhai, qui était un organisateur remarquable. Elle en conclut que c’était une distance raisonnable pour la parcourir à pied. « N’utilisez pas leurs voitures même s’ils vous les offrent. » Ainsi, bien que nous ayons eu des voitures à notre disposition, nous fûmes obligées d’aller à pied partout, durant tout notre séjour à Ahmedabad. (p.190)

 

 

 

 

 

    La Namayajna, festival où l’on célèbre les noms de Dieu, dépassa toutes nos espérances d’expérience spirituelle. Mme Talyarkhan fut particulièrement enchantée par la musique et les danses autour de l’autel fleuri. Elle devint une grande admiratrice de nama yajna. Elle avait été disciple de Ramana Maharshi, mais après la disparition de son Gourou, elle se rapprocha de Shrî Mâ. On apprit que ce fut le grand Maharshi lui-même qui avait dit à quelques-uns de ses disciples qu’ils pouvaient aller voir Shrî Mâ s’ils sentaient le besoin d’être guidés spirituellement en son absence. Durant les années 50, de nombreuses personnes, en groupes ou individuellement, vinrent rendre visite à Mâ à Varanasi, certainement en réponse à cet ordre de Ramana Maharshi. (p.192-193) [les questions qu'ils posèrent alors à Shrî Mâ furent consignées par Swami Virâjânanda dans le livre Words of Mâ Anandamayi]

 

 

 

 

 

Les plus belles années…

 

 

 

    Les plus belles années de l’ashram à Varanasi…Souvenirs de festivals, de solennités, de célébrations… souvenirs d’importantes personnalités, de mahatmas avec leurs disciples, de familles royales, de magnats de la finance… souvenirs des écoliers avec leurs récitations et des petits chanteurs avec leurs musiques… Didi écrivait son journal et j’étais une des premières à avoir commencé la biographie de Mâ en anglais.

 

 

 

    Le premier samyam saptah fut un succès sans précédent. Période de discipline rigoureuse couronnée par de joyeuses activités. Shrî Mâ était entourée de ses fidèles de longue date, Kamalaji, Ramaji, et autres matrones déguisées en villageoises, sans parler des filles de la laiterie de Vrindaban avec leurs pots de lait caillé sur la tête en train de danser en groupe autour de Shrî Mâ. Cette dernière les rejoignit, passant son bras autour de la taille d’une fille après l’autre. Shrî Mâ bougeait de façon gracieuse, allant de l’une à l’autre. Parfois, les pots tombaient et se brisaient à terre en répandant leur contenu. Alors Mâ choisissait des morceaux de lait caillé qu’on lui tendait dans des débris de pots et elle les offrait à ceux qui l’entouraient. Elle en barbouillait aussi les visages de toutes ses compagnes. Les hommes qui se tenaient à distance du groupe des danseuses virent tout à coup Shrî Mâ au milieu d’eux et ne purent échapper au barbouillage. Cependant, même durant une telle scène de chaos et de confusion, Shrî Mâ demeurait fidèle à elle-même. Je me souviens clairement m’être cachée derrière la foule car la perspective de me trouver mêlée à toute cette pagaille ne m’enchantait nullement. Mais Shrî Mâ, en dépit de tout, s’était frayée un chemin jusqu’aux plus éloignés des participants. Je me préparai donc à être arrosée comme les autres, mais non, elle tendit sa main devant moi, j’ouvris la bouche et elle me donna un minuscule petit bout de lait caillé, de façon si adroite que rien de fâcheux n’arriva. (p.208-209)

 

 

 

 

 

 

 

Shrî Mâ et le Kanyapeeth

 

 

 

    Aujourd’hui le Kanyapeeth est reconnu comme une Institution privée et réputée, où les jeunes filles reçoivent un enseignement impeccable, en sanskrit comme en d’autres matières philosophiques.

 

    La facilité avec laquelle certaines choses apparemment impossibles parvenaient à s’accomplir dans le voisinage de Mâ, tenait du miracle, ou mieux, il conviendrait de dire que le miracle était d’usage quand il s’agissait de Mâ. On ne sentait guère l’effort en accomplissant nos tâches. Elle n’avait qu’à laisser s’exprimer son kheyâla et tôt ou tard tout se réalisait. Le kheyâla de Mâ joua son rôle, en effet, pour que les jeunes filles puissent avoir une bonne éducation en sanskrit. Ainsi, son kheyâla fit que toutes les facilités furent réunies pour atteindre ce but. (p.215)

 

 

 

 

 

 

 

Bithika Mukerjî – Extraits de En compagnie de Mâ Anandamayî

Ouvrage pris par les éditions Agamat à Paris, et qui paraîtra en  Mars 2007

Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et Jacques Vigne (Vigyânânanda)

 

 

 

 

 

 

Mes débuts avec Mâ

 

Par Râm Alexander

 

 

 

 

 

      Ram Alexander a passé une dizaine d'années auprès de Mâ, il nous a  raconté lors de son passage à Kankhal en fin décembre2005  la manière dont il a été attiré par elle.

 

 

 

    J'ai rencontré Mâ deux jours seulement après être arrivé en Inde. J'avais un  programme de visiter le pays dans son ensemble, mais quelqu'un m'a amené de Delhi directement où Mâ se trouvait, à Naimisharanya près de Lucknow, un endroit isolé où, dit la tradition, les dix-huit Pouranas ont été rédigés. Finalement, je me suis déplacé pendant trois mois environ avec elle, cependant en gardant toujours l'idée de partir ensuite pour découvrir l'Inde. Un jour donc, mentalement pendant le satsang, je lui ai dit au revoir, et j'ai quitté l'ashram de Bénarès où j'étais. Mais à ce moment-là, je suis tombé très malade, et j'ai tout juste réussi à me traîner jusqu'à l'avion pour rentrer d'urgence aux États-Unis. Là-bas, j'ai eu dix jours de fièvre intense, comme 40 ou 41°. Je ne voulais pas prendre de médicaments, même pas de l'aspirine. Au bout de ces dix jours un beau matin, tout avait disparu. J'ai passé longtemps à regarder mes mains : j'avais le sentiment que chacun des atomes de mon corps était entièrement nouveau, avait été complètement renouvelé.

 

    J'avais déjà un gourou aux États-Unis, Satchidananda, le disciple de Shivânanda. À l'époque, je n'imaginais pas que Mâ pouvait être mon gourou. Je pouvais facilement rester assis ici six ou sept heures en méditation. Voyant cela, il m'a dit d'aller dans sa propre maisonnette où il faisait retraite, pour en être le gardien. C'était une faveur, car d'habitude il poussait les gens à l'action, au  karma yoga. C'était un yogi et j'étais content d'être dans son lieu. Cependant, j'ai quand même été assailli de doutes à son sujet. Un jour, je regardais une petite photo de Mâ que j'avais avec moi, et lui dit : "Si tu es vraiment omniprésente, manifeste-toi maintenant !" Les fenêtres étaient ouvertes, et juste à ce moment-là un grand tourbillon de vent est venu et m'a entouré, comme un cylindre d'environ 1,5 m de diamètre et deux ou trois mètres de haut. J'étais terrorisé, je me suis recroquevillé sur moi-même et j'ai imploré que cela se termine.

 

    De retour en Inde, quand j’ai rencontré Mâ pour la seconde fois, elle m'a regardé et m'a dit qu'elle prendrait soin de tout. J'ai passé deux mois avec elle à la suivre dans ses déplacements. J'ai pris l'initiation. Après cette période, je me suis dit que j'en savais assez et je me suis préparé à retourner aux États-Unis, avec dans la tête de fonder un centre de Mâ ou quelque chose comme ça là-bas, une entreprise plutôt stupide! Au moment de prendre congé, j'ai demandé à Mâ si je pouvais faire quelque chose pour elle aux États-Unis; elle m'a répondu : "Si tu veux  faire quelque chose pour moi, c'est de rester ici ! " Et du coup, je suis resté! Elle m'avait aussi dit de me faire construire quelque chose sur le terrain de l'ashram, à l'époque, il y avait seulement des plans pour le grand ashram, mais beaucoup de bâtiments n'étaient même pas commencés. Elle avait ajouté qu'il ne fallait pas que je dise que c'était elle qui m'avait conseillé cela. Cela a pris donc trois ans pour que les travaux de construction de mon nouveau koutir commencent. Quand ils ont débuté pour de bon, j'ai eu peur, je me suis senti piégé et j'ai voulu m'enfuir. Mâ m'a dit : "Si tu veux partir, tu le peux, mais de toute façon en tous lieux je serai dans ton coeur." Après qu'elle m'eut dit cela, j'ai été désarçonné, que pouvais-je faire? Cela m'a ôté complètement l'envie de m'en aller, et je suis resté !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Patrick Mandala

 

 

 

      Ce texte correspond au second chapitre du roman initiatique Mâyâ de Patrick Mandala. Il se met dans le personnage d’un Sumérien qui aurait visité l'Inde en des temps très anciens. On découvre bien sûr dans ce récit toutes sortes de prises de conscience et d'intuitions de l'Inde éternelle qui sont venues à Patrick Mandala lui-même dans ses déplacements à travers le pays contemporain.

 

 

 

Mohenjo-Daro

 

 

 

   "Je ne sais si cette femme du nom de Mâ est une sage, un maître ou une femme-prêtre comme celles du royaume de Sumer... Il émane d'elle une telle force et à la fois une telle douceur! Dieu seul le sait si moi je ne le sais pas !

 

    "Et puis il y a eu ses trois réponses à trois questions qui furent posées hier. Ces réponses sont pour moi une énigme, insondable, comme l'océan qui borde Sumer. Ses proches disent qu'elles sont le reflet même de l'advaïta,  de la non-dualité ultime. C'est possible... Je ne sais... mais si je suis venu là, c'est pour entendre de telles paroles ! Cette Mâ semble présente et absente à la fois - curieux paradoxe..."

 

 

 

- Mâ, guidez-nous !

 

- Selon l'approche, ainsi (est) la récompense (jar jemon bhâva tar temon lâbha)

 

- Mâ, répondez-nous !

 

- Ce que vous entendez dépend de la manière dont vous jouez (jemon bajâbe temoni sunbe).

 

- Mâ,  qui êtes-vous?

 

- C'est et ce n'est pas. Et ni, "c'est" ou "ce n'est pas"; même au-delà. Tout ce que vous direz est Cela (âcche, nâi, Acchcheo nâ, têr o âgé. Jâ bolo tâi) (en bengali).

 

    Je suis ce que j'étais et ce que je serai. Je suis TOUT ce que vous imaginez, pensez ou dites. Mais le fait suprême, c'est que ‘ce corps’ (Mâ) n'a pas pris naissance pour recueillir les fruits d'un karma passés (prârabda-karma). Pourquoi ne pas vous rendre compte que ‘ce corps’ est la somme et la manifestation matérielle de toutes vos aspirations et de toutes vos pensées ? Vous l'avez tous désiré et maintenant vous l'avez. Alors jouez quelque temps avec cette poupée !

 

 

 

 

 

"Quand on demande à cette femme, à Mâ, ce qui la pousse à parler et agir ainsi  - d'une manière si déroutante parfois, elle joint ses mains et en silence,  et les élève vers le ciel. J'en déduis... J'en déduis, me semble-t-il, que c'est la volonté divine qui agit à travers elle. Si on la pousse à s'expliquer, comme je viens de le faire, elle répond doucement :  "Khéyâla (improvisation, imprévisible). Il n'y a que l'Un et rien que l'Un. Tout est contenu dans l'Un, et l'Un est tout". Il semble que pour elle, l'existence d'une volonté individuelle séparée de l'Absolu, de cet Absolu dont parlent aussi nos moines-médecins à Sumer, ne se pose absolument pas. C'est une sorte... Oui, c'est une sorte d'"unité ininterrompue". Comprenne qui pourra !"

 

 Patrick Mandala, Mâyâ, Chroniques védiques

L'Originel Accarias, collection Advaita, 2004, p.27-28

 

 

 

 

 

Ode au Silence

 

 

Quand  la vie te secoue

 

Quand les gens te bafouent

 

Quand tu rentres peiné

 

Te sens abandonné

 

Comme une jouissance

 

Il est là le SILENCE

 

 

 

Lorsqu’un peu tu bascules

 

Et te sens ridicule

 

Quand tu cries dans le vide

 

Et crois perdre ton guide

 

Suis ton itinéraire

 

Et apprends à te taire.

 

 

 

Ta voix vient à manquer

 

Tu ne peux plus ‘râler’

 

Tu vas ouvrir la cage

 

Et faire bon usage

 

De la ‘petite voix’

 

Qui est au fond de toi.

 

 

 

O restructuration

 

Des pensées qui s’emmêlent

 

Vraie cohabitation

 

Pour des idées ‘nouvelles’

 

SILENCE ô guérisseur

 

Des conflits intérieurs !

 

 

 

 

 

 

Tu envoies la détente

 

Tu chasses la pression

 

La musique est présente

 

Sans en avoir le son.

 

On plonge dans le bain

 

De l’inertie soudain !

 

 

 

En coupant toute écoute

 

De tes bruits, de tes pleurs

 

C’est alors que tu goûtes

 

Ton ‘Ecoute Intérieure’.

 

Celle que Mâ proclame

 

Pour le bien de ton âme.

 

 

 

Reprends donc à la main

 

Le bâton de pèlerin

 

Du petit ‘cheminant’

 

Qui avance en rampant.

 

Adopte le SILENCE

 

Comme un bain de jouvence !

 

 

 

 

 

 

 

SILENCE ô Energie

 

Après le bain, l’humour

 

Tu redonnes la Vie

 

Tu redonnes l’Amour !

 

Puis c’est la volupté

 

Du calme retrouvé.

 

 

 

Savoureux à goûter

 

C’est presque aussi sucré

 

Qu’un bonbon à sucer

 

Qui va régénérer

 

L’onde perturbatrice

 

Chargée de cicatrices !

 

 

 

Mâ riait des malices !

 

Travaille aux flancs l’Ego

 

Reviens sans artifices

 

Et reprends ton credo.

 

Puis fais que le son AUM

 

S’étende comme  un baume.

 

 

 

 

 

 

 

Tu retrouves tes sens

 

Lumière, béatitude,

 

Amies de solitude.

 

C’est vrai que le SILENCE

 

Si l’Ego se calfeutre

 

Est LE Grand Thérapeute !

 

 

 

Mahâjyoti

 

(Geneviève Koevoets)

 

Retour d’Inde,

 

Novembre 2005

 

 

 

 

 

 

 

O Inde, ô mon Amour !

 

(Mes deux Indes)

 

 

 

Les singes sont énervés

 

Les chiens sont efflanqués

 

Les vaches sont avachies

 

J’avoue que je fléchis.

 

 

 

 

La boue et la misère

 

Les cris et la colère

 

Tintamarre de clochettes

 

De klaxons, de sonnettes.

 

 

 

Poussière et pollution

 

Les mendiants à foison

 

Les sadhous, les gourous,

 

Les sourires si doux !

 

 

 

Lentilles et choux-fleurs

 

Le train et sa lenteur

 

Les valises en bataille

 

Vite que je me taille !

 

 

Il y fait froid l’hiver

 

La mousson ? Un enfer !

 

La santé qui me quitte

 

Ca y est, c’est la bronchite !

 

 

Les rickshaws dans le vent

 

Les ventilos branlants

 

Les robinets cassés

 

Les plats trop épicés !

 

 

 

Enfants si miséreux

 

Moustiques si nombreux

 

Horaire si matinal

 

Douleur abdominale !

 

 

 

 

Enlevons nos chaussures

 

Nous sommes des impurs

 

Les groles qu’on doit mettre

 

Nous font des ‘pieds de prêtre’ !

 

 

 

 

Et pourtant la pûjâ

 

Résonne en nous déjà

 

Le samâdhi de Mâ

 

De marbre blanc est là !

 

 

 

 

Le vieux Maître est assis

 

Nous lui disons merci

 

Il est vêtu d’orange

 

Au loin coule le Gange !

 

 

 

 

 

C’est le ‘satsang’ du soir

 

Qui redonne l’espoir

 

Et qui nous restructure

 

Pourvu que cela dure !

 

 

 

La visite des temples

 

Tout ce que l’on contemple

 

Les guirlandes de fleurs

 

Nous ouvrent grand le cœur !

 

 

 

 

C’est du miel et c’est doux

 

L’EGO est prêt à tout

 

La spiritualité

 

Chasse la méchanceté !

 

 

 

 

Mâ est l’Enseignement

 

C’est le jaillissement

 

La lumière qui pénètre

 

Et la foi qui va naître !

 

 

 

 

 

 

Inde, l’imprégnation

 

De TOUT a eu raison

 

Tu es comme une fleur

 

Lotus du bonheur !

 

 

 

Tu habites chez moi

 

Où tu vibres de joie

 

Ton image en mon cœur

 

Est mon ‘Inde Intérieure’ !

 

 

 

Ton âme reste en moi

 

Je penserai à toi

 

Je t’aimerai toujours

 

O Inde, ô mon Amour !

 

 

 

 

 

Mahâjyoti

 

(Geneviève Koevoets)

 

Retour de Delhi en avion, Novembre 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aux rives de l'outre rêve

 

 

 

Par Yves Moatty

 

 

 

      Yves Moatty est l'auteur d'un beau livre sur La Mère des origines, et d'un autre Kabir, le fils de Râm et d'Allah, tout deux aux Deux Océans. Il a exercé comme juge à l'île de la Réunion, où il a également rencontré Mâ Amritamayi, qui venait souvent en visite là-bas. Il est influencé aussi par le zen qu'il pratique et par le style poétique des haïkus. Il est publié par les Editons Grand Océan, dans la collection "Lumière de Clermont".  C'est le lieu où habite l'éditeur, sur les pentes du volcan en face de la mer, il s'agit de Jean-François Reverzy, écrivain lui-même, ainsi que psychiatre qui à la retraite et devenu récemment évêque d'une petite église orthodoxe... Il présente ainsi son édition : « Elle accueille ceux qui aiment la lumière d'or de la mémoire, la sagesse des profonds archétypes sans séparation ni distinction de forme d'écriture ou d'inspiration religieuse et philosophique ».

 

     Yves a fait passer  à Vigyânânand son recueil de poèmes lors de la visite récente de celui-ci au satsang de l'ashram d'Amma à Saint Louis de la Réunion. Nous reproduisons trois poèmes où il évoque directement le pouvoir de la Mère divine.

 

 

 

Une pluie de pétales

 

 mille vagues de joie

 

doucement glissent

 

des doigts de la déesse

 

 

 

sur l'autel de nos coeurs

 

tombent tombent les fleurs

 

éparpillées au vent

 

invisible du vide

 

 

 

nuit où souffle l'Esprit

 

et scintillent les étoiles

 

roulant au jeu sans fin

 

de l'Un avec lui-même

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Je suis noire mais belle"

 

Cantique des cantiques

 

 

 

Et ainsi tu allais

 

le soleil sur ton front

 

ta longue chevelure qui ruisselait d'étoiles

 

l'océan déferlant en tourbillons d'écume

 

l'éternelle innocence de tes yeux

 

et ton rire éclaboussaient nos coeurs

 

car ainsi tu allais

 

ta beauté vierge ta beauté noire

 

ta beauté inondait

 

le chemin quotidien de nos pleurs

 

calvaire sans fin de la douleur

 

 

 

 

 

 

 

"A minuit tu me montres l'aube de la joie

 

Roumi

 

 

 

Lotus noir ô déesse

 

dissimulant ton coeur

 

pour l'ouvrir seulement

 

au soleil de minuit

 

tu exhales l'essence

 

à peine évaporée

 

du grand parfum de l'invisible

 

à toi seule je dédie

 

ce que je suis à qui tu es

 

 

 

tu es l'océan sans retour

 

tu es le visage du temps

 

miroir où tout s'efface

 

tout l'ailleurs de la vie

 

caresses de l'instant

 

de tes yeux dans mes yeux

 

de ma joie pour ta joie

 

si en toi je suis seul

 

au regard de l'unique

 

 

 

cascade de tes yeux

 

sur mes cheveux épars

 

caresse où ton souffle s'engouffre

 

tout océane ma vision

 

 

 

tu es l'éternité précoce

 

aubade de l'instant

 

et sur tes lèvres le goût

 

des parfums de la nuit

 

 

 

tu es le regard de la lune

 

miroir où je me mire

 

au jardin de lumière

 

 

 

 

 

arbre de vie ma sentinelle

 

 

 

 Yves Moatty Aux rives le l'outre rêve

 

Editions Grand Océan 6 rue Pasteur 97400 St Denis La Réunion

 

(JFREVERZY@wanadoo.fr),

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nouvelles

 

 

 

- Swâmî Vijayânanda est en cours de traitement à l'ashram même, pour une obstruction prostatique. Il s'agit d'un problème courant à son âge avancé et il se sent déjà beaucoup mieux du point de vue de son état général grâce à ces soins.

 

- Swami Nirgunananda se rendra de nouveau en France cette année. Il se rendra à Terre du Ciel (03 85 60 40 30 infos@terre-du-ciel.fr) du 30 juillet au 5 août, et aura probablement un programme à Genève les 1er et 2 juillet. Pour le reste, il ira au Etats-Unis, puis en Allemagne. Nous réannoncerons un programme plus précis dans le prochain numéro, et l'on peut aussi consulter www.anandamayi.org pour les mises à jour ou changement de dernières minute.

 

- Les participants aux stages et conférences de Vigyânânand à la Réunion en mars on donné généreusement 4000 € pour le Mâ Anandamayî Vidyâ Mandir (le 'Temple de la Connaissance de Mâ Anandamayî), l'école de Ramrari, un joli petit village himalayen niché en contrebas de l'ermitage de Dhaulchina. Nous remercions particulièrement Rachid Ganthy, un homme d'affaire réunionnais d'origine gujarati par ses ancêtres qui a contribué à cette action pour 2000 euros. Grâce à cela, il sera possible de construire un premier étage qui pourra abriter trois classes de plus et permettra de garder les enfants dans l'école jusqu'à la quatrième ou à la troisième. Leur nombre va passer de 80 à150 ou 160 environ. Le bâtiment sera enfin non seulement branché avec l'électricité et le téléphone, mais aussi avec l'internet grâce à un nouvel ordinateur donné par l'ashram.

 

- Nous signalons la parution de deux ouvrages de Patrick Mandala Le son du silence consacré à des instructions spirituelles et des anecdotes inédites de Râmana Maharshi et un roman initiatique, Mâyâ, qui donne forme à des expériences de l'auteur avec l'Inde, et dont nous avons reproduit un bref chapitre dans ce numéro même. Les deux ouvrages ont été publiés par Accarias - l'Originel, 5 rue de la Folie-Régnault, 75011 Paris  originel-accarias@club-internet.fr

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'Olivette

 

26 Hameau Beausoleil

 

Chemin de la Sainte-Croix

 

          84110 Vaison-la-Romaine.

 

 

 

    Envoyez un chèque au nom de Jacques Vigne de 6 €, et de 3€ pour l'abonnement par courriel. À ce moment là bien sûr, communiquez aussi votre adresse électronique et  envoyez de plus directement une copie de votre message à jacquesvigne@yahoo.fr. Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste indienne, cette formule mérite d'être considérée sérieusement.

 

 

 

Table des matières

 

 Paroles de Mâ

 

En association avec Mâ Anandamayî 9e partie

 

par Amulya Kumar Datta Gupta (traduit du hindi)

 

Vacances d’été par Bithika Mukerjee

 

Mes débuts avec Mâ par Râm Alexander

 

par Patrick Mandala

 

Poèmes ‘Ode au Silence’ et ‘O Inde, ô mon amour’

par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

‘ Aux rives de l'outre rêve’ par Y. Moatty

 

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Table des matières

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Jay Mâ N° 81   -    Eté 2006

 

 

 

1

 

Paroles de Mâ

 

Où que vous alliez, allez-y avec tout votre coeur et toute votre âme, vous verrez alors que personne n'est étranger.

 

Les hindous, les musulmans, les shaktas et les vishnouïstes arrivent au seuil de Sa porte.

 

Le Seigneur-maître et le serviteur, bien qu'étant deux, fondamentalement sont un.

 

Il n'y a pas d'aspiration intense en ce monde pour connaître cette félicité, dont une seule parcelle suffit à donner du plaisir à tout un chacun.

 

Parfois, un désir profond de détachement est engendré lorsqu'on dérape en cheminant dans l'alternance des plaisirs et des douleurs de la vie.

 

Il y a moment où vous arrivez à vous élever au niveau de l'enthousiasme, c'est alors que vous pourrez vous concentrer de façon satisfaisante.

 

De même que vous faites toutes sortes d'efforts pour rendre le corps sain et beau, de même arrangez-vous pour travailler de la même façon sur votre esprit.

 

C'est l'esprit qui est son propre ami ou son propre ennemi, c'est l'esprit qui doit détruire sa propre ignorance.

 

 

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À force de travailler en étant concentrés sur un but, la capacité, l'habileté pour atteindre la perfection de l'action se révélera d'elle même.

 

 

 

 

 

 

Questions récentes  à Vijayânanda

 

 

- Combien de temps avez-vous passé avec Mâ Anandamayî ?

- Je suis toujours avec Mâ.

 

- Avez-vous obtenu la félicité, ânanda ?

- Je suis avec Mâ Anandamayî depuis cinquante-cinq ans, ce n'est pas étonnant que j'aie obtenu  ânanda...

 

- Que signifie ‘Yoga’ ?

- On dit d'habitude que 'yoga' représente l'union du jîvâtma et du Paramâtma (âme individuelle et âme universelle), mais en fait, en pratique, c'est surtout l'union du masculin et du féminin, par la rencontre des nâdîs droites et gauches. Quand elle est stabilisée, on obtient le corps divin.

 

- Quelles sont les caractéristiques de ce corps divin ?

- Un visage rayonnant, radieux, plein de lumière ; mais on peut aussi réaliser ce corps divin au-delà du corps physique,  sans lien avec lui, directement.

 

 Comment interpréter la violence de certaines formes religieuses?

 

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- Une fois qu'on a bien compris que la diversité fait partie du monde, on peut vraiment accepter la variété de gens très différents. Si tout le monde était pareil et parfait, le monde serait ennuyeux !

 

- Est-ce que vous garder des liens avec votre famille depuis cinquante-cinq ans que vous vivez continûment en Inde ?

- Ils gardent contact avec moi.

 

- Une dame a écrit, et se plaint d'être victime avec son mari de magie noire, provenant de son beau-père. Que faire ?

- Il y a souvent beaucoup d'imagination là-dedans. Cependant, le meilleur moyen pour s'en débarrasser est de ne pas vouloir se battre avec cette magie noire, mais d'arrêter le mental le plus complètement possible. À ce moment-là, on n'établit pas de contact, car c'est ce contact même et cette volonté de lutter qui donne de la réalité et de la force à ce genre d'influence.

 

- Est-ce que le Conseil de Râmana Maharshi de méditer sur le Soi en se concentrant sur le coeur à droite peut être suivi ?  Du point de vue de la physiologie subtile, cela semble logique de rééquilibrer la convergence de l'attention et du stress sur le cœur physique à gauche en la remplaçant par une concentration symétrique subtile à droite.

- Cela est très personnel, et marchera certainement si vous  pratiquez en y croyant. En fait, dans les Proverbes de Salomon, on dit que le sage a le coeur à droite, le sot à gauche. Le mot pour ‘sage’ signifie en fait celui qui a éveillé de la koundalinî, la Hokhma, mots qu'on traduit en général par Sagesse. Ailleurs dans les Proverbes, on dit que la Hokhma a ouvert sa maison, et

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qu'elle a sept colonnes, ceci évoque aussi clairement la koundalinî. Dans ce sens, il y a également cette citation vers la fin du Cantique des cantiques. Qui est celle qui vient, claire comme l'aurore, belle comme la lune,  brillante comme le soleil et puissante comme une armée rangée en bataille? En fait, le mot hébreu traduit par brillante pourrait être rendu plus exactement par pure. Avec des citations de ce genre, on voit bien que le Cantique des cantiques n'est pas une histoire d'amour habituel, mais qu’il s'agit du récit d'un éveil mystique.

 

Est-ce que le rejet viscéral qu'effectue le monothéisme du culte des idoles n'est pas une forme de paranoïa ?

Le monothéisme est certainement trop exclusif, au départ, c'était  une réaction justifiée contre des cultes primitifs des esprits qui avaient des aspects très sombres, L'adoration des idoles était considérée par les juifs comme un des plus grands péchés. De nos jours, c'est excessif, il est suffisant de reconnaître qu'il y a une basse commune d'Absolu qui est une, c'est ce que la physique quantique appelle le champ unifié. Après, chacun doit être laissé libre d'adorer la forme du Divin qui lui convient. Le monothéisme exclusif et violent n’est plus de mise, et est en fait dépassé à notre époque.

 

 

 

 

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Mâ est à l'écoute

 

Une anecdote racontée par Dîpak Somal

 

 

     Dîpak et Kiran Somal sont frère et soeur et petits-enfants de Mahârathan. Celle-ci était très proche de Mâ. Entre 1945 où son mari est mort, et son propre décès en 1964, elle était tout le temps à suivre Mâ. Comme Vijayânanda à ses débuts, elle était très attachée à être en sa présence physique et à simplement la regarder pendant des heures. À l'époque, on les surnommait dans l'ashram "les deux Gopis", du nom des amantes de Krishna. Une des filles de Mahârathan, Bilidi, a passé sa vie comme brahmacharinî dans les ashrams de Mâ, après avoir été cependant sous-directrice dans un collège. En ce moment, Dîpak et Kiran organisent à l'ashram de Kankhal une Bhagavat-Sapta, une semaine de lecture du Bhagavata Purana, l'histoire de Krishna, en mémoire de leur père. Lui vient de me raconter cette anecdote à propos de sa grand-mère :

 

     C'était dans les années cinquante. Mahârathan était venue à l'ashram de Bénarès en espérant trouver Mâ, mais elle n'y était pas, De ce fait elle s'est rendue à la Birla Dharamshala de Sarnath, c'était à l'époque le seul endroit où on pouvait loger en ce lieu, où le Bouddha avait fait sa première prédication, près de Bénarès. Physiquement, elle était malade et moralement triste aussi d'avoir manqué Mâ, elle pleurait beaucoup. De son côté, Mâ revenait d'ailleurs vers Bénarès, le train passait par Sarnath mais ne devait pas s'arrêter. Finalement - était-ce un coup de pouce de la Mâ ? - il a stoppé en pleine voie dans

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l'agglomération de Sarnath, Mâ est descendue, a suivi les ruelles, est arrivée à la Birla Dharamshâla, s'est rendue à la chambre où était Mahârathan et l'a retrouvée...

 

 

 

Néo-védanta et modernité

 

Par Bithika Mukerjî

 

 

 

 

Détachement et félicité

 

    Les différentes sortes d'attachements procurent des joies fragmentaires, seul le détachement peut amener à la plénitude. La plupart des gens se satisfont d'une parcelle de bonheur, ce qui avait déjà été indiqué  dans la Brihad-Aranyaka Upanishad (IV 11. 32).

 

Voici la félicité suprême de Brahman. D’une particule de cette félicité même, les autres êtres vivent...

  

      L’exclusivité qu'on demande à propos de l'enseignement aussi bien que le désir d’écouter cet enseignement de l'advaïta n'est pas incompatible avec son universalité. La recherche orientée vers la connaissance de Brahman pourrait être le sujet d'intérêt de quiconque, partout et à n'importe quelle époque. Ainsi, la philosophie de Shankarâchârya peut être appelée

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universelle et aussi s’adapter à tous les modes de vie, qu'ils soient anciens ou modernes ; pourtant, on doit insister sur le fait qu'elle s'adresse exclusivement et de façon constante au "dénouement du nœud du cœur" (Mundakya Upanishad II 2 8) – qui reste fermé d'une façon si complète à toutes les tentatives qu’on fait dans le monde pour l'ouvrir. Il est évident que l'universalité qui ressort de la philosophie de Shankarâchârya est à un niveau plus profond qu’un spiritualisme mou ou qu'un pseudo - universalisme soutenu par certains de ses interprètes modernes.   La discontinuité d’avec la tradition ne réside pas tant dans le fait, chez les modernes, de mettre en avant les valeurs de l'humanité que de penser que celles-ci diffèrent de la pensée védantique. Pourtant, le domaine exclusif du védanta, n’est pas en conflit avec les soucis du monde, et cela a été une erreur tragique de penser qu'il en était ainsi.    Les questions qui sont spécifiquement développées dans les Upanishads sont des affirmations textuelles qu'on présente afin d'être intégrées grâce à  la recherche intérieure et la méditation. Sans recherche il n'y a pas de réponse. En préservant cette méthodologie, les Upanishads ont touché la corde la plus intime de tous les cœurs humains. C'est en cela seulement peut-être qu'on peut trouver le secret de cet universalisme qu'on cherche généralement à propager à un niveau tout à fait différent. Etre pur et félicité dans la Taittiriya Upanishad     Il y a trois parties dans cette Upanishad majeure connue pour son enseignement sur ânanda, la félicité. Ces parties s'appellent vallîs, ce qui signifie plantes

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grimpantes.[7]  La première partie de l'Upanishad, la shikshâ vallî, est consacrée à l'enseignement, comme son nom l'indique. Il s'agit de communiquer au disciple les bases d'une vie équilibrée afin qu'il soit prêt, adhikari, à expérimenter la connaissance de Brahman. Cette notion de préparation est essentielle dans le védanta classique, et échappe souvent aux interprètes modernes. D’après Shankarâchârya, le monde dont on parle dans cette partie doit être considéré comme une étape, un caravansérail, et non pas comme la sphère ultime de la réussite humaine. L'action dans le monde a un effet de purification, mais seule la connaissance peut donner la Réalisation.    C'est à cette connaissance que sont consacrées les

deux parties suivantes de l'Upanishad, ânanda vallî et bhrigu vallî, Bhrigu étant le nom d’un futur Rishi encore disciple dont l’itinéraire vers la sagesse est décrit à ce moment-là.

    La tradition décrit quatre axes d’engagement, anubandha, pour se rapprocher de la Libération :

  1. La faculté de discernement, qui nous permet de distinguer entre ce qui est réel et ce qui est transitoire
  2. Le détachement
  3. Les six trésors du bon comportement : la quiétude, le contrôle de soi, savoir se tenir à distance, le courage, le respect et la certitude.
  4. L'aspiration pour la libération

    Pour résumer le sens de toute cette préparation, on peut dire que l'unité du Soi et de Brahman qu'on présente dans les

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Upanishad s'effectue en montrant la dissociation complète du Soi avec la manière dont il est impliqué dans les expériences du monde ; le résultat de ce discernement est ce bonheur suprême que l'être humain toujours recherche : ainsi donc, les Upanishad s'adressent à tous ceux qui peuvent choisir de faire attention et mettre en pratique son message.

    Le récit fondateur de la Taittirîya Upanishad, derrière son apparence étrange, transmet un enseignement profond. Yajnavalya était déjà un disciple avancé quand son maître, probablement jaloux de lui,  lui a demandé de lui rendre tout l'enseignement qu’il lui avait donné ; il l'a alors vomi, et le maître a demandé aux autres disciples de se transformer en perdrix (tittirî, d'où le nom Taittiriya, "qui est associé aux perdrix") pour s'en nourrir. De son côté, Yajñavalkya est parti dans la forêt où il a médité par lui-même et a finalement atteint la réalisation complète. Un enseignement a priori verbal et intellectuel est comme de la nourriture mal digérée dans l'estomac, seulement  un engagement dans une pratique intensive et solitaire, peut favoriser la survenue de la Réalisation.

      A ce moment-là on pourra dire avec la Mundakya  Upanishad (II 2 8) : le nœud du cœur est percé, tous les doutes sont résolus, tous les liens sont détruits, en Le voyant, lui qui est ici et au-delà.  Le nœud de cœur est entouré par des doutes qui le nourrissent et l'entretiennent. Il doit être défait non pas en le dénouant lentement mais en le perçant jusqu'au centre afin qu'il soit annulé. En voyant Brahman, tous les doutes se dispersent, de même que le soleil éclatant met en déroute les nuages qui couvrent le ciel.

   Pour en revenir à la similarité de l’homme et de l’oiseau, cet animal qui oscille entre ciel et terre, nous pouvons mentionner la

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structure des différentes enveloppes ou corps, kosha, qui constituent l’être humain. Son corps physique déjà, comme celui de l'oiseau est composé d'une tête, de membres inférieurs et de côtés. Au centre réside âtman. Au centre du corps fait de prâna se trouve l'espace du coeur, entouré par les divers prânas, au centre du corps mental se trouvent les injonctions védiques, entourées par les quatre Védas, au centre du corps de l'intuition supérieure se trouve le Yoga avec, à sa gauche  la justice, à sa droite la vérité, et en guise de tête ou troisième œil la vénération, et enfin au centre du corps de félicité se trouve ânanda. Il y a à sa gauche la gaîté, moda, et à sa droite le bonheur, pramoda, elle a pour base le Brahman et pour tête l'amour, priyam[8].

    Selon une comparaison traditionnelle, dans l'état de sommeil profond, (comme dans celui de samâdhi), le Soi brille de son propre éclat de même que la lampe dans une salle de banquet continue d’éclairer quand les participants sont partis et que l'endroit se vide.

Quand on demande : "Où donc se trouve le Soi ?", on répond d’une façon pleine de poésie et de mystère dans la Taittiriya Upanishad (II 1 1) : dans la grotte du vaste ciel ! D’ après Shankarâchârya, ce mot "grotte", guhâ, indique le fait de cacher la diversité ; cela dénote donc l'expérience intérieure avancée qui permet de  masquer la triade connaisseur - connaissance - connu

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ou bien aussi, les deux buts inégaux de la vie humaine, c'est-à-dire, le plaisir qu'on a à expérimenter par opposition à la libération. Cette "grotte" se situe dans le grand ciel du cœur, ainsi on peut dire que le Soi réside dans les fibres les plus intimes de notre propre être.

    Les espaces extérieurs et intérieurs ne font qu'un, c'est ce que dit la Chandogya Upanishad (III. 12. 9): Ce qu'on désigne comme Brahman,  même cela est dans l'espace, âkâsha en dehors du corps. Ce qui est dans l'espace à l'intérieur du corps, même cela est dans cet espace à l'intérieur du lotus du cœur. Ce Brahman remplit tout et il est immuable. Celui qui le connaît de cette manière obtient une prospérité qui comble tous ses désirs et qui ne change pas.

   La Mundakya Upanishad va aussi dans le même sens (II. 2.5) : Connais ce Soi unique qui est un sans second, auquel sont attachés comme à une corde le ciel, la terre et l'espace qui les séparent, le mental ainsi que les souffles vitaux avec tous les autres organes - et abandonne tout autre discours. Voilà le pont qui mène à l’immortalité ![9]

    La Taittiriya Upanishad (II 1.1) supporte la même idée : Brahman est Réalité, Conscience et Infini; celui qui Le réalise comme un trésor dans la grotte, dans l'espace le plus élevé, en tant que Brahman  omniscient, voit tous ses désirs comblés

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immédiatement.
   Ce passage est fameux à juste titre car, dans son expression inspirée, il contient l'enseignement entier de la philosophie de l'advaïta. C'est le texte qui définit Brahman en tant que Réalité, Conscience et Infini. En laissant cette définition de côté pour le moment, nous pouvons considérer la dernière expression qui dit qu’en connaissant Brahman, chaque désir se voit comblé non pas comme ils le sont dans le monde c'est-à-dire un par un, mais tous ensemble et tous immédiatement. Cela signifie qu’en connaissant Brahman, tout est accompli et que plus rien ne reste qui ne soit effectué ou connu, il s'agit donc d'un état de tranquillité joyeuse.

    Si le védanta insiste tant sur la question du voile, c'est parce que l'homme ne sait pas qu'il ne sait pas. Comment celui qui est en train de dormir pourrait-il savoir qu'il est endormi ? Quand l’être humain se détache des jouets qui l’occupaient comme un enfant, s'éveille en lui le renoncement. Celui-ci consiste en un désir brûlant pour la Connaissance que rien  qui ne soit pas encore cette Réalisation ne peut assouvir ; quand celle-ci arrive, rien d'autre ne reste à accomplir. Il s'agit d'un désir positif, et non pas d'une désillusion négative avec le monde… Ce désir de Connaissance est crucial dans le contexte des Upanishads. On peut dire qu'une conscience débutante à propos de l'existence du voile faire venir au premier plan pour l'esprit qui recherche une aspiration intense pour la véritable Connaissance.

   Afin d’évoquer celle-ci, tout langage qui crée l'impression de mouvement ou d'obtention reste inapproprié. On s'approche le mieux de cette réalité par les comparaisons de retrouver un objet, une réalisation soudaine  que quelque chose qui était déjà accompli, mais d'une façon ou d'une autre non encore expérimenté, est la Réalité. C’est comme la réalisation du

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dixième homme qui était confus il y a encore un instant et dont  l'esprit s'illumine comme en un éclair : après avoir traversé une rivière dangereuse, il compte les neuf compagnons qui étaient avec lui et dont il était responsable, et trouve donc qu'il en manque un puisqu'ils étaient dix au départ et qu’il s’est oublié lui-même, jusqu'à ce que quelqu'un lui dise : "Tu es le dixième homme !" Dans cette situation, il n'y a rien de nouveau qui soit accompli. Il n'est pas devenu le dixième homme, il était déjà celui-ci, simplement il ne savait pas qu'il en était ainsi. Quand l'Enseignant prononce la parole de l'identité du tu, tvam, et du Cela, Tat, il se peut qu’une telle réalisation survienne et qu'on expérimente une grande joie.

Extraits de En compagnie de Mâ Anandamayî

Par Bithika Mukerjî, à paraître aux éditions Agamât –Mars 2007 – Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et Jacques Vigne (Vigyânânanda)

 

 

 

Rencontre avec Mâ Anandamayî,

 une femme remarquable.

 

Par le Pr Marc-Alain Descamps

 

Marc-Alain Descamps vient de faire sortir aux éditions Alphée un livre intitulé : Rencontre avec douze femmes remarquables. Il parle d'occidentales et d'indiennes, en commençant par Blavatsky et Bailey pour finir par Mâ Anandamayî, Mère Meera et Amma, en passant par la Mère de Shrî Aurobindo, Alexandra David-Neel et Maryse Choisy. Il a lui-même enseigné la psychologie à la Sorbonne et présidé aux destinées

 

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de l'Association Française du Transpersonnel depuis une vingtaine d'années dont il est toujours le président ; il enseigne le Yoga et continue à exercer comme psychothérapeute et psychanalyste spirituel.

 

     J'ai pu rencontrer Mâ Anandamayî trois ans avant sa mort. Et au bout d'un moment de darshan  [présence rayonnante d'un sage], un fait prodigieux s'est produit. Elle m'est apparue soudain telle qu'elle était dans sa jeunesse. Puis alternativement, je la voyais à trente ans et à quatre-vingt-trois ans comme si elle voulait me dire qu'elle n'avait pas d'âge et que c'était toujours la même. Mais dans les deux cas, elle était irradiante de lumière.

 

Le don de la joie

    Ses dons étaient fort nombreux et elle donnait sans cesse autour d'elle. Elle était l'incarnation de la joie divine. Elle était la joie. Elle irradiait la joie. Dès qu'on la voyait ou que l'on s'approchait d'elle, on ressentait cette joie,  comme une vague de bonheur qui soulève. Sa simple vision donnait des flashs de bonheur,  une euphorie complète. On avait l'impression de flotter, de marcher en l'air.

 

Soyez toujours heureux, la tristesse est votre ennemie.

Réalisez donc cet état de félicité divine,

et qui est au fond de nous.

Cherchez toujours à vivre dans la joie,

à exprimer la joie dans vos pensées et vos actes.

L'être suprême est joie incarnée.

Sentez sa présence joyeuse dans tout ce que vous voyez et entendez.

 

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La tristesse est fatale à l'homme.

Essayez d'être attentifs à tout ce qui est une vraie joie,

elle vous rapprochera de Dieu.

Apprenez à vous immerger dans la joie divine.

 

       Mâ était d'une beauté à vous couper le souffle. Pas seulement d'une beauté physique, elle était éblouissante de lumière intérieure. Elle était multiple. Elle pouvait être un rêve d'enfant et soudain passer au visage dur et terrible de Kali, reflétant toute la souffrance du monde. Tantôt elle semblait avoir soixante, puis vingt-cinq ans, pour revenir à quatre-vingts ans avec toujours la même beauté...

 

     Elle fait cet aveu fondamental : "Vous l'avez tellement demandée, que la joie divine est venue dans ce corps, pour votre édification."

Nous ne devrions jamais l'oublier.

    Mâ avait l'omniscience divine. Elle connaissait tous les livres sans les avoir lus. Elle comprenait et expliquait de l'intérieur les textes sacrés des védas et des Ecritures.

Elle est dans l'état de pure conscience originelle immaculée (nirmala) pour montrer à l'humanité que cela est possible.

 

La guidance

     Elle ne la vit pas comme un gourou, ne donne pas d'initiation ni de mantra. Elle ne demande rien et confirme le positif.

Elle laisse faire librement son choix, simplement elle confirme quand on a fait le bon.

Mâ s'occupe des gens autour d'elle, très attentionnée à ceux qui ont des difficultés ou des crises et laisse ceux qui vont bien

 

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trouver la suite par eux-mêmes ;  certains se jugent alors abandonnés et en ont écrit des livres.

Elle a un regard qui transforme et provoque des réactions profondes instantanées.

Les entretiens particuliers sont un prétexte pour un échange profond et un renouvellement de la joie...

C'était une bénédiction de la rencontrer, comme d'en parler simplement,  d'écrire ceci ou de le lire avec amour. À qui sera donnée cette joie ?

 

 

 

Extraits de Rencontres avec douze femmes remarquables

Par Marc-Alain Descamps, Editions Alphée, 2006, www.editions-alphee.com

 

 

 

Un lotus sud-américain aux pieds de Mâ

 

Par Kamalnârayân

 

 

 

      Antonio Dagnino a reçu dans les années 60 ce nom de Kamal-Narayan (Vishnou au Lotus) de Mâ elle-même. On peut dire qu’il est citoyen du monde : originaire du Venezuela, il a étudié aux Beaux-arts à Paris et a passé bien des années en

 

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France, et ensuite au Mexique et en Inde. C'est là-bas qu'il a rencontré Mâ Anandamayî, puis, à l'instigation de celle-ci, il est retourné au Venezuela où il a eu trois filles qui sont maintenant chacune engagées de façon soutenue dans une voie spirituelle de l'Inde. L'une d'elles habite chez Satya Sai Baba au Karnataka, et l'autre chez Amma au Kérala. Il a enseigné les beaux-arts au Venezuela et à l’université de Bangalore, et maintenant, après sept ans en Inde, il fait de nouveau cap vers l’Amérique du Sud. Juste avant son retour vers le Nouveau Monde, il est passé pour l'anniversaire de Mâ à Kankhal et m'a laissé son recueil de poèmes dans une version à peu près définitive. Comme les livres hindous, il commence par une invocation à Ganesh, le dieu du bon début, et tout de suite après il parle de Mâ :

Om Gam, Gam, Ganapati Jay!

A Mâ Anandamayi, absolument la Mère, absolument l'Absolu;

qui silencieusement, miraculeusement a changé mon coeur et a donné pouvoir à ma voix.

 

       Il commence par remercier entre autres Atmânanda, qui s’occupait du journal de la Sangha, l’Ananda Vartâ, et qui a publié ses premiers poèmes en anglais en parallèle avec le journal de la Banaras Hindu University. Il termine sa brève série de remerciements par celui-ci : "Et - ce qui vient en dernier dans ce cas ne sera jamais le moindre - je désire remercier le peuple de l'Inde, l'homme et la femme de tous les jours de cette terre ancienne, berceau de multiples formes et cultures, où j'ai passé bien des années extraordinaires ; il

 

 

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garde à jamais vivante - consciemment ou inconsciemment -  sa profondeur.

     La parole de Mâ qu’il a  mise en exergue dans son livre de poèmes mérite d'être citée :

 

"Quand l’esprit se centre sur ce qui donne la paix et que son regard demeure sur ce qui la promeut; quand l’oreille écoute ce qui remplit le coeur de paix... et qu'il y a une réponse de Celle qui est la paix elle-même, c'est alors seulement qu’il peut y avoir promesse de paix. "

 

 

 

Purna Brahma Nârayânî

 

      Il s'agit de la réponse qu'a donnée Mâ dans sa jeunesse, elle avait peut-être 25 ans,  à son cousin Nishi Babu quand elle était à Bajitpur où celui-ci travaillait comme pandit et médecin ayurvédique. Il lui avait demandé un jour, avec Bholonath :"Qui es-tu?", et elle avait répondu de cette façon, ce qui signifie "le Plein, l'Absolu, le Seigneur (dans sa forme féminine)".

    Le poème ci-dessous  a été inspiré à Kamalnârayân par Shrî Shrî Mâ Anandamayî durant les célébrations de son anniversaire à New-Delhi en 1972.

 

 

Om Mâ

 

Avec tendresse,

avec le désir fort ­de la journée passée sous un soleil écrasant

 

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pour la nuit fraîche, infinie,

avec l’humilité de la terre

ouverte aux pluies,

avec le plaisir et la douleur comme double autel,

et l’accumulation des actions passées

­­bonnes ou mauvaises, conscientes ou inconscientes –

Comme le ghee [beure clarifié] qu’on va verser dans le feu sacré,

avec la passion comme flamme,

et l’esprit mystérieux, insondable,

comme le vent qui nourrit le bûcher funéraire,

Avec l’entièreté de la vie, 

la pulsation,  l’énergie qui bat,

la diversité merveilleuse des formes et des êtres,

le travail pénible, les contradictions, les batailles

comme le champ du sacrifice,

avec le Temps comme prêtre,

et la mort comme témoin, 

Je t’adore.

Je t’exalte.

Et je tombe à tes pieds, toujours présent.

 

Avec la peur de perdre ce qui reste de mon vieux soi,

et pourtant cherchant avec désespoir à fondre cette laideur

dans ta lumière.

Avec la peur de finalement mourir

aux mains de l’égotisme torturant qui limite l’amour

et de me fermer complètement à ta beauté,

pourtant cherchant aussi avec désespoir à voir avec tes yeux.

Avec la peur de n’être jamais capable

 

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de purifier pleinement ce qui obscurcit la vertu, 

et pourtant certain que sans vertu

il ne peut y avoir de joie.

Avec la peur de la petitesse, de la limitation, de la culpabilité ;

et des prisons qu’on se crée à soi-même

et qu’on doit brûler

dans le feu de l’aspiration transcendante.

Avec la peur de moi-même –

je m’offre moi-même en sacrifice.

 

 

Om Hrim

 

Spontanément radieuse

Conscience, oeil infini

répandant en nous ton immobilité centrale

plus vite que la lumière,

créant, maintenant et détruisant

les systèmes planétaires et les sphères célestes,

les royaumes de son pur et de couleur pure

où des êtres chastes vivent dans la joie.

 

Mahâ Koundalinî

tourbillon essentiel sacré

actif dans toutes les énergies,

perfection demeurant dans le coeur de l’imperfection,

perfection qui moule la matière en vie

et la vie dans la liberté du nirvâna.

 

Je t’adore.

 

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Je t’exalte.

Je place cette fleur à tes pieds sacrés.

 

 

Om Shrim

 

Ton visage contient toutes les douceurs

des cieux et de la terre,

Les oiseaux qui chantent,

l’immobilité extatique au crépuscule,

la beauté immaculée des étoiles,

les eaux qui courent et courent, 

la force sublime des pics enneigés, 

le corps d’amour, 

la plénitude d’amour

d’où la vie se déploie,

qui protège, inspire et comble la vie ;

qui révèle la vie comme divine, 

comme le temple infini

où l’homme et la femme

peuvent évoluer…

unissant

les liens du temps à la splendeur intemporelle.

 

 

Mère,

tu es le désir et sa satisfaction,

le corps harmonieux,

et l’extase sacrée qui lie l’amant et sa bien-aimée.

Tu es l’attraction et la répulsion

 

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de la force génératrice,

l’innocence des enfants, la richesse,

l’intelligence, la bonne santé, la beauté,

et la loi morale créative.

 

Tu es la lumière perpétuelle,

le noyau de vérité

qui, à travers les siècles, s’incarne dans des formes humaines parfaites,

qui resplendit avec la connaissance radieuse de l’esprit

Et apporte au monde inconscient

la pureté libératrice du supra-mental…

Tu es Une dans ton soi inconnaissable,

sans forme et totalement joyeux,

Et Une dans ta descendance,

Tu pénètres tout.

Tu es la vie ordinaire,

Le substrat : OM.

                                                                                                            (à suivre)

 

Le dernier poème de la série sur Mâ, qu’a composé Kamalnârayân, s’intitule Bindu, le point à la fois lumineux et sonore sur lequel se concentre le yogui et qui peut être placé en différents lieux du corps ou en-dehors.

 

 

 

 

 

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Bindu

 

 

Le point de non retour

correspond à ce moment même  qui se tourne vers nulle part

et pourtant est partout.

 

Le point de non-retour

est sans début et sans fin

pour quiconque connaît le Soi comme dépourvu de soi.

 

Le point de non-retour

est la conscience de l’amour dans la mort, l’étoile, la femme,

l’arbre, l’oiseau, l’abeille et toutes les autres formes de vie.

 

Le point de non-retour

est au-delà du temps, de la pensée, de la vue, de la parole, et du visage ;

C’est une énergie libérée qui se noie joyeusement dans l’espace.

 

Le point de non-retour

est un joyau aux facettes multiples qui reflète l’infinité

dans l’étincelle de notre divinité innée et consciente.

 

Le point de non-retour

est maintenant.

                                    Ici.

                                                            Toi !

      (à suivre)

 

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Ô Mère d’Amour

 

Par Monique Manfrini

                            

 

Ô Mère, tes enfants sont là,

Tous réunis autour de Toi.

Ils respirent le parfum subtil

De Ton Amour immense.

 

Telle la fleur, épanouie au soleil,

Tu les nourris de Ta présence…

Ton Amour est don total

Qui n’exige rien en retour.

 

Ô Mère, tes enfants sont là,

Tous réunis autour de Toi.

Ils respirent le parfum subtil

De Ton Amour immense.

 

Telle la fleur, épanouie au soleil,

Tu les nourris de Ta présence…

Ton Amour est don total

Qui n’exige rien en retour.

 

Tu répands la joie et

La gaieté aussi, en nous offrant

Ton sourire rayonnant.

Notre coeur s’envole vers Toi, enchanté…

 

25

 

 

Tu nous accueilles, toujours,

Aimante et allèges nos peines.

Près de Toi, le coeur le plus lourd

Se sent heureux, précieux…

 

Ô Mère, l’Amour est Ta Vérité

Et notre coeur plonge en Toi,

Telle l’abeille dans la corolle

Pour y recueillir le pollen lumineux…

 

Ce nectar d’Amour, Tes enfants

Ne peuvent le garder en eux.

Ils l’offrent à tous car Ton Amour

Est tendrement contagieux…

 

Nos yeux s’allument, alors,

De Ta Lumière si douce.

Nous ressentons une grande chaleur,

Partout et nos coeurs chantent avec Toi…

 

Ô Mère, Tes mains ouvertes

Pour nous, abritent nos détresses

Et partagent nos joies. Tu es Amour

Illimité. Tu donnes et tu accueilles.

 

Les tempêtes de la vie

Sont apaisées auprès de Toi…

Aide-nous à semer l’Amour 

 

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De nos deux mains ouvertes…

 

Alors, revenus en Toi,

Notre Félicité sera sans fin…

Ô Mère d’Amour, Tu nous dévoiles

La Vie Eternelle, pénétrant Tout.

 

Monique Manfrini,

L’Estaque, le 18.04.2006.

 

 

Le Yoga du Traducteur

(Dans la joie du ‘Traduire’)

Par Mahâjyoti

 

 

            Ayant vécu la plupart du temps à l'Etranger depuis mon adolescence, en y exerçant des métiers de communication, des centaines de textes me sont passés par l'esprit et par les mains en deux autres langues que la mienne.

            Quel rapport avec le Yoga me direz-vous ?

            Eh bien je répondrai celui du souffle : de 'l'inspir' et de 'l'expir', celui des deux sens des nadis, celui des deux roues d'un chariot, d'une réponse à un chant, à une mélodie…

            La roue gauche du chariot entraîne la mélodie du texte initial qui vous pénètre de son ronronnement, de son rythme et de sa musicalité…qui vous imprègne à l'intérieur, là où a lieu la transformation magique, celle de faire revivre avec d'autres sons une pensée profonde, une inspiration première, un 'inspir', un

 

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souffle provenant d'une pensée inconnue qui,  dans les rails implacables d'une technique sans concession va éclore peu à peu et fleurir de nouveau dans 'l'expir' du texte traduit renouvelé par d'autres mots, d'autres sons, d'autres rythmes. Le plus dur étant de passer par ce processus sans 'trahir' non seulement la musicalité, mais le noyau central, la roue, le 'chakra' qui a créé l'idée, le thème, la souffrance, ou l'amour qu'il souhaitait exprimer.

            C'est la roue gauche du chariot qui correspond à mon oreille écoutante. Soudain, il y a décodage entre les deux hémisphères : ce sont les mots qui se transforment en une langue différente, en traversant mon esprit, pour aller chanter la nouvelle version dans mon oreille droite qui doit alors se synchroniser sur l'original. Et cela, jusqu'à ce que les deux roues du chariot marchent ensemble…

            C'est un peu comme le doublage d'un film. Tant que les deux roues ne se synchronisent pas sur les deux mélodies parallèles, le texte n'est pas bon…

            Si l'on est doué pour, c'est captivant d'effectuer ce transfert dans 'sa' langue…C'est presque une jouissance ! Mais quand vous abordez l'autre sens, vous apprenez à nager à l'envers…chaque envolée recèle un piège, c'est presque l'expir essoufflé qu'il faut faire retomber dans  'l'inspir…ation' simple, car on a toujours tendance à vouloir compliquer.

            En traduisant en 'italien' le livre de Vijayânanda, Un Français dans l’Himalaya, aurai-je su faire chanter la langue transalpine aux  'oreilles' de nos amis italiens au travers des propos du vieux maître que vous avez aimés  dans ' Les Entretiens de Kankhal ' (Infos-Yoga n° 46/47/48) et  'Questions/Réponses de Vijayânanda' (‘Jay Mâ'  du n° 54 au n°

 

28

 

74) rassemblés et transcrits par Jacques Vigne, et qui sont extraits de ce livre ? Je l'espère du fond du cœur, en hommage à ce qu'il nous transmet, à l'Enseignement de Mâ Anandamayî et à l'Italie qui fut ma terre d'adoption pendant de nombreuses années.

            Aurai-je pu passer pour la première fois de l'expir à l'inspir (en ne traduisant pas dans 'ma' langue), aurai-je pu harmoniser mon cœur et mon oreille pour pouvoir m'envoler comme Ben-Hur sur son char et ainsi m'élever entre deux mélodies qui, au bout du chemin, n'en formeront plus qu'une, puisque TOUT se rejoint, en l'UN ?...Je l'espère…

 

 

                                                                                                Mahâjyoti

                                                                                      (Geneviève Koevoets)

 

 

 

La ballade de l'EGO

 

 

Mâ aide-moi…moi moi

Je suis à toi…toi toi   

Uni au SOI…soi soi

Rends-moi la joie…joie joie !

 

Je suis l'EGO… 'Gogo'

Je suis l'plus beau… bobo

J'en ai plein l'dos… dodo

D'être un chameau… mo mo !

          

On n' m'a pas regardé

Même pas félicité

O pleurs, ô désespoir

Et j'enrage le soir !

 

 

Aaaah ! Je sens que je meurs

Il croit qu'il me fait peur

J'vais ‘l’envoler’ tout cru

A coups de pied aux nues … !

 

Mais mon Dieu que c'est bête

Mieux vaut courber la tête

Et plier un genou

Après tout je m'en fous !

 

Mais pourquoi je m'entête

A manier à tout prix

L'orgueil qui meurtrit

Il est temps que j'arrête !

 

Pour plaire à Mâ… Mâ Mâ

Faut que je rame… Ram Ram

C'est le SEVA… va va

Faut rendre l'âme…lam lam !

 

Dissolution… sion sion

Libération… sion sion

Je me sens bien… bien bien

Je n'attends RIEN… rien rien !

                                   

L'EGO dans sa dissolution

                                    L'auteur dans sa résolution

                        (Geneviève Koevoets/Mahâjyoti - Février 2006)

 

 

 

 

 

Dépouillement - Renoncement

 

 

 

Dépouillement

C'est Dimanche, il fait chaud, il flotte aux alentours

Un parfum impalpable qui ressemble à l'Amour…

C'est l'ébauche intérieure de vacuité, de vide,

D'abandon d'un vieux 'MOI' désormais insipide.

Dénuement

Renoncement à l'EGO et au mental menteur,

Aux atours frivoles et au succès trompeur.

Acharnement

Il est vain, il est fou, et il n'a plus de sens,

Lorsque l'esprit s'élève et en a pris conscience.

Recueillement

Sa volupté survient comme un bain de velours,

L'on y trempe son âme libérée pour toujours.

Détachement

Purifiée, sans attaches, dans la liberté pure

D'aimer sans s'accrocher, sans pleurer, sans blessures.

Déguisement

Pourquoi feindre la joie lorsque l'on a la peur ?

Les vêtements, chaussures et bijoux sont des leurres !

Compliment

Il nous flatte, il nous fausse et souvent nous entraîne

Sur la piste glissante qui conduit à la haine.

Enchantement

Mâ Anandamayî dans son Enseignement

A rappelé la joie et l'éblouissement.

Amusement

Le plaisir de donner, d'écouter, de comprendre

Au lieu de désirer, d'envier et de prendre.

Egarement

Et quand l'esprit s'égare vers d'autres horizons

Mâ est là qui rassure, ramène à la raison.

Enrichissement

Alors l'esprit s'élève, se détache et s'envole,

L'entêtement faiblit, n'est plus un pot de colle…

Epanouissement

On a donc déversé le 'MOI' gluant d'EGO

Dans le chaudron magique, sans se faire bobo ?

Frémissement

Dans les premiers frissons du voile qui se déchire

On aperçoit la route et on s'attend au pire !

Perfectionnement

Va-t-on pouvoir monter ? Deux routes s'offrent à toi

C'est la plus difficile qu'il faut choisir pour soi.

Rayonnement

Alors à l'intérieur vient jaillir la lumière

Celle que Mâ nous offre au sein de sa prière.

Raisonnement

C'est fini le 'paraître' ? Un peu de 'jeu' demeure !

Mais tout au fond de nous, on sent qu'on est meilleur.

Remerciement

Merci à tous nos guides, conscients de nos erreurs

Et qui d'un grand tourment ont fait un vrai bonheur.

Renoncement

Personne plus jamais ne nous dira 'je t'aime' ?

C'est nous qui le dirons, ce sera l'Amour même.

Nous aurons tant reçu, juste retour des choses.

Alors la récompense sera comme une rose…

 

                                              Mahâjyoti

            (Geneviève Koevoets)

             Par un beau Dimanche de printemps…

 

 

 

 

 

Paroles de félicité

 

Ce choix de pensées m'a été envoyé par une fidèle de Mâ franco-italienne. Pour ceux qui peuvent lire l'italien et veulent avoir le diaporama qui va avec, de très belles photos de fleurs, qu'ils n'hésitent pas à le demander à Marie-Louise. louisefunaro@aliceposta.it.

Il est toujours bon de passer du temps à tout simplement revenir à cette félicité, ânanda dont était constituée Mâ.

 

 

 

 

La félicité la plus grande ne réside pas dans le fait de ne pas chuter  mais dans celui de se relever après. (Confucius)

 

La félicité, c'est de désirer ce qu'on a. (Saint Augustin)

 

La félicité, tout comme la religion, est un mystère et ni l'une ni l'autre ne devraient jamais être rationalisées. (GK Chesterton)

 

Les personnes les plus joyeuses [felici] semblent être celles qui n'ont pas de motif particulier pour l'être, sinon celui-la même de l'être. (Ralph William Inge)

 

Le bonheur, comme la beauté, est dans les choses.

 

La félicité même s'insinue à travers une porte que vous ne vous souveniez plus d'avoir laissée ouverte (T.Barrymore)

 

Ne crois pas que tu puisses trouver le bonheur en offrant le malheur aux autres. (Sénèque)

 

Le plaisir peut se fonder sur l'illusion, mais c'est sur la vérité que se base la félicité.

 

Quel que soit le voyage que nous entreprenions, c'est la félicité que nous poursuivons.

Mais la félicité est ici. (Quinto Orazio Flaca)

 

La félicité ne consiste pas à faire tout ce que tu veux, mais à vouloir tout ce que tu fais (Nietzsche)

 

La félicité réside dans le fait de connaître ses propres limites... et de les aimer. (R.Barthes)

 

 

 

 

Nouvelles

 

-  Swami Nirgunânanda sera à Terre du Ciel du 30 juillet au 5 août pour une retraite sur Mâ, qui sera suivie par une autre de Chandra Swâmî du 12 au 18 août. secretariat@terre-du-ciel.fr  0385 60 40 33

- Swami Vijayânanda se remet d'une ablation de la prostate pratiquée le 5 mai à Delhi avec la nouvelle technologie laser. Celle-ci a beaucoup moins d'effets secondaires que l'opération habituelle, et effectivement les suites opératoires se sont bien passées. Il est en convalescence dans sa chambre de Kankhal, et reprendra les satsangs courant juin ou en juillet, car après ce type d'opération, il n'est guère conseillé de monter et descendre les escaliers avant un certain temps.

- La vidéo des cousins Maréchaux sur Vijayânanda, réalisée en 1998, est maintenant sortie sous forme de DVD. Renseignements luc.marechaux@free.fr  et Tel : 0873706742. (Prix 22 Euros + 4,50 de port). Grâce aux contacts de Mahâjyoti, des traducteurs sont en train de travailler à Rome sur la version italienne et anglaise de ce DVD.

- Vigyânânanda animera des retraites pour des groupes de Yoga à Kankhal avec Vijayânanda du 8 au 15 août (Mathieu, le directeur d'Infos-Yoga) et à la mi-février (l’école de Yoga de Lyon avec Robert Dumel). Un autre groupe du Vercors viendra

 

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à Dhaulchina pour rencontrer Swâmî Nirgunânanda du 16 au 22 octobre, après un pèlerinage à la source du Gange de Kédarnath.

- Marc-Alain Descamps, ancien professeur de psychologie à la Sorbonne et président de l'Association Française du Transpersonnel, vient de publier aux éditions Alphée un nouveau livre : Rencontres avec douze femmes remarquables où il consacre un chapitre à Mâ Anandamayî, ainsi qu'un autre à Mère Mira et un dernier sur Amma. Nous en avons mis un extrait dans ce numéro.

- Vigyânânanda reviendra en France de fin mars à décembre 2007, avec la publication programmée de trois livres par le groupe Albin Michel.

 

 

 

 

 

Nouveaux abonnements

 

     Pour ceux qui voudraient prendre un nouvel abonnement, ils peuvent le faire en écrivant à Nadine et José Sanchez

L'Olivette                                                               

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte-Croix

          84110 Vaison-la-Romaine.

 

    Envoyez un chèque au nom de Jacques Vigne de 5 €, et de 4€ pour l'abonnement par courriel. À ce moment là bien sûr, communiquez aussi votre adresse électronique et  envoyez de plus directement une copie de votre message à jacquesvigne@yahoo.fr 

Etant donné l'incertitude des acheminements par la poste indienne, cette formule mérite d'être considérée sérieusement.

 

 

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Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                          p.1

Questions récentes à Vijâyananda                                           p.2

Mâ est à l’écoute anecdote racontée par Dîpak Somal           p.5

Néo-védanta et modernité  Bithika Mukherjî                           p.6

Rencontre avec Mâ, une femme remarquable M.A.Descamps .13

Un lotus sud-américain aux pieds de Mâ Kamal Nârayân    p.16

O Mère d’amour Monique Manfrini                                       p.24

Le Yoga du traducteur     Mahâjyoti   (G.Koevoets)               p.26

La Ballade de l’EGO       Mahâjyoti                                       p.28

Dépouillement-Renoncement   Mahâjyoti                               p.30          

Paroles de félicité                                                                     p.32

Nouvelles                                                                                p.34

Nouveaux abonnements                                                           p.35

Table des matières                                                                   p.36                                         

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Ma 82  -   Automne 2006

 

 

 

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Paroles de Mâ

 

Question : Si le mental refuse de se calmer, quels sont les moyens de quand même y arriver ?

: Pensez à l'eau dans le pot : aussi longtemps que vous agiterez le pot, l'eau remuera à l'intérieur. Mais après avoir maintenu le pot pour quelque temps immobile, vous vous apercevrez que l'eau aussi se calme. De la même façon en faisant l'effort de maintenir stable le corps pendant quelques temps, le mental se calmera aussi. D'un côté, c'est la nature même du mental d'être agité,  mais c'est aussi sa nature de demeurer dans un état stable et paisible. Efforcez-vous de rester assis le plus longtemps en récitant Son nom,  le mental pourra s'en aller de-ci de-là, mais n'abandonnez jamais votre effort. Quand le mental n'abandonne pas ce qu'il a à faire, son 'dharma', pourquoi abandonneriez-vous le vôtre ?

 

Question : A propos de quoi pouvez-vous parler de samâdhi ?

: Baba, je dis que le samâdhi, c'est la fin, samapti, de toutes les ressources, samâdhân des états intérieurs et des actions. Du point de vue du monde, je dis, de même que vous faites toutes sortes de travaux pendant une journée, vous mangez, buvez, il arrive qu'ensuite vous plongiez dans un sommeil profond et réparateur.

 

Un être humain qui se respecte lui-même éprouvera encore plus de respect pour les autres.

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C'est par le mental lui-même qu'on dissipera l'ignorance du mental.

 

On n'obtient pas le but de sa recherche si on néglige de considérer  l'intérieur et l'extérieur comme une unité.

 

Recherchez l'essence de l'Atma, méditez sur la félicité perpétuelle.

 

Tant qu'il est nécessaire de parler, utilisez les mots avec retenue.

 

À chaque instant, on doit maintenir le but comme bien réel et authentique.

 

La force de l'action est bien plus grande que de simples paroles.

 

L'appel [vers le divin] est un : pour cet appel, dans les diverses communautés,  il y a différentes manières de faire.

 

 

Shrî Mâ et le Pr Upendra Gupta

Par Amulya Kumar Datta Gupta

 

     Plus tard, Shrî Mâ est venue s'asseoir dans la salle de kirtans et beaucoup de gens se sont approchés pour lui présenter leurs respects. Nous étions assis à ses pieds et attendions

 

 

3

 

 

impatiemment qu'elle nous éclaire de ses conseils. Le professeur Upendra Gupta était parmi nous. En guise d'introduction, Abani Babu dit : " Mâ, il est un grand philosophe".

Mâtâjî (en riant) : Baba, qu'est-ce qu'on appelle philosophie ?

Upendra: Qu’est-ce que j'en sais ?

Mâtâjî : Oh! Vous connaissez tant de choses ! Vous enseignez les garçons (en me regardant) : Est-ce que ce n'est pas vrai ? Est-ce qu'il n'est pas professeur ?

Moi-même : Oui, Mâ, il enseignait, mais maintenant il est à la retraite.

Mâtâjî (en riant) : Ainsi donc, vous êtes un enseignant plein d'expérience. Dites-moi, qu'est-ce que signifie  "philosophie"?

Upendra : Je ne pourrais parler que simplement si vous me le demandez. Pourquoi ne parlez-vous pas ?

Mâtâjî : Qu'ai-je donc étudié ? Vous, dites-nous !

Upendra: Parler de quelque chose dont on n'a pas la connaissance, voilà ce qu'on appelle philosophie!

Mâtâjî : Peut-on parler sans connaître quoi que ce soit?

Upendra : Bien qu'on ne sache pas, on prétend savoir.

Mâtâjî (en riant) : Oui,  c'est savoir quelque chose sans le comprendre. Mais Baba, vous avez très bien parlé, en fait.

     Afin de Le connaître, vous devez entrer dans votre vraie nature. Vous demeurez dans le royaume du manque constant. Tout ce que vous faites ne fait que produire de plus en plus de manque. Il ne peut y avoir de paix tant que vous ne transformez pas cet état de manque (abhâva) en votre vraie nature (svabhâva).

Upendra: Que devons-nous faire ?

 

 

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Mâtâjî : Je vous répète ce que je dis à tout le monde : commencez avec vos études ! Ce qui est destiné à arriver aura lieu de lui-même. Tenez, quand les enfants commencent à étudier, ils ont d'habitude un sujet dans lequel ils sont particulièrement forts. De même, quand quelqu'un se met en chemin pour la quête de la réalisation de Dieu, tout ce qui doit être fait se trouve révélé à partir de son propre intérieur. C'est pour cela qu'on dit que Dieu brille de Lui-même. Il montre lui-même le chemin qui mène à Sa réalisation. Ce qui est nécessaire pour vous, c'est simplement de vous mettre au travail - de commencer vos études.

   Très souvent, vous niez que votre mental soit agité et qu'il vous est impossible de le stabiliser. Mais en fait, de par sa propre nature, le mental ne peut se reposer. C'est pour cela que je considère le mental comme un enfant. L'intelligence et le sens du 'je' (ahamkâra) sont les parents du mental - enfant. De même que le père et la mère influencent leur enfant qui ne veut pas travailler de différentes façons afin de le persuader d'apprendre à lire et à écrire, ainsi, grâce au discernement de votre sens du 'je' et de votre intelligence, vous devez concentrer votre mental. Ce travail doit être accompli avec patience et avec le zèle d'un esprit bien unifié. Sinon, il n'y aura pas de résultats. De même que quand vous désirez extraire de l'eau du sol, vous devez creuser patiemment à l'endroit choisi et ne pas piocher un peu par ici un peu par là, de même, afin de réaliser Dieu, vous devez pratiquer pendant longtemps avec une dévotion unifiée et une persévérance des plus grandes.

   Souvent, on entend dire, quel que soit le nombre de fautes que le plus grand des pécheurs puisse avoir commis, ils seront tous purifiés en prononçant le nom de Râm même une seule fois.

 

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Cela est tout à fait vrai, tout comme une seule étincelle de feu brûle plus d'objets que ce que l'homme ne pourra jamais accumuler. Que vous récitiez son nom ou que vous l'adoriez, quoi que vous fassiez pour réaliser Dieu, si vous l'effectuez avec une patience sans faille et une dévotion unifiée, vous trouverez le chemin de la paix durable.

     En nettoyant la forêt, vous obtenez un champ, vous n'avez pas besoin de créer un nouveau champ. Vous répétez souvent "je-je" (ahamkar) "je suis Lui" (soham), n'est-ce pas?  Savez-vous où cela mène? C'est comme l'arbre et son ombre, si vous suivez l'ombre,  vous arriverez à l'arbre. De même, en vous concentrant sur "aham", vous arriverez au "soham".

 

 

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

Par Bithika Mukerji

 

      Durant l’un des satsangs de Mâ très courus à Varanasi, une question fut posée concernant les réincarnations. Pandit Vaidyanath dit : « Mâ, nous croyons en la réincarnation selon les lois karmiques. »

      Shrî Mâ : « En effet, il en est ainsi. »

      Question : « Mais les chrétiens croient en une seule naissance. Après la mort, ils vont attendre le Jour du Jugement quand Dieu décidera de leur destinée. »

      Shrî Mâ : « Oui, c’est la vérité. »

      Chacun se mit à rire en entendant Mâ souscrire à deux points de vues apparemment aussi opposés. Mais Mâ

 

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ajouta : « Bholanâth avait l’habitude de m’appeler la reine de la Cour d’Appel (Appealeshwarî), parce que j’ai toujours l’air d’être d’accord avec tout le monde. Le fait est que je vois clairement un rapport entre ces affirmations qui, prises singulièrement, mènent à la totalité ou à l’infinité. Que faut-il là-dedans rejeter et que faut-il accepter ? Les croyances appartiennent au domaine de l’esprit. L’esprit est modelé et déterminé par préférences inconscientes (samskâras). La tendance naturelle à aller vers un tas de croyances vient de préférences engrammées qui nous sont parfois inconnues. Tout ce que je vois c’est que si quelqu’un exprime une croyance et qu’il est convaincu que ce en quoi il croit est vrai, eh bien si tel  est son point de vue, c’est vrai ! » (p.231)

 

 

 

Ganga…mère divine

 

      Quand je contemple l’irrésistible variété, la profondeur, l’intensité et le flot ininterrompu des paroles (vani) de Shrî Mâ, j’ai envie de les comparer à l’avènement du Gange sacré dans notre pays. Aucun mot ne pourrait vraiment mettre en valeur le mystère de ce fleuve grandiose qui s’impose à notre premier regard dans toute sa majestueuse apparence, dans la beauté de ses eaux bleues profondes tombant en cascades dans la résonance de ses gorges, dans la progression joyeuse et dansante de ses ravins et de ses plaines au pied des chaînes de l’Himalaya. Ici le fleuve change de rôle. Ses eaux brillantes et scintillantes deviennent calmes et sereines. Le Gange s’écoule, profond, large et gracieux, permettant à son peuple de tirer de

 

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lui autant d’avantages qu’il peut en provenir de son abondante présence. Il leur permet de profiter de sa générosité, et même de l’exploiter, d’en abuser. Et puis silencieusement il se retire jusque dans l’océan. Même dans l’acte de se retirer, il se partage en d’incommensurables parcours, pour le bienfait de ses enfants toujours insatiables. Il arrive majestueux et son élégance regorge de plénitude, kilomètre après kilomètre, jusqu’à ce qu’il rejoigne l’océan pour se mélanger dans l’anonymat de l’immensité. A travers toutes les variations de son trajet, il maintient sa pureté. De Gomukh à Gangâsagar ses eaux sont sacrées et confèrent la paix à tous ceux qui viennent à lui. Pour les hindous, le Gange est considéré comme la mère divine appelée Gangâ, qui ne se refuse à personne. Chacun, de façon égale, est le bienvenu sur ses rives pour y trouver la sainteté, la paix, et la tranquillité. (p.232)

 

 

Les paroles de Mâ

 

      Je me souviens d’une conversation sur le futur de l’Inde entre un sadhou de la Mission  Ramakrishna et Mâ. Le Swamijî essaya longtemps d’obtenir quelques déclarations concernant le futur, mais Shrî Mâ éluda ses requêtes. A sa question : « Parviendrons-nous jamais à rejoindre les gloires du passé et à nous élever vers de nouvelles splendeurs dans le futur ? » Shrî Mâ répondit : « Si vous êtes si nombreux à penser que tel devrait être le cas, alors peut-être qu’une telle atmosphère pourra prévaloir et que vos rêves deviendront réalité. » Le Swamijî resta pessimiste. Il ajouta : « Les gens ne s’en soucient guère. Ils sont occupés à copier l’Occident. Quant

 

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à eux, les occidentaux, ils commencent à apprendre, à suivre nos chemins et à emmener tout le meilleur de l’Orient avec eux. » Shrî Mâ répliqua : « Pourquoi dites-vous ‘eux’ ? Ils sont aussi ‘vous’, n’est-ce pas ? » Cette réponse fournit au Swamijî de quoi ruminer et nourrir ses pensées. (p.232-233)

 

      En écoutant ses conférences, ses discours et conversations courantes à longueur d’année, je réalisai que Mâ évoquait à notre intention l’ancienne pensée des Upanishads, pensée de discrimination entre ce qui est plaisant (preyas) et ce qui est bon-en-lui-même (shreyas). Tous buts dans la vie, toutes valeurs guidant la conduite pouvaient être englobés par elle en une seule rubrique à la recherche d’une ultime vérité. Le fait de donner 10 minutes chaque jour, ou un jour dans une semaine à un programme de samyam (modération, abstention) faisait partie du comportement général d’une vie consacrée au souvenir de Dieu.

      Mâ semblait jauger avec subtilité et précision l’aura de tous ceux qui l’approchaient pour être sous sa conduite ; elle leur donnait le point de départ, peu importe le niveau où ils se trouvaient ; elle redonnait de l’espoir aux plus pessimistes des interlocuteurs. Parfois, elle les rencontrait avec indifférence, et c’était également admissible de sa part. Un jour elle affirma : « Si vous n’avez aucun intérêt et n’avez rien à demander, alors je n’ai rien à vous dire, mais si vous demandez et si je sens mon kheyâla, alors je vous dirai certainement les shreyas, les ultimes buts de la vie qui valent vraiment la peine pour tout être humain. » (p.233)

 

     

 

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      Un idéal de renonciation imprégnait ses discours tel un fil entourant un bouquet de fleurs. Non pas qu’elle eut demandé à quiconque de renoncer à tout, au monde, à la société, à la carrière, à la famille, à la maison ou aux amis. Elle disait plutôt que si on pouvait arriver à abandonner le mental aux pieds du Seigneur, on n’aurait plus besoin de rien d’autre. Tout adviendrait au moment voulu. Cependant, elle accorda le plus grand respect à tous ceux qui avaient choisi d’être des renonçants, des hommes en robe orange. Graduellement, des gens de notre génération s’approchèrent de ce nouveau chemin ; en considérant notre sadhou-samaj, notre « société de sadhous », on doit reconnaître que précédemment, les gens en robe ocre-orange avaient plutôt été regardés avec méfiance. Il faut aussi rappeler que Shrî Mâ elle-même fut déçue par ces personnes un nombre incalculable de fois au cours des années, mais elle ne se départit jamais, même pas d’un iota, de son attitude respectueuse en la présence d’un sannyâsi (renonçant). Ces hommes et femmes étaient voués à être appelés très haut, et par conséquent ils méritaient le respect…

      Une question revenait sans cesse dans le voisinage de Mâ : « Est-ce qu’un homme peut voir Dieu ? »

      Shrî Mâ : « Bien sûr qu’il peut. Il apparaît devant les yeux des humains, exactement comme vous me voyez devant vous en train de vous parler, ainsi on peut voir Dieu et tenir une conversation avec Lui. »

      Shrî Mâ dit maintes fois qu’elle n’était qu’une spectatrice, qu’elle n’était pas ici pour faire quoi que ce soit ou enseigner à qui que ce soit. En fait, où était « l’autre » ? Elle était elle-même tout ce qui Est, même pour elle il n’y avait pas d’espace pour reculer, aussi qu’y avait-il pour elle à faire ou à dire ? En

 

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définitive, si on lui demandait de donner son avis, elle répétait ses mots habituels (vani) :

 

« Seul parler de Dieu est valable.

Tout le reste n’est que vanité et souffrance ! » (p.234)

 

 

 

Bindou et moi en quête de travail

 

      Didi avait été malade. Des douleurs de dos l’avaient clouée au lit. Plusieurs chirurgiens de bonne réputation vinrent la visiter. Leur diagnostic fut implacable : tuberculose des os. Afin d’immobiliser entièrement sa colonne vertébrale, ils préconisèrent d’utiliser un plâtre et voulurent que Didi se rende à Bombay pour la durée du traitement. Bhaiya libéra son appartement pour Didi et sa suite. Rénou se souvint qu’il y avait des groupes de femmes auprès de Shrî Mâ, toutes ferventes adeptes prêtes à s’acquitter de son kheyâla. Bien que Rénou et Gini aient admiré la riche installation de cet appartement avec sa vue magnifique donnant sur l’océan, pendant bien des jours elles ne surent pas qui était le propriétaire des lieux. C’était un exemple extraordinaire d’auto-effacement. La femme de Bhaiya, Lîlâben, s’était entièrement identifiée à l’attitude de Bhaiya envers les fidèles de Shrî Mâ. On put admirer son savoir-faire en matière de maîtresse de maison, de même que sa générosité et son dévouement pour Mâ. Leur maison à Villeparle devînt une annexe de l’ashram tel qu’il était alors. Les fidèles de Shrî Mâ se relayaient afin de venir à Sunayana House pour différentes raisons. Quiconque en mal de traitement médical était envoyé à Bombay aux bons

 

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soins du Dr. Surabhai Seth qui était le responsable médical du Nanawati Hospital de Villeparle. Pendant plus de quarante ans ces ferventes fidèles continuèrent à rendre à Shrî Mâ ce genre de services que le commun des mortels pourrait à peine imaginer. Shrî Mâ en arriva à compter sur Bhaiya comme sur un infaillible support de son kheyâla aux multiples facettes. Il pouvait tranquillement assumer et prendre en charge ses nombreux engagements concernant le personnel, les projets ou les voyages, choses que d’autres auraient considéré comme de lourds fardeaux. Non pas qu’il se fut agi en quoi que ce soit d’une corvée pour Shrî Mâ, mais Bhaiya avait l’art de rendre fluide n’importe quelle situation avant qu’elle ne se transforme en problème. Il était célèbre pour cela dans son propre travail. A ce moment là, il était le président-directeur général de la compagnie d’assurances New India Insurance Company. Une très grosse entreprise aux dires de ceux qui s’y connaissaient en la matière. (p.236-237)

      Bindou avait fait sa route de son côté et avait demandé à Mâ de consulter son kheyâla concernant son nouveau job dans le milieu de la finance.

      J’eus moi-même des expériences intéressantes à l’Université d’Allahabad, que je dus quitter à regret.

      Shrî Mâ vint à Varanasi peu après que je fus admise à la Banaras Hindu University. Elle sembla heureuse de me voir. Tout en me donnant une guirlande de petites fleurs blanches et odorantes, elle me parla de façon étrange : « Continue tes visites comme d’habitude, le sens du devoir vient au premier plan (quand on est dans une vie de service). » Ces quelques mots me firent réfléchir pendant très longtemps. Maintenant, je réalise qu’elle avait parfaitement raison. Il y avait deux sortes

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de personnes en service auprès d’elle. Celles du premier groupe étaient partout et si souvent avec Mâ que nous nous demandions comment elles pouvaient faire pour être en service également. Un personnage important parmi ces gens était le cher Patun (S.K.Datta) qui, non seulement continuait son emploi de haut fonctionnaire du gouvernement, mais montait assidûment d’échelon en échelon dans sa position. Néanmoins, il fut l’un des plus proches compagnons de Shrî Mâ, toujours à ses côtés pour accomplir son kheyâla et pour assumer bien des responsabilités. J’appartenais pour ma part et manifestement au second groupe. Je m’investissais de plus en plus dans une carrière professionnelle. J’adorais enseigner et je pris la chose très au sérieux. Je m’intéressais beaucoup aux étudiants qui étaient à ma charge et je me dévouais à leur cause en m’investissant dans des extra-activités avec quelque succès. Pendant les courtes périodes de vacances, je retournais chez moi à Allahabad. Mes visites à Shrî Mâ devinrent moins fréquentes. Heureusement qu’elle venait souvent à Varanasi ce qui me permit de rester proche d’elle, mais je trouvais un sens de plus en plus significatif aux paroles qu’elle m’avait dites au tout début de ma carrière.

      Alors que Shrî Mâ était à Varanasi, une convocation arriva de l’Université d’Allahabad me demandant de me présenter une fois de plus devant un nouveau Comité de Sélection. Je me rendis à l’ashram après le collège et informai Shrî Mâ de cette nouvelle et du fait que j’aurai à me rendre à Allahabad pour cette entrevue. Shrî Mâ me dit : « A maintes reprises ils n’ont pas pris ta requête en considération, si tu acceptais cette convocation, ce serait comme si tu t’exposais à recevoir un nouvel affront, tu ne crois pas ? » Je répliquai : « Mâ, les temps

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ont changé quelque peu. J’ai acquis une certaine notoriété et il est évident que cette fois ils ont l’intention de remédier à cela. Mon père est enthousiaste à l’idée que je retourne à Allahabad. Je ne peux tout de même pas lui dire que je ne vais pas aller à cette convocation ! » C’est alors que Shrî Mâ eut ces mots décisifs à l’intention de mon père : « Dis à Baba que j’ai dit cela. »

      Durant tout le temps passé avec Shrî Mâ, je l’ai rarement entendue émettre une sentence aussi manifeste et sans aucune réserve. Elle se basait toujours sur son kheyâla et ne sortait en général que des phrases comme : « Ne serait-il pas mieux ? Ne pensez-vous pas ? Si vous considérez que c’est juste » etc…etc… Mais cette fois elle parla comme si elle s’adressait à lui directement, et en des termes sans équivoque.

      J’écrivis de nouveau à la maison pour avertir que je ne me rendrai pas à l’entrevue. En mon absence, ma collègue et amie fut confirmée dans le poste qu’elle avait obtenu finalement, ce qui fut bien aussi. Shrî Mâ m’avait demandé un jour s’il y avait une différence entre ces deux postes à l’Université. J’avais répondu que le salaire à la B.H.U. était moins élevé que celui d’Allahabad, mais qu’autrement c’était pareil. Etrangement, après trois mois environ, mon salaire de base fut augmenté de 50 roupies, en tant que reconnaissance particulière de mon diplôme de recherches. Désormais, c’était exactement identique au salaire de base de l’Université d’Allahabad lequel, à ce moment là, était de 300 roupies. Quoi qu’il en soit, la B.H.U. offrait des logements spacieux entourés d’un jardin sur le campus avec tous les services et leurs aménagements, ce qui rendait ce poste l’un des plus convoités du moment. (p.244)

 

 

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15 minutes pour Mâ

 

      L’année 1957 vit le début du soulèvement des étudiants à la Banaras Hindu University. J’y fus impliquée dès le premier jour, mais ceci est une autre histoire. Plusieurs de mes collègues vinrent parfois avec moi à l’ashram. Aussi étrange que cela puisse paraître, peu d’entre elles participèrent à fond, ou tout au moins, ne s’impliquèrent pas autant que Padmâji et moi. Je fus toujours stupéfaite de voir l’indifférence démontrée par la plupart des gens qui gravitaient autour de Shrî Mâ. Ils la traitaient comme l’Image Mobile (chalanta vigraha) d’un temple. Ils lui obéissaient, recevaient une guirlande de fleurs, ou des sucreries, et s’en retournaient chez eux pour continuer comme avant. Elle était reconnue comme une Présence Divine, et par conséquent comme une source de bénédiction (kripâ). Une visite quotidienne pour faire le pranâm, comme on fait une visite quotidienne à un temple, suffisait à beaucoup de ceux qui se pressaient autour de Mâ. Elle était belle, affable, parlait de façon délicieuse, elle distribuait des fleurs, des fruits ou des douceurs, et ne posait aucune question. Parfois, si on lui demandait son avis, elle disait : « Donnez-moi 15 minutes de votre temps, chaque jour, à une heure de votre choix. Essayez de ne penser qu’à Dieu. Vous pouvez faire un japa, ou méditer, ou seulement rester silencieux. Ce créneau horaire de 15 minutes est comme une mince cale à insérer dans le perpétuel mouvement tournant du cycle de préoccupations qui fait le monde. Il serait bon que ce court instant de pause puisse se développer et se répandre, car par la grâce de Dieu il influencerait le rythme de votre vie entière ! »

 

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      Les paroles (vani) de Shrî Mâ affirmant qu’elle n’était qu’une spectatrice étaient certainement vraies. Elle avait souvent répété qu’elle n’était pas venue pour faire quoi que ce soit, mais plutôt juste pour voir comment allaient les choses, tout comme un jardinier se promène dans les allées de son jardin en observant les différentes plantes fleuries et rampantes qui en rehaussent la beauté. (p.244-245)

 

 

Les dernières années de la vie de mon père

 

      Bien des années passèrent. Bindou maintenant avait un emploi. Quand Shrî Mâ vint à Allahabad, il n’en est pas moins vrai qu’elle opta pour la meilleure et la plus impromptue des organisations, en rappelant à Bindou qu’il lui avait promis de lui construire un petit cottage au 31 George Town, là où nous habitions. D’après le kheyâla de Mâ, Bindou était capable de lui construire ce cottage. Ce qu’il fit d’ailleurs en le situant sous un arbre immense non loin de la maison principale. Nous fîmes en sorte de le meubler et de le décorer en anticipant ainsi la venue de Mâ à Allahabad. Rénou avait demandé aux jardiniers de construire un ensemble de pièces de style villageois aux murs revêtus de terre à côté du cottage, où la nourriture sacrée (bogha) pourrait être cuisinée. Par la suite, Shrî Mâ avait pris l’habitude de passer ses après-midi dans l’une de ces pièces qui était fraîche et tranquille. Dans les années qui suivirent, bien des célébrations furent organisées dans notre maison, cependant, il me sembla que Mâ y venait de moins en moins depuis que son cottage avait été construit. Mais à bien y

 

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réfléchir, je réalisai que Shrî Mâ avait voulu ce cottage afin qu’il puisse devenir pour nous et notre famille plus tard, une fois privés de sa présence et de son darshan, un temple dans lequel elle avait résidé. Le culte divin de son Image, installé dans ce petit édifice, est depuis lors devenu une partie importante de notre vie de tous les jours. (p.247-248)

      Mon père avait dit qu’il nous accompagnerait à la gare pour me saluer en partant. Ce n’était pas son habitude, car il n’aimait pas cela. J’en fus quelque peu interloquée. Ma mère et des amis avaient emboîté le pas. Une fois dans le train, en me penchant par la portière et en voyant mon père droit dans ses bottes, sa canne à la main, je ne savais pas que je le voyais pour la dernière fois… Prémonition ou pas, je ne l’avais pas quitté des yeux cependant… Peu de temps après, je reçus un message de ma mère me demandant de me rendre à Allahabad immédiatement. En arrivant, je réalisai soudain que mon père n’était plus. Ma mère, comme beaucoup d’autres, avait suivi un régime durant la semaine. Mon père et elle avaient mangé un repas léger. Mon père s’était alors allongé pour faire sa petite sieste habituelle, tandis que ma mère s’était assise en méditation de 15 heures à 16 heures dans la pièce à côté. A 16 heures, elle fit un thé qu’elle alla lui porter. Elle fut surprise de le trouver immobile dans son lit et lui toucha l’épaule pour le réveiller. Bien qu’il ait eu l’air de dormir, elle comprit aussitôt qu’il n’était plus de ce monde. Par la suite, tout ce que fit ma mère nous sembla incroyable. Mais un jour, elle nous raconta en privé, qu’au moment où elle toucha mon père, elle sentit comme si Shrî Mâ lui attrapait le poignet avec force pour la guider ensuite dans tous ses mouvements. Il semblerait donc que ma mère fut sortie pour demander au jardinier Jagdeo

 

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d’aller chercher Madan, un ami de Bindou qui habitait au bout de la rue. Puis, elle téléphona à la famille du docteur et ami, Dr. Chatterjee, qui était absent. Elle demanda à sa femme de le faire venir dès que possible. Avant ce jour, ma mère n’eut jamais une occasion d’utiliser le téléphone pour appeler qui que ce soit, s’étant bornée à recevoir un ou deux coups de fil. Là, non seulement elle se chargea de téléphoner, mais elle obtint la ligne jusqu’à Varanasi en passant par l’interurbain. Elle était seule à la maison. Comment avait-elle fait pour localiser les numéros appropriés, pour appeler les standardistes, cela restait une énigme. Madan dit plus tard que lorsqu’il arriva, il la vit avec le combiné en main en train de parler avec Gyanvatijî. Finalement ma mère confia le récepteur à Madan et s’en alla jusqu’à la chambre de mon père où elle s’assit au pied du lit pour une grande partie des 24 heures suivantes. Nos amis et parents nous dirent plus tard qu’ils étaient restés émerveillés devant son expression sereine, et qu’ils comprenaient ce que c’était que d’être en présence de la grâce (kripâ). (p.250-251)

 

 

      Famille, amis, voisins, tout le monde arriva à Allahabad pour saluer une dernière fois mon père, voir son visage détendu encore en parfait état, et exprimer leurs condoléances. Quelqu’un fit remarquer qu’une telle mort n’était possible que pour un yogi d’une considérable élévation spirituelle, car ni son visage ni son corps ne montraient de traces de détérioration même après 24 heures. Ce fut ma première rencontre avec la mort. Jusqu’alors j’avais vu quelques corps de personnes aimées d’où la vie avait disparu, et j’en avais gardé le souvenir que leur visage était troublé. Aussi, après coup, je fus

 

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émerveillée de constater ce phénomène. Mon père n’avait pas dû se débattre pour lutter contre une crise cardiaque, car sinon ma mère l’aurait entendu ou ses draps auraient été en désordre. Apparemment il s’était éteint dans son sommeil. Shrî Mâ l’avait emmené aussi facilement que l’on cueille une fleur dans un jardin. (p.253)

 

      Quand l’Université ferma ses portes pour les vacances d’hiver, j’eus une étrange réticence à retourner au 31 George Town. Le vide laissé par la mort de mon père m’effrayait, mais Shrî Mâ vint nous trouver et il était impossible d’être triste en sa radieuse présence. Un jour, une jeune européenne vint lui rendre visite. Cette jeune fille apprenait le yoga en Inde. Mâ lui demanda de lui montrer quelques postures. Elle fit certaines démonstrations et ensuite s’étendit en shavâsana, la dernière posture de relaxation. Elle affirma qu’il était difficile de tenir cette posture correctement, car en dépit de tout, les muscles restaient tendus. Elle en fit la démonstration avec les jeunes filles qui étaient dans la pièce. Levant une main, ou un pied, ou même un doigt, elle dit : « Vous voyez, il y a très peu de résistance. Le corps devrait devenir comme s’il était sans vie au cours de cet exercice. » Shrî Mâ intervint : « D’accord, essayez avec moi. » Elle s’étendit sur son chowki. Son corps devint soudain aussi flasque que celui d’une poupée de chiffon. Le jeune yogi la testa en lui soulevant la tête, puis un ou deux membres. Elle resta stupéfaite. Elle n’avait jamais vu une telle perfection, même pas chez son propre gourou. Shrî Mâ se mit à rire en se rasseyant. Elle dit : « Ces  postures servent souvent d’exercices aux gens qui ne les réussissent que jusqu’à un certain point. Dans la sâdhanâ visant à l’émancipation

 

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spirituelle, les postures se prennent tellement naturellement qu’elles sont exécutées comme elles doivent l’être. »

      Je me souviens d’une autre occasion. Nous étions tous assis dans la chambre de Mâ, quand soudain elle se leva de son chowki et joignit les mains en un namaskara pour saluer quelqu’un debout devant la porte. On le fit entrer. Ma mère reconnut en lui le frère aîné de notre prêtre de famille. On lui amena un petit tapis carré. Lorsqu’il fut assis, Shrî Mâ s’installa par terre dans une attitude de déférence envers une importante personnalité. Au cours de la conversation qui suivit, nous apprîmes que cette famille de prêtres était apparentée au prêtre de famille de Bholanathji. Shrî Mâ et Bholanathji avaient visité Allahabad une fois dans les années vingt. Ils s’étaient arrêtés, le temps d’une journée, dans le temple de Kâlî à Muthyganj. Bholanath et Mâ avaient rendu une petite visite de courtoisie à cette famille de prêtres. C’était stupéfiant de voir que Shrî Mâ avait reconnu cet homme dès le premier coup d’œil après au moins 30 ans. Shrî Târâcharan Bhattâcharya quant à lui, se souvint avec émerveillement de sa première impression à propos de Shrî Mâ.

      Quand Mâ quitta notre maison, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Il était évident qu’elle était restée avec nous afin de nous aider à sortir de notre dépression, qu’elle nous avait soutenus avec bonté dans notre détresse d’avoir été soudainement plongés dans un chagrin profond. Rétrospectivement, on en vint à penser que Bindou avait souffert de sa première crise cardiaque à ce moment là. Il raconta calmement : « C’est comme si elle m’avait enlevé le poids que j’avais senti peser dans ma poitrine. » Ma mère n’était pas démonstrative, aussi continua-t-elle à rester calme et

 

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digne. Une fois, je l’entendis faire une remarque à une amie de son âge qui était venue en visite de condoléances : « Comment se comporter après la perte brutale de celui qui fut votre proche compagnon pendant près de 40 ans ? » Mais Shrî Mâ l’avait aidée depuis le premier jour. Quant à nous, au fur et à mesure que les années passaient, nous avions senti que le kheyâla de Mâ était resté constamment auprès d’elle, et auprès de chacun de nous. Nous sommes devenus très occupés par nos affaires et l’avons oubliée parfois, ce qu’elle ne fit jamais. A peine quelqu’un tendait la main qu’elle était aussitôt serrée dans une étreinte de soutien. Je dirais même que de temps en temps, au cours de nos pérégrinations, alors que nous aurions pu rester empêtrés dans l’engrenage du monde, nous en étions détournés par un kheyâla toujours vigilant. (p.254-255)

                                     (Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne)

 

 

LE MENTAL, LA SUPERPOSITION ET LA CONSCIENCE

                                          Par Monique Manfrini

Arjuna dit à Krishna, dans le sixième chapitre de la Bhagavad Gita que le mental est agitation et donc très difficile à contrôler pour atteindre la vision d'unité -yoga- développée par Krishna.

Arjuna connaît son mental tel qu'il est. Il n'a pas de doute sur sa véritable nature. Ce mental qui habituellement juge et souvent condamne est ici objectivement décrit par Arjuna.

 

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Arjuna est persuadé que son mental rend très difficile tout accès au yoga, à la vision d'unité : tous les êtres existant dans l'atma-conscience individuelle- et l'atma étant dans tous les êtres.

Mais, si le mental d'Arjuna est ainsi n'est-ce pas, avant tout, pour qu'il parvienne à le maîtriser?

Certes, une fois l'agitation de son mental reconnue, Arjuna doit agir pour parvenir à la maîtriser. Dans un monde en changement permanent, le mental qui l'appréhende ne peut être que le reflet de ce changement. L'état d'agitation semble donc être naturel. Dès lors, sommes-nous désarmés face à cette agitation?

Il faut que nous saisissions, avec ce mental changeant, la "permanence" de la vision d'unité. Comment saisir la "permanence" de cette vision avec un mental  "impermanent" ? Nous n'avons d'autre choix que d'accepter cette "impermanence". En effet, nous mobiliserions toute notre énergie inutilement si nous tentions de modifier la nature même du mental sans l'avoir exploré et observé longuement.

Nous pourrons, ensuite, le suivre dans tous ses méandres et pérégrinations tout en sachant qui le suit. Ainsi, nous pouvons le voir agir sans nous laisser submerger par son agitation : "Tiens, il s'intéresse à ce sujet. Il essaie de résoudre ce problème". Oublions, également, le "pourquoi?". La question est dépourvue d'intérêt immédiat. Bornons-nous à constater ses déplacements. Observons-le. Cela requiert une attention soutenue de toutes nos facultés.

 

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Qui est présent alors? Ce ne peut être notre mental errant puisqu'il va en tous sens, selon sa logique propre. Le sujet observe son mental."J" 'observe mon mental. Dès lors, se crée une distance entre "moi" et "mon mental". "Je" suis conscient de son fonctionnement agité, incontrôlé. Alors, "je" peux essayer d'appréhender cette distance entre "moi qui observe" et le "mental observé".

"Je" peux aussi, progressivement, tâcher d'apprécier ses choix, ses engouements, ses divers comportements.

Comment puis-"je" y parvenir? En me posant une question toute simple : "qu'est-ce que les choix, les engouements, les divers comportements du mental m'apportent à "moi, l'observateur"? Autrement dit, en quoi ces pensées me rapprochent-elles de la vision d'unité recherchée? En rien, évidemment, puisqu'elles sont erratiques, incontrôlées.

Je peux donc les négliger, ne pas y attacher d'importance, ne pas m'appesantir sur leur signification. Je me concentre alors sur le sujet, "je", en qui toutes ces pensées s'agitent. Ce tourbillon incessant de pensées dans lequel "je" me perds doit donc être connu de moi comme tel. Il ne peut me mener à la vision d'unité puisque "je" m'y égare.

Dès que je sais cela, je peux réussir à maîtriser le tourbillon des pensées. Pour ce faire, je m'efforce de maintenir la distance qui me permet de le voir tel qu'il est.

 

 

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Mais, quelle est la nature de cette distance entre "moi" et "mes pensées"

(mental) ? L'ego s'approprie les pensées (mental) comme, d'ailleurs, tout ce qui me concerne. Cet ego est insatiable. Il veut tout englober. Il veut tout posséder, avoir. Cependant, il considère comme acquis le fait d'être. Il utilise les pensées (mental) à son seul profit. Il phagocyte tout ce qu'il a et ne se préoccupe pas de "qui" il est. Ainsi, il assimile "son" être à ce qu'il a.

 Mon existence échappe au mental puisque la conscience d'exister n'est jamais abolie dans les trois états de la vie quotidienne -veille, rêve et sommeil profond-. Je sais toujours, inexplicablement, que je suis en vie à travers ces trois états. Dès que je me réveille je sais que je dormais et ce "je" désigne quelqu'un dont  j'ai une image mentale.

Même l'amnésique qui a tout oublié de son identité personnelle sait, cependant, qu'il est. "Je" ne représente plus pour lui quelqu'un de connu. Il n'a plus de représentation mentale concernant sa personnalité. Il ne sait plus quel genre d'être humain il était avant de perdre la mémoire. Les pensées relatives à sa personnalité se sont effacées, ont, soudain, été oubliées. Elles dépendent donc bien de la mémoire. Par delà les problèmes psychologiques que sa pénible situation peut lui causer, l'amnésique peut se composer une nouvelle identité, une personnalité nouvelle. L'ego peut donc changer profondément. Toutefois, l'oubli de l'ego n'abolit pas le sentiment d'exister. Le sentiment d'exister ne dépend

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donc pas de la mémoire. L'être humain peut se constituer un nouvel ego mais il ne doute jamais de son existence.

L'ego, lui-même constitué de pensées, se superpose donc sur le sentiment d'exister tandis que le sentiment d'exister est totalement indépendant de l'ego. L'ego peut évoluer à partir d'une observation critique de ses caractéristiques. Qui observe alors? L'ego peut-il s'observer lui-même? Puisque l'ego se superpose sur le sentiment d'être mais dépend de la mémoire et peut changer, une autre entité "permanente" doit exister. Cette entité "permanente" peut, seule, observer l'ego "impermanent", changeant. Elle est notre regard intérieur. Elle est conscience, indépendante de l'ego, mais dont l'ego dépend. Je suis sûr(e) que j' existe et j' utilise mes pensées tant que j' existe. Mais, qui les analyse, les évalue, les juge, en toute objectivité? Qui est cet "oeil intérieur", toujours ouvert sur mes pensées, mes sentiments et mes actions? Ce ne peut être mon ego qui ne se connaît pas et ne veut pas vraiment se connaître. Cet oeil de Caïn ne peut donc être que la Conscience, l'atma, sans changement, indépendante de l'ego changeant et précaire.

Comment connaître l'ego et comment se connaître? Les rishis ont dévoilé à l'être humain le fonctionnement du mental. Ils ont décrit nos trois corps- physique, subtil et causal- et sont remontés à leur origine et à celle de la matière. Ils nous ont laissé toutes ces connaissances afin

 

 

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que nous parvenions à nous connaître. Ils ont voulu nous aider à répondre aux deux questions que nous nous posons tous, un jour : Qui sommes-nous et que cherchons-nous à travers cette existence?

Initialement, l'être humain cherche, généralement, d'où il vient mais, rarement, qui il est. Il a le sentiment d'être et cela lui suffit. Il ne s'interroge pas sur son être. Il sent ses limitations physiques, psychiques et temporelles et cela lui fait très peur. Le fait qu'il vit est pour lui une évidence. Il a toujours voulu vivre éternellement mais, surtout, vivre un bonheur éternel. Une éternité de souffrance ne l'intéresse pas. Il sait assez ce qu'est la souffrance.
      Il veut donc connaître un état de bonheur éternel. Pour y parvenir, il utilise le seul outil mis à sa disposition afin d'effectuer cette recherche : son mental. Ainsi, parfois et pour quelque temps, il peut accéder à un certain bonheur. Mais, ce bonheur demeure précaire et transitoire tout comme l'est sa propre vie dans un corps matériel périssable. De plus, ce bonheur finit toujours par se dégrader et se transformer en frustration et en souffrance. L'être humain se lance alors dans une quête incessante et, in fine, douloureuse de tout ce qui peut lui procurer un moment de bonheur. Il tente ainsi de se rapprocher toujours davantage du bonheur éternel, tout en se comportant comme l'insecte qui finit par se consumer sur la lampe.

Son comportement est totalement irrationnel du point de vue de la seule logique alors qu'il est doté de raison, contrairement à l'insecte. Nous cherchons tous le

 

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bonheur éternel dans ce que nous croyons le mieux connaître: les objets, les pensées et les sentiments. Pour ce faire, nous leur attribuons des valeurs positives qui sont censées nous permettre d'accéder au bonheur éternel. Cependant, la tâche est ardue et elle se heurte constamment à l'échec. L'être humain ne se demande pas pourquoi, lui et tous ses semblables, recherchent toujours le bonheur éternel. Il est obnubilé par sa quête désespérée.

Mais, le jour vient où, soudain lucide ou épuisé, il réussit à prendre quelque distance par rapport à son mental. Il essaie, alors, d'abord, de se connaître.  Si, comme nous, l'insecte pouvait penser, il parviendrait à s'éloigner de la lumière qui ne peut que le tuer...A ce moment là, l'être humain commence à s'observer au lieu de se précipiter dans l'action et de surimposer ses impressions, opinions et valeurs sur tout ce qu'il appréhende. Il apprend, peu à peu, à voir tout ce qu'il perçoit sans ces filtres déformants. Il applique cette méthode à lui-même. Il se rapproche de plus en plus de sa vraie nature. L'ego et les pensées sont toujours là mais, désormais, l'être humain sait ce qu'ils représentent. Ils ne constituent pas un obstacle. L'autre est alors perçu comme soi-même. La dualité, la différence disparaît.

Seul, l'atma est. Seul l'ÊTRE est. TOUT EST UN : ÊTRE, CONSCIENCE, FELICITE!

 

 

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OM!

Monique Manfrini,

L'Estaque- du 11/07/06 au 21/08/06 -

 

 

 

 

 

Conscience en solitude

                                                        (Par Mahâjyoti)

 

SEUL avec sa Conscience

Dans un moment d’Absence

Conscient de la Présence

Qui vous donne confiance…

 

SEUL avec son Ego

Qu’on cache, incognito,

On quitte la matière

Plongeant dans la lumière

 

Des livres des grands Maîtres

D’où on se sent renaître.

On emprunte un passage

Vers un grand lessivage…

 

Noumènes (subjectif)

Phénomènes (objectif)

Vers la Libération,

La Réalisation !

 

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Moi, Je, Vous, Lui…Qui suis-je ?

L’apparence à vos yeux

D’un concept, d’un non-lieu,

D’un reflet, d’un prodige ?

 

Dans le Manifesté

Du Non-Manifesté

Il faut tout effacer

L’Absolu doit rester.

 

Il faut l’obéissance

En totale ‘vacance’

Il faut l’humilité

Il faut la vacuité

 

Et la Non-Dualité

Vivre dans l’Unité

Sortir de l’illusion

Et du jeu des passions.

 

L’individualité

La personnalité,

Vil asservissement,

Puéril fonctionnement.

 

Entité ridicule

Annihile ton ‘moi’ !

Petite particule

Reste unie dans le ‘Soi’…

 

Identification

Dans cette unicité.

Puis séparation

Dans cette dualité.

 

L’inertie, la matière,

Le bon et le méchant,

L’ombre et la lumière,

Ne seraient que néant ?

 

Seul reflet d’une image

Nous dit bien Maharaj…

Je ne suis que ‘cela’ !

L’Atma est au-delà…

 

Dans son Enseignement

Mâ Anandamayî,

Dans son Renoncement

Ramana Maharshi

 

Maîtres qui ont quitté

L’humble souffle de vie

Qui les a habités

Nous ont légué l’envie

 

D’aller au fond du coeur

De trouver l’ouverture

Bien que SEUL on demeure

Face à sa vraie nature…

 

SEUL avec sa Conscience

Dans les moments d’Absence

Proches de la Présence

De la ‘Non-Existence’…

 

Il faut garder confiance,

Et près du Samâdhi

Rejoindre en sa Conscience

Mâ Anandamayî…

                                 Mahâjyoti

                       (Geneviève Koevoets)

   (En un 15 Août désert, mais riche de lectures…)

 

 

Le Voyage Intérieur

 

(Poème à mes participants

au  voyage)

 

Avec vous je n’irai

Mais je m’envolerai

Sur l’aile du bonheur

Du Voyage Intérieur…

 

Mon chemin, ma démarche

Dans leur évolution

Ont voulu que je marche

Vers une autre mission.

 

Mon Voyage Intérieur

N’est pas un abandon

Car mon âme et mon cœur

Vous accompagneront.

 

Si l’Inde est un joyau

Dans sa comparaison

C’est divinement beau

En imagination !

 

C’est chez moi que je crée

Mon travail en amont.

C’est là-bas l’apogée

De son application.

 

Différente est l’optique

Avec le temps qui passe

Je garde l’authentique,

Le recul, et repasse

 

 

 

Le chemin parcouru

Dans l’émerveillement !

Découverte absolue

Du pur Enseignement

 

Que je dois appliquer

Dans ma vie, dans ma foi

Non plus me promener

Mais vivre dans le SOI !

 

Dédoublement subtil

De l’Inde en mes voyages

Qui renaît sur le fil

Déroulant des images.

 

Il est très beau en rêve

Ce voyage vécu

Ce n’est pas qu’il s’achève

Puisqu’il est entendu

 

Que dans ma sadhâna,

SEULE, auprès de mes guides,

J’irai retrouver Mâ

Il n’est donc point de vide !

 

Ma famille est sur place

Son nom est ‘Ananda’

Hautement elle remplace

Celle qui n’est plus là…

 

Je suivrai son appel

Et Mâ, dans sa splendeur,

Rendra vrai l’irréel

Du Voyage Intérieur…

 

                   Mahâjyoti

          (Geneviève Koevoets)

 

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Purna Brahma Narayânî

 

Par Kamal Narâyân

 

     Voici la suite du poème d'Antonio Dagnino, auquel Mâ a donné le nom de Kamal Narâyân. Les trois premières parties (dans le n° 81) s'appelaient Om Mâ, Om Hrim et Om Shrim, les deux derniers termes correspondant à des mantras-semences de la déesse. En une seule syllabe, ils ont le pouvoir de la faire descendre dans le fidèle qui l’invoque. La dernière partie que nous donnons ci-dessous est intitulée Om Aim. Abhinavagupta interprétait ce mantra-semence comme la rencontre du masculin, a, et du féminin, i, pour induire le mariage intérieur des parties droites (Shiva) et gauche (Shaktî) du corps dans le canal central.  En effet, ai se prononce é ou è en français comme en sanskrit.

 

Om Aim

 

Tu es le son,

la musique des sphères,

le rythme parfait

qui harmonise l'énergie

et articule la création.

 

Tu es la musique,

le son de vie et le son de mort

chantant ta plénitude,

car tu es le son

et tu es son témoin.

 

L'immensité du vide

et dans cet espace

une lumière,

et à l'intérieur de cette lumière

la parole qui donne naissance à tous les mots,

le Logos

contenu dans un silence au-delà du temps

dans l'immobilité de l'Absolu,

et exprimant l'Absolu dans le temps

comme des vibrations-semences

qui font apparaître la multiplicité,

plaisir et souffrance,

action et extase.

La vérité Une

devenant relative

et pourtant Une dans chaque partie.

Le son Un

devenant atomes, formes, univers,

Une profondeur infinie d'Etre

divisée et jouant avec lui-même.

L'intelligence parfaitement libre

Cristallisée sous forme de pensées

En tant que conscience centrée sur le Soi,

En tant que mémoire attachée à la forme

et karma se nourrissant de contradictions.

 

Dans le nadir, le fond du fond de la souffrance,

dans la culmination du combat héroïque du mental,

le zénith de l'introspection,

dans ce moment de solitude suprême

dans laquelle seule la mort est,

le silence est né

ainsi que la bénédiction infinie de la paix

qui unit de nouveau

ce qui est né ce qui n'est pas né,

l'enfant et la mère...

les pensées dissoutes dans la joie...

 

Matrice de révélations !

Rivière pure de sagesse éternelle

qui nourrit l'humanité,

montre les voies de libération 

selon les besoins de l'évolution.

 

Tu es l'art le plus pur,

la poésie sublime des Voyants,

la quintessence des religions,

la bonté sous-jacente

au-delà du bien et du mal relatif

.... Et tu es aussi la confusion,

le langage utilisé pour mentir,

les pensées utilisées pour diviser,

la force utilisée pour exploiter.

Tu crées des myriades de désirs illusoires

que la mort met en échec,

pour nous enseigner, en nous forcer à faire preuve de discernement

et à chercher la vérité ainsi que l'immortalité,

en révélant enfin, quand tu choisis de le faire,

que tu es Tout , et en tout,

et Cela qui est au-delà...

 

All Names are Your Names,

All Forms Are Your Forms

Par Kamal Nârâyân Dagnino,

Traduit de l’anglais par Vigyânânanda

 

Nouvelles

 

- Swâmî Nirgunânanda s'est rendu en Europe et aux États-Unis cet été. Il a animé une retraite à Terre du Ciel, où il a commenté le premier tiers des Narada Bhakti Sutras. Il y retournera pour continuer le second tiers l'an prochain du 7 au 12 août, cette fois-ci Vigyânânanda ( Jacques Vigne) sera aussi là-bas pour la traduction.

- Swâmî Vijayânanda a repris ses satsangs comme d'habitude après s'être bien remis de son opération de la prostate en mai. Nous avons eu à Kankhal du 7 au 15 août un groupe réuni par le magazine Infos-Yoga avec son directeur, Mathieu. Ils ont logé au Centre International et nous avons eu des sessions de yoga et de méditation dans la salle au-dessus du musée de Mâ. C'était la première fois dans son histoire que l'ashram de Mâ  ouvrait ses portes pour une retraite avec un groupe d'étrangers. Il y avait eu certes des Occidentaux qui étaient venus aux semaines de retraite de Mâ de son vivant, et il y en a toujours qui participent individuellement à la Samyam Sapta, mais ils n'ont pas un programme indépendant à l'intérieur de

 

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l'ashram. Le groupe est ensuite parti pour effectuer une belle randonnée sur le sentier de pèlerinage le long du Gange, et  a visité Déoprayag ainsi que Rishikesh.

- Un concert de musique indienne avec le flûtiste Hariprasad Chaurasya va se tenir à Londres vers le 25 septembre. Plusieurs Swâmîs de l'ashram de Mâ seront présents, dont Bhaskarânanda et Nirgunânanda. Ceux qui voudraient s'y rendre peuvent prendre les informations auprès de Christopher Pegler, Czjp.Pegler@btinternet.com

- La semaine de retraite, Samyam Sapta, aura lieu du 28 octobre au 5 novembre. Les fidèles qui ne peuvent pas venir ont toujours la possibilité de s'associer à distance en intensifiant leurs pratiques de méditation durant cette période.

- Vigyânânand reviendra en France après cinq ans pendant dix mois à partir de mars 2007, pour une tournée de conférences et séminaires et la publication a priori de plusieurs livres.

 

 

 

Nouveaux abonnements

 

Le renouvellement général des abonnements aura lieu lors du numéro de mars 2007. Pour ceux qui ne reçoivent pas le ‘Jay Mâ’ et voudraient s'abonner maintenant,  ils peuvent le faire pour dix numéros jusqu'en mars 2009, en faisant un chèque de 20 € à l'ordre de Jacques Vigne et en l’envoyant à :

Nadine et José Sanchez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte-Croix

84110  Vaison-la-Romaine

       L'abonnement pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par voie électronique est aussi possible. Envoyer un chèque de 10 €  à l’ordre de Jacques Vigne à Nadine et José et signalez votre inscription à Mahâjyoti qui a accepté de se charger bénévolement des envois par courriel  koevoetsg@wanadoo.fr  en les illustrant des photos de Mâ.

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ                                                             p.1

Shrî Mâ et le Pr Upendra Gupta par AKD Gupta     p.2

Ces jours anciens avec Mâ  par B.Mukerjî                p.5

Le mental, la superposition et la conscience

par M.Manfrini                                                 p.20

Conscience en solitude et Le voyage intérieur

 par Mahâjyoti (G.Koevoets)                                      p.27    

Purna Brahma Narayânî par Kamal Narayân p.33

Nouvelles                                                                     p.36

Nouveaux abonnements                                                p.37

Table des matières                                                        p.38

 

 

 

 

 

Jay Ma 83  -   Hiver 2006-2007

 

 

 

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Paroles de Mâ

 

    Si quelqu’un n’agit pas pour l’amour de Dieu et qu’il n’assume pas d’un cœur joyeux toute responsabilité qui puisse lui incomber n’importe quand, il trouvera l’existence excessivement ennuyeuse et ne sera jamais capable d’accomplir quoi que ce soit. Le devoir de l’Etre humain – en particulier pour ceux qui ont fait de la Quête Suprême leur but seul et unique – est de travailler joyeusement pour élever le niveau du monde, avec la conviction que tout service est Son service. Le travail fait dans un tel esprit aide à purifier l’esprit et le cœur.

 

    Ecrivez-lui que son état occupe en fait souvent le kheyal de ce corps. Lui-même, par son propre effort de volonté, doit faire preuve d’un esprit fort et laisser tomber son attitude négative. Au contraire, il doit avoir la détermination de ressentir que ça sera possible, que la réussite finalement lui échoira. Il doit se dire en son for intérieur : «Quelque soit l’état dans lequel Dieu se plaît à me garder,  c’est à cela que je me résigne, en m’abandonnant à Celui dont je suis la créature, dont « ceci » est le corps. C’est tout. Avec un calme et une tranquillité parfaite, il doit rester complètement allongé dans ce qu’on appelle shavâsana,  la posture du cadavre et répéter silencieusement son mantra en rythme avec son souffle. Il n’y a qu’un Brahman sans second. (Ekam advaitam Brahman), c’est ce qu’il doit réaliser. Ecrivez-lui en des mots simples que pour lui, il n’y a pas besoin d’intermédiaires.

 

…C’est l’attachement au monde qui a apporté une telle détresse chez ce malheureux.  Rien d’autre que l’ignorance est à la racine de tout cela. Il doit continuer à donner de ses nouvelles à ce corps de

 

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toutes les façons qu’il peut : il n’a personne à qui il puisse confier ses perturbations et chagrins qui – chacun en son genre – ne sont que les fruits de ses propres actions passées.

 

Quelque soit le travail que l’on fasse, on doit le faire bien. Si l’on cultive l’habitude de faire tout bien, il y a bon espoir qu’on fera de même sur le chemin spirituel également. L’action est Lui, le responsable de l’action est Lui et personne d’autre.  En toute circonstance, on doit s’efforcer de développer cette attitude d’esprit. La Vérité, CELA qui EST, doit être adoptée complètement.

 

(Paroles extraites d’Ananda Varta, octobre 2006)

 

 

Le jeu de la sâdhanâ de Mâ

 

Extraits de En compagnie de Mâ

de AK Datta Gupta.

 

 

   Il y avait avec nous une Gujarati, Mademoiselle Maniben. Elle demanda : « Mâ, vous venez de vous référer à vos visions du passé et du futur. Comment les avez-vous ? Les voyez-vous avec vos deux yeux physiques ou (en indiquant l’espace entre les deux yeux) avec le troisième œil qui est ici ?

Mataji : Comment est-ce que je les vois ? Pourquoi pas ? Les yeux sont sur tout le corps. Ne savez-vous pas que tout est dans tout ? Les mains, les pieds, les cheveux, en fait chaque partie du corps peut

 

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devenir un instrument de la vision.  Bien sûr, il est tout à fait possible de voir à travers les deux yeux que tout le monde possède ; et l’existence d’un troisième œil est également vraie. Cela peut vous sembler étrange, mais est cependant exact.

    Une fois, ce corps a vécu seulement de trois grains de riz quotidien pendant quatre ou cinq mois. Qui donc peut vivre si longtemps avec un régime si réduit ? Cela semble un miracle, mais il en a été ainsi avec ce corps. Il en a été ainsi, parce qu’il peut en être ainsi. La raison, c’est que ce que nous mangeons ne nous est pas du tout nécessaire.  Le corps prend simplement la quintessence de la nourriture, le reste est évacué. En conséquence de la sâdhanâ, le corps se met à être constitué de telle sorte que, bien qu’il ne prenne rien physiquement, il peut prendre de l’environnement ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance. On peut maintenir le corps de trois façons sans nourriture : nous venons d’expliquer la première, la seconde, c’est que nous pouvons vivre d’air seulement. Car je viens d’indiquer qu’il y a tout en tout ; ainsi les propriétés des autres choses sont dans l’air également. Par conséquent, en n’inspirant que de l’air, on absorbe aussi l’essence des autres choses. Troisièmement, il peut arriver que le corps ne prennne rien du tout, mais que pourtant il soit maintenu inchangé en état de samâdhi. Vous trouverez donc qu’en état de sâdhanâ, il est tout à fait possible de vivre sans ce que nous appelons nourriture. De la même façon, la sâdhanâ peut effectuer de telles transformations dans le corps qu’en vertu de celles-ci, chacune de ses parties peut assumer la fonction des yeux. »…

    Une dame fit remarquer : « Mâ, je vous ai entendue une fois chanter et pleurer »

 

 

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Mataji : Il n’y a rien qui soit uniforme en ce corps. Svabhava,  sa prore nature, suit son cours naturel. Le chant et les pleurs que vous mentionnez sont possibles à un certain stade de la sâdhanâ. Supposez que je m’assoie pour chanter. A cette époque mon idée était que c’était par la Grâce de Dieu que je prononçais Son Nom. Comme je continuais à répéter Son Nom, une autre idée m’a saisie et je pensais : « Hélas ! Je prie avec tant de ferveur et depuis si longtemps, et pourtant Dieu ne s’est pas révélé à moi ! » Ce sens de frustration m’a créé une douleur dans le cœur, et tout d’un coup mon visage s’est mis à être baigné de larmes. Ce sont, bien sûr, des états d’ignorance, car avec l’aube de la Connaissance même les prières et la sâdhanâ cessent.

     Quand les différents stades de la sâdhanâ se sont manifestés à ce corps, quelle variété d’expériences je n’ai pas eues ! Parfois j’entendais distinctement : « Répète ce mantra » ! Quand je l’obtenais, un questionnement s’élevait en moi : »S’agit-il du mantra de Ganesh, ou de Vishnou ? » Ou quelque chose comme cela. De nouveau, une autre question se  manifestait : « A quoi ressemble-t-il ? » En un instant, une forme se révélait. Chaque question trouvait sa réponse immédiate et il y avait une résolution immédiate de tous les doutes et méfiances. »

      « Un jour j’ai reçu de façon claire le commandement : « Tu ne dois plus t’incliner devant qui que ce soit ». J’ai demandé à mon conseiller invisible : « Qui es-tu ? » La réplique est venue ainsi : « Ta shaktî (ton Pouvoir) ». Je pensais qu’il y avait une shaktî distincte en moi qui me guidait en émettant des ordres de temps à autre. Comme tout ceci est survenu au stade de la sâdhanâ, la connaissance, jñâna, s’est révélée morceau par morceau. La connaissance intégrale dont ce corps était doué dès la naissance était

 

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brisée, pour ainsi dire, en divers fragments et il y avait quelque chose comme une surimposition d’ignorance. A cette époque j’étais mauni, j’observais le silence. Cela était aussi dû à un commandement particulier. Le père de ce corps était venu me voir, et je ne pouvais présenter mes respects, même pas à lui. Ce n’était pas que je refusais de le faire intentionnellement, mais ce corps s’abstenait de faire quoi que ce soit qui se serait opposé aux commandements qu’il recevait de temps à autre. Quand il s’est aperçu que je n’accomplissais pas mon devoir envers lui, il fut vexé. Mais comme j’étais mauni à cette période, je ne pouvais lui expliquer la situation. Il s’est mis à me considérer avec suspicion. Il était d’avis que si mes divers états d’âme et expériences étaient d’origine spirituelle, il n’y avait pas de raison pour que je manque de respect à ceux auxquels respect était dû. Ceci l’a amené à consulter différentes personnes à propos de mon état.

    A cette époque, Shivaratri, (la nuit de Shiva en février) est arrivée. En cette occasion, l’habitude était avec le père de ce corps de rester assis ensemble et de rendre culte à  Shiva. Il effectuait les quatre poûjâs correspondant aux quatre veilles de la nuit. Cette fois-ci aussi il accomplissait les poûjâs comme d’habitude et je l’accompagnais pour faire les préparations. Au début de la quatrième poûjâ qu’il célébrait aux intentions de ce corps, quelque chose d’étrange s’est passé : il s’est aperçu que tandis qu’il progressait dans le rituel, ce corps prononçait toutes les prières et mantras nécessaires automatiquement. Cela lui causa une grande surprise. Bien que ne disant rien, il ne pouvait s’empêcher de me regarder de temps en temps.

     Quoi qu’il en soit, continuons à parler de ma sâdhanâ. Après quelque temps, j’ai de nouveau entendu une voix à l’intérieur de moi

 

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qui me disait : « A qui veux-tu présenter tes respects ? Tu es toute chose. » Instantanément je réalisais que l’Univers était entièrement ma manifestation. La connaissance partielle a alors laissé la place à l’intégrale, et je me suis trouvée face à face au Un qui se manifeste comme multiple. C’est alors que j’ai réalisé ce pourquoi on m’avait interdit depuis si longtemps de m’incliner devant qui que ce soit. »

Moi-même : Combien de temps s’est écoulé entre ces deux stades ?

Mâtajî : Très longtemps. Cependant, durant cette période, différents vibhutis, phénomènes extraordinaires, se sont manifestés à travers ce corps. Ils sont apparus de diverses façons : parfois presque dans un état d’ignorance, par exemple je m’apercevais que dès que je touchais un patient particulier, il guérissait sous peu, mais je ne savais pas d’avance qu’il guérirait de cette façon. Parfois la manifestation se déroulait avec une connaissance mêlée d’ignorance, par exemple en voyant le patient, je me mettais à raisonner ainsi : « Je sais de mon expérience passée que mon contact a un effet de guérison ; si je touche le patient il peut être soigné ». Pour vérifier ceci, je le touchais et je m’apercevais qu’il était immédiatement guéri. D’autres fois enfin, les vibhutis, les manifestations extraordinaires se sont déroulées en toute conscience et connaissance de ma part. Ainsi je savais pour sûr que je pouvais soigner une maladie par simple contact, et je l’effectuais en ayant toute confiance dans le succès. »

Jiten Babou : « De quelle façon vos vibhutis se sont-ils manifestés ? Et comment se manifestent-ils maintenant ?

Mâtaji : Les vibhutis sont devenus une partie presque intégrante de mon svabhava, de ma nature propre.

Jiten Babou : Je ne vous suis pas vraiment.

 

 

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Mâtajî : ‘Les vibhutis devenant une partie du svabhava’ signifie que tout est régulé par le svabhava ou le Soi Suprême. Il en était ainsi avec ce corps depuis la petite enfance. De telles révélations de secrets ne sortent pas toujours en provenance de ce corps.  Puisqu’elles viennent spontanément maintenant, je les laisse s’exprimer. Laissez-moi vous dire que ce que je suis maintenant, je le suis depuis mon enfance. Cependant, il y avait comme une surimposition d’ajñâna, d’ignorance quand les différents stades de sâdhanâ se manifestaient à travers ce corps. Mais quelle sorte d’ajñâna était-ce ?  C’était en réalité jñâna prétendant être ajñâna

    A ce stade de la sâdhanâ, vibhuti se manifeste d’abord en tant que joie qui vient de la récitation du Nom de Dieu. Quand les personnes expérimentent ceci, elles pensent qu’elles ont obtenu tout ce que la sâdhanâ peut livrer, et elles sont ainsi stoppées dans leur ascension. Mais celui qui continue à avancer sans se laisser submerger par de telles manifestations se trouve muni de divers pouvoirs miraculeux. Cependant, ces pouvoirs ne sont pas faits pour être déployés. On doit les garder soigneusement sous contrôle. Seul  peut connaître le vrai Soi celui qui garde vivante une soif insatiable du Divin, en ne se contentant pas de la possession de pouvoirs surnaturels – des pouvoirs qui lui permettent de guérir une maladie par un simple contact de la main ou qui mènent à l’accomplissement instantané de tous ses désirs. »

 

 

 

 

 

 

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Les messages de Shrî Mâ

 

Extraits deEn compagnie de Mâ Anandamayî’

Par Bithika Mukerji

(Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne)

 

«  Seul parler de Dieu est valable.

Tout le reste n’est que vanité et souffrance ! »

 

      Mâ se plaisait à répéter, partout et encore, cet énoncé lapidaire.

      Un jour, un jeune homme moderne très audacieux osa dire carrément à Shrî Mâ que la félicité pourrait être aisément expérimentée en prenant des drogues appropriées, aussi pourquoi devrions-nous aller vers autant d’austérité (tapasya) ?

      Shrî Mâ répliqua : « Oui, mais ces expériences sont passagères et non parfaites. Elles ont des répercussions déplaisantes. La félicité, selon les Ecritures, ne peut pas être provoquée artificiellement parce qu’elle n’est pas liée au physique ou au mental, ni même au niveau intellectuel. En effet, on ne peut rien faire pour nous y amener. On peut seulement se préparer et attendre cet évènement comme une réalisation. Ce n’est pas un état d’âme, mais on devient la nature même de la félicité. » Shrî Mâ était connue en général pour éviter la terminologie moderne concernant les états élevés de conscience. Je l’entendis une fois dire avec emphase : « Parler de l’expansion de la conscience sans référence à la foi et à la dévotion est pure indulgence euphorique (vilasa). Si vous laissez Dieu en dehors de

 

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vos intérêts dans la vie, alors vous vous désengagez du chemin qui mène à la paix absolue. »

      Tout comme Shrî Mâ ne tolérait pas la banalisation dans la vie de dévotion, elle mettait entre parenthèses tout épanchement émotionnel et tout étalage ou manifestations physiques de sentiments religieux. Je l’ai entendue dire à quelqu’un qui était enclin à ce genre de démonstrations : « On doit toujours garder le contrôle sur sa propre conduite et ses propres émotions. Si vous vous perdez dans ces flots de sentiments vous n’en obtiendrez aucun résultat favorable. Pourquoi ? Parce que certains spectateurs pourraient faire des remarques désobligeantes dont vous n’avez que faire. D’autres pourraient être sincèrement impressionnés au point de commencer à vous admirer. Cela n’incite pas non plus à une vie de sâdhanâ. Chacun doit procéder selon son propre chemin, sans se laisser distraire par des considérations en dehors du sujet. »

      Shrî Mâ insistait toujours sur la nécessité de l’intimité et de la force intérieure. Une sâdhanâ se devait d’être pratiquée loin des regards indiscrets, disait-elle, et elle ne devait pas non plus causer d’inconvénients pour les autres. Une femme lui demanda : « Mâ, je n’ai même pas le temps de m’asseoir tranquillement, ne serait-ce que dix minutes. Il y a toujours quelque chose ou quelqu’un qui va me solliciter alors que je suis enfin sur le point de me retirer en moi-même. » Shrî Mâ sourit et dit : « C’est ce qui arrive dans un ménage, mais laissez les choses et la famille vous occuper pendant le jour, et gardez les nuits pour vous-même. »


 

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      A une autre personne qui lui exposait un problème du même genre, elle répondit : « Est-ce qu’un homme peut se planter debout devant la mer en pensant qu’il ira se baigner quand les vagues auront diminué ? Il doit se jeter à l’eau en bravant les déferlantes. »

      Un autre point sur lequel Mâ insistait était la constance intransigeante. Elle disait : « Ne renoncez pas à l’effort. Si vous tombez de sommeil, faites un petit somme ; si vous mourez de soif, allez prendre un verre ; mais revenez encore et toujours à votre nâma japa. Dites-vous bien : je dois, je dois finir mon nâma japa, peu importe si je suis dérangée une ou plusieurs fois. » (p.228-229)

      Durant l’un des satsangs de Mâ très courus à Varanasi, une question fut posée concernant les réincarnations. Pandit Vaidyanath dit : « Mâ, nous croyons en la réincarnation selon les lois karmiques. »

      Shrî Mâ : « En effet, il en est ainsi. »

      Question : « Mais les chrétiens croient en une seule naissance. Après la mort, ils vont attendre le Jour du Jugement quand Dieu décidera de leur destinée. »

      Shrî Mâ : « Oui, c’est la vérité. »

      Chacun se mit à rire en entendant Mâ souscrire à deux points de vues apparemment aussi opposés. Mais Mâ ajouta : « Bholanâth avait l’habitude de m’appeler la reine de la Cour d’Appel (Appealeshwarî), parce que j’ai toujours l’air d’être d’accord avec tout le monde. Le fait est que je vois clairement un rapport entre ces affirmations qui, prises singulièrement, mènent à la totalité ou à l’infinité. Que faut-il là-dedans rejeter et que faut-il accepter ? Les croyances appartiennent au domaine de l’esprit. L’esprit est modelé et déterminé par préférences inconscientes (samskâras). La tendance naturelle à aller vers un tas de croyances vient de préférences

     

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engrammées qui nous sont parfois inconnues. Tout ce que je vois c’est que si quelqu’un exprime une croyance et qu’il est convaincu que ce en quoi il croit est vrai, eh bien si tel  est son point de vue, c’est vrai ! » (p.231)

 

Ganga…mère divine

 

      Quand je contemple l’irrésistible variété, la profondeur, l’intensité et le flot ininterrompu des paroles (vani) de Shrî Mâ, j’ai envie de les comparer à l’avènement du Gange sacré dans notre pays. Aucun mot ne pourrait vraiment mettre en valeur le mystère de ce fleuve grandiose qui s’impose à notre premier regard dans toute sa majestueuse apparence, dans la beauté de ses eaux bleues profondes tombant en cascades dans la résonance de ses gorges, dans la progression joyeuse et dansante de ses ravins et de ses plaines au pied des chaînes de l’Himalaya. Ici le fleuve change de rôle. Ses eaux brillantes et scintillantes deviennent calmes et sereines. Le Gange s’écoule, profond, large et gracieux, permettant à son peuple de tirer de lui autant d’avantages qu’il peut en provenir de son abondante présence. Il leur permet de profiter de sa générosité, et même de l’exploiter, d’en abuser. Et puis silencieusement il se retire jusque dans l’océan. Même dans l’acte de se retirer, il se partage en d’incommensurables parcours, pour le bienfait de ses enfants toujours insatiables. Il arrive majestueux et son élégance regorge de plénitude, kilomètre après kilomètre, jusqu’à ce qu’il rejoigne l’océan pour se mélanger dans l’anonymat de l’immensité. A travers toutes les variations de son trajet, il maintient sa pureté. De Gomukh à Gangâsagar ses eaux sont sacrées et confèrent la paix à tous ceux qui viennent à lui. Pour les hindous, le Gange est considéré


 

 

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 comme la mère divine appelée Gangâ, qui ne se refuse à personne. Chacun, de façon égale, est le bienvenu sur ses rives pour y trouver la sainteté, la paix, et la tranquillité. (p.232)

 

Les paroles de Mâ

 

      Je me souviens d’une conversation sur le futur de l’Inde entre un sadhou de la Mission  Ramakrishna et Mâ. Le Swamijî essaya longtemps d’obtenir quelques déclarations concernant le futur, mais Shrî Mâ éluda ses requêtes. A sa question : « Parviendrons-nous jamais à rejoindre les gloires du passé et à nous élever vers de nouvelles splendeurs dans le futur ? » Shrî Mâ répondit : « Si vous êtes si nombreux à penser que tel devrait être le cas, alors peut-être qu’une telle atmosphère pourra prévaloir et que vos rêves deviendront réalité. » Le Swamijî resta pessimiste. Il ajouta : « Les gens ne s’en soucient guère. Ils sont occupés à copier l’Occident. Quant à eux, les occidentaux, ils commencent à apprendre, à suivre nos chemins et à emmener tout le meilleur de l’Orient avec eux. » Shrî Mâ répliqua : « Pourquoi dites-vous ‘eux’ ? Ils sont aussi ‘vous’, n’est-ce pas ? » Cette réponse fournit au Swamijî de quoi ruminer et nourrir ses pensées. (p.232-233)

 

      En écoutant ses conférences, ses discours et conversations courantes à longueur d’année, je réalisai que Mâ évoquait à notre intention l’ancienne pensée des Upanishads, pensée de discrimination entre ce qui est plaisant (preyas) et ce qui est bon-en-lui-même (shreyas). Tous buts dans la vie, toutes valeurs guidant la conduite pouvaient être englobés par elle en une seule rubrique à la

 

 

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recherche d’une ultime vérité. Le fait de donner 10 minutes chaque jour, ou un jour dans une semaine à un programme de samyam (modération, abstention) faisait partie du comportement général d’une vie consacrée au souvenir de Dieu.

      Mâ semblait jauger avec subtilité et précision l’aura de tous ceux qui l’approchaient pour être sous sa conduite ; elle leur donnait le point de départ, peu importe le niveau où ils se trouvaient ; elle redonnait de l’espoir aux plus pessimistes des interlocuteurs. Parfois, elle les rencontrait avec indifférence, et c’était également admissible de sa part. Un jour elle affirma : « Si vous n’avez aucun intérêt et n’avez rien à demander, alors je n’ai rien à vous dire, mais si vous demandez et si je sens mon kheyâla, alors je vous dirai certainement les shreyas, les ultimes buts de la vie qui valent vraiment la peine pour tout être humain. » (p.233)

 

     

      Un idéal de renonciation imprégnait ses discours tel un fil entourant un bouquet de fleurs. Non pas qu’elle eut demandé à quiconque de renoncer à tout, au monde, à la société, à la carrière, à la famille, à la maison ou aux amis. Elle disait plutôt que si on pouvait arriver à abandonner le mental aux pieds du Seigneur, on n’aurait plus besoin de rien d’autre. Tout adviendrait au moment voulu. Cependant, elle accorda le plus grand respect à tous ceux qui avaient choisi d’être des renonçants, des hommes en robe orange. Graduellement, des gens de notre génération s’approchèrent de ce nouveau chemin ; en considérant notre sadhou-samaj, notre « société de sadhous », on doit reconnaître que précédemment, les gens en robe ocre-orange avaient plutôt été regardés avec méfiance. Il faut

 

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aussi rappeler que Shrî Mâ elle-même fut déçue par ces personnes un nombre incalculable de fois au cours des années, mais elle ne se départit jamais, même pas d’un iota, de son attitude respectueuse en la présence d’un sannyâsi (renonçant). Ces hommes et femmes étaient voués à être appelés très haut, et par conséquent ils méritaient le respect.

      Une question revenait sans cesse dans le voisinage de Mâ : « Est-ce qu’un homme peut voir Dieu ? »

      Shrî Mâ : « Bien sûr qu’il peut. Il apparaît devant les yeux des humains, exactement comme vous me voyez devant vous en train de vous parler, ainsi on peut voir Dieu et tenir une conversation avec Lui. »

 

 

      Shrî Mâ dit maintes fois qu’elle n’était qu’une spectatrice, qu’elle n’était pas ici pour faire quoi que ce soit ou enseigner à qui que ce soit. En fait, où était « l’autre » ? Elle était elle-même tout ce qui Est, même pour elle il n’y avait pas d’espace pour reculer, aussi qu’y avait-il pour elle à faire ou à dire ? En définitive, si on lui demandait de donner son avis, elle répétait ses mots habituels (vani) :

« Seul parler de Dieu est valable.

Tout le reste n’est que vanité et souffrance ! » (p.234)

 

 

Bindou et moi en quête de travail

 

      Didi avait été malade. Des douleurs de dos l’avaient clouée au lit. Plusieurs chirurgiens de bonne réputation vinrent la visiter. Leur

 

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diagnostic fut implacable : tuberculose des os. Afin d’immobiliser entièrement sa colonne vertébrale, ils préconisèrent d’utiliser un plâtre et voulurent que Didi se rende à Bombay pour la durée du traitement. Bhaiya libéra son appartement pour Didi et sa suite. Rénou se souvint qu’il y avait des groupes de femmes auprès de Shrî Mâ, toutes ferventes adeptes prêtes à s’acquitter de son kheyâla. Bien que Rénou et Gini aient admiré la riche installation de cet appartement avec sa vue magnifique donnant sur l’océan, pendant bien des jours elles ne surent pas qui était le propriétaire des lieux. C’était un exemple extraordinaire d’auto-effacement. La femme de Bhaiya, Lîlâben, s’était entièrement identifiée à l’attitude de Bhaiya envers les fidèles de Shrî Mâ. On put admirer son savoir-faire en matière de maîtresse de maison, de même que sa générosité et son dévouement pour Mâ. Leur maison à Villeparle devînt une annexe de l’ashram tel qu’il était alors. Les fidèles de Shrî Mâ se relayaient afin de venir à Sunayana House pour différentes raisons. Quiconque en mal de traitement médical était envoyé à Bombay aux bons soins du Dr. Surabhai Seth qui était le responsable médical du Nanawati Hospital de Villeparle. Pendant plus de quarante ans ces ferventes fidèles continuèrent à rendre à Shrî Mâ ce genre de services que le commun des mortels pourrait à peine imaginer. Shrî Mâ en arriva à compter sur Bhaiya comme sur un infaillible support de son kheyâla aux multiples facettes. Il pouvait tranquillement assumer et prendre en charge ses nombreux engagements concernant le personnel, les projets ou les voyages, choses que d’autres auraient considéré comme de lourds fardeaux. Non pas qu’il se fut agi en quoi que ce soit d’une corvée pour Shrî Mâ, mais Bhaiya avait l’art de rendre fluide n’importe quelle situation avant qu’elle ne se transforme en problème. Il était célèbre pour cela dans son propre travail. A ce

 

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moment là, il était le président-directeur général de la compagnie d’assurances New India Insurance Company. Une très grosse entreprise aux dires de ceux qui s’y connaissaient en la matière. (p.236-237)

      Bindou avait fait sa route de son côté et avait demandé à Mâ de consulter son kheyâla concernant son nouveau job dans le milieu de la finance.

      J’eus moi-même des expériences intéressantes à l’Université d’Allahabad, que je dus quitter à regret.

      Shrî Mâ vint à Varanasi peu après que je fus admise à la Banaras Hindu University. Elle sembla heureuse de me voir. Tout en me donnant une guirlande de petites fleurs blanches et odorantes, elle me parla de façon étrange : « Continue tes visites comme d’habitude, le sens du devoir vient au premier plan (quand on est dans une vie de service). » Ces quelques mots me firent réfléchir pendant très longtemps. Maintenant, je réalise qu’elle avait parfaitement raison. Il y avait deux sortes de personnes en service auprès d’elle. Celles du premier groupe étaient partout et si souvent avec Mâ que nous nous demandions comment elles pouvaient faire pour être en service également. Un personnage important parmi ces gens était le cher Patun (S.K.Datta) qui, non seulement continuait son emploi de haut-fonctionnaire du gouvernement, mais montait assidûment d’échelon en échelon dans sa position. Néanmoins, il fut l’un des plus proches compagnons de Shrî Mâ, toujours à ses côtés pour accomplir son kheyâla et pour assumer bien des responsabilités. J’appartenais pour ma part et manifestement au second groupe. Je m’investissais de plus en plus dans une carrière professionnelle. J’adorais enseigner et je pris la chose très au sérieux. Je m’intéressais beaucoup aux étudiants qui étaient à ma charge et je me dévouais à leur cause en

 

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m’investissant dans des extra-activités avec quelque succès. Pendant les courtes périodes de vacances, je retournais chez moi à Allahabad. Mes visites à Shrî Mâ devinrent moins fréquentes. Heureusement qu’elle venait souvent à Varanasi ce qui me permit de rester proche d’elle, mais je trouvais un sens de plus en plus significatif aux paroles qu’elle m’avait dites au tout début de ma carrière.

      Alors que Shrî Mâ était à Varanasi, une convocation arriva de l’Université d’Allahabad me demandant de me présenter une fois de plus devant un nouveau Comité de Sélection. Je me rendis à l’ashram après le collège et informai Shrî Mâ de cette nouvelle et du fait que j’aurai à me rendre à Allahabad pour cette entrevue. Shrî Mâ me dit : « A maintes reprises ils n’ont pas pris ta requête en considération, si tu acceptais cette convocation, ce serait comme si tu t’exposais à recevoir un nouvel affront, tu ne crois pas ? » Je répliquai : « Mâ, les temps ont changé quelque peu. J’ai acquis une certaine notoriété et il est évident que cette fois ils ont l’intention de remédier à cela. Mon père est enthousiaste à l’idée que je retourne à Allahabad. Je ne peux tout de même pas lui dire que je ne vais pas aller à cette convocation ! » C’est alors que Shrî Mâ eut ces mots décisifs à l’intention de mon père : « Dis à Baba que j’ai dit cela. »

      Durant tout le temps passé avec Shrî Mâ, je l’ai rarement entendue émettre une sentence aussi manifeste et sans aucune réserve. Elle se basait toujours sur son kheyâla et ne sortait en général que des phrases comme : « Ne serait-il pas mieux ? Ne pensez-vous pas ? Si vous considérez que c’est juste » etc…etc… Mais cette fois elle parla comme si elle s’adressait à lui directement, et en des termes sans équivoque.

      J’écrivis de nouveau à la maison pour avertir que je ne me rendrai pas à l’entrevue. En mon absence, ma collègue et amie fut

 

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confirmée dans le poste qu’elle avait obtenu finalement, ce qui fut bien aussi. Shrî Mâ m’avait demandé un jour s’il y avait une différence entre ces deux postes à l’Université. J’avais répondu que le salaire à la B.H.U. était moins élevé que celui d’Allahabad, mais qu’autrement c’était pareil. Etrangement, après trois mois environ, mon salaire de base fut augmenté de 50 roupies, en tant que reconnaissance particulière de mon diplôme de recherches. Désormais, c’était exactement identique au salaire de base de l’Université d’Allahabad lequel, à ce moment là, était de 300 roupies. Quoi qu’il en soit, la B.H.U. offrait des logements spacieux entourés d’un jardin sur le campus avec tous les services et leurs aménagements, ce qui rendait ce poste l’un des plus convoités du moment. (p.244)

 

 

15 minutes pour Mâ

 

      L’année 1957 vit le début du soulèvement des étudiants à la Banaras Hindu University. J’y fus impliquée dès le premier jour, mais ceci est une autre histoire. Plusieurs de mes collègues vinrent parfois avec moi à l’ashram. Aussi étrange que cela puisse paraître, peu d’entre elles participèrent à fond, ou tout au moins, ne s’impliquèrent pas autant que Padmâji et moi. Je fus toujours stupéfaite de voir l’indifférence démontrée par la plupart des gens qui gravitaient autour de Shrî Mâ. Ils la traitaient comme l’Image Mobile (chalanta vigraha) d’un temple. Ils lui obéissaient, recevaient une guirlande de fleurs, ou des sucreries, et s’en retournaient chez eux pour continuer comme avant. Elle était reconnue comme une Présence Divine, et par conséquent comme une

 

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source de bénédiction (kripâ). Une visite quotidienne pour faire le pranâm, comme on fait une visite quotidienne à un temple, suffisait à beaucoup de ceux qui se pressaient autour de Mâ. Elle était belle, affable, parlait de façon délicieuse, elle distribuait des fleurs, des fruits ou des douceurs, et ne posait aucune question. Parfois, si on lui demandait son avis, elle disait : « Donnez-moi 15 minutes de votre temps, chaque jour, à une heure de votre choix. Essayez de ne penser qu’à Dieu. Vous pouvez faire un japa, ou méditer, ou seulement rester silencieux. Ce créneau horaire de 15 minutes est comme une mince cale à insérer dans le perpétuel mouvement tournant du cycle de préoccupations qui fait le monde. Il serait bon que ce court instant de pause puisse se développer et se répandre, car par la grâce de Dieu il influencerait le rythme de votre vie entière ! »

      Les paroles (vani) de Shrî Mâ affirmant qu’elle n’était qu’une spectatrice étaient certainement vraies. Elle avait souvent répété qu’elle n’était pas venue pour faire quoi que ce soit, mais plutôt juste pour voir comment allaient les choses, tout comme un jardinier se promène dans les allées de son jardin en observant les différentes plantes fleuries et rampantes qui en rehaussent la beauté. (p.244-245)

 

 

Les dernières années de la vie de mon père

 

      Bien des années passèrent. Bindou maintenant avait un emploi. Quand Shrî Mâ vint à Allahabad, il n’en est pas moins vrai qu’elle opta pour la meilleure et la plus impromptue des organisations, en rappelant à Bindou qu’il lui avait promis de lui construire un petit cottage au 31 George Town, là où nous habitions. D’après le kheyâla de Mâ, Bindou était capable de lui construire ce cottage. Ce qu’il fit

 

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d’ailleurs en le situant sous un arbre immense non loin de la maison principale. Nous fîmes en sorte de le meubler et de le décorer en anticipant ainsi la venue de Mâ à Allahabad. Rénou avait demandé aux jardiniers de construire un ensemble de pièces de style villageois aux murs revêtus de terre à côté du cottage, où la nourriture sacrée (bogha) pourrait être cuisinée. Par la suite, Shrî Mâ avait pris l’habitude de passer ses après-midi dans l’une de ces pièces qui était fraîche et tranquille. Dans les années qui suivirent, bien des célébrations furent organisées dans notre maison, cependant, il me sembla que Mâ y venait de moins en moins depuis que son cottage avait été construit. Mais à bien y réfléchir, je réalisai que Shrî Mâ avait voulu ce cottage afin qu’il puisse devenir pour nous et notre famille plus tard, une fois privés de sa présence et de son darshan, un temple dans lequel elle avait résidé. Le culte divin de son Image, installé dans ce petit édifice, est depuis lors devenu une partie importante de notre vie de tous les jours. (p.247-248)

      Mon père avait dit qu’il nous accompagnerait à la gare pour me saluer en partant. Ce n’était pas son habitude, car il n’aimait pas cela. J’en fus quelque peu interloquée. Ma mère et des amis avaient emboîté le pas. Une fois dans le train, en me penchant par la portière et en voyant mon père droit dans ses bottes, sa canne à la main, je ne savais pas que je le voyais pour la dernière fois… Prémonition ou pas, je ne l’avais pas quitté des yeux cependant… Peu de temps après, je reçus un message de ma mère me demandant de me rendre à Allahabad immédiatement. En arrivant, je réalisai soudain que mon père n’était plus. Ma mère, comme beaucoup d’autres, avait suivi un régime durant la semaine. Mon père et elle avaient mangé un repas léger. Mon père s’était alors allongé pour faire sa petite sieste habituelle, tandis que ma mère s’était assise en méditation de 15

 

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heures à 16 heures dans la pièce à côté. A 16 heures, elle fit un thé qu’elle alla lui porter. Elle fut surprise de le trouver immobile dans son lit et lui toucha l’épaule pour le réveiller. Bien qu’il ait eu l’air de dormir, elle comprit aussitôt qu’il n’était plus de ce monde. Par la suite, tout ce que fit ma mère nous sembla incroyable. Mais un jour, elle nous raconta en privé, qu’au moment où elle toucha mon père, elle sentit comme si Shrî Mâ lui attrapait le poignet avec force pour la guider ensuite dans tous ses mouvements. Il semblerait donc que ma mère fut sortie pour demander au jardinier Jagdeo d’aller chercher Madan, un ami de Bindou qui habitait au bout de la rue. Puis, elle téléphona à la famille du docteur et ami, Dr. Chatterjee, qui était absent. Elle demanda à sa femme de le faire venir dès que possible. Avant ce jour, ma mère n’eut jamais une occasion d’utiliser le téléphone pour appeler qui que ce soit, s’étant bornée à recevoir un ou deux coups de fil. Là, non seulement elle se chargea de téléphoner, mais elle obtint la ligne jusqu’à Varanasi en passant par l’interurbain. Elle était seule à la maison. Comment avait-elle fait pour localiser les numéros appropriés, pour appeler les standardistes, cela restait une énigme. Madan dit plus tard que lorsqu’il arriva, il la vit avec le combiné en main en train de parler avec Gyanvatijî. Finalement ma mère confia le récepteur à Madan et s’en alla jusqu’à la chambre de mon père où elle s’assit au pied du lit pour une grande partie des 24 heures suivantes. Nos amis et parents nous dirent plus tard qu’ils étaient restés émerveillés devant son expression sereine, et qu’ils comprenaient ce que c’était que d’être en présence de la grâce (kripâ). (p.250-251)

      Famille, amis, voisins, tout le monde arriva à Allahabad pour saluer une dernière fois mon père, voir son visage détendu encore en parfait état, et exprimer leurs condoléances. Quelqu’un fit remarquer

 

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qu’une telle mort n’était possible que pour un yogi d’une considérable élévation spirituelle, car ni son visage ni son corps ne montraient de traces de détérioration même après 24 heures. Ce fut ma première rencontre avec la mort. Jusqu’alors j’avais vu quelques corps de personnes aimées d’où la vie avait disparu, et j’en avais gardé le souvenir que leur visage était troublé. Aussi, après coup, je fus émerveillée de constater ce phénomène. Mon père n’avait pas dû se débattre pour lutter contre une crise cardiaque, car sinon ma mère l’aurait entendu ou ses draps auraient été en désordre. Apparemment il s’était éteint dans son sommeil. Shrî Mâ l’avait emmené aussi facilement que l’on cueille une fleur dans un jardin. (p.253)

      Quand l’Université ferma ses portes pour les vacances d’hiver, j’eus une étrange réticence à retourner au 31 George Town. Le vide laissé par la mort de mon père m’effrayait, mais Shrî Mâ vint nous trouver et il était impossible d’être triste en sa radieuse présence.

      Un jour, une jeune européenne vint lui rendre visite. Cette jeune fille apprenait le yoga en Inde. Mâ lui demanda de lui montrer quelques postures. Elle fit certaines démonstrations et ensuite s’étendit en shavâsana, la dernière posture de relaxation. Elle affirma qu’il était difficile de tenir cette posture correctement, car en dépit de tout, les muscles restaient tendus. Elle en fit la démonstration avec les jeunes filles qui étaient dans la pièce. Levant une main, ou un pied, ou même un doigt, elle dit : « Vous voyez, il y a très peu de résistance. Le corps devrait devenir comme s’il était sans vie au cours de cet exercice. » Shrî Mâ intervint : « D’accord, essayez avec moi. » Elle s’étendit sur son chowki. Son corps devint soudain aussi flasque que celui d’une poupée de chiffon. La jeune yogi la testa en lui soulevant la tête, puis un ou deux membres. Elle resta stupéfaite. Elle n’avait jamais vu une telle perfection, même

 

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pas chez son propre gourou. Shrî Mâ se mit à rire en se rasseyant. Elle dit : « Ces  postures servent souvent d’exercices aux gens qui ne les réussissent que jusqu’à un certain point. Dans la sâdhanâ visant à l’émancipation spirituelle, les postures se prennent tellement naturellement qu’elles sont exécutées comme elles doivent l’être. »

      Je me souviens d’une autre occasion. Nous étions tous assis dans la chambre de Mâ, quand soudain elle se leva de son chowki et joignit les mains en un namaskara pour saluer quelqu’un debout devant la porte. On le fit entrer. Ma mère reconnut en lui le frère aîné de notre prêtre de famille. On lui amena un petit tapis carré. Lorsqu’il fut assis, Shrî Mâ s’installa par terre dans une attitude de déférence envers une importante personnalité. Au cours de la conversation qui suivit, nous apprîmes que cette famille de prêtres était apparentée au prêtre de famille de Bholanathji. Shrî Mâ et Bholanathji avaient visité Allahabad une fois dans les années vingt. Ils s’étaient arrêtés, le temps d’une journée, dans le temple de Kâlî à Muthyganj. Bholanath et Mâ avaient rendu une petite visite de courtoisie à cette famille de prêtres. C’était stupéfiant de voir que Shrî Mâ avait reconnu cet homme dès le premier coup d’œil après au moins 30 ans. Shrî Târâcharan Bhattâcharya quant à lui, se souvint avec émerveillement de sa première impression à propos de Shrî Mâ.

      Quand Mâ quitta notre maison, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Il était évident qu’elle était restée avec nous afin de nous aider à sortir de notre dépression, qu’elle nous avait soutenus avec bonté dans notre détresse d’avoir été soudainement plongés dans un chagrin profond. Rétrospectivement, on en vint à penser que Bindou avait souffert de sa première crise cardiaque à ce moment là. Il raconta calmement : « C’est comme si elle m’avait enlevé le poids que j’avais senti peser dans ma poitrine. » Ma mère n’était pas

 

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démonstrative, aussi continua-t-elle à rester calme et digne. Une fois, je l’entendis faire une remarque à une amie de son âge qui était venue en visite de condoléances : « Comment se comporter après la perte brutale de celui qui fut votre proche compagnon pendant près de 40 ans ? » Mais Shrî Mâ l’avait aidée depuis le premier jour. Quant à nous, au fur et à mesure que les années passaient, nous avions senti que le kheyâla de Mâ était resté constamment auprès d’elle, et auprès de chacun de nous. Nous sommes devenus très occupés par nos affaires et l’avons oubliée parfois, ce qu’elle ne fit jamais. A peine quelqu’un tendait la main qu’elle était aussitôt serrée dans une étreinte de soutien. Je dirais même que de temps en temps, au cours de nos pérégrinations, alors que nous aurions pu rester empêtrés dans l’engrenage du monde, nous en étions détournés par un kheyâla toujours vigilant. (p.254-255)

 

La Présence de l’Absence

(Conte vécu…en Mâ !)

Par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

            Aujourd’hui c’est le jour de mon Anniversaire…je suis seule, mais ‘ILS’ sont tous là !

            L’éloignement ne compte pas, l’effluve de leurs présences ne nous quitte jamais, celle des êtres aimés, des parents, de nos guides …et cette lumière de Mâ Anandamayî qui en TOUT nous soutient.

            Cette ‘présence de l’absence’, si proche du détachement et si fidèle en tout à l’enseignement des sages, cette ‘non-absence’, si proche du cœur qui s’est donné pour le bienfait de l’autre…m’effleure en cette belle journée solitaire.

           

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       Cette pensée m’évoque une courte histoire d’un ami italien (Roberto Leoni, cinéaste et auteur du livre ‘Racconti ad occhi aperti’ 1992) qui aimait à rêver avec les yeux ouverts…et que le Japon avait fasciné. Il raconte que sa stupeur d’occidental qui avait cru tout voir, avait été marquée par cette nation, par ses textes philosophiques, sa poésie dénudée et par ses coutumes, par ses trains monorails qui arrivaient à l’heure, par l’art de composer les fleurs, par la cérémonie du thé, aussi longue et complexe qu’une messe chantée ! Véritable liturgie dans l’Art !

            Il avait découvert qu’à Tokyo (à l’époque) il n’y avait pas de numéro sur les portes des immeubles, et que pour qu’une lettre puisse être délivrée, l’adresse devait relever du parcours du combattant : Monsieur Untel, 3ème maison à gauche à partir du second croisement à droite, depuis la place où était le fleuriste, au 5ème arrêt du métro N°7…véritable chasse au trésor pour les facteurs qui n’étaient autres que des encyclopédies vivantes des quartiers en question.

            Mais par-dessus tout, la culture japonaise lui était apparue comme la définition même du triomphe de l’absence, avec ce ‘je ne sais quoi’ d’art et de poésie qu’on ne voit pas avec les yeux, mais qu’on perçoit avec l’âme !

            Quand on fait un cadeau au Japon, la confection est presque plus importante que le cadeau lui-même. Le cadeau est souvent banal, mais son emballage reflète une spécificité personnelle.

            Les poésies peuvent aussi être creuses, mais non pas la ‘griffe’ pour les écrire.

            L’obsession de l’unicité dans la présentation devient primordiale, le sujet certes est important, mais plus fondamentale encore en est l’exécution.

 

 

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            Après avoir visité les musées, les usines, les studios de cinéma, les palais, mon ami voulut voir un temple des plus anciens. Le guide japonais l’emmena alors sur les rives d’un lac où trônait simplement un portique de bois rouge en forme d’arc de cercle.

            Lorsqu’il demanda où était le temple, le guide lui répondit : « Au-delà de cet arc… »

            Seuls le lac et le panorama s’étendaient à perte de vue, aussi le guide ajouta : « Nous avons construit l’entrée, tout le reste est le temple. Connaissez-vous quelqu’un capable de réaliser une œuvre aussi belle ? »

            Non certes ! Dans son rationalisme mon ami se sentit un peu frustré et inculte.

            Pour le réconforter, le guide lui parla des jardins célèbres d’un temple Zen de Kyoto où l’on ‘pouvait voir le Divin’, ou tout au moins entrer en contact avec lui, toujours selon cette étrange mais fascinante philosophie religieuse, ou  religion philosophique, qu’est le Zen, qui ne peut s’expliquer. Et mon ami de citer un célèbre aphorisme : si deux sages dorment appuyés contre un arbre et rêvent d’un papillon, est-ce que ce sont eux qui rêvent de l’insecte, ou bien est-ce le papillon qui rêve des deux sages ?

            Le lendemain, il alla voir ce temple et se retrouva dans un petit jardin de sable ondulé avec quelques pierres recouvertes de mousse. C’était là le ‘Jardin Extraordinaire’, l’image même du Divin ! Aucune magnificence, aucun lustre clinquant…mais un ordre géométrique, poétique, visant à l’essentiel dans ce petit rectangle de sable immobile comme le temps, mystérieux dans son ‘manque’, dans son absence de tout, comme l’éternité.

           

            Mon ami demanda : « Mais, selon vous, c’est ça le Divin ? »

 

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            Et le guide répondit seulement : « Pourquoi pas ? »

            Ce récit en mémoire me fait comprendre que la vraie spiritualité peut exister aussi bien dans la présence que dans l’absence, parce que si la Nature Divine est en toutes choses, il devait être dans ces pierres, dans cette mousse et dans ce sable ! Moins on s’efforce de le représenter, plus il existe et peut nous apparaître.

            Un jour, dans un catalogue de ventes par correspondance, au milieu d’objets hétéroclites, mon ami eut son attention attirée par une offre singulière : une reproduction en miniature du fameux jardin de Kyoto, format 30x12 centimètres, dans un récipient de bois noir, muni de son petit râteau minuscule et de sa notice, pour le prix de 29 Dollars. Très recommandé aux hommes d’affaires stressés qui pourront se détendre les nerfs en dessinant à coups de râteau sur le sable, entre des petits cailloux, ces vaguelettes immobiles qui symbolisent la présence de l’absence, avant-dernier pas vers la pureté et la simplicité de cœur, en deux mots : l’unique façon de voir Dieu sur la terre !

            Nous n’en sommes pas encore arrivés à vendre notre âme par correspondance, noyée au milieu du sable dans un cadre de bois de quelques centimètres…mais l’enseignement de Mâ Anandamayî dans son dépouillement m’a replongée dans cette histoire vécue. Il n’est point d’illusion sans amour partagé, mais point d’absence si on a Sa présence intérieure permanente qui nous sert de guide, qui nous ouvre les yeux.

            Récemment, j’ai demandé à mon guide intérieur : « Etre un bon disciple par rapport à un maître, n’est-ce pas tout simplement être un cœur qui tourne autour d’une lumière ? »

            Il n’a pas répondu parce qu’il savait que son absence deviendrait sa présence si je savais comprendre l’enseignement reçu.

 

 

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            En cette journée d’Anniversaire j’ai compris que le plus beau cadeau était de les avoir rencontrés, ceux dont l’Absence m’entoure de leur Présence.

            Et j’ai senti que le portrait de Mâ me souriait…

                                                                                                Mahâjyoti

                                                                             (Geneviève Koevoets -  Un 4 Juin)

 

Le Soi du SILENCE

(Notre Ego, l’aimons-nous vraiment ?...)

 

C’est l’Ego de la joie quand il fourvoie nos cœurs

C’est l’Ego de la peine quand il se joue des pleurs

 

C’est l’Ego de la peur quand il trahit l’ami

C’est l’Ego de la haine quand il crée l’infamie

 

C’est l’Ego de l’amour quand il nous rend hideux !

C’est l’Ego du pardon quand il fait semblant de…

 

C’est l’Ego du pouvoir quand il sème la mort

C’est l’Ego du savoir quand il ruine l’effort

 

C’est l’Ego de nos doutes quand il joue les affreux

C’est l’Ego de l’ivresse quand nous parjurons Dieu !

 

 

C’est l’Ego du travail qui nous rend tous odieux

C’est l’Ego en famille qui nous rend malheureux

 

L’Ego du sacrifice où l’on se croit sincère

L’Ego de l’artifice où le faux se libère

 

Mâ nous dit que l’Ego, à travers son rejet,

Dépassant le mental, nous conduit au progrès

 

Dépourvus du désir d’auto-satisfaction

Il nous rendra ‘égaux’, sans ses limitations

 

Mâ dit que sans l’Ego, si on le veut vraiment

C’est l’aboutissement au non-attachement

 

Mâ dit que notre Ego est en définitive

La cause des naissances et des morts successives

 

Qu’il peut être, selon la loi universelle,

Force de volonté ou effort personnel

 

Pouvant ainsi créer notre propre salut

Comblant divinement notre soif d’absolu !

 

Notre Ego est-il donc source de tout le mal ?

Ce n’est pas toujours vrai, tout dépend du mental

 

Certains même prétendent que dans le samâdhi

Le mental de l’Ego s’en va, se purifie

 

Existe-t-il vraiment ? N’est-ce qu’une illusion ?

L’étouffer carrément, est-ce la solution ?

 

Dans le ‘tien’ et le ‘mien’ tout en co-existence

Est le renoncement, mais aussi l’attirance

 

L’Ego est à la fois changeant et immobile

Quand les nœuds sont mêlés, tout est plus difficile

 

Dans notre société, hagarde et sans scrupules

Sans lui ne semblons-nous pas un peu ridicules ?

 

Orgueil ou décadence ? Fini les apparences

Amour ou abstinence, lâcher-prise ou puissance ?

 

L’Ego ? Pauvres de nous…il ne reste, à mon sens,

Si on y tient vraiment, que le SOI du SILENCE !

 

                  Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)

(Inspiré par le livre « L’Enseignement de Mâ Ananda Moyî »)

 

 

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Nouvelles

 

 

- Un concert pour les œuvres de Mâ s’est déroulé fin septembre à Londres, en présence de certains swamis de l’ashram dont Bhaskarananda et Jyotirmayananda. Il a réuni 800 personnes. Félicitation aux organisateurs, dont Madhavi de Bombay qui a pris l’initiative et Christopher Pegler de Londres qui s’est occupé de ce projet en plus de son travail pour le site de Mâ.

- Une retraite avec 22 Français a eu lieu à Dhaulchina pour cinq jours pleins en octobre. Il s’agissait d’un groupe de Yoga de la Drôme venu avec leur professeur J. Margier, ce dernier étant déjà passé à Dhaulchina auparavant. Un campement avait été organisé pour doubler la capacité des chambres, avec une tente pour la salle  à manger aussi, moyennant quoi tous les participants ont pu être logés sur place, pour la première fois autant de monde pendant cinq jours dans l’histoire de cet ashram. Ils ont profité d’une vie dans la nature, des satsangs avec Nirgunananda et d’une pratique régulière. Le groupe avait visité Kankhal et Kédarnath auparavant.

- Un autre groupe français avait fait en août une retraite d’une semaine avec programme régulier durant la journée et satsang avec Vijayânanda le soir. C’était la première fois qu’une telle retraite de groupe était organisée à Kankhal pour des Occidentaux en dehors de la Samyam Saptah. Mathieu, sa femme et la revue Infos-Yoga étaient les organisateurs à partir de France. Mathieu avait participé déjà à Kankhal à une Samyam Saptah en présence de Mâ en 1980, et était revenu plusieurs fois depuis.

- Les 92 ans de Swami Vijayânanda vont être fêtés dans quelques jours. L’arthrite aux genoux et au dos le gêne pour marcher, mais il

 

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continue à rencontrer les visiteurs au satsang du soir, qu’il n'y en ait qu’un ou deux ou un groupe d’une trentaine de personnes. Il participe aussi aux réunions de la Sangah, il voudrait bien ‘prendre

sa retraite’ de ces délibérations administratives, mais les fidèles de Mâ ne sont pas de son avis, il continue donc à les assumer de son mieux…

- Vigyānānand (Jacques Vigne) reviendra en France après 6 ans en mars 2007 pour neuf mois de tournée. Son livre Inde intérieure doit en principe sortir pour le Salon annuel du Livre à cette époque, dont le thème sera précisément l’Inde. On trouvera son programme sur www.jacquesvigne.fr.st  

- Un lexique sanskrit de termes spirituels et religieux a été préparé par Sylvain du Québec et mis sur le site de Mâ www.anandamayi.org . Le vocabulaire pouvant être au début une difficulté, ce travail sera le bienvenu.

 

 

Nouveaux abonnements

 

Le renouvellement général des abonnements aura lieu lors du numéro de mars 2007. Pour ceux qui ne reçoivent pas le Jay Mâ et voudraient s'abonner maintenant,  ils peuvent le faire pour neuf numéros jusqu'en mars 2009, en faisant un chèque de 18 € à l'ordre de Jacques Vigne et en l’envoyant à :

Nadine et José Sanchez Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

 

 

 

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Chemin de la Sainte-Croix

84110  Vaison la Romaine - nagajo3@yahoo.fr -  0490121983

       L'abonnement pour recevoir le Jay Mâ par voie électronique est aussi possible, et même plus sûr car il y a toujours des problèmes avec l’acheminement des Jay Mâ par la poste indienne ordinaire. Envoyer un chèque de 9 €  à l’ordre de Jacques Vigne à Nadine et José et signalez votre inscription à Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) qui a accepté de se charger bénévolement des envois par courriel, en les illustrant : koevoetsg@wanadoo.fr  Vous serez abonnés aussi jusqu’en mars 2009. Nous faisons ce système de prix d’abonnements décroissant à chaque numéro pour pouvoir faire tous les réabonnements en même temps une seule fois tous les deux ans. C’est beaucoup plus pratique pour l’administration.

 

 

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ

Le jeu de la sâdhanâ de Mâ  AK Datta Gupta

Les messages de Shrî Mâ Bithka Mukerji

La Présence de l’Absence G.Koevoets (Mahâjyoti)

Le Soi du Silence G.Koevoets (Mahâjyoti)

Nouvelles

Nouveaux abonnements

Table des matières

 

 

 

 

 

      Jay Ma N° 84      -        Printemps 2007

 

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Paroles de Mâ

 

– Peut-on déposer aux pieds du Seigneur ce qu’on fait au bureau, dans ses affaires, etc.?

– Efforcez-vous d’exécuter tout travail dans un eprit de consécration. Essayer de s’abandonner est tout autre chose que l’abandon qui arrive sans effort. De même que faire du japa n’est pas du tout la meme chose que le japa qui arrive spontanément. La pratique constante de l’abandon à Dieu amènera finalement à s’abandonner à Lui.

 

– Pourquoi le mental est-il instable même après avoir prononcé le vœu de sannyâs ?

        Parce que votre indifférence aux plaisirs du monde n’est pas encore parvenue à maturité. Consacrez chaque parcelle de votre énergie et de votre force à essayer de réaliser Dieu. Tout ce que fait Dieu est parfait.  Puisque vous avez obtenu cette bénédiction qu’est le corps humain, utilisez-le à atteindre la réalisation de Dieu. Essayez de toutes vos forces et vous réussirez sûrement. Beaucoup de gens ont l’habitude de regarder en arrière tandis qu’ils avancent. Ne revenez pas sans cesse sur le passé, car cette habitude freinera votre progrès. Continuez votre travail sans vous préccuper des résultats. Ne sollicitez pas Dieu sans cesse ! Sans aucun doute vous récolterez les fruits de votre labeur. Si vous méditez concentré sur un seul but, Dieu se révèlera certainement à vous. Utilisez les pouvoirs de votre mental et de votre ego pour accomplir votre sâdhanâ. Dépêchez-

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vous de vous engager dans les execrcices spirituels, et la lumière viendra à vous. Ne vous souciez pas des résultats de ce que vous entreprenez. Brûlez vos désirs au feu du discernement et du renoncement, sinon faites-les se dissoudre dans la dévotion. Utilisez un de ces deux moyens.

         Lequel est le meilleur?

        Cela dépend de ce qui convient le mieux à chaque personne. Ce qui est consumé par le discernement et le renoncement peut l’être aussi par la dévotion.

        Mes désirs n’ont ni envie de brûler ni de se dissoudre. Que faire?

        Celui qui prétend ne pas vouloir, en réalité le veut. La nature même de l’homme est de vouloir. Pourquoi êtes-vous pris au filet ? Ce n’est pas dans ce filet que votre désir s’apaisera.

 

« En compagnie de Mâ Anandamayî»

Par Bithikâ Mukerjî

Le livre de Bithika Mukerjî En compagnie de Mâ Anandamayî vient de  paraître, traduit par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets et Vigyânânand (Jacques Vigne). Nous en avons déjà publié de larges extraits, nous en  remettons d’autres ci-dessous et rajoutons la présentation qui se trouve au dos du livre. On peut commander l’ouvrage directement aux

Editions Agamat : 122 Résidence Parc des Eaux Vives – rue L. Bourgeois – 91120 Palaiseau –Tel/Fax : 0169315022 – Email agamat.bouanchaud@gmail.com  pour 23€ port compris.

 

Quatrième de couverture

 

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Mâ Anandamayî était certainement la femme sage la plus célèbre du XXe siècle. D’après un védantin respecté de Rishikesh : « Elle disait en toute humilité ‘je ne suis qu’une petite fille, je n’ai jamais été éduquée’, mais j’ai entendu le bouillonnement du véda-védanta sortir de ses lèvres divines ».  Bithikâ Mukerjî depuis son enfance a été proche d’elle, elle a passé la plupart de ses vacances et de sa vie en sa compagnie. Elle est donc bien placée pour donner ses témoignages personnels et ceux de sa famille dans ce volume. Elle est de plus la meilleure biographe de Mâ, connaissant à fond ce milieu bengali dont elle et Mâ sont originaires. En plus de l’aspect de concentration de toute une vie sur l’enseignement de Mâ, Bithikâ a été professeur de philosophie à l’Université Hindoue de Bénarès, elle est donc capable de situer l’enseignement de Mâ Anandamayî dans le cadre des rishis et mounis de l’Inde ancienne et des doctrines qui en ont découlé. On trouvera certainement du charme à l’évocation d’une sage évoluant avec facilité et naturel dans un monde indien en voie de modernisation et pourtant restant très traditionnel, avec tous ces sadhous, ascètes, hommes politiques, chercheurs spirituels occidentaux,  femmes et enfants qui venaient la visiter jour après jour. Par ailleurs, notre époque est traversée au moins de puis un siècle par un courant puissant visant à redonner au sacré féminin la place qu’il mérite. Il s’agit d’un rééquilibrage social, psychologique et métaphysique, pouvant entre autres contribuer à limiter la violence tristement mâle qui agite le monde, y compris celui de la religion. Si l’Occident découvre le besoin de savoir gérer un pluralisme religieux réel, l’Inde n’en donne-t-elle pas l’exemple depuis des millénaires ?

A lire et à méditer…

 

Voici maintenant des extraits du texte principal :

 

 

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Festivités

 

      Beaucoup d’évènements importants eurent lieu au 31 George Town. Mariages, anniversaires, célébrations,  visites de haute qualité.

      Un jour, on reçut un message disant que le Premier Ministre Pandit Jawaharlal Nehru, qui visitait la demeure de ses ancêtres « Ananda Bhâvan », souhaitait instamment voir Shrî Mâ et assister à son darshan. Accompagné de son secrétaire privé Upâdhyajî, et de sa fille Mme. Gandhi, il arriva le soir dans une limousine. Il n’y avait pas d’escorte pour sa sécurité, ni aucune voiture pour le précéder ou le suivre. Panditjî, Indirâjî et Upadhyajî furent accompagnés jusqu’au cottage de Mâ, où ils s’assirent un moment.

      Il fut bientôt temps pour Shrî  Mâ de se rendre sous le pandal (tente) pour le satsang. Comme Panditjî ne prononça aucun mot d’adieu, on comprit qu’il n’était pas pressé de s’en aller mais qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’estrade, où Shrî Mâ prit place avec ses invités. Les habitants d’Allahabad furent très contents de voir le Premier Ministre. Ils l’acclamèrent et quelques-uns demandèrent même un discours. Pandit Jawaharlal Nehru sourit et dit que cette fois-ci il était venu pour écouter et non pour parler. Cette déclaration plut à l’assistance qui se prépara ainsi à écouter l’allocution de Haribâbâjî. Shrî Mâ commença le satsang en entonnant un chant religieux (kîrtana) pendant quelques minutes. Le Premier Ministre semblait très à l’aise, mais il avait un autre engagement au Holland Hall de l’Université d’Allahabad, et après quelque temps il salua et s’en alla. (p.102-103)

 

 

 

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La famille s’agrandit

 

      La célébration de l’anniversaire de Mâ, début mai, démarra une série d’heureux évènements dans la famille. Babou s’était marié en Novembre 1961, et à peu près à ce moment là, la famille arrangea un mariage pour Bindou. Ce dernier avait décliné toute idée de convoler en justes noces jusqu’à présent car il souffrait d’arthrite depuis l’époque où il était au collège. Ni la science, ni la  médecine n’était en mesure de soigner cette maladie à l’époque. Au lieu de lui prescrire des exercices pour la zone affectée, les médecins avaient choisi d’immobiliser pendant six mois dans un plâtre la partie inférieure de sa colonne vertébrale. Il eut lui-même la sagesse de se débarrasser de ce carcan, mais le mal était fait. Toute sa vie, il souffrit de cette erreur initiale. A l’époque du mariage de Babou, il s’était bien établi dans sa vie professionnelle, obtenant prestige et standing jour après jour. Alors qu’il conduisait Shrî Mâ de Varanasi jusqu’à notre maison à Allahabad, elle-même le persuada de se marier. Swami Paramânanda, qui était assis sur le siège arrière, avait abordé la question et Shrî Mâ avait saisi l’occasion pour lui dire qu’il fallait adopter une position nette et claire dans la conduite de vie. Si quelqu’un avait des penchants pour la religiosité, alors il fallait qu’il fuie les embrouillaminis du monde. Par contre, profiter de la vie dans le monde sans en assumer les responsabilités n’était pas juste non plus. Bindou marmonna quelques excuses, mais Shrî Mâ passa outre assurant qu’il devait choisir entre une vie de renoncement complet ou une vie d’homme au foyer. Elle se mit à rire et dit : « Il faut que tu prennes ta décision avant de passer le portail de ta maison ! »

 

 

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On entendit alors Bindou murmurer entre ses dents son choix de rester un homme ordinaire.

      Tout d’abord le pauvre Bindou fut très malheureux. Il était jusqu’alors comme un roi sans couronne à Allahabad et il jouissait d’une immense popularité, ce qui lui faisait dire : « Si je me marie, je vais devenir comme tout le monde. »

      Il n’aurait pas dû se faire de souci. Il demeura ce qu’il était et sa femme s’avéra être si belle que cela lui donna un charme de plus. (p.103-105)

 

 

Mémoires vives (au hasard des souvenirs…)

 

      Après avoir rejoint la Banaras Hindu University, je ne fus plus en mesure de suivre Shrî Mâ dans ses voyages. Je continuai cependant la routine de me rendre aux célébrations d’Anniversaire. J’assistai au Samyam saptah à Sukhtal, car Mâ m’avait fait demander. Je me rendis également à Vrindavan pour un autre Samyam saptah, parce que les brahmachârinîs m’avaient dit que Shrî Mâ avait remarqué mes absences répétées. Je n’avais pas vu Mâ depuis longtemps. En arrivant à l’ashram je trouvai que le satsang était en cours dans le hall. Je demeurai debout sur le pas de la porte pour avoir son darshan. Shrî Mâ me regarda depuis l’estrade au loin où elle était assise et délibérément elle tourna la tête de l’autre côté. Sur le moment je fus amusée par sa réaction si humaine. Mais tandis que je m’inclinai pour le pranâm, je me dis en moi-même : « Tourner la tête ne te vaudra rien de bon, tu ne peux pas nous délaisser et nous n’avons pas d’autre refuge que toi. » Quand je relevai la tête et me remis debout, je sentis son regard sur moi rempli d’une très belle expression, comme si elle avait

 

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approuvé mes sentiments. Indéniablement, je me souviens très clairement de cet incident. (p.105)

      Bien des situations embarrassantes se développèrent quand les mahâtmâs devinrent de fréquents visiteurs de nos ashrams. Shrî Mâ déplaça tous ses rendez-vous afin de rester libre pour les satsangs ultérieurs. Les jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ étaient à chaque fois mécontentes car il leur fallait se tenir à distance pendant que les sadhous étaient au satsang avec elle. La vie devint extrêmement difficile quand Shrî Krishnânanda Avadhutjî devint un ardent fidèle de Mâ. C’était un grand renonçant à la réputation exemplaire, et il semblait assurément ne pas aimer la vue des jeunes filles qui entouraient toujours Mâ. Aussi chaque fois qu’il venait la voir, elle demandait clairement que nous quittions la pièce pour attendre dehors. Cette situation donna lieu à un incident plutôt amusant. Nous étions à Puri à cette époque-là. Ce devait être durant une période de vacances car beaucoup d’entre nous étaient là. A travers la fenêtre ouverte de la chambre de Shrî Mâ, nous vîmes Avadhutjî s’avancer sur la rive, le long de la mer, ce qui nous fit déguerpir rapidement dans la pièce voisine et dans la véranda adjacente. Seuls les jeunes hommes, dont Abhayda, Vibhuda et Bindou purent rester. Quand Avadhutjî se fut assis dans la chambre de Mâ, elle demanda à Bindou de chanter un Bhajan car le jeune Swamijî était friand de musique religieuse.  Bindou commença par le chant bien connu « man ko range jogi sache rang me (ô ascète, trempe tes vêtements dans la vraie couleur du détachement. La robe orange seulement n’est pas suffisante) ».

      Quand Bindou chanta de sa voix mélodieuse, on put voir Shrî Mâ s’agiter sur son chowki, nous regarder à la dérobée et rapidement détourner les yeux pour fixer l’océan au loin.

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Avadhutjî, assis immobile, sembla goûter le chant. Il fit donc son pranâm devant Shrî Mâ et s’en alla. Avec un soupir de soulagement, notre petite troupe se rua dans la pièce pour trouver Mâ n’en pouvant plus de rire. Elle était presque en train de gronder Bindou pour le choix de son chant et lui disait, tout en essuyant des larmes de rire sur ses joues : « Bindou, Bindou, comment as-tu pu t’asseoir ainsi sous le nez d’un sadhou et chanter cette chanson ! Je ne sais pas comment j’ai pu me retenir. Grâce au ciel les jeunes filles n’étaient pas là, car sinon, si elles avaient eu seulement l’ombre d’un sourire, j’aurais perdu tout contrôle. Vous verrez que ce sadhou ne reviendra pas ! » Le pauvre Bindou secoua la tête et assura qu’il avait choisi ce chant sans aucune arrière-pensée et sans rien de particulier que Shrî Mâ ne sut déjà. Inutile de dire que le révérend Swamijî ne le prit pas non plus comme une atteinte personnelle.

      O combien attachant était le comportement de Shrî Mâ avec toute sa suite de jeunes autour d’elle, ô combien circonspecte était son attitude vis-à-vis des ascètes, et tout cela vécu si gentiment et si joyeusement. L’allégresse était le mot d’ordre de notre expérience durant ces jours anciens passés auprès de Mâ Anandamayî. (p.105-106-107)

 

      Un jour Didou (Chhabi Chowdhary), Bunidî et moi étions en visite avec Shrî Mâ à Bishtupur. Il nous fut dit que c’était le kheyâla de Mâ qui continuait à aller de l’avant sans son habituel environnement de jeunes filles, mais accompagné seulement de Swamijî (Paramanandaji) et de Didi. On nous dit à toutes trois de retourner à Calcutta et d’attendre que Mâ nous rejoigne. Sans même qu’il nous soit donné de protester, Didou et moi commencèrent tristement à faire nos bagages. Bunidî restait inconsolable à la pensée de ce départ. Elle pleura à nous

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en fendre l’âme. A Kharagpur Junction, on monta dans le train tandis que Shrî Mâ et ses quelques fidèles restaient sur le quai pour nous regarder partir. Didou et moi étions penchées à la fenêtre, mais Bunidî s’était effondrée dans un coin et essayait de sécher ses larmes. Au départ du train, Shrî Mâ saisit dans une main un pan de son chaddar (châle) et commença à l’agiter en guise d’adieu comme un mouchoir. Elle continua à trottiner, presque à courir le long du train, tout comme nous l’avions toujours fait lorsqu’elle partait en voyage et que nous demeurions sur le quai. Je me mis à crier : « Bunidî, Bunidî, regarde Mâ ! » Bunidî bondit alors et se pencha à la fenêtre (qui n’était pas encore munie de barre de protection à cette époque). Elle se mit à rire en voyant Shrî Mâ agiter son coin de châle en courant le long du train en marche. Ainsi Mâ put voir le visage rieur de Bunidî avant de nous quitter. Cette dernière vint se rasseoir, disant : « Elle a fait cela juste pour me faire rire, mais je n’en reste pas moins contrariée. » Cependant, son humeur avait changé.

 

      Shrî Mâ n’approuvait jamais les trop grandes effusions chez les jeunes qui l’entouraient. Les larmes, les bouderies, les ressentiments, elle ignorait tout cela, ou bien traitait le tout de cent façons différentes. Néanmoins, le cas de Bunidî était exceptionnel. Nous avions tous admiré son engagement au service de Mâ. Parmi les jeunes filles, c’était elle qui évaluait le mieux le kheyâla de Shrî Mâ et qui agissait en conséquence. Elle avait souffert de crise d’asthme assez violemment, mais elle se présentait toujours soignée et pimpante et ainsi elle s’occupait des vêtements variés de Shrî Mâ. Les souvenirs m’assaillent… Bunidî était une personne qui se sentait heureuse quand Mâ était joyeuse et rayonnante. Si Shrî Mâ devenait grave ou sérieuse, Bunidî essayait de détourner son kheyâla

 

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vers quelque chose de léger et d’amusant, afin que Mâ puisse sourire ou éclater de rire.

      Bunidî, en dépit de ses petites défaillances, était irremplaçable en tant que gardienne des vêtements de Shrî Mâ. Cette dernière vécut dans un perpétuel désordre quand Bunidî ne fut plus là. Les autres jeunes filles qui vinrent après elle ne furent jamais à sa hauteur. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre un hommage à Bunidî qui fut entièrement dévouée à Mâ, et qui fit office de sœur aînée pour l’ensemble des petites jeunes comme moi à l’époque, je veux parler de Gini, Târâ, Buba et bien d’autres. En y repensant, je réalise que jamais notre expérience de vie enrichissante auprès de Shrî Mâ n’avait été plus intense que grâce à cette amitié entre nous toutes. (p.107-109)

 

L’organisation du courrier

 

      La lecture et la réponse au courrier en compagnie de Mâ étaient toujours un moment très riche de satisfactions. Le sac de lettres, sans cesse plus gros, que Didi transportait avec soin, faisait partie intégrante de ses propres bagages. De temps à autre, elle demandait à Shrî Mâ d’accorder un moment à ce travail. Importantes ou urgentes, les lettres étaient lues et Mâ y répondait quand l’occasion le demandait, bien que la plupart d’entre elles ne contenaient en général que des nouvelles provenant de fidèles adeptes qui désiraient seulement rester en contact avec Mâ. Shrî Mâ elle-même avait développé un plan d’organisation pour traiter tout le courrier en une seule séance. Cinq ou six d’entre nous devions sortir toutes les lettres du sac et nous les distribuer, en général selon le langage, tel que Bengali, Hindi, Gujarati ou Anglais. Après quoi nous devions

 

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les lire attentivement, en faisant ressortir les passages importants ou bien en résumant. Shrî Mâ s’asseyait sur son chowki, tandis que nous étions assises en demi-cercle devant elle. L’une après l’autre nous devions ‘lire’ nos lettres à haute voix et prendre note des réponses. Mâ était très rapide. Elle accordait toute son attention à chaque correspondant et s’occupait de chacun avec le plus grand sérieux. Certains correspondants étaient plutôt prolixes. Il y avait jusqu’à cinq ou six missives provenant de la même personne dans le sac. Il ne fallait pas en négliger une seule. Mâ les écoutait une par une et dans l’ordre chronologique où nous les avions rangées. Parfois certaines lettres nous amusaient, mais elles n’éveillaient pas l’ombre d’un sourire chez Mâ. Elle leur prêtait la même attention sérieuse, mais elle applaudissait de joie quand nous arrivions à vider le contenu du sac en une seule séance et elle s’écriait : « Maintenant Didi va être heureuse. »

      Les réponses de Shrî Mâ sont des écrits conservés précieusement dans la collection unique des paroles (vani) de Mâ, élaborée par Didi. Je vais en reproduire ici quelques-unes à titre d’exemples pour montrer le soin et l’intérêt apportés par Shrî Mâ pour chacun de ses correspondants.

      A une femme qui écrivit sur sa vie privée en des termes angoissés, disant qu’elle était en colère contre Mâ pour son indifférence, Shrî Mâ répondit :

      « Ce corps vous a causé de la douleur, mais ne pensez rien de ce corps, n’en tenez pas compte si vous le pouvez. Tout en vous ne devrait s’engager que dans la recherche de Celui qui est l’Absolu. Lui seul est compassion et miséricorde. Il vous fait même signe de venir vers Lui. Vous, ma mère (la correspondante), vous vous sentez offensée, mais cela a aussi le bon côté. »

     

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 « Il vous a été donné cette vie humaine, précieuse. Ne perdez pas votre temps en de vaines pensées. Rendez service autour de vous avec la conviction que toute pratique représente les différents aspects de Dieu. Faites en sorte que ‘la colère

même’ vous devienne familière. Pensez que c’est à Lui que vous rendez service, à Lui, à Lui seul. Si vous parvenez à maintenir cet esprit de service, vous verrez que vous serez enrichie par l’amour, la dévotion et le respect envers Lui. La vie est courte. Est-il intelligent de gâcher son temps en de vaines pensées qui créent des obstacles ?  Ne dites jamais ‘Je ne peux pas’. Toutes les relations sont éphémères après tout. On ne sait pas de quoi demain sera fait. C’est à chacun de faire ses bagages pour se préparer au voyage de la vie. »

 

Pour affronter ce long voyage il faut vous préparer

Car c’est tout seul sur le chemin que vous voyagerez.

 

      « Vous avez envie de gronder ce corps ?  Pourquoi pas ? Quoi que vous pensiez vous êtes la bienvenue ici. C’est mon kheyâla qui, puisque ce corps ne peut rien faire pour personne, en devenant l’objet de votre réprimande, il rend quand même quelques petits services (seva). » (p. 109-110-111)

 

L’accident

 

      Et ainsi, aussi bien par écrit que de vive voix Shrî Mâ répondait, parfois même par des mots d’esprit qui lui étaient propres. Elle prit part à de vives discussions sur les quatre ashrams de la vie, soit la première période de brahmacharya (strict célibat), puis la deuxième grhasthasrama, quand l’étudiant retourne chez lui pour se marier, pour observer les règles religieuses, les traditions sociales et morales, puis une fois en couple, après une vie commune de rectitude, pour

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s’isoler en sâdhanâ dans les ermitages de la forêt en laissant les enfants s’occuper des traditions, arrivant ainsi au troisième stade, le vanaprastha (se détacher, vairagya, pour suivre le chemin des comportements spirituels et des services inhérents à la sâdhanâ). Après quoi vient la période de sannyâsa (stade

final du renoncement en quête de la vérité et de l’amour pour toute l’humanité). J’avais beaucoup à apprendre.

      La cérémonie d’ouverture au Shrî Mâ Anandamayî Seva Hospital fut présidée par le Premier Ministre d’alors, Smt. Indirâ Gandhi.

      Bindou devait y venir pour chanter et bien que le kheyâla de Shrî Mâ l’ait incité à ne pas s’éloigner avant sa participation, il partit en voiture et eut un grave accident en capotant sur une flaque d’huile. A la fin de la cérémonie où Indirâ Gandhi entourée de notables se montra gracieuse et compétente, je fus surprise en rentrant à l’ashram de voir le chauffeur de Bindou, derrière les cordons de policiers, nous faire signe de le suivre pour aller au chevet de ce dernier qui avait été blessé et souffrait énormément. A l’hôpital, le chirurgien orthopédiste diagnostiqua une légère fêlure dans le bas de la colonne vertébrale due au terrible choc quand la voiture se retourna. Lorsque Shrî Mâ fut mise au courant de l’accident, il nous sembla qu’elle s’attendait à une telle nouvelle. Son kheyâla ne l’avait-il pas avisée…mais elle ne souffla mot.

      Dans l’après-midi, au moment creux où l’ashram observe une période de répit entre le déjeuner de midi et le satsang du soir, Shrî Mâ quitta tranquillement sa chambre et s’en alla. Vimaladî (Dayânandajî) qui était dans l’entrée, fut surprise de la voir debout devant elle sans ses sandales ni son chaddar (châle). Sans même lui donner le temps de réagir, Mâ lui demanda de préparer une dose d’un médicament dont elle connaissait les ingrédients. Quand cette petite pilule fut

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confectionnée, Shrî Mâ attrapa le bras de Vimaladî et commença à descendre l’escalier. Vimaladi réalisa que Mâ allait sortir. Elle se désengagea de l’étreinte et courut chercher les sandales et le châle de Mâ qui, ainsi accompagnée de Vimaladî en plein étonnement, s’achemina le long de la petite

route. Aussi étrange que cela puisse paraître, pas un de ses fidèles qui étaient nombreux autour de l’ashram quand Shrî Mâ y résidait, ne la vit s’éloigner.

      En arrivant à la grande route principale, elles aperçurent Pataldâ qui allait s’y engager également. Naturellement, il fut surpris de voir Shrî Mâ. Elle lui demanda : « Savez-vous où habite Bithou [le surnom de Bithikâ Mukerjî] à la Banaras Hindu University ? Pouvez-vous m’y amener ? » Avant même qu’il ait pu répondre par l’affirmative, un ami en voiture s’arrêta auprès d’eux. Il se rendait à l’ashram. Il s’extirpa rapidement de la voiture en tenant deux guirlandes en guise d’offrandes. Shrî Mâ les prit en disant : « Tout enchaînement dans les évènements (samyoga) est de bon augure. » (Plus tard, elle les énuméra, comme par exemple : elle put sortir sans qu’un tas de gens ne lui pose toutes sortes de questions ; on ne l’arrêta pas pour fixer des rendez-vous ; elle rencontra Pataldâ au moment voulu et il était l’une des seules personnes à connaître ma propre maison à la B.H.U. ; dans son véhicule un chauffeur plein de bonne volonté se présenta juste à temps, et par surcroît avec deux guirlandes au lieu d’une seule comme on en apporte habituellement.

      Nous fûmes fort étonnés, à l’Université, à la vue de Shrî Mâ qui entrait tranquillement par la porte du jardin. Elle hésita un instant devant les marches de l’escalier. [Elle suivait la règle des sannyâsis de ne pas pénétrer dans les maisons individuelles où les familles habitaient] Patalda affirma avec véhémence : « Mâ, ces maisons appartiennent à l’Université. Les membres

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du personnel vont et viennent, ce ne sont pas des résidences permanentes, c’est plutôt comme une dharamshâlâ. »

      De toutes façons, Shrî Mâ eut le kheyâla d’y entrer. Elle fut bien vite devant le lit de Bindou, et commença à trouver à redire à tous mes aménagements : « Regardez-moi ce lit,

comment peut-on être confortable dans un lit aussi étroit ! Amenez-moi un autre chowki beaucoup plus large. » Tandis que nous nous précipitions pour exécuter ses ordres, elle fit en sorte que Vimaladî, à notre insu, mette son médicament dans la bouche de Bindou tout en lui faisant signe de l’avaler. Elle lui parla de l’accident. Elle posa alors doucement ses mains sur sa poitrine en frottant par quelques mouvements vers le bas. Elle offrit les guirlandes à Shyamoli et Bindou, en se référant à la coïncidence qu’il y en ait eu justement une paire pour le couple qu’ils formaient.

      Shyamoli, trouvant Shrî Mâ si proche et si abordable s’aventura à parler de la situation actuelle de Bindou. Elle dit : « Mâ, il ne va pas nous permettre de stopper le flux ininterrompu des gens qui viennent le voir. Des douzaines parmi ses collègues de bureau sont déjà venus le visiter et d’autres vont suivre car les nouvelles vont vite dans le voisinage. Le médecin lui a dit de se reposer mais on n’arrête pas de le déranger. »

      Si Shyamoli s’attendait à une marque de compassion, elle dut être déçue, car Shrî Mâ lui sourit tout en répondant : « Voyez-vous, il est si charmant dans ses manières d’être que toutes sortes de gens s’inquiètent pour lui. »

      Quelques minutes plus tard, Shrî Mâ s’en alla, nous laissant nous étonner et nous émerveiller de sa grâce divine (kripa) et de sa courtoisie. Très vite ma mère remarqua chez Bindou que sa respiration faible était devenue normale et qu’il semblait ne plus souffrir de cette douleur qui le faisait se ressentir comme

 

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dans un carcan. Il était étendu très relaxé et à son aise désormais. Il progressa très rapidement, à tel point que le jour suivant il persuada son chauffeur Kapoor de le conduire à l’ashram. Il monta les escaliers menant à la chambre des audiences sans aucune aide. Tout le monde fut surpris de le voir

 

et on s’exclama de joie devant sa guérison. Shrî Mâ rit et lui tendit une guirlande. Il vint jusqu’à elle et s’inclina dans un pranâm. Quand il releva la tête ses joues avaient légèrement rougi. Shrî Mâ dit : « Pourquoi cet effort supplémentaire ? » Elle mit les mains sur sa tête et ses épaules en un geste de bénédiction. Elle demanda aux jeunes filles d’aller chercher un harmonium. Quand on le lui amena, Bindou entonna un ou deux chants pour Shrî Mâ. Son kheyâla en l’écoutant chanter l’avait sorti des conséquences de cet accident, qui, au dire de chacun, aurait pu lui être fatal. (p.113-114)

 

   A propos de la félicité


    Ananda, la félicité,  est le langage de la réalisation ; dans ânanda, il y a ni Soi ni Brahman mais une unité homogène, non brisée, un sentiment de joie unifiée, akhand-aika-rasa, qui touche chacun dans son omniprésence. Chaque vie est enrichie dans la mesure où elle s'approprie la joie intense de l'être (Taittirîya Upanishad II. 7). La vérité de cette affirmation est un objet d'expérience pour chacun. Plutôt que la souffrance,  la joie de vivre est le fait de la vie. Le chagrin est une aberration, une négation de la véritable forme de la vie. Il vient de l'autre, alors que la joie de vivre est enracinée dans le Soi. La peur prend son origine dans l'anxiété pour l'autre, (ainsi que les attentes à leur égard, le désespoir, les déceptions, les deuils à

 

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leur propos, etc.) qui assombrit constamment  le débordement naturel de joie qui est la nature de l'être humain. En cela, il est identique à Brahman, à la grande Réalité, et ainsi il est à son tour en contact avec l’ensemble du monde. Qui peut être

 

"autre" par rapport à celui qui appartient à tout  lieu car personne n'est dépourvu de cette étincelle de la joie de Brahman. Pour le cœur  en expansion qui a accueilli le monde entier et a trouvé la Félicité en lui, il ne peut être question de souffrance.

     La question d’ânanda touche le nœud  réel du cœur de l’être humain. On n'a pas de doute sur la réalité de sa propre existence, et on est donc capable d'imaginer Brahman comme sat. On est aussi conscient de soi-même et on peut comprendre l'idée de chit ; mais ânanda est tellement fragmenté, tellement diffus, une expérience si ténue dans la vie qu’il est difficile de la faire se relier au concept du Brahman Suprême. Pour cette raison, la tradition développe le point de vue que sat et chit révèlent Brahman mais ânanda est le voile qui le cache ; pourtant, ce voile n'en est pas moins indicateur de sa présence.

    Le terme ânanda  est utilisé comme synonyme pour ananta, l’infini, dans la définition qu’en donne la Taittiriya, car ce qui est fini ne peut être de la nature de la félicité. Seule l'infini, où il n'y a aucune trace ni ombre d'"autre" peut être identifié avec la joie  suprême. La Taittiriya Upanishad déclare (II. 8. 1) :

 

Cela est de la nature  d'une saveur ;

En l'expérimentant, l'être humain rentre dans une extase suprême.

 

 

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On explique alors à l'élève que c'est en lui qu’il y a effectivement ce bonheur Suprême, mais qu'il est intermittent et de forme complexe dans l'expérience qu'il en a actuellement. Tout ce qu’on lui demande, c'est de suivre son Enseignant dans son énonciation de la nature de Brahman et cet enseignement selon lequel ce Brahman réside caché sous forme de

Conscience-Témoin dans la grotte de son propre cœur. S'il y a mise en présence directe avec cet "homme dans le cœur" qui est le même que "l’homme dans le soleil", tout s’accomplit d'un seul coup[10], il y a la tranquillité même de la plénitude, et l'expérience de félicité suprême d’être son propre Soi (Taittiriya Upanishad III 9.1.)

 

     Pour étayer ce qui a été  dit, nous allons citer quelques versets (21 à 29)  d'un commentaire de la Taittiriya Upanishad, le Taittiriyaka-vidyâ-prakâsha ( l'exposition de la connaissance de la Taittiriya ) que Bithikâ a traduit en entier en seconde partie de son livre :

      Il s’agit d’un texte écrit vers le XIVe ou XVe siècle par Vidyâranya, dont le nom signifie  "forêt de connaissance". C’était, dit la tradition, le premier ministre du début de l’histoire  du royaume de Vijayanagar qui a résisté avec succès, aux invasions musulmanes et qui a fait vivre la tradition hindoue dans le sud de l'Inde pendant plusieurs siècles. Au comble de sa gloire, il est allé se retirer dans la forêt, puis a été

 

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nommé le Shankarâchârya de Shringeri au Karnataka, devenant ainsi le chef d'une des quatres lignées fondées par le premier  Shankarâchârya. Il est aussi l'auteur d'un célèbre texte védantique, le Panchadashi, dont le nom signifie "quinze" car il est constitué de quinze chapitres. Les cinq derniers sont consacrés  à ânanda, la félicité. Voici maintenant les quelques  versets que nous citons. Nous en avons révisé la traduction à

partir du texte sanskrit.  On remarquera que dans les premiers, Vidyâranya est en faveur d’une pratique parallèle du védanta et  du Yoga :


 « La vision tournée vers l'extérieur consiste en l'apparence du monde ainsi qu’en la notion de sa réalité. Par le discernement, on dissipe cette fausse réalité du monde ; par le Yoga, on retire l'apparence même du monde.

Après s’être débarrassé de la vision tournée vers l'extérieur, ce qu'on voit par la vision tournée vers l'intérieur, c'est cette mystérieuse conscience du "Je" qui nous est chère et qu’on considère comme Brahman.

En voyant celle-ci, si on demande "Par l’obtention de l’Ultime, qu’y a-t-il de si extraordinaire pour celui qui a la Connaissance ?", on répondra alors que  l’accomplissement de toutes les plénitudes simultanément est ce qu'il y a d’extraordinaire.

Toutes les créatures désirent constamment les plaisirs des objets ; tous ces désirs proviennent de la félicité de Brahman - cela est affirmé dans un autre texte  (Brihad-Aranyaka Upanishad  IV.3.32)

"Les objets extérieurs sont la source de la Félicité" : à cause de cette illusion, tous les êtres vivants désirent les objets, (emportés qu’ils sont) par leur vision tournée vers l'extérieur.

 

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En obtenant l'objet désiré, l’esprit (dhî) revient au cœur,  où il expérimente la félicité de Brahman pour un instant, puis il se remet  à désirer l’extérieur.

A cause de cette impermanence, des traces de félicité subsistent dans l'expérience de ces objets. Le plaisir perçu dans les objets est l’effet de l’illusion, en réalité, il n’y que la félicité de Brahman.

 

 

Ceux qui sont pourvus de discernement contemplent constamment avec leur vision tournée vers l’intérieur cette félicité de Brahman, et toutes leurs  expériences temporaires de félicité se fondent dans cette continuité (ou immédiateté,  nirantara).

Celui qui connaît la réalité obtient simultanément tous les désirs sous forme de Brahman, nous avons entendu (le témoignage des Ecritures) à propos de cet avantage extraordinaire qu’il y a à parvenir à Brahman. »

 

 

 

Conclusion

 

   Si l’on entend par conclusion une réponse définitive à un problème spécifique, on ne peut que reprendre dans ce livre le plaidoyer pour une meilleure compréhension de ce problème et chercher à mettre en valeur son intérêt majeur non seulement pour l'Orient mais aussi pour l'Occident. En cet âge d'accélération et de progrès, tout est rendu possible en principe à tout moment. Il n'y a pas de sujet qui ne soit global dans ses implications à notre époque. Nous avons étudié la modernité et

 

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nous avons trouvé que le monde Occident est sous tension, partagé qu’il est entre un sentiment d’enthousiasme pour les grandes réussites de la science et l'angoisse venant du fait qu'il prend un chemin sans retour. Nous avons  vu aussi que les tentatives d'occidentalisation du langage de l'advaïta allaient au-delà des limites de la conception traditionnelle de la manière dont la vie doit être vécue aussi bien dans la cité que dans la forêt. L'Inde contemporaine, en choisissant la cité, a certainement opté pour "ce qui est agréable" preyas, plutôt que "ce qu'on doit préférer", shreyas ; mais est-il possible de parler

 

de renoncement dans un environnement qui affirme rendre possible l'obtention de la plénitude pour tout un chacun dans le monde et non pas en s'en éloignant ?

    Devons nous rappeler ici que mâyâ correspond exactement à cette situation consistant à rester fascinés, suspendus à l'ordre extérieur qui nous est donné, avec même une complaisance métaphysique à le considérer comme ultime? La philosophie védantique dit qu'il en est effectivement ainsi, mais il y a  dans les expériences des plaisirs du monde les germes qui nous permettent de dépasser le pouvoir de mâya. Le védanta nous dit que notre propre existence, sat, et notre conscience, chit,  établissent une continuité avec Brahman. Avec la félicité, ânanda, nous en venons à une séparation entre le royaume de mâyâ et celui de Brahman. Il n'y a pas de continuité dans l'expérience de joie pure ; chaque expérience est une totalité en soi. Elle ne laisse rien derrière pour la faire perdurer d’un moment de plaisir à l’autre. Elle disparaît sans laisser de traces, mais reste cependant un fort désir pour sa répétition. L'importance réelle du plaisir dans le monde vient du fait qu'il ramène l'attention à ce que précisément il n'est pas. La

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fragmentation de la joie doit évoluer inévitablement vers l'accomplissement et la plénitude. Que le monde soit donc là où il est, astu samsâra eva, car lui seul peut nous montrer la voie vers la Félicité de l'Etre, mais en oubliant la leçon du discernement, il y a la crainte que nous oubliions également le message qui nous rappelle vers notre véritable maison, vers ânanda, la Félicité.

 

Citations et résumé de Bithikâ Mukerjî :

 Neo-Vedanta and Modernity,

 Ashutosh Prakashan Sansthan, Varanasi 221005, Inde, 198322

 

Lewis Thomson

Journal d’un poète intégral

 

J’ai pu rencontrer récemment Richard Lannoy dans sa maison près de la mer du côté de Southampton. Il était proche d’Atmânanda, et a fait une série de phtos de Mâ en 1954 d’où il a tiré un beau livre pour le centenaire de celle-ci en1996, avec un texte intéressant. Il est spécialiste d’art, mais s’intéresse aussi à la psychologie et son livre de synthèse sur l’Inde The Speaking Tree à Oxford University Press est toujours réédité depuis 30 ans et reste une référence sur le sujet. Il a épousé une indienne dont il est maintenant veuf. Il prépare actuelement un ouvrage appelé ‘Epiphanie’sur les manifestations du spirituel dans l’art moderne. Il vient aussi de finir un troisième livre sur le poète et sâdhaka Lewis Thomson qui a aidé Atmânanda à se

 

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relier à Mâ Anandamayî. Il s’agit de son journal spirituel dont nous rendons ci-dessous quelques extraits.

 

 

 

5-4-1944

(Ces cinq pages ont été écrites au lit, à l’hôpital, où je me remettais d’une typhoïde) [Thomson est décédé cinq ans plus tard à Bénarès, au cœur de l’été, à  l’âge de 40 ans]

Dernièrement, pour la troisième fois je pense, visite chez Mâ Anandamayî.

Shri Aurobindo a dit d’une photographie d’elle : une incarnation de Pureté et de Beauté. Elle a réalisé le Sachidananda, le plus au niveau possible. Le fidèle qui m’a communiqué cela m’a dit qu’il le tenait d’un fidèle de Shri Aurobindo. Plus tard, Ajit Basu m’a appris que c’était Dilip Kumar Roy qui avait demandé à Shri Aurobindo quel était l’état de Shri Anandamayî et qu’il a dit : « Elle flotte constamment dans la conscience de Sachindananda ».

   Le même fidèle, qui semble sérieux, intelligent et bien informé, m’a dit qu’elle ne donnait pas d’initiations, mais que certain avaient des visions d’elle.  Cependant, il affirme qu’elle donne des conseils à certains sâdhakas et peut toujours aider ceux qui stagnent dans leur sâdhana…..

    Pendant que j’étais assis simplement à un mètre d’elle lors du sankirtan à Dashashvamedh Ghat,  elle m’a regardé dans les yeux durant plusieurs secondes. ­–Un regard indescriptible qui a éveillé en moi des larmes d’émotion profonde. Dans ce regard, en quelque sorte, m’est venu à l’esprit qu’il y avait la reconnaissance de l’Unité, de l’Un, et pour un instant il a semblé absorber, oblitérer, ma conscience entière.

  

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 Un peu plus tard elle demanda qu’on me donne une guirlande qu’elle avait portée et peu après une personne qui l’éventait m’en a donné une autre. Elles étaient toutes les deux de jasmin.

    Après quelque temps Mère se leva, et, avec la foule qui se pressait derrière elle commença à descendre les gradins pour retourner à la barque sur la rivière par laquelle nous étions venus du temple près d’Assi. Après avoir descendu avec difficulté peut-être une demi-douzaine de marches, elle se retourna  soudain, remonta et se perdit dans la foule. Elle fit pradakshina [le tour] de la murti [statue] autour de laquelle tant de gens s’étaient perdus en extase. Un vieil homme avait été

soutenu mais avait refusé de s’arrêter avant d’être tombé plusieurs fois au sol et d’avoir été étendu par terre. Un fidèle me dit qu’il n’y avait pas de doute qu’elle ait fait cela comme un exemple.

 

13-4-44

Sens fort de la présence de Shri Anandamayî − sa note particulière, la richesse active, saturée. Un parfum chaleureux aussi, comme une présence physique. − C’est très puissant et enveloppant, mais quand j’essaie de le définir, je me trouve en dehors d’elle.

Thomson retrouve Mâ et probablement Atmânanda à Almora

 

4-6-44

Chaque mouvement à chaque phase de conscience tend continuellement à s’auto-perpétuer − et à son niveau particulier peut donc produire une hypnose profonde et une hallucination (par ex. la sexualité). Ce n’est que ‘verticalement’ et d’un

 

 

 

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centre plus profond que l’individualité, que la réorganisation de la conscience est possible.

 

27-8-44

[Après avoir expliqué un de ses rêves]

La perfection de la tradition hindoue, c’est que contrairement au christianisme, elle n’a jamais perdu la maîtrise sur la relation entre la conscience centrée psychiquement du monde antique qui, dans les Védas, en Egypte, en Crète, en Scandinavie, dans les pays celtiques, connaissait les dieux directement, et aussi l’esprit pur dont tout ceci était la manifestation. Elle n’est pas aveuglée par l’Ishvara, le Démiurge [Créateur], la voie intermédiaire pour un cosmos donné pour le  Suprême de tous les mondes possibles.

 

 

31-8-44

Mata Anandamayî. Fraîcheur simple, enfantine dans sa façon de s’exprimer et de rire.

 

1-9-44

Il n’y a pas de véritable fondation pour la relation à ce monde que l’abandon au Suprême. Sinon il n’y a que l’impureté et l’incomplétude sans fin de son ego et de celui des autres.  L’abandon est la seule pureté, la seule lumière et guide dans l’obscurité de ce monde. Mon esprit peut voir cela, mais hélas, je n’ai pas la force de le mettre en pratique. − De quelle force a-t-on besoin pour s’abandonner ? Simplement la force de notre faiblesse effective, que l’ego ne peut pas accepter. Mais aussi la joie et pureté intrinsèques de notre ego -  la seule force véritable, authentique et désintéressée qui soit.26-9-44

26

 

Poème  Pollen de fleur écrit le 13.

Novalis « Le génie est le pouvoir de traiter des objets imaginés comme réels…et les réels comme s’ils étaient imaginés ».

Et Picasso « On laisse les objets imaginés s’habiller avec des apparences réelles ».

La Connaissance védantique revient au fait que le réel est la perfection de ce qui est imaginé (Pure merveille) − comme je l’ai décrit : La Poésie est la Source et la Substance de tout ce qui apparaît.

 

Comment étais-tu Mâ ?

(Par Mahâjyoti)

 

La 1ère ride vient d’un cri

La 2ème d’un pleur

La 3ème quand tu ris

La dernière quand tu meurs

 

Comment étais-tu Mâ ?

 

Comment étais-tu Mâ quand tu avais 20 ans ?

Un être de blancheur, pureté et candeur

Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur

Et dont l’Enseignement doublé de l’exigence

Distribuait tout l’AMOUR dont elle était l’essence !

 

Savoir fleurir

Savoir sourire

 

Comment étais-tu Mâ à la fin de ton temps ?

 

Les rides avaient creusé un sillon de bonheur

Faisant se refléter la ‘Lumière Intérieure’

Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli

Puisqu’en Elle le ‘SOI’ à TOUT s’était UNI.

 

Savoir souffrir

Savoir vieillir

 

La 1ère ride : un cri

La 2ème ride : un pleur

La 3ème quand on rit

La dernière quand on meurt !

 

 

                           Mahâjyoti

(Geneviève Koevoets)

                                                                   2005

 

 

 

Force ou Courage  (Texte anonyme)

 

Il faut de la FORCE pour affirmer son opinion

Il faut du COURAGE pour l’assumer jusqu’au bout.

 

Il faut de la force pour prendre une décision

Il faut parfois du courage pour en assumer les conséquences.

 

Il faut de la force pour avancer

Il faut du courage pour accepter de s’être trompé.

 

Il faut de la force pour choisir

Il faut du courage pour renoncer.

 

Il faut de la force pour accepter les épreuves

Il faut du courage pour en rire.

 

Il faut de la force pour dénoncer

Il faut du courage pour se taire.

 

Il faut de la force pour gagner sa vie

Il faut du courage pour affronter la misère.

 

Il faut de la force pour dire non

Il faut du courage pour être capable d’affirmer son opinion sans violence.

 

Il faut de la force pour affronter les autres

Il faut du courage pour s’affronter soi-même.

 

Il faut de la force pour réussir

Il faut du courage pour se surpasser.

 

Il faut de la force pour endurer l’injustice

Il faut du courage pour l’arrêter.

 

Il faut de la force pour aimer

Il faut du courage pour s’en aller.

 

Il faut de la force pour vivre

Il faut du courage pour survivre.

 

 

(Ce superbe diaporama (1415 Ko)

Fleuri et musical, est signé :

Jacky Questel - Novembre 2005

Photos Erick Dronnet

Musique Rieu ‘Fleurs du Printemps’)

 

Il est à disposition chez Mahâjyoti

koevoetsg@wanadoo.fr  qui en a relevé le texte.

 

Nouvelles

 

 

-         Vigyânânand s’excuse pour le retard de ce numéro. Il est rentré en France pour la parution de son livre Inde intérieure au Salon du Livre de Paris en fin mars, et depuis est en tournée de retraites et de conférences, où il est amené assez souvent à parler de Mâ, bien que ses sujets principaux soient plutôt cette fois-ci « psychologie et spiritualité » ou « l’esprit de l’Inde ».

-         Nous avons déjà mentionné la parution du livre de Bithikâ Mukerjî dans le texte ; on pourra se reporter au début des extraits pour les détails.

-         Swami Nirgunananda sera en France pour un programme à Terre du Ciel prévu depuis longtemps du 7 au 12 août sauf erreur, contact Terre du Ciel Domaine de Chardenoux 71500 Bruailles 03 85 60 40 30 entre 14h et 16h infos@terre-du-ciel.fr. Il passera aussi un

 

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week-end à Genève contact Jamshid Anvar  00 41 22 776 19 18 jamshid@bluewin.ch et près de Bruxelles à

l’Université de Louvain-la-Neuve du 25 au 30 août. Contact Paul et Christine Neeffs  christine.neeffs@belgacom.net  Nous publierons dans le prochain numéro des extraits de satsang  avec Swamiji.

-         Une samyam saptah (semaine de retaite) a eu lieu a l’ashram de Bhimpura, sur les bords de la Narmada,   fin janvier autour de Swami Bhaskarananda à l’occasion de son anniversaire. Beaucoup d’Occidentaux étaient là, et pour la première fois dans ce genre d’événement, il y a eu des enseignements réguliers en anglais.

-         Vigyânânand (Jacque Vigne) est de retour en France pour une dizaine de mois. Son programme de conférences et stages est disponible à www.jacquesvigne.fr.st ou en s’adressant à Mahâjyoti  koevoetsg@wanadoo.fr . Il passera en direct à RFI (Radio France Internationale) le mardi 1er mai de 11h30 à 12h, ainsi qu’à l’émission de Michel Cazenave sur France-Cuture « Des vivants  et des dieux » qui sera enregistrée à la même période et diffusée à une date non encore déterminée. Il est diffcile de dire d’avance si une partie de ces interviews portera

ou non sur Mâ. Le livre Inde intérieure est paru aux éditions du Relié et était présent au Salon du Livre de Paris dont le thème cette année était l’Inde. Il s’agit du rassemblement de 20 ans d’articles et études de Vigyânânand sur la spiritualité et la psychologie de l’Inde expliquée aux Occidentaux.

 

 

 

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-         Orianne Aymard est venue pour trois mois en Inde dans les ashrams de Mâ pour faire le travail sur le terrain d’une thèse de doctorat qu’elle prépare sur le culte de

Mâ après sa mort. Elle est de Paris, mais travaille à l’Université de Montréal avec le Pr Mathieu Boisvert qui est un visiteur régulier de l’ashram de Kankhal.

 

          Renouvellement général des abonnements

 

A part pour ceux qui ont réglé ces derniers mois pour 9 ou 10 numéros, nous voici venus au moment du renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui souhaitent se réabonner,  ils peuvent le faire pour huit numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 16 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine – 0490121983 – nagajo3@yahoo.fr

 

Il se trouve que Jacques Vigne donnera à Vaison le 26 avril une conférence organisée par José et Nadine.

Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par email. Envoyer alors 8 € pour 8 numéros jusqu’en mars 2009 à Nadine et José Sanchez,  avec le chèque toujours au nom de Jacques Vigne, en avisant Mahâjyoti (koevoetsg@wanadoo.fr) qui se chargera de vous l’envoyer et de vous l’illustrer.  Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de

 

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numéros qui n’arrivent pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à la hauteur.

 

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                  1                     

En Compagnie de Mâ Anandamayî

Par Bithikâ Mukerjî                                         2

Lewis Thomson

Journal d’un poète intégral                              22

Comment étais-tu Mâ ? Par

Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)                  26

Force ou Courage (Anonyme)                       27

Nouvelles                                                       29

Renouvellement abonnements                      31

Table des matières                                          32

 

 

 

 

 

           Jay Mâ N°85    -      Eté 2007

                                1

                                                   

Paroles de Mâ

Est VU, vraiment vu, ce qui une fois vu enlève tout désir d'en voir plus.

Est ENTENDU, vraiment entendu, ce qui une fois entendu enlève tout désir d'en entendre plus.
 

Allez à la recherche de ce qui est dissimulé derrière le monde. Pour cela, choisissez le seuil qui rend facile l'accès à votre vraie demeure.

 
Quand vous dites : "Untel vient de s'en aller", il ne faut pas oublier qu'en un sens personne n'est parti. Absente de tout va-et-vient, chaque existence est présente de tout-temps.

 
Pour qui a gagné la grâce d'une Grande Ame, quelle que soit ensuite sa façon d'agir, le but suprême ne peut plus être manqué. Cette personne peut traverser toutes les tribulations, tous les désirs, elle est sur la Voie. Cela s'explique : une étincelle peut suffire à mettre le feu. Après, tout va de soi. Les barrières brûlent !

 

Vos limites sont l'occasion d'un retournement qui vous renvoie à ce que vous êtes à l'origine.
 
 Où que vous vous dirigiez, vous allez au devant de votre propre Soi. Rien au monde n'est autre que votre propre Soi.

 

2

 

Vous pouvez atteindre le Un autant en vous déclarant son ennemi qu'en l'adorant. Le Un condense guerre et paix. Tout est Lui seul. Quoi que vous perceviez, quels que soient les événements, tout est sa manifestation.

 

Extraits de Vie en jeu de JC Marol, éditions Accarias

 

 

En Compagnie de Mâ Anandamayî

 

Haribâbâ et son entourage

 

par Bithikâ Mukerjî

 

 

    Durant cette visite à Shrî Mâ, Haribâbâjî arriva seul au début et sans sa « suite » habituelle, excepté Ghanshyam, son accompagnateur personnel. Nous apprîmes qu’il avait quitté Baandh sans rien dire autour de lui. Il confessa à Shrî Mâ que personne parmi ses fidèles n’était assez sérieux dans sa quête de félicité spirituelle. Tous avaient fait semblant de s’intéresser à lui. De toutes manières, son rêve de traverser la rivière de la vie (bhavanadî), en tenant par la main  toute sa suite, était irréaliste. Sur le chemin spirituel, chacun doit voyager seul.

 

    Quelques-uns parmi les plus importants villageois et propriétaires terriens de Baandh vinrent à Dehradun à la recherche de leur vénérable Haribâbâjî. Ils savaient qu’il serait allé voir Shrî Mâ. Ils vinrent donc le prier de retourner à

                                                                     3

 

Baandh et donnèrent à Mâ leur son de cloche : « Baba ne veut pas comprendre que nous avons fait de notre mieux mais que nous n’avons pas pu atteindre son niveau. Nous avons notre travail aux champs, à la maison, et ailleurs. Parfois on manque le satsang ou bien on s’endort. On a déçu Baba. » Une fois de plus ils demandèrent son indulgence, et ce dernier accepta de rentrer au village tout en invitant Mâ à venir le visiter.  (p.67)

 

 

     Vijayanandajî (Dr.Weintraub) arriva tranquillement et tout aussi tranquillement il s’intégra dans l’entourage pittoresque des adeptes de Shrî Mâ. Il apprit le hindi rapidement[11]  et put se dispenser d’un interprète. Je suis entrée en contact avec lui justement parce que je traduisais souvent pour Mâ. Je me souviens d’un incident à ce propos dont j’ai plutôt honte. Shrî Mâ vint à Vindhyachal avec cinq ou six étrangers. Elle voulait donner à ses visiteurs un certain répit par rapport aux conditions chaotiques qui prévalaient en général autour de Mâ dans ses principaux ashrams. Les matinées se déroulaient paisiblement en méditation dans la chambre de Shrî Mâ. Le premier jour, elle s’assit sur son chowki (lit) telle une magnifique silhouette sculptée dans l’ivoire mais palpitante de

4         

 

rayonnement intérieur. Je n’avais encore jamais vu une personne pouvant être à la fois si immobile et pourtant si vibrante dans sa méditation. Ses fidèles provenant d’autres pays s’assirent calmement devant elle, alors que nous quittions l’endroit. Didi songea qu’il était temps pour elle de faire un petit somme, elle s’étendit donc dans la pièce attenante à la chambre de Mâ et je m’assis à ses côtés. Malheureusement, Didi se mit à ronfler sans tarder, j’eus beau la secouer, elle ouvrit un œil, puis recommença aussitôt. C’était peine perdue que d’insister. J’eus un soupir de soulagement quand le moment vint de regagner la chambre de Mâ. Tous ses fervents adeptes semblaient heureux, ils firent leurs pranâms et quittèrent les lieux de façon ordonnée pour retrouver leurs chambres. Shrî Mâ ne souffla mot à Didi, mais quant à moi, j’eus droit à un de ses « savons » ! Dans un sourire inaltérable elle me réprimanda en disant : « Comment as-tu pu tolérer cela ? Comment peut-on méditer avec un bruit aussi disgracieux dans la pièce à côté ? Cela me rappelle les noms qu’on me donnait quand j’étais petite, atela (étourdie), bedisha (inefficace). Ne pouvais-tu pas être plus ferme et tenir Didi éveillée ? »…Elle continua dans cette veine, rendant son sermon plus humoristique que sévère. Didi pleine de remords se fondit en excuses. Quant à moi, bien sûr, je me sentais de devoir mériter toutes les épithètes dont Shrî Mâ se souvenait et m'avait qualifiée, bien que les méditants ne m’aient pas semblé avoir été dérangés. Après tout, ils avaient eu l’opportunité de s’asseoir en présence de Mâ et de pouvoir la contempler. (p.67- 68)

 

Retour à Raipur et Solon

 

 

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  Janvier 1948 fut le mois de la première Kumbha Mela après l’indépendance, et le 30 Janvier 1948, la radio annonça l’assassinat du Mahatma Gandhi.

    Le matin suivant nous nous rendîmes au campement de Shrî Mâ pour l’entendre parler encore et encore de Gandhijî. L’ensemble du camp était plongé dans la tristesse. Le bulletin d’informations avait été interrompu pour elle et nous entendîmes Shrî Mâ dire : « C’est tout comme Jésus Christ ! C’est tout comme Jésus Christ qui s’était approprié totalement la violence de son peuple et ainsi l’avait pardonné. »[12]

     Finalement le bulletin annonça que le service funèbre était fini. Un chapitre de l’histoire de l’Inde venait de se terminer avec cette mort inutile et tragique. (p.70)

 

 

    Après quelques jours, Shrî Mâ informa Didi qu’elle allait se rendre à Raipur et que Didou, Bhupen et moi-même pourrions l’accompagner à condition d’être prêts à partir en dix minutes. Gurupriya Didi demanda s’il était nécessaire d’emmener de la nourriture car à Raipur nous serions incapables de cuisiner quoi que ce soit en partant si précipitamment. Shrî Mâ répliqua avec nonchalance : « Il n’est pas nécessaire que tous ceux qui ont besoin de leur repas du soir viennent avec moi. Ils n’ont qu’à rester ici. »

    On arriva à Raipur dans la soirée. Seulement trois occupants de l’ashram étaient là : Swami Shashwatânandajî, Bishou Mahârâj et un autre ascète. Il n’y avait pas encore d’électricité, mais l’ashram était déjà vaste et très étendu. Je l’avais vu durant les vacances d’été de 1941. Rénou était déjà venue ici

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bien sûr, avec cette cousine que j’aimais et qui s’éteignit en 1942. Maintenant je pouvais voir la disposition des pièces telle que Rénou me l’avait décrite de façon si vivante et où Sejdi (Kawna) avait rendu son dernier soupir. Je fus bouleversée par un cuisant sentiment de chagrin. Tandis que Rénou et Sidou avaient trouvé ensemble une bonne entente, j’avais apprécié alors la compagnie de ma brillante cousine Kawna qui avait tout juste deux ans de plus que moi. Je contournai la chambre de Shrî Mâ et vins m’asseoir sur une pierre afin de rester seule avec mes pensées. A ma grande surprise, je vis soudain Shrî Mâ debout devant moi, une main tendue offrant quelque chose (probablement des fruits secs). J’avançai les deux miennes pour mieux recueillir l’offrande sans trop l’éparpiller. Mâ étreignit mes paumes jointes dans ses deux mains et me fixa du regard pendant quelques instants. Aussitôt je sus qu’elle savait. Ce fut un moment magnifique. La montée de larmes qui m’envahissait s’évanouit complètement. Je me sentis calme, heureuse et en paix. Entre temps, plusieurs personnes avaient rejoint Mâ, mais aucune ne remarqua quoi que ce soit d’insolite. Même Didi ne pensa nullement que j’étais en train de me souvenir de la mort de ma cousine. Seule Shrî Mâ s’en souvint, sut comprendre et être avec moi dans ma peine. Qui peut évaluer cette compassion dont elle nous enveloppe tous, à tout jamais ? (p.70-71)

    Srî Mâ décida d’aller voir un de ses proches fidèles, Yogibhaï, le râjâ de Solan en Himachal Pradesh , car il venait de perdre sa femme ; à cause des règles traditionnelles, il ne pouvait pas quitter son petit royaume pendant un an.

    Dehradun et Solan sont sur différentes chaînes de montagnes. Nous sommes descendus sur Moradabad. Puis en changeant de train à Moradabad nous sommes remontés jusqu’à Kalka et ensuite nous avons pris une petite voie de chemin de

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fer jusqu’à Solan. Shrî Mâ n’avait laissé personne informer Yogibhaï de notre visite. Nous sommes donc sortis de la gare et avons remonté gentiment à pied la petite côte qui mène de la route jusqu’au palais. Je me souvenais des précédentes visites de Shrî Mâ quand elle avait été reçue grâce à une organisation élaborée et sponsorisée par un comité de réception qui avait tout pouvoir. Une ambiance de jubilation avait imprégné la place du marché tout entière. Maintenant, personne ne nous prêtait la moindre attention. Shrî Mâ était venue pour une visite de condoléances et elle gardait le profil bas. Son comportement était toujours tellement correct, même en ces cas-là, que l’on s’émerveillait devant sa compréhension des normes de ce monde.

    Rupram, l’intendant personnel du Raja Saheb, se trouvait au même moment en train de descendre la côte. Surpris, il s’arrêta en voyant Mâ, n’en croyant pas ses yeux. Après avoir fait son pranâm, il courut jusqu’à un magasin le long de la route pour passer un coup de fil au palais. En moins de quelques minutes, une voiture descendit du sommet de la colline afin de nous y faire prendre place. Quelques minutes encore et elle nous déposa devant les grilles de la maison.  Ce fut à notre tour d’être choqués en voyant Yogibhaï debout devant le portail. Il était vêtu simplement d’une kurta de soie (sorte de chemise longue) et d’un dhoti. Il ne portait rien sur la tête et ses pieds étaient nus. Nous ne l’avions jamais vu en si simple attirail. Shrî Mâ s’avança vers lui tandis que nous nous tenions en retrait. Yogibhaï fit son pranâm et demanda pourquoi Mâ n’avait pas annoncé son arrivée. Deviram Bhaï et d’autres escortèrent alors Shrî Mâ jusqu’à son cottage situé juste au-dessous du palais.

    Après quelques temps, Yogibhaï vint s’asseoir auprès d’elle et lui parla pendant un long moment. Durant les deux ou trois

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jours qui suivirent, on put le voir passer autant de temps dans la chambre de Mâ que le lui permettaient ses autres occupations. Aucun de nous ne s’avisa de le déranger dans ces cas-là. Même Didi resta dans sa propre chambre, de façon à ce qu’il puisse parler en tête-à-tête avec Mâ.

    Après trois ou quatre jours, alors que nous étions tous assis avant de nous retirer pour aller nous coucher, Shrî Mâ elle-même nous dit : « Il n’a pas cessé de parler de sa femme durant toutes ces journées passées avec moi. Désormais je pense que ses réminiscences et ses souvenirs sont tous épuisés et que son cœur s’est déchargé de ce fardeau de douleurs pour un bon bout de temps. Le moment est donc venu pour moi de lui parler à mon tour. Il a sorti ce qu’il avait sur le cœur, maintenant il va m’écouter ! »

    Pendant tout le restant de son séjour, Mâ lui parla pendant de très longues heures. (p.71-72)

 

    Peu après la mort de Rani Saheba, l’épouse du prince régnant, l’annexion de nombreux royaumes et principautés de l’Inde prit place, donnant lieu à de nouvelles tragédies, entre autres aux pillages des trésors.

   Ruparam affirma que les évènements prenaient la tournure qui avait été prédite et que les rumeurs étaient vraies. Tout cela ressemblait davantage à un jeu d’attaques à main armée, plutôt qu’à une manœuvre du Gouvernement pour le bien de son peuple. Yogibhaï prouva lui-même qu’il était en réalité un ascète aussi authentique que son nom l’indiquait. (p.73)

 

 

    De Solan, nouvelle descente dans la plaine, pour grimper ensuite sur une troisième montagne jusqu’à Nainital. Shrî Mâ

 

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avait des visiteurs même dans ses retraites les plus reculées. Un jour, un homme vêtu comme un yogi se présenta, triste, l’air

 

abattu. Avec cinq amis il avait quitté sa maison il y a 15 ans pour suivre le chemin de l’ascétisme. Ils avaient pratiqué une rigoureuse sadhana, mais la fatigue, la maladie et la mort les avaient séparés, le laissant seul sur le chemin. Shrî Mâ le pria de lui parler de sa sadhana, et nous partîmes tous pour faire que Mâ puisse laisser agir le kheyâla qu’elle sentait à son égard.

    Après une heure ou deux, l’homme sortit de la tente de Mâ, complètement transformé, méconnaissable. Il s’inclina devant le Dr. Pannalal, disant qu’il avait reçu l’inspiration pour sa sadhana en cours. Après qu’on l’eut questionnée à ce propos, Shrî Mâ expliqua qu’elle était entrée avec lui dans les détails. Elle lui avait souligné les fautes que son petit groupe et lui avaient commises et qui les avaient tous portés jusqu’à la maladie. Elle ajouta : « Le corps est un instrument finement accordé. Ces chemins yoguiques sont dangereux si on n’est pas guidé par un enseignant compétent. Le Yoga dans la sadhana est différent des exercices yoguiques. On peut exécuter des exercices, mais dans la sadhana les états yoguiques se manifestent automatiquement au moment voulu. Il n’est pas nécessaire d’essayer d’obtenir à tout prix ce qui se réalisera tout naturellement. » (p.73)

 

La protection de Mâ

 

    Après de plaisants séjours à Nainital et Almora, nous descendîmes dans la fournaise de New Delhi. La célébration de l’Anniversaire de Mâ se tenait dans la maison du Dr. J.K.  Les festivités allèrent bon train malgré la chaleur étouffante. Shrî

 

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Mâ resta assise des heures sous la tente destinée au satsang. Les mahatmas qui étaient venus pour y assister firent de même.

    Nous avions l’habitude de jeûner totalement la veille de l’Anniversaire de Mâ. La pouja commença avant l’aube. C’est à ce moment là que l’entière congrégation use  de son  privilège

de toucher les pieds de Shrî Mâ, ou bien le chowki sur lequel elle est étendue en samadhi. Comme d’habitude je continuai à jeûner ainsi que le jour suivant. En fin de soirée, je me trouvai au bord de l’évanouissement à cause de la chaleur sans doute. J’étais assise sur une chaise dans la pièce du devant, en train de me dire que je devrais me lever pour aider à la préparation de la pouja, quand soudain, je me sentis soutenue par Udasji. Elle portait un récipient à mes lèvres et me priait d’en boire le contenu immédiatement. Je reconnus un mélange de citron, eau et sucre. J’essayai de protester en invoquant le fait que j’étais en plein jeûne. Mais elle répliqua : « Non, non, Shrî Mâ a ordonné que vous buviez cela jusqu’à la dernière goutte. » Après qu’elle eut suivi les instructions de Mâ, elle disparut aussi soudainement qu’elle était arrivée. Je n’ai jamais compris comment elle avait pu me repérer au milieu de tout ce monde, d’autant plus que je ne m’étais guère approchée de Shrî Mâ depuis un long moment. Personne d’autre ne remarqua quoi que ce soit, mais il reste évident que le kheyâla de Shrî Mâ s’était concentré sur moi, car elle m’évita de me couvrir de honte avec ma folle tentative d’austérité (tapasyâ) alors que je ne me sentais pas en forme avec la chaleur. Aussitôt après, je fus capable de prendre part normalement aux festivités. (p.77)

 

 

Souvenirs d’ashrams

 

 

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    Le fait d’avoir eu de Shrî Mâ la permission de l’accompagner au Bengale, fut un éblouissement. Je fus captivée par la beauté qui y régnait, dont le pittoresque est exprimé aussi bien dans les livres que dans les chants. Une autre fidèle de Mâ, Maunima, semblait aussi ensorcelée que moi. Elle s’était tellement amourachée de la région de Birbhaum, qu’elle  avait  affirmé  à Shrî Mâ  qu’elle  aimerait y

rester jusqu’à la fin de ses jours. Shrî Mâ avait abondé dans son sens, allant même jusqu’à suggérer de quelle façon et par quels moyens pratiques Maunima aurait pu trouver confortable de vivre dans un des monastères d’accueil entourant le lac près du village où nous-mêmes nous envisagions de nous fixer pendant un certain temps. J’écoutai cette conversation avec quelque scepticisme. Il était reconnu, en effet, que Maunima ne pouvait rester nulle part au-delà de quelques jours. Elle voyageait souvent avec Shrî Mâ et choisissait aussitôt son lieu de résidence. Shrî Mâ élaborait toujours des arrangements pour qu’elle ait son confort et sa tranquillité chaque fois qu’elle manifestait une préférence, soit pour loger dans une chambre donnant derrière sur le jardin ou dans tout autre lieu sûr de son choix. Mais malgré cela, à chaque fois, Maunima retournait sans tarder dans l’entourage de Mâ, certaine d’avoir rencontré des difficultés insurmontables là où elle avait choisi de rester.

    En écoutant donc avec quel enthousiasme Shrî Mâ adhérait à la décision de Maunima, je me sentis gênée devant l’irréalité de la chose. Je m’approchai de Didi afin de lui demander : « Est-ce que Shrî Mâ nous traite aussi de cette façon ? Est-ce que nous pouvons savoir si elle est prête à nous passer toutes nos toquades ? A céder à tous nos caprices ? Comment peut-on distinguer son propre kheyâla de son assentiment à nos désirs ? »

 

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  Didi qui ne nourrissait aucun doute à ce sujet répondit sur un ton musclé : « Mâ ne nous traite jamais de cette façon. Tu sentiras ce qu’est son kheyâla, ou pas, quand l’occasion s’en présentera. »

    Didi était certaine de ses affirmations, mais je restais tout de même sur mes doutes, car je n’avais jamais vu Shrî Mâ jouer sur deux tableaux à la fois. Si quiconque avait pu transformer son esprit en une boule de cristal permettant de refléter le kheyâla de Mâ sans pour autant le déformer, alors il aurait pu être certain de connaître la réponse, mais tout cela restait impossible !

    Soit dit en passant, il est amusant de rappeler que le jour qui suivit cette conversation, Maunima affirma tristement : « Mâ, tout est vraiment magnifique, mais les moustiques sont intolérables ! » Aussi, une fois de plus, elle se joignit à nous. (p.77-78-79)

 

                                                                 Extraits de la partie    traduite par Geneviève Koevoets dans En Compagnie de Mâ Anandamayî, en collaboration avec Jacques Vigne.

                                                 Editions Agamat -  Avril 2007

 

 

 

 

 

Echos de félicité

 

Par Vigyânânanda

 

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Certaines pensées sur le Yoga sont venues à Vigyânânanda dans l’ermitage de Mâ à Dhaulchina. Elles sont en écho avec l’enseignement de Mâ et l’expérience d’ânanda. Elles viennent d’être publiées début juin directement en livre de poche dans la collection Espaces libres d’Albin Michel Michel Jourdan, Jacques Vigne « Cheminer, contempler ».  Nous en donnons quelques extraits ci-dessous, y compris les dernières :

             

 

 « Quand s'ouvre la rose du cœur »

 

 

   Mâ évoquait l'ouverture du lotus du coeur comme un tournant important dans la sadhana. Lotus et rose sont deux symboles qui se répondent comme en miroir en Orient et en Occident. Bien que le lotus n'ait pas d'épines, il naît de la boue et évoque donc aussi l'élévation au-dessus des difficultés et des souffrances. La rose se dit parfois en sanskrit 'fleur de japa', le japa étant la récitation régulière du mantra souvent aidée d'un rosaire, d’où cette tentative de traduction du nom de cette fleur inconnue à l’époque ancienne en Inde. Au fur et à mesure de la pratique, on touche à des blocages de plus en plus profondément enfouis dans le coeur. Quand ils se dénouent, la respiration est libérée, la cage thoracique, les poumons se dilatent, donnant physiquement la sensation de fleur qui s'ouvre. Une fois que celle-ci s'épanouit, non seulement la pratique mais aussi la communication de l'expérience spirituelle devient plus facile. Elle se fait spontanément, ceux qu'on doit aider viennent à vous d'eux-mêmes. Dans les Védas, on dit:

 

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'Quand le lotus est épanoui, les abeilles y viennent d'elles-mêmes'.

   On voit fréquemment dans les mouvements religieux des débutants ou des personnes qui peinent dans leurs pratiques et dont visiblement la rose du coeur n'est pas épanouie. Ils viennent à la recherche spirituelle plus pour y trouver une consolation partielle qu'une résussite complète. Ils cherchent à se détacher en adoptant un style de vie nouveau, mais regardent en fait sans cesse en arrière en direction des petits désirs qu'ils ont perdus. Ils prétendent chercher la Réalisation mais sont en fait convaincus que pour eux, elle est hors d'atteinte. De leur tristesse, ils encombrent leur propre coeur et celui de ceux qui les entourent.

   Quand la rose du coeur s'ouvre, la frustration intime, cuisante, fondamentale est remplacée par une satisfaction sans cause, une félicité spontanée dont l'intensité ne trompe pas. Cela ne signifie pas que tous les obstacles soient résolus, mais l'enthousiasme est certainement là, à portée de main, pour les résoudre; Le bonheur spirituel cesse d'être une imagination lointaine pour devenir une saveur immédiatement perceptible au fond du palais. Il n'y a pas lieu de chercher à se tromper soi-même par des auto-suggestions faciles, mais il faut cependant garder tout le temps présent à l'esprit le fait que, comme disait Mâ Anandamayî par exemple, 'la Réalisation peut survenir à l'instant même.'

 

 

«  L'appât: l'union  »

 

 

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  Quand les courants de sensations gauches, droites et médians confluent de façon stable et régulière soit à l'ajna, soit au coeur, la félicité de l'union, yogananda, se met à nous illuminer aussi régulièrement que le filament incadescent d'une ampoule quand le courant électrique passe au travers. Ramakrishna comparait ce bonheur à un appât; si on a la patience d'attendre, le poisson de la Grande expérience, celle du Divin, ne manquera pas de glisser sous la surface du mental-écran et de 'mordre'. Tout ce qu'on a à faire, c'est de tenir fermement en main la canne à pêche de bambou, c'est à dire de maintenir la colonne vertébtrale et son empilement de vertèbres bien érigés, tandis que les courants d'énergie gauche et droite confluent régulièrement vers l'axe médian. On peut rapprocher cette image d’un des neuf signes porte-bonheur du bouddhisme tibétain, les deux poissons d’or qui semblent se courber pour rentrer de façon symétrique dans un courant central. Ils sont constamment attirés par cette ‘voie du milieu’ comme par un appât.

 

 

«  Le Yogui est plus qu'absolument naturel; il est naturellement absolu  »

 

       On peut dire dans le langage courant de quelqu'un qui est très simple par tempérament qu'il est 'absolument naturel'; mais dire d'un Yogui qu'il est naturellement absolu, cela nous projette dans une dimension bien plus élevée, celle du sahaja samâdhi, l'enstase naturelle, spontanée. C'est le stade le plus élevé du védanta où l'on est capable de faire descendre l'expérience d'unité complète (nirvikalpa samâdhi) dans la vie quotiddienne. Ce n'est pas donné à tout le monde.  'Etre spontané'  ne  signifie  pas  suivre les

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premières impulsions d'un mental non purifié; cela mènerait à la décadence, comme cela a été le cas pour les sahajiya-s, 'la secte spontanée' au Bengale à l'époque médiévale. Nisargadatta signifie 'consacré à la spontanéité, et c'était le nom de Maharaj, le maître védantin qui est mort à Bombay en 1982. On est effectivement touché par le naturel de ses réponses. Ceux qui étaient en contact avec Mâ Anandamayî étaient frappés par le mélange unique d'absolu et de naturel qui émanait d'elle; derrière cela, il y a tout le mystère de la présence du divin dans l'humain.

 

 

«  Une félicité continue comme un courant d'huile »

 

      Le mystique ne veut pas un bonheur au goutte à goutte, comme les matérialistes qui sont maintenus en vie par un 'goutte à goutte' plutôt irrégulier, avec une goutte de bonheur par ci et une autre par là. Chacun peut recevoir de temps en temps une goutte de vraie félicité; mais elle s'évapore si vite qu'en général la personne l'oublie, ou l'associe à un objet ou un autre et se met à rechercher cet objet à la place de retourner son attention vers l'origine de la félicité pure. En regardant au-dedans de soi-même, on s'aperçoit que la continuité parfaite du souffle, de l'attention des courants de sensations (prâna) ou de l'écoute du son intérieur est une félicité en soi. Classiquement, l'image du courant d'huile est utilisée par Patanjali pour désigner l'approfondissement de la concentration en méditation quand l'attention et le souffle deviennent comme lisses. Quand on suit avec attention le son intérieur, on se sent plongé en lui comme dans un bain d'huile, et on 'nage' dans la félicité.

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   Tela, l'huile, est pratiquement le même mot que tila, le sésame qu'on presse pour obtenir cette huile. Ce sésame est offert régulièrement au feu durant les yajña, accompagné de l'invocation svaha. La 'félicité comme un courant d'huile' évoque donc ce bonheur qui est à la fois la conséquence et la cause d'une offrande continue dans le feu de la Conscience. Mais à quoi bon parler plus avant de cette expérience de félicité? Seuls peuvent la goûter vraiment ceux qui ont été ‘cuits’ dans le bouillonnement immobile de la jubilation intérieure.

 

 

«  Comme suspendu dans le vide  »

 

  Dans l'univers, chaque chose repose sur une autre, et le Divin est le fondement ultime. Par le détachement, le chercheur spirituel parvient à ne se reposer sur rien, et par cela, en cela il devient ‘un’ avec le Divin. On a longtemps cherché la localisation de l'âme, sans succès; mais le méditant, lui, l'a trouvée: elle est comme suspendue dans le vide. L'âme est souflle, quand le souffle est suspendu, il devient pure conscience. L'âme est tension vers, attention; quand l'attention est suspendue, elle réalise sa vraie nature. L'âme est flamme: éternellement, elle danse au-dessus du bois, c'est à dire de l'ego, qu'elle est en train de consumer.

 

 

«  Sombrer dans la lumière »

 

 

   Nous en arrivons pour finir à un paradoxe fondamental de la vie mystique: la lumière essentielle ne se manifeste

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pleinement que quand les formes s'effacent, d'où les images classiques de nuit lumineuse, de nuage d'inconnaissance, de nuée glorieuse, etc… Cet effacement des formes quand on sombre dans la lumière correspond à un arrêt du mental, à une stupéfaction émerveillée. Asombroso en espagnol ne signifie-t-il pas stupéfiant?

  Quand un bateau sombre, il abandonne les tempêtes de surface pour le calme des grands fonds. En achevant là le temps de sa traversée, il coule dans le non-temps et y trouve la stabilité définitive; sombrer dans la lumière, c'est aussi s'enfoncer dans le sommeil profond du samâdhi et de la claire conscience qui y règne. Le sage traverse les couches intermédiaires de la ‘vie sous-marine’, c'est à dire des créations mentales, des rêves d'enfer ou de paradis pour atteindre finalement le sable stable du non-temps – et y déposer son trésor. Quels sont les autres plongeurs qui sauront le trouver ?

 

Extraits de la partie rédigée par Jacques Vigne dans

Cheminer, contempler en collaboration avec Michel Jourdan,

 Albin Michel/Espaces libres, juin 2007

 

 

 

L'Occident spirituel et religieux actuel vu d'Inde.

 

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Par Vigyânânand

 

  Les lignes ci-dessous correspondent au début et à la fin de la dernière partie de l’avant-dernier livre de Jacques Vigne, Inde intérieure,  paru aux éditions du Relié en mars 2007. :

 

   Comme nous l'avons vu avec quelque détail dans ce livre, l'Inde a une réelle expérience du pluralisme. Dans les védas, on dit : «Il est Un, les gens l'appellent multiples. » L'hindouisme est une mosaïque de mouvements religieux, mais avec comme base commune, l’Un des Upanishads.

      Quand on regarde d’Inde l'Occident spirituel et religieux actuel, on a une impression plutôt ambivalente, on discerne de grandes potentialités, qualités, et des défauts. Ce n'est pas que l'Occident actuel ne soit pas religieux, mais il l’est certainement très différemment d’avant. Nous vivons de ce point de vue une réelle révolution, qui devrait peut-être être comparée à celle du Ve siècle avant JC avec la naissance de nouvelles voie spirituelles qui ont influencé toute l'humanité, comme le confucianisme, le taoïsme, les Oupanishads, le zoroastrisme et la philosophie grecque.  

      La multiplicité des voies spirituelles possibles de nos jours en France revient de fait à un nouveau polythéisme, même s'il n’y a pas le culte des statues qu'on associe traditionnellement à cette forme religieuse et comme le pratiquent encore plus de 800 millions d'hindous aujourd'hui. On pourrait parler de seconde Renaissance, et elle est à mon sens plus forte que la première. En effet, celle-ci est venue par un retour au polythéisme gréco-latin, mais il s’agissait d’une redécouverte surtout livresque, et elle a été rapidement et en grande partie étouffée par la Réforme et la Contre-Réforme ; ces dernières représentaient une rechute dans le fondamentalisme, chacune

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en son genre. La renaissance actuelle, par opposition, offre la possibilité d'un lien direct et vivant avec de grandes traditions non monothéistes, c’est-à-dire par exemple l'hindouisme et le bouddhisme qui lui sont étroitement associés. Cela donne donc à ce mouvement beaucoup plus de force en soi, et lui permettra de passer au travers des tentatives de réformes et contre-réformes fondamentalistes chrétiennes. Bien sûr, il faut ajouter que son importance croît de façon relative aussi face à l'effondrement « naturel » des Eglises d'Europe à cause de leur propre problématique interne. En effet, celles-ci ne peuvent pas dire qu'elles sont l'objet d'une révolution violente comme en France après 1789 et en Russie après 1917.

     Nous allons déjà essayer de définir une hypothèse commune minimum de travail pour l'esprit religieux et spirituel occidental actuel. Ensuite nous envisagerons successivement les problèmes posés par l'instabilité des chercheurs dans leurs choix spirituels, la question de la fiction par rapport à la réalité dans le domaine de la quête mystique, et finalement la responsabilité de la transmission.


L'hypothèse commune minima

 

     Vivékananda a donné une impulsion certaine à l'idée d'une base commune à toutes les religions au Parlement de Chicago en 1893. Commençons par une citation de lui qui évoque sa vision de l'Orient et de l'Occident : « la liberté est la première condition de la croissance. Vos ancêtres [il s'adresse à des indiens] ont donné toute liberté à l'âme, et la religion s’est développée. Ils ont imposé toutes sortes de restrictions au monde du corps, et la société ne s'est pas développée. En Occident, c'est l'opposé – toute liberté pour la société, aucune pour la religion, maintenant tombent les chaînes des pieds de la

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société d'Orient tout comme celles qui lient la religion en Occident... [i]». On peut dire que la prophétie de Vivékânanda il y a un siècle est en train de se réaliser.  Shri Aurobindo, qui a été éduqué en Angleterre et est sorti brillamment d'une de ses meilleures universités, a écrit ceci en 1930, une vingtaine d'années après être entré en retraite spirituelle à Pondichéry ; il affirmait avec une certaine force : « La conception du Divin comme un pouvoir extérieur tout-puissant qui a « créé » le monde et le gouverne comme un monarque absolu et arbitraire – la conception chrétienne et sémitique– n’a jamais été la mienne ; elle contredit trop ce que j’ai vécu et expérimenté pendant trente ans de sadhâna. C'est contre cette conception que l'objection de l’athéisme a été orientée, – car  l'athéisme en Europe a été une réaction superficielle et plutôt infantile contre un « religionisme » exotérique également superficiel et infantile, avec ses notions populaires grossièrement dogmatiques et inadéquates[ii] .»

    Passons maintenant la parole à Aldous Huxley qui présente de façon claire une hypothèse de travail minimum à propos de laquelle de plus en plus de contemporains sont d'accord :

    « Pour ceux qui ne sont pas membre d'une église organisée de façon ‘congénitale’, qui ont trouvé que l’humanisme et le culte de la nature ne sont pas suffisants, et qui ne se satisfont pas de demeurer dans les ténèbres de l'ignorance, les immondices du vice et dans ces autres immondices que sont la respectabilité, on pourrait considérer que l'hypothèse minimum de travail pourrait être ceci :

Il y a un fonds,  un Brahman, une claire lumière de la vacuité, qui représente le principe non manifesté derrière toutes les manifestations.

Ce fonds est à la fois transcendant et immanent.

 

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Qu’il est aussi possible pour les êtres humains d’aimer, de connaître, et de devenir effectivement identiques avec ce fonds Divin, alors qu'au début on ne l'était que virtuellement.

Que réaliser cette connaissance unitive du Divin est le but final de l'existence.

Qu’il y a une loi ou Dharma à laquelle on doit obéir, un Tao ou Voie qu'on doit suivre, si les êtres humains veulent avoir une chance de réussir à atteindre leur but final

Que plus il y a de soi-ego, moins il y a de Divin ; et que donc le Tao est une voie d’humilité et d'amour,  le Dharma une loi vivante de détachement qui transcende le petit soi. » Ainsi, nous pouvons dire que ce que propose Aldous Huxley comme hypothèse minima de travail est une non-dualité au sens large.

 

       La  non dualité n’exclut pas les autres pratiques religieuses ou spirituelles. Elle les considère comme des détours certes, mais qui ont leur utilité. On raconte à ce propos l’histoire suivante : il y avait un homme riche qui un soir chez lui avait tellement bu qu’il en est devenu complètement ivre. Dans sa confusion, il se tourne vers son chauffeur et  lui demande de le ramener chez lui. Le chauffeur essaie de lui faire comprendre qu'il est déjà chez lui, mais le patron s’énerve et menace de renvoyer son employé s’il ne lui obéit pas immédiatement. Placide, le chauffeur l’emmène faire tout un grand tour en voiture pendant plusieurs heures, le temps qu’il soit dégrisé. Finalement, ils reviennent à la maison et le chef est tout content d’avoir été obéi...

 

   […] L'intérêt de la stabilité dans une voie spirituelle est qu'on est moins impliqué dans les disputes entre les groupes et écoles. Ces querelles sont le risque du pluralisme, il faut donc savoir les prévenir. Swâmî Râmatîrtha donnait à une de ses disciples

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américaines qui allait prendre le bateau pour aller résider longtemps en Inde ce conseil : ne pas se préoccuper des querelles d'écoles et de sectes, et se centrer directement sur l'unité sous-jacente. C'était trois ans avant sa propre mort à l’âge de 33ans dans l'Himalaya, en 1906.   Gandhi disait : « Les enseignements de Swami Râma méritent d’être largement connus. Il était l’une des plus grandes âmes non seulement en Inde mais aussi dans le monde entier. J’adore ses idéaux »

 

Un passage vers l’Inde

 

    Le même Râmatîrtha a écrit aussi à cette disciple américaine un poème  Passage to India,  «La traversée vers l’Inde», et je suis heureux d'en traduire quelques strophes pour terminer cet ouvrage sur l'Inde intérieure. Tîrtha signifie d’ailleurs traversée, gué pour aller vers l’autre rive. Après beaucoup de réflexions profondes, place à la poésie mystique pour faire résonner ce silence qui est comme une mer dans laquelle le fleuve de ce livre est sur le point de déboucher :

 

Traversée vers l'Inde !
O ! Nous ne pouvons attendre plus longtemps !

Nous embarquons aussi, ô mon âme !

Vers toi, nous nous lançons également sur les mers où les chemins s’effacent !

Sans peur des rives inconnues, sur les vagues de l'extase
à parcourir en voilier. Parmi les souffles de la brise,
En évoluant librement– chantant notre chant de Dieu !
Chantant notre chant du Om heureux et apaisant !

Traversée vers l'Inde !

 

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En bateau sur les mers, en marchant dans la nuit, sur les collines

Les pensées, les pensées silencieuses du Temps et de l'Espace, de la Mort,

Sont comme des eaux qui s'écoulent,
Elles me transportent en réalité comme dans des régions infinies
Dont je respire l'air.

Baigne-moi en toi, ô Dieu,  montant vers Toi,
Moi-même et mon âme afin que je puisse partager Ta proximité…

Traversée vers Mère l’Inde,
O,  secrets de la terre et du ciel !
Et les vôtres, ô vous les eaux de la mer !
Les lignes sinueuses des criques et le Gange !

Et les vôtres, forêts et champs ! Et le tien, ô puissant Himalaya,
Et le tien, aurore rougeoyante ! O nuages ! O pluie et neiges,
O jour et nuit,  traversée vers vous !
O soleil, et vous, toutes les étoiles, Sirius et Jupiter,  traversée vers vous!

La traversée, la traversée immédiate !
Le sang brûle mes veines
Allons-y, mon âme, lève l'ancre dans l'instant,
Tranche les amarres, sors l'embarcation, laisse se déployer d’un coup les voiles.
Ne sommes-nous pas restés assez longtemps ici, comme des arbres accrochés au sol !
Lève les voiles, mets le cap vers la haute mer,

 

 

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car nous avons pris comme destination ce lieu où les marins n'ont encore osé aller.
Et nous allons risquer le navire, nous-mêmes et notre va-tout.

O mon âme, remplie de bravoure !
Au père, père, pars en haute mer !

O joie audacieuse,  mais assurée
Au père, père, pars en haute mer,

Vers ta réelle Demeure.

 

 

Retraites spirituelles avec Swami Nirgunananda.

Eté 2007

 

 

 

-  Du 12 au 18 août en France, à Terre du Ciel en Saône et Loire.

    Contact : Terre du Ciel : 03 85 60 40 33

    Email : infos@terre-du-ciel.fr 

 

-  Le 19 août à Genève, en Suisse.

    Contact : Jamshid Anvar

    Email : jamshidanvar@yahoo.com

 

-  Du 20 au 22 août en France, en Drôme/Ardèche, près de Valence.

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 Contact : Marie-Agnès Bergeon : 04 75 64 41 79

    Email : marie-agnes.bergeon@numeo.fr

 

-  Du 25 au 31 août en Belgique, à Gentinnes

    Contact : Paul Neeffs  tél. : 00 32 (0) 10 814 780

    Email : paulneeffs@yahoo.com

 

 

 

Swami Nirgunananda a rencontré en 1979 Mâ Anandamayî, une des plus grandes figures spirituelles de l’Inde contemporaine.

Il était alors docteur en biochimie et en médecine, chercheur et enseignant à l’Université. Mais dès cette rencontre, il s’engage avec Mâ et reste auprès d’Elle de façon permanente, devenant son dernier secrétaire privé – jusqu’au décès de Mâ fin août 82.Quatre ans plus tard, il décide de s’installer dans un ermitage dans l’Himalaya pour continuer son cheminement, et il y réside encore aujourd’hui.

 C’est toute cette expérience qu’il vient partager avec nous lors des retraites cet été.

Détails pour la journée du dimanche 19 Août 2007 :

Comme l'année dernière  le Satsang de Swami Nirgunananda  (le disciple de Mâ Anandamayî) aura lieu à Genève au Centre Védantique.

  Inscription :

Téléphoner ou envoyer un Email :

France : Fred Malfilatre  0631777701   fred.malfilatre@wanadoo.fr

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Suisse : Jamshid Anvar 0793626494  jamshid@bluewin.ch

(Etant donné que  le nombre de places est limité, l'inscription est obligatoire)

 

Rendez-vous :

Centre Védantique, 63 Avenue d'Aire  1203 Geneve (0.5 kilomètre au sud de la Promenade de l'Europe, Centre Commercial appelé Planète Charmilles (voir la carte). Autobus 7 et 27, arrêt  Camille Martin)

Horaire :

De 10h00 jusqu'à 18h00 avec la pause pour déjeuner.

Contribution :

Il n'y a pas de frais d'inscription. Vous pouvez offrir quand même, si vous le souhaitez, un don à Swamiji pour l'entretien de son Ashram à Dhaulchina, à la fin de la retraite.

 

Nouvelles

 

- Grâce aux donations des Français, l’école au nom de Mâ Anandamayî dans le village de Jamrari en contrebas de Dhaulchina a pu construire un nouvel étage et doubler le nombre de ses élèves de 80 à environ 160, et augmenter le degrè des classes enseignées pour pouvoir garder les enfants plus longtemps en abordant un début de cycle secondaire.

- Vigyânanand (Jacques Vigne) est en tournée de conférences et de stages pendant 8 mois. Il terminera ce cycle par une journée sur La méditation selon l’enseignement de Mâ et de Vijayânanda à Bruxelles le 20 janvier 2008. (Programme complet sur www.jacquesvigne.fr.st et sur

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koevoetsg@wanadoo.fr ). Son livre Inde intérieure, recueil de ses articles et études sur l’Inde depuis 20 ans, vient de paraître en mars aux Editions du Relié, ainsi que  Cheminer, contempler en mai, qui fait suite à Marcher, méditer, de nouveau en collaboration avec Michel Jourdan chez Albin Michel /Espaces libres. Vigyânanand y parle du Yoga. Il a été interviewé par Michel Cazenave pour l’émission de France-Culture Les vivants et les dieux, diffusée en juin. Le livre En compagnie de Mâ Anandamayî de Bithikâ Mukerjî, traduit de l’anglais par Jacques Vigne et Geneviève Koevoets, vient de paraître en avril 2007 aux Editions Agamat.

- Du 11 au 15 août, Vigyânanand interviendra à Cordes-sur-Ciel dans un centre tenu par Jean-Jacques Enjalbert, où Caroline Abitbol organise pour les deux mois d’été une exposition photos sur les sadhous de l’Inde. Caroline a passé cinq mois récemment auprès de Vijayânanda à Kankhal.  Contact Caroline carolineabitbol04@hotmail.com
.

 

Renouvellement des abonnements

 

Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements du ‘Jay Mâ’ pour une période de deux ans. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner, ce N° 85 sera le dernier exemplaire qui leur sera envoyé. Pour ceux qui voudraient se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois au ‘Jay Mâ’ sur papier,  ils peuvent le faire pour 7

 

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numéros à venir désormais jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 14 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte-Croix

 84110 Vaison-la-Romaine

04 90 12 19 83 – nagajo3@yahoo.fr

Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer alors 7 € pour 7 numéros jusqu’en mars 2009 à  la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement avéré, à koevoetsg@wanadoo.fr. Ceci afin qu’elle vous l’envoie par email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à la hauteur.

 

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Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                              p.1

Haribâbâ et son entourage par Bithikâ Mukerjî            p.2

Echos de félicité par Vigyânânanda                 p.12

L'Occident spirituel et religieux actuel vu d'Inde.

Par Vigyânânand                                                        p.18

Retraites spirituelles avec Swami Nirgunananda.           

Eté 2007                                                                      p.25

Nouvelles                                                                     p.27

Nouveaux abonnements                                                p.28

Table des matières                                                        p.30

 

 

 

 

 

 

        Jay Mâ N° 86   -    Automne 2007

 

 

 

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Paroles de Mâ

 

À un moment donné, vous avez déclaré avec emphase que si seulement vous pouviez  obtenir un emploi stable, vous vous occuperiez, d'une façon juste et royale, du côté spirituel de la vie en même temps que des conforts matériels et des plaisirs. Il est plus qu'évident que vous avez tenu parole à propos des plaisirs du monde ; mais dans quelle grotte  sombre, dans quel abîme inaccessible avez-vous caché la plante tendre de l'aspiration spirituelle ? Quand ferez-vous un effort pour apporter de la lumière  dans cette grotte sombre ? Ne tardez pas. Ne tardez pas ! Le jour qui est passé ne revient jamais. Un temps irremplaçable vous glisse entre les doigts. Consacrez vos journées à faire effort pour vous rapprocher du Seigneur des humbles. Quand vous arrivez dans la grande vieillesse, vous serez ralentis, trop faibles pour vous concentrer sur le nom de Dieu. Comment rattraperez-vous alors ce que vous n'avez pas réussi à faire en son temps ?

 

Voir Mahadeva, Shiva, apparaître et se dissoudre dans votre corps, accompagnés par une manifestation de lumière, tout cela est sans aucun doute un bon signe.  La vision même atténuée  d'une forme spirituelle (chinmaya murti) est une manifestation très favorable.

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Le travail sur le plan physique est tout différent du travail sur le plan spirituel. Dans le premier toutes choses trouvent leur expression dans des formes, des couleurs et des sons, tandis que dans le second les pensées et les idées, les mots et les sentiments, montent silencieusement à la surface des régions conscientes et subconscientes en vous, sans prendre aucun revêtement matériel. Et le jeu du monde extérieur est actionné par les ressorts intérieurs. La source du Gange est cachée dans les replis secrets des Himalayas, mais ses eaux donnent la vie à beaucoup de villages florissants dans les plaines de l'Inde. C'est l'idée qui donne naissance aux divers modes d'activité, qui les entretient et qui mène à leur parachèvement. Tant que le désir d'action reste fort en vous, continuez d'agir. Cela vous fera du bien. Mais un moment viendra où ce désir aussi s'affaiblira ; un désir d'activité intérieure prendra alors sa place.

 

 

Satsangs avec Mâ

 Par A.K. Datta Gupta

 

 

Le 24 mai 1941,

Nous étions tous les fidèles en compagnie de Mâ dans un car sur la route entre l'ashram de Dehra-Dun et Mérout  où d'autres fidèles nous attendaient pour une séance de kirtans. Après avoir été plutôt introvertie pendant quelque temps,  Mâ s'est retrouvée en veine de nous raconter quelques souvenirs :

    « J'étais dans une dharamshala à Lucknow avec une dame appellée Virajmohini Dévi. Un certain monsieur avait sa maison près de cette dharamshala. En voyant mon comportement, il s'est mis à penser que j'avais certainement comme diplôme une maîtrise, ou au moins une licence. Il ne

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pouvait croire que je n'avais pas reçu d'instruction. Il a fini par y croire quand il a été mis au courant de toute mon histoire. Et là encore, combien il a pleuré quand j'ai quitté l'endroit ! »

   Les souvenirs à propos de Vajramohini Dévi sont ressortis durant la conversation. Mâ nous a raconté : « Cette fois-là, quand je me déplaçais d'endroit en endroit avec Virajmohini, nous n'avions pas de ressources. En beaucoup d'endroits, c'était les gens eux-mêmes qui nous achetaient nos tickets. Une fois, le contrôleur voulut voir nos billets. En apprenant que nous n'en avions pas, c'est lui-même qui nous en a achetés. Nous n'avions pas d'argent. Nous mangions tout ce que nous trouvions sur le chemin, en passant les nuits  parfois  dans des dharamshalas (hôtelleries religieuses), parfois dans des gares. Cette sorte de déplacement était totalement nouvelle pour Virajmohini. Elle éprouvait une grande perplexité. Elle s'est mise à économiser toutes les sommes que nous trouvions en excès de nos besoins, non pour elle mais  pour moi seulement. Elle se souciait toujours de ce qu'elle pourrait me donner à manger ou pour me vêtir. Elle avait ramassé quelque part un panier et mettait tout ce qu'elle trouvait sur le chemin. Ensuite, quand nous avons demandé à Karmal (un brahmachari qui est devenu ensuite Virajânanda, le fondateur de la sangha de Mâ et pendant longtemps le président du comité des sadhous.) de nous quitter, on lui a donné le panier avec tout son contenu. De cette manière, l'habitude de Virajmohini d'économiser quelque chose pour plus tard s’est atténuée progressivement, puisque par ailleurs elle en est venue à s'apercevoir que en se déplaçant avec moi pendant quelques temps, nous ne manquions de rien, nous obtenions tout en son temps.

   Mâ s’est ensuite mise à parler de brahmachari  Prajñanananda. «  Cela aurait été une joie d'avoir Brahmachari Baba avec nous. Il était d'une nature très simple. Baba disait souvent :  ‘Je vous ai examiné en détail, mais j'ai été incapable

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de vous stopper.’ En entendant les différents états que ce corps avait traversés, il disait aussi : ‘ D'après ces différents états que vous décrivez, le corps n'aurait pas dû subsister’ ».

-- Moi-même : Mâ, j'avais demandé à Brahmachariji des informations sur ces états. Il m'a dit que probablement vous aviez atteint un ou deux états dans une vie précédente et qu’en cette vie, vous aviez réussi ceux qui restaient à obtenir très rapidement.

-- Mâ (en riant) : Brahmachari Baba disait souvent : « Vous vous êtes élevée grâce à une roue à eau ! » (Tout le monde s'est mis à rire).

  Nous avons continué de cette façon à bavarder et rire. Il était déjà tard dans la nuit. Il faisait sombre tout autour. Le car avançait au milieu des champs. De façon irrégulière, il y avait des bouffées d'air brûlant qui nous enveloppaient. La chaleur était si torride qu'on avait l'impression que la respiration allait s'arrêter. Notre car avançait assez rapidement, entre 50 et 60 km heure, des fois même 70 km heure. Nous arrivâmes à Rorki. Nous avons fait le plein à la station d'essence, et nous avions très soif. Pandeji alla demander à quelqu'un de l'eau fraîche que nous avons bue. Après cette halte pour dix minutes ou un quart d'heure, nous reprîmes la route.

      A environ 10h 30, nous sommes arrivés à Muzaffarnagar. Mérout venait après. Swâmi Paramânandaji et Népal Dada discutaient en se demandant si les fidèles de Mérout étaient informés de notre arrivée. On leur avait envoyé un télégramme avant notre départ. Mais il était raisonnable de penser que le télégramme n'était pas arrivé à temps. Swamiji essayait de toutes sortes de façons de demander à Mâ  si le télégramme avait bien été reçu. En écoutant ses propos, Mâ se contentait de rire et disait : « Quel est le problème même s'il n'ont pas reçu le télégramme ? Nous allons dans notre propre maison. Même s'il n'y a personne là-bas, nous nous installerons et nous dormirons.

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Ils seront étonnés de nous trouver là demain matin ». Une fois à Shimla j'ai agi  aussi de cette façon, sans du tout prévenir. Ils avaient organisé un kirtan et nous avaient envoyé un télégramme en nous demandant de venir. Nous y sommes donc partis. On avait organisé les chants dans le Kalibari (le temple de Kali).  Il était dirigé par Bhupen Babou. Beaucoup de gens s'étaient rassemblés. Il me passa par l'esprit que si j'entrais dans l'endroit où se déroulaient les chants sans me dissimuler, cela créerait un grand remous et briserait le déroulement du kirtan. En ayant réfléchi à cela, je pénétrai dans le temple vêtue comme une femme mariée et je pris les escaliers en hâte vers le premier étage  sans aller vers le programme lui-même. On pouvait voir le déroulement des chants aussi du balcon du second étage. On y trouvait  même des chaises et les dames y écoutaient  le kirtan. Personne n’avait pu me reconnaître pendant que je traversais le hall d’en bas. Beaucoup de personnes avaient regardé mon visage, certains d'entre elles me connaissaient, mais personne ne pouvait me reconnaître. En montant au balcon du premier étage, j’y trouvai une image de Chaitanya Mahâprabhou  suspendue au mur, en dessous de laquelle il y avait une chaise vide. Je m'y rendis et m'y suis assise. On devait se pencher un petit peu pour voir le programme. Les dames qui étaient à côté n'ont même pas remarqué que j'étais arrivée et que je m'étais assise sur une des chaises. Je me suis mise à regarder le programme en posant une main sur l’épaule d'une dame qui était à mes côtés. Elle a repoussé ma main, mais n'était toujours pas capable de me reconnaître. »

     Pendant ce temps, des doutes s'étaient introduits dans l'esprit des messieurs qui étaient assis au rez-de-chaussée. Ils se sont mis à se demander qui était cette dame qui était montée si rapidement. Est-ce que ce n'était pas par exemple un bandit déguisé en femme qui s’était introduit au sein du groupe des

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dames ? En réfléchissant à tout cela, l'un d'eux est monté à l'étage. Sur ces entrefaites, certaines personnes qui étaient assises dans le hall ont pu aussi me reconnaître en regardant au-dessus. Ce qui s’est passé après, vous pouvez le deviner !... »

      Au milieu de la conversation, Mâ s'est mise à discuter au sujet des spécificités des fidèles de Delhi et de Mérout. Elle disait : « L'attitude des gens de Delhi est la suivante : si j’y vais, ils rentrent en compétition les uns avec les autres pour me garder chez eux la période de temps la plus longue. Il y a sans fin des invitations et des demandes. En plus de cela, ils désirent rester auprès de moi en arrêtant d'aller à leur bureau ». Ils disent : « Nous n'irons pas au bureau, même si c’est au prix de dire des mensonges, et de toute façon nous ne vous quitterons pas. »   L'attitude des personnes de Mérout est différente. Même si je leur dis que je m'en vais le jour même, ils n'auront pas d'objection. Bien sûr, ils auront un sentiment de souffrance en me donnant la permission de les quitter, mais néanmoins ils n'essaieront pas de faire quoi que ce soit contre la volonté de ce corps. En fait, ces deux attitudes sont bonnes. »

    Pour deux visions de cette manière, nous sommes arrivés à Beyrouth. De loin, nous avons pu voir que les dévots, les fidèles, nous attendaient en étant deux pouces sur le bord de la route. On a fait descendre Mâ du car, au milieu des cris joyeux de « Jai »! Ils avaient organisé notre séjour à tous et préparé un Nâma yagya (un sacrifice au Nom, c’est-à-dire 24 h de chant du mahâmantra en tournant autour d’un pilier décoré des représentations de Krishna et de Chaitanya Mahâprabhou) dans une école de filles. On nous a conduit au premier étage de l'école. Beaucoup de dames et de messieurs se sont assis autour de Mâ. Un des messieurs a chanté un chant de bienvenue d'une voix très mélodieuse. Les chants et les Kirtans ont continué jusqu'à minuit. Ensuite, nous avons eu le dîner et nous nous sommes étendus sur la terrasse en plein air au premier étage.

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On organisait aussi pour Mâ de quoi s'allonger en plein air sur un lit spécial.

 

Extraits d’Ananda Varta de juillet 2007

 

 

Un voyage récent en Italie

où il a été question de Mâ

 

                                        Par Geneviève Koevoets

(Mahâjyoti)

 

 

 

De St François à ‘Ananda Assise’

 

Dans le cadre du Séminaire « Lumière de l’Inde » où Jacques Vigne est intervenu en tant qu’invité d’honneur, sur le thème de Mâ Anandamayî.

 

Preghiera Semplice :

Oh ! Signore, fa di me uno strumento della tua Pace…

 

            La célèbre ‘Prière de St.François’ résonne en ce lieu mystique près d’Assise, là où se trouve le cœur spirituel de l’Italie, dans la province d’Ombrie, proche de celle de Toscane, non loin de Florence, Sienne, Spolète…Etrusques et Sabins y laissèrent leurs traces…

            A environ 800m en altitude, face à un panorama à perte de vue sur les collines verdoyantes, nous arrivons avec Jacques Vigne au ‘Centre Ananda Assise’ à 15 kilomètres de cette

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ville magique, d’où les vibrations de spiritualité nous pénètrent à travers le chant des oiseaux (descendants gazouillant de ceux de St.François sans doute…)

            Il existe actuellement huit ‘Centres Ananda’ : six aux Etats-Unis, un en Inde à Delhi (dont la TV diffuse les programmes tous les jours), et leur frère latin en Italie, le second ashram de par son importance.

            Véritables ‘Villes Lumières’ sur trois continents, où environ 1000 personnes consacrent leur vie à la recherche spirituelle. Ce sont des colonies de fraternité mondiales, nouveau paradigme multi-ethnique et pluri-culturel, aux sentiments élevés d’intégration sociale, de fraternité cosmopolite, qui permettent d’aller au-delà des barrières idéologiques, religieuses et raciales. Associations aux activités de caractère à but non lucratif. Des ‘Villes Lumières’ sont en train de se développer également en Russie et en Espagne. Quelles sont les origines de ces Tours de Babel ?

           Ce sont Parahamsa Yogananda et son disciple Swami Kriyananda.

 

            Fondé en Californie en 1968 par Swami Kriyananda, disciple direct du grand maître indien Parahamsa Yogananda (auteur du livre célèbre  Autobiographie d’un Yogî) ‘Ananda’ est un mouvement de communautés spirituelles et groupes de méditation, conférences, séminaires, qui s’en réfère à la tradition du Kriya Yoga, amené en Occident par Kriyananda, enseignements universels qui unissent les traditions du yoga et celles du christianisme.

            La communauté d’Assise est constituée d’environ une centaine de résidents (célibataires, couples et familles avec enfants) provenant de dix pays différents. Elle héberge chaque année jusqu’à 2000 personnes à la recherche de la vérité.

 

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Jacques Vigne en Italie.

L’accueil pour Jacques Vigne est extrêmement chaleureux, d’autant plus que ce dernier donne pour la première fois ses conférences en italien. Jacques a beaucoup travaillé cette langue depuis plusieurs années.

            Nous répétons les accents toniques en voiture, sur la belle route qui part de la Côte d’Azur pour traverser la Riviera dei Fiori et atteindre cette région considérée comme le berceau de l’Italie, équivalent chez nous aux Châteaux de la Loire.

            Mâ Anandamayî est vénérée au ‘Centre Ananda Assise’, où des chants dévotionnels lui sont régulièrement consacrés en italien et en anglais.

            Durant le stage sur le thème « Lumière de l’Inde », Jacques Vigne a le plaisir d’évoquer Mâ, la grande sage, et de raconter des anecdotes sur sa vie en Himalaya, ainsi que sur son vieux Maître Vijayânanda (92 ans). On sourit dans l’assistance lorsqu’on apprend qu’ils portent tous deux à peu près le même nom : Jacques Vigne et Abraham Jacob (Jacques) Weintraub (qui signifie ‘grappe de raisin’)… Vigyânânanda et Vijayânanda !

            Les traductions simultanées pour les participants étrangers vont bon train (et la mienne en particulier…) ! Ca pétille comme du champagne et c’est chaud comme du chianti, malgré les repas à l’eau, strictement végétariens, consommés sous une tente dressée au milieu des massifs de roses, ou dans le ‘Refuge’, magnifique demeure principale, achetée au prix de gros sacrifices par l’un des deux couples italo-américains qui nous offrent une hospitalité remarquable dans sa chaleur et sa simplicité.

            Il s’agit de Shivani et de son mari Arjuna, les premiers créateurs il y a 22 ans. Un autre couple Kirtani et Anand, ainsi que Paolo (Narya) sont les garants du déroulement sans faille

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de tout ce qui compose cette éclectique communauté. Kirtani fut la première enseignante envoyée d’Amérique. Elle est maintenant la directrice spirituelle du centre. Ils sont tous complémentaires et animent cette mosaïque de mains de maître, chacun dans sa spécialité, car les activités sont multiples et la gestion se fait ‘à l’américaine’.

            Sous un ciel lumineux de fin d’été, nous visitons d’abord : la ‘Coopérative Ananda Assise’ (Inner Life) qui fabrique ou importe tous les produits pour le yoga, les vêtements, soieries, coussins, objets, tableaux…dont une jolie boutique en est le fleuron. Le tout géré par Oliver (ex-cuisinier végétarien) qui en assume la présidence.

            Puis c’est au tour de ‘Ananda Edizioni’ qui publie des livres et musiques spirituelles, CD et DVD, méditations guidées, livres de cuisine végétarienne, cours par correspondance en anglais et italien, réflexions et pensées en de mini-brochures. Sous la houlette d’Andrea et de l’Attachée à la Communication Nandini.

            Dans cet ensoleillement d’accueil, nous parvenons dans le silence troublé seulement par les oiseaux de St. François, jusqu’au ‘Temple de Lumière’ dont la construction octogonale sera reproduite dans les autres centres, comme à Seattle. Sa coupole transparente est éclairée le soir, point de lumière pour élever la conscience de l’humanité. Il est au centre d’une propriété de onze hectares, où intervient le défi d’agrandir cette communauté en y construisant d’autres structures.

            Bienvenus seront les ‘pionniers volontaires’ qui aideront par leurs donations, afin que tout cela puisse surgir pour la Sangha Ananda.

            Par exemple, le ‘Temple de Lumière’ fut construit par 1000 personnes qui ont ‘uni leurs mains’ afin de pallier au manque de fonds nécessaires à sa construction !

 

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Fraternité…Fratellanza…Brotherhood…

 

La musique, avec le ‘Chœur d’Ananda Assise’, a également son mot (ou sa note) à dire, car cette chorale parcourt l’Europe au nom de la Joie et du Service.

            Leur ‘troubadour Jayadev’ (acteur, chanteur, musicien et co-directeur de l’école européenne de ‘Ananda Yoga’) fut mon ‘contact’ pour préparer la venue de Jacques Vigne. C’est Jayadev qui a ‘chanté Mâ Anandamayî’ à la guitare durant la cérémonie du soir.

            Chaque dimanche matin a lieu une autre cérémonie spirituelle bilingue, où l’on vient de toute la région. Elle est ponctuée par les lectures et les kirtans en faveur de l’Union avec l’Infini et la Réalisation du Soi.

           

A chacun sa tâche :

 

            Pour l’enseignement, une journée typique dans ce centre commence à 7h par les pratiques et la méditation – Puis à 9h30 : yoga en action consacré au Karma Yoga – A 11h : leçon sur l’argument du jour (le mercredi étant habituellement consacré à un pèlerinage d’une demi-journée à Assise) – A 16h30 : Ananda Yoga, sessions guidées pour débutants ou pratiquants chevronnés – A 17h45 : pratiques spirituelles et exercices pour se recharger avant de méditer – A 19h30 :  dîner en SILENCE – Puis à 20h30 : les activités peuvent varier, allant du concert donné par la chorale, à la pratique des méthodes de Yogananda, aux chants dévotionnels ou mantras, à des cérémonies ou célébrations, sans oublier les projections de films, de pèlerinages en Inde, ou les récits sur la vie de Yogananda, sur St. François, sur Swami Kriyananda et sa vie

 

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aux Etats-Unis, où il fonda ‘l’Ananda World Brotherhood Village’ en 1968 et où il vécut jusqu’en 1996.

            De son vrai nom James Donald Walters, Swamiji est né en Roumanie en 1926, de parents américains, et fut élevé en Suisse, Angleterre et Amérique. Compositeur de quelques 400 thèmes musicaux et auteur de renommée mondiale, ses 86 livres sont publiés en 28 langues dans 90 pays. De la méditation à la spiritualité, de l’Orient à l’Occident, ample gamme de thèmes sur la philosophie et la pratique. Kriyananda reste l’un des derniers disciples vivants du grand Maître indien Paramhansa Yogananda. Il passa sept ans dans la communauté d’Assise avant de retourner en Inde où il a choisi de vivre maintenant dans le ‘Centre Ananda’ proche de Delhi, dont des émissions sont diffusées à la Télévision indienne tous les jours. Il est revenu au Centre d’Assise lorsqu’on y a fêté les vingt années de sa création.

            En quelque sorte St. François a rejoint le Mahâtma Gandhi. Le grand Yogananda n’avait-il pas prévu « La voie du réveil de l’hindouisme » ?         

 

            Désormais le Centre d’Assise multiplie ses activités :

-         Avec ‘Ananda Spiritual Fitness’ des trekkings méditatifs sont organisés dans les collines et montagnes de l’Ombrie.

-         Les ‘Pèlerinages en Inde’, au printemps et à l’automne, sont axés sur le sud (au Kérala, avec ses temples, ses plages et ses massages ayurvédiques à l’huile relaxante…) et sur le nord vers les monts sacrés de l’Himalaya.

-         ‘L’Ananda yoguique et végétarienne’ enseigne à travers ses livres (dont : ‘Cucinare con Ananda’) à cuisiner de façon efficace et facile.

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-         Le ‘Centre Ananda’ forme des enseignants à la pratique de la méditation. Il  intègre également la préparation au Kriya Yoga et propose certains programmes pour familles.

-         Un ‘jumelage’ entre Rishikesh et la petite commune italienne de Valfabbrica en Ombrie, a permis un rapprochement de plus en plus fraternel.

-         ‘Ananda Yoga’ propose des ateliers intensifs, sur l’approche méditative du Hatha Yoga.

 

En deux mots : une oasis de PAIX et de SILENCE…Centre spirituel, accueil familial, lieu de rencontre…dont l’âme a bien besoin… et où les oiseaux de St. François vous accueillent…sous le scintillement argenté des oliviers…[13]

 

Oh ! Signore, fa di me uno strumento della tua Pace…

 

 

 

‘L’Orient rencontre l’Occident, ensemble sur le sentier de St. François,

vers une nouvelle civilisation de Paix’

                                                                                                            

 

            « Dall’ IO al NOI : il percorso verso l’UNO »

            (Du JE au NOUS : le parcours vers l’UN)

 

           

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Toujours en compagnie de Jacques Vigne durant nos deux semaines en Italie, nous avons quitté le ‘Centre Ananda Assise’ pour nous rendre à ce grand congrès international (à sa 10ème édition), conçu, imaginé et créé par Gabriella Lavorgna, ex-attachée au Ministère de la Culture et fervente d’un enseignement de l’Inde. Une maîtresse femme qui, envers et contre tous, a également fondé le « Prix Mandir de la Paix » décerné chaque année à des personnalités de la culture, science, art, communication…etc. Reconnaissance en forme de colombe portant une croix en son cœur, oeuvre de l’artiste Franco Gabriele.

            Le Mandir de la Paix (‘Mandir’ en sanskrit veut dire ‘Temple’) se compose d’un réseau international de volontaires bénévoles, opérant pour la promotion de services culturels, sociaux, humanitaires, ayant pour but le réveil des consciences vers une éducation de paix. Il agit en collaboration avec l’Association Alveare et l’Ass. Assise for Peace TV. La remise des prix a lieu au cours d’une cérémonie pendant le congrès, qui se tient dans le château médiéval de Torchiagina/Valfabbrica, proche d’Assise.

            Ce ‘Prix Mandir de la Paix’ fut, entre autres, attribué au Dr. Jacques Vigne, en hommage à son engagement d’une vie en Inde au service de la paix.

            A ses côtés, la marocaine Rita EL Khayat (ethno-psychiatre, anthropologue et auteur), candidate au Prix Nobel pour la Paix, connue pour sa lutte en faveur des droits et de l’émancipation de la femme islamique dans le monde, le reçut également.

           

            Après la ‘Ronde pour la Paix’ en méditation collective, et les lectures de mantras et prières de toutes les religions représentées, les illustres intervenants ont parlé et débattu sur les thèmes des différentes Tables Rondes : ‘Homme-Nature-

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Environnement’ (spiritualité et bien-être, éthique, écologie, économie, droits de l’homme) puis ‘Science-Evolution de la Conscience’ (psychique et spirituelle, voyage vers l’illumination) et enfin ‘Le Sentier Unique des Religions comme Dialogue de Paix entre Foi et Culture’ (Orient et Occident confondus).

           

            Les intervenants furent nombreux et de classe : biochimistes, médecins, physiciens, avocats, auteurs, économistes, psychologues, naturopathes, psychiatres, chercheurs spirituels, archéologues, théologiens, philosophes, anthropologues, physiciens nucléaires, chirurgiens, et un kabbaliste ex-général israélien…fort sympathique !

            Le flambeau de la paix allumé, tenu à tour de rôle par les représentants des différentes religions, a rassemblé les suffrages et suscité les applaudissements répétés plus tard sous la statue de St. François, offerte généreusement par Mme Gabriella Lavorgna, et logée dans le sous-bois qui monte à ‘l’Ermitage des Prisons’ au-dessus d’Assise.

            L’art et la culture étaient aussi représentés par des peintres, des danseurs, acteurs, un pianiste virtuose, une soprano…et par le ‘Chœur du Centre Ananda Assise’, dans l’église du petit bourg médiéval de Valfabbrica où l’on fêtait la fin de la course de chevaux du ‘Palio’ local…Hommages au St. François de l’Amour Universel, en musiques, poésies et danses…

            Le Château de Torchiagina a été entièrement rénové pour pouvoir abriter ce genre de congrès, par Fulvio Fraternale, un homme simple qui a tout agencé modestement avec son cœur. Cette demeure médiévale abrite une communauté de handicapés légers qui s’occupent des services, tandis qu’une femme dévouée, Gianna Cobelli, recueille des fonds pour les

 

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‘Veuves de l’Inde’ qui perdent tous moyens de subsistance à la mort du conjoint.

 

            Tables rondes, séminaires, projections…dialogue constructif entre deux mondes culturellement différents, afin d’étendre au-delà de l’ego une nouvelle identité de Paix, en harmonie avec le message de St. François ‘cum tuttae le creature’.

 

            Une fois le château vidé de ses participants, Gabriella Lavorgna et sa fidèle collaboratrice Rosalba, nous gardent dans la bâtisse déserte…

            Jacques Vigne a fait des progrès de géant en italien, et non seulement il peut lire ses conférences en cette belle langue, mais aussi en débattre avec le public et la presse.

            Il dédie son prix à son vieux Maître Vijayânanda (92 ans) lui aussi médecin français resté en Inde depuis 53 ans afin de suivre l’enseignement de Mâ Anandamayî. Fils d’un rabbin de Metz, Vijayânanda a lui aussi l’habitude de dire qu’il ne suit pas ‘une’ religion en particulier, mais qu’il va au-delà de ‘toutes’ les religions.

 

            Rabbin, Imam, Père Franciscain, Frère Dominicain, Lama bouddhiste tibétain, Sœur missionnaire…tous furent réunis ENSEMBLE POUR LA PAIX.[14]

 

           

 

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Ciao, ciao à Gabriella et à son petit chien ‘Buon Sai’ qui a tout vu, tout regardé, tout entendu dans sa petite âme de chien participant au congrès…

 

 

 

 

Florence et l’Ayurvéda

 

L’Ayurveda è una scienza per coloro che hanno uno spirito aperto

(L’Ayurvéda est une science pour ceux qui ont un esprit ouvert…)

 

Sur sa lancée du ‘Centre Ananda Assise’ et du grand congrès ‘Orient/Occident, ensemble pour la Paix’ Jacques Vigne  n’a pas résisté à l’appel de la Toscane et de Florence pour rejoindre, le temps d’une visite éclair, ‘l’Istituto Italiano Ayurveda – Benessere Form’.

Fabio et Viviana, assistés de Claudia, l’ont littéralement ‘envolé’ pour un séminaire de dernière minute, en italien, sur le thème ‘Comment gérer les émotions et les traumatismes du passé par la méditation’.

Représenté en Suisse, France (par Tapovan-Kiran Vyas), en Allemagne ainsi qu’en Inde à Bangalore, Jamnagar et Cochin, cet Institut est spécialisé dans les soins et la culture ayurvédique depuis 1992, cours et formation à travers séminaires, rencontres, débats, sous la Présidence de l’illustre Prof. Baghavan Dash, et dans le cadre unique de cette perle de la Toscane qu’est la ville de Florence.

Diplômé de la Gujarat Ayurved University, conseiller pour les médecines traditionnelles à l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS, et Membre du Ministère Indien de la Santé,

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le Prof. Dash a joué un rôle fondamental dans la diffusion de la médecine ayurvédique en Italie[15]

 

Conclusion : Souvenirs d’Italie…

 

            Dans la voiture qui nous ramène sous la conduite de Dominique, une fervente de l’Inde…le « Prix Mandir de la Paix » sur les genoux…une farandole de personnages, de thèmes, de flashes, me passent par la tête : Assise, les chants dévotionnels de la Chorale d’Ananda dans les collines de l’Ombrie…La ‘Prière’ et les oiseaux de St. François…Le château médiéval de Torchiagina et son congrès ‘Orient/Occident’…

Les intervenants italiens en prise de bec ‘physico-nucléaire’ avec celui qui aurait dû être un paisible médiateur et qui (reflet de sa chemise rose vif sans doute) était devenu écarlate de colère !

Un autre, essoufflé, en retard, qui avait enchaîné son intervention sans trop se soucier du fait que son prédécesseur n’avait pas terminé la sienne…

Le brouhaha des bavardages en fond sonore…typique de l’Italie chaleureuse et insouciante !

 

Et les petites phrases du congrès :

 

Mario Arizzi (biologiste) : …où commence le licite et où finit l’illicite ?...

Andrea Spadoni (biologiste-musicologue) : …soigner la ronchopathie des ronfleurs par le Didgeridoo, l’instrument ancestral (40.000 ans) des aborigènes australiens !...

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Virmani Ashraf (neurologue) : …le lazer, les ondes radio et les émotions humaines peuvent reprogrammer l’ADN….

Père Piacentini (franciscain) : …Moi et mon Père nous sommes UN…

Sara Muzzi (théologienne) : …La foi peut se tromper, la raison : non…..

Gaetano Mollo (philosophe) en référence à son défunt professeur, Antonio Musorrofiti : …Sommes-nous le fruit du hasard ou imbroglio cosmique ?... La voie royale est le rêve ! NDE : l’agonie est le début du dialogue…La MORT : conscience absolue, illusion d’optique…si on comprenait cela on ne serait plus esclave !...La CONSCIENCE survit au corps…

Jacques Vigne : …Le méditant, comme l’homme ordinaire, accepte le fait que le désir c’est la vie ; mais l’homme ordinaire en conclut que l’absence de désir c’est la mort, alors que le méditant pressent dans son expérience que c’est plutôt l’immortalité…

Walter Pierpaoli (médecin) : …La mélatonine contenue dans la glande pinéale fait reculer le vieillissement. Certains ont intérêt à ce que cela ne se sache pas ! Si l’on transplante la glande pinéale d’un jeune rat dans le cerveau d’un vieux rat, et inversement, ils deviendront  du même âge biologique au bout d’un an, le jeune ayant vieilli plus vite et le vieux ayant rajeuni.…

Soeur Giovanna Negrotto (soeur chrétienne vivant  en Inde et qui visite souvent Swami Chidânanda de Rishikesh) : … Mentre i rami degli alberi si slanciano, le loro radici si abbracciano… (Tandis que les branches des arbres s’élancent, leurs racines s’enlacent…)

 

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Père Anthony Elenjimittam (dominicain, disciple de Gandhi, 92 ans), qui nous a parlé en portant sur son habit blanc de dominicain une longue écharpe orange évoquant l’état de sannyasi : … Sat Chit Ananda…Etre, Conscience, Bonheur…

Prof. Arie’ Ben Nun (Rabbin, kabbaliste, ex-général des armées) : …Qu’est-ce qu’un prêtre ? Sinon un Ministre des Affaires Etrangères de Dieu !...

 

De quoi se rappeler encore… ?

 

De la minute de SILENCE en hommage au grand ténor disparu, Luciano Pavarotti, qui avait parlé avec la musique et non avec les armes…

Et que dire de plus… devant un prêtre, un rabbin et un imam qui se tiennent par la main… ? Dall’ IO al NOI…Du JE au NOUS…Que sans amour nous sommes fous !

Souvenirs d’Italie…

Geneviève Koevoets

 (Mahâjyoti)

 

 

Une manière peu ordinaire de venir à Mâ

par André Riehl

Enseignant de yoga

Président de l’Association pour le Yoga Traditionnel

 

   J'ai retrouvé André au Congrès européen de yoga à Zinal en

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Suisse fin août. André s'occupe de la fédération de yoga traditionnel, il a une longue association avec Chandra Swâmi qui au début habitait lui aussi Hardwar. Nous avons dîné dans un chalet en vue du Mont Cervin, et André m'a raconté la manière peu banale dont il était venu à Mâ.

 

   « Tout a commencé par un rêve, en 1978: je voyais une dame qui me demandait de venir en Inde. J'avais l’image précise d'une ruelle avec une vache, des bas-côtés montant à un mètre cinquante contre les maisons. Au réveil, lorsque je racontai le rêve à ma compagne, mon ton était si intense qu'elle crut que j'allais partir pour l'Inde le jour même ! Je me raisonnai en me disant que ce n'était qu'un rêve…Cependant, la nuit suivante l'appel se fit à nouveau entendre. Cette fois, j'essayais, à l'intérieur du songe, d’expliquer à cette inconnue, que je n'avais pas d'argent pour aller la voir ; elle me répondit alors qu’une personne allait se présenter le jour suivant qui m’en donnerait. Ce jour là, effectivement, une ancienne amie, Monique, sonna à ma porte. Tout à fait fortuitement au cours de notre conversation, je lui fis part de mon envie de partir en Inde. Aussitôt, elle se mit à parler de Mâ Anandamayî  en sortant de son sac le livre qu'elle était en train de lire. Quelle ne fut pas ma surprise de voir qu'il s'agissait de la dame que j'avais vue dans mes rêves ! Je me confiai alors à Monique qui me proposa immédiatement de  financer ce voyage. Je partis l'été suivant, et mon amie décida alors de m'accompagner. J'avais sans doute certaines réticences car, quand nous sommes arrivés à Bénarès, je ne me suis pas directement rendu à l'ashram de Mâ,  mais installé 3 ou 4 jours dans un hôtel. C’est à la réception de cet hôtel qu’un coursier arriva alors que je m’y trouvais. Le patron me dit simplement : « Tiens, c'est quelqu'un qui arrive de l'ashram de Mâ et qui vient d’apporter un message ». Ce message n'était pas pour moi, mais j'ai quand même compris

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qu'il me fallait aller à l'ashram, la coïncidence étant trop forte. Quand je suis arrivé dans la ruelle de Badhaini, j'ai tout de suite reconnu l'image de mes rêves, dans tous ses détails, y compris les escaliers descendant sur le Gange. Une pûjâ venait de commencer dans le nouveau temple à gauche, où se tient à présent la statue de Mâ. Soudain, une joie à perdre connaissance m’envahit, si bien que mon amie dut me soutenir. Je me rendis ensuite à l'accueil de l'ancien ashram, disant que je voulais voir Mâ, expliquant que j'avais eu des expériences où elle apparaissait. On me répondit que beaucoup de personnes avaient des expériences avec Mâ, et qu’on n'avait pas le temps de toutes les écouter ; d’ailleurs Mâ était partie à Naimisharanya, un village de l'Uttar Pradesh près de Lucknow, où les Pouranas sont censées avoir été écrites, et où Mâ avait fondé un ashram. Le lendemain, nous avons donc pris  le train en troisième classe pour ce lieu de pèlerinage. Le wagon était plein à craquer et nous avons passé la nuit pressés comme des sardines. Au petit matin, à la gare, un Swâmi de Mâ s’est avancé vers nous pour nous demander si nous savions où loger, car il n’y avait pas d’hôtel dans le village. Il nous a indiqué une dharamsala où nous avons loué une chambre. Il nous apprit également que Mâ donnait chaque jour son darshan à dix sept heures. Elle était malade et recevait très peu, mais on pouvait la voir à cette heure-là. Donc, dans l'après-midi, nous nous sommes rendus au darshan. Il y avait plusieurs centaines de personnes qui attendaient. A l’heure dite, elle apparut sur la terrasse, mais deux ou trois minutes plus tard, elle s’apprêtait déjà à faire demi-tour ! Je venais de faire 10 000 km pour la rencontrer, et elle allait disparaître sans que j'aie pu m'entretenir avec elle !  Dans un état second, je me mis à crier : « Mâ, Mâ, je veux vous voir ! Elle se retourna un instant, puis repartit. Un attroupement d'indiens forts mécontents s’était créé autour de moi, me reprochant mon incorrection vis à vis de Mâ. Un

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Swâmi me demanda  finalement : « qu'est-ce que vous voulez au juste ? » Je répondis : « voir Mâ. », «  Bien, demain après le darshan, je vous ferai signe et vous me suivrez ». Comme prévu, le lendemain il me fit signe et je le suivis jusqu'à la porte au bas du bâtiment de Mâ. Mais elle était fermée de l'intérieur, et nous ne pouvions pas entrer. Là encore, j'ai en quelque sorte perdu le contrôle et je me suis mis à frapper violemment la porte avec l'épaule. Quand elle s’est ouverte, je me suis précipité, et bousculant une personne, j'ai gravi les escaliers quatre à quatre avec Monique qui me suivait comme elle pouvait. Mâ qui se tenait à l’étage, s’inquiéta du vacarme. Les personnes présentes lui exposèrent ma situation et elle me demanda de me présenter. Je lui expliquai que je venais de faire 10 000 km pour m'entretenir avec elle, et que je voulais son conseil. Elle me dit alors: « Allez à la messe le dimanche ! » Je fus complètement décontenancé par cette réponse totalement inattendue. Après avoir retrouvé mes esprits, au bout de quelques temps, je réussis à lui dire que la pratique chrétienne m’était fort éloignée, que j'étais davantage attiré vers le yoga. Elle réfléchit un moment, et finalement me donna un exercice de yoga. Une fois dans la rue, j'ai été envahi d'une joie indescriptible, et pendant toute la nuit, j'ai eu des visions, en particulier, des expériences de lumière, ainsi que des expériences émotionnelles très fortes. J'ai vécu des périodes d'extase où je m'oubliais dans la méditation. Cette avalanche d'expériences a duré ensuite durant six mois de façon très intense, puis encore pendant trois ans de manière assez soutenue.

     Le 27 août 1982, j'allais voir Krishnamurti en Angleterre. Il était tard, je suis arrivé dans un camping en région parisienne, j'ai planté ma tente, je n'avais rien dans le ventre, il faisait déjà nuit, et soudain j'ai senti que Mâ pénétrait dans mon corps. C’est seulement trois semaines plus tard que j'ai appris que ce

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soir là, Mâ avait quitté son corps.

    Une autre fois, je me trouvais dans une petite chambre à Aix en Provence. Je vivais seul, j'avais des hauts et des bas, et un matin où j'étais plutôt déprimé, j'ai vu Mâ dans ma chambre. Il s'agissait d'une vision extrêmement réaliste, je ne sais plus si ses paroles étaient explicites mais le message était très clair : je ne devais plus rester ici à ne rien faire, je devais sortir. Je suis donc descendu marcher dans les rues, et suis entré dans une librairie. Là, j'ai pris le premier livre qui me tombait sous la main, il s’agissait d’un ouvrage de paroles de Mâ, j’ai ouvert une page au hasard, et celle-ci décrivait directement ma situation.

   Des expériences se sont poursuivies jusqu'en 1986. A cette époque je suis retourné en Inde. En passant à Kankhal, où se trouve le samâdhi de Mâ, j'ai rencontré Swâmi Ashishanananda. Alors que je lui contais ce qui m’arrivait parfois, il s’écria : « Mais ce n'est pas extraordinaire, un certain nombre d’entre nous voit Mâ tous les matins dans le jardin ! » J’ai aussitôt pensé: « Ils ont bien de la chance ! »

   Peu à peu ce contact assez mouvementé que j'avais eu avec Mâ pendant des années, a cessé ».

 

      André Riehl

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Larmes vers Mâ

 

(Lettre à Mahâjyoti, par Marie-Claude Vincent)

 

Hari Om…chère Mahâjyoti,

Plutôt qu’un long récit…voici juste un extrait de carnet de voyage. Il concerne les retrouvailles avec les lieux de Mâ à Kankhal et à Bénarès. Bien sûr, ce n’est pas un hasard.

Et puis, il y a cette réserve, pudeur naturelle, accentuée par l’étape actuelle de forte intériorisation de la sadhana et encore encouragée par l’un des ‘satsangs’ du merveilleux Vijayânanda : « Tournez-vous vers l’intérieur, conservez votre énergie, cet exercice essentiel est un exercice de grand style… ».

 

Retrouver l’enseignement de Mâ.

Tremblement intérieur, vacillement de l’identité, aspiration vers le centre de la terre vers un silence infini, un aimant de paix absorbe toute agitation…laissant s’élever vers l’espace un élan de tout l’être, dissolvant les limites.

Les cinq sens deviennent des milliards d’atomes et se faufilent parmi les étoiles…

 

Larmes vers Mâ

Larmes soudaines, irrépressibles,

Près de tes sandales, de tes regards, de tes maisons…

Larmes sans tristesse ni joie

La pluie de l’âme libère les voiles de l’illusion

Larmes de l’enfant non-né

Larmes hors du jeu

Larmes dans la nudité essentielle

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Perles de rosée du cœur à genoux

Du front contre le sol

Frémissement de la source

A l’approche de ta Gloire

Murmure de l’être

A l’approche de ton Nom

Larmes de Toi

pour guider l’abandon

Larmes de feu

pour connaître l’Union…

 

Mots malhabiles jetés en désordre, laissés tels quels !

Mais peut-on domestiquer les larmes ?!

 

Chère Mahâjyoti, puissiez-vous être remerciée et bénie mille fois d’avoir organisé avec autant de dévouement, détachement, joie et efficacité ce voyage vers nous-mêmes !

Gratitude, amitié, JAY MA

 

Marie-Claude Vincent

 

 

Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais j’ai vu un sage

 

Par Maria Luigina Funaro

 

Mon voyage en Inde ! Finalement j’aurai la chance de voir une fleur de lotus ! Dans les années passées, j’avais dû annuler deux fois mon voyage pour un motif ou un autre. Cette fois c’était la bonne. J’allais rencontrer un sage, voir des lieux spirituels,

 

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prendre connaissance de l’Inde, de ses habitants, et voir les fleurs, les fleurs de lotus.

Pourquoi l’Inde ? Pour la spiritualité ! Je voulais comprendre, pour me comprendre. J’avais des tonnes et des tonnes d’interrogations. J’avais lu, mais après la lecture, j’avais envie d’aller voir, sentir et connaître. Comment et pourquoi on choisit de devenir ermite, de suivre une voie spirituelle ? Qui sont toutes ces personnes qui se sont laissées emporter dans le flux de la spiritualité ? Ont-elles vraiment réussi à vivre d’une manière plus sereine ?

Cela ne m’intéressait pas de savoir, on a plus d’une vie, le karma, etc. La mort ne m’a jamais fait peur. Ce qui m’intéresse, c’est être bien ici et maintenant, accepter  le flux de la vie avec ses joies et ses peines, agir au lieu de ré-agir aux inévitables coups bas ou durs de la vie.

Les sites de Mâ Anandamayî, de Jacques Vigne ainsi que ses livres, les ‘Jay Mâ’ et d’autres lectures m’avaient soutenue dans ma quête. Je trouvais qu’il fallait être VIP, une Very Important Person, mais avec la signification que je lui donne en italien : V-volontà (volonté), I-impegno (travail, mais après avoir entendu Swamiji, je pourrais le traduire par Intensité) et P-pazienza (patience). Et c’est dur, c’est ardu l’équilibre intérieur ! En allant en Inde, je pensais : « Peut-être ont-ils trouvé une manière plus facile. »

Mais non, et c’est le Sage qui me l’a  fait comprendre, pas de recette miracle.

Swamiji a dit : « Cela demande de l’intensité »…Je le regardais, je le regardais et j’écoutais. Il avait dû en voir des personnes, il avait répondu aux mêmes et interminables questions, il avait dû travailler sur lui-même, sur sa vie. C’était vraiment LE SAGE, il avait la sagesse intérieure, il souriait des yeux, il était content. Nous étions assis, on le regardait et j’avais envie de lui poser les mêmes et interminables questions,

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dont je connaissais déjà en partie les réponses pour avoir lu ‘Un Français dans l’Himalaya’ et d’autres écrits sur le site de Mâ Anandamayî et dans les ‘Jay Mâ’. Mais j’avais envie d’entendre sa voix, son ton de voix, doux, ponctué de « Hein…hein… ». Il avait une patience infinie, je n’ai jamais senti qu’il pouvait être agacé ou perturbé, je sentais qu’il était heureux !

Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais j’ai vu UN sage, Swamiji Vijayânanda.

                                               

                                                                                                          Maria Luigina Funaro 

 

Force ou Courage

 

Il faut de la FORCE pour affirmer son opinion

Il faut du COURAGE pour l’assumer jusqu’au bout.

 

Il faut de la force pour prendre une décision

Il faut parfois du courage pour en assumer les conséquences.

 

Il faut de la force pour avancer

Il faut du courage pour accepter de s’être trompé.

 

Il faut de la force pour choisir

Il faut du courage pour renoncer.

 

Il faut de la force pour accepter les épreuves

Il faut du courage pour en rire.

 

Il faut de la force pour dénoncer

Il faut du courage pour se taire.

 

Il faut de la force pour gagner sa vie

Il faut du courage pour affronter la misère.

 

Il faut de la force pour dire non

Il faut du courage pour être capable d’affirmer son opinion sans violence.

 

Il faut de la force pour affronter les autres

Il faut du courage pour s’affronter soi-même.

 

Il faut de la force pour réussir

Il faut du courage pour se surpasser.

 

Il faut de la force pour endurer l’injustice

Il faut du courage pour l’arrêter.

 

Il faut de la force pour aimer

Il faut du courage pour s’en aller.

 

Il faut de la force pour vivre

Il faut du courage pour survivre.

 

                                    Texte anonyme

(Ce superbe diaporama (1415 Ko) fleuri et musical, est signé :

Jacky Questel - Novembre 2005

Photos Erick Dronnet

Musique Rieu ‘Fleurs du Printemps’)

 

Il est à disposition chez Mahâjyoti

koevoetsg@wanadoo.fr  qui en a relevé le texte.

 

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Nouvelles

 

-- Vigyânânanda (Jacques Vigne) s'excuse pour le retard de ce numéro, causé en  particulier par sa tournée en Italie dont il est question dans les pages précédentes.

-- Swâmi Nirgunananda a effectué comme chaque année une tournée en Occident, il a passé une petite semaine à Terre du Ciel où il a continué son commentaire des Narada Bhakti Sutras entamé les années précédentes, une journée à Genève au Centre Ramakrishna où il a été traduit par Jacques Vigne qui passait par là. Ils ont été accueillis par Jamshid Anvar qui avait organisé comme chaque année la réunion. Jamshid est un visiteur régulier de l'ermitage de Dhaulchina. Swamiji a ensuite animé une retraite d'une semaine en Belgique, organisée par Paul Neeffs.

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois,  ils peuvent le faire pour 6 numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 12 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José SANCHEZ-GONZALEZ

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

Tel : 0490121983 –

Email : nagajo3@yahoo.fr

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Il est possible aussi de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer 6 € pour 6 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement avéré – koevoetsg@wanadoo.fr - C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer par email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des postes indiennes qui ne sont pas à la hauteur.

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                              p.1

Satsangs avec Mâ : par A.K. Datta Gupta                   p.2

Un voyage récent en Italie où il a été question   

de Mâ : par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)            p.7

Une manière peu ordinaire de venir à Mâ :                    

par André Riehl                                                           p.20

Larmes vers Mâ (lettre à Mahâjyoti)                            

par Marie-Claude Vincent                                          p.25

Je n’ai pas vu de fleur de lotus…mais j’ai vu

un sage : par Maria Luigina Funaro                            p.26

Force ou courage : texte anonyme                               p.28

Nouvelles                                                                     p.30

Renouvellement des abonnements                                 p.30

Table des matières                                                        p.31

 

 

 

 

 

 

Jay Ma   N° 87   -  Hiver 2007-2008

 

 

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Paroles de Mâ

 

Sentez Dieu au-dessus de votre tête,  et faites d’un cœur joyeux vos tâches quotidiennes, ces tâches qui arrivent en une suite ininterrompue. Tout ce que vous voyez en ce monde est le produit de la volonté. Par la patience et la stabilité, donnez davantage de vitalité à vos bons loisirs…Il faut du temps pour édifier une habitude utile. Ne perdez pas courage si vos premières tentatives aboutissent à des échecs. Restez ferme et ayiez le courage de continuer sur le bon chemin. Si vous ramenez vos pensées vers Dieu un peu chaque jour, cela éveillera en vous un désir intense  de Lui.  Soyez simples et droits, exercez-vous à  la pureté dans vos pensées et vos actes, et vous aurez bien posé les premières bases d’une vie spirituelle.

 

Si vous ne vous écartez pas de la bouculade et de la confusion de la vie, vous ne pourrez pas réaliser Dieu. Pour ceux qui désirent le réaliser, les Himalyas sont un lieu de prédilection; la nature y est dans toute sa magnifique splendeur et sa paix sublime. Dans un tel milieu, il est facile de contempler l’Infni et de s’examiner soi-même. Pour ceux qui font reposer leur sâdhanâ sur la culture de la bhakti, ou de quelque autre noble sentiment, c’est le bord de  la mer qui est préférable. Là en effet on peut voir les vagues se succéder comme les émotions. Elles vous frappent au cœur et vous conduient vers celui qui est au-delà de toutes les impulsions émotives. Pour ceux qui commencent leur sâdhanâ, il est utile de trouver un joli coin dans un beau paysage. Pour celui qui vit en famille, un endroit consacré dans une pièce de la maison a beaucoup d’avantages.

 

2

 

Mais pour un être évolué, dont le cœur déborde d’amour pour Dieu, qui Lui a tout donné et qui Le découvre partout,  tous les endroits sont également bons. Maîtrisez vos pensées vagabondes, essayez de vous élever au-dessus des fluctuations de la vie, et vous verrez disparaître toute votre anxiété au sujet du lieu propice à la sâdhanâ. (Extraits de Aux sources de la joie)

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

 

Par Bithika Mukherjee

 

L’enseignement de Mâ sur les religions

 

            Shrî Mâ demeurait silencieuse. Je m’étais rendue jusqu’au Kalkaji Ashram de Delhi pour obtenir sa permission d’aller enseigner à l’étranger. Elle était à demi-inclinée sur son chowki. Elle me regarda quelques instants et me posa ensuite plusieurs questions concernant cette assignation. Elle parla d’une voix douce qui m’était à peine audible. J’en ai des frissons en écrivant, et en me souvenant de cette incomparable indulgence à propos de la complaisance envers moi-même sous-entendue dans ma requête. A ce moment-là, je n’appréciai même pas le fait qu’elle avait interrompu son silence pour me parler longuement. Je m’empressai de répondre à ses questions, en lui expliquant tout sur ce discours des chrétiens par rapport à celui des autres religions, et en lui parlant de mon déplacement au Château de Bossey. Je ne fus pas surprise de voir qu’elle comprit instantanément le contexte en général et tous ses problèmes en particulier. Elle parla de la situation et de

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comment elle se développerait pour moi ultérieurement. Je pris des notes en hâte dans un calepin. L’endroit où nous étions était peu éclairé et j’écrivis sans trop bien voir ce que je faisais, car en même temps, je regardais le visage de Mâ et les gestes délicats de ses mains magnifiques, qui soulignaient toujours son discours de façon expressive.

            J’exposai à Shrî Mâ ma propre compréhension du christianisme disant que j’aurai à entamer le dialogue avec ses porte-parole. Je lui demandai : « Mâ, comment peut-on expliquer la personnification de l’Etre Suprême en tant que Dieu ? »

            Shrî Mâ : Quoi que l’on puisse dire, Personnel, Impersonnel – Le Seigneur est Lui-même tel qu’Il est. Il est la réalité absolue, omniprésente dans l’univers, autant que demeurant au plus profond de l’être (antaryâmin). Il est au-delà de toute compréhension, et en même temps, Il est le Soi intérieur en chacun, n’est-ce pas ? Lui seul est (qu’on le considère comme inconnu, ou à connaître) Celui qui est sans nom, sans forme. Cependant, tous les Noms sont Siens, Il est présent partout et universellement manifesté. Où n’est-il pas ? Quand on touche la main de quelqu’un, il dit : « Ceci est moi ». Même ses vêtements indiquent sa présence. Toutes les religions reconnaissent Sa présence, elles prennent leur source en lui. Comment saisir cette immensité ? Prenons l’exemple d’une personne seule dans le tourbillon des relations (irradiant de lui) : il est le père, le fils, le mari, le frère, etc. Il en est ainsi dans toutes les religions. Ce sont toutes des relations intimes et chacune est unique en elle-même.

            Question : Les chrétiens croient que le Christ est une Incarnation,  la seule Incarnation envoyée pour sauver l’humanité. Il est le seul médiateur entre Dieu et l’homme.

 

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            Shrî Mâ : D’accord, il est certainement juste pour les chrétiens de croire cela, pourquoi pas ? La foi perd de sa vigueur spirituelle si elle est universalisée. Ce n’est pas nécessaire d’en arriver là. La miséricorde illimitée de Dieu est répandue partout, Lui seul sait ce qui est bon pour chacun de nous. Si chaque individu regarde son propre voyage spirituel, alors il peut apporter l’aide la meilleure à ses compagnons de route. Chaque communication de la Vérité est un évènement unique. Aucun de ces évènements ne peut être comparé à un autre. En célébrant cette Vérité, les communautés religieuses (sampradaya) se forment ou prennent tournure. Les communautés également sont nécessaires. Elles fournissent la cohésion, l’unité générale des objectifs à atteindre, et elles donnent du courage à ceux qui ont un moral faiblissant. C’est une bonne idée que d’appartenir à une communauté et de marcher sous sa conduite pour obtenir l’illumination. Il n’est pas nécessaire de se méfier de la foi de nos amis chercheurs de Vérité.

            Question : Les chrétiens restent attachés très fortement à l’unique évènement historique de l’Incarnation du Christ. Ils sont engagés dans leur mission.

            Shrî Mâ : Pourquoi devrions-nous poser des limites à l’infini, ou des restrictions de temps à ce qui est intemporel, c'est-à-dire l’éternel ? L’infini a des moyens infinis pour se révéler lui-même. Personne n’a le droit de dire ‘c’est seulement ainsi et pas autrement’. Bien que, à proprement parler, un tel credo est aussi admissible, car chaque optique est concevable. Après tout, quelle est l’étendue de ce que l’on peut rejeter - à l’intérieur de l’ensemble de la Vérité ? Réclamer l’exclusivité est une façon de renforcer sa propre foi et sa dévotion, mais dénigrer la loyauté des autres est déplacé, injustifié. Le

 

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véritable pèlerin devrait apprécier les efforts de ses amis grands voyageurs.

            Question : Si quelqu’un croit en une seule et unique Incarnation, comment peut-il comprendre la vérité des autres manifestations ?

            Shrî Mâ : L’Incarnation est vraiment seule et unique, c’est une descente, une venue, une approche, un avènement, chacun étant unique à sa façon. Comme je l’ai dit, il n’y a rien ni personne à part Dieu. Le vrai nœud de la question est qu’il faut aller de l’avant ! Pour avancer dans une direction, il est exigé un effort suprême, constant, déterminé, sans faille. Se détourner de ce but par comparaisons et contrastes équivaut à ralentir, à moins que certains ne soient habitués à un renforcement de leurs objectifs dans un esprit d’unité, de communion. L’Un englobe tous les chemins menant à la réalisation de cette vérité.

            Question : Mâ, on ne peut pas croire en l’Un, en l’Unique seulement. Une créature, un être, sont séparés de Dieu pour toujours.

            Shrî Mâ : Oui, bien sûr. Comme Dieu ne peut pas être saisi par l’esprit, Il est séparé pour toujours. Etre humain veut dire habiter dans le monde des images mentales. Le mental limite la compréhension. Dieu est séparé de l’être parce qu’il demeure au-delà des idéalisations du mental. Ce qui est suprême est, par conséquent, au-delà encore. Aussi, il est juste de dire ‘Dieu et sa créature’. La compréhension de la séparation est elle-même la ligne de partage [italiques ajoutées par Bithikâ]. Il est votre soi le plus profond, votre témoin le plus intérieur, votre vous le plus intime.

            Question : Est-ce qu’un médiateur est nécessaire pour connaître Dieu ?

 

 

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            Shrî Mâ : Oui, mais Dieu lui-même se révèle comme le Gourou (Médiateur). Le Gourou est Dieu lui-même. Lui seul connaît les exigences du vrai disciple. Pour invoquer la présence du Gourou on doit devenir un vrai disciple.

            Question : Est-ce que tous les chemins ont la même valeur ?

            Shrî Mâ : Oui, pour autant qu’un chemin soit suivi de façon concentrée, sincère et persévérante. Cependant, il existe des chemins et sentiers qui se révèlent être des déviations. Quelqu’un naît avec certaines prédilections (samskaras) qui façonnent les attitudes. La façon de vivre est un amalgame d’actions, de croyances et de connaissances (karma, bhakti, jñâna). La façon dont on organise sa vie déterminera le chemin à suivre. Dans la sphère de la recherche de Dieu, l’aide fixe de façon inévitable, même si quelqu’un est ignorant et ne distingue pas clairement la voie juste, notre chemin est réorienté dans la bonne direction par le Gourou qui apparaît immanquablement de façon à apporter de l’aide et à montrer la route. Ce sont les propres efforts de chacun et la sincérité qui doivent être évalués, pas les faits.

            Question : Comment peut-on savoir si on n’est pas en train d’errer sans but ?

            Shrî Mâ : Quiconque est sur le chemin en quête de Cela est touché par la paix de la vérité. Dans ce domaine où celui qui cherche trouve, il n’y a aucune possibilité pour qu’un véritable effort soit fait en vain, ou qu’un manque de sincérité produise des résultats. L’effort est requis parce que l’homme utilise sa volonté pour atteindre des buts matériels. Ainsi la volonté peut également devenir comme des courroies qui conduisent l’homme au-delà de ses limites.

 

 

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En réalité, seule la miséricorde de Dieu prévaut. Quand on fait un pas vers lui, Il en fait dix vers nous. En fait, Il est constamment avec nous. La recherche en elle-même devient, par conséquent, la conclusion.

 

            Dans tout mon dialogue avec les autres religions, ce sont ces mots de Shrî Mâ qui me servirent de planche de salut. Au fur et à mesure de mes études et de mes recherches dans les années qui suivirent, ils prirent une signification toujours plus grande pour moi. En juxtaposition avec les courants de la pensée occidentale, j’appris à reconnaître la richesse et l’importance de l’héritage oriental. Ceci me permit de tenir d’éloquentes conversations avec le Professeur George B. Grant, philosophe bien connu au Canada à cette époque. Soit dit en passant, je peux dire que, bien que Shrî Mâ ne m’eut pas donné le ‘feu vert’ pour m’en aller, elle dut avoir un kheyâla à ce propos, car je reçus pas mal d’invitations pour me rendre à des conférences dans les années qui suivirent, jusqu’à ce qu’un jour, je fus obligée d’en décliner deux ou trois qui ne me convenaient guère. Il n’en est pas moins vrai que mon souhait d’aller à l’étranger, exprimé en présence de Mâ, me submergea d’opportunités pour mon propre épanouissement. (p.292 à 295)

 

Au Château de Bossey

 

            Après mon vol Bombay-Londres, mon installation eut lieu au Crosby Hall (Chelsea), un vaste foyer pour universitaires du monde entier. Mon séjour en Angleterre fut plaisant, la circulation automobile n’y était pas encore gênée par les embouteillages comme maintenant.

 

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            C’est en octobre 1972 que je me transférai en Suisse, au Château de Bossey, peu distant de Genève, dans un environnement splendide aux  couleurs de l’automne. Cela me prit bien deux bonnes semaines pour m’acclimater à l’atmosphère de la maison, car la session 1972-73 consistait en à peu près une cinquantaine d’étudiants du monde entier provenant de 26 pays, représentant un vaste panorama de l’héritage culturel et religieux. Certains étaient adultes et déjà prêtres, ou sur le point d’être ordonnés, mais cependant singulièrement ignorants quant aux autres religions, et n’ayant retenu de l’hindouisme que le fait qu’on y adorait les vaches comme des créatures sacrées, et que le système des castes y était redoutable. Malgré les discours, conférences avec traductions simultanées brillantes, séminaires, discussions, la comparaison des religions du monde n’amenait guère à un véritable rapprochement. La Graduate School de Bossey n’était pas un groupe d’harmonieux fidèles. Néanmoins j’étais très appréciée par mes élèves et les invitations en week-end furent enrichissantes : Montreux, le Château de Chillon, Zermatt, le Mont Blanc (à peine entrevu dans les nuages), la musique occidentale, la neige…

            La nuit de Noël fut célébrée à Bossey avec un service œcuménique élaboré. Je me rendis à la Messe de Minuit. Je m’étais déjà familiarisée avec ce rituel et j’étais contente d’y assister, avec probablement plus de dévotion que bien des chrétiens.

            Un ami, Nicholas, m’invita en Angleterre dans le Yorkshire, après Noël. Ses parents étaient charmants et je fus accueillie comme ‘l’enseignante indienne de Nick’.

            Je garde de bien nombreux souvenirs de ces jours passés dans cette jolie contrée. Un jour, nous fûmes tous peinés de savoir que l’une des secrétaires venait d’apprendre la mort

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subite de sa mère en Amérique. Je me rendis dans son bureau et la trouvai assise à sa machine à écrire, parfaitement hébétée devant une page blanche. Lorsque je m’approchai, elle se retourna soudain, m’entoura de ses bras et fondit en larmes. C’était une jeune américaine volontaire, tout à fait capable de se prendre en charge, c’est pourquoi je fus très touchée autant que surprise de sa réaction. Je lui dis tous les mots appropriés dont je pus me souvenir et que Shrî Mâ disait à l’occasion de ce genre de deuils.

            Je dis : « Nous prierons ensemble ». Elle me regarda de façon confuse et me confia : « Je ne sais pas comment on prie ». Je restai avec elle jusqu’à l’heure où elle eut à prendre l’avion pour se rendre en Amérique. C’était une gentille fille mais insensible à la qualité de la dévotion. Il y en avait beaucoup comme elle, mais ce genre de modernité ne m’était pas antipathique. Si les gens d’aujourd’hui pouvaient être heureux et auto-suffisants, qu’ils le soient. Dieu est trop précieux pour venir sur commande dans la vie de chacun

 

En route pour le Canada

           

            Le moment vint où il fallut quitter le Château de Bossey. Echanges d’adresses. Promesses de se revoir.

            Ce fut le tour des Universités de Leiden et d’Amsterdam, où l’assistance n’était pas très intéressée par le langage de la philosophie hindoue, à part pour ce qui concernait le hatha-yoga et la méditation transcendantale. C’était un peu comme si j’avais été prête à servir des plats succulents, alors que les clients ne demandaient rien de plus que des patates bouillies. L’unité religion-philosophie n’était pas encore prise en compte à ce moment là.

 

 

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            L’obtention de mon visa pour le Canada était dépendante mon état de santé, à cause de mes anciens problèmes de tuberculose, et pour l’obtenir, je fus obligée de me soumettre à un examen médical complet. L’ironie du sort voulut que, bien que ne souffrant de rien ni d’aucune réminiscence de cette maladie, on me détecta néanmoins un nodule cancéreux.

            Mon opération et le suivi médical furent vécus par moi de façon extrêmement sereine et pleine d’espoir, grâce aussi à l’entourage de mes nouveaux amis du Canada. Une infirmière fut affectée à mon service de façon permanente. Après deux jours, je me risquai à la questionner : « Pourquoi me demandez-vous si souvent si je sais ce qu’il m’est arrivé ? »  Elle me répondit : « C’est que… on ne voit pas souvent des patientes comme vous. Vous êtes si calme et réservée que les médecins et nous-mêmes, nous nous demandons si vous réalisez les conséquences de votre opération. »

            Je ne sais vraiment pas ce à quoi ils s’attendaient de moi. Il s’agissait d’une expérience tout à fait personnelle, que je n’aurais voulu partager avec personne. D’autre part, je ne me sentais pas du tout bouleversée. Qu’en savaient-ils de la quiétude intérieure qui enveloppe quelqu’un grâce au souvenir constant de son ishta mantra et à la présence permanente de la personnification de ce mantra [sous forme du Gourou]. D’une certaine façon, ce fut amusant de voir à quel point l’assistante sociale qui me fut envoyée un jour pour bavarder avec moi, demeura perplexe. Je crois que les médecins m’envoyèrent aussi un psychiatre, mais je fis mon possible pour convaincre tout le monde que je me sentais bien et que j’étais très reconnaissante de leur prévenance. (p.318)

 

 

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Le retour en Inde

 

            L’été venu, je décidai de  rentrer à la maison. Bindou, Shyamoli, ma mère et ma sœur m’attendaient à Bombay pour m’emmener aussitôt en voiture à Pune, au darshan de Shrî Mâ.

            Chacun fut très heureux de me voir et de me poser un tas de questions sur mes voyages, mais je leur dit rien sur mon état de santé. A la fin de la journée les visiteurs de l’ashram s’en allèrent et seuls les occupants demeurèrent. Je demandai une entrevue privée à Mâ. Didi et les autres jeunes filles rentrèrent dans leurs chambres. Shrî Mâ était étendue sur son chowki dans la véranda. Je m’assis par terre auprès d’elle et je lui dis : « Mâ, j’ai de mauvaises nouvelles à vous donner. » Après quoi, je la mis au courant de ce diagnostic inattendu de cancer et de l’opération que j’avais dû subir. Shrî Mâ s’assit sur son chowki et me posa certaines questions très pertinentes.             Comme à son habitude, elle évalua la gravité de la situation, et la durée du traitement post-opératoire qui était parti pour traîner au moins trois ans. Je lui expliquai : « Mâ, je n’arrive pas à me décider à parler à ma mère de toute cette catastrophe. Comme vous le savez, elle m’a soignée pendant ma terrible maladie précédente, ma tuberculose, et cela si courageusement et avec tant de compétence. Comment puis-je lui dire que, tout compte fait, je souffre d’une maladie encore pire ? Je vous en prie, parlez-lui en à ma place. »

            Shrî Mâ accepta, m’enlevant de ce fait un fardeau de sur les épaules. J’allai me coucher cette nuit là plus légère et tranquille. L’après-midi suivant, il arriva que toute ma famille vint s’asseoir dans la chambre de Mâ. Il n’y avait pas d’étrangers, mais seulement quelques résidents de l’ashram. Shrî Mâ parla à ma mère sur un ton vif : « Venez ici, mère,

 

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avez-vous déjeuné ? » Ma mère acquiesça. Shrî Mâ ajouta : « Vous parlerai-je du courage de votre fille et de sa force morale ? Il y en a très peu comme elle. Vous pouvez en être fière. » Shrî Mâ continua sur ce ton, survolant l’argument d’une façon ou d’une autre, avec un tel doigté, que ma mère fut complètement détournée du thème principal. Je jetai un coup d’œil vers Bindou, son visage était rouge et je compris qu’il avait capté le message. Shyamoli et ma sœur avaient fondu en larmes, mais ma mère, grâce à la compassion sans limite, à la grâce enveloppante de Mâ, échappa au choc de réaliser la situation brutalement, et au contrecoup du traumatisme. Ma mère était loin d’être stupide, elle était tout à fait capable d’estimer les répercussions de mon opération. Les paroles de Shrî Mâ avaient tout juste fait partir la peur et l’angoisse inhérente à cette situation. Cela se passa devant mes yeux et je sus que ma prière avait été entendue. Ma mère continua à écouter Mâ. Elle avait même une lueur de satisfaction sur son visage. Shrî Mâ s’en référa à un récent cas d’opération du cancer dans l’ashram. Le patient était une personne éminente, un érudit, mais il avait été si effrayé qu’il avait demandé à Mâ de venir à Bombay avec lui et de rester en ville pendant le temps de son hospitalisation. Shrî Mâ dit alors en me désignant : « Regardez cette jeune femme, toute seule en pays étranger. » etc.…etc.…Je me sentis embarrassée devant cette pluie de louanges imméritées dont elle me couvrait. Imméritées parce que je n’avais jamais eu peur, et inappropriées à la situation que j’avais affrontée.

            Tout fut bien qui finit bien. Gurupriya Didi aussi exprima de l’inquiétude, les yeux pleins de larmes, mais au moins je me sentais relaxée et heureuse. Shrî Mâ me demanda si elle pouvait parler aux autres de ma maladie et de mon

 

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opération si on le lui réclamait. Je répondis : « Oui, maintenant que ma famille le sait, je n’ai pas d’objection à ce que d’autres personnes en soient informées. » J’avais remarqué qu’au Canada les gens étaient effrayés d’appeler cette maladie par son nom. En général ils préféraient camoufler la chose en utilisant des termes techniques, mais je ne voyais aucune raison d’adopter ces mesures. Je suis sûre que toute personne souffrant de ce qu’on peut appeler une maladie mortelle, aimerait tout simplement le savoir afin de l’affronter selon son état d’esprit. (p.319-320)

 

Matri-satsang…conversation avec Mâ

 

            Je fus de retour en Inde juste avant le janmotsava de 1977, passant de Dehra-Dun, à Hardwar et Kankhal pour voir Shrî Mâ. Puis, je partis pour Allahabad où je retrouvai la Banaras Hindu University non sans quelque nostalgie due au départ des anciens amis qui l’avaient quittée. Les célébrations de l’anniversaire de Mâ eurent lieu à Bangalore en 1978. J’emmenai ma mère et ma sœur en pèlerinage dans les temples du Sud. Parmi la véritable pléiade des robes oranges, Shrî Mâ resplendissait de candeur angélique tout de blanc vêtue.  A l’unanimité, ascètes, sadhous, mahâtmâs, lui accordaient leur dévotion. Les membres de cette immense congrégation restaient assis des heures pour l’entendre et ne pas perdre une bribe de sa conversation.

            Les réponses de Mâ contenaient toujours un enseignement pratique. Ses paroles étaient comme des faisceaux de lumière qui illuminaient l’esprit…à tel point que certains se sentaient capables d’entreprendre une sâdhanâ immédiatement, peu importe en quelles circonstances. Ses mots

 

 

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(vani) maintes fois répétés ‘ Se souvenir de Dieu uniquement est la seule chose requise des êtres humains’ étaient vibrants de vérité dans sa voix, accompagnés par son regard brillant d’encouragement et de totale compréhension. Chaque auditeur devenait convaincu, sur le moment du moins, qu’il était capable de marcher sur le sentier le plus abrupt, surtout que Mâ n’avait jamais cherché à arracher quiconque de sa condition humaine. Combien de fois ne l’a-t-on pas entendue dire : « Commencez n’importe quoi, mais commencez. Le reste suivra. Si vous ne pouvez pas croire en Dieu, au moins alors ouvrez votre esprit et priez-le pour qu’il illumine votre cœur par sa présence. Je vous dis de commencer parce que c’est votre nature de vous efforcer de faire quelque chose dans le monde, par conséquent votre effort est nécessaire dans cette dimension aussi. C’est vrai, rien n’arrive à moins que Dieu ne le veuille, mais votre propre connaissance ne le sait pas. Vous êtes habitués à prendre des décisions et à agir en fonction d’elles. Ainsi il vous incombe de commencer dans cette dimension également. Croyez-moi, si vous faites un pas, Dieu en fera dix vers vous. Cette idée de séparation est néanmoins seulement une façon de dire. La vérité est qu’Il est toujours avec vous. Le fait que vous ne le sentiez pas dans votre être intérieur correspond à une distance artificiellement créée, et qui a besoin d’être dissipée. »

            Ce que l’on écrit ne peut pas recréer l’atmosphère incandescente du matri-satsang. Quand on entendait Mâ parler de la sâdhanâ dans ses formes les plus simples, cela semblait facile dans son accomplissement, tout comme la réalisation de Dieu semblait à la portée de tous.

            Tous les mahâtmâs qui occupaient l’estrade acclamèrent Shrî Mâ avec des ovations puissantes. Elle était la personne la plus importante pour eux. Je me souviens de ce que disait Swami Chinmayânandajî : « Que peut-on dire sur Mâ ? Quand

 

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le soleil se lève à l’orient, est-il nécessaire de le montrer du doigt aux autres ? Il est à lui-même sa propre preuve. »

Swami Chidânandajî assuma la tâche difficile de traduire pour elle, bien que le hindi fut compris de façon plus répandue désormais que durant ses premières visites dans le Sud de l’Inde. (p.332)

 

Traditions et rituels

 

Les célébrations terminées, nous partîmes pour Madras afin de commencer notre pèlerinage. Le Professeur Sivaraman et sa femme nous avaient invités. Padmajî se joignit à nous, ce qui faisait un groupe de six en comptant ma mère et ma sœur. Le professeur Sivaraman fut accueillit avec respect à Chidambaram où l’on se souvenait avec reconnaissance de son père qui avait été un érudit et fervent fidèle shivaïste.

            Nous vîmes le fameux panneau de sculptures de Dakshînamurti et beaucoup d’autres précieuses représentations que nous aurions ratées si nous n’avions pas été guidés par Parvathyjî et Sivaramanjî (le Professeur et son épouse). Nous fîmes l’expérience de la très intéressante ligne de démarcation qui existe entre les pèlerins vishnouïstes et leurs homologues shivaïstes. Chaque temple célèbre hébergeait les deux formes de Dieu, c'est-à-dire Narâyâna et Siva. Au temple de Chidambaram, nous nous assîmes un moment dans l’enceinte pour attendre le prasâd (la nourriture sacrée) que Sivaramanji avait fait demander pour nous. Je remarquai que bien des gens qui venaient pour le darshan de Siva Natarâja tenaient une feuille de palmier contre le côté gauche de leur visage alors qu’ils s’approchaient du sanctuaire intérieur. A leur retour, ils entraient dans un autre sanctuaire, désormais à leur droite, et qui était consacré au Seigneur Narâyana ou à Govindarâjâ. Je

 

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demandai à Parvathyji l’explication de cette singularité. Elle nous expliqua que les shivaïstes, en entrant, n’étaient pas sensés ‘voir’ Govindarâjâ avant d’avoir présenté leurs respects à Natarâjâ (Siva). Après avoir présenté leurs hommages à Siva, c’est en sortant qu’ils pouvaient également présenter leurs respects à Govindarâjâ. Les vishnouïstes procédaient de façon diamétralement opposée. La même habitude avait cours dans les temples qui hébergeaient Govindarâjâ  comme divinité principale. Tous les temples, automatiquement, abritaient de nombreuses images de Dieu. Chacune était placée après l’image principale à l’intérieur du sanctuaire.

            Ce type de comportement pouvait seulement fonctionner là où la croyance dans l’unité était aussi forte que la préférence et la loyauté envers la propre ishta devatâ de chacun. (p.333)

            Shrî Mâ vint à Varanasi au début de 1981. Plusieurs jeunes femmes de son entourage souhaitèrent arranger un ati-rudra yajña. De tels rituels de tradition védique avaient été l’apanage des hommes pendant des milliers d’années. Cependant Padmâjî connaissait un jeune collègue, Pandit Vamadeva Mishra, très qualifié en la matière, qui fut très honoré d’aider pour la cérémonie, et accepta de venir jusqu’à l’ashram de Mâ.

            Dans la soirée, Mâ l’attendit dans la pièce du bas qui ouvrait sur la véranda. Je me souviens que Narâyana Swamijî était en train de lire à haute voix un article qu’il avait écrit sur Gurupriya Didi, qui venait de disparaître. Il était monté jusqu’à la chambre de Mâ en disant : « Mâ, voulez-vous écouter ce que j’ai écrit sur Didi ? » Shrî Mâ répondit qu’il pouvait lire jusqu’à l’arrivée de la personne que nous attendions tous. L’article en question était bien écrit, dans un langage très poétique et fort

 

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élogieux pour Didi. J’admirai son style et sa présentation. C’était une très longue rédaction. Il en lut la moitié jusqu’à ce que  l’on entendit quelqu’un arriver derrière la porte de la véranda. Swamijî s’arrêta immédiatement et demanda ce que Mâ pensait de son exposé. Elle répondit : « Oh ! Vous ne m’aviez pas demandé à ce que je porte un jugement sur votre récit. Il contient beaucoup d’erreurs et beaucoup de choses ne furent pas exactement comme vous les avez présentées, mais puisque vous m’avez demandé d’écouter, j’ai écouté sans toutefois relever les erreurs. »

            Narâyana Swamijî resta un peu interloqué, mais pas autant que moi. A dire la vérité, l’étendue et la profondeur d’un acquiescement à l’ordre temporel n’avaient pas à être jugées ou évaluées par nous. Mais c’était si naturel pour nous de réagir que nous en arrivions à oublier que nous étions devant une personnalité énigmatique qui, de quelque façon que ce soit, ne se laissait pas gouverner par de vulgaires critères de comportement. (p.236-237)

            Vamadevajî exprima donc sa volonté d’aider à organiser l’évènement que représentait l’ati-rudra yajna, l’un des plus grands sacrifices rituels de notre tradition védique, qui devait avoir lieu en avril pendant onze jours. Nourriture et logement furent prévus pour 50 personnes. Padmâjî fut chargée de la délicate mission de tenir les comptes.

            Les membres du comité me demandèrent de rédiger un samkalpa (intention, objectif) pour le yajña. Ils en avaient déjà proposé un de vive voix qui exprimait leurs sentiments intérieurs, c’est-à-dire : « Afin d’honorer Shrî Mâ et de rechercher sa grâce dans nos vies. » Quand on lui lut ceci, Mâ affirma que, dans ce cas là, elle n’aurait rien de plus à ajouter sur cette intention et qu’ils pouvaient continuer tout seuls. Ils

 

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auraient dû s’y attendre. Shrî Mâ ne démontrait jamais aucune acceptation, ni appréciation à de telles louanges. Je me mis à y réfléchir quelque peu et changeai les propos en : « Comme rite propitiatoire envers l’Etre Suprême qui est l’Ishta de l’humanité tout entière. »

Shrî Mâ ne souleva aucune objection à cela, ce qui nous permit de l’utiliser au moment opportun. (p.339)

 

Je suis avec vous pour toujours

 

            1982 fut l’année du décès de Shrî Mâ mais aussi, auparavant, de l’ardha [demi] Koumbha-Méla à Allahabad. Nous savions que Shrî Mâ allait venir. Elle arriva en voiture le 9 janvier. Nous avions arrangé la maisonnette dans notre jardin pour elle, afin qu’il soit le plus confortable possible en ces journées d’hiver. Bien que fatiguée, assise sur son chowki, elle sembla prête à recevoir un peu de monde pour un darshan. Les mahâtmâs lui demandèrent de venir pour l’ouverture de la cérémonie sur le site de la Koumbha-Méla. Ils lui promirent de prendre soin d’elle. Shrî Mâ sourit et dit : « Ce corps n’est jamais dérangé. Si vous souhaitez l’emmener à la Méla, faites-le si vous voulez. »

            Avant que Shrî Mâ ne s’en aille pour aller jusqu’à l’endroit de la Koumbha-Méla, elle parla un long moment de notre famille. S’adressant à la petite foule de ses fidèles, elle parla de façon très élogieuse de mes parents et de nous tous. Je me sentis réellement si embarrassée, que je quittai l’assemblée en prétextant que j’avais du travail à faire ailleurs. Ceci était un comportement très inhabituel de la part de Shrî Mâ, car lorsqu’elle était chez nous, elle nous avait plutôt habitués à de

 

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légères réprimandes ou à des gronderies pour nos fautes et pour nos péchés par omission. (p.350)

            Revenons-en au 10 Janvier 1982. Shrî Mâ, pendant un long moment, fit des compliments à Bindou sur son attitude qui refusait de trouver des fautes, sur son esprit de service. Nous aurions dû réaliser qu’elle était en train de prononcer un discours d’adieu, au lieu de nous sentir simplement heureux qu’elle soit fière de nous.

Le soir tombé, Shrî Mâ s’en alla jusqu’à l’endroit du campement. Je retournai à Varanasi. Notre ashram dressait toujours ses tentes au nom de Shrî Mâ à la Koumbha-Méla. Cette année là, il plut à torrent, ce qui perturba l’organisation et abîma bien des aménagements et structures temporaires. Ma sœur nous raconta que rien ne semblait marcher droit, ce qui était un évènement incroyable en ce qui concernait Shrî Mâ, car nous savions par expérience que jamais rien n’allait de travers lorsqu’elle était près de nous. Nous n’avons jamais eu aucun sens de prémonition pouvant nous faire penser que les éléments présageaient un futur de mauvais augure pour nous. Ma sœur nous dit qu’une fois qu’elle était près d’elle, Shrî Mâ se leva avec difficulté de son chowki, et s’appuyant sur son bras, elle marcha jusqu’à la fenêtre de la tente et regarda au dehors le spectacle de désolation. Ce fut l’un de ses regards qui englobait tant de choses qu’il en devenait difficile à décrire. Cela ne dépendait pas entièrement de son mouvement de tête imperceptible, ni même de celui de ses yeux, et cependant elle semblait embrasser du regard toute la vue autour d’elle dans sa totalité. Rénou eut l’étrange sensation que ce ne fut pas seulement une façon habituelle de regarder comment allaient les choses, mais plutôt un geste d’adieu. Elle s’était mise en communion étroite pendant un long moment avec ce lieu de la

 

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confluence des deux rivières sacrées. Plus tard, on se rappela de ce que Didi nous avait raconté à propos de semblables gestes d’adieu dans des endroits que Mâ savait qu’elle ne reverrait plus.

Avant de quitter le campement, Shrî Mâ invita tous les mahâtmâs réunis à la Méla, à une grande fête, ainsi que tous les gens de la ville qu’elle connaissait. Elle n’oublia, ni ne négligea personne. Pendant presque un demi-siècle elle était venue participer à la Koumbha Méla de Prayag. Il s’agissait cette fois de sa dernière visite

Shrî Mâ continua à être souffrante et faible, mais nous recevions toujours des nouvelles de ses incessants voyages. Il n’y avait guère de répit entre ses déplacements dans les différentes parties du pays. Nous fûmes surpris d’apprendre que Shrî Mâ allait se rendre si loin, à Tripura, à la fin du mois de mars. Lorsqu’elle revint de ce long et exténuant voyage, elle sembla vraiment épuisée et malade. Tripura était l’endroit de sa naissance. Eut-elle le kheyâla de visiter l’endroit où elle était née (janmabhoûmi) avant de se retirer du monde ? (p.353)

Les célébrations pour l’anniversaire de Mâ eurent lieu à Kankhal en 1982. Etendue sur son chowki elle recevait toujours les fidèles qui se pressaient pour la voir.

Notre Kanyapîth eut des problèmes. Nous manquions d’argent, l’inflation ayant créé des dégâts dans notre budget. Mon idée aurait été de faire un appel de fonds dans notre petite revue, mais Mâ nous avait toujours défendu de réclamer de l’argent. Les bramacharinîs et moi-même, avions décidé de lui en parler en lui présentant nos problèmes monétaires aussi succinctement que possible, et en lui avouant que nous recherchions tous les moyens pour obtenir des contributions. Mâ avait répondu que ‘le yajña avait coûté trop cher’, puis

 

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l’une des filles, Jayâ, l’avait invitée à venir auprès de nous pour se reposer et nous avions renoncé à lui parler d’argent.

Shrî Mâ me regarda, alors que j’étais debout au pied de son lit. En se référant à ce qui venait d’être dit, elle rétorqua : « Elle (Jayâ) ne sait pas de quoi elle parle. Ces jeunes filles ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. »

Je m’empressai de dire la première chose qui me vint à l’esprit : « Mâ, dans cette situation, que devrions-nous faire ? » Shrî Mâ continua à me regarder pendant quelques secondes. Elle ne répondit pas. Je me souviens toujours de son regard que je ne comprenais pas, car c’était un regard de compassion. Elle semblait être désolée de nous voir plongées dans tant de confusion. Elle savait (alors que nous ne le savions pas à l’époque) qu’il ne nous serait donné aucun raccourci dans notre expérience, faite des chocs et des traumatismes que la vie nous réservait. Cependant, en revenant à Vârânasî, les membres du Kanyâpîth trouvèrent un chèque de 25.000 roupies de la part d'un nouveau fidèle ; d'autres contributions suivirent, qui résolurent ainsi le problème financier.

            Il fut décidé qu’on ne demanderait pas à Shrî Mâ de venir dans le grand hall de l’ashram pour les célébrations d’anniversaire en début mai. Tout devrait se tenir dans ses appartements. Une grande tente fut montée devant la maison. Plusieurs décorateurs professionnels construisirent un genre de chariot en guise de trône sur lequel on pourrait placer le lit de Mâ.


 

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 Quand le chariot prit forme, Udasji, l'assistante personnelle de Mâ qui avait succédé à Didi, trouva cela très désobligeant. Elle ordonna aux ouvriers de le démonter immédiatement, disant : « Pourquoi un chariot ? Tenez-vous à ce que Mâ s’en aille ? » Le chariot fut démantelé et enlevé. La pluie tomba à verse la nuit de la poûjâ. La toile de tente n’était pas suffisamment imperméable pour contenir un tel déluge. Les gens qui s’étaient rassemblés là, ne savaient où aller. Quelques-uns seulement purent trouver refuge dans la chambre de Mâ. Le kîrtan chanté par une poignée de jeunes filles était inaudible à l’extérieur. L’atmosphère de solennité habituelle ne put être atteinte. La congrégation des fidèles, désireuse de s’asseoir tranquillement pour rendre un hommage respectueux à leur ishta-devatâ lors de cette importante nuit, fut obligée de se disperser afin de chercher un abri de fortune. Nous n’avions jamais fait l’expérience d’une telle nuit d’anniversaire.

            Le matin suivant, il nous fut dit que Shrî Mâ avait affirmé que les ashrams ne devaient pas s’efforcer d’organiser des poûjâs auprès d’elle dans l’avenir. Une telle poûjâ pouvait très bien être offerte au portrait dans le hall. Nous pensâmes que Shrî Mâ s’en référait à l’inconfort subit par tout le monde, et voulait s’assurer que la direction de l’ashram aurait pris de meilleures dispositions. Personne ne comprit la chose pour la prophétie qu’elle contenait.

            Quand les célébrations furent terminées, chacun retourna à son travail. C’était mon dernier darshan avec Shrî Mâ. Comme de coutume, nous fîmes nos pranâms, nous reçûmes quelques signes de respect comme prasâd, et nous partîmes en espérant revoir Shrî Mâ radieuse lors de notre prochaine visite.

 

 

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Les nouvelles de ses voyages continuèrent à nous parvenir. Enfin, elle retourna à Dehra-Dun et demeura à Kalyanvan du 5 au 24 Juillet. Elle semblait complètement repliée sur elle-même. Elle ne répondait pas aux messages ni aux lettres. Bhâskarânanda lui demanda de dire quelque chose en réponse aux centaines de demandes de renseignements que l’on recevait chaque jour. Shrî Mâ dit : « Vous devrez tous vous efforcer de vivre votre vie en étant à la hauteur de la grâce de votre Gourou. »

            Le 24 juillet, elle se rendit à l’ashram de Kishenpur. Elle avait cessé d’absorber toute nourriture depuis environ 3 mois. Elle prenait quelques petites gorgées d’eau de temps en temps. Ces quelques nouvelles ne nous semblèrent pas très sérieuses. Nous avions tellement souvent entendu parler de son abstinence de nourriture, nous l’avions aussi vue ne manger presque rien et malgré cela être resplendissante. Elle n’avait jamais souffert du manque de nourriture avant, mais cette période de diète absolue n’était décidément pas en accord avec son kheyâla habituel. Nous n’avions jamais vu ses états physiques, que ce soit pour le jeûne, les entorses, fractures, souffrances ou douleurs déranger son expression sereine. Ainsi, nous nous sommes mis à la prier de renoncer au jeu (lîlâ) de la maladie au plus vite.

            Ma sœur Rénou et ma mère étaient à Delhi avec Bindou et Shyamolî. Ma mère avait dû subir une opération à l’œil qui, malheureusement, n’avait apporté aucun soulagement. Le 27 août, Rénou reçut un message de Nirmalâ et Shantâ qui avaient été à Delhi faire quelques courses importantes. Elles avaient l’intention de remonter en voiture jusqu’à Dehra-Dun et Rénou pouvait aller avec elles, si elle voulait voir Mâ pour la dernière fois. Ces amies intimes avaient senti que la fin était proche.

 

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Ainsi Rénou fut parmi les quelques personnes qui veillèrent dans la chambre de Shrî Mâ le dernier jour. Personne ne put rien faire pour alléger les souffrances de Mâ. Il était évident qu’il ne s’agissait pas d’un problème médical, parce que même les médecins réunis autour de son lit ne trouvèrent rien pour y remédier. Eux-mêmes ne purent faire autre chose que de la prier de faire jouer son kheyâla en vue de sa guérison. Rénou apprit qu’au lieu de répondre à la prière du Dr. Surabhai Seth pour sa guérison, Mâ lui  avait dit : « Prenez soin de Paramânanda. »

            L’ânandamayi svaroûpa (personne, essence de la béatitude) de Shrî Mâ était totalement en suspens. Elle rendit son dernier soupir dans l’agonie, sous les regards impuissants et désespérés de ceux qui furent si proches d’elle par leur dévotion et leur fidélité. Notre tradition ne nous apprend pas à associer la souffrance à la divinité. En quelque sorte, Shrî Mâ nous avait habitués depuis quelques mois à la possibilité de ce rapport. Elle qui était la joie personnifiée s’était montrée sombre et triste durant ces derniers mois. L’énigme de sa majestueuse et cependant si bienveillante personnalité était soudain remplacée par ce grand mystère qui, pour nous, prenait l’aspect de la souffrance. Il serait bon que nous méditions tous là-dessus toute notre vie.

            Pour l’heure, à chaque fois que je me souviens de cette soirée du 27 août 1982, je reste stupéfaite devant mon insensibilité. A Varanasi, je n’avais ressenti aucune sorte de chagrin vers 8 heures du soir.

            Le matin du 28 Août, Premlatâ vint me donner les nouvelles qu’elle venait juste d’entendre. Un voisin amena un journal avec ses gros titres. Premlatâ était prête à faire le voyage. Je fis rapidement mon sac et l’accompagnai jusqu’à

 

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Hardwar par le Doon Express. Nous avons rencontré d’autres personnes qui avaient pris ce train à différentes gares. Les services du chemin de fer firent les choses avec beaucoup de noblesse, permettant à des centaines de gens de monter dans le train sans avoir de réservations et même sans avoir de billets. On me dit que ce fut le cas dans toute l’Inde. Les trains furent même retardés parfois pour permettre à certains de courir afin de sauter dedans.

Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

Extrait de ‘En compagnie de Mâ Anandamayî’ (Ed. Agamat)

 

 

VOYAGES…VOYAGES…

 

Par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)

 

Et si tout simplement on en venait aux propos de Mâ Anandamayî sur ce qui est le MERVEILLEUX (chamatkâra), le supra-normal non perceptible par les sens ou par le mental ordinaire et qui appartient au domaine du mental supérieur ?

            Qu’est-ce que la chance, ou la malchance ? Les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent être et on ne sait jamais si tel événement est heureux ou pas…

            Cela me rappelle une histoire chinoise, d’auteur inconnu, merveilleusement exposée dans un diaporama musical et fleuri…la parabole du cheval…

 

            Il était une fois, la main de la destinée :

            Un vieux paysan chinois avait un cheval

            Un jour l’animal s’enfuit et ne rentre pas.

           

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Les voisins disent : « C’est pas de chance ! »

            L’homme répond : « Chance ou malchance, qui pourrait le dire ? »

            Et voilà que quinze jours plus tard, le cheval revient à la ferme,

            suivi d’une dizaine de chevaux sauvages.

            On dit au paysan : « Tu as bien de la chance ! »

            L’homme déclare : « Chance ou malchance, qui le sait vraiment ? »

            Le fils du paysan saute sur une des montures,

            part à fond de train, tombe et se casse la jambe.

            Pour sûr, c’est de la malchance.

            Mais le père branle la tête : « Chance ou malchance, on verra bien ».

            La guerre civile fait rage dans la province.

            Une bande de soldats passe dans le village, emmenant de force

            tous les jeunes gens en âge de porter un fusil.

            Seul le garçon à la jambe brisée ne part pas.

            « Chance ou malchance, qui pourrait le dire ? »

            En effet souvenons-nous de cette parabole :

            Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être.

            On ne sait jamais si tel événement est chance ou malchance :

            Il faut attendre la fin de l’histoire…

            Ou la fin de la vie…

            Alors en se retournant on verra mieux ce qu’il en était…

            (Auteur inconnu)

 

 

 

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            Et quand on revient à ce que nous dit Mâ Anandamayî dans le livre sur son Enseignement : « Ce qui est, EST ».

            Que des doutes nous assaillent, c’est naturel. Qui peut dire quand se lèvera le voile devant nos yeux ? La vision réelle est celle où voyant et vu n’existent plus. Elle est sans yeux et ne peut pas être perçue avec des yeux ordinaires, mais seulement avec les yeux de la sagesse. Et dans cette vision sans yeux, il n’y a pas de place pour la ‘di-vision’.

            L’instant de la naissance détermine ce qui se passera dans la vie, mais l’Instant suprême, qui se révèle au cours d’une sâdhanâ, conduit à l’achèvement des actes et par conséquent de notre karma. Essayer de capter cet instant, tout est là…En réalité tout est CELA.

            Un yogî peut attraper quelque chose qui est de l’autre côté d’un mur, simplement en tendant la main. Dès que cela devient possible, le mur n’est plus là, bien qu’il existe, et même si le mur n’existait pas, il pourrait assumer les fonctions d’un mur. Au-delà du voile se trouve la chose, mais devant nous c’est le voile qui se présente…

            Ainsi disait Mâ !

           

          VOYAGES…VOYAGES…en Inde, au pays de Mâ, au plus profond du SOI…Voyages qui ont fait ressortir de chacun la recherche, l’aspiration, l’envie de comprendre pour encore mieux aider, le goût d’aller plus loin pour encore mieux comprendre…la joie de pouvoir remettre en ordre le puzzle intérieur ! Si tout se casse encore, c’est qu’on n’était pas prêt !

                                                                                       Mahâjyoti

                                                                                      (Geneviève Koevoets)

                                                                                  En voyage à travers la fenêtre du rêve…

 

 

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Le Yoga de la Parole

                                                     Par Babacar Khane

 

      J'ai rencontré Babacare Khane au congrès européen de yoga de Zinal en Suisse en août dernier. Babacar est très connu dans le milieu du yoga, il a commencé à pratiquer celui-ci avec Swami Yogânanda Parmahamasa, donc avant 1950,  il vit en partie au Sénégal à Dakar mais il est très souvent en France pour des stages de yoga, dont Zinal tous les ans. Nous avons pu parler et échanger des livres, il m'a offert le sien qui s'appelle Le Yoga de la parole. Nous en reproduisons ici un poème sur la joie et deux sur le silence.  Vigyânânand

 

Joie

 

O joie, qui es-tu ?

Je te cherche à gauche et à droite.

Je te cherche dans le temple du silence.

Je te cherche à travers l'amitié, je te cherche à travers l'amour.

O joie, qui es-tu ?

Je respire pour me rapprocher de toi,

Je donne pour que tu viennes,

Je pardonne pour que tu penses à moi,

Je mange, dors,  ris, pleure pour que tu m'aimes.

O joie, ô joie, ô joie !

Dois-je rêver ou travailler comme un âne ?

Dois-je me discipliner ou me laisser aller ?

Dis-moi ce qui est mieux, ô joie !

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Je suis la joie, je suis la joie.

Je suis la vie, je suis la sève, je suis le sang, je suis la pensée.

 

Le silence

 

Tu es le commencement de toutes choses,

Tu es aussi la fin de toute chose.

Silence, silence, afin que le silence parle.

Le silence parle à travers les nuages majestueux,

Le silence est la nuit de l'agitation,

Le silence est le support du sage.

Le yogui combat pour te conquérir,

Le penseur également te cherche.

Le monde est partout dans le silence

Bien qu'il ignore le silence.

 

Le silence est avant et après la naissance,

Oui, avant et après la naissance de toute chose.

Même l'agité qui t'ignore te cherche,

Après la grosse dépense physique,

Après tout effort violent.

On pense à toi, ô silence,

O silence, tu es à moi, je suis à toi,

O silence, ô silence, ô silence.

 

 

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Dieu du silence

 

O Dieu du silence, je me dissous dans l'océan du silence,

A travers l'éternité, le présent, le passé et l'avenir.

Le sanctuaire de mon corps est dédié à ta gloire,

L'autel de mon coeur est embaumé du parfum de ta présence.

 

Le tabernacle de mon âme est sanctifié par le silence,

Le silence coule en moi, inonde mon corps et ses cellules,

Je bois le silence sans ma bouche, je le respire sans mes narines

C'est le voile de mystère des mystères de la création.

 

 

Par le silence, on peut parler sans parler à tous,

On peut comprendre toutes les langues, sans langue,

On peut aussi entendre tous les rythmes sans les oreilles,

On peut voir tout ce qui existe sans les yeux.

 

Le Dieu du silence est le Dieu des dieux.

Par-delà les vicissitudes de la vie quotidienne,

Il nous révèle un secret jamais dévoilé,

Il parle des beautés les plus rares.

 

C'est à présent ma seule vraie prière :

Le silence de mon corps, de mon esprit de mon âme

Je pénètre directement au sein du paradis

Par le portail du silence à jamais ouvert.

 

Avant la naissance c'était le silence,

Après la mort, ce sera le vrai silence.

Je suis enfant du Dieu du silence

Qui m'appelle en son sein de silence.

 

Babacar Khane

 

 

Nouvelles

 

-         Les 93 ans de Swami Vijayananda ont été fêtés le 26 novembre à Kankhal. D’après les personnes qui étaient présentes là-bas, il était en grande forme. Caroline Abitbol qui a déjà passé 5 mois auprès de lui en 2006-2007 est de nouveau à Kankhal pour la saison.

-         Le livre de Swami Vijayânanda  Un Français dans l’Himalaya, traduit en italien par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) a été publié en novembre à Milan par MC Editrice. Via Vigevano 45  20144 Milano  michela.bianchi@mceditrice.it -  Mahâjyoti  était là-bas comme interprète de Vigyânânanda (Jacques Vigne) lors de ses conférences de présentation au Musée Léonardo da Vinci, à la Fnac et pour l’assister dans une interview  sur RAI 3, le France-Culture italien.

-         Swami Nirgunananda viendra à Terre du Ciel pour l’Ascension pour participer au Congrès annuel sur l’Inde. 1er-4 mai www.terre-du-ciel.com  infos@terre-du-ciel.com 03 85 60 40 33 

Vigyânânanda accompagnera un pèlerinage au Mont Kailash du 30 mai au 20 juin à partir de Kathmandou puis via Lhassa. Contact koevoetsg@wanadoo.fr. Il recevra également un groupe qui compte déjà 20 personnes à Kankhal auprès de Vijayânanda du

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10 au 18 août. Contact Françoise  Estèves 0877497328 - 04 78 06 28 19 de préférence entre18h et 20h ou le mercredi toute la journée.

-         Un congrès sur Yoga indien-Yoga européen organisé par la Fédération Italienne de Yoga aura lieu à Assise

du 1er au 4 mai 2008. Vigyânânanda et Râm Alexander devraient y être présents pour parler de Mâ et de ses conceptions sur le Yoga et la sâdhanâ. Les grands mouvements spirituels de l’Inde y seront représentés. L’organisatrice, Antonietta Rozzi, a été longtemps responsable du Congrès européen de Zinal et est proche de Swami Chidânanda. Les langues du congrès seront l’anglais et l’italien. www.sarvayoga.org    info@sarvayoga.org   Tél 0039-(0)187971385 (c’est le contact d’Antonietta Rozzi qui parle couramment le français)

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois,  ils peuvent le faire pour 5 numéros (sur papier) jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez-Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

 

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Tel : 0490121983 –

Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer 5 € pour 5 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se charge bénévolement de vous l’envoyer par EMAIL. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des problèmes postaux en Inde, semble-t-il.

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                          p.1

En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukherjee   p.2

Voyages…Voyages  par Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) p.25

Le Yoga de la Parole par Babacar Khane                            p.28

Nouvelles                                                                               p.31

Renouvellement des abonnements                                        p.32

Table des matières

 

 

 

 

 

Jay Ma  N° 88 - Printemps 2008

           

 

Paroles de Mâ

 

Vous pouvez essayer de chasser « ce corps » (Mâ)  de vos esprits, mais « ce corps » n'est jamais parti, ne part pas et ne partira jamais. Tous ceux qui ont aimé « ce corps » ne peuvent  l’oublier, même s'ils essaient de le faire. « Ce corps » reste dans leur mémoire et y demeurera toujours.

 

Vous êtes en train de demander si les pensées de chacun de vous parviennent à « ce corps » ? Oui ! Oui ! Oui !

 

Vous êtes en train de demander si je vous aime ? Je vous dis que, si je ne vous aimais pas, vous ne pourriez m’aimer ; en vérité vous ne pouvez m'aimer autant que j'aime chacun de vous.

 

Je suis toujours avec vous ; c'est vous qui ne voulez pas me voir, que puis-je faire ?

 

Question : J'ai participé à des ‘satsang’ pendant les 30 dernières années, et je ne suis arrivé à rien.

Shri Mâ : Vous étiez présent physiquement. Avez-vous médité sur ce que vous avez entendu, ou l'avez-vous mis en pratique ?

Question : Les grandes âmes (mahâtmas) ne peuvent-t-elles nous donner quelque chose de l'abondance de leurs greniers ?

Shri Mâ: Oh! Vous voulez profiter d'un héritage (rires). Dieu vous a donné de si nombreux talents que vous utilisez à vos propres fins dans le monde. Vous avez oublié que vous êtes de la nature du Soi (Atma), de la liberté. Qu'est-ce que vous en dites ? Commencez votre recherche, devenez gérant, ne soyez pas à la tête de votre monde. Ne serait-ce qu'un petit peu de temps passé au souvenir de Dieu vous conduira à de vrais efforts. Ne perdez pas de temps, commencez dès aujourd'hui.

N'entrez pas dans un système de marchandage avec Dieu. Ne soyez pas un commerçant ou un marchand : « J'ai versé tant de larmes pour toi, mais n'obtiens rien en retour ». Il est le vôtre, le souffle même de votre vie, votre choix le plus intime.

 

Dites-vous toujours : oui, sa grâce est partout. J'en suis baigné, et alors vous verrez qu'il en est vraiment ainsi.

 

Être libéré de tous les soucis, ceci est véritablement la suprême méditation. (Jeu de mots sur le hindi chinta qui signifie ‘souci’, mais aussi dans certains cas ‘méditation’)

 

Extraits de Cent paroles de Mâ

Texte traduit par JC Portal

A partir de Bithika Mukerji In your heart is my Abode (1995)

 

 

L'Ati-Roudra Mahayajna

A Kankhal en 1981

 

Par Swami Pûrnânanda

 

 

      L'Ati Roudra Mahayajna s'est déroulée à Kankhal du 6 au 16 mai 1981. C'était un an avant que Mâ ne quitte son corps, et elle a encouragé ce projet des brahmacharînis de Kankhal à tous les niveaux. Tout récemment, Swami Pûrnânanda, une des quelques Swamis femmes disciples de Mâ, qui a été en l'occurence l'architecte de ce yajna, a publié un livre à son sujet, et l'a donné à Vigyânânanda. Mâ avait demandé une publication substantielle, il y avait eu auparavant d'autres publications plus brèves sous forme d'articles par exemple dans Ananda Varta, mais le livre de Swami Pûrnânanda donne toutes sortes de détails intéressants sur la préparation et le déroulement du rituel. Ses dates en mai 1981 coïncidaient avec une partie des cérémonies pour l’anniversaire de Mâ, et celle-ci a été très présente dans la préparation et le déroulement des cérémonies. Le comité d'organisation était formé de cinq brahmacharînis. Il semblait que un an avant de quitter son corps, Mâ ait voulu leur donner plus de confiance en elles grâce à l'organisation non seulement des cérémonies, mais grâce aussi à la construction du temple permanent du yajña (yajnashalâ). Ce dernier est toujours présent à Kankhal, à deux pas de la résidence et du samâdhi de Mâ. Cet événement a été une des dernières grandes interactions de Mâ avec ses disciples, et a donné lieu à un certain nombre d’anecdotes savoureuses dont nous rapportons certaines ci-dessous. La préparation et le déroulement de la célébration ont été entourés d'un grand nombre de synchronicités que connaissent bien ceux qui ont fréquenté Mâ. L'organisateur du yajna (yajamân) a été Swami Bhaskarananda. Laissons-lui la parole en traduisant  la préface qu'il a faite à l'ouvrage (Ati Roudra mahayajna in Kankhal 1981 par Swami Pûrnânanda, 2007) :

 

Préface par Swami Bhaskarananda :

 

      « Bien que le terme yajña signifie activité, ce ne sont pas toutes les activités qu'on peut nommer yajña. Il s'agit seulement de ces activités qui mènent à la pureté du corps physique, des sens et de l'ego, de ces activités qui sont accomplies non pas à cause d'un désir mondain quelconque, mais pour la réalisation de la Réalité ultime.

      Il y avait un temps où le yajña, dans sa forme réelle, était respecté par chacun. Néanmoins, aujourd'hui, à cause du manque de connaissances profondes, et de la non-observance des règles exactes pour accomplir les rituels, les yajñas ne gardent que leurs formes extérieures. Un yajña effectué dans toutes les règles de l'art selon les Ecritures, et avec dévotion au Seigneur, est le plus grand exemple de nishkama karma (action accomplie sans désir). Ce type d'actions ne crée pas de lien, tandis que les liens qui existent déjà sont atténués (Gîta 3.9 et 4. 22). Si un yajña est accompli correctement, au bout du compte, Mahajñâna, la Connaissance ultime, peut être atteinte.

    L'inspiration pour l'Ati Roudra mahayajña est d'abord venue dans l'esprit de Swami Pûrnânanda. Avec la coopération des soeurs de l'ashram, et par le kheyal [intuition spirituelle certaine] de Shrî Shrî Mâ Anandamayî, l'Ati Roudra Mahayajña a été accompli dans toute sa perfection. De plus, chaque personne qui a été présente au yajña en a retiré des bénéfices spirituels. Shrî Shrî Mâ a dit : « Un tel yajña a lieu dans le Satya Yuga ». Elle disait aussi : « Chaque chose est en chaque chose. Le Kali Yuga est dans le Satya Yuga, le Satya Yuga est dans le Kali Yuga. » Elle affirmait aussi : « Il se peut qu'un yajña tel que celui-ci n'ait jamais eu lieu dans le passé et n'ait jamais lieu dans le futur. »

   Au début du yajña, Mâ a dit que je devais en être le yajamân (le commanditaire), un honneur qui m'a été octroyé simplement par Sa grâce. Le kheyal de Shrî Shrî Mâ, la résolution de Swami Pûrnânanda de faire tout aussi parfaitement que possible, et la coopération des soeurs de l'ashram, tout cela a été évident depuis le début du yajña jusqu'à sa complétion (purnahoti) et s’est trouvé être des plus utiles dans l'accomplissement plein de succès de cet incomparable yajña. Pour ceci, Swami Pûrnânanda et les autres brahmacharînis méritent notre gratitude.

    Quand Pûrna-Brahma-Narayâna est présent sous forme de  Yajña-narayâna, se trouve aussi Pûrna, Pûrna, et Pûrna. [Jeu de mots entre le nom de l'auteur, Pûrnânanda,  et celui de Mâ qu'elle s'était donnée à elle-même quand elle était jeune en réponse à une question sur qui elle était]

   Ceux qui veulent effectuer un yajña recevront beaucoup d'informations et de directives de ce livre. Puissent Bhagavân Ashutosh et Shrî Shrî Mâ  faire pleuvoir leurs bénédictions divines sur chacun !

 

Sarve bhavantu sukhinah sarve santu nirâmayah½

Sarve badhrâni pashyantu mâ kaschiddukhabhâg bhavet.½½

 

Que tous soient heureux ! Que tous soient sans maladies !

Que tous perçoivent ce qui est bon ! Qu'aucun n'éprouve de la souffrance !

 

Avec les bénédictions divines de Mâ »

                                                                                                Swami Bhaskarânanda

 

 

     Le mahayajña s'est déroulée pendant 11 jours, autour de 11 foyers eux-mêmes entourés de 11 récitants. [Un symbolisme possible de ce chiffre 11, c'est que ce sacrifice au feu représente la manifestation de l'unité qui se dédouble pour apparaître dans la dualité du monde.]

 

Quand Mâ nous guide.

       Les préparations ont progressé sans encombre grâce au fait que Mâ était toujours présente pour nous guider. Depuis l'idée initiale jusqu'au développement des événements dans l'ordre naturel, sa grâce abondante a été ressentie par chacun et chacune. Le choix d'un acharia convenable [le maître des cérémonies], la décision des dates qui est arrivée à point nommé, la localisation parfaite de la yajnashalâ, sa construction, la disponibilité des fonds, l'approvisionnement et le transport des matériaux – dans chaque idée ou événement grand ou petit, l'intérêt, le support et les bénédictions de Mâ étaient présents. De plus, chacun sentait que c'était elle qui était réellement l'actrice, et que les autres ne faisaient qu'exécuter ses plans. Les gens se trouvaient dans le lieu convenable au moment convenable et ils pensaient, disaient et faisaient tout ce qui était requis pour l'accomplissement heureux et sans anicroches de ce grand événement.

      Les fidèles de Mâ sont familiers avec le fait que les événements prennent place selon le kheyâl de Mâ. Ce mot est difficile à traduire. Il représentet le souhait, l'ordre ou l'observation spontanée de Mâ, tout cela ayant son origine dans quelque chose de transcendant et de sublime, quelque chose d'incompréhensible à l'esprit humain. On ne peut comprendre le fonctionnement de son kheyâl, mais dans l'expérience des fidèles, il fournit une réassurance qui soutient. Il a toujours un but, bien qu'on ne puisse pas toujours saisir son dessein. Les circonstances s'organisent de la manière la meilleure possible quand elles ont été bénies par le kheyâl de Mâ, qu'on se met au travail en accord avec lui. Pendant les événements qui ont mené jusqu'à l'Ati-Roudra mahayajña et pendant son accomplissement, ceux qui étaient proches de Mâ et travaillaient sous sa guidance se sont sentis pleinement conscient du kheyâl de Mâ sur tout ce qui était relié au yajña. Par ailleurs, puisque Mâ n'était pas bien tout le temps du point de vue de son corps, brahmacharîni Pûrnânanda a suggéré que le yajna soit célébré pour sa santé. Cette idée ne lui a pas plu. Néanmoins, quand par contre Pûrnânanda a suggéré que le but du yajna soit ‘vishu kalyan’, le bien du monde, Mâ a été immédiatement d'accord.

     Mâ avait dit auparavant que les femmes membres de l'ashram joueraient un rôle majeur dans ce yajna, et c'est bien comment les choses ont semblé se développer. Les membres de l'ashram qui n'étaient pas dans le comité, aussi bien que d'autres fidèles, à la fois  hommes et  femmes, ont participé aux préparatifs également. Certains ont été désignés par Mâ pour certaines tâches et d'autres se sont portés volontaires pour quoi que ce soit qu'ils pouvaient accomplir. Néanmoins, les membres du comité et les autres membres femmes de l'ashram ont exécuté la portion majeure du planning et de l'organisation.

   Bien que tout cela ait été une occasion pour chacun de travailler ensemble avec joie, il y a eu des cas où certaines personnes sont devenues émotionnelles, se sont senties mises de côté, se sont plaintes ou ont eu du mal à coopérer. La question, bien sûr, arrivait à Mâ. Elle apaisait les sensibilités à fleur de peau, et montrait des manières d'éviter la confrontation afin que les choses puissent avancer d'une façon paisible.

    Dans tout yajña, les organisateurs doivent faire attention aux risques d'incendie. Ceci est particulièrement vrai quand le yajña est effectué dans un abri temporaire, dont le toit est constitué de matériaux inflammables. Comme c'était le cas ici également, Mâ a demandé à ce que des extincteurs, sous forme de seaux de lait mélangé avec de l'eau, soient préparés tous les jours. De plus, de nombreux récipients d'eau étaient aussi gardés à proximité.

       Un jour, tandis que les préparations pour le yajna progressaient, Mâ a dit à Pûrnânanda qu'elle voyait du feu. C'était une indication qu'il pourrait y avoir de sérieux problèmes. Elle lui a dit de demander aux 'filles' [la manière dont Mâ désignait les brahmacharînis de l'ashram] de voir ce qu'elles pouvaient faire pour le prévenir. Conséquemment, on organisa la sécurité dans l'ashram et autour de la yajñashalâ. On a aussi demandé aux pompiers d'être en alerte. Peu après, pendant que quelqu'un faisait l'arati de Mâ dans sa chambre, une mèche allumée est tombée sur le tapis et en a brûlé une partie. Ceux qui étaient présents à ce moment-là ont ressenti que le danger du feu avait été évité à cause de la grâce de Mâ.

      Pour ceux qui n'étaient pas impliqués directement dans le travail du yajña, Mâ a dit que c'était leur devoir d'avoir son darshan. Ils devaient essayer d'imbiber le sens de chaque chose qu'ils voyaient et entendaient pendant ces jours-là. De plus, chacun avait à entreprendre au moins une fois le parikrama (circambulation) du yajnashalâ. Elle dit à tous de prendre autant d'enregistrements photographiques, audios ou vidéos que possible pendant l'événement. Elle dit aussi que les bhasma-s (les cendres récupérées du foyer après le sacrifice) et les nirmalya-s (les fleurs récupérées des autels et des statues après la pouja) avaient une valeur incomparable. « Il ne sera pas possible d'avoir quelque chose comme cela plus tard » a-t-elle dit. Beaucoup de gens ont pris les cendres comme prasâd. Beaucoup ont signalé qu'ils ont été guéris de maladies en les utilisant. (p 39-44)

 

Le Pandit Vamadeva et Mâ

    Il était évident que Pandit Vamadeva, le dirigeant du yajña,  a eu la grâce de Mâ pendant les cérémonies, et même après. Un jour, quand le yajña était en cours, il ne s'est pas senti bien du tout et a dit qu'il ne serait pas capable d'être présent à la séance de l'après-midi ce jour-là. On en a informé Mâ. Elle lui a envoyé le message que d'abord il devait se baigner et ensuite manger ce qu'elle lui enverrait. L'âcharya  n'avait pas envie du tout de se baigner, mais il devait se plier puisque le messager lui avait dit que c'était nécessaire et devait être accompli immédiatement. Après ce bain, il s'est senti rafraîchi et plein d'appétit, et a attendu avec impatience le repas que Mâ devait lui envoyer. Quand il a vu le grand plat en métal recouvert  qu'on lui apportait, il a pensé qu'il allait s'agir d'un repas bien garni. Néanmoins, quand on en a retiré le dessus, il n’y a vu que deux minces tranches de pommes et une petite portion de panîr (fromage frais comprimé). Il a raconté à sa famille plus tard qu'il s'était senti très déçu, et même en colère à la vue de ce repas frugal. La personne qui avait amené le repas avait reçu l'instruction de veiller à ce que tout soit mangé. A sa grande surprise pourtant, à la fin du repas, le pandit s'est senti complètement rassasié, la colère était passée, et sa santé s’était complètement remise.

   Après la fin du yajña, Pandit Vamadeva a demandé à Mâ de lui donner sa dakshina [le paiement d'un brahmane après qu'il eut accompli un rituel]. Mâ s'est renseigné auprès de Pûrnânanda pour voir si on n'avait pas oublié de lui donner sa dakshina. En fait, elle avait été remise, et le pandit a expliqué clairement qu'il ne voulait pas dire la dakshina habituelle. Ce qu'il souhaitait était une dakshina spéciale de Mâ : il devait être capable d'avoir son darshan à chaque fois qu'il le souhaitait. Quelques mois plus tard, le pandit devait aller à l'étranger et a senti un désir intense d'avoir le darshan de Mâ avant de partir. Au bout de quelques jours, il a trouvé que Nirmal était venu chez lui à Varanasi avec le message que Mâ l'appelait. Elle voulait qu'il inspecte les nouveaux foyers de sacrifice au feu. On devait commencer la construction permanente du yajñashalâ et quelqu'un avait remarqué que les foyers n'étaient pas alignés de façon correcte. Le pandit est venu à Kankhal et a inspecté les foyers. Il a trouvé que tout était en ordre. Quand il est allé retrouver Mâ pour le lui dire, elle lui a demandé : « Est-ce que vous n'avez pas eu le désir de voir ce corps ? » (p. 58-59)

   

Questions pratiques

    Environ un mois avant le début du yajna, Shri S.C.Banerjee, qui demeurait à Varanasi (Bénarès), a été informé qu'il y avait tout un groupe de 95 pandits qui devait voyager avec Pandit Vamadeva de Bénarès à Kankhal. Il fit les réservations de train immédiatement et reçut l'assurance des Chemins de fer qu’un wagon entier serait mis à disposition. Néanmoins, quand il  vérifia cela avec les responsables quelques jours avant la date du voyage, on lui a dit qu'ils n'avaient pas reçu l'information à propos d'une telle réservation et qu'il devait aller à Luchnow pour voir si on pouvait encore faire quelque chose à ce sujet. Il s'y rendit donc aussitôt mais on lui a apprit qu'il y avait à ce moment-là un manque de wagons. Il devait donc réserver les couchettes individuellement. Avoir autant de places réservées en une fois était impossible, à moins que quelqu'un de l'administration des Chemins de fer à Delhi ne donne un cou de pouce.

   S.C. Banerjee était complètement découragé, et après avoir envoyé un message à Mâ en l'informant de la situation, il est retourné à Bénarès. Il ressentait ce que peut éprouver un être humain quand tous ses efforts ont échoué et que l'aide divine semble la seule réponse possible. Et de fait, elle l'était. Un fidèle de Mâ, qui était un fonctionnaire des Chemins de fer à Delhi, a été informé du problème. Il a été capable de fournir le wagon requis juste à temps et les pandits ont quitté Varanasi comme prévu. Ils sont arrivés à Kankhal le 4 mai. Pandit Vamadeva les a introduits à Mâ. Une fois que le yajña a commencé, l’âcharya  et quelques pandits venaient voir Mâ chaque soir. Ils discutaient du déroulement des événements de la journée ainsi que du programme du lendemain. Ils parlaient aussi de tous les problèmes qu'ils pouvaient rencontrer, à propos desquels Mâ avait une solution et répliquait : « Ce sera fait ».

    Nombre d'éminentes personnalités ont été invitées, et un certain nombre d'entre elles sont venues. Etaient présents déjà beaucoup de swamis connus, ainsi que Gyani Zail Singh, le président et GS Pathak, le vice-président de la république de l'Inde, accompagnés de plusieurs gouverneurs d'Etats. Néanmoins, personne, quelle que soit leur place élevée socialement ou politiquement, n'était autorisé à rentrer dans la yajñashalâ  ou ne recevait un traitement spécial qui aurait pu compromettre la pureté des rituels. N'y sont entrés que certains qui vivaient tout le temps selon des règles strictes, comme le Shankarâcharya, Swami Vidyânanada, Swami Chidânanda et certains autres. Les règles supplémentaires comme porter des vêtements qui n'étaient pas cousus ou parler en sanskrit à l'intérieur s'appliquaient à eux également. À propos de cette règle vestimentaire, Mâ elle-même a enseigné aux membres du comité (des brahmachârinîs qui devaient entrer dans l'enclos du yajna pour des tâches diverses) une manière spéciale de porter une longueur de tissu afin que les mouvements soient libres et que la pudeur soit respectée. Elle avait eu l'habitude de porter un vêtement de cette manière pendant sa sâdhanâ dans sa jeunesse. Elle a donné à chaque membre du comité un de ses propres chadars (une sorte de châle) à être porté.

       Swami Brahmânanda a expliqué dans ses discours les raisons de l'échec du yajña ancien organisé par Daksha à Kankhal : son objet avait été d'insulter Shiva. Sati avait essayé de réparer la faute de son père en sacrifiant sa vie. Swami Brahmânanda a expliqué qu'ici, Shaktî elle-même sous la forme de Mâ avait effectué un yajña pour adorer Shiva et pour apporter la paix à l'humanité. Ce yajña, donc, se devait d'être un succès.

    Durant cette période du mahayajña, plusieurs dizaines de petites filles d'environ 7-10 ans ont été honorées comme la déesse (kumarî-pujâ). Mâ elle-même a été révérée par ses disciples en tant que Shiva. Pendant les préparatifs du rituel, elle regardait tout cela avec grand intérêt. Elle a même essayé le tambour. Kumari Gîtâ a effectué la poujâ à Mâ pendant que les autres chantaient les hymnes à Shiva et les bhajans. Bientôt, l'expression de Mâ est devenue grave comme si elle plongeait en elle-même. À un moment donné, elle a regardé tout autour puis a fermé les yeux. Elle est devenue très immobile et complètement intériorisée. Chacun savait que Mâ était en bhâva. L'atmosphère est devenue chargée et tous chantaient « Jay Shiva Shankara, bom bom hara hara ». Quand la poujâ s'est achevée, Swami Sevânanda (Udasji, une ashramite) a secoué doucement Mâ afin de la faire sortir de son état. Mâ a ouvert les yeux et est retournée dans sa chambre.

     Il est traditionnel d'inviter tout un groupe de  brahmanes à la fin d'un grand rituel. Le nombre de personnes à convier dépend du rang de celui-ci. Pour l'Ati-Roudra Mahayajna, le nombre total en a été de 2800. Entre deux et trois cents brahmanes ont été nourris une fois par jour. On leur donnait aussi une petite offrande d'argent (dakshina). La cour du temple de Dakheshvar était utilisée pour le repas bien que l'organisation ait été prise en charge par l'ashram. De plus, différents groupes de gens étaient nourris tous les jours,  une centaine par exemple à l'ashram même. On allait acheter dans les marchés en gros de Delhi des camions entiers de fruits et de légumes pour les différentes cuisines qui s'occupaient des hôtes.

 

Le yajña et la pluie.

   Dans la tradition de l'Inde, une des fonctions du yajña est de faire venir la pluie pour la fertilité des récoltes. Effectivement, il y a eu beaucoup de pluie durant ce yajña, alors que le mois de mai est d'habitude plutôt sec. Un jour pendant les célébrations, Mâ était dans la véranda à l'arrière de sa résidence, Matri Nivas, en train d'organiser le tri des légumes. On voyait la yajñashalâ depuis cette véranda. Pûrnânanda a demandé à Mâ de tourner son regard vers la yajñashalâ. Elle était sûre que si Mâ jetait même un coup d'oeil rapide dans cette direction, le yajña pourrait progresser sans aucun problème. Mâ n'a pas refusé mais elle n'a pas non plus levé les yeux, et en souriant par-devers elle, elle a continué avec ce qu'elle était en train de faire. Pûrnânanda a demandé plusieurs fois encore à Mâ, mais sans succès. Plus tard dans la soirée, il y eut un grand orage. Des pluies torrentielles et des coups de vent féroces ont battu la yajñashalâ. L'électricité a été coupée et les lumières ainsi que les haut-parleurs se sont éteints. Il y avait du tonnerre et des éclairs. Tandis que la tempête gagnait en force, les voix des célébrants qui chantaient «svaha » tout en faisant leur offrande au feu sacré, gagnaient également en force. C'est comme si chacun essayait de dépasser l'autre !

     Mâ, qui était dans sa chambre à ce moment-là, en a été informée. Elle est sortie et la pluie a commencé à s'atténuer. Quelque chose de similaire avait été observé à d'autres occasions également. Si quelqu'un se plaignait de la pluie à Mâ et qu'elle mettait le pied dehors, quelques gouttes tombaient sur elle et la pluie s'arrêtait. À ce moment-là, Mâ a dit : « Roudra Bhagavan a montré sa forme terrible en tant que Roudra. » Pûrnânanda pense que peut-être si Mâ avait jeté un coup d'oeil sur la yajnashalâ, la tempête terrible, symbole de Roudra, aurait pu ne pas survenir. Pûrnânanda raconte aussi que quand la tempête s'est achevée, elle a regardé le ciel et elle a aperçu une scène stupéfiante : celui-ci était rempli de couleurs frappantes – orange, rose, dorée, rouille et jaune. Les autres qui étaient présents regardaient aussi émerveillés vers le ciel. De plus, on voyait ce spectacle directement au-dessus de la yajnashalâ. Pûrnânanda dit qu'elle n'avait, en fait, jamais vu auparavant, ou depuis cela, une scène aussi belle. (p. 90)

 

Le retour à la maison sans encombre et avec de beaux souvenirs

   On venait de conclure formellement cette grande célébration de 11 jours. Néanmoins, un événement comme celui-ci est traditionnellement considéré comme un succès seulement lorsque les pandits qui y ont participé rejoignent leur maison sans encombre. C'est ce qui s'est effectivement passé, avec des souvenirs qui leur ont duré toute la vie. Beaucoup ont fait la remarque, à ce moment-là, qu'ils n'avaient jamais participé à un yajña aussi parfait que cet Ati-Roudra mahayajña. Quant à ces pandits avec lesquels nous nous sommes entretenus pour la préparation de ce livre, ils étaient toujours du même avis 25 ans plus tard.   Maintenant que le yajña était fini, les membres du comité se sont mis à mettre en ordre les comptes et à mener les choses à leur conclusion. Les fidèles et les visiteurs qui étaient venus d'autres endroits ont commencé à quitter Kankhal. La yajñashalâ, qui avait été au centre de l'attention de tous durant les quelques jours passés, paraissait calme et paisible. Il n'y avait plus de feu dans les foyers bien que les braises soient restées chaudes pendant quelques jours. Quand elles se sont refroidies, les cendres ont été retirées, en utilisant de grandes cuillers avec un long manche. En se souvenant des paroles de Mâ, nombreux sont ceux qui en ont pris en les considérant comme quelque chose de très particulier.

 

 

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

De Bithikâ Mukerjî

 

Festivités

 

      Beaucoup d’évènements importants eurent lieu au 31 George Town. Mariages, anniversaires, célébrations,  visites de haute qualité.

      Un jour, on reçut un message disant que le Premier Ministre Pandit Jawaharlal Nehru, qui visitait la demeure de ses ancêtres « Ananda Bhâvan », souhaitait instamment voir Shrî Mâ et assister à son darshan. Accompagné de son secrétaire privé Upâdhyajî, et de sa fille Mme. Gandhi, il arriva le soir dans une limousine. Il n’y avait pas d’escorte pour sa sécurité, ni aucune voiture pour le précéder ou le suivre. Panditjî, Indirâjî et Upadhyajî furent accompagnés jusqu’au cottage de Mâ, où ils s’assirent un moment.

      Il fut bientôt temps pour Shrî  Mâ de se rendre sous le pandal (tente) pour le satsang. Comme Panditjî ne prononça aucun mot d’adieu, on comprit qu’il n’était pas pressé de s’en aller mais qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’estrade, où Shrî Mâ prit place avec ses invités. Les habitants d’Allahabad furent très contents de voir le Premier Ministre. Ils l’acclamèrent et quelques-uns demandèrent même un discours. Pandit Jawaharlal Nehru sourit et dit que cette fois-ci il était venu pour écouter et non pour parler. Cette déclaration plut à l’assistance qui se prépara ainsi à écouter l’allocution de Haribâbâjî. Shrî Mâ commença le satsang en entonnant un chant religieux (kîrtana) pendant quelques minutes. Le Premier Ministre semblait très à l’aise, mais il avait un autre engagement au Holland Hall de l’Université d’Allahabad, et après quelque temps il salua et s’en alla. (p.102-103)

 

 

La famille s’agrandit

 

      La célébration de l’anniversaire de Mâ, début mai, démarra une série d’heureux évènements dans la famille. Babou s’était marié en Novembre 1961, et à peu près à ce moment là, la famille arrangea un mariage pour Bindou. Ce dernier avait décliné toute idée de convoler en justes noces jusqu’à présent car il souffrait d’arthrite depuis l’époque où il était au collège. Ni la science, ni la  médecine n’était en mesure de soigner cette maladie à l’époque. Au lieu de lui prescrire des exercices pour la zone affectée, les médecins avaient choisi d’immobiliser pendant six mois dans un plâtre la partie inférieure de sa colonne vertébrale. Il eut lui-même la sagesse de se débarrasser de ce carcan, mais le mal était fait. Toute sa vie, il souffrit de cette erreur initiale. A l’époque du mariage de Babou, il s’était bien établi dans sa vie professionnelle, obtenant prestige et standing jour après jour. Alors qu’il conduisait Shrî Mâ de Varanasi jusqu’à notre maison à Allahabad, elle-même le persuada de se marier. Swami Paramânanda, qui était assis sur le siège arrière, avait abordé la question et Shrî Mâ avait saisi l’occasion pour lui dire qu’il fallait adopter une position nette et claire dans la conduite de vie. Si quelqu’un avait des penchants pour la religiosité, alors il fallait qu’il fuie les embrouillaminis du monde. Par contre, profiter de la vie dans le monde sans en assumer les responsabilités n’était pas juste non plus. Bindou marmonna quelques excuses, mais Shrî Mâ passa outre assurant qu’il devait choisir entre une vie de renoncement complet ou une vie d’homme au foyer. Elle se mit à rire et dit : « Il faut que tu prennes ta décision avant de passer le portail de ta maison ! » On entendit alors Bindou murmurer entre ses dents son choix de rester un homme ordinaire.

      Tout d’abord le pauvre Bindou fut très malheureux. Il était jusqu’alors comme un roi sans couronne à Allahabad et il jouissait d’une immense popularité, ce qui lui faisait dire : « Si je me marie, je vais devenir comme tout le monde. »

Il n’aurait pas dû se faire de souci. Il demeura ce qu’il était et sa femme s’avéra être si belle que cela lui donna un charme de plus. (p.103-104)

 

 

Mémoires vives (au hasard des souvenirs…)

 

      Après avoir rejoint la Banaras Hindu University, je ne fus plus en mesure de suivre Shrî Mâ dans ses voyages. Je continuai cependant la routine de me rendre aux célébrations d’Anniversaire. J’assistai au Samyam saptah à Sukhtal, car Mâ m’avait fait demander. Je me rendis également à Vrindavan pour un autre Samyam saptah, parce que les brahmachârinîs m’avaient dit que Shrî Mâ avait remarqué mes absences répétées. Je n’avais pas vu Mâ depuis longtemps. En arrivant à l’ashram je trouvai que le satsang était en cours dans le hall. Je demeurai debout sur le pas de la porte pour avoir son darshan. Shrî Mâ me regarda depuis l’estrade au loin où elle était assise et délibérément elle tourna la tête de l’autre côté. Sur le moment je fus amusée par sa réaction si humaine. Mais tandis que je m’inclinai pour le pranâm, je me dis en moi-même : « Tourner la tête ne te vaudra rien de bon, tu ne peux pas nous délaisser et nous n’avons pas d’autre refuge que toi. » Quand je relevai la tête et me remis debout, je sentis son regard sur moi rempli d’une très belle expression, comme si elle avait approuvé mes sentiments. Indéniablement, je me souviens très clairement de cet incident. (p.105)

      Bien des situations embarrassantes se développèrent quand les mahâtmâs devinrent de fréquents visiteurs de nos ashrams. Shrî Mâ déplaça tous ses rendez-vous afin de rester libre pour les satsangs ultérieurs. Les jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ étaient à chaque fois mécontentes car il leur fallait se tenir à distance pendant que les sadhous étaient au satsang avec elle. La vie devint extrêmement difficile quand Shrî Krishnânanda Avadhutjî devint un ardent fidèle de Mâ. C’était un grand renonçant à la réputation exemplaire, et il semblait assurément ne pas aimer la vue des jeunes filles qui entouraient toujours Mâ. Aussi chaque fois qu’il venait la voir, elle demandait clairement que nous quittions la pièce pour attendre dehors. Cette situation donna lieu à un incident plutôt amusant. Nous étions à Puri à cette époque-là. Ce devait être durant une période de vacances car beaucoup d’entre nous étaient là. A travers la fenêtre ouverte de la chambre de Shrî Mâ, nous vîmes Avadhutjî s’avancer sur la rive, le long de la mer, ce qui nous fit déguerpir rapidement dans la pièce voisine et dans la véranda adjacente. Seuls les jeunes hommes, dont Abhayda, Vibhuda et Bindou purent rester. Quand Avadhutjî se fut assis dans la chambre de Mâ, elle demanda à Bindou de chanter un Bhajan car le jeune Swamijî était friand de musique religieuse.  Bindou commença par le chant bien connu « man ko range jogi sache rang me (ô ascète, trempe tes vêtements dans la vraie couleur du détachement. La robe orange seulement n’est pas suffisante) ».

      Quand Bindou chanta de sa voix mélodieuse, on put voir Shrî Mâ s’agiter sur son chowki, nous regarder à la dérobée et rapidement détourner les yeux pour fixer l’océan au loin. Avadhutjî, assis immobile, sembla goûter le chant. Il fit donc son pranâm devant Shrî Mâ et s’en alla. Avec un soupir de soulagement, notre petite troupe se rua dans la pièce pour trouver Mâ n’en pouvant plus de rire. Elle était presque en train de gronder Bindou pour le choix de son chant et lui disait, tout en essuyant des larmes de rire sur ses joues : « Bindou, Bindou, comment as-tu pu t’asseoir ainsi sous le nez d’un sadhou et chanter cette chanson ! Je ne sais pas comment j’ai pu me retenir. Grâce au ciel les jeunes filles n’étaient pas là, car sinon, si elles avaient eu seulement l’ombre d’un sourire, j’aurais perdu tout contrôle. Vous verrez que ce sadhou ne reviendra pas ! » Le pauvre Bindou secoua la tête et assura qu’il avait choisi ce chant sans aucune arrière-pensée et sans rien de particulier que Shrî Mâ ne sut déjà. Inutile de dire que le révérend Swamijî ne le prit pas non plus comme une atteinte personnelle.

      O combien attachant était le comportement de Shrî Mâ avec toute sa suite de jeunes autour d’elle, ô combien circonspecte était son attitude vis-à-vis des ascètes, et tout cela vécu si gentiment et si joyeusement. L’allégresse était le mot d’ordre de notre expérience durant ces jours anciens passés auprès de Mâ Anandamayî. (p.105-106-107)

 

      Un jour Didou (Chhabi Chowdhary), Bunidî et moi étions en visite avec Shrî Mâ à Bishtupur. Il nous fut dit que c’était le kheyâla de Mâ qui continuait à aller de l’avant sans son habituel environnement de jeunes filles, mais accompagné seulement de Swamijî (Paramanandaji) et de Didi. On nous dit à toutes trois de retourner à Calcutta et d’attendre que Mâ nous rejoigne. Sans même qu’il nous soit donné de protester, Didou et moi commencèrent tristement à faire nos bagages. Bunidî restait inconsolable à la pensée de ce départ. Elle pleura à nous en fendre l’âme. A Kharagpur Junction, on monta dans le train tandis que Shrî Mâ et ses quelques fidèles restaient sur le quai pour nous regarder partir. Didou et moi étions penchées à la fenêtre, mais Bunidî s’était effondrée dans un coin et essayait de sécher ses larmes. Au départ du train, Shrî Mâ saisit dans une main un pan de son chaddar (châle) et commença à l’agiter en guise d’adieu comme un mouchoir. Elle continua à trottiner, presque à courir le long du train, tout comme nous l’avions toujours fait lorsqu’elle partait en voyage et que nous demeurions sur le quai. Je me mis à crier : « Bunidî, Bunidî, regarde Mâ ! » Bunidî bondit alors et se pencha à la fenêtre (qui n’était pas encore munie de barre de protection à cette époque). Elle se mit à rire en voyant Shrî Mâ agiter son coin de châle en courant le long du train en marche. Ainsi Mâ put voir le visage rieur de Bunidî avant de nous quitter. Cette dernière vint se rasseoir, disant : « Elle a fait cela juste pour me faire rire, mais je n’en reste pas moins contrariée. » Cependant, son humeur avait changé.

 

      Shrî Mâ n’approuvait jamais les trop grandes effusions chez les jeunes qui l’entouraient. Les larmes, les bouderies, les ressentiments, elle ignorait tout cela, ou bien traitait le tout de cent façons différentes. Néanmoins, le cas de Bunidî était exceptionnel. Nous avions tous admiré son engagement au service de Mâ. Parmi les jeunes filles, c’était elle qui évaluait le mieux le kheyâla de Shrî Mâ et qui agissait en conséquence. Elle avait souffert de crise d’asthme assez violemment, mais elle se présentait toujours soignée et pimpante et ainsi elle s’occupait des vêtements variés de Shrî Mâ. Les souvenirs m’assaillent… Bunidî était une personne qui se sentait heureuse quand Mâ était joyeuse et rayonnante. Si Shrî Mâ devenait grave ou sérieuse, Bunidî essayait de détourner son kheyâla vers quelque chose de léger et d’amusant, afin que Mâ puisse sourire ou éclater de rire.

      Bunidî, en dépit de ses petites défaillances, était irremplaçable en tant que gardienne des vêtements de Shrî Mâ. Cette dernière vécut dans un perpétuel désordre quand Bunidî ne fut plus là. Les autres jeunes filles qui vinrent après elle ne furent jamais à sa hauteur. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre un hommage à Bunidî qui fut entièrement dévouée à Mâ, et qui fit office de sœur aînée pour l’ensemble des petites jeunes comme moi à l’époque, je veux parler de Gini, Târâ, Buba et bien d’autres. En y repensant, je réalise que jamais notre expérience de vie enrichissante auprès de Shrî Mâ n’avait été plus intense que grâce à cette amitié entre nous toutes. (p.107-109)

 

 

Quand Mâ a quitté son corps

 

            Quand Premlata et moi sommes arrivées à l’ashram de Kankhal, le corps de Shrî Mâ avait été installé dans le hall principal, devant la statue d’Adi Shankarâchârya. Elle était entourée de ses fidèles habituels. Chacun était paisible, enveloppé dans un monde où la peine domine quand les cœurs se brisent. Ils étaient tous très fatigués aussi. Durant les trois derniers jours, personne n’avait préparé à manger dans les cuisines. Ils avaient subsisté en buvant seulement. Chacun attendait le moment du samadhi qui devait être organisé par le Mahant [le chef de temple de Daksha à côté de l’ashram de Kankhal et qui était proche de Shrî Mâ] Shrî Narâyandâs Puriji Maharaj en accord avec Panudâ et plusieurs autres de l’ashram.

            Je ne voulais pas voir le corps de Mâ. Je choisis de m’asseoir dans la véranda près du hall, et de regarder la queue des fidèles qui arrivaient par la porte principale. Atmânandajî s’approcha aussitôt et vint s’asseoir auprès de moi. Elle avait l’air calme et pas du tout perturbée.

    Au bout d’un moment elle me dit : « Pourquoi pleures-tu ? Elle n’est pas partie. Pendant presque deux ans elle n’a pas été disponible pour des milliers de gens qui voulaient son darshan. Maintenant elle est libre et elle sera accessible pour chacun et partout. Elle appartient au monde et pas seulement à quelques fidèles. » Je sentis qu’elle parlait avec une grande conviction et ses paroles me réconfortèrent. Avec le temps, je me rendis compte qu’elle avait dit vrai. Mâ restait pour toujours avec quiconque se souvenait d’elle, pensait à elle, ou méditait sur son message d’espoir pour une émancipation spirituelle.

     L’ashram de Kankhal fut rapidement envahi par la foule. Je pus reconnaître de très importants personnages et plusieurs de ses fidèles venant de l’extérieur. Le Premier Ministre, Mme Indirâ Gandhi, vint aussi et il lui fut donné une place parmi les jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ. Le temps du samadhi était venu. Shantâ vint me tendre une guirlande de fleurs. Elle me dit : « Bithudî, pourquoi restes-tu debout si loin ? » Je répondis : « Je ne tiens pas à voir Mâ comme elle est maintenant. » Shantâ répliqua : « Viens, et mets-lui cette guirlande. Rappelle-toi, même le corps ne sera plus disponible pour nous dans très peu de temps. » Elle avait l’air infiniment triste bien que sereine. Aussi, je m’acheminai lentement vers Mâ et lui offris les fleurs comme le faisaient les autres jeunes filles. J’aurais préféré ne pas m’être laissée persuader par Shantâ, car au lieu de l’attachant sourire inimitable qui avait toujours fait s’estomper le monde de ma pensée, je voyais pendant d’interminables secondes ce visage figé et tranquille dont je n’aurais pas souhaité me souvenir et auquel je n’aurais plus voulu penser pour rien au monde.

            Les mahâtmâs arrivèrent pour prendre en charge le processus d’enterrement de l’image que fut Shrî Mâ Anandamayî. Grâce à un consensus d’opinions spontané, il fut décidé que la cérémonie serait conduite avec les plus grands honneurs prescrits dans la tradition hindoue. Seule Shrî Mâ commanda cet unique hommage parmi les défenseurs de notre religion. Aucune dispute sectaire ne s’en suivit. Pour tous les mahâtmâs, Shrî Mâ fut la personnification de brahmavidya (connaissance suprême synonyme de réalisation de la Vérité). Tout cela se déroula comme il le fallait, mais je ne voulus pas être témoin de cette scène d’adieu irrévocable. Je m’en allai discrètement dans ma chambre et j’attendis que le temps passe.

            Après autant d’années de constante assiduité et assistance auprès de Shrî Mâ, les jeunes filles de son entourage se sentirent désemparées. Personne n’avait plus rien à faire. On se rapprocha les uns des autres, en groupes, pour parler du temps disparu. J’appris la visite du Jagadgourou Shrî Shankarâcharya de Sringeri Peetham qui avait eu lieu le 16 Juin. Mâ lui avait dit : « Pitâjî, il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un état de tension entre ce qui est manifesté et le souvenir de ce qui est non-manifesté. »

            Nirmalâ m’expliqua que lorsque l’on attendait le Jagadgourou, Shrî Mâ  avait dit : « Envoyez un message pour prévenir Bithu. » J’en fus étonnée et je répliquai : « Mais je n’ai jamais rien reçu d’aucun d’entre vous ? » Nirmalâ haussa les épaules et dit qu’ils avaient tous étés si préoccupés et bouleversés qu’ils n’avaient pas suivi le conseil. Sans doute chacun avait-il pensé que l’autre le ferait. Ainsi j’avais raté l’occasion et la chance d’être avec Mâ encore une fois. Peut-être avait-elle senti son kheyâla pour quelque chose. Regrets perdus sans profits. Je me suis réconfortée en pensant qu’elle avait eu pour moi un kheyâla à ce moment là.

            Chandan me raconta qu’on avait entendu Shrî Mâ répéter quelques mantras de temps en temps. Durant la nuit du 25 août, elle avait clairement prononcé le panchâksara, le mantra sacré à Shiva dans sa forme inversée ‘Sivâya Namah’. Cela m’a fait un choc, parce que j’avais lu dans la littérature saiva siddhanta, que cette forme du mantra indiquait un état de liberté dégagé de tous les asservissements, et spécialement de ceux du corps. Je m’émerveillai à la pensée que Shrî Mâ, d’une façon ou d’une autre, avait donné un sens au fait que sa fin était proche. Elle s’était retirée sur elle-même loin des foules, elle avait souffert physiquement et elle avait dit des mots qui, s’ils avaient été interprétés à la lettre, auraient fait comprendre que son kheyâla la désignait comme faisant partie bientôt du non-manifesté. Les dernières paroles qu’elle prononça à son entourage furent : « Je jekhane acthho boshe padho »  Leur traduction la plus proche, ou plutôt leur signification, pourrait être : « Où que vous soyez, engagez-vous entièrement dans la sâdhanâ, en excluant toutes les autres choses. »

            J’en suis arrivée à la fin de mon récit de ces jours anciens que j’ai passés avec Shrî Mâ Anandamayî. J’avais écrit une petite note d’adieu pour le numéro spécial d’Ananda Varta en octobre 1982. Je la reproduis ici, en conclusion de ces réminiscences.

 

 

                                                                                                Pour Dire Adieu…………….

 

    Nous savons seulement comment célébrer la venue de notre Shrî Mâ bien-aimée. Nous savons comment répandre la bonne nouvelle comme quoi Mâ arrive en ville ; nous nous souvenons de la joyeuse expérience de devoir tout préparer pour sa visite ; nous savons comment dresser les arches pour les festivités, comment suspendre les festons multicolores et être prêts à fournir d’innombrables guirlandes de fleurs pour elle. Nous nous souvenons de notre joyeux enthousiasme en attendant la voiture de Mâ. Nous revivons encore ce frisson de joie en écoutant le premier message chuchoté à voix basse : « Mâ arrive. Mâ arrive ! »

    Nous nous rappelons aussi l’expérience unique alors que soudain, nous pouvons  entrevoir de nouveau, comme si c’était pour la première fois, cette forme de beauté magique et resplendissante ; nous gardons en nos mémoires le dynamisme qui pénétrait notre esprit, l’enthousiasme qui soulevait nos cœurs en présence de Shrî Mâ. Mais qui, en réalité, peut décrire la joie indicible que l’on ressent la première fois que l’on découvre cet inimitable sourire rayonnant qui dissipe tous les fardeaux pesant sur nos cœurs, tel un soleil radieux mettant aussitôt en déroute les nuages de pluie menaçants. Nous nous souvenons tout particulièrement de cette heureuse plénitude quand nous rencontrions ce regard totalement englobant  de compassion qu’il réduisait à néant tous les soucis de ce monde, et mettait au repos les questionnements incessants de l’esprit. Nous comprenons la signification de ce texte :

 

                                    Toutes nos actions sont annulées, les nœuds du cœur sont dénoués

                                    et tous les doutes sont dissipés, en percevant Celui qui est Suprême.

 

                                                                                                                    Mundaka II.2.9                                       

           

    Nous nous souvenons de tout cela et de bien davantage encore, mais nous manquons singulièrement de préparation pour faire nos adieux à cette personne Unique qui a pénétré sein même de la véritable texture de notre être. Est-il possible que nous ne puissions plus revoir ce sourire conquérant qui a captivé le cœur de tous les âges d’une façon semblable : vieux ou  jeune, ascète ou ouvrier, homme d’affaires ou artiste, ainsi que des personnes éminemment éduquées ou  des villageois ? Ne frissonnerons-nous plus jamais au son de sa voix divine chantant mélodieusement les Noms du Seigneur ? Même quand nous ne pouvions pas voir Mâ pendant quelques jours, quelques semaines, ou quelques mois, nous savions qu’elle était avec nous dans le même souffle de vie, sur la même terre où nous marchions, dans le même espace qui nous environnait et dans ce même temps que la nature nous a donné en partage. Comment nous convaincre désormais que cette terre, cet espace, ce temps, ces endroits et nous-mêmes, nous ne la reconnaîtrons plus ? Qui peut être plus privilégié que nous et plus malheureux à la fois ?

    Nous ne savons pas très bien comment évoquer, dans ce festival d’adieux, la forme réelle, chérie, et bien-aimée de Shrî Mâ. Nous nous disons , entre nous tous, que Mâ est toujours avec nous, qu’elle a simplement changé sa forme visible en non-manifestée ; et tandis qu’elle appartenait à une époque et à un lieu particuliers, elle appartient maintenant au monde entier jusqu’à la fin des temps et au-delà. Néanmoins nos cœurs qui ne connaissent rien d’autre, ni en dehors, ni au-delà de son Image, demeurent aujourd’hui vides et sans espoir.

    Mettons-nous donc en route désormais vers la compréhension du message de Shrî Mâ. Rassemblons nos forces et partageons-les ensemble, tout en nous rappelant que la douleur est injustifiée par rapport à l’Image radieuse que nous avons chérie pendant si longtemps dans nos cœurs. Unissons-nous en priant pour que nous puissions être dignes de cette grâce qui, nous le savons, descendra sur nous tous. Nous avons vécu jusqu’à maintenant dans la joyeuse présence de Shrî Mâ, mais désormais nous devons essayer d’inculquer cette joie dans nos cœurs afin d’en remplir le vide. C’est un nouveau voyage qui commence. Nous devons transmettre la mémoire de l’enseignement de Mâ, en tant que seul support et seul moyen pour ce voyage, à savoir que : « Avec la concentration pure, orientée vers un seul but et qui n’en dévie pas, on doit rechercher la Vérité » En ayant vécu en la présence de la forme manifestée de Shrî Mâ, nous avons compris la signification du texte des Upanishads. Nous devons maintenant commencer le voyage vers la réalisation de la vérité contenue dans ce texte. Pour nous qui avons connu Shrî Mâ et pour ceux qui vont être amenés à la connaître, cela devrait être le plus facile des voyages, un voyage qui deviendra pour nous la plus belle récompense. (p.149-153)

Que le kheyâla de Shrî Mâ s’accomplisse.

 

Traduit de l’anglais par Geneviève Koevoets et Jacques Vigne – Extrait de ‘En compagnie de Mâ Anandamayî’ - (Ed. Agamat)

 

 

Nouvelles

 

-         Caroline Abitbol vient de passer cinq mois quasiment continus à Kankhal auprès de Vijayânanda.

-         Le groupe guidé par Jacques Vigne a fait quatre jours de retraite en mars auprès de Vijayânanda. Il s'agissait principalement de belges, élèves d'une école de yoga à Bruxelles, dirigée par Huguette Declercq qui était présente. Ils ont fait ensuite une autre retraite pour expérimenter la méditation en pleine nature dans l'Himalaya, au-dessus de Dharamshala dans l'Himachal Pradesh  pendant quatre jours également.

-         Swami Nirgunânanda, qui est disciple de Mâ, ermite à Dhaulchina et que beaucoup de Français connaissent maintenant, fera deux interventions en France :

·        En mai, dans un festival de Terre du ciel sur l'Inde. info@terre-du-ciel.fr www.terre-du-ciel.fr  03 85 60 40 30 

·        En août, avec Paul Neeffs à Gentines en Belgique : nous reproduisons ci-dessous les parties importantes de son information :

« Retraite avec Swami Nirgunânanda du 23 au 29 août 2008 au Centre Spirituel de Gentines (Belgique)

Programme quotidien : Usha Kirtan (chants de l’aube) - Prânâyâma - Commentaires

sur les Upanishads - Périodes de méditation - Temps de repos - Satsang incluant questions et réponses - Chants ...

Contact : Paul Neeffs - Tél. (Belg.) : 0032 (0)10/814780 ou 0485938011

Courriel : paulneeffs@yahoo.com  - www.anandamayi.net  --Rue E. Goes 3/202

B-1348 Louvain La Neuve

HEBERGEMENT : Chambres individuelles - Chambres doubles (selon disponibilités). Les repas seront végétariens.

PRIX ET RESERVATION : Séjour complet du samedi 23 août au soir jusqu’au vendredi 29 août 2008 : Forfait de 340,-€. Supplément : Chacun peut apporter son couchage. Il est cependant possible de louer des draps sur place; supplément de 7,-€ pour la durée du séjour. En cas de réservation, veuillez verser une avance de 100,-€ sur le compte Dexia : 833-5599443-85 avec mention : «Retraite Mâ 2008»

Le vendredi 29 août, à partir de 14 heures : Satsang. L’accès est libre.

ITINERAIRES : Destination indiquée sur les panneaux signalétiques : «Mémorial Kongolo» (lieu de la retraite) A partir de l’autoroute E42 (Paris-Mons-Liège) : SORTIE 14 – SAMBREVILLE.

Train : LIGNE BRUXELLES - NAMUR – Luxembourg Départ toutes les demi-heures à partir des gares de Bruxelles. (T.G.V. : gare du Midi) Descendre à GEMBLOUX.

-         Vigyânânand (Jacques Vigne) revient pour une brève tournée en France du 16 avril aux 26 mai. La raison en est un congrès à Assise du 1er au 4 mai  qui réunira le yoga européen et le yoga indien, avec tous les grands mouvements de yoga indiens qui y seront représentés. Vigyânânand y parlera de Mâ Anandamayî probablement avec la participation de Râm Alexander, qui a une maison près d’Assise et qui a passé 10 ans comme brahmachari avec Mâ. L'organisatrice de la rencontre est Antonietta Rozzi, qui a longtemps travaillé pour le congrès européen de Zinal en Suisse chaque mois d'août et qui est proche de Swami Chidânanda. Les langues du congrès seront l’italien et l'anglais. info@sarvayoga.org et www.sarvayoga.org. Vigyânânand  visitera de plus Nice, Montpellier, Toulouse, Vannes et Brest. Informations sur le site www.jacquesvigne.fr.st ou en s’adressant  à Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) koevoetsg@wanadoo.fr  .

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois,  ils peuvent le faire pour 5 numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

Tel : 0490121983 –

Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer 5 € pour 5 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer par email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des problèmes postaux semble-t-il…

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                                                  p.1

L’Ati Roudra mahayajña de Kankhal en 1981                                       p.2

En compagnie de Mâ Anandamayî - Bithikâ Mukerjî                             p.7

Nouvelles                                                                                                         p.13

Renouvellement des abonnements                                                         p.15

Table des matières

 

 

 

 

Jay Mâ  N° 89   -   Eté 2008

 

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Paroles de Mâ

 

   Voici des paroles que Mâ a prononcées à Vindyâchal en mars 1936 et qui ont été présentées comme un chant au début du dernier numéro d'Amrit Varta, (avril 2008).

 

L'état ultime ne sera pas atteint par le jîva  (âme individuelle) sans détachement.

Par conséquent, faites de la renonciation et du discernement votre seul objectif,

En abandonnant tout désir.

Quelle est l'aune de votre renonciation,

Vous vous en apercevrez quand vous serez engagés dans l'action,

C'est alors que vous verrez constamment

Dans quelle direction votre mental est attiré.

En offrant toutes vos activités,

Adhérez au dharma de l'être humain,

Vous êtes le brahmane éternel et sans changement.

Méditer sur ce fait de façon répétitive dans votre coeur,

Percevez la tendance du mental à s'extérioriser,

Gardez-le à l'intérieur du coeur constamment.

Montez sur la barque de Brahman

Et traversez l'océan du Samsara.

Quand votre ego est annihilé

Toutes les dualités sont transcendées

Vous verrez que vous reposez dans votre vraie nature,

Qui correspond à la Vérité suprême qui doit être  réalisée.

 

 

                         2

 

Voici quelques autres paroles de Mâ (extraites d’Amrit Varta en hindi, janvier 2007) :

 

Que la pensée de Dieu reste avec vous ; rendez service avec la conviction qu'en servant qui que ce soit, vous servez le Un, qui seul existe.

 

Quand on ne peut disposer de satsangs extérieurs, il faut rentrer dans son coeur et méditer sur Bhagavan. On doit  se préparer à ce type de satsang.

 

S'il n'y avait pas de professeurs et d'assistants dans les universités, la connaissance ne pourrait se transmettre. Il en va de même pour les gourous et la connaissance de Brahman. C'est là toute la problématique du progrès spirituel, de la libération et de ce genre de sujets.

 

La grâce du gourou est nécessaire, mais quand on n'a pas encore rencontré celui-ci, le seul devoir de l'être humain, c'est de voir toute forme comme une forme du Divin, de voir tous les noms comme le nom du Divin, toutes les natures comme la nature du Divin : qu'on s'efforce de l'invoquer et de le trouver dans cet état d'esprit.

 

Il ne faut pas faire les actions à l'arrachée, mieux vaut suivre la voie de la patience. On doit s'efforcer de comprendre les dons du divin quels qu'ils soient et de les accepter avec une tête humblement inclinée.

 

Recourir au nom de Dieu ne peut être nuisible. Que ses propres actions s'enchaînent de façon heureuse ou malheureuse, tous les travaux deviendront favorables si l'on recourre au nom du

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Seigneur.

 

On ne peut pas même avoir confiance en une seule respiration (jeu de mot en hindi : ek nishwas ka vishwas nahi). Si tu dois faire demain, alors aujourd'hui, si tu dois faire aujourd'hui, alors maintenant.

 

 

Quelques réponses récentes de Vijayânanda

 

Question : Est-ce que la popularisation actuelle du mantra de Gayatrî correspond à la tradition ?

Vijayânanda : Traditionnellement, le Gayatrî était un mantra réservé aux brahmines. Son nom même signifie « qui protège les organes ». En effet, les brahmines mendiaient leur nourriture, et risquaient donc de tomber malade ou d'avoir des mauvaises vibrations qui venaient de ces dons alimentaires. Le mantra leur servait donc de protection.

 

Q : Pourquoi l'éveil de la koundalinî réveille-t-il d'abord des émotions négatives ?

V : La koundalinî provient du mulâdhâra où résident à la fois la force vitale et l'instinct de conservation. Quand le corps se sent en danger, il réagit par la colère ou des émotions fortes, il peut même tuer. Par ailleurs, le mental est basé sur des émotions qui sont elles-mêmes basées sur le mouvement du prâna dans les nadîs (les canaux d'énergie). Quand on maîtrise les nadîs et leurs mouvements, on maîtrise le mental, mais c'est un gros travail. Dans la bhakti,  il existe aussi la montée de la koundalinî, mais on ne la nomme pas comme telle. Mâ non plus ne parlait pas de la koundalinî, mais de Bhagavân kî shaktî,

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l'énergie de Dieu.

    Tant que la question de désir sexuel n'est pas réglée, on ne peut commencer une (vraie) sâdhanâ. C'est le gros morceau. Certains disent que le désir, c'est la vie, mais le désir sexuel vous emmêle dans un labyrinthe : on peut passer toute sa vie simplement pour essayer de le satisfaire.

 

Q: Est-ce que c'est normal que beaucoup d'ashrams, soit demandent à leurs visiteurs un prix fixe, soit imposent un minimum fixe aux donations ?

V : Le système traditionnel des ashrams, celui que j'ai connu en arrivant en Inde, c'est qu'on donnait ce qu'on voulait, certains même ne donnaient rien. Ce sont les Américains dans leur avidité d'enseigner le yoga qui en ont fait une activité régulièrement payante.

 

Q : Ceux qui confondent religion, spiritualité et culte d'un Dieu personnel sont-ils dans le vrai ?

Q : Ce que dit l'Inde à travers le védanta et le bouddhisme, c'est qu'on peut atteindre une perfection spirituelle et réaliser l'Absolu sans avoir besoin d'imaginer un Dieu avec une grande barbe blanche en haut du ciel, en un mot sans avoir besoin de croire au Père Noël.

 

Q : Quel est l'avantage d'un gourou vivant par rapport à un sage qui est mort ou qui nous apparaît sous forme subtile ?

V : Le gourou vivant est comme une loupe qui, en rassemblant les rayons du soleil divin, réussit à allumer la flamme dans le coeur du disciple.

 

Q : Est-ce que le Hatha Yoga aide à suivre le brahmacharya ?

V : En fait, pour ceux qui n'ont pas les nadîs ouverts, la pratique intensifie plutôt le désir sexuel. Par contre, s'ils sont

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déjà ouverts, les âsanas aident au brahmacharya.

 

Q : Mâ conseillait-elle d'avoir des animaux domestiques ?

V : Elle disait que si on avait vraiment besoin d'un chien de garde, à ce moment-là qu'on en prenne un. Mais elle n'était pas en faveur des animaux de compagnie, qui créent des attachements inutiles. En fait, je me souviens que Mâ nourrissait un chien à Solan dans l'Himalaya. Elle m'a expliqué : « Tu vois, il vient à heures fixes pour recevoir du maître,  il est comme un disciple qui sait que le gourou envoie sa grâce à heures fixes aussi. (Mâ faisait sans doute allusion au silence qu'elle demandait à ses fidèles de 20 heures 45 à 21 heures). Je lui ai alors répondu : « Et si le disciple n'a pas faim ? »

 

Q : Est-ce que tous les enseignements spirituels peuvent être publics ?

V : Non, dans la Cabale par exemple, il y a trois niveaux d'enseignement :

1) celui où le maître donne ses instructions au groupe

2) celui où il ne les donne qu'à un disciple en particulier.

3) celui où le disciple réalise l'enseignement par lui-même, intuitivement.

 

Q : Est-ce que Mâ essayait de temps en temps de faire peur ?

V : Oui, et cela marchait avec certains disciples, y compris occidentaux. Mais avec moi, cela n'a jamais réussi. En fait, il y a un moyen simple de manipuler les sages, c'est par un amour sincère : leur point faible, c'est la compassion, et donc ils ne peuvent résister à un amour sincère.

 

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BHAKTI & GYANA

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Par Monique Manfrini

 

     Le plus haut stade de l'amour divin est celui de l'unité totale, de la reconnaissance de notre nature divine. La "Gyana" ou chemin de la "Connaissance du Soi" décrit cet état ultime de la même manière que les Sutras sur la "Bhakti" de Narada. Il ne peut en être autrement puisque l'Advaita vedanta - philosophie de l'UNITE par la "Connaissance du Soi"- et la Bhakti - philosophie non dualiste où le/la "bhakta" s'abandonne à Dieu par Amour - sont deux chemins qui mènent à l'UN. "L'UN" ne change pas selon le chemin parcouru pour "l'atteindre". Il EST de tout temps et partout. Nous ne pouvons donc que nous éveiller à l'UN.

      L'être humain, limité par le temps et l'espace, ne peut pas concevoir "l’Illimité", sans l'aide d'une recherche intérieure et d'une transformation profonde de lui-même. Que de changements à accomplir en soi pour simplement être ! Nous devons reconnaître puis dépasser tous nos rôles temporels...Nous devons nous défaire de notre attachement aux corps, mental et intellect puis apprendre à voir le monde tel qu'il EST...et non tel que nous l'interprétons habituellement.

     Mais, quel est le "sens" de tous ces mots ? Quel regard devons-nous porter sur nous et sur le monde environnant ? Toutes ces questions hantent tout être humain qui s'interroge

 

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sur le "sens" de sa vie. Comment se comprendre et comprendre ce qui nous entoure ? Que cherchons-nous dans cette existence?  Que voulons-nous vraiment ? Les questions posées sont les mêmes pour tous. La façon d'y répondre diffère, seule.

      Pourquoi existe-t-il des différences ? Les êtres humains sont soumis à diverses influences depuis leur plus jeune âge. Leurs personnalités, leurs milieux familiaux, leurs éducations sont différentes. La sensibilité de chaque individu est plus ou moins forte. Mais, le fonctionnement du mental et de l'intellect de tout être humain demeure fondamentalement identique.

     Tout individu a des idées, des sensations, des sentiments, des désirs, des obsessions parfois et agit selon les stimulis extérieurs et intérieurs perçus.

    Certains individus sont sensibles à la raison, d'autres sont sensibles aux sentiments, d'autres encore semblent insensibles aux deux. Tels sont les principaux "types" d'individus rencontrés en ce monde. Ceux qui se sentent attirés par l'argumentation, le raisonnement, utiliseront leur intelligence pour répondre à leurs questions. Ceux qui sont guidés par leurs sentiments, se serviront de leur intuition pour y répondre. Quant à la troisième catégorie, elle n'existe pas vraiment, à mon sens, mais concerne des individus qui se croient insensibles à la raison et aux sentiments. Ils ont développé, au cours de leur vie, une résistance ou un rejet de la raison et des sentiments. J'exclus, à priori, de mon propos les cas pathologiques. En effet, mon étude concerne la majorité des êtres humains. Cette troisième catégorie, rejoint donc, de fait, l'une des deux précédentes. Les deux premières catégories sont basées sur la raison et les sentiments ou, respectivement, l'intellect et le mental. Or, intellect et mental sont à l'oeuvre chez chacun d'entre nous. Ils y existent conjointement. Ils se combinent à des degrés différents et même varient dans le temps et aussi

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selon les circonstances. En effet, l'homme est soumis aux changements de son corps, de son mental et de son intellect ainsi qu'aux changements extérieurs du monde dans lequel il vit. Toutefois, en chacun de nous, existe une tendance profonde à privilégier la raison ou les sentiments. Cette tendance nous conduit à suivre l'un des deux chemins déjà cités: "Gyana" ou Bhakti". Parfois, ce choix n'est pas vraiment fait par l'homme. Il arrive que l'être humain ne choisisse pas réellement mais se laisse guider vers l'un des deux chemins. Cela doit, cependant, lui convenir s'il y continue sa route. N'en changerait-il pas s'il ne s'y sentait pas à l'aise ? Certes, la recherche du "sens" est trop importante pour que nous acceptions de rester sur une voie qui ne nous conviendrait pas.

      La "Bhakti" débute dans la dualité  puisque "l'Aimé" est distinct de "l'amant" et culmine dans "l'Unité" consciemment expérimentée : "l'amant" se fond en "l'Aimé". Le "Gyana" débute, pareillement, dans la dualité puisque le "chercheur" et le "Cherché" sont vécus comme distincts, séparés. Le "Gyana" culmine, également, dans l'Unité, consciemment expérimentée puisque le "                                                                                        chercheur" réalise qu'il est le "Cherché". L'Amour, le Soi ou la Conscience sont Ce qui doit être réalisé et ces trois mots ont la même signification. Ils désignent tous trois l'UN. Si le début et la fin de ces deux chemins sont identiques, qu'est-ce qui les distingue ? Mais, avant tout, essayons de mieux définir chaque chemin : "Bhakti" et "Gyana".

   La Bhakti est le chemin de l'effacement de la personnalité ou Ego par "Amour" pour Dieu. L'être humain offre son Ego à Dieu par Amour. Il lui donne, joyeusement, son individualité. C'est la voie de la "foi" totale en Dieu. Cette voie est fusion de toute différence dans l'Unique Existence par Amour. L'être humain n'est alors qu'Amour. La "goutte d'eau" prend

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conscience de son existence en tant qu' "océan". L'Amour pour Dieu est donc, à la fois, la condition première et ultime qui, seule, permet d'opérer la transformation décrite ci-avant. Cet Amour se développe par la foi que le/la bhakta fait croître en lui/elle pour réaliser cette unité divine. La foi grandit peu à peu en l'être humain, grâce à sa pratique personnelle, visant à susciter son plein épanouissement. La foi est le rayon de soleil qui fait germer et croître la graine. Sans foi, aucun épanouissement n'intervient. A cet égard, Narada présente, dans ses Sutras, les 12 conditions que l'homme doit réaliser pour pouvoir accéder à l'expérience de l'Amour divin. Ces conditions sont des moyens pour permettre à l'homme de franchir Maya, l'identification erronée au corps, au mental et à l'intellect. Elles ne constituent donc pas le but à atteindre. Ce sont, selon les versets 46 à 49 de Narada Bhakti Sutra :

 

                             - l'abandon de tous nos attachements aux objets des sens;

                             - le service des grands fidèles de Dieu (par une vie conforme à leurs enseignements);

                             - la renonciation à tout sens de possession en soi-même (ie: l'esclavage mental qui nous lie à nos possessions);

                             - la localisation dans un endroit calme (pour y être seul avec soi-même);

                             - le déracinement total de notre asservissement au monde

(en mettant fin totalement à notre attirance pour le monde des objets et des êtres);

                             - la libération des influences des 3 gunas (ie: sattwa, rajas et tamas) pour transcender toutes nos tendances innées;

 

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                             - la renonciation à toutes nos anxiétés pour acquérir et conserver des biens (matériels ou immatériels) puisque le Bonheur n'est pas dans leur possession;

                             - l'abandon des fruits de nos actions ou tyaga (en renonçant à l'anxiété pour la jouissance des résultats de nos actions);

                             - la renonciation à toutes actions égocentriques ou sanyasa (ie: aux impulsions égocentriques des actions);

                             - ainsi, obtenir la libération du jeu des paires d'opposés-ie: joie/tristesse, succès/échec, chaud/froid etc. (l'être humain n'est plus affecté par les paires d'opposés puisqu'il ne pense plus qu'il agit);

                             - La renonciation même aux Vedas  puisque l'idée égocentrique que j'étudie les Vedas ou que j'accomplis le culte divin n'est plus là;

                             - par cette pratique,  parvenir à l'obtention d'un flot de dévotion pur et continu  (lorsque le mental devient un flot constant vers la réalité ou OM et non vers les objets, les émotions et les pensées).

 

Pour "être Amour", il faut avoir foi en l'Amour de Dieu pour toutes ses créatures. Notre Amour, seul, peut nous permettre de connaître l'Amour divin. Cet Amour étant sans cause, don permanent et inconditionnel, inexprimable et indescriptible, Il ne peut qu'être expérimenté, directement, dans son coeur, par le/la bhakta dont l'Amour est pur. Ce/cette bhakta s'est totalement ouvert(e) à l'Amour divin. Il/elle est devenu(e) Amour. L'univers de l'Amour divin ne peut pas être expérimenté ni exprimé par nos mentaux et intellects qui ne peuvent traduire que nos expériences physiques, émotionnelles et intellectuelles. Pour le vivre le/la bhakta doit s'offrir

 

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entièrement à l'Amour divin, sans aucune limitation ni restriction. Très peu d'êtres humains parviennent à réaliser l'offrande totale de leurs egos par Amour pour Dieu. En effet, notre attachement pour notre monde matériel, pour nos sens et nos pensées est si fort que nous n'arrivons pas à nous arracher à eux. Pourtant, ils ne peuvent pas nous procurer la paix que nous recherchons en eux puisqu'elle n'y est pas. Notre ego règne sur notre vie et sur tout ce qui nous entoure. Comment, dès lors, peut-il s'effacer pour laisser croître la graine de la foi, devenant Amour pour Dieu ? Cet ego est pareil à un prisme qui déforme la réalité et nous enferme dans l'illusion. Certes, la tâche est ardue et, parfois, le/la bhakta relâche ses efforts, découragé(e) ou même renonce. Mais, la foi qu'il/elle a fait croître en lui/elle est toujours là pour l'aider à reprendre courage et à continuer sa route. Cette foi ne disparaît jamais totalement. L'individu peut paraître l'avoir oubliée pendant quelque temps. Cependant, elle sommeille en lui, telles les cendres d'un feu qui peut, à tout moment, reprendre et tout embraser. Ceux qui croient arriveront, tôt ou tard, à l'expérience immédiate de l'Amour divin, mais ceux qui ne croient pas ne peuvent pas y accéder. En nous, la graine est là, prête à germer mais, le rayon de soleil de la foi est nécessaire pour qu'elle puisse croître. La foi totale et profonde en Dieu devient Amour divin. Ainsi, l'être humain fait l'expérience immédiate de l'Être. Il s'est identifié à Lui. La dualité est abolie. 

       Tel est le chemin de la Bhakti, menant de la dualité à l'unité divine. Krishna, le Dieu incarné de la Bhagavad Gita, demande à l'être humain de se donner totalement à Lui. Alors, Krishna veillera sur son dévot et assurera le bien-être d'un tel dévot. Krishna demande donc à l'homme de Lui faire pleinement confiance, d'avoir une foi suprême en Lui. Il nous exhorte à nous laisser entièrement  guider par Lui pour Le

 

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rejoindre. Seule, la grâce divine peut nous aider à connaître, à vivre l'Amour divin. Cependant, cette grâce divine doit être recherchée par l'être humain. Pour ce faire, il doit apprendre à s'aimer afin de pouvoir aimer l'autre et in fine, être Amour divin. Quiconque ne s'aime pas, ne peut pas aimer autrui puisqu'alors, tout amour lui est étranger.

       L'Amour divin ou Amour inconditionnel, "gratuit", sans cause, se développe, peu à peu, dans le coeur humain qui a fait croître la foi en lui. Humblement, l'homme doit accepter ses faiblesses, ses manques, ses imperfections pour pouvoir se transformer et accéder à la félicité sans limite de l'Amour divin. Alors, l'homme est Amour. L'amant et l'Aimé ne font plus qu' Un. La créature a rejoint son Créateur. Toute dualité est abolie. Toute forme divine, toute représentation de Dieu est désormais superflue. L'homme n'a plus besoin d'image puisqu'il vit l'Amour divin en lui...Sa vie est, à présent, célébration du Divin uniquement.

 

Maintenant, étudions plus en détail le Gyana.

      Le Gyana ou chemin de la "Connaissance du Soi" est une recherche du bonheur en Soi. L'homme cherche à "se" connaître et pour ce faire, tourne son attention vers lui-même. Il ne se réfugie pas en lui-même mais, s'efforce de comprendre le fonctionnement de son mental, de son intellect et de ses sens. Il est lui-même le sujet et l'objet de sa recherche. Il commence par s'observer, considérant que cette étude est la plus accessible et la plus directe de toutes. L'être humain constate qu'il essaie toujours de trouver bonheur et tranquillité à l'extérieur de lui-même. Or, le monde extérieur ne peut lui apporter qu'un bonheur et une paix éphémères. Le principe qui régit toute la création étant celui du changement de toutes choses, rien n'y demeure stable. Cependant, Bonheur et Paix ne peuvent

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provenir d'un univers instable. Où donc trouver le Bonheur et la Paix ? Ni les objets, ni les pensées, ni les sentiments ne peuvent nous procurer ce à quoi nous aspirons ardemment et qui jusqu'alors nous échappe.

    Pourquoi en est-il ainsi? Notre mental est inféodé à notre EGO. Cet ego veut tout contrôler et diriger. Il règne sur le monde intérieur de nos pensées et agit sur le monde extérieur selon "ses" désirs. Il est donc crucial de comprendre et de bien maîtriser cet ego pour parvenir à le transcender. L'être humain se sent imparfait, seul, inadéquat, malheureux mais ne sait pas comment changer ce qu'il ressent. Il cherche donc à combler ce sentiment de vacuité, d'inadéquation par des satisfactions matérielles, intellectuelles ou émotionnelles. Mais, le vide ressenti est subtil et non pas matériel, intellectuel ou émotionnel. Ni la matière, ni le mental, ni l'intellect ne peuvent donc le combler. L'homme cherche partout ce qui est, en fait, lui-même. Ce faisant, il souffre, s'épuise mais ne trouve toujours pas le Bonheur, l'épanouissement tant souhaité. Il est le jouet de ses désirs...Or, nos désirs sont des leurres,  des palliatifs puisqu'ils ne peuvent pas nous procurer Bonheur et Paix. En effet, comment le limité pourrait-il combler l'illimité? L'être humain est ainsi prisonnier du samsara et change donc en permanence. Dans ce tourbillon et cette agitation, toute son énergie s'éparpille en vain. Sa seule issue est de s'arrêter, de s'observer et de s'étudier sans à priori, objectivement. A défaut, il ne se transformera pas et mourra sans s'être connu, étranger à lui-même. Avant de pouvoir se transformer, l'homme doit pouvoir évaluer sa situation, comprendre qu'il fait les mauvais choix et qu'il reproduit les mêmes erreurs, encore et encore.

      Ce retour sur lui-même, en lui-même est nécessaire pour qu'il puisse changer d'attitude et parvenir à évoluer. Regardons-nous agir, observons notre mental, prenons conscience de nos

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comportements erronés répétitifs. Nous verrons alors que nous agissons tels des pantins que des ficelles tirent dans tous les sens. Nous nous croyons adultes, responsables, autonomes mais nous sommes infantiles, irresponsables et totalement dépendants de nos conditionnements familiaux, émotionnels, religieux ou athés, éducatifs, sociaux, professionnels, sexuels...De cette prise de conscience douloureuse, seule, peut naître une recherche réelle de notre véritable "moi". Qui suis-je derrière tous mes "faux moi", toutes mes "étiquettes" ou "paravents"? Toutes ces couches d'ignorance pourront être enlevées une à une dès que j'en prendrai conscience. Suis-je né(e) affublé(e) d'étiquettes ou d'identités multiples? Tout ce qui est erroné, faux, ne peut pas être conservé dans un mental qui cherche la Vérité.

        Aussi, la discrimination (viveka) entre le vrai et le faux, le réel et l'irréel est-elle une pratique nécessaire pour le/la gyani - celui/celle qui suit la voie du gyana-. C'est la première aptitude qu'il/elle doit acquérir ou développer en lui/elle pour amorcer sa transformation. Ainsi, son mental se purifie, se débarrasse de toutes ses conceptions erronées, conditionnements et idées fausses. Notre personnalité, peu à peu, se transforme. Nous nous disciplinons et transcendons notre ego, si limité et imparfait. Puis, nous devenons capables de nous détacher, progressivement, de notre dépendance aux objets, émotions, pensées alors que nous vivions auparavant pour eux.

      Vairagya, le détachement, est une étape obligatoire sur le chemin du/de la gyani. C'est la deuxième aptitude que le/la gyani doit cultiver en lui/elle. Lorsque le/la gyani peut discriminer entre le vrai et le faux, il/elle se détache obligatoirement de toutes ses conceptions erronées et recherche, de plus en plus, le VRAI, ne s'intéresse qu'à lui. Ce faisant, il/elle évolue, intérieurement et approfondit sa

 

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connaissance spirituelle qui lui permet d'aller au-delà de l'intellect. Il/elle sait que le Bonheur n'est pas dans les objets, les émotions ou les pensées. Il/elle peut donc se détacher d'eux et rechercher le Bonheur sans cause, celui qui existe, de tout temps et constitue la seule Vérité.

       Sachant  s'analyser et analyser ce qui l'entoure correctement et se détachant progressivement de tout ce qui entrave son progrès spirituel, le/la gyani doit encore développer en lui les sextuples accomplissements ou disciplines. Ces sextuples disciplines sont:

1) Sama: -la discipline du mental-;

2) Dama: -le contrôle ou la discipline des organes d'action-;

3) Uparamah: -l'accomplissement de son propre devoir ou dharma-;

4) Titiksa: -la tolérance ou la capacité à tout accueillir-;

5) Sraddhā: -la foi ou la croyance en l'existence de quelque chose en attendant de la découvrir-;

6) Sãmãdhanam: -la concentration du mental sur un seul sujet-.

 

Ces sextuples disciplines constituent la troisième aptitude que le /la gyani devra cultiver en lui/elle.

 

     Enfin, la quatrième aptitude est mumuksutvam  ou le désir ardent, la forte aspiration à la libération, à la liberté. Cette liberté est l'aboutissement de la quête, l'éveil au Bonheur sans cause qui seul, peut nous rendre heureux. Ce Bonheur est "en" nous-mêmes. Il est nous-mêmes. Toutefois, pour parvenir à faire sienne cette Vérité, le mental doit y avoir été préparé par les quadruples aptitudes. Alors et alors seulement, il peut rechercher qui il est. La recherche peut commencer et être menée à son terme: "Je suis la Réalité, le Soi ou Atman". Le chercheur est désormais un jivanmuktah, libéré vivant.  Mais,

 

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cette Vérité ne doit pas rester à l'état de simples mots. Nous devons vivre cela, Être.

     "Sat, Cit, Ãnanda" - Existence, Connaissance et Félicité- est Ãtmã, le Soi, "Je". Cette enquête est  systématique, rigoureuse et inverse toutes nos valeurs. Le/la gyani, guidé(e) par les écritures sacrées et les maîtres réalisés va d'abord explorer tout ce qu'Ãtmã n'est pas. Ce faisant, il/elle intériorisera le fait qu'il/elle est autre que ses corps grossier, subtil et causal et au-delà des cinq fourreaux qui recouvrent Ãtmã. En fait, l'être humain "a" tout cela mais "n'est pas" tout cela. Tout ce qu'il "a" disparaîtra avec le temps mais qui il est ne disparaîtra jamais. Puis, le/la gyani recherchera tout ce qu'"Ãtmã" est :

* le témoin des trois états qui sont l'éveil, le rêve et le sommeil profond;

* Sat, Cit et Ãnanda (Être, Connaissance et Félicité): la nature du Soi (Ãtmã).

       Après sa recherche sur la nature d'Ãtmã, la Conscience individuelle, le/la gyani s'interrogera, ensuite, sur l'identité de "Brahman", la Conscience totale et d' "Ãtman", la Conscience individuelle. Il/elle apprendra que "Brahman" et "Maya", l'ignorance totale, constituent la Création ou "Samasti". Parallèlement, "Ãtman" et "avidya", l'ignorance individuelle, constituent l'individu ou "vyasti".

      Entre "Brahman" et "Atman", le/la gyani va découvrir qu'il n'existe aucune différence. L'impression de séparation provient de notre ignorance, seule. Par suite, l'ignorance doit être abolie pour que l'individu perçoive son unité essentielle avec "Brahman", le Soi.  L' "Ego" -l'individu qui ignore- doit être transformé pour que l' "Atman" puisse être reconnu. Cette transformation totale de l'individu est un processus plus ou moins rapide, selon  le degré d'évolution de chacun de nous. Mais, cette transformation est indispensable et incontournable

 

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chez tout individu qui cherche à se connaître. En effet, "l'ignorance"- sans commencement- qui nous sépare de notre vraie nature, ne peut disparaître -ou avoir une fin- que si nous nous défaisons de notre vision erronée que nous sommes séparés d' "Atman" ou de "Brahman"-le Soi, l'Un-. 

      Ainsi, l'individu s'éveille, de plus en plus, à "Atman" ou Conscience individuelle et peut, enfin, être consciemment. Toute dualité est alors abolie. Le Soi, "Atman" ou "Brahman", seul, est. L' "ego" subsiste tant que le corps vit mais il est, seulement, utilisé par l'homme éveillé. L' "ego" est pareil au serpent inoffensif qui entoure le buste de Siva. Siva l'a transformé en ornement pacifique qui n'inspire plus la peur. Le mouvement du serpent fait intégralement partie de la danse éternelle de Siva. Seule, sa beauté est perçue par chacun. Tout danger, toute angoisse, a disparu.

 

Après avoir décrit les deux chemins -Bhakti et Gyana- que peut-on conclure sur ce qui les distingue? Si ces deux voies ou moyens d'accéder à la connaissance divine étaient semblables, elles n'auraient pas lieu d'être...Mais, avant tout, rappelons utilement que ces moyens ne sont pas le but. Elles sont utiles comme  les catalyseurs dans une expérience scientifique. Elles permettent la purification de notre "ego", sa transformation, sa transmutation. Ces deux voies sont des "passeurs" qui permettent d'accéder à l'autre rive de la vie.

      La Bhakti ou voie de l'abandon à Dieu, par Amour, est la voie de l'offrande totale de notre "Ego" à Dieu. L'être humain s'oublie en Dieu. Lorsqu'il y parvient, la dualité s'efface et seul, Dieu, est.

      La Gyana ou voie de la connaissance du Soi est, avant tout, une enquête en Soi pour accéder à Soi-même, au moyen du Soi. Pour ce faire, le "chercheur" essaie de trouver "qui" "il" "est",

 

 

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"qui" est". Il part de lui-même et plonge dans les profondeurs de son "ego" pour "se" connaître. Il se considère comme "objet" et "sujet" de sa recherche. In fine, les deux voies se rejoignent dans la même unité et unicité divines.

       La Bhakti impliquant le don total de soi à Dieu par Amour pour Lui, passe donc par les sentiments, l'affectif, l'une des deux tendances profondes existant en tout être humain.

       Certains êtres humains ne peuvent pas s'abandonner ainsi à Dieu car leur intellect les en empêche. Ils ont un besoin impérieux de comprendre, d'être convaincus par une argumentation logique. Pour ces être humains, la Bhakti n'est pas un chemin praticable afin de s'ouvrir à Dieu. Leur intellect résiste et s'oppose à tout abandon par Amour. Ils ne peuvent pas suivre la voie du don total de leur "ego" à Dieu parce que la "foi" n'est pas spontanée chez eux. Leur intellect ne l'accepte pas. Ils doivent donc prendre le chemin de la Gyana qui seule, leur permettra d'accéder à la "foi" ou "sraddhã" puis à l'Amour divin. Ils accèdent à la "foi", peu à peu, parce qu'ils sont sensibles au raisonnement incontournable des Ecritures...Leur "foi" est, au départ, proche du "pari" de Pascal..."Ayons la foi en attendant de découvrir ce que nous cherchons". Toutefois, ces chercheurs sont sincères. Cette attitude leur paraît raisonnable et peut, par la suite, être acceptée par leur intellect. Puis, cette " foi" devient de plus en plus sincère, authentique, vécue et l'Amour, don divin, commence à croître en eux. Parallèlement, leur ego exploré, connu, maîtrisé n'est plus aussi puissant. A mesure que l'Amour grandit en eux, leur ego devient de moins en moins fort, dictatorial. Ils peuvent, enfin, apaisés, percevoir ce qui leur échappait jusqu'alors. Ils voient de mieux en mieux l'UN derrière le multiple, l'Amour là où il y avait division, séparation. Leur vision évolue, change. Elle est désormais devenue très proche de celle du/de la Bhakta.

                                                 

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  Le/la Bhakta et le/la Gyani savent que Dieu est tout et qu'ils ne sont pas. Ils sont baignés d'Amour divin. Rien d'autre ne compte pour eux. Maintenant, ils boivent le nectar divin à sa source... La Joie est leur état profond...Ils sont cette Joie pure et totale, uniquement. Aucun nuage ne peut obscurcir ce qu'ils ressentent...Qui peut troubler la Paix des "Connaisseurs de l'Unité"?

Ils savent qu'ils ne sont pas et que tout ce qu'ils perçoivent est la Création divine. Pourquoi se troubleraient-ils? Pour eux, le "samsara" est un spectacle. Il ne les affecte pas puisqu'ils savent que rien ne leur appartient. La Création est l'oeuvre de Dieu et suit les lois divines. Seul, l'être humain "ignorant" résiste et s'oppose aux lois divines. Le sage s'y soumet avec Joie.

      Tous les sages se sont abandonnés à Dieu par Amour. Dieu prend soin d'eux et ils vivent dans la Paix et la Félicité. Leur vie est louange permanente à la gloire de Dieu. "Sat, Cit, Ananda" est la seule Vérité. Ils vivent en Elle, par Elle et pour Elle. Ils ne redoutent pas la mort puisqu'ils savent qu'ils ne meurent pas mais vivent, à jamais, en Dieu...Alors, quel qu'ait été leur chemin pour y parvenir, cela n'a plus d'importance...Ils ont, à présent, la mission de guider tous les chercheurs sur la voie qui leur convient le mieux...Ils ne peuvent qu'accomplir l'oeuvre de Dieu...

OM, TAT, SAT.  

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Monique Manfrini

La Cadière d'Azur, achevé le 24.09.2007

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              §§§§§

 LA VOIX DES FLEURS

               §§§§§

 

J'ai caressé la chevelure

Bleu-violet des lavandes puis

Respiré leur souffle chaud... 

Plus loin, j'ai senti la douceur

Amère des lauriers rouges...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Le lantana lumineux m'a saluée

Et gratifiée de son parfum

Tenace...Toutes ces fleurs

M’ont donné un présent,

Simplement, comme un sourire...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Mes sens ont été comblés.

Mais, moi, qu'ai-je fait pour elles

Sinon admirer leur beauté?

Ô Nature, tu es généreuse envers nous

Sans rien attendre en retour.

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Ta beauté est offerte à tous,

Sans condition. Tu distribues tes grâces,

Sans compter. L'homme prend tout

Sans même te remercier. Que lui

Dirais-tu si tu pouvais parler?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Ô Humain, arrête toi,

Un instant et pense à Celui

Qui me permet d'être là,

Si belle, si bonne, si accessible

Et si confiante en toi!

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Honore-Le, de tout ton coeur

Et de toute ton âme. Remercie-Le

Toujours car Il me permet

De te donner la joie de me

Contempler à tout moment!

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

N'oublie jamais cela...Tel est

Mon message secret! A travers moi,

Tu peux connaître notre Maître

A tous. Mais, ton mental

Est-il assez subtil pour cela?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Essaieras-tu de Le découvrir,

Caché derrière ma belle apparence?

Des saints l'ont fait avant toi...

Alors qu'attends-tu, maintenant,

Pour commencer ta quête?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Peux-tu être satisfait de mes présents?

Ne veux-tu pas chercher

Qui te les donne? Ô Humain,

Sois curieux, cherche, cherche,

Sans jamais te lasser...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Finalement, tu trouveras ce qui

Est, au-delà de ce que tu perçois.

Ta récompense sera si grande

Que tu ne peux même pas l'imaginer!

Alors, regarde en toi avec les yeux de ton coeur...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Monique Manfrini,

La Cadière d'Azur, le 30.05.2007.

 

 

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

            SOLEIL EN FEU

            °°°°°°°°°°°°°°°°°

Ce matin, l'horizon était en feu

Au-dessus des collines bleues.

Une large étole rouge-rosée

Enveloppait leurs larges épaules.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Les pentes des collines étaient voilées

D'une brume épaisse qui s'étirait

En longs bandeaux superposés.

Quel spectacle, quelle fête pour les yeux!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Le mystère, peu à peu, s'estompait

Tandis que les rayons incandescents,

Doucement, disparaissaient...Quel lever

De soleil! Que de beauté, Ô Créateur!

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Devant tant de merveilles, l'idée

De la fin, soudain, s'est imposée.

Qui veut que toute cette beauté

S'en aille à jamais, ô humain?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Même un indifférent n'y songerait pas!

Mais, ne devons-nous pas déceler

Ce qui est derrière tout cela?

Cherchons le sens pour voir au-delà...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Au-delà de quoi? De tous les phénomènes,

De tous les concepts, de toutes nos idées fausses

Et nos conditionnements, de toutes nos habitudes,

Préjugés et croyances aveugles aussi...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

A quoi sert donc tant de beauté?

Notre mental est-il illimité?

Peut-il sentir ce qui le dépasse?

Certes, il reconnaît cet au-delà de sa compréhension.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La beauté perçue par nos sens,

Echo de la beauté de la Création,

Est un hommage infini à l'Oeuvre

Du Créateur. Soyons humbles et aimants!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Quelle autre attitude pourrions-nous

Avoir face à son Oeuvre si parfaite

Et si généreusement offerte à nous,

Image fidèle de l'Être qui l'a créée?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

 

Ainsi, notre gratitude immense ne peut

Que s'épancher, face à cette beauté

Toute puissante de la Création divine,

Ô inspiration de nos coeurs émerveillés!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Sachons, tout naturellement, nous émouvoir

Et remercier notre Créateur aimant

Pour ce si magnifique cadeau,

Donné si simplement à l'homme, sa créature.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

Monique Manfrini,

 La Cadière d'Azur, le 05/12/2007.  

 

 

En compagnie de Mâ Anandamayî

 

Par Bithika Mukerjee

 

(Traduit de l’anglais par Jacques Vigne et Geneviève Koevoets)

(Editions Agamat)

 

 

 

En route pour le Canada

           

            Le moment vint où il fallut quitter le Château de Bossey. Echanges d’adresses. Promesses de se revoir.

            Ce fut le tour des Universités de Leiden et d’Amsterdam, où l’assistance n’était pas très intéressée par le langage de la philosophie hindoue, à part pour ce qui concernait

 

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le hatha-yoga et la méditation transcendantale. C’était un peu comme si j’avais été prête à servir des plats succulents, alors que les clients ne demandaient rien de plus que des patates bouillies. L’unité religion-philosophie n’était pas encore prise en compte à ce moment là.

            L’obtention de mon visa pour le Canada était dépendante mon état de santé, à cause de mes anciens problèmes de tuberculose, et pour l’obtenir, je fus obligée de me soumettre à un examen médical complet. L’ironie du sort voulut que, bien que ne souffrant de rien ni d’aucune réminiscence de cette maladie, on me détecta néanmoins un nodule cancéreux.

            Mon opération et le suivi médical furent vécus par moi de façon extrêmement sereine et pleine d’espoir, grâce aussi à l’entourage de mes nouveaux amis du Canada. Une infirmière fut affectée à mon service de façon permanente. Après deux jours, je me risquai à la questionner : « Pourquoi me demandez-vous si souvent si je sais ce qu’il m’est arrivé ? »  Elle me répondit : « C’est que…on ne voit pas souvent des patientes comme vous. Vous êtes si calme et réservée que les médecins et nous-mêmes, nous nous demandons si vous réalisez les conséquences de votre opération. »

            Je ne sais vraiment pas ce à quoi ils s’attendaient de moi. Il s’agissait d’une expérience tout à fait personnelle, que je n’aurais voulu partager avec personne. D’autre part, je ne me sentais pas du tout bouleversée. Qu’en savaient-ils de la quiétude intérieure qui enveloppe quelqu’un grâce au souvenir constant de son ishta mantra et à la présence permanente de la personnification de ce mantra [sous forme du Gourou]. D’une certaine façon, ce fut amusant de voir à quel point l’assistante sociale qui me fut envoyée un jour pour bavarder avec moi, demeura perplexe. Je crois que les médecins m’envoyèrent

 

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aussi un psychiatre, mais je fis mon possible pour convaincre tout le monde que je me sentais bien et que j’étais très reconnaissante de leurs prévenances. (p.134-135)

 

 

Le retour en Inde

 

            L’été venu, je décidai de  rentrer à la maison. Bindou, Shyamoli, ma mère et ma sœur m’attendaient à Bombay pour m’emmener aussitôt en voiture à Pune, au darshan de Shrî Mâ.

            Chacun fut très heureux de me voir et de me poser un tas de questions sur mes voyages, mais je leur dit rien sur mon état de santé. A la fin de la journée les visiteurs de l’ashram s’en allèrent et seuls les occupants demeurèrent. Je demandai une entrevue privée à Mâ. Didi et les autres filles rentrèrent dans leurs chambres. Shrî Mâ était étendue sur son chowki dans la véranda. Je m’assis par terre auprès d’elle et je lui dis : « Mâ, j’ai de mauvaises nouvelles à vous donner. » Après quoi, je la mis au courant de ce diagnostic  inattendu de cancer du sein et de l’opération que j’avais dû subir. Shrî Mâ s’assit sur son chowki et me posa certaines questions très pertinentes.

Comme à son habitude, elle évalua la gravité de la situation, et la durée du traitement post-opératoire qui était parti pour traîner au moins trois ans. Je lui expliquai : « Mâ, je n’arrive pas à me décider à parler à ma mère de toute cette catastrophe. Comme vous le savez, elle m’a soignée pendant ma terrible maladie précédente, ma tuberculose, et cela si courageusement et avec tant de compétence. Comment puis-je lui dire que, tout compte fait, je souffre d’une maladie encore pire ? Je vous en prie, parlez-lui en à ma place. »

            Shrî Mâ accepta, m’enlevant de ce fait un fardeau de sur les épaules. J’allai me coucher cette nuit là plus légère et

 

 

 

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tranquille. L’après-midi suivant, il arriva que toute ma famille vînt s’asseoir dans la chambre de Mâ. Il n’y avait pas d’étrangers, mais seulement quelques résidents de l’ashram. Shrî Mâ parla à ma mère sur un ton vif : « Venez ici, mère, avez-vous déjeuné ? » Ma mère acquiesça. Shrî Mâ ajouta : « Vous parlerai-je du courage de votre fille et de sa force morale ? Il y en a très peu comme elle. Vous pouvez en être fière. » Shrî Mâ continua sur ce ton, survolant l’argument d’une façon ou d’une autre, avec un tel doigté, que ma mère fut complètement détournée du thème principal. Je jetai un coup d’œil vers Bindou, son visage était rouge et je compris qu’il avait capté le message. Shyamoli et ma sœur avaient fondu en larmes, mais ma mère, grâce à la compassion sans limite, à la grâce enveloppante de Mâ, échappa au choc de réaliser la situation brutalement, et au contrecoup du traumatisme. Ma mère était loin d’être stupide, elle était tout à fait capable d’estimer les répercussions de mon opération. Les paroles de Shrî Mâ avaient tout juste fait partir la peur et l’angoisse inhérente à cette situation. Cela se passa devant mes yeux et je sus que ma prière avait été entendue. Ma mère continua à écouter Mâ. Elle avait même une lueur de satisfaction sur son visage. Shrî Mâ s’en référa à un récent cas d’opération du cancer dans l’ashram. Le patient était une personne éminente, un érudit, mais il avait été si effrayé qu’il avait demandé à Mâ de venir à Bombay avec lui et de rester en ville pendant le temps de son hospitalisation. Shrî Mâ dit alors en me désignant : « Regardez cette jeune femme, toute seule en pays étranger. » etc.…etc.…Je me sentis embarrassée devant cette pluie de louanges imméritées dont elle me couvrait. Imméritées parce que je n’avais jamais eu peur, et inappropriées à la situation que j’avais affrontée.

 

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            Tout fut bien qui finit bien. Gurupriya Didi aussi exprima de l’inquiétude, les yeux pleins de larmes, mais au moins je me sentais relaxée et heureuse. Shrî Mâ me demanda si elle pouvait parler aux autres de ma maladie et de mon opération si on le lui réclamait. Je répondis : « Oui, maintenant que ma famille le sait, je n’ai pas d’objection à ce que d’autres personnes en soient informées. » J’avais remarqué qu’au Canada les gens étaient effrayés d’appeler cette maladie par son nom. En général ils préféraient camoufler la chose en utilisant des termes techniques, mais je ne voyais aucune raison d’adopter ces mesures. Je suis sûre que toute personne souffrant de ce qu’on peut appeler une maladie mortelle, aimerait tout simplement le savoir afin de l’affronter selon son état d’esprit. (p.135-136-137)

 

 

Nouvelles

 

·        Swami Nirgunânanda, qui est disciple de Mâ, ermite à Dhaulchina et que beaucoup de Français connaissent maintenant, reviendra en Europe  en août, avec Paul Neeffs à Gentinnes en Belgique : nous reproduisons ci-dessous les parties importantes de son information :

« Retraite avec Swami Nirgunânanda du 23 au 29 août 2008 au Centre Spirituel de Gentinnes (Belgique)

Programme quotidien : Usha Kirtan (chants de l’aube) - Prânâyâma - Commentaires

 

 

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sur les Upanishads - Périodes de méditation - Temps de repos - Satsang incluant questions et réponses - Chants ...

Contact : Paul Neeffs - Tél. (Belg.) : 0032 (0)10/814780 ou 0485938011

Courriel : paulneeffs@yahoo.com - www.anandamayi.net --Rue E. Goes 3/202

B-1348 Louvain La Neuve

HEBERGEMENT : Chambres individuelles - Chambres doubles (selon disponibilités). Les repas seront végétariens.

PRIX ET RESERVATION : Séjour complet du samedi 23 août au soir jusqu’au vendredi 29 août 2008 : Forfait de 340,-€. Supplément : Chacun peut apporter son couchage. Il est cependant possible de louer des draps sur place; supplément de 7,-€ pour la durée du séjour. En cas de réservation, veuillez verser une avance de 100,-€ sur le compte Dexia : 833-5599443-85 avec mention : «Retraite Mâ 2008»

Le vendredi 29 août, à partir de 14 heures : Satsang. L’accès est libre.

ITINERAIRES : Destination indiquée sur les panneaux signalétiques : «Mémorial Kongolo» (lieu de la retraite) A partir de l’autoroute E42 (Paris-Mons-Liège) : SORTIE 14 - SAMBREVILLE .

Train : LIGNE BRUXELLES - NAMUR – Luxembourg Départ toutes les demi heures à partir des gares de Bruxelles. (T.G.V. : gare du Midi) Descendre à GEMBLOUX.

·        Vigyânânand (Jacques Vigne) est revenu pour une brève tournée en France du 16 avril aux 26 mai. La raison en a été un congrès à Assise du 1er au 4 mai 

 

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·        qui a réuni le yoga européen et le yoga indien, avec les principaux grands mouvements de yoga indien qui y étaient représentés. Vigyânânand y a parlé de Mâ Anandamayî, il a lu son texte en italien pendant trois quarts d’heure devant plus de 400 personnes, a répondu ensuite aux questions et a animé un atelier avec la participation de Râm Alexander, qui a une maison près d’Assise et qui a passé 10 ans comme brahmachari avec Mâ. L'organisatrice de la rencontre était Antonietta Rozzi, qui a longtemps travaillé pour le congrès européen de Zinal en Suisse chaque mois d'août et qui est proche de Swami Chidânanda. Ce passage près d’Assise a été aussi une occasion pour Vigyânânand et Isabelle Clerc qui s'occupe de ‘Santé Yoga’ de rencontrer Swami Kriyânanda, disciple américain de Yogânanda Parahamsa et visiteur régulier de Mâ Anandamayî de son vivant.  Swamijî ne manque pas de dynamisme. Sa communauté près d’Assise représente sans doute le plus grand ashram d'Europe, avec plus de 100 membres permanents. À 80 ans, il a décidé de réaliser un vieux rêve correspondant aussi à un souhait de Yogânanda : fonder un ashram de Kriya Yoga à Delhi, et c'est maintenant chose faite, à Gurgaon exactement, la ville nouvelle près de l'aéroport. Il est devenu très populaire en Inde, en particulier grâce à de nombreux discours retransmis à la télévision. Il a eu assez récemment un cancer du côlon, qu’il a commencé à traiter avec la chimiothérapie, il a ensuite décidé que cela ne lui réussissait pas. Il l’a donc abandonnée, et d'après ses disciples et ce qu’il nous en a dit lui-même, il se porte fort bien.

 

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·        Vigyânânand est allé en juin avec un petit groupe de Français faire le pèlerinage de Muktinath au Népal sur les pentes de l’Annapurna près de la frontière du Tibet. Cela a été une bonne occasion de marcher une semaine entière dans une belle nature himalayenne sous la protection du Seigneur de la Libération.

·        Pour la première fois, une retraite de 8 jours est organisée de façon structurée en août à l'ashram de Mâ à Kankhal avec un groupe qui ne vient que pour cela, mis à part un peu de visite des environs dans les jours qui suivront. Il y aura donc 32 personnes qui viendront rencontrer quotidiennement Vijayânanda, et auront pendant la journée quelques méditations guidées avec Vigyânânanda. Contact Françoise Estèves francoise.esteves@gmail.com  06 26 92 68 73

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois,  ils peuvent le faire pour 4 numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 8 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

Tel : 0490121983 –

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Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

   Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer en ce cas 4 € pour 4 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr. C’est elle qui se charge bénévolement de vous l’envoyer par email, tout en l’illustrant. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause de problèmes postaux.

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                          p. 1

Quelques réponses récentes de Vijayânanda                             p. 3

Gyana et Bhaktî par Monique Manfrini,                                   p. 6

(suivi de deux poèmes)

En compagnie de Mâ Anandamayî par Bithika Mukerji        p.24

Nouvelles                                                                                 p.28

Renouvellement des abonnements                                             p.31

Table des matières

 

 

 

 

 

Jay Mâ N°90  -   Automne 2008

 

 

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Paroles de Mâ

 

A un novice moine qui était déprimé et qui pensait au suicide

- Comment un homme qui entretient des pensées de suicide peut s'attendre à devenir un sannyâsi ? L'idée de suicide n'entre même pas dans le mental de ceux qui se considèrent comme des candidats au sannyâsa. Un esprit de dépassement de soi extrême et de renonciation est l'attitude qui fournit l'aide la plus grande pour progresser vers cet état exalté. Soyez vrais dans vos paroles et évitez d'écrire des lettres. Ne parlez pas aux femmes, ni ne laissez  votre regard s'attacher à elles.

 

C'est en cherchant à se connaître qu'on peut trouver la Grande Mère de tout.

 

Le saint Nom de Dieu est en lui-même le rite pour exorciser les influences indésirables. En présence du Nom de Dieu, les fantômes et les esprits mauvais ne peuvent exister.

 

Écrivez-lui que son état occupe en fait très souvent le kheyâl de ce corps[la pensée de Mâ]. C'est à lui-même, par son propre effort ou sa propre volonté de développer un esprit fort et de laisser tomber son attitude négative, qui lui fait imaginer qu'il ne peut et ne sera jamais capable de réussir. Au contraire, il doit avoir la détermination que ce sera possible, et que le succès très certainement lui reviendra. Il doit se dire à lui-même : « En quelque état qu'il plaît à Dieu de me mettre, j’accepte : je m'abandonne à Celui dont je suis la créature, dont ‘ceci’ est le corps. » C'est tout. Avec un calme et une tranquillité parfaite, il doit passer la plupart de son temps allongé bien droit dans ce qu'on appelle 'la posture du mort',

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shavâsana, et répéter silencieusement son mantra au rythme de sa respiration. Il y a seulement un Brahman sans second -- c'est ce qu'il doit réaliser. Écrivez-lui en langage simple et direct que pour lui, il n'y a pas besoin d'un intermédiaire.

 

Ils imaginent que ce corps est loin, mais en fait il est toujours très, très près. Comment serait-il possible qu'il quitte quiconque ? Cette question de distance se pose simplement de leur point de vue. À chaque fois qu'ils ont des vacances, qu'ils viennent retrouver ce corps.

 

Peu importe le travail qu'on fait, on doit l'effectuer correctement. Si l'on cultive l'habitude de faire bien toute chose, il y a bon espoir d'en faire de même sur le chemin spirituel. C'est Lui qui est l'action et c'est Lui qui est l'auteur de l'action et personne d'autre. Dans toutes les circonstances, on doit essayer de développer cette attitude d'esprit. La Vérité - dans la présence de laquelle l'illusion est reconnue comme illusion - la Vérité, Cela qui est, doit devenir ce qui nous est essentiel.

 

Paroles extraites d'Amrita Varta, juillet 2008.

 

 

Souvenirs de Pannâlâl

 

     Pannâlâl était un fidèle des jours anciens de Dacca très proche de Mâ . Il a fait une carrière de haut fonctionnaire, et il a été ensuite par exemple préfet de Bénarès. On voit encore sur la route importante qui mène du centre ville à l'université hindoue le pont qu'il a fait construire sur la rivière Assi. Il a écrit un livre sur Mâ qui a une version hindi mais pas anglaise.

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Le grand intérêt de l'ouvrage est qu'il a été le témoin direct de beaucoup de ces événements de Dacca qu'il raconte. Le gendre de Pannâlâl est Govind Naraïn, lui aussi haut fonctionnaire indien. Il a été envoyé par Nehru en 1956 à Pondichéry pour négocier les conditions du passage de la colonie française à l'État indien. Cette transition s'est faite paisiblement, sans doute en partie grâce à ses capacités diplomatiques, ce qui n'a pas été par exemple le cas pour Goa, où le gouvernement indien a dû envoyer l'armée pour faire comprendre de façon forte aux Portugais qu'il était temps qu'ils s'en aillent. Govind Naraïn est depuis fort longtemps président de la Sangha de Mâ. Voici donc les souvenirs de son beau-père, Pannâlâl, pour la première fois traduits du hindi.

 

 

Les états de Mâ

       Un jour à Déoghar, Mâ se trouvait chez Prangopal Babou (Prânagopal Mukherjî), qui était très proche de Mâ et dont on a traduit en français les précieux souvenirs des débuts de l’aventure d’Anandamayî qu'on pourra trouver sur le site de Mâ, (www.anandamayi.org). Elle est rentrée dans un tel état de conscience que nous avons tous cru que sa dernière heure était arrivée. Tout d'un coup, alors qu'elle était assise, tout son corps est devenu noir. Pitâjî a pris le pouls et s'est mis à avoir très peur. Tout ce que nous pouvions faire, c’était du nâm-kirtan. C'était tout notre soutien. Mâ avait également bien souligné ceci : « Le travail complet peut se faire quand, dans cet état, il n'y a pas de khéyâl  de revenir dans le corps. Peut-être fallait-il quand même retourner, et c'est pour cela que l'impatience même de vous tous a fait revenir la conscience. »

    Un autre jour,  Mâ est tombée de nouveau dans un tel état. Elle était allongée durant la nuit. Tout à coup, elle se mit à demander de fermer la porte et la fenêtre. C'est ce que j'ai fait après avoir saisi non sans difficultés ce qu'elle voulait dire. Mâ   

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nous avait avertis auparavant : « Quand cet état survient, il faut  garder vos mains quelque part au-dessus de mon corps et chanter le nâm-kirtan mentalement. » Elle ajoutait également à ce propos : « Le fait que vous vous adonniez au nâm-kirtan a pour résultat que le khéyâl [désir sûr] de revenir au corps se réveille. C'est pour cela que je vous dis tout ceci » Mâ avait souvent répété à Bholânâthjî ce qu'il fallait faire dans ces états. Nous effectuions tout ce genre d'efforts, mais il survenait quand même certaines situations où l'on ne pouvait rien faire.

    Parfois, il y avait des expériences du corps de Mâ qui pouvaient être soulagées par certains bhajans. La respiration  s'accélérait subitement, ce qui s'accompagnait de transformations corporelles incroyables. Quel que soit le nombre de transformations qui survenaient, Mâ ne perdait pas conscience. Ceci, elle-même l'a affirmé de sa propre bouche et nous en avons aussi été témoins. À cause de ce rythme respiratoire, le corps devenait noir. Je donnais un massage à Mâ, mais elle n'en était pas consciente. À la fin, Bholânâthjî et les autres fidèles se sont mis à masser ses mains et ses pieds. Alors elle a reconnu : « j'en ai un peu conscience ». Par contre, ceux qui la massaient étaient en nage. Ce genre de situation s'est prolongé pendant plusieurs mois.

... Si pour une raison ou pour une autre, Bholânâthjî se mettait très en colère, le corps de Mâ devenait tel que tous les signes de la mort s'y manifestaient. Ainsi, progressivement, la colère de Bholânâthjî s'est atténuée. C'est lui qui dès le début avait été le témoin de tous ces états. Il n'y a aucun doute qu'il a dû beaucoup aider à la protection de 'ce corps'...

   Au moment de partir de Calcutta pour Dacca, Pitâjî a amené un véhicule et y a chargé tous les bagages, mais Pramath Babou, d'une façon ou d'une autre, n'a pas laissé Mâ partir. Il n'avait rien dit verbalement, mais il avait été s'asseoir dans le coin d'une chambre. Au moment même du départ de Mâ, il   est

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tombé à ses pieds dans un état de souffrance. Ma s'est immobilisée et est restée là, debout. L'heure du train est passée. Une grosse averse est arrivée. Mâ a recommandé à tous de faire du kirtan. Mâ aussi est restée sous la pluie battante. Toute la nuit, il y a eu beaucoup du kirtans chantés. Le jour suivant, Mâ est retournée à Dacca et s’est mise de nouveau à résider à Shahbag.

 

À propos de la violence et des critiques dans la vie relationnelle.

 

      Un jour à Siddheshwarî, les fidèles se sont mis à se disputer à propos de toutes sortes de choses. On était chagriné du fait que Mâ se rende chez l'un, et pas chez l'autre. À cette époque, Mâ ne retirait pas son voile. Cependant, elle était assise avec nous et conversait beaucoup. Ce jour-là, elle s'immobilisa comme une statue. Elle n'avait pas la moindre hésitation à s'exprimer. En regardant tout le monde avec affection, Mâ a dit : «Venez ici. Essayer d'oublier toute haine et toute violence. Si vous en êtes à vous laisser aller à la violence et à la critique, quel est l'intérêt de venir ici ? Quant à moi, je vais avec qui, quand et là où on me mène. Avant j'allais à pied, mais maintenant je ne sais pas comment se transforme le corps de jour en jour. On ne peut tout le temps aller à pied. Là où vous voulez me mener en voiture, menez-y moi. » (p.86-89)

... Mâ nous expliquait que les blâmes reçus des autres étaient comme des ornements de notre corps : une fois, Mâ se trouvait chez nous pour un repas. Shri Gurubandhu Bhattâchâryajî habitait dans notre voisinage. Sa femme avait l'habitude de venir voir Mâ. Son fils aîné s’et mis à souffrir du kala-azar. Elle est venue, le visage baigné de larmes, implorer Mâ de faire quelque chose pour lui.  Bhaïji lui a apporté du prasâd de Mâ et lui a recommandé de le donner à l'enfant. Sur ces entrefaites,

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l'enfant s'est remis après quelques jours seulement. Ensuite, la mère est venue visiter Mâ souvent. Un jour, elle l’a même reçue pour un repas chez elle, mais après quelque temps sa bhakti est arrivée à son terme. Elle n’est plus venue voir Mâ. J'en ai parlé à Mâ qui a répondu : « Tous et toutes sont bons. Si certains me critiquent, il n'y a pas de quoi se mettre en colère. Ceux qui sont destinés à avoir une interaction avec ce corps pendant un nombre donné de jours, ils l’auront. Ce n'est la faute à personne. Et souviens-toi, le blâme est l'ornement du corps. Quand on suit la voie de la dévotion, on doit en faire comme un ornement de son corps. Considère toutes ces critiques comme ce bracelet d'or qui rehausse la beauté d'une femme pure. Dans ce chemin aussi, le blâme est d'une grande aide. C'est pour cela que je vous le dis, n'ayez pas peur du blâme, ne vous chagrinez pas ! » Certes, Mâ nous le dit, mais nous en souvenons-nous ? (p.94)

  

Enlever la souffrance des patients

 

     Mâ et Bholânâthjî se sont rendus à la maison d'un patient qui souffrait de tuberculose. Ayant vu cela, Mâ est partie, ne souhaitant pas aller dans de tels endroits. Mais devant l'insistance de Bholânâthjî, elle s'y est quand même rendue en disant : « C'est bon ! Je sais, c'est nécessaire, c'est pour cela que j'y vais. Être sauvée ou mourir, pour moi, cela est égal. Il est peut-être nécessaire d'aller chez celui qui est destiné à mourir. » Après avoir dit cela, elle ne refusa plus de s'y rendre, mais elle nous a dit ainsi qu'à Bholânâthjî : « Ce n'est pas juste d'insister auprès d'une personne pour qu'elle effectue une sorte de tour de passe-passe. Si tout le monde devait être sauvé, qui donc mourrait ? Quel sens cela aurait-il ? Chacun doit recueillir les résultats de son karma. Il n'est pas bon d'interférer dans ce

 

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processus. En essayant de forcer, on obtient le résultat inverse. » (p.93)

... Un jour, un monsieur est venu montrer à Mâ sa fille qui était atteinte de paralysie. Devant l'insistance de Bholânâthjî pour que Mâ dise quelque chose, ceci est sorti de sa bouche : « Ramenez-la jeudi [qu'on appelle le 'jour du gourou,' et qui est aussi le 'jour de Brihaspati', Jupiter, le maître du monde]. Ainsi donc, ils sont revenus le jour dit. Mâ était alors en train de couper de la noix de supârî pour la donner en tant que pân [morceaux d’épices rafraîchissantes à mâcher et qui aident à la digestion tout en stimulant quelque peu l’organisme] à la fin du repas. Elle en lança un morceau en direction de la jeune fille et lui demanda de le ramasser, ce qu'elle fit avec grande difficulté. Mâ dit alors à Bholânâthjî : « Maintenant, demande-leur de retourner chez eux. » Le lendemain, le papa de la fille est revenu en annonçant : « Quelle grande surprise ! Aujourd'hui, un joueur de musique ambulant est passé dans la rue. Ma fille  était allongée et regardait jouer ses frères et soeurs. Tout d'un coup, en entendant la voix des chanteurs, elle a tout oublié de sa maladie et elle est sortie avec eux pour le voir. Comment a-t-elle pu se mettre à marcher ? La grâce de Mâ est vraiment sans limites ! »

   À Dacca, le fils d'un monsieur était très malade. Celui-ci vint à Shahbag. Juste avant qu'il n'arrive, Mâ était assise dehors, mais elle s'est soudain levée, a mis son voile et est rentrée à l'intérieur. Nous avons pensé : « Qu'est-ce qui se passe, est-ce que quelqu'un est en train d'arriver ? » Après quelques temps, on a vu que deux personnes sont venues et ont insisté pour emmener Mâ avec elles. « Écoute, le malade est au bord de la mort. Cela fait trois jours qu'il est dans le coma. » Nous avons alors compris que c'était à cause de cela que Mâ s'était levée et était partie. Cependant, Bholânâthjî lui a demandé d'y aller. J'ai déjà dit qu'à cette époque, Mâ ne disait pas souvent non. Elle

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s'est donc rendue chez le patient. À l'arrivée, elle n'avait pas passé la porte qu'aussitôt la femme du patient est tombée à ses pieds. À cause de cet arrêt imprévu, Mâ s'est assise. Ce n'est donc que bien plus tard qu'elle a été s'asseoir au chevet du malade. Il était inconscient. Il avait la langue qui était sortie. On ne pouvait la remettre en place. Mâ a dit : «Remettez-la en position normale ». Sur ce, elle entreprit de la replacer elle-même. Quel tour imprévu peut prendre l'action de Mâ ! Ces personnes ne la connaissaient pas, si ce n'est de nom. Aussitôt qu'elle a entrepris de remettre la langue en place, les gens de la maison se sont mis à la critiquer en disant : « Il ne faut pas la toucher, le docteur l'a interdit. » Mâ tout de suite a retiré la main. Ainsi, on avait empêché son action une deuxième fois. Ceci n'a été la faute de personne. Qu'est-ce que connaissaient ces pauvres gens ? Mâ a dit : « Que ce qui doit arriver arrive, que les choses restent comme elles sont ! » Peu de temps après, Mâ s'est levée et est partie.

Le jour suivant de nouveau, on est revenu chercher Mâ. Au moment d'y aller, Mâ nous a demandé de venir, à moi et à Pitâjî. Il n'y avait pas eu de différence dans l'état du patient. À l'arrivée, Mâ s'est assise sur le sol près de la porte. Ceci a mis Pitâjî dans un état de grand malaise. Ceci dit, puisqu'elle avait refusé, il ne se sentait pas d'insister. La famille a quand même approché Pitâjî en lui disant : « Allez dire un petit quelque chose à propos du patient à Mâ » Pitâjî Bholânâthjî a commencé à passer le message, mais pendant qu'il le faisait, Mâ l'a regardé d'une façon telle qu'il a dû s'arrêter et en est resté bouche bée. Peu de temps après, nous sommes partis. L'après-midi, de nouveau une personne de cette maison est venue. Mâ n'y est pas retournée. Elle a ajouté : « Ne revenez pas avant demain soir. »

 

Tout est mon corps

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   Le lendemain après-midi, Mâ était assise dans sa chambre. Elle m'a dit [c'est une femme qui raconte le souvenir] : « Il y a des braises dans la cuisine, apporte m’en un peu ! » J'en ai donc rapporté dans un récipient en fer. Mâ s'est apprêtée à y mettre les mains. L'ayant vue, Pitâjî m'a admonesté et m'a dit de remporter les braises. Que pouvais-je faire ? Mâ m'avait dit d’effectuer quelque chose, mais mon dharma consistait aussi à lui obéir, à elle et à Pitâjî à la fois. Pour finir, après avoir dit cela, j'ai remporté les braises.

    Quelques temps plus tard, un monsieur est venu. Mâ lui a dit : « Puis-je juste vous demander quelque chose ? Grattez une allumette ! Quand elle s'est enflammée, Mâ y a mis tout de suite le doigt et lui a dit : « Tant qu'elle brûle, ne la retirez pas ! » Ainsi fut fait, et Mâ est restée assise sans bouger pendant tout ce temps. Ce n'est qu'en fin de soirée qu'on a appris que le patient était décédé. Sa crémation avait eu lieu dans l'après-midi. Mâ a expliqué avec un rire léger : « C'est bien pour cela qu'un peu auparavant, j'ai effectué une petite brûlure sur mon corps. Absolument tout est mon corps. »…

    Un jour, Mâ est venue pour des kîrtans chez nous. Elle est restée pour la nuit. J'ai eu une forte poussée de fièvre. Je dormais dans cette même chambre où Mâ étais assise à même le sol. Chez nous, nous n'avions pas l'habitude de donner un âsana pour s'asseoir. Ainsi, Mâ n'était pas assise sur un petit tapis. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'on a établi la règle des âsanas. La femme d'un de mes parents était assise à mon chevet et m'éventait. Mais la nuit était déjà très avancée et elle commençait à somnoler. Mâ, tout en étant assise, voyait tout cela. Après quelques temps,  elle l’a fait se lever. Dans la véranda d'à côté, il y avait de l'eau. Mâ elle-même en a apporté et m'a lavé la tête convenablement. Ensuite elle me l'a essuyée. Que l’eau ait eu un effet rafraîchissant ou non,  mon coeur a fondu en voyant la gentillesse de Mâ. Ensuite, elle s'est assise

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sur le lit et s'est mise à faire aller et venir l'éventail d'une main et à me passer l'autre sur le corps.

Quelques jours auparavant, Mâ avait dit : « Personne ne doit me toucher ». Cette nouvelle instruction m'a blessée profondément, car j'étais toujours très collée à Mâ. Un jour, je lui ai dit dans un état de grande souffrance : « Nous garder loin de cette manière est très douloureux. J'ai envie de tomber malade pour que tu me passes les mains sur le corps, et ainsi je pourrais te toucher ! » Je ne savais pas ce que je disais ! Ainsi, aujourd'hui elle me l'a rappelé : « Maintenant que je te passe les mains sur le corps, est-ce que tu trouves cela bon ? » À ce moment-là, je souffrais beaucoup de la fièvre, cependant combien cette grâce de Mâ ne m'a-t-elle pas réjouie ! Avec une pointe d'humour je lui ai dit : « Cela me donne beaucoup de soulagement et de joie ! » Ayant dit cela, j'ai touché le pied de Mâ. A l'aube, Mâ a quitté mon chevet, s'est enveloppée dans un pagne et s'est allongée. C'était là son habitude pour dormir. C'était sur le sol même qu'elle se trouvait la plupart du temps. Que ce soit l'hiver ou l'été, elle ne voyait ni l’eau ni la saleté, elle s’installait pour dormir à l'endroit même où elle se trouvait. (p.101)

 

Traduit du hindi par Vigyânânand, extraits de Pannâlâl

Mâ Anandamayî

Shri Shri Mâ Anandamayî Sangha, Kankhal, Hardwar, Inde

1999

 

 

 

 

 

 

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Mâ Anandamayî Prasang

                      Par Amulya Kumar Datta Gupta

 

      Nous continuons ces souvenirs du Prof AK Dutta Gupta. Il avait des fonctions de haute responsabilité dans l'enseignement et c'est un de ceux qui a le mieux recueilli les paroles de Mâ, avec l'ambiance et les anecdotes qui les entouraient. Le terme prasang vient de sang qui signifie ' compagnie' et de pra qui veut dire 'vers l'avant' (de même que prayag veut dire jonction comme dans 'yoga', et pra vers l'avant, donc confluence de deux rivières). Le choix de ce terme qui est moins courant que satsang implique une nuance de la part de l'auteur, c'est-à-dire que la compagnie de Mâ nous fait progresser, aller de l'avant, qu'elle nous mène au fond à une confluence avec Elle. Rappelons aussi que la rencontre des deux courants d'énergie au niveau du troisième oeil est régulièrement comparée à une confluence, idée que rend d'une certaine manière le terme prasang. Dans le même sens, ce n'est pas par hasard que ce troisième oeil est appelé aussi guruchakra,  c'est l'endroit où nous confluons avec la lumière du gourou.

 

Le 29 mai 1941, à l'ashram de Raïpur près de Dehradun.

 

   À huit heures du matin, Mâ est venue s'asseoir dans le hall. Nous avons déjà mentionné que nous nous étions arrangés pour dormir dans le même hall et que notre literie restait là, étendue aussi pendant la journée. Elle se résumait en fait à une petite natte et une couverture pour chacun, sur laquelle il y avait un drap de lit épais de couleur, qui avait d'habitude l'air bien sale à cause de la poussière, etc. L'attention de Shrî Mâ est tombée aujourd'hui sur cette literie. Elle nous a demandé : « Est-ce que vous avez l'habitude de dormir sur des lits si simples, ou alors

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essayez-vous de vous ajuster à toutes les situations possibles par le fait d’être venus ici ? »

   Jiten Babou répliqua : «Manmohan Babou m'a dit que quand il dort chez lui il a besoin de six oreillers, mais qu’ici il se débrouille simplement avec un ! Nous vivons chez nous d'une façon différente, parce que là-bas, nous sommes des monarques. Je suis le monarque chez moi. Amulya Babou est aussi un monarque dans sa propre maison. Là-bas, personne n'est plus élevé que nous. Ainsi, tout dépend de notre position,  ici, nous sommes des êtres insignifiants. C'est pour cela aussi que nos lits sont dans le même état. » Tout le monde se mit à rire.

    Mâ répliqua avec humour : « Etre le monarque de sa propre maison signifie être le gouverneur simplement d'une zone  limitée. Vous êtes en fait le monarque de toutes les régions et aussi de toutes les situations. De plus, vous devez remarquer que si chez vous, vos enfants sont malades, vous ne serez pas capables d'avoir un seul instant de sommeil même en reposant sur un lit moelleux. C'est alors que vous vous mettrez à penser que même si vous aviez à prendre votre repos sur le sol pour que les enfants aillent bien, vous seriez préparés à le faire bien volontiers. Ainsi, vous voyez que vous êtes simplement les « monarques des besoins ». S'il y a un sommeil sain qui survient, on n'a pas besoin de lit. Tandis que si vous êtes dans un état mental pitoyable, même de bons lits nouveaux ne vous donneront aucun confort. La nature des choses du monde est ainsi, quand vous avez un fort désir de confort, l'inconfort vient aussi. Ainsi, on doit essayer d'être le « monarque, dans toutes les conditions - à la fois dans le confort et l'inconfort. »

« C'est pour cela que je vous dis ce que je dis aux autres aussi. Mettez à part pour Lui au moins un jour par semaine, où toutes les deux semaines, ou même par mois. Ce jour-là, vous devez rester dans une chambre, ne pas avoir de conversations inutiles,

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passer la journée entière dans la méditation, le japa ou la lecture des Ecritures etc. Vous devez garder à part l'âsana ou le lit sur lequel vous passerez cette journée. Si vous suivez cette manière de faire, vous en retirerez de grands bénéfices.

Moi-même – N’y aura-t-il aucun avantage réel à cela ?

Mâ - (En se tournant vers Jitenbabou) Est-ce que toi tu dis cela aussi ?

Jitenbabou - (En souriant) Non, je ne veux pas dire ainsi, parce qu'Amulyababou a pris de gros risques à dire cela ! »

Mâ -- (A Manmohan) Baba, que dis-tu ? Est-ce que tu dis toi aussi qu'il n'y a pas d'avantages à en faire ainsi ?

Manmohan : Je ne dis pas cela. Il peut y avoir des bénéfices à faire ainsi, comme il peut ne pas y en avoir.

Mâ- (Avec un sourire) : Tu veux en même temps faire plaisir à Amulya et à moi ! (Tout le monde se met à rire). (En se tournant vers moi) Tu ne peux pas dire qu'on ne réussit rien. Si tu dis ainsi, il serait impossible de faire étudier des enfants qui n'en ont pas envie. C'est à cause de cela que lorsque des enfants s'échappent une ou deux fois de leurs livres pendant l'étude, on les y ramène en les rabrouant et même en les battant. Après toute cette discipline, vous découvrez qu'après avoir étudié même contre leur gré, ils deviendront des savants ou des spécialistes.

Moi-même : Mâ, ce n'est pas la première fois que nous entendons ces conseils sur le samyam (la discipline complètement rassemblée et concentrée). Je les ai entendus auparavant et j'ai aussi essayé de les mettre en pratique. Mais il n'y a pas eu de résultats. D'autre part, il s'est avéré que toutes sortes de problèmes se sont intensifiés en ce jour particulier de samyam. Il n'y a pas d'expérience et de sentiments spirituels qui soient apparus. Au vu de tout cela, il me vient à l'esprit qu'il n'y a pas besoin de tout ce travail. Quand le moment viendra, tout surviendra automatiquement.

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Mâ : Je dirais que tu n'as rien fait concrètement de ton voeu de samyam. En effet, ton attention a toujours été dirigée vers le fruit. Si tu désires un résultat immédiat, qui te tombe dans la main comme cela, on peut considérer qu'effectuer un travail particulier, ou non, revient presque à la même chose. Tu ne veux pas te mettre en peine pour des sujets spirituels, mais tu ne recules jamais quand tu essaies d'obtenir une bonne réputation ou une reconnaissance sociale.

Moi-même : Dans ces domaines non plus, je ne fais pas grand-chose !

Mâ : Cela non plus ne traduit pas un état élevé. Il n'y a pas d'efforts - pas d'enthousiasme vers quoi que ce soit, c'est de l'inertie! Est-ce qu'il est bon de rester dans un tel état d'inertie ? Ce que l'on effectue pour le progrès spirituel doit être effectué avec un sens de ce qui est juste à faire. On ne doit pas penser à propos du résultat. Mais tiens pour sûr qu'il y aura certainement un résultat   si un travail réel est effectué. En ajoutant même un centime après un autre, on arrivera à une roupie. Chaque action a son résultat. Pourquoi se limiter d'ailleurs au domaine de l'action ? Dans le domaine des sens aussi, voir quelque chose, toucher quelque chose -- tout a une influence qui lui est propre. C'est à cause de tout ceci que ressort la question du satsang et de la bonne influence d'un endroit particulier. C'est à cause de cela aussi qu'un sâdhaka ne permet pas que son âsana, ses vêtements ou son lit etc. soient touchés par qui que ce soit. Les qualités de ce que nous mangeons et de ce que nous pensons nous pénètrent, et ces choses nous transforment également.

   Nous avons dit aussi auparavant que ce qu'on voit dans ce monde, si nous le faisons du seul point de vue du bonheur et de la peine, ne fera qu'augmenter le sens de servitude en nous. Si, en percevant les arbres, les montagnes, les fleurs etc. nous pensons : « Oh, comme tout cela est beau ! », les qualités de ces objets nous pénétreront et conséquemment, de plus en plus de

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sentiments nouveaux seront engendrés en nous. Mais, tout en percevant ces objets, si nous sommes capables de les accepter comme des formes différentes du divin, si nous sommes capables de considérer que le divin lui-même réside dans la forme de ces belles fleurs ou de ces beaux fruits, etc., c'est alors seulement que nous développerons des pensées pures.  Ainsi, on ne doit rien voir ni faire avec une envie profonde pour les plaisirs du monde. Tant que vous n'êtes pas à l'abri des sentiments qui sont engendrés par de tels désirs, on ne peut pas même parler de salut. Bien sûr, par la grâce de Dieu, la racine de tous les désirs peut être détruite en un seul instant. Néanmoins, il s'agit d'un sujet différent. On doit plutôt avancer sur le chemin du développement progressif. De ce point de vue, il faut entretenir des sentiments purs à travers la répétition du Nom, le japa, et la méditation en fonction de son niveau.

    On ne doit pas se décourager en voyant qu'il n'y a pas de résultats rapides alors qu'on s'évertue à faire certains efforts sur ce chemin. Les samskâras, les empreintes du passé accumulées à travers de nombreuses vies ont créé à l'intérieur des masses de déchets. Tant qu'ils ne sont pas dégagés complètement, il n'y a pas d'espoir pour développer des sentiments divins. Cependant, on voit que même après un effort de quelques jours, certains peuvent réaliser quelque chose. On doit considérer dans ce cas que de telles personnes sont nées avec de bons samskâras. Ainsi, leur progrès peut se déployer facilement. Si l'on continue à travailler, on obtiendra très certainement des résultats - on doit oeuvrer dans cet état d'esprit. Si l'on n'a pas de gourou, il n'y a pas de mal, car le gourou est déjà présent en tous. Si l'on continue à travailler, c'est Lui-même qui va venir Se manifester. Mais si l'on parle du point de vue général, c'est mieux de faire effort sous la protection d'un gourou. »

 

Extraits d’Amrita Varta,   juillet 2008, .p.3-5

 

 

 

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La Saturée de joie

    Extraits de Jean-Claude Marol (Editions Dervy)

 

 

 

 

Parfois, la parole de Mâ peut être appréhendée (quoi que !) :

 

Soyez-en sûrs, où que vous soyez, de là peut surgir l'éveil ! Ne vous fixez pas sur l'idée que vous êtes dans le péché, ou empêtrés dans l'imposture et qu'il n'y a plus d'issue pour vous. À chaque instant, en toutes circonstances, tenez-vous prêts à prendre la direction de l'Ultime. Qui sait à quel moment vos dons, votre serviabilité, vos gestes de respect, refléteront enfin votre entière consécration à l’Un. Cela survient.

 

À la fin elle nous dit même :

 

De toutes vos forces, ayez l'imagination de balayer toutes vos représentations. Au-delà de la représentation, est la révélation de Cela que vous êtes vraiment.

 

Mâ ne fait pas que nous ramener à l'essentiel; elle s'intéresse aussi à la vie, dans ses aspects les plus quotidiens. L'essentiel pour elle, semble également être là aussi, intégralement. Ses proches savaient comment aucun « détail » ne lui échappait. Selon le témoignage de l'ami Pushparâj dont nous avons déjà parlé, une fois, elle visitait la chambrée des enfants (censée être nette) dans un ashram, elle alla droit à une natte où avait été cachée toute la poussière ! Elle donne son avis sur la façon de

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gérer un ashram ou de célébrer une poujâ. Elle donne la même attention à la cuisine, la décoration, le nettoyage, l'aide à un malade, l'accueil d'hôtes, etc. ; rien ne lui est étranger. Elle veille à tout !

 

Brandons

 

Le rapport au langage de Mâ Anandamayî est surprenant, qu'il soit d'une redoutable simplicité, ou parfois incantatoire. Gardons de notre côté notre indépendance d'esprit. Il ne faudrait pas épingler les mots de Mâ comme des papillons. Une Upanishad tardive (Amritânananda Upanishad) conseille :

 

Lis, étudie les Ecritures, mais une fois que la lumière s'est faite en toi, laisse-les tomber, comme le brandon qui t'a servi à allumer le feu !

 

Nous pourrions appliquer cette remarque à la fréquentation que nous avons des mots de Mâ ; mais attention tout de même... Les mots de Mâ Anandamayî, prenons-en soin, se sont en effet des brandons. Ils peuvent mettre le feu là où on ne s'y attend pas !

... Quand j'étais auprès de Mâ, par méconnaissance du bengali, sauf à certaines occasions où j'avais l'assistance d'un traducteur, j'étais dispensé des mots. Je pouvais me délecter de la présence de Mâ, sans discours, et rester devant elle, comme devant un paysage. C'est peut-être dans cet élan que durant plusieurs années, j'ai pratiqué le dessin d'humour « sans paroles ». De la part de Mâ Anandamayî, je recevais plutôt des fleurs, des fruits, des plats d'une cuisine délicieuse... Des regards. Mâ a signalé une fois :

 

Si l'initiation est transfert de pouvoir, le mantra n'est pas son seul support. Des fleurs, des fruits, des gâteaux, peuvent aussi

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servir à cela !

 

À cette période de ma vie, j'ai surtout reçu des gâteaux ! Des rêves aussi où elle s'expliquait très clairement ; mais là c'est une autre histoire : la mienne.

 

Ce n'est pas nécessaire de comprendre les paroles des personnes qui m'environnent, leurs pensées captent mon attention et leur langage émerge directement en moi.

 

J'en ai fait l'expérience. À d'autres moments tout de même, j'ai eu droit aux mots et à certaines informations pratiques données dans un langage courant. Un shastri (grand connaisseur des écritures) fameux de Bénarès, avait été dépêché par Mâ pour m'instruire un peu !

Aujourd'hui, nous n'entendons pas les mots prononcés par Mâ elle-même. Nous les approchons de notre mieux par des transpositions écrites, des traductions. Mais je crois que Mâ veille sur cette passation. La force des Évangiles a survécu aux multiples traductions. Il y a une saveur qui transcende toutes les caractéristiques culturelles, les singularités de langage, qui nous parvient d'elle, « directement ».

 

Ma Anandamayî, parfois tendre, parfois vertigineuse, s'adresse à nous, en même temps qu'elle s'adresse à tel visiteur ou telle visiteuse. Elle nous donne aussi quelques conseils pratiques. Par exemple :

 

Si vous faites se balancer un seau, l'eau s'agite. Posez-le, l'eau se repose. Essayez de poser votre corps. Si vous restez longtemps immobiles, avec une réelle détermination, votre mental finira par se calmer. L'agitation est dans sa nature, mais aussi la stabilité. Restez assis longtemps à répéter un des

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noms de Dieu. Le mental gambadera ici ou là, mais ne relâchez pas votre effort. Si le mental refuse de céder, pourquoi céderiez-vous?

 

Elle précise d'autres fois :

 

Quand votre mental s'égare, ramenez-le et enlacez-le au rite de votre respiration...

Le mental par nature accueille le multiple. Concentrez cette disponibilité sur un aspect unique, avec ou sans forme. Quand l'accueil est entier, vous ne vacillez plus entre plutôt ceci, plutôt cela... Cet aspect unique exclut toute dualité. Vous êtes unifiés. Le mental sait alors gérer le multiple.

 

Les remarques de Mâ sont toujours vigoureuses, simples :

 

Les vieilles feuilles tombées aux pieds de l'arbre fournissent un excellent engrais. Rien n'est en vain, sachez-le !

 

L'humour est souvent au rendez-vous. Elle pensait à notre goût pour l'introspection et à notre  manière de tout divulguer de notre vie, en indiquant :

 

Une graine ne germera pas si l'on passe son temps à la déterrer pour l'observer !

 

Sachons entendre son langage direct. Elle est prête aussi à tous les détours pour que nous la sentions proche. Elle nous connaît ! Elle dit :

 

Personne, à aucun moment, n'a été inconnu de moi. Le fait même de dire « n'a été » met un voile sur le véritable état des choses.

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Soyons à l'affût du « babillage « » de la petite fille, des mots tendres de la mère ou des paroles abruptes de celle qui n'est ni ceci, ni cela, et qui bouleverse nos certitudes :

 

Le silence réel s'impose quand la pensée n'a plus nulle part où aller. Mais en réalité, qu'il y ait pensée ou pas, parole ou pas, ne fait aucune différence !

 

Ma se confie sur tous ces modes.

 

Où il n'y a ni forme ni attribut, quel mot utiliser ? Où rien n'est exclu, comment empêcher l'unité? Dans ce rapport au parfait, rien n'est à part de Lui !

 

J'ajoute : rien n'est à part d'Elle. Notre « prochaine » nous dit :

 

Y a-t-il une différence essentielle entre vous et moi-même ? Seulement tant qu'il existe un je et  un vous...

 

Jean-Claude Marol

La Saturée de joie, Anandamayî

Dervy, 2001.p. 168-173

 

 

                                

 

                                  SOLEIL en FEU

 

 

  Ce matin, l'horizon était en feu

Au-dessus des collines bleues.

Une large étole rouge-rosée

Enveloppait leurs larges épaules.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Les pentes des collines étaient voilées

D'une brume épaisse qui s'étirait

En longs bandeaux superposés.

Quel spectacle, quelle fête pour les yeux!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Le mystère, peu à peu, s'estompait

Tandis que les rayons incandescents,

Doucement, disparaissaient...Quel lever

De soleil! Que de beauté, Ô Créateur!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Devant tant de merveilles, l'idée

De la fin, soudain, s'est imposée.

Qui veut que toute cette beauté

S'en aille à jamais, ô humain?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Même un indifférent n'y songerait pas!

Mais, ne devons-nous pas déceler

Ce qui est derrière tout cela?

Cherchons le sens pour voir au-delà...

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Au-delà de quoi? De tous les phénomènes,

De tous les concepts, de toutes nos idées fausses

Et nos conditionnements, de toutes nos habitudes,

Préjugés et croyances aveugles aussi...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

A quoi sert donc tant de beauté?

Notre mental est-il illimité?

Peut-il sentir ce qui le dépasse?

Certes, il reconnaît cet au-delà de sa compréhension.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La beauté perçue par nos sens,

Echo de la beauté de la Création,

Est un hommage infini à l'Oeuvre

Du Créateur. Soyons humbles et aimants!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Quelle autre attitude pourrions-nous

Avoir face à son Oeuvre si parfaite

Et si généreusement offerte à nous,

Image fidèle de l'Être qui l'a créée?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ainsi, notre gratitude immense ne peut

Que s'épancher, face à cette beauté

Toute puissante de la Création divine,

Ô inspiration de nos coeurs émerveillés!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Sachons, tout naturellement, nous émouvoir

Et remercier notre Créateur aimant

Pour ce si magnifique cadeau,

Donné si simplement à l'homme, sa créature.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

Monique Manfrini, La Cadière d'Azur, le 05/12/2007.

 

 

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Nouvelles

 

-          Swami Chidanananda, le président de la Divine Life Society et le successeur de Swami Shivananda était aussi très proche de Mâ. Comme celle-ci, il a quitté son corps à Dehradun, le 28 août, c'est-à-dire 26 ans et une journée après celle-ci. Avant qu'il ne soit très malade du cœur, c'était le cas depuis plusieurs années, il ne voyait plus grand monde, il venait régulièrement participer aux cérémonies de l'anniversaire de Mâ et de la Samyam Sapta à Kankhal, ainsi qu'aux célébrations annuelles du Kanyâpîth, l'école de filles de l'ashram de Mâ à Varanasi. Beaucoup d'occidentaux le rencontraient également durant le mois de février à l’Anandashram de Swami Ramdas au Kérala. C'est actuellement Swami Yogaswarupanand qui est le Vice président de la Divine Life Society, et Swami Vimalananda qui est le Secrétaire général de l'ashram de Rishikesh. Nous souhaitons à tous les membres du mouvement, et en particulier aux nombreux disciples occidentaux de Swamijî, de continuer dans le sillage de lumière de leur maître.

 

-          Pour la première fois à Kankhal, il y a eu une grande retraite d'occidentaux avec un groupe organisé directement par Vigyânânanda, avec l'aide en France de Françoise Estèves, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure qui est enseignante de biologie en collège à Lyon. Elle était venue de Lyon en février 2007 avec l’école de yoga de Robert Dumel, avait été très touchée par Swami Vijayânanda et voulait venir le revoir quand

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elle le pouvait, c'est-à-dire en période de vacances scolaires. C'est donc ce qui s'est réalisé, il y a eu en tout 32 Françaises et Français à loger à l'ashram à côté de celui de Mâ Anandamayî. Après un programme de méditation avec Vigyânânanda pendant la journée, il y avait la rencontre de Swami Vijayânanda pendant environ 2 h 30 tous les soirs. Celui-ci a bien tenu le coup, devant des questions qui arrivaient de toutes les directions et sur tous les sujets. Quand je lui avais demandé auparavant si cela ne le fatiguerait pas d'avoir un si grand groupe pendant 10 jours complets, il m'a répondu : « Les gens ne me fatiguent pas ! ». Des membres du groupe qui le découvraient pour la première fois se sont exclamés : « Mais c'est un jeune homme de 93 ans ! »

-          Il y aura de nouveau deux retraites pour les occidentaux à l'ashram de Kankhal organisés sur le modèle de celle d’août, mais elles ne dureront que cinq jours pour celle du 1er au 5 décembre et quatre jours pour celle du 29 décembre au soir au 3 janvier au matin. Elles auront lieu dans le cadre de deux voyages-découvertes du Rajasthan centrés sur l'art et la spiritualité jaïns (du 20 novembre au 8 décembre et du 19 décembre au 5 janvier) mais des participants indépendants seront aussi les bienvenus. Renseignements et inscriptions auprès de  (Mahâjyoti), koevoetsg@wanadoo.fr  

-          On peut retrouver des extraits du documentaire des cousins Maréchaux sur Vijayânanda sur le site de YouTube. J'ai appris cela par un courriel d’une jeune visiteuse de l'ashram à Kankhal très engagée dans la voie spirituelle de l'Inde, qui est avocate à Buenos Aires et qui l’a montré à sa mère qui réside en Patagonie, c'est-à-dire la région au-dessus de la Terre de Feu à la

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pointe de l'Amérique latine. Celle-ci a bien apprécié ce darshan imprévu...Voilà un bon effet de la globalisation!

 

 

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous n’avons pas encore procédé au renouvellement général des abonnements qui aura lieu en mars 2009, pour deux ans. Cependant, pour ceux qui ne sont pas déjà abonnés et qui voudraient le faire en route, ils peuvent s’en acquitter dès maintenant pour 10 numéros, sur ‘papier’, jusqu’en mars 2011 en envoyant un chèque de 20 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

Tel : 0490121983

Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

   Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par ‘courriel’. Envoyer en ce cas 10 € pour 10 numéros jusqu’en mars 2011 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement effectué – koevoetsg@wanadoo.fr, afin qu’elle vous mette sur les listes. C’est elle qui se chargera bénévolement de vous l’envoyer par ‘email’, tout en l’illustrant d’une belle photo de Mâ comme pour l'édition sur ‘papier’. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause de problèmes

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postaux à partir d'Inde. Dans les deux cas, ceux qui s'inscrivent maintenant n'auront pas à tenir compte de la demande de renouvellement  général d'abonnement au printemps prochain. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès, avec les versions anglaise, hindi et bengali.

Table des matières

Paroles de Mâ                                      p.1

Souvenirs de Pannâlâl             p.2                              

Anandamayî Prasang

Par Amulya K Datta Gupta                p.11

La saturée de joie- Anandamayî

Par Jean-Claude Marol                      p.16

Soleil en feu  Monique Manfrini        p.20

Nouvelles                                             p.26

Renouvellement des abonnements     p.28

Table des matières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Ma n° 91   -      Hiver 2008-2009

 

Paroles de Ma

 

En s’engageant dans le service, le coeur et l’esprit sont purifiés, soyez-en convaincus ! Aller dans ce sens revient à une sâdhanâ très puissante, ne soyez pas impatients. Servez plutôt ceux qui vous entourent avec le plus grand calme et ayez un mot gentil pour chacun. A chaque fois que vous faites ou dites quelque chose qui est erroné, demandez-en pardon et faites de votre mieux pour ne pas recommencer cette erreur à l’avenir ! Même si les autres sont injustes à votre égard, vous ne devez ni faire ni dire quoi que ce soit d’inconvenant. Les occupations et activités du monde sont obligées de causer des soucis, il ne peut en aller autrement. La seule manière d’y faire face est par de l’endurance, de l’endurance et encore de l’endurance. Celui qui peut endurer finit par gagner. On doit passer sous les vagues de la mer et refaire surface. Les talents et le travail que Dieu vous a confiés sont destinés à son service et pour rien d’autre − gardez ceci présent à l’esprit !

 

L’être humain doit se comporter comme un héro ! Pendant les périodes de malheur il doit se comporter avec courage, persévérance et patience. Jamais le temps ne se suspend. Le suicide est le péché le plus détestable. A qui appartient le corps que vous parlez de détruire ? Est-ce la façon dont un être humain parle ? Quelle honte !

 

La force de caractère est le plus grand pouvoir de l’être humain. S’il l’utilise dans ses rapports au monde, il sera de fait victorieux dans la plupart des domaines.

 

Vous êtes venus à cette voie pour obtenir la victoire sur ce monde. Il n’y a rien que le Brahman unique et sans second  − un Atma − voilà votre voie. N’entretenez pas de reproches entre vous, de colère, de disputes, de sentiments d’amertume. Par une attitude affectueuse se développe la qualité morale. Si votre mental est perturbé par ce que dit quelqu’un, avalez-le comme du poison [une allusion à Shiva qui a bu le poison qui sortait de la mer de lait primordiale et n’en a pas été atteint]. Vous êtes tous bons, bons, bons. En étant bons, illuminez le monde.

 

Q : En supportant la souffrance, rencontrerons-nous Dieu ?

Mâ : Il ne s’agit pas à proprement parler de rencontrer Dieu : ce qui vient, supportez-le, c’est le don de Dieu, c’est dans cette mesure et sous cette forme que Dieu vient, à cause de cela supportez ce qui  arrive, voilà la chose à comprendre.

 

Dites-moi, quels sont ces défauts dont vous parlez ? Ce défaut que vous pouvez saisir par vous-même déjà ne l’est plus, il a commencé à être purifié. N’est-ce pas vrai ? Ce défaut que vous avez identifié a déjà commencé à être purifié.

 

                           Satsang avec Vijayânanda

 

Vijayânanda : Le jeu divin inclut le bien et le mal

Question : Est-ce que Mâ avait des traces de mal en elle ?

V : Elle pouvait le jouer momentanément en miroir de l’entourage.

Q : Est-ce que Dieu fait sa lîlâ, joue au bien ou au mal  à l’intérieur du sage ?

V (en riant) : C’est plutôt le sage qui joue avec Dieu !

 − Le suicide peut-il être parfois licite ?

− Certains jaïns âgés pensent qu’on ne peut vivre incarné sans violence envers les autres, et donc préfèrent laisser aller le corps en cessant de manger et s’éteindre ainsi. Pour eux, c’est une forme suprême de non-violence.

 − Est-ce qu’un grand appétit pour la nourriture est un obstacle pour la sâdhanâ ?

− Une fois, j’ai mangé du dalda, de l’huile végétale qui devait être adultérée. Cela m’a détraqué complètement le foie, et depuis ce jour, je ne digère plus bien et je n’ai plus eu d’appétit. Je mange parce que je sais que je dois le faire, comme pour remettre de l’essence dans la voiture, c’est tout. En fait, je considère ce problème physique comme une grâce de Mâ, car si un sâdhaka a un fort appétit, la plus grande partie de son énergie mentale sera attirée par la nourriture et ce sera un obstacle à sa pratique.

 [A propos d’un de ses petits-neveux qui vient de se faire opérer à San Francisco d’une récidive de cancer du cerveau]

V : Je crois que la médecine fait fausse route, depuis un siècle, elle ne réussit guère à guérir le cancer. On pourrait prendre comme nouvelle hypothèse de travail ce que soutenait Mâ : elle voyait les maladies comme des entités vivantes qui entraient et sortaient du corps. En particulier le cancer peut être considéré comme un être vivant parasite qui se nourrit des forces vives du corps. Certes, cela semble revenir à des concepts médiévaux de possession, mais le Moyen-âge avait du bon. La question de la thérapie consisterait alors à savoir comment expulser ces entités du corps.

 − Comment se rendre compte si un sage est authentique ?

  Ce n’est pas si facile. Les Indiens s’y retrouvent assez bien, ils ont leurs critères. Ramakrishna donnait par exemple comme signe la présence de kamini-kanchanam, les femmes et l’argent. Si un enseignant y est attaché, il y a des risques qu’il ne soit pas authentique. Cependant, il ne faut pas faire de cela non plus un critère absolu.

 Une personne : hier, vous aviez l’air de bien aimer la dame italienne qui traduisait pour le groupe !

V (en riant) : J’aime bien tout le monde ! Simplement, je réponds au bhava, à l’attitude intérieure des gens, si je sens qu’ils recherchent un contact fort avec moi, je l’établis.

 − Est-ce difficile de changer de voie spirituelle ?

− Changer de voie spirituelle est non seulement difficile, mais dangereux. C’est comme vouloir changer de route en plein milieu de l’ascension d’une montagne, on risque de tomber dans des précipices imprévus. Une fois qu’on est au sommet, c’est différent, on voit clairement toutes les voies qui y mènent.

 − Quel est le plus grand renoncement ?

Renoncer au renoncement !

− Et le plus petit ?

[Après un moment de réflexion] Un moine m’a confié : « J’ai renoncé à tout, sauf à mon repas quotidien…

 

 − Je vis à peu près correctement en profitant de certains petits plaisirs, mais sans être obsédé par la Réalisation. Est-ce correct ?

  Les plaisirs auront automatiquement leur contrepartie de douleur. C’est la loi de la dualité. Seule l’expérience du Divin peut faire aller au-delà. Cependant, les sages aussi vivent tranquillement en appréciant les petits plaisirs simples, mais la différence, c’est qu’ils n’y ont pas d’attachement du tout.

 − Donner la vie à un enfant, n’est-ce pas un acte divin ?

− Certainement, c’est le Divin qui fait se développer l’œuf en embryon, puis en nouveau-né. Cependant, la naissance créera nécessairement un lien. Certaines mères affirment qu’elles pourront se détacher complètement de leur enfant une fois qu’il sera adulte et indépendant, mais c’est une conviction plutôt théorique. Il y a, certes, en Inde par exemple des cas de sannyasinîs qui ont complètement coupé les liens avec leur descendance, mais ils sont plutôt rares. Ceci dit, la maternité est une expérience à avoir, un stade à passer pour la plupart des femmes, il est bien connu que le brahmanisme parle à ce sujet des quatre stades de la vie.

 

− A une jeune femme de trente ans qui travaille maintenant comme diplomate à l’Ambassade de France à Delhi, et à laquelle Vijayânanda avait prédit, alors qu’elle n’était qu’étudiante de Sciences-Po il y a six ou sept ans, qu’elle deviendrait ambassadrice de France en Inde :

− Si vous avez une telle attirance depuis l’enfance pour l’Inde, c’est sans doute que vous avez été hindoue dans une vie antérieure. Comme il semble bien que je l’ai été aussi, il est possible que nous ayons été ensemble.

 

  Swami Nirgunânanda, quand il était brahmachari à Kankhal, se réveillait plusieurs fois la nuit pour voir si l’akhandajyoti,  la flamme perpétuelle dont il avait la charge dans le petit temple à l’entrée de la cour du samâdhi de Mâ, ne s’éteignait pas. N’était-ce pas un zèle excessif ?

− Cette flamme qui a été installée à Kankhal existe aussi à Bénarès et dans un troisième ashram de Mâ. Elle date de 1926 à Dhaka lorsque Mâ a réanimé par son pouvoir magique le feu d’un yajna que le pûjari avait laissé s’éteindre par inattention. Elle symbolise la continuité de la tradition. C’est un grand péché d’interrompre ou de laisser se perdre cette tradition. La loi des civilisations et des empires, c’est de rentrer en décadence et de disparaître après leur apogée. Cependant, si la civilisation de l’Inde a une telle permanence, c’est qu’elle n’est pas basée sur la force politique, mais  sur la stabilité religieuse. Il y a eu toutes sortes d’empires en Inde, y compris les musulmans qui s’activaient régulièrement à détruire l’hindouisme et les Anglais, mais le brahmanisme a continué en restant concentré sur la transmission de sa tradition.

 − Qu’y a-t-il d’étonnant dans le psychisme humain ?

− C’est que chacun croit qu’il est quelqu’un d’exceptionnel, alors que ce n’est pas vraiment le cas …

 − Si quelqu’un se plaint d’avoir un éveil de la kundalinî, que faut-il lui dire ?

Il faut qu’il le bloque, cela est très dangereux, car cela met en avant toutes ses qualités négatives s’il n’a pas préalablement un très bon contrôle du mental. Il faut que cette personne cherche l’aide d’un grand sage qui ait vraiment l’expérience de ces choses –là. Cependant, beaucoup de gens croient avoir un éveil de la kundalinî alors qu’ils fabulent simplement à ce sujet, en interprétant un petit chatouillis dans le dos comme un grand éveil.

Ce n’est pas facile de trouver un grand sage en Occident.

Si on a la réceptivité et l’intensité du désir d’en trouver un, il viendra.  En fait, il n’y a qu’un seul gourou, c’est le Divin, et il vous envoie celui ou celle dont vous avez besoin. On dit que le vrai gourou cherche le disciple encore beaucoup plus que les disciples ne cherchent le gourou.

− Que voulez-vous dire par ‘bloquer l’éveil de la kundalinî’ ?

− Y être indifférent, ne pas du tout s’intéresser à ces phénomènes-là. Mâ ne parlait pas de kundalinî, mais de Bhagavan kî shaktî, l’énergie de Dieu. En effet, kundalinî est un terme tantrique, et les gens ont vite fait de l’associer aux pratiques de la main gauche.

 

On dit guru vakya mantra, la parole du gourou, c’est un mantra. Souvent, j’ai négligé une parole de Mâ en pensant qu’elle était banale et qu’il ne s’agissait que de mots en l’air, mais après je me suis aperçu qu’ils représentaient des poteaux indicateurs à des bifurcations de mon évolution alors que je ne voyais pas clairement dans quelle direction je devais aller.

 

 

Ce soir-là de décembre 2008, il y a autour de Vijayânanda plusieurs personnes qui avaient rencontré et fréquenté Mâ il y a  trente ou quarante ans : Krishnapriya de Suisse, Ram et Parvati, originaires  des Etas-Unis mais installés depuis longtemps à Assise, et Maria Wirth qui était proche d’Atmananda et vit toujours à Dehradun près de Kalyanvan. Ils ont échangé avec Swamiji des souvenirs sur Melitta Maschmann qui a passé beaucoup de temps auprès de Mâ. Elle est toujours vivante, elle a environ 90 ans mais a perdu la mémoire. Râm par exemple a raconté ceci :

 

    « Au début, Melitta était très volontariste et autoritaire, elle avait vu par exemple un vieil homme qui était visiblement très malade sur les bords du Gange à Kankhal. Elle l’a pris énergiquement sur un rickshaw et l’a emmené d’autorité à l’hôpital de la Mission Ramakrishna en demandant avec insistance de le prendre en charge affirmant qu’elle paierait toutes les dépenses. Cependant, en guise de remerciements quand elle est revenue le visiter, le vieillard qui était un brahmane, l’a maudite tant qu’il pouvait : « Mon rêve avait toujours été de pouvoir mourir juste au bord du Gange, et maintenant avec ce fichu hôpital vous l’avez ruiné! » Il semble que la machinerie hospitalière, étant ce qu’elle est en Inde comme ailleurs, on n’ait pas autorisé le vieillard à sortir de l’institution…avant qu’il ne soit mort !

    Assez souvent, Melitta se mettait en colère contre Mâ. Une fois, Krishnapriya était là et elle a entendu qu’elle disait à Mâ : « La nourriture que vous nous donnez à l’ashram, dans mon pays, on ne la jetterait même pas aux chiens ! » Krishnapriya était à son 36e dessous, mais Mâ restait très tranquille et disait très gentiment : « Bon…eh bien…mais alors,  Melitta, tu as des takas (des roupies, de l’argent), tu pourrais t’acheter toi-même de la meilleure nourriture si tu le souhaites… » Une autre fois, Ram raconte qu’elle est venue voir Mâ en lui disant : « Mâ, je vais vous tuer ! ». Vijayânanda témoigne qu’en fait, après ses colères contre Mâ, elle se trouvait comme en un état second, c’était en fait un samâdhi que lui avait donné Mâ elle-même. Ce que souhaitait celle-ci, c’était l’intensité, à ce moment-là elle pouvait faire quelque chose avec la personne.

 

Nous parlons en groupe de fidèles anciens de Mâ, Amla et Rajat, qui ont invité Vijayânanda pour bénir aujourd’hui la pierre de fondation de leur maison. Celui-ci explique qu’en Inde, on est très conscient de l’impondérable fondamental de la vie, et qu’il faut penser à prier Dieu par des pujas par exemple, pour faire rentrer en compte ce facteur et obtenir une protection. Dans la tradition, on fait par exemple trois pujas pour une maison, la première pour rentrer dans le terrain, bhumi-pravesh, la seconde pour la pose de la pierre de fondation, shila-nyas, la troisième pour l’entrée dans la maison une fois construite, griha-pravesh. Swamiji nous a raconté à ce propos l’histoire hassidique suivante :

«  Le Baal-shem-tov, le grand saint hassidique de la Pologne du XVIIIe siècle, n’était pas contre boire du vin. Simplement, il fallait que celui-ci soit préparé selon toutes les règles de pureté casher,  qu’il ne soit pas touché ni même vu directement par des non-juifs. Un de ses disciples a donc cultivé le raisin, l’a pressé et l’a fait fermenter selon toutes les règles. Il était en train de décharger le tonneau devant la maison de son maître, tout content du cadeau précieux et pur qu’il allait lui offrir, quand un policier survint. Il avait pour instructions de contrôler qu’il n’y ait pas d’alcool distribué, le vin étant quant à lui autorisé. Cependant, comment savoir ce qu’il y avait réellement dans le tonneau, comme croire son propriétaire ? Il fallait qu’il vérifie par lui-même en goûtant, c’est ce qu’il fit malgré les supplications de notre personnage. Tout son patient travail fut ainsi gâché en une seconde. Il est venu ensuite, éploré, auprès du Baal-shem-tov. Celui-ci lui a dit : «  Tu as tout fait selon les règles, mais il y a une chose que tu as oubliée ! » « Laquelle ? » « De demander la bénédiction de Dieu ! » Dans toutes les entreprises mêmes les mieux calculées, il y a l’impondérable, et pour s’en protéger il est bon de demander l’aide du Pouvoir d’En-haut !

 

 

 

« L'absence de pensée,  voilà la méditation suprême ! »

Paroles de Mâ commentées par Swami Nirgunânanda

 

     Cette parole correspond à la définition de dhyâna, la méditation, donnée par Mâ en réponse à une question. Essayons de comprendre ce qu'elle voulait dire par cette réflexion.

     Nous savons que la Réalité ultime est au-delà du domaine de l'intelligence, quelle est non-pensable. Le paradoxe c'est que, malgré le fait que nous connaissions cette vérité, nous essayons encore de faire revenir la Réalité ultime dans le domaine du concevable. Bien sûr, nous n'avons pas non plus d'autres possibilités. Dans un certain contexte, les Ecritures (Upanishads) disent que la Réalité ultime est inatteignable, que ce soit par l'intelligence ou par le fait d'entendre de façon répétée les enseignements. Pourtant, ces mêmes Ecritures disent que cette réalité est shrotavya, ‘ qu'elle doit être entendue’, mantavya, ‘ qu'on doit réfléchir dessus’, nidhidhyâsitavya, ‘ qu'on doit la contempler’. En tant que telles, ces deux assertions peuvent sembler contradictoires. Le but profond des Ecritures est en fait de nous inspirer le sens de la pratique spirituelle. D'abord, nous devons parvenir à une compréhension intellectuelle, et celle-ci  à son tour peut être expérimentée à travers la sâdhanâ. Pour entendre, nous avons besoin des organes des sens, pour réfléchir nous avons besoin du mental et pour contempler nous avons besoin de l'intelligence. La fluctuation de l'être intérieur entre l'affirmation et son contraire, la croyance en une possibilité donnée et les autres possibilités, les autres alternatives, entre sankalpa et vikalpa, voilà ce qui s'appelle le mental. Quand l’être intérieur s'affirme, c'est ce qu'on appelle l'intelligence (buddhi). Nous avons besoin de cette intelligence pour penser. Le fait de penser, c'est de considérer à nouveau les vrittis, c’est-à-dire les états mentaux provenant du conditionnement, les traces mnésiques. Ces vrittis sont la réapparition d'une image réfléchie des objets, elle-même provenant des organes des sens, sur la toile de fond de la conscience immédiate des objets. Celle-ci est stockée en nous sous forme de mémoire. Penser, c'est toujours penser à un objet. Celui-ci peut être grossier ou subtil. Quand il n'y a pas d'objets, il n'y a pas de pensée.

 

La définition scripturaire de dhyâna est dhyânah nrvishayah manah, cad dhyâna représente l'état du mental quand il n'y a pas d'objet. Cependant, nous savons que le mental n'existe que quand il y a objet. Il rentre dans l'oubli quand il n'y a plus d'objet, comme cela est le cas dans le sommeil.

Nous devons garder présent à l'esprit que dans l’Ashtanga  (le Yoga à huit membres de Patanjali), dhyâna correspond à l'avant-dernier stade. L'étape suivante, c'est la consommation totale qui a pour nom samâdhi. Le sujet et l'objet se fondent en une unité dans cet état. Ce que nous comprenons par le mot dhyâna est un processus, qui peut interagir avec un objet, que celui-ci ait une forme ou non. Nous trouvons ici que la définition de dhyâna selon les Ecritures et celle de Mâ ne vont pas bien ensemble d’après notre entendement. D’habitude un aspirant considère dhyâna comme un processus et choisit un objet qui lui convient facilement pour se concentrer dessus. Cet objet peut, soit être l’impression mnémonique d’objets matériels avec lesquels il a interagit dans  le passé, ou alors une forme subtile. Dans les deux cas, il s‘agit d’une contemplation centrée sur l’objet, dans laquelle le mental est utilisé comme un instrument.

     Une fois, Mâ a demandé à l'auteur de ces lignes s'il pratiquait ou non dhyâna. Il a répondu qu'à chaque fois qu'il essayait, son mental errait sur des objets variés ou sur les impressions des objets stockés dans la mémoire. Mâ a répondu : «Dhyâna, la méditation, ne peut être faite, elle survient ! » Cela signifie que dhyâna n'est pas un processus, mais le résultat d’un processus.

Swami Nirgunânanda, Dhaulchina,

 Le 3 novembre 2008

 

 

Satsang avec Swami Nirgunânanda

Dhaulchina, le 9 septembre 2008

 

 

Swamiji a donné ce satsang à trois Françaises. Il s'agissait d'Hélène Marinetti avec deux de ses élèves. Hélène enseigne le sanskrit dans le sud de la France, près de Marseille, elle avait été disciple de Swami Muktananda de Ganeshpuri et elle a traduit en français son autobiographie, chitshaktivilas, le jeu de l'énergie de la conscience. Swamiji allait juste rentrer dans une période de maun, de silence pour une durée indéterminée.

 

Comment cela a-t-il été d'observer le silence pendant trois ans, en ne parlant qu'à Mâ?

Parler à Mâ, c'était le silence. D'habitude, on observe un silence de la bouche, mais le mental parle beaucoup, alors que quand on parlait avec Mâ, le mental était complètement silencieux. Il y a un des plus beaux hymnes de Shankaracharya, le Dakshinamurti stotrra qui dit ceci : « Le gourou et les disciples sont assis sous un arbre. Les disciples sont âgés, le gourou est jeune. Il donne un discours en silence, et les doutes des disciples sont coupés à la racine. » On dit que le gourou est jeune parce que la sagesse n'a pas d'âge, on dit que les disciples sont âgés car le savoir intellectuel vieillit. Ce n'est pas par des arguments subtils que les doutes profonds seront déracinés, mais par le pouvoir de l'énergie du silence d'un vrai maître.

    Dans la transmission spirituelle du védanta, on ne parle pas de lire des livres. Il y a shravana, qui signifie non seulement l'écoute, mais aussi la compréhension de l'enseignement. Ensuite, il y a manana, qui est la réflexion intellectuelle et enfin nidhidyâsana, la contemplation de l'essence et le sommet du védanta. Il ne suffit pas d'écouter l'enseignement du gourou, mais il faut méditer dessus longtemps et le réaliser.

    À Bénarès vers le milieu du XXe siècle, il y avait un pandit marié qui  était considéré comme  le sommet de la connaissance sur le védanta en Inde à cette époque. Il a eu de nombreux disciples qui sont devenus eux-mêmes des professeurs réputés de védanta. Un des plus jeunes a décidé de prendre le sannyâsa, et il s’est engagé dans une pratique spirituelle intensive. Au bout d'un certain temps, son gourou est venu le visiter, en le voyant le jeune sannyâsi s’est prosterné devant lui. Mais celui-ci lui a dit : « Ne t'incline pas, je suis venu pour recueillir ton enseignement ! » Le jeune a été stupéfait et a dit à son maître : « J'ai tout appris du védanta de ta bouche, comment pourrais-je te donner un enseignement ? » Le vieux maître a répondu : « Je suis quelqu'un d'instruit, mais toi, grâce à ta pratique, tu es un sage ! ». Il en va ainsi dans l'enseignement de l'Inde, il y a toujours les deux courants parallèles, celui de la transmission de la connaissance intellectuelle et celui de l'expérience spirituelle et de la réalisation. Il est paradoxal que ce soit en Occident au XXe siècle qu'il y ait eu le plus de livres publiés sur le védanta. Je ne dis pas que cela soit dépourvu d'intérêt, ils ont leur utilité, mais quels sont les occidentaux savants dans le védanta qui ont atteint l'état de jñani?

Par ailleurs, il est important de choisir sa voie. Je me suis plongé récemment dans la biographie d'Oriya Baba. Il venait souvent voir Mâ, et était lui-même un gourou très connu de Vrindavan : chaque matin, il faisait un discours sur le védanta, et chaque après-midi, il en faisait un autre sur la bhakti. Cependant, il ne voulait pas qu’un même disciple vienne aux deux, il lui demandait de choisir soit l'un, soit l'autre.

 

Que représente la figure de Dakshinamurti?

C'est la figure du Jagadguru, le gourou universel, en fait Shiva lui-même. On dit qu'il est tourné vers le sud (dakshina) car la vraie stabilité est au Nord avec le pôle (dhruva) et ses étoiles qui ne bougent pas. Dans le corps, cela correspond au sahasrara, ou Lotus aux 1000 pétales au sommet de la tête. Quand on reçoit le mantra du sannyâsa, on se tourne vers le nord et ensuite on va régulièrement méditer tournés vers le nord. Les gens mariés qui font cela et ont aussi à réaliser certains désirs doivent se tourner vers l'Est, à ce moment-là ce sera plus efficace. Mais quand on ne cherche que la libération, on se tourne vers le nord, et donc le gourou qui enseigne comme dakshinamurti doit se tourner vers le sud pour faire face à ses disciples.

 

 

Le 31 octobre 2009, Dhaulchina

-   Que pensez-vous du livre de Swami Virâjânanda, Svakriya svarasamrita,  ‘L'action spontanée     dans le nectar de sa propre essence" ?

-          Au début j'étais plutôt contre : je trouvais ses commentaires et ses introductions incompréhensibles, bien qu'au niveau de son compte-rendu des paroles de Mâ, je n'avais pas de doute qu'il les avait retranscrites fidèlement. Il faut comprendre la situation. Mâ disait souvent en parlant d'elle-même : « Comme vous jouez de l'instrument, vous entendez le son ! » Virâjânanda voulait entendre des réponses très métaphysiques à ses propres questions métaphysiques. Mâ lui a donné cela. En fait, il avait ressenti une attraction tellement grande pour Mâ, qu'il avait non seulement laissé avec Mâ un petit garçon en bas âge pour devenir brahmachârî, mais aussi une petite fille qui était encore dans le sein de sa mère. Cela n'a pas été facile pour son épouse, sans doute parce qu'elle avait perçu l’intensité de son désir. Jusqu'en 1952, il était secrétaire général de la Sangha de Mâ qu'il avait largement contribuée à fonder. Mais à partir de là, il voulait ne plus avoir qu'un travail, noter les paroles de Mâ, ce qu'il a fait pendant 30 ans jusqu'à ce que celle-ci quitte son corps. À la fin, il est mort à 103 ans, on disait qu'il perdait la tête, et c'est vrai qu'il pouvait perdre la mémoire immédiate, mais il mettait une chaise en face de lui et disait : « Je parle à Mâ ! » et il avait une conversation avec elle que j'entendais et qui étais très cohérente du point de vue philosophique et métaphysique, et même d'un haut niveau. Il était très sévère, il envoyait promener tout le monde, non seulement ceux qui étaient à son service comme je l'ai été moi-même pendant quelques jours, mais aussi Mâ. Je l'ai servie pendant quelques jours, et ce n'était pas facile. Cependant, Mâ avait une haute estime pour son niveau spirituel, elle m'a expliqué un jour que très peu de gens avaient vraiment compris ses paroles, Bhaïji les avait bien saisies, et même au-delà des paroles il avait saisi Mâ elle-même, puis Gopinâth Kavirâj, et ensuite Virâjânanda.

Un jour, j'étais à Vrindavân avec Mâ, et Chitra Ghosh est venue. C'était l'assistante de Mâ pendant les dernières années. Elle avait été une étudiante très brillante, celle qui par sa maîtrise de botanique avait eu les meilleures notes de toutes les maîtrises de l'université de Calcutta quelles qu'en aient été les matières. Ensuite, elle avait été faire un doctorat aux États-Unis, et quand elle était revenue, elle avait été voir Mâ et avait été captée par son amour. Elle a  décidé de tout lâcher pour rester avec elle. Donc, elle est venue voir Mâ ce jour-là en lui disant qu'elle n'était pas contente avec le troisième volume de Svakriya qui venait de paraître. Elle n’avait pas de doute que les paroles de Mâ qu'avait rapportées Virâjânanda étaient authentiques, mais il s'était permis d’écrire l'introduction dans le style elliptique et parfois difficile à saisir, caractéristique des paroles de Mâ elle-même. Elle ne trouvait pas cela juste. Mâ m'a tout de suite appelé en disant, « prends un papier et un crayon, nous allons écrire à Virâjânanda. » Elle lui a juste dit dans sa lettre : "Il paraît que tu as écrit une introduction dans le style de Mâ, comment cela se fait-il ? Viens me voir à Patna !" Virâjânanda était à l'époque à Kankhal, le fait d’aller donc jusqu'au fin fond du Bihar était un long voyage, mais il s'y est rendu sur l'ordre de Mâ et là, il s'est expliqué avec elle !

    L'histoire de ce livre Svakriya est intéressante. Brahmachârinî Chandandi était la cousine issue de germain de Mâ. Son père était le cousin de Didi Mâ, la mère de Mâ. Celle-ci l'appelait Thakur Bhai (Thakur signifie en bengali ‘seigneur’, dans le double sens de divin et de noble dans la société). Quand Mâ s'est mise à avoir tous ces états mystiques, Bholonath a été très perturbé et a commencé à accuser sa belle-famille de lui avoir refilé la folle du logis. Les parents de Mâ étaient eux aussi troublés, et ils ont demandé à leur neveu, le père de Chandandi dans lequel ils avaient une grande confiance, de venir voir ce qui se passait. C'est là qu'il lui a demandé : « Mâ, qui es-tu ? » et qu'elle a répondu : «Pûrna Brahma Narayân !» "Plénitude, Absolu, Seigneur !" Donc, Chandandi s’est mise dans la tête un jour d'écrire un livre sur la mère de Mâ. Elle a commencé dans un style qui laissait à désirer. Au bout de deux chapitres, elle s'est entendue avec Virâjânanda pour qu'il continue l'ouvrage, et il l’a étendu aux paroles de Mâ, y compris celles qu'il a reçues d'elle directement en réponse à ses questions. Mâ a accepté ce changement d'auteur, mais en demandant quand même que le livre soit publié sous le nom de Chandandi, alors qu'au fait qu'elle n'en n’avait écrit que les deux premiers chapitres. J'ai d'ailleurs moi-même traduit du bengali en anglais le premier chapitre du livre. On trouve dans les six volumes des renseignements précieux sur la biographie de Mâ, les deux premiers volumes sont compréhensibles car ils correspondent à ce que Chandandi avait à dire sur Didi Mâ, et à des descriptions d'événements historiques, mais les autres chapitres et les autres volumes sont plus difficiles à suivre, car Virâjânanda est parti dans la métaphysique. Le sixième et dernier volume en particulier est purement métaphysique, mais il recèle des perles. Le Swami avait une intelligence de haut niveau, se posait des questions métaphysiques profondes, et Mâ lui a répondu à ce niveau, même si peu de gens peuvent suivre. Il faut déjà bien être initié et au courant de l'enseignement et des conceptions de Mâ, et de sa manière de s'exprimer, pour pouvoir s'y retrouver dans ce texte. Mais si on a cette préparation, on les trouvera des trésors.

 Comment en êtes vous venu à Mâ ?

-- Je ne suis pas venu à elle par une recherche a priori de Dieu, mais parce que j'ai trouvé chez elle un amour vraiment inconditionnel, chose qui est très rare en ce monde. Du coup je suis resté. J’étais un « petit garçon de sa maman », j'avais un attachement très fort à ma mère, et même je ne m'étais pas marié car je ne voulais pas partager cet attachement avec une autre femme. J'ai neuf frères et soeurs, mais c'était quand même chez moi que ma mère vivait le plus souvent, à Calcutta. Quand elle me poussait à prendre une épouse, je lui répondais que je n'arriverais à le faire que quand elle serait décédée. Mais comme je l'ai quittée pour vivre auprès de Mâ, c'était différent, elle a compris qu'il s'agissait de la voie ascétique, et elle était fière qu'un de ses dix enfants se soit orienté sur ce chemin. Au bout de trois mois après mon arrivée dans l'ashram, Mâ m'a demandé : « As-tu écrit à ta mère ? » Je lui ai répondu que non. Elle m'a demandé de le faire, et non seulement cela, elle a ajouté que je devais retourner à Calcutta, de Kankhal [36 heures de voyage en train] pour aller recevoir la nourriture préparée de ses mains.  Mâ n'était pas en faveur qu'on abandonne complètement sa famille sous prétexte qu'on suivait la voie ascétique. Elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans avec son mari quand il était encore vivant, et elle n'en était pas moins pour cela déjà Mâ Anandamayî. Ensuite, jusqu'à l'âge de 76 ans, elle a eu sa mère auprès d'elle, et son petit frère Mamou vivait aussi dans l'ashram de Bénarès. Ils n'avaient pas de statut spécial, mais ils étaient quand même bien présents et en lien au quotidien avec Mâ. De mon côté,  j'avais la coutume d'appeler ma mère au téléphone tous les samedis, je l'ai fait jusqu'à sa mort, et de plus j'allais la voir tous les ans à Calcutta. Après tout, c'était grâce à elle que j'étais venu en ce monde, et que j'avais donc pu choisir cette voie ascétique.

­­−Pensez-vous que le nombre de gens qui vont suivre la voie ascétique va augmenter ?

− Je pense que non. Certains disent qu'avec l'augmentation du matérialisme, il y aura plus de gens frustrés par cette voie et donc plus qui viendront sur le chemin de l'ascèse. Mais si l'on vient à l'état de renoncement simplement par frustration, on n'est pas vrai renonçant. Il faut y venir par amour.

  

                   §§§§§

 LA VOIX DES FLEURS

               §§§§§

 

J'ai caressé la chevelure

Bleu-violet des lavandes puis

Respiré leur souffle chaud... 

Plus loin, j'ai senti la douceur

Amère des lauriers rouges...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Le lantana lumineux m'a saluée

Et gratifiée de son parfum

Tenace...Toutes ces fleurs

M'ont donné un présent,

Simplement, comme un sourire...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Mes sens ont été comblés.

Mais, moi, qu'ai-je fait pour elles

Sinon admirer leur beauté?

Ô Nature, tu es généreuse envers nous

Sans rien attendre en retour.

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Ta beauté est offerte à tous,

Sans condition. Tu distribues tes grâces,

Sans compter. L'homme prend tout

Sans même te remercier. Que lui

Dirais-tu si tu pouvais parler?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Ô Humain, arrête toi,

Un instant et pense à Celui

Qui me permet d'être là,

Si belle, si bonne, si accessible

Et si confiante en toi!

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Honore-Le, de tout ton coeur

Et de toute ton âme. Remercie-Le

Toujours car Il me permet

De te donner la joie de me

Contempler à tout moment!

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

N'oublie jamais cela...Tel est

Mon message secret! A travers moi,

Tu peux connaître notre Maître

A tous. Mais, ton mental

Est-il assez subtil pour cela?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Essaieras-tu de Le découvrir,

Caché derrière ma belle apparence?

Des saints l'ont fait avant toi...

Alors qu'attends-tu, maintenant,

Pour commencer ta quête?

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

 

Peux-tu être satisfait de mes présents?

Ne veux-tu pas chercher

Qui te les donne? Ô Humain,

Sois curieux, cherche, cherche,

Sans jamais te lasser...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Finalement, tu trouveras ce qui

Est, au-delà de ce que tu perçois.

Ta récompense sera si grande

Que tu ne peux même pas l'imaginer!

Alors, regarde en toi avec les yeux de ton coeur...

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

 

Monique Manfrini,

La Cadière d'Azur, le 30.05.2007.

 

 

Mâ et la joie…

                                        (Réflexions en témoignage)

(Par Mahâjyoti)

 

            Souffrance et gaieté…

Pourquoi…pourquoi…pourquoi ?

            Pourquoi cette duplicité (j’allais dire ravageuse…) alors que la non-dualité du Védanta est tout simplement merveilleuse !

            En lisant et relisant toujours les livres de Mâ Anandamayî, pourquoi est-ce qu’on ressent toujours autant de JOIE ?

            Pourquoi les Grands sont-ils si joyeux ? Alors que la souffrance intérieure rend les gens si anxieux ? Etre toujours de bonne humeur favorise la recherche spirituelle, disait Mâ…

 

            Tous les 4 ans, à la suite des Jeux Olympiques, les Jeux des ‘athlètes handicapés’ font vibrer les muscles assoupis de ceux dits ‘normaux’, qui ont des esprits parfois tortueux, vantards, ou déformés !

            Ces athlètes meurtris ont plus que nous… Ils sortent de leurs tripes la vraie souffrance physique et mentale, pour en faire un vrai bonheur psychique et total.

            L’école du sport de haut niveau fait penser à la discipline du mental de haut niveau…même droiture, même engagement, mêmes sacrifices !

            Le but est ‘d’atteindre’ au-dessus de nous ces sphères ultimes, ‘divines’, où pour chercher à les rejoindre, chacun s’exprime en allant jusqu’au bout de lui-même...L’important est d’y croire, d’en rêver et de s’y tenir !

            « On devient ce que l’on pense » a écrit Jacques Vigne dans Le maître et le thérapeute.

            Pourquoi, si ils ont la chance d’être heureux, certains veinards doivent-ils être considérés comme des crétins insensibles ? Leurs Samskâras ou évènements vécus dans leurs vies antérieures ont-ils été des ‘sas’ de sûreté protecteurs ?

            Un petit sourire messieurs-dames ! La spiritualité peut être ‘spirituelle’ aussi bien dans  les deux sens du terme ! Pourquoi sombrer dans les méandres des tourments egotiques alors qu’on peut s’offrir la JOIE, et même, quand on y arrive, ‘l’humour’…ce recul de protection et d’observation tellement nécessaire pour alléger les états d’âmes sans perdre la félicité intérieure… (petit secret de fabrication peut-être ?)…l’humour…secours précieux qui peut faire qu’on se régénère par le rire (le sourire), par la bonne humeur indispensable pour ‘aider’ les autres à regagner le bord du gouffre et à s’y agripper pour en sortir, toutes griffes dehors, tous muscles bandés, tous yeux hagards, pour leur apprendre aussi à savoir observer une fleur qui pousse, un oiseau qui chante, une étoile qui brille !

            Le rire n’est-il pas le plus court chemin d’un homme à un autre… ?

            Et l’humour n’est-il pas, dit-on, la meilleure expression du désespoir… ?

            De grâce arrêtons-nous d’être grincheux.

            A la radio récemment le père d’un enfant grandement handicapé, témoignait du fait qu’il avait passé sa vie à essayer de le faire rire, et qu’il avait su rire lui-même de ce que cet enfant lui avait apporté…Un jour, l’enfant avait essayé d’enfiler son pull-over non pas par les manches ou par le col, mais par un trou de mites et avait mis 20 minutes à se contorsionner afin d’y parvenir…Ce fut un moment de bonheur pour les deux, l’enfant et le père (malheureusement incompris par l’ensemble de son entourage). Ce sont pourtant eux les plus joyeux !

 

            Mâ Anandamayî a parlé bien des fois dans tous ses livres de la JOIE (Ananda) … D’où son nom Anandamayî : ‘La saturée de joie’. Un des livres de Mâ (traduit et préfacé par Jean Herbert) s’intitule ‘Aux sources de la Joie ‘

            En ressentant en nous-mêmes cette gaieté, cette douce béatitude intérieure, sans doute un don du ciel, ou une reconnaissance d’un comportement de vie bien structuré…rien ne peut être plus salutaire pour aider autrui.

            On sent la gaieté dans les voix souriantes, dans les regards pétillants, dans la force de reprendre courage alors que les proches autour de vous n’ont rien compris à vos réactions rendues parfois trop toniques, par réaction à la douleur ou à l’incompréhension…

            Il est facile de faire porter sa croix par les autres en leur remettant les problèmes sur le dos…Il y a, et il y aura toujours une lueur d’espoir pour qui saura ‘faire l’effort de voir’ !

Qu’on se le dise…qu’on s’analyse…qu’on sympathise…se tranquillise…

            Qu’on divinise et fraternise…qu’on s’autorise…même une bise !

            Lors de mon tout premier séjour en Inde, le choc des cultures avait été violent, mais salutaire…sans doute parce qu’en moi bouillonnait une telle félicité, que tout ce qui avait formé jusque là le ciment de ma propre nature me semblait soudain dérisoire…

A mon second voyage, Jacques Vigne m’avait accueillie. Ensemble dans le train de Delhi à Hardwar, le modeste sandwich qu’on avait partagé, où la mie de pain délavée abritait  un minuscule morceau de fromage, m’avait semblé un délice…tandis que sur la paroi du wagon un gros cafard se promenait à côté de mon bras  (moi qui frémissais à la vue des insectes) ! Mais ma joie était telle, que je m’étais mise à penser que ce cafard avait sans doute une famille, papa, maman, enfants…et que moi j’allais rejoindre un bonheur impalpable dans l’enseignement de Mâ…TOUT ne semblait plus RIEN…

 Mâ affirme que la tristesse est fatale à l’homme ! Mâ irradie non seulement la joie mais aussi parfois une ‘lumière invisible’…

Shrî Aurobindo, dans Aperçus et Pensées, dit que Ananda, la joie, est l’impulsion centrale de la nature humaine. L’agitation, l’inconstance, le doute n’en sont que des aspects passagers. L’âme cherche la joie partout, comme un enfant !

 « On perd beaucoup d’occasions de rire quand on ne sait pas rire de soi-même… » (Jacques Vigne – Soigner son âme)

 

Plus de six années ont passé depuis mon initiation à l’Inde ! J’ai collaboré en travaillant beaucoup et de mon mieux…et si mes yeux pleurent désormais à l’ordinateur, c’est sans nul doute…de JOIE !

                                                                                                  Geneviève Koevoets

                                                                                     (Mahâjyoti)

 

Réflexions sur le Bonheur…



 Je te souhaite beaucoup de bonheur
 Si tu ne trouves pas le bonheur,
 C'est peut-être que tu cherches ailleurs.
 Ailleurs que là, dans ton coeur...
 
Tu cherches le bonheur ? Le sourire ?

Ne cherche pas dans tes souvenirs,
Recherche-le dans le présent.
C'est là seulement qu'il t'attend.

 Le bonheur n'est pas un joujou
 Qu’on peut acheter hors de chez nous.
 C'est un projet qui part de nous
 et qui se réalise en nous.
 
 Il n’y a pas de marchand de bonheur,
 Il n’y a pas de machine à bonheur.
 Mais des gens qui croient au bonheur.
 Toi seulement tu fais ton bonheur.
 
 "Le plaisir se ramasse, la joie se cueille
 et le bonheur se cultive."
                        Bouddha

 

              (Envoyé à Mahâjyoti

              par Fabienne Salengro)

           

 

                                                                                      

Nouvelles

-          José Sanchez-Gonzalez qui se charge de recevoir les chèques d’abonnement a changé d’adresse et de téléphone à l’intérieur de Vaison-la-Romaine. Vous trouverez ses nouvelles coordonnées dans la section suivante.

-          Swami Bhaskarananda a eu une petite attaque cérébrale avec une paralysie du bras et une certaine difficulté à parler, mais il s’est maintenant à peu près remis.

-          L’école primaire au nom de Mâ Anandamayî qui compte 80 élèves dans le village de Daulchina est en train de finir de construire deux nouvelles salles de classes dont ils avaient grandement besoin. Ceci a été dû en bonne partie à la générosité des 32 occidentaux venus à la retraite d’août dernier à Kankhal, en particulier à Lucienne Légeret qui est psychothérapeute à Vevey.

-          Des retraites avec des groupes francophones ont eu lieu auprès de Vijayânanda en août donc, mais aussi en septembre, en début décembre et nous attendons 34 personnes pour début janvier.

-          Vigyânânanda (Jacques Vigne) reviendra en Occident de mi-mars à début août. L’an dernier il avait été invité à Asssise pour parler de Mâ dans un congrès de yoga, et il a été de nouveau invité en Italie pour le 35e anniversaire de la Fédération Italienne de Yoga en début mai près de Venise. Il animera en particulier une semaine de retraite à Cannes en avril avec Geneviève Koevoets et une autre sur une île du Golfe du Morbihan en juillet. Demandez son programme à Mahâjyoti koeovoetsg@wanadoo.fr  (Coordination bénévole).

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous n’avons pas encore procédé au renouvellement général des abonnements qui aura lieu, pour deux ans, en mars 2009, à raison d’un numéro par trimestre. Cependant, pour ceux qui ne sont pas déjà abonnés et qui voudraient le faire, ils peuvent s’en acquitter dès maintenant pour 9 numéros jusqu’en mars 2011 en envoyant un chèque de 9 €  à l’ordre de Jacques VIGNE pour le recevoir par EMAIL, ou un chèque de 18 € pour le recevoir sur PAPIER depuis l’Inde, en précisant votre choix, et en adressant votre chèque à :

José SANCHEZ-GONZALEZ. Notez sa nouvelle adresse et son téléphone, car il vient de déménager à l’intérieur de Vaison-la-Romaine :

10 rue Tibère - 84110 VAISON-LA-ROMAINE

Téléphone portable : 06 34 98 82 22

Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

   Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par EMAIL. Envoyer en ce cas les 9 € pour jusqu’en mars 2011 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr (Coordination bénévole).  C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer par courriel, tout en l’illustrant par une belle photo de Mâ comme l'édition sur papier. Cette formule a l’avantage d’éviter les difficultés fréquentes de numéros qui n’arrivent pas à cause de problèmes postaux à partir de l’Inde. Dans les deux cas, ceux qui s'inscrivent maintenant n'auront pas à tenir compte de la demande de renouvellement  général d'abonnement au printemps prochain. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès, avec les versions anglaise, hindi et bengali.

 

Table des matières

 Paroles de Mâ

Réponses de Vijayânanda

Satsang avec Swami Nirgunânanda

La voix des fleurs par Monique Manfrini

Mâ et la joie  par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

Réflexions sur le bonheur communiquées par F.Salengro

Nouvelles

Renouvellement des abonnements

Table des matières

 

 

 

Jay Mâ n° 92  -  Printemps 2009

 

Vangmayî Mâ - La mère constituée de Parole

Traduit de l’anglais par : Jean E. LOUIS

 

 

Nous publions sur le site de Mâ www.anandamayî.org un nouveau livre de pensées de Mâ classées par thèmes et traduites du bengali. Il est intitulé Vangmayî Mâ. Vang-mayî signifie ‘pénétrée de parole’, c'est-à-dire imbibée de l’énergie de la parole. Vang, ou Vak est non seulement la parole, mais la plus grande déesse des Védas, fille de Brahman ; c’est par elle que l’énergie créatrice se propage dans le monde. L'édition française de ce livre est prête, et devrait être mise en ligne rapidement. Quant à l'édition anglaise et espagnole, nous espérons qu'elle suivra d’ici un ou deux mois sur le même site. Nous commençons pas reproduire un des premiers chapitres de cet ouvrage pour en donner une idée, puis nous reproduisons l'introduction qu'en a écrite Jacques Vigne après avoir discuté de certains points avec Swami Vijayânanda. D'autres chapitres suivront dans les prochains numéros. Swami Bhaskarânanda, auquel Mâ avait confié la charge de l'initiation en son nom de son vivant, a beaucoup insisté pour la traduction de cet ouvrage du bengali en anglais, pensant qu'il était bon de revenir facilement, grâce à cette anthologie, à ce que Mâ disait directement

 

La Nature du Manque

 

Chapitre 14

L’être humain se manifeste sous la forme du désir, du manque [en anglais, want, en hindi et sanskrit, a-bhav]. Il n’a que le désir, le manque en tête. Et lorsqu’il s’en va, c’est encore avec le désir, le manque en lui. C’est pourquoi il devrait méditer sur sa propre nature. Autrement : désir – inactivité – indolence – malheur – mort. [Le soi dans le soi [nijiti nijai, on doit se livrer à l’introspection]

 

15

A l’heure qu’il est, vous tous êtes en état de désir, de besoin, et c’est là maintenant votre vraie nature. Lorsque vous avez faim vous ressentez un besoin. Après avoir satisfait cette faim, la sensation de besoin disparaît. Puis vous éprouvez le besoin de dormir. Et lorsque vous vous réveillez vous avez envie de prendre l’air ou de bavarder. Les désirs-manques se présentent les uns après les autres et ne vous quittent pas un instant. Ainsi votre existence se passe dans le désir et le besoin. C’est ce que le corps considère comme des besoins naturels. L’homme a en lui la capacité de vivre dans sa vraie nature, sa vraie forme, sa vraie vie. De même qu’il y a le voile de l’ignorance, il y a la porte de la connaissance. C’est en passant cette porte que l’homme retourne vers sa vraie nature et retrouve son état véritable.

16

Dans ce domaine d’un monde imaginaire, d’un côté votre corps est soutenu, tandis que de l’autre, derrière le voile, les actions [du Divin] se déroulent.

Vous êtes nombreux à vous montrer sous différentes formes, avec différents sentiments. Qu’est-ce donc, si ce n’est la destruction du désir-manque sous toutes ses formes ? Dans l’univers, si c’est vous qui donnez et qui prenez, vous qui éprouvez le sentiment du désir, alors cette action est en fait la vôtre.

17

Là où vous voyez votre Soi en toutes choses et que vous vous efforcez de ne voir que « Cela » en quelque existence que ce soit, en quoi la vision est-elle différente de ce qui est vu ? Le dessein d’un entretien, d’une discussion, d’une controverse, comme également celui de l’état de besoin, de manque, est en fait d’obtenir cette connaissance directe. Soyez éveillé dans votre propre nature.

18

Plus nous passons de temps à honorer Dieu, plus sera grand l’avantage que nous en tirerons. Où il y a le monde, il y a le désir-manque. C’est là sa nature. On ne peut qu’espérer la paix en déposant notre esprit à Ses pieds, de notre plein gré ou de quelque autre manière que ce soit.

 

 

19

Lorsque la question est incomplète, vous n’obtenez pas la réponse escomptée. N’est-il pas fastidieux de renouveler la question ? C’est dans la nature des choses que de connaître le malheur. Le monde est ainsi fait, n’est-ce pas ? Le désir insatiable des choses de ce monde engendre la souffrance. Bien sûr vous pouvez en tirer un plaisir passager, et ensuite ? Il est du devoir exclusif de l’homme de demander ces choses dont l’obtention n’entraîne pas la souffrance et à travers lesquelles survient toute réalisation.

 

20

Les actions elles-mêmes créent un sentiment de manque. Seules de nouvelles actions effaceront cette sensation de manque. Il appartient à chacun de s’efforcer d’atteindre sa propre plénitude. En jouissant des objets mondains, on glisse peu à peu dans la mort. Père, deviens celui qui boit le nectar [a-mrit, littéralement "immortel"]. Jouis de l’immortalité. Sur cette voie-là il n’y a ni mort, ni maladie.

 

Préface

au livre Vangmayî Mâ

Par Vigyânânand ( Dr Jacques Vigne)

 

C'est dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina, situé au nord-est de Delhi dans l'angle de l'Inde entre le Tibet et le Népal, que j'ai pu avoir connaissance du texte anglais non encore publié de Vangmayee Ma (ou Vangmayî Mâ). Il s'agissait de la traduction à partir du bengali d'un recueil assez fourni de paroles de Mâ classées par thème. J’ai reçu ce texte de Swami Nirgunânanda, mon voisin dans ce bel ermitage où il vit depuis 22 ans, Il a effectué lui-même une bonne partie des traductions à partir du bengali, et a travaillé avec une autre personne qui elle était partie de la version en hindi, nécessairement moins précise puisqu'elle était elle-même déjà une traduction de l'original bengali. Nous avons décidé de publier ces paroles de Mâ à la fois en français et en espagnol pour mettre sur le site de Mâ Anandamayî. C’est Jean E.Louis de Nice qui s'est chargé de la traduction française, que j'ai révisée, en discutant un certain nombre de points peu clairs dans le texte anglais avec Swami Nirgunânanda à l'ermitage. À chaque fois, il est revenu à l'original bengali, nous avons discuté de ce qu’a vraiment voulu dire Mâ, et cela a permis d'améliorer certains points obscurs de la traduction anglaise, et de les rendre plus clairement à la fois en français et en espagnol. Pour cette dernière version, c'est Andrea Veselich qui s'en est chargé. Jeune avocate passionnée par l'Inde, elle ne vit cependant pas tout près, puisqu'elle réside en Patagonie, la pointe sud de l'Argentine près de la Terre de feu... Mais grâce à l'internet et à sa bonne volonté car elle ressent un lien fort avec Mâ, elle a pu rendre ce service de traduction au lectorat hispanophone intéressé par la sagesse de l'Inde.

Swami Vijayânanda qui a passé plus de 30 ans auprès de Mâ Anandamayî, et vit toujours dans ses ashrams après 57 ans continûment en Inde, dit clairement et fortement : guru vakya mantra, ‘la parole du gourou est un mantra’. Dans la Guru Gita, il est aussi une strophe célèbre où il est dit mantra-mulam guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c'est la parole du gourou’. La qualité principale du gourou n'est pas de donner un enseignement intellectuel et linéaire, mais d'avoir un impact par une transmission de l'énergie, ce qu'on appelle dans le langage traditionnel le shaktî-pat. Il peut le faire à travers un mantra chuchoté dans l'oreille au moment de l'initiation rituelle, mais aussi à travers n'importe quelle autre parole survenant dans n'importe quelle autre circonstance, à travers le don d'un objet, d'une fleur, d'un prasâd, et encore, sans aucun intermédiaire (anupaya), de façon directe, d’âme à âme. Du trop-plein de ce réservoir d'énergie qu’est le gourou, le manque du disciple peut être comblé.

Pour bien comprendre comment Mâ transmettait l'énergie, il ne suffit pas de lire ces paroles, mais il faut également se plonger dans sa vie et dans les expériences de ses disciples proches. Nous avons traduit en français sous le titre de Matri Darshan, (publié en 1996 par les éditions Terre du Ciel, maintenant épuisé, mais disponible sur le site www.anandamayi.com, (section française). le témoignage princeps de Bhaiji, le premier grand disciple de Mâ Anandamayî après son mari Bholonath, et qui a donné à celle qui s'appelait auparavant Nirmala Dévî le nom d'Anandamayî. Il y a aussi l'ouvrage de Bithika Mukerjee qui donne beaucoup de détails (disponible sur le même site pour toute la première partie qui parle de la vie de Mâ jusqu'à environ 35 ans), et le dernier livre de Jean-Claude Marol – il est paru deux mois avant sa mort trop précoce – La Saturée de joie aux éditions Dervy. Il y développe en particulier l'importance du féminin spirituel, et le lien qu’il discernait entre le lien avec Mâ et le respect pour l’image de la Dame au Moyen Âge, qui a continué dans le catholicisme jusqu'à nos jours à travers le culte de Notre-Dame.

Il y a tout un mouvement de fond au XXe siècle et qui prend de l'ampleur maintenant : il tend remettre à l'honneur l'aspect féminin du sacré. Il peut se manifester à travers l'écologie, où Gaïa est présenté comme une personne vivante, la déesse Terre, qu'il faut respecter et cesser de violer dans tous les sens. Par ailleurs, à cause du conflit israélo-arabe chronique au Moyen-Orient, beaucoup de gens sensés se mettent à réaliser que le monothéisme avec son dieu purement mâle et exclusivement unique risque de ne jamais réussir à dépasser les guerres saintes, et qu'au contraire les armes de destruction massive exposent au danger qu'elles deviennent beaucoup plus dévastatrices qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. D'où la nécessité de renforcer l'aspect féminin du sacré, en encourageant le développement d’enseignantes religieuses femmes et aussi du point de vue métaphysique, en remettant à l’honneur le couple divin dieu/déesse qu’on retrouve dans pratiquement toutes les formes religieuses de l'humanité, excepté le monothéisme.

De plus, l'aspect féminin de la mystique est aussi relié à l'expérience chamanique, restant proche de la source et peu encombrée de dogmatiques et d’idéologies religieuses. Dans ses débuts, l’auto-initiation de Mâ par exemple et ses transes multiples évoquaient tout à fait la descente d'une expérience chamanique. Cependant, Mâ n'est certainement pas restée à ce niveau, elle était déjà prise dans le vaste courant de la bhakti du Bengale avec les grands exemples de Chaitanya Mahâprabhu au XVIe siècle et de Râmakrishna au XIXe. Elle a passé sa vie de gourou à guider la majorité de ses disciples sur cette voie traditionnelle de la bhakti, d'où ses multiples conseils dans cet ouvrage sur la récitation du mantra et la force du lien avec le gourou, mais elle était aussi solidement enracinée dans la voie de la connaissance et dans l'expérience de l'Un. Elle revient tout le temps à l’Unité fondamentale, en exprimant en des termes simples mais forts l'absence de dualité et la capacité fondamentale qu'a un être humain à se relier directement à l'Absolu sans intermédiaire.

Un mot d'explication sur le sens du titre de ce livre, ‘Vangmayî Mâ’. Il signifie ‘la Mère pénétrée, constituée de Parole’. Ce nom évoque la première forme de la Mère divine dans les védas, Vak, de la même racine que vox en latin et ‘voix’ en français, cette déesse « Voix » donc qui permet l'expression audible du Brahman. On dit qu'elle est née de la langue de ce Brahman, ou parfois qu'elle en est son épouse. Elle n'est pas sans évoquer la Hohkhma-Sophia-Sagesse de la mystique juive. Dans l'hindouisme classique, elle s'est transformée en Sarasvatî, déesse blanche de la pureté, de l'enseignement et de la connaissance, ainsi que de la musique. Elle réside (vatî) sur un cours d'eau (saras), c'est le sens de son nom. Cet archétype s'associe assez spontanément à Mâ Anandamayî, qui a été toute sa vie vêtue de blanc, et dont l'ashram principal et le tombeau sont situés au bord du Gange tout près d'Hardwar. Ce qu'il y a de particulier dans le cas de Mâ, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une divinité vieille de plusieurs millénaires et présents uniquement sur le plan subtil, mais d’une personne bien vivante qu'on pouvait rencontrer si on le voulait. Dans ce contexte, la transmission d'énergie était beaucoup plus puissante et concrète, au moins pour les visiteurs ou disciples qui avaient l'ouverture requise pour recevoir ce transfert.

Au début de cet ouvrage, nous avons traduit telle quelle la préface à l'édition hindi. Elle est écrite dans le style fleuri de l'Orient et de la bhakti. C'est certes un autre monde mental que celui de l'Occident rationnel contemporain, mais pourquoi ne pas entendre ce qu'il a à nous dire de temps en temps ? Surtout quand il y a contact direct, le coeur est touché et peut transcender bien des barrières culturelles. Sarvâtma était un des premiers disciples français de Mâ Amritânândamayî. Il avait très peur en France que sa manière d'embrasser les gens pendant le darshan et de leur distribuer des bonbons choque avec un public plutôt rationaliste et quelque peu coincé. En fait, rapidement, il y a eu de longues queues pour passer dans les bras de celle qu'on appelle Amma, et donc celle-ci s’est mise à se moquer de Sarvâtma en lui disant : « Regarde donc tes Français ! Ils sont prêts à attendre des heures simplement pour avoir un bonbon ! »

Quand on lit continûment le livre, on s'aperçoit que Mâ revient souvent sur des thèmes fondamentaux car elle voulait donner des bases au public général de visiteurs qui venaient la trouver. Le classement par thèmes est intéressant quand on veut méditer directement sur un sujet précis, mais il a l'inconvénient de faire ressortir certaines répétitions. Cependant, celles-ci peuvent avoir un effet ‘mantrique’ sur le lecteur : avec une mouvement qu'on pourrait appeler en spirale, on revient régulièrement au même point, mais à un niveau de profondeur plus grand. Mâ conseille d’ailleurs le mantra comme une méthode accessible à tous, capable d'accompagner le processus de transformation et de purification du sâdhaka à long terme. Une bonne partie des conseils de son livre pourrait se résumer ainsi : « Répétez votre mantra avec persévérance et une confiance complète dans le gourou, vous atteindrez un niveau où toutes les questions et les contradictions seront résolues spontanément. » Cependant, il ne faut pas rester sur une fausse impression de simplisme en lisant ce livre d'une traite. Dans les entretiens privés, Mâ donnait bien d'autres enseignements et exercices de méditation que le mantra. Quand j'ai demandé à Swami Vijayânanda qui, nous l'avons dit, a passé plus de 30 ans sous la guidance directe de Mâ, s'il récitait le mantra quand il s'asseyait pour la méditation, il m'a répondu que non. Par contre, quand il fait sa cuisine ou des activités concrètes, il aime bien garder l'esprit relié à l’Absolu et à Mâ grâce au japa, mais quand il était assis en méditation, il aimait bien suivre ses propres pratiques et leur évolution spontanée. Pendant toute la période de début, il était dans l'idée qu'un gourou doit avant tout donner des conseils de techniques de méditations, des kriyas, et Mâ effectivement lui en a donné abondamment lors d'entretiens privés. Cependant, à chaque fois qu'elle en expliquait quelques-uns, elle ajoutait ; «  Ceci est un exercice secret, ne le répète pas. » Mâ a expliqué aussi que les kriyas était faits pour secouer la torpeur, le tamas. La plupart des gens sont somnolents, mais c'est bon pour eux de faire quelque chose, que ce soit des kriyas ou des rituels. Cela leur donne un début de réveil. Cependant, à un niveau élevé, la volonté de faire quelque chose se révélera être un obstacle. Mais ce « non faire » n'est pas pour les débutants. Un autre aspect des kriyas, ou rituels, doit aussi bien être compris : ils peuvent être destinés à éveiller des pouvoirs, comme les techniques de toumo chez les tibétains qui développent la capacité de ressortir le feu intérieur et donc de résister aux grands froids. Pour aller plus loin, on peut évoquer aussi les pratiques de magie qui sont des formes de kriyas, mais qui peuvent tourner à la magie noire. Au fond, quand la vie intérieure est éveillée, la manière de méditer vient spontanément. On ne peut pas en faire une généralité. Ce qui vous réussit à vous peut être inutile, voire dangereux pour d'autres. Il en va de même pour les conseils que le gourou vous donne personnellement, d'où l'avertissement de Mâ.

Dans ce sens, on dit dans la kabbale qu'il y a trois niveaux d'enseignements, le niveau général correspondant aux conseils que le maître donne à un petit groupe, le niveau personnel dans sa relation à un disciple en face-à-face, et le niveau supérieur sous forme d'expériences qui remontent spontanément chez le disciple, mais qui n'en sont pas pour autant étrangères à la présence du maître. Vijayânanda ajoute que les kriyas ne sont pas si importants, la voie spirituelle dans son ensemble est beaucoup plus large qu’une sorte de technologie où la révélation d'un code secret pourrait vous ouvrir l'accès à tous les programmes d’un coup. Cette voie spirituelle nécessite un engagement complet de l'individu : il est bon déjà d'avoir une base large de lectures et de connaissances pour comprendre vraiment quel est son intérêt, et ensuite de s'impliquer dans une pratique destinée d'emblée à transformer toute la vie et le comportement concret. Cela est beaucoup plus large que l'exécution plus ou moins mécanique de certaines techniques méditatives supposées secrètes et toutes-puissantes.

Il est tout à fait classique en Inde d'insister sur l'abandon entre les mains du gourou. Ceci choque les occidentaux qui ont d'ailleurs souvent perdu le lien avec la spiritualité traditionnelle chrétienne qui insiste elle aussi à sa manière sur l'importance du maître spirituel et du voeu d'obéissance pour les moines. « Être comme un cadavre dans les mains du laveur de mort » disait par exemple Ignace de Loyola. J'ai essayé d'éclaircir ces questions dans mon premier ouvrage, Le maître et le thérapeute, qui parle de la relation d'aide à la fois spirituelle et psychologique. De son côté, Swami Vijayânanda a tendance à distinguer deux niveaux, le niveau concret où il obéissait à la lettre aux paroles de Mâ, justement pour le plaisir en quelque sorte de montrer qu'il était capable de faire ce qu'elle lui demandait, et un niveau plus profond où il gardait tout son discernement et sa liberté. Mâ ne semble pas avoir été choquée par son attitude, constatant sans doute qu'elle relevait plus de la voie de la connaissance que de celle de la dévotion. Dès leur premier entretien à Bénarès en février 1951, elle avait d’ailleurs constaté et dit de lui qu'il était un pranava upasaka, littéralement un ‘adorateur du Om’, c'est-à-dire quelqu'un qui suivait la voie de la connaissance. Dans ce sens, elle ne lui a jamais demandé par exemple de faire de poujâ ni de centrer sa dévotion sur la forme d'une divinité hindoue.

Il aurait bien sûr beaucoup d'autres choses à dire à propos de Mâ Anandamayî. J’ai parlé d'elle dans un chapitre de mon livre L’Inde intérieure, et d'après Swami Vijayânanda, la meilleure introduction qui ait été écrite au livre de Mâ en français se trouve sous la plume de Jean Herbert dans les quelques pages qu'il a mises au début de Aux sources de la joie. (Albin-Michel, spiritualités vivantes/poche, 1996.)

Mâ disait d'elle-même qu'elle n'était pas une réformatrice, qu'elle avait pris l'hindouisme comme il était, et qu'elle ne faisait que transmette l'enseignement de l'Inde ancienne et des rishis-munis de jadis. Elle a accompli cette tâche avec un souci de la perfection et en transmettant tout autour d'elle une énergie indubitable d'amour et de joie.

Vigyânânand

Kankhal, Hardwar, Inde, mars 2009

 

 

Ma mère Anandamayî

Extraits du livre de Vishuddha

 

 

Vishuddha a perdu sa mère jeune. Celle-ci est une fidèle très dévouée à Mâ. De ce fait, son père a décidé qu'elle soit élevée au Kanyâpîth, l'école de filles de l'ashram de Mâ à Bénarès fondé par Gurupriya Didi. Elle y a aussi enseigné après, puis est repartie dans le monde pendant quelques dizaines d'années, et vit maintenant à l'ashram de Kankhal, où elle a communiqué son livre à Vigyânânand.

 

 

Vishuddha évoque la vie autour de Mâ à Bénarès avant même que l'ashram ne soit construit :

On avait organisé des discours religieux (satsang) matin et soir directement sur une grande barque. À midi, la barque était ancrée sur un haut-fond ou sur un point d'accostage. C'est là que Khukunidi (Gurupriya Dévi), Tante Matori et Swami Paramânanda cuisaient le kicheri (une préparation mélangeant le riz et les lentilles). Kukhunidi nourrissait Mâ et ensuite servait le kicheri bien chaud sur des assiettes faites de feuilles à ceux qui étaient présents. Cette nourriture avait un goût excellent. Après avoir eu notre repas, nous jetions les feuilles dans le Gange et nettoyions nos mains et notre visage. Quand Mâ se reposait, le rideau autour d'elle était tiré. Nous aussi nous nous reposions où nous pouvions, assis ou allongés. Dans l'après-midi, la grande barque prenait de nouveau le large. D'un côté de la rivière, la plupart des ghats étaient encombrés par les gens assis en groupe autour d'un chanteur spirituel ou d'un savant religieux en train de donner des discours. Petit à petit, les lumières sur les ghats se mettaient à briller doucement. Pour nous qui étions assis dans la barque sur le Gange, ces lumières présentaient une vision rare, s'apparentant au divin.

Beaucoup de fidèles venaient dans l'après-midi pour avoir un aperçu de Mâ. Je me souviens que le respecté Mahanânanda Brahmachari vivait à l'époque quelque part près de Kedarghat. Chaque soir, il restait en méditation sur le toit d'un petit bateau ancré au ghat de Gauranga. Quand Mâ était à Kashi, il vint à sa barque et il se mit à chanter pour elle des chants et des kîrtans très doux en s'accompagnant d'un mandira. Un autre visiteur, Shree Govind Gopal Mukhopadhyay venait souvent voir Mâ et chantait des chants dévotionnels avec une émotion qui venait du coeur. De plus, il y avait Abhoyda et Shobanda qui faisaient vraiment vibrer l'endroit avec la modulation des musiques des kîrtans tandis que Kamalda (qui est devenu Virâjânanda, le fondateur de la Sangha de Mâ) récitait des textes. Il y avait un flot incessant de fidèles de Calcutta.

Citons pour finir les extraits de ce numéro de ‘Jay Mâ’ la lettre que Chitra Ghosh, qui était une brahmachârinî proche de Mâ durant la dernière période de sa vie, a écrit à Vishuddha pour la féliciter de son livre :

« Ma chère Vishuddha,

J'ai lu votre livre Ma Mère Anandamayî sans reprendre mon souffle. J'y ai pris beaucoup de plaisir et j'ai senti que je revoyais Mâ de nouveau parmi nous. Le langage clair et facile de votre livre m'a aussi impressionné. Vous avez rapporté les incidents que vous avez vécus directement en compagnie de Mâ avec votre coeur. Ils ne peuvent être oubliés. Mâ est à l'intérieur de vous et vous inspire pour écrire ces anecdotes véritables. Certes, j'ai lu d'autres livres sur Mâ, mais le vôtre est tout à fait différent et il ouvre une nouvelle porte vers Mâ.

En lisant votre ouvrage, j'ai tout oublié à propos de ma maladie, de la douleur et des troubles de mon corps. J'ai été si heureuse que cela m'a guéri le corps. Voilà qui me rappelle le chant de Tagore :

« Quand j'ai joué avec toi,

Toi qui savais qui tu étais,

il n'y avait ni peur ni honte... »

Vous êtes des plus fortunées en pouvant jouer avec Mâ... »

[Nous envisageons de continuer à citer des extraits du livre de Vishuddha dans les numéros suivants.]

 

 

Rencontre avec Krishnapriya

 

Nous étions un groupe d’une douzaine de Français début décembre 2008 à Kankhal. Un après-midi, sur le toit-terrasse du nouvel ashram Shiva-Shakti Pith (en face de l’ashram de Mâ) où logeait la plus grande partie du groupe, nous avons eu un entretien avec Krishnapriya. D’origine suisse, Krishnapriya a 78 ans. Elle a passé 12 ans auprès de Mâ qu’elle a rencontrée en 1970.

Infirmière, elle a participé au développement de l'hôpital de Mâ Anandamayî à Bénarès à ses débuts. Elle partage à présent son temps entre Kankhal, Calcutta les mois d’hiver, Dehradun où elle a une petite maison dans l’ashram de Kalyanvan et la Suisse lors des fortes chaleurs qu’elle supporte moins bien à présent.

« Dans mon enfance, j’étais le « canard jaune chez les Lenoir ». Mes parents étaient gentils, mais ils ne comprenaient rien à ce qui m’arrivait. Je devais probablement présenter des signes de vies antérieures hindoues, par exemple, je ne voulais pas échanger ma vaisselle ou mes vêtements avec mes petites sœurs, j’aimais garder mon assiette à table, être à part.

Vers 16 ou 17 ans, j’ai acheté un petit livre de Mâ, la traduction de Sadvani en français par Jean Herbert qui l’avait rencontrée dès 1937. Cependant, je pensais qu’elle était morte depuis longtemps comme Ramakrishna ou Vivékânanda.

Lors d’une rencontre avec Arnaud Desjardins qui revenait d’Inde où il avait fait un film sur Mâ, je l’ai vue (Arnaud faisait des arrêts sur image sur elle pour favoriser un véritable darshan), je me suis exclamée : « Pourquoi resterais-je à me tourner les pouces à Lausanne alors que le Christ est à Rome ? » et je suis partie pour l’Inde.

Quand je suis arrivée auprès de Mâ à Kanpur, j’étais dans un état d’excitation incroyable ; pendant plusieurs jours je sautais tous les trois pas en m’exclamant « Jay Ma » ! J’étais ‘pagal’, folle ! J’avais une immense bhakti pour Mâ comme Swami Vijayânanda au début, c’est d’ailleurs cela qui l’a fait ‘basculer’ et rester en Inde, mais après il a évolué vers le jnâna, moi je suis restée dans la voie de la bhakti.

Pendant les 12 ans qui ont suivi, je n’ai quasiment pas quitté l‘Inde sauf un mois tous les 2 ans pour voir ma mère. Cela faisait deux ou trois ans que j’étais en Inde et je n’avais toujours pas de nom. Le jour de mon anniversaire (c’était le 3 mai et Mâ était du 1er), j’ai demandé un nom à Mâ. Elle était sur la terrasse de l’ashram de Bénarès, assise, avec une grande présence. Elle a claqué des mains une fois en disant ‘Krishnapriya’, puis une seconde fois en disant ‘Shaktipriya’, puis une troisième fois pour ‘Narayanpriya’ et une dernière fois pour un quatrième nom. Tous les quatre m’allaient, mais j’ai pris le premier puisque Mâ l’avait donné d’abord. J’étais revenue à la maison !

Les brahmacharinîs me disaient qu’elles devaient faire un effort pour se souvenir que je n’étais pas des leurs en tant que brahmine de naissance tant je me suis bien adaptée aux règles, qui étaient très strictes. Par exemple, je n’ai jamais pollué l’eau ou de la nourriture en m’en approchant dans les endroits où je ne devais pas. Atmânanda, qui est restée longtemps en révolte contre les règles, le faisait souvent. Quand on parlait à Mâ de cette discipline brahmanique, elle levait les bras au ciel avec un air évasif et s’exclamait ‘Il y a les règles ! » Elle-même n’en avait aucun besoin.

Je dansais régulièrement toute la nuit pendant les Namkirtans. Les autres participantes s’adossaient ou allaient de temps à autre prendre le thé. Une nuit vers deux heures du matin, Mâ est venue, elle a fait un signe autoritaire à celles qui étaient adossées de venir dans la ronde. Elle m’a prise avec elle et nous avons dansé ensemble. C’était comme être près d’une centrale atomique. Quand elle m’a laissée, heureusement que j’étais près d’un mur où j’ai pu me retenir. J’étais complètement ivre.

Quand on était avec Mâ, on était au paradis. Ils étaient parfois obligés de la ramener dans sa chambre au bout d’un certain temps, car personne ne voulait ou ne pouvait plus partir. Cependant, je ne demandais pas d’entretiens privés à Mâ. Parfois je venais près d’elle avec des questions préparées, elle me regardait et disait juste en levant les mains « Krishnapriya ! Krishnapriya ! Krishnapriya ! » et mes questions étaient résolues.

Les gens modernes se moquent des miracles du Christ en disant que c’est de l’imagination. Mais je les ai vus chez Mâ, tout cela est vrai ! Un jour nous étions dans l’ancien ashram où se trouve le temple de Shiva et les cuisines des brahmines. Je voyais qu’il y avait dans les casseroles de la nourriture pour 10 ou 12, et 80 personnes sont arrivées. Mâ a dit : « Il faut nourrir tout le monde ! », et effectivement tout le monde a été nourri, les récipients ne se vidaient pas. La multiplication des pains à la manière du Christ existe donc. Quand il y avait foule, Mâ distribuait les fruits et la corbeille n’était vide que quand la dernière personne avait été servie.

Un jour, Mâ avait dit à Chitra à l’ashram de Bénarès qu’elle allait se baigner dans le Gange puis qu’elle reviendrait prendre un verre de jus d’orange. Tandis qu’elle nageait, elle a soudain disparu dans le fleuve pendant cinq, dix, quinze minutes, plus personne ne la voyait ! Les brahmacharinis se mirent à crier de désespoir, pensant qu’elle s’était noyée. Tout d’un coup, elle est réapparue et a dit : « J’étais une avec le Gange, mais je suis remontée car je me suis rappelée que j’avais promis à Chitra de boire le verre de jus d’orange qu’elle m’avait préparé ! »

Si je dois résumer ce que j’ai à dire, ayez de l’intensité ! Mâ est présente, elle est là, si vous lui demandez quelque chose avec une vraie intensité, c’est sûr que vous l’obtiendrez.

Si Mâ revenait sous forme physique, nous serions tous tellement joyeux.

Ella Maillard à laquelle Arnaud Desjardins m’avait adressée me disait : « J’ai vu passer beaucoup de chercheurs spirituels occidentaux, mais vous êtes une des rares qui aient vraiment la bhakti ».

                                                      Propos recueillis par Jacques Vigne et Caroline Stein

 

La saturée de joie

De Jean-Claude Marol

Extraits du livre

A travers le miroir

Ma Anandamayî eut une humanité savoureuse. Nous en saluerons fatalement quelques moments, mais nous insisterons plutôt, dans les pages de ce livre, sur une familiarité de Principe avec ``ce corps` (ehi sharir)- tel était le nom que Mâ Anandamayî le plus souvent se donnait dans sa langue bengalie. Selon Anandamayî (cela peut se traduire par `la saturée de Joie`), nous sommes ses proches depuis si longtemps….elle sait comment nous prendre! Elle dit avec humour :

 

Voila comment quelqu’un venu rencontrer ce corps, se présenta :

·         Je suis pour vous un nouveau venu!

Il reçut cette réponse:

·         Toujours nouveau! Toujours ancien!

La jeune fille pimentée

Celle “établie dans le Coeur de tous les êtres”, s’est faufilée jusque-là où on ne l’attendait pas, sous de nombreux aspects, dans nos propres mouvances culturelles.

Notre esprit philosophique occidental, façonné par la Grèce Antique, et si fier de sa rationalité, doit faire la place, s’il est conséquent avec ses sources, avec cette vision; quelques jours avant sa mort, selon le Criton (44) de Platon, Socrate fit ce songe:

J’eus l’impression de voir venir a moi une femme, belle et pleine de grâce, vêtue de blanc, qui m’appela par mon nom. Elle me dit:

Socrate, trois jours après ta fin, tu arriveras dans la Phtie fertile…”

Etrange apparition! De façon plus prévisible, l’ancienne église grecque des VIIe et VIIIe siècles saluait ainsi Marie, qui rend le plus sage, insensé (Eikos-IX):

Salut, toi qui rends les sages, insensés!

Salut, toi qui réduis à des absurdités les paroles les plus avisées.

Toujours une féminité ardente a parcouru nos sociétés comme un frisson.

L’Esprit Saint a souvent été qualifié de féminin. La tradition hébraïque, pour Esprit, emploie un mot féminin (Ruah). Effet de continuité (?), ou simple connivence dans l’expérience, l’Eglise syrienne, en fidélité à d’antiques enseignements chrétiens, évoque le Saint-Esprit en tant que Mère. L’Ancien Testament (Sagesse-7-26-27) pourtant essentiellement patriarcal, laisse aussi transparaître un visage féminin.

Elle (Hokmah – la sagesse) est en effet un effluve de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Tout-Puissant.

Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu.

(…)Seule, elle peut tout! Demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers.

 

Un des piliers du christianisme, Bernard de Clairvaux, dans ce XIe siècle foisonnant de saluts à la Dame, contribua à développer la dévotion à “Notre Dame, aqueduc de la grâce”.

Sur le plan d’une déité principielle, un des anciens pères, Denys, annonce:

Elle est l’être de tout, elle est au-dessus de l’être, la Déité.

Dans la concision de la langue latine : Esse omnium est, quae super esse est deitas.

Toutes ces formulations (parmi beaucoup d’autres: dans le celtisme notamment, qui fut un grand ferment de notre monde médiéval) ont tissé de façon sous-jacente notre Occident.

Tous ces accents, souvent peu connus et refoulés par l’Eglise, participent, qu’on le veuille ou non, de notre tréfonds culturel. Ils nous préparent à entendre le sacré au féminin, tel que l’Inde le proclame sans vergogne depuis des millénaires et qui s’est actualisé avec la Saturée de Joie.

Qui est cette Mère, proche de tous, dont notre Bible dit:

Seule, Elle peut tout!

Quelle Mère?

En Inde, nous n’aurons pas à nous convertir à quoi que ce soit. En fait, il n’y a pas d’hindouisme avec l’-isme que nous aimons accoler en Occident à tous les mouvements de pensée, il n’y a pas de prophète fondateur, pas d’Eglise, pas de dogme exclusif, mais d’infinies variations de langage, de multiples sagesses (etc.) et pourtant un fantastique sens de l’unité. Mâ était disponible à toutes les formes de quête, à toutes les expressions du divin de par le monde :

Les chemins sont sans nombre. On ne peut les limiter à ce qu’ont répertorié les Ecritures. Où il est question d’Infini, la variété des approches est aussi infinie et les révélations sur ces chemins sont illimitées. Ne dit-on pas: “il y a autant de doctrines que de sages?” A moins d’avoir une expression qui vous soit propre, il n’est nullement question d’être Sage.

Une autre fois, un autre échange :

Question : Mais pourquoi existe-t-il tant de religions sur notre planète, s’il n’y a que le Un?

Mâ : Il est infini; il est naturel qu’il y ait une infinie variété de conceptions Le concernant, et une infinie variété de chemins pour Le rejoindre.

Il est toutes choses, Il est toutes les croyances; Il est aussi le refus de croire en Lui de l’athée. La déclaration des vertus de l’incroyance est une autre croyance, n’est-ce pas? Il est dans toutes les formes et toutes les non-formes.

Elle résumera :

Je n’ai pas de voie particulière. Toutes les voies sont mes voies.

Ainsi va Mâ; ainsi vont les Indes, depuis des millénaires. Dans cette générosité indienne, nous tenterons de déceler maintenant, et au nom de la présence de Mâ (elle s’est incarnée en femme, ce qui n’est pas neutre) plus particulièrement la composante féminine.

Dans un des Tantrasara, poète kashmiri du XIe siècle, Abhinavagupta, chante Bhuvaneshvari (celle qui contrôle l’Univers):

Tu es la primordiale,

La Mère des créatures en nombre infini.

Tu différencies l’Absolu en ces trois puissances:

Brahma, Vishnu, Shiva,

Pour créer, maintenir et détruire les mondes.

Mère, puisse ton chant éclairer ma parole!

(Nous remercions Sandrine Oubrier, qui s’est installée à Kankhal, pour avoir aidé à sélectionner et saisir des extraits du livre de Marol qui seront continués dans les numéros qui suivent).

 

 

Parler est un besoin, écouter est un grand art (Goethe)

ECOUTER

(Voici un cadeau d’AMMA)

 

Ecouter est peut-être le plus beau cadeau

Que nous puissions faire à quelqu’un…

C’est lui dire, non pas avec des mots,

Mais avec ses yeux, son visage, son sourire

Et tout son corps : tu es important pour moi,

Tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là.

 

Ecouter, c’est commencer par se taire.

Ecouter, c’est accueillir l’autre avec reconnaissance

Tel qu’il se définit lui-même

Sans se substituer à lui pour dire ce qu’il doit être.

 

Ecouter, ce n’est pas vouloir que quelqu’un

Soit comme ceci ou comme cela,

C’est apprendre à découvrir les qualités

Qui lui sont spécifiques.

 

C’est être ouvert positivement

A toutes les idées, à tous les sujets,

A toutes les expériences, à toutes les solutions,

Sans interpréter, sans juger,

 

 

 

Laissant à l’autre son espace

Et le temps de trouver la voie qui est la sienne.

 

Etre attentif à quelqu’un qui souffre,

Ce n’est pas donner une solution

Ou une explication à sa souffrance,

C’est lui permettre de la dire et de trouver

Lui-même son propre chemin pour se libérer…

 

Ecouter, c’est donner à l’autre

Ce qu'on ne lui a peut-être jamais donné :

De l’attention, du temps, une présence affectueuse.

                     (Recueilli par Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)

 

 

 

Recette pour le Bonheur

(Par Mahâjyoti)

 

Précédemment, j’avais évoqué ‘Mâ et la Joie’…

Mais alors… le Bonheur ?

La souffrance ?

La souffrance ? Mais oui, il y a aussi B……comme Bonheur ! Avec une majuscule.

Cela me rappelle le grand humoriste disparu Raymond Devos, qui raisonnait dans l’absurde…

Et qu’est-ce que c’est que l’absurde ? C’est NOUS !

La ‘Voix du Maître’ répond à son disciple lorsque celui-ci demande :

Disciple : « Combien de temps me faudra-t-il chercher ? »

Maître : « Jusqu’à ce que tu trouves… »

Disciple : « Mais quand vais-je trouver ? »

Maître : « Quand tu cesseras de chercher… »

Cela me rappelle alors le grand peintre Michel-Ange lorsqu’il mit plusieurs années à peindre le plafond somptueux de la Chapelle Sixtine du Vatican à Rome, alors que son mécène, le Pape Jules II, lui demandait, du bas de l’échelle où était juché Michel-Ange :

Jules II : « Quand auras-tu terminé ? »

M-A : « Quand j’aurai fini ! »

Il y en a qui assènent des coups à leurs mécènes…mais NOUS…où allons-nous le dénicher notre bonheur si notre mécène est au-dedans de nous et si on ne sait pas le voir ?

Frilosité…frivolité… ?

C’est Noël, il fait beau.

C’est l’Année Nouvelle, il fait froid.

C’est l’Année du cœur, il fait triste.

C’est l’Année du Lion, du Chat, du Rat…peu importe, cela devrait être l’Année du Bonheur. Avec un grand B.

Alors? Comment s’y prendre?

 

 

 

Voici une recette (toujours de ma grand-mère de 104 ans) :

·         Un zeste d’humilité.

·         Une pincée d’ego, bien broyé et passé au tamis (un peu d’ego est nécessaire quand même pour contrebalancer l’ego de ceux qui en ont trop).

·         Quelques épluchures de bonne humeur, bien lavées à l’eau claire (pour les débarrasser de leurs souillures causées, évidemment, par les autres…).

·         Un soupçon de bonne volonté et de compréhension envers autrui.

·         Trois grosses louches de mots gentils pour bien arroser vos interlocuteurs interloqués.

·         Un bidon d’aide aux plus démunis (bras, huile de coude, regards attentionnés, sourires indispensables…et porte-monnaie ouverts).

·         Un chariot d’écoute (bonnes oreilles bien débouchées et bouches cousues, contrairement à ce que l’on colporte ‘de bouches à oreilles’ et qui n’est pas toujours de la première fraîcheur !)

·         Un grand cœur, pas trop ‘artichaut’, pas en pierre non plus…juste tendre et ‘à point’ sans être ‘saignant’…)

·         Un brin de folie (pour pouvoir supporter tout cela…)

·         Une boule de lumière pleine d’Amour (celui avec un grand A…comme enseigné par Mâ).

·         Et puis vous roulez le tout dans la farine, et vous saupoudrez de poudre de perlimpinpin.

 

·         Vous pouvez à la rigueur en faire des petits pâtés, que vous enveloppez dans des pages de livres, de ceux qui vous ont le plus marqués cette année…et que vous relisez au passage, avant de les envoyer à ceux qui vous sont chers, en les accompagnant du livre ENTIER sur, par exemple : l’Enseignement de Mâ Anandamayî, sur les transcriptions des ‘satsang’ avec notre vieux Maître Vijayânanda, sur les connaissances déployées par notre Jacques Vigne… sur les écrits de nos grands Maîtres de toujours…

N’est-ce pas tout cela le Bonheur qui nous est prodigué ? Celui de pouvoir avoir accès à nos anciens…à nos maîtres…à nos guides…

« La compassion du sage éclaire sans éblouir, réchauffe sans brûler » a écrit Matthieu Ricard dans son « Plaidoyer pour le bonheur »

Accèderons-nous jamais à une parcelle de ce qu’ils ont atteint ? De ce qu’ils ont connu ? On peut essayer de faire de notre mieux.

Le Bonheur n’est-il pas un simple ‘état d’être’ indéfinissable qui vient éclore parfois sans qu’on s’en aperçoive dans les moment les plus inattendus… ?

 

En sanskrit, le bonheur se dit « ANANDA » (béatitude, félicité…)

Mâ Anandamayî (Mère imprégnée de bonheur…habitée par la joie…)

Si vous voulez que le monde en ait un peu plus…transmettez, transmettez…Tous les moyens sont bons et atteindront leur but au moment opportun, après avoir erré quelques temps dans le champ akashique, dans la mémoire collective, dans les rayons du soleil !

Il n’y a pas de petits bonheurs, ils sont tous à la mesure de comment vous les recevrez.

« Souvent on rencontre sa destinée par les chemins qu’on prend pour l’éviter » nous rapporte Victor Hugo.

Et Jacques Vigne a écrit : « Nous nous lèverons de Bonheur » !

Donc : « Prenez soin du Bonheur, prenez soin de la vie et elle prendra soin de vous » (Maharishi Mahesh Yogi)

Mais je terminerai simplement en vous affirmant que le BONHEUR est comme un parfum, on le porte sur soi pour le faire respirer aux autres…

Heureux JAY MA 2009 !

                    Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

 

Le dalaï-lama :

Le bouddhisme tibétain reconnaît l'Inde comme gourou

En janvier 2009, le dalaï-lama est venu inaugurer le pavillon du Tibet à Auroville. Jacques Vigne y est passé en février avec un groupe et grâce à la revue d’Auroville en français, il a pu prendre connaissance de façon détaillée du contenu des rencontres et des enseignements du dalaï-lama dans cette cité internationale voulue par la Mère. Le dalaï-lama a reconnu clairement la dette du bouddhisme tibétain envers l'Inde, y compris l'Inde du sud d'où sont venus par exemple Nagârjuna et Bohidharma.

 

« Je voudrais saluer les habitants de cette région. L'arrivée du bouddhisme au Tibet a transformé la manière de vivre des tibétains. Depuis plus de mille ans, le bouddhisme bénéficie immensément au peuple tibétain. Le bouddhisme est une ancienne religion indienne. Le bouddha Sakyamuni (Siddhartha) était indien. Les grands maîtres de la tradition bouddhiste sanskrite étaient aussi tous Indiens. C'est pourquoi nous considérons l'Inde comme notre gourou. Nous tibétains, nous nous considérons comme des chelas (disciples).

La plupart des grands maîtres comme Nagârjuna venaient du sud de l'Inde. La plupart de ces grands pandits, de ces maîtres en langues et philosophies sont venus du Sud :

J’ai personnellement toujours ressenti une très profonde admiration pour les Indiens du sud.

La personne qui m'a présenté a dit que j'avais fait une petite contribution à l'humanité. Mais ces idéaux et ces concepts ne me sont pas venus parce que je suis spécial. En fait, je suis un être humain très ignorant. Ces idéaux sont avec moi grâce à ces grands textes indiens que j'ai étudiés depuis l'enfance. Je les ai étudiés sans enthousiasme, en traînant les pieds [rires] par peur de mon tuteur ; ce n'était pas quelque chose de volontaire. Ce n'est que plus tard que j'ai réalisé que ces études, ces textes étaient très utiles pour développer une perception juste, une attitude juste.

J'ai l'occasion de voyager beaucoup dans le monde. J'accepte avec plaisir les invitations à aller parler ici ou là. Quel message est-ce que je donne ?

Eh bien, c'est cette pensée indienne. Je suis comme un messager de la pensée de l'Inde ancienne, particulièrement de l'Inde du Sud. Je suis seulement le messager. Le véritable auteur de ces pensées, c'est vous. »

                                                                                         La revue d’Auroville, numéro 27,

mars-juin 2009, spécial dalaï-lama.

 

 

Nouvelles

 

·         José Sanchez-Gonzalez qui se charge de recevoir les chèques d’abonnement a changé d’adresse et de téléphone à l’intérieur de Vaison-la-Romaine. Vous trouverez ses nouvelles coordonnées dans la section suivante.

·         Swami Nirgunânanda viendra en France au printemps, pour un programme à Terre du Ciel près de Lyon dans le cadre du festival Lumière de l'Inde en mai www.Terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30, et en août, il aura un programme en Belgique de nouveau organisé par Paul Neefs Contact : Tél. (Belg.) : 0032 (0)10/814780 ou 0485938011 paulneeffs@yahoo.com – et aussi www.anandamayi.net Rue E. Goes 3/202 B-1348 Louvain La Neuve et aussi une journée à Genève organisée par Jamshid Anvar jamshid@bluewin.ch 00 41-22 776 1918

Un nouveau livre de paroles de Mâ classées par thèmes a été traduit en français et devrait être mis incessamment en ligne sur le site www.anandamayi.org , il est intitulé Vangmayî Mâ, et nous en avons mis des extraits ainsi que l'introduction par Vigyanânanda au début de ce numéro. L’école primaire au nom de Ma Anandamayî qui compte 80 élèves dans le village de Jamrari est en train de finir de construire ses bâtiments. Ceci est dû à la générosité de Français fidèles de Mâ. Près de l'ermitage de Dhaulchina, il y a deux écoles primaires au nom de Mâ Anandamayî qu’aide l'ashram, dont celle de Jamrari, et le collège de 300 élèves lui-même est aussi au nom de Mâ Anandamayî, mais est géré par le gouvernement directement.

Le progrès dans le niveau d'éducation des gens des montagnes, en particulier des femmes, est une véritable révolution silencieuse qui fera réellement bouger la société dans le bon sens. Par contre, du côté de l'Himalaya népalais, les nouvelles ne sont pas bonnes, d'après Pushparaj, secrétaire de l'ashram de Mâ, et lui-même népalais, le pays est en train de régresser de 20 ans au point de vue économique, et au point de vue culturel, les maoïstes font tout ce qu'ils peuvent pour réduire l'importance de l'hindouisme et de l'Inde et essayer d'imposer leur propre idéologie. Heureusement, la dépendance envers l’Inde est à la fois un fait historique et géographique ainsi qu’une donnée économique actuelle, et les maoïstes seront sans doute défaits avant d'avoir pu la défaire.

·         Des retraites avec des groupes francophones auront lieu auprès de Vijayânanda en août comme l'an dernier, il y a déjà 24 inscrits, mais aussi en octobre, avec un groupe de Monaco organisé par Régine Léone, chef d’entreprise et professeur de Yoga dans la cité des princes Rainiers et en début novembre avec un groupe réuni par une professeur de yoga suisse, Carole Dalmas. Vous aurez tous les détails sur le site www.teerth.org

·         Vigyânânanda (Jacques Vigne) reviendra en Occident du 19 mars à début août. L’an dernier il avait été invité à Assise pour parler de Mâ dans un congrès de yoga, et il a été de nouveau invité par la même organisatrice qui a aussi beaucoup travaillé pour Zinal, Antonietta Rozzi, en Italie pour le 35e anniversaire de la Fédération Italienne de Yoga en début mai près de Venise. Il animera en particulier une semaine de retraite à Cannes avec Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) du 18 au 25 avril et une autre sur une île du Golfe du Morbihan en juillet, cette dernière étant complète. Du 20 mai au 20 juin il sera à la Réunion. Demandez si besoin son programme à Mahâjyoti koevoetsg@wanadoo.fr   

·         le 26 novembre, Swami Vijayânanda va fêter ses 95 ans. Ou plus exactement, ceux qui sont proches de lui et ses visiteurs vont lui fêter, car il n'est guère identifié au temps. Il nous disait encore hier soir au satsang, quand des français de passage lui demandaient s'il allait vivre 10 ou 20 ans de plus : « Je ne suis pas le corps, je suis conscience immortelle ; si le corps veut vivre plus longtemps, c'est son problème, il va falloir qu'il se débrouille... » 

 

Renouvellement général des abonnements

 

Ce renouvellement général des abonnements nous emmènera jusqu’en mars 2011, sauf événements imprévus. Vu les problèmes de courrier entre l'Inde et la France, nous avons décidé de cesser l'envoi du ‘JAY MA’ sur papier, la grande majorité des abonnés étant déjà passée à la version électronique. Celle-ci est à la fois plus rapide, plus économique et plus écologique. Pour confirmer votre renouvellement d'abonnement, envoyez un chèque de 8 € à José et rappelez votre adresse courriel, ce sera aussi clair.

José Sanchez Gonzalez - 10 rue Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine -Tel : 06 34 98 82 22Email : nagajo3@yahoo.fr

Il ne faudra pas manquer d’en aviser également Mahâjyoti à Nice (Geneviève Koevoets) une fois votre paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr -  car c’est elle qui se chargera de vous envoyer le ‘Jay Mâ’ par email, tout en l’illustrant d’une belle photo de Mâ comme dans l'édition papier. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès., avec les versions anglaise, hindi et bengali.

 

Table des matières

Paroles de Mâ extraites du nouveau livre ‘Vangmayee Mâ’ p.1

Introduction à ‘Vangmayee Mâ’ par Vigyânânand p.5

Ma mère, Mâ Anandamayî par Vishuddha p.14

Rencontre avec Krishnapriya p.16

La Saturée de joie de Jean-Claude Marol p.20

Ecouter par Amma p.26

Recette pour le Bonheur par Mahâjyoti p.27

Le bouddhisme tibétain reconnaît l'Inde comme gourou

par le dalaï-lama : p.32

Nouvelles p.34

Renouvellement général des abonnements p.36

 

 

 

Jay Mâ N° 93 Eté 2009

Paroles de Mâ

 

Pourquoi tâtonner dans l’obscurité ? Demandez de la lumière, et toujours plus de lumière. Pendant combien de temps un bougeoir ou une lampe électrique vous éclaireront-ils ? Dès que la source d’énergie vient à manquer, la lumière s’éteint. Essayez d’éclairer le monde avec une lumière qui ne puisse jamais s’éteindre. Quelle est-elle ? C’est la confiance absolue en Dieu et un amour sans bornes pour Lui. Efforcez-vous d’égayer tous les foyers du monde en fournissant un tel idéal. Il illuminera tous les aspects de l’existence, intérieurs et extérieurs. Mais observez bien l’esprit de notre époque. Ce sont les femmes qui seront au gouvernail et les hommes qui rameront. Si vous voulez arriver à un certain succès, faites-vous aider par des femmes. Il est indispensable que les filles soient entraînées, comme les garçons, à chanter les louanges de Dieu, à lire les Ecritures sacrées (Bhâgavad-Gîtâ et Bhâgavata-Purâna), à concentrer, quand elles sont jeunes, leurs forces mentales et morales sur la prière et la méditation et à rechercher la compagnie des cœurs bons et nobles. Ainsi garçons et filles verront leur conception de la vie s’améliorer grandement. Si vous reconstruisez la société hindoue sur la base du brahmacharya, comme autrefois, et selon ce que je viens de vous indiquer, il naîtra un nouvel ordre des choses.

 

Toute chose doit avoir un noyau autour duquel les sensations puissent se développer. Plus votre esprit trouve son centre, et plus haute est la note de santé, de paix, de tranquillité. Et alors un aperçu de l’Infini peut devenir possible. Choisissez une image, ou une silhouette, ou un symbole, ou un son comme centre de votre pensée et tenez-vous-y constamment. Votre esprit viendra y chercher le repos lorsqu’il aura erré à l’aventure. Un sentiment de dévotion se développera peu à peu et Dieu sera installé sur l’autel de votre cœur. A notre époque, il est très difficile pour un adorateur d’acquérir une conception du Divin, soit par les méthodes de yoga, soit en cherchant à fondre le moi individuel dans le Moi universel.

Ne critiques pas les autres car cela rétrécit votre vision, avilit votre âme et ajoute au fardeau de péché qui pèse sur le monde. Cherchez toujours à voir le bon côté des choses. Le bien est vérité et la vérité est vie; le mal est aussi irréel qu’une illusion, il est dû à votre propre perversité. Personne n’aime cultiver le mal.

Chassez de votre esprit la crainte, le découragement, l’anxiété. La source de toute grande puissance est là où se trouvent force, énergie, bonne humeur. Apprenez à voir la main bienfaisante de Dieu dans tous les efforts que font les hommes pour le bien du monde, et en vous écartant du monde grossier de karma, en vous approchant du monde raffiné de la Vérité divine, vous trouverez vite la Source du suprême Bonheur.

                                        Extraits de ‘Aux sources de la joie’ traduction de Jean Herbert

 

 

VANGMAYEE MA

Paroles de Mâ Anandamayî

Livre traduit de l’anglais par Jean.E.LOUIS

(Paroles classées par thèmes)

   Karma 

Seule cette action qui fait briller les sentiments divins est action, le reste est non-action. Il faut renoncer au chemin qui ne conduit pas aux sentiments divins, tout attrayant que puisse être ce chemin. Par contre il faut accepter celui qui inspire les sentiments divins, aussi peu attirant qu’il puisse sembler. L’homme se doit de prendre le chemin qui monte vers la conquête de la vérité. Le chemin propice va dans la direction de l’immortalité. Celui qui semble agréable et attrayant est en fait pernicieux, dangereux et funeste. Il conduit vers la mort.

 

Il ne faudrait jamais penser à quelque action négative que ce soit, pas plus qu’il ne faudrait s’évertuer à gagner les faveurs des autres.

Seule cette action qui conduit à Dieu est action, le reste est non-action – action qui mène à la mort. L’homme devrait être dans le Swakriya (le mouvement du Soi par lui-même, en lui-même, en tant qu’ « acteur-action » indifférencié).

Les actions de l’homme ordinaire visent à l’assouvissement du désir. Les actions de l’homme qui aspire à la réalisation, visent à atteindre sa véritable nature.

Le Kriya-Yoga est la voie vers l’objectif suprême et le kriya-bhog (la jouissance des fruits de l’action) est la voie de ce monde. Celui qui suit la voie de Kriya-Yoga va dans la direction du salut. Quelle que soit la direction que l’on prenne, il faut toujours chercher à s’engager dans une action qui permette de se libérer de l’action. Dans l’union perpétuelle (avec la réalité suprême), la question ne se pose pas du passé et de la transcendance du passé. Quelle que soit la voie que vous suivez, effectuez vos actions avec une dévotion ferme et résolue. Alors seulement, vous serez libéré de l’action. « Yogi » veut dire celui qui est toujours en union avec la réalité suprême et le salut est dans l’union perpétuelle avec cette Réalité suprême.

Toute action entreprise avec le sens qu’on est l’acteur est cause de tourments.

Il existe quelque chose qui s’appelle prarabhda (la partie des actions accomplies dans le passé, qui doivent porter leurs fruits, et engendrent la naissance et la mort) et il y a aussi un stade au-delà de prarabhda où il n’est question ni de préparation ou de non-préparation. Lorsque l’inondation survient, elle balaie tout sur son passage.

Personne n’est tenu de renoncer délibérément à quoi que ce soit – lors de l’oblation finale du karma, le renoncement advient de par lui-même.

L’homme est né pour être heureux ou souffrir selon son destin.

Si l’homme ne peut échapper à son destin, peut-il se soustraire aux décisions de Dieu ? Le fruit du karma est en fonction de vos actions. D’où vous viendrait le pouvoir de décider qu’Il peut, ou non, octroyer ou annuler son propre ordonnancement des choses ?

Tout est possible dans Son royaume. Il peut tout faire. Vous n’avez pas le droit de vous demander ce qu’Il est en train de faire, ni pour quelle raison Il est en train de le faire. Pourquoi devrait-il agir toujours selon vos désirs ? Il est le Seigneur suprême. Quoiqu’Il fasse, c’est pour votre bien. Gardez cela en mémoire.

Agissez dans un but positif. Cherchez à vous élever degré par degré, au travers de vos actions. Raccrochez-vous à Lui dans toutes vos tâches, que rien ne soit laissé de côté. La recherche du Seigneur en tant que but en sera facilitée. Votre tâche sera parfaitement remplie. Lorsque vous entreprenez un travail, quel qu’il soit, faites-le avec votre esprit, votre corps et vos paroles, avec simplicité et contentement. Ainsi, la perfection sera là. Au moment voulu, les feuilles mortes tomberont et de nouvelles feuilles apparaîtront.

Quand il y a un continuum de pensées pures, la voie s’ouvre à coup sûr, vers l’atténuation des karmas.

Il faut expérimenter et vivre le résultat de l’action, de la non-action et de l’action erronée, aussi longtemps que le but n’est pas atteint.

L’homme est né pour l’accomplissement de son karma et de son cycle de renaissances. Un homme fort, un homme en qui le pouvoir divin se manifeste, peut changer son karma.

De nombreuses actions conduisent à des conditions misérables après la mort et ne mènent pas à un dénouement heureux. Le sort est alors d’aller de ténèbres en ténèbres plus profondes. Et nous ne sommes pas en mesure de dire pourquoi il en est ainsi. Ce sont là les règles de son jeu. De même l’action, de même les conséquences.

Lorsque quelqu’un est investi d’une tâche donnée et qu’il ne l’accomplit pas de bon gré et motivé par l’amour de Dieu, cette tâche n’ira pas à bon port, même s’il fournit un travail acharné.

L’homme devrait accomplir les tâches quotidiennes, de gaieté de coeur, en les dédiant à Dieu.

Les activités de ce monde-ci sont entrecoupées de plaisirs éphémères, traînant derrière eux, comme leur ombre, d’inévitables angoisses. Vous devez être un voyageur qui se dirige vers la réalisation du Soi. Durant le trajet qui vous conduit vers Dieu, les souffrances qu’entraîne l’action, iront en diminuant. Souvenez-vous de cela.

Dans l’action forte et résolue, le voile de l’ignorance disparaît.

Dans chaque action, l’objectif doit rester l’élément majeur.

Une action juste ne peut être enfin. Tout homme doit récolter les fruits de ses actions précédentes. Aussi longtemps que l’union avec Dieu n’est pas réalisée, le Suprême n’abandonne pas l’homme sans lui octroyer les fruits de son Sanchit Karma (actions accumulées au cours des précédentes vies).

Faites tout ce que Dieu veut que vous fassiez. Au moment propice, Il vous inondera de Sa grâce. Engagez-vous dans l’action dans un esprit totalement résolu. La plupart du temps le gourou conseille certaines pratiques spirituelles pour vous préparer à la vraie sâdhanâ.

Attendez le moment propice. Restez assis, immobile, dans l’attente d’un signe de Dieu. Continuez à chercher un être vraiment préparé jusqu’à ce qu’une réponse vous arrive.

 

Une fois la juste action entreprise, il n’y a pas de chute.

Plus l’esprit est pur, plus l’action qui appartient à Dieu sera belle. Il se manifeste également sous forme du karma. L’action devrait réfléchir l’image d’une attitude pure et simple.

« On devrait me traiter avec amour et respect » ou « Il faudrait travailler pour moi » - sur cette voie il ne faudrait rien entendre de semblable. Il faut toujours faire preuve de patience et de modération. De même qu’une goutte de présure fait cailler une grande quantité de lait frais, la survenue de la plus insignifiante colère au cours de l’action est particulièrement néfaste. Souvenez-vous de cela.

Quoi que vous fassiez, faites-le bien. Vous prendrez goût à l’action lorsque votre tâche avancera.

Quant à la manifestation des objectifs de l’action, il faut absolument respecter les rites et rituels qui dissipent les ténèbres. Essayez de muer les actions extroverties en actions introverties. Il faudrait toujours s’efforcer d’impliquer le corps physique dans l’action spirituelle. Le désarroi est une forme de pensée qui tient Dieu à distance. L’homme devrait essayer de se fixer dans sa nature innée, une fois celle-ci libérée du besoin de la chasse au désir.

Les plaisirs et les souffrances de l’homme sont la conséquence de son karma. Il y a le karma yoga (action qui conduit à l’union avec la réalité ultime) et aussi le karma bhoga (souffrance et plaisir du fruit des actions). Pour votre salut, gardez toujours l’esprit immergé dans l’adoration de Dieu, le japa, la méditation et la contemplation. Ce sont là les voies vers la paix.

Lorsqu’un désir apparaît, probe et droit, Dieu l’exaucera assurément. Le bien et les récompenses sont présents quand le désir droit est tenu en éveil. Une action juste donne toujours des résultats, qu’elle soit accomplie délibérément ou à contrecoeur. Les actions justes ainsi que les rituels effectués avec une conscience portent chance. La malchance disparaît progressivement.

La vie dans ce monde est une traversée. Agissez de façon irréprochable et acceptez ce qui se présente sur le chemin du monde. Ayez toujours à l’esprit le sens du devoir et la mesure de vos possibilités. Il est dans la nature innée de Dieu de révéler Son omnipotence là où on le contemple et où on le loue.

 

" Ce que j'ai reçu de Mâ... "

Confession de Nathalie Chazal

Nathalie est venue pour la seule retraite de 10 jours qui ait été organisée à l'ermitage de Dhaulchina pour un groupe d'une vingtaine de personnes en été, cela devait être en 2004. Cette retraite a été animée par Swami Nirgunânanda et Jacques Vigne. Elle a pu créer à partir de là un lien avec Mâ Anandamayî dont elle parle avec coeur dans le petit texte ci-dessous.

Je suis nourrie chaque jour de Sa Présence; quelle que soit la manifestation, ce peut être une image, un évènement, un ressenti, un regard, un sourire, la joie de ma fille de 20 mois...

C'est cette part de Féminin Sacré que j'ai retrouvée lorsque j'ai rencontré Mâ et que je vis chaque jour, que je reconnais, je ressens, je vois, je perçois.

Je ne suis pas toujours connectée, reliée, même si cette quête d'absolu demeure en mon coeur, mais même si c'est parfois quelques instants, je me réjouis.

 Ce Féminin Sacré est Force, Amour et Protection. Protection révélée en guidance et bénédiction.

 Lorsque je suis allée en Inde, j'ai rencontré par cette Présence immanente, la Force, cette force que je peux re-contacter au sein même d'une fragilité, sensibilité à fleur...

Cette force du Féminin que j'ai redécouverte en devenant mère.

Quelques mois après la naissance de cet Etre qui me donne tant d'Amour, Mâ me faisait signe. Signes, symboles, Sens; je retrouvais des photos d'elle, je sentais sa douceur, son éternelle Présence. J'étais guidée vers des lectures qui me nourrissaient, me reconnectaient et vers une nouvelle orientation professionnelle...

 L'Amour infini qui me berce à chaque instant où j'accueille, j'ouvre les portes de mon âme avec la clef de mon coeur.

 Et cette Protection que j'ai ressentie dès mes premiers pas sur le sol de l'Inde, Présence bienveillante, guidance, bénédiction.

Je suis partie avec Vigyânânand en juillet 2004; aujourd'hui 29 juin 2009, ce voyage, ces rencontres, cette expérience sont toujours aussi présentes.

Les fleurs, les odeurs, les couleurs, les contrastes de l'Inde Unique, la présence des Etres; magnifique Ganga, éternels Himalayas.

Récemment j'étais émue, traversée par cet Amour infini en peignant; à la fin j'ai compris, c'était les montagnes, la source, le fleuve, l'Inde et Mère divine au coeur...

 J'ai traversé de nombreuses épreuves. Accepter d'être dans un corps ne fut pas simple et je rends grâce chaque jour pour Sa Présence, le Féminin qui habite chaque être.

J'ai réalisé d'autres voyages après (toujours initiatiques), je suis même retournée en Inde; quelles que soient les expériences, elle était toujours là, elle est ici, dans la forme et le non manifesté.

Cette énergie de vie qui circule, qui pétille, m'apaise et nourrit ma Foi lorsque je cherche encore le SENS.

Le sanskrit me transporte vers Dieu.

Un des noms de Mâ m'a accompagnée lors de grands processus de nettoyages, transformations et devenait mantra: Om Nirmalaya Namaha

Je remercie pour cette Grâce, la paix reçue au-delà de la souffrance, la douleur physique.

 Les portes sont restées ouvertes sur l'infini, l'ultime, l'écho, la Parole sacrée, le Silence habité.

 Ashirvad * Bhagavan * Charan Amrita (bénédiction, océan divin d'amour, nectar immortel). "

Om Shanti, Nathalie Chazal.

 

C’est moi qui, c’est moi que !

(Violence et luminosité – Travail de maturité sur soi-même)

(Par Mahâjyoti)

C’est moi qui, c’est moi que,

Moi moi moi, je je je,

J’ai fait ci, j’ai fait ça,

C’est pas lui, non c’est moi !

 

On se dresse, on se jauge,

On rumine et on cause.

Le ventre en jalousie

Le mental en folie !

 

Tel Sacha Guitry

C’est « Môa » qui le dit,

C’est « môa » qui fait tout bien,

Les autres ne sont rien !

 

Devant moi il est là

C’est le portrait de Mâ !

Son regard me sourit,

Sa douceur m’envahit…

 

La bougie nous éclaire

Apaise ma colère.

Sel de l’Himalaya

Pureté, silence et joie,

 

Reflètent leurs éclats

Sur le portrait de Mâ.

Reflet de ma conscience

Mâ redonne confiance.

 

Que suis-je en train de dire ?

Quelle crise ? Quel délire ?

A quoi bon ? Quelle sottise !

Un peu de lâcher-prise !

 

Pourquoi donc avoir peur ?

Ne serait-ce qu’un leurre ?

Chacun peut faire sa route.

Mâ ! Enlève mes doutes !

 

Mental, sois silencieux !

Mon cœur, sois lumineux !

Souris dans l’ouverture

Je plierai, je le jure.

 

C’est moi qui, c’est moi que,

C’est moi quoi ? Je je je…

C’est moi rien, piou piou piou

C’est moins que rien du tout.

 

Détacher, décrocher,

Pour pouvo il est devenu uneir s’envoler !

S’entr’ouvrir et sourire

Savoir oser le dire.

 

Celui qu’on croit ennemi

Reflète notre peur

Faisons jaillir pour lui

La lumière intérieure.

 

Vu sous cet angle là

Je dis merci à Mâ !

C’est la paix que l’on trouve

C’est l’horizon qui s’ouvre !

 

Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

 

Rencontre avec Mâ Anandamayî

(Les Sages de l’Inde)

Par Swami Kriyânanda

(Traduit de l’anglais par Jean.E.Louis)

Swami Kriyânanda est né en Roumanie de parents américains. Disciple de Yogananda Paramhamsa, il a fondé de par le monde toute une série de « villages de lumière », y compris en Italie près d’Assise. Il s'agit d'un très grand centre, avec une centaine de permanents, qui représente certainement le plus grand ashram d'Europe. Swami Nirgunânanda et Vigyânânanda l’ont visité pour parler de Mâ Anandamayî. Il a aussi fondé, à l'âge respectable de 80 ans, un nouvel ashram à Gurgaon près de Delhi, et il est devenu un Swami très connu de la télévision indienne où il parle régulièrement...

L’Inde ! Terre de grands sages et de yogîs. Toute personne normalement sensible ressent dès qu’elle pose le pied sur ce sol sacré, le souffle béni qui en émane. C’est d’ailleurs pour cela que Yogananda Paramhansa termina sa vie avec les derniers mots de son poème « My India » (Inde, ma terre) :

« Je suis béni. Cette terre a accueilli mon corps. »

L’Inde est en train de traverser une période de transition, phase indispensable pour ce pays qui possède l’une des cultures les plus significatives de ce monde. L’heure est venue pour elle de prétendre au rang, qui lui est dû, de leader parmi les nations de la planète.

La première fois que je m’y suis rendu, en 1958, on y rencontrait encore de grands sages. J’y suis resté presque quatre ans, hormis une interruption de six mois, en I960, durant lesquels j’ai dû faire des voyages en Amérique et en Europe. Puis j’y suis retourné pour une courte durée en 1972. Par la suite, j’y suis allé à différentes reprises en simple visiteur. Après cela, je m’y suis rendu une fois encore, en 2003, pour y vivre et achever l’oeuvre de mon Gourou. Au cours de cette cinquantaine d’années j’ai pu constater nombre de changements dans ce pays. Et tous n’étaient pas des plus agréables pour une personne dont la vie était consacrée à la recherche de Dieu. Mais j’ai parfaitement conscience du fait que ces changements étaient indispensables. Et je suis persuadé qu’en fin de compte les vibrations sacrées de l’Inde traverseront les brumes du matérialisme qui maintenant recouvrent l’Inde comme le brouillard recouvre la terre.

J’ai eu le privilège de rencontrer, au cours de ma première visite, un certain nombre de sages et de personnes très élevées spirituellement. J’en ai rencontrés nettement moins lors de mon séjour de 1972. Et moins encore au cours des quatre dernières années. Je fais de mon mieux pour apporter un minimum de prospérité matérielle dans ce pays, en même temps qu’une certaine richesse spirituelle. J’ai fait connaître le projet de mon Gourou concernant la réalisation de « World Brotherhood Colonies » que j’ai réussi, d’ores et déjà, à bien établir dans la partie occidentale du pays. Je nourris l’espoir de parvenir à couvrir le territoire de ces petites communautés où vivent des fidèles qui oeuvrent pour Dieu, fondent des familles, si tel est leur désir, et élèvent leurs enfants, tout cela dans l’amour du Divin. On peut dire, après quarante années de résultats positifs, que ce mode d’organisation a donné les preuves de son efficacité. Il y a, à l’heure actuelle, environ un millier de personnes qui vivent dans des communautés ‘Ananda’ tout à fait florissantes en Amérique et en Italie.

Je souhaite ardemment que les pages qui suivent incitent les gens à revenir à la spiritualité de l’Inde ancienne, l’Inde des Védas. C’est ce mode de vie que pratiquent nos communautés Ananda en Occident. Elles sont d’ailleurs reconnues comme telles aussi bien par les sages que par les simples visiteurs qui viennent de l’Inde.

Comme je l’ai dit, j’ai eu le bonheur, lors de mon premier séjour en Inde, de rencontrer des sages. J’ai d’ailleurs écrit de nombreuses lettres à ce propos, à mes frères et soeurs en spiritualité, qui eux se trouvaient en Amérique. La plupart de ces lettres ont été perdues ou sont maintenant introuvables. Certains de ces sages étaient très élevés spirituellement. L’un d’eux était un vieux yogî âgé de 132 ans. Je l’avais rencontré à Puri. J’ai connu plusieurs autres sages lors de la Kumbha Mêla à Allahabad, en 1960. Il y avait, parmi eux, Deohara Baba, âgé de 144 ans. Il me raconta qu’il avait connu Lahiri Mahasaya. Il y avait également Kara Patri, dont il est question dans « Autobiographie d’un Yogî » et Hansa Maharaj, 122 ans, qui avait annoncé qu’il quitterait son corps en avril de cette même année. Ce qui advint en effet. Et plusieurs autres sages dont j’ai oublié les noms.

J’ai rencontré, à New Delhi, une jeune femme qui, à l’âge de neuf ans, avait annoncé à ses parents qu’elle entendait se retirer du monde et vivre en recluse. Elle leur demanda de bien vouloir ne pas la déranger et de se contenter de lui laisser de quoi se nourrir devant la porte de sa chambre. A compter de ce jour elle avait passé son temps à prier et à méditer, ne prenant que très peu de nourriture. Elle ne communiquait que par messages écrits. Parfois ses parents lui laissaient un billet lui demandant de prier pour telle ou telle personne, ce qu’elle ne manquait pas de faire. Et dans un grand nombre de cas, ses prières étaient exaucées.

Son père souffrait d’une maladie chronique. Mais les prières qu’elle faisait pour sa guérison semblaient ne pas être entendues. Elle expliqua, par une note qu’elle laissa devant sa porte : « Les prières ne l’aideront pas. » A la fin, sa mère lui reprocha de faire montre de parti pris à l’endroit de son père en ne se consacrant pas à sa guérison : « C’est uniquement parce que c’est ton père » écrivit-elle. La jeune fille finit par accepter de prier, mais elle laissa une note à sa mère : « Tu verras ce qui en résultera. » Elle guérit son père, mais peu de temps après, celui-ci se mit à mener une vie totalement dissolue. En fait, sa maladie avait fait obstacle à son karma, empêchant celui-ci de se manifester. Elle avait voulu qu’il expie totalement son karma. Mais, désormais, il allait devoir l’affronter et, au fil du temps, en payer toutes les conséquences.

Je l’ai rencontrée alors qu’elle avait dix-neuf ans. Elle avait encore le physique d’une toute jeune fille. Elle ne sortait presque jamais de sa chambre, mais ce jour-là elle en sortit pour me recevoir et consentit à méditer avec moi.

Peu de temps après, on la vit pleurer devant l’image de Krishna. Elle mourut le lendemain.

J’ai connu également Bhupendranath Sanyal, ou Sanyal Mahasaya le plus vieux disciple vivant de Lahiri Mahasaya. Cela s’est passé dans son ashram, aux portes de la ville de Puri, à l’occasion d’une rencontre de spiritualité. Ce lieu était empli de l’amour du Divin.

Je suis resté quelque temps au Math de Gowardhan, à Puri, avec Bharati Krishna Tirth, le Shankaracharya de ce même Math. J’ai préparé sa tournée de conférences en Amérique en 1957 ou 58.

J’ai passé beaucoup plus de temps avec Mâ Anandamayî que ce qu’il est dit dans le passage, relativement court, qui concerne cet épisode. Mâ avait coutume de m’appeler son « chhoto chele », son petit enfant. En fait, elle était en quelque sorte ma mère spirituelle. J’éprouvais grâce à elle un sentiment d’appartenance familiale, sentiment que je n’avais pas connu avec mon propre Gourou qui, lui, m’inspirait un respect mêlé de sujétion. Mes difficultés étaient dues, en partie, au fait que j’étais très jeune à l’époque. Mais elles provenaient aussi du fait que mon Gourou avait une personnalité forte et autoritaire.

Ah ! Comme je voudrais pouvoir consacrer de nombreuses pages à toutes ces visites – oh, combien précieuses – que je fis à Mâ !

J’ai eu le sentiment, lors de mon retour en Inde en 1972, que l’atmosphère bénie par la présence des sages, n’était plus la même qu’auparavant. D’ailleurs, au cours de ces quatre dernières années, je n’en ai rencontrés que très peu. Je suis toutefois persuadé que ces temps bénis reviendront un jour.

Et je prie pour que mon action dans ce pays contribue à accélérer le retour de ces temps-là.

Amitié en Dieu.

Swami Kriyânanda

 

 

Mes premières rencontres avec Mâ Anandamayî

Février 1959

 

A l’origine, ce récit a été publié dans Ananda Varta, en octobre 1983

Les textes qui suivent ont été tirés d’une très longue lettre que j’ai écrite – mais que je n’ai jamais terminée – aux moines SRF de Los Angeles, d’après les notes que j’avais prises à la fin de chacun de mes entretiens avec Mâ, ainsi que d’après les récits qui ont été faits par Mohini Chakravarty, un disciple SRF-YSS.

Sri Daya Mata avait décidé de se rendre avec son groupe – composé de Ananda Mata, de Soeur Revati et de moi-même – à l’ermitage de Sri Yukteswar situé à Puri près de la mer. Après un court séjour dans cet endroit, nous décidâmes de retourner à l’ashram YSS Baranagar, non loin de Calcutta, où nous vivions habituellement. Ce devait être le 9 février. On nous apprit, dès notre retour, que durant notre absence, Mâ Anandamayî était arrivée à Calcutta.

Ce fut une grande émotion pour nous ! Les phrases magnifiques qu’avaient écrites notre maître Yogananda Paramhansa à propos de Mâ, dans son Autobiographie d’un Yogî, nous avaient frappés, nous ses disciples. Nous étions subjugués par l’amour extatique de Mâ, et son infinie dévotion pour le Divin. L’un de nos grands espoirs, sinon le plus grand, lors de notre venue en Inde, c’était d’avoir le privilège de la rencontrer. Or, le destin avait, d’une certaine façon, conduit la Mère Divine sur le pas de notre porte ! Nous brûlions du désir de la rencontrer.

Mon impatience toutefois n’était pas exempte d’une certaine anxiété. En effet, je devais prendre un vol le vendredi suivant, pour Madras, où j’étais censé tenir une conférence au centre SRF-YSS. Comment faire pour rencontrer Mâ avant ce jour-là ? Il aurait fallu que je trouve quelqu’un qui soit en mesure de me conduire à Calcutta, car je n’avais pas la possibilité de m’y rendre par mes propres moyens.

Le mercredi 11 février, à l’heure du dîner, nous étions assis tous les quatre autour de la table de la salle à manger, en compagnie de deux ou trois amis Indiens. La conversation tournait, bien évidemment autour de Mâ Anandamayî et de notre désir profond de la rencontrer. Nous fîmes part à nos amis de l’une de nos préoccupations, à savoir que nous n’avions aucune idée de l’endroit où elle se trouvait à Calcutta.

« Elle est sans doute à Agarpara » affirma Mohini Chakravarty, un de nos amis Indiens. « C’est là qu’elle demeure lorsqu’elle vient à Calcutta. »

- Sais-tu comment nous pourrions nous rendre là-bas ? lui demandai-je.

- Oui, répliqua-t-il. Je peux vous y emmener. 

- A quelle heure reçoit-elle les visiteurs, normalement ?

- A cette heure-ci, plus ou moins. 

C’était là une opportunité à ne pas manquer.

« Et si nous y allions à l’instant même ? » lui dis-je.

A en juger par leur regard surpris, les amis de mon groupe ne s’attendaient pas à cette proposition. Mohini, quant à lui, accepta aussitôt de m’accompagner.

Quelques minutes plus tard nous étions en route.

J’entrai en méditation alors que nous roulions dans la nuit. Une joie étrange emplissait mon coeur. La Mère Divine savait-elle déjà que nous venions la voir ? Peut-être m’envoyait-elle sa bénédiction avant même que je me présente devant elle ?

« Mohini, » dis-je, « soyez gentil de ne pas dire à Mâ qui je suis, à savoir que je suis un disciple de Yogananda Paramhansa, que tout l’entourage de Mâ connaît bien. Je n’ai pas envie d’affronter les formalités d’une présentation. Je me glisserai discrètement au fond de la salle où je m’assiérai pour méditer. Cette joie me suffira. »

Je désirais une rencontre spirituelle avec Mâ, et pas du tout sociale. En fait, je me sentais intimidé, moi, simple disciple indigne, à l’idée de me faire connaître en tant que représentant de notre Maître, devant un être aussi élevé, aussi extraordinaire. Je préférais entrer discrètement et aller m’asseoir sans me faire remarquer.

Je l’aperçus de l’extérieur, à travers une suite de portes-fenêtres qui s’ouvraient sur la façade de la salle des réunions. Je compris à l’instant où je la vis – et chaque fois que j’eus la joie de la rencontrer par la suite, fut-ce même dans la pénombre où je ne distinguais pas ses traits – je compris le sens profond de certains mots de notre Maître. Il avait écrit quelque part : « L’extase emplit votre coeur à la simple vue d’une sainte créature ». Je me rendais compte à quel point ces paroles étaient justes. Il y avait, là, devant mes yeux une créature divine.

J’entrai dans la salle et me dirigeai silencieusement vers le fond. Puis je m’assis en lotus.

Il devait y avoir quelque cent cinquante personnes.

Mâ parlait d’une voix tranquille. Ses phrases étaient souvent ponctuées de petits rires amusés. Et cette voix, qui par moments avait la consonance de celle d’une jeune enfant, faisait vibrer mon coeur. Je fermai les yeux et entrai en méditation. Une grande paix intérieure m’envahit, mêlée d’une profonde dévotion.

Après un certain temps, l’assistance se leva. Selon toute évidence, la réunion était terminée. Je ne pus me résoudre à bouger, ni même à ouvrir les yeux. Les gens autour de moi commencèrent à bavarder. Je présumai donc que Mâ avait quitté la salle.

Je n’avais pas voulu lui être présenté, mais maintenant qu’elle s’en était allée, une certaine tristesse me gagnait. « Il eut été agréable d’échanger ne serait-ce qu’un regard avec elle, ou même un sourire affectueux », pensai-je. Mais il était trop tard, elle était partie. Et de toutes façons, qui étais-je pour prétendre à de telles faveurs ? Alors je me contentai de la bénédiction que j’étais certain d’avoir reçue. (A suivre…)

Swami Kriyânanda

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Le soleil est revenu

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Ce matin, un beau soleil

Brille, enfin, vers l'Est.

Sa douce chaleur m'envahit.

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Il fait miroiter les aiguilles

Des pins et les feuilles du petit

Chêne, au bout de la terrasse.

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Je souris de joie paisible

En l'admirant...Quelle richesse,

Quel bonheur dans sa simple présence!

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J'ai envie de crier « merci »,

A pleine voix, pour tout cela

Et aussi de chanter toute cette beauté.

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Ma joie est calme, recueillie.

A qui adresser mon message muet

Si ce n'est à Dieu, Créateur ?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Les fils d'or de la toile

D'araignée renvoient les rayons

Du soleil et tissent les branches du pin.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Quel symbole que cette toile

D'araignée que le vent agite

Mais qui ne se rompt pas!...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Le piège mobile est là,

Bien visible, sous le soleil

Rasant. Qui s'y laisse prendre?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

L'insecte affairé, cherchant

A se nourrir ne le voit pas.
Il est trop évident et lui trop occupé...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ne sommes-nous pas tous

Des petits insectes, captivés

Par notre vie quotidienne?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

N'oublions-nous pas, souvent,

Ce qui nous est proche

Pour rechercher des chimères, des songes?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Telle est notre faiblesse et

Notre aveuglement...Nous rêvons

De ce qui n'est pas et ne voyons pas ce qui est!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

« Comment changer? » me direz-vous.

Apprenons à voir ce qui est,

Dans l'instant et ici, sans fuir!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ne reculons pas, ne nous échappons pas

Du présent. Restons où nous sommes

Et sachons ouvrir nos yeux...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Hier, n'est plus et

Demain n'est pas encore...

Seul, le présent existe...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Alors, ne vivons plus de rêves

Eveillés...Vivons vraiment

Et efforçons-nous de nous connaître!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ainsi, notre existence ne s'écoulera pas,

En vain. Le ruisseau devient rivière

Puis fleuve et, enfin, océan.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Tout le long, son eau se mélange à d'autres eaux,

Désaltère, abreuve, arrose, nourrit...

Soyons pareils au ruisseau!

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Notre vie s'écoule aussi.

C'est ainsi! Cependant,

Nous pouvons, également, être utiles.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

N'essayons pas de ralentir son flot

Ou de remonter à contre-courant.
Mais, vivons, consciemment, l'instant...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Laissons-nous flotter

Dans le sens de l'eau,

En étant bien éveillés...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Alors, nous comprendrons

Ce qu'est la vie, son sens

Si évident que nous ne le voyions pas.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Nous saurons et ne nous égarerons

Ni ne nous tromperons plus...La toile

Et son araignée auront disparu...

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Monique Manfrini

La Cadière, le 29.04.2009

 

Nouvelles

Comme nous l’avons annoncé précédemment, Swami Nirgunânanda anime une retraite en Belgique à Biévènes près de Bruxelles du 13 au 18 juillet. C’est Paul et Christine Neeffs qui se chargent comme les années précédentes de l'organisation. paulneeffs@yahoo.com et christine.neeffs@belgacom.net 00 32 10 81 47 80. Il a déjà été en France à ‘Terre du ciel’ pour les journées sur l'Inde en mai dernier et pour une retraite subséquente.

Vigyânânand (Jacques Vigne) terminera début Août la tournée qu’il a entreprise en France, Italie, Suisse, Belgique et île de la Réunion. Ses conférences, stages, séminaires et retraites se sont succédés pour la grande joie de tous. La plus longue retraite de 8 jours sur ‘La gestion des émotions’ eut lieu à Cannes avec environ 60 participants, et la retraite de Suisse sur ‘L’Art de la guérison selon la tradition de l’Inde et du Tibet’ fut menée par Vigyânânand et par Lama N.Rigdzin qui évoquèrent des pratiques ancestrales sur ce même thème dans une approche assez différente mais très complémentaire. Lama Ngawang Rigdzin (J-P Engel) a été intronisé comme Lama de tradition séculière Nyingmapa par son Père Spirituel, Kyabjé Trulshik Rinpoché, actuel Maître Spirituel du Dalaï Lama. Il a déjà rencontré maintes fois à Kankhal notre vieux Maître Vijayânanda et il se fera un plaisir d’y retourner en compagnie de Jacques Vigne pour partager ensemble notre quête lors de prochains voyages de groupes. Lama Rigdzin est connu également pour son activité de psychothérapeute.

Vigyânânand a aussi animé une soirée à Saint-Gilles sur l'île de la Réunion à propos de Mâ Anandamayî. Il a parlé d'elle et a invité à parler Swami Premânanand qui l’a connue directement. Il a témoigné des expériences plutôt fortes qu'il a eues avec elle. Swami Premânanand est maintenant à la tête de l'ashram d’Amma à la Réunion, il a été le second à recevoir l'habit orange des mains de Mâ Amritânandamayî et le premier à avoir été envoyé en dehors de Vallickavu pour fonder un ashram.

Plusieurs voyages en Inde sont programmés pour l’année 2009, y compris pour se rendre à la Kumbha Mêla. Cela se terminera par un voyage au Népal en Avril 2010 (voyage retraite avec Vigyânânand et Lama Thupten Khedroup). Il y a deux retraites principales organisées par Vigyânânand auprès de Swami Vijayânanda, une du 6 au 24 août 2009 où il y a déjà une trentaine d’inscrits, et une autre aux mêmes dates à peu près en Août 2010.

Les programmes complets sont sur le site www.teerth.org, et c’est à travers une agence de voyages officielle que pourront être pris les billets, auprès de beatrice@equateurvoyages.fr (N° licence tourisme 069950026) – Téléphone : 04 78 29 48 58. Ce relais par une agence de voyages est demandé pour organiser des groupes à l'étranger, même quand il s'agit principalement de retraites dans des ashrams.

Ensuite, Vigyânânand prendra une année sabbatique de méditation et d’écriture dans son ermitage en Himalaya, il se contentera de recevoir certains groupes à Kankhal même, pour des retraites, mais ne les accompagnera pas dans leurs déplacements.

 

Renouvellement général des abonnements

 

Ce renouvellement général des abonnements nous emmènera jusqu’en mars 2011, sauf événements imprévus. Vu les problèmes de courrier entre l'Inde et la France, nous avons décidé de cesser l'envoi du ‘JAY MA’ sur papier, la grande majorité des abonnés étant déjà passée à la version électronique. Celle-ci est à la fois plus rapide, plus économique et plus écologique. Pour confirmer votre renouvellement d'abonnement, envoyez un chèque de 8 € à José et rappelez votre adresse courriel, ce sera plus clair.

José Sanchez Gonzalez - 84110 Vaison-la-Romaine - Tel : 06 34 98 82 22 - Email : nagajo3@yahoo.fr

Il ne faudra surtout pas manquer d’en aviser également Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois votre paiement ‘envoyé’ – koevoetsg@wanadoo.fr - (coordination bénévole) car c’est elle qui se chargera de vous envoyer le ‘Jay Mâ’ par email, tout en l’illustrant d’une belle photo de Mâ comme dans l'édition papier. Les bénéfices du ‘Jay Mâ’ français seront reversés pour soutenir l’Amrita Varta dont s'occupe Panuda et l'équipe des brahmachârinîs du Kanyapeeth de Bénarès, avec les versions anglaise, hindi et bengali.

 

Table des matières

Paroles de Mâ Extraits de ‘Aux sources de la joie’

Vangmayee Mâ Extraits du livre de même nom

Ce que j’ai reçu de Mâ parNathalie Chazal

C’est moi qui, c’est moi que !Par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

Rencontre avec Mâ Anandamayî

Par Swami Kriyânanda

Mes premières rencontres avec

Mâ Anandamayî par Swami Kriyânanda

Le soleil est revenu par Monique Manfrini

Nouvelles

Renouvellement des abonnements

Table des matières

 

 

 

Jay Ma 94   Automne 2009

 

Paroles de

 

Tout ce que notre esprit accepte, hormis Dieu, est synonyme de souffrance.

Le bonheur et le malheur sont dans l’agrément ou le non-agrément de quelque chose. Si vous désirez aller au-delà de cet agrément et de ce non-agrément, acceptez-Le. Si vous désirez aller outre, alors invoquez-Le.

 

Qui est souffrant ? Qu’est-ce qui est souffrant ? Qui cause la souffrance à qui ? Où est la souffrance ? C’est le Soi avec le Soi. Si les dents d’une personne mordent sa propre langue, qui ressent la douleur ? Ce sont les propres organes de cette personne qui la ressentent, son corps – le Soi en Soi.

 

Nous assumons notre corps pour connaître l’expérience des plaisirs et des douleurs de ce monde. Pour aller au-delà de ce bonheur et de cette souffrance, il faut aller chercher refuge en Lui.

 

Il est Celui qui élimine toutes les souffrances. Faites appel à Lui, tout le temps. Gardez-Le dans vos méditations, priez-Le. Offrez-Lui votre obéissance et ouvrez-Lui totalement votre coeur. Tout en Lui est bénédiction, paix et béatitude. Il est Le Coeur des coeurs. Il est l’Atma (l’Âme Suprême).

 

Quoi que Dieu fasse, Il le fait pour le bien. De même que le médecin pratique une incision dans le furoncle et en extrait la substance purulente pour soigner le mal, Dieu, Lui, vous donne la souffrance, vous lave et vous sèche puis vous prend dans Son étreinte. Dieu corrige toutes les fautes et dit : « Donne-moi toutes tes impuretés et reçois l’immortalité en retour ». Il envoie la souffrance et la détresse à Ses adorateurs pour faire grandir leur ardeur et accroître leur aspiration. Dieu accepte leur dévotion lorsqu’elle passe par les larmes et la souffrance.

 

La souffrance ne disparaît que lorsque Dieu est réalisé. Il n’y a aucune autre façon de Le réaliser qu’en pratiquant le japa de Son nom, en méditant sur Son nom, en le vénérant et chantant Sa gloire (Naam Kirtan). La compagnie de personnes élevées spirituellement (satsang), la lecture de livres spirituels sont une aide sur cette voie. Très souvent ce corps dit une chose : « vishay (la vie par les sens) mane (signifie) vish (poison) hoi (devient) ». Le plaisir que procurent les sens conduit lentement vers la mort – « poison lent ». C’est pour cela que vous devez passer autant de temps que possible avec Lui.

 

Pour trouver une protection contre ces trois sources d’oppression (afflictions) il faut avoir recours à l’aide d’un autre type d‘oppression (taap). C’est par l’oppression qu’on peut combattre l’oppression. C’est ce qu’on appelle tapasya (‘austérité’, littéralement, ‘ chaleur’ ; ‘ dessèchement’). C’est avec tapasya qu’on peut vaincre l’oppression. Tout comme on ressent la souffrance en affrontant l’oppression de ce monde, on peut connaître la même souffrance au début, lorsqu’on prend le nom de Dieu. Mais ce n’est qu’en passant par cette souffrance qu’on se libère de l’oppression. C’est pour cela que l’effort est indispensable, la pratique est indispensable et l’action est indispensable. Les oiseaux par exemple, ou les animaux en général, n’ont aucun intérêt à se débarrasser de la souffrance de cette façon, pour la réalisation de Dieu à tout jamais plein de grâce et de félicité. Cela n’est valable que pour les êtres humains.

 

 Dialogues avec

Extraits du livre de Jean-Claude Marol :

La Saturée de joie (éditions Dervy)

 

Garder le silence ou pas?

 

Et le jeu commença!

Elle dit, mutine :

 S’il y avait la moindre conscience de moi, je pourrais dire je suis.

Comme ce n’est pas le cas, vous pouvez dire ce que vous voulez!

 Cela laisse le champ ouvert! Tentons l’aventure de dire un peu!

Celle qui en Inde fut nommée Anandamayî, et qui ces dernières décennies, traça tant de sillages dans tant de coeurs, dit aussi, simplement:

 Soyez plein de vie partout ou vous allez, et rien ni personne ne vous sera étranger.

 Nous n’évoquerons pas dans ces pages une étrangère! Je forme le voeu que ce livre nous aide a rencontrer un ‘être plein de vie’, infiniment proche. Pour nous avancer vers ce Très Proche, le geste à faire est un moindre geste!

 Les approches par lesquelles les humains tentent de réaliser le Soi sont d’une infinie variété; et chaque variété comporte d’innombrables aspects. Tous ces modes de recherche m’apparurent comme des parties de moi-même.

 L’oiseau en vol

 Q.: Vos réponses sont tellement en accord avec nos Ecritures que vous n’avez pas étudiées…comment est-ce possible?

Ma répondit :

Il y a le grand livre de la vie. Si on s’y plonge profondément, toutes les vérités expliquées par les écritures, sont la, prêtes à se révéler!

 Elle se disait parfois udha pakhi (oiseau en vol) qui se perche ici ou là de façon imprévisible. Elle dira un jour, alors qu’on venait de lui faire la remarque:

 -, parfois vous semblez porter une grande attention a quelqu’un; d’autres fois, vous ne nous accordez pas même un regard.

-je ne me comporte d’aucune façon particulière vis-à-vis de qui que ce soit. Il ne s’agit absolument pas de comportement.

-Alors à qui parlez-vous?

-Ce corps, c’est ainsi, ne parle à personne, ne va chez personne, ne mange la nourriture de personne …. Pour ce corps il n’y a qu’Un. Il n’y a pas même la possibilité d’un second. Je ne vais nulle part, je suis toujours ici. Il n’y a ni allées, ni venues. Tout est Dieu.

 En notre temps, déchiré par tant de fanatismes, où nous sommes arc-boutés sur tant de “quant-à-soi”, écoutons-la nous dire, et cela paraîtra contradictoire avec les mots qui précèdent – à nous d’étendre ce qui est déguisé par le langage :

 Ici, dans ce corps est une relation avec tout un chacun.

Ici, pas d’abris, de demeure séparée.

Si vous voulez parler de demeure, il n’y en a qu’une, et elle est sans limite!

 

 Où est le nom ; où est la forme ?

 Il est certes nécessaire de rétablir le balancier d’une spiritualité généralement « patriarcale », en saluant le versant féminin (entre autres sous son jour maternel). Mais ultimement une vraie vision du Père Premier et de la Mère Première, implique que l’on transcende les aspects mâle et femelle ; comprendre un peu Anandamayî demande que l’on soit capable de la vivre sans qu’elle soit ni ceci, ni cela, ou contenant et ceci et cela. Dans l’Atharva Veda (VII-6) la Déesse Première Aditi, est saluée ainsi : « Aditi est Mère, elle est Père, elle est fils. »

Anandamayî nous invite souvent a perdre nos repères : nos clivages masculin – féminin ou d’autres paires d’opposés. Nous y reviendrons un peu plus loin.

Elle est, certes, notre mère ou notre enfant, elle est surtout Une avec qui que ce soit, quoi que ce soit. Cela, elle le confie souvent, sous une forme ou sous une autre, car nous avons besoin de l’entendre et de le réentendre !

Alors qu’un occidental lui demandait de façon insistante quel message d’elle il pourrait répercuter quand il serait rentré dans son pays, et comment il pourrait évoquer sa présence, elle répondit en souriant :

 Très bien. Dites à vos amis : j’ai vu une gamine ; elle papote sur tout ce qui lui arrive. A tout ceux qui voudront en savoir plus, dites-leur que je suis leur enfant. Mais en réalité, vous tous et moi, sommes un, n’est-ce pas ? Il n’y a qu’un souffle qui imprègne tout, il n’y a rien d’autre qu’Un. Vos penchants inconscients (samskara) dressent un mur qui vous enferme.

Le destin humain est d’effondrer cette limite qui vous sépare de votre propre nature. Réaliser sa propre nature, signifie réaliser Dieu, c’est réaliser l’Unique Réalité !

 

 Non-quoi-que-ce-soit

Une direction donnée permet d’atteindre un but donné ; tout le reste par ailleurs, demeure hors d’atteinte. Mais quand la différence s’évanouit entre ce qui s’atteint et ce qui est hors d’atteinte, alors Cela se révèle !

 Elle ajoutera :

 Le mystère de l’univers révèle à qui sait savourer le non-quoi-que-ce-soit.

 Vous voulez jouer ….

 Ce corps n’est qu’une poupée. Vous voulez jouer avec elle…elle joue !

 Humour encore de Anandamayî, traitant des propos considérés comme sérieux Un jour, elle s’exclama :

 Vous vous émerveillez vis-à-vis de celles et ceux qui renoncent au monde…en réalité, c’est vous qui renoncez à tout ! Quel est ce tout ? Dieu, ni plus ni moins ! Le  laisser de côté est la renonciation suprême ! (Et le transcripteur note : à ce moment elle éclate de rire !)

 Une autre fois elle fit la remarque :

 Dans le domaine spirituel, vous aimez vous sentir libre de toute obligation ! Vous réservez à tous les autres domaines de votre vie, votre grande capacité à être dépendants …. (Autres rires !)

 Laissez les mouches s’amuser un peu !

 Quand elle arrive au vaste ashram de Bénarès, elle s’inquiète de chacun des humains présents, et va saluer avec la même attention individuelle, vaches et veaux.

Cette tendresse se manifestait pour le moindre insecte. Une fois, un insecte escaladait un coussin où était assise ; une jeune fille brahmacharini s’en aperçoit et le repousse. L’insecte recommence son escalade. prend la serviette qui protège sa tête et délicatement y installe l’insecte qui ne bouge pas. remarque qu’il semble absorbé dans une profonde méditation. Un peu plus tard, regarde intensément l’insecte et annonce qu’il a quitté son corps. Elle demande qu’on le porte au Gange, enveloppé dans sa serviette. Cet insecte avait une rencontre qui avait bouleversé sa vie !

 

Texte tapé par Sandrine Oubrier à Kankhal

 

Préface

au recueil de paroles de

« Vangmayee  Ma »

Par Vigyânânand (Dr Jacques Vigne)

 

     C'est dans l'Himalaya, à l'ermitage de Dhaulchina, situé au nord-est de Delhi dans l'angle de l'Inde entre le Tibet et le Népal, que j'ai pu avoir connaissance du texte anglais non encore publié de Vangmayee Ma (ou Vangmayî ). Il s'agissait de la traduction à partir  du bengali d'un recueil assez fourni de paroles de classées par thème. J’ai reçu ce texte de  Swami Nirgunânanda, mon voisin dans ce bel ermitage où il vit depuis 22 ans. Il a effectué lui-même une bonne partie des traductions à partir du bengali, et a travaillé avec une autre personne qui elle, était partie de la version en hindi, nécessairement moins précise puisqu'elle était elle-même déjà une traduction de l'original bengali. Swami Bhaskarânanda, qui était le bras droit de et auquel celle-ci a confié la charge de donner l’initiation après le décès de sa mère Didi , a beaucoup encouragé la traduction de ce livre du bengali en anglais, pensant qu’il était bon de revenir facilement, grâce à cette anthologie, à ce que disait directement. Nous avons décidé de publier ces paroles de à la fois en français et en espagnol pour mettre sur le site de Anandamayî. C’est Jean E.Louis de Nice qui s'est chargé de la traduction française, que j'ai révisée, en discutant un certain nombre de points peu clairs dans le texte anglais avec Swami Nirgunânanda à l'ermitage. À chaque fois, il est revenu à l'original bengali, nous avons discuté de ce qu’a vraiment voulu dire , et cela a permis d'améliorer certains points obscurs de la traduction anglaise, et de les rendre plus clairement à la fois en français et en espagnol. Pour cette dernière version, c'est Andrea Veselich qui s'en est chargé. Jeune avocate passionnée par l'Inde, elle ne vit cependant pas tout près, puisqu'elle réside en Patagonie, la pointe sud de l'Argentine près de la Terre de feu... Mais grâce à l'Internet et à sa bonne volonté, car elle ressent un lien fort avec , elle a pu rendre ce service de traduction au lectorat hispanophone intéressé par la sagesse de l'Inde.

     Swami Vijayânanda qui a passé plus de 30 ans auprès de Anandamayî, et vit toujours dans ses ashrams après 57 ans continûment en Inde, dit clairement et fortement : guru vakya mantra, ‘la parole du gourou est un mantra’.  Dans la Guru Gita, il est aussi une strophe célèbre où il est dit mantra-mulam guru-vakyam, ‘la racine du mantra, c'est la parole du gourou’. La qualité principale du gourou n'est pas de donner un enseignement intellectuel et linéaire, mais d'avoir un impact par une transmission de l'énergie, ce qu'on appelle dans le langage traditionnel le shaktî-pat. Il peut le faire à travers un mantra chuchoté dans l'oreille au moment de l'initiation rituelle, mais aussi à travers n'importe quelle autre parole survenant dans n'importe quelle autre circonstance, à travers le don d'un objet, d'une fleur, d'un prasâd, et encore, sans aucun intermédiaire (anupaya), de façon directe, d’âme à âme. Du trop-plein de ce réservoir d'énergie qu’est le gourou, le manque du disciple peut être comblé.

    Pour bien comprendre comment transmettait l'énergie, il ne suffit pas de lire ces paroles, mais il faut également se plonger dans sa vie et dans les expériences de ses disciples proches. Nous avons traduit en français sous le titre de Matri Darsh[iii][i]an, le témoignage princeps de Bhaiji, le premier grand disciple de Anandamayî après son mari Bholonath, et qui a donné à celle qui s'appelait auparavant Nirmala Dévî le nom d'Anandamayî. Il y a aussi l'ouvrage de Bithika Mukerjee qui donne beaucoup de détails[iv][ii], et le dernier livre de Jean-Claude Marol – il est paru deux mois avant sa mort trop précoce – La Saturée de joie aux éditions Dervy. Il y développe en particulier l'importance du féminin spirituel, et le lien qu’il discernait entre le lien avec et le respect pour l’image de la Dame au Moyen Âge, qui a continué dans le catholicisme jusqu'à nos jours à travers le culte de Notre-Dame.

    Il y a tout un mouvement de fond au XXe siècle et qui prend de l'ampleur maintenant : il tend à remettre à l'honneur l'aspect féminin du sacré. Il peut se manifester à travers l'écologie, où Gaïa est présentée comme une personne vivante, la déesse Terre, qu'il faut respecter et cesser de violer dans tous les sens. Par ailleurs, à cause du conflit israélo-arabe chronique au Moyen-Orient, beaucoup de gens sensés se mettent à réaliser que le monothéisme avec son dieu purement mâle et exclusivement unique, risque de ne jamais réussir à dépasser les guerres saintes, et qu'au contraire les armes de destruction massive exposent au danger qu'elles deviennent beaucoup plus dévastatrices qu'auparavant, ce qui n'est pas peu dire. D'où la nécessité de renforcer l'aspect féminin du sacré, en encourageant le développement d’enseignantes religieuses femmes et aussi du point de vue métaphysique, en remettant à l’honneur le couple divin dieu/déesse qu’on retrouve dans pratiquement toutes les formes religieuses de l'humanité, excepté le monothéisme. 

       De plus, l'aspect féminin de la mystique est aussi relié à l'expérience chamanique, restant proche de la source et peu encombrée de dogmatiques et d’idéologies religieuses. Dans ses débuts, l’auto-initiation de par exemple et ses transes multiples évoquaient tout à fait la descente d'une expérience chamanique. Cependant, n'est certainement pas restée à ce niveau, elle était déjà prise dans le vaste courant de la bhakti du Bengale avec les grands exemples de Chaitanya Mahâprabhu au XVIe siècle et de Râmakrishna au XIXe. Elle a passé sa vie de gourou à guider la majorité de ses disciples sur cette voie traditionnelle de la bhakti, d'où ses multiples conseils dans cet ouvrage sur la récitation du mantra et la force du lien avec le gourou, mais elle était aussi solidement enracinée dans la voie de la connaissance et dans l'expérience de l'Un. Elle revient tout le temps à l’Unité fondamentale, en exprimant en des termes simples, mais forts, l'absence de dualité et la capacité fondamentale qu'a un être humain à se relier directement à l'Absolu sans intermédiaire.

    Un mot d'explication sur le sens du titre de ce livre, Vangmayî . Il signifie’ la Mère pénétrée, constituée de Parole’. Ce nom évoque la première forme de la Mère divine dans les védas, Vak, de la même racine que vox en latin et ‘voix’ en français, cette déesse « Voix » donc qui permet l'expression audible du Brahman. On dit qu'elle est née de la langue de ce Brahman, ou parfois qu'elle en est son épouse. Elle n'est pas sans évoquer la Hohkhma-Sophia-Sagesse de la mystique juive. Dans l'hindouisme classique, elle s'est transformée en Sarasvatî, déesse blanche de la pureté, de l'enseignement et de la connaissance, ainsi que de la musique. Elle réside (vatî) sur un cours d'eau (saras), c'est le sens de son nom. Cet archétype s'associe assez spontanément à Anandamayî, qui a été toute sa vie vêtue de blanc, et dont l'ashram principal et le tombeau sont situés au bord du Gange tout près d'Hardwar. Ce qu'il y a de particulier dans le cas de , c'est qu'il ne s'agissait pas d'une divinité vieille de plusieurs millénaires et présente uniquement sur le plan subtil, mais d’une personne bien vivante qu'on pouvait rencontrer si on le voulait. Dans ce contexte, la transmission d'énergie était beaucoup plus puissante et concrète, au moins pour les visiteurs ou disciples qui avaient l'ouverture requise pour recevoir ce transfert.

     Au début de cet ouvrage,  nous avons traduit telle quelle la préface à l'édition hindi. Elle est écrite dans le style fleuri de l'Orient et de la bhakti. C'est certes un autre monde mental que celui de l'Occident rationnel contemporain, mais pourquoi ne pas entendre ce qu'il a à nous dire de temps en temps ? Surtout quand il y a contact direct, le coeur est touché et peut transcender bien des barrières culturelles. Sarvâtma était un des premiers disciples français de Amritânândamayî. Il avait très peur en France que sa manière d'embrasser les gens pendant le darshan et de leur distribuer des bonbons choque avec un public plutôt rationaliste et quelque peu coincé. En fait, rapidement, il y a eu de longues queues pour passer dans les bras de celle qu'on appelle Amma, et donc celle-ci s’est mise à se moquer de Sarvâtma en lui disant : « Regarde donc tes Français ! Ils sont prêts à attendre des heures simplement pour avoir un bonbon ! »

        Quand on lit continûment le livre, on s'aperçoit que revient souvent sur des thèmes fondamentaux car elle voulait donner des bases au public général de visiteurs qui venaient la trouver. Le classement par thèmes est intéressant quand on veut méditer directement sur un sujet précis, mais il a l'inconvénient de faire ressortir certaines répétitions. Cependant, celles-ci peuvent avoir un effet ‘mantrique’ sur le lecteur : avec une mouvement qu'on pourrait appeler en spirale, on revient régulièrement au même point, mais à un niveau de profondeur plus grands. conseille d’ailleurs le mantra comme une méthode accessible à tous, capable d'accompagner le processus de transformation et de purification du sâdhaka à long terme. Une bonne partie des conseils de son livre pourrait se résumer ainsi : « Répétez votre mantra avec persévérance et une confiance complète dans le gourou, et vous atteindrez un niveau où toutes les questions et les contradictions seront résolues spontanément. » Cependant, il ne faut pas rester sur une fausse impression de simplisme en lisant ce livre d'une traite. Dans les entretiens privés, donnait bien d'autres enseignements et exercices de méditation que le mantra. Quand j'ai demandé à Swami Vijayânanda qui, nous l'avons dit, a passé plus de 30 ans sous la guidance directe de , s'il récitait le mantra quand il s'asseyait pour la méditation, il m'a répondu que non. Par contre, quand il fait sa cuisine ou des activités concrètes, il aime bien garder l'esprit relié à l’Absolu et à grâce au japa, mais quand il était assis en méditation, il aimait bien suivre ses propres pratiques et leur évolution spontanée. Pendant toute la période de début, il était dans l'idée qu'un gourou doit avant tout donner des conseils de techniques de méditations, des kriyas, et effectivement lui en a donné abondamment lors d'entretiens privés. Cependant, à chaque fois qu'elle en expliquait quelques-uns, elle ajoutait ; «  Ceci est un exercice secret, ne le répète pas. »   a expliqué aussi que les kriyas étaient faits pour secouer la torpeur, le tamas. La plupart des gens sont somnolents, mais c'est bon pour eux de faire quelque chose, que ce soit des kriyas ou des rituels. Cela leur donne un  début de réveil. Cependant, à un niveau élevé, la volonté de faire quelque chose se révélera être un obstacle. Mais ce « non faire » n'est pas pour les débutants. Un autre aspect des kriyas, ou rituels, doit aussi bien être compris : ils peuvent être destinés à éveiller des pouvoirs, comme les techniques de toumo chez les tibétains qui développent la capacité de ressortir le feu intérieur et donc de résister aux grands froids. Pour aller plus loin, on peut évoquer aussi les pratiques de magie qui sont des formes de kriyas, mais qui peuvent tourner à la magie noire. Au fond, quand la vie intérieure est éveillée, la manière de méditer vient spontanément. On ne peut pas en faire une généralité. Ce qui vous réussit à vous peut être inutile, voire dangereux pour d'autres. Il en va de même pour les conseils que le gourou vous donne personnellement, d'où l'avertissement de .

     Dans ce sens, on dit dans la kabbale qu'il y a trois niveaux d'enseignements, le niveau général correspondant aux conseils que le maître donne à un petit groupe, le niveau personnel dans sa relation à un disciple en face-à-face, et le niveau supérieur sous forme d'expériences qui remontent spontanément chez le disciple, mais qui n'en sont pas pour autant étrangères à la présence du maître. Vijayânanda ajoute que les kriyas ne sont pas si importants, la voie spirituelle dans son ensemble est beaucoup plus large qu’une sorte de technologie où la révélation d'un code secret pourrait vous ouvrir l'accès à tous les programmes d’un coup. Cette voie spirituelle nécessite un engagement complet de l'individu : il est bon déjà d'avoir une base large de lectures et de connaissances pour comprendre vraiment quel est son intérêt, et ensuite de s'impliquer dans une pratique destinée d'emblée à transformer toute la vie et le comportement concret. Cela est beaucoup plus large que l'exécution plus ou moins mécanique de certaines techniques méditatives supposées secrètes et toutes-puissantes.

    Il est tout à fait classique en Inde d'insister sur l'abandon entre les mains du gourou. Ceci choque les occidentaux qui ont d'ailleurs souvent perdu le lien avec la spiritualité traditionnelle chrétienne qui insiste elle aussi à sa manière sur l'importance du maître spirituel et du voeu d'obéissance pour les moines. « Être comme un cadavre dans les mains du laveur de mort » disait par exemple Ignace de Loyola. J'ai essayé d'éclaircir ces questions dans mon premier ouvrage, Le maître et le thérapeute, qui parle de la relation d'aide à la fois spirituelle et psychologique. De son côté, Swami Vijayânanda a tendance à distinguer deux niveaux, le niveau concret où il obéissait à la lettre aux paroles de , justement pour le plaisir en quelque sorte de montrer qu'il était capable de faire ce qu'elle lui demandait, et un niveau plus profond où il gardait tout son discernement et sa liberté.   ne semble pas avoir été choquée par son attitude, constatant sans doute qu'elle relevait plus de la voie de la connaissance que de celle de la dévotion. Dès leur premier entretien à Bénarès en février 1951, elle avait d’ailleurs constaté et dit de lui qu'il était un pranava upasaka, littéralement  un ‘adorateur du Om’, c'est-à-dire quelqu'un qui suivait la voie de la connaissance. Dans ce sens, elle ne lui a jamais demandé par exemple de faire de poujâ ni de centrer sa dévotion sur la forme d'une divinité hindoue.

     disait d'elle-même qu'elle n'était pas une réformatrice, qu'elle avait pris l'hindouisme comme il était, et qu'elle ne faisait que transmette l'enseignement de l'Inde ancienne et des rishis-munis de jadis. Elle a accompli cette tâche avec un souci de la perfection et en transmettant tout autour d'elle une énergie indubitable d'amour et de joie.

 

Vigyânânand

Kankhal, Hardwar, Inde, mars 2009

 

Introduction

à la version hindi de ‘Vangmayî

   Les mots prononcés par les lèvres vénérées de Sri Mâ – Mâ qui habite le coeur de tous, Mâ qui est pure et éternelle – ces mots de Sri Mâ sont une  manifestation particulière de la Mère divine en tant qu’Essence de la parole. Tout au long de Sa Lîlâ (son jeu) en ce monde, Mâ s’est communiquée dans la pureté de Ses paroles. Avant que ne s’achève Sa Lîlâ ici-bas, Mâ a donné une idée de ce qu’est l’appel du non-manifesté. Dans le présent, Mâ brille de son éclat dans les mots de la Katha Upanishad :

On se libère des serres de la mort lorsqu’on connaît Cela qu’on ne peut entendre ni toucher, qui est incolore et inaltéré, qui est sans goût, éternel, inodore,  sans commencement ni fin, qui est distinct de Mahat [l'espace primordial] et toujours constant.

 Mâ a dit : « Je viens à votre portée, mais je ne vous permets pas de m’accaparer ». Les paroles reviennent et l’esprit ne peut s’en emparer, comme on dit dans une Upanishad : yatho vacha nirvartante aprapya manasa saha

Durant l’accomplissement de Sa Lîlâ, dans cette sphère qui est à notre mesure – Mâ s’est présentée Elle-même – dans la forme humaine de la mère – la Lîlâ de Sri Mâ Anandamayî. Elle était l’âme de Ses disciples et la grâce personnifiée. Elle était d’une douceur sans pareille et cette douceur masquait Sa divine grandeur. Sa céleste magnificence allait au-delà de toute imagination. Sa Lîlâ était le Râs, l'essence, la sève de l'expérience personnifiée. Quelques rares personnes ont le bonheur d’être en mesure de visualiser, aujourd’hui encore, [dans leur mémoire] l’irréprochable Lîlâ de Mâ – la Lîlâ dont il faut faire l’expérience pour la conserver gravée dans la conscience. Mais alors quel est l’état d’être, la condition, de ces innombrables âmes ordinaires qui ne jouissent pas de cet incomparable privilège, qui n’ont jamais rencontré Mâ ? En effet, les premiers, tous ceux qui ont vécu à l’ombre apaisante de l’amour et de l’affection de Mâ – la mère tendre et douce dans la forme humaine, ceux qui ont grandi sous Sa protection, sous Sa discipline aimante et chaude, tous ceux-là, ressentaient que la présence toute proche de Mâ,  était la plus grande consolation durant les temps de détresse et de souffrance qu’ils connaissaient. La chance inestimable de ces êtres, de ces disciples de Mâ, aurait-elle pris fin ? Non ! Le privilège extraordinaire d’avoir vécu aux côtés de Mâ s’est peut-être évanoui, quelque part dans les méandres du passé, mais les paroles de Mâ, elles, sont là, dans la forme écrite. Elles sont là, dans le présent. Et elles seront là aussi dans le futur.

Une force rayonnante et l’image ineffaçable de Son geste offrant des guirlandes de mantra, ce sont là d’inoubliables et merveilleux souvenirs de Mâ. Les paroles de Mâ sont la source d’un intarissable nectar. La publication de ce livre, bénie par la caresse transcendante de ce ruissellement, est le fruit d’un effort dont on souhaite qu’il mène à un bain purificateur. Mâ n’a écrit aucun livre. Les mots qu’Elle prononçait venaient d’Elle, mais ne Lui appartenaient pas. Le nectar de Ses paroles jaillissait spontanément. Il contenait la réponse aux questions de Ses innombrables disciples qui souffraient des trois tourments [qui viennent de soi, des phénomènes naturels et des dieux, une classification habituelle dans l'hindouisme] que nous, les êtres humains, sommes condamnés à endurer en ce monde. Nous avons réuni, dans cet ouvrage, un certain nombre des paroles de Mâ.

Mâ Anandamayî manifeste la Mère divine qui est l’âme du bîja-mantra (mantra-semence), qui a porté à la lumière les Vêda (Ecritures sacrées), qui est omniprésente, qui est dans la forme du Pranava [le Om]. Les paroles d’une telle Mère expriment l'essence des Védas. Les mots de Mâ imprègnent l’univers tout entier. Elle règne dans l’océan de l’esprit agité de Ses disciples, sous forme de  vérité et de paix éternelle.

Qui donc sont les sources concrètes de ce témoignage – ce livre, en l’occurrence – qui est la manifestation du svarûpa, de l'essence de Mâ ? Ce n’est ni la pierre, ni le métal, ni le bois. Ce n’est ni la boue, ni la pluie. Les mots, ce ne sont que les mots. Filtres de nectar engendrés par les paroles physiques de Mâ. Les source essentielles du présent ouvrage sont « Ânanda Varta » (journal trimestriel du mouvement de Mâ publié depuis 1952  et qui a recueilli jusqu'à ce qu'elle quitte son corps en 1982 ses faits, gestes et dires lors de ses nombreuses déplacements et interventions publiques), Matri-Darshan de Bhaiji, ainsi que les enregistrements de quelques conversations, dans lesquels on peut entendre les paroles de Mâ,  que l’on peut retrouver également couchées sur le papier dans les livres. Quand on lit ‘Vangmayee Mâ’ d’une voix claire, il s’agit de quelque chose qui peut être vu aussi bien qu’entendu. Il n’est pas indispensable d'effectuer comme un rituel d'insufflation de vie à une statue pour la rendre consciente, ce qu'on appelle Pran-pratishtha C'est l'énergie même contenue dans la forme lumineuse de Mâ qui infuse son énergie à toutes ses paroles.

 

Nous tous, dans notre élan vital, déposons l’offrande de nos prânam (prosternations) aux pieds de Mâ.

 Le fils dévoué de Mâ, Bhaiji, devant lequel nous devrions nous incliner chaque matin, nous a enseigné cette obéissance dans son livre rempli de science spirituelle, « Matri Vandana ». A ce sujet, nous nous devons de citer quelques mots de Mâ concernant Bhaiji : « Bhaiji avait coutume de dire, à tout propos, que celui qui suivait pleinement et consciencieusement les conseils de Mâ, finissait par récolter les fruits de centaines d’années de sâdhanâ. En ne faisant que cela : suivre les conseils de Mâ. Bhaiji a vécu près de ‘ce corps’ avec cet intime sentiment (bhâva). »

Nous publions cet ouvrage à la mémoire de Bhaiji. Il fut la première personne à nous guider pour ce qui est du recueil et de la mise en ordre des paroles de Mâ.

Pour faciliter la lecture de ce livre, nous nous sommes efforcés, autant que faire se pouvait, d'en classer la matière sous différentes rubriques. Nous avons tenu compte, pour cela, des thèmes développés que nous avons placés dans des chapitres spécifiques. Il est possible toutefois, dans le cas précis des paroles de Mâ, que la solution adoptée ne soit pas idéale. En effet, selon l’avis de différentes personnes, cette disposition par catégories risque d’engendrer une certaine confusion, voire une interprétation erronée des textes. Et cela parce qu’un même mot de Sri Mâ peut être interprété de différentes façons, et, selon le niveau du lecteur, engendrer dans l’esprit de celui-ci, d’étranges vibrations. Les paroles de Mâ peuvent être classées de diverses manières. Certains mots, inclus dans une catégorie donnée, pourraient induire le lecteur en erreur et créer une certaine confusion au lieu de le mettre sur la juste voie. Il était préférable, dans cette situation de perplexité, d’invoquer la protection de la déesse du langage, Vangmayee Mâ et de revoir l’ensemble du projet, du début à la fin. De tout cela devra ressortir pour le lecteur le fait que Mâ est présente dans chacun des mots qu’Elle prononce, elle qui n’a aucune attente, elle qui est l’éternelle Mère Ananda-Mayî. Même si la disposition par catégories effectuée par le rédacteur n’a pas d’intérêt pour certains lecteurs, la recherche et l’étude en elle-même, quand on s’est placé sous la protection de Mâ, seront bénéfiques. En fin de compte, le mantra « il progresse » (charaiveti) sera celui qui mène à la victoire. L’étude et la recherche constituent l’âme de la sâdhanâ. Quand on s'y est vraiment plongé, les paroles qu'on y étudie deviennent comme les siennes propres.

 Mâ a dit : « L’océan est dans la goutte, la goutte est dans l’océan ». C’est là le vrai principe éternel, tellement difficile à saisir et sujet à tant d’interprétations et de manifestations selon le moment et la situation. Tout d’abord, quelle est la signification de ce principe en ce qui concerne les paroles de Mâ ? Que veut dire Mâ lorsqu’elle affirme que « l’océan est contenu dans la goutte » ? Dans chacune des paroles de Mâ est contenu comme son thème central, son essence, l'océan de la Parole divine. Et ensuite, quel est le sens des mots « une goutte dans l’océan » ? Depuis l’aube des temps, les vibrations de tous les sons existants (manifestés ou non manifestés) y compris les sons grandioses et puissants, sont essentiellement mesurables comme des accumulations de grand homme énergétique. En d’autres termes, chaque son et chaque parole sont de la nature de l'énergie.

Ce livre de paroles de Mâ en hindi est traduit d'un original bengali. 

 Le livre Vangmayee Mâ, traduit de l’anglais en français récemment par Jean E.LOUIS, est disponible chez Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) qui en a fait l’illustration koevoetsg@wanadoo.fr  Pour la somme de 20€+ 4€ de frais d’envoi.

               

           

PAROLES DE CONSOLATION

MENANT A L’ABSENCE DE PEUR

Début de Vangmayee Ma, receuil de paroles de , classées  par thèmes

 

 Mâ est là. Pourquoi s’inquiéter ?

 Il y a ceux qui sont incapables de faire quoi que ce soit, ceux qui n’ont aucun soutien dans la vie spirituelle. C’est de ceux-là surtout dont j’ai besoin.

 Si, le coeur empli de foi et de vénération, tu peux dire ne serait-ce qu’une seule fois « Oh ! Mâ, venez je vous en conjure, que mes journées ne se passent pas sans Vous ». Alors, assurément tu auras le darshan de Mâ, Elle apparaîtra devant toi dans Sa forme réelle et te serrera affectueusement sur Son coeur. Ne L’invoque pas uniquement lorsque tu es en proie à la détresse, en La considérant comme une protection magique ou un refuge momentané. Souviens-toi, Elle est toujours présente et si proche, qu’Elle est comme ton élan vital. Elle te soulagera de ton fardeau.

 En vérité, Je suis toujours avec vous.

 Vous vous demandez si ce que vous sentez arrive jusqu’à ce corps, n’est-ce pas ?

Oui, oui, oui.

Ce corps aussi n’est qu’une petite fille impatiente que vous ne pourrez pas renvoyer, même si vous le désirez. Elle n’est jamais partie et ne partira jamais.Ayez foi en ce corps. Seule une foi complète vous ouvrira les yeux.

 

Acceptez ce qui est bénéfique, (shreyas) rejetez ce qui ne fait que procurer du plaisir (preyas). Une aide propice va se manifester à coup sûr.

 

                                   

Un doute prend forme dans votre esprit – pourquoi la sâdhanâ progresse-t-elle aussi lentement ? Père, amis, vous savez que lorsque vous souffrez du ventre, le médecin commence par vous administrer un purgatif pour vous nettoyer les intestins. Ce n’est qu’après qu’il vous donne les médicaments. D’innombrables actions ont été accomplies durant cette vie et durant les vies précédentes. Aussi longtemps que leurs effets n’auront pas été épurés, le progrès dans la sâdhanâ sera lent. Une fois que le corps et l’esprit seront purifiés, le médicament, sous forme de nama-japa, fera son effet. Aucun d’entre vous n’a progressé jusqu’à ce point. Alors continuez à agir – qui sait quand viendra le moment propice ? 

 L’accomplissement ne s’obtient que si on le demande. Mais la requête ne devrait se faire qu'avec un esprit sincèrement et complètement uni à la parole.

 Ce corps est partout. Pour chacun.

 Je ne vous abandonne jamais. Je suis toujours avec vous.

 Vous avez eu suffisamment du jeu de l'intelligence durant votre vie. Victoire ou défaite, peu importe, tout cela appartient au passé. Même si c'est seulement une fois, réalisez que vous n'avez pas d'autres aides, regarder vers Lui et jetez-vous sur Ses genoux. Vous n'aurez pas à vous soucier de quoi que ce soit d'autre.

 

 

Notre mère universelle Anandamayî

Personnification de l'amour de la compassion

                                  Par Brahmacharini Kumar Chitra Ghosh

 

       Chitra a été une assistante proche de Anandamayî. Originaire de Calcutta, elle est revenue vivre dans ses ashrams après avoir fait un doctorat aux États-Unis. Le texte ci-dessous est une contribution à l'ouvrage ‘ Anandamayî - incarnation de l'héritage spirituel et culturel de l'Inde’, publié en anglais par la Sangha de pour la Samyam Sapta de novembre 2005. Il s'agit d'un ouvrage de 120 pages qui réunit une trentaine de contributions brèves de personnes qui, en général, ont connu Anandamayî de près.

 

 

      En mai 1961, était à Bombay dans la propriété de feu Shri BK Shah, qui était le président de la Sangha d’Anandamayî. Tous les fidèles le le connaissent sous le nom de Bhaiya [grand frère]. résidait au milieu de son jardin dans une maisonnette de bois ressemblant à une pagode. [Cette maisonnette a été démontée lors de la vente de la propriété de Bhaiya après son décès et a été réinstallée dans le jardin de l'ashram de à Kankhal].

     Bhaiya avait fait la demande à de rendre visite à Gopinath Kaviraj au Tata Memorial Cancer Institute, où il se remettait d'une opération risquée pour cancer. Gopinath était l'un de ces philosophes chez lesquels une grande érudition et un savoir élevé étaient combinés avec une spiritualité profonde et une aspiration sincère pour expérimenter les vérités exposées dans les doctrines philosophiques.

     Gopibaba – comme l’appelait – devait bientôt quitter l'hôpital et Bhaiya a demandé instamment à d'avoir le kheyal de le visiter le jour même de sa sortie. a donc demandé à Bhaiya d'organiser cette visite. Les docteurs, les infirmières et le personnel de l'hôpital étaient très désireux d'avoir le darshan de . Ils étaient surpris de la guérison miraculeuse de Gopibaba après une invasion dangereuse de cancer à un âge tellement avancé. On fixa une date et j'ai eu la chance rare, et surtout la grâce de de l’accompagner avec Bhaiya et Swami Paramânandaji pour la visite à l'hôpital.

     Quand a pénétré dans la chambre de Gopibaba, il était déjà tout préparé pour quitter l'hôpital avec elle. Les docteurs et les infirmières avaient formé une ligne pour accueillir avec des guirlandes. Elle les a acceptées, mais leur a retourné les malas après les avoir bénis. Néanmoins, elle a mis de côté une grande guirlande de roses rouges. On a offert aussi à un panier de grosses pommes rouges. Elle les a distribuées et en a mis deux de côté. Elle me regarda et me demanda de conserver la guirlande de roses rouges et les deux pommes, en disant en bengali Rakho parey lagbe c'est-à-dire :  « Garde-les pour être distribuées plus tard ! »

     À ce moment-là, , de sa voix douce débordant de compassion, remercia les docteurs et les infirmières pour leur service envers Baba, désintéressé et infatigable. Ils lui répondirent tous : « C'est votre bénédiction, votre kheyal [intuition spirituelle sûre] et votre grâce qui a sauvé miraculeusement Baba – nous n'avons été que les instruments de Dieu – rien d'autre ! » Sur ce, j'ai entendu une voix faible, comme en train de pleurer et de prononcer trois fois ha Allah !  Je me suis rendu à la porte de la chambre d'à côté et j'y ai jeté un coup d'oeil. Pendant ce temps, supervisait l'organisation du voyage de Baba en chaise roulante. À l'intérieur de la chambre d'à côté j'ai vu un musulman arabe, un patient cancéreux, avec une barbe brune, étendu à plat sur son lit. Son corps était tellement émacié qu’il ressemblait à un squelette. Le milieu de sa poitrine était affaissé, et des larmes de douleur aiguë et de souffrance coulaient sur ses joues creusées. Il était secoué régulièrement de hoquets. De temps à autre il prononçait faiblement Ha Allah ! Ses yeux étaient fermés. L'infirmière qui s'en occupait me dit qu'il était un cancéreux au stade terminal.

     Je retournai près de . Elle se rendit dans le couloir vers les ascenseurs avec Gopibaba et sa troupe de docteurs et l'infirmière. Soudain, elle revint en arrière et sans un mot, marcha fermement vers la chambre du patient arabe musulman. Bhaiya semblait déconcerté, Paramânandaji semblait serein ; les autres et Gopibaba étaient fascinés et s'arrêtèrent simplement en route, stupéfaits !

     Je suis rentré avec dans la chambre du patient arabe. Bhaiya et tous les autres se tenaient à l'extérieur. dit en souriant : « Baba, je suis venu à vous, regardez-moi ! ». En disant ceci, elle caressa la poitrine déprimée de ce cancéreux au stade terminal, trois fois, avec un toucher rempli de compassion douce et de félicité céleste. J'ai senti qu'en faisant ceci elle était en train de lui donner la libération des liens humains et des filets de la mortalité. Ensuite elle lui essuya les larmes qui coulaient en abondance avec le coin de son pagne. Puis elle saisit la guirlande de roses rouges de mes mains et la plaça autour de la  nuque du patient musulman. Peu après, elle me prit l'une des deux grosses pommes et la déposa entre ses mains jointes. Quant à l'autre, la donna à l'infirmière. Maintenant le patient ouvrit lentement les yeux et fixa avec un long regard plein de gratitude – il prit sa main et la plaça sur sa propre tête. lui fit un geste signifiant qu'il devait continuer à répéter son mantra du Coran. Ils eurent un échange prolongé de regards. Elle resta auprès de lui cinq minutes – ses yeux ressemblaient à des rayons X qui regardaient à travers lui comme si elle pouvait être le témoin de son passé, de son présent de son futur en un seul instant. Je me mis à pleurer, en voyant cette union spirituelle du véritable fidèle et de Dieu au-delà des distinctions de castes, de credo, de religions et de nationalités. savait que c'était son premier et dernier darshan. Elle s'en alla à reculons, au lieu de se retourner, afin que le patient puisse la voir jusqu'à ce qu'elle soit sortie de la chambre. Les docteurs lui dirent que ses jours étaient comptés. En effet, le lendemain je pris l'initiative de demander à Bhaiya de se renseigner pour savoir quel était son état de santé. L'après-midi, il me dit que le patient était décédé la nuit même paisiblement. Je me précipitai pour annoncer la nouvelle à , mais avant que je n’ai pu ouvrir la bouche elle me dit en bengali : Arab desher Baba chole gacchay « Le baba des pays arabes est parti ! »

    Ainsi, la grâce de qui n'avait même pas été sollicitée (ahetuki kripa) a hâté son retour dans le séjour du royaume des cieux, où on trouve une paix perpétuelle. Le baba arabe s'était éteint.

 Seulement Lui (le Divin) sait à qui Tu ()  te révèles

et une fois que vous L'avez connu vous devenez un avec Lui.

                                                    (Ramayana de Tulsidâs)

 

Anandamayî, embodiement of India’s Spiritual and Cultural Heritage, p.110

Mâ Anandamayî  Sangha Kankhal 249408 Hardwar Uttarakhand Inde, 2005

 

 

 

INDRA LILA,

Le jeu d'Indra ou le mental illuminé.

 

                                                                                                               A VIGYANANANDA

et aux amis de Cilaos

                                                                                                                                                               

Joëlle Coiret est venue participer à une retraite sur l'écoute du silence à l'île de la Réunion animée par Vigyanânanda, dans le cirque de Cilaos, pendant les quatre jours du week-end de l'Ascension 2009. Pour meubler ce silence, des orages tropicaux et le tonnerre étaient au rendez-vous, se réverbérant sur la falaise de 1000 m de dénivelé qui mène au Piton des neiges, se dressant juste en face du lieu du stage. Ceci lui a inspiré le poème ci-dessous. Joëlle vient de prendre sa retraite de professeur de littérature française, et aime bien venir marcher en Himalaya.

 Les premiers jours, loin de nous déplaire,

Indra, dieu des orages et de l'atmosphère,

Nous isola sous une coupole

De pluie continue et de vent fol.

Incarnant l'exubérance de la vie,

Armé du vajra pour vaincre l'ennemi,

-Notre mental vaniteux ou dispersé-,

Il éclaira nos âmes de paix.

Il envoya aussi le tonnerre

Et ses résonances extraordinaires

Pour révéler de l'espace l'immensité,

Au-delà de Cilaos, dans ses remparts, enfermé.
Surya rivalisa avec lui:

L'Indra-danush, l'arc-en-ciel en sanskrit,

Dans ses magiques apparitions

Inspira de poétiques méditations:

L'arc du silence lançait allègrement

La flèche de nos âmes visant

La cible éternellement présente du Soi,

Et les coeurs glorieux vibraient d'une joie,

Qui se répandait en ondes illimitées

Jusqu'aux frontières de l'Incréé.

 a)Vajra: -foudre; 

-objet utilisé dans les rituels bouddhistes, symbole de l'illumination. Chez les Tibétains, le dorje représente l'Absolu, l'unité au-delà des opposés, la force.

 b)Danush: arc, symbole de la conscience et de la détermination.

 

 

                                                                                                                                                         Joëlle COIRET.

                                                                                                                                                                              Ascension. Mai 2009

                                                                                                                                                                           Cilaos, Ile de La Réunion

 

 

 

 

A  MA  VIEILLE  AME

 (Confession à … dans l’avion pour l’Inde)

Par Mahâjyoti

 Ma vieille âme est déjà partie !

La blonde aux yeux bleus est restée

Près de …afin de déjouer

Les pièges et ruses de la vie…

 

Ma vieille âme est un vieux barbu

Etait-ce un Sage ? Un vrai Mystique ?

Elle donne un contraste un peu cru

Avec ma blondeur dynamique.

 

Ma vieille âme comprend trop de choses

Son magnétisme, ses vibrations,

Comme un cri en mon ‘moi’ se posent

Et on me pose des questions…

 

Car la blonde demeure incomprise

Pour qui ne sait pas lire au fond

Et pourtant son ego se brise

Au cœur de sa méditation.

 

Elle sait combattre pour de bon

Lorsqu’en titubant elle avance

Elle sent, telle une imprégnation,

La lumière et l’impermanence…

 

L’avion a pris de l’altitude

L’Inde est au bout de son chemin

Le silence et la solitude

Désormais lui tiennent la main.

 

Un jour en rencontrant ‘quelqu’un’

Elle eut la notion du Divin…

La blonde pourra rejoindre enfin

Ce vieux qui est parti si loin….

 

Ce vieux qui dirigea sa vie

Voyez, je vous l’avais bien dit :

Ma vieille âme est déjà partie…

 Pourquoi n’avez-vous pas compris… ?

                                                                            Geneviève  KOEVOETS (Mahâjyoti)

 "Le pessimiste voit des difficultés dans chaque opportunité...

 L'optimiste voit des opportunités dans chaque difficulté..."

 

 

Nouvelles

 -  A Kankhal ce mois d'août 2009, nous avons eu pour neuf jours un groupe de 27 Français venus faire retraite auprès de Swami Vijayânanda. Dinesh et Vigyanânanda se sont occupés de leur séjour, auparavant ils ont fait une visite de trois jours de Bénarès et ensuite rencontré Swami Jñanananda et Chandra Swami dans la région de Dehradun, en plus d’une visite de Rishikesh. Le voyage a duré en tout trois semaines

- Swami Nirgunânanda a animé une retraite de huit jours au Rosaire, une institution religieuse dans les environs de Bruxelles, qui a été suivie avec intérêt par les francophones. La retraite a été organisée par Paul et Christine Neefs. Swamiji a préparé une traduction avec commentaires des lettres de à Pran Gopal Mukerjî, Paul a déjà fait la traduction française des lettres, une publication est prévue dans le Jay à partir du prochain numéro. Nous avions déjà publié quelques lettres de Pran Gopal il y a plusieurs années dans ce même Jay .

- Vigyanânanda est de retour maintenant à l’ermitage de Dhaulchina et à plus long terme pour deux ans en Inde, après quatre mois et demi de séminaires et conférences qui l'ont amené en France, Belgique, Suisse, Italie (pour un congrès  de la Fédération italienne de yoga près de Venise), et cinq semaines à la Réunion, avant de revenir à Kankhal pour la retraite d’août auprès de Swami Vijayânanda.

 

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C’est une aide qui va à PANUDA à Bénarès, pour soutenir les éditions indiennes de « Amrita Varta ». (Panuda sert depuis plus d’un demi siècle et dirige son hôpital).

 

 

Table des matières

 

Paroles de ,  extraites de ‘Vangmayee Ma’

Dialogues avec ,  extraits de ‘La saturée de joie’ de Jean-Claude Marol

Préface au recueil de paroles de Vangmayee Ma’, par Vigyânânanda

Introduction à la version hindi de ‘Vangmayee Ma

Paroles de consolation menant à l’absence de peur, extraites de ‘Vangmayee Ma’

Notre mère universelle Anandamayî,  par Brahmacharini Kumar Chitra Ghosh

Indra Lila, le jeu d’Indra ou le mental illuminé, par Joëlle Coiret

A ma vieille âme… par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

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Table des matières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Mâ N°95 - Hiver 2009-10

 

 

 

Paroles de Mâ

 

Extraites de Vangmayî Mâ, chapitres 14 et 15

 

 

 

 (Le site de Mâ www.anandamayi.org  est en cours de restructuration, les textes français seront réinstallés sous peu, enrichis d’une traduction récemment effectuée par Jean Louis à Nice de Vangmayî Mâ sous le tire ‘Les enseignements de Mâ Anandamayî classés par thème’. Nous en citons deux chapitres ci-dessous)

 

 

 

14 - DHARMA

 

 

 

 L’action qui aide à la réalisation de ce que chacun aspire à atteindre, c’est le dharma (loi, vertu). C’est pourquoi il s'agit de l'action juste, alors que celles qui  apportent l’agitation et la souffrance correspondent à une action induite par le manque-désir, il s'agit de l’adharma (ce qui n'est pas juste).

 

 La voie pour la réalisation du Soi, qui ne peut être délaissé, c’est le dharma. Chaque individu peut avoir une voie différente pour réaliser l’illumination du Soi. Continuez à avancer à partir de là où vous êtes. En vérité, Lui seul existe. Il tient tout en main ett Il ne lâche jamais. Je le répète, l’action qui conduit à la révélation de Dieu, c’est le dharma. Dans ce sens, l’inaction, [la paresse], c’est l’a-dharma. En vérité le dharma est un.

 

 Chacun doit accorder la plus grande attention au dharma. En effet le dharma est l’énergie du souffle de  vie. Il est le Soi et il adhère fermement à l’éternelle Vérité. Ce que le Soi représente, ce qu’Il est, doit être connu. Combien de temps devra-t-on rester à l’écart, tel un voyageur  qui traîne dans une auberge sur le bord de la route, au risque de s'égarer ensuite sur des sentiers dangereux ? Il faut parcourir son propre chemin et entreprendre son propre voyage en écartant les simples plaisirs éphémères (preyas) pour choisir  ce qui est réellement bon à long terme (shreyas).

 

 

 

Dieu est dans toutes les formes. Il ne faut prêter attention qu’à son coeur et à son âme. Tout le monde devrait savoir qu’il est interdit, dans le Sanatana Dharma hindou, de prononcer quelque mot que ce soit qui puisse engendrer une querelle ou causer de la souffrance. En effet Dieu se manifeste dans toutes les formes, ainsi,  se heurter à quelqu’un signifie se heurter à Dieu Lui-même. Chacun de nous a une âme, Seule et Unique. Il est bon de garder autour de soi une atmosphère calme, paisible et amicale.

 

La patience est la branche maîtresse dans le domaine du karma (action) et du dharma (loi juste).

 

 Tous les dharma ont la même fin. Tous les chemins mènent à la même fin. Nous sommes tous les mêmes.

 

 Avec un état d’esprit pur et bien centré, tout est possible.

 

 Souvenez-vous que sur le chemin de la droiture et de la vertu, même l’ombre d’un ego inavoué peut recouvrir le but que l’on poursuit.

 

 

 

                                              15- LE NOM, LE NOMMÉ

 

 

 

Le Nom ne peut être distingué du Nommé, ni le Nommé du Nom. Et Lui-même est comme le Nom. L’akshara (lettre de l’alphabet) est en effet la forme de Dieu. L’arbre germe et pousse après qu’on en a planté les graines, tout comme le Nom acquiert de la puissance au fil des répétitions. La répétition progressive et soutenue du Nom de l’élu, révèlera que tous les noms sont Ses noms et que toutes les formes sont Ses formes. De même qu’il sera révélé qu’Il est sans nom et sans forme.

 

 Prenez Son Nom, Son Nom seulement. Je sais que tout est possible si l’on prend Son Nom. Consacrez-Lui autant de temps que vous pouvez. Si vous n’avez pas la possibilité de passer de longs moments à psalmodier Son Nom, parlez de Lui, chantez Son Nom ou lisez des livres de spiritualité. Efforcez-vous de garder votre esprit tourné vers Lui, de toutes les façons possibles.

 

 La répétition progressive du nom purifie l’esprit (chitta). L’état mental étant purifié, il y a éveil de la dévotion et de la vénération et le coeur connaît alors des états d’exaltation qui ne tardent pas à agir.

 

 

 

Sans cesse chantez le Nom de Thakur (Dieu). Chantez Son Nom et de ce chant jailliront et s’épanouiront la dévotion, la libération et la paix. Gardez et portez ce Nom d’une foi ferme et solide, avec dévotion, avec vénération et oubliez votre orgueil. Vous verrez que toutes les tâches que vous entreprendrez s’accompliront d’elles-mêmes. C’est ce qui s’est passé durant le déroulement de la sâdhanâ de ce corps-ci, je le dis avec fermeté. Ne gardez pas quelque chose de côté pour vous avec l'intention de tester Dieu. Si vous le faites, il n'y aura aucune probabilité que quoi que ce soit se produise quant à Sa révélation. Abandonnez-Lui tout ce qui vous appartient. En effet, c’est Lui qui soutient et a toujours soutenu votre fardeau, ainsi que le fardeau de l’univers. Rappelez-vous cela.

 

Faites en sorte d’être constamment absorbé par le Nom et d’être immergé en Lui. Souvenez-vous qu’on prend le Nom de Dieu, par amour pour Dieu.

 

Le Nom de Dieu efface les karma aussi bien que les péchés et les désirs accumulés au cours de plusieurs yuga (cycles de la création). De même qu’une lampe qu’on allume illumine une pièce restée dans l’obscurité durant des milliers d’années, le nom de Dieu dissipe les ténèbres de millions de naissances.

 

Lorsqu’une tâche, quelle qu’elle soit, est accomplie comme il se doit, les résultats qu’on en attend ne manquent pas d’apparaître. Il est tout à fait possible que l’on soit plongé dans l’océan de la divine beauté par le seul fait d’avoir l’esprit absorbé par le Nom. Par suite de la non-différenciation entre le Nom et le Nommé, l’attitude en ce qui concerne le monde extérieur, disparaît pour le moment et le pouvoir « auto-illuminant » du Nom, se manifeste de lui-même.

 

Les jeunes enfants n’aiment pas beaucoup étudier : ils préfèrent les jeux aux études. Pour les obliger à étudier, il faut user d’une certaine contrainte, de même qu’on doit user d’une certaine rigueur à notre propre égard lorsqu’on entreprend de chanter le nom. Un minimum de pratique est nécessaire. Comme vous le savez, pour effacer une tache d’un objet, il faut bien sûr frotter cette tache. Et celle-ci ne peut être éliminée si on ne la frotte qu’une seule fois. De même, pour allumer une allumette il est nécessaire de la frotter contre une surface rugueuse et on ne sait pas à quel moment elle s’enflammera. Il en va de même lorsqu’on chante le Nom. La réalisation survient grâce à la pratique. Engagez-vous dans le yoga de la pratique.

 

 Une foi solide est indispensable. Et c’est là qu’est le grand manque. L’action ne met pas fin aux désirs. Interminables, les désirs apparaissent les uns après les autres. Mais tous les désirs, quels qu’ils soient, disparaissent, lorsqu’on se donne entièrement au désir de Dieu. Si l’on arrose, jour après jour, les racines d’un arbre sans même se préoccuper de soigner ni les branches ni les feuilles, toutes les vieilles feuilles de l’arbre tomberont malgréa tout et de nouvelles feuilles apparaîtront. De la même façon, si une personne se dédie entièrement et uniquement au chant du Nom, elle sera libérée des sanskar (impressions du karma) passés et naîtra à une nouvelle vie.

 

 

 

 

 

Réponses de Vijayânanda

 

 

 

− Quand on vit dans le monde, peut-on aimer sans attachement ?

 

− Vijayânanda : L'amour est comme de l'essence dans la voiture. S'il n'est pas là, rien ne peut avancer. Je dis souvent : mieux vaut un mauvais amour que pas d'amour du tout ! L'amour pour une personne, entre hommes et femmes, mène souvent à des complications parce qu'on cherche à limiter l’Illimité. Le gourou attire sur lui ou elle toute la concentration d’amour du disciple débutant pour qu’il puisse se détacher du monde, et ensuite le rejette sur lui-même. Mâ elle-même, à partir d’un certain point, m’a rejeté sur moi-même.

 

 − Qu'est-ce que regardait Mâ quand elle avait le regard vide ?

 

− Vijayânanda : C'est difficile à dire. On croyait parfois qu'elle dormait ou qu’elle était inconsciente, mais en fait, elle travaillait sur d’autres plans pour répondre à la demande des fidèles. Par exemple, à une période elle avait été comme proche de la mort, puis elle s’est remise brusquement. Après, nous avons fait le lien et nous nous sommes aperçus qu'il y avait le fils d’un fidèle très proche de Mâ qui était en train de mourir à Paris. Il travaillait dans l'énergie atomique, et il est mort jeune. Sans doute Mâ est entrée dans cet état de conscience pour pouvoir l’accompagner. De même, en 1938, quand Bhaiji est mort, Mâ est restée plusieurs jours  inconsciente, elle devait l'aider à traverser les mondes subtils.

 

− Est-ce que c’est le gourou qui sélectionne ses disciples ?

 

− Une fois, j'ai demandé à Mâ si je pouvais la considérer comme mon gourou. Elle a répondu : «  Il n'y a qu'un gourou, c’est Bhagavân ! » J'ai ajouté : « Certes, mais nous vous considérons comme Bhagavân, donc vous êtes notre gourou ! » Mâ n'a rien dit sur le coût, mais à partir de ce moment-là, elle m'a traité comme un disciple, en me donnant des conseils, des pratiques, et même de temps en temps en me faisant des reproches, en me disant « ne fais pas ça », ou en me punissant. Une fois, c'était à Calcutta, Mâ devait aller visiter en voiture des anciens fidèles. Cela n'aurait pas fait bien d’arriver avec un occidental, elle m'a donc dit de rester ou j'étais. Je n'ai rien dit, mais j’ai fait une telle tête que tous les gens autour ont paru terrifiés. Mâ a tout de suite dit : « D'accord, tu viens avec nous ». Mais j'ai été puni, car j'avais quand même, d’une certaine façon, contredit la volonté de Mâ, et j'ai fait une crise de coliques néphrétiques terrible. En fait, Mâ s’est occupée de moi à ce moment-là comme une mère physique. Le docteur voulait me donner de la morphine, mais j’ai refusé. La crise s'est passée toute seule. Cela, c'était la première punition, mais il y en a eu aussi une seconde, c'est que Mâ m’a mis au régime avec seulement de l'eau de noix de coco.

 

 

 

Depuis quelques temps, Vijayânanda répète très souvent, durant le satsang, l’un de ses derniers souvenirs de Mâ :

 

« C’était peu avant que Mâ ne quitte son corps. J’étais seul avec elle, elle m’a montré son corps et m’a dit : « Cela n’est que mâyâ, je suis omniprésente ! ». Je crois ce que Mâ m’a dit.

 

 

 

 

Ma Mère Mâ Anandamayî

 

Par Vishuddha

 

 

 

Om Mâ

 

 Nous avons présenté Vishuddha dans un numéro précédent. Elle vit actuellement à Kankhal, et Vigyânânand s’est procuré directement d’elle son livre de souvenirs. Elle a été éduquée à l’ashram de Mâ de Bénarès depuis l’âge de 10 ou 11ans, après avoir perdu sa mère qui était une fidèle de Mâ.

 

 Pourquoi cette tentative ?

 

Certains des fidèles les plus loyaux de Mâ, comme notre bien-aimée Dadabhai Gurupriya Didi, ont consacré leur vie simplement pour la servir. Le respecté BK Shah, Swami Shivanandaji, nos enseignants au Kanyapeeth Renudi, Satidi et autres, m’ont  poussée à coucher par écrit les souvenirs de Mâ. Ce qui a pu être à l’origine de leurs suggestions, c'est que j'ai eu la rare chance de l'avoir comme mentor. Mon esprit a été alors déchiré dans un dilemme, est-ce que j’allais être capable de révéler le portrait de Mâ en pénétrant l'intimité de sa lumière glorieuse qui rayonnait autour d’elle ! Cela m'a pris des années pour me décider. Ma défiance a cédé après quelques années grâce à un miracle, ou est-ce que c'était la grâce de la Mère ? Il y a quelques années, j'étais au lit avec une méningite sérieuse. Pendant la convalescence, j'ai découvert que j'avais perdu le souvenir de bien des évènements récents. Néanmoins, et grâce à la miséricorde infinie de Mâ, je me souviens clairement de beaucoup des vieux incidents à son propos. J'ai senti qu'il fallait les enregistrer tant qu'ils étaient encore frais dans ma mémoire, sinon un beau matin ils pourraient glisser dans l'oubli. C'est ainsi que j'ai commencé à écrire.

 

 Le fait est que j'ai eu la chance rare de grandir sous l'oeil plein d’amour de Mère. A cause de sa grâce infinie, elle nous a disciplinées, et elle nous a guidées avec affection autant que par sa voie divine. En écrivant à propos de Mâ, je peux difficilement éviter des références à moi-même de temps en temps. Je peux simplement prier comme Tagore :

 

« Ne me laisse pas me mettre en avant moi-même à travers mes actions,

 

Puisse Ta volonté suprême être réalisée au beau milieu de ma vie ».

 

Le Pr Niraj Nath Dasgupta  (Manikda) a parcouru mon pauvre compte-rendu à propos de Mâ. Il m'a dit : « Vishuddha, vous devez le faire imprimer de peur que ce ne soit perdu. En effet, c'est le seul récit à propos de Mâ qui rend bien vivant ses aspects familiers. » Cette affirmation de Manikda m'a ramenée à ma conscience ­− il fallait que le travail soit fait. L'idée de publier cet effort immature ne m'était jamais passée par l'esprit.

 

La chance rare de pouvoir grandir à l'ashram de Mâ et de la servir a été entièrement due aux efforts de Dadabhai, c'est-à-dire Gurupriya Didi. En 1955, elle était au lit fort malade à Bombay. Pendant que je l'assistais, c'est elle qui m'a d'abord demandé d'écrire à propos de Mâ, comme je la percevais. Cela a été une malchance que je n'ai pu écrire alors. Aujourd'hui, par la grâce de Mâ, ce livre est sur le point de voir la lumière du jour. Ainsi, tout en mettant à exécution les souhaits de Dadabhai, je lui dédie respectueusement ce livre, à elle qui a été ma  préceptrice et mon instructrice.

 

 

 

                                                                                                                                                                                       Vishuddha

 

 

 

Préface

 

 

 

Om Jay Mâ

 

 Dans cette terre sacrée qui est la nôtre, des personnes de stature extraordinaire se manifestent à tous les âges pour réinsuffler de la vie à la spiritualité. À notre époque, une telle manifestation extraordinaire a été Mâ Anandamayî. Ella a été un miracle pour deux raisons. D'une part, elle s’est révélée elle-même en une femme − une maîtresse de maison typique cachée derrière le voile. D'autre part, et en toile de fond de sa révélation publique, il n'y avait aucun effort conscient sous forme par exemple de pratiques d'austérité. L'ensemble de l'affaire était une explosion spontanée proclamant sa venue comme une tempête qui emporte tout dans son mouvement. Elle est l'incarnation de la déclaration dans le Dévi Sukta :

 

 Ahameva vata iva pravami

 

                                                                                         « Je souffle comme le vent »

 

 

 

Au contact vital de ce courant, la vie de nombreuses personnes a été revivifiée comme en une seconde naissance. L'une d'entre elles est l'auteur de ce livre, « Ma mère Anandamayî − brahmacharinî Vishuddha. Tout à son propos, depuis son nom même jusqu'à la mise en forme de sa vie est l'oeuvre de Mâ.

 

Le seul but de Mâ Anandamayî était de motiver les êtres humains dans le sens du divin. En particulier à cause de cette vision du divin, elle évoquait l'esprit de Gauri (l’épouse de Shiva) dans la femme. « Là où il y a une femme, il y a Gauri » (Mâ disait souvent  cela). Avec le même but en vue, Gurupriya Didi, qui a servi Mâ de tout son cœur, était associée de façon inséparable à sa lîlâ divine, elle a fondé le Kanyapîth dans le lieu de pèlerinage sacré de  Varanasi. Vishuddha a logé dans ce Kanyapîth depuis sa petite enfance et y a été initiée dans les moyens d'élever sa vie au niveau d’une existence divine.

 

En tant que résidente du Kanyapîth, elle a eu la chance de participer directement à un certain nombre de jeux divins, lîlâ, de Shri Shri Mâ. Beaucoup pourront connaître de ce livre un compte-rendu détaillé du Savitrî Mahâyajna accompli par le Kanyapîth de Mâ à Vârânasî. Outre de nombreux incidents de type miraculeux qu'on y a notés, on voit que Shrî Mâ aussi riait et jouait avec des jeunes filles comme Vishuddha. Elle se laissait habiller comme elles en avaient envie et parfois, elle pleurait de façon irrésistible lorsqu'elle détectait certains manquements chez  elles : elle se prosternait à leurs pieds en pleurant avec les yeux remplis de larmes, et elle disait : « Pardonne-moi, pardonne-moi, ô Toi, déesse, sous la forme de kumarîs (jeunes filles)».

 

La trouvant baignée de larmes en répétant les mêmes paroles dans un état de transe, Gurupriya Didi fut frappée de surprise et lui dit : « C'est nous qui sommes en faute à chaque étape ! » Mâ répliqua : « Didi, les fautes commises par ceux qui ont été appelés à se rassembler autour de ce corps n'en sont pas moins aussi avec ce corps. »

 

 De cette façon, Mâ s’identifiait à tous. Comme nous réalisons ce fait, nous devons être alertes et essayer de ne pas faire d'erreur de peur que cela ne revienne sur elle et ne lui donne les larmes aux yeux. C’est une responsabilité qui repose sur ses enfants. Nous pouvons obtenir ces instructions merveilleuses de ces anecdotes de Vishuddha.

 

Govinda Gopal Mukhopadhyay

 

Calcutta, 2007 Shivaratrî

 

 

Mon père aimait beaucoup l’ancien système védique d’éducation. Il avait envoyé notre frère aîné au Vidyapîth, l'école de Râmakrishna à Déogarh,  le second ainsi que le troisième frère à celle de Sri Mâ Anandamayî à Dehradun et ma soeur aînée au Kanyâpîth de Sri Anandamayî à Raipur, qui se trouve aussi près de Dehradun. Quand nous avons quitté l’Assam pour Kashi, notre famille consistait de nos parents, de moi-même et de mes deux  petits frères. C'était 1944. La seconde guerre mondiale était en cours, je me souviens que cela nous a pris 14 ou 15 jours pour atteindre Kashi, car les trains étaient remplis et réservés au personnel des armées. On acceptait les passagers ordinaires simplement quand les trains étaient vides. L'ashram de Mâ à Kashi n'avait pas encore vu le jour. Akhandânandaji (le père de Gurupriya Didi, ancien chirurgien chef de la région de Dhaka) m'a dit : « Sais-tu pourquoi ton père t’a amenée ici ? Il est prêt à t’envoyer en forêt, dans un lieu de solitude, en ashram. » Il connaissait très bien les aspirations de mon père pour la vie d'ashram. L’entourage de Mâ m'a traitée avec une affection qui n'avait pas de limite.  

 

A cette époque, Shrî Shrî Mâ visitait fréquemment Kashi. Comme il n'y avait pas d'ashram, elle restait dans une dharamsala ou sur une barque sur le Gange. Un fidèle très dévoué à Mâ, résidait dans un bungalow près de la gare de Varanasi. À certains moments, on plantait une tente pour Mâ sur sa pelouse spacieuse. Mâ demeurait d'habitude là-bas pour quelques jours et ensuite s’en allait ailleurs. J'ai vu Mâ pour la première fois dans sa tente là-bas. Je me souviens que nous étions sur la pelouse en dehors de la tente, lorsque  Mâ est sortie en tirant de côté la toile de la porte. J'avais vu la photo de Mâ sur l'autel de notre pièce dédiée aux activités religieuses. Mais à ce moment-là où je la voyais pour la première fois en personne, j'ai été tellement captivée que je pouvais difficilement détourner les yeux d'elle. Près de l'oreiller du lit de Mâ il y avait une belle rose rouge. À côté de Mâ, la rose pâlissait et devenait insignifiante. Mâ me regarda et sourit avec douceur. Après lui avoir présenté nos respects, nous sommes partis.

 

 Mâ vivait la plupart du temps dans une barque qui était la propriété de la famille royale de Vijayanagar. Quand nous avons appris que Mâ était arrivée à Kashi, nous sommes partis directement pour la barque. Le milieu de celle-ci était couvert par une jolie toile épaisse et carrée. À l'intérieur, il y avait une chambre pour que Mâ puisse s’asseoir ou s'allonger. Autour, des quatre côtés, il y avait une véranda pour les fidèles. On avait organisé des discours religieux, satsang, matin et soir directement sur la barque…

 

 Nous avons entendu dire que Mâ prendrait quatre ou cinq heures de repos à Maghalsarai,  une gare à 10 km de Vârânasî. Ensuite elle partirait par un autre train le lendemain. Beaucoup des anciens de l'ashram partirent pour aller présenter leurs salutations à Mâ. Le jour suivant mes parents, mes deux jeunes frères et moi-même sommes partis pour cette gare afin de la rencontrer. Je me souviens que Mâ se reposait dans un fauteuil de la salle d'attente à moitié allongée. Chacun d'entre nous lui avons présenté nos respects et sommes restés debout près d'elle. Il faisait très chaud, mais Mâ n'avait pas l'habitude d'utiliser des ventilateurs électriques et quelqu'un essayait de lui rendre la situation plus agréable au moyen d’un ventilateur à main. Mâ m'a demandé en souriant : « Eh bien, mon amie, peux-tu m'éventer ? » Je répondis dans l'affirmative. Elle demanda à ce qu'on me passe l'éventail. Je commençais à l'utiliser avec vigueur. J'avais vu que ma mère mouillait l'éventail avant de l'utiliser. Après quelques temps, je me suis rendue aux toilettes, j’ai mis l'éventail sous le robinet et me suis remise à éventer Mâ, sans m’apercevoir que ses vêtements devenaient tout mouillés. Khukunidi (Didi) et ma mère ont essayé de me stopper, mais Mâ leur a demandé de rester silencieuses. Ensuite elle m'a demandé : « Peux-tu me masser les mains et les pieds? » Bien que ne sachant pas faire de massages, par nature, j'étais incapable de dire non à quoi que ce soit. Et donc, avec un grand sourire, j'ai dit : « Oui ! » Mâ a tendu sa main droite vers moi et je me suis mise à la masser aussi bien que je pouvais. Mâ a un peu patienté et a dit : « Non, mon amie, ce n'est pas la manière ! Elle m'a pris la main et l’a massée convenablement avec les deux mains pour me montrer la bonne manière de faire. Ensuite j'ai essayé de presser ses mains de la même façon. Toutes les personnes présentes étaient très amusées en voyant la manière de faire de Mâ. En trouvant que Didi l’était encore plus, Mâ a dit : « Savez-vous pourquoi Khukuni est si heureuse ? Vous allez devenir une kanya, une jeune fille de son Kanyâpîth ! » Cela était étrange, car on ne parlait pas encore de mon inscription au Kanyâpîth.

 

 Mâ revenait très souvent à Kashi. Pour Dadabhai (Gurupriya Didi), Kashi était aussi devenu son lieu de prédilection. Elle se sentait très chagrinée du fait qu’il n'y avait pas encore  d’ashram là-bas. Ses efforts pour trouver un endroit convenable avaient été en vains. Plus tard, j'ai entendu dire par Didi que lorsque Mâ s’est rendue quelque part en s'arrêtant à Luchnow, elle a attendu dans la salle d'attente la correspondance pendant longtemps. Didi s’est rendue aux toilettes pour un bain. Quand elle ressortit quelques temps plus tard, elle trouva Mâ qui était debout sur une table et regardait de près une carte de l'Uttar Pradesh accrochée à un mur. Aussitôt que Didi est entrée dans la salle, Mâ a placé son doigt sur la carte et a déclaré : «Regarde, voici le site pour ton ashram. » Dadabhai a sauté de joie et en s'installant à côté de Mâ sur la table a marqué l'endroit proche de la rivière Assi à la limite sud de Bénarès. Ensuite de nouveau, en allant par bateau le long du Gange, Mâ a indiqué du doigt l'endroit. Elle a révélé qu'à chaque fois qu'elle passait près de ce lieu en bateau, de nombreuses formes divines lui avaient fait signe de la main et l’avaient invitée à cet endroit.

 

Ensuite, en accord avec ce kheyal, cette intuition divine de Mâ, le lieu actuel de l'ashram a été acheté. Autant que je m'en souvienne, le jour de l'inauguration, on a installé une pierre de fondation et on a accompli une poûjâ au milieu de la cour en face du bâtiment du Kanyâpîth. Mâ a installé des briques. Elle-même et les autres ont chanté des kîrtans partout sur le terrain. Un chant continu des noms divins a suivi à cet endroit pendant huit ou dix jours. On avait organisé le logement et les repas des fidèles dans plusieurs maisons près de l'ashram. Quelques jours plus tard, Mâ est repartie.

 

La première fête à cet ashram, Vasanti poûjâ (le rituel du printemps en février), a été célébrée à grande échelle sous un mandapa (une grande tente au toit plat, avec ou sans murs latéraux). Je me souviens que durant cette poûjâ, on m'a pour la première fois rendue un culte en tant que Kumarî (un type de poûjâ spéciale où on adore la déesse dans le corps d'une petite fille de 8-10 ans environ). Peut-être cela a été Bithudi (Bithika Mukerji) qui m'a drapée dans un sari et m’a oint les bords des pieds avec de la pâte de santal, une guirlande et du vermillon liquide. Bishuddha, un grand fidèle de Mâ, a effectué le rituel. On m'a emmenée sous la tente de la déesse Chandî et placée sur un coussin. Mes pieds ont été placés dans un grand plateau de cuivre consacré au culte de la Dévi. Bishuddha m'a rendu un culte et ensuite s'est prosterné devant moi. Il était comme un père pour moi. J'étais saisie d'embarras quand il m'a honorée en me touchant les pieds. Après le culte, moi-même j’ai fait aussi pranâm à Bishuddha, ce qui a beaucoup amusé Mâ.

 

 Le matin de Mahâshtami, une grande foule s'est rassemblée dans la cour de l'ashram. Ma mère et moi-même étions debout un peu en dehors de cette foule.  Tout d'un coup, Mâ a émergé du Chandi mandap et s’est approchée très vite de nous. Elle avait une grande guirlande de fleurs Java rouges autour du cou qui lui descendait jusqu'aux pieds. Elle la retira et la disposa autour du cou de ma mère. Ensuite, elle la toucha de façon répétitive de la tête aux pieds, et elle répéta : « la déesse incarnée, la déesse incarnée, la déesse incarnée ! » puis retourna au mandap de cette façon même dont elle était venue. Cela fut la dernière rencontre entre ma mère et Shrî Shrî Mâ. Un mois plus tard, ma mère est décédée à Kashi. (p.17)

 

Ma soeur aînée, Shraddhâ,  reprit ses études à la maison. Quelques jours plus tard, après une brève maladie, ma mère est partie pour la demeure céleste à Kashi à l'âge précoce de 35 ans. Mon père aimait bien être en compagnie des religieux et assister à des discours sur des sujets sacrés. Ainsi, à Kashi, mon père fréquentait principalement des sannyâsis et des brahmacharis de la mission Râmakrishna et de l'ashram de Mâ ; ils venaient souvent chez nous pour des discussions religieuses. Il s'est trouvé que le jour où ma mère a rendu l'âme, il y avait cinq ou six sannyâsis ou brahmacharis à être présents. Je me souviens qu'ils ont chanté des textes des védas par coeur. Mon père prenait part dans les kirtans du soir régulièrement avec nous. Ce jour là, en fin de soirée, à la fin du kîrtan du soir, ma mère a trouvé la paix éternelle aux pieds de Vishvanâth (« le Seigneur de l’univers », la forme de Shiva honorée à Bénarès au Temple d’or) en écoutant le chant des sannyâsis et en restant parfaitement consciente jusqu'au dernier moment. Shrî Shrî Mâ était alors à Vindhyâchal. En entendant la nouvelle du décès de ma mère, elle a déclaré qu’elle avait atteint la libération à Kashi après y avoir résidé exactement une année, un mois, un jour et une heure. » Plus tard, mon père a vérifié en  consultant le journal de ma mère et a trouvé que Mâ avait raison.

 

 Après le décès de ma mère, Shrî Shrî Mâ a envoyé notre grand-mère Virâjamohinî pour s’occuper de nous. Cette dernière nous a dit : « En réalité, ceux qui sont privés de mère dans leur enfance sont perpétuellement dans le chagrin, mais souvenez-vous, ne refusez pas même un verre d'eau qui vous est donné par qui que ce soit avec amour. Vous trouverez que jamais dans votre vie vous ne manquerez d'amour et d'affection ». Et il est vrai qu'en suivant le conseil de ma grand-mère, j'ai moissonné une riche récolte d'amour et d'affection. J’accepte cela comme un signe de la grâce perpétuelle de notre mère.

 

 À cette époque à peu près, j'ai eu un accès de variole et de typhoïde simultanément. Je suis restée longtemps au lit. Certains ont fait des commentaires du genre : « Elle aimait sa mère tellement qu'elle est attirée par elle et il se peut qu'elle décède. » Je l'ai échappé belle. Un jour, j'ai rêvé que Shrî Shrî Mâ faisait les cent pas le long d'une clôture en fils de fer barbelés sur les bords du Gange au niveau de l'ashram. Moi-même et ma soeur aînée Shraddha étions aussi par là. En cheminant,  Mâ est arrivée auprès de moi et a remarqué en souriant : « Mon amie, vous allez parfaitement bien ! » Après cela, j'ai retrouvé progressivement la santé.

 

 

 

Après le premier rituel au bout d'un an (shraddha) en mémoire de ma mère, Krishnâ, la fille aînée de la plus jeune soeur de Shrî Shrî Mâ,  Hemanginni Dévî, s'est mariée à mon frère aîné selon les instructions de Mâ. Les filles du Kanyâpîth n'étaient pas encore arrivées à Vârânasî. Je me rappelle que ma belle-soeur, Krishnâ, a reçu les bénédictions d’usage en présence de Mâ avec de l'herbe durva  apportée des jardins de l'ashram et une lampe allumée. Mâ a distribué des sucreries à tous. Comme tout cela se déroulait, une dame est arrivée avec un bol de riz au lait pour Mâ. Tous ceux qui étaient présents ont donné ce riz à Mâ avec une cuiller d'argent. Je me suis aussi avancée, et Didi a demandé : « Quoi ? Toi aussi tu veux nourrir Mâ ? » J'ai fait un signe de tête que oui et j'ai souri. Mâ aussi a souri avec douceur et a dit : « Laissez-la faire ! » Sans me soucier de rien d'autre, j’ai placé le riz au lait dans la bouche de Mâ avec une cuiller pleine. Mâ a souri et a dit : « Vous avez vu que sa main n'a pas du tout tremblé ! » C'était la première fois que je nourrissais Mâ, à cette époque j'avais 10 ou 11 ans. (p.21)

 

Mon nom à la maison était Gayatrî. Comme il y avait une autre Gayatrî au Kanyapîth,  Gangâdî (Gangâdevî Panchatîrtha) qui était responsable du Kanyâpîth a attiré l'attention de Mâ sur ce fait. Cette dernière m'a alors appelée Shuddha. Quand ma grand-mère a appris ce nouveau nom, ses yeux se sont remplis de larmes et elle a dit : « une Shuddha qui avait reçu ce nom de Mâ est morte prématurément, est-ce que ce sera encore une nouvelle Shuddha ? » Mâ a appris cela de Gangâdî en montant les escaliers, et elle a frappé des mains en disant : « Quoi que vous disiez, je n'écarterai pas ‘Shuddha’, mais vous pouvez tout à fait y ajouter ‘vi’ pour changer ce nom en ‘Vishuddha’ ! » Comme j'étais quelque peu capricieuse, Kshamadi, Renudi et d’autres m’ont appelée Bicchu, scorpion, affectueusement pendant que Bimaladi  (Swamùi Dayanândajî) m’appelait Bishou.

 

  

 

 

Débat

 

 

La pensée de Gandhi

 

 

                                                       Par Richard Lavergne

 

 

Richard pratique la méditation transcendantale depuis plus de 20 ans. Il travaille comme ingénieur pour l'environnement et a fait récemment une formation de psychologie transpersonnelle sur trois ans. Il est venu plusieurs fois en Inde avec les voyages de Jacques Vigne, il connaît donc l'ashram de Kankhal et a médité sur l'enseignement de Mâ. Il a senti de nous livrer par écrit quelques-unes de ses réflexions sur les contradictions de l'Inde moderne, que nous publions telles qu'elles ci-dessous.

 

 

 

Hier soir, sur la chaîne ARTE, je regardais un film documentaire qui racontait le périple d’un journaliste voyageur, parti  sur les pas de « la route du sel »  du Mahâtma  Gandhi lors de sa lutte pour l’indépendance de l’Inde sous la colonisation britannique.

 

Ce journaliste, inlassablement, village après village, recherchait les traces de cette épopée ; les personnes encore vivantes et les lieux historiques ou chargés de mémoire.

 

Quelle désillusion pour lui-même et pour moi, de faire le triste constat que les jeunes générations d’indiens se fichent comme de leurs premières sandales de ce passé glorieux à beaucoup de points de vue.

 

L’Inde est en plein bouleversement, le grand mirage économique profite à une petite partie de la population, laissant sur le bas-côté les trois quarts restants.

 

 Je me souviens de ce jeune homme, gras comme un porcelet, annonçant fièrement que les idées de Gandhi sont d’un autre temps et qu’elles n’ont qu’à y rester. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de gagner de l’argent, par n’importe quel moyen.

 

 Je vois encore les pauvres gens vivant dans les bidonvilles du Gujarat, en attente d’expulsion de leurs pauvres logis pour libérer des terrains où des politiciens véreux feront construire des complexes touristiques et des supermarchés, largement arrosés par les sociétés qui pourront s’installer à peu de frais.

 

 Tant pis pour les pauvres, on peut se passer d’eux…

 

 Dans sa démarche, Gandhi promouvait la justice et l’équité, le respect de l’homme et de la nature, écologiste et  prônant un développement durable avant l’heure basé sur un équilibre social et une juste répartition des richesses que dispense la terre à ses enfants.

 

 Les classes dirigeantes de l’Inde ont, semble-t-il,  renoncé à l’idéal du Mahâtma, à la vision de tous les sages et héros que ce coin de terre a porté depuis des millénaires. Ces héros incarnant la loi du Dharma  ont toujours permis à l’Inde  de sortir de la domination des envahisseurs.

 

 Mais aujourd’hui, l’envahisseur se trouve dans le cœur des Indiens. Les forces de l’argent balayent tout sur leur passage, la corruption est un fléau qui ronge ce pays  et peut le réduire à néant spirituellement.

 

 Les indiens se sont laissés séduire par l’illusion du matérialisme et du consumérisme.

 

Quelle tristesse de constater que pour beaucoup l’idéal se limite à acheter des biens matériels et à se goinfrer  dans les  « MACDO », beaucoup d’entre eux sont déjà à la limite de l’obésité.

 

 

 

Gandhi a, lors de son passage, matérialisé en quelque sorte la pensée spirituelle de tout un peuple, ceci a probablement été possible en raison  d’une intense spiritualité ancrée dans cette contrée. Les grands maîtres connus par l’occident de la fin du XIX ° siècle et du XX° siècle étaient des maîtres védiques inspirés par la tradition multi millénaire.

 

Mais le rêve de Gandhiji, au moment où il était sur le point d’aboutir, a été brisé par le refus peut-être, de la caste garante des valeurs spirituelles, à l’essence même de l’Inde, ainsi que par le conflit avec un système religieux tellement différent de l’hindouisme et vestige des envahisseurs Mogols : l’Islam.

 

 Dans la tradition fondamentale de l’Inde illustrée par le Ramayana et le Mahâbharata, le souci de l’harmonie et de l’équilibre social est très présent, l’équilibre social ne peut exister s’il n’est pas structuré par des valeurs qui imprègnent fortement toutes les couches qui composent cette société.

 

 De même, ces valeurs ne peuvent perdurer si ceux qui prétendent présider au devenir de la société, de la Nation, du Pays, ne les entretiennent pas et n’en prennent pas soin comme le trésor le plus précieux, ce qui doit être préservé et qui est garant  des temps futurs.

 

Ceux qui  dirigent la société sans souci de leur prochain, que seuls le pouvoir et le gain motivent à poursuivre ces fonctions, sont des imposteurs et des voleurs, devant les hommes et les dieux.

 

 L’état d’esprit ‘occidental’ a ravagé l’ensemble de l’humanité : la destruction des peuples anciens, la destruction de la nature, la destruction de l’espoir dans le futur et de la connaissance du Divin.

 

 L’Inde s’engage dans une voie dangereuse pour elle-même et le reste du monde.

 

 Terre élue pour préserver et sauvegarder  le message de l’absolu  pour la liberté du monde, Inde, sauras-tu renaître de la cendre et de la poussière qui te recouvrent, ces scories qui ne sont pas toi.

 

 Es-tu prête pour recevoir KALKI, le dernier avatar… pour rappeler aux hommes le devoir sacré du Dharma qui est celui pour tout être humain d’accéder à sa nature véritable, se connaître lui -même dans le Soi et entrer dans l’Unité ?

 

 Nous vivons des temps incertains ou beaucoup de nos semblables n’ont pas reçu le cadeau fondamental de l’initiation sous quelque forme que ce soit. Sans cette expérience de la profondeur du Soi et du renouvellement de celle-ci, l’être humain reste la proie de forces et de volontés étrangères à lui-même et dont les intentions peuvent être obscures. Un grand combat est en train de se livrer entre les influences créatrices et destructrices, sur notre planète. Nous devons en être très conscients. Le cumul de grandes crises : financière, économique, politique, écologique, épidémiologique, annonce de grands changements. Le mode de pensée qui a généré ces crises ne peut pas les résoudre.

 

 Les armées célestes de Dévas et Dévatas (Etres divins) et celles des asuras (Etres démoniaques), sont rangées en ordre de bataille, les vainqueurs prendront possession des consciences humaines.

 

 Ne pas avoir de filiation spirituelle en ce monde, c’est être orphelin de la vie.

 

 Enfin, malgré tout, l’espoir demeure. Toutes les grandes lumières spirituelles qui ont traversé les temps de l’humanité ont déposé des graines qui germent et germeront.

 

 La lumière est toujours la plus forte, une petite lumière fait reculer une grande obscurité.

 

 (Tous ces propos n’engagent que leur auteur, en aucun cas, ils ne sont dictés par une intention extérieure).

 

 Richard Lavergne

 

                                                                                         

 

 

 

Réflexions

 

de Shri Nisargadatta Mahârâj

 

 

En plus de son article sur la pensée de Gandhi, Richard Lavergne nous a envoyé cette sélection intéressante de pensées de Nisargadatta Mahârâj.

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Très peu de personnes en ce monde peuvent raisonner normalement. Il existe une terrible tendance à accepter tout ce qui est dit, tout ce qui est lu, accepter sans remettre en question. Seul celui qui est prêt à remettre en question, à penser par lui-même, trouvera la Vérité ! Pour connaître les courants de la rivière, celui qui veut la Vérité doit entrer dans l'eau.

 

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La rivière de la vie coule entre les rives de la souffrance et du plaisir. Il n’y a de problème que si le mental refuse de couler avec la vie et reste cloué aux rives. Ce que j’entends par couler avec la vie, c’est l’acceptation, laisser venir ce qui vient et laisser aller ce qui va. Ne désirez pas, n’ayez pas peur, observez le présent tel qu’il est et quand il arrive, car vous n’êtes pas ce qui arrive, mais celui à qui ça arrive. »

 

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Apprenez à vivre sans inquiétude pour vous-même, et pour cela il faut que vous sachiez que votre être vrai est indomptable, sans peur, toujours victorieux. Quand vous savez, d’une certitude absolue, que rien, sauf votre propre imagination, ne peut vous troubler, vous en venez à ne plus tenir compte de vos désirs et de vos craintes, de vos concepts et de vos idées, et à ne vivre qu’en fonction de la Vérité.

 

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C’est le désir qui donne la naissance, qui donne le nom et la forme. On imagine et on veut le désirable et il se manifeste comme quelque chose de tangible ou de concevable. C’est ainsi qu’est créé le monde dans lequel nous vivons, notre monde personnel. Le monde réel est hors du champ du mental ; nous le voyons à travers le filet de nos désirs, divisé en plaisir et misère, juste et faux, intérieur et extérieur. Pour voir l’Univers tel qu’il est vous devez passer de l’autre côté du filet. Ce n’est pas difficile, le filet est plein de trous.

 

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C’est toujours le faux qui vous fait souffrir, les faux désirs comme les fausses peurs, les valeurs et les opinions fausses, les fausses relations entre les gens. Renoncez au faux et vous serez libéré de la misère ; la Vérité rend heureux - la Vérité libère.

 

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Qu’est-ce qui est né le premier, vous ou le monde ? Tant que vous accordez la première place au monde, vous êtes lié par lui ; une fois que vous aurez réalisé, sans l’ombre d’un doute, que le monde est en vous et non vous dans le monde, vous serez hors du monde.

 

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Dès l’instant où vous serez profondément convaincu de ne rien pouvoir dire d’autre de vous que « je suis » et que rien qui puisse être désigné soit vous, le besoin du « je suis » sera dépassé et vous ne serez plus appliqué à vous définir avec des mots. Tout ce dont vous avez besoin, c’est de vous débarrasser de la tendance à vous définir. Toutes les définitions ne s’appliquent qu’au corps et à ses expressions. Une fois l’obsession du corps disparue, vous retournerez spontanément et sans effort à votre état naturel.

 

SRI  NISARGADATTA  MAHARAJ

 

(Envoyé par Richard Lavergne)

 

 

 

 

 

  

 

 

Autres merveilles discrètes

 

Jean-Claude Marol à propos de Mâ

 

 

 

Autres merveilles discrètes

 

 Une femme vint à Ma désespérée : « Mon mari est mort. J’ai pu le supporter car j’avais ma fille unique. Une enfant délicieuse et douée. A douze ans, elle vient de mourir ; ça, je ne peux pas l’admettre. » Mâ lui parla longuement et finit par lui dire « je suis ta fille ». La même femme réapparut quelques mois plus tard, sereine. Elle confia : « Quand Mâ m’a dit ‘je suis ta fille’, elle avait exactement la voix de ma fille, j’en fus bouleversée. A partir de là, mon cœur a commencé de s’apaiser. »

 

 

Les sept rivières

 

Point

 

En Inde, nous rencontrerons encore cette joie intégrale, Anandamayî, dans un antique diagramme, le Sri chakra (roue splendide), considéré comme le signe des signes, et vénéré par de nombreux courants religieux. Ce sceau exprime la déflagration du principe essentiel suscitant toutes les manifestations, et montre par là même, leur résorption. Ce yantra (littéralement : support entraînant), le seigneur des yantra, montre le processus de déploiement et de repliement de l’univers.

 

Gigantesque palpitation, la ‘roue splendide’ illustre la relation paradoxale du Plein Repos et du Plein Mouvement. S’y interpénètrent :

 

4 triangles mis en abîmes, et posés sur leur base – donc pointes en haut - qui interprètent l’être immuable, transcendant toute manifestation : Shiva.

 

5 autres triangles mis en abîmes, ‘reposant’ eux, sur leurs pointes – en bas. Qui traduisent l’énergie pure qui suscite tous les aspects de la manifestation : Shakti

 

Tout au cœur de cette figure irradiante qui célèbre le Un, à la fois indifférencié et toujours prêt à toutes les variations, réside une ultime matrice triangulaire (le cinquième et plus petit triangle, pointe en bas), nommée ‘la roue de l’acquisition de tous les dons’, sarvasiddhi pradha chakra.

 

 

 

Dans l’abîme de cette enceinte féminine, est le point germe, souvent nomme bindu (semence), et plus secrètement sarva-anandamaya chakra (roue entièrement saturée de joie).

 

En ce foyer de joie suprême, tout prend son origine et se résorbe.

 

Dans un des premiers textes fondateurs des ‘visions’ indiennes, elle est nommée encore ici, au cœur du cœur, au point-limite, à l’origine :

 

Anandamayî, la joie toute présente.

 

 

Par vagues

 

 ‘ Indes’ …. Les Indes sont un pays pluriel ! Ce mot même dérive d’une dénomination sanskrite : Sapta Sindhavah (sept rivières). ‘Indes’ dérive donc de ‘rivières’ (sindhava) au pluriel ….bien plus de sept, en réalité ! L’Inde est région d’affluence ! S’y mêle une invraisemblable quantité de limons culturels, et il est impossible d’aborder une figure comme celle de Mâ Anandamayî, aussi libre soit-elle de toute contingence, sans la situer sur ce sol qu’elle n’a cessé de fouler. Elle disait :

 

 Je ne vous réponds pas. Cela passe par ma bouche. Les réponses sont vôtres, comme vos questions sont vôtres.

 

 Réalisons cela, ce sont majoritairement des indiens qui se sont adressés à elle ! De son vivant, il n’y eut aucune imprégnation occidentale, avec son cortège connu d’ambitions expansionnistes, de frénésie ‘guru-maniaque’, d’argent versé de façon claironnante et prédatrice. Certains occidentaux étaient là, peu et tellement assimilés, qu’ils se faufilaient aussi discrètement que possible, sans ‘marquer leur territoire’ !

 

 Ecouter l’Inde pour écouter Anandamayî a donc son importance, même si bien entendu ce qu’elle est, et ses chemins pour nous rejoindre (quelles que soient notre culture ou inculture…) s’inventent, toujours inattendus, toujours neufs :

 

De nombreuses âmes – pas seulement les plus pures ! – viennent à moi. Je les rencontre chacune, selon son mode de compréhension.

 

Venons donc à Mâ Anandamayî, si nous le pouvons, en visiteurs attentifs aux parfums de cette terre si habitée, et non pas seulement en touristes pressés de rapporter leurs clichés. Le sous-continent indien, par sa forme même de triangle pointe en bas, a été vu comme  le yantra

 

(Nous l’avons dit plus haut, ‘le support entraînant’ de la déesse Mère …. Et tel est le chant national de l’Inde. Les Indiens disent leur mantra Vandematram :

 

 

 

Mère, je te salue,

 

Toi qui détiens la force de la multitude,

 

Toi qui écartes les démons malfaisants.

 

Tu nous sauves, ô Mère.

 

Tu es sagesse et loi,

 

Tu es notre cœur et notre âme,

 

Tu es notre corps, notre propre force

 

Et l’amour et la foi dans notre cœur !

 

Le célèbre poète bengali, Rabindranath Tagore (1861-1941), qui fit tant pour servir la culture de son pays (il fut Prix Nobel en 1913), lui a consacré un hymne, dans la même mouvance de sensibilité :

 

Quand les ténèbres dans leur longue horreur pesaient encore sur notre terre inerte, ta Mère la tenait dans ses bras ; ses yeux grands ouverts, scrutaient son visage.

 

Chez nous, ‘patrie’ est le pays du père. Les indiens appellent communément leurs pays Matribhumi (littéralement : Mère-Terre).

 

Ce serait révélateur de placer le chant-mantra national de l’Inde, face a d’autres chants nationaux, à notre « qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » par exemple….[Note de Vigyânânand : en fait, le jeune Rouget de l’Isle qui a composé la Marseillaise en débarquant de La Réunion en France s’est beaucoup intéressé à l’Inde durant sa maturité. Il est tombé amoureux d’une indienne et a écrit de très beaux poèmes à la Dévî, nous les citerons peut-être dans un prochain Jay Mâ]. L’Inde où l’on chante même dans les casernes « Mère, je te salue » est la contrée de ce monde où Mâ Anandamayî s’est manifestée pour nous tous.

 

L’Inde est une énergie matricielle, qu’il n’est pas vain d’approcher et d’aimer. N’oublions pas non plus qu’elle nous parcoure depuis des siècles.

 

 

 

Goûter le fruit

 

 Vous faites volontiers la distinction entre Bhagavan et Bhagavatì, ‘un Dieu’ masculin et ‘une’ énergie féminine. Pourtant, d’un certain point de vue, il n’est nullement question de masculin et de féminin.

 

D’un autre point de vue, la divinité semble divisée entre ces deux aspects. Nous le voyons, l’un émeut l’autre pour développer sa puissance et son activité. Cet état de fait, nous l’appelons shiva-shakti.

 

Le héros reste sans forme tant que son héroïne ne l’a pas inspiré ; le disciple cherche en un maître le sens de sa vie ; de même, l’âme reste inerte, jusqu’à ce qu’un choc divin la ranime ; elle découvre d’un coup que l’ensemble du monde extérieur – comme le monde intérieur, sont inséparables.

 

Il n’y a donc qu’une question : connaît-on Cela, oui ou non ? C’est tout.

 

Rappelons-nous. Alors qu’on demandait à Jésus :

 

Entrerons-nous dans le Royaume ?

 

Il répondit vivement :

 

Quand vous ferez de deux, un, et vivrez l’extérieur comme l’intérieur et quand vous expérimenterez mâle et femelle comme une seule chose. (Evangile de Thomas)

 

 

 

Une rencontre avec Vijayânanda à

 

Kankhal-Novembre 1977

 

 

Puisque Mâ est itinérante, nous tentons un autre ashram, celui de Khankal. Je me souviens d’un joli paysage près d’une rivière. Mâ n’est pas là, mais un médecin, français de surcroît, est d’accord pour nous recevoir. Nous nous asseyons tous sur de jolis rochers arrondis et tout blancs, au soleil, que le cours d’eau a dû apporter là lors de ses crues. Il doit faire 25 degrés, et nous y sommes parfaitement bien. Nous sommes au fin fond de l’Inde, et le voilà en train de nous parler de… Louis Jouvet, de la qualité de sa présence sur scène ! Notre interlocuteur, qui semble avoir une petite soixantaine d’années, aime bien le théâtre et semble content de parler à des français. Il est manifestement très cultivé. Mais il a une telle qualité d’être que ses paroles paisibles, ponctuées de nombreux silences, sont envoûtantes. Tout le groupe le ressent,  nous sommes tous touchés. Pourtant, ce qu’il dit ne m’intéresse pas vraiment, dans la mesure où, sortant de khâgne, j’ai justement une overdose de culture française, et je préfèrerais dix mille fois parler des moyens d’arriver à Dieu. De plus, à cette époque, je ne comprends pas ce qu’il entend par « Présence » et passe donc complètement à côté du sens réel, pas aussi purement « culturel » qu’il y paraît, des propos tenus à ce groupe de 20 personnes, tous thérapeutes, sauf moi, et presque tous quadragénaires. Pourtant, il se passe bien « quelque chose ». La qualité de ce qui émane de lui est contagieuse… Elle m’amène à regarder la nature à l’entour avec une sensibilité nouvelle, à m’ouvrir comme une fleur qui cherche à s’épanouir, tout en restant branchée sur lui, source de mon inspiration. Instant de grâce, tout à fait paisible… Instant tellement naturel que je ne me rends même pas compte que c’est la première fois que ce genre d’ouverture se produit en moi. Le nom de cet homme est Vijayânanda…

 

 Mais sa qualité de présence me frappe suffisamment pour rester très précise et pour que j’en parle à Jacques Vigne à Cannes en avril 2009. Il se fait un plaisir de m’expliquer qu’à cette période, Vijayânanda redescendait tout juste de l’Himalaya où il avait vécu en ermite pendant 10 ans…Je comprends maintenant qu’il ait eu en effet une si belle présence !!! Vijayânanda qui est encore en vie aujourd’hui (95 ans) et qui est en fait le principal disciple européen de Mâ. Il nous avait reçus avec une telle simplicité que nous ne nous sommes doutés de rien !  Certains membres du groupe l’avaient cru heureux de parler de la culture française, alors qu’il était surtout dans un tel niveau d’accueil qu’il nous a en réalité fait une conversation abordable pour nous tels que nous étions…tandis que la qualité de son être travaillait chacun dans la profondeur, incognito. Voilà pourquoi nous étions touchés !

 

 

 

Renoncement…

 

 

Le moment est venu où l’on doit se quitter

Ce sera au Divin que l’on dira ‘je t’aime’…

Renoncement, courage, émotions maîtrisées,

Le non-attachement devra nous libérer

Pour que l’ego-passion n’engendre plus les peines

Mais que la joie fleurisse au sein de nos pensées…

 

                           Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

 

 

Nouvelles

 

 

 

 -         Nous avons célébré le 95ème anniversaire de Vijayânanda le 26 novembre ; il y avait là un groupe de 20 ou 25 personnes, avec un certain nombre d’entre elles qui étaient venues de Paris pour une période brève, ou d’autres qui voyagent à plus ou moins long terme en Inde et qui se sont arrangées pour être là à cette période.

 

-         La grande Kumbha-Mela d’Hardwar revient après 12 ans, du 14 janvier au 15 avril 2010. Le Centre International est en train de finir d’être restauré, mais il ne sera pas garanti que les occidentaux puissent y être logés vu le nombre de demandes de toutes parts. Une autre solution est de s'adresser à Dinesh Sharma, l’assistant de Vigyânânand pour les voyages : teerthtravel.har@rediffmail.com  - 0091-98 97 28 39 82 -  Il a le moyen de réserver juste en face de l'ashram de Mâ au Shivshakti Peeth, qui a été construit il y a juste un an. Vigyânânand et lui organiseront deux groupes pour rencontrer des gens intéressants durant cette Kumbha-Mela. Le premier sera du 6 au 18 mars, le second du 24 mars au 10 avril. A Kankhal, le groupe sera logé à ce Shivshakti Peeth. Nous aurons tous les soirs le satsang avec Swami Vijayânanda, et pendant la journée, en plus des visites des camps de la Kumbha-Mela et de l'observation des processions les jours de grands bains, il y aura des sessions de méditation guidée et de questions-réponses. Les gens intéressés auront tous les renseignements sur le site www.jacquesvigne.fr.st ou sur www.teerth.org. Les visiteurs individuels sont aussi les bienvenus, simplement, il est plus prudent pour eux de prendre contact bien à l’avance pour réserver leur chambre, sinon ils risquent de ne rien trouver ou de ne trouver que des logements très chers. Il y a cependant toujours la solution d'aller dans les camps et de dormir sur la paille à la manière traditionnelle.

 

-         Le site de www.anandamayi.org  est en cours de restructuration, les textes en langues autres qu’anglaise n'ont pas encore été réinstallés mais ils le seront sous peu. Nous allons mettre en ligne les paroles de Mâ classées par thèmes, qui sont traduites du bengali, mais non encore publiées en anglais, avec l'aide de Swami Nirgunânanda. Pour éclairer les passages obscurs, Vigyânânand a discuté directement avec Nirgunânanda à l’ermitage de Dhaulchina.

 

-         Celui-ci est en train de préparer une édition des lettres de Mâ Anandamayî à Brahmar Ghosh. Il y environ 25 lettres qui ont été retrouvées dans un vieux cahier par hasard par Swamijî dans la bibliothèque d’Almora, elles sont déjà traduites en français (nous avons publié une première traduction de la plupart dans le présent journal) et Swamijî est en train de compléter un commentaire d’une centaine de pages à leur sujet. Il s'agit d'un des premiers documents écrits de l'histoire de Mâ, d’où leur importance.

 

 

 

Abonnements

 

 

Les abonnements au ‘Jay Mâ’ se prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire, et pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger à l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr  - Ne pas oublier de prévenir Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) une fois le règlement avéré, car c’est elle qui se charge bénévolement de vous envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ

 

Réponses de Vijayânanda

 

Ma Mère Mâ Anandamayî par Vishuddha

 

La pensée de Gandhi par Richard Lavergne

 

Réflexions de Shrî Nisargadatta Mahârâj

 

Autres merveilles discrètes par Jean-Claude Marol

 

Une rencontre avec Vijayânanda à Kankhal (1977)

 

Renoncement par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

Nouvelles

 

Abonnements

 

Table des matières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jay Mâ N° 96 - Printemps 2010

 

Paroles de Mâ

Extraites des Enseignements de Anandamayî

 

Devoir

                                                        78

Voici les devoirs de chacun : japa, dhyân et satsang.

                                                       79

Que cela plaise ou non, il faut vivre avec Lui. Il faut avaler cela comme on avale un médicament. Parler de Hari, voilà lapa&role réelle. Tout le reste n’est que non-sens et anxiété [vritha-vyatha]. Et on ne peut en parler que si on L’aime. Souvenez-vous de cela. Toujours.

                                                       80

Où, quand et comment Dieu vous maintient -t-il ? On doit tous considérer comme bénéfique. Tâchez de poursuivre votre route en ne dépendant que de Lui. Il est le protecteur et le guide. Il est toutes choses.

                                                       81

Chacun doit accomplir son devoir sans en attendre aucune contrepartie.

                                                       82

Le corps appartient à Dieu, l’esprit appartient à Dieu, tout le monde appartient à Dieu. Quoi que vous fassiez et pour qui que ce soit, considérez que vous le faites uniquement pour Lui. Et faites en sorte de garder votre esprit à un niveau élevé. Qu’est-ce qui est, sans être vu ? Ce qui doit encore être révélé.

                                                       83

Mâyâ est là, aussi longtemps que le sens du devoir existe.

                                                       84

Le désir se manifeste sous la forme du sens du devoir.

                                                       85

Dieu pénètre tout, Lui seul est l’image et le temple de chacun. Seule la grâce de Dieu nous incite à l’aimer et c’est là une question de chance. Il serait bon de développer l’amour entre Dieu et l’homme. C’est le seul espoir de paix et de bonheur. Réfugiez-vous toujours à Ses pieds.

                                                       86

Faites en sorte de garder votre esprit à Ses pieds. La grâce de Dieu, l’océan de miséricorde et le bienfaiteur universel, s’y déverse sans discontinuer. Penser toujours au bien est une obligation. Le bien c’est l’espoir de la révélation de Dieu, c’est-à-direla béatitude parfaite et l’illumination parfaite.

                                                       87

Il est dans la nature de l’homme d’invoquer Dieu et de chercher la réalisation du Soi. Invoquer Dieu c’est se défaire du sentiment dumanque. Le but de la vie humaine devrait être la réalisation divine.   .Le renoncement viendra spontanément pour nous rendre capable d‘accepter quelques chose de supérieur, comme on laisse un objet qui était dans la main pour en prendre une autre. On doit accepterr ce qui est éternel et vrai.

L’attirance est accrochée à celui qui est asservi.

                                                       88

Il n’y a personne au-dessus de Dieu. Toutes les choses qu’Il fait, Il les fait Lui-même. Personne n’est en mesure de faire quoi que ce soit. Il est bon de se le rappeler. Il n’y a qu’à Dieu qu’on peut faire confiance. Lorsque quelqu’un d’autre semble avoir  l’intention de nuire, il est bon de réciter des japas de son Ishta, aussi longtemps que perdure cette intention. S’en remettre toujours à son Ishta Deva.

                                                       89

Quel remède l’homme a-t-il à sa disposition dans ce monde des vivants si ce n’est le recours à l’endurance et à la patience ? Il est préférable de garder son calme en se raisonnant. Il faut accomplir sa tâche de la meilleure façon possible. L’homme ne devrait penser qu’à Dieu.

                                                       90

Lorsqu’on chemine sur la voie spirituelle qui mène au Soi, et que l’on progresse avec patience, sérieux, calme et détermination, le déferlement des vagues – obstacles et difficultés – n’influe en rien sur cette progression. L’homme devrait essayer d’atteindre cet état.

                                                       91

L’homme peut sans aucun doute remporter la victoire à tous égards. L’esprit doit demeurer éveillé. Rester dans l’ignorance des naissances et se sentir bien dans cet état d’esprit, voilà une attitude qu’il faudrait changer. La vérité doit être exposée clairement, ouvertement et avec courage. Ainsi la force de la vérité décuplera, car elle est le phare et l’indicateur de la juste voie. Il faut agir et avancer victorieusement tout en gardant le respect de soi et en ayant une conduite digne à l’égard de chacun. Ne vous laissez posséder par personne. Efforcez-vous toujours d’entretenir les belles dispositions que vous avez en vous, par des pensés positives et droites que même l’adversité la plus forte ne peut entacher.

                                                       92

Il y a une chose qu’il faut toujours rappeler, c’est  que ce corps est censé accomplir des actions spirituelles. C’est pour cela qu’il faut s’efforcer d’impliquer le corps, l’esprit et l’âme, à chaque instant pour se raccrocher à Lui.

                                                       93

Efforcez-vous de suivre la voie que vous indique votre gourou et, dans le cas où vous préfèreriez la voie de l’action, agissez dans l’intention de servir Dieu. Seul Dieu se manifeste sous différentes formes. Servez le pays, servez le Griha-Lakshmi (épouse en tant que déesse Lakshmi), servez le Bal-Gopal (fils en tant qu’enfant Krishna) – Il est sous différentes formes. Ne passez pas votre temps à manger et à dormir. L’inestimable naissance de l’homme ne devrait pas être dilapidée en vaines pensées. Efforcez-vous de revenir dans votre demeure. Ne vivez plus dans une taverne au bord du chemin.

                                                       94

La compréhension faussée (dur-buddhi) c’est de sentir la distance qui nous sépare de Dieu (door-bodh). Essayez de rester engagé dans « Cela » (tat-bhavanâ), jusqu’à ce qu’advienne la réalisation de « Cela » (tat-bodh). Dieu est sous forme d’action dans toutes les activités. Efforcez-vous de vous le rappeler.

                                                       95

Il est du devoir de l’homme de se réaliser, de réaliser son Soi. Seul l’homme peut réaliser Dieu. Il doit chercher à connaître la vérité. Chacun doit choisir la voie qui lui convient. Les instructions que donne le gourou doivent être acceptées sans discussion. Lisez des textes spirituels (sadgranth) et participez à des satsang (en présence de saints et de personnes spirituelles). Dans l’attente d’instructions précises de la part de votre gourou, ayez la constance de vous asseoir plusieurs fois par jour, sereinement, l’esprit vide, pour la réalisation de Dieu qui se manifeste  sous forme de  vérité.

N’oubliez pas qu’Il est sous forme de toutes les actions. Il est le Yantra (l’instrument) aussi bien que le Yantri (le musicien). Jouez le rôle de l’instrument dont Il joue.

                                                               

Satsang avec Vijayânanda

Quelques réponses en janvier-février 2010

    Une femme médecin, française d’une cinquantaine d'années, après avoir eu de hautes fonctions hospitalières s'était reconvertie en psychologie. Elle demanda à Vijayânanda :

Q : Pourquoi l'esprit est-il si difficile à maîtriser, de quoi a-t-il vraiment peur ?

R : Il a peur d'être complètement détruit par la Réalisation.

- Comment faire pour le maîtriser ?

- Il faut lui donner ce qu'il recherche, c'est-à-dire de la joie, de la paix, et cela s’éveille par l'amour du divin.

- Comment faire pour éveiller cet amour du divin ?

- Développer la pureté. Quand on a la pureté mentale complète, le pouvoir divin ne peut que venir à vous, il est obligé de le faire. Au fond, c'est le gourou authentique qui peut éveiller la vraie joie intérieure. Cependant, on peut se préparer à cette joie en développant la pureté intérieure.

- Qu'est-ce qui stabilise le mental ?

- L'ouverture du coeur, cela ne vient pas de la tête. Quand le coeur est ouvert, la joie vient, c'est cette joie même qui stabilise le mental.

- J'ai été très touchée en relisant votre témoignage en anglais sur votre première rencontre avec Mâ, il y a juste une heure ou deux..

- En fait, je ne crois pas beaucoup à l'écrit. La vraie communication spirituelle est comme un fruit frais,  car la personne qui parle mets son bhava, son émotion intime dans ce qu'elle dit, et c'est ça l'important. Quand il y a quelqu'un qui prend des notes, il interpose son propre bhava, et ce n'est plus pareil. C'est comme du réchauffé. Cependant, c'est mieux que rien !

    Krishnapriya a été 12 ans avec Mâ de 1970 à 1980 et nous raconte qu'un jour, près de Poone, elle était présente quand Mâ Anandamayî se trouvait en petit comité avec BK Shah, ils étaient au-dessus d’une propriété au pied d’un grand jardin qui donnait sur la forêt. Mâ a gravi les trois marches qui montaient à ce jardin, et soudain elle s’est mise à dire : « Voilà ma maison, la fenêtre est ici, les murs sont là, je m'assieds là-bas et j'attends la bhikshâ, l'aumône ! » On aurait dit qu'il s'agissait d'un oiseau qui s'envolait à la porte de sa cage, elle se retrouvait dans son élément en pleine nature. Vijayânanda a confirmé en disant : « Mâ n’aimait pas les ashrams. Savez-vous quand son premier ashram a vu le jour? Bhaiji l’a suppliée d'avoir un endroit où les gens puissent réciter son nom,  mais elle a refusé. Finalement, il a tellement insisté qu'elle a cessé de refuser. Bhaiji a donc fait construire l'ashram mais le soir même de son inauguration à Dhaka, elle est partie. Elle est venue à Dehradun, et elle a habité dans un temple désaffecté de Raipur en dehors de la ville. Plus tard, les gens ont appris qui elle était et lui ont monté quatre ashrams sur Dehradun. (La propriété du quatrième est disputée).     

    Au début, ils pensaient que Bholonath avait pris le sannyâs, que son épouse était désespérée, qu’elle n'avait pas voulu le laisser partir seul et donc qu’elle le suivait et qu'ils étaient avec leur fidèle Bhaiji  Plusieurs fois je l’ai entendu dire à des gens qui venaient la visiter alors qu'elle était sous un arbre : « Voilà mon ashram ! Si tu veux rentrer dans cet  ‘ashram’ demande à Didi ! »

    Krishnapriya raconte qu’elle était là juste après la mort de Gangadhar, un brahmachari américain encore assez jeune, décédé brusquement d’hépatite fulminante. Ses parents sont venus pour jeter ses cendres dans le Gange, l'ambiance était tout à fait poignante, c'était dans la cour principale de l'ashram (où nous étions assis pour le satsang comme tous les soirs). Mâ est sortie de sa chambre dans la cour avec une émotion au bord des larmes. Plus elle s’avançait, plus la mère en deuil se dégageait de ses émotions perturbatrices, et en fait se dégageait de son deuil,  et quand Mâ eut fini de traverser la cour, la mère en deuil était devenue pratiquement normale.

   Le lendemain, nous étions en petit comité avec les occidentaux qui avaient connu Gagadhar, et ses parents ont voulu offrir à l’ashram le plat d'argent qui lui servait pour la poujâ. Ils ont dit : « Mâ, c'est pour votre ashram ! » Mâ s'est exclamée : « Gagadhar est toujours avec moi ! Ce corps n'a pas l'ashram ! » Finalement, elle a accepté le plateau d'argent pour faire plaisir aux parents.

     Je n'ai jamais pu avoir de véritable entretien privé avec Mâ. À chaque fois qu’il y en  avait un qui commençait, elle me regardait avec son regard débordant de compassion, et  c'était fini. J'étais comme ivre, comme si j’avais bu du whisky,  c'était l'amour fou, et ensuite pendant 15 jours je marchais deux centimètres au-dessus du sol.

- Vijayânanda, est- ce que vous pensez que j'exagère ?’

- Non, c'était comme cela quand je suis arrivé : je ne parlais non seulement pas le bengali, mais même pas le hindi et pourtant je communiquais très bien avec Mâ par le coeur.

   Vijayânanda dit à la femme médecin qu'elle paraissait jeune, mais celle-ci répondit qu'elle avait déjà 52 ans et quelques cheveux blancs. Cependant,  Vijayânanda continua en disant : « Quand on a le contact avec le Soi, on est éternellement jeune ! »

29-1-10

     Swamijî a redit, comme souvent, que le sage arrivé au sommet de la montagne voyait que tous les chemins y menaient, mais qu'il valait mieux suivre la voie dans laquelle on était né, parce qu'on avait une base, et que c'était dangereux de changer en cours de route. Si on quitte le chemin qui monte dans la montagne, on risque de tomber dans un précipice ! Je lui ai demandé : « Et vous-même, qu'avez-vous fait ? » Il a mis un peu de temps à répondre, et finalement a dit : « J'ai suivi Mâ ! Elle était au-delà des diverses voies, elle était universelle. De plus, toutes les voies ont une base commune. [Donc, je n'ai pas vraiment abandonné ma voie de départ, qui était le judaïsme] »

    Krishnapriya témoigne : « Quand nous étions avec Mâ, il n'y avait plus de questions. Les foules elles-mêmes ne voulaient pas partir, le mental était arrêté. Quand un participant avait une question, souvent Mâ y faisait répondre par quelqu'un d'autre directement en son nom, tout cela se passait spontanément, et il y avait un moment où les assistants de Mâ devaient l'emmener, sinon les gens seraient restés toute la nuit avec elle. Comme ici même, si on n'éloignait pas Vijayânanda en l'emportant sur sa chaise, nous serions restés toute la nuit avec lui ! (Rires). Grâce à cela, j'ai suivi la voie de l'amour fou avec Mâ, Vijayânanda aussi a commencé comme cela, mais ensuite il s’est rendu beaucoup plus loin avec la voie de la connaissance pratiquée intensément. »

17-2-2010

Mère

Sa Nature mystérieuse

Swami Paramânanda

Nombre d’aspects, de facettes de la personnalité de Mâ sont tout simplement extraordinaires. Ce qui nous impressionne le plus en Elle, c’est l’absence totale de toutes ces passions et autres caractéristiques propres aux êtres vivants (Jiva) telles que la colère, la cupidité, l’envie, la haine, le désir, l’aversion, l’hypocrisie, la fausseté, etc. Aucun d’entre nous, aucun de ceux qui ont côtoyé Mâ durant de longues périodes, ne L’a jamais vue  manifester de tels sentiments. Même en butte aux pires provocations Elle conserve son calme et sa sérénité et demeure imperturbable, ferme et posée, telle les monts de l’Himalaya. La patience de Mâ, son énergie, sa simplicité, de même que sa nature bienveillante, sa douce tranquillité, tout cela illumine son beau visage au sourire simple et chaleureux. Sa nature libre de toute dualité telles que le bonheur et le malheur, l’aversion et l’attirance, est véritablement unique. Lorsque nous la voyons, nous avons le sentiment qu’Elle n’appartient pas à ce corps qui est le sien et qu’Elle n’appartient pas à ce monde auquel nous appartenons.

Autre particularité extraordinaire de Mâ, qu’on ne peut que souligner, c’est  son   amour et sa tolérance universels. Mère garde toujours sa porte grande ouverte pour tous, même s’ils sont fous, idiots, sans scrupules, indignes de confiance, bref, le genre de personnes que tout le monde évite. Elle connaît très bien la véritable nature de chacun, car rien ne peut lui être caché, néanmoins Elle  accueille tout le monde avec le même sourire et offre à chacun sa gentillesse et sa compassion. Quand on lui fait remarquer qu’Elle ne devrait peut-être pas proposer un abri à un certain genre de personnes, Elle répond : « Mais où vont-ils aller ? Ce corps n’appelle personne en particulier. Mais lorsque ces êtres se présentent ici, recevez-les de la meilleure façon possible. Chacun d’eux est Sa forme et Son image. Maintenant que vous les connaissez comme tels, efforcez-vous de les servir. Pensez-y, Lui se révèle sous diverses formes. » L’amour de Mère à l’égard de tous, la miséricorde qu’Elle ne refuse à personne, ce sont là des vertus que l’on rencontre rarement. La plupart des gens ne proposent logis et protection qu’après avoir jaugé l’allure et l’aspect de la personne qui demande. Mère, quant à Elle, offre miséricorde et protection à tous ceux qui en ont besoin, indépendamment de toutes considérations d’ordre moral ou physique. Mère est au-dessus de tout sectarisme et accepte toutes  formes d’opinions, de doctrines religieuses et de croyances. Elle n’a choisi aucun gourou et n’a pas de disciples, excepté Bholanath, aucun autre. Quand on lui demande de procéder à l’initiation de quelqu’un, Elle dit : « Aucune action, qu’elle soit réfléchie ou spontanée, ne peut être accomplie par ce corps. Dans le cas de Bholanath, son ‘Kheyal’ (une pulsion) s’est manifesté spontanément. Si un Kheyal apparaissait maintenant, cela se produirait encore. Ce corps n’a jamais fait le voeu d’initier qui que ce soit. Tout ce qui se produit, se produit de façon spontanée. » Mère n’a pas de gourou, elle n’appartient donc à aucun courant  particulier (Sampradaya). Lorsqu’on lui pose une question à ce sujet, Elle dit : « Laissez de côté ce qui concerne ce corps. Il est comme un petit enfant parmi vous. Ce corps est ce que chacun de vous pense être. Et d’ailleurs, il n’y a  qu’une seule et unique école. Celle de tous les êtres qui Le cherchent. Et ce corps affirme que tout ce qui a été dit ou que l’on est en train de dire à Son sujet est juste et vrai. Car Il est infini. Et Il est un. Ce que chaque personne dit de Lui est exact, quelle que soit la communauté à laquelle cette personne appartient. Ce qui compte c’est ce que l’on pense de Lui. Toutes les pensées, excepté celles qui Le concernent, sont vaines ou sont source de souffrance. » Puis elle ajoute : « Lui, Lui seul existe dans toutes les formes et il demeure également dans le sans forme. Ce qu’il faut, c’est que vous pensiez à Lui, de quelque façon que ce soit, le choix vous appartient, dans la forme ou dans le sans forme. Car Il est tout, Il est chaque chose. Ainsi tous ceux qui pensent à Lui ou qui Le cherchent, appartiennent au même courant. Chacun doit se dire et comprendre qu’Il est sans fin et sans limites. Alors peu importe la manière de Le chercher, peu importe les idées, les concepts qui incitent à le faire : toutes ces personnes qui Le cherchent appartiennent à la même communauté, puisque en fait c’est Lui et Lui seul qu’elles cherchent. »

Peu après, Mâ poursuit : « Certains enseignements, certaines doctrines sont supérieures ou sont inférieures à d’autres, certains arguments sont plus près de la vérité que d’autres, ou plus loin. Ce corps n’a rien à voir avec ce genre de controverses ou de litiges. Ce que chacun dit est juste puisqu’en accord avec son propre point de vue. Chaque personne réalise à sa manière son Infini et sa Réalité Suprême. Il est donc tout à fait naturel que les êtres empruntent des voies différentes et adoptent des façons différentes dans l’intention de s’expliquer et de Le révéler. Il faut trouver dans cette Infinie Réalité l’unité et l’harmonie qui existent et qui subsistent, même dans cet enchevêtrement de doctrines et d’opinions divergentes. Rien n’est en dehors du Tout et de l’Infinie Totalité, pas même le « non-existant ».

Pour Mâ toutes les sectes, toutes les doctrines sont sur le même pied d’égalité. Ainsi, membres et disciples de toutes les religions viennent la voir pour obtenir d’Elle bonheur et sérénité.

Quelle que soit la voie empruntée, quelle que soit la bhava des uns et des autres (attitude ou sentiment), tous ressentent comme une bénédiction la bonté et la grâce que Mâ leur dispense, car cela est en accord avec le samskâra ( tendances et dispositions) de chacun. Nous avons appris de la bouche de nombreuses personnes appartenant à différents ordres et âshrama de la société indienne, tels que les brahmacharya, les grihastha, les sannyâsi, que l’image en eux de Ishta, (leur déité) ou sa contemplation, se trouve stimulée lorsqu’ils sont assis aux côtés de Mâ.

Mère dit que les instructions que donne le Gourou, sont toujours justes. Quelles que soient ces instructions, elles doivent toujours être suivies. On ne trouve la paix qu’en respectant cela. C’est pour cette raison que les personnes de toutes religions et de toutes catégories sociales qui viennent la rencontrer, trouvent la paix. Presque chacun des visiteurs, a le sentiment que Mâ a une affection particulière pour lui, qu’elle fait montre de la plus grande bonté à son endroit, qu’elle le favorise. Chacun d’eux pense qu’elle partage les mêmes croyances que lui.

Parlons maintenant du terme « Kheyal » que Mâ utilise très souvent. Lorsque quelqu’un pose une question à Mâ ou lui demande de faire quelque chose de précis et lui dit : « Mère, vous savez tout et vous pouvez tout faire », Mère ne répond jamais : « Je ne peux pas le faire », ou : « Je ne connais pas cela », ou : « Je n’ai pas le pouvoir pour le faire ». Mère n’emploie jamais des expressions telles que « Je ne sais pas », ou : « Je ne peux pas le faire ». Personne n’a jamais entendu ces mots sortir de sa bouche. Elle a coutume de répondre dans ce cas : « Il n’y a pas de Kheyal en ce moment. Faites-moi cette demande lorsque les circonstances le permettront ». Pour autant que nous ayons pu comprendre, Mâ n’a ni le mental, ni l’intellect, ni l’égoïsme que nous avons tous, ni les trois états : réveil, rêve ou sommeil :

En Mère il n’y a que cet état d’unité avec l’Infini, à moins qu’Elle ne soit l’Infinité même.

Ainsi il n’y a en Elle aucun conflit entre le désir et l’aversion, entre l’esprit et l’intellect. « Ici » (en Elle), tout est net, propre et reluisant. Il n’y a aucune pensée d’aucune sorte. Les actions de Mâ émanent directement de la Réalité Ultime ou de la Volonté Suprême puis elles sont accomplies. Cette Volonté Suprême qui se manifeste à nous selon notre samskâra est probablement le « Kheyal » de Mère.

Mère est absolument dépourvue d’« ego », de l’ego primaire et limité. Ainsi les expressions de cet ego, telles que « Je vais » ou « Je sais, je peux, je fais, etc... » de même que la forme négative de ces expressions, ne sortent jamais de sa bouche. Ses remarques sont fréquemment ponctuées de « si » ou de certaines expressions telles que « si les circonstances le permettent » ou « si rien ne s’y oppose », ou encore « on n’est jamais sûr de certaines choses », ou « ce qui doit advenir adviendra ». Cela ne veut pas dire qu’Elle évite intentionnellement tel ou tel type de langage pour en utiliser un autre. Pas du tout. Les mots qu’Elle prononce sortent spontanément de sa bouche.

Les facettes extraordinaires de la personnalité de Mâ sont innombrables. Tout en Elle – sa façon de rire, de pleurer, de chanter – tout est hors du commun et pour le moins surprenant. Tous ceux qui ont la chance inouïe de la côtoyer, qui sont présents à ces moments-là, peuvent en témoigner.

Il est pratiquement impossible de décrire ces traits, ces aspects de sa nature par de simples mots. On peut toutefois ajouter d’autres particularités, d’autres détails  fort intéressants qui la concernent. Mâ voit les âmes de grands saints désincarnés, de sâdhus, etc. Elle dit « Ils sont assis tout autour de ce corps, tout comme vous.  Mais vous, vous ne pouvez pas les voir. » Un jour Elle a dit : « Il y a tellement de saints et d’autres êtres dans cette salle qu’il n’y a pratiquement plus de place. » Elle voit également les formes des maladies et souvent elle les décrit. Elle dit : « Chaque maladie a sa forme spécifique et lorsque telle ou telle forme se présente devant ce corps, celui-ci ne la repousse pas ni ne la renvoie, de même qu’il n’empêche aucun de vous de venir ici. Il peut arriver toutefois que quelque chose s’oppose à leur venue ou que leur destination change. Ainsi, par exemple, certaines formes qui viennent dans cette direction peuvent, à un certain moment, être déviées vers une voie différente. »

Il est impossible de comprendre la personnalité étrange et tellement extraordinaire de Mâ, à moins qu’Elle ne se révèle à nous de son propre gré. Les enseignements de Mâ sont universels, simples et ils vont droit au coeur de chacun. Elle ne fait aucune prédication, ne dispense aucune instruction dans un but spécifique.

En fait le Gourou jaillit de l’intérieur. Lorsqu’on mène une recherche avec force et sincérité, son aboutissement ne peut que se manifester spontanément. Il ne peut en être autrement. Le Suprême engendre Sa manifestation dans la forme du Gourou, ou Se révèle Lui-même.

 

Enseignement sans paroles

Arnaud Desjardins

Dès le premier jour où j’ai rencontré Mâ Anandamayî, j’ai eu l’intime conviction que je n’étais pas en présence d’un être humain, mais d’un Être d’une toute autre dimension. C’est en 1959, au mois de septembre, que j’ai tout à coup réalisé cet état de fait. Par la suite j’ai rendu visite à Mâ en 1961, 1962, 1963, 1964 et 1965 et j’ai éprouvé ce même sentiment à chacun de mes séjours auprès d’Elle. Comment définir cette sensation extraordinaire ? En la qualifiant de « divine » ? De « surnaturelle » ? En fait ces concepts englobent un tel mystère que je n’ai guère le courage de les employer.

Je suis un Occidental, un Européen, de tradition chrétienne aussi bien dans ma profession que dans ma vie de famille. A part quelques mots d’usage courant, je ne parle pas l’hindi ni le bengali et Mâ ne parle pas l’anglais. A l’exception d’une heure environ d’entretien que j’ai eu avec Elle – entretien durant lequel je bénéficiais de l’aide d’un interprète – je n’ai pratiquement jamais compris le moindre mot de ce qu’Elle disait ou de ce qu’Elle répondait à mes questions. Et en dépit de cela, j’ai entrepris six voyages en Inde par amour pour Elle et passé huit mois à ses côtés, parfois dans des conditions plutôt difficiles. Cela prouve bien le pouvoir de son influence même sur quelqu’un comme moi, un Européen  totalement étranger à la tradition hindoue où se trouvent toutes les racines de Mâ Anandamayî.

Pendant des années, les photos de Sri Ramana Maharshi ont été pour moi, comme pour nombre d’autres personnes à Paris, un véritable enseignement. Quelques minutes d’une attention silencieuse et soutenue passées devant son portrait  à l’attitude et au regard sublimes, m’auront enseigné beaucoup plus que la lecture des meilleurs livres – je parle de la seule véritable connaissance, celle qui transforme les personnes qui l’ont acquise. Je n’ai jamais manqué l’occasion de rencontrer les Français qui avaient eu son darshan. C’est à la suite de ces témoignages vivants que j’ai ressenti le désir irrésistible et plus fort que tout autre désir, de rencontrer un sage, un être libéré, un être réalisé, un Jîvanmukti.

J’attendais énormément de mes voyages en Inde. Le darshan et la rencontre de Mataji ont largement répondu à mes espoirs. Depuis lors je me suis rendu à  plusieurs reprises à Kanhangad pour séjourner auprès de Swami Ramdas et de sa disciple principale Krishnabai. Là aussi j’ai vécu des moments intenses et lumineux. La vie éprouvante et tumultueuse de Paris n’est pas parvenue à effacer les souvenirs chaleureux de ces moments-là. Il faut dire que Swami Ramdas parlait anglais et que ses réponses, ses paraboles et ses observations souvent débordantes d’humour, procuraient à nos esprits insatiables  une précieuse nourriture. Le rôle qu’aura joué Swami Ramdas dans la vie de nombreux Occidentaux est tout à fait compréhensible, même pour cette mentalité moderne qu’est la nôtre, enserrée qu’elle est par la logique rationnelle.

Cela dit, s’il est une chose qui aujourd’hui encore me semble étonnante, c’est bien le rôle de maître qu’a assumé Mâ, de précepteur spirituel d’un simple visiteur français qui a été et continue d’être son élève et son disciple. Je tiens à souligner qu’Elle m’a fait comprendre petit à petit la signification des Evangiles et du message du Christ. Grâce à Mâ, la parole de Jésus est devenue pour moi parole de vie. Et qui plus est, Elle m’a ouvert les portes de cette merveille universelle qu’est la Bhagavad-Gîtâ et m’a fait découvrir Sri Krishna.

Rien ne peut être plus éloigné de la vie que je mène à Paris, où je travaille pour le cinéma et la télévision, que l’atmosphère des ashrams de Mataji. L’orthodoxie hindoue, l’observance des règles de caste, l’importance attachée aux rites et aux cérémonies, autant de traditions qui semblent n’avoir aucun point commun avec les problèmes auxquels l’homme moderne est confronté dans sa vie de tous les jours, au coeur d’une métropole européenne. Je suis en mesure, toutefois, de  témoigner  du fait que l’enseignement de Mâ, quand bien même il m’ait été communiqué « sans paroles », a totalement transformé ma vie à Paris. Parce qu’Elle m’a convaincu, intellectuellement, qu’il existe une perspective métaphysique qui est unique et universelle, une Philosophia perennis  qui nous enseigne que tous nos problèmes ont déjà été résolus même si nous n’en avons pas conscience : « Il est tout en tout, Lui seul est. » Mais Elle enseigne également que la Réalisation peut tout englober. Bien que je sois à l’autre bout de la terre, je sens vibrer en moi la vie des ashrams de Mâ, je vois la pureté des habits d’une blancheur candide, j’entends la chaude psalmodie des kirtans. Et cela en dépit de la confusion, des ennuis et des contrariétés d’ordre professionnel que l’on doit affronter dans une ville comme Paris, car Mataji, à tout le moins ce qu’Elle signifie, ce qu’Elle représente, est toujours avec moi. En moi. J’ai encore en mémoire les paroles bien connues : « Kurukshetra dharmakshetra... » Et aussi : « L’action est la pièce théâtrale de la vie » (Yoga Vashista) et je sais qui est l’acteur et qui ne l’est pas.

J’ai le sentiment que pour les étrangers, la relation maître-disciple représente à l’heure actuelle l’aspect le plus intéressant de l’hindouisme. Il y a des personnes qui considèrent que le sens de leur vie s’est trouvé radicalement changé après qu’elles aient eu le darshan de Ramana Maharshi, de Ramdas ou de Mâ Anandamayî. C’est là une certitude qui ne peut être ni prouvée, ni contredite. On peut confirmer la véracité du récit d’un miracle, on peut être surpris – au nom de l’orthodoxie chrétienne – lorsqu’on entend des Êtres autres que le Christ dire « le Père et Moi sommes Un », on peut être sidéré devant le phénomène social que représente la gloire d’une femme qui enseigne uniquement la voie qui mène à Dieu. Mais pour ce qui est du choc que l’on ressent au simple regard de cette femme et à la signification que peut avoir le moindre de ses gestes, c’est là une expérience toute personnelle. Ceux qui ont vu, ont cru. Et ceux qui ont compris le vrai sens des paroles de Vie Eternelle, ceux-là se sont engagés sur la Voie.

Par quel mystère l’Être réalisé qu’est Mâ déclenche-t-il en nous ces vibrations qui nous mettent en harmonie avec Elle ? De quelle profondeur de notre être proviennent ces vibrations ? Toutes les personnes avec qui j’ai comparé mon expérience à la leur, ont éprouvé la même certitude que moi. Les choses se sont passées ainsi, rien n’a été ajouté. Face au Maître, il n’y a que clarté et certitude et il y a cette expérience extraordinaire de la vie au-delà du temps, expérience qui nous libère de toute peur. Cela dit, il n’est pas facile de côtoyer Mataji. Aucune de nos petites ruses habituelles ne fonctionnent. Elle nous démasque immanquablement. Jamais auparavant je n’ai été aussi divinement heureux que je l’ai été en la présence de Mâ, de même que jamais auparavant je ne me suis senti aussi mal à l’aise et aussi terriblement bouleversé. Bien sûr je savais qu’une transformation pénible et douloureuse devait s’opérer en moi. Je le savais parfaitement en venant ici. Et je savais également que cette transformation devait se faire avec mon accord et ma collaboration. Il ne suffit pas de bénéficier de la présence d’un sage et de se contenter de rester passif : il faut apporter son aide propre et s’en remettre à lui de sa propre volonté.

« Il est plus facile pour les mouches que pour quiconque de suivre ce corps, où qu’il aille » disait Mâ, se référant à Elle-même, « mais cela ne leur donne pas l’illumination pour autant ». Mataji insiste pour que nous travaillions en permanence sur nous-mêmes, pour que nous fassions des efforts importants et soutenus. Avec le temps, ces efforts finiront par être transcendés. Apparaîtra alors un être vrai dont la spontanéité sera née au beau milieu du « champ de bataille » en même temps qu’une liberté intérieure allant au-delà de l’action et de la réaction.

Durant des années, avant mon premier voyage en Inde, je me suis posé une question : « Et si c’était vrai ? » Combien de fois me la suis-je posée cette question, avec une anxiété doublée d’un tremblant espoir lorsque j’entendais parler de certains grands sages de l’Inde qui « d’un simple regard peuvent changer le cours d’une vie » ? Combien de récits ai-je lus qui décrivent leur présence surnaturelle, témoignage vivant d’un monde totalement différent de celui auquel nous croyons et où nous sommes emprisonnés ! La réponse « Oui, c’est vrai », je l’ai obtenue, en même temps que la certitude, lors du darshan de Mâ Anandamayî. A cet instant-là, son regard était perdu dans le lointain et l’expression de son visage était d’une beauté surnaturelle défiant toute description. Que voyait-Elle dans ces moments-là ? Quelle est la signification de la présence parmi nous d’un Être si totalement différent ? Il émane une telle puissance de ce visage, que semaine après semaine, perdu dans la foule, j’étais incapable d’en détacher mon regard, subjugué qu’était mon être tout entier par un irrésistible sentiment d’intensité et de plénitude. En la présence de Mâ, quelque chose était en train de se passer dans ma vie. Et je savais maintenant, avec certitude, que tout était possible pour Elle.

Cela dit, il faut reconnaître que la nature et l’attitude quasiment miraculeuses de Mâ Anandamayî, l’attraction qu’Elle exerce sur des milliers et des milliers de personnes, induisent certaines d’entre elles à voir en cela des manifestations « anormales » plus que « surnaturelles ». Ma gratitude envers Mâ est encore plus grande pour ce que j’ai pleinement conscience de recevoir d’Elle lorsque je suis à Paris, que pour les moments, pourtant extraordinaires, que j’ai vécus en Inde. Je ne cherche aucune explication. Le caractère unique du Soi, l’éveil du gourou intérieur sont suffisants. Un fait demeure toutefois : dès mon retour en Europe, après ce premier voyage en Inde, les rapports difficiles et source de souffrance que j’entretenais avec mon entourage, se modifièrent radicalement. J’avais compris que notre être conditionne notre vie. Je savais que par la grâce de Mâ Anandamayî et de Swami Ramdas, quelque chose dans mon être avait été transformé. J’ai gardé sur la cheminée de la pièce où je passe la plupart de mon temps la photo de Bhagavan Ramana Maharshi, la première photo d’un sage que je possédais et que j’avais regardée si souvent pendant des années. C’est cette photo qui avait fait grandir en moi le désir de me rendre en Inde. Et j’ai parfois le sentiment que c’est Ramana Maharshi qui m’a guidé vers Mâ Anandamayî.

A ses côtés j’ai trouvé la vie qu’il y a au-delà de toutes les choses de la création – outre celle qui se trouve en elles – et contre laquelle aucun pouvoir en ce monde ne peut prévaloir, ni aucun obstacle, ni aucune opposition. Dès ma première visite à Mâ Anandamayî, à Varanasi, j’ai découvert la vie en moi-même. Je peux comprendre que certaines personnes dénient l’existence de Dieu ou de l’Atma. Mais la vie ? Qui peut se refuser à s’ouvrir à la Vie et à se laisser transformer par elle ? Le Christ a dit : « Je suis la Vie. Je donnerai la Vie à tous ceux qui viendront à moi. » Et je sais que Mâ est la Vie et qu’Elle donne la Vie à tous ceux qui viennent à Elle. Dans ce cas, pourquoi serait-il difficile de l’appeler Mère ou bien Mâ ? Car une mère n’est pas seulement celle qui conseille et qui protège, celle qui réprimande ou réconforte, une mère est avant tout et surtout celle qui donne la naissance et qui vous amène à la vie. Il est un fait clair et définitif à mes yeux – et pas une seule semaine ne s’est écoulée, durant ces cinq années, sans qu’il ne m’ait été donné confirmation de ce fait : ma vie a véritablement commencé au mois de septembre 1959, à Varanasi.

Combien de fois, en France, ne m’a t-on pas posé cette question : « Qu’avez-vous reçu de cette grande sainte ? » Je savais parfaitement que l’on attendait de ma part une réponse conforme aux récits qu’on lit couramment dans les livres qui parlent de chakras, de kundalinî ou de nirvikalpa-samâdhi. Mais la réponse est beaucoup plus simple et, pour moi tout au moins, infiniment plus révélatrice : « Ce que j’ai reçu de cette femme sainte c’est moi-même. J’étais mort et je suis revenu à la vie. J’étais né de la chair et maintenant je suis né de l’esprit. » Quelque soit mon péché et quelque soit mon impureté, Sri Sri Mâ Anandamayî vous êtes à tout jamais ma mère et je suis votre fils. Jay Guru. Jay Mâ.

                                                 

                                                 

 

 

Réflexions à propos de Mâ Anandamayî

Dr. M. Hafiz Sayed

Je ne vois rien d’absurde dans le fait de supposer que ce monde apparent et concret qui nous entoure n’a pu être créé, ou en tout cas n’est pas apparu, sans un motif précis. Ishwara le tout-puissant, le sage suprême de toutes les compassions devait bien avoir une raison objective et bien définie lorsqu’il a conçu ce monde. Celui-ci peut nous sembler être le fruit de mâyâ (illusion) parce qu’il est en perpétuel changement, mais il a en lui une Vie Divine immanente. On peut affirmer, sans risque de se tromper, que le véritable dessein de cette manifestation n’est connu que de Lui qui est la source de notre existence. Nombre de conjectures ont été formulées et nombre de réponses ont été proposées quant au « pourquoi » et au « comment » de notre univers. Mais personne, jusqu’à présent, n’a fourni de réponse satisfaisante et convaincante. Il est dit, fort justement, qu’à moins de devenir un avec la Réalité, il est impossible de percevoir et de comprendre la véritable raison d’être de ce monde qui est le nôtre. Il faut donc s’en tenir à présumer qu’ayant surgi d’une source de suprême sagesse il ne peut qu’avoir une raison d’être bien définie.

Selon une vieille tradition hindoue, il y a deux voies que l’homme peut emprunter : Pravritti et Nivritti, la première pour celui qui est en retard spirituellement, la deuxième pour celui qui a progressé spirituellement. 

Pour satisfaire le besoin récurrent de spiritualité des êtres humains, différents maîtres de l’enseignement spirituel sont venus et s’en sont allés. Ils apparaissent d’époque en époque pour inciter l’homme à s’élever et pour anéantir les esprits malfaisants qui se sont glissés dans les rangs de la société humaine.

Seuls ces maîtres sont considérés comme des Siddha Purusha. Ce sont des Êtres parfaits  qui sont devenus ce qu’ils sont grâce à une sâdhanâ sans faille aucune, une intense purification morale et une totale réalisation spirituelle qui va jusqu’à l’éveil en eux d’un état parfait de conscience cosmique. Ils n’ont pas de vouloir indépendant, de volonté propre. Leur individualité fusionne avec la Réalité Suprême et ils sont guidés davantage par celle-ci que par leur propre Sankalpa. On les nomme également Nitya Siddha. La grandeur spirituelle ne connaît pas de limites. Durant leur évolution spirituelle ils deviennent non seulement Ishwara mais aussi Maheshwara et Parameshwara.

Seul un être spirituellement élevé est à même de comprendre et de pénétrer leur profondeur spirituelle. Pour une âme ordinaire, la vie et les activités de tels êtres apparaissent totalement mystérieuses. Ils sont en mesure d’accomplir des actes qui semblent absolument irréalisables au commun des mortels. Leurs désirs, leurs façons d’être et d’agir sont empreints d’une totale sérénité. Ils se sont défaits de toute passion. Aucune chose, aussi repoussante soit-elle, n’inspire en eux la répugnance. Aucune chose, aussi attirante soit-elle, n’éveille en eux l’attirance. Ils sont en ce monde pour se mettre purement et simplement au service du genre humain.

Si nous examinons la vie de Mâ Anandamayî – sa vie de tous les jours – et ses activités dans différentes sphères, à la lumière de ces faits, on ne peut que constater qu’Elle se trouve au niveau le plus élevé des idéaux dont nous parlons. Personne jusqu’à présent n’a été capable d’évaluer la profondeur de son être spirituel, pas plus que l’ampleur de sa spiritualité. Elle représente un mystère, une véritable énigme, pour chacun d’entre nous. Ses propres disciples ne parviennent pas à la comprendre. Seule une âme spirituellement réalisée est en mesure de savoir qui Elle est réellement. Ceux qui pensent qu’Elle est une incarnation du Divin venue sur terre pour soulager les souffrances des êtres humains ne se trompent pas. Quant à ceux qui l’identifient à Sukadeva ou à Sri Krishna, ils ont peut-être raison car Elle suit les traces du Seigneur que nous désignons sous différents noms. Il en fut d’ailleurs ainsi pour le Seigneur Sri Krishna qui fut l’entière manifestation de Mahavishnu et qui vécut toute sa vie comme une personne commune, sans jamais faire valoir Sa divinité avec tout ce que cela impliquait. Il aimait jouer avec les enfants, Il aimait rire et plaisanter avec ses compagnons de toujours et ses disciples. Il en est de même pour Mâ Anandamayî. Elle assume toutes sortes de rôles dans sa vie, entre autres  celui d’épouse ou celui de soeur, ou bien celui de Sakhi (ami), avec autant d’attentions que le Seigneur Sri Krishna lorsqu’Il jouait son propre rôle dans différentes sphères de la vie. Elle observe et respecte scrupuleusement la Varna (distinction de castes) et l’Ashrama Dharma (la différence entre les quatre stades de la vie) mais traite et considère un Indien et un étranger de la même manière. Elle est aussi douce et affable avec les jeunes gens qu’avec les vieilles personnes. Elle dispense ses faveurs à tout un chacun, quel que puisse être son statut social.

Il est clair pour tout esprit averti, que la raison profonde et le but de sa présence sur cette terre, est de délivrer l’humain des souffrances de ce monde.

Il y a quatre sortes de karma : sakâm (avec désir), nishkâm(sans désir), ishvar arpan (abandonné à Dieu) et swabhavik (naturel). Ses activités concernent bien sûr la quatrième catégorie. Tout comme pour Sri Krishna, on peut dire à propos de Mâ qu’elle ne devrait rien faire, rien accomplir dans les trois mondes, pas plus qu’elle ne devrait rendre accessible ce qui y est inaccessible. Et pourtant Mâ se mêle à l’action, car si elle n’y prenait jamais part, les hommes, non avertis et imprévoyants, s’engageraient tous sur ses traces. Elle ne se contente pas de nous enseigner les choses par ses seules paroles. Elle entend nous montrer des exemples pratiques et nous indiquer ainsi la juste façon d’agir. Souvent lors des kirtan, Elle récite Elle-même les noms de Dieu nous incitant ainsi à les réciter de tout notre être. Elle est Une avec la Réalité Suprême et Elle voit Une Vie vibrant dans chaque atome. Elle voit la propre vie de chaque chose en chaque chose. On raconte qu’un jour Elle a dit : « Le contentement de chacun est mon contentement. Le bonheur de chacun est mon bonheur. La souffrance de chacun est ma souffrance. »

En une autre occasion Elle affirma  en des termes apaisants : « Dieu n’attend pas votre élévation spirituelle. Tout comme le Gange continue sans cesse de couler, Lui continue de dispenser Sa compassion à tous les êtres. Telle est Sa nature. Tel est Son être. »

Voici l’une des plus belles preuves de sa grandeur spirituelle : Mâ n’a aucune culture livresque, Elle n’a jamais étudié les textes sacrés ni les religions quelles qu’elles soient. Eh bien en dépit de cela, Elle est en mesure de répondre aux questions les plus subtilement philosophiques que lui posent de grands philosophes ou d’éminents chercheurs qui sont pleinement satisfaits des réponses qu’ils reçoivent. Il est bon de se souvenir, à ce propos, de ce que nous enseignait le Seigneur Krishna  « Les vedas ( ?) sont aussi utiles à une brahmane réalisé que peut l’être un bassin en période de grande inondation.... » Alors qu’Elle se trouve en un endroit précis, Elle est en mesure de savoir ce qui se passe en d’autres endroits. Elle sait où et quand sa présence est requise de toute urgence, de même qu’Elle sait quelle est l’âme qui implore son aide et ses conseils. Elle prodigue son amour et sa grâce pour apporter soulagement et réconfort à ceux qui sont dans la souffrance. Lorsqu’Elle entreprend une action Elle le fait dans le silence, un silence qui est plus éloquent que tous les discours des gens instruits. La meilleure chose que nous puissions faire est de nous en remettre entièrement à Elle et de la laisser nous conduire comme Elle l’entend. Nous devons noyer notre volonté dans sa volonté, car Elle a noyé la sienne dans celle du Divin.

 

 

Combien c’est peu de chose…

(Poème inspiré par deux articles de Jacques Vigne ‘L’ivrogne qui se croyait revenu de loin’, et ‘Quelques réflexions pratiques d’un psychiatre pour les jeunes de la Réunion à propos des addictions ‘, ainsi qu’en hommage à ma mère, auteur-compositeur-chansonnière, artiste trop tôt disparue).

Combien c’est PEU de chose une artiste qui meurt !...

Vous qui ne connaissez que sa beauté, sa grâce,

Que son sourire, ou sa grimace,

Vous songez rarement qu’elle possède un cœur !

Combien c’est PEU de chose un jeune homme qui sombre

Pour lui qui a perdu son honneur et son nom

‘Cesser’ aurait été la purification,

Au lieu de l’addiction qui le rend comme une ombre.

Boire c’est se griser, émousser la pensée,

C’est ‘croire’ qu’on se grise et qu’on met de côté

Tout ce que l’on refuse et que l’on croit brisé

Alors que le refuge est dans l’austérité !

Serait-ce là le fruit de l’incompréhension ?

Le chagrin si subtil pour non-reconnaissance ?

Bien qu’il ne faille pas chercher de complaisance

Dans le chemin ardu de purification.

Combien c’est important de voir qu’un clown danse

En reliant son âme à celle des enfants

En reliant son cœur à celui des amants

Et en donnant sa vie avec tant d’insouciance.

Combien c’est TANT de choses de comprendre la foi

Qui fait cesser celui qui se drogue ou qui boit

Qui fait prendre le poids de la vie intérieure

Et qui fait que l’artiste renaît comme une fleur !

Et quand le masque tombe c’est l’amour qu’on reçoit

L’ivrogne dégrisé peut se relier au SOI

Le clown redevient ‘enfant’, il faut l’admettre

Et l’artiste ‘est’ l’enfant qu’elle n’a pas cessé d’être !

Pourquoi donc tant de cris pour en arriver là ?

Tant de douleurs cachées au lieu d’un simple rire ?

Au lieu de se comprendre, au lieu de se le dire ?

Dans l’amour d’autrui, dans l’Amour de Mâ !

            Geneviève Koevoets (Mahâjyoti)

 

Nouvelles

- La santé de Swami Bhaskarânanda n’est pas bonne. Il a environ 93 ans et se sort difficilement d’un long coma, il a été renvoyé de l’hôpital à l’ashram de Bhimpura, où Swami Nirgunânanda et d’autres s’occupent de lui.

- La grande Kumbha Méla qui revient une fois tous les douze ans bat son plein à Hardwar. Des millions de pèlerins viennent, en particulier autour des grands bains comme Sivarâtrî, le 12 février, et Somavati amavasia, le 14 mars. Un groupe de visiteurs français de l’ashram a pu se rendre à ces deux bains avec Jacques Vigne grâce à l’aide de Dinesh Sharma et de la Mahânirvani akhara. L’ambiance était intense, la procession pour arriver à pied au bain dure environ 4h, où les fidèles qui se répartissent entre les chars des différents chefs religieux chantent, parfois dansent et sont dans un état de conscience différent. Les camps aussi sont intéressants à visiter. Mâ Anandamayî disait que la Kumbha Méla était l’étendard de l’hindouisme, on peut voir sur 20 ou 30 km  carrés la variété considérable des groupes et écoles religieuses de cette religion qui a tendance plus à assimiler et à inclure qu’à exclure.

On dit qu’il y a des sages qui ne descendent de l’Himalaya, ou sortent d’une retraite secrète, qu’une fois tous les 12 ans pour venir à la Kumbha Méla, ou une fois tous les trois ans s’ils participent à celles qui ont lieu aux quatre endroits fixés par la tradition.

- Orianne a passé avec succès une thèse de doctorat sur Mâ Anandamayî à Montréal, en se centrant sur l’étude du culte d’un grand saint après sa mort. Elle avait fait une bonne partie de son travail sur le terrain à Kankhal. On peut la consulter et la décharger en ligne :

www.archipel.uqam.ca/1645/1/D1727.pdf

 

Abonnements

Les abonnements au ‘Jay Mâ’ se prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire, et pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger à l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr - Ne pas oublier de prévenir Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) une fois le règlement avéré, car c’est elle qui se chargera de vous envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr - (Coordination bénévole)

Pour le moment tous les abonnés qui reçoivent le ‘Jay Mâ’ sont à jour. C’est Mahâjyoti qui préviendra tout le monde en temps voulu au moment où les renouvellements d’abonnements se présenteront pour les deux années successives (Mars 2011 à 2013).

 

Table des matières

Paroles de Mâ

Satsang avec Vijayânanda

Mère, sa nature mystérieuse (Swami Paramânanda)

Enseignement sans paroles (Arnaud Desjardins)

Réflexions à propos de Mâ Anandamayî (Dr.M.Hafiz Sayed)

Combien c’est peu de chose (Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)

Nouvelles

Abonnements

Table des matières

 

 


 

 

 

Jay Mâ n° 97 - Eté 2010

Editorial

 

      Ces trois mois qui viennent de s'écouler ont été marqués par le départ de trois grands Swami de Mâ Anandamayî à cinq jours d'intervalle, d'abord Swami Vijayânanda le 5 avril, puis Swami Bhaskarânanda le 7, et enfin Swami Shivânanda deux jours plus tard. Il s'agissait d'une période très particulière, où le grand bain du 14 avril, Mesh Sankranti, revenait pour couronner la fin d’une nouvelle Kumbha-Mela après 12 ans à Hardwar. Nous avons diffusé par courriel et maintenant mis sur le site www.anandamayi.org ainsi que sur www.jacquesvigne.fr.st trois documents, le premier racontant les derniers mois de Swamijî, le second donnant les satsang disponibles de la dernière année environ, et le troisième rassemblant les témoignages qui nous sont parvenus de tous les coins du monde après le départ de Swamijî. Une version anglaise du compte rendu des derniers mois de Swamijî est disponible, et Lucie Maguire qui est anglaise vivant dans le beau village médiéval de Cordes-sur-Ciel près de Toulouse et interprète français-anglais a commencé à travailler sur la traduction du gros recueil de témoignages.

     Pour le public francophone, il y a un cadeau  qui a son importance avec la publication en février 2010 par Marc de Smedt, aux Editions du Relié, du nouveau livre de Patrick Mandala Mâ Anandamayî - retrouver la joie. Patrick Mandala a fréquenté Mâ en Inde entre 1970 et 1982, et cela faisait longtemps qu'il travaillait sur un nouveau recueil de paroles de Mâ en choisissant celles qui n'avaient pas été déjà publiées en français, ce que nous essayons aussi de faire la plupart du temps dans le « Jay Mâ ». Il a donc repris les anciens numéros d'Ananda Varta, ainsi que les carnets de Didi  et les comptes rendus de bonne qualité d’Amulya Kumar Datta Gupta, dont nous avons aussi traduit certaines pages dans les numéros précédents, et rendrons compte d’autres en français dans ceux à venir. Cela fait un bel ensemble, avec en introduction un témoignage d'Arnaud Desjardins que nous avons déjà mis dans le numéro précédent et un article de Vijayânanda sur ce que Mâ n'est pas. Ce dernier se trouve aussi dans Un français dans l'Himalaya. Dans ce numéro, ainsi que dans le suivant, nous reprendrons des explications de Patrick ou des paroles de Mâ extraites de ce livre pour en donner une idée.

Swami Nirgunânanda va comme d'habitude animer une retraite en Belgique en juillet, voyez la section Nouvelles à la fin du numéro pour les détails pratiques.

 

 

Paroles de Mâ

Extraits du nouveau livre Retrouver la joie (Editons du Relié) par Patrick Mandala

 Prasâda et connaissance

Le mot prasâda signifie à la fois la nourriture sanctifiée qu’on distribue à la fin d'un rituel ou d'un satsang, mais aussi la grâce, ainsi que la sérénité joyeuse.

 Question :

-- La prise du simple prasâda va-t-elle permettre de développer la capacité à recevoir le véritable prasâd ?

-- Oui, en obtenant ce prasâd  encore et encore, la grâce viendra.

-- Quel est l'état qui survient après avoir reçu le véritable prasâd ?

-- Cet état ne peut être compris ;  car « comprendre » signifie « supporter un nouveau fardeau ». [Jeu de mots en bengali sur bhoj qui signifie à la fois ‘comprendre’ et ‘fardeau’]

-- Si la connaissance ne fait qu'accroître le fardeau, pourquoi étudier ?

-- Vous n'avez pas compris ! Le monde est fondé sur la dualité, et pour comprendre la dualité, il est nécessaire de l'étudier. Ce corps s'amuse à ce genre d'incohérentes conversations, car vous ne lui avez rien appris ! Ce qui est dit dans vos Ecritures, c'est-à-dire « les racines au-dessus et les branches au-dessous » (ûrdhvamûlam, adhasgâkam) signifie que l'intellect représente les racines − l'organe de l'entendement. Comme l'eau doit être donnée aux racines de l'arbre, de même la tête est le siège de l'intellect. Là  réside la faculté de tout comprendre. C'est la raison pour laquelle ce corps dit, voyez, maintenant vous avez compris une chose, mais ce n'est pas ce que vous avez compris auparavant. D’une façon très particulière, la compréhension se développe par degrés. Bien que la connaissance mondaine et la connaissance spirituelle soient différentes, mais unies à la racine, toutes deux seront perçues par le cerveau. Comprendre même la seconde, c’est porter un fardeau supplémentaire. Transcender cette compréhension [qui signifie « porter un poids »], c'est permettre à la véritable compréhension de se révéler. Tant que la triputi, la division entre connaissance, connaisseur et connu n'a pas disparu, cela ne peut être atteint. L'un se révèle toujours par lui-même. »  p.74

Mantra signifie, ce qui délivre le mental » [jeu de mots : man, mental, et tran, délivrance]. Mais dans la manière impropre de parler de cette petite fille [Mâ], mantra signifie, man tor, « le mental est tien » [autre jeu de mots]. Ce qui revient à dire : Lui dont vous répéter le Nom, votre mental sera Sien. Avez-vous compris ? … » 76

 « Ce corps [Mâ] n’est le gourou de personne, ni n’enseigne, avait-elle coutume de dire. Elle présente simplement ce qui est bon et beau. » Comme une mère aimante donne à son enfant la nourriture ou le médicament parfois amer qui le guérira − en juste quantité, au juste moment.

Auprès d'elle − et cela était confirmé par tant de personnes, voyons les témoignages d'Arnaud, de Denise, de Vijayânanda, d’Anil, d’Indira Gandhi − naît une impulsion ; donnons à cette Force le nom de « grâce », de shakti, de « divine énergie », ou autre, il n'en reste pas moins qu'elle conduit « des ténèbres à la lumière, de la mort à l'immortalité ».

Dans un sens, et du point de vue duel du relatif, de la lîlâ, on peut dire néanmoins que Mâ Anandamayî est un gourou, qu’elle enseigne, et par des voies multiples ; par le silence, les satsangs, la sâdhanâ : yoga, japa, kîrtan, étude,  rituels, yajnâ et pûjâ, seva, méditation, etc. Mais du point de vue de l'absolu, de l'unité totale, « enseigne-t-elle » vraiment, et à « qui » ?

     Sa grandeur réside dans son « impersonnalité », dans son absence totale d'ego, dans un amour infini tout de compassion. Son « enseignement » est né, semble-t-il, avec le premier matin du monde. Enseigne-t-elle ? Oui. Comme la lumière dissipe l'obscurité, comme le soleil réchauffe les corps et les cœurs, comme le chant de l'oiseau conforte celui qui l’écoute.

     Socrate ne disait-il pas que « l'amour est le messager entre Dieu et l'homme » ?

     Mâ ne serait-elle pas la triple incarnation de l'amour, du messager et du  divin en l'homme ?

 L’arbre-guru

 De nombreuses personnes approchent Mâ et lui demandent souvent :

 

« Je ne sais pas comment méditer, ni ne me sens enclin à cela. J’ai de la  peine à trouver de l'intérêt pour les choses spirituelles, mais l'agitation mondaine a aussi peu d'intérêt. Quelle est la solution ? »

− Ce que cette petite fille vous conseille, répondit Mataji, c’est de vous asseoir sous un arbre.

− Mais là où j'habite, il n'y a pas d'arbres, lui dit une femme, et une autre. « Sous quel arbre ? Quel genre d'arbre Un pippal?   [figuier religieux]

− Oui, un pippal. Par « arbre », nous voulons dire un vrai sage. Un sage est semblable à un arbre. Il n’invite ni ne repousse personne. Il donne une ombre bienfaisante à quiconque vient près de lui, qu’il soit un homme, une femme, un enfant ou un animal. Si  vous vous asseyez à ses pieds, il vous protégera des intempéries, du soleil brûlant comme des trombes d'eau, et il vous donnera des fleurs et des fruits. Qu'un homme ou un oiseau les goûtent lui importe peu, ce qu'il produit, il le donne à qui vient à lui.

 Persévérer dans la pratique

− Mataji, quelle est l'utilité de suivre une sâdhanâ, de faire du japa, de la méditation, des cérémonies religieuses et tout le reste ? Nous pratiquons depuis des années. Mais en retour de tout ces efforts et altruisme, que reçoit-t-on ? Nous ne le savons pas ! Tout cela conduit-il plus près de la Réalité ?

 (Ce sont là des questions qui étaient souvent posées à Mâ. Quand elle en avait le kheyâla, elle répondait :)

 Quand vous lavez vos affaires vous mettez du savon, n'est-ce pas ? Mais il est vrai qu'elles ne seront propres qu’après avoir été rincées encore et encore, et qu’ait disparu toute trace de savon. La saleté peut-elle disparaître sans savon ? La pensée du Divin est le savon, en finalité cette pensée doit disparaître aussi sous les eaux pures du Gange de la Suprême Connaissance (jnâna-gangâ).  Ne vous souciez pas des résultats.  En affaires, vous donnez et recevez quelque chose en retour. On appelle cela du « marchandage », si vous adoptez cette attitude mercantile, vous n’obtiendrez rien. Soyez persévérants dans vos efforts et votre sâdhanâ.

     Le souvenir du divin est pareil à une flamme. Quelle que soit la direction vers laquelle souffle la flamme, elle brûlera tout ce qu'elle rencontre. Selon vos actes,  vous récolterez les fruits. Aucun effort n'est jamais vain. p.89

 Jeu de mots « échanger » et « délivrance »

« Commercer » [bepar,  donner quelque chose en échange d’autre chose] signifie que la « délivrance » [par hona, « être au-delà »] n'est pas encore arrivée [be]. Ce monde est semblable à une place de marché. Essayez d'arriver sur l'autre rive. Tendez sans cesse toujours vers la contemplation de l'Unique − là où cessent toutes peines et  souffrances.

 

Jeu de mots : « corps » et « changement »

 Vous n'êtes pas parfaits. Vous sentez un manque en vous, c'est pourquoi vous avez le désir d'accomplissement et de plénitude. « Corps » [sharîra] signifie « ce qui change sans cesse » [shara]  où il n'y a aucun vouloir, aucun désir, et l’identification au corps mortel disparaît. Après la réalisation du Soi, il n'y a plus personne pour parler encore d'un tel corps − car le Soi est révélé.

 Il n'y a qu'un Livre unique, et TOUT est contenu en lui. Une fois lu et compris, rien d’autre ne sera étudié.

La sâdhanâ devrait être pratiquée dans le seul et unique but de découvrir sa propre svadhân, richesse. p.95

 « Anandamayî »

[Mâ Anandamayî interprète son propre nom de façon impersonnelle]

Question : Quel est le sens du mot Anandamayî ?

Mâ : Depuis la nuit des temps, Anandamayî a été l’épithète qui désignait Bhagavatî (le Divin conçu en tant que Mère). Anandamayî [« tout de félicité »] est en fait contenu en toute chose. Aussi est-il dit que là où se trouve un homme, il y a  Shiva, et que là où est une femme est Gaurî [Pârvatî, sa Shaktî] 98

 Vacuité

Mahâ-shunya, le grand Vide, est sa forme unique. Mais il faut distinguer entre le vide ordinaire qui est relatif au monde, et le grand Vide qui ne peut être compréhensible. Qu’est-ce qui l’est et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Malgré cela, tout est et aussi n’est pas, ni n'est ou n'est pas. Quoi que vous trouviez en perdant tout, c'est ce vers quoi il faut tendre.

 Vous et moi sommes deux personnes, toutefois, vous et moi sommes ‘un’ ; et le vide qui est entre nous deux est aussi moi-même : Là, il n'est plus question du tout de dualité. Attachement et confusion surviennent du sens même du deux - de la dualité. 99

 

 Traduction de la lettre du Premier ministre indien Mme Indira Gandhi, envoyée à Patrick Mandala pour l'un de ses livres sur Mâ (3 septembre 1981)

 

Le premier ministre est heureux d'apprendre que vous écrivez un livre sur Mâ Anandamayî, pour laquelle elle a le plus grand respect.

Mme Indira Gandhi a écrit spécialement pour vous l'hommage suivant à Mâ Anandamayî et vous pouvez l’utiliser de la manière la plus appropriée :

 « Mâ Anandamayî est un être rayonnant dont la présence dégage une grande paix. J'ai eu la chance de bien la connaître et d'avoir reçu telle une affection sans mesure depuis mon enfance, en raison de son intimité avec ma mère, Kamala Nehru.

« Ma Anandamayî représente toutes les valeurs profondes de l'Inde sous leur aspect le plus universel. Il n'est pas de ma compétence de donner une appréciation sur son accomplissement spirituel. Des millions de gens ont trouvé en elle lumière et réconfort et sont devenus meilleurs. En vérité, ceci est son message : le guide de chaque être est en lui-même. »

 

 Préface d'Arnaud Desjardins

Au livre Retrouver la joie  rassemblé et traduit par Patrick Mandala

 Si nous demandions à différentes personnes de notre entourage : « Qu’avez-vous vu de plus beau de toute autre existence ? Certains évoqueraient peut-être un paysage qualifié de grandiose, d'autres une oeuvre d'art considérée comme sublime. Et si nous précisions : « Quelle est l'oeuvre d'art sacré qui a le plus remarquablement éveillé en vous le sens de la transcendance ? », les réponses iraient de la cathédrale gothique à la statue khmer d'un bouddha ou une des plus admirables peintures chinoises traditionnelles à telle ou telle mosquée.

     Mon existence personnelle m'a donné l'opportunité de contempler bien des merveilles, du Mexique au Japon et de l’Inde au Québec, mais ce qui a produit en moi, de loin, la plus forte impression et pour laquelle aucun terme tel que « divin » ou « surnaturel » ne me paraît excessif, est la rencontre, le darshan (vision) comme on dit en Inde, d’un être humain, d’une femme hindoue de naissance bengalie, la célèbre Mâ Anandamayî. Ce ressenti inoubliable, décisif, a été partagé par de très nombreux hindous et occidentaux. Les meilleures images d'un film, les photographies les plus réussies ne transmettent qu'une faible part de son rayonnement. Toutes les facettes d'un être humain accompli, depuis le rire lumineux d'un enfant jusqu'à l'immense gravité d'un Sage, s’exprimaient à travers elle. Et ses paroles, totalement adaptées à chaque personne et à chaque circonstance, ont couvert toute la gamme des réponses possibles aux questions de ceux qui l’approchaient, depuis une simple villageoise jusqu'à un pandit réputé de Bénarès ou un mystique de Vrindavân.

     Il est heureux que son influence puisse encore toucher aujourd'hui des personnes qui, faute de l'avoir rencontrée « en chair et en os »,  découvriront au fond de leur coeur sa dimension infinie.

 

Hauteville, 29 janvier 2009

 

 

6 témoignages à propos du recueil de souvenirs

Sur Vijayânanda

 

De Bruno Ducoux

Merci Geneviève,

Voici un message que j'avais envoyé à Jaques

Bien cordialement

Bruno 

 

Cher Jacques,

Merci beaucoup de ce message fort que tu nous as fait parvenir.

Je ne suis pas encore allé en Inde et n'ai pas rencontré  Vijayânanda physiquement mais spirituellement grâce à toi.

Vijayânanda est parti au moment où tous les chrétiens  - catholiques, protestants et orthodoxes- célébraient la Pâque, le passage, la Résurrection: quitter le corps physique signifie pour moi que Vijayânanda n'avait plus besoin de lui  pour recevoir et donner. Libéré de l'espace et du temps dans lequel nous survivons, il vit libre, il est;

il n'y a plus de séparation et donc, sans doute, plus de souffrance...

 Avec mon affection

Bruno

 

 D’Eliane Mazzoleni (Suisse)

Chère Mahâjyoti
Merci pour l'envoi de tous ces témoignages qui continuent à remplir nos cœurs de joie et de bonheur. 
Merci à toi, de continuer à faire rayonner toutes ces beautés et de les partager avec nous. Ce visage doux de Swamiji, même si je ne l'ai pas rencontré physiquement, c’est  dans le lien du cœur que cela a pu se passer pour moi car lui, à travers Jacques, a pu me guider vers Trulshik Rinpoché, comme une flèche qui va droit au coeur et cette voie a été juste pour moi.
 
Moi-même il me faut entreprendre bien des changements et de nouveaux choix. Comme disait Swamiji ....... ‘Réveillez vous, attention, vous êtes dans une jungle..... il y a des lions ......’. La foi me rappelle de ne pas négliger ce qu'il y a de plus précieux en nous: cette flamme divine qui nous demande d'écouter ce qu'il y a réellement de si sacré en nous: la vie.
Dans le Dharma
Eliane

 

De Véronique Vauvrecy

Cher Vigyân, Chère Geneviève

Je découvre avec émotion ce matin les témoignages que vous avez recueillis et rassemblés en un inestimable document si chargé d'intensité de la part des uns et des autres autour de l'Etre lumineux que fut Vijayânanda. Soyez infiniment et chaleureusement remerciés l'un et l'autre !

J'étais tellement dans l'attente de ce recueil que cette nuit je me suis réveillée chantant Jaya Jaya Shiva Shamboo comme lors des funérailles de Vijayânanda ! 

Pensées intenses vers vous

Véronique

Jay Mâ !!

 

De Claudie Sablon

Chère Geneviève (j'ai du mal avec les prénoms indiens)

MERCI MERCI, je ne vous le dirai jamais assez pour cet envoi formidable des témoignages après le départ de Swamiji ;

Beaucoup d'émotions. De toutes façons, dès que je pense à lui je pleure et aussi lorsque je me trouvais près de lui............Toute son énergie divine me secoue beaucoup, mais ces émotions sont tellement profondes !

De toutes manières, Il est là et reste dans nos coeurs.

Le plus difficile je pense, ce doit être pour l'ashram de Kankhal et tous ceux et celles qui le voyaient souvent et qui pouvaient profiter de son enseignement "en direct".

Quel bonheur, quelle grâce de l'avoir connu.

Nous attendrons le ‘JAY MA’ avec impatience.

 Merci mille fois pour votre dévouement et votre partage.

Bien cordialement dans la pensée de Swamji

Claudie

 

De Kiran Grave : « Un Saint ne meurt jamais… »

 Chère Mahâjyoti,

Merci beaucoup pour ces témoignages merveilleux à propos de notre Swami Vijayânanda bien-aimé. Un véritable fils de Mâ. Swamiji avait une relation tellement longue et étroite avec ma famille, en particulier avec ma grand-mère qu’il  avait rencontrée dès le début de son séjour en Inde : que ce soit lui ou elle, les deux avaient un amour exceptionnel pour Mâ, et très souvent durant le satsang avec Swamijî, il la mentionnait sous le nom de Maharatan, que Mâ elle-même lui avait donné. (Elles avaient été ensemble en particulier à Almora dans les années 40, où un lien fort s’était constitué entre elles). Swamiji et elle avaient un lien commun qui était leur amour intense pour Mâ. À la fois ma fille Ananta et moi-même avons été frappés de chagrin, mais nous avons été forcés de regarder au-delà et une nuit pleine de tristesse, tandis que je priais en regardant la photo de Swamijî, j'ai senti soudain sa voix qui me disait : « Regarde, je n'étais nulle part, je suis ici même. Vas donc lire ‘Les conversations avec Vijayânanda’ que Jacques Vigne a mis en forme. Ainsi, j'ai ouvert le livre au hasard et la phrase qui m'a sautée aux yeux directement fut : « Un saint ne meurt jamais ». Oui, Swamijî est toujours avec nous à l'intérieur et à l'extérieur, c’est à nous de faire l'effort de réaliser cette vérité aussi difficile qu'elle puisse paraître !

Merci à vous et à Jacques pour me tenir au courant et rester en contact. Les nouvelles et témoignages sur Swamijî sont envoyés par le Ciel.

Jay Mâ

Kiran

 

  De Laurent Laferté

Om
Merci, c'est très intéressant.
Le premier jour, après avoir vu Vijayânanda, j'étais allé dans le samâdhi pour la cérémonie du soir, c'était la toute première fois que j'assistais à ce genre de rituel, il y avait quelque chose de très fort, je ne trouve pas les mots. J'avais les yeux fermés, j'étais plus ou moins endormi, pourtant la musique était particulièrement puissante et à un moment j'ai senti qu'on m'aspergeait d'eau, ce qui me réveilla et j'imaginai qu'ils étaient tous en adoration devant moi ! Quelle imagination, n'est-ce pas !
Autrement je n'ai pas eu beaucoup d'échanges avec lui, mais je sentais qu'il voyait mon mental qui n'était pas toujours comme il aurait dû être. C'était (ou c'est plutôt) un être d'une grande lucidité et d'un amour infini.
Autrement, le jour de "sa mort", un ami à qui j'avais parlé de Vijayânanda m'avait dit qu'il était peut-être décédé et je lui avais assuré que je ne le pensais pas, c'est comme s’il avait voulu me prévenir par l'intermédiaire de cet ami.
Je suis par ailleurs allé à l'enterrement, c'était très beau et émouvant.
Om Jay Ma
Laurent



                                                   Sri Sri Mâ Anandamayî

La Flamme éternelle

Sri Govind Narain ICS (Retd.)

 

Sri Govind Narain est le gendre de Pannalal qui était à un moment de sa carrière préfet de Bénarès, ainsi qu’un proche de Mâ jusqu’à sa mort, et qui a écrit un livre sur elle. Govind Narain a été lui-même haut fonctionnaire et est toujours malgré son grand âge président de la Sangha de Mâ. Ce témoignage est un chapitre d'un livre publié à Calcutta en 2007 à la suite d’un séminaire sur Mâ Anandamayî, constitué d’un recueil de contributions de la part de personnes qui l'ont bien connue. Il a été édité  en anglais avec l'aide de Swami Nirgunânanda. Il contient également un chapitre avec un témoignage d'Arnaud Desjardins que nous avons cité dans le numéro précédent et qui a été mis aussi au début du nouveau livre de Patrick Mandala :  Ma Anandamayî − retrouver la joie aux Editions du Relié, février 2010.

 

De tous temps notre pays a connu une tradition de grands sages et de grands prophètes. Ces êtres supérieurs ont préservé notre sagesse et assuré la continuité de nos valeurs et de notre culture. Cela a constitué l’épine dorsale de notre unité et de notre intégrité nationales. Chacun de ces grands êtres a fait en sorte de transmettre à sa façon les enseignements, afin qu’une humanité désireuse de savoir puisse en tirer profit. Certaines de ces âmes qui ont atteint la réalisation spirituelle sont venues parmi nous pour assurer notre salut. Leur avènement a été annoncé par les sages qui les ont précédées. Sri Sri Mâ Anandamayî est l’une de ces âmes extraordinaires.

 User de nos simples mots pour parler de Mâ Anandamayî équivaut à vouloir expliquer le soleil éblouissant à l’aide de la maigre flamme d’une bougie. Une vaine tentative. Mâ est tout et plus que cela. Toutes les descriptions la concernant ne sont que minuscules fragments de l’infinitude. Le mahasamadhi de Mâ est un phénomène du monde physique. Mâ est éternelle. Elle existe en nous telle une flamme vive et brillante à l’intérieur des êtres que nous sommes. Nous avons besoin de la perception pour La voir. Son Être fragrant est toujours en nous et il est essentiel que nous nous débarrassions de notre ego et de notre aveuglement pour avoir pleinement conscience de Sa présence. Elle est la pureté personnifiée, venue parmi nous pour guider nos pensées et nos actions, à la condition toutefois, que nous soyons suffisamment grands pour être humbles et nous en remettre entièrement à Elle. A cet Un qu’Elle représente, j’offre ma dévotion la plus profonde.

Les Âmes supérieures appartiennent à la même dimension.

Lorsqu’il était jeune, mon beau-père, le docteur Panna Lal, effectua ses études au collège St. John à Agra. Il eut la chance d’y bénéficier de la protection du Professeur Surya Kumar Karfarma. Ce dernier était un Grahastha qui avait su assurer sa progression spirituelle par le biais d’une sâdhanâ sérieuse et soutenue. Grâce à lui, le Dr. Panna Lal apprit énormément de choses, aussi bien sur le plan de ses études que sur celui de la spiritualité. Leurs rapports se poursuivirent dans le temps et, plus tard, le Dr. Panna Lal présenta les membres de sa famille au Prof. Karfarma. Les enseignements que celui-ci leur prodigua par la suite marquèrent  profondément cette petite communauté. En 1925, le Professeur, qui s’était retiré depuis longtemps déjà, rendit visite au Docteur Panna Lal à Unao où celui-ci était en poste. Au cours d’une conversation qu’ils eurent en privé, le Professeur Karfarma déclara à mon beau-père qu’en ce qui le concernait, il lui avait transmis toute la connaissance qu’il possédait, mais qu’un grand être illuminé, qui était déjà incarné, s’occuperait de lui, Dr. Panna Lal, le moment venu et le conduirait plus avant dans son cheminement. Le Professeur faisait allusion à Sri Sri Mâ Anandamayî. Plus tard, lorsque le Dr. Panna Lal rapporta cet épisode à Sri Mâ, celle-ci se contenta de sourire avec douceur. Ainsi, d’autres âmes supérieures étaient au courant de la venue de Mâ sur cette terre. Ils appartenaient tous au même monde.

C’est en 1938 que Mâ vint à Allahabad où mon beau-père exerçait alors son activité de « commissioner » (équivalent de préfet). Swarnalata Jaspal (Brahmacharini Billoji) et sa famille avaient coutume de rendre visite à Mâ. Billoji qui avait obtenu ses  diplômes quelque temps avant Chandra, ma femme, annonça à celle-ci qu’une grande sainte était arrivée dans la ville et lui conseilla d’aller la voir. Mon épouse se rendit au lieu qu’on lui indiqua et eut le darshan de Mâ en même temps que Billoji. Par la suite elle y emmena ses parents afin qu’ils aient eux aussi le darshan de Mâ. Lors de cette première rencontre avec mon beau-père, Mâ se mit tout à coup à rire et lui dit : « Pitaji, vous étiez présent vous et de nombreuses autres personnes, lors de la cérémonie de la sannyâsa de Chaitanya Mahaprabhu ». Cette remarque de Mâ déclencha une véritable décharge électrique dans le corps du Dr. Panna Lal et emplit son coeur d’une profonde dévotion qu’il conserva durant toute sa vie.

Durant la période 1941 à 1943, je rendis visite à Mâ en différents endroits, en compagnie de mon beau-père, mais à l’époque, le contact ne s’était apparemment pas établi entre Mâ et moi-même. J’étais timide et introverti. Je me souviens avoir assisté à des satsang de Mâ sur le toit-terrasse de la Hari Ram Joshi à Lucknow. Il y avait en général quelques vingt-cinq disciples qui y prenaient part. Durant les kirtan Mâ entrait souvent en samâdhi. Les kirtan « doux » se répétaient et Mâ revenait dans le monde physique après de courts laps de temps. Je me souviens aussi de séances en comité réduit, toujours en compagnie de mon beau-père, à Vindhyachal, à Dehra Dun et en d’autres endroits. J’étais de plus en plus impressionné par la grâce et la douceur extrême de Mâ mais je dois avouer que la véritable étincelle n’avait pas jailli en moi.

 Le jour où Mâ déclencha en moi l’Etincelle spirituelle. 

Décembre 1943 – janvier 1944. J’étais en poste, en tant que Magh Mela Officer à Allahabad et mon épouse, nos deux filles et moi-même, campions pour une durée d’un mois au Sangam. L’atmosphère du lieu semblait littéralement sanctifiée car des bhajan et des kirtan s’y déroulaient toute la journée et, dès le matin à l’aube, des flots de disciples venaient y pratiquer l’immersion sacrée dans le froid glacial de l’hiver. Une nouvelle agglomération s’était développée avec la venue d’une foule de personnes – sadhus, disciples, pandhas, commerçants et services de toutes sortes. Il fallait organiser les choses et prendre les dispositions qui convenaient. Un jour, alors que nous venions de terminer notre repas de midi, nous trouvâmes Mâ devant la grille de notre campement, accompagnée d’une simple brahmacharini. Nous nous précipitâmes, ma femme et moi, dans sa direction. Mâ se mit à rire et s’exclama : « J’ai entendu dire que Govind Narain vivait dans cet endroit, alors ce corps est venu. » Nous étions éblouis par son charme. Nous n’avions pas grand chose à lui offrir si ce n’est deux bananes qui restaient du repas. Avec sa grâce indicible, Mâ nous bénit tous les deux ainsi que nos filles puis elle s’éloigna. L’étincelle venait de jaillir en moi.

Dans le courant de l’année 1946, mon beau-père se rendit à Vrindaban où Mâ prenait part à la célébration du Holi. Mon épouse et moi, accompagnés de nos deux jeunes filles Chandan et Nandini, nous rendîmes également sur les lieux. L’atmosphère qui règne en ces occasions où la présence de Mâ domine le tout, est tout simplement divine et la venue d’un grand nombre de Mahâtmâs et de disciples ne fait qu’ajouter à la grandeur de l’évènement. Un jour, lors d’une des petites réunions qu’Elle tenait, Mâ révéla que tous ceux qui venaient vers Elle l’avaient toujours accompagnée tout au long de nombreuses vies précédentes et que chacune de ces personnes était en train de gravir le chemin de la spiritualité. Cela eut un véritable impact magnétique sur nous tous qui l’écoutions. Le lien qui nous unissait à Elle se faisait de plus en plus fort. Après quelques jours de pure béatitude, le moment vint où il nous fallut reprendre notre travail. Mâ me conseilla de me mettre en route après avoir pris le prasâd, ce que j’omis de faire  car je devais prendre la route sans perdre de temps pour me rendre à une réunion à Hatras, en direction de Aligahr. Je persuadai donc ma femme de partir sans attendre. Un chauffeur était au volant de notre petite Morris. Nous avions parcouru environ 7 miles, lorsque tout à coup une vieille femme traversa la route juste au moment où nous arrivions. L’avant de la voiture la heurta de plein fouet et la traîna sur une dizaine de mètres avant de s’arrêter. Nous fûmes terriblement secoués. La femme poussait des hurlements. Son fils accourut pour s’occuper d’elle. J’installai rapidement ma famille à l’ombre d’un arbre, sur les bas-côtés de la route et emmenai la femme et son fils à Vrindaban, dans un dispensaire où je la fis soumettre à des examens minutieux. Par la grâce de Mâ, elle ne souffrait d’aucune blessure, pas même d’une égratignure, mais elle était en état de choc. Je la fis hospitaliser pour un contrôle supplémentaire avant qu’elle ne décide de rentrer chez elle. Ensuite je me rendis à l’ashram de Mâ pour raconter à mon beau-père ce qui venait de se passer. Mâ s’aperçut alors de ma présence. Elle sourit puis me répéta qu’il serait bien que je prenne le prasâd avant de m’en aller. La leçon venait de porter ses fruits. Je pris avec moi le prasâd pour toute la famille et je me remis en route. Lorsque j’arrivai à l’endroit où j’avais laissé ma famille, ma femme me lança : « Alors, qu’en est-il de ta crainte d’être en retard à ta réunion à Hathras ?... » Les voies de Mâ sont impénétrables !

Au début de l’année 1947, j’étais en poste au Secrétariat à Lucknow. Je logeais alors au 2, Olliver Road. Mâ nous donna de nouveau sa bénédiction. Elle vint nous rendre visite à la maison. Nous l’accueillîmes avec nos modestes moyens et lui rendîmes hommage. Sa divine grâce prévoyait apparemment de me confier de plus grandes responsabilités.

Un exemple de la lîlâ de Mâ.

(De 1951 à 1954 j’ai vécu au Népal avec ma famille. J’avais été commis au poste de Conseiller au Secrétariat de Sa Majesté le Roi Tribhuvan Bir Bikram Shah du Népal. A Katmandou l’hiver était en général assez froid, raison pour laquelle ma femme allait passer les quelques mois de cette période avec son père, le Dr. Panna Lal. En 1953 elle se rendit avec celui-ci à Vrindaban, à l’ashram de Mâ.)

En 1954, mon père, mon épouse, nos enfants et d’autres membres de la famille, se trouvaient à Allahabad, dans l’ashram de Mâ, près du ‘Sangam’. Mâ les emmena tous pour une immersion dans le Sangam, après quoi elle retourna à l’ashram. Quelque temps après, une grande fatigue sembla s’abattre sur Mâ qui s’exclama tout à coup qu’Elle avait le sentiment qu’une foule piétinait son corps. On apprit un peu plus tard qu’une tragédie avait eu lieu, une panique générale qui avait causé la mort de centaines de personnes sur les berges glissantes du fleuve. Je me trouvais alors à Katmandou et bien évidemment je fus pris d’une terrible angoisse lorsque j’appris la nouvelle par la radio. Tous les fidèles qui entouraient habituellement Mâ étaient sains et saufs. Quant à Mâ, Elle fut particulièrement affligée par le drame qui venait de frapper la grande famille humaine.

 

Un jour je me rendis, avec mon épouse et son père, à l’ashram de Varanasi, à l’occasion du Sharavatri. Un après-midi, alors que mon beau-père était assis dans la cour, Mâ sortit de la salle de bains, une serviette mouillée à la main. Père, comme à l’accoutumée, lança une petite réplique amusante. Mâ se mit à rire et lui posa la serviette mouillée sur la tête. Père, exalté, se prosterna devant Elle, lui rendant grâce pour sa gentillesse et sa bénédiction. Ceux qui sont familiers de la théorie de Shaktipat ou de l’éveil de la kundalini, apprécieront certainement la signification de cette lîlâ.

Les préparatifs organisés par Mâ à l’occasion de la Shiravâtrî Pûjâ étaient toujours effectués avec un soin méticuleux sous Sa constante supervision. Tous ceux qui participaient à ce culte sacré, étaient tenus d’observer un jeûne absolu dès le lever du jour, sans même absorber la moindre goutte d’eau.

La Kripâ-Sagari de Mâ.

Un jour à Dehli, la pûjâ Shivarâtri avait été organisée à l’ashram de Kalkaji et Smt. M.S. Subhaluxmi s’était joint à nous pour la circonstance. Je ne me sentais pas très bien car je relevais tout juste de maladie. Je demandai à Mâ si je pouvais prendre du lait. Mâ ne me dit pas « non ! ». Elle me dit tout simplement, en souriant, que dans ce cas je devrais assister à la pûjâ de l’extérieur de la salle. Le message était on ne peut plus clair. Je me résolu donc à observer le jeûne nirjala et décidai de m’asseoir parmi les autres fidèles mais pour une seule pûjâ prahar. Ma femme et mes filles étaient présentes elles aussi. Après le premier prahar nous échangeâmes quelques regards et je leur fis comprendre que je resterai pour le prahar suivant. Durant la pause, M.S. Subhaluxmi chantait quelques bhajan, de beaux chants religieux et Mâ passait parmi les fidèles, échangeant quelques paroles avec les uns et les autres. Le deuxième prahar terminé, je me sentais suffisamment solide pour assister au troisième, et ensuite au quatrième. Ainsi par la grâce de Mâ j’avais accompli la totalité de la pûjâ. J’étais étonné du revirement de mon état de santé pourtant déplorable peu de temps auparavant. Je compris alors que la kripâ, la grâce divine en Mâ, pouvait être sans limites pour peu que l’on suive ses instructions.

Une autre mystérieuse lîlâ de Mâ.

Durant notre séjour au Népal nous avions fait l’acquisition de deux chaur aux poignées d’argent. Ces objets sont utilisés pendant les cultes religieux aux déités. Mon beau-père, quant à lui, avait fait don de deux représentations de Ashtadhatu – celle de Mahaprabhu et celle de Nityananda – pour qu’on les expose dans l’ashram de Vrindaban. Mâ les avait joliment disposées, dans un beau décor qui devait servir pour le culte. Nous nous retrouvâmes tous à Vrindaban. Les idoles étaient magnifiques et Mâ nous décrivit avec amour et spontanéité la manière dont Elle avait procédé pour installer tous ces beaux objets et cela afin de nous préparer à la cérémonie qui devait durer quelques heures. La veille, alors que Mâ effectuait l’inventaire de ces objets et s’assurait que toutes les dispositions avaient été prises, plusieurs Ashramites chargés de l’aménagement vinrent lui rendre compte de la situation. Ils lui signalèrent que tout était en ordre mais qu’il n’y avait pas de chaur. A ce moment-là, ma femme avait déjà placé un des chaur dans ses bagages et son père lui avait dit d’attendre avant de continuer. Il voulait voir quelle serait la lîlâ de Mâ. Et Mâ était précisément en train de parler de chaur et Elle se montrait préoccupée. Puis Elle déclara que le Seigneur Lui-même procédait à Ses aménagements et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Quelque chose se passerait. A ce moment-là, mon beau-père dit tranquillement à ma femme de prendre le chaur et d’aller le remettre à Mâ. Ce qu’elle fit. Mâ, heureuse, se mit à rire et lança : « N’avais-je pas dit que le Seigneur procédait Lui-même à Ses aménagements ? ». Nous restâmes bouche bée devant la façon qu’avait eu Mâ, Elle qui est omnisciente, de préparer Sa lîlâ pour convaincre les personnes présentes.

Lorsqu’on commence à parler de Mâ, on perd totalement la notion du temps et de l’espace. Il y a tant à dire sur Elle qui est omnisciente, omniprésente et sans limites ! Mais je me dois de tempérer mon enthousiasme. Puisse la grâce de Mâ être avec chacun de nous. Jay Mâ.

 

 

Le Sage et le Papillon… (La mort d’un sage)

 

Coquin papillon s’en vint un beau jour

voleter gaiement auprès d’une barbe.

 

Dis-moi donc vieux Sage, aurai-je droit un jour

à pouvoir flirter au creux de ta barbe ?

Puis-je y butiner sagesse et mystère ?

Cesser d’être pris pour une âme légère ?

 

Gentil papillon, répondit le Maître,

sache rester toi-même sans te contrefaire.

Donne du bonheur dans ta légèreté,

ne t’alourdis point de tant d’anxiété.

Ma barbe argentée connut la misère

le poids des années, la gloire éphémère.

J’aimerais comme toi pouvoir m’envoler !

 

Qu’à cela ne tienne, je vais vous tirer

vers le ciel d’azur, laissez-vous guider.

D’en haut vous verrez les âmes égarées,

regardez-les toutes, elles sont fatiguées…

 

Je n’veux plus descendre, s’écria le Sage,

je les vois souffrir, elles n’ont rien compris,

aide-moi à voler jusqu’au bout de ma vie !

 

Un grand cerf-volant forma l’escadrille,

Puis ils disparurent, loin à l’horizon.

C’est depuis cela qu’une toute jeune fille

mit dans ses cheveux de beaux papillons…           

                      de Mahâjyoti  (Geneviève Koevoets)

                         à Vijayânanda (poème et portrait)

                                (Kankhal – Mars 2005)

 

 

 

 

Nouvelles

 

- Les dossiers relatant les derniers mois de Swami Vijayânanda, ce qui a été noté de ses satsang et les témoignages à son sujet, sont maintenant en ligne à la fois sur www.anandamayi.org  et sur www.jacquesvigne.fr.st

- Il y a des satsangs sur Mâ organisés à Louvain La Neuve par Paul Neeffs :
une fois par mois : infos  sur
http://www.anandamayi.net/page3.html
C'est aussi l'occasion d’annoncer la retraite avec Swami Nirgunânanda.
Elle aura lieu à BIEVENE, DU 12 AU 17 JUILLET 2010.
Cette annonce aurait dû se faire plus tôt. Les départs -Mahâsamâdhi-  de Swami Bhaskarananda, auquel Swami Nirgunânanda était (est) très lié et de Swami Vijayânanda ont influés sur la venue de Swamiji.

Informations pour cette retraite :

Pascal Coureaut : Tél: 0032 - (0) 69 55 84 24  - GSM: 0032 - (0) 474 11 40 89
Paul Neeffs : Tél. 0032 (0)10 81 47 80 - GSM : 0032 - (0) 485 93 80 11

Merci d'annoncer votre venue :

paulneeffs@yahoo.com 010/81.47.80 - gwendoline_13@hotmail.com 02/660.67.71.

 

- Dinesh Sharma a connu Swami Vijyânanda à Kankhal à l'âge de 13 ans, il en a maintenant 30. Il a ouvert son bureau d'agence de voyages juste en face de l'ashram de Mâ Anandamayî. Il a commencé à rassembler les documents photographiques, vidéo et audio sur Swamiji dans l'intention de les exposer d’une façon ou d'une autre près de l'ashram de Kankhal. N'hésitez pas à lui en envoyer, il a l’ADSL. teerthtravel.har@rediffmail.com +91-98 97 28 39 82

- Vigyanânand (Jacques Vigne) sera présent à Kankhal la plus grande partie du mois d'août et du mois de novembre. En fin juin et juillet, il sera en retraite à Dhaulchina.

 

 

                                                                                          

 

Abonnements

 

Les abonnements au ‘Jay Mâ’ se prennent pour 8 numéros trimestriels, à raison d’un Euro par exemplaire, et pour deux ans, de Mars 2009 à Mars 2011. Un chèque de 8 € est donc à rédiger à l'ordre de Jacques Vigne, mais à envoyer à José Sanchez-Gonzalez, 10 rue Tibère - 84110 Vaison-la-Romaine - 06 34 98 82 22 – nagajo3@yahoo.fr - Ne pas oublier de prévenir Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) une fois le règlement avéré, car c’est elle qui, bénévolement, se chargera de vous envoyer la brochure en l’illustrant de la photo de Mâ – koevoetsg@wanadoo.fr

Pour le moment tous les abonnés qui reçoivent le ‘Jay Mâ’ sont à jour. C’est Mahâjyoti qui préviendra tout le monde en temps voulu au moment où les renouvellements d’abonnements se présenteront pour les deux années successives (Mars 2011 à 2013).

 

Table des matières

 Éditorial

Paroles de Mâ

Retrouver la joie, nouveau livre par Patrick Mandala.

Mâ Anandamayî, la flamme éternelle par Govind Narain

Poème ‘Le Sage et le Papillon’ de G.Koevoets (Mahajyoti)

Nouvelles

Abonnements

Table des matières

 

                               

 

 

 

 

 

 

 

                     Jay Mâ N ° 98- Automne 2010

 

 

 

Paroles de Mâ

Extraites de ‘Vangmayee Ma’

 

 

                                                        Chapitre 9 – Le G O U R O U

 

                                                      

Le principe du Gourou est particulièrement profond. Le gourou doit être vu comme Dieu Lui-même. Le Gourou ne peut pas être repoussé. Si on abandonne un Gourou c’est qu’on ne l’a jamais choisi. Jamais un Gourou ne pourrait commettre un acte

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injuste ou indécent. Quand on considère que la relation avec le Gourou est parfaite, le pouvoir du Gourou et la dévotion pour lui ne se relâchent jamais. Dieu, qui est la vérité même, fait en sorte que  la recherche de la vérité parvienne à son accomplissement.

 

                                                      

Votre Gourou est aussi le Gourou du monde, le Gourou du monde est également votre Gourou. Il ne faut pas aller dans un lieu son Gourou n’est pas respecté.

 

                                                      

Rappelez-vous que le Gourou est uniquement Celui-là Lui-même.

 

                                                     

  

Le Gourou est à l’intérieur. Lorsque la vraie recherche commence, il y a révélation. Il est impossible de demeurer sans l’illumination. Il vient sous forme du Gourou et Se révèle, ou Sa manifestation vient à la lumière.

 

                                                      

Le chemin vers Dieu est direct et facile. Quelle que soit la parole du Gourou, c’est le meilleur mantra qui soit. Il ne peut y avoir d’illumination que si le japa du mantra est pratiqué avec exactitude. Lorsque le pouvoir du Gourou est manifesté, ne devrait-il pas porter ses fruits ? Il est clair qu’on se fera brûler si on pénètre dans le feu  . Il est dans tous les noms et toutes les

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formes, et Il est aussi sans nom et sans forme. Si on aime les noms, alors Il est là, dans tous les noms et toutes les formes. Mais aussi si on préfère le Sans forme, alors Il est sans nom et sans forme.

 

                                                      

Dieu Lui-même se manifeste en tant que Gourou. Croyez cela et appelez-Le.

 

                                                       

Dans le contexte du Gourou, tout comme la statue ne doit pas être prise pour la pierre, le Gourou ne doit pas être considéré comme un être humain. Le Gourou doit être considéré comme Dieu. Si vous le voyez comme un être humain, cela signifie que vous ne l’avez pas accepté comme Gourou. La raison en est la suivante : est-ce qu’un être humain  pourra jamais devenir Gourou ? Gourou signifie Japat-Guru (Enseignant du monde). Japat-Guru c’est celui qui inverse, qui transforme la progression vers la mort, en une progression vers l’immortalité. [jag- correspond à la racine d’aller, de mouvement]  Celui qui engendre une telle transformation ne peut être que le Gourou intérieur. Lorsqu’un Gourou prend un disciple sous sa protection, il ne se sépare de lui que lorsque le disciple a atteint son but. Le problème du départ du Gourou ne se pose même pas. Où irait-t-il ? Y a-t-il aucune interrogation au sujet de sa venue ou de son départ ? Vous ne comprenez donc pas ? Dans le cas du Gourou, le problème n’est jamais soulevé. Parce que, là, le corps n’existe pas.

 

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Il y a maintenant un autre point à considérer, à savoir, que même lorsque le Gourou s’en va, et que vous ne Le voyez plus dans Son corps physique, Il continue, tout le temps, à chaque instant et aussi longtemps que vous n’avez pas atteint votre but, à vous guider, à vous aider à vous accrocher à cette voie qui est la vôtre. Quelle est la signification de Sa générosité ? Où ira-t-Il ? Concernant Son départ, il n’y a pas de question. Il se révèlera Lui-même.

 

 

                                                      

Où est le Gourou, en présence de votre « Moi-ité » ? Là où cesse la dualité de « mien et tien ». Peut-être dans le Gourou ou dans l’Ishta – le Gourou est dans l’Ishta et l’Ishta est dans le Gourou. L’L’Ishta est aussi dans le mantra – Il est dans toutes choses, dans la même mesure.

 

                                                      

Quand le Gourou est accepté comme il se doit, alors le Gourou ne peut plus être désavoué. Le Gourou est toujours présent avec le disciple. Dieu est en fait le Gourou de l’être humain. Il devrait toujours Lui faire confiance. Kriya (exercice spécifique de sâdhanâ), pratique du yoga etc... ne sont pas possibles sans la présence du Gourou. Alors que c’est possible le japa et la méditation en Son absence. Pour la tranquillité de votre esprit, essayez de méditer dans une bonne posture, âsana. Il faut vous efforcer de garder l’esprit fixé sur le but spirituel suprême. Il n’y a que de cette façon que l’on peut espérer l’ouverture de la voie vers la paix.

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Tout comme il est impossible d’étudier à l’université sans l’enseignement d’un professeur, il est impossible de posséder la Brahmavidyâ (la connaissance de Brahman, l’ultime réalité) sans Gourou. C’est là en fait, le problème pour l’élévation spirituelle, le salut et tout le reste.

 

                                                      

Le Gourou a des formes sans nombre, des manifestations sans nombre et des non-manifestations sans nombre. Il se révèle en effet sous la forme du Gourou, de L’Ishta et du mantra. Dans le contexte de l’esprit, de l’âme, il n’y a qu’un seul Atman omniprésent. Il [le Divin] est avec Lui-même en Lui-même si. Pour la révélation de Son swarup (existence véritable, essence) il existe différentes voies, différentes manières dans ce monde-ci. Là encore il se retient. Mais il ne s’agit pas de retenir ou de ne pas retenir. Ce que l’on recherche c’est Sa révélation.

 

                                                       

                                                      

Il est vrai que si un Gourou n’est pas suffisamment compétent, cela peut porter de sérieux préjudices.

 

                                                      

Beaucoup se repentent d’ « une initiation faite avec un satgourou (précepteur) sans que hélas, rien ne se soit passé ». Il faut beaucoup de temps pour faire disparaître une tache noire d’un vêtement. Est-il possible d’éliminer la tache profonde de la chitta (la conscience la plus intime) en l’espace de quatre ou cinq jours ? Si l’on a une foi solide, une grande dévotion pour

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son Gourou ainsi que du respect pour ses conseils, et que l’on est dans l’upasana (pratique spirituelle) en pleine conscience, le résultat apparaîtra sans aucun doute.

 

                                                      

Le Gourou Lui-même est dans le mantra d’initiation. Vous pouvez être témoin du départ de son corps physique, mais le Gourou, en fait, ne s’en va jamais. Il y a tellement de larmes sincères qui coulent pour Lui – le Gourou – alors pourquoi y aurait-il des obstacles qui entraveraient le cheminement sur la juste voie, avec l’aide de Ses conseils et de Son enseignement ? En vérité, le Gourou est un.

 

                                                       

Le chemin qui mène à la réalisation du Soi passe par les directives du Gourou. Là où les actions liées à l’éveil de la Kundalini (une shakti précise qui se trouve enveloppée dans trois plis et demi au niveau du chakra inférieur – Muladhara) sont nécessaires pour la réalisation de Dieu. Il est impossible qu’Il ne réponde pas. Est-il possible que Dieu ne se manifeste pas Lui-même, alors qu’on Le cherche véritablement ?

 

                                                      

Lorsqu’on recherche le Gourou intérieur, on peut prendre, en attendant de le trouver, un précepteur, un enseignant. Il convient de suivre le chemin et de centrer sa dévotion vers un point unique. Toute situation liée à Dieu doit être acceptée. Celui qui cherche Dieu sans autre but trouve son chemin. Il Se révèle Lui-même.

 

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Le plus grand des services qu’on puisse rendre au Gourou, c’est de suivre sans aucune hésitation ses directives, en partant de là où vous êtes. Il arrive que le Gourou Lui-même prépare la voie afin que Ses instructions soient suivies.  Ainsi, il peut arriver que grâce à vos efforts, la capacité, le pouvoir de réaliser Ses instructions, se manifestent. Une totale dévotion doit accompagner l’accomplissement des instructions.

 

                                                       

                                                               

Le lien Gourou-disciple devient perpétuel lorsque la relation est authentique. Dans le cas d’un Gourou puissant, quand une défaillance survient, il est très probable que Gurushakti (le pouvoir du Gourou) le ramènera par son attraction le disciple vers la foi.

 

                                                      

Celui qui respecte véritablement le Gourou ne peut se nourrir de la haine à l’endroit de quiconque. S’il avait de la haine pour quelqu’un, cela équivaudrait à avoir de la haine pour son propre Gourou. Le Gourou pénètre en tout, Il est en chacun. Avoir foi en cela est nécessaire.

 

Quelles que soient les instructions que le Gourou donne à son disciple, elles doivent être suivies sans contestation. Continuez à lire des textes spirituels et prenez part à des satsangs (rencontre de personnes spirituelles et discussions sur ces thèmes). Pour la révélation de Dieu, la vérité, demeurez assis,

 

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immobiles, l’esprit vide. Celui qui s’absorbe dans le yoga le fait pour CETTE révélation uniquement.

 

Dans les cas où on se demande si l’initiation est nécessaire ou non, Mâ dit : « L’initiation a lieu lorsque c’est nécessaire, au moment voulu. Restez dans la contemplation de Dieu. Il fera ce qui doit être fait, au moment opportun, croyez-moi.

 

Même sur ce chemin épineux, le Gourou vous tire sans arrêt vers Lui, en vous tenant par la main – rappelez-vous cette vérité. Il est très possible que quelqu’un considère une simple lueur comme la lumière. Mais Il est dans toutes les formes. Essayez de rester fermement immobile, à chaque instant et selon vos capacités, le regard dans la direction du point où a lieu la révélation libre de tout obstacle.

 

C’est Lui qui est sous forme de  recherche du Gourou, ainsi que sous forme de l’atteinte de la réalisation, mais il est indispensable d’éprouver un désir vrai et profond. Ayez-Le toujours en vous afin de mieux Le connaître.

 

Pour que le parcours du voyageur vers l’illumination connaisse un déroulement heureux, il faut impérativement respecter les instructions du Gourou. Mais en l’absence des instructions du Gourou, appelez-Le [le Divin] comme votre coeur vous incite à le faire. Et continuez à vous ’impliquer dans la prière et la méditation.

 

Essaie de poursuivre, sans discontinuer, le japa et la méditation du mantra de l’initiation. Une fois qu’Il a pris ta main Il ne

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t’abandonne plus. Rends un culte constant à Ses pieds. (Chacun de nous est) Son enfant, et s’il y a désir véritable et profond Il ne refusera jamais.

 

Efforce-toi de devenir un disciple. Ce n’est qu’ainsi que tu trouveras un Gourou. Le chemin de la grâce s’ouvrira et tu découvriras le courant de la compassion.

 

Il y a toujours une chance d’obtenir ce qu’on cherche quand on le désire vraiment. Au moins, deviens déjà chercheur par la prière.

 

                                                                                                                                                  (Traduit de l’anglais par Jean E. LOUIS)

 

 

 

Vijayânanda

 

Le maître spirituel caché derrière le gentil grand père.

 

Témoignage de Nicolas Gailledrat

 

 

 

      Il y a 60 ans, un jeune médecin français qui voyageait en Inde rencontra Mâ Anandamayî, la grande mystique bengalie. Rompant radicalement avec sa vie précédente, il la suivra désormais dans un engagement total passant trente et un ans et demi avec elle, et vivant pendant presque soixante ans dans ses ashrams. C’est l'une de ces relations rares fondées sur une

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rencontre entre le vrai gourou et le vrai disciple. Celui qui était devenu Vijayânanda a quitté son corps le 5 avril 2010, à l'âge de 95 ans, après des décennies d'une intense sâdhanâ. Depuis 1976, il réside dans l’ashram de Mâ à Kankhal, dans le nord de l'Inde près d'Hardwar, où se trouve le samâdhi (le tombeau) de la sainte, et depuis 1985 environ, ainsi que Mâ lui avait demandé, il accueille les occidentaux. Ne délivrant pas à proprement parler d'enseignement, conformément à la tradition, il répond aux questions de chacun. Il ne se considérait pas lui-même comme un sage, mais comme un chercheur qui avait reçu la grâce de Mâ.

Parler de Swami Vijayânanda me semble aussi difficile qu’exprimer ce que je ressens lorsque j'oriente mes yeux vers la profondeur du ciel d'une nuit d'août, illuminé de l'infini des étoiles. Alors, je scrute le plus loin possible. Expérience étrange ! Certes, il m'arrive de reconnaître quelques constellations familières, comme la Grande Ourse, qui me rassure, mais ce qui prédomine, c'est ce sentiment indestructible du grandiose, cette petite voix qui me dit au fond de moi : « N’oublie jamais ce que tu vois en ce moment, ces choses-là sont toujours présentes, même lorsque le soleil réapparaît à la naissance du jour et fait disparaître toute cette profondeur de l'infini. »

 

La toute première fois que j'ai rencontré Swamijî, il y a environ quatre ans, j'ai eu le sentiment d'être en face d'un « gentil grand-père, » vraiment tout à fait anodin... Mais comme cette rencontre s'était faite grâce à l'intervention d'un ami que je respecte et écoute tout particulièrement, je me suis forcé, en quelque sorte, à être à l'écoute attentive de ce que ce « gentil »

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grand-père, vêtu d'orange, avait de particulier à dire, et j’ai observé sa manière d'être tout simplement. Il posait des questions aussi banales que : « Vous n'avez pas froid ? », « Vous avez fait un bon voyage ? », « Vous habitez à quel endroit ? » Interrogations parsemées de silences qui semblaient très gênants ; puis il reprenait : « Ou êtes-vous hébergés en ce moment ? » Normal, pour un grand-père, non ? Il racontait parfois, à la demande de quelques-uns, les anecdotes de sa vie auprès de Mâ Anandamayî. D’autres fois, pour des questions similaires, il « envoyait très gentiment balader » ceux qui l'interrogeaient, en disant qu’il n'était pas là pour raconter. Petit à petit, ce personnage aiguisa mon intérêt car il ne me semblait pas aussi « lisse » que cela. Je m'aperçus de bien surprenants détails ! Comme le fait qu'il répondait aux questions, des plus idiotes aux plus complexes, avec la même tranquillité, la même douceur, mais surtout avec la même certitude, et même avec une telle réalité, une telle ampleur, une telle conviction, une présence telle que cela devenait une évidence ! J'ai expérimenté directement le fait que si nous avons la réponse à un problème, alors il n'y a plus de problème, quelle que soit la qualité et la complexité de la question et de la problématique

 

     Il est important de connaître le contexte des satsangs (moments partagés). Généralement Swamijî venait dans la cour du samâdhi (tombeau) de Mâ Anandamayî, sur le banc adossé au yajnâshâlâ (petit édifice où est entretenu en permanence un feu sacré). Cet endroit est très bruyant, la rue est à une quinzaine de mètres, et toutes les activités extérieures y résonnent. Parfois le bruit s'intensifie car les prières et arati dans le samâdhi sont amplifiées par des haut-parleurs qui

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donnent directement dans la cour où nous sommes installés. Ainsi, si nous ne sommes pas extrêmement attentifs et près de Swamijî, nous ne pouvons pratiquement rien comprendre. Parfois quelqu'un répète ce que disait Swamijî et la question posée, et ainsi nous pouvons recevoir ses paroles. Je réalisais que Swamijî était bien sourd. Parfois, on devait lui parler très fort dans les oreilles, mais d'autres fois il comprenait la question d'un de nos voisins alors que nous étions éloignés, et que moi-même, avec le bruit, je ne pouvais entendre les mots prononcés. Il comprenait donc sans vraiment entendre… Au sujet du bruit, il disait en souriant : « Cela vous force à être concentrés ! » Il disait aussi : « Ce n'est pas important de comprendre ! »

 

      Je compris que je pouvais lui poser des questions et lui parler de n'importe quel sujet. Une fois, je suis venu le voir au satsang  pendant deux soirs et j'ai pu lui parler en privé. J'avais voyagé pendant 52 heures pour rester seulement deux fois deux heures avec lui, avec le désir intense de déposer cinq questions très importantes pour moi. Avant même de lui poser une seule question, j'avais déjà les réponses de trois d'entre elles dès que je me trouvais près de lui. Une autre question a eu sa réponse dans celle qu'il donna à quelqu'un d'autre ! Finalement, je l'interrogeais peut-être pour satisfaire mon mental qui voulait une relation particulière avec lui

 

        Je pris conscience presque physiquement que les complications reviennent au galop lorsqu'on oublie le firmament et nous l’oublions souvent à cause de la lumière du monde, avec l'activité qu'elle déploie et dans laquelle je me

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replonge quotidiennement. Désormais, quelque chose me semble évident : c'est cette chère Mâyâ, l'oubli de cette infinie, cette délicieuse illusion de l'identification à ce jeu du monde rayonnant d'énergie dynamique, qui nous fait oublier ce firmament infini. Mais si je reste conscient de ce firmament au milieu du soleil et de la ligue du monde, voilà Mâyâ qui s'efface ! Merci, Swamijî, de m'avoir fait ressentir que si cet infini est en vous, il est permanent aussi en moi.

 

     Petit à petit, une transformation intérieure se faisait malgré moi. Je me rendis compte que j'étais magnétisé par... Par quoi ?... Cette étonnante présence ? Cette simplicité qui rend chaque instant, chaque réponse, une évidence ? Maintenant, je peux dire de lui : pas d’agressivité, pas de peur, pas d'orgueil, aucune trace d'ego, et même de « non-ego ». Pas plus de volonté de faire du bien ou du mal, pas de voile d'aucune sorte, pas de publicité pour quoi que ce soit, ni pour lui-même ni pour autrui. Sauf pour tenter, me semble-t-il, d'honorer quelqu'un pour le faire « travailler » sur quelque chose : autrement dit, tenter de lui faire prendre conscience de ce quelque chose d'important pour lui. Aurait-il donc renoncé à renoncer ?

 

     Un des derniers soirs en sa compagnie, je lui dis que je trouvais magnifiques les policiers qui étaient là pour garder l'ashram durant les fêtes de la Kumbha-mêla. Au moment où des moinillons sortaient du samâdhi de Mâ avec la flamme sacrée qu’ils portaient à chacun pour une sorte de communion traditionnelle, les policiers quittaient leur rôle pour un court instant afin de partager ce moment précieux. Je lui expliquai qu'à Paris, la pression policière était toute autre. Swamijî me

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regarda de son regard si doux et si pénétrant, avec cette fois-ci une sorte de sourire, et me dit : « Vous n'aimez pas les policiers, n'est-ce pas ? » J'étais mis à découvert, mais c'était tellement rempli d'amour de sa part.

 

     Il se mettait toujours au niveau de celui avec qui il conversait ou partageait et ne cessait, en fait, de faire cadeau sur cadeau, même si parfois ils semblaient quelque peu acides, voire empoisonnés. Un des moments les plus forts avec Swamijî nacquit d'une situation rocambolesque. Un petit groupe discutait après le satsang, juste après le départ de Swamijî chez lui. Nous nous séparâmes pour rejoindre nos lieux de vie, et me voici accompagnant une jeune femme sur le chemin de la Guest House. Nous marchions dans la rue, lorsque son regard se tourna et qu'elle aperçut Swamijî, aidé de deux brahmanes pour monter à l'étage où il habitait. À cette époque, il marchait encore mais très difficilement et faisait un effort immense pour monter les deux étages en se faisant aider. Il était à mi-parcours, c'est alors qu’à ma grande surprise cette jeune fille s'écria très fort : « C'est Swamijî ! Bonsoir Swamijî ! » J'ai vécu ce moment dans l'effroi, avec le sentiment de vouloir disparaître... Cette inconsciente ne voit-elle pas les difficultés de Swamijî ? Il stoppa net son ascension, et fit un long et lent demi-tour sur la marche pour faire un dernier coucou de là-haut à cette personne. Je transpirais d'émotion, partagé entre le désir de  lui scotcher la bouche ou de disparaître... Revoici Swamijî qui, avec un grand sourire, lui fait coucou. Mais ce n'était encore rien ! Voilà qu'il se met à redescendre avec l'aide des deux brahmanes, au prix de grands efforts. Au bout de cette longue descente périlleuse, il

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s'approche de la grille pour encore saluer et venir à notre rencontre ! J'étais tellement stupéfait, touché au plus profond, j’avais envie de hurler : « Comment est-ce possible ? » Finalement, je réussis dans mon coeur, suite un grand effort, à remercier cette jeune femme de sa non-conscience ou de son inattention, car quel cadeau Swamijî lui fit, et me fit ! Je pris conscience de son amour infini : il ne comptait jamais ses efforts immenses, ni son temps, ni son énergie, pour simplement dire une ultime fois : « Bonne nuit, dormez bien... Etes-vous bien installés ? » Donner encore et encore et encore, infiniment,  comme le firmament d’une nuit étoilée.

 

Il vivait chaque instant avec une intensité et une tranquillité emplie d'énergie subtile et sublime. Comme si chaque instant de sa vie était le dernier, l'unique le seul à vivre ! Ce soir-là, je compris une chose qui ne me quittera plus jamais. Ce que j'avais vu la première fois : que quelque chose d'anodin s’était transformé en une vision de l’infinie compassion.

 

Je ne remercierai jamais assez Dieu ou Swamijî de m'avoir donné la chance de vivre cela : respirer la rose, s’enivrer de son parfum divin ; alors qu'au début, je n'avais vu qu’une anodine fleur fanée dont je ne me serais jamais rapproché, si ce grand ami ne m'avait indiqué l’endroit sacré.

 

Je crois savoir qu'il y a quelques jours, un notable [en fait l'ambassadeur de France en Inde, M. Bonnafond] a parlé de la tombe prévue au Père Lachaise, à Paris, comme d'une tombe miraculeuse : je partage cet avis. Quel cadeau !

 

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Mâ Anandamayî, merci. Swami Vijayânanda, merci.

 

Nicolas Gailledrat

 

Nicolas est venu pendant plusieurs années régulièrement voir Vijayânanda, pour de courtes périodes, car ce n'était pas facile pour lui de laisser la direction de la péniche-restaurant, Le Calife, dont il s'occupe depuis des années à Paris, sur le quai de la Rive Gauche  près du Pont des Arts...

 

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Le pèlerinage au Mont Kailash

 

Souvenirs de Gurpriya Didi,

Extraits du volume V de ses carnets.

                                                                                        Traduit de l'anglais par Vigyânânand

 

 

      Ce pèlerinage a eu lieu en été 1937, quand Bhaiji et Bholonath étaient encore en vie. C'est au retour de ce pèlerinage que Bhaiji a quitté son corps à Almora, et son samâdhi a été le point de départ d’un ashram là-bas, près du vieux temple de Patal Dévi. C'est là que Vijayânanda a passé 10 ans en retraite intensive. Le pèlerinage a été aussi important, car en passant le col de Dhaulchina dès le premier jour après Almora et en y couchant, Bhaiji a vu la splendeur de la chaîne himalayenne qu'on découvre à partir de ce col sur 400 km de large, et on voit en un coup d'oeil le chemin qui mène au col de Lipu Lekh, par où passe le sentier pédestre qui

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va jusqu'au lac Mansarovar et au Mont Kailash. Inspiré par ce paysage, Bhaiji a demandé à Mâ qu'on établisse un petit ermitage à cet endroit. Hariram Joshi, qui était haut fonctionnaire du gouvernement indien, a entendu parler de ce voeu de Bhaiji qui était un des derniers qu’il ait émis avant sa mort, il l’a donc estimé comme sacré, et il a réussi à louer et à long terme au gouvernement indien une crête de colline dans la forêt à 2 km à l'est de Dhaulchina, où se trouve donc maintenant cinq petites maisonnettes. Toute la zone est maintenant considérée comme parc naturel. C'est là que Swami Vijayânanda a passé huit ans de solitude dans des conditions très austères, sans eau, ni électricité, ni fruits, ni pratiquement de légumes dans la seule boutique de Dhaulchina qui était ouverte à l'époque. Maintenant, il y a eu de grands développements. Il y a quatre hôtels pour les voyageurs qui aiment faire la pause dans ce joli lieu de Dhaulchina, avant de continuer vers la région de Dharchula, le point de départ actuel du pèlerinage à pied du mont Kailash, qui se trouve dans l’angle de l'Inde entre le Népal et le Tibet. C'est à Dhaulchina que Swami Nirgunânanda, le dernier secrétaire privé de Mâ, d'origine bengalie, habite depuis 24 ans, et c'est là aussi que j'écris ces lignes.

Ce volume ‘cinq’ des souvenirs de Didi était le préféré de Swami Vijayânanda, car elle y donne tous les détails, et ainsi on se rend bien compte de l’atmosphère à la fois difficile matériellement, mais belle spirituellement, et du cadre splendide du paysage alentour. À cause des difficultés mêmes du voyage, il était rare qu’un groupe aussi important que celui de Mâ se rende au Kailash, le plus grand pèlerinage hindou et bouddhiste du sous-continent indien.

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Nous commençons ces extraits par le début du livre.

 

Dimanche 16 juin 1937

    A huit heures du matin, nous nous sommes mis en route pour le Kailash avec Mâ. Les autres qui étaient avec nous devaient repartir d'Almora. Ils ont tous pleuré en quittant Mâ. Nagendada, qui  était venu de Calcutta, Naren Choudhary et sa famille de Delhi, Hari Ram et Manik de Dehradun, tous sont repartis. Mâ, Bholonath, Jyotish Dada, [Bhaïjî], Swami Akhandânanda [le père de Didi], Dasudada, un serviteur (Keshav Singh) et moi-même nous sommes mis en route. Une jeune fille originaire d'une ethnie des montagnes, Parvati, était aussi avec nous. Elle avait attendu à Almora pour accompagner Mâ.

      À 11 heures du matin, nous avons atteint un bungalow de la forêt en un lieu appelé Baréchina. [Les « bungalow de la forêt » sont aussi appelés « dak bungalows », et servaient a priori pour loger les fonctionnaires du gouvernement en visite dans des régions reculées, mais pouvaient être aussi réservés par des personnes privées dans ces endroits où il n'y avait pas d'hôtel en tant que tel]. Le paysage était magnifique. Nous nous sommes restaurés et nous sommes reposés jusqu'à trois heures de l'après-midi. Baréchina [‘la grande, baré, clairière, china’] était situé à une distance d'environ 11 km d’Almora. Avant la tombée de la nuit, nous avons atteint un endroit appelé Dhaulchina [‘la clairière blanche, ou brillante, dhaula’] qui était à 8 km par le sentier. Nous avons fait la cuisine, pris le dîner et passé la nuit sur la véranda du dak bungalow.

      Le lundi 17 juin, nous sommes partis à cinq heures du matin et avons atteint Sheraghat 15 km plus loin [nom qui

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signifie les rives, ghat, du tigre, shera]. Des arbres énormes y poussaient sur les bords de la rivière. Nous avons fait la cuisine sous l'un de ces arbres et nous nous sommes ainsi débarrassé du rituel de la nourriture. Ensuite nous nous sommes reposés sous les arbres car il était difficile de marcher sous le soleil qui tapait. Nous avions 10 ou 12 porteurs pour s’occuper des bagages et marcher avec nous. Il y avait cinq dandis [chaises à porteurs] qu'on avait pris en location avec quinze porteurs pour les gérer. Parvati était accompagnée par une autre dame, sa petite-fille et son frère. Ils avaient deux porteurs avec eux. Toute cette équipe a atteint un endroit où chacun des participants s’est préparé des rotis (chapatis), puis ils se sont allongés pour se reposer. Chaque porteur a coutume de prendre sur lui une charge maximum de 15 seers. On n’avait pas pu trouver un cheval pour Tanu à Almora − mais on allait en prendre un sur la route. Comme une chaise à porteurs était endommagée, on l'a remplacée par une autre Sheraghat .

     Nous avons encore été capables de localiser une boutique ou deux ici ou là, où nous avons acheté du riz, des lentilles, du beurre clarifié, du sel et d'autres articles de première nécessité. On nous avait dit qu'il n'y aurait pas de telles boutiques disponibles lorsque nous progresserions le long du pèlerinage. Nous avions aussi apporté des vivres avec nous. On nous avait dit qu'il n'y aurait rien de disponible au-delà de Garbyan, c'est pourquoi nous avons pris des fruits secs, du sucre en morceaux, du poivre, des pickles de tamarin et d'autres choses. On a besoin de transporter tout cela en réserve pour traverser ces chemins couverts de glace, et il faut y ajouter des vêtements chauds, des lunettes et tout un équipement contre la pluie. On nous avait dit que certains voyageurs avaient le vertige et

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s’évanouissaient sur la route de Garbya, et donc une dame à Almora avait préparé une concoction de poivre, de poudre de mangues séchées et d'autres épices avec la croyance que cela aiderait à nous garder la tête claire.

 

Un rêve de Parvati

    En chemin, notre compagne de Garbyan, Parvati, nous a raconté un incident. Il y environ cinq ans, quand elle était dans son village, elle avait rêvé qu'elle allait quelque part avec un groupe de gens. Elle ne pouvait pas voir le visage de ces personnes clairement − cependant elle a vu Mâ comme une dame portant un sarî blanc et qui apparaissait comme une « Matajî ». Elle a aussi vu clairement le visage de Bholonath. Elle s'était rendue à Almora pour faire ses études quelque temps après ce rêve. Maintenant, après cinq ans, à la fin des dites études, elle retournait à son village avec nous tous. La dernière fois, quand Parvati nous a vus à Almora, elle a jeté un coup d'oeil à Bholonath, s'est souvenu de son rêve et a décidé sur le champ de nous accompagner au Kailash. Mâ avait aussi demandé spécialement à Parvati de venir avec nous. Elle avait attendu un mois pour faire le voyage en notre compagnie. Quelle coïncidence surprenante dans l’enchaînement des choses ! Auparavant, elle n'avait pas parlé de la survenue de ce rêve, mais cette fois-ci, elle nous l’a raconté en entier. Lorsque Mâ a entendu cela, elle a souri et a dit : « Elle est venue étudier à Almora afin que son rêve se réalise ! ». Comme cette contrée est délicieuse !

 

Rencontres en cheminant

 

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 En route, nous avons rencontré un brahmane marié qui a demandé : « Où est Matajî ? » Quand on lui a montré la chaise à porteurs de Mâ, il est allé lui offrir à ses pieds des fleurs et des fruits et lui a fait son pranâm. Le soir même, il est revenu avec du lait et des légumes au bungalow. On lui a demandé : «  Comment saviez-vous que Mâtâjî venait  ? » Il a répliqué : « J'ai lu dans le journal que Mâ Anandamayî allait en pèlerinage au Kailash. Depuis ce jour, j'ai attendu son arrivée. Aujourd'hui, j'ai la bénédiction d'avoir le darshan des pieds de Mâ ! » Qui sait combien de fidèles en plus ont pu avoir cette expérience de cette manière ? Cela a pu être la raison pour laquelle Celle qui est pleine de compassion a quitté le Bengale et a été attirée par cette partie du pays. Maintenant, je peux observer que ces gens sentent que Mâ est comme des leurs, alors qu'ils la connaissent si peu, ils l'appellent « Dévi Bhagavatî », et croient en elle avec leur foi simple et solide. (p.3-5)

 

 

Lettre de Mâ à Brahmar Ghosh

 

Avec les commentaires de Swami Nirgunânanda

 

 

Nous parlons dans les nouvelles de la publication imminente sur internet anandamayi.net d’un petit livre recueillant 32 lettres de Mâ à une jeune fervente, Brahmpar Ghosh. Ceci est l’un des premiers documents que nous ayons des conseils

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précis que Mâ pouvait donner aux chercheurs spirituels dans les années 1933-1934, avec les commentaires de Swami Nirgunânanda

 

 

Lettre de Mâ retranscrite par Bhaiji

Dehra Dun, 9/11/1934

 

J’ai reçu ta lettre. Rien n’arrive avant que le temps ne soit venu. Ta lettre étant arrivée il y a quelques jours, la réponse part aujourd’hui.

 

Tu sais que je ne fais rien par ma propre volonté. J’agis comme Bhâga (Dieu) me fait agir. Même si je veux te voir je ne le peux. Pourquoi, ne le puis-je ? Tu comprendras ces mots lorsque tu seras plus mûre. Je sais combien tu m’aimes, combien tu es désireuse de me voir et de recevoir mes lettres. S’il te plait, dis-moi : peux-tu faire advenir et comprendre à chaque instant tout ce que tu veux ? S’il te plait, garde à l’esprit qu’il y a une force plus grande (Maha shakti) au dessus du pouvoir de la volonté (iccha shakti). Chacun est sous son contrôle (de Maha shakti). Pour ma part,  je suis toujours assise, la face tournée vers toi. Quant à toi, tu vois tellement de choses lorsque tu me fais face. Ce que tu vois avec une imperturbable dévotion (Nishta) et une vision unie, focalisée, cela seulement tu l’obtiendras. Ce n’est pas que tu l’ignores, mais tu es assise là, fâchée contre  moi. C’est pourquoi tu nies tout ceci.

 

 

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Tu me taquines toujours et je me sens bien avec cela. Je vois que tu ne sens pas d’attraction envers moi lorsque tu n’es pas en colère. Ainsi, si mes yeux se ferment automatiquement, c’est pour percevoir ton état d’esprit (bhava). Quand nous nous rencontrerons tout sera stabilisé. En se querellant à distance, tous les autres attachements seront déliés. Alors, lorsque nous nous rencontrerons en un seul attachement (centrées l’une sur l’autre) cela sera très doux (madhu). Qu’en dis-tu ? Peut être que tu te sentiras très fâchée mais je me sens très heureuse (anand).  Je ne reçois pas autant d’amour de ton bonheur mais j’en reçois de ta colère  Je vois qu’au moment où survient ta colère tous tes mots intérieurs ne visent personne d’autre que moi. Écris-moi de très longues lettres et ton esprit s’allègera comme s’il se diluait, alors tu verras qu’en toi il n’y a personne d’autre que toi et moi, conformément à ce que tu souhaites.

 

Que tu pratiques la méditation, la contemplation, le japa et la puja, continue ! En plus de compter le nombre (de mantra), chaque jour tu devrais répéter 3000 nama en utilisant un chapelet rudraksha. Cela signifie qu’en moyenne, en un mois, tu devrais répéter 100 000 nama. Rapporte un mala de Kalighat et fais le nouer par un brahmine qui pratique le rituel adéquat. Tu devrais essayer de garder le nama constamment dans ton esprit.

 

L’effort, la patience et la tolérance sont les forces vives de la sâdhana. Avec tout ceci, essaye de marcher sur le sentier vers ton but. C’est cela que je veux.

 

 

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Sache que la Grâce de Dieu porte chacun, de la même manière qu’une mère porte son enfant sur ses genoux.

 

 

Commentaires de Swami Nirgunânanda

 

 

Cette lettre est la plus longue que nous ayons dans la correspondance entre Mâ et BG. Ceci a son importance à d’autres points de vue également. Elle ouvre de nouvelles perspectives sur la psychologie intime d'un chercheur ainsi que sur la particularité de la relation guide-élève dans le domaine spirituel. Nous sommes déjà frappés de remarquer les mots avec lesquels Mâ s'adresse à BG. Cela s’écarte de l’usage dans toutes les autres lettres. Elle s'adresse à elle en tant que mère, Mâ. Naturellement, dans ce cas, on peut s'attendre à ce que l'expression finale soit quelque chose comme « ta petite fille ». Mais Mâ a signé simplement comme « mère ». C'était donc la lettre d'une mère a une autre mère. Le changement de relation est tout à fait soudain et abrupt. Est-ce que cela était destiné à contrôler le comportement de BG comme enfant gâtée en lui donnant un statut égal à celui de Mâ, afin que son ego indiscipliné ne se sente infériorisé d'aucune manière ?

     À la fois Bhaiji et Sharadâ dans leur correspondance ont accusé réception de la lettre de BG à Mâ. Celle-ci a pris beaucoup de temps pour y répondre. De peur que BG ne prenne cela comme un signe de négligence ou d’indifférence, Mâ a commencé sa réponse en présentant ses excuses pour le retard. Si nous regardons globalement la manière dont Mâ agissait

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avec les gens qui avaient la chance d'être en contact avec elle, ce n'est que rarement qu'elle donnait une quelconque explication ou excuse, à qui que ce soit, pour ce qu'on pourrait appeler ses comportements dans le monde. Ses actions n'étaient pas  déclenchées par une volonté ordinaire, ce qui n'est pas notre cas.

    Très souvent, Mâ disait : « Pas même une feuille d'arbre ne bouge sans la volonté de Dieu. »  Sa volonté, Son dessein et Ses créations ne sont pas successifs dans le temps, mais simultanés ; cela aussi est une différence d’avec notre fonctionnement. Notre concept de simultanéité dans le temps est relatif. Notre existence empirique est dans le temps seulement. Notre idée de transcendance du temps, étant dans le cadre du temps, n'est pas logique. Notre volonté et son accomplissement sont liés au temps. Mâ disait : « Rien n'arrive avant que le temps n’en soit venu. » On peut trouver qu’apparemment, dans cette lettre, Mâ donnait une excuse pour ce retard à répondre à BG. Elle en attribue la cause à la volonté de Dieu, et non pas à sa volonté en tant qu'individu. Ici, Mâ appelle Dieu 'Bhaga'. C'est une déformation du mot Bhagavân et peut sembler du patois, mais en fait, ce n'est pas le cas. On peut aussi être critique en disant que c'est là un usage peu éthique d’un surnom pour DIEU, alors que son Nom doit toujours être exprimé de façon convenable, avec amour et respect. Cependant, appeler ou mentionner une personne par son surnom, ou par la version brève de son nom, n'est pas inhabituel. Il n'y a pas lieu de prendre ce type d'usage comme un signe de manque de respect ou de pureté. Dans sa première période, en plusieurs occasions, Mâ utilisait ce terme à la place

 

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de Bhagavân. Cependant, un tel usage n’est jamais sorti de ses lèvres dans les années qui ont suivi.

       Mâ disait souvent : « Tous les noms sont Son nom ».

Le paragraphe suivant de la lettre commence ainsi : « Je ne dis rien de ma propre volonté » Ainsi, nous pouvons dire que, contrairement aux gens ordinaires, de telles déclarations n'étaient pas le résultat d'une action délibérée de la part de Mâ

      Il est possible que BG ait souhaité que Mâ vienne à Calcutta. Ici aussi, Mâ attribuait son incapacité à le faire à la volonté de Dieu.

    Dans la phrase suivante aussi, nous devons nous poser une autre question. Mâ dit : « Même si je désirais te voir, je ne peux y aller. » Cela signifie-t-il que Mâ avait quand même une volonté qui lui était propre ?

     Elle déclare : « Tu comprendras ces paroles quand tu seras plus mûre ».

     Un saint utilise le même langage et la même grammaire que nous quand il parle. Mais la signification intime de ce qu'il dit ne peux être saisie, la plupart du temps, par une personne même doublée de l'intelligence la plus fine, tant qu'elle n'a pas acquis la maturité spirituelle minima. En tant que telle, BG était une jeune femme hautement intelligente et mûre. Elle avait été la première à l'examen de maîtrise pour l'université de Calcutta et elle travaillait comme directrice des études d'un collège de filles réputé. Une telle maturité ne peut venir qu'à travers une pratique spirituelle sérieuse et ardente. Ici, Mâ suggérait indirectement l’intérêt pour BG d’une pratique spirituelle intense.

     Mâ reconnaît l'amour de BG à son égard. Mais cet amour allait de pair avec une attente de réciprocité, alors que celui de

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Mâ pour elle était sans condition. Elle souhaitait que BG ait une attitude plus rationnelle à son sujet. Ce côté raisonnable ne deviendra vraiment convaincant que quand il sera soutenu par une expérience de vie. Les attentes et l'imagination ne se réalisent pas toujours. L'individu peut forcer et la sincérité des actions ne mène pas toujours aux résultats attendus. Il y a une Energie qui gouverne et qui pénètre tout, Mahâ-Shaktî, c'est elle qui contrôle tout.

     Un aspirant doit accepter tout ce qui vient, mais ne pas s'attendre à ce que les choses soient comme il pense qu'elles doivent être. La Réalité ultime bénéficie d'une liberté absolue pour faire, défaire ou faire d’une façon différente. L'individu tel que nous le connaissons, en fait, est la représentation de Lui seulement, bien que limité par certaines conditions. Tant qu'on n'est pas complètement en accord avec Lui, on doit essayer de fondre sa volonté dans Sa Volonté. Après cette fusion, on devient convaincu de l’impermanence du monde et de ses réussites concrètes. En effet, celles-ci amènent la vie à osciller au hasard entre les joies et les chagrins. Pour que cette fusion prenne place, ce qui est nécessaire, c'est une dévotion imperturbable, une focalisation, ou une attention juste.

     Mâ cite un exemple pratique de la vie d'un homme ordinaire en général et de BG en particulier : elle  explique que lorsqu’elle et BG ont des interactions face à face, elle, Mâ, ne voit que BG, tandis que le mental de BG saute sur un grand nombre d'objets les uns après les autres, qu'ils soient matériels ou subtils, malgré le fait qu’elle soit physiquement face à Mâ.

      Dans un autre contexte, Mâ a dit une fois : « Même une feuille qui tombe d'un arbre laissera aussi une impression sur vous » C'est-à-dire que cet évènement minime va trouver

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sa place dans la mémoire. On peut ne pas l’avoir enregistré dans sa conscience immédiate des objets. Cependant, la remontée au hasard de souvenirs qu'on croyait ne pas avoir mémorisés sur l'écran de la conscience, peut tout à fait remplacer l'objet immédiat avec lequel le mental est engagé à ce moment particulier. Cela signifie que même en étant en présence de Mâ en personne, BG état incapable de profiter de la compagnie de Mâ consciemment et continûment. Étant une dame intelligente, on ne peut pas dire que BG n’ait pas pu comprendre cela.

      Il semble que dans sa lettre, tout en exprimant de l'amour et de l'anxiété pour Mâ, BG lui fait part de sa colère également.

      On n'est plus du tout raisonnable quand on est pris par la colère. Comme elle était remontée contre Mâ, elle refusait de reconnaître ce que celle-ci avait dit. De la réponse de Mâ, on voit bien que BG était d'humeur obstinée et querelleuse, et qu'elle avait dû sans doute essayer de La provoquer. La réaction de Mâ ici est tout à fait remarquable. Mépriser son guide sur des points banals sans aucune raison valable, voilà qui n'est pas convenable pour un aspirant. Celui-ci doit essayer de maîtriser de telles attitudes. Ici, nous voyons que Mâ n'est pas froissée par ces tentatives de BG de La provoquer, et Elle ne lui demande pas non plus de rectifier son comportement. Elle n'était pas du tout ennuyée. Cela ne signifiait pas quand même que Mâ ait négligé cette attitude ou l'avait pardonnée en considérant simplement que c'était une aberration minime dans le comportement de BG. Au contraire, Mâ semblait l’encourager à continuer avec cette attitude et a dit qu'elle se sentait bien avec cela. Un tel encouragement est tout nouveau dans ce qu'on connaît dans l'histoire spirituelle en général. Le

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désir, la colère, l'avidité, l'illusion de l'ego, sont considérés comme les grands ennemis intérieurs, ils sont la cause des souffrances et des chagrins. Sans même parler de chercheurs spirituels, même une personne dite du monde doit essayer de vaincre ces défauts pour avoir une vie qui s'écoule de façon harmonieuse. Un des shlokas de la Shrîmâd Bhagâvad Gîtâ dit ceci :

« L'association donne naissance au désir, du désir naît la colère, de la colère vient l'illusion, de l’illusion vient la perte de la mémoire, de la perte de la mémoire, la perte de l'intelligence et de la perte de cette intelligence de grands dangers surviennent. » (II, 62, 63)

     Un chercheur ardent doit toujours être vigilant pour ne pas tomber dans un stade ou un autre de la séquence ci-dessus. Toutes les Ecritures, les grands maîtres et les prophètes, quelle que soit leur appartenance religieuse, demandent à leurs fidèles d'être vigilants contre ces ennemis intérieurs.

      Ici, dans ce cas, nous trouvons une contradiction apparemment irréconciliable dans ce que dit Mâ : dans le second paragraphe de la lettre, Mâ a reconnu l'amour de BG pour elle. Ici, elle implique que l'amour de BG était accompagné d'attente de réciprocité. Mâ les acceptait, et pourtant BG n'était toujours pas satisfaite. Peut-être s'attendait-elle à profiter de l'amour de Mâ de façon exclusive, ou encore avait-elle pu penser qu'à cause de la distance physique, Mâ l’ignorait et elle n'avait pas la part qui lui revenait. Cette part était prise par ceux qui accompagnaient Mâ. Sa frustration a donné naissance à la colère. Elle souffrait d'un complexe d'amour-haine qu'elle s’était fabriquée elle-même. Mâ pouvait bien discerner cette oscillation mentale de BG. C’est commun

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chez l’être humain que les préoccupations mentales deviennent plus intenses contre l’objet de la colère, plutôt que contre un ami ou quelqu’un qui vous veut du bien. On n’est plus raisonnable quand on est pris par la colère et on perd la capacité de jugement équilibré. Cet état mental négatif est la cause de tous les chagrins et douleurs dans la vie. Au lieu de décourager ceci, Mâ a indiqué un côté positif de la colère qui peut être utilisé comme instrument dans la pratique spirituelle. Dans la colère, l'écran mental est entièrement possédé par l'objet de cette émotion. Dans un état d'humeur normale, tous les organes des sens importent leurs objets au hasard sur l'écran du mental, en le rendant agité. La fixation complète sur l'objet survient : soit dans un état d’amour intense, soit de colère extrême.

    Il est étonnant de voir que le changement d'état mental de BG, à des centaines de kilomètres de là, pouvait facilement être enregistré par Mâ. Un guide reste toujours attentif à son élève. Mâ disait : « La plupart du temps, mes yeux se ferment automatiquement pour voir votre état mental. »  C'est ce que faisait Mâ. Elle était vigilante pour guider BG en dépit de son comportement imprévisible. Dans la phrase suivante, Mâ dit que tous ces points de disputes seront arrangés quand elles se rencontreront en personne.

       Ensuite, Mâ indique et donne  l'explication la plus scientifique d’une psychologie comportementale de l'être humain habituel. Chaque rencontre conflictuelle entre deux personnes commence, quand on va à la racine des choses, avec un petit point de querelle particulier. Progressivement, les autres points, qu’ils soient en lien ou non, se gonflent en une succession rapide. Pendant le cours d'une dispute, les

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arguments et contre-arguments sur un sujet insignifiant, deviennent enflés de façon maladroite et donnent finalement à toute l'affaire une dimension énorme.

    Mâ disait : « En se disputant à distance, tous les autres attachements seront défaits. »

      L'amour de BG était accompagné d'autres attentes, tandis que celui de Mâ n'avait aucune condition. S'il y a des conditions, l'amour est amoindri. Quand ces conditions ne sont pas remplies, la colère prend le dessus sur l'amour. Ces conditions sont toujours fondées sur l'attachement envers des objets autres que l'objet d'amour. Le temps, la distance et l'absence physique ont un effet de décompression sur l'état mental du sujet. Là colère s'échappe, se vide, et peu à peu les autres attachements perdent leur prise sur le mental.

     De plus, quand l’une des deux personnes en dispute sait battre en retraite et ne répond pas au coup pour coup, la confrontation se délite automatiquement.

      Mâ parle de l'attachement unique. L'amour pour un objet se manifeste d'abord sous forme d'attachement. Plus nous interagissons avec les objets du monde, plus l'amour exclusif pour un objet unique se dilue. Le mental erre au hasard sur plusieurs objets d'attachement. Il se peut qu'ils n'aient aucun lien avec l'objet principal d'amour. Les autres objets changent avec le temps et les circonstances. Quand il y a réciprocité, le sujet devient objet et vice versa. Le sujet aussi change avec le temps. La constance entre deux variables qui changent au hasard est improbable. Pour avoir la constance, une des deux variables doit être permanente.

      Dans la relation entre Mâ et BG, les changements en BG à la fois comme sujet et objet sont tout à fait naturels et ses

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manifestations d'amour évoluent avec les changements dans l'espace et le temps de son l'existence dans le monde. Mâ, quant à elle, bénéficie de la liberté absolue de l'Existence qui n'est pas affectée par les variations dans l'espace temps. Elle disait souvent : « Ce corps est le même qu'il a été et qu'il sera ». Pour une intelligence ordinaire, cette déclaration peut apparemment être contradictoire.

      Dans ce contexte, la parole « ce corps » ne doit pas être pris comme synonyme soit du corps matériel, ni du corps subtil. Nous nous identifions avec ces deux types de corps. Contrairement à nous, quand Mâ parle de « ce corps » cela représente simplement son existence au-delà des qualités.

     Comme il a déjà été dit, dans les cas ordinaires, nous avons une relation d'amour limitée par des conditions. Elle change avec le temps et les circonstances. Nous pouvons dire que du point de vue de Mâ, son amour pour BG était constant tandis que du point de vue de BG, il y avait de nombreuses variables. Si au moins l'une des deux variables reste constante,  goûter à l'essence de l'amour devient possible.

     Mâ dit que quand elles se rencontreront, «  leur union sera très douce ».

     La phrase suivante de Mâ était une question, elle voulait savoir comment BG réagissait à tout cela. Elle savait très bien que BG était dans un tel état d'esprit qu'elle ne pouvait être très réceptive à quoi que ce soit que Mâ dirait. Cela pouvait inciter à déclencher encore plus de colère en elle.

    La colère est comme un virus contaminant ou le feu lui-même. D'abord, il se répand dans le sujet, et ensuite passe à l'objet en le rendant malade ou brûlé. À la fois sujet et objet en sont tout marris.

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Ici, nous observons le contraire. Mâ disait : «  Je ne retire pas autant d'amour de ton bonheur que je le fais de ta colère. » Ainsi la question se pose : « Est-ce que la colère est une manifestation de l'amour ? » La réponse est que ce n'est pas le cas pour l'amour dirigé vers un objet, mais certainement cela l’est pour l'amour dirigé vers soi ou le sujet. On peut dire qu'on est en colère parce que, à ce moment-là, on aime être en colère.

   En tant que tel, il peut sembler énigmatique que Mâ laisse BG être en colère contre Elle. Elle répond à cette énigme dans la phrase suivante en disant : « Je vois qu'au moment de ta colère, toutes tes paroles intérieures ne sont dirigées vers personne d'autre que moi. »

     La colère a toujours envie de trouver un canal d'expression. Si on la refoule délibérément, on peut transformer une personne en un volcan dormant mais imprévisible. Cela peut mener à des éruptions catastrophiques à la fois pour le sujet et l'objet de la colère. On doit donc baisser la pression de la colère pour s’en sortir d'une façon convenable.

    Mâ prescrivait un des antidotes effectifs contre la colère. Elle demandait à BG de lui écrire de longues lettres. Pendant qu'on écrit des lettres, on exprime la colère sur le papier et cela lui fournit un exutoire. L'objet de la colère occupe tout l'esprit. Ainsi, BG allait avoir une attention juste, en ce sens qu’elle allait être centrée sur Mâ seulement. De cette façon, sans le savoir, elle allait être en compagnie constante de Mâ par l'esprit.

     Dans certains de nos textes traditionnels, nous rencontrons de grands fidèles qui ont atteint le salut en se laissant aller à une animosité constante envers Dieu.

    

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Dans cette lettre, nous voyons Mâ dans son rôle non seulement comme une guide, mais aussi comme une psychanalyste professionnelle et une psychothérapeute efficace. Ensuite, comme un maître idéal, Mâ donne des instructions à BG de façon minutieuse pour ses pratiques spirituelles. Elle  lui demande de continuer avec ses rituels et son japa comme d'habitude. De plus, BG devait faire 3000 ou plus japa du Nom tous les jours sur le rosaire constitué de rudrâkshas en les comptabilisant (un rosaire contient 108 grains), afin qu'en moyenne elle puisse en faire un lakh, c'est-à-dire cent mille répétitions par mois. Le rosaire doit avoir des noeuds faits selon les règles rituelles, entre chaque grain. Les deux extrémités de fil doivent être nouées en les passant à travers le 109e grain qu'on appelle Marou. Il doit être consacré par un brahmine spécialiste du rituel avant d'être utilisé. Mâ donnait des instructions spirituelles très méticuleusement. De peur que BG ne s'excuse en disant qu'elle ne pouvait trouver le rosaire à Calcutta, Mâ lui mentionne l'endroit ou elle peut l'acquérir. Elle lui demande aussi de se souvenir du Nom même quand elle est impliquée dans d'autres travaux. À la fin, elle dit : « C'est ce que je désire ». Ici, nous avons de nouveau une certaine contradiction puisse qu’à d'autres moments, Mâ avait déclaré : « Ce corps n'a ni ‘souhaits ou non souhaits’ » [ ichhâ-anichhâ] Nous allons discuter de cette question dans nos commentaires de synthèse à la fin.

     Dans la dernière phrase, Mâ fait une remarque très importante en disant : « La grâce de Dieu soutient toujours chacun, exactement comme une mère tient son enfant sur les genoux »

    

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Un Être unique

Dr. Nalini Kanta Brahma, M.A., Ph. D.

 

 

Cet article est une contribution à un gros livre de souvenirs sur Mâ, appelé Smaranika, terme sanskrit qui signifie justement ‘souvenirs’. La traduction est de Jean E.LOUIS,, nous l’en remercions.

 

 

Une froide soirée de décembre de l’année 1924. Le Député Postmaster General de Dhaka, Rai Bahadur Pran Gopal Mukherji, m’avait accompagné jusqu’à Shahbagh pour assister à un darshan de Mère. Il avait bien sûr demandé l’approbation de l’époux de Mâ pour cette visite que nous lui rendions. Nous nous dirigeâmes donc directement vers la salle où Elle se trouvait. Elle était assise, seule et totalement absorbée dans sa méditation. Devant Elle, une lampe à la faible clarté était allumée. Je crois bien que c’était le seul objet qui se trouvait dans cette pièce. Le visage de Mère était entièrement masqué à notre vue, car Elle avait coutume de le voiler tout comme les jeunes filles de village nouvellement mariées. Nous étions là depuis une demi-heure environ, lorsque tout à coup le voile s’écarta et le visage de Mâ nous apparut dans tout son éclat et sa beauté. Puis Elle entonna des cantiques parsemés de nombreux mantras auxquels son étrange façon de prononcer les mots donnait une résonance merveilleuse qui emplissait la pièce tout entière. Le calme et la paix de cette froide nuit de

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décembre, le silence tranquille des jardins et par-dessus tout l’atmosphère sublime que la présence de Mâ générait, tout cela conférait à ces instants précieux une senteur de divine pureté tellement forte qu’elle en était presque tangible. Dès que Mâ cessa la récitation des cantiques et des mantras, son père, présent ce jour-là à Shahbag, entonna d’une voix particulièrement mélodieuse, des chants de Ramprasad. Rai Bahadur Mukherji fit alors remarquer que les doux chants du vieil homme devaient être une des raisons qui avaient contribué à la descendance de la Divine Mère. Aussi longtemps que nous restâmes dans la pièce où se trouvait Mâ, nous éprouvâmes l’indescriptible sentiment de nous élever spirituellement, de vivre des instants d’une intensité sans pareille et de connaître une sérénité au-delà de toute description. Nous quittâmes Shahbag tard dans la nuit, intimement convaincus que nous nous étions trouvés en présence d’un être supérieur et que rien n’aurait pu nous en faire douter un seul instant.

 

J’eus par la suite le grand bonheur de rencontrer Mâ durant l’été 1926, à Deoghar, où Elle s’était rendue sur l’invitation de Rai Bahadur Pran Gopal Mukherji. Elle passa une semaine en cet endroit. Sri Sri Balananda, qui à l’époque était encore parmi nous, avait coutume de converser matin et soir avec Elle, durant de longues heures. Ils s’entretenaient toujours de sujets traitant de spiritualité. Un namakirtana avait lieu dans l’ashram et Mâ entra dans un état de profond samadhi durant le kirtana. Un soir, après le samadhi, Mâ ébaucha joyeusement quelques pas de danse tout en entonnant ‘Hari Om’. Sa voix était tellement douce et mélodieuse que les personnes présentes la virent plus comme une Déesse ayant assumé la forme humaine

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que comme un être humain normal. Sri Sri Brahmachari Maharaj lui-même affirma qu’il avait remarqué que Ses pieds ne touchaient pas le sol et cela constituait à ses yeux la preuve définitive que Mâ était l’incarnation de la Mère Divine. Elle chanta Hari Om, Hari Om pendant une demi-heure, après quoi Elle demanda à Brahmachari Maharaji de la suivre jusqu’à la pièce qu’Elle occupait à l’étage supérieur du ‘Dhyana-Kutir’, puis Elle lui parla de choses profondes et importantes. Personne d’autre n’ayant été admis dans la pièce, nous ne pûmes qu’émettre des conjectures quant au thème de leur entretien. Sri Sri Brahmachari Maharaji était fortement impressionné par Mère. C’est sur la demande instante de celui-ci qu’Elle accepta de rester pendant une semaine au lieu des trois jours que son programme initial prévoyait. Bien que vingt-cinq années se soient écoulées, les Hari Om qu’Elle entonna ce jour-là semblent vibrer encore dans nos oreilles et l’effet qu’ils produisent est tellement merveilleux que même des jeunes gens agnostiques et des non croyants ressentent son influence au point que certains d’entre eux se sont mis à les chanter durant leur sommeil. A cette époque-là, Mère avait coutume, pendant une bonne partie de la journée, de s’élever par l’esprit dans un monde supérieur et lorsqu’il lui fallait répondre à certaines questions qu’on lui posait, on avait véritablement le sentiment qu’Elle descendait de ce monde d’en haut. Pendant plusieurs minutes Elle avait de grandes difficultés à prononcer ses mots et à bien articuler ses réponses. La lumière de son regard changeait chaque fois qu’Elle essayait de parler et l’on voyait sans le moindre doute qu’Elle s’efforçait de redescendre de cette dimension supérieure dans laquelle Elle se trouvait. Ce passage d’un niveau à un autre

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n’est plus perceptible aujourd’hui. Je dirais même qu’on a  maintenant le sentiment qu’Elle vit en permanence sur ce plan supérieur et que cet état de fait est devenu tellement naturel et spontané qu’Elle n’est plus obligée de couper le contact avec ce monde-là lorsqu’une tâche l’appelle au plan inférieur : Elle poursuit sa tâche simultanément sur les deux niveaux.

 

Le jour de mon départ, l’après-midi même où je devais quitter Deoghar, Mère m’accorda le privilège d’une entrevue privée. Je Lui demandai, lors de cette rencontre, ce que je pouvais faire pour progresser spirituellement. Elle répondit que ce que je faisais à l’accoutumée allait très bien et que je n’avais rien de plus à faire, même si Elle m’avait déjà conseillé d’agir. Mon regard dut trahir le doute que je ressentis car Mâ ajouta : « Très bien, je vais vous dire une chose toute simple. Ne vénérez pas l’image d’un être humain qui est encore en vie ». « Je n’ai jamais fait cela. Pourquoi l’aurais-je fait ? » répondis-je. « Parfait » dit-Elle.

 

Je La rencontrai quelque deux ans et demi après cette entrevue, chez le frère de son époux, à Calcutta. Je me souviens que deux ou trois missionnaires étaient venus lui rendre visite ce soir-là. Elle était donc occupée à s’entretenir avec ces personnes. Dès que je m’approchai, Elle me dit : « Ainsi vous ne vénérez le portrait d’aucun homme encore en vie, n’est-ce pas ? ». J’étais sidéré ! Durant cet intervalle de deux ans et demi je m’étais procuré l’agrandissement de la photographie d’un saint. Un saint qui était encore en vie ! Et j’avais placé cette  photographie dans la pièce où je pratiquais la puja. Et tous les jours je lui avais rendu hommage ! Elle n’attendit pas que je lui

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réponde. Elle me dit : « Eh bien, vous voyez, lorsque quelque chose doit arriver, ce quelque chose arrive et pas autre chose. »

 

On ne peut que s’incliner devant la personnalité extraordinaire de Mâ. On ne peut faire autrement qu’obéir à ses commandements. Elle n’est pas une personne qui se laisse convaincre par un ton ou des mots suppliants. Et Elle entend fermement que soit accompli ce qu’Elle considère comme devant être accompli. Lorsqu’Elle décide de faire une promenade en solitaire et qu’Elle demande à ses accompagnateurs les plus proches de demeurer en arrière, quelle que sévère et cruelle que puisse sembler cette injonction, elle doit être respectée sans aucune protestation. D’ailleurs personne n’a le courage de s’opposer aux décisions d’une aussi forte personnalité. Mère est si généreuse, si délicate, douce et gentille qu’il semble impossible qu’Elle puisse blesser la sensibilité de qui que ce soit. Mais Elle est en même temps si forte et résolue qu’Elle peut paraître plus dure que l’acier voire même cruelle et sans coeur. On peut dire de Mâ qu’Elle est « plus puissante que le tonnerre et plus douce que la fleur », plus gentille que les plus gentils, plus belle que les plus belles. Elle est plus impétueuse et plus terrible que la Mort, aussi chaleureuse, aussi douce que les rayons argentés de la lune, mais aussi rude que l’Implacabilité elle-même. Elle est affable et cependant cruelle. Ces caractéristiques apparemment contradictoires montrent à quel point Mâ transcende le commun des mortels. Sa beauté surpasse celle des êtres les plus beaux de cette terre et l’on dit d’Elle qu’Elle est la plus belle entre les plus belles. Elle se montre implacable lorsqu’Elle est contrainte d’affronter les forces diaboliques et ne descend à

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aucun compromis. Elle est d’une affabilité sans limite à l’endroit de tous ceux qui s’efforcent de toujours suivre le droit chemin et son amour infini englobe tous les êtres. Lorsqu’Elle parcourt des centaines de kilomètres pour rendre visite à une personne gravement malade ou pour consoler une mère qui vient de perdre son seul enfant, son visage est tout empreint d’amour et de compassion. Mais qui sait si son amour et sa compassion ne sont pas encore plus grands quand Elle ne cède pas aux supplications et qu’Elle semble cruelle ? Combattre les forces diaboliques est aussi un signe de compassion, car c’est l’unique voie menant au Royaume des Cieux, que nous avons perdue.

 

Les réponses de Mère aux questions qu’on lui pose sont si simples, si fortes, si vigoureuses, qu’elles ne peuvent pas ne pas toucher le coeur de ceux qui les entendent. Les réponses extraordinaires que cette femme presque illettrée propose à des problèmes d’ordre philosophique particulièrement ardus, sont le signe incontestable de la présence en Elle de la merveilleuse Lumière qui illumine chaque chose. Les activités incessantes auxquelles Elle se consacre sans trêve aucune, chaque jour de l’année, sont le signe indubitable qu’en Elle vibre la Vie universelle. L’affection maternelle qu’Elle prodigue à tous ceux qui viennent la voir, et qui pénètre chacun jusqu’au fond du coeur, n’est autre que la manifestation de l’Amour Absolu. Son attachement farouche à la Vérité, la spontanéité totale et la liberté dans chacune de ses actions, son adhésion infaillible à l’idéal qui est le sien, la vénération qu’Elle éprouve pour tout ce qui est élevé et sacré, son respect des coutumes et de la tradition, le mépris total des louanges ou des reproches sur le

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plan matériel, toutes ces particularités sont la preuve incontestable que Mère est un être unique, digne de notre amour et de notre adoration, de notre dévotion et de notre vénération.

 

 

 

 

 

 

Comment étais-tu Mâ ?

 

La 1ère ride vient d’un cri

La 2ème d’un pleur

La 3ème quand tu ris

La dernière quand tu meurs.

Comment étais-tu Mâ ?

 

Comment étais-tu Mâ quand tu avais 20 ans ?

Un être de blancheur, pureté et candeur

Qui savait soigner l’âme aussi bien que le cœur

Et dont l’Enseignement doublé de l’exigence

Distribuait tout l’AMOUR dont elle était l’essence !

 

Savoir fleurir

Savoir sourire

 

Comment étais-tu Mâ à la fin de ton temps ?

Les rides avaient creusé un sillon de bonheur

Faisant se refléter la ‘Lumière Intérieure’

Et point ne se voyait le fait d’avoir vieilli

Puisqu’en Elle le ‘SOI’ à TOUT s’était UNI.

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Savoir souffrir

Savoir vieillir

 

La 1ère ride : un cri

La 2ème ride : un pleur

La 3ème quand on rit

La dernière quand on meurt !

 

De Mahâjyoti

(Geneviève Koevoets)

 

 

 

Conscience en solitude

 

 

SEUL avec sa Conscience

Dans un moment d’Absence

Conscient de la Présence

Qui vous donne confiance…

 

SEUL avec son Ego

Qu’on cache, incognito,

On quitte la matière

Plongeant dans la lumière

 

Des livres des grands Maîtres

D’où on se sent renaître.

On emprunte un passage

Vers un grand lessivage…

 

 

Noumènes (subjectif)

Phénomènes (objectif)

Vers la Libération,

La Réalisation !

 

Moi, Je, Vous, Lui…Qui suis-je ?

L’apparence à vos yeux

D’un concept, d’un non-lieu,

D’un reflet, d’un prodige ?

 

Dans le Manifesté

Du Non-Manifesté

Il faut tout effacer

L’Absolu doit rester.

 

Il faut l’obéissance

En totale ‘vacance’

Il faut l’humilité

Il faut la vacuité

 

Et la Non-Dualité

Vivre dans l’Unité

Sortir de l’illusion

Et du jeu des passions.

 

L’individualité

La personnalité,

Vil asservissement,

Puéril fonctionnement.

 

 

Entité ridicule

Annihile ton ‘moi’ !

Petite particule

Reste unie dans le ‘Soi’…

 

Identification

Dans cette unicité.

Puis séparation

Dans cette dualité.

 

L’inertie, la matière,

Le bon et le méchant,

L’ombre et la lumière,

Ne seraient que néant ?

 

Seul reflet d’une image

Nous dit bien Maharaj…

Je ne suis que ‘cela’ !

L’Atma est au-delà…

 

Dans son Enseignement

Mâ Anandamayî,

Dans son Renoncement

Ramana Maharshi

 

Maîtres qui ont quitté

L’humble souffle de vie

Qui les a habités

Nous ont légué l’envie

 

 

D’aller au fond du coeur

De trouver l’ouverture

Bien que SEUL on demeure

Face à sa vraie nature…

 

SEUL avec sa Conscience

Dans les moments d’Absence

Proches de la Présence

De la ‘Non-Existence’…

 

 

Il faut garder confiance,

Et près du Samâdhi

Rejoindre en sa Conscience

Mâ Anandamayî…

                                

De Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) En un 15 Août désert, mais riche de lectures…

 

 

 

Nouvelles

 

- Les échos de la cérémonie d'inhumation du corps de Swami Vijayânanda au Père-Lachaise en fin avril sont arrivés par différents canaux jusqu'à Kankhal. Par exemple, Pushparaj qui était là-bas avec son épouse Padma pour effectuer la poujâ, selon le rituel hindou, a trouvé qu'il y avait une dévotion forte

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et sincère parmi les 150 personnes réunies. Il a dit qu'il ne trouvait pas autant de dévotion en Inde. D'autres fervents qui venaient de la lointaine province ont été frappés par le fait qu’il semblait que personne ne voulait quitter l'endroit une fois la cérémonie terminée. Certains sont restés pour méditer, alors que d'habitude, dans ce genre d'occasion, les gens se dispersent rapidement.

 

- Une Annonce :

L’inauguration du samâdhi de Swami Vijayânanda au Père Lachaise aura lieu le dimanche 3 octobre, à 15h. La pierre définitive a été posée, mais des aménagements sont encore en cours. Renseignez-vous auprès de Mahâjyoti,  koevoetsg@wanadoo.fr  et dites-lui à combien vous viendrez. On distribuera de l'eau du lac Mansarovar qu’Izou de Cassan et Pushparaj ont prise là-bas début juillet, en allant immerger quelques articles qui avaient appartenu à Vijayânanda. Pensez à apporter vos petits flacons.

 

La sépulture est située :

-         division 41,

-         ligne 14/40

-         numéro 12/42

C’est-à-dire près de l’angle de l’avenue Transversale n°2 et de l’avenue Greffulhe sur le plan  (site : mairie de paris.fr)

Accès au cimetière :

Métro : stations Philippe Auguste (côté entrée principale) ou Gambetta (côté entrée nord)

Bus : 61, 69 (côté entrée principale) ou 26, 60, 61, 69, 102 (côté entrée nord)

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- Swami Nirgunânanda va retourner en France invité par ‘Terre du Ciel’.  Il interviendra au grand congrès d'Aix-les-Bains, qui rassemble d'habitude plus d'un millier de personnes les 6, 7 et 8 novembre, et le thème sera « la vraie liberté ». Dans le même mouvement, il animera une session dans le centre de Terre du Ciel à Chardenoux les 10, 11, et 12 novembre. infos@terre-du-ciel.fr et site www.terre-du-ciel.fr  03 85 60 40 30

- Swami Nirgunânanda a terminé récemment un petit livre de traductions et commentaires des lettres de Mâ à Brahmar Ghosh. Il s’agit d’une jeune femme brillante qui était partagée entre la vie dans le monde et l’engagement auprès de Mâ. On y découvre de bons éclairages sur la psychologie spirituelle de celle-ci. Ces lettres ont été retrouvées par hasard dans les vieux papiers de l’ashram de Patal Devi à Almora, par Swami Nirgunânanda. Jacques Vigne et Paul Neeffs ont traduit la version anglaise en français, on trouvera très bientôt les deux versions, plus de belles photos de Mâ et le fac-simile des lettres originales en bengali sur le site de Paul, sur Mâ : www.anandamayi.net. Nous avons mis quelques extraits dans ce présent numéro du ‘Jay Mâ’.

 

- Vigyânânand (Jacques Vigne) organise un pèlerinage au Kailash du 13 mai au 8 juin 2011, avec un avion Kathmandou-Lhassa et visite de la ville. L'aller sera par le côté nord de la vallée du Brahmapoutr ; le retour par le côté sud et le col routier de Kandari qui passe la frontière à cinq heures de route de Kathmandou. On prendra le temps avant le départ de visiter la vallée de Kathmandou qui est très riche en monuments hindous et bouddhistes fort intéressants. Le groupe est déjà pratiquement plein avec une trentaine de personnes, mais il est

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possible que ce pèlerinage soit repris en mai 2012. Renseignements www.teerth.org et Anne Hérault 01 48 06 17 29.

 

- Nous vous rappelons qu’un nouveau livre d'enseignement de Mâ est paru aux éditions du Relié, Retrouver la joie. Il n'y avait que le livre d'Albin-Michel et aussi Vie en jeu publié par Accarias, dans le secteur d'anthologie de textes de Mâ. Celui-ci donc, à sa place, il a été préparé par Patrick Mandala qui vit entre la France et l'Inde et a fréquenté Mâ avec son épouse entre 1970 et 1982.

 

 

 

Renouvellement des abonnements

 

Le renouvellement vous sera demandé dans le prochain numéro de Décembre, pour la nouvelle période d’abonnement de deux ans, qui ira de Mars 2011 à Mars 2013. Donc, pour l'instant, il n'y a rien à faire…Mahâjyoti qui s’occupe bénévolement de l’édition et des envois du ‘Jay Mâ’ vous donnera les instructions.

 

 

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Table des matières

 

Paroles de Mâ : le Gourou                                                  p.1    

Vijayânanda : le maître spirituel caché derrière le gentil

grand-père, par Nicolas Gailledrat                                   p. 9

Pèlerinage au Mont Kailash, de Gurprya Didi                  p.16

Lettres à Brahmar Ghosh

Commentaires de Swami Nirgunânanda                           p.21                                                               

Mâ, Un être unique,  par Nalini Kanta Brahma                p.35

2 Poèmes  de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) :               

- Comment étais-tu, Mâ ?                                                   p.41

- Conscience en solitude                                                     p.42

Nouvelles                                                                            p.45

Renouvellement des abonnements                                      p.48

Table des matières                                                               p.49

 

 

 

 

 

 

 

Jay Ma N° 99   -   Hiver 2010-2011

 

 

JOYEUX NOEL

 

Paroles de Mâ

 

 

Ame, Soi, Béatitude, Nectar

 

(Extraits de ‘Les Enseignements de Mâ Anandamayî’, chapitre 3)

 

 

 

 Comme le jeu est beau dans le royaume de Dieu. Soi – il n’y a qu’un seul Soi. Même là, « toi », « tien », « mien » sont présents. Si vous désirez encore dire « mien », « tien », devenez l’éternel serviteur de Dieu. Dans le contexte du monde de la famille, vous avez continué, pendant de multiples vies, à dire « moi, mien ». Je suis l’Immortel Soi – Atma. Il n’existe qu’un seul Brahman, il n’y en a pas d’autre – (chaque chose) Lui appartient. Si « mien et tien » sont encore là, reportez-les sur Dieu.

 

 

 

De par sa véritable nature, le Soi de chaque individu désire la béatitude. C’est parce que cette béatitude est présente en Lui-même qu’Il peut la demander. Autrement Il ne le ferait pas. Il ne peut pas le faire sans le demander. En fait, l’ardent désir d’obtenir le bonheur et la paix, habite tous les êtres vivants. Les créatures les plus simples elles-mêmes, les insectes, les araignées, évitent les sources de forte chaleur. Elles aussi désirent la paix, la sécurité, le repos. Les créatures qui souffrent sous le soleil brûlant recherchent vivement l’ombre et l’eau fraîche. Tout comme l’homme qui, affligé par la triple souffrance (adhibautik, générale, adhidaivik, catastrophes naturelles, adhyâtmik, psychologique et spirituelle) cherche Dieu, havre de paix et source de bonheur.

 

 

 

C’est Lui – c’est moi, l’indépendant, dans Sa vraie manifestation, qui va et qui vient. Il est indispensable d’être établi dans cette connaissance du Soi. C’est vraiment vous, vous, vous. Vous seul êtes dans toute chose, vous-même êtes cela. C’est seulement Lui, c’est seulement moi, le Un sans limites.

 

 

 

Que ce soit sous forme du serviteur ou sous forme du Soi, efforcez-vous d’atteindre votre Soi. Vous êtes immortels – contenus dans votre propre Soi– alors pourquoi souffrir dans les naissances et dans les morts ? Soyez dans votre Soi.

 

 

 

                                                                                                        (Traduit par Jean E.Louis)

 

 

 

 

 

 

 

Mâ, un être incomparable

 

Tiré d’un livre de souvenirs sur Mâ ‘Smaranika’

Govinda Gopal Mukhopadhyaya

 

 

 

 

 

L’année 1924 suivait son cours. J’étais un jeune garçon tout juste âgé de six ans lorsque mon père, qui était en poste à Dakha en tant que Deputy Post Master General, rencontra par hasard Mâ Anandamayî. À l’époque Elle était simplement Nirmala Sundari Devi, l’épouse de Ramani Mohan Chakravarti qui occupait le poste de Superintendant des Jardins de Nawab, connus également sous le nom de Shahbagh. C’était une femme d’intérieur qui portait toujours le voile. Elle ne fixait pas les personnes et n’adressait jamais la parole à qui que ce fût. Mais moi j’étais un enfant et j’eus droit à l’insigne privilège de m’asseoir sur ses genoux et de contempler son visage d’une extraordinaire beauté et son sourire tout aussi extraordinaire. C’est pour cela que depuis le jour où je la vis pour la première fois jusqu’au dernier jour de sa vie, Elle fut pour moi l’image même de la mère parfaite, avec son exquise beauté et l’incomparable tendresse de son coeur.

 

 

 

Après cette période de son existence où Elle vécut masquée par un voile et confinée entre les quatre murs de la demeure conjugale, il y eut la période qui débuta le jour où cette Céleste Majesté apparut à l’air libre, débarrassée de son voile. Tout cela appartient désormais à l’histoire. Mais lorsque j’étais enfant et même par la suite en grandissant, je ne savais en fait que très peu de choses sur la divine grandeur de Mère, en dépit de tout ce que j’entendais dire d’Elle et de ce que l’on pouvait lire ici ou là à son sujet. J’étais tout simplement ébloui par sa beauté de mère et l’enfant affectueux que j’étais s’accrochait fermement à Elle. Elle me caressait les cheveux et me coiffait, Elle me donnait mille et une  gourmandises. Ou alors Elle m’asseyait à ses côtés lorsqu’Elle prenait quelque nourriture. Parfois Elle plaçait son propre oreiller sous ma tête pour que je me repose...C’était là quelques-uns des petits gestes de la vie de tous les jours qu’Elle avait pour moi. Elle représentait alors à mes yeux l’image de la mère idéale qui veut le bonheur et le bien-être de son enfant. Et il en allait de même pour une foule d’autres enfants qui s’agglutinaient sans cesse autour d’Elle et pour lesquels Elle avait toutes sortes d’attentions.

 

 

 

Fidèle au nom que ses disciples lui ont donné, Mère Anandamayî est venue en ce monde uniquement pour partager avec ses enfants la divine béatitude qui est enfouie au plus profond du coeur de tous les êtres humains. Dans une lettre écrite de sa propre main et adressée à mon père bien-aimé, Elle lui fit part de quelques-unes des expériences marquantes qu’Elle avait vécues un certain temps auparavant et qu’Elle ne pouvait pas, à ce moment-là, lui communiquer verbalement. Elle exprimait en termes poignants l’angoisse profonde qu’était la sienne pour l’humanité souffrante et ce qu’Elle éprouvait en invitant tous les hommes à partager son expérience de la divine extase et de l’éternelle bénédiction. Tout le bonheur du monde que l’on peut souhaiter obtenir par la richesse ou le confort matériel, par les honneurs ou la célébrité, tout cela est totalement insignifiant comparé à la béatitude extatique que l’on peut connaître en prononçant le nom du Divin. Son coeur hurlait à ses êtres souffrants qu’Elle considérait comme ses enfants, de partager ce nectar immortel qu’Elle-même avait goûté et dont Elle savait qu’il était la seule et unique chose authentique et éternelle dans ce monde éphémère.

 

 

 

Je pense que cette pulsion suprême qui l’incitait à exhorter les gens à se tourner vers la bénédiction divine, finit par la décider à se débarrasser du voile et à quitter les quatre murs où Elle était confinée. Désormais sans demeure fixe, Elle se mit à errer et parcourut le pays de long en large. Elle rencontra des gens de tous les milieux, de toutes les classes sociales, de Gandhi, Nehru et Netaji aux gens les plus ordinaires, des plus grands saints aux pécheurs les plus humbles et à toutes ces personnes Elle communiqua ce message suprême et unique : « Ne parlez que de Hari, le Divin, c’est la seule chose qui importe. Tout le reste est inutile, tout le reste est cause de souffrance. »

 

 

 

Un jour Elle me raconta, avec son humour habituel entrecoupé de francs éclats de rire, une des expériences qu’Elle vécut au cours d’un voyage en train. Ses disciples l’avaient installée dans une voiture de première classe où, comme d’habitude, des personnes d’aspect plutôt cossu avaient également pris place. Lorsque ces voyageurs apprirent la présence de Mère Anandamayî dans le wagon qu’ils occupaient, ils s’empressèrent d’aller la voir, l’un après l’autre, pour lui présenter leurs respects et recevoir sa bénédiction. À un certain moment Mâ se tourna vers eux et, joignant les mains, leur adressa d’un ton de circonstance ces quelques mots : « La jeune fille que je suis, votre jeune enfant, désire vous demander quelque chose. Aurez-vous la gentillesse d’exaucer ma demande ? » En entendant cela, me dit-Elle, quelques personnes s’éclipsèrent furtivement, d’autres se mirent à chercher leur portefeuille, tandis que certains mettaient déjà la main à la poche, persuadés qu’ils étaient, que Mère allait leur demander de l’argent, une donation pour son ashram ou pour quelque autre usage. Deux ou trois de ces voyageurs recouvrèrent leur assurance et lui demandèrent de préciser ce qu’Elle attendait de leur part. Elle leur demanda alors combien de temps ils consacraient quotidiennement à leur profession, ou aux affaires, aux occupations qui étaient les leurs. Ce à quoi ils répondirent qu’ils consacraient habituellement entre sept et dix heures par jour, et parfois davantage, à leurs métiers respectifs. Elle leur dit alors : « Puis-je demander à chacun de vous de me faire l’aumône ne serait-ce que d’une petite demi-heure par jour, voire même  quinze minutes seulement et de me promettre gentiment que vous consacrerez ce temps-là au Seigneur, exclusivement au Seigneur et que vous ferez en sorte que rien ni personne ne vous dérange durant ce court laps de temps ? Est-ce trop vous demander ? »

 

 

 

C’était là sa façon, toute personnelle, de persuader ceux qui entraient en contact avec Elle de se tourner vers le Divin. Cette véritable tendresse de mère qu’était la sienne avait conscience du tourment dont tous ses enfants souffraient, alors Elle voulait les nourrir, les soutenir moralement au moyen de cette divine ambroisie qui est le seul et unique remède, la suprême panacée pour tous les maux de ce monde.

 

 

 

Dans mon esprit, Mâ était la plus authentique de toutes les mères, car Elle avait  mille et une attentions pour chacun de ses enfants. Mais Elle ne se contentait pas  de veiller à ce qu’ils jouissent de tout le bien-être possible. Elle s’intéressait également à leurs faits et gestes, se préoccupant surtout de savoir qui s’éloignait du Seigneur et qui se rapprochait de Lui. C’est à cela, en vérité, qu’Elle a consacré toute sa vie.

 

 

 

Quels qu’aient été les rôles qu’Elle a joués dans la vie, Elle les a joués à la perfection, faisant toujours en sorte qu’ils représentent un exemple à suivre pour les autres. Le jour où mon père bien-aimé fit sa connaissance, il fut très impressionné par la véritable dévotion qu’Elle marquait à son époux et la totale obéissance qu’Elle lui manifestait. Elle ne répondait à aucune question posée par un étranger sans le consentement de son mari, ni ne faisait jamais le moindre pas, lorsqu’ils étaient en quelque endroit, qu’Elle ne fut précédée par celui-ci. Et cela provoquait parfois une certaine contrariété parmi ses disciples qui considéraient qu’étant la Mère Divine, Elle était en mesure de prendre ses décisions toute seule sans faire acte de soumission à l’égard de qui que ce soit, qu’il s’agisse de son époux ou de n’importe qui d’autre. Mais Elle avait choisi d’être une épouse parfaite et soumise, de toujours marcher sur les pas de son mari, d’obéir à tous ses ordres même si, parfois, ils pouvaient lui paraître futiles ou arbitraires.

 

 

 

La vie de Mâ Anandamayî est une véritable leçon d’humilité pour nous tous. Elle se désignait Elle-même comme « la petite fille » et n’imposait jamais à personne cette grandeur que nous lui connaissons, ni ne prenait en aucun cas un air de supériorité. On apprenait en l’écoutant comment rendre hommage aux saints et aux érudits et comment honorer les personnes au coeur noble et à l’intelligence subtile. Dans une des lettres qu’Elle écrivit à mon père par l’entremise de son mari, elle faisait part de certaines de ses inestimables recommandations à l’adresse des chercheurs dans la spiritualité. Elle disait :

 

 

 

« Ceux qui s’efforcent un tant soit peu d’aller vers le Divin ne doivent jamais se livrer à des réprimandes ou à des blâmes à l’égard des autres. De même qu’ils ne doivent pas porter de jugement sur telle ou telle personne, qu’elle soit vertueuse ou immorale, ni même formuler mentalement une opinion sur qui que ce soit. Ceux qui se laissent aller à juger font preuve de présomption et s’écartent du chemin qui mène au Divin. Lorsqu’une personne est prise du désir de juger de ce qui est bien ou de ce qui est mal chez l’un ou l’autre, qu’elle songe à examiner attentivement le bien et le mal qu’elle-même porte en elle à cet instant-là. »

 

 

 

C’est de cette façon et de mille autres encore, qu’Elle s’efforçait, telle une vraie mère, de ramener sur la juste voie ceux de ses enfants qui s’étaient égarés. Mais combien d’entre nous se soucient de tenir compte des conseils qu’Elle a prodigués, combien d’entre nous ont suivi la voie qu’Elle avait si souvent indiquée ? Et nous avons cependant le sentiment de lui manifester notre respect et de lui rendre l’hommage que nous lui devons, en édifiant un mémorial ou un temple en son honneur, ou en entonnant quelques maigres mots pour chanter ses louanges. Le seul vrai mémorial digne de son amour merveilleux de mère et de sa grâce sans pareille, ne peut être que dans l’accomplissement, de notre part, de ce qu’Elle espérait et attendait de nous tous : que nous devenions les enfants qu’Elle aurait aimé que nous devenions : simples dans leur foi, sincères dans leurs desseins, purs et sereins dans leurs pensées.

 

 

 

Puissions-nous nous élever par sa grâce et être à la hauteur de ce qu’Elle attendait de nous !

 

 

°°°°°°°°°°°°°°

 

 La relation entre le Gourou et le disciple (sisya) est digne d’être considérée comme éternelle lorsque le Gourou est investi du pouvoir divin et qu’il peut communiquer ce pouvoir au disciple au moment de son initiation. Ce pouvoir étant éternel, la relation qui s’établit alors entre le Gourou et son disciple devient, elle aussi, éternelle.

 Sri Sri Mâ Anandamayî

 

 (Traduit par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

Méditation sur l’enseignement de Mâ

 

Par Edith Boutherin

 

Août – Novembre 2010

Edith Boutherin est venue plusieurs fois à Kankhal rencontrer Vijayânanda. Elle travaille dans les ambassades de France à l’étranger, et grâce à cela, elle a découvert et fréquenté beaucoup de pays et de cultures. Elle a eu l’intuition de ‘ré-exprimer’ des idées-forces de Mâ comme cela lui venait de l’intérieur, et nous offrons ci-dessous au lecteur ces sortes de résumés de ce que Mâ disait en substance.

 

 Rechercher le bonheur en dehors de moi (le Divin) est un leurre.

 

 Il est partout mais plus facile à percevoir dans la beauté, celle de la nature par exemple.

 

 Sur la façon de réciter le mantra : avec légèreté (à l’opposé de mécaniquement), avec la même confiance que celle de l’enfant qui tient la main de sa mère  (idée d’abandon absolu).

 

 Mâ dit en substance : « Je vous prends par la main comme une mère son enfant. Laissez-vous guider.  Quelle est la caractéristique de l’enfant ? Il s’abandonne avec confiance, sans questionnement. Avec moi, vous vous éloignerez des plaisirs éphémères pour un bonheur plus absolu. Vous connaîtrez alors la sérénité ».

 

 Ne fabriquez pas la méditation : il suffit d’avoir une attitude d’abandon et de recevoir mon amour. C’est la forme de méditation la plus élevée et la plus puissante…  De la même façon que vous rechargez vos portables, connectez-vous à mon amour chaque jour. C’est l’amour divin qui transforme tout : énergies, émotions, aspirations …

 

 Si vous me gardez dans le cœur, la dualité cesse, la vie devient plus aisée.

 

Si vous avez l’Amour, vous êtes intouchable. Même en cas d’attaque, vous ne ressentirez pas cela comme une attaque (idée d’invincibilité).

 

 Chaque action accomplie en la Présence est une Sadhana.  Quoique vous fassiez n’a vraiment d’importance que si vous êtes en compagnie du Divin.

 

 Peu importe que vous m’évoquiez ou que vous évoquiez un grand Saint, c’est l’Unité.

 

 Jeter de la nourriture est le non respect d’un cadeau du Divin.

 

 Acceptez les cadeaux que l’Univers, par le biais des autres, vous offre, sans vous sentir redevables.

 

 

 

 

Le son de la vie :

 

« Silence »

 

 

Est-il possible de répondre à l’appel de la vie sans silence ?

 

 La demeure de vérité et de pure conscience

 

qui est infinie, sans dualité,

 

dénuée de tout objet de perception, sans maladie,

 

immaculée, non duelle et propice,

 

je suis toujours cela.

 

Dans ce silence, je prends refuge.

 

(Lumière sur son propre soi de Sri Shankaracharya.)

 

 

 

Le silence ne se déploie pas qu’en sa propre sémantique : silence extérieur, sensuel… etc… Il s’élance aussi vers l’éblouissante ‘Immanence-Transcendance’, sens spirituel. Le champ est immense, infini. Nous parlons ici de celui-ci. Nous parlons de ce lieu vital tapi en nous sous le mental, sous l’effervescence phénoménale, mondaine, au milieu de la mouvance des phénomènes et dans les cieux.

 

« Le silence permet de suivre l’éternité à la trace et de la rencontrer. »

 

(Marie Madeleine Davy)

 

 

 

Cet endroit, à la fois volubile et muet, ne se renferme pas en son secret : point d’écran, de mutisme. Il ne se renferme pas en lui-même : pas de tour d’ivoire, d’égoïsme. Miroir de l’absolu, il ne peut vendre son âme aux sens mais il ne peut non plus vivre en reclus dans un refus. Le silence ouvre le cœur du son originel, libère son expression, celle de La pure conscience.

 

Seul ce mystère blotti derrière les murailles superficielles, broussailles ennemies, épines acérées de nos ennuis, nos peurs, nos nuits, seul ce silence perçu par un sens nu, dévoilé, où irréel et réel sont unifiés, donne la vie. Il s’agit du son créateur de l’univers. Il ne peut tarir, il ne peut trahir son premier cri, la vibration première, à la fois voix et voie de l’infini. Plus éloquent que l’éloquence même, le silence inspire, collabore à la vie, protège le monde.

 

« S’il n’existait pas des hommes voués au silence, les séismes issus des bavardages, des pensées et des paroles bouleverseraient l’univers, sortes de laves volcaniques incandescentes anéantissant tout sur leur passage."

 

(Marie-Madeleine Davy)

 

 

 

S’il n’est pas possible de répondre à l’appel de la vie sans silence, il n’est pas non plus possible d’y répondre sans un élan préalable vers la simplicité, le dépouillement, sans connivence entre être et pure conscience. Cela va de pair. Comment saisir le grand mystère enrobé d’un fatras de choses ? En un mot, est-il possible d’être en vie encombré d’un amas d’envies, assourdi par le bruit de nos gourmandises ? Non.

 

Non, disions-nous, nous ne pouvons prêter nos sens. Nous ne pouvons percevoir par les pores d’un autre. Entendons par ‘autre’ l’extérieur de soi, le nuage sur la lumière, l’écorce sur le fruit… l’avoir… les fantasmes… les songes… et cetera… Nous avons nommé ‘ce qui n’est pas’. Ce serait tenter de déguster la vie par les ‘papilles’ du mensonge, c’est à dire coupé de la vie elle-même, ce serait tenter de vivre par les ‘papilles' de l’ombre, de l’errance. En ces ornières peut-on ‘exister’ ? Peut-on ‘exister’ ainsi déguisé, en pratiquant la vie buissonnière, en fuyant la lumière ?

 

La mort de soi est la seule voie qui mène au silence.

 

 

 

Homologue du silence : l’art.

 

« L’art révèle l’être qui le crée. »

 

(Klee)

 

 L’art sacré ou profane est un autoportrait divin, un autoportrait de la pure conscience. Il ne doit rien à l’humain. Il perdure lorsque le support sensoriel se retranche.

 

L’artiste est, non seulement, choisi mais mû. Il s’agit d’une prise en main divine et non d’une main mise sur ceci… sur cela…. L’art est au-delà du joli, des voilà un tel, des voici une telle, des ‘simagrées’ de la renommée, des attributs pédants, des attributs payants…

 

« L’artiste permet de rendre perceptible un instant de beauté éternelle. L’artiste fait l’articulation entre la beauté divine qu’il a en lui et la rend perceptible. Percevoir cette beauté qui est en lui, mais qu’il ne peut percevoir qu’en l’exprimant le rend heureux. »

 

(Swamiji Nirgunananda.)

 

 

 

On ne peut non plus répondre à l’art enrobé de mille choses. Pour accéder au nectar d’une œuvre, il convient de nous rapprocher de notre propre nectar en élaguant nos différents corps, en larguant nos records. On se présente appauvri, nu, au pied de l’infini et non du sommet de nos attitudes, revêtu de valeurs, de certitudes…

 

Comprendre l’esprit d’une œuvre est une forme de déshabillage qui dévoile le centre de nous-mêmes. Autrement dit, saisir l’esprit d’une œuvre est un raccourci, celui du pèlerinage qui conduit au silence.

 

« Amar pantha, amar âtmâ, svayam. »

 

(Recueilli et commenté par Jacqueline Pleyers)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Poème : « Ode au Silence »

 

Par Mahâjyoti

 

 

 

Quand  la vie te secoue

 

Quand les gens te bafouent

 

Quand tu rentres peiné

 

Te sens abandonné

 

Comme une jouissance

 

Il est là le SILENCE

 

 

 

Lorsqu’un peu tu bascules

 

Et te sens ridicule

 

Quand tu cries dans le vide

 

Et crois perdre ton guide

 

Suis ton itinéraire

 

Et apprends à te taire.

 

 

 

Ta voix vient à manquer

 

Tu ne peux plus ‘râler’

 

Tu vas ouvrir la cage

 

Et faire bon usage

 

De la ‘petite voix’

 

Qui est au fond de toi.

 

 

 

O restructuration

 

Des pensées qui s’emmêlent

 

Vraie cohabitation

 

Pour des idées ‘nouvelles’

 

SILENCE ô guérisseur

 

Des conflits intérieurs !

 

Tu envoies la détente

 

Tu chasses la pression

 

La musique est présente

 

Sans en avoir le son.

 

On plonge dans le bain

 

De l’inertie soudain !

 

 

 

En coupant toute écoute

 

De tes bruits, de tes pleurs

 

C’est alors que tu goûtes

 

Ton ‘Ecoute Intérieure’.

 

Celle que Mâ proclame

 

Pour le bien de ton âme.

 

 

 

Reprends donc à la main

 

Le bâton de pèlerin

 

Du petit ‘cheminant’

 

Qui avance en rampant.

 

Adopte le SILENCE

 

Comme un bain de jouvence !

 

 

 

SILENCE ô Energie

 

Après le bain, l’humour

 

Tu redonnes la Vie

 

Tu redonnes l’Amour !

 

Puis c’est la volupté

 

Du calme retrouvé.

 

 

 

Savoureux à goûter

 

C’est presque aussi sucré

 

Qu’un bonbon à sucer

 

Qui va régénérer

 

L’onde perturbatrice

 

Chargée de cicatrices !

 

 

 

Mâ riait des malices !

 

Travaille aux flancs l’Ego

 

Reviens sans artifices

 

Et reprends ton credo.

 

Puis fais que le son AUM

 

S’étende comme  un baume.

 

 

 

Tu retrouves tes sens

 

Lumière, béatitude,

 

Amies de solitude.

 

C’est vrai que le SILENCE

 

Si l’Ego se calfeutre

 

Est LE Grand Thérapeute !

 

(Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)

 

                      

 

 

 

EN ASSOCIATION AVEC

 

SRI SRI MÂ ANANDAMAYÎ

 

Amulya Kumar Datta Gupta

 

Volume II

 

 Décembre 1936. Les fêtes de Noël approchent. Amulya Kumar Datta Gupta a projeté d’emmener son épouse et ses filles en vacances. Mâ, quant à Elle, doit se rendre à Navadweep, mais la date et la durée de son déplacement n’étant pas bien définies, Datta Gupta hésitant, renonce à l’idée d’aller la retrouver avec sa famille, sur les lieux de son séjour. Peu de temps après cette décision, il reçoit une missive de Jatin Babu lui annonçant que Mâ resterait à Navadweep jusqu’à la fin de la première semaine de janvier. Tout excité par cette nouvelle, Datta Gupta revient sur sa décision et choisit d’aller passer ses vacances avec sa famille à Navadweep. Ils entreprennent le voyage le jour suivant et arrivent le surlendemain en gare de Novadweep.

 

 

Page 2

 

Nous embarquâmes à bord d’un petit bateau pour traverser la rivière et nous nous dirigeâmes vers le dharmashala du Maharadja de Hetampur. Un groupe de nos amis était déjà arrivé au dharmashala. Je les reconnus de loin. Aussitôt mon coeur bondit de joie. Une fois à terre, j’aperçus Mâ qui sortait de sa chambre et qui alla se laver le visage. Elle était accompagnée de Buni, la fille de Jatish Babu, qui la secondait.

 

Lorsque nous pénétrâmes dans le dharmashala, je rencontrai Jatin Babu et Radhica Babu. Cette dernière nous dit : « Mâ vous a aperçus de loin, alors Elle est sortie de sa chambre et Elle a dit : ‘On dirait Amulya Babu, vous ne trouvez pas ?’ Mais moi je ne vous avais pas reconnu. » Quant à moi, j’étais resté immobile sur les marches de l’escalier, tandis que Mâ se lavait le visage. Lorsqu’Elle se redressa, nous lui présentâmes nos hommages. Elle nous dit alors : « J’étais juste en train de me demander si Babaji allait passer de bonnes vacances. » Je répondis, en moi-même : « Mâ je suis là uniquement parce que vous avez pensé à moi. » Mâ ajouta : « Vous avez quitté Dakha hier, à midi. Vous pouvez considérer que votre voyage continue car nous avons prévu de prendre un bateau maintenant même. » Je pensai : « Qu’il en soit ainsi ».

 

 

 

Triguna Babu et Prankumar Babu sortirent avant les autres pour aller louer des bateaux. Quant à moi, je me rendis au puits du dharmashala et je me lavai le visage et les cheveux. Puis je retournai près de Mâ.

 

 

 

Mâ me posa la même question qu’Elle m’avait posée quelques minutes auparavant : « Vous avez pris votre bain ? »

 

Moi : « Oui, Mâ » ;

 

Mâ : « Pendant combien de temps un bain est-il efficace ? Vous prenez un bain maintenant puis il vous faut en reprendre un autre. Un seul bain n’est jamais  suffisant. ».

 

Ayant dit cela, Mâ éclata de rire.

 

Je m’efforçai alors de pénétrer le véritable sens de ses paroles. Mâ s’exprime souvent par métaphores. Je pense qu’en l’occurrence Elle faisait allusion à notre coeur impur, ce qui était tout à fait juste. En ce lieu et maintenant que je suis assis aux côtés de Mâ, aucune impureté n’a pénétré ni ne pénètre mon esprit. Mais bientôt, lorsque je m’éloignerai d’Elle, mon esprit sera envahi par toutes sortes de pensées et pollué par nombre d’idées matérialistes. Un rapide coup d’oeil de la part de Mâ ne peut pas me laver de toutes mes impuretés et éclairer mon chemin à tout jamais. C’est pour cela que nous avons besoin de « bains » à répétition et que nous devons nous efforcer en permanence de purifier notre mental.

 

 

Page 5

 

Lorsqu’on dévie de la juste voie, on ne réintègre pas la place que l’on occupait auparavant.

 

Nous savions déjà que Sisir s’était froissé et qu’il était retourné au dharmashala. Nous étions tous persuadés qu’il ne serait pas revenu. Et pourtant nous le vîmes revenir en bateau, peu de temps après que nous eûmes terminé le repas. Quelques remarques moqueuses ne manquèrent pas de fuser parmi nous. A l’évidence il se sentait profondément honteux et n’ayant pas le courage de réintégrer le groupe, il allait et venait avec son bateau se sentant sans doute plus seul que jamais. Le voyant dans cette situation embarrassante, Mâ dit : « Lorsqu’on a quitté le bercail, on ne peut réintégrer la place qu’on y  occupait auparavant. Et si l’on tente de renouer les rapports on se heurte à une certaine réticence. Il en va de même sur le chemin de la religion. Une personne qui a emprunté depuis un certain temps la voie spirituelle ne peut plus s’intéresser aux affaires de ce monde avec autant d’intérêt qu’auparavant. »

 

 

Pages 6 et 7

 

Distinction entre pur et impur au contact d’une déité.

 

Tout le monde ayant pris place dans la salle, Sri Nitish Chandra Guha s’adressa à Mâ : « Mâ, qu’en est-il de la distinction entre pur et impur au contact d’une déité ? Lorsque je vais voir Mâ, lorsque je suis en sa présence, tout près d’Elle, pourquoi devrais-je me poser des questions sur la pureté ou l’impureté ? Ma mère, elle, insiste toujours sur cette distinction, mais moi je n’en vois pas le motif !»

 

Mâ : « Lorsque vous êtes en présence d’une déité que vous percevez comme votre propre mère, dans ce cas il est évident que le problème ne se pose pas. Mais combien y a-t-il de personnes qui ressentent les choses de cette façon ? Il est donc préférable d’observer les préceptes des Ecritures. Si vous avez véritablement atteint le stade où l’on identifie totalement les déités à sa  propre mère, dans ce cas il n’est pas nécessaire que vous vous attardiez sur ce sujet. Alors que dans le cas contraire il faut tenir compte de cette discrimination. »

 

 

Page 16

 

Les Ecritures et la vérité fondamentale.

 

Un jour deux ascètes vinrent rendre visite à Mâ. Après quelques simples formules d’usage, la conversation s’engagea en Hindi entre Mâ et l’un des deux ascètes :

 

« Mâ, quelle est la cause de la naissance et de la mort ? »

 

Mâ : « Chaque chose a son origine dans l’Un, vit dans l’Un et meurt dans l’Un. »

 

La réponse ne satisfit pas l’ascète. Il poursuivit la discussion. Mâ lui dit un ou deux mots puis demeura silencieuse. A chaque question que le sannyasi lui posait, Mâ rétorquait : « Baba, tous les mots ne sortent pas toujours de ma bouche. Je n’ai pas une connaissance suffisante des Ecritures pour pouvoir répondre à chacune de vos questions. Je ne sais pas tout. Je vous dis ce que vous me faites dire. Vous ne pouvez pas miser sur moi et ne pas obtenir de réponse. C’est votre faute. A vous de susciter les justes mots de ma part de façon à ce que tous les deux, vous et moi, nous puissions les écouter. »

 

 

Page 20

 

Être au service de Dieu c’est Lui offrir sa totale dévotion (Bhava).

 

Un homme accompagné de son épouse arriva au moment de l’offrande à Mâ de bhoga. On nous avait dit qu’il s’agissait de l’inspecteur de la Coopérative des Sociétés à Katwa. Il avait demandé qu’on exécute pour lui les effigies de Gaur (Sri Gauranga) et de Nitai (Sri Nityananda). Il était venu à Navadweep pour retirer ces effigies. Ayant entendu parler de la présence de Mâ il était venu ici dans l’espoir de la rencontrer. Ce monsieur avait l’apparence de quelqu’un de simple et son épouse semblait être une personne tout à fait pieuse. Lorsque le rite de l’offrande fut terminé, il fit son pranama (attitude de soumission) à Sri Sri Mâ. Mâ lui dit : « J’ai le sentiment de vous avoir déjà vu quelque part ». Mais ce monsieur n’avait pas souvenir d’avoir jamais rencontré Mâ auparavant. Il informa Sri Sri Mâ de la raison de sa venue à Nordweep. A quoi Mâ se déclara enchantée.

 

Le visiteur : « Pourriez-vous nous donner quelques conseils sur la meilleure façon de se conduire dans la vie de couple et de famille ? »

 

Mâ : « Je vais vous dire une seule chose. Vous êtes venus ici pour rencontrer les déités et aussi longtemps que les déités seront avec vous, vous n’aurez besoin d’aucun conseil. Le plus important c’est de garder et d’entretenir le contact avec le Divin. Les problèmes surgissent quand on se sépare de Lui. Efforcez-vous de toujours servir Thakur (Dieu).

 

Le visiteur : « Dites-moi comment je peux le servir ».

 

Mâ : « Les conseils viendront de votre être intérieur, aussi longtemps que Thakur sera avec vous. Efforcez-vous de mettre tout votre coeur à Son service et votre esprit lui-même tracera la voie à suivre. Les personnes parlent de se donner à Lui corps et âme, eh bien c’est en cela que réside le secret de la conduite à tenir. Faites en sorte de toujours garder votre coeur tourné vers Lui. Cela dit, Le servir avec tout son coeur est une chose et Le servir machinalement est une tout autre chose. Vous devriez vous enquérir, auprès de ceux qui savent comment servir le Divin, sur la manière d’accomplir ce service. Dès que vous agissez, bhava (l’esprit) s’éveille. Et à partir de ce moment-là vous servez par l’intermédiaire de bhava. Le seul véritable service au Divin est celui qui vient de l’esprit. Et ce service n’a pas de règles définitives et absolues. Il est tout à fait personnel et ne nécessite aucune instruction. Il se peut que bhava se manifeste durant le déroulement du service conventionnel et toutes les instructions qui suivent, concernant le service, viennent alors de bhava lui-même. Voyez-vous, tout le monde peut apprendre un certain nombre de choses en lisant les mêmes livres, mais tandis que certains sont ensuite en mesure de faire de longs discours à propos de ces livres, d’autres sont en mesure, eux, d’en faire des poèmes. Et pourtant ni les discours ni les poèmes ne figuraient dans les livres qu’ils avaient lus. Tout cela est venu de leur être intérieur. Il en va de même pour le service au Divin. Servir véritablement, c’est-à-dire servir par le moyen de l’esprit, cela n’a rien à voir avec un enseignement. C’est quelque chose qui vient de l’être intérieur. »

 

Mâ se tourna vers l’épouse du visiteur et poursuivit :

 

« Tout le monde devrait servir comme Mâ sert son époux. Nous sommes tous des créatures féminines. Il y a un seul et unique époux. Dieu est notre époux commun. Lui seul est un être mâle. Toutes les autres sont des créatures femelles.

 

                                                                                                                                                                         (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

« L'amour est sans cause.

 

Il se donne librement.

 

Il se reçoit simplement »

 

 

 

Un matin, récemment, je me suis réveillée avec cette phrase toute entière dans la tête.  Alors, j'ai commencé à réfléchir sur son sens. Que signifie “sans cause”?

 

 Tout ce qui existe doit avoir une cause...Les êtres humains cherchent toujours la cause, l'explication, la raison de l'existence de quelque chose. Nous voulons tous comprendre tout ce qui dépasse notre intelligence. En chacun de nous, il y a un besoin irrépressible de comprendre, d'expliquer. Chacun veut “savoir” avec certitude. Par la suite, tout ce qui semble  ne pas avoir de cause est ressenti, par nous tous, comme une aberration puisque tout devrait pouvoir  s'expliquer. Ainsi fonctionne notre intelligence, cherchant toujours des liens entre causes et effets.

 

 

 

“Pourquoi?” est la première question posée par tout enfant humain. S'expliquer notre propre existence et divers phénomènes du monde environnant nous procure vraiment un bon sentiment de sécurité ! Parachuté dans un univers qu'il ne connaît pas, l'homme a besoin de se rassurer. Découvrir des liens entre causes et effets, nous donne le sentiment de ne pas être le simple jouet de l'existence. Tel est le fonctionnement rationnel de notre mental. Ainsi, lorsque nous aimons une personne, nous pensons toujours que notre bien-aimé(e) doit nous aimer pour quelque raison : soit nous sommes beaux, attirants, brillants, riches, charmants... En notre for intérieur, nous pensons que l'amour de notre partenaire peut certainement s'expliquer par l'une de ces raisons. Nous ne pouvons pas imaginer que notre bien-aimé(e) puisse nous aimer sans aucune raison... En fait, nous ne concevons pas que “l'amour sans cause” puisse exister entre les êtres humains.

 

 

 

Nous parlons tous de “coup de foudre” mais nous n'y croyons pas vraiment.”Je l'ai aimé(e) immédiatement”, puis nous ajoutons : “il/elle est si beau/belle, si attachant(e), il/elle a si bon coeur”. Ainsi, nous privilégions des qualités qui sont unanimement et indiscutablement appréciées de chacun. Mais, qui dit : “je l'ai aimé(e) dès que je l'ai vu(e)” tout en sous-entendant “sans aucune raison”?  Donc, “l'amour sans cause” dont on parle tant, n'est pas, en fait, “sans cause”.  Nous passons simplement sous silence la “raison” qui est cachée derrière mais qui est bien là.

 

 

 

C'est pourquoi nous avons beaucoup de mal à concevoir que Dieu puisse nous aimer d'un amour sans cause. Dans toutes nos relations humaines, notre ‘ego-individualité’ s'exprime.  “Je” l'aime parce qu'il/elle m'apporte de l'affection, de l'estime, du bien-être, un statut social,  des richesses, du plaisir etc. Mais, ces raisons sont cachées aux autres. Qu'advient-il lorsque ces raisons disparaissent, cessent d'exister? Aimons-nous encore la personne que nous disions aimer seulement pour lui/elle-même? Certes non et alors l'amour disparaît, est oublié. Existait-il vraiment s'il peut cesser aussi facilement? Il était, transitoirement certes, mais il n'était pas “sans cause”. Il dépendait d'une cause dont nous dissimulions l'existence.

 

 

 

Aussi, quand nous voulons concevoir ce qu'est l'amour divin ‘incausé’, nous n'y parvenons pas. Même une mère aime ses enfants pour quelque raison : ce sont “ses” enfants, ils sont beaux, robustes, intelligents, aimants, ils réussissent bien dans la vie. Ils donnent de grandes satisfactions à leur mère... Parfois, aussi, une mère attribue à ses enfants des qualités imméritées. Elle prend alors ses désirs pour des réalités ou elle s'illusionne à leur sujet. A partir de notre existence terrestre, comment imaginer qu'il puisse exister  un “amour sans cause”?

 

 

 

Cependant, quoi que nous pensions, disions ou fassions, Dieu nous aime. Son amour est sans changement, éternel, illimité et totalement vrai. Qui peut aimer ainsi sinon Lui qui est Amour? Un tel amour nous fait rêver car nous voulons tous le connaître! Mais, comment y parvenir? Nous ressentons tous, en nous, ce fort besoin d'être aimés tels que nous sommes et pour qui nous sommes. Cependant, il est très difficile de rencontrer quelqu'un qui puisse nous aimer ainsi.

 

 

 

D'ailleurs, nous aimons-nous, nous-mêmes? Car, si nous ne nous aimons pas nous-mêmes,  pouvons-nous aimer qui que ce soit? Pour donner l'amour aux autres, ne faut-il pas l'avoir  éprouvé, ressenti en nous-mêmes? Quel amour pouvons-nous donner si nous ne nous aimons pas nous-mêmes? La première expérience de l'amour ne commence-t-elle pas par  soi-même? Cet amour n'est-il pas naturel? Dès notre plus jeune âge, on nous enseigne que s'aimer soi-même est égoïste et qu'il faut d'abord aimer l'autre. Mais, qui connaît-on mieux que soi-même? Avec qui vit-on constamment?

 

 

 

Qui protègerons-nous naturellement en cas de danger? N'est-il pas normal d'agir ainsi? Si nous mourrions, pourrions-nous aider les autres? Donc, ne nous enseigne-t-on pas à aller à l'encontre des lois naturelles? Est-ce acceptable? A mon sens, c'est non seulement aberrant  mais aussi irréaliste. Lorsqu'un accident survient, je ne peux aider les autres que si je suis en vie...Bien entendu, si j'ai survécu et peux aider les autres mais ne le fais pas, alors je suis égoïste et moralement condamnable.

 

 

 

L'amour pour soi-même permet d'avoir confiance en soi et d'être facilement ouvert à l'autre. M'aimant moi-même, je peux donner l'amour que je sens en moi. Nous pouvons donc dire qu'aimer les autres commence par l'amour pour soi. L'amour nous valorise, nous rend heureux, et celui/celle qui est heureux(se), souhaite aussi que ses semblables soient heureux. L'amour est l'ouverture du coeur. Cela signifie se donner à l'autre par amour. L'amour est libre, sans entraves, sans raison ni arrière-pensée. Seule, la personne libre aime véritablement et veut que les autres soient aussi libres qu'elle. Aimer pour que l'autre nous appartienne, n'est pas “aimer”. L'amour désintéressé de la personne libre est généreux, respectueux, totalement ouvert, sans restriction.

 

 

 

Lorsque nous aimons ainsi, l'autre nous accueille avec joie. Un tel amour désintéressé et  sincère ne peut qu'être reçu spontanément, simplement. Il désarme toute hostilité, vient à bout de toute méfiance et retenue. Il est le souffle de l'Amour Divin sur cette terre.

 

“L'amour sans cause” remplit celui/celle qui Le reçoit  simplement d'une joie illimitée.

 

 

 

Donne-nous, Ô Dieu d'Amour, la Grâce Infinie de Te connaître!

 

OM.

 

Monique Manfrini – 11/10/2010

 

 

 

 

 

 

 

De Yogî BHAJAN

 

 

« En tant qu’être humain, nous avons été bénis avec trois aspects, le corps, le mental et l’âme. L’âme est l’aspect le plus élevé; le corps et le mental sont là pour servir l’âme.

 

La seule situation où nous échouons, c’est lorsque nous commençons à servir, soit le corps, soit le mental. Quand deux serviteurs commencent à se servir mutuellement, le maître a faim. C’est la raison pour laquelle les âmes sont affamées, elles sont vides et souffrent. Le but de l’existence et l’attitude à avoir est de se mettre au service de l’âme. »

Yogî BHAJAN

 

(Envoyé par Tanja)

 

 

 

                

 

 

Le Bonheur en Arc-en Ciel

 

 

 

 Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup d’effort et de

 

volonté mais réside là, tout près, dans la détente et l’abandon.

 

                 Ne t’inquiète pas, il n’y a rien à faire.

 

                 Tout ce qui s’élève dans l’esprit n’a aucune importance

 

parce que n’a aucune réalité. Ne t’y attache pas. Ne te juge pas.

 

                 Laisse le jeu se faire tout seul, s’élever et retomber,

 

sans rien changer, et tout s’évanouit et commence à nouveau sans cesse.

 

                 Seule cette recherche du bonheur nous empêche de le voir.

 

                 C’est comme un arc-en-ciel qu’on poursuit sans jamais

 

le rattraper. Parce qu’il n’existe pas, qu’il a toujours été là et qu’il

 

t’accompagne à chaque instant.

 

                 Ne crois pas à la réalité des expériences bonnes ou mauvaises,

 

elles sont comme des arcs-en-ciel.

 

                 A vouloir saisir l’insaisissable, on s’épuise en vain.

 

                 Dès lors qu’on relâche cette saisie, l’espace est là,

 

ouvert, hospitalier et confortable.

 

                 Alors profites-en. Tout est à toi, déjà. Ne cherche plus.

 

                 Ne va pas chercher dans la jungle inextricable l’éléphant

 

qui est tranquillement à la maison.

 

                 Rien à faire.

 

                 Rien à forcer.

 

                 Rien vouloir.

 

                 Et tout se fait tout seul.

 

 

 

                                                                       Lama Guendune Rinpoché

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RENCONTRE AVEC Vijayânanda

 

Décembre 1998

 

(Groupe de Nathalie ANTHONY)

 

 

 

Entretien enregistré et retranscrit par Nathalie.

 

Fin 1998 début 1999, Nathalie a organisé un voyage en Inde pour ses élèves. La première destination fut l'Himalaya : Rishikesh, Haridwar, Kankhal, suivie par les villes de Krishna : Mathura et Vrindavan, avant de rejoindre Sri O.P. TIWARIJI au centre de Kaivalyadhama à Lonavla. Nathalie a été en contact épistolaire avec Vijayânanda. Il est donc prévenu de la visite du groupe qui va s'installer à Kankhal et il les attend. Tous les participants ont lu les deux livres de Vijayânanda avant de le rencontrer.

 

 

 

Premier rendez-vous avec Vijayânanda. Présentation de Nathalie, de Lav (un ami indien enseignant également issu de Kaivalyadhama) qui l'accompagne. Puis Vijayânanda questionne les membres du groupe pour les interroger sur leur vie en France.

 

 

 

Vijayânanda : J'ai été médecin interne à Chambéry, dans un asile d'aliénés. J'étais interne, Mais pas aliéné !

 

Si vous avez des questions, moi je ne parle que si on me tire les vers du nez, alors, c'est à vous de me faire parler ! Voilà, j'ai horreur des discours, je suis allergique aux discours. Vous aimez les discours ? (Non ! Ah, non !)  (Rires...) Les conférences... Ici, vous savez, quand je vois que quelqu'un commence à faire un discours, je sors immédiatement !

 

 

 

E : Depuis combien de temps êtes-vous à Kankhal ?

 

 

 

V : Eh bien, je suis avec Mâ Anandamayî depuis 48 ans et à Kankhal ça va faire 23, 24 ans.

 

 

 

E : Vous la suiviez d'ashram en ashram ?

 

 

 

V : Au début, je la suivais, et puis alors avant de venir ici j'ai été 16 ans dans l'Himalaya du côté d'Almora, dans le Kumaon.

 

 

 

L : Qui faisait partie du Népal dans les temps anciens.

 

 

 

V : Nous sommes restés à Almora 8 à 9 ans, puis nous avons habité cet ashram en pleine forêt dans la montagne à Dhaulchina. Au-dessus de ce petit village, il y a un plateau qui est perdu en pleine forêt et il y a un petit ashram. J'ai vécu là-bas longtemps, 7 ans. Il y a Maintenant un peu de confort. Quand j'y étais, il n'y avait absolument rien ; il n'y avait pas d'eau, pas d'électricité, il n'y avait pas de légumes, pas de fruits, et puis il fallait venir à pied du village voisin. Les gens là-bas sont petits, le visage aplati et honnêtes en général, travailleurs. Ils ont une énergie extraordinaire, vous les voyez porter des bagages sur leur dos et ils grimpent sans avoir l'air fatigué. En fait, c'est l'habitude, vous savez...

 

 

 

JL : Vous n'êtes jamais retourné en France ?

 

 

 

V : Je ne suis pas retourné en France, non, non. J'ai des racines ici.

 

 

 

JL : Cela fait donc 48 ans que vous êtes en Inde.

 

 

 

V : Ca va faire, oui, attendez voir... Oui, j'ai quitté la France le 12 décembre 1950. Le 12, ça faisait 48 ans.

 

 

 

JL : Et aujourd'hui, comment voyez-vous cette évolution tellement rapide du monde, vous êtes très imprégné de la culture indienne et de sa philosophie, comment voyez-vous les perspectives du monde ?

 

 

 

V : Vous savez, il y a deux voies : la voie de la spiritualité et la voie des physiciens. (S’adressant à M, un participant physicien) : Vous êtes physicien ? C'est ça, l'homme spirituel commence de l'intérieur, cherche l'unité et le mode suprême, et le physicien part de l'extérieur, et il arrive aux quantum, à la physique quantique. Vous êtes arrivé Maintenant au son, au champ unifié. Eh bien, c'est le Brahman des Upanishads !

 

 

 

M : Oui, oui.

 

 

 

V : Alors, eux ils sont partis de l'atome, ils ont étudié les phénomènes physiques, et tout doucement, maintenant, ils en arrivent au fait qu'il y a une base à tout cela qu'on appelle « le son unifié », c'est bien comme ça qu'on l'appelle ?

 

 

 

M : Oui, en effet.

 

 

 

V : Alors, le champ unifié, c'est exactement le « Parabrahman » des Upanishads, la conscience pure qui est la base de tout, qui supporte tout, qui est éternelle, qui a toujours été, qui ne cessera jamais d'être.

 

 

 

M : C'est-à-dire que le champ unifié est tout en bas, une espèce de base.

 

 

 

V : Oui, eh bien, le Brahman aussi, c'est la base de toute chose. C'est la base de tout ce qui existe. C'est comme le fond de l'océan qui est la base de toutes les vagues. La seule différence qu'il y a encore, c'est que les physiciens n'ont pas encore dit que ce champ unifié a de la conscience, hein ? Mais ils y arriveront ! Alors, là, on fera l'union totale ! (Rires) La conscience les dérange beaucoup. Elle est réputée pouvoir résulter des mécanismes chimiques du cerveau et donc... oui, ils sont partis comme ça, mais ils seront obligés d'abandonner ça, car les mécanismes chimiques n'expliquent pas tout.

 

 

 

D : Mais il y a des personnes telles que l'astrophysicien Hubert Reeves qui commencent à parler de la conscience ?

 

 

 

M : On parle de Hubert Reeves qui est tout de même un peu une exception ? Il fait de la poésie, il ne dit pas qu'il fait de la science à ce moment-là, donc il est dans sa partie spirituelle. C'est un scientifique qui fait de la spiritualité.

 

 

 

D : Mais c'est quelqu'un qui peut être justement la jonction entre ces deux mondes ?

 

 

 

V : Il faut faire la jonction, oui, ça date de la fin du XIXème siècle, c’est le rationalisme, on ne voulait plus accepter toutes les données de l'église, toutes les données de la croyance.

 

 

 

M : le positivisme, oui, le rationalisme.

 

 

 

V : Maintenant ça commence à changer.

 

 

 

Ch : Et pourquoi préfériez-vous venir en Inde plutôt que de suivre une voie spirituelle dans la chrétienté ?

 

 

 

V : Parce que j'étais attiré par l'Inde. La première chose qui m'avait attiré vers l'Inde quand j'avais 19 ans, c’était un livre de Vivekananda qui m'avait enthousiasmé et alors je me suis dit : « voilà, c'est exactement ce que je veux… il faut que j'aille en Inde ».

 

 

 

Ch : Vous étiez dans quel état émotionnel ? Est-ce que ce désir d'aller en Inde était comme un coup de passion ? Dans quel état d'esprit étiez-vous ?

 

 

 

V : Non, non, non. Je cherchais depuis longtemps, je cherchais quelque chose, alors là j'ai trouvé ce que je cherchais.

 

 

 

Ch : Et c'était une grande évidence ?

 

 

 

V : (Un peu hésitant) Oui, oui…enfin la grande évidence, je l'ai eue quand j'ai vu Mâ Anandamayî. Mais, là, j'avais 19 ans, j'étais en PCM (la première année de médecine qui alliait physique, chimie et médecine), à l'époque ça s'appelait comme ça, puis j'ai fini mes études de médecine, j'ai pratiqué 10 ans et c’est après seulement que je suis venu en Inde. C'est-à-dire beaucoup plus tard. Alors, tout de même, j'avais cette conviction que c'était ça la voie qu'il fallait suivre. J'étais très pragmatique, je me disais : « il faut que je fasse l'expérience de la vie » 10 ans de pratique médicale, c'était déjà pas mal « et puis après, après… je partirai » C'était ça mon plan.

 

 

 

Q : Et vous n'aviez pas de famille ?

 

 

 

V : Je n’étais pas marié, non, pas marié.

 

 

 

Q : Vous n'aviez pas d'enfants ?

 

 

 

V : Non, non. Si j'avais été marié, ça aurait été difficile. Enfin, dès le début comme vous le savez, quand j'ai lu Vivekananda, je me suis dit « Il ne faut pas que je me marie ». Je sortais avec une jeune fille qui s'appelait Rose, Rosa. Elle était très belle, comme une artiste de cinéma. Elle pensait que nous allions nous marier. Alors, un jour je l’ai prise à part, et je lui ai dit : « Tu sais, Rosa, je ne peux pas t'épouser parce que je veux aller en Inde pour devenir un Yogi ». C'était durant les années 40, même pas, dans les années 30, à l'époque on ne savait rien de tout cela, alors elle a dû penser : « il est toc toc ! » (Geste et rires).

 

 

 

M : Ah, c'était déjà un projet pour vous ?

 

 

 

V : Oui, c'était un projet, absolument, j'avais décidé de devenir Yogi, de faire du Yoga. Vous savez, en tant que médecin, j'avais tout le confort moderne. A l'époque, on gagnait beaucoup. Maintenant, c'est devenu un métier. Alors, mon rêve, c'était de vivre dans la solitude, de ne rien posséder, simplement un pagne, et de me nourrir de bananes et de noix de coco (Rires). C'était mon rêve !

 

 

 

 Ch : Et vous l'avez réalisé, donc !

 

 

 

V : Pas complètement ! (Rires) il n'y avait pas de bananes ni de noix de coco, et puis pas de pagne, il faisait trop froid ! Mais je l’ai presque réalisé quand même !

 

 

 

JL : Vous recevez beaucoup de visites, parce que, à voir le registre que nous remplissons, j'ai comme l'impression qu'il y a beaucoup de Français...

 

 

 

V : Oui, ça dépend des périodes… oui il y a souvent, et surtout, des Français...

 

 

 

N : C'est vrai que c'est intéressant, parce que souvent quand nous sommes en Inde, nous avons besoin de faire traduire pour le groupe, alors que là, les gens peuvent communiquer directement avec vous très facilement et je trouve ça très important.

 

 

 

Ch : C’est très important en effet !

 

 

 

V : Oui, les gens aiment bien parler directement.

 

 

 

M : J'ai envie de prolonger la question de Ch : Quand vous êtes arrivé, vous n'aviez pas réalisé votre projet ‘bananes et noix de coco’, mais vous avez rencontré une personne, ou une spiritualité... Je sais bien que c'est une question qui n'a pas de sens, mais est-ce que vous pourriez préciser si c'est plutôt une personne que vous avez rencontrée... ?

 

 

 

V : C'est une personne que j'ai rencontrée. Avant de partir en Inde, j'ai été 5 ans déjà avec un maître, c'était un psychiatre, il était bien, son enseignement verbal était bien, mais il n'avait pas la capacité de transmettre du pouvoir. Alors, je sentais, je ne savais pas à l'époque, c'était obscur, je sentais que j'avais besoin que quelque chose s'éveille en moi et que lui, n'en était pas capable. C’est pour ça que je voulais aller en Inde, pour trouver quelqu'un qui serait capable de m’éveiller. En fait, je voulais voir Ramana Maharshi. Vous avez entendu parler de Ramana Maharshi ? Oui ? Malheureusement il est mort juste un peu avant. Voilà.... Alors, après je me suis dit : « bon, eh bien, il y a Aurobindo ». Mais voilà que quelques jours avant que mon bateau ne parte, mon bateau est parti le 15 décembre, il y a eu un entrefilet dans le journal : « Aurobindo vient de mourir ». Voilà !

 

 

 

Ch : Aïe aïe aïe !! Il y avait des embûches sur le parcours !

 

 

 

V : Oui, il y avait des embûches ! (Rires)

 

Alors, j'avais réservé mon bateau, j'avais tout préparé, j'avais mon visa, et je me suis dit « Tant pis, je vais partir quand même, on verra bien ! », Mais sans beaucoup d'espoir. Avant d'aller en Inde, je suis allé au Sri Lanka, ça s'appelait Ceylan à l'époque, et j'étais dans un monastère bouddhiste pendant pas très longtemps, une semaine, Mais je n'ai rien trouvé d'extraordinaire, et je suis parti vers l'Inde. J’avais perdu l'espoir de trouver quelqu'un puisqu'ils étaient tous morts, et je ne connaissais personne. Je me suis dit « Comment trouver un grand sage ?...C'était comme trouver une aiguille dans une botte de foin ! » C'était impossible, ça ! Mais tout de même j’ai pensé « Je vais faire le tour, du sud vers le nord, et je vais revenir par l'autre côté, pour voir Swami Ramdas, et puis je vais prendre mon bateau qui était réservé déjà à Colombo pour le 21 février. » Enfin, une fois arrivé à Pondichéry, il y avait la « Mère » qui était là, qui ne m'a pas impressionné. Il y avait aussi une Canadienne qui était là-bas, qui était venue d'Afghanistan, et qui avait fait le périple inverse du mien, c'est-à-dire nord-sud. Elle m'a dit : « Eh bien, si vous allez à Bénarès, allez voir Mâ Anandamayî ». Je lui ai répondu : « Qui est-ce ? » A ce moment là j'étais un peu... excusez-moi, ce n'est pas que je n'aime pas les femmes, mais je pensais qu'une femme gourou n'était pas ce qu'il me fallait (Rires). Moi, mon idée du gourou, c'était un vieillard avec une grande barbe blanche ! Alors, j'ai tiqué un peu. J'ai tout de même noté ça sur mes tablettes. Et puis je lui ai dit : « Mais elle doit être âgée, elle doit être vieille, et puis un peu – vous savez, comme la ‘Mère’ à Pondichéry, un peu... » « Non, elle est jeune, elle est même belle ! »

 

(Rires)

 

Alors, un peu dépité, j'ai ajouté : « Oui, mais elle ne doit avoir que des femmes autour d'elle ! » « Non, non, non, il y a même plus d'hommes que de femmes ! » (Rires) Alors, j'y suis allé, mais sans aucune idée particulière. Seulement, quand je suis arrivé à Bénarès, je n'avais pas l'intention de rester dans l'ashram. J'avais l'intention de la voir et de m'en aller. Mais quand je suis arrivé, elle sortait justement de la pièce et elle me regardait. Nous avons échangé quelques mots, et j'ai trouvé quelque chose de drôle dans cette situation là (Il rit). J’ai dit soudain : « Je reste encore un petit peu! » Puis, je suis resté un petit peu. Il y avait beaucoup de kirtans, des chants religieux qui m'ont vraiment impressionné. Et puis après je suis retourné à l'hôtel, le meilleur hôtel de Bénarès à l'époque. Finalement, une fois dans l'hôtel, il y a eu en moi une explosion, quelque chose d'extraordinaire, c'était inimaginable, c'était un bonheur surhumain que je n'avais jamais ressenti, un bonheur surhumain, et puis la conviction absolue que le maître que j’étais venu chercher, c'était cette femme-là. Une conviction absolue. Je ne connaissais encore rien d'elle. Le lendemain matin, je suis revenu, et je lui ai demandé : « Mâ, est-ce que je peux rester dans votre ashram ? » Elle a répondu « Oui » Et depuis, je suis là (Rires), c'est tout simple ! Alors, petit à petit, j'ai découvert sa grandeur, compris que c'était une femme d’une sagesse extraordinaire, vraiment extraordinaire ! Au début, je voyageais avec elle constamment. Dans son compartiment, elle me gardait auprès d’elle. Elle voyageait énormément. Parfois, nous étions 24 heures ensemble. C’est là qu’on peut juger quelqu'un comme ça, car plus je la rencontrais, plus je découvrais sa grandeur, c'était ‘un sage’ très extraordinaire. Voilà. Je ne l'ai pas quittée depuis.

 

…A suivre…

 

(Nathalie Anthony est, depuis 1989, l’élève de Sri O.P. Tiwari, secrétaire général de l’institut Kaivalyaldhama en Inde. Elle dirige l’école de yoga YOGADHAMA www.yogadhama.com

 

 

Note : La vie et les expériences de Swami Vijayânanda ont été transcrites en détails dans le livre ‘Un Français dans l’Himalaya’ disponible au complet sur www.anandamayi.org  et publié en italien en 2008 par MC Editrice à Milan, www.mceditrice.it – traduit bénévolement par Geneviève Koevoets. Elles sont racontées par lui-même dans le très beau DVD de Olivier et Luc Maréchaux ‘VIJAYANANDA-Un chemin de sagesse’, l’occasion d’un émouvant cadeau de Noël ou de Nouvel An (luc.marechaux@free.fr -00 33-06 83 09 01 39 ou 08 73 70 67 42) - 22 € + 2€ de frais de port. Adressez-vous à lui directement.

 

 

 

 

 

Nouvelles

 

Quelques annonces de livres :

 

 

 

- Le livre de Patrick Mandala ‘Retrouver la joie’ aux Editions du Relié, dont nous avons déjà parlé dans les deux précédents exemplaires du JAY MA en donnant des extraits, que nous renouvellerons dans les prochaines éditions.

 

 

 

- Un livre écrit par Bhaiji en bengali ‘Mother Reveals Herself’ (Mayer Katha) qui est l’unique traduction en anglais des notes prises par Bhaiji (Jyotish Chandra Roy) retraçant les paroles de Shree Shree Ma et parlant des différents aspects de sa vie, tout en couvrant une période de 1896 à 1932 (son enfance, sa Divine Révélation et son enseignement de la sâdhanâ). Cette version de 351 pages comprend 22 photographies, des plans et explications pour ses fervents qui ne sont pas suffisamment au courant de la culture du Bengale d’il y a 100 ans. Son coût est de 16,50 € (15 seulement pour une commande de 5 livres) – Il faut contacter Patunda à Kankhal matrilila@gmail.com  pour de plus amples détails concernant les envois. Pour plus de facilité pour les paiements à partir de France, on peut aussi passer par Marie-France Martin qui habite à Kankhal près de l’ashram et lui faire un virement sur son compte français. marie_france_m@yahoo.fr – Portable : 00 91- 99 03 87 75 54

 

 

 

- Un recueil de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’ (Souvenirs de l’Inde), en hommage à Mâ Anandamayî, et à Swami Vijayânanda. Recueil d’amour, de poésies, reportages, témoignages, photos et portraits, créés dans la profondeur du cœur, mais aussi dans l’humour et la joie, faisant suite aux voyages de Mahâjyoti en Inde en tant que fidèle collaboratrice et assistante bénévole de Jacques Vigne (Vigyânânand), et fidèle fervente de Mâ Anandamayî et de Swami Vijayânanda qui lui a donné son nom initiatique de ‘Mahâjyoti’…Elle est en quête d’un éditeur, mais vous pouvez lui demander directement le texte, contre 5 Euros de participation symbolique pour l’envoi par email- koevoetsg@wanadoo.fr  - Jacques Vigne en a fait la préface.

 

 

 

- Une retraite dans la lignée de Swami Vijayânanda est organisée avec Vigyânânand (Jacques Vigne) du 6 au 16 août à Kankhal, avec ensuite une visite de Rishikesh et Dehra-Dun en compagnie de Jacques, et possibilité de prolongation d’une semaine à Bénarès et Bodhgaya avec l’accompagnement de Dinesh Sharma. Renseignements sur www.jacquesvigne.fr.st –Organisation Carole Dalmas : terreduyoga@vtxnet.ch  – 0041-921 26 65 ou aussi infos par téléphone auprès de Françoise Estèves au 04 27 11 00 29 (en soirée ou le mercredi de préférence).

 

 

 

 

 

 

 

Renouvellement des abonnements

 

au ‘JAY MA’ pour deux ans

 

100ème Numéro

 

 

 

Les abonnements en cours s’arrêteront en Mars 2011, date où le 100ème numéro du ‘JAY MA’ inaugurera le cycle des nouveaux abonnements pour deux ans, qui iront de Mars 2011 à Mars 2013, toujours pour le même prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, soit 8 Euros pour les deux ans. Pour les infos, l’édition et la marche à suivre des envois, contactez en premier lieu Mahâjyoti qui s’en occupe bénévolement : koevoetsg@wanadoo.fr  et pour les paiements, envoyez un chèque de 8 Euros au nom de Jacques Vigne à : José Sanchez Gonzalez : nagajo3@yahoo.fr – 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine. C’est une aide qui va à Panuda à Bénarès, pour soutenir les éditions indiennes de ‘Amrita Varta’. (Panuda sert Mâ depuis plus d’un demi siècle et dirige son hôpital).

 

 

 

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ

 

Mâ, un Etre incomparable- Extrait de Smaranika

 

Méditation sur l’Enseignement de Mâ  par Edith Boutherin

 

Le son de la vie ‘Silence’ par Jacqueline Pleyers

 

Poème ‘Ode au Silence’ par Geneviève (Mahâjyoti)

 

En Association avec Sri Sri Mâ Anandamayî

 

L’Amour est sans cause par Monique Manfrini

 

De Yogî Bhajan

 

Le bonheur en arc-en-ciel par Lama Guendune Rinpoché

 

Rencontre avec Vijayânanda-Décembre 1998 par Nathalie Anthony

 

Nouvelles

 

Renouvellement des abonnements

 

Table des matières

 

 

 

 

 

 

Jay Ma N° 100  -   Printemps 2011

 

 

 

 

 

Paroles de Mâ

 

Darshan

 

(Extraits de ‘Les Enseignements de Mâ Anandamayî’, chapitre 12)

 

 

 

                                                                                                          12 -   D A R S H A N

 

                                                                           

 

 «  Est-ce que vous avez vu Dieu ? » A cette question, Mâ répond : « Bien sûr, je l’ai vu ! On Le voit tout le temps. Regardez, qui voit qui ? Car Il est toute chose. Il n’y a rien d’autre que Dieu.

 

 

 

Qu’entend-t-on par réalisation du Soi, ou réalisation directe ? Il y a celui qui voit, il y a ce qui est vu et l’acte de vision. Le voyant, le vu et la vision (triputi) : ces trois éléments sont réunis en un. Il n’y a existence dans le Soi et réalisation du Soi que lorsqu’il n’est plus question d’action (kriya) ou de non-action (akriya) et si l’on considère la chose en termes de forme, alors Il est omniprésent. N’est-ce pas là ce que dit le proverbe ? « Où que les yeux se posent, Krishna se manifeste » ? Quoi que vous voyiez, hormis Krishna, sachez qu’il ne s’agit pas du vrai darshan. En effet ce n’est que dans le darshan du Tout qu’il y a révélation de l’Ishta.

 

 

 

 La réalisation du Soi aura-t-elle lieu ? Elle est là, présente, il ne reste plus qu’à détruire le voile. Quel est le sens de la destruction ? Tout ce qui doit être détruit, finit par être détruit. Que reste-t-il après que le voile a été détruit dans Sa lumière qui est toujours présente ? C’est la révélation du Soi dans le Soi.

 

 

 

Même quand le bonheur est présent, la souffrance est là, dans les coulisses. L’expérience de la Réalité suprême est un état au-delà du bonheur et de la souffrance. Lorsque vous regardez une cruche de terre d’une certaine distance et qu’elle vous apparaît humide, vous en déduisez qu’elle est pleine d’eau, car habituellement, une cruche remplie d’eau est humide. De même, dans la gestuelle et les attitudes d’une personne réalisée, un certain état de bonheur transparaît. En fait il ne s’agit pas de bonheur. Le langage commun est impropre à décrire cet état. La vision véritable vient quand, après avoir vu Cela, tout désir de voir (autre chose) disparaît. L’audition véritable vient quand, après avoir entendu Cela, tout désir d’entendre disparaît. La vision véritable à tout jamais. En vérité, le vrai darshan (en étant le témoin de la Réalité suprême), est celui après lequel la question d’être témoin, d’en avoir la preuve ou non, ne se pose plus. (A suivre)

 

                                                                                                                                                                                                       (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

                                                                      

 

 

 

EN ASSOCIATION AVEC

 

SRI SRI MÂ ANANDAMAYÎ

 

Amulya Kumar Datta Gupta

 

 

Volume II

 

 

Page 25

 

Ce qui mène au Hathayoga.

 

Un disciple demande à Mâ : « Mâ, si quelqu’un parle mal de notre gourou en notre présence, comment devons-nous réagir ? »

 

Mâ : « Il est préférable d’accepter ces calomnies en silence. Dites-vous que c’est par la volonté de votre gourou que vous êtes confronté à ce genre de situation. Cela renforce en vous cette qualité qu’est la patience. »

 

Après cela, Mâ exposa l’interprétation qu’Elle faisait du cas de Nirmala Mâ – son propre cas. « Voyez-vous, dit-Elle, aussitôt que Nirmala Mâ écoute des kirtan (psalmodies des noms de Dieu) elle ressent une sorte de déséquilibre physique et une forte pression qui semble lui écraser la poitrine. Des réactions qui rappellent les effets du hathayoga. On ressent ce genre de déséquilibre lors des premières séances de sadhana, mais par la suite cela disparaît. Vous pouvez voir des personnes qui pratiquent le hathayoga distordre leur corps de toutes sortes de manières dans différentes postures. Au début de la sadhana, ou dans la  pratique de la répétition du Nom, on peut sentir ces réactions qui se produisent spontanément dans son propre corps, ce corps physique qui semble s’affoler lorsqu’il entend les kirtan ou qu’il chante les Noms du Divin. Toutes sortes de douleurs physiques se manifestent dans ces moments-là. Et si l’écoute d’un kirtan est douloureuse, le fait de cesser de l’écouter semble encore plus douloureux. Peut-être avez-vous entendu Mâ dire : « En vérité, écouter un kirtan me fait mal, mais je ne peux pas m’empêcher d’écouter les doux Noms du Divin. Ne pas les écouter est encore plus douloureux ». Ce genre de conditions exige de la patience. C’est ce qu’on appelle tapasya.   Et moi j’appelle le tapasya ‘tap saha’(qui procure douleur ou chaleur). Bien que l’écoute des psalmodies du Nom soit source de douleur, il suffit que cette écoute se poursuive avec patience pendant quelques jours pour que la douleur disparaisse. »

 

Mâ exposa les choses de différentes façons.

 

Je regardai l’heure, il était presque 3 heures du matin. Je partis me coucher.

 

 

 

Offrande de fruits à Ganga.

 

14ème Paush, 1343 Mardi (29/12/1936). Mâ avait projeté une sortie matinale sur le Gange. Nous étions tous avec Elle. Nous avions loué quatre embarcations. Aucune disposition n’avait été prise pour la préparation d’un repas à bord de ces embarcations. Mâ nous avait dit qu’Elle comptait rentrer après une courte promenade sur le fleuve. Venant de Calcutta, Sachi Babu avait apporté pour Mâ un énorme panier de fruits que nous avions embarqué avec nous. Reliées par des cordages, les quatre embarcations étaient toutes proches les unes des autres. Elles défilaient sur les eaux du Gange. Miroitant sous les rayons du soleil matinal, les vaguelettes du fleuve semblaient fêter notre passage. Le ciel était d’un bleu extraordinaire. Autour de nous les eaux limpides et purificatrices du Gange coulaient paisiblement et là, tout près de nous, sereine et souriante, se tenait Mâ, tout de blanc vêtue. Son visage brillait d’une lumière dorée, sa longue chevelure ondoyait doucement sous le souffle de la brise. On eut dit l’incarnation de la béatitude suprême. Une image à tout jamais fixée dans mon esprit. Visiblement euphoriques, les disciples avaient doucement entonné des kirtan qui ajoutaient une note sublime à ces instants que nous vivions. Voyant cela, les femmes qui se baignaient le long des berges de Navadweep s’immobilisèrent et regardèrent médusées cette sorte de spectacle que nous représentions. Les voyant bouche bée, Mâ partit d’un éclat de rire joyeux.

 

 

Pages 27-28

 

L’indifférence de Sri Sri Mâ.

 

Peu après, le groupe prit le chemin du retour. Arrivés au dharmashala, les uns et les autres se mirent à échanger des propos sur la promenade au fil du Gange. Mâ s’était assise sur la véranda. Quelques instants plus tard, Sachi Babu fit irruption au milieu du groupe. Il tenait à la main un télégramme. Il s’adressa à Mâ : « Mâ, c’est un télégramme de Bholanath. Il est malade. Que devons-nous faire ? »

 

Mâ répondit : « Il n’avait peut-être pas reçu la lettre que vous lui avez envoyée, lorsqu’il a expédié ce télégramme. Attendons qu’il réponde à cette lettre. »

 

Sachi Babu répliqua : « Il dit qu’il est malade, il est loin de tout et de tous et nous, nous allons rester là sans rien faire ? Nous devrions au moins lui envoyer un télégramme, non ? »

 

Mâ :« Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Mais faites ce que vous jugez préférable. »

 

Mâ prononça ces quelques mots d’un ton qui eut pu laisser supposer que Bolanath était un inconnu pour Elle. Didima et le vieux Dadamahashay étaient avec Bholanath. Elle ne fit pas davantage montre d’inquiétude à leur sujet.

 

L’indifférence de Sri Sri Mâ est quelque chose de très particulier. Mais nous, nous sommes des êtres faibles et son indifférence ne fait qu’ajouter à notre anxiété.

 

Sachi Babu envoya un télégramme avec réponse prépayée. La réponse arriva en début d’après-midi annonçant que Bolanath allait bien.

 

 

 

Page 38

 

Dévotion et foi en Dieu.

 

Voyant que la discussion que nous avions entamée se poursuivait, un homme posa une question à Mâ :

 

« Est-il possible de trouver facilement dévotion et foi en Dieu ? »

 

Mâ répondit :

 

« Pour avoir la dévotion et la foi en Dieu, un homme doit faire preuve de résolution dans ses actions et son comportement. Il doit suivre aveuglément la voie qui lui a été tracée par son gourou. L’aide dont il peut avoir besoin se manifeste d’elle même tandis qu’il parcourt, sous la direction du maître, la voie qui est la sienne. Il est inutile de regretter de ne pas encore avoir atteint un certain équilibre, une certaine tranquillité de l’esprit. L’esprit est inquiet, agité, parce qu’il est privé de sa nourriture naturelle. Nourrissez votre esprit, entretenez-le et il s’apaisera de lui-même. La nourriture de l’esprit c’est la joie, la joie parfaite, c’est elle qui l’anime, qui lui procure sa vigueur. L’esprit tente, par différents moyens d’ordre matériel, de se procurer cette joie, mais ne parvenant pas à atteindre l’objet de sa recherche – la joie parfaite – il demeure inquiet et agité. Cette joie idéale est inhérente à notre nature et l’esprit est conscient de sa saveur unique. C’est pour cela que les joies limitées de ce monde ne peuvent le satisfaire. Je compare l’esprit à un enfant. Tout comme un enfant qui cherche sa mère ne se tranquillise que lorsqu’il l’a trouvée, l’esprit lui aussi est à la recherche de sa mère. Et sa mère, c’est la joie parfaite. Je considère que l’esprit est également un grand chercheur de Vérité. De même que le chercheur ne peut être satisfait aussi longtemps qu’il n’a pas atteint l’objet de sa recherche, l’esprit ne peut trouver la sérénité tant qu’il n’a pas atteint la joie parfaite.

 

Nourrissez votre esprit d’idées belles et pures. La pratique finira par l’apaiser. Continuez à accomplir vos tâches quotidiennes. Je ne les considère pas comme inutiles, bien sûr. Mais gardez constamment votre regard intérieur tourné vers Dieu. Que cela soit toujours présent à votre esprit. Et un jour vous atteindrez le but suprême. « So’ham » (je suis cela) et « aham » (ego) sont reliés l’un à l’autre, comme l’arbre et son ombre. Notre ego est une ombre lui aussi, une projection de So’ham, le sens de l’identification à Lui. De la même façon que l’on peut arriver au pied de l’arbre en « remontant » son ombre, l’homme peut arriver à Dieu en accomplissant ses tâches quotidiennes tout en ayant le regard fixé en permanence sur Dieu.

 

Mâ poursuivit son enseignement sur ce thème pendant un long moment.

 

 

 

 Pages 39-40

 

Des obstacles sur la voie spirituelle.

 

Babaji (Ananda Bhai) dans son attachement pour Mâ, s’oppose à ce que l’on chante des kirtan en sa présence car cela peut engendrer une grande souffrance en Elle. Par contre Abani Babu, qui est tout aussi attaché à Mâ, est désireux, lui,  de stimuler en Elle les sentiments religieux, en lui faisant écouter le chant des kirtan. Comme si tout cela avait été programmé dans les samskara acquis dans une vie antérieure.

 

« Vous devez vous demander pourquoi Mâ ressent une telle émotion, des sentiments si intenses lorsqu’Elle écoute des kirtan. Mâ peut répondre à cela que ces rires et ces larmes, ce plaisir et cette souffrance sont engendrés par le désir. Se sentir heureux quand on écoute une psalmodie des noms de Dieu cela découle d’une sorte de désir. N’avez-vous pas entendu Mâ qui disait, hier : « Je ne peux pas non plus m’empêcher d’écouter la douceur de Ses noms. » Ecouter Ses noms cela cause de la souffrance, mais s’interdire de les écouter cela cause aussi de la souffrance. Le bonheur et le malheur sont invariablement liés au désir et à l’attachement. Il faut parvenir au juste équilibre par le biais de ces expériences du plaisir et de la souffrance. Cette souffrance persiste aussi longtemps que le juste équilibre n’est pas atteint. Elle a sa raison d’être. Ceux qui suivent la voie de la sadhana doivent obligatoirement passer par ce genre d’expériences. » (A suivre)

 

                                                                                                                                                                                     (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

PELERINAGE AU KAILASH

 

Sri Sri Mâ Anandamayî

 

De Grurupriya Devi

 

Volume V

 

Page 1

 

Dimanche 16 juin 1937.

 

Il était huit heures du matin. Nous nous étions mis en route, avec Mâ, pour le mont Kailash. D’autres personnes devaient encore revenir d’Almora pour se joindre à nous. Tout le monde avait les larmes aux yeux au moment de quitter Mâ. Nagendada qui était venu de Calcutta, Naren Choudhary avec sa famille, de Delhi, Hari Ram et Manik, de Dehradun, tous repartaient. Le groupe qui entreprenait ce déplacement était composé de Mâ, Bholanath, Jyotish Dada, Swami Akhandananda, Tunu (le fils de Prankumar Babu), Dasudada, une servante (Keshav Singh) et moi-même.  En outre, Parvati, une fille d’une communauté des collines, nous attendait à Almora pour se joindre à Mâ.

 

A onze heures du matin nous sommes arrivés au bungalow où nous avions prévu de nous arrêter, dans un endroit qui avait pour nom Barchina. Le paysage environnant était magnifique. Nous avons pris quelques boissons fraîches puis nous nous sommes reposés jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le bungalow était situé à quelques sept miles d’Almora. Lorsque nous avons atteint Dhaulchina, un lieu-dit situé à cinq ou six miles d’Almora, le jour commençait à décliner. Nous avons pris un repas que nous avions préparé nous-mêmes, après quoi nous nous sommes installés au mieux sur la véranda du bungalow pour y passer la nuit. Le lendemain, lundi 17 juin, nous nous sommes mis en route à cinq heures du matin pour nous rendre à Seraghat, à quelques onze miles de distance.

 

A Seraghat, des arbres particulièrement imposants s’élevaient sur les rives du cours d’eau qui traversait l’endroit. Nous avons préparé le repas à l’ombre d’un de ces arbres. Après le rituel de la fin de repas nous nous sommes étendus sous les branchages. Marcher sous le soleil à cette heure de la journée aurait été trop pénible. Nous avions une douzaine de coolies qui se déplaçaient avec nous et s’occupaient de transporter nos bagages. Nous avions loué cinq dandi (genre de chaises à porteurs) et engagé par la même occasion quinze coolies. Parvati était accompagnée d’une dame, de sa jeune soeur et de son frère. Ils avaient avec eux deux coolies. Au moment de la pause, les porteurs avaient préparé des roti pour leur repas puis ils s’étaient étendus pour se reposer. Chacun d’eux avait pour tâche de porter une charge qui ne devait pas dépasser un certain poids. A Almora, Tunu avait cherché un endroit où louer un cheval, mais en vain. Il espérait tout de même en trouver un en cours de route. Nous avons dû par ailleurs nous procurer un autre dandi à Seraghat, car l’un des nôtres n’était plus en état de poursuivre le parcours.

 

Nous faisions une halte de temps à autre dans les quelques rares boutiques que nous trouvions encore sur notre chemin, pour nous approvisionner en riz, dal (lentilles), ghî (beurre clarifié), sel et autres denrées essentielles. On nous avait avertis, en chemin, que ces échoppes étaient introuvables au-delà d’un certain point. On nous avait même précisé qu’après Garbiyan, il ne nous faudrait plus compter que sur nos propres  ressources. C’est d’ailleurs pour cela que, dans une certaine mesure, nous nous  étions  fournis en nourriture avant d’entreprendre notre randonnée : fruits secs et en conserve, sucre candi, poivre en poudre et diverses autres choses. Il est vrai que ces denrées sont indispensables dans la traversée des régions montagneuses froides et enneigées, autant que le sont les vêtements chauds, les lunettes de soleil et le matériel imperméable. On nous avait dit aussi que des voyageurs avaient eu des vertiges et s’étaient sentis mal sur les sentiers qui conduisent à Garbiyan. C’est en fait pour cette raison qu’une femme qui vivait à Almora, nous avait préparé une décoction à base de poivre, de poudre de mangue et autres épices, décoction dont elle était convaincue qu’elle nous aurait épargné les vertiges et autres troubles apparentés.

 

 

 

Page 4

 

Durant le parcours que nous accomplissions, Parvati, la jeune fille de Garbiyan, nous a raconté certains faits assez étranges qu’elle avait vécus dans ce village où elle vivait. Cinq ans auparavant, nous a-t-elle dit, elle avait rêvé qu’elle se rendait quelque part avec un groupe de personnes. Dans son rêve elle ne voyait pas clairement le visage de ces personnes. Par contre elle avait très bien vu celui d’une dame vêtue d’un sari blanc. Cette dame n’était autre que Mâ. Elle vit aussi, très nettement, le visage de Bholanath. Quelque temps après ce rêve, elle avait dû se rendre à Almora, pour ses études. Et maintenant, cinq ans après les faits en question, ses études étant terminées, elle s’était jointe à nous tous pour regagner son village natal. Lorsqu’elle nous avait rencontrés auparavant, à Almora, et qu’elle avait aperçu Bholanath, son rêve lui était revenu à l’esprit. Elle avait alors décidé de le suivre jusqu’au Kailash. Par ailleurs, Mâ lui avait demandé personnellement de nous accompagner dans ce voyage. Et Parvati avait attendu un mois pour pouvoir se joindre à notre groupe. Que d’étonnantes coïncidences dans tout cela ! La dernière fois que nous l’avions vue, elle n’avait pas du tout fait allusion à ce rêve. Cette fois-ci, par contre, elle nous l’avait décrit en détail. Après avoir entendu cet étrange récit, Mâ a souri puis Elle a déclaré : « Elle était venue à Almora pour suivre ses études, mais pour faire en sorte que ce rêve se réalise ! »

 

Comme il était merveilleux cet endroit !

 

A un certain moment, un habitant du lieu, un brahmane, s’est approché de nous et nous a demandé : « Où est Matâjî ? » Nous lui avons alors indiqué le dandi de Mâ. Il s’y est rendu aussitôt et lui a offert des fruits et des fleurs qu’il a déposés à ses pieds en s’inclinant en un pranâm respectueux. Le soir venu, le brahmane est revenu au bungalow. Il portait sur les bras des légumes et du lait. L’un de nous lui a demandé : « Comment saviez-vous que Mâ allait venir ? » Il a répondu : « J’ai lu dans les journaux que Mâ Anandâmayî devait se rendre en pèlerinage au Kailash. J’ai attendu son arrivée depuis ce jour-là. Aujourd’hui j’ai eu le bonheur d’avoir le darshan des pieds de Mâ. »

 

Combien d’autres fervents de Mâ ont eu le bonheur de vivre de tels instants ? C’est peut-être là, la raison pour laquelle l’Être de la Compassion a quitté le Bengale pour venir dans cette partie du pays. Je me rends compte, maintenant, à quel point ces gens considèrent Matâjî comme leur appartenant, alors qu’ils la connaissent à peine. Ils l’appellent ‘Devi Bhagavati’ et croient en Elle d’une foi simple et solide.

 

 

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Mercredi 19 juin

 

Nous nous sommes mis en route vers cinq heures du matin, en direction d’un lieu nommé Thala, situé à quelques dix ou onze miles de l’endroit où nous étions. Après avoir parcouru environ deux miles, les coolies qui s’occupaient des dandi, étaient épuisés. Nous nous sommes donc arrêtés pour leur laisser le temps de se reposer. Sur le ton de la plaisanterie, Jyotish Dada a pris un ton officiel pour déclarer Swami Akhandananda ‘roi’ du groupe, se proclamant lui-même ‘conseiller officiel’. Nous avons repris notre progression pendant un certain temps, puis les coolies ont dû à nouveau s’arrêter pour reprendre leur souffle et leur force. Nous nous sommes aperçus alors, durant cette pause, que le dandi de Swami Akhandananda s’était détérioré en heurtant une roche. Sans compter qu’en tombant, une malle avait éraflé, jusqu’au sang, la cuisse de Jyotish Dada et déchiré ses vêtements. L’évènement est devenu aussitôt prétexte à plaisanterie. Quant à moi, retenant mon rire, je lui ai dit d’un ton sérieux : « Vous vous êtes autoproclamé conseiller plénipotentiaire du roi de cette organisation. Eh bien regardez dans quelle situation nous ont mis le roi et son fameux conseiller, alors que l’expédition en est à peine à ses débuts ! » Matâjî s’est mise à rire de bon coeur, comme nous tous d’ailleurs. La voix rieuse, Jyotish Dada s’est tourné vers moi et m’a dit : « N’oubliez pas de parler de ce fait divers dans votre journal ! » Effectivement, je n’ai pas oublié, car je trouve qu’il y a quelque chose d’intéressant dans cette anecdote.

 

Sur le parcours, peu de temps après avoir repris notre progression, Mâ a aperçu une vieille femme qui portait un ballot sur la tête. Elle appartenait à la communauté des collines. Mâ l’a interpellée : « Matâjî, où allez-vous ? » Sans même poser son ballot à terre, la vieille femme a répliqué : « Je vais là-bas. » Puis elle a poursuivi son chemin. Les coolies étaient très fatigués. Ils se sont arrêtés et ont calé les dandi. La vieille femme s’est retournée pour regarder Mâ puis, brusquement, elle s’est arrêtée. Elle s’est approchée lentement de Mâ et s’est assise par terre. Il y avait plusieurs enfants avec elle et à en juger d’après le genre de vêtements qu’elle portait, elle donnait l’impression d’une personne relativement aisée. Elle avait un air intelligent. Elle a commencé à parler avec Mâ de différentes choses. Lorsque les coolies ont empoigné leurs dandi pour  reprendre le chemin, elle s’est relevée et a dit : « Mâ, les quelques mots que vous m’avez dits semblaient si gentils que je n’ai pas pu continuer mon chemin. Il fallait que je vienne m’asseoir près de vous. Nous sommes des gens simples, alors de quoi pourrais-je parler avec vous ? Je me suis assise uniquement pour vous écouter parler. » Puis, petit à petit, notre groupe a repris la route et s’est éloigné. Après quelques instants, je me suis retourné. J’ai aperçu au loin la vieille femme. Elle était immobile et regardait encore dans notre direction.

 

 

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Vendredi 21 juin

 

Après un certain nombre de difficultés et de péripéties quelquefois désagréables, par suite, notamment, de conditions météorologiques défavorables, le groupe arrive dans la localité de Dharchula.

 

Dès l’arrivée des coolies qui transportaient nos bagages, nous nous sommes mis à cuisiner. Nous avons pris notre repas vers trois heures de l’après-midi. Chemin faisant nous nous étions procuré des salades et des légumes frais que nous avons particulièrement appréciés. Nous savions, avant notre départ, que nous n’aurions pas trouvé sur notre parcours tout ce dont nous aurions pu avoir besoin. Nous nous étions donc munis du nécessaire pour pouvoir affronter un certain nombre d’éventualités. Outre le transport de ce matériel de Calcutta à Almora, nous avions eu également à charge son emballage dans diverses malles et caisses appropriées, chose qui m’avait embarrassé, voire même préoccupé, car je n’avais que peu de familiarité avec ce genre de travail. Mon embarras avait été d’autant plus grand que je ne voyais pas l’utilité de tout cet attirail, ce qui ne faisait qu’accroître mon incompétence à gérer la chose. Les garçons qui avaient été chargés de faire les achats, étaient rentrés épuisés de cette sorte de mission, car chaque fois que l’un d’eux pensait à un objet, ou à un produit donné, il se persuadait qu’il devait être indispensable et en faisait aussitôt l’acquisition. C’est Mâ qui, en fin de compte, a réglé cette affaire, car Elle savait exactement ce dont nous pouvions avoir besoin. Mais peu de temps après, d’autres personnes nous ont affirmé que tout ce qui avait été prévu initialement pouvait très bien s’avérer indispensable. C’en était trop pour moi. J’étais tout à coup convaincu de ne pas être en mesure d’accomplir la tâche qui consistait à m’occuper de l’emballage. A ce moment-là Matâjî est venue s’asseoir  près de moi. Elle m’a donné des conseils, mieux, des directives que j’ai suivies à la lettre. En un rien de temps, tout est rentré dans l’ordre. Matâjî est purna (entière), c’est pour cela que tout ce qu’Elle accomplit, Elle l’accomplit de si belle façon. Elle ne favorise ni ne rejette rien. Toutes les choses à résoudre sont d’égale importance pour Elle. Elle ne fait aucune différence entre l’une et l’autre. Elle effectue donc à la perfection chacune des tâches qui se présentent à Elle.

 

Après le repas, peu avant le coucher du soleil, Mâ a demandé à Jyotish Dada de l’accompagner dans une promenade sur les berges du Gange. A son retour Elle est venue vers moi et m’a dit : « Khukuni, le Gange a emporté avec lui la kurta que vous avez faite pour moi. » Je lui ai répondu : « Cela veut dire que vous l’avez jetée dans le Gange. Vous avez bien fait. » Le bhava n’est pas chose nouvelle pour Mâ. Souvent il m’est arrivé de parler, dans mes écrits, de sa façon de jeter dans le fleuve des kurta et des dhoti. Et lorsqu’on la questionne à ce propos, Elle répond avec un sourire lumineux: « L’eau l’a emportée. » C’est exactement ce qu’Elle venait de faire. Puis Elle a ajouté : « Ce kheyala s’est manifesté il y a quelque temps de cela. Il vient encore de se manifester. »

 

En fin de soirée, nous avons congédié les coolies. Ils nous coûtaient une roupie par jour quand ils travaillaient. Mais nous n’aurions pas besoin d’eux à Garbiyan où ils n’auraient rien à faire qu’à attendre. Et nous aurions dû les payer dix ‘anna’ par jour. Leur tarif est d’une roupie par jour pour le parcours proprement dit et dix ‘anna’ par journée d’attente. Un Rai Sahib d’ici a reçu plusieurs lettres de Krishna Pant de Nainital dans lesquelles le Raja Askote demande que toutes les dispositions soient prises pour un accueil parfait de Mâ. Il dit également que de nouveaux coolies ont été recrutés, ajoutant que le trajet à venir était très difficile et que ces hommes avaient été choisis pour leur robustesse. Les coolies qui nous accompagnaient depuis le départ étaient fatigués et avaient décidé de repartir dès le lendemain.

 

Demain nous serons contraints de rester sur place pour attendre les nouveaux porteurs qui se trouvent à quelques sept ou huit miles d’ici. Chacun d’eux portera une charge de trente-cinq seers (quantité traditionnelle bengalie). On nous a dit que le chemin d’ici à Garbiyan était très mauvais et qu’en comparaison, le parcours que nous avons effectué jusqu’à présent était particulièrement facile. Quoiqu’il en soit, chacun d’entre nous se réjouit de tous les moments passés en compagnie de Matâjî. A minuit, tout le monde est allé se coucher. Durant la soirée, deux bâtons d’encens ont été allumés près de Mâ. Un Ustadji qui connaissait Mâ est arrivé de Dheradun pour nous accompagner jusqu’au Kailash. Il a chanté et joué du bela.

 

J’étais étendu non loin de Mâ. Sur le point de sombrer dans le sommeil,  quand j’ai entendu tout à coup le son étouffé d’une voix. C’était Mâ qui, complètement emmitouflée dans ses couvertures s’adressait sans doute à moi. Je me suis levé instantanément et je lui ai demandé : « Vous m’avez appelé, Mâ ? » Elle a répondu : « Est-ce qu’il reste de l’encens ? S’il y en a, allumez-en et fermez la fenêtre qui est près de moi. » J’ai fait ce qu’Elle me demandait. Mâ n’avait pas bougé, Elle était restée enveloppée dans ses couvertures. Alors je lui ai demandé : « Quelqu’un est-il arrivé, Mâ ? ». Sans bouger d’un pouce Elle a  répondu : « Oui ». La conversation s’est arrêtée là. Je suis retourné m’étendre et je me suis enroulé dans ma couverture. (A suivre)

 

                                                                                                                                                                                                         (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

Du milieu diplomatique à l’ashram de Mâ :

 

soixante ans d’intinéraire de Pushpa

 

 

                                                                                                    Par Marie-France Martin

 

 

Nous avons eu ce 2 mars 2011, quelques heures avant le début de Shivaratri, un satsang avec Pushpa, qui va fêter ses 50 ans d’enseignement de Mâ cette année, sa première rencontre avec elle ayant été en 1961 (il s’agit d’une personne différente de Pushpadi, devenue Bhajanânanda, qui était une des meilleures chanteuses de l’ashram). Elle a maintenant plus de 80 ans. Nous étions 8 occidentaux dans la maison de Pushparaj pour la rencontrer pendant deux heures, dont Shanti qui a passé de longues périodes pendant 5 ans avec Vijayânanda entre 1992 et 1999, et était de retour de Tiruvanamalai où elle habite, et Marie-France qui est permanente à Kankhal et rencontre Pushpa trois fois par semaine pour travailler avec elle la Bhagavad-Gîtâ à partir du texte sanskrit. Nous laissons la parole à Marie-France pour présenter Pushpa, et donnons ensuite une petite série de ses propos en satsang, y compris le dernier pour Shivaratri. Il est intéressant de mentionner qu’à la sortie du satsang, nous avons rencontré un éléphant tout caparaçonné qui passait devant l’ashram de Mâ suivi d’une grande procession de musiciens, danseurs et figures vivantes de dieux et déesses sur des chars qui se rendait à Har-ki-pairi, le lieu sacré de bain d’Hardwar dédié à Shiva, pour le début de Shivaratri.

 

                                                                                                                                                                                                           Vigyânânand

 

 

 

Présentation de Pushpa

 

Père totalement anglicisé, pour lequel la culture indienne ne vaut rien, mère croyante qui a une Bhagavad Gita, pose tous les jours une fleur dessus, mais ne la lit pas.

 

A mi-course de ses études, elle se marie avec un diplomate qui l’emmène au Japon. Le jour de son départ, à Connaught Place, elle trouve un livre de la Bhagavad Gita, l’achète en souvenir de sa mère avec ses dix dernières roupies, le garde sans l’ouvrir tout le temps qu’elle reste au Japon. Elle l’a toujours.

 

Au Japon, vie de diplomate, très agréable et superficielle. Habitude de boire et de fumer, vêtements et maquillage, conscience de son image, cocktails quotidiens…

 

Après 6 ans de vie conjugale au Japon, son mari a une liaison et lui impose la séparation. Elle doit également se séparer d’un bébé de la famille de son mari, qui lui avait été confié à l’âge de 3 mois. Sa mère meurt à la même période.

 

 

 

Une personne de l’ambassade, au courant de sa situation, lui donne une photo de Mâ, ainsi qu’un exemplaire de ‘Matri Vani’,  lui disant de chercher à la rencontrer quand elle retournera en Inde. Sans vraiment y croire, elle garde cette photo, la met sur sa table de toilette, et lit les paroles de Mâ, qui amoindrissent sa douleur, comme un analgésique.

 

 

 

Le jour où elle quitte sa belle maison pour rentrer en Inde, une expérience. Elle regarde tout le luxe qui l’entoure, les œuvres d’art dans sa belle maison, et elle réalise que la propriétaire de tout cela est morte sans rien emporter.

 

Retour en Inde, reprise de ses études, travail comme professeur à Dehra Dun.

 

Elle cherche un maître spirituel, rencontre un Suisse, Puis Shivananda, puis Mâ

 

Premier Satsang (Expérience avec Shivananda)

 

 

 

Shiva ratri, 02/03/2011

 

Après le passage de plusieurs groupes ces derniers temps, il y a à Kankhal quelques personnes qui ont eu une expérience forte, soit avec Swami Vijayânanda, soit grâce au sentiment d’être en relation, ou d’être accompagnés par Mâ, bien qu’elles sachent relativement peu de choses sur Elle. Jacques Vigne est là aussi, ainsi que Shanti qui, elle, a eu une expérience de plusieurs années auprès de Swami Vijayânanda.

 

Je leur ai proposé de partager le moment que je passe régulièrement avec Pushpa, trois fois par semaine. Et, curieusement, c’est  le même jour qu’ils sont tous venus.

 

Pushpa a passé 20 ans sous la direction de Mâ Anandamayî. Je lui demande de parler, ce soir, de Mâ et de sa relation avec Elle. Pushpa commence par décrire l’ambiance qui régnait autour de Mâ, et comment les gens qui la voyaient se sentaient heureux rien qu’à la regarder, même sans qu’aucune parole ne soit prononcée.

 

Elle raconte ensuite 2 interactions qu’elle a eues avec Mâ, une ou Mâ lui a donné ses premières instructions personnelles, une autre ou devant le découragement  de Pushpa de venir depuis longtemps sans jamais pouvoir approcher Mâ (à cause de la foule qui l’entourait continuellement et des personnes qui lui faisaient barrage) elle ruminait intérieurement : « Tu n’es pas ma mère, tu es leur mère, je ne reviendrai plus ici». Mâ lui a parlé et a agi exactement comme sa mère (décédée à l’époque) le faisait autrefois.

 

Puis elle parle de ce qu’est la Maya : l’identification au corps, la croyance en des individualités séparées, alors qu’il faudrait avoir une conscience de soi qui serait la conscience d’être le pouvoir divin, unique.

 

Elle parle également de la liberté de l’homme et du fait que ses choix ont des conséquences, que c’est  la  subjectivité de l’homme qui crée le monde extérieur. Elle mentionne la conscience immobile, axe autour duquel la nature s’active en bien comme en mal. Quand Mâ arrivait quelque part, elle restait assise ou à demi couchée, parlait peu, mais tout le monde s’activait autour d’elle, personne n’était épargné par le tourbillon d’action qui se mettait en marche.

 

A une question sur l’enseignement de Mâ concernant la méditation, elle parle de la nécessité de se tenir droit, de l’attention au souffle, ce qui entraîne le silence du mental, ce qui donne la joie.

 

Pushpa a parlé pratiquement sans s’arrêter pendant 2h, le double du temps que nous passons habituellement ensemble. On pouvait sentir que les personnes présentes l’écoutaient avec concentration,  personne ne bougeait, personne ne parlait, les yeux étaient fixés sur elle, sauf quand elle a parlé de la méditation. Là, les yeux étaient fermés.

 

Pushpa a insisté sur la foi, la première fois qu’elle a eu un entretien privé avec Mâ, elle lui a dit : « Mâ, je suis un être fragile, je veux l’assurance que vous ne me quitterez jamais ». Mâ la lui a donnée de façon ferme et décisive, en lui disant : «  A chaque fois que tu penseras à moi, à chaque fois que tu parleras de moi, je serai présente ». Ces paroles reçues personnellement sont rentrées précieusement dans son cœur. Elle ajoute qu’elles sont valides de toutes façons pour nous tous, dans la mesure où Mâ les a souvent répétées publiquement.

 

Pushpa fait remarquer que bien que la foi soit très importante, elle ne doit pas être aveugle. Sa mère, sa grand-mère, pouvaient avoir une foi aveugle, mais celle-ci n’est pas bonne pour les gens modernes. La pratique spirituelle est, en fait, une science, avec ses lois.

 

Le visage de Pushpa s’illuminait quand elle évoquait l’entrée de Mâ, par exemple dans le hall de l’Ashram. « Elle ne faisait rien, mais pourtant on était rempli d’une joie infinie (Anandamayî en sanscrit ou hindi). On avait envie de danser. Il y avait un vaste spectre de différence dans les gens présents, savants ou illettrés, vieux ou jeunes, riches ou pauvres, mais tous étaient tout simplement capturés par la présence de Mâ.

 

 

 

Expériences avec Mâ

 

Un jour, elle n’avait pas encore rencontré Mâ, mais était déjà professeur à Dehra Dun, elle regarde la  photo de Mâ, et lui dit : Je ne peux pas vous rencontrer, je suis mauvaise, je fume, je mets du parfum venant de l’étranger, j’ai des vêtements de luxe, je me maquille…. A la minute même, elle décide de se séparer de tout cela, met tout sur son lit, et appelle ses collègues, en leur disant de prendre tout ce qui leur plait. Au bout de 5 minutes, il n’y a plus rien sur le lit.

 

Elle achète des cigarettes, mais elle a mauvaise conscience. Elle en fume une, trempe le reste du paquet et le jette, puis le lendemain en fait racheter. Sa  domestique lui dit qu’elle aurait bien besoin de l’argent de ces cigarettes jetées. Elle demande à la photo de Mâ la force, puis cesse définitivement de fumer. D’où rupture avec son cercle d’amies, ce qui la soulage.

 

 

 

Un jour, la mère d’une élève lui parle de la présence de Mâ à Dehra Dun. Elle réalise qu’il s’agit de la personne dont elle a la photo. Elle y va, se prosterne à ses pieds en pleurant. Mâ lui dit : « Fille folle, ne pleure pas pour les choses du monde. Si tu dois pleurer, que ce soit uniquement pour Dieu ».

 

De ce jour, et pendant un an, elle va voir Mâ chaque fois que c’est possible sans jamais réussir à l’approcher vraiment. Progressivement, sous l’influence du rayonnement de Mâ, elle modifie ses habitudes, de vie superficielle, de tabac…Si elle a senti sur elle le regard de Mâ, elle repart satisfaite. Elle a le sentiment que ce regard la purifie.

 

 

 

Un jour de pluie, il y a moins de monde que d’habitude. Alors qu’elle attend le car pour repartir, elle est reconnue par une ancienne enseignante de l’université dans laquelle elle avait été une élève rebelle et dissipée. Cette enseignante devenue Brahmacharini signale à Mâ de la recevoir. Mâ lui donne ses premiers conseils : lecture du Ramayana, d’autres textes, Japa, utilisation du chapelet. Mâ lui demande si elle sait utiliser un chapelet, sur sa réponse négative, elle envoie en chercher un. La personne revient en disant qu’il n’y en a pas, du coup, Mâ se lève, sort de la pièce, et revient avec un chapelet dont elle apprend le maniement à Pushpa.

 

 

 

Elle continue ses visites à l’Ashram, Au bout d’un an de fréquentation de Mâ sans pouvoir l’approcher, n’arrivant pas à trouver de sens aux pratiques que Mâ lui a apprises,  et sous l’influence de ses copines qui lui demandent ce que Mâ lui a dit et auxquelles elle n’a rien à répondre, elle se met à douter du bien fondé de ces expéditions difficiles, puisqu’elle ne peut pas approcher Mâ. Elle se dit : «  Mâ est  leur mère, pas la mienne. Je ne reviendrai plus ». Ce jour là, Mâ avait donné la consigne que personne ne devait partir sans prasad, on essaie donc de retenir Pushpa, mais elle s’obstine à attendre son bus…qui ne vient pas. Quand elle réalise qu’il n’y aura pas de bus avant 2h, elle accepte de s’asseoir pour manger, tout en gardant le nez dans son livre, un livre de Ramana Maharshi. A ce moment là, elle entend un bruit de pas. Mâ est devant elle et lui dit : « Tu ne dois pas lire en mangeant, pose ton livre là, prend ton repas, va te laver les mains, et après, tu reprendras ton livre ». Après coup, Pushpa réalise que ces mots et ce ton de voix, sont exactement l’attitude que sa mère aurait eue.

 

 

 

Un jour, elle se trouve avec Mâ sur une terrasse. Mâ regarde le ciel, très loin, ne parle pas et ne bouge pas. Pushpa s’assied à côté d’elle, et se trouve en état de méditation très profonde, incapable de penser et de bouger. Des gouttes de pluie tombent, Mâ se lève et lui dit : « Aviakt Rhiday » « Le non-manifesté est dans le cœur »

 

 

 

Un samedi soir, l’heure du passage de son bus est passée. Elle s’adresse à Atmananda pour lui demander de l’aide. Mâ entend, lui demande d’où elle vient, et donne l’ordre qu’on s’occupe d’elle. Ce soir là, elle mange et dors à l’Ashram, et repart par le premier bus du lendemain matin.

 

 

 

Dimanche 28 mars 2010

 

Hier soir, son aide n’est pas venue à l’heure. Elle voulait aller au Samadhi, et l’attendait avant de le faire. Elle s’est petit à petit énervée, mais en même temps, elle se regardait s’énerver. Elle se posait la question de Ramana Maharshi : « Qui veut aller au Samadhi ? Qui s’énerve ? Ce n’est pas moi qui m’énerve, c’est l’Ego, moi, je suis l’âme, je ne suis ni le corps, ni le psychisme, ni l’intellect. » Cette question vous bascule dans le silence... L’énervement s’en va.... 

 

 

 

Samedi 10 septembre 2010

 

Aujourd’hui, avec Pushpa, nous étudions le chapitre 6 de la Bhagavad Gita, versets 20 à 30, qui parlent de la paix et de la joie de l’union au divin, que l’on obtient par le contrôle du mental, de l’importance de revenir à la concentration à chaque fois que le mental s’échappe, et aussi de la présence du divin dans tous les êtres. Elle me parle d’un coup de téléphone de sa sœur, reçu hier. Sa sœur était un chirurgien renommé, mais a dû arrêter sa pratique, car sa main s’était mise à trembler. Sa sœur, qui a tout ce qu’on peut avoir, appartement agréable, télévision, revues….s’ennuie beaucoup, et lui demande comment elle peut supporter le manque de stimulations à Kankhal. Elle me dit ne pas avoir pu lui expliquer que les 3 heures de solitude et de silence complet, de pratique, de méditation qu’elle se donne tous les soirs de 18h a 21h lui apportent une très grande joie, une immense gratitude pour le divin auquel elle ne souhaite que d’être abandonnée, et qu’elle ne peut rien désirer d’autre ! Elle parle aussi de la présence de la conscience divine, non seulement dans les animaux, mais aussi dans les plantes, ce qui induit la nécessité d’avoir un sentiment d’adoration pour toutes choses…. « Celui qui Me perçoit en toutes choses, et perçoit toutes choses en moi, je ne le quitte pas des yeux, et lui ne me quitte pas des yeux… » (6, 30)

 

                                                                                                                                                                                                                                    (A suivre)

 

 

 

Fleur de cactus, Fleur de Lotus

 

(Par Mahâjyoti)

 

 

 

Qui s’y frotte s’y pique, m’a-t-on dit souvent

 

Quand j’étais petite, et même maintenant.

 

Savoir me défendre, j’y crois mordicus !

 

Fleur de Cactus !

 

 

 

Pourtant à quoi bon ? Et si le fossé

 

Qu’il faut traverser, comme le bouclier

 

Qu’il faut transpercer, n’étaient pas un ‘plus’ ?

 

Fleur de Cactus ?

 

 

 

Et si le guerrier qui en nous s’obstine

 

Comme le porc-épic rentrait ses épines,

 

Cessait de combattre à la Spartacus,

 

Fleur de Cactus ?

 

 

 

Sur mon grand balcon, à force de soin,

 

Agaves et Chardons ont fleuri soudain,

 

A force d’amour : 6 jolis Brutus !

 

Bébés Cactus !

 

 

 

Leur cœur s’est ouvert, laissant apparaître,

 

Roses, tendres et fous, semblables à mon être

 

Qui à l’intérieur recèle une fleur.

 

Bébés sauveurs !

 

 

 

Tout l’amour de Mâ a brisé mes chaînes.

 

Je l’ai pris en moi, cet amour m’entraîne.

 

Je suis transformée, j’en reste motus !

 

Fleur de Cactus !

 

 

 

On s’y pique un peu, mais au fond du cœur,

 

Si on sait la voir, s’élève cette fleur.

 

Une vraie douceur, un Stradivarius !

 

Fleur de Lotus !

 

 

                Mahâjyoti (Geneviève Koevoets)

 

 

 

 

 

Des rives de la Mer noire aux pentes de l’Himalaya.

 

 

      Vladimir Zaitsev est peintre et poète, dans le style de Nicolas Roerich, inspiré par la nature himalayenne. Depuis 5 ans, il est très souvent en Inde, et il effectue à Delhi un doctorat sur les artistes russes en Inde. Sa femme Natalia est devenue pianiste après avoir fait cependant un doctorat en physique fondamentale et elle est venue à l’Inde par la théosophie. Je les ai rencontrés il y a quelques jours au 25e anniversaire de la fondation du Temple du Lotus, le centre Bahaï de Delhi. Ses poèmes ont été publiés en Russie et aux Etats-Unis depuis une vingtaine d’années, mais c’est la première fois qu’ils sont traduits en Français ci-dessous.  Nous continuerons à en donner des extraits dans des ‘JAY MA’ suivants. Nous commençons déjà par rendre les deux premières pièces du recueil. Le livre est dédié à son épouse Natalia et les remerciements du début sont pour ‘les Muses du ciel et de la terre’. Vladimir a grandi au sein des beaux paysages de Crimée où les vagues de la Mer Noire baignent les ruines d’anciennes cités. Il a étudié à l’université les religions et récits anciens de la région, ce qui l’a préparé à sa relation avec le polythéisme hindou. Le contact avec le Un derrière la nature visible est la trame de ses poèmes, en cela on est proche de l’inspiration upanishadique et védantique.

 

 

En me tournant vers moi-même

 

 En me tournant vers moi-même

 

Je m’adresse à Toi

 

Mon ami inconnu.

 

 Qui suis-je ?

 

 Qui suis-je ? Si ce n’est pas la petite alouette

 

Chantant dans le champ sans limites.

 

Qui suis-je ? Si ce n’est pas un fragment d’autres planètes

 

Qui est tombé sur la Terre.

 

Qui suis-je ? Si ce n’est pas cette fleur

 

Demeurant sur l’île verte au sein des colosses de la cité.

 

Qui suis-je ? Si ce n’est pas le pic solitaire

 

S’élevant au-dessus du royaume des neiges et glaces éternelles.

 

Qui suis-je ? Si ce n’est pas l’un d’entre vous,

 

Engagé dans ce tourbillon qui n’a de cesse,

 

Qui suis-je ?

 

 

 

Le Maître

 

 Le Maître te parlera

 

Grâce aux lèvres du vent,

 

L’entendras-tu ?

 

 Oh ! Si  nous pouvions

 

 Oh ! Si  nous pouvions nous oublier

 

Ne serait-ce que pour un moment

 

Le miracle surviendrait.

 

 Le Seigneur des destinées du monde

 

Le Seigneur des destinées du monde

 

Etend vers la Terre les fils subtils

 

De ses écheveaux arc-en-ciel.

 

Ils nous disent en silence :

 

« Tissez le motif de votre vie avec l’amour ».

 

 

 

 

Rencontre avec Vijayânanda

 

Décembre 1998

 

Groupe de Nathalie ANTHONY

 

(Suite)

 

 

C'est ça la vraie rencontre. Le mot gourou est devenu tabou maintenant, ça ne se dit plus « gourou », disons « maître ». Ca, c'est la vraie rencontre avec un vrai gourou. Vous savez, quand un vrai disciple, un disciple sincère, rencontre un vrai gourou et qu'il y a une relation, c'est la plus belle chose que vous puissiez imaginer. Vous ne pouvez pas imaginer la beauté de la relation entre un vrai disciple et un vrai gourou. C'est une histoire d'amour, mais d'amour spirituel. C'est la chose la plus merveilleuse qu'il puisse arriver, et cela m'est arrivé, cette chose extraordinaire. Ca n'arrive pas à beaucoup de gens, hein ? J'avais écrit un article : « Quelque fois, les rêves se réalisent » et c'est vrai. Voilà.

 

 

 

Ch : Il faut dire aussi que ça n'arrive pas, parce que des grands maîtres, il n'y en a pas beaucoup !

 

 

 

V : Non, des grands maîtres il y en a assez, Mais de bons disciples, il n'y en a pas beaucoup ! Des vrais disciples sincères et authentiques, il n'y en a pas beaucoup.

 

 

 

M : Vous en avez vus un certain nombre, j'imagine, de bons disciples ?

 

 

 

V : De bons ? (Hésitant) (Rires) Peut-être un ou deux, c'est très rare. Des gens qui sont vraiment 100% sincères.

 

 

 

C : Sincère, qu'est-ce que c'est ?

 

 

 

V : C'est-à-dire qui ne veulent qu'une chose, qui veulent la libération, qui ne veulent pas autre chose. La libération, ce qu'on appelle la réalisation, c'est-à-dire la connaissance du Soi, la connaissance du Suprême et rien que ça.

 

Beaucoup veulent devenir célèbres, ou ils veulent devenir des gourous, des choses comme ça. C'est très rare d'en trouver un qui soit à 100 %, uniquement, c'est très rare, surtout chez les Occidentaux. Dès qu'ils ont une petite expérience, ils commencent à enseigner. Ils ont hâte d'enseigner, de devenir des gourous, d'avoir des disciples.

 

 

 

JL : En Inde aussi, vous le dites dans votre livre, il y en a beaucoup qui prétendent être et qui ne sont pas forcément...

 

 

 

V : Oui, il y a beaucoup de faux gourous. Un gourou authentique est assez  rare.

 

 

 

JL : Et aujourd'hui, des vrais disciples indiens, il n'y en a pas beaucoup non plus ?

 

 

 

V : Non, pas beaucoup.

 

 

 

E : Et vous en connaissez aujourd'hui des gourous authentiques ?

 

 

 

V : Eh bien, il y en a une à qui je peux envoyer les gens en toute confiance, c'est Mâ Amritanandamayî (Amma). C'est un vrai grand sage. Un grand sage authentique. Pour la Noël elle doit être dans son ashram du Kérala je crois. Je ne l'ai jamais vue, mais il y a une sorte de correspondance entre nous, parce que je lui envoie tellement de gens. Je lui ai fait dire plusieurs fois : « Je vous envoie tellement de gens, je veux 10 % du pouvoir spirituel que vous leur donnez ! » (Rires)

 

Le vrai sage peut vous donner un éveil intérieur, ce qu'un gourou ordinaire ne peut pas faire. Moi, je cherchais quelqu'un qui aurait été capable de cela.

 

Un jour, j'étais malade, enfin, j'étais assez guéri déjà, quand une amie de Paris qui s'inquiétait beaucoup à mon sujet est allée voir Mâ Amritanandamaî avec ma photo. Alors, Amma a regardé, et elle a dit : « Oh, French swami ! ». Pourtant elle ne m'a jamais rencontré ! » (Rires) Et puis, (ton amusé) elle a mis du santal sur la tête de la photo, et au pied elle a mis un pétale de fleur. C'est dommage, je n'ai pas gardé la photo, je l'ai donnée à quelqu'un…

 

 

 

JLB : On n’entend rien quand vous parlez par là.

 

 

 

V : Oui, ma voix n'est pas très sonore. Vous savez, quand je suis enrhumé, que j'ai un peu de laryngite, ma voix est très sonore ! (Rires).

 

 

 

JLB : (Qui est acupuncteur) : Il faut que l'on vienne l'hiver, vous avez de la laryngite l'hiver ?

 

 

 

V (Amusé) : Pas toujours ! Mais quelquefois, alors quand j'ai de la laryngite, on m'entend bien, ça vibre bien !

 

 

 

M : Est-ce que vous aviez une culture religieuse ou une pratique religieuse avant de partir ?

 

 

 

V : Oui, oui, je suis né juif et ma famille est extrêmement religieuse et moi aussi. Quand j'étais enfant, j'étais extrêmement religieux. Et puis après, évidemment....

 

 

 

Ch : Et vous avez toujours été religieux, vous n'avez jamais eu une période de doute ?

 

 

 

V : Si, j'ai eu une période de rupture. Vous savez, quand j'avais 17, 18 ans, j'étais en classe de philo… Ca existe encore la classe de philo ?

 

 

 

Tous : Oui, oui.

 

 

 

V : Je m'intéressais beaucoup à la philosophie et puis je lisais ou plutôt je dévorais tous les livres des philosophes occidentaux et, finalement, j'en étais arrivé à la conclusion que Dieu n'existait pas, que c'était de la blague. Et je suis devenu athée pendant quelque temps, je ne croyais plus à rien, et puis après c'est revenu.

 

 

 

Ch : Et c'est revenu comment ?

 

 

 

V : Comment ? Quand j'ai lu le livre de Vivekananda.

 

 

 

E : Mais qu'elle était pour vous la différence entre religieux et non religieux ?

 

 

 

V : C'est la conduite de tous les jours. Quand on est religieux, on a peur de faire n'importe quoi. Et quand on n'est pas religieux, il n'y a pas de karma, il n'y a rien, on fait n'importe quoi. Il y a une grosse différence.

 

 

 

E : Et quelle différence faites-vous entre la religion et la spiritualité ?

 

 

 

V : La différence, voyez-vous, les religions sont basées sur le ritualisme, n'est-ce pas ? Et la spiritualité est un niveau commun à toutes les religions. Alors chaque religion a son ritualisme, qui doit culminer dans la vie spirituelle. Mener une vie morale quand vous êtes engagés dans la vie spirituelle n'est ni fondé sur la peur ni sur la connaissance, c'est aussi naturel que de respirer. Il ne viendrait pas à l'idée de faire une mauvaise chose. Alors que l'Homme commun, doit se retenir, se contrôler. Vous avez lu le Yoga les 5 Yamas* ? Vous êtes naturellement moral, ça fait partie de votre nature. On ne ferait de mal à personne, n'est-ce pas ?

 

 

 

M : Cela m'évoque toujours la même question quand j'entends cela... Je suis 100 % d'accord avec ce que vous dites...

 

 

 

V : (Très amusé) : 100 %?

 

 

 

M : Absolument ! Je le comprends très bien. Je n'irais pas jusqu'à 150, Mais...

 

La question : quand on a cette attitude, finalement, est-ce qu'on n'est pas en train de réduire toutes les différences de l'Autre en se disant : « Si je me comporte bien tout ira bien avec l'autre ». Est-ce que ça n'est pas au fond un risque de respect profond de l'altérité de celui qu'on rencontre ? Je pense que cette orale naturelle est une première étape, mais qu'il faut faire l'expérience de l'altérité, enfin c'est comme ça que je le vois, de temps en temps on est devant un mur comme chez les juifs le « kotel » à Jérusalem, que vous connaissez, pour moi c'est la vraie image de Dieu, cette altérité, cette différence radicale qui n'a rien à voir avec mon comportement. De toute façon, quel que soit mon comportement, une relation c'est un risque de rencontrer une différence et au fond de se dire : « Si je me comporte correctement, tout ira bien ». Est-ce que ce n'est pas un risque de manque de respect total ? Voilà, je provoque un peu...

 

 

 

V : Alors, plutôt se comporter mal ? Non, voyez-vous, quand vous êtes dans la voie spirituelle, on vous enseigne que cette Conscience, cette divinité qui est en vous est la même en tout le monde. Alors, quand vous voyez l'autre, vous voyez à l'intérieur, c'est votre propre Soi, Mais vous respectez la différence, l'altérité, vous la respectez. Vous savez que le centre, le noyau, c'est la conscience pure. Mais en même temps, vous respectez les différences. C'est ce que vous vouliez dire ?

 

 

 

M : Pour moi, la différence entre les personnes, c'est la richesse de l'existence, et autant il est essentiel d'avoir un comportement moral naturel, autant on n'a rien fait à ce moment-là pour moi. La relation profonde qu'on peut avoir avec quelqu'un, c’est de découvrir une différence radicale. Parce que si cette différence radicale n'existe pas, c'est que j'ai assimilé l'autre à quelque chose qui est en moi et la relation n'a aucun intérêt, je me fais plaisir, c'est tout, je suis passé complètement à côté parce que je n'ai vu dans l'autre que l'image de moi, parce qu'il n'y a que ça qui m'intéressait.

 

 

 

V : Mais vous voyez toujours l'autre sur l'image que vous vous faites de lui, vous le voyez toujours comme ça.

 

 

 

M : Oui, mais on peut aller vers l'autre en admettant qu'il y a ce risque de trouver quelque chose qui nous fasse très  peur finalement.

 

 

 

V : Oui, mais l'autre est toujours l'image que vous vous faites de lui, parce que l'autre n'est jamais le même. Si vous rencontrez une personne par exemple aujourd'hui, si vous la rencontrez demain, ce ne sera plus la même, n'est-ce pas ? Ce n'est jamais la même personne que vous connaissez, vous surimposez la mémoire, n'est-ce pas ? Vous vous dites : « Ah, cette personne, elle est comme ça, comme ça, comme ça »... On n'est pas capable de voir une personne tout à fait impartialement, dans l'isolement, c'est toujours une projection. (A suivre)

 

 

 

Nouvelles

 

 

- Une puja en hommage à Swami Vijayânanda a lieu le 26 mars au samâdhi de Mâ à Kankhal, suivie d’une autre pour Swami Bhaskarânanda et d’une dernière pour Swami Shivânanda. Un petit groupe d’occidentaux s’est rencontré à cette occasion et a échangé des souvenirs et témoignages sur Swami Vijayânanda.

 

 

-  Nouveaux livres :

 

- Le recueil des souvenirs de l’Inde ‘Voyage intérieur aux sources de la joie’ écrit par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) et dont nous avons parlé dans le dernier ‘Jay Mâ’ N° 99, a trouvé son éditeur. Le livre sortira à la fin du premier semestre, relié ‘à la chinoise’. Il est conçu en hommage à Mâ, à Vijayânanda et en remerciement à Jacques Vigne. Nous en reparlerons.

 

- Nous avions parlé de la parution de ‘Retrouver la joie’, une sélection de texte de Mâ traduits et présentés par Patrick Mandala, et nous en avions cité des extraits (Jay Mâ N° 97). Il prépare un volume II avec une préface de Denise Desjardins. Il est aussi actif pour faire connaître d’autres aspects des sages et des enseignements de l’Inde, voici ses travaux récents où en cours, tels qu’il nous les présente :

 

 

 

QUELQUES PUBLICATIONS RECENTES

 

-"Le Pèlerin de l'Absolu: Râmdâs", histoires spirituelles et perles de sagesse

 

 (Accarias-L'Originel)

 

Je souhaitais rendre hommage à ce Maître. Il n'y avait rien de publié sur lui depuis longtemps, et il risquait de "tomber dans l'oubli".

 

-"Le Son du silence"; présence de Râmana Mahârshi (même éditeur).

 

-"Histoires spirituelles" Râmana Mahârshi (même éditeur)

 

-"L'Aventure de l'éveil: Abécédaire de sagesse selon Krishnamurti’ (Le Relié)

 

 VIENT DE PARAITRE

 

-"Mîrâ-Bâî: femme, sainte et poétesse du Râjasthân. 108 Chants d'amour (Librairie orientaliste Paul Geuthner)

 

Ce livre me tenait particulièrement à coeur. J'y travaillais depuis une vingtaine d'années. 

 

- Eveille-toi!Réveille-toi!": Svâmî Vivekânanda: enseignement et entretiens (Accarias-L'Originel).

 

Là aussi je crois qu'il fallait remettre ce "colosse de la spiritualité" à l'honneur (en France). Il est tant aimé et populaire en Inde, n'est-ce pas? Et puis sa vie est un roman, une symphonie wagnérienne!

 

-"L'Art de l'amour"; miniatures indiennes et textes choisis de l'Inde.

 

J'ai la passion des miniatures indiennes. En France on trouve peu de livres sur le sujet. On y trouve le fleuron de l'école du Kângrâ particulièrement, avec la Râdhâ-Krishna lîlâ.

 

 A PARAITRE

 

-"Aux sources du Yoga": questions-réponses pour notre temps avec trois Maîtres spirituels de l' Ânandâshram - Râmanâsramam, et Centre Védantique Râmakrishna.

 

-Vol.II sur Mâ: surtout des anecdotes, et satsang. Préface de Denise Desjardins.

 

Comme je le disais il y a quelques années, au début de l'écriture du vol.I, mes sources principales sont les volumes de Gurupriya, puis Ananda Varta et autres.

 

-Vol. II sur l'enseignement de Râmdâs.

 

-"Le Chant du monde"; petite anthologie des Vedas à Tagore.

 

Une sélection des textes sacrés et profanes qui m'ont accompagnés depuis l'adolescence.

 

On trouvera des textes rares, dont de superbes et très anciens poèmes du Sud, des perles de sagesse et de bhakti, comme le Paripâtal, extraits des poèmes d'Ântâl, etc.

 

-Deux grands projets à long terme avec un Grand Editeur sur Les Miniatures indiennes/textes de l'Inde, et sur La Femme dans la peinture orientaliste et la poésie mystique.

 

 

 

Renouvellement des abonnements

 

Au ‘JAY MA’

 

Le N° 99 de Noël a été le dernier numéro envoyé aux abonnés des deux années précédentes.

 

Merci à tous ceux (nombreux) qui ont déjà  renouvelé l’expérience du ‘JAY MA’ et qui se sont inscrits de nouveau auprès de José Sanchez Gonzalez  pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr  – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr – (Coordination bénévole)

 

La brochure est toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler pour deux ans, de mars 2011 à mars 2013.

 

Le prochain numéro sera le 100ème de cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne.

 

                                            

 

 

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ

 

En Association avec Sri Sri Mâ Anandamayî

 

(Amulya Kumar Datta Gupta)

 

Pèlerinage au Kailash (Gurupriya Devi)

 

Du milieu diplomatique à l’ashram de Mâ

 

(Retranscrit par Marie-France Martin)

 

Poème ‘Fleur de Cactus, Fleur de Lotus’

 

(Par Geneviève Koevoets-Mahâjyoti)

 

De la Mer Noire à l’Himalaya

 

(Par Vladimir Zaitsev)

 

Rencontre avec Vijayânanda (Décembre 1998)

 

(Satsang retranscrit par Nathalie Anthony)

 

Nouvelles

 

Renouvellement des abonnements au ‘Jay Mâ’

 

Table des matières

 

 

 

 

 

Jay Ma N° 101 -   Eté 2011

 

 

 

 

Paroles de Mâ

 

 

Japa - Dhyan

 

(Extraits de ‘Les enseignements de Mâ Anandamayî’

 

(Chapitre 10)

 

 

 

 

 

  Il faut pratiquer la méditation car elle conduit à la compréhension divine.

 

 

Par la récitation de Gâyatrî, les offrandes, les oblations dans le Yajna, les japa, la méditation et autres actions appropriées, vous vous débarrasserez de toutes les impuretés de vos naissances antérieures, de votre vie actuelle et de tous les karmas que vous avez accumulés. Le but qu’on doit poursuivre, c’est d’ouvrir le voile et de permettre la manifestation de la lumière qui brille en vous vigoureusement.

 

 

 

 

Etre sans aucune pensée, voilà la méditation suprême.

 

 

 

                                                      

 

 Il est nécessaire de prendre, de façon régulière, deux à trois repas par jours. De même, il faut faire le trisandhya – observance obligatoire des rites et rituels d’un initié, à l’aube, à midi et au crépuscule – vêtu d’un vêtement propre, grand respect pour le sacré en tenant quand même compte des conditions où on se trouve, dans une posture donnée, en un lieu donné et avec dévotion. Ce sont là les règles scripturaires. Grâce à cela, la pureté intérieure, toujours présente, s’éveille. De la sorte, après ce réveil, il n’est plus question de pureté ou d’impureté.

 

 

 

                                                     

 

Il est une règle qui veut que seul le japa « compté » soit offert à Dieu. Le souvenir constant du moûl-bîjâ – la semence du mantra de l’initiation – et le japa durant l’action, sont ce qu’il y a de mieux. Dans ce cas, le japa n’a plus besoin d’être offert (en étant compté par exemple) Avec cette nouvelle règle on peut pratiquer le japa à n’importe quel moment, même après la nuit, avec la bouche impure, et le vêtement impur du sommeil. Ainsi, on peut réciter de nombreux japa. Dieu est au-dedans de nous et il est bon de pouvoir L’appeler de notre « dedans ».

 

 

 

                                                      

 

Mâ est près de vous, dans chacune de vos actions tout comme dans le kirtan. Restez assis, immobile, dans une posture et une attitude sereines, et pensez que Mâ est avec vous, dans le vide. Vous trouverez du bonheur en cela. Allongés aussi, immobiles, méditez. Dites-vous : « Mâ est avec moi, toujours ! »

 

 

 

                                                               

 

Invoquez Celui que vous connaissez comme étant votre Ishta (la forme bien-aimée de Dieu). Faites le japa mental, pensez à Lui et méditez sur l’Ishta, consirérez-Le, de Ses pieds à la pointe de Ses cheveux. Si vous voulez faire d’avantage de japa, concentrez votre attention sur le son du mantra. C’est Dieu sous forme d’Akshara (syllabe, en particulier le Om, akshara signifiant étymologiquement ‘indestructible’) et Dieu sous forme du son – Shabda – également.

 

 

 

                                                      

 

Rappelez-vous une chose : il ne faut pas négliger les pratiques spirituelles qui Lui sont dédiées, car elles portent à l’expérience de Lui. Il est atteignable au travers des japas et de la méditation. Cette habitude, cette manière, que vous avez de pratiquer le japa et la méditation, pratiquez-les, sans discontinuer. Ne pensez pas qu’Il pourrait ne pas répondre à votre appel. Cela n’arrivera jamais. Mais il faut le temps. Si vous pratiquez intensément, cela favorisera Sa révélation.

 

 

 

                                                      

 

Méditez sur Chidanda (la réalité suprême qui est béatitude et conscience) car Il est sous forme du Soi lui-même.

 

 

 

                                                       

 

Efforcez-vous d’épancher votre mental et votre esprit dans le japa et la méditation. Faites-le au mieux de vos possibilités. Et faites en sorte de rester aussi longtemps que possible dans un environnement divin et dans cet engagement spirituel qui est le vôtre. Le voyageur qui accomplit le parcours vers le grand but spirituel doit accélérer le pas. Qu’il en ait envie ou non, il doit poursuivre le japa, la méditation et l’invocation.

 

 

 

                                                       

 

Il faut que la posture (âsana) soit ferme, que l’esprit soit concentré et que le japa serve de soutien. Lorsque ces conditions sont réunies, alors on peut espérer avoir un avant-goût de Cela. (A suivre)

 

                                                                                                                                                                          (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

                                      

 

En Association avec Sri Sri Mâ Anandamayî

 

Amulya Kumar Datta Gupta

 

(Volume II – Suite)

 

 

 

Page 40

 

Cosmologie et Méditation.

 

Un disciple pose une question à Mâ.

 

D. : « Comment les premiers samskara ont-ils été formés ? »

 

Mâ : « Ces questions-là relèvent de la cosmologie. Celle-ci en particulier est née dans votre esprit, de même que vous avez en vous les concepts de création, de continuation et d’annihilation. Toutes les actions que vous effectuez, vous les effectuez pour une raison donnée et c’est pour cela que vous considérez que Dieu a des raisons Lui aussi. Mais dans le domaine de la Vérité dernière cela n’a aucun sens. C’est pour cette raison que les védantistes appellent cela Maya (illusion). »

 

Triguna Babu : « Mâ, ne devrions-nous pas consacrer davantage de temps à la méditation ? »

 

Mâ : « Si, car cela renforce la concentration. Et puis la méditation finit par s’épuiser, par se dissiper durant son propre cours. Et ce qu’elle laisse derrière elle est indicible. »

 

Triguna Babu : « Si la méditation elle-même accroît la concentration, alors nous pourrions très bien méditer sur les choses de tous les jours ? »

 

Mâ : « La méditation sur les choses de la vie courante augmente sans aucun doute la concentration, mais elle crée des liens, des attaches. Seule la méditation sur les choses vraies peut rompre ces attaches. »

 

 

Page 43

 

Ce qu’est la Grâce.

 

Au cours d’un satsang, Nirod Babu pose une question à Mâ.

 

Nirod Babu : « Mâ, pouvez-vous me dire ce qu’est la Gâce ? »

 

Mâ : « La Grâce est la récompense obtenue pour des actes exceptionnels qui ont eu lieu dans une vie précédente. Les bonnes actions que vous avez accomplies dans une vie antérieure vous reviennent sous forme de Grâce. »

 

Nirod Babu : « Une récompense pour mes actions ? J’y ai donc droit ! Ce sont mes gages en quelque sorte ? »

 

Mâ : « Vous y avez droit, sans aucun doute. Mais vous n’en êtes pas conscient alors vous considérez cela comme la Grâce. En outre, au cours de la sâdhanâ, le chercheur parvient à un certain stade à partir du moment où tout lui apparaît comme étant la Grâce. Comme si tout ce qui advient sur cette terre était dû à la Grâce du Divin. Cela est alors totalement libéré de la relation sadhya-sâdhanâ (« accomplissant » et objet de l’accomplissement). C’est le stade de la Grâce. Le stade supérieur transcende la Grâce. Il ne reste plus qu’une seule Existence. Qui manifestera la Grâce et à qui ?

 

Il ressort donc, de l’interprétation que nous donne Mâ de ce qu’est la Grâce et le purushakara, qu’il existe deux aspects du même concept. Ce qui apparaît comme étant purushakara lorsqu’on le considère d’un certain point de vue, apparaît comme étant la Grâce lorsqu’on le considère d’un autre point de vue. Tout ce que nous faisons dans l’espoir d’atteindre la réalisation de Dieu, à savoir la méditation, la concentration, etc...était décrit par Mâ comme étant le fruit de l’ignorance innée. Lorsque le chercheur appréhende, durant les actions qu’il entreprend ou projette d’entreprendre, toute l’insignifiance de son être et qu’il décide de se soumettre en toute confiance au Suprême, au Tout-Puissant, alors commence le véritable purushakara. C’est à ce moment-là que le chercheur réalise que toute action qui a lieu où que ce soit dans le cosmos, n’a lieu que par la seule décision de l’Être Suprême : Dieu. C’est à partir de cet instant que se manifeste la Grâce, car le chercheur a pris conscience de cet état de fait : rien ne prend forme dans l’univers qui ne dépende de la volonté du Seigneur de cet Univers. C’est ce que l’on appelle le stade, la phase de la Grâce, peut-être parce que l’ego persiste et continue d’exister. Quand l’ego se dissipe, ce qui demeure  est inexprimable : ce n’est autre que la Vérité Suprême.

 

 

 

 

 

 

Page 46

 

Sâdhanâ ou l’apprentissage de la patience.

 

Sri Sri Mâ commença à décrire ses propres sensations, à la troisième personne, comme Elle avait coutume de le faire. Elle parla donc de l’état de Bimala Mâ :

 

« Son corps entre en état de confusion lorsqu’elle entend des kirtan et l’on peut voir qu’elle ressent une grande souffrance. C’est du Rajayoga en même temps que du Hathayoga. Cela se produit quand elle psalmodie ou qu’elle écoute les Noms du Divin. Souvent Mâ est impatiente de quitter Navadweep. D’ailleurs son impatience correspond à la phase particulière de sa sâdhanâ. Et chaque fois qu’elle insiste pour se rendre à Adyapeeth, je m’efforce de l’en dissuader et je le lui déconseille. Cet obstacle que je dresse sur son chemin est une pratique positive et saine car elle forme à la patience. Si on laisse à une personne toute liberté d’agir à sa guise et de suivre la voie que son mental agité et impatient désire emprunter, cette personne ne pourra jamais faire l’apprentissage de la patience. Pour celui qui se consacre à la sâdhanâ, la pratique et la discipline de la patience sont de la plus haute importance. Et c’est pour qu’elle acquière pleinement la pratique de la patience que je me suis opposée à Mâ cet après-midi et que l’ai fait descendre du bateau. Si je l’avais laissé faire, cela lui aurait causé de la souffrance. »

 

En règle générale Mâ ne discute pas, ne contrarie pas les souhaits des personnes. Je ne l’ai vue enfreindre cette règle que dans le cas de Bimala Mâ et de Nirmala Mâ. Je comprends maintenant la raison de cette exception.

 

Mâ poursuivit : « La juste pratique de tapasya consiste à contenir avec patience et persévérance la souffrance physique causée par la montée soudaine des émotions. Si l’on s’astreint à supporter cette douleur en silence pendant un certain laps de temps, après coup, le corps physique est épuisé et comme engourdi. Certains pourraient considérer cela comme samâdhi, mais ce n’est pas du tout le cas. C’est une sorte de grande lassitude physique. En réalité, samâdhi et lassitude physique se différencient l’un de l’autre dans leurs effets et leurs manifestations. Même si cela n’est pas évident à première vue.

 

 

 

Page 49

 

L’éducation et l’enfance de Sri Sri Mâ.

 

« Durant mon enfance je n’ai jamais eu aucun livre scolaire pour m’aider dans mon éducation. Tout comme je n’ai rien appris de qui que ce soit dans le domaine religieux. Il y avait à la maison un thakur-gar (une pièce avec un autel). Guidée par ta grand’mère j’effectuais quelques petits travaux pour le thakur-gar et je me souviens qu’elle me disait toujours que j’étais ‘atela’ (maladroite) ou ‘bedisha’ (rêveuse). Un jour elle me chargea de laver un vase de porcelaine et elle ajouta, comme pour me mettre en garde « Fais bien attention et n’oublie pas de me rapporter au moins les morceaux. » Je pris le vase et me rendis à la fontaine pour le laver. Et là, tandis que je parlais à un arbre, le vase m’échappa des mains et se retrouva en mille morceaux avant même que j’eus conscience de ce qui s’était passé. Je ramassai les morceaux du vase brisé et je rentrai à la maison. Ta grand’mère me regarda et me dit : « Qu’est-ce que tu me rapportes-là ? » Je lui répondis : « Tu m’as dit de te rapporter les morceaux du vase, alors je les ai ramassés. Et les voilà. » Elle ne me gronda pas. Mais elle eut du mal à réprimer un éclat de rire.

 

 

 

 Page 50

 

Sri Sri Mâ et Swami Purnananda.

 

Ou L’aiguille et le ballon de baudruche.

 

Après avoir traité différents sujets avec les personnes présentes, Mâ commença à parler de Swami Purnananda de Rishikesh.

 

« Un jour, alors que j’étais à Rishikesh, Swami Purnananda m’envoya un de ses disciples chargé de me soumettre, de sa part, une question. Sans doute était-il curieux de savoir si j’étais en mesure de répondre à cette question. Le disciple s’approcha donc de moi et me dit : « Mon gurudeva vous demande ‘quelles sont les choses qui apparaissent dans les rêves’ » Je répondis : « Qui dit ‘rêve’ sous-entend ‘sommeil’. Il y a donc ignorance. Qui peut raconter ce qui apparaît dans l’état d’ignorance ? D’ailleurs, pour un homme de connaissance, tout n’est que rêve. » Cette réponse plut beaucoup à Babaji. En effet il vint me trouver peu de temps après. De mon côté je lui rendis visite dans les semaines qui suivirent. Babaji était très doué dans de nombreux domaines, dont celui de l’art culinaire où il excellait particulièrement. Un jour il me dit : « Même si je vous préparais de nombreux plats de mon cru pendant une semaine entière, je serais encore loin d’avoir épuisé mon répertoire de recettes. » D’ailleurs, il prépara toutes sortes de petits plats spécialement pour moi. Quelque temps après, je lui fis parvenir des rasgulla et des payas d’oranges, deux spécialités que j’avais confectionnées à son intention. Aussitôt il me contacta pour me demander la recette de ces deux spécialités. »

 

Peut-être était-ce intentionnellement que Mâ avait fait parvenir au domicile même de Swami Purnananda cette simple vérité selon laquelle, en dépit de l’étendue de ses talents dans l’art culinaire, il avait encore des connaissances à acquérir dans ce domaine. Peut-être avait-il besoin de cette leçon. Ce qui est certain en tout cas, c’est que cet envoi fait par Mâ, n’était pas un simple échange de courtoisie. Par la suite Elle ne lui envoya plus rien.

 

 

Page 51

 

Présence d’êtres immatériels.

 

Ce soir-là, Mâ nous dit, au beau milieu de la conversation : « Ne croyez pas que vous soyez les seuls à être présents dans cette salle. Il y a beaucoup d’autres êtres ici. Tout comme vous, ils sont venus écouter mes paroles. »

 

Un disciple : « Mâ, vous n’avez pas rencontré Mauranga Mahaprabhu ou d’autres êtres, ici à Navadweep ?

 

Mâ ne répondit pas directement à cette question. Elle dit toutefois : « Quand je vais quelque part, je rencontre le bhava, l’esprit dominant de l’endroit. »

 

La discussion se poursuivit fort tard dans la nuit. Vers 3h30, nous décidâmes d’aller nous reposer. (A suivre)

 

                                                                                                           (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

LA BOULE DE FEU

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

 

A l'Est est apparu,

 

Au-dessus des collines,

 

Le feu aveuglant

 

De l'astre solaire.

 

 

 

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La boule a oblitéré

 

Toute vision proche ou lointaine,

 

Et, seul, est resté l'orbe blanc, éblouissant,

 

Cerclé d'une auréole dorée.

 

 

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤ 

 

Autour de cette apparition

 

Des strates de nuages,

 

 Gris foncé presque bleu,

 

Ont envahi l'espace.

 

 

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

Tout est calme alentour.

 

 La vie commence à battre

 

Doucement, peu à peu.

 

A l'entrée, le portail s'ouvre et se ferme...

 

 

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

Le lotissement se vide

 

De ses habitants

 

Qui vont, dehors, gagner

 

Leur pain quotidien.

 

 

 

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Les oiseaux, eux aussi,

 

Sortent de leurs abris

 

A la recherche d'une pitance.

 

Ils volent, affairés, d'arbre en arbre.

 

 

 

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L'astre de feu a disparu,

 

Caché derrière les nuages

 

Qui ont recouvert

 

Le ciel et l'horizon.

 

 

 

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De son éclatante et

 

Pulsative lumière  subsiste

 

Un halo visible entre les nuages.

 

Le spectacle est fini!...

 

 

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

La nostalgie de cette vision

 

Demeure un long moment,

 

Douce plainte,

 

Qui lentement s'amenuise...

 

 

 

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

 

Telle est notre vie,

 

Faite de grandes joies

 

Soulevant nos coeurs, suivies

 

De regrets, de tristesse ou d'ennui...

 

 

 

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Dès qu'il a vécu cet état de grâce,

 

L'être humain devient difficile...

 

Il désire, il veut, il exige

 

Toujours plus de tout.

 

 

 

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Son coeur est insatiable.

 

Il cherche ce qui peut

 

Faire battre son pouls,

 

Toujours plus vite, toujours plus fort.

 

 

 

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Mais, ce faisant, il souffre.

 

Il connaît l'attente douloureuse,

 

 La déception puis la frustration,

 

Jumelle de l'amertume.

 

 

 

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La boule de feu est bien loin...

 

La regarderons-nous encore?

 

Pourtant, elle sera là, chaque jour,

 

Fidèle et offerte à tous...

 

 

 

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La joie, enfant de la Beauté,

 

Cadeau divin, est partout

 

Si nos yeux savent la voir, réconfort

 

De nos coeurs, assoiffés de Bonheur...

 

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Cependant, l'Homme ne saisit pas

 

Que ce Bonheur est le reflet

 

De lui-même. Il est en lui.

 

Il est Lui, tout simplement.

 

 

 

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L'évidence est toujours

 

Ce qui nous échappe, aveuglément.

 

Alors, apprenons à voir la gloire

 

De l'astre solaire en Nous-mêmes.

 

 

 

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Monique Manfrini,

 

La Paquerie,

 

Le 21.09.2010

 

 

 

 

 

 

 

Pèlerinage au Kailash

 

Sri Sri Mâ Anandamayî

 

De Gurupriya Devi

 

 

                                                                                                            (Volume V - Suite)

 

 

Page 30

 

Dimanche 23 juin.

 

 J’ai du temps devant moi, aujourd’hui. Je vais en profiter pour relater un fait qui est advenu à Almora, le 14 juin. Ce soir-là, Bholanath était particulièrement furieux contre Mâ. Pour une banale histoire de chapeau. Lorsqu’Elle l’a vu dans cet état de fureur, Mâ s’est mise à battre des mains et à rire aux éclats et puis tout à coup Elle est sortie en nous intimant de ne pas quitter la pièce. Il nous est arrivé plusieurs fois de voir Mâ dans un état semblable. Je ne pouvais pas la suivre, je suis donc resté sur le pas de la porte en me demandant avec inquiétude où Elle pouvait bien être allée. Elle est revenue peu de temps après. Elle s’est approchée de Bholanath, qui était encore en proie à la colère et bougonnait à voix basse. Elle a tendu la main vers lui et a commencé à tourner les doigts autour de son visage tout en riant aux éclats. Après quelques instants Elle s’est  écartée de Bholanath tout en lui disant : « Du calme, du calme ! Toujours cette folie ! » Je suis incapable de décrire avec de simples mots son comportement et l’état dans lequel Elle était à ce moment-là. Tunu, le fils de Prankumar Babu, nous a raconté, par la suite, que lorsqu’il avait vu Mâ dans cet état effrayant, il avait littéralement tremblé de terreur. L’épouse de Dwaraka Prasad, de Bareilly, et sa belle-soeur – l’épouse du D.P.M.G. de Nagpur – étaient assises tout près de là, sur un canapé. Elles ont croisé le regard de Mâ à ce moment-là. L’épouse du D.P.M.G. m’a dit : « J’ai entendu, quand j’étais jeune, les descriptions que faisait mon père de la forme de Kali Devi, » – dans cette région de notre pays, les femmes savent peu de choses, en général, sur Kali Devi – « Eh bien, moi j’ai vu Mâ prendre une forme identique ! » L’épouse de Dwaraka Prasad a ajouté : « Quand je l’ai vue dans la forme qu’Elle a prise à ce moment-là, j’ai réalisé que Mâ était la Mère Universelle. » Les autres personnes présentes n’ont pas parlé de leurs visions personnelles. Chacun avait été témoin d’une forme différente.

 

Une fois encore, Mâ est sortie brusquement de la pièce, nous enjoignant de ne pas la suivre. A onze heures du soir tout le monde était parti, excepté Hari Ram. Bholanath était resté assis, immobile et tout à fait calme. Mais lorsque Mâ est sortie, lui aussi est sorti, il s’est dirigé vers la route. Sa colère n’était pas totalement tombée. Dasu Babu s’est alors précipité et l’a retenu par le bras, mais Bholanath s’est soustrait d’une secousse à son étreinte et a poursuivi son chemin. Nagen Babu est alors sorti lui aussi et d’autres hommes se sont joints à lui. Ils sont parvenus à retenir Bholanath. Mâ était sans doute allée faire le tour du temple et des édifices adjacents. Quand Elle a vu sortir Bholanath, Elle l’a rattrapé et l’a dépassé à la vitesse de l’éclair. A ce moment-là, nous nous sommes précipités dans sa direction, mais nous n’avons pas pu la rejoindre. Bholanath, quant à lui, était prêt à revenir, après que nous l’ayons tous raisonné et persuadé de nous suivre. Hari Ram, Swamiji et moi-même, sommes ensuite partis à la recherche de Mâ et sommes arrivés jusqu’à l’édifice du grand temple. Hari Ram a monté l’escalier qui menait au parvis, tandis que je l’attendais en bas. Et il a trouvé Mâ qui allait et venait devant les portes du temple. Quand Elle l’a vu, Mâ a dit : « Allez vous-en tous d’ici et dites à Bholanath qu’il  retourne à sa place, autrement je pars immédiatement pour le Kailash ! Vous pourrez me rejoindre plus tard avec lui. » Hari Ram venait d’être témoin de la forme de Mâ et avait entendu ses ordres stricts. Lorsqu’il est redescendu, il tremblait littéralement de peur. Le regard perdu, il est allé informer Bholanath de ce qui venait d’être dit. Celui-ci avait parfaitement connaissance des différents états et des différentes formes que Mâ pouvait adopter. Il était déjà retourné dans sa chambre où il s’était étendu après s’être emmitouflé dans une couverture. Alors nous nous sommes assis tranquillement. Mais la nuit était déjà fort avancée et Mâ se trouvait encore dehors. Swamiji attendait dans la rue, ne sachant s’il devait rentrer ou s’il devait rester là. Il était incapable de décider quoi que ce fût, tant il avait été bouleversé par les ordres qu’avait donnés Mâ. Entre-temps, Mâ est descendue du temple puis Elle s’est dirigée vers Swamiji et lui a demandé pour quelle raison il se trouvait là, dans la rue. Puis me voyant aller et venir entre l’intérieur et l’extérieur, Elle m’a appelé et m’a dit : « Vous en savez suffisamment, alors pourquoi sortez-vous sans arrêt ? Rentrez maintenant et allez dormir. Moi je rentrerai quand je le déciderai. » Alors j’ai rejoint les autres à l’intérieur et je me suis assis tranquillement. Ceux qui avaient vu cette forme de Mâ, se sentaient maintenant comme hébétés. Ces adeptes qui, pour autant qu’ils se souviennent, ne l’avaient jamais vue aller contre la volonté de Bholanath, mais qui l’avaient toujours vue s’efforcer de satisfaire chacun de ses désirs, dans quelque situation ou quelque endroit que ce fût, ces adeptes, qui aujourd’hui, avaient vu Mâ sous cet aspect et cette forme qu’ils ne lui connaissaient pas, étaient totalement abasourdis, partagés entre la peur et la stupéfaction.

 

Quelques instants plus tard, Mâ est entrée dans la salle, comme si de rien n’était. Elle s’est avancée en souriant et a dit : « Pourquoi êtes-vous encore assis ? Vous n’avez donc pas sommeil ? » Puis Elle a demandé : « Et Bholanath ? Il dort ? » L’épouse de Naren Babu a répondu : « Oui Mâ, Baba s’est endormi. » Mâ a répliqué : « Pas du tout. Très bien, allons voir » et Elle s’est mise à rire. L’épouse de Naren Babu est la personnification même de la franchise et de la simplicité, tout comme son époux, qui a toujours été comme un enfant, en présence de Mâ. Mâ s’est alors adressée, en langue hindi, à l’épouse de Dwaraka Prasad et à la belle-soeur de celle-ci : « Comment se fait-il que vous aussi vous soyez restées assises ? Vous ne voulez pas dormir ? » L’une d’elles a répondu : « Pourquoi ne voudrions-nous pas dormir ? » Mâ a répliqué : « Eh bien allez dormir. » L’épouse de Dwaraka Prasad a dit tout simplement : « Mâ, vous êtes la Mère Universelle. » Puis elles ont posé la  paume de leurs mains par terre, et ont fait le pranâm aux pieds de Mâ.

 

Mâ a eu comme un petit geste d’impatience. Elle s’est levée puis Elle est rentrée. Je l’ai suivie. Elle s’est approchée des lits de Manik et de Tunu et leur a dit : « Vous dormez ? » Ils se sont alors réveillés, puis ils se sont levés et se sont approchés de Mâ. Elle a parlé avec douceur : « Comment cela a-t-il pu arriver...etc. » Elle semblait vouloir maîtriser un certain élan mais sa nervosité était évidente. Tunu, l’épouse de Dwaraka Prasad et sa belle-soeur, avaient croisé le regard de Mâ au moment précis où un influx particulièrement sauvage semblait sortir de son être intérieur. Peut-être était-ce cet échange furtif d’un regard qui avait atténué sur-le-champ l’élan impétueux qui était le sien. En effet,   Elle s’était immédiatement contrôlée puis avait quitté rapidement les lieux. Que se serait-il passé s’il n’en avait pas été ainsi ? Le lendemain même, Bholanath déclara qu’il était hors de question qu’il se rende au Kailash. Alors Mâ nous a regardés et nous a dit : « Attendez, je vais aller apaiser mon Gopal. » Elle est allée le trouver et Elle s’est mise à lui parler de toutes sortes de manières pour parvenir à le convaincre, ce qui a été le cas, car il a finalement consenti à prendre part au voyage. Après quoi Elle est rentrée pour boire un verre de lait. La mystérieuse lîlâ de Mâ est insondable !

 

Nous avions désormais à notre disposition six coolies par dandi, ce qui était  appréciable, car les chemins allaient être de plus en plus difficiles et dangereux. Six autres coolies allaient s’occuper des bagages. Un dandi avait été loué pour l’usage personnel de Tunu. Les commentaires des gens allaient bon train, car à part le raja de Mysore, personne d’autre ne s’était rendu au Kailash avec un groupe de personnes aussi important. Tout avait été préparé avec une grande rigueur. Avec l’aide, entre autre, de Mate, le chef de l’ensemble des coolies. Vers minuit, tout le monde est allé se coucher.

 

Parvati nous accompagnait tout le temps. Sa nature simple, naturelle et franche est digne d’être mentionnée. Parfois, comme une petite enfant, elle prenait la main de Bholanath, comme si elle avait peur qu’il se passe quelque chose en cours de route. Elle devait avoir vingt-cinq ou trente ans mais elle n’était ni timide, ni farouche. On aurait dit une amie de longue date. 

 

 

 

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Lundi 24 juin

 

A sept heures du matin nous nous sommes mis en route pour Khela. Une dizaine de miles à parcourir. Le chemin était très accidenté. A un certain moment Mâ est descendue de son dandi, nous conseillant d’en faire autant car, nous a-t-Elle dit, le risque de basculer à terre était sérieux. J’ai marché aux côtés de Mâ, à quelque distance des autres. Puis Mâ s’est assise sur un rocher et a commencé à chanter. Une mélodie en langue bengalie dont le leitmotiv était : ‘Reviens, reviens dans ta demeure’.

 

Une mélodie magnifique qui coulait doucement des lèvres de Mâ, dans ce lieu merveilleux.... Cela a été pour moi un moment extraordinaire. Puis le reste du groupe nous a rejoints et tous ensemble nous avons poursuivi notre chemin. Nous avons rencontré, sur le parcours, Ruma Devi, une femme que tout le monde connaît ici. C’est une disciple de Sri Sri Sarada Mâ. Je l’ai vue très heureuse d’avoir le darshan de Matâjî. Elle nous a tenu compagnie jusqu’à Khela, où nous sommes arrivés aux environs de treize heures. Le Gange rugissait en contrebas du chemin. Sous la conduite protectrice de Kali, il roulait en toute hâte au-devant de son destin. Insouciant des  écueils, bravant les obstacles, il les contournait et se lançait dans des virevoltes emportées, pour repartir de plus belle, dans un éclat de rire sonore et joyeux, à la rencontre du grand océan. J’avais la conviction profonde que les accents de Kali, mêlés aux flots tourbillonnants, étaient en train de hurler aux humains la façon dont ils auraient dû aller à la rencontre du Divin. 

 

Ruma Devi s’est arrêtée avec nous à Khela. C’est une sannyâsini. Elle est d’une nature très calme. Sa demeure se trouve par là, quelque part au milieu de ces montagnes. Elle a reçu la dîkshâ de Sri Sri Sarada Mâ, un an avant que celle-ci ne quitte son corps. Son ashram se trouve précisément à Khela. Elle y reçoit de nombreux pèlerins à qui elle prodigue son aide sans compter. Le service est d’ailleurs l’idéal qu’elle poursuit avec constance et ferveur. Narayan Swami de Mysore vit également dans cet ashram. Elle a de nombreux disciples, dont la majorité des femmes qui vivent à la mission d’Almora. Les femmes de la communauté des collines qui sont venues avec nous à Almora, ne manquaient jamais de rendre visite à Narayan Swami et à Ruma Devi, lorsqu’elles étaient de retour du Kailash.

 

Ruma Devi doit avoir une soixantaine d’années. Elle est restée aux côtés de Mâ pendant très longtemps et ne manquait jamais de se confier à Elle. Et maintenant elle a exprimé le désir de vivre quelques jours aux côtés de Mâ, dans le but de parvenir à la paix véritable. Elle a passé la nuit assise près de Mâ dans notre minuscule dharmashâla. De nombreuses fois elle a dit son bonheur d’avoir le darshan de Matâjî. Elle a déclaré qu’elle éprouvait la même joie qu’elle aurait éprouvée aux côtés de sa propre mère. « Je n’ai jamais connu de plus grand bonheur de toute ma vie ! » a-t-elle affirmé.

 

 

 

 

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Vendredi 27 juin

 

Ce matin, à six heures, nous nous sommes acheminés en direction de Malpa, à sept ou huit miles d’ici. La journée s’annonçait plutôt mal. Aucun d’entre nous n’avait pris place sur les dandi, car le chemin était tellement accidenté qu’il était très difficile de s’y déplacer, même à pieds. Mais malgré les difficultés et avec l’aide des coolies, nous sommes tout de même arrivés à bon port. A treize heures trente exactement.

 

Le parcours avait été magnifique. De très belles cascades agrémentaient le paysage. Mais nous n’étions guère en condition d’apprécier le décor à sa juste beauté. Nos jambes tremblaient de fatigue et le soleil flamboyait au-dessus de nos têtes. Nous craignions une chute à tout moment. Les difficultés auxquelles nous nous heurtions n’étant sans doute pas suffisantes, il nous a fallu également nous mesurer à un obstacle...vivant : un troupeau de moutons qui avait emprunté le même chemin que nous ! En sens inverse ! Et chaque mouton portait une lourde charge ! Un flot à double sens, voilà qui décuplait les difficultés ! Et ce n’était pas tout...Par endroits, le chemin était détérioré. Apparemment aucun entretien d’aucune sorte n’était en cours. On nous a raconté, à ce propos, que lorsque le Radjah de Mylore avait effectué ce même trajet cinq auparavant, le Gouvernement s’était empressé de remettre le chemin en état. Mais après cela plus rien n’avait été fait.

 

Aujourd’hui, tandis que nous progressions, Mâ est venue me voir plusieurs fois pour me dire de garder un oeil sur le dandi de Baba. En tête de la troupe Elle a même dit : « Khukuni, reste avec Baba, il est en arrière. » Je ne comprenais pas pourquoi Elle me faisait toutes ces recommandations. De toutes façons, tous les jours le dandi de Baba était en queue du groupe. Quoiqu’il en soit, peu après, le dandi de Mâ a été heurté par un éboulement de pierres. Le dandi a été renversé mais Mâ n’a pas été blessée. Le dandi était inutilisable. Matâjî a déclaré : « Je savais qu’un dandi allait avoir un accident aujourd’hui. Heureusement que c’est le mien qui a été touché. » Peu après, le dandi de Baba a été également frappé par des pierres, mais Baba, fort heureusement, était indemne.

 

Aucune boutique, pas la moindre échoppe à Malpa. Nous n’avons donc pas pu nous y approvisionner en nourriture. Mais nous avons réussi à nous procurer  du bois de chauffage. Et il est vrai que nous avions apporté de la farine et des pommes de terre, de Dipti. Le soleil était déjà couché lorsque nous avons terminé le repas que nous avions eu quelques difficultés a préparer. En effet nous étions obligés de cuisiner à l’air libre où le vent qui soufflait nous compliquait la tâche. Sans parler du fait que nous étions tous épuisés.

 

Le local que nous avons obtenu était encore plus délabré que celui de Dipti. Nous nous sommes arrangés tant bien que mal pour nous abriter à tout le moins de la pluie. Le sol était couvert de poussière et jonché de crottes de chèvres et autres détritus. Nous avons étendu nos cirés à même le ciment et nous nous sommes préparés à passer la nuit dans ce nouveau refuge. Les sangsues sévissaient dans cette région. Elles infestaient littéralement le local. Et nous ne pouvions rien faire car nous n’avions aucune alternative.

 

Les difficultés du voyage ajoutées à celles de la montée particulièrement rude, ne nous avaient laissé, à tous, que bien peu d’énergie pour seconder Matâjî. Les conditions de Jyotish Dada n’étaient guère rassurantes. Il n’y a que Bholanath qui est arrivé en bonne forme. Il a déclaré : « Je n’ai pas trouvé le parcours difficile aujourd’hui ! » Dehors il bruinait, mais nous nous étions arrangés pour ne pas être mouillés. Nous avons dû nous endormir aux alentours de minuit. Dans ces régions là, la menace des mouches augmente avec l’altitude. Et si les nuits sont froides, les journées, elles, sont très chaudes. (A suivre)

 

                                                                                                                                                                                         (Traduit de l’anglais par Jean E. Louis)

 

 

 

 

 

Satsang avec Vijayânanda

 

(Recueilli à Kankhal par Brigitte Reynaud-Duport)

 

Questions posées à SWAMIJI VIJAYANANDA en août 2008

 

 

Q : Face à la misère que peut on faire ?

 

R.  Il faut avoir de la compassion, c’est leur karma. Donnez oui mais, dans ce cas, peu d’argent avec beaucoup de coeur et, non l’inverse.

 

 

 

Q : Comment se protéger d’une personne qui diffuse le mal ?

 

R.  En ayant un bon karma. Ne faire que du bien et le mal ne vous atteint pas.

 

 

 

Q : Pourquoi a-t-on peur du Soi et comment éloigner cette peur ?

 

R. Pourquoi avoir peur? Peur de quoi, on n’a pas à avoir peur quand on est dans le lien.

 

 

 

Q : La mort ?

 

R. Notre karma est programmé ce n’est pas le nombre de jours mais de respirations qui comptent.

 

 

 

Q : L’injustice existe-t-elle ?

 

R. Avant il y avait un Tout, Tout était Un, puis il y eût la dualité : le blanc et le noir, le soleil et l’ombre, le bien et le mal, il y a injustice parce qu’il y a justice.

 

 

 

Q : Quelle position adopter devant quelqu’un qui a commis un crime ?

 

R. C’est son karma, il est puni par la privation de liberté, il faudra avoir pour lui de la compassion.

 

 

 

Q : Histoires de MA ANANDAMAYI ?

 

R.  Elle a autorisé les femmes à sortir le soir, pour prier elles restaient là, à dormir.

 

Un jour, on entendit des cris «Tuez le, tuez le» les femmes tapaient sur un homme qui avait volé des bijoux sur des femmes endormies.

 

L’homme avait une plume dans la main et leur chatouillait les narines : si elles bougeaient, il passait à la suivante, si elles ne bougeaient pas, elles étaient dans un sommeil profond....

 

MA intervint : « Si on appelle la police, il ira en prison dès qu’il sortira, il recommencera.... »

 

Elle a convaincu les femmes de le laisser libre.

 

Elle a travaillé sur lui pour lui faire payer par les remords.

 

 

 

Q : Pour la relation difficile entre les enfants et leurs parents ? :

 

R. C’est leur karma. Un exemple : un couple attend un enfant, à la naissance de la fille celle-ci hait sa mère. Elle était amoureuse de son père dans une autre vie. Elle s’est réincarnée et a jalousé sa mère toute sa vie.

 

 

 

Q: L’inné ou l’acquis dans la vie ?

 

Ma fille Maïa, adoptée, a retrouvé sa soeur biologique, elles se sont quittées Maïa avait 12 jours et Blui sa soeur, 1 an.

 

Elles ne se sont pas connues, elles ont pourtant des mimiques semblables et des gestuelles communes?

 

R. Elles étaient soeurs dans une autre vie.

 

 

 

Q : Attitude de colère vis à vis de nos enfants ?

 

R. Il en faut c’est nécessaire mais il ne faut pas en être affecté, il faut jouer la colère.

 

 

 

Q : Les mantras ?

 

R. Réciter des mantras fait circuler les énergies, par la force du mental on peut faire exploser un pont. [Peut-être Swamiji évoque-t-il la force croissante de la répétition concentrée, comme dans l’histoire de cet accident du régiment qui marchait au pas sur un pont déclenchant une onde s’amplifiant et qui a fini par le faire s’effondrer].

 

Le gourou parfait qui vous donne un mantra vous ouvre l’éveil et il y a un lien d’éternité entre lui et vous. Mais le gourou parfait c’est le Tout, c’est Dieu.

 

Le Maître donne un mantra au disciple en fonction de son éveil.

 

 

 

Q : L’évolution de l’homme et le divin ?

 

R. Avant le Tout était Un. La dualité est apparue avec l’homme et le chemin c’est de revenir au Tout, le chemin vers le Divin.

 

C’est un jeu. On redécouvre l’éveil qui vous conduit vers le Tout. Mais le jeu de la vie c’est accepter cette dualité et jouer avec pour choisir le bon karma.

 

 

 

Q : Le bien et le mal ?

 

R. Celui qui fait du mal à l’autre, voit le mal se retourner contre lui.

 

Il faut avoir de la compassion, il  le paiera dans cette vie ou dans une autre.

 

Les miséreux, malades, handicapés payent dans leur karma les erreurs passées, même d’une autre vie.

 

 

 

Q: Le péché originel ?

 

R. C’est sexuel. Dieu avait dit ‘tu ne toucheras pas à l’arbre de la connaissance’. L’homme a désobéi. Il est condamné à faire le bien sinon il ira en enfer (selon les chrétiens). L’homme n’a qu’une vie pour gagner son paradis, selon les chrétiens.

 

 

 

Q : Peut-on changer son karma ?

 

R.  Exemple ma soeur. J’avais lu qu’elle mourrait à 60 ans; Elle a vu MA avant... elle a 92 ans, un an de moins que moi : son karma a changé.

 

 

 

Q : La fin du monde ?

 

R. Elle va se produire, la terre va être détruite et l’homme aussi. On retournera au néant d’où l’on vient du Tout, de deux cellules, de la dualité.

 

 

 

Je souhaitais un cadeau de sa part, j’ai été comblée j’ai reçu un prasad, une banane et un paquet d’encens, puis un tapis de méditation béni par Swamiji «Bonne méditation» dit-il.

 

Il a béni les photos de MA: «Je la préfère jeune plutôt que de la voir âgée» a-t-il dit en souriant.

 

 

 

Q : Pour ma fille de 6 ans est-ce que je dois la faire méditer ?

 

R. Non, dirigez-la sur le chemin, quelle que soit la religion, elle aura besoin d’un maître, pour ne pas faire d’erreurs après... c’est son coeur.

 

 

 

Q : Comment peut-on détourner les ados des phénomènes destructeurs, drogues, alcool ?

 

R. Par l’éducation, en leur expliquant que c’est mauvais pour eux. J’ai connu une jeune fille qui allait aux USA, elle s’est droguée (c’était une grande famille indienne), elle avait bon cœur et elle aimait beaucoup Ma, elle lui avait même demandé de lui passer sa maladie quand Ma était âgée et souffrante.  Cette jeune fille a fait des cures de désintoxication, je ne sais pas si elle s’en est sortie, je ne la vois plus.

 

 

 

Q : Comment parler de Dieu à un enfant ?

 

R. Lui dire qu’il est là, dans son coeur.

 

 

 

Q : Comment aider quelqu’un dans la souffrance ?

 

R. Lui dire que c’est son karma. Quelqu’un qui a perdu un enfant souffre pendant un an et puis après il s’en remet à la prière.

 

 

 

Q : Jésus a-t-il eu des disciples en Inde ?

 

R.  Certains disent qu’il n’est pas mort sur la croix, qu’il serait venu en Inde, qu’il aurait eu une femme.  Il y a son tombeau quelque part.

 

A Bénarès, l’ashram de MA avait une avancée au-dessus du Gange. Il y avait des fissures. Didi ne voulait pas détruire cette chambre. MA lui indiqua le sens des fissures. Didi fit mettre de gros cailloux, mais finalement elle dut se rendre à l’évidence, et cette partie de bâtiment fut détruite.

 

 

 

Q : Certains disent que la fin du monde va intervenir en 2012 car le calendrier Maya s’arrête à cette date, qu’en pensez-vous ?

 

R. Vous avez dit la planète ne sera plus et l’homme non plus, je pense que la fin du monde est encore loin. Il ne faut pas croire à tout.

 

En l’an 1000, les curés ont fait croire à la fin du monde, tout le monde leur a donné leurs immeubles.

 

Puis en l’an 2000 ce sont des foutaises.......On peut aussi tout à fait penser que nous sommes à la fin du Kali youga et commençons l’âge d’or.

 

 

 

Q: Que faut-il faire pour avoir un bon karma ?

 

R. Faire des choses justes, pour les faire c’est comme pour un oiseau il faut deux ailes :

 

     Une aile de l’amour, une aile de la connaissance.

 

Pour les guérisseurs, géobiologistes ou ceux qui emploient des pouvoirs, Il faut faire des mantras de protection.

 

 

 

Q : Pourquoi certaines personnes souffrent-elles ?  Pourquoi a-t-on besoin de souffrir pour rechercher l’éveil?

 

R. Le divin est amour, il vous envoie de la souffrance pour vous réveiller c’est un jeu, mais lui-même souffre aussi parce qu’il vous aime.

 

          

 

Q : Qu’est ce qui conditionne votre vie future ?

 

R.  Votre dernière phrase ou pensée avant de mourir.

 

 

 

 Q : Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de quand vous étiez petit ?

 

R. J’étais très religieux très exemplaire, on me montrait en exemple.

 

 

 

Q : Comment prendre un mauvais chemin ?

 

R. En partant dans l’illusion comme un enfant face à un miroir, il veut embrasser le petit garçon qu’il y aperçoit,et il s’y cogne le nez.

 

 

 

Quelques notes à bâtons rompus :

 

- Il n’y a rien de plus terrible que l’ennui.

 

Ne pas se vanter.

 

Le bonheur c’est faire Un avec le Divin en vous, indépendamment de la souffrance.

 

La joie [émotionnelle], ce n’est que la réflexion du Bonheur fondamental, image non permanente.

 

On sent les émotions des autres, sans en être affecté, c’est le jeu du divin.

 

Les sages jouent avec Dieu, il n’y a pas de monde sans dualité.

 

 Pour MA le bien et le mal c’est Dieu, Dieu est un Tout, quelque part il ne peut avoir conscience de lui même, comme l’oeil il ne peut pas se voir.

 

Voir en l’autre le Divin.

 

Le mal, c’est le Divin voilé.

 

Le monde ce sont des vibrations, il faut «quelqu’un» pour faire exister le monde.

 

Les choses ne sont jamais les mêmes entre les personnes, elles ont changé mais on projette le souvenir de la personne.

 

Le temps n’est pas une matérialité il n’existe que dans un mouvement.

 

L’espace existe mais s’il n’y a pas de mouvement, il n’y a pas de valeur substantielle.

 

Un désir concentré se réalisera...

 

Désir contre son karma.

 

En Inde le Rishi est un homme parfait, cependant il peut dégénérer.

 

L’ego n’a pas de vouloir seul, le pouvoir divin passe par son canal.

 

La sadhana, peut développer un pouvoir de guérir les autres, mais avec le risque de bloquer l’énergie reçue, ceux qui perdent l’énergie ne peuvent plus progresser dans la vie spirituelle.

 

Emotion, compassion, joie et détachement (voir la lumière divine en l’autre).

 

La pitié, ne donne pas de joie : c’est l’identification à la souffrance, on souffre, soi.

 

Relâcher l’attachement à ses enfants afin d’être sévère.

 

Pour trouver l’équilibre entre la société et l’éducation, il faut du doigté.

 

La colère détruit le corps subtil.

 

Dévier la douleur de l’endroit douloureux soulage, ou bien un mantra améliore l’état mental.

 

On doit avoir un mantra pour vivre avec et canaliser le mental.

 

Quand on réveille le Soi, on peut tout faire pour soulager la douleur, cela touche à la profondeur spirituelle.

 

 

 

Il n’y a rien de plus terrible que l’ennui.

 

L’ennui c’est la solitude, le manque d’amour, pour le combattre, se mettre à aimer un Sage.

 

La nature a horreur du vide, le mental aussi, si on peut faire face au Vide, on touche à l’Eternel qui est le vide parfait.

 

Développer un attachement à MA, penser à elle, et l’amour viendra.

 

Le Gourou vous apprend à vous détacher du mondain, après il vous rejettera sur vous-même.

 

La dévotion c’est s’unir, jouer avec les émotions et ne pas être le jouet des émotions,

 

Dès qu’elles arrivent, avoir la maîtrise des émotions, c’était le conseil de MA.

 

 Le Karma est individuel, les parents transmettent les gènes.

 

Quand  les gens sont rassemblés au même endroit, c’est leur karma antérieur qui les amène là.

 

Pendant la guerre c’était un sport pour moi, de pouvoir rouler l’occupant. J’étais à Marseille et je n’avais pas une once de peur. « Il a un tel culot qu’il ne peut pas ‘être juif’ » pensaient-ils.

 

Même en camp de concentration, être heureux ou être en paix avec soi-même.

 

Avec un animal sauvage, il faut un contact, jamais de peur ou d’agressivité.

 

Les gens qui vous mettent mal à l’aise, c’est en fonction de votre karma.

 

 Quand on est en grande souffrance, c’est dû à notre karma antérieur.

 

 

 

Le corps subtil ?

 

Le Soi est parfait et omniprésent, à cause de cela l’être réalisé ne va nulle part au moment de la mort. Par contre, les autres gens sont encore identifiés au corps astral ou subtil lors du grand passage, ils sortent comme une fusée dirigée par les derniers désirs comme par une rampe de lancement, et ils atteignent un autre corps sur cette lancée. La conscience divine contient tous ces désirs.

 

Bon karma = joie

 

Mauvais karma = souffrance

 

Pour effacer le mauvais karma, il faut faire un bain sacré dans le Gange, disent les pandits de Bénarès. Dans le bain, les péchés s’accrochent à l’arbre, mais les mauvaises langues disent aussi que quand vous sortez, ils reviennent.

 

On peut prier pour aider les suicidés à se sortir de leur mauvais karma, c’est ce qu’on dit dans le Bhagavata purana, qui est consacré à l’histoire de Krishna

 

Le  bonheur réel vient avec la paix intérieure authentique.

 

Presque tous les problèmes ne peuvent être résolus par l’argent, connaître le fonctionnement de son mental permet d’être heureux.

 

Le karma est produit par l’attitude mentale et non par l’acte.

 

Echapper à la souffrance, c’est prendre conscience du Moi éternel.

 

Le Soi ne peut pas se voir.

 

Au début il a fait la dualité pour se voir, pour y échapper.

 

A la fin du cycle, on ne va nulle part, on est identifié au Soi Suprême.

 

Lire le livre de Jean-Yves LELOUP, il est très bien «Yoga et union»

 

Dans le couple on peut trouver son masculin intérieur.

 

On va dans le monde dans lequel on se trouve quand on meurt, en fonction de notre dernière pensée.

 

Ce n’est pas si facile de se suicider, au moment de mourir, c’est la terreur, ce qui nous met dans un état négatif, et on revient avec un mauvais karma.

 

Si on est convaincu que le suicide est pour une bonne cause, on revient avec un bon karma (si c’est vrai).

 

Pour lutter contre la colère, il faut réciter des mantras.

 

La racine de la colère, c’est le mental.

 

Se libérer de la colère, c’est faire cesser les mouvements du mental.

 

Vipassana, nous l’apprend, cela nous révèle la prise de conscience pour tenir le coup.

 

Pour la sensation de peur, il faut conserver son sang froid afin de réagir.

 

Si on se laisse aller à la sensation pénible, cela donne l’addiction.

 

La colère c’est un coup de fouet sur le muladhara (au centre du périnée) qui réveille la kundalini.

 

MA pensait que la colère déchire le corps subtil.

 

Le muladhara contient la force de réserve, la colère ‘re-énergétise’ le muladhara.

 

Habituellement, la joie, c’est dans le lien aux autres, c’est aussi l’éveil des nadis, puis la maîtrise du mental.

 

L’ennui, c’est l’absence d’émotion, il faut jouer avec les émotions, ne pas en être le jouet, ne pas en être la racine.

 

La peur est la racine de toutes les émotions, elle est basée sur l’instinct de conservation.

 

Nos désirs nous ramènent dans telle famille, selon la graine que l’on a de nos désirs.

 

Le karma, c’est dès la conception.

 

Le foetus qui est avortement peut correspondre à un sage qui avait peu de karma, et qui est retourné très brièvement pour l’épuiser.

 

Le corps subtil flotte dans des conditions intermédiaires à la recherche d’une réincarnation.

 

Le Soi est immortel, par le corps subtil.

 

MA n’avait pas de karma, elle était un prolongement du Divin.

 

Le corps subtil est un conglomérat de désirs, la conscience est éclairée par la conscience divine, c’est cette réflexion qui lui donne Vie.

 

L’ego = l’intellect illuminé par la conscience divine réelle.

 

Ego - intellect + conscience divine.

 

Dans la création, le Suprême crée l’ingénieur qui est divinité créatrice [Visha-karma, ‘l’ouvrier du monde’].

 

Avant c’est la conscience divine, ensuite c’est l’origine de la création, la dualité.

 

La viande encombre les nadis, gêne la vie spirituelle qui devient plus difficile.

 

Le jeu du créateur, c’est de nous faire croire que tout est transitoire, d’où la recherche de la vie spirituelle et du divin.

 

MA n’avait jamais de manque.

 

Même lorsqu’elle a cessé de se nourrir, elle ne manquait de rien, c’était la responsabilité des disciples de la nourrir.

 

Une question posée à MA : « Pourquoi êtes-vous si proche des gens ? »

 

Réponse : «Parce que je suis vous.»

 

Les gens dans le Soi sont libérés ou se réincarnent dans le Soi subtil.

 

L’amour le plus subtil et pénétrant est celui du Gourou pour le disciple.

 

L’arme spirituelle c’est la liberté, qui est d’autant plus grande que la période de choix possible avant le passage à l’acte est plus longue.

 

Dans la Réalisation, il y a tout, mais il faut cependant une grande maturité pour la prendre au sérieux. Il faut être capable de supporter cette joie.

 

La beauté, cela éveille la joie dans le coeur.

 

 

 VIJAYANANDA = la Joie de la victoire

 

Les vagues mentales ont quelque chose de matérielles, elles ne disparaissent pas.

 

On est un individu qui échange avec les autres, avec d’autres vibrations mentales.

 

Le pouvoir on l’a en soi, on n’a pas à le prouver.

 

 

 

L’artiste a une inspiration divine.

 

Vous savez pourquoi on se marie ? Pour avoir quelqu’un avec qui se bagarrer.

 

Gourou et disciple échangent des paroles indirectes.

 

Vie pure, calme, jamais en colère.

 

Eveil intérieur, le shaktipath, quand j’ai vu en premier le Gourou. Je n’ai en fait pas vu la femme en MA, je ne l’ai vue qu’après.

 

C’est un psychiatre de Paris qui m’a préparé à l’éveil spirituel, mais la vraie  conviction est venue de shaktipath, la vraie initiation, lors de la rencontre avec Mâ. Après, tout est évident, cependant une forme est nécessaire au début.

 

Le mont MERU dans l’Himalaya, le Divin vous manipule par la joie, c’est l’opium des Sages.

 

Pour MA, Jésus est un grand sage, mais il y en a d’autres....

 

Q : Peut-on communiquer avec les morts ?

 

R : Ce n’est pas bon pour eux, ils ont des étapes à franchir, cela les fait revenir, il faut les laisser en place. On peut y penser et c’est tout.

 

Q : Que faire lorsque l’on a une mère nocive ?

 

R : C’est son karma, il faut, pour s’en protéger, réciter des mantras.

 

Q : J’ai eu des relations terribles avec ma mère et cela m’empêche de bien recevoir.

 

R : Il faut chercher la racine de ce problème et savoir pourquoi cela empêche de recevoir.

 

Q : Etait-ce son karma d’être perverse, même avec les autres frères et soeurs ?

 

R : Cela a été le karma de chacun des frères et soeurs d’avoir été là, avec elle.

 

Q : Quand on est en mort clinique et que l’on revient avec le souvenir de la «lumière»...?

 

R : C’est un autre état de conscience, comme les gens qui sortent de leur corps.

 

Il raconte encore:

 

 

 

Lorsque j’étais à Dhaulchina, dans l’ashram aux pieds de l’Himalaya, il n’y avait au village qu’un seul épicier qui fermait souvent son négoce pour aller travailler aux champs. Quand j’avais besoin de quelque chose, je l’appelais en télépathie pour lui demander si sa boutique serait ouverte, il me répondait et cela fonctionnait.

 

 

 

Un jour j’étais à Delhi, je savais qu’AMMA était là, j’ai été la voir à son darshan public, mais je sortais de l’hôpital, et j’étais tellement fatigué que je n’ai rien ressenti. Cependant j’ai perçu qu’elle était un très grand Sage, peut-être la seule après MA, elle s’est révélée après la mort de MA.

 

 

 

Vijayânanda continue : Un autre jour j’étais à l’hôpital en Inde, une des mes amies qui vient souvent, présente ma photo à AMMA à son darshan qui avait lieu alors à Paris, en lui disant que j’étais malade, et en s’écriant : «Guérissez-le». Amma s’est exclamé « French Swami ! » et a pressé un pétale de rose sur ma photo. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’il s’y est collé et l’est resté depuis, je le sais car je l’ai reçu et l’ai gardé.

 

Non, je n’ai pas envie de me réincarner. (A suivre)

 

 

 

 

Témoignage du peintre François Sylvand

 

 

Merci Geneviève (Mahâjyoti)

 

J'ai bien fait de mettre dans mon coeur quelques personnes dont le

charisme est généreux et la distance n'a plus aucune importance.

Les paroles que tu m'as transmises sont précieuses, elles me parlent

et m'éclairent sur ma voie qui est la peinture, j'en suis maintenant

convaincu, et j'ai trois valises d'outils, trois béquilles comme :

un trépieds qui se joue des accidents du sol pour m'y tenir debout ,

bien droit et responsable;

le Yoga Vipassana pour faire le vide et laisser le plus de place

possible à la grâce du "Soi" ;

le chamanisme pour ancrer les expériences dans des sensations en

dehors du mental ;

les loges de perfection maçonnique pour comprendre ce qui se passe

dans ma cervelle d'occidental et lui permettre d'accepter que c'est le

coeur qui commande ;

les paroles de Jacques Vigne et celles de Vijayânanda me vont donc droit

 

au  coeur et me confortent.

 

Moins je calcule et plus j'essaye d'être pur face à mon ouvrage et

plus celui-ci devient magique sous ma main.

Je suis le premier émerveillé de ce qui s'offre sous mes doigts :

 

"Moi l'enfant gâté

à qui il est offert d'aller à la vitesse de la lumière,

à la vitesse de l'oiseau,

à celle de l'eau, à celle de la montagne,

à celle du reflet fondu dans l'instant du présent cadeau

brillant sur le chemin, ce n'est plus de l'eau

c'est une étincelle

et, du pinceau je "margoche" dans de la gouille et je suis dans le ciel

un pied dans la mare et j'entre dans le ciel, même pas mouillé,

"gamin!"

Que me vaut tant de bonheur?

Qu'ai-je fait pour mériter tout cela?

 

Que la montagne me pousse du coude  et me décoche un grand sourire

quand ma robe de couleur lui convient.

Que la lumière me montre ses dessous et s'enfuie en riant.

Que les arbres du parc me retiennent  par la manche et me disent de

me calmer.

Alors comme Jean de la Croix, je ne veux rien d'autre, je suis au

paradis dans le silence amoureux du pinceau,

"au travail!"

A travers la vitrine j'entends un môme dans la rue dire à sa mère:

-"T’as vu! Il met du jaune à côté des nuages!"

-"Chut!"

Je t’embrasse très fort - François - (05-05-2010)

 

 

 

 

Nouvelles

 

 

 

-         Sans doute la plupart d’entre vous ont reçu l’annonce de la méditation de Guru-Purnima au samadhi de Vijayânanda au Père Lachaise. Pour ceux qui n’auraient pas été informés, voici le message :

 

 « Bonjour à tous,

 

 

 

Le 15 juillet 2011, nous fêterons ensemble à 11h au Samadhi de VIJAYANANDA à Paris, GURU PURNIMA.

 

Guru Purnima est une fête hindoue, dédiée à  tous les enseignements spirituels, de toutes  confessions, et plus particulièrement aux SAT GURU, les INSTRUCTEURS DE L'HUMANITÉ.

 

Swami Vijayânanda attachait une importance toute particulière à ce jour-là.

 

 A cette occasion, Izu sortira les Paducas (sandales) de MA et celles de VIJAYANANDA, qui seront posées sur le Samadhi pendant la cérémonie.

 

Les Paducas de MA ont été données à Izu en 1988 par Swami SWARUPPANANDA, meilleur ami de Swami Vijayânanda et Guru de Pushparaj.

 

Les paducas de VIJAYANANDA lui ont été données par lui-même il y a quelques années.

 

Vous êtes tous les bienvenus.

 

En prologue de la cérémonie, voici deux Paroles de Swami Vijayânanda et leur contexte :

 

"...On imagine que sa route est la meilleure, ce n’est pas vrai,

 

C’est le défaut de beaucoup de religions.

 

Une fois au sommet, vous voyez toutes les autres,

 

Comme ça, vous serez à l’aise dans toutes les atmosphères.

 

Ce qui est mauvais, c’est l’intolérance.

 

Les gens qui ont de vrais bhavs (émotion de base, couleur émotive) religieux, sont tous frères et sœurs,

 

Quelles que soient leur religion.

 

Quand vous êtes bien convaincus, vous n’avez pas de conflits,

 

Avec personne

 

Ceux qui sont sincères, pas ceux qui veulent des pouvoirs.

 

 

 

 

Un sage ne dit pas de choses générales

 

Mais il se connecte à une ou plusieurs personnes qui comprennent ce qu’il dit

 

Les livres ne peuvent pas transmettre

 

Les enseignements, on ne peut pas les généraliser

 

C’est comme les paysans qui lancent des graines dans la nature

 

Parfois il y en a qui poussent

 

Parfois il y en a qui tombent dans un terrain fertile

 

L’enseignement spirituel, il faut le mettre en situation..."

 

Ces Paroles sont issues d’entretiens personnels recueillis lorsque je vivais à Kankhal (entre 2005 et 2010).

 

La veille de la deuxième parole, la nuit, j’avais visionné sur l'ordinateur, un film remarquable de Raymond Depardon sur les paysans, je n’en avais pas encore parlé avec Vijayânanda.

 

JAY MAA”

(Caroline Abitbol)

 

 Ceux qui ne reçoivent pas directement les annonces de Caroline peuvent demander d’être mis sur sa liste en écrivant à Geneviève (Mahâjyoti) koevoetsg@wanadoo.fr  qui lui transmettra.

 

-         Un retraite dans l’esprit de Vijayânanda et Mâ sera organisée pendant neuf jours à Kankhal avec Vigyânânand (Jacques Vigne) à partir du 7 août, avec un groupe de 17 personnes venant de France.

 

-         Le voyage au Kailash avec Vigyânânand et Dinesh Sharma s’est bien passé, avec 27 participants, dont quatre de la Réunion et trois de Nouvelle-Calédonie. Nous avons commencé par trois jours à Lhassa, puis ce fut la visite des villes historiques de Gyantsé, Shigatsé et Lhatsé, ce qui nous a permis de découvrir la culture tibétaine traditionnelle. Après, ce fut la traversée des hauts plateaux et le contact direct avec la grande nature du Toit du monde.

 

-         Vigyânânand est à la Réunion pour six semaines, afin en particulier de mettre sur pieds avec une équipe d’artistes réunionnais et indiens un spectacle intitulé Padmapani sur la vie du Bouddha, spectacle financé par l’Union Européenne et dont il a écrit le texte. Si tout se déroule comme prévu, le spectacle devrait être joué à la Réunion, à l’île Maurice et en Inde. Il fera aussi une série de conférences et séminaires à la Réunion, son programme sera mis dans quelques jours en ligne à www.jacquesvigne.fr.st

 

-         Un  livre écrit  par Michèle Cocchi et Jacques Vigne vient de sortir ‘L’envol vers la liberté d’être’ Editions Accarias l’originel. Une partie de cet ouvrage présente des cas cliniques ciblés par Michèle Cocchi dans son cabinet de psychothérapeute à Monaco. Toute souffrance est une opportunité d’ouverture. D’autre part c’est l’ouverture à la ‘non-dualité’ du côté de Jacques Vigne qui complète l’accès à cette ‘liberté d’être’. Tout ceci à travers des références spirituelles (bouddhisme, védanta…) ou philosophiques (Socrate, Sénèque, Spinoza…Schopenhauer, Nietzsche…). Les auteurs s’intéressent particulièrement aux rapports entre la thérapie analytique et les enseignements non duels de plusieurs grands maîtres. (21 Euros)

 

 

 

 

Renouvellement des abonnements en cours

 

Pour le ‘JAY MA’  2011-2013

 

 

Le N° 99 de Noël a été le dernier numéro envoyé aux abonnés des deux années précédentes.

 

Merci à tous ceux (nombreux) qui ont déjà  renouvelé l’expérience du ‘JAY MA’ et qui se sont inscrits de nouveau auprès de José Sanchez Gonzalez  pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère bénévolement l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr  

La brochure est toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler pour deux ans, de mars 2011 à mars 2013. Les numéros arriérés seront envoyés automatiquement à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.

 

Le dernier numéro a été le 100ème de cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des Matières

 

 

 

Paroles de Mâ - Japa-Dhyan – (Extraites de ‘Les enseignements de Mâ Anandamayî’)

 

En Association avec Sri Sri Mâ Anandamayî (suite) (d’Amulya Kumar Datta Gupta)

 

Poème ‘La boule de feu’ (de Monique Manfrini)

 

Pèlerinage au Kailash (suite) (de Guruprya Devi)

 

Satsang avec Vijayânanda (recueilli par Brigitte Reynaud-Duport en août 2008)

 

Témoignage (du peintre François Sylvand)

 

Nouvelles

 

Renouvellement des abonnements au ‘Jay Mâ’

 

Table des matières

 

 

 

 

 



 

 



[1][1] Je laisse le mot ânanda sans italiques, car j'aimerais que, comme les termes karma et yoga, il devienne partie du vocabulaire français courant...

[2][1] Theodore Roszak, Where the Wasteland Ends : Politics and Transcendence in Industrial Society  London, Faber &Faber, 1973, p.xxviii

[3][2] Dennis Gabor Fighting Existential Nausea in Technology and Human Values Centre for the Study of Democratic Institutions 1966 p.13

 

[4][3] E.L. Flackenheim The Revealed Morality of Judaism and Modern Thought : A Confrontation with Kant in Quest for Past and Future  London and Bloomington : Indiana University Press 1968, p.215

[5][4] Christopher Dawson Dynamics of World History  London , Sheed and Ward, 1957, p.54

[6][5] Ingeborg Bachmann „Message“  in Modern European Poetry  New York Bantam Books, 1966, p.175

[7] On peut voir là une belle image d'un tuteur qui est comme un axe central autour duquel tourne la conscience du chercheur spirituel. Cela évoque aussi l'axe central du Yoga autour duquel viennent graviter les courants de sensations du méditant.

[8] Cette imagerie est pleine de sens du point de vue du Yoga : le pratiquant cherche à ramener les courants d'énergie dans l'espace du cœur afin de suivre les injonctions védiques  grâce  au yoga, cela produit la félicité, tous ces facteurs étant concentrés dans l'axe central. Cette félicité sert de canal de transformation, de pont qui mène de la base de Brahman vers l'expression extérieure de cette expérience spirituelle intime à travers priyam, l’amour. 

[9] On peut discerner ici également une allusion à la méditation yoguique sur l'axe central, qui correspond au Soi. Le ciel correspond à la tête, la terre au bassin, et l'espace entre les deux à la colonne vertébrale vers laquelle viennent converger les courants de sensations, prâna-s, guidés par le mental, manas. A ce moment-là, l'activité verbale s'éteint, totalement absorbée, le temps se suspend ce qui fait que l'on expérimente un goût d'immortalité. Le pont vers celle-ci est alors ouvert.

 

[10]  L’identification de "l'homme dans le coeur" et de " l’homme dans le soleil" peut évoquer en Yoga l'ouverture du canal central entre le chakra du cœur et celui du troisième œil. Ce canal central est déjà évoqué dans la Maitreyi Upanishad à propos de la sortie du corps au moment de la mort, cette fois-ci par le sommet du crâne.

[11] En fait, il ne l’a pas étudié pendant les trois premières années, et donc ne le comprenait et ne le parlait pratiquement pas. Shrî Mâ lui a ensuite demandé d’aller faire un an de retraite en silence complet à Patal Dévî, son ashram près d’Almora dans l’Himalaya, ce qu’il a effectué. A la conclusion de cette année, il s’est rendu à Solan, ailleurs en Himalaya, pour retrouver Shri Mâ. Juste après s’être prosterné à ses pieds, il s’est mis à lui parler couramment en hindi. Shrî Mâ s’est moquée de lui en disant : « Comment ? Maintenant tu parles le hindi ! Mais alors, tu n'as pas respecté l'année de silence que je t'ai demandée ! » En fait, il l’avait observée, mais le hindi lui étaient venu spontanément.

[12] (Note de Bithikâ : Shrî Mâ se référait à l’incarnation de la doctrine de l’ahimsa seulement, la non-violence active, et non à d’autres comparaisons).

[13] Les renseignements sont fournis par leur site www.ananda.it et par email à info@ananda.it  - Téléphone : 0039-0742-813620 -

2 (www.shantimandir.org  -Email : shantimandir@tiscalinet.it  et aussi segreteria@associazionealveare.org  - Téléphone : 0039-3687559275 ou 0039-0758039372 – Fax : 0039-0758099245)

[15] (www.ayurveda-it.org – Email : info@ayurveda-it.org  - Téléphone : 0039-055471116 – Fax : 0039-055471708



[i] Vivekananda My India Eternal India RMIC, Calcutta, 2000, p.31

[ii] Sri Aurobindo India’s Rebirth 2000, disponible en France à l'Institut de Recherches Evolutives, 140 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris

[iii][i] Publié en 1996 par les éditions Terre du Ciel, maintenant épuisé, mais disponible sur le site www.anandamayi.org , section française.

[iv][ii] Disponible sur le même site pour toute la première partie qui parle de la vie de jusqu'à environ 35 ans.

 

 

 

 

 

Jay Mâ N° 102 - Automne 2011

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Editorial

     Cet été a été marqué par le départ d’Arnaud Desjardins le 10 août. Nous mettons un beau témoignage de Sundarî à ce propos. Elle était revenue voir Vijayânanda en fin mars 2011 quelques jours avant qu’il ne quitte son corps. Nous ajoutons deux textes d’Arnaud où il témoigne de l’impact qu’a eu Mâ sur lui. Par ailleurs, un groupe de 27 Français a été au Mont Kailash en fin mai-début juin avec Vigyânânand. Nous incluons quelques extraits de son compte rendu, en particulier sur le sens symbolique du Mont Kailash en méditation. Nous reviendrons à plus de textes directement sur Mâ dans le prochain muméro.

 

 

Paroles de Mâ

 

Extraites du ch 26 de ‘Vangmayee Ma’ :

    

‘LE PELERIN  ET  LE CHEMIN  VERS  LE  DIVIN’

 

                                                      

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Le voyageur en quête de la vérité, est tenu d’observer une certaine discipline et d’avoir un mode de vie exemplaire. Si quelqu’un désire lui offrir des vêtements, de l’argent ou autre chose, il doit lui dire franchement et simplement : « Il nous est interdit d’accepter quoi que ce soit sur cette voie que nous avons choisie. Le but de notre vie est uniquement d’obtenir la grâce de Dieu. »

 

Dans quelque état ou disposition que vous soyez, pensez à Dieu et priez pour obtenir Sa grâce, au mieux de vos possibilités. Ce n’est que le début de votre voyage pour celui qui vise véritablement à la réalisation divine. Efforcez-vous de prendre l’habitude de prier et de pratiquer journellement, avec autant de ferveur que possible.

 

Dieu ne peut pas faire autrement que d’accorder l’illumination à celui qui la désire sincèrement. L’activité quotidienne des activités spirituelles doit se dérouler aussi minutieusement que possible. Plus vous passez de temps à pratiquer le japa, la méditation, l’invocation de Son Om et l’étude de textes spirituels, plus vous progresserez sur la voie de l’illumination. Lisez régulièrement la Bhagavad Gîtâ et efforcez-vous de la comprendre, encore et toujours.

 

Le monde est strié d’innombrables et interminables coulées alimentées par les échecs, les faillites et les ratages en tous genres. Lorsqu’une personne se fait prendre par une de ces coulées, s’y empêtre et se laisse paresseusement emporter par le courant, il est naturel qu’elle paye durant sa vie, les conséquences de ses faiblesses et de ses manquements, sous

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forme de problèmes et d’épuisement moral et physique. Mais l’esprit ne devrait pas rester ainsi emprisonné. L’esprit doit être dirigé vers des idéaux élevés, visant à l’accomplissement du Soi à l’insu de tous, dans ce monde-ci et dans le prochain. Qui sait de quelle manière se présente son « appel à comparaître » ? Ne restez pas plantés là ! Vous êtes la vérité, la  pureté, l’illuminé, le libéré et l’éternel. Pour la progression du Soi dans cette direction, il faudrait, de sa propre initiative, se lancer sur cette voie avec fougue et résolution. En effet, Dieu est au-dedans de vous, sous forme de la connaissance et de la juste intelligence. Forts de cet avantage, il serait juste d’entreprendre ce voyage sur la voie de la réalisation du Soi. Car le temps passe. Le père suprême, la mère suprême, le frère suprême, la soeur, l’ami, le maître, c’est Lui. Tout est en Lui. Chérissez l’image de Ses pieds (tcharanam signifie ‘pieds’ et ‘charanam’ refuge. Prendre refuge aux pieds du gourou est ainsi une expression courante dans la dévotion à l’hindou).

 

                                                      

Le voyageur en chemin vers la réalisation de Dieu, se doit d’oeuvrer en personne pour parvenir à soulever le rideau. Et c’est Dieu qui procure l’énergie indispensable pour avancer dans cette direction. Mais Sa révélation n’est pas le fruit de Son action. En fait, Il procure, en même temps que l’énergie, la clé qui ouvre la porte. Il n’est que d’ouvrir la porte pour Le voir, Lui, le Soi illuminé.

 

                                                      

A quelque endroit que Dieu retienne le voyageur et à quelque moment que ce soit, celui-ci ne devrait entreprendre le

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véritable voyage, qu’à partir de ce point-là. Car Lui-même est dans toutes les formes, dans l’action et la non-action. Il faudrait se donner entièrement à la tâche que l’on s’est fixée,  pratiquer le japa, et invoquer Dieu, avec coeur et âme. Dans le royaume de Dieu, on ne peut que penser à Lui. Alors souvenez-vous de Lui. Toujours. C’est le chemin vers la paix.

 

Dans le domaine de la représentation de l’univers tout entier, Dieu est dans toutes les formes. Il est souhaitable de progresser vers la réalisation du Soi.

 

Si vous vous prenez à penser, pensez à Lui, si vous vous mettez au travail, travaillez pour Son service. Le voyageur se doit d’accomplir son parcours. Gardez toujours votre esprit tourné vers le spirituel, c’est là le point essentiel de ce voyage. Et poursuivez votre chemin.

 

Tout voyageur devrait affronter le parcours avec un esprit vif, sain, rapide et inébranlable. Il ne s’agit pas d’une promenade en fiacre. Force et vivacité d’esprit sont indispensables à tout instant. Il serait bon de construire sa propre vie soi-même.

 

Qui appartient à qui dans ce monde-ci ? Tout un chacun s’efforce de remplir sa propre tâche et d’accomplir le voyage. Un tel état est naturel dans les déplacements à travers le monde. Il ne faut pas se laisser prendre par l’angoisse. Comment est-il possible qu’un voyage spirituel s’accomplisse et se termine comme il se doit, s’il est confronté à mille obstacles que la souffrance et la douleur ont dressés sur le parcours. Souffrance et douleur elles-mêmes causées par

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certains liens et attachements instaurés au cours des différents séjours  ici-bas – naissances et renaissances. Il faut s’efforcer, pour atteindre la révélation du Soi, d’effectuer un parcours libre et sans entrave aucune. Le voyageur du Grand Chemin doit faire en sorte que son voyage soit un succès. Et ce succès n’est autre que la réalisation du Soi.

                                                                                                                                                                                   Traduit de l’anglais par Jean E. Louis

 

 

 

Le départ d’Arnaud

 

Par Sundarî

 

 

Quelques précisions :

         Mâ Anandamayî, rencontrée dans mon jeune âge, entre 1977 et 1980, est ma mère spirituelle. Elle a établi d’emblée un lien avec moi de nature spirituelle. Ayant peu connu la Mâ « humaine »  mais, par une grâce stupéfiante de Sa part, percevant très bien la Mâ « divine », je n’ai jamais souffert du fait qu’elle ait quitté son corps, puisque ce lien divin est un lien permanent, qui m’a toujours permis de La sentir présente en moi, n’importe quel jour depuis lors. Et je ne pouvais pas regretter une dimension humaine que je n’avais pas connue, alors même que j’étais tellement comblée et inspirée pas Sa dimension divine. Il en va tout autrement de ma relation avec Arnaud Desjardins. Arnaud  a bien voulu assumer pour moi la fonction de Maître spirituel depuis plus de 26 ans... Sans faire partie de ceux ou celles qui l’ont côtoyé au quotidien, j’ai eu la chance d’être engagée dans une relation personnelle avec lui

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bien réelle, et, outre l’enseignement libérateur qu’il m’a prodigué, il a influencé tous les grands choix existentiels de ma vie (profession, mariage, etc.) J’ai choisi de raconter ce je sais des circonstances de sa mort sans m’exclure du récit, parce qu’ainsi, cela permet de montrer de façon plus vivante l’interaction entre le Maître et l’élève... Il me semble que parler de façon trop convenue, en évitant de parler de soi, amène à un récit « historique » et objectif, certes, mais pas très utile pour ceux ou celles qui, se sentant engagés dans un chemin d’évolution, sont à l’affût d’illustrations concrètes capables de les aider sur leur propre chemin. J’ai donc préféré le témoignage, plus impliqué, et plus impliquant pour celle ou celui qui le reçoit. Je le signe, par contre, de mon nom indien, qui me permet de témoigner tout en restant dans l’anonymat. Je vous souhaite bonne route à toutes et à tous, du fond du coeur...

         GURU  KRIPA KEVALA !....

 

         Le lundi suivant, le 4 juillet, j’étais allée le saluer car mon séjour se terminait. C’est la seule fois de ma vie où je suis allée le saluer seule. Là encore, je ne disais rien, je restais ouverte à ce qu’il allait dire ou faire, lui. Il était debout et non pas assis comme habituellement pour les au revoir. Il a commencé par me  prendre dans ses bras avec un amour vraiment extraordinaire. Jamais je n’ai senti, même avec lui, une telle profondeur d’amour. Une sorte de velours lumineux, de suavité chargée de Sens, de Grâce infinie... Rien que cela -une telle qualité d’amour est vraiment indescriptible-  est certainement son dernier enseignement, le plus profond, sa transmission la plus significative. Il m’a redonné brièvement quelques instructions, fait certains commentaires... Puis il m’a

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prise à nouveau dans ses bras, en me chantant : « OM, SHANTI SHANTI SHANTI...» Je l’ai remercié du fond du coeur et suis partie.

… . Au cours de ce dernier  entretien que j’ai eu avec lui le lundi 4 juillet, il m’a donné repères et instructions par rapport à mon évolution future la plus profonde. Il devait percevoir sa fin prochaine, car il m’a recommandé son livre, La Paix Toujours Présente, en me précisant que ce serait le dernier et qu’il s’agissait vraiment de son testament spirituel, de son enseignement le plus abouti.  Et puis, lorsqu’il a conclu l’entretien, il a ajouté ceci : « Tant que je n’aurai pas des tuyaux partout, je serai là, pour vous aider à atteindre l’Autre Rive... » Dix neuf  jours plus tard, en effet, les tuyaux étaient entrés en scène...

      

         Durant ces 21 jours, je sais Arnaud étendu sur un lit d’hôpital, la cage thoracique ouverte puis refermée, le sternum scié, avec des difficultés à simplement respirer... Avec surtout des difficultés à respirer. Il a, d’instant en instant, l’impression qu’il n’aura pas la force de supporter l’effort que représente le malaise de la respiration suivante... La respiration est un point d’appui  capital pour tout pratiquant du yoga... C’est elle qui, justement, permet d’endurer la souffrance, de la traverser... Et justement, il en est privé. Le point d’appui physique principal est justement le lieu du principal malaise... Je ne peux pas ne pas faire le lien entre tout se qui se passe dans mon existence, les mises en situations édifiantes qui se succèdent à grande vitesse, l’énergie incroyable qui s’est mise spontanément en oeuvre pour tout clarifier et tout remettre en ordre depuis qu’il est entre la vie et la mort, et ce qu’endure Arnaud. Je ne veux

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pas dire que Arnaud, délibérément, a choisi de souffrir pour nous libérer de nos entraves. Je suis convaincue qu’il a accepté de supporter l'insupportable afin de pouvoir continuer à rester dans ce monde, afin de nous aider NOUS... Lui peut évidemment partir à tout moment  dans la lumière et la béatitude. C’est uniquement pour nous qu’il reste. Une telle compassion me touche au plus profond. Mais je crois aussi qu’à un autre niveau, réellement, à travers cette souffrance qu’il ne mérite certes pas, Arnaud brûle le karma de certains de ses disciples. Véronique, son épouse, qui a reçu différents témoignages, a pu remarquer que pour un certain nombre d’entre nous, le Travail s’est mis à accélérer, avec des mises en situation très particulières. Durant cette période, peu à peu, mon énergie, de réceptive à son égard, s’est mise, au moins à certains moments, à s’inverser : j’éprouvais le besoin de lui donner, de  transmettre de l’aide à son corps physique. Je me disais  que cela préfigurait certainement ce qui allait suivre lorsqu’il mourrait : nous aurons tous à donner, à restituer tout ce que nous avons reçu de lui afin que cela fleurisse dans le monde, et en particulier, dans notre entourage. Nous avons tant reçu... Nous aurons beaucoup à redonner. Pourtant, à cette époque, j’étais convaincue qu’il allait survivre à son opération. Il avait, de temps à autre, fait allusion au fait qu’il finirait sa vie en silence, en  mauna. J’étais donc convaincue qu’il nous reviendrait, assumant une présence silencieuse, mais radieuse encore quelques années durant...  Peut-être avait-il en fait renoncé à rester silencieux parmi nous, devant l’immense demande dont nous faisions tous la démonstration, sacrifiant sa précieuse énergie pour nous. La compassion d’Arnaud est tellement grande. Toujours est-il que du fait de ces allusions, 

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je n’ai prêté aucune attention à certains signaux avertisseurs : sa sépulture qu’on avait commencé à construire en avril, par exemple et certaines phrases de l’entretien...

    

         Au cours de son séjour à l'hôpital, Arnaud s’est trouvé plusieurs fois en détresse respiratoire, au risque de mourir en étouffant. Il a été intubé, et -pour utiliser le terme hospitalier- sédatisé : être intubé est tellement pénible et douloureux qu’on balance des sédatifs puissants, qui entraînent  aussitôt l’inconscience totale... Le Guru plongé dans l’inconscience par un corps médical à la fois hyper compétent, et plutôt autoritaire...  A la suite de cette expérience, il a été décidé avec Arnaud que l’on ne recommencerait pas. Au fur et à mesure que les jours passaient, l’énergie physique d’Arnaud diminuait, ses poumons ne pouvant pas s'adapter aux suites opératoires. Un matin, le médecin a prévenu : son taux de gaz carbonique augmente, si on ne fait rien, il mourra ce soir. Renseignements pris, il s’agit d’une mort douce... On a demandé son avis à Arnaud qui, estimant qu’il ne fallait pas confondre soins post opératoires et acharnement thérapeutique, et  percevant mieux que personne combien son corps s’épuisait, a préféré quitter tranquillement le corps physique ! Un Maître n’a évidemment aucune peur de la mort, mais s’il peut ne pas trop souffrir, il va évidemment choisir la solution la plus humaine pour lui. Quoique Véronique nous a dit, les larmes aux yeux, qu’Arnaud n’imposait rien, même concernant les circonstances de sa mort.  Il était vraiment prêt à vivre ce qu’il aurait à vivre, quelque forme que cela puisse prendre, y compris une agonie terrifiante. Différents membres de sa famille se relayaient à son chevet... A partir du moment où il a su qu’il allait mourir (puisqu’en fait

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on arrêtait les soins),  Arnaud a demandé que l’on pose une photo de Mâ sur lui, et il est mort ainsi, s'unissant à Mâ, très paisiblement. Véronique  lui tenait une main, Emmanuel, son fils, l’autre, Fabienne, sa belle-fille était assise à ses pieds. Ils l’ont accompagné en lui chantant des mantras qu’il aimait, en particulier celui de Ram... Je suis sûre qu’ils se sont tous installés dans un profond amour, tous unis dans le même recueillement, le même lâcher-prise, dépassant leur chagrin autant qu’ils le pouvaient, lui transmettant toute leur affection et leurs plus purs sentiments. Il n’y avait, probablement, en cet instant, plus qu’un seul Coeur.

 

         Arnaud est donc mort paisiblement le mercredi 10 août à 23H00, après 21 jours très difficiles. Mon père, en 1967, est mort le... 10 août, à 23H15... Quelle coïncidence incroyable... Comme cela m’a touchée... Lorsque je l’ai appris, le lendemain matin, j’ai eu le sentiment qu’Arnaud, en entrant en Maha Samadhî  le même jour et à la même heures que mon père  (mort au contraire d’une mort brutale et empêtré dans des émotions violentes), inondait de lumière et de Paix tout ce vieux passé familial si sombre et si loin de toute spiritualité... Surtout, la grâce divine me redisait, à travers ce symbole si fort, combien Arnaud est mon père véritable... C’est vrai que c’est lui qui m’a réellement formée, construite humainement, et pas seulement enseignée spirituellement... Il est véritablement mon père chéri, humainement parlant, et je ne suis pas la seule... Le jeudi 11 au matin, en me levant, je suis étonnée : la veilleuse que j’ai allumée à 2 heures  du matin (j’ai regardé l’heure)  brûle encore... Au lieu de 4 heures, elle va brûler 8 heures et demie... Je n’ai pourtant pas remarqué que la mèche

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soit anormalement courte.        Après m’être recueillie le plus clair de la journée du jeudi, puisque justement je ne travaille pas étant en vacances, le vendredi, je pars à l’ashram, pensant qu’il y aura besoin d’aide à la cuisine pour recevoir les personnes qui ne vont pas tarder à affluer. Avertie par un mail qu’il faut apporter de la nourriture, j’achète en chemin un brie entier et un immense saucisson qui offre plus de 100 tranches !!!

 

        

        L’ashram est calme. Pas de têtes d’enterrement, pas de sanglots, pas de mines ravagées par les larmes. Bien sûr, il y a de la tristesse, et je croise parfois des visages montrant que bien des larmes ont été versées dans la nuit, mais vraiment, personne ne donne dans le pathos. On a installé le corps d’Arnaud dans la pièce où il donnait ses entretiens et nous disait au revoir. Son corps est étendu,  recouvert du châle de cachemire blanc qu’il portait lorsqu’il transmettait l’Enseignement, son visage est découvert et paisible, mais dans l’immobilité de la mort. La photo de Mâ, tout emplie de grâce et de lumière est posée tout près de son visage, entourée de roses blanches... Les mêmes roses qui poussaient à Noël en Inde, à l’ashram de Mâ, à Naimisharanya, lorsque j’ai passé une semaine avec Elle à l’âge de 23 ans. Il est vrai que le blanc est vraiment la couleur de Mataji. Avec une profonde générosité, la famille d’Arnaud a accepté que nous, simples élèves, puissions aller nous recueillir près de lui... Nous pouvons y aller par petits groupes de 6 ou 8 personnes, et ce plusieurs fois dans la mesure où il n’y a pas trop de monde. Simplement, nous ne devons pas rester au delà d’un quart d’heure. Le corps d’Arnaud ne subit aucun traitement

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chimique, il ne repose pas sur un lit réfrigérant, la température de la pièce est un peu refroidie par un appareil, sans plus. Du coup, personne n’est gêné, comme souvent dans les chambres funéraires où on ne peut pas rester à cause du froid trop intense. Quel recueillement tranquille sur la plupart des visages. Parfois d’émouvants sourires au milieu des larmes. La beauté d’un long regard qu’une disciple pose sur Arnaud me restera longtemps...  Pour ma part, je suis allée 4 fois me recueillir dans la petite pièce. La première fois, il y a eu le choc de voir le corps de cet homme que j’aime si profondément et que je vénère, dans l’immobilité de la mort... J’avais besoin de constater sa mort de mes propres yeux - cela aide à l’accepter plus facilement.  Le vendredi, il y a eu un moment où je suis restée seule en présence d’Arnaud... Cela m’a énormément touchée, cette intimité miraculeuse quand on sait le nombre d’élèves qui gravitent autour de lui. Puisque j’étais seule et comme je regrettais de ne jamais lui avoir demandé de bénir mon mala (ni aucun objet d’ailleurs, ce n’est pas dans la ligne d’Hauteville),  au bout d’un moment, je l’ai ôté et mis légèrement en contact avec son châle, puis remis autour de mon cou. (Ce mala, acheté à Khankhal au samadhî de Mâ, et gardé une dizaine de minutes dans les mains de Vijayananda en signe de bénédiction, ne me quitte pas, je le porte nuit et jour depuis mars 2010. Je l’utilise tous les jours depuis que je le porte pour réciter une variante du mantra de Ram.)  A peine remis le mala autour de mon cou,  d’autres personnes sont arrivées... Comme chacun se rend à son rythme auprès d’Arnaud et qu’il n’y a pas de barrières de protocole, chacun peut se recueillir,  mélangé à des disciples de longue date, des débutants ou des membres de la famille d’Arnaud, comme Denise, sa première épouse. Cela aussi m’a beaucoup touchée.

 

         Le samedi, c’est Muriel, fille d’Arnaud et son mari, Christophe, ainsi que leurs enfants (qui n’ont pas parlé mais étaient présents) qui ont animé la réunion. (Muriel et Christophe étaient présents en Inde auprès de Mâ en même temps que moi, il y a 34 ans, à Naimisharanya, n’est-ce pas étonnant ?... C’est en voyant combien sa fille était sérieuse et recueillie que j’avais eu envie de rencontrer Arnaud, me disant : si la fille est si  bien, son père l’est certainement aussi !) Muriel nous raconte que, lorsque Arnaud retrouvait un peu  de souffle pour parler, c’était assez souvent pour... raconter des plaisanteries. C’est ainsi qu’à un moment, Arnaud dit à sa fille : « Tu connais l’histoire du patriarche juif en train de mourir ?»  « Oui » répond précipitamment Muriel, pour lui éviter de la raconter, ne voulant surtout pas qu’il s’épuise inutilement. « « Oui, oui, je la connais, tu n’as pas besoin de me la redire !» Mais Arnaud continue, et voici l’histoire : le vieux patriarche est sur son lit de mort. Il demande : « Est-ce que Sarah, ma fidèle épouse, est là ? Oui, répond sa famille. Et mon fils aîné, Jacob ? Oui. Et Myriam ? Et Samuel, Rebecca ? » Il cite ainsi chacun des noms de ses nombreux enfants. Chaque fois, on lui répond oui. « Ainsi, vous êtes tous là, alors, autour de moi ?» « Oui !»  « Mais alors, qui garde la boutique ?» s’exclame-t-il, le souffle court.... Muriel commente : « Tout de même, Arnaud nous racontait l’histoire d’un homme en train de mourir, c’était sa façon d’annoncer son départ. »

         Dans la journée du samedi, le corps d’Arnaud est mis en bière, c’est à dire déposé dans son cercueil. Ses fils les plus proches le portent de la petite pièce où il se trouvait jusqu’au

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dojo, salle assez grande, où nous avons l’habitude de méditer. Ses fils les plus proches, c’est à dire Emmanuel, bien sûr, son fils de sang, disciple et collaborateur, Christophe, son gendre et disciple, son petit fils, Axel,  jeune homme au beau regard lumineux, et ses fils spirituels : Yves et Thierry, collaborateurs, Geoffroy, qui l’a servi toute sa vie... J’espère que je n’oublie personne, pardon si c’est le cas, j’ai vécu tout cela dans un tel bouleversement intérieur. La sangha s’est assemblée tout le long du parcours, à l’intérieur de l’ashram autant qu’à l’extérieur. Véronique nous annonce alors que nous allons faire une veillée tous ensemble dans le dojo, autour d’Arnaud, et merveille des merveilles, que ceux ou celles d’entre nous qui le souhaitent peuvent dormir dans la grande salle où se tiennent habituellement les sessions d’enseignement, de sorte qu’ils puissent se recueillir tard et même se relever au milieu de la nuit pour retourner dans le dojo, veiller  leur Maître bien aimé...

         Le soir, le dojo est recouvert de coussin, zafus et tapis de sols, de telle sorte que chacun puisse s’asseoir de façon confortable. Là encore, nous sommes serrés les uns contre les autres. Beau symbole. Puissions nous, en effet, rester à l’avenir extrêmement proches les uns des autres... Je crois réellement que de ma vie, c’est la plus belle soirée que j’ai passée. Certainement parce que c’est celle qui a eu le plus de sens, de profondeur. Comment décrire la beauté du recueillement, la ferveur sobre mais profonde, les larmes et les sourires... Comment ne pas être touché par la beauté des chants qui se succèdent, et qui, pénétrant nos coeurs, nous transforment à certains moments en fontaines silencieuses... La qualité artistique est au rendez vous.  Alternent des mantras dédiés à

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Ram, Mâ, mais aussi Swamiji (Swami Prajnanpad) et ô bonheur, Arnaud... accompagnés au sîtar... et repris par l’assemblée. C’est très inhabituel à Hauteville, car nous ne sommes pas une voie dévotionnelle. Nous pratiquons le yoga de la connaissance, et la dévotion au Maître, -en fait très réelle- reste la plupart du temps cachée. Une jeune fille française formée au chant karnatique (qui est connue et appréciée en Inde devant certaines artistes hindoues) nous chante un chant dévotionnel, accompagnée au sitar par son père : c’est sublime. Nos coeurs s’épanchent, touchés par la beauté du chant, et de nouvelles fontaines s’écoulent doucement... Comment ne pas verser de larmes ? Beaucoup sont intériorisés dans la dévotion ou la méditation. Pascal chante l'alléluia de Léonard Cohen, en s’accompagnant à la guitare, doucement, très intériorisé. Il l’a beaucoup chanté, cet alléluia... mais là, son coeur à la fois brisé et paisible est dans chaque  note de musique. De quoi être remué au fond de l’âme. Et puis dans cette veillée terrible et merveilleuse, il y a aussi l’intervention de Nour... Nour est une jeune femme soufi qui assume une fonction de Maître spirituel. Elle chante le dhikr, avec deux autres compagnes musulmanes. Le dhikr est un chant ésotérique qui vise à mettre celui qui le pratique en état d’ouverture au divin... Là aussi, comme pour les mantras, nous reprenons en choeur : « La ilaha illa 'llah...»  Chacune des trois femmes musulmanes, à tour de rôle,  tournera aussi sur elle-même comme le font les derviches. Ce qui est frappant, c’est de voir combien elles le font à partir de leur coeur. Tout le mouvement semble y prendre son origine.  Nour nous parle quelques minutes et ses paroles sont aussi très justes, fermes, courageuses. Pas de sensiblerie... D’abord assise tout au fond, je me suis approchée peu à peu, à mesure que les

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personnes partent, ayant des obligations envers leurs hôtels respectifs ou étant fatiguées. Finalement, je me retrouve très près du cercueil. Il est en pin clair, et embaume la résine... La photo de Mâ  rayonne au milieu des fleurs blanches... Peu à peu,  ne reste qu’un petit groupe de personnes rassemblées près du corps du Maître, très recueillies... Toute l’atmosphère de cette veillée est envoûtante, tout emplie de douceur, de dévotion, de pudeur aussi. Vers une heures 30 du matin,  j’émigre dans la grande salle, non sans être allée chercher un duvet dans ma voiture. Une vingtaine de personnes sont déjà allongées, certaines simplement enroulées dans leur châle de méditation, d’autres ayant disposé un tapis de sol... Tout est calme... les dormeurs font attention dans leur sommeil de bouger doucement... Certains se relèveront au milieu de la nuit pour retourner encore dans le dojo. Je me relève aussi, médite encore un peu, mais force m’est de constater que mon cerveau reste relativement endormi... Cela ne fait rien. Je me recouche un peu plus pénétrée de l’ambiance de prière et de vénération, et me rendors aussitôt. L’intérêt de dormir sur place, c’est qu’on ne perd aucun temps... A 7H20,  je retourne au dojo pour une longue méditation très recueillie, facilitée par la veillée... Vrai petit miracle, mon dos, habituellement si susceptible, supporte ce  sur-régime (seva intensif dans la cuisine et le reste) sans aucun problème... Tant il est vrai que, dans l’ascèse, chaque fois que nous avons vraiment quelque chose à faire, il nous est donné la capacité de le réaliser. Quelle heureuse idée, cette longue veillée, et ce couchage dans la grande salle...

         Lundi 15 août : C’est le jour choisi pour l’enterrement. Arnaud, étant d’origine protestante, a la possibilité de se  faire enterrer sur le lieu de son habitation... Donc, à Hauteville et

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non pas dans un cimetière, comme pour les catholiques. Et comme Hauteville ne dépend pas de professionnels (qui ne travaillent pas les jours fériés), le 15 août, jour de l’Assomption, est la date choisie. Beau symbole... (Vijayananda est mort le lundi de Pâques en 2010, et en pleine Khumba-méla... « Very auspicious », « De très bon augure », dirait-on en Inde !) 

         Le 15 août,  la cérémonie commence à 11 heures et va durer environ 4 heures. Cette fois ci, il y a vraiment beaucoup de monde. Je ne saurais dire que très approximativement le nombre, environ 1200 personnes ? Comment sont-elles venues ? Uniquement le « téléphone arabe », le réseau amical des disciples ? Nous sommes dehors, au soleil, dont la chaleur, au bout d’une heure ou deux, sera tempérée par quelques nuages légers et bienvenus. Une estrade a été aménagée. A droite, la famille d’Arnaud. A gauche, les invités, qui représentent tous une forme de travail spirituel particulier : Voies bouddhiste, hindoue, chrétienne, musulmane (soufi), amérindienne... et bien sûr, des représentantes de la sangha de Lee Lozowick, inclassable mais prodigieuse, avec laquelle Hauteville a des liens particulièrement proches. Au centre, assis sur l’herbe, les élèves d’Arnaud. Et bien sûr, sur l’estrade, les personnes qui sont au coeur de la transmission spirituelle dans la lignée d’Arnaud et de Swami Prajnanpad. Je ne détaillerai par les différentes prises de paroles. Il y est bien sûr question d’hommages à Arnaud et du futur de notre travail spirituel, qui bien évidemment, continue... et même, nous l’espérons va s’intensifier.   Jacques Vigne, présent par le coeur, organise en Inde, au bord du Gange, une puja à Khankhal, à quelques mètres du samadhî de Mâ Anandamayî. Il résume bien les

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choses dans cette courte phrase, qu’il a entendu de son propre Maître, Vijayananda : « La parole du Guru ne meurt pas. » D’autres cérémonies sont organisées en d’autres points du globe... Beaucoup ont tout lâché toutes affaires cessantes, sautant dans le premier avion pour débarquer du Canada, des Etats Unis, du Mexique, d’Angleterre, de Suisse,  d’Inde... Les différentes interventions ont toutes certains points communs : elles sont totalement sincères, sobres, profondes.

 

         Ce n’est qu’à 18h30, lorsque tout est pratiquement rangé et la plupart des participants repartis au quatre coins de France (ou du monde) que je décide d’aller découvrir le samadhî d’Arnaud. Le voici, en pleine forêt, au milieu des chants d’oiseaux... Il jouxte le jardin de méditation, avec son petit bassin tranquille rempli de poissons d’or... Des cèdres, un bel eucalyptus, et des pins entourent l’enceinte du samadhi délimité par un petit muret clair. Du gazon frais a été posé tout autour de la tombe. A l’avant, un amoncellement de brins de buis : chacune des personnes entrant dans le samadhî en a déposé un... La tombe est recouverte de fleurs blanches.

         Il y a quelques années, Emmanuel avait demandé à son père ce qu’il aimerait avoir comme inscription sur sa tombe, le moment venu. Arnaud avait répondu par une boutade... Il avait répondu qu’on pourrait inscrire : « C’était un chic type... et... pour la Libération, c’est possible, mais ce n’est pas de la tarte !!!»  Rien n’est inscrit sur sa tombe, sinon  notre amour à tous, invisible et pourtant tangible. Dans la lumière dorée du soleil déclinant, la photo de Mâ rayonne paisiblement, au milieu d’un mélange de roses jaunes, blanches, roses et d’une plante de couleur vert tendre... Comme c’est beau.... Quelle harmonie...

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Au bout d’un moment, je prends conscience qu’une grâce surnaturelle émane de la photo de Mâ, des fleurs qui l’entourent et aussi de la tombe d’Arnaud : C’est à la fois doux et puissant, cela évolue et devient de plus en plus large.  Le Disciple a rejoint sa Mère divine... Arnaud, disciple de Swami Prajnanpad, avait  parfois  dit qu’au moment de mourir, il se confierait à Mâ. Devant certains disciples étonnés, il avait précisé : Swamiji, c’est le Guru, c’est lui qui concentrait toutes les influences, les bénédictions reçues par Arnaud, et c’est à lui que j’obéissais en toutes circonstances. Mais Mâ, elle est vraiment divine....»  Arnaud, si proche de Mâ par le coeur... Arnaud qui s’est trouvé parfois tout seul avec Elle... peut-être lors des jours bénis de la retraite de Vyndiachal, tout petit ashram de Mâ perché sur une colline. Arnaud écrivait, au sujet de Vyndiachal, dans Ashrams:

         « Plus de cérémonie, plus de règles pour approcher Mataji. Nous allons librement dans sa chambre, nous nous promenons avec elle dans les bois. Aucune distance entre elle et nous, seulement l’intimité et la familiarité (...) Au loin, la rivière dessine son ruban scintillant au soleil qui décline. Tout est amour et recueillement. Dans le silence, un de ses disciples lit doucement. Mâ ne dit rien. Nous ne disons rien. Elle nous regarde. Nous la regardons. Et tandis qu’avec la nuit descend sur nous la Paix qui dépasse toute compréhension, nous voyons briller dans ses yeux la lumière de la Vie véritable, l’annonce que l’éveil peut venir nous arracher à notre monde de sommeil ».1

         Arnaud a pratiqué de façon suffisamment intense pour réaliser la promesse que recelait le regard de Mâ. Bien des fois, j’ai lu à mon tour dans les yeux d’Arnaud la splendeur de

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l’éveil, une telle splendeur que son regard ressemblait à un rayonnement doré. J’ai senti, comme bien d’autres, un amour merveilleux littéralement jaillir de ses yeux, de son corps, de ses gestes et me bouleverser dans l’intime de mon être. Et là, devant sa tombe claire, dans la lumière dorée du soir, m’est donnée cette perception, très tangible, indubitable : Arnaud et Mâ, à présent sont complètement unis dans ananda, la splendeur et aussi la douceur de l’amour divin. Cela rayonne du visage de Mâ, des fleurs qui entourent sa photo, cela émane de la tombe d’Arnaud  dans une grâce indicible. C’est si fort, si beau, que je reste encore et encore... D’autres personnes arrivent, s’asseyent un instant, repartent tranquillement.  Tout est amour et recueillement. Au loin, l’Eyrieux dessine son ruban scintillant au soleil qui décline... (mais on ne voit pas la rivière pourtant proche de l’ashram.) Dans l’or oblique du soir, un homme très proche d’Arnaud vient avec ses 2 petits enfants, qui, tout contents, déposent joyeusement leur petit brin de buis. Leur père les regarde paisiblement, avec amour... La vie continue. Guru kripa kevala... Tout est la grâce du Guru. Chaque évènement, dans chacune de nos existences, petit ou grand, est la grâce du Guru à l’oeuvre. Puissions nous nous en souvenir. A présent qu’Arnaud a quitté son corps, sa présence immatérielle est partout, et pour ceux d’entre nous qui lui ouvriront leur coeur, il ne nous quittera jamais plus. Puissions nous ne jamais le quitter. Puissions nous, à travers sa Grâce et notre pratique, Etre UN avec la sérénité et l’amour qui n’ont pas de contraire... Puissent la Paix qui dépasse toute compréhension, la lumière de la Vie véritable descendre sur nous...

         Toutefois, étant humaine et faillible, je pourrais aussi

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chanter, avec notre ami Jerry, la chanson Comanche : « Maintenant que tu es parti pour le grand voyage, et comme je t’aime si  profondément, tu vas me manquer...»

                  

                                                                                                                                                                       Sundarî

 

   

  

         Enseignement sans paroles

Par Arnaud Desjardins

 

 

Dès le premier jour où j’ai rencontré Mâ Anandamayî, j’ai eu l’intime conviction que je n’étais pas en présence d’un être humain, mais d’un Être d’une toute autre dimension. C’est en 1959, au mois de septembre, que j’ai tout à coup réalisé cet état de fait. Par la suite j’ai rendu visite à Mâ en 1961, 1962, 1963, 1964 et 1965 et j’ai éprouvé ce même sentiment à chacun de mes séjours auprès d’Elle. Comment définir cette sensation extraordinaire ? En la qualifiant de « divine » ? De « surnaturelle » ? En fait ces concepts englobent un tel mystère que je n’ai guère le courage de les employer.

Je suis un Occidental, un Européen, de tradition chrétienne aussi bien dans ma profession que dans ma vie

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de famille. A part quelques mots d’usage courant, je ne parle pas l’hindi ni le bengali et Mâ ne parle pas l’anglais. A l’exception d’une heure environ d’entretien que j’ai eu avec Elle – entretien durant lequel je bénéficiais de l’aide d’un interprète – je n’ai pratiquement jamais compris le moindre mot de ce qu’Elle disait ou de ce qu’Elle répondait à mes questions. Et en dépit de cela, j’ai entrepris six voyages en Inde par amour pour Elle et passé huit mois à ses côtés, parfois dans des conditions plutôt difficiles. Cela prouve bien le pouvoir de son influence même sur quelqu’un comme moi, un Européen  totalement étranger à la tradition hindoue où se trouvent toutes les racines de Mâ Anandamayî.

Pendant des années, les photos de Sri Ramana Maharshi ont été pour moi, comme pour nombre d’autres personnes à Paris, un véritable enseignement. Quelques minutes d’une attention silencieuse et soutenue passées devant son portrait  à l’attitude et au regard sublimes, m’auront enseigné beaucoup plus que la lecture des meilleurs livres – je parle de la seule véritable connaissance, celle qui transforme les personnes qui l’ont acquise. Je n’ai jamais manqué l’occasion de rencontrer les Français qui avaient eu son darshan. C’est à la suite de ces témoignages vivants que j’ai ressenti le désir irrésistible et plus fort que tout autre désir, de rencontrer un sage, un être libéré, un être réalisé, un Jîvanmukti.

J’attendais énormément de mes voyages en Inde. Le darshan et la rencontre de Mataji ont largement répondu

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à mes espoirs. Depuis lors je me suis rendu à  plusieurs reprises à Kanhangad pour séjourner auprès de Swami Ramdas et de sa disciple principale Krishnabai. Là aussi j’ai vécu des moments intenses et lumineux. La vie éprouvante et tumultueuse de Paris n’est pas parvenue à effacer les souvenirs chaleureux de ces moments-là. Il faut dire que Swami Ramdas parlait anglais et que ses réponses, ses paraboles et ses observations souvent débordantes d’humour, procuraient à nos esprits insatiables  une précieuse nourriture. Le rôle qu’aura joué Swami Ramdas dans la vie de nombreux Occidentaux est tout à fait compréhensible, même pour cette mentalité moderne qu’est la nôtre, enserrée qu’elle est par la logique rationnelle.

Cela dit, s’il est une chose qui aujourd’hui encore me semble étonnante, c’est bien le rôle de maître qu’a assumé Mâ, de précepteur spirituel d’un simple visiteur français qui a été et continue d’être son élève et son disciple. Je tiens à souligner qu’Elle m’a fait comprendre petit à petit la signification des Evangiles et du message du Christ. Grâce à Mâ, la parole de Jésus est devenue pour moi parole de vie. Et qui plus est, Elle m’a ouvert les portes de cette merveille universelle qu’est la Bhagavad-Gîtâ et m’a fait découvrir Sri Krishna.

Rien ne peut être plus éloigné de la vie que je mène à Paris, où je travaille pour le cinéma et la télévision, que l’atmosphère des ashrams de Mataji. L’orthodoxie hindoue, l’observance des règles de caste, l’importance attachée aux rites et aux cérémonies, autant de traditions

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qui semblent n’avoir aucun point commun avec les problèmes auxquels l’homme moderne est confronté dans sa vie de tous les jours, au coeur d’une métropole européenne. Je suis en mesure, toutefois, de  témoigner  du fait que l’enseignement de Mâ, quand bien même il m’ait été communiqué « sans paroles », a totalement transformé ma vie à Paris. Parce qu’Elle m’a convaincu, intellectuellement, qu’il existe une perspective métaphysique qui est unique et universelle, une Philosophia perennis  qui nous enseigne que tous nos problèmes ont déjà été résolus même si nous n’en avons pas conscience : « Il est tout en tout, Lui seul est. » Mais Elle enseigne également que la Réalisation peut tout englober. Bien que je sois à l’autre bout de la terre, je sens vibrer en moi la vie des ashrams de Mâ, je vois la pureté des habits d’une blancheur candide, j’entends la chaude psalmodie des kirtans. Et cela en dépit de la confusion, des ennuis et des contrariétés d’ordre professionnel que l’on doit affronter dans une ville comme Paris, car Mataji, à tout le moins ce qu’Elle signifie, ce qu’Elle représente, est toujours avec moi. En moi. J’ai encore en mémoire les paroles bien connues : « Kurukshetra dharmakshetra... » Et aussi : « L’action est la pièce théâtrale de la vie » (Yoga Vashista) et je sais qui est l’acteur et qui ne l’est pas.

J’ai le sentiment que pour les étrangers, la relation maître-disciple représente à l’heure actuelle l’aspect le plus intéressant de l’hindouisme. Il y a des personnes qui considèrent que le sens de leur vie s’est trouvé

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radicalement changé après qu’elles aient eu le darshan de Ramana Maharshi, de Ramdas ou de Mâ Anandamayî. C’est là une certitude qui ne peut être ni prouvée, ni contredite. On peut confirmer la véracité du récit d’un miracle, on peut être surpris – au nom de l’orthodoxie chrétienne – lorsqu’on entend des Êtres autres que le Christ dire « le Père et Moi sommes Un », on peut être sidéré devant le phénomène social que représente la gloire d’une femme qui enseigne uniquement la voie qui mène à Dieu. Mais pour ce qui est du choc que l’on ressent au simple regard de cette femme et à la signification que peut avoir le moindre de ses gestes, c’est là une expérience toute personnelle. Ceux qui ont vu, ont cru. Et ceux qui ont compris le vrai sens des paroles de Vie Eternelle, ceux-là se sont engagés sur la Voie.

Par quel mystère l’Être réalisé qu’est Mâ déclenche-t-il en nous ces vibrations qui nous mettent en harmonie avec Elle ? De quelle profondeur de notre être proviennent ces vibrations ? Toutes les personnes avec qui j’ai comparé mon expérience à la leur, ont éprouvé la même certitude que moi. Les choses se sont passées ainsi, rien n’a été ajouté. Face au Maître, il n’y a que clarté et certitude et il y a cette expérience extraordinaire de la vie au-delà du temps, expérience qui nous libère de toute peur. Cela dit, il n’est pas facile de côtoyer Mataji. Aucune de nos petites ruses habituelles ne fonctionnent. Elle nous démasque immanquablement. Jamais auparavant je n’ai été aussi divinement heureux que je l’ai été en la

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présence de Mâ, de même que jamais auparavant je ne me suis senti aussi mal à l’aise et aussi terriblement bouleversé. Bien sûr je savais qu’une transformation pénible et douloureuse devait s’opérer en moi. Je le savais parfaitement en venant ici. Et je savais également que cette transformation devait se faire avec mon accord et ma collaboration. Il ne suffit pas de bénéficier de la présence d’un sage et de se contenter de rester passif : il faut apporter son aide propre et s’en remettre à lui de sa propre volonté.

« Il est plus facile pour les mouches que pour quiconque de suivre ce corps, où qu’il aille » disait Mâ, se référant à Elle-même, « mais cela ne leur donne pas l’illumination pour autant ». Mataji insiste pour que nous travaillions en permanence sur nous-mêmes, pour que nous fassions des efforts importants et soutenus. Avec le temps, ces efforts finiront par être transcendés. Apparaîtra alors un être vrai dont la spontanéité sera née au beau milieu du « champ de bataille » en même temps qu’une liberté intérieure allant au-delà de l’action et de la réaction.

Durant des années, avant mon premier voyage en Inde, je me suis posé une question : « Et si c’était vrai ? » Combien de fois me la suis-je posée cette question, avec une anxiété doublée d’un tremblant espoir lorsque j’entendais parler de certains grands sages de l’Inde qui « d’un simple regard peuvent changer le cours d’une vie » ? Combien de récits ai-je lus qui décrivent leur présence surnaturelle, témoignage vivant d’un monde

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totalement différent de celui auquel nous croyons et où nous sommes emprisonnés ! La réponse « Oui, c’est vrai », je l’ai obtenue, en même temps que la certitude, lors du darshan de Mâ Anandamayî. A cet instant-là, son regard était perdu dans le lointain et l’expression de son visage était d’une beauté surnaturelle défiant toute description. Que voyait-Elle dans ces moments-là ? Quelle est la signification de la présence parmi nous d’un Être si totalement différent ? Il émane une telle puissance de ce visage, que semaine après semaine, perdu dans la foule, j’étais incapable d’en détacher mon regard, subjugué qu’était mon être tout entier par un irrésistible sentiment d’intensité et de plénitude. En la présence de Mâ, quelque chose était en train de se passer dans ma vie. Et je savais maintenant, avec certitude, que tout était possible pour Elle.

Cela dit, il faut reconnaître que la nature et l’attitude quasiment miraculeuses de Mâ Anandamayî, l’attraction qu’Elle exerce sur des milliers et des milliers de personnes, induisent certaines d’entre elles à voir en cela des manifestations « anormales » plus que « surnaturelles ». Ma gratitude envers Mâ est encore plus grande pour ce que j’ai pleinement conscience de recevoir d’Elle lorsque je suis à Paris, que pour les moments, pourtant extraordinaires, que j’ai vécus en Inde. Je ne cherche aucune explication. Le caractère unique du Soi, l’éveil du gourou intérieur sont suffisants. Un fait demeure toutefois : dès mon retour en Europe, après ce premier voyage en Inde, les rapports difficiles et

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source de souffrance que j’entretenais avec mon entourage, se modifièrent radicalement. J’avais compris que notre être conditionne notre vie. Je savais que par la grâce de Mâ Anandamayî et de Swami Ramdas, quelque chose dans mon être avait été transformé. J’ai gardé sur la cheminée de la pièce où je passe la plupart de mon temps la photo de Bhagavan Ramana Maharshi, la première photo d’un sage que je possédais et que j’avais regardée si souvent pendant des années. C’est cette photo qui avait fait grandir en moi le désir de me rendre en Inde. Et j’ai parfois le sentiment que c’est Ramana Maharshi qui m’a guidé vers Mâ Anandamayî.

A ses côtés j’ai trouvé la vie qu’il y a au-delà de toutes les choses de la création – outre celle qui se trouve en elles – et contre laquelle aucun pouvoir en ce monde ne peut prévaloir, ni aucun obstacle, ni aucune opposition. Dès ma première visite à Mâ Anandamayî, à Varanasi, j’ai découvert la vie en moi-même. Je peux comprendre que certaines personnes dénient l’existence de Dieu ou de l’Atma. Mais la vie ? Qui peut se refuser à s’ouvrir à la Vie et à se laisser transformer par elle ? Le Christ a dit : « Je suis la Vie. Je donnerai la Vie à tous ceux qui viendront à moi. » Et je sais que Mâ est la Vie et qu’Elle donne la Vie à tous ceux qui viennent à Elle. Dans ce cas, pourquoi serait-il difficile de l’appeler Mère ou bien Mâ ? Car une mère n’est pas seulement celle qui conseille et qui protège, celle qui réprimande ou réconforte, une mère est avant tout et surtout celle qui donne la naissance et qui vous amène à la vie. Il est un

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fait clair et définitif à mes yeux – et pas une seule semaine ne s’est écoulée, durant ces cinq années, sans qu’il ne m’ait été donné confirmation de ce fait : ma vie a véritablement commencé au mois de septembre 1959, à Varanasi.

Combien de fois, en France, ne m’a t-on pas posé cette question : « Qu’avez-vous reçu de cette grande sainte ? » Je savais parfaitement que l’on attendait de ma part une réponse conforme aux récits qu’on lit couramment dans les livres qui parlent de chakras, de kundalinî ou de nirvikalpa-samâdhi. Mais la réponse est beaucoup plus simple et, pour moi tout au moins, infiniment plus révélatrice : « Ce que j’ai reçu de cette femme sainte c’est moi-même. J’étais mort et je suis revenu à la vie. J’étais né de la chair et maintenant je suis né de l’esprit. » Quel que soit mon péché et quelle que soit mon impureté, Sri Sri Mâ Anandamayî vous êtes à tout jamais ma mère et je suis votre fils. Jay Guru. Jay Mâ.

                                                 

 Préface d'Arnaud Desjardins

Au livre Retrouver la joie  rassemblé et traduit par

Patrick Mandala

     Si nous demandions à différentes personnes de notre entourage : « Qu’avez-vous vu de plus beau de toute votre

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existence ? » Certaines évoqueraient peut-être un paysage qualifié de grandiose, d'autres une oeuvre d'art considérée comme sublime. Et si nous précisions : « Quelle est l'oeuvre d'art sacré qui a le plus remarquablement éveillé en vous le sens de la transcendance ? », les réponses iraient de la cathédrale gothique à la statue khmer d'un bouddha, ou d’une des plus admirables peintures chinoises traditionnelles à telle ou telle mosquée.

     Mon existence personnelle m'a donné l'opportunité de contempler bien des merveilles, du Mexique au Japon et de l’Inde au Québec, mais ce qui a produit en moi, de loin, la plus forte impression et pour laquelle aucun terme tel que « divin » ou « surnaturel » ne me paraît excessif, est la rencontre, le darshan (vision) comme on dit en Inde, d’un être humain, d’une femme hindoue de naissance bengalie, la célèbre Mâ Anandamayî. Ce ressenti inoubliable, décisif, a été partagé par de très nombreux hindous et occidentaux. Les meilleures images d'un film, les photographies les plus réussies ne transmettent qu'une faible part de son rayonnement. Toutes les facettes d'un être humain accompli, depuis le rire lumineux d'un enfant jusqu'à l'immense gravité d'un Sage, s’exprimaient à travers elle. Et ses paroles, totalement adaptées à chaque personne et à chaque circonstance, ont couvert toute la gamme des réponses possibles aux questions de ceux qui l’approchaient, depuis une simple villageoise jusqu'à un pandit réputé de Bénarès ou un mystique de Vrindavân.

   

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 Il est heureux que son influence puisse encore toucher aujourd'hui des personnes qui, faute de l'avoir rencontrée « en chair et en os », découvriront au fond de leur coeur sa dimension infinie.                                                                                                                                                         Hauteville, 29 janvier 2009

 

Le pèlerinage au Mont Kailash

 

Par Vigyânânand (Jacques Vigne)

 

 

  27 Français se sont rendus au Mont Kailash avec Vigyânânand en partant de Kathmandu. Le voyage total a duré du 14 mai au 6 juin via Lhassa, Gyantsé et Shigatsé, et il y a eu cinq jours autour du lac Manasarovar et du Mont Kailash lui-même. Nous donnons quelques extraits du compte rendu que j’ai effectué. Vous aurez la version complète, trois fois plus longue, bientôt sur mon site www.jacquesvigne.fr.st N’hésitez pas à demander aussi à Joëlle Coiret, professeur de lettres en retraite de la Réunion, son propre récit qui rentre davantage dans les détails au niveau culturel sur le Tibet que nous avons vu : joelle.coiret@ac-larenion.fr Il sera publié dans le journal de l’Association Réunionnaise de Yoga

 

 

    Le mont Kailash est le pèlerinage le plus révéré du monde hindou, jaïn et bouddhiste tibétain. Ils assimilent ce sommet à

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6500 m d’altitude au Mont Mérou, l'axe du monde. Jusqu'à l'invasion chinoise en 1950, les frontières étaient ouvertes, et les Indiens se rendaient au Kailash. On en parle déjà dans le Mahabharata et le Ramayana – c'est dire qu'il s'agit d'un pèlerinage ancien. Les difficultés à l'époque étaient non seulement physiques, avec des sentiers par endroit peu entretenus et dangereux, des ressources hôtelières quasi nulles, mais il y avait aussi les brigands qui taxaient les pèlerins quand ils ne leur prenaient pas directement tous leurs avoirs. Nous citerons des extraits de l’anthologie des textes de Gurupriya Didi, l'assistante de Mâ durant toute sa vie : elle a effectué avec elle et tout un groupe, en 1937, le pèlerinage au mont Kailash à partir d'Almora, c'est-à-dire la région indienne au nord-ouest du Népal. À l'époque encore, atteindre le Kailash était toute une aventure, mais cela n'empêchait pas les pèlerins de toute l'Inde d'y aller.

    Du point de vue tibétain, le mont Kailash est indissolublement associé à la mémoire de Milarépa, qui a vécu sur le Toit du monde entre 1050 et 1130. Son maître, Marpa, qui avait été étudier le bouddhisme tantrique en Inde, lui avait conseillé d'aller méditer dans la région du Kailash. Par l'exemple de ses vertus et une série de miracles, nous dit l'histoire, il a acquis la région au bouddhisme et en a écarté les böns, les pratiquants de cette religion tibétaine parallèle au bouddhisme mais plus empreinte de chamanisme et à l'origine, probablement, de mazdéisme persan. Nous citerons quelques textes de Milarépa ci-dessous, mais disons tout de suite qu’il y a deux auteurs principaux qui les ont traduits en français, Étienne Bacot et Marie-Josée Lamothe. Les textes de celle-ci ont été réunis en un seul volume d'environ 1000 pages, y

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compris son récit Sur les pas de Milarépa relatant son pèlerinage au Kailash en 1987, à l'époque où le Tibet venait juste de s'ouvrir de nouveau aux occidentaux après le traumatisme de la révolution culturelle.

   … La montée au Kailsh : une acclimatation progressive.

      Notre groupe s’est retrouvé à Kathmandou le 14 mai 2011. Quatre participants de la Réunion avaient décidé, pour se préparer à l'altitude, de monter au Kalapatar, le belvédère de l'Annapurna à 5600 m. C'était eux qui avaient le meilleur entraînement. Huit autres qui venaient de métropole ont décidé de randonner sur les flancs de l'Annapurna, à Ghorépani qui est une étape importante du tour de l'Annapurna avec un des meilleurs points de vues sur le pic lui-même : celui-ci est à 8060 m d'altitude et en face s’élève le Dhaulagiri à 8200 m d'altitude. Je faisais partie de ce second groupe, et nous avons donc passé cinq jours à environ 3000 m d'altitude, en nous promenant dans les alentours. Nous n'étions jamais lassés des paysages qui changeaient chaque jour et à chaque heure de la journée, avec différents effets de nuages au milieu des sommets des environs, souvent à plus de 7000 m d’altitude.

    Après avoir visité Katmandou et ses environs, riches en stoupas (monuments en demi-sphères, le plus souvent blancs) et monastères bouddhistes, et avoir résidé à Bodhnath, qui est comme un village tibétain à la périphérie de la capitale, nous avons pris l'avion pour Lhassa le 19 mai. Cela nous faisait monter de 1500 m à 3700 m, et nous avons passé quatre nuits dans la capitale tibétaine pour nous acclimater à l'altitude. Le temps à Lhassa était on pouvait dire agréable, il suffisait de bien se couvrir le soir, mais pendant la journée au soleil on

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pouvait, en fait, être en bras de chemise. Le Potala reste très beau dans son allure d'ensemble et dans les détails de son intérieur. Il a été construit entre 1625 et 1635 par le Cinquième Dalaï-lama, qui a réinstauré l'unité du Tibet grâce à un système de gouvernement monastique qui a tenu jusqu'à l'invasion des Chinois. Le grand avantage de ce système est qu'il a mis un point final aux guerres féodales qui avaient déchiré le Tibet pendant deux siècles dans l'interrègne entre le gouvernement monastique des Sakypas –qui avait duré environ de 1250 à 1450, et celui des Gélugpas, qui a donc duré du début du XVIIe jusqu'en 1950.

    L'autre centre religieux principal de Lhassa est le Jhokang. Il s'agit du plus ancien temple du Tibet, avec des parties de bâtiments qui datent du VIIe siècle, de l'époque du roi Songsten Gampo qui a été le premier à unifier toute une partie du Tibet sous l’étendard bouddhiste. Des monastères comme Sera, Ganden ou Samyé avaient entre 5.000 et 10.000 moines dans le Tibet des Dalaï-lamas, maintenant ils reprennent après la révolution culturelle. Ils ont actuellement environ 500 moines. Quand on y pense, à part  le Mont Athos, il n’y a aucun monastère chrétien à ma connaissance qui ait 500 moines, pourtant dans la plupart des pays, les chrétiens ne sont pas persécutés. Au Tibet par contre, il y a toutes sortes de restrictions imposées par les communistes pour devenir moine, il faut l'autorisation du ministère, le nombre de moines par village est limité, mais malgré cela, les grands monastères gelugpa de Lhassa et de Shigatsé, siège du Panchen-lama, ont quand même 500 moines...Puisque nous sommes dans ces chiffres, signalons que 35.000 des 150.000 tibétains en exil sont moines ou moniales, et qu’en Irlande, bastion du

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catholicisme romain, chaque année le nombre de moines bouddhistes ordonnés a dépassé environ, à partir de 2005, celui des nouveaux prêtres catholiques rentrant dans les ordres.

    Nous avons visité également Norbuling, « la résidence d’été des Dalaï-lamas ». C'est émouvant de voir le pavillon où le XIVe Dalaï-lama, c’est-à-dire l’actuel, a passé ses dernières années au pouvoir et s'est enfui en 1959, échappant aux chinois qui l’encerclaient, pour rejoindre l'Inde au niveau de l’Arunachal Pradesh. Lhassa nous a laissé l’impression d’une ville avec une double vie : on y trouve  le quartier chinois avec ses banques et ses grands immeubles,  les allées de boutiques le long des grandes avenues avec leurs enseignes en chinois, et le reste quelques dizaines de mètres par derrière qui est typiquement tibétain. On retrouve cette structure de façade chinoise et d'arrière tibétain dans les petites villes sur le parcours. Sinon, on voit en général dans le pays des bâtiments administratifs et de police chinois flambant neuf, et les habitations tibétaines souvent pauvres. Cela donne nettement une impression d'artificialité de la présence chinoise, nous reviendrons sur ce fait dans la dernière partie.

 

Traditions et symbolisme du Kailash

     Pour les hindous, le Kailash représente le lieu où siègent Shiva et Parvati, dont le nom signifie fille de Parvat, c'est-à-dire le dieu de la montagne. Les textes shivaïtes, Tantras ou Agamas, sont souvent présentés comme des dialogues entre Shiva et sa parèdre. Les dialogues sont censés avoir eu lieu au sommet du mont Kailash. Il y a une polarité claire entre le Kailash, symbole masculin et l'étendue du Lac Manasarovar

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d’une quarantaine de kilomètres de diamètre et d'une centaine de pourtour, qui est typiquement féminine. Dans les temples hindous, on connaît la polarité entre le Shivalingam mâle et sa base, le yonî, correspondant, elle, à la matrice féminine et qui est destiné à recueillir l'eau des ablutions et à l'évacuer. Le Manasarovar est donc en quelque sorte le yonî du Kailash. Pour compléter le symbolisme, il y a un second lac, le Rakshasha-tal (tal signifie ‘plat’ et est probablement de la même racine que le français "talon"). Les rakshashas sont des esprits de la nature, qui peuvent être protecteurs ou malfaisants. On peut retrouver dans cette structure géographique du Kailash, avec ses deux lacs en contrebas, celle du corps humain, avec le côté gauche correspondant au Rakshasa-tal, et le côté droit au Manasarovar. En méditation, on a tendance à favoriser le côté droit qui permet de libérer le subconscient corporel de l'anxiété reliée au côté gauche avec ses battements du coeur qui réagissent immédiatement à toute émulation de stress. On retrouve donc cette structure dans la nature. Quand on regarde du sud le mont Kailash, le Manasarovar est à droite et le Rakshasa-tal à gauche.

     Le nom tibétain du Kailash est Kang Tisé, le joyau, tisé, des neiges, kang. Et il apparaît véritablement comme cela, que ce soit vu de loin ou de près. Le nom du lac Manasarovar est Mapham Yumtso, le lac, tso, de turquoise, yum, invincible, mapham. Il y a deux miracles de Milarépa qu'on peut assez facilement interpréter de façon yoguique. Dans son concours de prodiges avec le chef des böns de la région à l'époque, mais Iol a saisi le lac et l’a fait monter pour le tenir sur son doigt vertical. On peut établir une correspondance entre le lac et le bassin dans le corps humain, le faire monter au bout du doigt,

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c'est faire monter les sensations du bassin à peu près au sommet de l'axe central, dans cette région au-dessus du palais qui est touché par la langue quand elle part vers le haut, dans cette position souvent prise en méditation qu'on appelle khécharî mudra, l'attitude qui va, charî, vers le ciel, khé. D'ailleurs, le chakra qui est dans cette zone-là, c'est-à-dire le plat du palais, s’appelle talu, ce qui est proche de tal qui signifie ‘le lac’. En yoga, on cherche à maintenir la pointe de la langue vers le haut. Cela accumule l'énergie au-dessus, comme un lac qui se remplit, et qui de temps en temps se vide dans le corps, c’est ce qu’on entend par le terme ‘nectar d’immortalité’. Derrière cette imagerie qui semble tout à fait dans l'hyperbole orientale habituelle, il y a sans doute une réalité biochimique bien précise. La langue vers l'arrière et vers le haut va à l’opposé des émotions perturbatrices habituelles, colère, désirs, peurs, qui sont reliées à une position de la langue plutôt vers l'avant et vers le bas. En ne partant pas dans le sens de ces émotions, on économise une énergie qui s'accumule et qui peut donner lieu aux expériences de joie spirituelle intense. C'est « énergie » est probablement reliée non seulement à l'accumulation d'endorphines, mais aussi à une plus grande sensibilité à celle-ci. En effet, une vie disciplinée fait que la sensibilité aux endorphines n’est plus émoussée par les excès, et que donc ces endorphines qui seront émises par des activités assez naturelles, comme la marche, le chant, une alimentation quelque peu restreinte, une activité sexuelle réduite, ont un effet de joie intérieure beaucoup plus fort que dans les situations habituelles. D'où cette notion de nectar d'immortalité, l’amritam, qui est cher au yoga, et qui est contenu dans cette

 

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image de Milarépa qui tient le lac de turquoise invincible au-dessus de son doigt dressé.

     Venons-en maintenant au second miracle de Milarépa, pour conquérir le Kailash par rapport à son concurrent bön : le défi était de savoir lequel des deux pourrait arriver le premier au sommet du mont Kailash. Le chaman a fait ce qu'il savait faire, c'est-à-dire frapper sur le tambour pour rentrer en transe et monter dans des états de conscience de plus en plus élevée progressivement. Dans l'histoire, il est monté dans les airs en chevauchant le tambour et s’est approché progressivement du sommet du Kailash durant sa nuit de transe. Quand à Milarépa, lui, il était allongé et semblait dormir. Les disciples de celui-ci étaient très inquiets, car ils voyaient le concurrent se rapprocher du sommet, et de l’autre côté Milarépa qui paraissait bien somnoler. Cependant, au point du jour, quand le premier rayon du soleil est sorti de la montagne et a caressé le sommet du Kailash, Milarépa l’a chevauché et il est arrivé directement au sommet, au nez et à la barbe du chaman bön. L'idée sous-jacente est que la montée de la koundalinî dans l'axe central est comme un rayon de soleil qui inonde directement le sommet de la tête. Si on peut chevaucher ce rayon ascendant, on n'a plus besoin des pratiques laborieuses du chamanisme, qui nécessitent une mise en transe très physique par la danse, le rite du tambour et des nuits de pratiques plutôt épuisantes.

     Pour mettre davantage dans l'esprit le symbolisme de la montagne au centre du monde et les enseignements de Shiva à Parvati, je cite ci-dessous quelques poèmes qui me sont venus dans un écrit précédent. On m'avait demandé de présenter de

 

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façon poétique des enseignements du yoga, j'ai choisi la forme traditionnelle du dialogue entre Shiva et Parvati.[iv]

     Une montagne près du Kailash s’appelle Manjusvara, ‘la montagne à la voix douce’, manju signifiant ‘doux’. Cela évoque le bodhisattva Manjushri, le « noble et doux », qui a enseigné dans un soutra du Mahâyana la pratique de l'écoute du silence. En effet, quand on est dans une montagne de haute altitude et qu’il n'y a pas de vent, on entend très fort le bruissement du silence, c'est cette voix douce qui caractérise la montagne solitaire.

     À 70 km au sud du mont Kailash, en direction du Népal, il y a la montagne de Gurla Mandata qui fait partie de la grande chaîne de l'Himalaya, et qui culmine à 7200 m ; je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un Gurla en sanskrit, mais cela semble quand même être le cas, avec cependant le la tibétain qui signifie ‘élevé’, Gur peut évoquer le gourou, ou alors en tibétain le chant (les 100.000 chants de Milarépa s'appellent par exemple gur-bum, bum signifiant ‘cent mille’). Mandata semble être de la racine de mandal, qui veut dire la région, le système, et qui a donné ‘mandala’ en sanskrit et aussi ‘monde’ en français. On pourrait dire que le mont Kailash au Nord avec sa forme de Shivalingam est le symbole du Soi, et que le Gurla Mandata au sud en est le miroir sous forme du gourou qui, par son système d'enseignement, transmet l'absolu à l'humanité. Ou encore, si l'on interprète Gur-la, comme ‘le chant élevé’, on pourrait évoquer cet Udgitha, ce chant du ciel, dont parle si bien la Chandgoya Oupanishad dans tout son premier chapitre. Il s'agit du son du silence, qu’on perçoit à la pointe de la conscience quand le mental est vraiment tranquille et qui

 

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devient notre gourou intérieur. C'est la première manifestation de l'Absolu, c'est le premier miroir sonore du mont Kailash...

 

 

 

 

 

Le Voyage Intérieur

(Aux  participants

Des  voyages de Jacques Vigne)

 

Par Mahâjyoti

 

 

Avec vous je n’irai

Mais je m’envolerai

Sur l’aile du bonheur

Du Voyage Intérieur…

 

Mon chemin, ma démarche

Dans leur évolution

Ont voulu que je marche

Vers une autre mission.

 

Mon Voyage Intérieur

N’est pas un abandon

Car mon âme et mon coeur

Vous accompagneront.

 

 

Si l’Inde est un joyau

Dans sa comparaison

C’est divinement beau

En imagination !

 

C’est chez moi que je crée

Mon travail en amont.

C’est là-bas l’apogée

De son application.

 

Différente est l’optique

Avec le temps qui passe

Je garde l’authentique,

Le recul, et repasse.

 

Le chemin parcouru

Dans l’émerveillement !

Découverte absolue

Du pur Enseignement.

 

Que je dois appliquer

Dans ma vie, dans ma foi

Non plus me promener

Mais vivre dans le SOI !

 

 

Dédoublement subtil

De l’Inde en mes voyages

Qui renaît sur le fil

Déroulant des images.

 

Il est très beau en rêve

Ce voyage vécu

Ce n’est pas qu’il s’achève

Puisqu’il est entendu

 

Que dans ma sadhâna,

SEULE, auprès de mes guides,

J’irai retrouver Mâ

Il n’est donc point de vide !

 

Ma famille est sur place

Son nom est ‘Ananda’

Hautement elle remplace

Celle qui n’est plus là…

 

Je suivrai son appel

Et Mâ, dans sa splendeur,

Rendra vrai l’irréel

Du Voyage Intérieur…

 

                        Mahâjyoti

              (Geneviève Koevoets)

 

 

 

Nouvelles

 

-         En mai-juin, Vigyânânand est allé avec un groupe de 27 Français au Mont Kailash et au Lac Manasarovar.

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C’était pour tous une première au Tibet, et un moyen de découvrir cette précieuse culture in situ.  Le voyage s’est déroulé dans des conditions bien plus confortables que celui de Mâ Anandamayî en 1936, dont nous continuerons la description dans le prochain numéro sous la plume de Didi. Il n’y a pas eu de problèmes sérieux de mal de l’altitude dans le groupe.

 

-         Une retraite de huit jours à Kankhal a réuni 17 Français autour du souvenir de Vijayânanda. Il y avait un programme quotidien de 7h du matin à 9 h du soir, les repas étaient en silence avec des lectures de textes de Vijayânanda ou sur Mâ principalement. Il y avait deux disciples directs d’Arnaud Desjardins dans le groupe. Peu après son décès, nous avons pu faire célébrer un puja traditionnelle en mémoire des défunts sur les bords du Gange tout près de l’ashram de Mâ. Nous avons envoyé des châles, avec imprimé dessus ‘Om Mâ’ à ses proches. C’était la moindre des choses pour lui qui a tant fait, sa vie durant, pour faire apprécier la spiritualité de l’Inde  au public français. Ce séjour a été suivi de quelques jours à Rishikesh et Dehradun, où nous avons rencontré les vieux yoguis Jnanananda et Chandra Swami, qui connaissaient chacun Vijayânanda depuis fort longtemps.

 

-         Izou et Gonzague se sont rendus à Bénarès pour quelques jours fin août. Ils ont fait poser une plaque à l’endroit de la chambre où Vijayânanda a résidé et médité pendant de longues années ; Ce lieu a été

 

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-         transformé en hall de méditation, avec une vue imprenable sur le Gange juste en contrebas. Une photo de Swamiji a aussi été déposée aux pieds du lit de Mâ dans sa chambre. De plus, un bâtiment de l’hôpital de Mâ, qui est tout près de l’ashram et du Gange, a été nommé ‘Vijayânanda’.

 

-         Une Bhagavat sapta en mémoire des moines et moniales de Mâ, qui sont décédés depuis début 2010, ainsi qu’en mémoire de Vijayânanda et de Bhaskarânanda, est en train de se dérouler à Kankhal jusqu’au 12 septembre. Il s’agit d’une semaine où un Swami spécialiste, lit de larges extraits du Bhagavata Puranam, l’histoire classique de Krishna, en les commentant. Il y a une ambiance de prédication populaire avec de nombreuses histoires, des chants accompagnés du tambour, un certain nombre d’enfants y assistent, cependant des significations plus profondes sont également mises en valeur au milieu de cela.

 

-         Nous avons réuni toute la série des ‘Jay Mâ’ en un seul document, qui devrait être mis en ligne dans peu de temps. Cela couvre donc les exemplaires du N° 43 au 102, et fait un bel ensemble de plus de mille pages d’ordinateur. L’avantage est, en particulier, que grâce à la

 

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fonction de recherche, on peut trouver immédiatement un article ou les références à un auteur ou un sujet, ce qui est beaucoup plus difficile quand le contenu est dispersé dans plus de cinquante documents différents. L’adresse est le site habituel de Mâ www.anandamayi.org, en ouvrant la page ‘French’ et le document sera sans doute dans la sous-partie ‘Les textes’.

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-         Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) a pris un accord avec le domaine de TRIMURTI lieu d’accueil et de paix au milieu des vignes et des romarins, avec vue sur le Massif des Maures, à Cogolin (Golfe de St Tropez, dans le Var), afin de mettre sur pieds une belle retraite de 9 jours et demi, du lundi de Pentecôte 28 mai au 6 juin après-midi, en compagnie de Jacques Vigne (Vigyânânand), sur le thème ‘Méditation, émotions et corps vécu’. Ce sont les prémices de ce que sera la nouvelle tournée 2012 qu’il fera aux USA, Italie, France, Suisse, Belgique, Allemagne, La Réunion et autres…De très beaux endroits en France accueilleront Vigyânânand également, pour conférences et retraites spirituelles. Mahâjyoti en fera la coordination bénévole et vous en enverra le programme en temps voulu dès que les choses seront fixées définitivement.

 

 

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Renouvellement des abonnements en cours

Pour le ‘JAY MA’  2011-2013

 

Merci à tous ceux (nombreux) qui ont déjà  renouvelé l’expérience du ‘JAY MA’ et qui se sont inscrits de nouveau auprès de José Sanchez Gonzalez  pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110 Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti) qui en gère l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr (Coordination bénévole).

La brochure est toujours au prix de 1 Euro par exemplaire trimestriel, envoyé par email, à renouveler pour deux ans, de mars 2011 à mars 2013. Les numéros arriérés seront envoyés automatiquement à tous ceux qui s’inscriront en cours de route.

Le dernier numéro a été le 101ème de cette brochure qui fut créée il y a désormais 25 ans. Lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne.

 

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Table des matières

 

Editorial …………………………………………………. p.  1

Paroles de Ma …………………………………………….p.  1

Le départ d’Arnaud par Sundarî………………………….p    5                       

Un enseignement sans paroles par Arnaud Desjardins ….p   21

Préface d’A.Desjardins au nouveau  livre sur Mâ

Retrouver la joie’  ……………………………………… p   29

Un pèlerinage au Kailash par Vigyânânand ……………..p   31  

Le voyage intérieur par Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) p   40     

Nouvelles …………………………………………………p  42

Renouvellement des abonnements………………………..p   46

Table des matières………………………………………...p   47