Jay Ma 82          Automne 2006

 

 

Paroles de Mâ

 

Question : Si le mental refuse de se calmer, quels sont les moyens de quand même y arriver ?

: Pensez à l'eau dans le pot : aussi longtemps que vous agiterez le pot, l'eau remuera à l'intérieur. Mais après avoir maintenu le pot pour quelque temps immobile, vous vous apercevrez que l'eau aussi se calme. De la même façon en faisant l'effort de maintenir stable le corps pendant quelques temps, le mental se calmera aussi. D'un côté, c'est la nature même du mental d'être agité,  mais c'est aussi sa nature de demeurer dans un état stable et paisible. Efforcez-vous de rester assis le plus longtemps en récitant Son nom,  le mental pourra s'en aller de-ci de-là, mais n'abandonnez jamais votre effort. Quand le mental n'abandonne pas ce qu'il a à faire, son 'dharma', pourquoi abandonneriez-vous le vôtre ?

 

Question : A propos de quoi pouvez-vous parler de samâdhi ?

: Baba, je dis que le samâdhi, c'est la fin, samapti, de toutes les ressources, samâdhân des états intérieurs et des actions. Du point de vue du monde, je dis, de même que vous faites toutes sortes de travaux pendant une journée, vous mangez, buvez, il arrive qu'ensuite vous plongiez dans un sommeil profond et réparateur.

 

Un être humain qui se respecte lui-même éprouvera encore plus de respect pour les autres.

 

C'est par le mental lui-même qu'on dissipera l'ignorance du mental.

 

On n'obtient pas le but de sa recherche si on néglige de considérer  l'intérieur et l'extérieur comme une unité.

 

Recherchez l'essence de l'Atma, méditez sur la félicité perpétuelle.

 

Tant qu'il est nécessaire de parler, utilisez les mots avec retenue.

 

À chaque instant, on doit maintenir le but comme bien réel et authentique.

 

La force de l'action est bien plus grande que de simples paroles.

 

L'appel [vers le divin] est un : pour cet appel, dans les diverses communautés,  il y a différentes manières de faire.

 

 

 

 

Shrî Mâ et le Pr Upendra Gupta

par Amulya Kumar Datta Gupta

 

     Plus tard, Shrî Mâ est venue s'asseoir dans la salle de kirtans et beaucoup de gens se sont approchés pour lui présenter leurs respects. Nous étions assis à ses pieds et attendions impatiemment qu'elle nous éclaire de ses conseils. Le professeur Upendra Gupta était parmi nous. En guise d'introduction, Abani Babu dit : " Mâ, il est un grand philosophe".

Mâtâjî (en riant) : Baba, qu'est-ce qu'on appelle philosophie ?

Upendra: Qu’est-ce que j'en sais ?

Mâtâjî : Oh! Vous connaissez tant de choses ! Vous enseignez les garçons (en me regardant) : Est-ce que ce n'est pas vrai ? Est-ce qu'il n'est pas professeur ?

Moi-même : Oui, Mâ, il enseignait, mais maintenant il est à la retraite.

Mâtâjî (en riant) : Ainsi donc, vous êtes un enseignant plein d'expérience. Dites-moi, qu'est-ce que signifie  "philosophie"?

Upendra : Je ne pourrais parler que simplement si vous me le demandez. Pourquoi ne parlez-vous pas ?

Mâtâjî : Qu'ai-je donc étudié ? Vous, dites-nous !

Upendra: Parler de quelque chose dont on n'a pas la connaissance, voilà ce qu'on appelle philosophie!

Mâtâjî : Peut-on parler sans connaître quoi que ce soit?

Upendra : Bien qu'on ne sache pas, on prétend savoir.

Mâtâjî (en riant) : Oui,  c'est savoir quelque chose sans le comprendre. Mais Baba, vous avez très bien parlé, en fait.

     Afin de Le connaître, vous devez entrer dans votre vraie nature. Vous demeurez dans le royaume du manque constant. Tout ce que vous faites ne fait que produire de plus en plus de manque. Il ne peut y avoir de paix tant que vous ne transformez pas cet état de manque (abhâva) en votre vraie nature (svabhâva).

Upendra: Que devons-nous faire ?

Mâtâjî : Je vous répète ce que je dis à tout le monde : commencez avec vos études ! Ce qui est destiné à arriver aura lieu de lui-même. Tenez, quand les enfants commencent à étudier, ils ont d'habitude un sujet dans lequel ils sont particulièrement forts. De même, quand quelqu'un se met en chemin pour la quête de la réalisation de Dieu, tout ce qui doit être fait se trouve révélé à partir de son propre intérieur. C'est pour cela qu'on dit que Dieu brille de Lui-même. Il montre lui-même le chemin qui mène à Sa réalisation. Ce qui est nécessaire pour vous, c'est simplement de vous mettre au travail - de commencer vos études.

   Très souvent, vous niez que votre mental soit agité et qu'il vous est impossible de le stabiliser. Mais en fait, de par sa propre nature, le mental ne peut se reposer. C'est pour cela que je considère le mental comme un enfant. L'intelligence et le sens du 'je' (ahamkâra) sont les parents du mental - enfant. De même que le père et la mère influencent leur enfant qui ne veut pas travailler de différentes façons afin de le persuader d'apprendre à lire et à écrire, ainsi, grâce au discernement de votre sens du 'je' et de votre intelligence, vous devez concentrer votre mental. Ce travail doit être accompli avec patience et avec le zèle d'un esprit bien unifié. Sinon, il n'y aura pas de résultats. De même que quand vous désirez extraire de l'eau du sol, vous devez creuser patiemment à l'endroit choisi et ne pas piocher un peu par ici un peu par là, de même, afin de réaliser Dieu, vous devez pratiquer pendant longtemps avec une dévotion unifiée et une persévérance des plus grandes.

   Souvent, on entend dire, quel que soit le nombre de fautes que le plus grand des pécheurs puisse avoir commis, ils seront tous purifiés en prononçant le nom de Râm même une seule fois. Cela est tout à fait vrai, tout comme une seule étincelle de feu brûle plus d'objets que ce que l'homme ne pourra jamais accumuler. Que vous récitiez son nom ou que vous l'adoriez, quoi que vous fassiez pour réaliser Dieu, si vous l'effectuez avec une patience sans faille et une dévotion unifiée, vous trouverez le chemin de la paix durable.

     En nettoyant la forêt, vous obtenez un champ, vous n'avez pas besoin de créer un nouveau champ. Vous répétez souvent "je-je" (ahamkar) "je suis Lui" (soham), n'est-ce pas?  Savez-vous où cela mène? C'est comme l'arbre et son ombre, si vous suivez l'ombre,  vous arriverez à l'arbre. De même, en vous concentrant sur "aham", vous arriverez au "soham".

 

 

Ces jours anciens

en compagnie de Mâ Anandamayî

par Bithika Mukerji

 

      Durant l’un des satsangs de Mâ très courus à Varanasi, une question fut posée concernant les réincarnations. Pandit Vaidyanath dit : « Mâ, nous croyons en la réincarnation selon les lois karmiques. »

      Shrî Mâ : « En effet, il en est ainsi. »

      Question : « Mais les chrétiens croient en une seule naissance. Après la mort, ils vont attendre le Jour du Jugement quand Dieu décidera de leur destinée. »

      Shrî Mâ : « Oui, c’est la vérité. »

      Chacun se mit à rire en entendant Mâ souscrire à deux points de vues apparemment aussi opposés. Mais Mâ ajouta : « Bholanâth avait l’habitude de m’appeler la reine de la Cour d’Appel (Appealeshwarî), parce que j’ai toujours l’air d’être d’accord avec tout le monde. Le fait est que je vois clairement un rapport entre ces affirmations qui, prises singulièrement, mènent à la totalité ou à l’infinité. Que faut-il là-dedans rejeter et que faut-il accepter ? Les croyances appartiennent au domaine de l’esprit. L’esprit est modelé et déterminé par préférences inconscientes (samskâras). La tendance naturelle à aller vers un tas de croyances vient de préférences engrammées qui nous sont parfois inconnues. Tout ce que je vois c’est que si quelqu’un exprime une croyance et qu’il est convaincu que ce en quoi il croit est vrai, eh bien si tel  est son point de vue, c’est vrai ! » (p.231)

 

 

 

Ganga…mère divine

 

      Quand je contemple l’irrésistible variété, la profondeur, l’intensité et le flot ininterrompu des paroles (vani) de Shrî Mâ, j’ai envie de les comparer à l’avènement du Gange sacré dans notre pays. Aucun mot ne pourrait vraiment mettre en valeur le mystère de ce fleuve grandiose qui s’impose à notre premier regard dans toute sa majestueuse apparence, dans la beauté de ses eaux bleues profondes tombant en cascades dans la résonance de ses gorges, dans la progression joyeuse et dansante de ses ravins et de ses plaines au pied des chaînes de l’Himalaya. Ici le fleuve change de rôle. Ses eaux brillantes et scintillantes deviennent calmes et sereines. Le Gange s’écoule, profond, large et gracieux, permettant à son peuple de tirer de lui autant d’avantages qu’il peut en provenir de son abondante présence. Il leur permet de profiter de sa générosité, et même de l’exploiter, d’en abuser. Et puis silencieusement il se retire jusque dans l’océan. Même dans l’acte de se retirer, il se partage en d’incommensurables parcours, pour le bienfait de ses enfants toujours insatiables. Il arrive majestueux et son élégance regorge de plénitude, kilomètre après kilomètre, jusqu’à ce qu’il rejoigne l’océan pour se mélanger dans l’anonymat de l’immensité. A travers toutes les variations de son trajet, il maintient sa pureté. De Gomukh à Gangâsagar ses eaux sont sacrées et confèrent la paix à tous ceux qui viennent à lui. Pour les hindous, le Gange est considéré comme la mère divine appelée Gangâ, qui ne se refuse à personne. Chacun, de façon égale, est le bienvenu sur ses rives pour y trouver la sainteté, la paix, et la tranquillité. (p.232)

 

 

 

Les paroles de Mâ

 

      Je me souviens d’une conversation sur le futur de l’Inde entre un sadhou de la Mission  Ramakrishna et Mâ. Le Swamijî essaya longtemps d’obtenir quelques déclarations concernant le futur, mais Shrî Mâ éluda ses requêtes. A sa question : « Parviendrons-nous jamais à rejoindre les gloires du passé et à nous élever vers de nouvelles splendeurs dans le futur ? » Shrî Mâ répondit : « Si vous êtes si nombreux à penser que tel devrait être le cas, alors peut-être qu’une telle atmosphère pourra prévaloir et que vos rêves deviendront réalité. » Le Swamijî resta pessimiste. Il ajouta : « Les gens ne s’en soucient guère. Ils sont occupés à copier l’Occident. Quant à eux, les occidentaux, ils commencent à apprendre, à suivre nos chemins et à emmener tout le meilleur de l’Orient avec eux. » Shrî Mâ répliqua : « Pourquoi dites-vous ‘eux’ ? Ils sont aussi ‘vous’, n’est-ce pas ? » Cette réponse fournit au Swamijî de quoi ruminer et nourrir ses pensées. (p.232-233)

 

      En écoutant ses conférences, ses discours et conversations courantes à longueur d’année, je réalisai que Mâ évoquait à notre intention l’ancienne pensée des Upanishads, pensée de discrimination entre ce qui est plaisant (preyas) et ce qui est bon-en-lui-même (shreyas). Tous buts dans la vie, toutes valeurs guidant la conduite pouvaient être englobés par elle en une seule rubrique à la recherche d’une ultime vérité. Le fait de donner 10 minutes chaque jour, ou un jour dans une semaine à un programme de samyam (modération, abstention) faisait partie du comportement général d’une vie consacrée au souvenir de Dieu.

      Mâ semblait jauger avec subtilité et précision l’aura de tous ceux qui l’approchaient pour être sous sa conduite ; elle leur donnait le point de départ, peu importe le niveau où ils se trouvaient ; elle redonnait de l’espoir aux plus pessimistes des interlocuteurs. Parfois, elle les rencontrait avec indifférence, et c’était également admissible de sa part. Un jour elle affirma : « Si vous n’avez aucun intérêt et n’avez rien à demander, alors je n’ai rien à vous dire, mais si vous demandez et si je sens mon kheyâla, alors je vous dirai certainement les shreyas, les ultimes buts de la vie qui valent vraiment la peine pour tout être humain. » (p.233)

 

     

      Un idéal de renonciation imprégnait ses discours tel un fil entourant un bouquet de fleurs. Non pas qu’elle eut demandé à quiconque de renoncer à tout, au monde, à la société, à la carrière, à la famille, à la maison ou aux amis. Elle disait plutôt que si on pouvait arriver à abandonner le mental aux pieds du Seigneur, on n’aurait plus besoin de rien d’autre. Tout adviendrait au moment voulu. Cependant, elle accorda le plus grand respect à tous ceux qui avaient choisi d’être des renonçants, des hommes en robe orange. Graduellement, des gens de notre génération s’approchèrent de ce nouveau chemin ; en considérant notre sadhou-samaj, notre « société de sadhous », on doit reconnaître que précédemment, les gens en robe ocre-orange avaient plutôt été regardés avec méfiance. Il faut aussi rappeler que Shrî Mâ elle-même fut déçue par ces personnes un nombre incalculable de fois au cours des années, mais elle ne se départit jamais, même pas d’un iota, de son attitude respectueuse en la présence d’un sannyâsi (renonçant). Ces hommes et femmes étaient voués à être appelés très haut, et par conséquent ils méritaient le respect…

      Une question revenait sans cesse dans le voisinage de Mâ : « Est-ce qu’un homme peut voir Dieu ? »

      Shrî Mâ : « Bien sûr qu’il peut. Il apparaît devant les yeux des humains, exactement comme vous me voyez devant vous en train de vous parler, ainsi on peut voir Dieu et tenir une conversation avec Lui. »

      Shrî Mâ dit maintes fois qu’elle n’était qu’une spectatrice, qu’elle n’était pas ici pour faire quoi que ce soit ou enseigner à qui que ce soit. En fait, où était « l’autre » ? Elle était elle-même tout ce qui Est, même pour elle il n’y avait pas d’espace pour reculer, aussi qu’y avait-il pour elle à faire ou à dire ? En définitive, si on lui demandait de donner son avis, elle répétait ses mots habituels (vani) :

« Seul parler de Dieu est valable.

Tout le reste n’est que vanité et souffrance ! » (p.234)

 

 

 

Bindou et moi en quête de travail

 

      Didi avait été malade. Des douleurs de dos l’avaient clouée au lit. Plusieurs chirurgiens de bonne réputation vinrent la visiter. Leur diagnostic fut implacable : tuberculose des os. Afin d’immobiliser entièrement sa colonne vertébrale, ils préconisèrent d’utiliser un plâtre et voulurent que Didi se rende à Bombay pour la durée du traitement. Bhaiya libéra son appartement pour Didi et sa suite. Rénou se souvint qu’il y avait des groupes de femmes auprès de Shrî Mâ, toutes ferventes adeptes prêtes à s’acquitter de son kheyâla. Bien que Rénou et Gini aient admiré la riche installation de cet appartement avec sa vue magnifique donnant sur l’océan, pendant bien des jours elles ne surent pas qui était le propriétaire des lieux. C’était un exemple extraordinaire d’auto-effacement. La femme de Bhaiya, Lîlâben, s’était entièrement identifiée à l’attitude de Bhaiya envers les fidèles de Shrî Mâ. On put admirer son savoir-faire en matière de maîtresse de maison, de même que sa générosité et son dévouement pour Mâ. Leur maison à Villeparle devînt une annexe de l’ashram tel qu’il était alors. Les fidèles de Shrî Mâ se relayaient afin de venir à Sunayana House pour différentes raisons. Quiconque en mal de traitement médical était envoyé à Bombay aux bons soins du Dr. Surabhai Seth qui était le responsable médical du Nanawati Hospital de Villeparle. Pendant plus de quarante ans ces ferventes fidèles continuèrent à rendre à Shrî Mâ ce genre de services que le commun des mortels pourrait à peine imaginer. Shrî Mâ en arriva à compter sur Bhaiya comme sur un infaillible support de son kheyâla aux multiples facettes. Il pouvait tranquillement assumer et prendre en charge ses nombreux engagements concernant le personnel, les projets ou les voyages, choses que d’autres auraient considéré comme de lourds fardeaux. Non pas qu’il se fut agi en quoi que ce soit d’une corvée pour Shrî Mâ, mais Bhaiya avait l’art de rendre fluide n’importe quelle situation avant qu’elle ne se transforme en problème. Il était célèbre pour cela dans son propre travail. A ce moment là, il était le président-directeur général de la compagnie d’assurances New India Insurance Company. Une très grosse entreprise aux dires de ceux qui s’y connaissaient en la matière. (p.236-237)

      Bindou avait fait sa route de son côté et avait demandé à Mâ de consulter son kheyâla concernant son nouveau job dans le milieu de la finance.

      J’eus moi-même des expériences intéressantes à l’Université d’Allahabad, que je dus quitter à regret.

      Shrî Mâ vint à Varanasi peu après que je fus admise à la Banaras Hindu University. Elle sembla heureuse de me voir. Tout en me donnant une guirlande de petites fleurs blanches et odorantes, elle me parla de façon étrange : « Continue tes visites comme d’habitude, le sens du devoir vient au premier plan (quand on est dans une vie de service). » Ces quelques mots me firent réfléchir pendant très longtemps. Maintenant, je réalise qu’elle avait parfaitement raison. Il y avait deux sortes de personnes en service auprès d’elle. Celles du premier groupe étaient partout et si souvent avec Mâ que nous nous demandions comment elles pouvaient faire pour être en service également. Un personnage important parmi ces gens était le cher Patun (S.K.Datta) qui, non seulement continuait son emploi de haut fonctionnaire du gouvernement, mais montait assidûment d’échelon en échelon dans sa position. Néanmoins, il fut l’un des plus proches compagnons de Shrî Mâ, toujours à ses côtés pour accomplir son kheyâla et pour assumer bien des responsabilités. J’appartenais pour ma part et manifestement au second groupe. Je m’investissais de plus en plus dans une carrière professionnelle. J’adorais enseigner et je pris la chose très au sérieux. Je m’intéressais beaucoup aux étudiants qui étaient à ma charge et je me dévouais à leur cause en m’investissant dans des extra-activités avec quelque succès. Pendant les courtes périodes de vacances, je retournais chez moi à Allahabad. Mes visites à Shrî Mâ devinrent moins fréquentes. Heureusement qu’elle venait souvent à Varanasi ce qui me permit de rester proche d’elle, mais je trouvais un sens de plus en plus significatif aux paroles qu’elle m’avait dites au tout début de ma carrière.

      Alors que Shrî Mâ était à Varanasi, une convocation arriva de l’Université d’Allahabad me demandant de me présenter une fois de plus devant un nouveau Comité de Sélection. Je me rendis à l’ashram après le collège et informai Shrî Mâ de cette nouvelle et du fait que j’aurai à me rendre à Allahabad pour cette entrevue. Shrî Mâ me dit : « A maintes reprises ils n’ont pas pris ta requête en considération, si tu acceptais cette convocation, ce serait comme si tu t’exposais à recevoir un nouvel affront, tu ne crois pas ? » Je répliquai : « Mâ, les temps ont changé quelque peu. J’ai acquis une certaine notoriété et il est évident que cette fois ils ont l’intention de remédier à cela. Mon père est enthousiaste à l’idée que je retourne à Allahabad. Je ne peux tout de même pas lui dire que je ne vais pas aller à cette convocation ! » C’est alors que Shrî Mâ eut ces mots décisifs à l’intention de mon père : « Dis à Baba que j’ai dit cela. »

      Durant tout le temps passé avec Shrî Mâ, je l’ai rarement entendue émettre une sentence aussi manifeste et sans aucune réserve. Elle se basait toujours sur son kheyâla et ne sortait en général que des phrases comme : « Ne serait-il pas mieux ? Ne pensez-vous pas ? Si vous considérez que c’est juste » etc…etc… Mais cette fois elle parla comme si elle s’adressait à lui directement, et en des termes sans équivoque.

      J’écrivis de nouveau à la maison pour avertir que je ne me rendrai pas à l’entrevue. En mon absence, ma collègue et amie fut confirmée dans le poste qu’elle avait obtenu finalement, ce qui fut bien aussi. Shrî Mâ m’avait demandé un jour s’il y avait une différence entre ces deux postes à l’Université. J’avais répondu que le salaire à la B.H.U. était moins élevé que celui d’Allahabad, mais qu’autrement c’était pareil. Etrangement, après trois mois environ, mon salaire de base fut augmenté de 50 roupies, en tant que reconnaissance particulière de mon diplôme de recherches. Désormais, c’était exactement identique au salaire de base de l’Université d’Allahabad lequel, à ce moment là, était de 300 roupies. Quoi qu’il en soit, la B.H.U. offrait des logements spacieux entourés d’un jardin sur le campus avec tous les services et leurs aménagements, ce qui rendait ce poste l’un des plus convoités du moment. (p.244)

 

15 minutes pour Mâ

 

      L’année 1957 vit le début du soulèvement des étudiants à la Banaras Hindu University. J’y fus impliquée dès le premier jour, mais ceci est une autre histoire. Plusieurs de mes collègues vinrent parfois avec moi à l’ashram. Aussi étrange que cela puisse paraître, peu d’entre elles participèrent à fond, ou tout au moins, ne s’impliquèrent pas autant que Padmâji et moi. Je fus toujours stupéfaite de voir l’indifférence démontrée par la plupart des gens qui gravitaient autour de Shrî Mâ. Ils la traitaient comme l’Image Mobile (chalanta vigraha) d’un temple. Ils lui obéissaient, recevaient une guirlande de fleurs, ou des sucreries, et s’en retournaient chez eux pour continuer comme avant. Elle était reconnue comme une Présence Divine, et par conséquent comme une source de bénédiction (kripâ). Une visite quotidienne pour faire le pranâm, comme on fait une visite quotidienne à un temple, suffisait à beaucoup de ceux qui se pressaient autour de Mâ. Elle était belle, affable, parlait de façon délicieuse, elle distribuait des fleurs, des fruits ou des douceurs, et ne posait aucune question. Parfois, si on lui demandait son avis, elle disait : « Donnez-moi 15 minutes de votre temps, chaque jour, à une heure de votre choix. Essayez de ne penser qu’à Dieu. Vous pouvez faire un japa, ou méditer, ou seulement rester silencieux. Ce créneau horaire de 15 minutes est comme une mince cale à insérer dans le perpétuel mouvement tournant du cycle de préoccupations qui fait le monde. Il serait bon que ce court instant de pause puisse se développer et se répandre, car par la grâce de Dieu il influencerait le rythme de votre vie entière ! »

      Les paroles (vani) de Shrî Mâ affirmant qu’elle n’était qu’une spectatrice étaient certainement vraies. Elle avait souvent répété qu’elle n’était pas venue pour faire quoi que ce soit, mais plutôt juste pour voir comment allaient les choses, tout comme un jardinier se promène dans les allées de son jardin en observant les différentes plantes fleuries et rampantes qui en rehaussent la beauté. (p.244-245)

 

 

Les dernières années de la vie de mon père

 

      Bien des années passèrent. Bindou maintenant avait un emploi. Quand Shrî Mâ vint à Allahabad, il n’en est pas moins vrai qu’elle opta pour la meilleure et la plus impromptue des organisations, en rappelant à Bindou qu’il lui avait promis de lui construire un petit cottage au 31 George Town, là où nous habitions. D’après le kheyâla de Mâ, Bindou était capable de lui construire ce cottage. Ce qu’il fit d’ailleurs en le situant sous un arbre immense non loin de la maison principale. Nous fîmes en sorte de le meubler et de le décorer en anticipant ainsi la venue de Mâ à Allahabad. Rénou avait demandé aux jardiniers de construire un ensemble de pièces de style villageois aux murs revêtus de terre à côté du cottage, où la nourriture sacrée (bogha) pourrait être cuisinée. Par la suite, Shrî Mâ avait pris l’habitude de passer ses après-midi dans l’une de ces pièces qui était fraîche et tranquille. Dans les années qui suivirent, bien des célébrations furent organisées dans notre maison, cependant, il me sembla que Mâ y venait de moins en moins depuis que son cottage avait été construit. Mais à bien y réfléchir, je réalisai que Shrî Mâ avait voulu ce cottage afin qu’il puisse devenir pour nous et notre famille plus tard, une fois privés de sa présence et de son darshan, un temple dans lequel elle avait résidé. Le culte divin de son Image, installé dans ce petit édifice, est depuis lors devenu une partie importante de notre vie de tous les jours. (p.247-248)

      Mon père avait dit qu’il nous accompagnerait à la gare pour me saluer en partant. Ce n’était pas son habitude, car il n’aimait pas cela. J’en fus quelque peu interloquée. Ma mère et des amis avaient emboîté le pas. Une fois dans le train, en me penchant par la portière et en voyant mon père droit dans ses bottes, sa canne à la main, je ne savais pas que je le voyais pour la dernière fois… Prémonition ou pas, je ne l’avais pas quitté des yeux cependant… Peu de temps après, je reçus un message de ma mère me demandant de me rendre à Allahabad immédiatement. En arrivant, je réalisai soudain que mon père n’était plus. Ma mère, comme beaucoup d’autres, avait suivi un régime durant la semaine. Mon père et elle avaient mangé un repas léger. Mon père s’était alors allongé pour faire sa petite sieste habituelle, tandis que ma mère s’était assise en méditation de 15 heures à 16 heures dans la pièce à côté. A 16 heures, elle fit un thé qu’elle alla lui porter. Elle fut surprise de le trouver immobile dans son lit et lui toucha l’épaule pour le réveiller. Bien qu’il ait eu l’air de dormir, elle comprit aussitôt qu’il n’était plus de ce monde. Par la suite, tout ce que fit ma mère nous sembla incroyable. Mais un jour, elle nous raconta en privé, qu’au moment où elle toucha mon père, elle sentit comme si Shrî Mâ lui attrapait le poignet avec force pour la guider ensuite dans tous ses mouvements. Il semblerait donc que ma mère fut sortie pour demander au jardinier Jagdeo d’aller chercher Madan, un ami de Bindou qui habitait au bout de la rue. Puis, elle téléphona à la famille du docteur et ami, Dr. Chatterjee, qui était absent. Elle demanda à sa femme de le faire venir dès que possible. Avant ce jour, ma mère n’eut jamais une occasion d’utiliser le téléphone pour appeler qui que ce soit, s’étant bornée à recevoir un ou deux coups de fil. Là, non seulement elle se chargea de téléphoner, mais elle obtint la ligne jusqu’à Varanasi en passant par l’interurbain. Elle était seule à la maison. Comment avait-elle fait pour localiser les numéros appropriés, pour appeler les standardistes, cela restait une énigme. Madan dit plus tard que lorsqu’il arriva, il la vit avec le combiné en main en train de parler avec Gyanvatijî. Finalement ma mère confia le récepteur à Madan et s’en alla jusqu’à la chambre de mon père où elle s’assit au pied du lit pour une grande partie des 24 heures suivantes. Nos amis et parents nous dirent plus tard qu’ils étaient restés émerveillés devant son expression sereine, et qu’ils comprenaient ce que c’était que d’être en présence de la grâce (kripâ). (p.250-251)

 

 

      Famille, amis, voisins, tout le monde arriva à Allahabad pour saluer une dernière fois mon père, voir son visage détendu encore en parfait état, et exprimer leurs condoléances. Quelqu’un fit remarquer qu’une telle mort n’était possible que pour un yogi d’une considérable élévation spirituelle, car ni son visage ni son corps ne montraient de traces de détérioration même après 24 heures. Ce fut ma première rencontre avec la mort. Jusqu’alors j’avais vu quelques corps de personnes aimées d’où la vie avait disparu, et j’en avais gardé le souvenir que leur visage était troublé. Aussi, après coup, je fus émerveillée de constater ce phénomène. Mon père n’avait pas dû se débattre pour lutter contre une crise cardiaque, car sinon ma mère l’aurait entendu ou ses draps auraient été en désordre. Apparemment il s’était éteint dans son sommeil. Shrî Mâ l’avait emmené aussi facilement que l’on cueille une fleur dans un jardin. (p.253)

 

      Quand l’Université ferma ses portes pour les vacances d’hiver, j’eus une étrange réticence à retourner au 31 George Town. Le vide laissé par la mort de mon père m’effrayait, mais Shrî Mâ vint nous trouver et il était impossible d’être triste en sa radieuse présence. Un jour, une jeune européenne vint lui rendre visite. Cette jeune fille apprenait le yoga en Inde. Mâ lui demanda de lui montrer quelques postures. Elle fit certaines démonstrations et ensuite s’étendit en shavâsana, la dernière posture de relaxation. Elle affirma qu’il était difficile de tenir cette posture correctement, car en dépit de tout, les muscles restaient tendus. Elle en fit la démonstration avec les jeunes filles qui étaient dans la pièce. Levant une main, ou un pied, ou même un doigt, elle dit : « Vous voyez, il y a très peu de résistance. Le corps devrait devenir comme s’il était sans vie au cours de cet exercice. » Shrî Mâ intervint : « D’accord, essayez avec moi. » Elle s’étendit sur son chowki. Son corps devint soudain aussi flasque que celui d’une poupée de chiffon. Le jeune yogi la testa en lui soulevant la tête, puis un ou deux membres. Elle resta stupéfaite. Elle n’avait jamais vu une telle perfection, même pas chez son propre gourou. Shrî Mâ se mit à rire en se rasseyant. Elle dit : « Ces  postures servent souvent d’exercices aux gens qui ne les réussissent que jusqu’à un certain point. Dans la sâdhanâ visant à l’émancipation spirituelle, les postures se prennent tellement naturellement qu’elles sont exécutées comme elles doivent l’être. »

      Je me souviens d’une autre occasion. Nous étions tous assis dans la chambre de Mâ, quand soudain elle se leva de son chowki et joignit les mains en un namaskara pour saluer quelqu’un debout devant la porte. On le fit entrer. Ma mère reconnut en lui le frère aîné de notre prêtre de famille. On lui amena un petit tapis carré. Lorsqu’il fut assis, Shrî Mâ s’installa par terre dans une attitude de déférence envers une importante personnalité. Au cours de la conversation qui suivit, nous apprîmes que cette famille de prêtres était apparentée au prêtre de famille de Bholanathji. Shrî Mâ et Bholanathji avaient visité Allahabad une fois dans les années vingt. Ils s’étaient arrêtés, le temps d’une journée, dans le temple de Kâlî à Muthyganj. Bholanath et Mâ avaient rendu une petite visite de courtoisie à cette famille de prêtres. C’était stupéfiant de voir que Shrî Mâ avait reconnu cet homme dès le premier coup d’œil après au moins 30 ans. Shrî Târâcharan Bhattâcharya quant à lui, se souvint avec émerveillement de sa première impression à propos de Shrî Mâ.

      Quand Mâ quitta notre maison, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Il était évident qu’elle était restée avec nous afin de nous aider à sortir de notre dépression, qu’elle nous avait soutenus avec bonté dans notre détresse d’avoir été soudainement plongés dans un chagrin profond. Rétrospectivement, on en vint à penser que Bindou avait souffert de sa première crise cardiaque à ce moment là. Il raconta calmement : « C’est comme si elle m’avait enlevé le poids que j’avais senti peser dans ma poitrine. » Ma mère n’était pas démonstrative, aussi continua-t-elle à rester calme et digne. Une fois, je l’entendis faire une remarque à une amie de son âge qui était venue en visite de condoléances : « Comment se comporter après la perte brutale de celui qui fut votre proche compagnon pendant près de 40 ans ? » Mais Shrî Mâ l’avait aidée depuis le premier jour. Quant à nous, au fur et à mesure que les années passaient, nous avions senti que le kheyâla de Mâ était resté constamment auprès d’elle, et auprès de chacun de nous. Nous sommes devenus très occupés par nos affaires et l’avons oubliée parfois, ce qu’elle ne fit jamais. A peine quelqu’un tendait la main qu’elle était aussitôt serrée dans une étreinte de soutien. Je dirais même que de temps en temps, au cours de nos pérégrinations, alors que nous aurions pu rester empêtrés dans l’engrenage du monde, nous en étions détournés par un kheyâla toujours vigilant. (p.254-255)

 

 

 

LE MENTAL, LA SUPERPOSITION ET LA CONSCIENCE

par Monique Manfrini

Arjuna dit à Krishna, dans le sixième chapitre de la Bhagavad Gita que le mental est agitation et donc très difficile à contrôler pour atteindre la vision d'unité -yoga- développée par Krishna.

Arjuna connaît son mental tel qu'il est. Il n'a pas de doute sur sa véritable nature. Ce mental qui habituellement juge et souvent condamne est ici objectivement décrit par Arjuna.

Arjuna est persuadé que son mental rend très difficile tout accès au yoga, à la vision d'unité : tous les êtres existant dans l'atma- conscience individuelle- et l'atma étant dans tous les êtres.

Mais, si le mental d'Arjuna est ainsi n'est-ce pas, avant tout, pour qu'il parvienne à le maîtriser?

Certes, une fois l'agitation de son mental reconnue, Arjuna doit agir pour parvenir à la maîtriser. Dans un monde en changement permanent, le mental qui l'appréhende ne peut être que le reflet de ce changement. L'état d'agitation semble donc être naturel. Dès lors, sommes-nous désarmés face à cette agitation?

Il faut que nous saisissions, avec ce mental changeant, la "permanence" de la vision d'unité. Comment saisir la "permanence" de cette vision avec un mental  "impermanent" ? Nous n'avons d'autre choix que d'accepter cette "impermanence". En effet, nous mobiliserions toute notre énergie inutilement si nous tentions de modifier la nature même du mental sans l'avoir exploré et observé longuement.

Nous pourrons, ensuite, le suivre dans tous ses méandres et pérégrinations tout en sachant qui le suit. Ainsi, nous pouvons le voir agir sans nous laisser submerger par son agitation : "Tiens, il s'intéresse à ce sujet. Il essaie de résoudre ce problème". Oublions, également, le "pourquoi?". La question est dépourvue d'intérêt immédiat. Bornons-nous à constater ses déplacements. Observons-le. Cela requiert une attention soutenue de toutes nos facultés.

Qui est présent alors? Ce ne peut être notre mental errant puisqu'il va en tous sens, selon sa logique propre. Le sujet observe son mental."J" 'observe mon mental. Dès lors, se crée une distance entre "moi" et "mon mental". "Je" suis conscient de son fonctionnement agité, incontrôlé. Alors, "je" peux essayer d'appréhender cette distance entre "moi qui observe" et le "mental observé".

"Je" peux aussi, progressivement, tâcher d'apprécier ses choix, ses engouements, ses divers comportements.

Comment puis-"je" y parvenir? En me posant une question toute simple : "qu'est-ce que les choix, les engouements, les divers comportements du mental m'apportent à "moi, l'observateur"? Autrement dit, en quoi ces pensées me rapprochent-elles de la vision d'unité recherchée? En rien, évidemment, puisqu'elles sont erratiques, incontrôlées.

Je peux donc les négliger, ne pas y attacher d'importance, ne pas m'appesantir sur leur signification. Je me concentre alors sur le sujet, "je", en qui toutes ces pensées s'agitent. Ce tourbillon incessant de pensées dans lequel "je" me perds doit donc être connu de moi comme tel. Il ne peut me mener à la vision d'unité puisque "je" m'y égare.

Dès que je sais cela, je peux réussir à maîtriser le tourbillon des pensées. Pour ce faire, je m'efforce de maintenir la distance qui me permet de le voir tel qu'il est.

Mais, quelle est la nature de cette distance entre "moi" et "mes pensées"

(mental) ? L'ego s'approprie les pensées (mental) comme, d'ailleurs, tout ce qui me concerne. Cet ego est insatiable. Il veut tout englober. Il veut tout posséder, avoir. Cependant, il considère comme acquis le fait d'être. Il utilise les pensées (mental) à son seul profit. Il phagocyte tout ce qu'il a et ne se préoccupe pas de "qui" il est. Ainsi, il assimile "son" être à ce qu'il a.

 Mon existence échappe au mental puisque la conscience d'exister n'est jamais abolie dans les trois états de la vie quotidienne -veille, rêve et sommeil profond-. Je sais toujours, inexplicablement, que je suis en vie à travers ces trois états. Dès que je me réveille je sais que je dormais et ce "je" désigne quelqu'un dont  j'ai une image mentale.

Même l'amnésique qui a tout oublié de son identité personnelle sait, cependant, qu'il est. "Je" ne représente plus pour lui quelqu'un de connu. Il n'a plus de représentation mentale concernant sa personnalité. Il ne sait plus quel genre d'être humain il était avant de perdre la mémoire. Les pensées relatives à sa personnalité se sont effacées, ont, soudain, été oubliées. Elles dépendent donc bien de la mémoire. Par delà les problèmes psychologiques que sa pénible situation peut lui causer, l'amnésique peut se composer une nouvelle identité, une personnalité nouvelle. L'ego peut donc changer profondément. Toutefois, l'oubli de l'ego n'abolit pas le sentiment d'exister. Le sentiment d'exister ne dépend donc pas de la mémoire. L'être humain peut se constituer un nouvel ego mais il ne doute jamais de son existence.

L'ego, lui-même constitué de pensées, se superpose donc sur le sentiment d'exister tandis que le sentiment d'exister est totalement indépendant de l'ego. L'ego peut évoluer à partir d'une observation critique de ses caractéristiques. Qui observe alors? L'ego peut-il s'observer lui-même? Puisque l'ego se superpose sur le sentiment d'être mais dépend de la mémoire et peut changer, une autre entité "permanente" doit exister. Cette entité "permanente" peut, seule, observer l'ego "impermanent", changeant. Elle est notre regard intérieur. Elle est conscience, indépendante de l'ego, mais dont l'ego dépend. Je suis sûr(e) que j' existe et j' utilise mes pensées tant que j' existe. Mais, qui les analyse, les évalue, les juge, en toute objectivité? Qui est cet "oeil intérieur", toujours ouvert sur mes pensées, mes sentiments et mes actions? Ce ne peut être mon ego qui ne se connaît pas et ne veut pas vraiment se connaître. Cet oeil de Caïn ne peut donc être que la Conscience, l'atma, sans changement, indépendante de l'ego changeant et précaire.

Comment connaître l'ego et comment se connaître? Les rishis ont dévoilé à l'être humain le fonctionnement du mental. Ils ont décrit nos trois corps- physique, subtil et causal- et sont remontés à leur origine et à celle de la matière. Ils nous ont laissé toutes ces connaissances afin que nous parvenions à nous connaître. Ils ont voulu nous aider à répondre aux deux questions que nous nous posons tous, un jour : Qui sommes-nous et que cherchons-nous à travers cette existence?

Initialement, l'être humain cherche, généralement, d'où il vient mais, rarement, qui il est. Il a le sentiment d'être et cela lui suffit. Il ne s'interroge pas sur son être. Il sent ses limitations physiques, psychiques et temporelles et cela lui fait très peur. Le fait qu'il vit est pour lui une évidence. Il a toujours voulu vivre éternellement mais, surtout, vivre un bonheur éternel. Une éternité de souffrance ne l'intéresse pas. Il sait assez ce qu'est la souffrance.
      Il veut donc connaître un état de bonheur éternel. Pour y parvenir, il utilise le seul outil mis à sa disposition afin d'effectuer cette recherche : son mental. Ainsi, parfois et pour quelque temps, il peut accéder à un certain bonheur. Mais, ce bonheur demeure précaire et transitoire tout comme l'est sa propre vie dans un corps matériel périssable. De plus, ce bonheur finit toujours par se dégrader et se transformer en frustration et en souffrance. L'être humain se lance alors dans une quête incessante et, in fine, douloureuse de tout ce qui peut lui procurer un moment de bonheur. Il tente ainsi de se rapprocher toujours davantage du bonheur éternel, tout en se comportant comme l'insecte qui finit par se consumer sur la lampe.

Son comportement est totalement irrationnel du point de vue de la seule logique alors qu'il est doté de raison, contrairement à l'insecte. Nous cherchons tous le bonheur éternel dans ce que nous croyons le mieux connaître: les objets, les pensées et les sentiments. Pour ce faire, nous leur attribuons des valeurs positives qui sont censées nous permettre d'accéder au bonheur éternel. Cependant, la tâche est ardue et elle se heurte constamment à l'échec. L'être humain ne se demande pas pourquoi, lui et tous ses semblables, recherchent toujours le bonheur éternel. Il est obnubilé par sa quête désespérée.

Mais, le jour vient où, soudain lucide ou épuisé, il réussit à prendre quelque distance par rapport à son mental. Il essaie, alors, d'abord, de se connaître.  Si, comme nous, l'insecte pouvait penser, il parviendrait à s'éloigner de la lumière qui ne peut que le tuer...A ce moment là, l'être humain commence à s'observer au lieu de se précipiter dans l'action et de surimposer ses impressions, opinions et valeurs sur tout ce qu'il appréhende. Il apprend, peu à peu, à voir tout ce qu'il perçoit sans ces filtres déformants. Il applique cette méthode à lui-même. Il se rapproche de plus en plus de sa vraie nature. L'ego et les pensées sont toujours là mais, désormais, l'être humain sait ce qu'ils représentent. Ils ne constituent pas un obstacle. L'autre est alors perçu comme soi-même. La dualité, la différence disparaît.

Seul, l'atma est. Seul l'ÊTRE est. TOUT EST UN : ÊTRE, CONSCIENCE, FELICITE!

OM!

Monique Manfrini,

L'Estaque- du 11/07/06 au 21/08/06 -

Conscience en solitude

 

 

 

SEUL avec sa Conscience

Dans un moment d’Absence

Conscient de la Présence

Qui vous donne confiance…

 

SEUL avec son Ego

Qu’on cache, incognito,

On quitte la matière

Plongeant dans la lumière

 

Des livres des grands Maîtres

D’où on se sent renaître.

On emprunte un passage

Vers un grand lessivage…

 

Noumènes (subjectif)

Phénomènes (objectif)

Vers la Libération,

La Réalisation !

 

Moi, Je, Vous, Lui…Qui suis-je ?

L’apparence à vos yeux

D’un concept, d’un non-lieu,

D’un reflet, d’un prodige ?

 

Dans le Manifesté

Du Non-Manifesté

Il faut tout effacer

L’Absolu doit rester.

 

Il faut l’obéissance

En totale ‘vacance’

Il faut l’humilité

Il faut la vacuité

 

Et la Non-Dualité

Vivre dans l’Unité

Sortir de l’illusion

Et du jeu des passions.

 

L’individualité

La personnalité,

Vil asservissement,

Puéril fonctionnement.

 

 

 

 

Entité ridicule

Annihile ton ‘moi’ !

Petite particule

Reste unie dans le ‘Soi’…

 

Identification

Dans cette unicité.

Puis séparation

Dans cette dualité.

 

L’inertie, la matière,

Le bon et le méchant,

L’ombre et la lumière,

Ne seraient que néant ?

 

Seul reflet d’une image

Nous dit bien Maharaj…

Je ne suis que ‘cela’ !

L’Atma est au-delà…

 

Dans son Enseignement

Mâ Anandamayî,

Dans son Renoncement

Ramana Maharshi

 

Maîtres qui ont quitté

L’humble souffle de vie

Qui les a habités

Nous ont légué l’envie

 

D’aller au fond du coeur

De trouver l’ouverture

Bien que SEUL on demeure

Face à sa vraie nature…

 

SEUL avec sa Conscience

Dans les moments d’Absence

Proches de la Présence

De la ‘Non-Existence’…

 

Il faut garder confiance,

Et près du Samâdhi

Rejoindre en sa Conscience

Mâ Anandamayî…

                                 Mahâjyoti

                       (Geneviève Koevoets)

   (En un 15 Août désert, mais riche de lectures…)

 

 

Le Voyage Intérieur

 

(Poème à mes participants

au prochain voyage)

 

Avec vous je n’irai

Mais je m’envolerai

Sur l’aile du bonheur

Du Voyage Intérieur…

 

Mon chemin, ma démarche

Dans leur évolution

Ont voulu que je marche

Vers une autre mission.

 

Mon Voyage Intérieur

N’est pas un abandon

Car mon âme et mon cœur

Vous accompagneront

 

Si l’Inde est un joyau

Dans sa comparaison

C’est divinement beau

En imagination !

 

C’est chez moi que je crée

Mon travail en amont.

C’est là-bas l’apogée

De son application.

 

Différente est l’optique

Avec le temps qui passe

Je garde l’authentique,

Le recul, et repasse

 

Le chemin parcouru

Dans l’émerveillement !

Découverte absolue

Du pur Enseignement

 

Que je dois appliquer

Dans ma vie, dans ma foi

Non plus me promener

Mais vivre dans le SOI !

 

Dédoublement subtil

De l’Inde en mes voyages

Qui renaît sur le fil

Déroulant des images.

 

Il est très beau en rêve

Ce voyage vécu

Ce n’est pas qu’il s’achève

Puisqu’il est entendu

 

Que dans ma sadhâna,

SEULE, auprès de mes guides,

J’irai retrouver Mâ

Il n’est donc point de vide !

 

Ma famille est sur place

Son nom est ‘Ananda’

Hautement elle remplace

Celle qui n’est plus là…

 

Je suivrai son appel

Et Mâ, dans sa splendeur,

Rendra vrai l’irréel

Du Voyage Intérieur…

 

                        Mahâjyoti

              (Geneviève Koevoets)

 

 

 

 

Purna Brahma Narayânî

 

par Kamal Narâyân

 

     Voici la suite du poème d'Antonio Dagnino, auquel Mâ a donné le nom de Kamal Narâyân. Les trois premières parties (dans le n° 81) s'appelaient Om Mâ, Om Hrim et Om Shrim, les deux derniers termes correspondant à des mantras-semences de la déesse. En une seule syllabe, ils ont le pouvoir de la faire descendre dans le fidèle qui l’invoque. La dernière partie que nous donnons ci-dessous est intitulée Om Aim. Abhinavagupta interprétait ce mantra-semence comme la rencontre du masculin, a, et du féminin, i, pour induire le mariage intérieur des parties droites (Shiva) et gauche (Shaktî) du corps dans le canal central.  En effet, ai se prononce é ou è en français comme en sanskrit.

 

Om Aim

 

Tu es le son,

la musique des sphères,

le rythme parfait

qui harmonise l'énergie

et articule la création.

 

Tu es la musique,

le son de vie et le son de mort

chantant ta plénitude,

car tu es le son

et tu es son témoin.

 

L'immensité du vide

et dans cet espace

une lumière,

et à l'intérieur de cette lumière

la parole qui donne naissance à tous les mots,

le Logos

contenu dans un silence au-delà du temps

dans l'immobilité de l'Absolu,

et exprimant l'Absolu dans le temps

comme des vibrations-semences

qui font apparaître la multiplicité,

plaisir et souffrance,

action et extase.

La vérité Une

devenant relative

et pourtant Une dans chaque partie.

Le son Un

devenant atomes, formes, univers,

Une profondeur infinie d'Etre

divisée et jouant avec lui-même.

L'intelligence parfaitement libre

Cristallisée sous forme de pensées

En tant que conscience centrée sur le Soi,

En tant que mémoire attachée à la forme

et karma se nourrissant de contradictions.

 

Dans le nadir, le fond du fond de la souffrance,

dans la culmination du combat héroïque du mental,

le zénith de l'introspection,

dans ce moment de solitude suprême

dans laquelle seule la mort est,

le silence est né

ainsi que la bénédiction infinie de la paix

qui unit de nouveau

ce qui est né ce qui n'est pas né,

l'enfant et la mère...

les pensées dissoutes dans la joie...

 

Matrice de révélations !

Rivière pure de sagesse éternelle

qui nourrit l'humanité,

montre les voies de libération 

selon les besoins de l'évolution.

 

Tu es l'art le plus pur,

la poésie sublime des Voyants,

la quintessence des religions,

la bonté sous-jacente

au-delà du bien et du mal relatif

.... Et tu es aussi la confusion,

le langage utilisé pour mentir,

les pensées utilisées pour diviser,

la force utilisée pour exploiter.

Tu crées des myriades de désirs illusoires

que la mort met en échec,

pour nous enseigner, en nous forcer à faire preuve de discernement

et à chercher la vérité ainsi que l'immortalité,

en révélant enfin, quand tu choisis de le faire,

que tu es Tout , et en tout,

et Cela qui est au-delà...

 

 

All Names are Your Names,

All Forms Are Your Forms

par Kamal Nârâyân Dagnino,

traduit de l’anglais par Vigyânânanda

 

Nouvelles

 

- Swâmî Nirgunânanda s'est rendu en Europe et aux États-Unis cet été. Il a animé une retraite à Terre du Ciel, où il a commenté le premier tiers des Narada Bhakti Sutras. Il y retournera pour continuer le second tiers l'an prochain du 7 au 12 août, cette fois-ci Vigyânânanda ( Jacques Vigne) sera aussi là-bas pour la traduction.

- Swâmî Vijayânanda a repris ses satsangs comme d'habitude après s'être bien remis de son opération de la prostate en mai. Nous avons eu à Kankhal du 7 au 15 août un groupe réuni par le magazine Infos-Yoga avec son directeur, Mathieu. Ils ont logé au Centre International et nous avons eu des sessions de yoga et de méditation dans la salle au-dessus du musée de Mâ. C'était la première fois dans son histoire que l'ashram de Mâ ouvrait ses portes pour une retraite avec un groupe d'étrangers. Il y avait eu certes des Occidentaux qui étaient venus aux semaines de retraite de Mâ de son vivant, et il y en a toujours qui participent individuellement à la Samyam Sapta, mais ils n'ont pas un programme indépendant à l'intérieur de l'ashram. Le groupe est ensuite parti pour effectuer une belle randonnée sur le sentier de pèlerinage le long du Gange, et a visité Déoprayag ainsi que Rishikesh.

- Un concert de musique indienne avec le flûtiste Hariprasad Chaurasya va se tenir à Londres vers le 25 septembre. Plusieurs Swâmîs de l'ashram de Mâ seront présents, dont Bhaskarânanda et Nirgunânanda. Ceux qui voudraient s'y rendre peuvent prendre les informations auprès de Christopher Pegler, Czjp.Pegler@btinternet.com

- La semaine de retraite, Samyam Sapta, aura lieu du 28 octobre au 5 novembre. Les fidèles qui ne peuvent pas venir ont toujours la possibilité de s'associer à distance en intensifiant leurs pratiques de méditation durant cette période.

- Vigyânânand reviendra en France après six ans pendant dix mois à partir de mars 2007, pour une tournée de conférences et séminaires et la publication a priori de plusieurs livres.

 

 

 

Nouveaux abonnements

 

Le renouvellement général des abonnements aura lieu lors du numéro de mars 2007. Pour ceux qui ne reçoivent pas le ‘Jay Mâ’ et voudraient s'abonner maintenant,  ils peuvent le faire pour dix numéros jusqu'en mars 2000, en faisant un chèque de 20 € à l'ordre de Jacques Vigne et en l’envoyant à :

Nadine et José Sanchez

L'Olivette

26 hameau Beau Soleil

Chemin de la Sainte-Croix

84110  Vaison-la-Romaine

       L'abonnement pour recevoir le ‘Jay Mâ’ par voie électronique est aussi possible. Envoyer un chèque de 10 €  à l’ordre de Jacques Vigne à Nadine et José et signalez votre inscription à Mahâjyoti qui a accepté de se charger des envois par courriel : koevoetsg@wanadoo.fr  en les illustrant du portrait de Mâ.

 

Table des matières

 

 

Paroles de Mâ

Shrî Mâ et le professeur Upendra Gupta par AKD Gupta

Ces jours anciens avec Mâ  par Bithika Mukerjî

Om Purna Brahma Narayânî par Kamal Narayân

Le mental, la superposition et la conscience par M.Manfrini

Conscience en solitude et Le voyage intérieur par Mahâjyoti (G.Koevoets)

Nouvelles

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