Jay Mâ N°108 –
Printemps 2013
1
Dans la tradition hindoue, le 108
est un chiffre éminemment sacré. Il va avec le 18 (il y a 18 chapitres dans la
Bhagavad-gîtâ et 18 Pouranas) et le 1008. Pourquoi cela, demande-t-on souvent.
Peut-être parce que le 108 est divisible par beaucoup d’autres chiffres, il
représente donc une forme de cette inclusion chère au polythéisme hindou, ainsi
qu’au védanta, et qui diffère donc du caractère clairement exclusif du
monothéisme d’inspiration biblique. On pourrait y voir aussi l’unité suprême,
le Un, qui doit renoncer à son statut, passer par le zéro, pour pouvoir se manifester
sur terre, ou la création se développe de dualité en dualité, 2x2x2 qui font 8.
Quand un moine a récité 108 lakhs de fois son mantra, c’est-à-dire 108 fois
cent mille fois, il mérite le titre par exemple de Shri 108 Swami Atmanânanda
ou autre. Pareil pour 1008 lakhs de répétition, ce qui représente certainement
un bel investissement de temps et d’énergie.
Rédiger 108 numéros du Jay Ma a
été certainement aussi un bel investissement, je dois remercier ceux qui y ont
collaboré, en particulier Mahâjyoti de Nice qui a discrètement pris la
responsabilité de la composition des numéros, en particulier pendant mon année
de tournée en Europe qui vient de se terminer.
Vigyânânand (Jacques Vigne)
Paroles
de Mâ
Extraites
des chapitres 8 et 11
de
‘Les Enseignements de Mâ Anandamayî’
8 - K R I P A, LA GRACE
Dieux est clément et miséricordieux. Il déverse
sur nous, sans compter, Sa miséricorde et Sa compassion ? Empressez-vous
de tendre la main. Une attitude de marchandage n’est pas de mise ici.
Dites-vous : « J’ai essayé et je n’y suis pas arrivé. C’est la
conséquence de mon karma. Oh, Seigneur ! Vous m’envoyez Votre grâce et je
la reçois ». Un être vivant peut espérer agir pour son bien seulement s’il
se rappelle cela.
Dieu
dispense Sa miséricorde en tous lieux. Seuls ceux qui lèveront le regard dans
Sa direction recevront Sa lumière. L’homme doit toujours prier pour obtenir Sa
miséricorde.
Seul celui qui est très pieux peut comprendre Sa
miséricorde.
Même le désir ardent de Sa présence prend
naissance grâce à Sa miséricorde, souvenez-vous de cela. Lorsque l’action
demeure sans résultat, il est à présumer qu’elle n’a pas été accomplie de la
juste façon. Toutefois, la traversée s’effectue progressivement. Il est bien,
dans un tel contexte, de garder une foi stable et solide.
Ce quelque chose (la miséricorde) est au-delà de
la compréhension et cependant le désir ardent de l’atteindre persiste – cela
aussi c’est la grâce de Dieu. Le désir juste et honnête conduit à la
disparition du désir. En vérité, l’homme ne sait pas quand lui apparaîtra Sa
lumière comme aboutissement d’un engagement constant dans une action honnête
menée par un désir vrai et pieux. C’est pour cette raison que tant que
l’illumination n’a pas eu lieu, l’engagement dans cette traversée vers le but
suprême doit se poursuivre, que ce soit de bon ou de mauvais gré.
La grâce de Dieu est en rapport avec la résultante
du karma, aussi longtemps que l’ego existe, la grâce est là tant que le karma
est là.
Dans Son royaume, le Seigneur bienveillant a pris
Ses dispositions pour répandre Sa miséricorde. Il la déverse avec bonté, sans
discontinuer, telle une pluie qui ne cesse jamais. Si l’on maintient le
récipient dans sa position normale, il finit par se remplir à ras bord, si on
le retourne, les objets qu’il y a dedans tombent ou restent bloqués à
l’intérieur.
Il accorde toujours Sa miséricorde. Et pour
comprendre cela, on doit patienter sans le quitter du regard. On comprend Kripa
(la grâce) lorsque Chitta (l’esprit) est purifié.
L’action est indispensable pour éliminer le voile
(de l’ignorance). Travaillez avec l’intelligence dont vous avez été doté. Sa
grâce est spontanée. Pourquoi ne dispense-t-Il pas la grâce ? C’est là Sa
volonté d’action – chaque chose est Sienne – quelle qu’elle soit. Lorsqu’il y a
une raison, il y a le désir d’atteindre et de cueillir le fruit. « Je vis
le résultat de mon action ». Résultat de quoi ? Sa propre action, sa
propre expérience.
Celui qui crée un mauvais fruit par ses actions
peut le faire disparaître par des actions droites et justes. Voyez Sa grâce et
Sa bonté en toutes choses. Celui qui reste fixé sur la pensée qu’il est un
instrument dans Ses mains, celui-là ne peut accomplir aucune action qui
engendre la souffrance. La juste voie, le droit chemin, sont ce qui Le
caractérise.
Le malheur ne disparaît que dans le refuge qu’est
le Seigneur. C’est uniquement par la grâce de Dieu que l’homme paye en
souffrance le résultat de son karma. Si l’on considère cette souffrance comme
Sa grâce, alors elle nous conduira jusqu’au lieu suprême.
11 -
CONNAISSANCE, IGNORANCE ORIGINELLE,
Dieu a recouvert le jiva(individual soul))
du voile de l’ignorance originelle. Il a toutefois laissé une porte ouverte sur
la connaissance. Le jiva peut arriver à la libération en passant cette
porte. Mais il ne faut pas oublier que pour atteindre l’objectif suprême, pour
atteindre Dieu, il faut transcender aussi bien la connaissance que la
limitation originelle de l’ignorance. Aussi longtemps que la connaissance et
l’ignorance sont présentes, la perception de la différenciation est présente
elle aussi, auquel cas Brahman ne peut être atteint. Cet état suprême peut être
atteint lorsque disparaît toute idée de différenciation. Et l’on est alors fixé
dans sa nature innée.
Dans la mesure où l’on est soi-même immergé
dans Mâyâ, il est difficile de se
représenter d’où elle provient. Cherchez à Le connaître. Connaître son Soi,
c’est Le connaître. La résolution de tous les problèmes se trouve dans la
réalisation du Soi. Tant qu’il y a Mâyâ (qui nous enveloppe) il est
difficile de connaître Mâyâ (objectivement,
de l’extérieur).
Depuis que Dieu est là, Mâyâ l’est aussi.
Et Dieu a toujours été là. C’est pour cela que Mâyâ aussi est sans
commencement. Il faudrait essayer de réaliser le Soi, ou bien sous forme de
serviteur de Dieu, ou bien sous forme d’Atma.
L’un est connu comme Mahâmâyâ (l’aspect féminin
de la Réalité ultime)et l’autre est l’illusion des sens – l’expérience des
objets des sens. Vous êtes un voyageur en route vers l’immortalité et vous rencontrerez
nombre de difficultés si vous ne progressez pas dans Sa direction. Ne restez
pas empêtrés dans les vibhûti (pouvoirs surnaturels). Ce n’est qu’un
simple état. Le but ultime et suprême ne peut pas être atteint à travers les vibhûti.
Le pouvoir acquis ne doit pas être consumé inutilement. Cherchez la révélation
du Soi, sinon vous devrez faire face à mille difficultés et vous chuterez de
cet état que vous avez atteint.
(Traduit de l’anglais par Jean E.Louis)
L'ashram de Mâ Anandamayî
D’après un texte écrit il y a
quelques années par Vigyânânand (Dr. Jacques Vigne) pour les Carnets du Yoga.
Nous le dédions aux nouveaux inscrits qui se sont abonnés récemment à notre
brochure ‘JAY MA’ et à tous ceux qui n’ont pas encore eu la chance de se rendre
à Kankhal, en Inde du nord, au samadhi de Mâ.
L'ashram principal de Mâ
Anandamayî est situé sur les bords du Gange à Kankhal, près de la seconde ville
sacrée d'Inde, d'Hardwar, à l'endroit où le Gange sort de l'Himalaya. C'est là
que son corps repose depuis 1982 dans un temple de marbre tout blanc. Elle a
vécu jusqu'à quatre-vingt-six ans. Son nom signifie « celle qui est
imprégnée, constituée de joie spirituelle ». C'est là aussi qu’a résidé
pendant trente ans son principal disciple français, Swami Vijayânanda, qui a ‘quitté
son corps’ à 95 ans le Lundi de Pâques 5 Avril 2010. Je fréquente cet ashram
moi-même depuis 1985, et j'ai vécu près de celui-ci pratiquement continûment. On dit en Inde que quand un sage
quitte son corps, c'est l'ashram lui-même qui devient son corps. Je ressens
quelque chose comme cela à Kankhal, et c’est également l’impression d'un
certain nombre de visiteurs ou d'anciens fidèles.
Il y a un programme général pour
les résidents de l'ashram chaque jour, mais depuis plus de vingt ans que je
fréquente cette institution, je n'y ai pratiquement jamais participé, à part
pour les grandes fêtes et le rituel du soir, après lequel nous avions en
compagnie des visiteurs une rencontre quotidienne avec Vijayânanda, ce qu'on
appelle en Inde le satsang. Le centre
de la vie de l’ashram est la relation d'enseignement. Mâ gardait les gens
proches d'elle pour les former, mais dès qu'ils en étaient capables, elle les
envoyait en solitude pour qu'ils puissent être dans les meilleures conditions
pour plonger au fond d'eux-mêmes. Il existe plus de vingt-cinq autres ashrams
de Mâ plus ou moins grands, les principaux se sont développés à Delhi, Calcutta
et Bénarès. Dans cette dernière cité, le bâtiment donne directement sur le
Gange, et le ‘ghat’ (grands escaliers qui descendent directement dans le fleuve)
qui est à ses pieds porte le nom d’Anandamayî. C'est le seul cas dans
l'histoire de la ville sainte de l'hindouisme où un ghat a été nommé d'après un
gourou vivant. C'est dire le respect dans lequel l'Inde traditionnelle tenait
la sagesse de Mâ. Il y a un hôpital charitable près de l'ashram, qui a été
inauguré par Indirâ Gandhi ; celle-ci venait visiter Mâ assez régulièrement.
Pourquoi Mâ Anandamayî attirait-elle les gens, y compris des Français comme
Vijayânanda ainsi qu'Arnaud et Denise Desjardins ? Essayons de comprendre déjà
cela par l'histoire de sa vie :
Libre comme un oiseau sur la
branche.
C'est ainsi que Mâ définissait
elle-même ses déplacements incessants, au début c’était surtout au Bangladesh,
et ensuite principalement dans le nord et le centre de l'Inde. Ce mode de vie
laissait une grande place pour des rencontres inattendues et non programmées,
parfois dans des trains ou des gares, parfois dans des dharamshâlas, ces institutions religieuses où passent des pèlerins
en provenance de toutes les régions de l'Inde. Pour un certain nombre de
personnes, ces rencontres à l'improviste ont marqué un tournant dans leur vie.
Mâ disait qu'elle était venue à
cause des prières des gens. En fait, les brahmanes du Bengale comme le reste de
l’hindouisme à la fin du XIXe siècle étaient au plus bas. La colonisation et
les missions avaient fait leurs ravages, et certains envisageaient même
sérieusement la fin de cette religion. Il y a eu des gens parmi ces brahmanes
qui ont donc demandé à la Mère divine de venir à leur secours, et ils ont
reconnu en Mâ Anandamayî cette aide qui arrivait. Le second aspect de Mâ est
franchement universel, elle s'appuyait
directement sur l'expérience de l'Un, et à ce titre-là tout le monde était le
bienvenu pour la rencontrer, en tant que partie d'elle-même en quelque sorte.
Des hindous de toutes les écoles, des sikhs, des parsis, un bon nombre d'occidentaux le plus souvent
d'origine chrétienne, juive et un petit nombre de musulmans sont venus, et sont
restés auprès d'elle. Elle était contre le prosélytisme, et renvoyait souvent
les gens dans leur pays, mais avec une vision transformée des choses. Sa
doctrine de l'Un ne contredisait aucune voie religieuse, mais elle était aussi
clairement au-delà.
Pendant sa jeunesse, elle était
passée par de nombreuses phases de sâdhanâ extraordinaire et elle avait souvent
des extases. Il faut comprendre qu'au Bengale, la sainteté extatique est une
tradition centrale, avec des sages comme Chaitanya Mahâprabhou, Ramakrishna et
bien d'autres. Quand Mâ a été plus âgée, elle a résidé principalement dans le
nord de l'Inde et la manifestation de ses extases a disparu, elle avait un
comportement tout à fait habituel de l'extérieur.
Un maître spirituel qui disait
qu'elle ne l'était pas.
Mâ se présentait régulièrement
comme la "petite fille" des gens âgés, et comme "l'amie"
des jeunes. Elle faisait donner l'initiation par d'autres gourou, et même quand
elle conférait un mantra elle-même,
ce qui était rare, elle précisait bien à celui ou celle qui le recevait :
"Je ne suis pas ton gourou". C'était plutôt paradoxal, puisque bien
des gens la considéraient comme telle, et elle les guidait effectivement. La
principale clé de ce mystère, c'est qu'elle était dans l'Un, et ainsi ne
voulait pas établir cette distinction entre gourou et disciple, où l'un est sur
le piédestal et l'autre à ses pieds.
D'un côté, elle revenait
régulièrement sur la notion traditionnelle de l'utilité du maître, et d'un autre, elle pouvait dire : "Ne
tombez jamais sous l'emprise de quelqu'un" Ceci n'est pas contradictoire,
si l'on se souvient que le vrai maître spirituel laisse dissoudre son ego dans
la Lumière supérieure, et donc qu'il n'est plus "quelqu'un".
Dans notre monde occidental, la science se conjugue avec la publicité pour
nous faire croire qu'il n'y a du bien que dans le nouveau. Pour la tradition,
c'est une position superficielle. Mâ disait qu'elle n’enseignait rien de
nouveau, et ne faisait que suivre la tradition des rishis de l'Inde ancienne.
Pour ses disciples qui étaient hindous à l'origine, elle leur demandait même
d’en suivre strictement les règles et coutumes, mais avec amour. Ce critère simple
de l'amour est encore le meilleur pour discerner la vraie tradition du
fondamentalisme. La véritable transmission spirituelle ne cherche pas à
s'imposer, elle vise à l'épanouissement de l'individu et non pas au pouvoir
politique pur et dur. On a demandé lors du passage de l'an 2000 à Arnaud
Desjardins (lui aussi disparu) quelle était d'après lui la personne la plus
marquante spirituellement du XXe siècle. Il a eu envie de répondre spontanément
Mâ Anandamayî, mais ensuite il a réalisé que ce serait la limiter que de la
réduire au cadre étroit du XXe siècle. Elle représente le Sanatana Dharma, la Loi juste Eternelle (la manière dont
l'hindouisme se définit lui-même) et cela suffit à faire largement exploser les
barrières du XXe siècle lui-même.
Sa spécificité par rapport à
d'autres enseignants spirituels, c'est qu'elle guidait chacun suivant sa propre
voie, qu’elle soit de dévotion, de connaissance ou parfois d'autres pratiques
plus spécifiques. Ce qu'elle demandait régulièrement à tous, c'est d'avoir dans
la journée un moment à une heure fixe pour se relier au Pouvoir d'En Haut. Dans
les ashrams de Mâ, c'est entre 20h45 et 21h chaque soir. Elle prenait à ce
propos un exemple : "De même que certains animaux, insectes ou oiseaux ont
une période dans la journée pour se mettre à chanter et qu'ils ne se
préoccupent pas d'obstacles ou d'empêchements, de même, faites l'effort de
mettre un petit temps de côté pour penser à Lui."
" Mâ donnait le conseil de
pratiquer à certains dix minutes, à d'autres une demi-heure, à d'autres deux
heures. Quand un monsieur à la retraite lui a demandé conseil, elle l'a invité
à rester assis neuf heures par jour à faire du japa et de la méditation, et le reste du temps à chanter pour Dieu
(faire des bhajans) ."
On reproche souvent aux gourous de
l'Inde d'être avides pour l'argent. Mais en trente ans, Vijayânanda témoigna
qu'il n’avait vu Mâ demander qu'une seule fois de l'argent. C'était à
Naimicharanam, un petit centre de pèlerinage entre Delhi et Bénarès où la
tradition dit que les Pourana-s,
c'est-à-dire l'ensemble des textes religieux médiévaux, ont été composés. Or,
il se trouvait qu'il n'y avait même pas là-bas la collection des dix-huit
livres dans ce lieu. Tout le monde a dit que c'était choquant, et Mâ a répondu
à la demande de son entourage comme elle le faisait souvent : dans ce cas-ci,
cela a pris la forme d'organiser une collecte déjà pour acheter les volumes des
Pourana-s, et finalement pour fonder
un Institut consacré à l'étude de ces textes médiévaux qui sont certainement au
coeur de l'hindouisme actuel.
Ses visiteurs, et même ses
fidèles plus engagés ne la comprenaient pas forcément en profondeur, mais au
moins ils établissaient une relation concrète d'amour avec elle, et cela les
aidait déjà beaucoup dans leur vie spirituelle. Le Yoga est une pratique
d'intériorisation personnelle, mais c'est aussi une tradition, et quand on
s'accroche à cette chaîne d'amour spirituel qu'est une lignée d'enseignement,
l'ascension de la montagne est beaucoup plus sûre, et les risques de chute
libre bien moindres.
Je connais depuis plus de vingt
ans un Swâmî suisse arrivé lui-même à l'âge de vingt ans en Inde, et qui s’y
trouve toujours. Il suit la voix du Kriya-Yoga, mais il venait souvent voir Mâ. Il m'a raconté qu'un jour, il
lui a demandé : "Mâ, pourquoi nous sentons-nous aussi proches de
vous?" Elle a simplement répondu avec un sourire. "Parce que je suis
vous !"
Le rapport de Mâ avec l'Occident
Mâ n'avait reçu que très peu
d'instruction formelle à l'école, et elle n’avait pas étudié les religions dans
les livres. Quand elle était petite elle avait suivi pendant une journée, de
village en village, des missionnaires chrétiens qui venaient prêcher et chanter
leurs cantiques. Elle raconte qu'à cette
occasion-là, elle était déjà rentrée en extase. Quant à son jeune beau-frère,
il avait un beau jour bel et bien disparu de la famille, "kidnappé"
par une secte protestante. Ce n'est que plusieurs dizaines d'années plus tard
qu'il est venu la retrouver à Calcutta, devenu un pasteur classique. Elle s'est
bien entendue avec lui, et il a pu rétablir ainsi une relation avec sa famille.
Un jour, Mâ a demandé à une occidentale quelle était sa
religion, et celle-ci lui a répondu qu'elle était catholique. Mâ s'est exclamée
: "Je suis chrétienne, hindoue et musulmane!" Il s'agissait bien sûr
directement de l'expression de son état au-delà des religions, mais aussi de
cet aspect de maternité spirituelle prononcée qui lui a valu son nom de Mâ.
Supposons qu'entre une mère et son enfant, l’un des deux décide de changer de
religion, cela n'empêchera pas la relation mère-enfant de continuer.
Mâ connaissait plus directement
l'islam, car toute une partie du village de Khéora où elle était née était en
fait musulmane. Elle avait de bonnes relations avec ses voisins en tant que
petite fille, et actuellement encore, le président de l'association de Mâ
Anandamayî dans le village est en fait un musulman. Cependant, elle a gardé son
style de vie purement hindou, et elle est restée réaliste. Par exemple, un an
avant les massacres de la partition au Bangladesh, elle est venue brièvement à
Dacca et a parlé pendant toute la nuit avec ses disciples qui défilaient pour la voir. Elle a vivement conseillé à
tous ceux qui voulaient bien l'entendre de quitter le pays, et c'est grâce à
cela que ceux-ci ont pu se réinstaller dans de bonnes conditions à Calcutta ou
à Bénarès par exemple, et ne pas périr dans les émeutes et la guerre civile
quelques temps plus tard. Son premier ashram qui était à Dacca a d'ailleurs été
rasé à cette période-là.
Un chrétien qui ne connaissait
rien à l'Inde avait demandé une fois à Vijayânanda, qui a été plus de trente
ans avec Mâ, de lui expliquer simplement quel était son enseignement spirituel.
Il lui a répondu qu'il était comme la petite voie de Sainte Thérèse de Lisieux
: voir l'essence complète de l'Absolu, du Divin, dans le quotidien.
Certains occidentaux seront
peut-être étonnés ou frustrés par le fait que Mâ ne donnait pas un enseignement
formel de hatha-yoga, prânâyâma, et d'exercice de méditation
précis, ce qu'en Inde on appelle kriya.
En fait, elle en enseignait, mais toujours en privé dans une relation en tête à
tête avec ses disciples. Elle ajoutait même qu'il s'agissait d'exercices
secrets. Cette manière de faire est classique dans la tradition, il faut
comprendre aussi qu'il y avait un aspect pratique : si chacun dans l'ashram
s’était mis à raconter les exercices que lui avait donnés Mâ, les gens se
seraient mis à comparer et fatalement à critiquer d'une manière ou d'une autre,
il valait donc mieux que chacun se préoccupe de ce qu'il avait à faire.
Vijayânanda qui avait beaucoup pratiqué ces kriyas
au début, considérait rétrospectivement qu'ils n'étaient pas si importants.
L'essentiel reste shaktipat , la
transmission globale d'énergie de maître à
disciple. Quand par le canal d'une relation réelle, celle-ci est
établie, on pourrait dire en quelque
sorte que tous les exercices marchent. Nous pouvons mentionner une autre
comparaison qu'aimait prendre Mâ : il faut tenir le vase tourné vers le haut
quand la pluie tombe. À ce moment-là, l'élève pourra recueillir quelque chose,
mais s'il garde le vase tourné vers le bas, ce ne sera guère utile.
Pour conclure ces réflexions sur
le rapport de Mâ avec l'Occident, nous
pouvons dire que celui-ci a besoin d'une présence forte du féminin spirituel,
et Mâ dans ce sens correspond à une incarnation de l'anima dirait les jungiens, où à l'archétype de la déesse blanche.
On peut voir à ce sujet Robert Graves La
déesse blanche. Jean-Claude Marol qui avait rencontré Mâ avait écrit juste avant sa propre mort un
livre entier sur elle : "La saturée
de joie". Il y fait, entre autres, un beau rapprochement entre Mâ et
la Dame du Moyen-âge, à la fois objet d'amour transformé et assimilé à la
Vierge Marie. Il y a une sorte de lame de fond dans le nouvel esprit religieux
en ce début du XXIe siècle pour faire en sorte que le Féminin supérieur ait une
bien plus grande place en pratique dans la spiritualité : dans ce sens, une étude et
compréhension profonde de la vie et de l'enseignement de Mâ Anandamayî pourra être fort utile.
Pour aller plus loin dans les éditions d’il y a quelques années :
- Il y a eu un numéro hors-série du Monde
des Religions sur les maîtres spirituels (n°4) écrit en grande partie par Jean
Mouttapa. Son article sur Mâ Anandamayî en donnait une vue d'ensemble correcte
en 3 ou 4 pages, ainsi qu’en couverture du numéro, assise en méditation quand
elle était jeune avec une zone lumineuse apparaissant directement au niveau de son
troisième oeil, ce qui s'était manifesté directement sur cette photo, prise à
Cox Bazar sur les rives du Golfe du Bengale à un moment où elle sortait juste
du samadhi. Il s'agissait évidemment
d'un phénomène peu ordinaire.
- La collection de spiritualité d'Albin Michel, dont s'occupe aussi Jean
Mouttapa ainsi que Marc de Smedt, a publié depuis longtemps le livre de
référence sur Mâ : L'enseignement de
Mâ Anandamayî traduit par Josette
Herbert.
- Nous avons cité la biographie de Mâ par Jean-Claude Marol, La saturée de joie chez Dervy (Ce titre
correspond à un sens possible de son nom 'Anandamayî)
- Un autre livre de paroles et photos de Mâ, En tout et pour tout, donna à méditer. Il n'est plus disponible
actuellement dans le commerce, mais on peut sans doute se le procurer en
écrivant à Claude Portal 12 rue Lamartine7800 Saint-Germain.
- Nous pouvons également citer Aux
sources de la joie, chez Albin Michel, Perles
de lumière à la Table ronde, et Vie
en jeu par Marol chez Accarias.
- Sur la tradition et la psychologie de la relation maître-disciple, on
pouvait lire, de Jacques Vigne Le maître
et le thérapeute Albin Michel/Spiritualités, 1990 (momentanément épuisé)
Pour les éditions plus récentes :
- Nous trouvons ‘En compagnie de Mâ
Anandamayî’ de Bithikâ Mukerjî, traduit de l’anglais par Jacques Vigne et
Geneviève Koevoets, aux Editions Agamat (Mars 2007)
- Et le recueil de voyages, souvenirs et poèmes : ‘Voyage intérieur aux sources de la joie
(Souvenirs de l’Inde)’ de Geneviève Koevoets (Mahâjyoti) qui est sorti en
2012 aux Editions du Petit Véhicule – 20 rue du Coudray – 44000 Nantes –
Tel : 0240521494 – email : editions.petit.vehicule@gmail.com
, livre écrit en hommage à Mâ, à Swami Vijayânanda et en remerciement à Jacques
Vigne qui en a composé une très jolie préface.
- Et puis il existe notre petite brochure trimestrielle de l'enseignement
de Mâ Anandamayî, le ‘JAY MA’, ici
présent…pour vous servir !
La Kumbha-méla
de Prayag et la
vitalité du pluralisme religieux de
l'Inde
Par Vigyânânand (Dr. Jacques Vigne)
qui vient
d’accompagner un voyage de groupe à la Kumbha-Méla de Février 2013
La Kumbha-méla est a priori le plus grand
pèlerinage de l'humanité, avec 30 millions de personnes en tout qui se
réunissent au même endroit sur deux mois. Elle prend place une fois tous les 12
ans en un lieu, mais il y a quatre endroits où elle se déroule : Prayag (à
quelques kilomètres de la ville d’Allahabad), Hardwar, Ujjaïn et Nashik. Les
deux principaux rassemblements sont associés au Gange, c'est-à-dire Hardwar et
Prayag. Ce dernier nom signifie « confluence » et il est de la même
racine que yoga. Il désigne la
rencontre du Gange et de la Yamuna, à 120 kms environ avant Bénarès quand on
vient de Delhi.
En suivant le cycle de douze ans de Jupiter
La Kumbha-méla suit le cycle de la
révolution de Jupiter, qui est d’entre onze et douze ans. C’est un mode
d’inscription fondamental dans la nature de cet évènement humain considérable.
Il n’est pas décidé par des compulsions temporaires de politique, voire de
politique religieuse, mais il est géré par le Roi des astres lui-même, Jupiter,
Brihaspati pour les hindous. J'ai moi-même visité cette Kumbha-méla de Prayag
en 1989, il y a 24 ans, et aussi il y a 12 ans en 2001. Cette fois-ci, j'étais
avec un grand groupe de plus d’une cinquantaine de francophones, dont une
dizaine de membres de l’Association Marocaine de Yoga accompagnés par Driss
Benzouine, et en plus, il y avait à certains moments avec nous une équipe
de tournage d’Arte de six personnes.
Nous avons pu prendre un des plus grands bains des deux mois festifs à la
confluence de deux fleuves, appelée aussi sangam,
‘ce qui va ensemble’ ou triveni, ‘(la
rencontre) des trois courants’. Il
s'agissait de Mauni amavasya,
littéralement « la nouvelle lune des silencieux », celle de février donc
qui est reliée à Shiva, le dieu de la méditation. Même en dehors de la
Kumbha-méla, cette nouvelle lune correspond à une date importante du calendrier
religieux hindou. Mâ Anandamayî présentait la Kumbha-méla comme l'étendard de
l’hindouisme, et on peut comprendre cette image en contemplant l'étendue
bariolée des camps, la plupart avec leurs propres drapeaux qui représentent la variété
considérable des écoles et des lignées religieuses variées. La dimension des
campements a été cette fois estimée à environ 150 km², l'endroit près de la
confluence était occupé par les Akharas,
c'est-à-dire les congrégations monastiques traditionnelles qui défilent en
premier pour les grands bains. Plus loin sont installés les mouvements plus
récents ou considérés comme moins orthodoxes, comme le mouvement de Kabir,
saint et poète du XVe siècle à Bénarès, qui prêche que les rituels, et donc le
bain de la Méla, ne sont pas utiles pour le développement spirituel… Ils ont
quand même leur place dans ce grand méli-mélo de la Méla, mot qui est en fait
de la même racine que « mélanger » en français. Là peuvent se faire
entendre des enseignements si différents qu’il peuvent sembler contradictoires.
La plus grande des fêtes végétariennes
En dehors de la quantité même de 30 millions
de personnes qui viennent camper sur les berges des fleuves en deux mois, la
Kumbha-méla est remarquable aussi du point de vue de la non-violence envers les
animaux : en effet, tout cette foule est nourrie sans tuer aucun être
vivant. Ce fait remarquable transforme la Kumbha-méla en un modèle possible
pour l'avenir d'une « humanité plus humaine ». Cela s’ajoute à
l’ancienneté, il s’agit d’un rassemblement qui se tient depuis le VIIe siècle
de l'ère commune. Le pèlerin chinois Hsiang tang la décrivait à l’époque comme
Maghméla, la ‘foire de janvier’ organisée par l’empereur Harshvardhan, ‘celui
qui encourage : vardhan, et
la joie : harsha’. Pour en
revenir à la caractéristique végétarienne de ce pèlerinage, il faut savoir que
la viande, surtout en excès pose déjà toute une série de problèmes pour la
santé de celui qui en consomme. On souligne par exemple maintenant de plus en
plus l'affinité particulière des tumeurs cancéreuses en cours de développement
avec les protéines animales. L'élevage intensif, en plus de la souffrance des
animaux eux-mêmes, provoque de nombreuses complications écologiques :
production de gaz à effet de serre, rentabilité nutritive faible de la
production de protéines animales par rapport aux protéines végétales de base,
pour produire 1kg des premières il faut 15kg des secondes, et nécessité de
multiples soutiens gouvernementaux aux éleveurs qui augmentent en fait le prix
réel de la viande. L’ironie des choses
est que les végétariens doivent aussi payer ces subsides par le jeu des impôts,
et soutenir ainsi une passion avec laquelle ils ne sont pas d’accord.…
En plus du bain rituel dans le Gange,
l'élément important de cette rencontre est l'enseignement religieux, et la
chance de pouvoir rencontrer les moines, sannyâsis
ou sadhous souvent dispersés ou
isolés mais qui confluent en grand nombre à cet endroit et à ce moment-là. Le
nectar d'immortalité associé à l'eau du Gange devient alors l'ambroisie des
enseignements spirituels eux-mêmes. Les sannyâsis
sont reliés à Shankarâcharya, fondateur de l’advaïta-védanta
et vivent en général surtout dans des ashrams déterminés avec un gourou bien
connu. La notion de sadhou est plus large, elle se réfère surtout aux religieux
qui partent sur les routes, dont le gourou est moins connu et souvent plus
lointain, quand il existe. Ces sadhous semblent bien être les derniers être
libres de la planète, comme le soutient Patrick Lévy dans son livre récent, Sadhous. Certes, leur vie a en général
une certaine structure, ils bénéficient d’endroits fixes où ils peuvent être
nourris et soignés. Ils s’y reposent des rigueurs de la route. Le peuple indien
sait très bien le type de pratiques spirituelles qu'ils sont censés faire. Il
les soutiendra moins s'il voit qu’ils ne se conforment pas à ce modèle de vie
spirituelle. Il y a une tolérance pour leur consommation de hashis pendant la
Méla, mais ceci est mal vu des autorités religieuses et des sannyâsis conscients de leurs
responsabilités vis-à-vis de leur idéal et de la société.
Yoga-méla
La confluence du Gange et de la Yamuna a
aussi un sens en yoga, sur lequel ont insisté la plupart des religieux que nous
avons rencontrés : le Gange et la Yamuna représentent respectivement ida et pingala, les canaux latéraux, droit et gauche, c'est-à-dire la
rencontre des deux courants de sensations latéraux. Le troisième est l'axe
central, plus secret, rapproché d'une rivière cachée, la Sarasvatî, qui est à
la fois le nom de la déesse des rivières (saras-
signifie ‘rivière’) et de la connaissance. Quand tant de gens religieux
rencontrent tant de laïcs avides de recevoir l'enseignement, il est évident que
Sarasvatî est honorée… Un socle humain de la Kumbha-méla discret, mais
fondamental, est représenté par les Kalpavâsis.
On estime qu’ils sont environ cent milles. Ce sont les résidents qui font le
voeu de rester sur place toute la durée de la Kumbh : en plus de bains
quotidiens et de restrictions alimentaires, un seul repas par jour, ils vont
s'asseoir pour écouter les discours, les chants dévotionnels, les théâtres
sacrés sur l’histoire de Râm et Krishna qui sont aussi une forme
d'enseignement. Ils participent aussi à la récitation à long terme d'un mantra
donné. Certains camps chantent le même mantra continûment jour et nuit pendant
les deux mois de la Méla. La méditation est une culture de l’esprit. Comme
l’agriculture dans l’évolution de l’humanité, elle représente un progrès par
rapport au fonctionnement ordinaire des gens, qui grappillent de-ci de-là des
expériences intérieures plus ou moins au hasard, sans pouvoir les développer et
« engranger » de façon systématique. Ils en sont au fond au stade des
cueilleurs-chasseurs, souvent exposés à la famine.
Nous en venons à un paradoxe certain de ce
rassemblement, il s'agit du bruit. Déjà dans les descriptions des pèlerins des
années 30, on se plaignait de l'apparition des micros et du fond de bruit que
cela produisait. La première impression de la Kumbha-méla est a priori, il faut
l’avouer, cacophonique-chaotique. En principe, à la fois les religieux et les
laïcs qui viennent à la Méla sont censés avoir eu leurs méditations profondes
dans des endroits plus tranquilles, et viennent là surtout pour le rituel de
bains et les rencontres. Même si les kalpavâsis
effectuent pour leur part des pratiques personnelles intensives pendant les
deux mois, la Méla n'est pas considérée en tant que telle comme un lieu de
pratique approfondie, celle-ci requiert beaucoup plus de silence !
J’ai pu participer au tournage d'une
émission sur l’évènement pour la chaîne Arte. L'émission passera en septembre
dans une série d’une vingtaine d’épisodes sur différents lieux sacrés de la
planète. Le nom de cette série sera : « En quête d'ailleurs ». Le co-auteur de
cette émission, Philippe, était là et nous nous sommes promenés dans différents
endroits de la Méla. Il me posait des questions et je donnais certaines
explications. La dernière prise de vue a été notre plongeon côte à côte dans le
Gange le matin du grand bain avant l’aube. Froid un 10 février, mais
revigorant !
L’équipe de tournage était dirigée par une
réalisatrice, Rébecca Boulanger, qui est bouddhiste depuis une vingtaine
d’années, cela facilitait pour elle une intuition plus approfondie de ce qui se
passait. En effet, hindouisme et bouddhisme ont partie liée depuis le début. Le
Dalaï-lama a d’ailleurs essayé deux fois de venir à la Kumbha-méla, comme il
l’avait fait en 2001. Les programmes étaient annoncés, mais ont été annulés en
fait par le gouvernement de l’Uttarpradesh en prenant le prétexte des raisons
de sécurité. J’ai parlé directement avec un officier de police qui était à
cette réunion où Sa Sainteté aurait dû venir, et il m’a dit directement qu’il
s’agissait d’un mauvais prétexte, l’équipe présente, dont il faisait partie,
aurait été tout à fait capable d’assurer la protection du chef spirituel des
Tibétains, ils étaient là pour ça. La raison réelle a dû être les pressions du
gouvernement chinois sur un gouvernement de l’Uttar Pradesh faible et connu
pour sa corruption endémique.
Le lien profond de l’hindou avec le Gange
est un bel exemple d’écologie spirituelle. Certes, les critiques diront qu’il y
a un problème de cohérence, car la lutte pour dépolluer le fleuve n’est pas
aussi importante qu’elle devrait être. Comme les autres pays en voie
d’industrialisation, l’Inde fait face à des problèmes d’environnement
importants. Ce n’est pas facile par exemple d’installer du jour au lendemain un
système d’eaux usées non polluant pour un bassin fluvial comme celui du Gange
qui abrite 400 millions d’habitants. Nous ne pouvons que souhaiter une
meilleure coordination entre les enseignants religieux, les ONG et les
instances gouvernementales pour faire face à ce problème qui concerne tous.
Un communiste repentant devenu gourou
Nous avons eu la chance de pouvoir
interviewer avec l’équipe d’Arte le chef d'une des quatre grandes écoles du
vishnouisme, ce dernier mouvement représentant avec le shivaïsme la plus grosse
partie de l'hindouisme. Il est le successeur direct de Râmânanda, qui avait été
au XVe siècle le gourou du grand saint et poète Kabir. Dans ce sens, on
l'appelle Râmânandâcharya, âcharya
signifiant ‘guide, enseignant’. Il nous a confié beaucoup de témoignages directs sur sa vie de
renonçant depuis plus d'un demi-siècle, il s'est engagé dans la vie d'ashram à
14 ans et en a maintenant 69. Ce qui l’a motivé au départ, il le reconnaissait
honnêtement, c'était l’envie de liberté pour étudier loin des soucis de la vie
de famille et aussi la volonté d'être célèbre par ses livres. Il avouait avoir
admiré au début les auteurs communistes qu’il dévorait, non seulement Marx et
Engels, mais aussi Lénine et Staline.
Cependant, avec la maturation, il a compris toute l'importance des
pratiques de libération, de moksha,
pour stabiliser la joie intérieure et l'indépendance de pensée et il est revenu
à une perspective religieuse plus traditionnelle. Il nous a aussi montré sa
peau, qui avait l'air de celle de quelqu'un de 40 ou 50 ans, en faisant
remarquer que depuis un demi-siècle, il n'avait jamais utilisé de savon… Les
sadhous et hindous traditionnels, quand ils veulent faire un grand nettoyage
personnel, utilisent de la cendre, sinon c'est l'eau directement.
La Kumbha-méla aujourd’hui et la mondialisation
La presse indienne parlait vers mi-février
de 40000 occidentaux qui avaient visité la Méla, et expliquait qu'on en
attendait encore une vingtaine de milliers d'ici la fin de l'évènement.
Certains enseignants indiens ont un grand nombre d'élèves dans les pays
germanophones ou de l’est, les russes en particulier étaient bien représentés.
Peut-être que le fond mystique orthodoxe et chamanique de leur culture les
prépare plus à la rencontre avec l'hindouisme. De plus, après non seulement 70
ans de totalitarisme communiste, mais avant cela un millénaire d'exclusivisme
chrétien, le pluralisme de l'hindouisme évident à la Méla représente pour eux
un bain de jouvence, une thérapie en quelque sorte pour effacer les traumas
d’une intolérance qui a été souvent plus brutale en Russie qu’ailleurs. En
outre, cette intolérance est au fond de plus en plus en contradiction avec la
modernité.
Du point de vue de religions comparées, il
est important de noter qu'il y a, en fait, beaucoup plus de monde à la
Kumbha-méla, environ 30 millions, qu'au pèlerinage annuel de la Mecque où il
n’en vient que quelques millions. Pourtant, il s’agit d’une obligation au moins
une fois dans la vie dans une religion qui se présente comme mondiale. Il y a des raisons à cela, déjà économiques:
il y a environ six cent millions d'hindous habitant le nord ou le centre du
pays qui peuvent potentiellement voyager en train de seconde classe et faire
l’aller-retour pour la Kumbha-méla pour disons 20 euros, alors qu'un croyant du
pays d'islam le plus peuplé, c'est-à-dire l'Indonésie, devra payer un billet
d'avion de mille euros ou plus pour s'acquitter de son obligation de pèlerinage
à la Mecque. Cela fait beaucoup pour des fidèles qui sont pauvres. C'est en
quelque sorte un des prix à payer pour la volonté de mondialisation d'une
religion au départ, locale.
Il y avait un certain nombre d'autres
chaînes de télévisions mondiales à la Kumbha-méla. Ceci va bien, en fait, dans
le sens de ce rassemblement, qui a été conçu dès le départ, nous l'avons dit,
pour la rencontre entre des religieux qui vivent en général assez retirés, et
les laïcs. Au début, ces laïcs étaient conçus comme purement hindous,
maintenant ils peuvent être dispersés dans le monde entier, et être touchés par
le message fondamental de non-violence et de pluralisme que représente ce plus
grand pèlerinage du monde. Ce message est important à une époque où l’autre
grand bloc religieux de l’humanité, le monothéisme, en arrive après trois millénaires
d’évolution et de raffinements théologiques et métaphysiques, à la perspective
brutale de la guerre sainte nucléaire au Moyen-orient. Il faut regarder en face
la raison principale de cette absurdité des absurdités, c’est la passion
religieuse, supprimer physiquement ceux qui ne sont pas d’accord avec votre
définition du Dieu unique. C’est cette question de fond que fuient justement
les esprits superficiels en s’étourdissant avec le bruit de l’actualité.
L’Europe a eu en quelque sorte besoin des 60 millions de morts des deux guerres
mondiales pour laisser tomber en pratique le christianisme, en réalisant en
particulier que ce dernier n’a pas fait grand-chose pour empêcher le désastre,
les épiscopats du côté français comme allemand ayant été plutôt va-t-en guerre.
Est-ce que le Moyen-Orient aura besoin d’une guerre sainte nucléaire pour
laisser tomber l’islam ? C’est malheureusement une question qui se pose
concrètement, on peut dire de façon brûlante. Dans ce sens, ceux qui sont
capables d’avoir une vision à long terme et non émotionnelle des choses se
tournent vers l’Orient, en particulier l’hindouisme et le bouddhisme qui sont
d’avis que ahimsa est paramdharma, la non-violence est la
religion suprême. Avec sa masse de presque deux milliards de personnes,
l’ensemble hindouisme-bouddhisme fait un contrepoids salutaire à la violence
monothéiste qui est en train de faire sombrer le Moyen-Orient dans le chaos.
Voilà un message qui mérite d’être
mondialisé : il nous est donné en direct par ce plus grand rassemblement religieux de l’humanité
qui vient d’avoir lieu, espérons que nombreux seront ceux qui sauront l’écouter
et en développer pratiquement une vision moins conflictuelle du monde, en
particulier du monde religieux, et un rapport à la nature plus sain, voire,
pourquoi pas, plus saint.
(Un autre aspect de la Kumbha-méla sera développé
dans le prochain N° 109 par Monique Manfrini qui a participé au voyage)
तैत्तिर्योपनिषद्
Taittirya
Upanishad
Marie-France Martin, qui réside à Kankhal, a fait un travail magistral en
offrant une traduction en français de la Taittirya Upanishad. Un travail colossal dont nous vous avons parlé
dans le précédent JAY MA, et dont nous donnons ici quelques extraits.
Explications
préalables de Marie-France Martin
Disciple de Swami Vijayânanda, qui disait que les Upanishads étaient ce que l’humanité avait produit de plus précieux
en matière de littérature sacrée, je ne suis ni écrivain ni sanscritiste. Son Upanishad préférée était la Taittirya. A l’époque, je l’avais cherchée,
et je m’étais rendue compte qu’en français, il n’en existait que des extraits,
ou un travail réalisé par des universitaires et pour des universitaires. Je
voudrais mettre à la disposition de chercheurs spirituels, et d’abord de ses
autres disciples, une version en français destinée à la prière et à la
méditation. Convaincue que les vibrations du sanscrit ont une valeur propre,
j’ai voulu écrire de telle sorte que des personnes ne connaissant pas
l’alphabet devanagari, et pas non plus les signes utilisés pour écrire le
sanscrit en alphabet latin, qui ont été faits par rapport à la phonétique de
l’anglais et non du français, puissent prononcer ces mantras le moins mal possible. Pour les prononcer bien, je crois la
connaissance de l’alphabet devanagari, ou au moins d’un autre alphabet indien,
indispensable. Le sanscrit comporte des déclinaisons et des conjugaisons, et
amalgame les mots en modifiant le son du point ou ils s’amalgament. (sandhi:).
J’ai délibérément fait le choix de transcrire phonétiquement les mots tels
qu’ils apparaissent dans la phrase discutée, et non sous leur forme
dictionnaire, pour permettre de les repérer plus facilement. J’ai donc souvent
donné plusieurs versions phonétiques du même mot, mon but n’étant pas
d’enseigner le sanscrit, mais de permettre aux gens de savoir ce qu’ils disent
quand ils prononcent une phrase. Swami Vijayânanda conseillait de lire la Bhagavad Gita sans commentaire, le texte
étant suffisamment clair comme cela. Par contre, il disait que pour les Upanishads, le commentaire était
nécessaire. Le commentaire que je traduis est celui de Shankârachârya, un des,
ou le, plus grand philosophe du Vedanta,
voie qui était celle de Swami Vijayânanda.
(Quand il me semble nécessaire d’ajouter une
explication à celles données par Shankaracharya, je la mets en italique et entre parenthèses)
(Les informations données entre
parenthèses, en italique et script plus petit ne me sont habituellement pas
venues de lectures, mais m’ont le plus souvent été transmises oralement, principalement au cours de petits
‘satsangs’, réunions bi-hebdomadaires animées par Pushpa Khanna, dans le but de
dégager le sens spirituel de cette Upanishad)
J’ai cherché à rester le plus proche possible du texte, tant de l’Upanishad proprement dite que du
commentaire de Shankaracharya, quitte à ce que la lisibilité de mon français
laisse à désirer. Une autre option aurait renforcé le filtre qu’une traduction
est toujours, et je n’ai pas la prétention de
comprendre le texte suffisamment en profondeur pour pouvoir me permettre
de l’interpréter.
Introduction
यस्माज्जातं जगत्सर्वं यस्मिन्नेव प्रलीयते ।
येनेदं धर्यते चैव तस्मै ज्नानात्मने नमः
॥
A ce par quoi l’univers entier est né, en quoi il se dissout, et par quoi
il est soutenu, à Cela (Brahman) dont la
nature est conscience, salut.
यैरिमे गुरुभिः पूर्वं पदवाक्यप्रमाणातः ।
व्याख्याताः सर्ववेदान्तास्तान्नित्यं प्रणतोऽस्म्यह्म्॥
Devant ces gurus, qui autrefois ont expliqué le Vedanta, faisant attention aux mots, aux phrases, et à la logique
par laquelle on considère qu’une proposition est valide, je m’incline.
तैत्तिरीयकसारस्य मयाचार्यप्रसादतः ।
विस्पष्टार्थरुचीनां हि व्याख्येयं संप्रणीयते
॥
Par la grâce de mon professeur, et pour ceux qui souhaitent une explication
claire, je compose ce commentaire de cette Upanishad,
essence de cette portion des védas
qu’on appelle Taittirya.
Dans le texte qui précède (le Taittirya
Arianyaka, dont la Taittirya
Upanishad est une partie) nous avons
étudié les obligations destinées à diminuer les péchés accumulés, et les rites
facultatifs destinés à ceux qui veulent obtenir quelque chose. Commence
maintenant la section sur la connaissance de Brahman, et nous chercherons à
élucider les raisons qui conduisent à exécuter une action productrice de Karma.
Le désir doit être la source du Karma, vu qu’il est le stimulant de
l’action ; car ceux dont tous les désirs sont comblés n’ont aucune envie
d’agir. Sans désirs, ils sont immobiles, centrés sur leur soi. Et le fait que
les désirs soient comblés vient du désir du Soi, dans la mesure où le Soi, en
réalité, est Brahman ; celui qui Le connaît a atteint l’état le plus élevé
qui soit. Par conséquent, la cessation de l’ignorance, consiste à rester stable
dans sa propre conscience, à réaliser le suprême. « Il atteint l’état de
non-peur » 2/7/2, « Il atteint ce Soi fait de bonheur »
2/8/5.
Objection :
Ne peut-on pas dire que cette libération consiste dans le fait de rester
stable dans sa propre conscience sans aucun effort, état qui serait la
conséquence du fait de n’entreprendre aucune action interdite ou non
obligatoire. Le karma actuel serait consommé par le fait d’en expérimenter les
conséquences, et par l’absence de péché grâce à l’accomplissement des actes
prescrits. Ou peut-être la libération serait le résultat de ces actes, car le
karma est l’origine de cette joie insurpassable qu’on appelle paradis.
Réponse :
C’est impossible, car le karma est multifactoriel, il se peut que des
actions, faites dans des vies précédentes, mais fructifiant dans cette vie, ou
demeurant à l’état latent aient des résultats mélangés, bons et mauvais. Par
conséquent, comme ces actions qui n’ont pas commencé à porter leurs fruits ne
peuvent pas être épuisées en une seule vie, il est raisonnable de penser qu’un
nouveau corps va être créé pour les épuiser. Et l’existence de ces fruits
résiduels de l’action est également prouvée par des centaines de textes des Vedas et d’autres écrits traditionnels
comme « parmi eux, ceux qui ont fait des actes méritoires ici,
(atteindront de bonnes naissances) », «Grâce à des résultats
résiduels »
Objection :
Les rites obligatoires sont calculés pour consommer tous les fruits, bons
ou mauvais, des actions qui ne sont pas encore arrivées à maturité.
Réponse :
Non, car il est écrit que ne pas les exécuter occasionne pratyavâya et le mot pratyavâya signifie conséquences
fâcheuses. Comme il est admis que les rites obligatoires sont faits pour éviter
ces conséquences, en termes de futures souffrances, ils ne peuvent pas être
faits pour consommer tous les fruits des actions qui ne sont pas encore
arrivées à maturité. Il est vrai que les rites obligatoires peuvent dissiper
les actions encore latentes, mais uniquement les mauvaises et non les bonnes,
car il n’y a pas de contradiction entre les bonnes actions et les rites
obligatoires. Logiquement, on ne peut pas les opposer, on ne peut opposer que
le bon et le mauvais.
De plus, comme les désirs, qui sont les ressorts de l’action, ne peuvent
pas céder avant l’illumination, il est impossible que les rites suppriment
complètement les actions. Comme le désir a pour objet autre chose que le Soi,
c’est l’état de quelqu’un qui n’a pas réalisé le Soi ; Il ne peut pas y
avoir de désir dans son propre Soi, pour quelqu’un qui l’a réalisé. Et le Soi
est le suprême Brahman. Par ailleurs, le fait de ne pas exécuter les rites
obligatoires est un non-acte, et un non-acte ne peut pas avoir de mauvaises
conséquences. Cette non-exécution est donc un marqueur du fait que les péchés
accumulés dans le passé vont porter leurs fruits de mauvaises conséquences.
Autrement, une entité positive serait créée à partir d’une non-entité, ce qui
est contraire à la logique. Dans le monde, ce qui se passe n’est pas éternel.
Par conséquent, la libération ne vient pas de l’action.
Objection :
Des actions associées à la connaissance peuvent produire quelque chose de
permanent.
Réponse :
Non, c’est contradictoire. L’éternel et le créé sont contradictoires.
Objection :
Ce qui est complètement détruit ne revient pas à l’existence, et devient
donc non-existant de façon permanente. Donc la libération, qui est permanente,
peut arriver en tant que non-existence par la destruction.
Réponse :
Non, car la libération est quelque chose de positif. Il est impossible que
la non-existence ait un commencement. La non-existence n’est qu’un concept,
opposé à celui d’existence. L’existence, celle d’un pot ou d’un tissu, par
exemple, est différenciée. La non-existence ne l’est pas, même si on l’imagine
telle, l’associant à une action ou à une qualité. La non-existence ne peut pas
être qualifiée comme le serait un lotus, par exemple. Si elle l’était, elle
deviendrait existence.
Objection :
Comme l’agent de la méditation et de l’action est éternel, le salut qui en
résulte est également éternel.
Réponse :
Non, car le fait d’être agent, qui coule comme le Gange, est un mal en soi.
Si l’agent disparaît, la libération cessera d’exister. Donc, à la disparition
de l’ignorance, du désir et de l’action, causes du fait qu’il y a un agent, le
Soi reste stable en lui-même, ce qui constitue la libération. Le Soi est
Brahman. C’est réaliser cela qui constitue la libération.
Voila le début de cette Upanishad,
destinée à conduire à la connaissance de Brahman. C’est cette connaissance
qu’on appelle Upanishad, car, pour
ceux qui s’y consacrent, elle atténue ou met fin aux choses comme la naissance
et la vieillesse, ou parce qu’elle rapproche de Brahman, ou parce qu’elle fait
le bien suprême. Et le livre aussi
s’appelle Upanishad, car il est écrit
dans ce but.
Un
Grand Oiseau
(Par Marie-Odile Cadé en hommage à
Jacques Vigne à l’occasion de sa longue tournée)
Un grand oiseau est venu se poser à Châlons
Je l’ai accueilli avec émotion
Reconnaissant sa tête noire, ses pattes grises
Et ses immenses ailes blanches s’ouvrant au moment
présent.
Un drôle d’oiseau est venu se poser à Châlons
A la fois calme et sans cesse en mouvement
Silencieux et bavard
Intériorisé et en multiples relations.
Un oiseau aimant est venu se poser à Châlons
Il a nourri d’autres oiseaux par son enseignement
Par sa présence amicale et réconfortante
Par sa joie qui explose en rires tonitruants
Un bel oiseau est reparti de Châlons.
Au moment du départ ses yeux se sont éclairés
D’une douce lumière intérieure
Infiniment brillante, infiniment profonde.
Ces yeux de lumière demeurent en mon cœur
Comme ceux de ma sœur mourante
Comme ceux des sages rencontrés en ma vie
Ils avivent en moi un espace infini, qui
m’appelle…
Deux
autres rêves liés à Mâ – Proposés par Sundari
(Suite
du N° 107)
Prédiction de la rencontre avec Mâ
(juillet 78)
Partie en vacances avec
Philippe, tous deux invités sur le bateau d’amis. Nuit au port de Sainte
Maxime, dodo sur le bateau. Bercée par la souplesse de l’eau sous-jacente, cela
me met dans un état de conscience particulier. Je m’endors dans un état de
méditation. Et la nuit, je rêve de Mâ. Elle m’apparaît debout, tout en haut
d’un mur de briques sans aucune ouverture, ni portes ni fenêtres. Elle
m’annonce simplement : nous nous rencontrerons sous 3 ans. Elle ne
parle pas, c’est dans le silence qu’elle me transmet cette information. Le rêve
est très simple, presque banal. Au réveil, je me demande ce que peut bien
représenter le mur : il est assez haut, je suis tout en bas, les briques
évoquent une construction de main d’homme, et aussi, pour moi, les usines, la
laideur des faubourgs industriels, disons-le, une laideur, une médiocrité
auxquelles je ne voudrais surtout pas être soumise... Il est la somme de toutes ces briques que
nous posons, et qui aboutissent à des mondes de souffrance, d’exploitation, des
univers mentaux cloisonnés et finalement à ce mur de la séparation, sans
portes, devenu infranchissable. J’ai le sentiment que c’est nous qui avons tous
construit de tels murs... Des murs qu’il n’est plus en notre pouvoir de
défaire. Mâ se tient au-dessus du mur. Elle n’est pas limitée par ‘nos' murs,
Elle se tient au-dessus de toute la médiocrité dont nous sommes capables. Elle
se tient au-dessus de ce mur qu’est l’ego.
Le rêve me montre bien que je
ne peux le franchir. Si l’aide du Maître ne nous délivre pas, en fait, nous
n’avons aucune chance de retrouver la liberté, aucune chance de reprendre de la
hauteur dans l’échelle des êtres. Au réveil, je sens bien que Mâ se tient
au-dessus de l’infranchissable. C’est le seul moyen de nous rejoindre. Elle me
fera franchir ce haut mur sans porte ni ouverture.
Et je sens aussi combien Elle est
libre, absolument libre… Mon Dieu, comme j’ai envie de La rejoindre…
Les fleurs immaculées
Je suis un tunnel tout noir
et interminable, tortueux, inquiétant, désespérant. Chaque fois que je crois
enfin émerger de ce tunnel, il continue. Je marche courageusement, mais il
semble n’avoir jamais de fin. Je deviens très inquiète, mais continue
d’avancer. Tout d’un coup, l’étroit boyau s’élargit de façon incroyable. Je me
trouve alors dans une immense salle, au plafond aussi haut qu’une cathédrale,
où l’abondance de lumière est merveilleuse. Une lumière blanche, douce, irisée,
parfaite. Et partout se trouvent de sublimes fleurs blanches, plus hautes que
moi, d’une beauté extraordinaire. Je me sens enfin libre, enfin heureuse. Ce
rêve est revenu plusieurs fois. Il pourrait, à première vue, faire allusion à
l’accouchement (le tunnel tortueux et sombre), mais ma naissance fut en fait
très rapide. Je crois plutôt que le tunnel exprime surtout l’errance par
laquelle j’ai dû passer toute mon enfance et mon adolescence, loin de toute
lumière spirituelle, ce qui me faisait beaucoup souffrir. Les fleurs sont d’une
beauté surnaturelle, divine –c’est la première fois que cette dimension se
traduit pour moi sous la forme d’une image, et à cette époque, je n’en
reconnais pas la qualité « divine ». Par contre, la jeune fille que
je suis, toute éprise de pureté, se trouve dans le rêve, émerveillée, amoureuse
de cette blancheur lumineuse et douce, totalement pure. Le nom de jeune fille
de Mâ est Nirmalâ, qui signifie « blancheur immaculée », ce que
j’ignorais totalement à l’époque où j’ai fait ce rêve. Ce que je sais, c’est
que j’ai relié d’instinct ce rêve à Mâ, et que je me suis réveillée bouleversée
par tant de beauté. Et fortement encouragée à avancer !!!
Le
son du silence
(Par
(Voici
un petit texte, témoignage d'une expérience méditative avec Jacques Vigne)
Le son du silence.
S'asseoir, inviter le corps à se poser,
s'asseoir en soi, calmer le mental,
s'asseoir, être à soi, attendre le silence et la paix.
Mais la paix et le silence ne sont pas dans l'immobile ni dans la présence à
soi.
Pensées, émotions, tout est énergie. Le son de la vie intérieure empli tout
l'être.
S'asseoir, encore et encore, aller vers soi dans ce tumulte vital.
Se saisir délicatement mais fermement de l’attention, clef du silence.
Cheval sauvage qui veille notre vie; qui galope vers le moindre évènement pour
le flairer.
Sauter sur le dos de l’attention, saisir sa crinière, la mener à la source du
souffle.
A chaque ‘distraction chute’, remonter en selle, ramener la monture au point
d’attache.
Avec patience et tendresse, douceur et fermeté, l'inviter à accepter ce
qui est pour elle contre nature : ne rien faire, juste se fixer sur
un point sans saveur, sans intérêt.
Le silence et la paix ne sont pas à l'attache de la source du souffle.
L'effort calme la bête.
Dans un éclair, l'être apparaît; furtivement, une grande lumière chaude, le regard
intérieur soudainement uni; le temps d'un rien, d'une connection subite avec
nos cinquante mille milliards de cellules; le temps d'autres riens;
éclairs de plus en plus longs et lumineux.
La ‘lampe conscience’, libre de toute tâche, éclaire le tout; et puis s'éteint
dans le bouillonnement de la vie; renaît et redisparaît.
Chaque distraction la souffle. Le flot du vivant la fait vaciller et
l'absorbe .Quitter doucement l’attraction, revenir à la source. C'est elle qui
la fortifie.
Le silence et la paix ne sont pas dans l'effort.
Jouer sur les rênes : tendus, l'attention reste tranquille; mais
la conscience n'éclaire que le point d'encrage.
Trop lâches, attention et conscience sombrent dans le flot du vivant.
Trouver la tension juste.
S'asseoir et s’asseoir, avec patience, avec compassion pour soi-même.
Le silence et la paix ne sont pas dans le jeu, dans le Je, dans la crispation
du vouloir.
Sidérante, ‘l'intuition-question’ claque comme la foudre :
Qui écoute cette vie intérieure ?
Qui contemple ce tumulte ?
Le silence est la réponse.
Un silence de paix.
Je suis le silence. Je suis la paix.
Je ne le sais jamais assez.
S'asseoir et encore s’asseoir.
Accepter ce tumulte : il me révèle le silence et la paix.
Rester confondu avec ce tumulte, c'est demeurer, clandestin ignorant, dans
la matrice de la ‘non-naissance’.
Sortir du tumulte.
Devenir, ne serait-ce qu’un instant, ce regard que la mère porte
sur l’enfant dans son ventre; juste le regard.
Sortir de la fusion confuse, contempler simplement.
Echapper à la peur, au manque, connaître la satiété. Naître à soi-même, au
silence de la paix.
S’asseoir, écouter le silence.
Il est comme ce rocher plat, chauffé par le soleil. Il émerge, solide, au
milieu du flot de la vie.
Nouvelles
-
La longue tournée
(en Europe, Canada et Etats-Unis) de Jacques Vigne s’est terminée à Paris le 22
Janvier par une conférence à l’INREES (Institut National de Recherches sur les
Expériences Extraordinaires) sur invitation de son directeur Stéphane Allix, à
l’occasion de la sortie du dernier livre de Jacques ‘Ouvrir nos canaux d’énergie par la méditation’ (ex-Méditation,
émotions et corps vécu) Editions Le Relié. Ceci dans le cadre de la Revue
‘L’Inexploré’ qui reprend l’esprit de l’ancienne ‘Nouvelle Clé’.
-
Jacques Vigne
accompagnera désormais pendant plusieurs mois des voyages de groupe en Inde et
au Shri Lanka. On peut en consulter les programmes détaillés sur son
site : www.jacquesvigne.fr.st
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De la part de
Mira : Cette année, la retraite intense annuelle de Mâ
aura lieu du 3 au 11 mai dans la région parisienne. Pour tout
renseignement contactez : marieagnes.bergeon@gmail.com
Renouvellement des Abonnements
Pour la nouvelle session du ‘JAY MA’ 2013-2015
Nous y voilà ! Nous en sommes arrivés aux
renouvellements des abonnements pour la nouvelle session de deux ans, qui ira
de Mars 2013 à Mars 2015 et qui
commence avec ce N° 108 du printemps 2013…Beaucoup ont déjà renouvelé et nous
les remercions de rester ou d’entrer dans la Grande Famille de Mâ ! C’est
donc le moment, pour ceux qui en ont envie et qui ne l’ont pas encore fait, de
nous rejoindre pour leur abonnement, car ce numéro est le premier pour cette
nouvelle session de deux ans…
Merci donc d’avance à tous ceux qui
renouvelleront l’expérience du ‘JAY MA’ en se réinscrivant pour ces deux années
à venir auprès de José Sanchez Gonzalez
pour la partie administrative : 10 rue Tibère – 84110
Vaison-La-Romaine – nagajo3@yahoo.fr – 0634988222 et ensuite auprès de Geneviève (Mahâjyoti)
qui en gère bénévolement l’édition, pour qu’elle puisse procéder aux envois en
vous remettant sur ses nouvelles listes : koevoetsg@wanadoo.fr.
La brochure est toujours au prix de 1 Euro par
exemplaire trimestriel envoyé par email, soit 4 numéros par an. Le
renouvellement ou l’inscription se font automatiquement pour deux ans. Il faut
donc envoyer à José un chèque de 8 Euros au nom de Jacques Vigne, pour couvrir
ces deux années. Les numéros arriérés seront envoyés à tous ceux qui
s’inscriront en cours de route.
Cette brochure fut créée il y a désormais 25
ans. Elle représente un lien d’amour avec l’Inde, avec Mâ, avec les Swamis, les
lectures, les voyages, à travers la composition qu’en fait Jacques Vigne, avec
la collaboration de Mahâjyoti qui a une « lettre d’infos » à votre
disposition sur demande, pour bien comprendre la marche à suivre.
Table des matières
Paroles de Mâ
Extraites de Les Enseignements de Mâ
Anandamayî
L’Ashram de Mâ Anandamayî par Jacques
Vigne
La Kumbha-Méla de Prayag par Jacques
Vigne
Taittirya Upanishad par Marie-France
Martin
Un Grand Oiseau poème par Marie-Odile
Cadé
Deux autres rêves liés à Mâ par
Sundari (suite)
Le son du silence par
Nouvelles
Renouvellement des abonnements
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