Jay Ma  n° 88 - Printemps 2008

                       


Paroles de Mâ

 

Vous pouvez essayer de chasser « ce corps » (Mâ)  de vos esprits, mais « ce corps » n'est jamais parti, ne part pas et ne partira jamais. Tous ceux qui ont aimé « ce corps » ne peuvent  l’oublier, même s'ils essaient de le faire. « Ce corps » reste dans leur mémoire et y demeurera toujours.

 

Vous êtes en train de demander si les pensées de chacun de vous parviennent à « ce corps » ? Oui ! Oui ! Oui !

 

Vous êtes en train de demander si je vous aime ? Je vous dis que, si je ne vous aimais pas, vous ne pourriez m’aimer ; en vérité vous ne pouvez m'aimer autant que j'aime chacun de vous.

 

Je suis toujours avec vous ; c'est vous qui ne voulez pas me voir, que puis-je faire ?

 

Question : J'ai participé à des ‘satsang’ pendant les 30 dernières années, et je ne suis arrivé à rien.

Shri Mâ : Vous étiez présent physiquement. Avez-vous médité sur ce que vous avez entendu, ou l'avez-vous mis en pratique ?

Question : Les grandes âmes (mahâtmas) ne peuvent-t-elles nous donner quelque chose de l'abondance de leurs greniers ?

Shri : Oh! Vous voulez profiter d'un héritage (rires). Dieu vous a donné de si nombreux talents que vous utilisez à vos propres fins dans le monde. Vous avez oublié que vous êtes de la nature du Soi (Atma), de la liberté. Qu'est-ce que vous en dites ? Commencez votre recherche, devenez gérant, ne soyez pas à la tête de votre monde. Ne serait-ce qu'un petit peu de temps passé au souvenir de Dieu vous conduira à de vrais efforts. Ne perdez pas de temps, commencez dès aujourd'hui.

 

N'entrez pas dans un système de marchandage avec Dieu. Ne soyez pas un commerçant ou un marchand : « J'ai versé tant de larmes pour toi, mais n'obtiens rien en retour ». Il est le vôtre, le souffle même de votre vie, votre choix le plus intime.

 

Dites-vous toujours : oui, sa grâce est partout. J'en suis baigné, et alors vous verrez qu'il en est vraiment ainsi.

 

Être libéré de tous les soucis, ceci est véritablement la suprême méditation. (Jeu de mots sur le hindi chinta qui signifie ‘souci’, mais aussi dans certains cas ‘méditation’)

 

Extraits de Cent paroles de

texte traduit par JC Portal

à partir de Bithika Mukerji In your heart is my Abode (1995)

 

 

L'Ati-Roudra Mahayajna

à Kankhal en 1981

 

par Swami Pûrnânanda

 

 

      L'Ati Roudra Mahayajna s'est déroulée à Kankhal du 6 au 16 mai 1981. C'était un an avant que Mâ ne quitte son corps, et elle a encouragé ce projet des brahmacharînis de Kankhal à tous les niveaux. Tout récemment, Swami Pûrnânanda, une des quelques Swamis femmes disciples de Mâ, qui a été en l'occurence l'architecte de ce yajna, a publié un livre à son sujet, et l'a donné à Vigyânânanda. avait demandé une publication substantielle, il y avait eu auparavant d'autres publications plus brèves sous forme d'articles par exemple dans Ananda Varta, mais le livre de Swami Pûrnânanda donne toutes sortes de détails intéressants sur la préparation et le déroulement du rituel. Ses dates en mai 1981 coïncidaient avec une partie des cérémonies pour l’anniversaire de Mâ, et celle-ci a été très présente dans la préparation et le déroulement des cérémonies. Le comité d'organisation était formé de cinq brahmacharînis. Il semblait que un an avant de quitter son corps, Mâ ait voulu leur donner plus de confiance en elles grâce à l'organisation non seulement des cérémonies, mais grâce aussi à la construction du temple permanent du yajña (yajnashalâ). Ce dernier est toujours présent à Kankhal, à deux pas de la résidence et du samâdhi de Mâ. Cet événement a été une des dernières grandes interactions de Mâ avec ses disciples, et a donné lieu à un certain nombre d’anecdotes savoureuses dont nous rapportons certaines ci-dessous. La préparation et le déroulement de la célébration ont été entourés d'un grand nombre de synchronicités que connaissent bien ceux qui ont fréquenté Mâ. L'organisateur du yajna (yajamân) a été Swami Bhaskarananda. Laissons-lui la parole en traduisant  la préface qu'il a faite à l'ouvrage (Ati Roudra mahayajna in Kankhal 1981 par Swami Pûrnânanda, 2007) :

 

Préface par Swami Bhaskarananda :

 

      « Bien que le terme yajña signifie activité, ce ne sont pas toutes les activités qu'on peut nommer yajña. Il s'agit seulement de ces activités qui mènent à la pureté du corps physique, des sens et de l'ego, de ces activités qui sont accomplies non pas à cause d'un désir mondain quelconque, mais pour la réalisation de la Réalité ultime.

      Il y avait un temps où le yajña, dans sa forme réelle, était respecté par chacun. Néanmoins, aujourd'hui, à cause du manque de connaissances profondes, et de la non-observance des règles exactes pour accomplir les rituels, les yajñas ne gardent que leurs formes extérieures. Un yajña effectué dans toutes les règles de l'art selon les Ecritures, et avec dévotion au Seigneur, est le plus grand exemple de nishkama karma (action accomplie sans désir). Ce type d'actions ne crée pas de lien, tandis que les liens qui existent déjà sont atténués (Gîta 3.9 et 4. 22). Si un yajña est accompli correctement, au bout du compte, Mahajñâna, la Connaissance ultime, peut être atteinte.

    L'inspiration pour l'Ati Roudra mahayajña est d'abord venue dans l'esprit de Swami Pûrnânanda. Avec la coopération des soeurs de l'ashram, et par le kheyal [intuition spirituelle certaine] de Shrî Shrî Mâ Anandamayî, l'Ati Roudra Mahayajña a été accompli dans toute sa perfection. De plus, chaque personne qui a été présente au yajña en a retiré des bénéfices spirituels. Shrî Shrî Mâ a dit : « Un tel yajña a lieu dans le Satya Yuga ». Elle disait aussi : « Chaque chose est en chaque chose. Le Kali Yuga est dans le Satya Yuga, le Satya Yuga est dans le Kali Yuga. » Elle affirmait aussi : « Il se peut qu'un yajña tel que celui-ci n'ait jamais eu lieu dans le passé et n'ait jamais lieu dans le futur. »

   Au début du yajña, Mâ a dit que je devais en être le yajamân (le commanditaire), un honneur qui m'a été octroyé simplement par Sa grâce. Le kheyal de Shrî Shrî Mâ, la résolution de Swami Pûrnânanda de faire tout aussi parfaitement que possible, et la coopération des soeurs de l'ashram, tout cela a été évident depuis le début du yajña jusqu'à sa complétion (purnahoti) et s’est trouvé être des plus utiles dans l'accomplissement plein de succès de cet incomparable yajña. Pour ceci, Swami Pûrnânanda et les autres brahmacharînis méritent notre gratitude.

    Quand Pûrna-Brahma-Narayâna est présent sous forme de  Yajña-narayâna, se trouve aussi Pûrna, Pûrna, et Pûrna. [Jeu de mots entre le nom de l'auteur, Pûrnânanda,  et celui de Mâ qu'elle s'était donnée à elle-même quand elle était jeune en réponse à une question sur qui elle était]

   Ceux qui veulent effectuer un yajña recevront beaucoup d'informations et de directives de ce livre. Puissent Bhagavân Ashutosh et Shrî Shrî Mâ  faire pleuvoir leurs bénédictions divines sur chacun !

 

Sarve bhavantu sukhinah sarve santu nirâmayah½

Sarve badhrâni pashyantu mâ kaschiddukhabhâg bhavet.½½

 

Que tous soient heureux ! Que tous soient sans maladies !

Que tous perçoivent ce qui est bon ! Qu'aucun n'éprouve de la souffrance !

 

Avec les bénédictions divines de Mâ »

                                                                                                Swami Bhaskarânanda

 

 

     Le mahayajña s'est déroulée pendant 11 jours, autour de 11 foyers eux-mêmes entourés de 11 récitants. [Un symbolisme possible de ce chiffre 11, c'est que ce sacrifice au feu représente la manifestation de l'unité qui se dédouble pour apparaître dans la dualité du monde.]

 

Quand Mâ nous guide.

       Les préparations ont progressé sans encombre grâce au fait que Mâ était toujours présente pour nous guider. Depuis l'idée initiale jusqu'au développement des événements dans l'ordre naturel, sa grâce abondante a été ressentie par chacun et chacune. Le choix d'un acharia convenable [le maître des cérémonies], la décision des dates qui est arrivée à point nommé, la localisation parfaite de la yajnashalâ, sa construction, la disponibilité des fonds, l'approvisionnement et le transport des matériaux – dans chaque idée ou événement grand ou petit, l'intérêt, le support et les bénédictions de Mâ étaient présents. De plus, chacun sentait que c'était elle qui était réellement l'actrice, et que les autres ne faisaient qu'exécuter ses plans. Les gens se trouvaient dans le lieu convenable au moment convenable et ils pensaient, disaient et faisaient tout ce qui était requis pour l'accomplissement heureux et sans anicroches de ce grand événement.

      Les fidèles de Mâ sont familiers avec le fait que les événements prennent place selon le kheyâl de Mâ. Ce mot est difficile à traduire. Il représentet le souhait, l'ordre ou l'observation spontanée de Mâ, tout cela ayant son origine dans quelque chose de transcendant et de sublime, quelque chose d'incompréhensible à l'esprit humain. On ne peut comprendre le fonctionnement de son kheyâl, mais dans l'expérience des fidèles, il fournit une réassurance qui soutient. Il a toujours un but, bien qu'on ne puisse pas toujours saisir son dessein. Les circonstances s'organisent de la manière la meilleure possible quand elles ont été bénies par le kheyâl de Mâ, qu'on se met au travail en accord avec lui. Pendant les événements qui ont mené jusqu'à l'Ati-Roudra mahayajña et pendant son accomplissement, ceux qui étaient proches de Mâ et travaillaient sous sa guidance se sont sentis pleinement conscient du kheyâl de Mâ sur tout ce qui était relié au yajña. Par ailleurs, puisque Mâ n'était pas bien tout le temps du point de vue de son corps, brahmacharîni Pûrnânanda a suggéré que le yajna soit célébré pour sa santé. Cette idée ne lui a pas plu. Néanmoins, quand par contre Pûrnânanda a suggéré que le but du yajna soit ‘vishu kalyan’, le bien du monde, Mâ a été immédiatement d'accord.

     Mâ avait dit auparavant que les femmes membres de l'ashram joueraient un rôle majeur dans ce yajna, et c'est bien comment les choses ont semblé se développer. Les membres de l'ashram qui n'étaient pas dans le comité, aussi bien que d'autres fidèles, à la fois  hommes et  femmes, ont participé aux préparatifs également. Certains ont été désignés par Mâ pour certaines tâches et d'autres se sont portés volontaires pour quoi que ce soit qu'ils pouvaient accomplir. Néanmoins, les membres du comité et les autres membres femmes de l'ashram ont exécuté la portion majeure du planning et de l'organisation.

   Bien que tout cela ait été une occasion pour chacun de travailler ensemble avec joie, il y a eu des cas où certaines personnes sont devenues émotionnelles, se sont senties mises de côté, se sont plaintes ou ont eu du mal à coopérer. La question, bien sûr, arrivait à Mâ. Elle apaisait les sensibilités à fleur de peau, et montrait des manières d'éviter la confrontation afin que les choses puissent avancer d'une façon paisible.

    Dans tout yajña, les organisateurs doivent faire attention aux risques d'incendie. Ceci est particulièrement vrai quand le yajña est effectué dans un abri temporaire, dont le toit est constitué de matériaux inflammables. Comme c'était le cas ici également, Mâ a demandé à ce que des extincteurs, sous forme de seaux de lait mélangé avec de l'eau, soient préparés tous les jours. De plus, de nombreux récipients d'eau étaient aussi gardés à proximité.

       Un jour, tandis que les préparations pour le yajna progressaient, Mâ a dit à Pûrnânanda qu'elle voyait du feu. C'était une indication qu'il pourrait y avoir de sérieux problèmes. Elle lui a dit de demander aux 'filles' [la manière dont Mâ désignait les brahmacharînis de l'ashram] de voir ce qu'elles pouvaient faire pour le prévenir. Conséquemment, on organisa la sécurité dans l'ashram et autour de la yajñashalâ. On a aussi demandé aux pompiers d'être en alerte. Peu après, pendant que quelqu'un faisait l'arati de Mâ dans sa chambre, une mèche allumée est tombée sur le tapis et en a brûlé une partie. Ceux qui étaient présents à ce moment-là ont ressenti que le danger du feu avait été évité à cause de la grâce de Mâ.

      Pour ceux qui n'étaient pas impliqués directement dans le travail du yajña, Mâ a dit que c'était leur devoir d'avoir son darshan. Ils devaient essayer d'imbiber le sens de chaque chose qu'ils voyaient et entendaient pendant ces jours-là. De plus, chacun avait à entreprendre au moins une fois le parikrama (circambulation) du yajnashalâ. Elle dit à tous de prendre autant d'enregistrements photographiques, audios ou vidéos que possible pendant l'événement. Elle dit aussi que les bhasma-s (les cendres récupérées du foyer après le sacrifice) et les nirmalya-s (les fleurs récupérées des autels et des statues après la pouja) avaient une valeur incomparable. « Il ne sera pas possible d'avoir quelque chose comme cela plus tard » a-t-elle dit. Beaucoup de gens ont pris les cendres comme prasâd. Beaucoup ont signalé qu'ils ont été guéris de maladies en les utilisant. (p 39-44)

 

Le Pandit Vamadeva et Mâ

    Il était évident que Pandit Vamadeva, le dirigeant du yajña,  a eu la grâce de Mâ pendant les cérémonies, et même après. Un jour, quand le yajña était en cours, il ne s'est pas senti bien du tout et a dit qu'il ne serait pas capable d'être présent à la séance de l'après-midi ce jour-là. On en a informé Mâ. Elle lui a envoyé le message que d'abord il devait se baigner et ensuite manger ce qu'elle lui enverrait. L'âcharya  n'avait pas envie du tout de se baigner, mais il devait se plier puisque le messager lui avait dit que c'était nécessaire et devait être accompli immédiatement. Après ce bain, il s'est senti rafraîchi et plein d'appétit, et a attendu avec impatience le repas que Mâ devait lui envoyer. Quand il a vu le grand plat en métal recouvert  qu'on lui apportait, il a pensé qu'il allait s'agir d'un repas bien garni. Néanmoins, quand on en a retiré le dessus, il n’y a vu que deux minces tranches de pommes et une petite portion de panîr (fromage frais comprimé). Il a raconté à sa famille plus tard qu'il s'était senti très déçu, et même en colère à la vue de ce repas frugal. La personne qui avait amené le repas avait reçu l'instruction de veiller à ce que tout soit mangé. A sa grande surprise pourtant, à la fin du repas, le pandit s'est senti complètement rassasié, la colère était passée, et sa santé s’était complètement remise.

   Après la fin du yajña, Pandit Vamadeva a demandé à Mâ de lui donner sa dakshina [le paiement d'un brahmane après qu’il eut accompli un rituel]. Mâ s'est renseigné auprès de Pûrnânanda pour voir si on n'avait pas oublié de lui donner sa dakshina. En fait, elle avait été remise, et le pandit a expliqué clairement qu'il ne voulait pas dire la dakshina habituelle. Ce qu'il souhaitait était une dakshina spéciale de Mâ : il devait être capable d'avoir son darshan à chaque fois qu'il le souhaitait. Quelques mois plus tard, le pandit devait aller à l'étranger et a senti un désir intense d'avoir le darshan de Mâ avant de partir. Au bout de quelques jours, il a trouvé que Nirmal était venu chez lui à Varanasi avec le message que Mâ l'appelait. Elle voulait qu'il inspecte les nouveaux foyers de sacrifice au feu. On devait commencer la construction permanente du yajñashalâ et quelqu'un avait remarqué que les foyers n'étaient pas alignés de façon correcte. Le pandit est venu à Kankhal et a inspecté les foyers. Il a trouvé que tout était en ordre. Quand il est allé retrouver Mâ pour le lui dire, elle lui a demandé : « Est-ce que vous n'avez pas eu le désir de voir ce corps ? » (p. 58-59)

   

Questions pratiques

    Environ un mois avant le début du yajna, Shri S.C.Banerjee, qui demeurait à Varanasi (Bénarès), a été informé qu'il y avait tout un groupe de 95 pandits qui devait voyager avec Pandit Vamadeva de Bénarès à Kankhal. Il fit les réservations de train immédiatement et reçut l'assurance des Chemins de fer qu’un wagon entier serait mis à disposition. Néanmoins, quand il  vérifia cela avec les responsables quelques jours avant la date du voyage, on lui a dit qu'ils n'avaient pas reçu l'information à propos d'une telle réservation et qu'il devait aller à Luchnow pour voir si on pouvait encore faire quelque chose à ce sujet. Il s'y rendit donc aussitôt mais on lui a apprit qu'il y avait à ce moment-là un manque de wagons. Il devait donc réserver les couchettes individuellement. Avoir autant de places réservées en une fois était impossible, à moins que quelqu'un de l'administration des Chemins de fer à Delhi ne donne un cou de pouce.

   S.C. Banerjee était complètement découragé, et après avoir envoyé un message à Mâ en l'informant de la situation, il est retourné à Bénarès. Il ressentait ce que peut éprouver un être humain quand tous ses efforts ont échoué et que l'aide divine semble la seule réponse possible. Et de fait, elle l'était. Un fidèle de Mâ, qui était un fonctionnaire des Chemins de fer à Delhi, a été informé du problème. Il a été capable de fournir le wagon requis juste à temps et les pandits ont quitté Varanasi comme prévu. Ils sont arrivés à Kankhal le 4 mai. Pandit Vamadeva les a introduits à Mâ. Une fois que le yajña a commencé, l’âcharya  et quelques pandits venaient voir Mâ chaque soir. Ils discutaient du déroulement des événements de la journée ainsi que du programme du lendemain. Ils parlaient aussi de tous les problèmes qu'ils pouvaient rencontrer, à propos desquels Mâ avait une solution et répliquait : « Ce sera fait ».

    Nombre d'éminentes personnalités ont été invitées, et un certain nombre d'entre elles sont venues. Etaient présents déjà beaucoup de swamis connus, ainsi que Gyani Zail Singh, le président et GS Pathak, le vice-président de la république de l'Inde, accompagnés de plusieurs gouverneurs d'Etats. Néanmoins, personne, quelle que soit leur place élevée socialement ou politiquement, n'était autorisé à rentrer dans la yajñashalâ  ou ne recevait un traitement spécial qui aurait pu compromettre la pureté des rituels. N'y sont entrés que certains qui vivaient tout le temps selon des règles strictes, comme le Shankarâcharya, Swami Vidyânanada, Swami Chidânanda et certains autres. Les règles supplémentaires comme porter des vêtements qui n'étaient pas cousus ou parler en sanskrit à l'intérieur s'appliquaient à eux également. À propos de cette règle vestimentaire, Mâ elle-même a enseigné aux membres du comité (des brahmachârinîs qui devaient entrer dans l'enclos du yajna pour des tâches diverses) une manière spéciale de porter une longueur de tissu afin que les mouvements soient libres et que la pudeur soit respectée. Elle avait eu l'habitude de porter un vêtement de cette manière pendant sa sâdhanâ dans sa jeunesse. Elle a donné à chaque membre du comité un de ses propres chadars (une sorte de châle) à être porté.

       Swami Brahmânanda a expliqué dans ses discours les raisons de l'échec du yajña ancien organisé par Daksha à Kankhal : son objet avait été d'insulter Shiva. Sati avait essayé de réparer la faute de son père en sacrifiant sa vie. Swami Brahmânanda a expliqué qu'ici, Shaktî elle-même sous la forme de Mâ avait effectué un yajña pour adorer Shiva et pour apporter la paix à l'humanité. Ce yajña, donc, se devait d'être un succès.

    Durant cette période du mahayajña, plusieurs dizaines de petites filles d'environ 7-10 ans ont été honorées comme la déesse (kumarî-pujâ). Mâ elle-même a été révérée par ses disciples en tant que Shiva. Pendant les préparatifs du rituel, elle regardait tout cela avec grand intérêt. Elle a même essayé le tambour. Kumari Gîtâ a effectué la poujâ à Mâ pendant que les autres chantaient les hymnes à Shiva et les bhajans. Bientôt, l'expression de Mâ est devenue grave comme si elle plongeait en elle-même. À un moment donné, elle a regardé tout autour puis a fermé les yeux. Elle est devenue très immobile et complètement intériorisée. Chacun savait que Mâ était en bhâva. L'atmosphère est devenue chargée et tous chantaient « Jay Shiva Shankara, bom bom hara hara ». Quand la poujâ s'est achevée, Swami Sevânanda (Udasji, une ashramite) a secoué doucement Mâ afin de la faire sortir de son état. Mâ a ouvert les yeux et est retournée dans sa chambre.

     Il est traditionnel d'inviter tout un groupe de brahmanes à la fin d'un grand rituel. Le nombre de personnes à convier dépend du rang de celui-ci. Pour l'Ati-Roudra Mahayajna, le nombre total en a été de 2800. Entre deux et trois cents brahmanes ont été nourris une fois par jour. On leur donnait aussi une petite offrande d'argent (dakshina). La cour du temple de Dakheshvar était utilisée pour le repas bien que l'organisation ait été prise en charge par l'ashram. De plus, différents groupes de gens étaient nourris tous les jours,  une centaine par exemple à l'ashram même. On allait acheter dans les marchés en gros de Delhi des camions entiers de fruits et de légumes pour les différentes cuisines qui s'occupaient des hôtes.

 

Le yajña et la pluie.

   Dans la tradition de l'Inde, une des fonctions du yajña est de faire venir la pluie pour la fertilité des récoltes. Effectivement, il y a eu beaucoup de pluie durant ce yajña, alors que le mois de mai est d'habitude plutôt sec. Un jour pendant les célébrations, Mâ était dans la véranda à l'arrière de sa résidence, Matri Nivas, en train d'organiser le tri des légumes. On voyait la yajñashalâ depuis cette véranda. Pûrnânanda a demandé à Mâ de tourner son regard vers la yajñashalâ. Elle était sûre que si Mâ jetait même un coup d'oeil rapide dans cette direction, le yajña pourrait progresser sans aucun problème. Mâ n'a pas refusé mais elle n'a pas non plus levé les yeux, et en souriant par-devers elle, elle a continué avec ce qu'elle était en train de faire. Pûrnânanda a demandé plusieurs fois encore à Mâ, mais sans succès. Plus tard dans la soirée, il y eut un grand orage. Des pluies torrentielles et des coups de vent féroces ont battu la yajñashalâ. L'électricité a été coupée et les lumières ainsi que les haut-parleurs se sont éteints. Il y avait du tonnerre et des éclairs. Tandis que la tempête gagnait en force, les voix des célébrants qui chantaient «svaha » tout en faisant leur offrande au feu sacré, gagnaient également en force. C'est comme si chacun essayait de dépasser l'autre !

     Mâ, qui était dans sa chambre à ce moment-là, en a été informée. Elle est sortie et la pluie a commencé à s'atténuer. Quelque chose de similaire avait été observé à d'autres occasions également. Si quelqu'un se plaignait de la pluie à Mâ et qu'elle mettait le pied dehors, quelques gouttes tombaient sur elle et la pluie s'arrêtait. À ce moment-là, Mâ a dit : « Roudra Bhagavan a montré sa forme terrible en tant que Roudra. » Pûrnânanda pense que peut-être si Mâ avait jeté un coup d'oeil sur la yajnashalâ, la tempête terrible, symbole de Roudra, aurait pu ne pas survenir. Pûrnânanda raconte aussi que quand la tempête s'est achevée, elle a regardé le ciel et elle a aperçu une scène stupéfiante : celui-ci était rempli de couleurs frappantes – orange, rose, dorée, rouille et jaune. Les autres qui étaient présents regardaient aussi émerveillés vers le ciel. De plus, on voyait ce spectacle directement au-dessus de la yajnashalâ. Pûrnânanda dit qu'elle n'avait, en fait, jamais vu auparavant, ou depuis cela, une scène aussi belle. (p. 90)

 

Le retour à la maison sans encombre et avec de beaux souvenirs

   On venait de conclure formellement cette grande célébration de 11 jours. Néanmoins, un événement comme celui-ci est traditionnellement considéré comme un succès seulement lorsque les pandits qui y ont participé rejoignent leur maison sans encombre. C'est ce qui s'est effectivement passé, avec des souvenirs qui leur ont duré toute la vie. Beaucoup ont fait la remarque, à ce moment-là, qu'ils n'avaient jamais participé à un yajña aussi parfait que cet Ati-Roudra mahayajña. Quant à ces pandits avec lesquels nous nous sommes entretenus pour la préparation de ce livre, ils étaient toujours du même avis 25 ans plus tard.   Maintenant que le yajña était fini, les membres du comité se sont mis à mettre en ordre les comptes et à mener les choses à leur conclusion. Les fidèles et les visiteurs qui étaient venus d'autres endroits ont commencé à quitter Kankhal. La yajñashalâ, qui avait été au centre de l'attention de tous durant les quelques jours passés, paraissait calme et paisible. Il n'y avait plus de feu dans les foyers bien que les braises soient restées chaudes pendant quelques jours. Quand elles se sont refroidies, les cendres ont été retirées, en utilisant de grandes cuillers avec un long manche. En se souvenant des paroles de Mâ, nombreux sont ceux qui en ont pris en les considérant comme quelque chose de très particulier.

 

 

 

En compagnie de Anandamayî

de Bithikâ Mukerjî

 

Festivités

 

      Beaucoup d’évènements importants eurent lieu au 31 George Town. Mariages, anniversaires, célébrations,  visites de haute qualité.

      Un jour, on reçut un message disant que le Premier Ministre Pandit Jawaharlal Nehru, qui visitait la demeure de ses ancêtres « Ananda Bhâvan », souhaitait instamment voir Shrî Mâ et assister à son darshan. Accompagné de son secrétaire privé Upâdhyajî, et de sa fille Mme. Gandhi, il arriva le soir dans une limousine. Il n’y avait pas d’escorte pour sa sécurité, ni aucune voiture pour le précéder ou le suivre. Panditjî, Indirâjî et Upadhyajî furent accompagnés jusqu’au cottage de Mâ, où ils s’assirent un moment.

      Il fut bientôt temps pour Shrî  Mâ de se rendre sous le pandal (tente) pour le satsang. Comme Panditjî ne prononça aucun mot d’adieu, on comprit qu’il n’était pas pressé de s’en aller mais qu’il nous accompagnerait jusqu’à l’estrade, où Shrî Mâ prit place avec ses invités. Les habitants d’Allahabad furent très contents de voir le Premier Ministre. Ils l’acclamèrent et quelques-uns demandèrent même un discours. Pandit Jawaharlal Nehru sourit et dit que cette fois-ci il était venu pour écouter et non pour parler. Cette déclaration plut à l’assistance qui se prépara ainsi à écouter l’allocution de Haribâbâjî. Shrî Mâ commença le satsang en entonnant un chant religieux (kîrtana) pendant quelques minutes. Le Premier Ministre semblait très à l’aise, mais il avait un autre engagement au Holland Hall de l’Université d’Allahabad, et après quelque temps il salua et s’en alla. (p.102-103)

 

 

La famille s’agrandit

 

      La célébration de l’anniversaire de Mâ, début mai, démarra une série d’heureux évènements dans la famille. Babou s’était marié en Novembre 1961, et à peu près à ce moment là, la famille arrangea un mariage pour Bindou. Ce dernier avait décliné toute idée de convoler en justes noces jusqu’à présent car il souffrait d’arthrite depuis l’époque où il était au collège. Ni la science, ni la  médecine n’était en mesure de soigner cette maladie à l’époque. Au lieu de lui prescrire des exercices pour la zone affectée, les médecins avaient choisi d’immobiliser pendant six mois dans un plâtre la partie inférieure de sa colonne vertébrale. Il eut lui-même la sagesse de se débarrasser de ce carcan, mais le mal était fait. Toute sa vie, il souffrit de cette erreur initiale. A l’époque du mariage de Babou, il s’était bien établi dans sa vie professionnelle, obtenant prestige et standing jour après jour. Alors qu’il conduisait Shrî Mâ de Varanasi jusqu’à notre maison à Allahabad, elle-même le persuada de se marier. Swami Paramânanda, qui était assis sur le siège arrière, avait abordé la question et Shrî Mâ avait saisi l’occasion pour lui dire qu’il fallait adopter une position nette et claire dans la conduite de vie. Si quelqu’un avait des penchants pour la religiosité, alors il fallait qu’il fuie les embrouillaminis du monde. Par contre, profiter de la vie dans le monde sans en assumer les responsabilités n’était pas juste non plus. Bindou marmonna quelques excuses, mais Shrî Mâ passa outre assurant qu’il devait choisir entre une vie de renoncement complet ou une vie d’homme au foyer. Elle se mit à rire et dit : « Il faut que tu prennes ta décision avant de passer le portail de ta maison ! » On entendit alors Bindou murmurer entre ses dents son choix de rester un homme ordinaire.

      Tout d’abord le pauvre Bindou fut très malheureux. Il était jusqu’alors comme un roi sans couronne à Allahabad et il jouissait d’une immense popularité, ce qui lui faisait dire : « Si je me marie, je vais devenir comme tout le monde. »


      Il n’aurait pas dû se faire de souci. Il demeura ce qu’il était et sa femme s’avéra être si belle que cela lui donna un charme de plus. (p.103-104)

 

 

Mémoires vives (au hasard des souvenirs…)

 

      Après avoir rejoint la Banaras Hindu University, je ne fus plus en mesure de suivre Shrî Mâ dans ses voyages. Je continuai cependant la routine de me rendre aux célébrations d’Anniversaire. J’assistai au Samyam saptah à Sukhtal, car Mâ m’avait fait demander. Je me rendis également à Vrindavan pour un autre Samyam saptah, parce que les brahmachârinîs m’avaient dit que Shrî Mâ avait remarqué mes absences répétées. Je n’avais pas vu Mâ depuis longtemps. En arrivant à l’ashram je trouvai que le satsang était en cours dans le hall. Je demeurai debout sur le pas de la porte pour avoir son darshan. Shrî Mâ me regarda depuis l’estrade au loin où elle était assise et délibérément elle tourna la tête de l’autre côté. Sur le moment je fus amusée par sa réaction si humaine. Mais tandis que je m’inclinai pour le pranâm, je me dis en moi-même : « Tourner la tête ne te vaudra rien de bon, tu ne peux pas nous délaisser et nous n’avons pas d’autre refuge que toi. » Quand je relevai la tête et me remis debout, je sentis son regard sur moi rempli d’une très belle expression, comme si elle avait approuvé mes sentiments. Indéniablement, je me souviens très clairement de cet incident. (p.105)

      Bien des situations embarrassantes se développèrent quand les mahâtmâs devinrent de fréquents visiteurs de nos ashrams. Shrî Mâ déplaça tous ses rendez-vous afin de rester libre pour les satsangs ultérieurs. Les jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ étaient à chaque fois mécontentes car il leur fallait se tenir à distance pendant que les sadhous étaient au satsang avec elle. La vie devint extrêmement difficile quand Shrî Krishnânanda Avadhutjî devint un ardent fidèle de Mâ. C’était un grand renonçant à la réputation exemplaire, et il semblait assurément ne pas aimer la vue des jeunes filles qui entouraient toujours Mâ. Aussi chaque fois qu’il venait la voir, elle demandait clairement que nous quittions la pièce pour attendre dehors. Cette situation donna lieu à un incident plutôt amusant. Nous étions à Puri à cette époque-là. Ce devait être durant une période de vacances car beaucoup d’entre nous étaient là. A travers la fenêtre ouverte de la chambre de Shrî Mâ, nous vîmes Avadhutjî s’avancer sur la rive, le long de la mer, ce qui nous fit déguerpir rapidement dans la pièce voisine et dans la véranda adjacente. Seuls les jeunes hommes, dont Abhayda, Vibhuda et Bindou purent rester. Quand Avadhutjî se fut assis dans la chambre de Mâ, elle demanda à Bindou de chanter un Bhajan car le jeune Swamijî était friand de musique religieuse.  Bindou commença par le chant bien connu « man ko range jogi sache rang me (ô ascète, trempe tes vêtements dans la vraie couleur du détachement. La robe orange seulement n’est pas suffisante) ».

      Quand Bindou chanta de sa voix mélodieuse, on put voir Shrî Mâ s’agiter sur son chowki, nous regarder à la dérobée et rapidement détourner les yeux pour fixer l’océan au loin. Avadhutjî, assis immobile, sembla goûter le chant. Il fit donc son pranâm devant Shrî Mâ et s’en alla. Avec un soupir de soulagement, notre petite troupe se rua dans la pièce pour trouver Mâ n’en pouvant plus de rire. Elle était presque en train de gronder Bindou pour le choix de son chant et lui disait, tout en essuyant des larmes de rire sur ses joues :  « Bindou, Bindou, comment as-tu pu t’asseoir ainsi sous le nez d’un sadhou et chanter cette chanson ! Je ne sais pas comment j’ai pu me retenir. Grâce au ciel les jeunes filles n’étaient pas là, car sinon, si elles avaient eu seulement l’ombre d’un sourire, j’aurais perdu tout contrôle. Vous verrez que ce sadhou ne reviendra pas ! » Le pauvre Bindou secoua la tête et assura qu’il avait choisi ce chant sans aucune arrière-pensée et sans rien de particulier que Shrî Mâ ne sut déjà. Inutile de dire que le révérend Swamijî ne le prit pas non plus comme une atteinte personnelle.

      O combien attachant était le comportement de Shrî Mâ avec toute sa suite de jeunes autour d’elle, ô combien circonspecte était son attitude vis-à-vis des ascètes, et tout cela vécu si gentiment et si joyeusement. L’allégresse était le mot d’ordre de notre expérience durant ces jours anciens passés auprès de Mâ Anandamayî. (p.105-106-107)

 

      Un jour Didou (Chhabi Chowdhary), Bunidî et moi étions en visite avec Shrî Mâ à Bishtupur. Il nous fut dit que c’était le kheyâla de Mâ qui continuait à aller de l’avant sans son habituel environnement de jeunes filles, mais accompagné seulement de Swamijî (Paramanandaji) et de Didi. On nous dit à toutes trois de retourner à Calcutta et d’attendre que Mâ nous rejoigne. Sans même qu’il nous soit donné de protester, Didou et moi commencèrent tristement à faire nos bagages. Bunidî restait inconsolable à la pensée de ce départ. Elle pleura à nous en fendre l’âme. A Kharagpur Junction, on monta dans le train tandis que Shrî Mâ et ses quelques fidèles restaient sur le quai pour nous regarder partir. Didou et moi étions penchées à la fenêtre, mais Bunidî s’était effondrée dans un coin et essayait de sécher ses larmes. Au départ du train, Shrî Mâ saisit dans une main un pan de son chaddar (châle) et commença à l’agiter en guise d’adieu comme un mouchoir. Elle continua à trottiner, presque à courir le long du train, tout comme nous l’avions toujours fait lorsqu’elle partait en voyage et que nous demeurions sur le quai. Je me mis à crier : « Bunidî, Bunidî, regarde Mâ ! » Bunidî bondit alors et se pencha à la fenêtre (qui n’était pas encore munie de barre de protection à cette époque). Elle se mit à rire en voyant Shrî Mâ agiter son coin de châle en courant le long du train en marche. Ainsi Mâ put voir le visage rieur de Bunidî avant de nous quitter. Cette dernière vint se rasseoir, disant : « Elle a fait cela juste pour me faire rire, mais je n’en reste pas moins contrariée. » Cependant, son humeur avait changé.

 

      Shrî Mâ n’approuvait jamais les trop grandes effusions chez les jeunes qui l’entouraient. Les larmes, les bouderies, les ressentiments, elle ignorait tout cela, ou bien traitait le tout de cent façons différentes. Néanmoins, le cas de Bunidî était exceptionnel. Nous avions tous admiré son engagement au service de Mâ. Parmi les jeunes filles, c’était elle qui évaluait le mieux le kheyâla de Shrî Mâ et qui agissait en conséquence. Elle avait souffert de crise d’asthme assez violemment, mais elle se présentait toujours soignée et pimpante et ainsi elle s’occupait des vêtements variés de Shrî Mâ. Les souvenirs m’assaillent… Bunidî était une personne qui se sentait heureuse quand Mâ était joyeuse et rayonnante. Si Shrî Mâ devenait grave ou sérieuse, Bunidî essayait de détourner son kheyâla vers quelque chose de léger et d’amusant, afin que Mâ puisse sourire ou éclater de rire.

      Bunidî, en dépit de ses petites défaillances, était irremplaçable en tant que gardienne des vêtements de Shrî Mâ. Cette dernière vécut dans un perpétuel désordre quand Bunidî ne fut plus là. Les autres jeunes filles qui vinrent après elle ne furent jamais à sa hauteur. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre un hommage à Bunidî qui fut entièrement dévouée à Mâ, et qui fit office de sœur aînée pour l’ensemble des petites jeunes comme moi à l’époque, je veux parler de Gini, Târâ, Buba et bien d’autres. En y repensant, je réalise que jamais notre expérience de vie enrichissante auprès de Shrî Mâ n’avait été plus intense que grâce à cette amitié entre nous toutes. (p.107-109)

 

 

Quand Ma a quitté son corps

 

            Quand Premlata et moi sommes arrivées à l’ashram de Kankhal, le corps de Shrî Mâ avait été installé dans le hall principal, devant la statue d’Adi Shankarâchârya. Elle était entourée de ses fidèles habituels. Chacun était paisible, enveloppé dans un monde où la peine domine quand les cœurs se brisent. Ils étaient tous très fatigués aussi. Durant les trois derniers jours, personne n’avait préparé à manger dans les cuisines. Ils avaient subsisté en buvant seulement. Chacun attendait le moment du samadhi qui devait être organisé par le Mahant [le chef de temple de Daksha à côté de l’ashram de Kankhal et qui était proche de Shrî Mâ] Shrî Narâyandâs Puriji Maharaj en accord avec Panudâ et plusieurs autres de l’ashram.

            Je ne voulais pas voir le corps de Mâ. Je choisis de m’asseoir dans la véranda près du hall, et de regarder la queue des fidèles qui arrivaient par la porte principale. Atmânandajî s’approcha aussitôt et vint s’asseoir auprès de moi. Elle avait l’air calme et pas du tout perturbée.

    Au bout d’un moment elle me dit : « Pourquoi pleures-tu ? Elle n’est pas partie. Pendant presque deux ans elle n’a pas été disponible pour des milliers de gens qui voulaient son darshan. Maintenant elle est libre et elle sera accessible pour chacun et partout. Elle appartient au monde et pas seulement à quelques fidèles. » Je sentis qu’elle parlait avec une grande conviction et ses paroles me réconfortèrent. Avec le temps, je me rendis compte qu’elle avait dit vrai. Mâ restait pour toujours avec quiconque se souvenait d’elle, pensait à elle, ou méditait sur son message d’espoir pour une émancipation spirituelle.

     L’ashram de Kankhal fut rapidement envahi par la foule. Je pus reconnaître de très importants personnages et plusieurs de ses fidèles venant de l’extérieur. Le Premier Ministre, Mme Indirâ Gandhi, vint aussi et il lui fut donné une place parmi les jeunes filles qui entouraient Shrî Mâ. Le temps du samadhi était venu. Shantâ vint me tendre une guirlande de fleurs. Elle me dit : « Bithudî, pourquoi restes-tu debout si loin ? » Je répondis : « Je ne tiens pas à voir Mâ comme elle est maintenant. » Shantâ répliqua : « Viens, et mets-lui cette guirlande. Rappelle-toi, même le corps ne sera plus disponible pour nous dans très peu de temps. » Elle avait l’air infiniment triste bien que sereine. Aussi, je m’acheminai lentement vers Mâ et lui offris les fleurs comme le faisaient les autres jeunes filles. J’aurais préféré ne pas m’être laissée persuader par Shantâ, car au lieu de l’attachant sourire inimitable qui avait toujours fait s’estomper le monde de ma pensée, je voyais pendant d’interminables secondes ce visage figé et tranquille dont je n’aurais pas souhaité me souvenir et auquel je n’aurais plus voulu penser pour rien au monde.

            Les mahâtmâs arrivèrent pour prendre en charge le processus d’enterrement de l’image que fut Shrî Mâ Anandamayî. Grâce à un consensus d’opinions spontané, il fut décidé que la cérémonie serait conduite avec les plus grands honneurs prescrits dans la tradition hindoue. Seule Shrî Mâ commanda cet unique hommage parmi les défenseurs de notre religion. Aucune dispute sectaire ne s’en suivit. Pour tous les mahâtmâs, Shrî Mâ fut la personnification de brahmavidya (connaissance suprême synonyme de réalisation de la Vérité). Tout cela se déroula comme il le fallait, mais je ne voulus pas être témoin de cette scène d’adieu irrévocable. Je m’en allai discrètement dans ma chambre et j’attendis que le temps passe.

            Après autant d’années de constante assiduité et assistance auprès de Shrî Mâ, les jeunes filles de son entourage se sentirent désemparées. Personne n’avait plus rien à faire. On se rapprocha les uns des autres, en groupes, pour parler du temps disparu. J’appris la visite du Jagadgourou Shrî Shankarâcharya de Sringeri Peetham qui avait eu lieu le 16 Juin. Mâ lui avait dit : « Pitâjî, il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un état de tension entre ce qui est manifesté et le souvenir de ce qui est non-manifesté. »

            Nirmalâ m’expliqua que lorsque l’on attendait le Jagadgourou, Shrî Mâ  avait dit : « Envoyez un message pour prévenir Bithu. » J’en fus étonnée et je répliquai : « Mais je n’ai jamais rien reçu d’aucun d’entre vous ? » Nirmalâ haussa les épaules et dit qu’ils avaient tous étés si préoccupés et bouleversés qu’ils n’avaient pas suivi le conseil. Sans doute chacun avait-il pensé que l’autre le ferait. Ainsi j’avais raté l’occasion et la chance d’être avec Mâ encore une fois. Peut-être avait-elle senti son kheyâla pour quelque chose. Regrets perdus sans profits. Je me suis réconfortée en pensant qu’elle avait eu pour moi un kheyâla à ce moment là.

            Chandan me raconta qu’on avait entendu Shrî Mâ répéter quelques mantras de temps en temps. Durant la nuit du 25 août, elle avait clairement prononcé le panchâksara, le mantra sacré à Shiva dans sa forme inversée ‘Sivâya Namah’. Cela m’a fait un choc, parce que j’avais lu dans la littérature saiva siddhanta, que cette forme du mantra indiquait un état de liberté dégagé de tous les asservissements, et spécialement de ceux du corps. Je m’émerveillai à la pensée que Shrî Mâ, d’une façon ou d’une autre, avait donné un sens au fait que sa fin était proche. Elle s’était retirée sur elle-même loin des foules, elle avait souffert physiquement et elle avait dit des mots qui, s’ils avaient été interprétés à la lettre, auraient fait comprendre que son kheyâla la désignait comme faisant partie bientôt du non-manifesté. Les dernières paroles qu’elle prononça à son entourage furent : « Je jekhane acthho boshe padho »  Leur traduction la plus proche, ou plutôt leur signification, pourrait être : « Où que vous soyez, engagez-vous entièrement dans la sâdhanâ, en excluant toutes les autres choses. »

            J’en suis arrivée à la fin de mon récit de ces jours anciens que j’ai passés avec Shrî Mâ Anandamayî. J’avais écrit une petite note d’adieu pour le numéro spécial d’Ananda Varta en octobre 1982. Je la reproduis ici, en conclusion de ces réminiscences.

 

 

                                                                                                Pour Dire Adieu…………….

 

    Nous savons seulement comment célébrer la venue de notre Shrî Mâ bien-aimée. Nous savons comment répandre la bonne nouvelle comme quoi Mâ arrive en ville ; nous nous souvenons de la joyeuse expérience de devoir tout préparer pour sa visite ; nous savons comment dresser les arches pour les festivités, comment suspendre les festons multicolores et être prêts à fournir d’innombrables guirlandes de fleurs pour elle. Nous nous souvenons de notre joyeux enthousiasme en attendant la voiture de Mâ. Nous revivons encore ce frisson de joie en écoutant le premier message chuchoté à voix basse : « Mâ arrive. Mâ arrive ! »

    Nous nous rappelons aussi l’expérience unique alors que soudain, nous pouvons  entrevoir de nouveau, comme si c’était pour la première fois, cette forme de beauté magique et resplendissante ; nous gardons en nos mémoires le dynamisme qui pénétrait notre esprit, l’enthousiasme qui soulevait nos cœurs en présence de Shrî Mâ. Mais qui, en réalité, peut décrire la joie indicible que l’on ressent la première fois que l’on découvre cet inimitable sourire rayonnant qui dissipe tous les fardeaux pesant sur nos cœurs, tel un soleil radieux mettant aussitôt en déroute les nuages de pluie menaçants. Nous nous souvenons tout particulièrement de cette heureuse plénitude quand nous rencontrions ce regard totalement englobant  de compassion qu’il réduisait à néant tous les soucis de ce monde, et mettait au repos les questionnements incessants de l’esprit. Nous comprenons la signification de ce texte :

 

                                    Toutes nos actions sont annulées, les nœuds du cœur sont dénoués

                                    et tous les doutes sont dissipés, en percevant Celui qui est Suprême.

 

                                                                                                                    Mundaka II.2.9                                       

           

    Nous nous souvenons de tout cela et de bien davantage encore, mais nous manquons singulièrement de préparation pour faire nos adieux à cette personne Unique qui a pénétré sein même de la véritable texture de notre être. Est-il possible que nous ne puissions plus revoir ce sourire conquérant qui a captivé le cœur de tous les âges d’une façon semblable : vieux ou  jeune, ascète ou ouvrier, homme d’affaires ou artiste, ainsi que des personnes éminemment éduquées ou  des villageois ? Ne frissonnerons-nous plus jamais au son de sa voix divine chantant mélodieusement les Noms du Seigneur ? Même quand nous ne pouvions pas voir Mâ pendant quelques jours, quelques semaines, ou quelques mois, nous savions qu’elle était avec nous dans le même souffle de vie, sur la même terre où nous marchions, dans le même espace qui nous environnait et dans ce même temps que la nature nous a donné en partage. Comment nous convaincre désormais que cette terre, cet espace, ce temps, ces endroits et nous-mêmes, nous ne la reconnaîtrons plus ? Qui peut être plus privilégié que nous et plus malheureux à la fois ?

    Nous ne savons pas très bien comment évoquer, dans ce festival d’adieux, la forme réelle, chérie, et bien-aimée de Shrî Mâ. Nous nous disons , entre nous tous, que Mâ est toujours avec nous, qu’elle a simplement changé sa forme visible en non-manifestée ; et tandis qu’elle appartenait à une époque et à un lieu particuliers, elle appartient maintenant au monde entier jusqu’à la fin des temps et au-delà. Néanmoins nos cœurs qui ne connaissent rien d’autre, ni en dehors, ni au-delà de son Image, demeurent aujourd’hui vides et sans espoir.

    Mettons-nous donc en route désormais vers la compréhension du message de Shrî Mâ. Rassemblons nos forces et partageons-les ensemble, tout en nous rappelant que la douleur est injustifiée par rapport à l’Image radieuse que nous avons chérie pendant si longtemps dans nos cœurs. Unissons-nous en priant pour que nous puissions être dignes de cette grâce qui, nous le savons, descendra sur nous tous. Nous avons vécu jusqu’à maintenant dans la joyeuse présence de Shrî Mâ, mais désormais nous devons essayer d’inculquer cette joie dans nos cœurs afin d’en remplir le vide. C’est un nouveau voyage qui commence. Nous devons transmettre la mémoire de l’enseignement de Mâ, en tant que seul support et seul moyen pour ce voyage, à savoir que : « Avec la concentration pure, orientée vers un seul but et qui n’en dévie pas, on doit rechercher la Vérité » En ayant vécu en la présence de la forme manifestée de Shrî Mâ, nous avons compris la signification du texte des Upanishads. Nous devons maintenant commencer le voyage vers la réalisation de la vérité contenue dans ce texte. Pour nous qui avons connu Shrî Mâ et pour ceux qui vont être amenés à la connaître, cela devrait être le plus facile des voyages, un voyage qui deviendra pour nous la plus belle récompense. (p.149-153)

 

 

                  Que le kheyâla de Shrî Mâ s’accomplisse

                     Traduit de l’anglais pat Geneviève Koevoets et Jacques Vigne

                     Extrait de ‘En compagnie de Anandamayî’ (Ed. Agamat)

Nouvelles

 

-         Caroline Abitbol vient de passer cinq mois quasiment continus à Kankhal auprès de Vijayânanda.

-         Le groupe guidé par Jacques Vigne a fait quatre jours de retraite en mars auprès de Vijayânanda. Il s'agissait principalement de belges élèves d'une école de yoga à Bruxelles, dirigée par Huguette Declercq qui était présente. Ils ont fait ensuite une autre retraite pour expérimenter la méditation en pleine nature dans l'Himalaya, au-dessus de Dharamshala dans l'Himachal Pradesh  pendant quatre jours également.

-         Swami Nirgunânanda, qui est disciple de Mâ, ermite à Dhaulchina et que beaucoup de Français connaissent maintenant, fera deux interventions en France :

·        En mai, dans un festival de Terre du ciel sur l'Inde. info@terre-du-ciel.fr www.terre-du-ciel.fr 03 85 60 40 30 

·        En août, avec Paul Neeffs à Gentines en Belgique : nous reproduisons ci-dessous les parties importantes de son information :

« Retraite avec Swami Nirgunânanda du 23 au 29 août 2008 au Centre Spirituel de Gentines (Belgique)

Programme quotidien : Usha Kirtan (chants de l’aube) - Prânâyâma - Commentaires

sur les Upanishads - Périodes de méditation - Temps de repos - Satsang incluant questions et réponses - Chants ...

Contact : Paul Neeffs - Tél. (Belg.) : 0032 (0)10/814780 ou 0485938011

Courriel : paulneeffs@yahoo.com  - www.anandamayi.net  --Rue E. Goes 3/202

B-1348 Louvain La Neuve

HEBERGEMENT : Chambres individuelles - Chambres doubles (selon disponibilités). Les repas seront végétariens.

PRIX ET RESERVATION : Séjour complet du samedi 23 août au soir jusqu’au vendredi 29 août 2008 : Forfait de 340,-€. Supplément : Chacun peut apporter son couchage. Il est cependant possible de louer des draps sur place; supplément de 7,-€ pour la durée du séjour. En cas de réservation, veuillez verser une avance de 100,-€ sur le compte Dexia : 833-5599443-85 avec mention : «Retraite Mâ 2008»

Le vendredi 29 août, à partir de 14 heures : Satsang. L’accès est libre.

ITINERAIRES : Destination indiquée sur les panneaux signalétiques : «Mémorial Kongolo» (lieu de la retraite) A partir de l’autoroute E42 (Paris-Mons-Liège) : SORTIE 14 - SAMBREVILLE.

Train : LIGNE BRUXELLES - NAMUR – Luxembourg Départ toutes les demi- heures à partir des gares de Bruxelles. (T.G.V. : gare du Midi) Descendre à GEMBLOUX.

-         Vigyânânand (Jacques Vigne) revient pour une brève tournée en France du 16 avril aux 26 mai. La raison en est un congrès à Assise du 1er au 4 mai  qui réunira le yoga européen et le yoga indien, avec tous les grands mouvements de yoga indiens qui y seront représentés. Vigyânânand y parlera de Mâ Anandamayî probablement avec la participation de Râm Alexander, qui a une maison près d’Assise et qui a passé 10 ans comme brahmachari avec Mâ. L'organisatrice de la rencontre est Antonietta Rozzi, qui a longtemps travaillé pour le congrès européen de Zinal en Suisse chaque mois d'août et qui est proche de Swami Chidânanda. Les langues du congrès seront l’italien et l'anglais. info@sarvayoga.org et www.sarvayoga.org. Vigyânânand  visitera de plus Nice, Montpellier, Toulouse, Vannes et Brest. Informations sur le site www.jacquesvigne.fr.st ou en téléphonant à Geneviève Koevoets (Mahâjyoti).

 

Renouvellement des abonnements

 

     Nous avons déjà procédé au renouvellement général des abonnements. Pour ceux qui auraient oublié de se réabonner ou voudraient s‘abonner pour une première fois,  ils peuvent le faire pour 5 numéros jusqu'en mars 2009, en envoyant un chèque de 10 € à l'ordre de Jacques Vigne à :

Nadine et José Sanchez Gonzalez

L'Olivette

26 Hameau Beausoleil

Chemin de la Sainte Croix

84110 Vaison-la-Romaine

Tel : 0490121983 –

Email : nagajo3@yahoo.fr                                            

Il est préférable cependant de s’abonner pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par courriel. Envoyer 5 € pour 5 numéros jusqu’en mars 2009 à la même adresse indiquée ci-dessus, tout en ne manquant pas d’aviser Mahâjyoti (Geneviève Koevoets) une fois le paiement envoyé – koevoetsg@wanadoo.fr  C’est elle qui se chargera de vous l’envoyer par email. Cette formule a l’avantage d’éviter les problèmes fréquents de numéros qui n’arrivent pas à cause des problèmes postaux semble-t-il…

 

Table des matières

 

Paroles de Mâ                                                                                      p.1

L’Ati Roudra mahayajña de Kankhal en 1981                                       p.2

En compagnie de Mâ Anandamayî - Bithikâ Mukerjî                             p.7

Nouvelles                                                                                             p.13

Renouvellement des abonnements                                                         p.15