Entretiens

 

avec Swami Nirgunananda

recueillis par Claire Landais

à l’ermitage de Dhaulchina en Himalaya

au mois d’avril 2002

 

 

 

Le texte ci-dessous représentent des entretiens entre Swami Nirgunânanda et Claire Landais  qui est venue en visite à Dhaulchina au mois d'avril 2002. Elle a mis ses notes au propre, et me les a envoyés en Inde pour révision avec Swamiji. Juste un an plus tard, nous avons vérifié ensemble à Dhaulchina certain points, il y avait en fait très peu d’erreurs ou de mauvaise compréhension dans les notes de Claire, et j'ai quelque peu réorganisé le matériel sous diverses rubriques pour le rendre plus agréable à lire et plus facile d'emploi. Certaines réponses ont été complétées ou développées par Swamiji. Même si les pensées de celui-ci sont souvent exprimées directement, l'ambiance générale du satsang est faite de questions et de réponses. J’espère que ce petit livre sera utile aux fidèles français de Mâ et à tous ceux qui ont rencontré ou rencontreront Swamiji, que ce soit lors de ses tournées en France en été ou pendant le reste de l'année à l'ermitage même.

Jacques Vigne

         Dhaulchina , le 31 mars 2003

 

 

Posez beaucoup de questions ! Pendant des années, j’ai lu cent lettres par jour à Mâ et j’ai copié ses réponses. Elles provenaient de toutes sortes de personnes : des jeunes, des vieux, des célibataires, des personnes mariées…

Mâ disait : " Ce corps ne répond pas à vos questions. C’est vous qui répondez. ". Les questions sont les vôtres, les réponses sont les vôtres.

1) Ânanda, le bonheur

Quel est le sens spirituel de notre vie ?

Le but spirituel de la vie, notre devoir aussi, c’est d’être heureux perpétuellement.

Notre vie spirituelle commence à notre naissance. Pourquoi un enfant crie-t-il à sa naissance ? Parce qu’il est dans un monde inconnu : l’air dans ses poumons, la lumière forte, les sons… Il voudrait retrouver la joie, le bien-être de ce qu’il connaissait, il veut être heureux. Etre heureux, c’est le but spirituel de la vie.

Vous pouvez donner de l’argent à quelqu’un qui en manque si vous en avez, de même vous ne pouvez donner du bonheur que si vous en avez. Donc même si certaines religions insistent sur le but de rendre heureux son prochain, être soi-même heureux est sous-entendu.

Regardez ce rhododendron, il vit ce qu’il a à vivre, pas pour nous et pourtant il nous rend heureux.

Il n’y a pas de séparation entre les actions dites spirituelles et dites non spirituelles. Il faut détruire ce mur. C’est juste dans la manière de les faire ou plutôt de les voir…On peut aller dans un temple comme on fait du jogging ou comme on fait un pèlerinage, on peut faire du jogging comme on va dans un temple… Le but spirituel de la vie c’est d’être heureux, donc tout ce que l’on fait dans le but d’être heureux perpétuellement est un chemin spirituel.

L’art par exemple permet de rendre perceptible un instant de beauté éternelle. L’artiste fait l’articulation entre la beauté divine qu’il a en lui et la rend perceptible. Percevoir cette beauté qui est en lui, mais qu’il ne peut percevoir qu’en l’exprimant, le rend heureux.

 

2) Mâ

Pour moi, Mâ est un être humain parfait et aussi une mère parfaite. Si nous nous intéressons à ce que Mâ faisait ou ne faisait pas, nous pouvons nous connaître mieux. Connaître nos possibilités. On ne peut pas devenir des êtres humains parfaits mais meilleurs oui.

Mâ ne rêvait pas, ne dormait pas. Que peut-on apprendre de cela ? On peut comprendre que les rêves ne sont pas une état de repos profond. Ils sont une activité. Si quelqu’un dort huit heures et qu’il rêve six heures, il ne s’est reposé que deux heures ! On peut dormir moins surtout si on pratique des exercices spirituels. Bon, mais si on ne dort pas on tombe malade et on ne peut pas contrôler ses rêves.

Mâ était perpétuellement en alerte. En sanscrit on dit " Quand on fait perpétuellement attention, il n’y a pas d’accident… "

Mâ ne heurtait jamais personne.

Mâ ne se contredisait jamais.

Mâ ne se repentait jamais.

Mâ n’exprimait jamais de chagrin…

Mâ n’opposait jamais les religions entre elles.

Mâ n’obligeait jamais personne à faire quelque chose.

En occident beaucoup de gens disent ne pas aimer leur image, ne pas s’aimer eux-mêmes… D’accord des gens n’aiment pas leur image, mais ils s’aiment eux-mêmes Quand Mâ est morte, j’ai voulu me suicider parce que Mâ n’était plus physiquement avec moi ; c’est parce que je m’aimais que je voulais Mâ avec moi !

 

Comment puis-je vivre sans Mâ ?

En m’aimant moi-même. L’âme de la vie c’est se connaître soi-même, aller en soi-même. Je veux toujours en savoir plus sur les gens que j’aime.

Mâ vous nous aimez autant que nous vous aimons ? " Vous m’aimez parce que je vous  aime " a répondu Mâ. " Vous ne pouvez pas vous imaginer l’amour que j’ai pour vous. " L’amour de Mâ commence là où notre imagination s’arrête

Mâ n’a jamais qualifié ou quantifié l’amour !

Mâ n’a jamais menti dans sa vie.

Un jour pendant un satsang, quelqu’un a demandé " Mâ qui êtes vous ? " J’étais très heureux car c’était aussi ma question, la question de tout le monde. Elle a répondu : " Ce que vous pensez, je le suis. " Mon problème était résolu ainsi que celui de tous ceux qui avait entendu la réponse. Elle pouvait être Lord Krishna pour l’un, Lord Shiva pour un autre ou ma mère…

Mais cette question a continué à être posée. Elle est devenue une controverse. On disait que c’était une question normale de la dévotion. C’est la seule question qui a été posée plus de 1000 fois ! Elle avait répondu la première fois à cette question à l’âge de vingt ans. Elle était une femme au foyer dans le Bengale rural et conservateur. Ce sont ses employés, ses proches qui lui ont demandé. Elle a répondu : " Mahadev, Mahadevi […] " Les gens savaient cette réponse et lui ont redemandé… C’est qu’ils ne la croyaient pas, ils doutaient. Ce n’était plus une question, c’était un défi. Nous voulons voler haut et nous passons notre temps à controverser !

 

Comment aimer Mâ ? Il n’y a pas de technique pour aimer Mâ. J’ai commencé ma vie en aimant Mâ, en aimant. Pour acquérir ce que l’on veut, on sait très bien comment faire. Pour faire quelque chose de neuf, on a besoin d’un professeur, mais aimer, on sait le faire naturellement. On pense que Mâ est spéciale, c’est pour cela qu’on souhaiterait avoir une technique spéciale. On peut regarder, toucher, caresser une photo de Mâ.

Mâ aime tout le monde de la même façon, mais nous voulons plus.

Tout le monde aime la simplicité. Il n’y a pas de simplicité spéciale. Mâ est l’incarnation de la simplicité, du naturel. J’ai perdu mon naturel. Dans le cœur de mon cœur, je la connais. Je la retrouve en Mâ.

" Mâ, je ne peux rien faire sans vous " " Mâ ne peut rien faire sans vous. "

J’ai dans ma mémoire le moment où ma mère biologique m’a aimé entièrement, sans spécificité de sexe. Et puis après ma naissance ou avoir appris si j’étais un garçon ou une file par l’échographie, elle m’a aimé en tant que garçon… puis comme garçon étudiant la biologie… C’est l’amour sans spécificité dont il faut se souvenir. Juste aimer sans rien de particulier.

Dans les milliers de lettres que Mâ a reçues, il y avait très peu de lettres d’amour. C’était surtout des lettres où les gens exposaient leurs problèmes…

 

Le Védanta est une partie des védas. Dans les védas il y a quatre livres, dans chaque livre il y a trois paries. 1- les rituels, 2- la dévotion pratique 3- la philosophie védantique. Le védanta n’exclue donc ni les rituels, ni les pratiques. La non-identification n’est pas rejeter quelque chose mais s’identifier à quelque chose de plus en plus grand. Vous êtes avocat mais vous êtes aussi un être humain, c’est plus large… jusqu’à la totalité.

Si vous contrôlez un sens, vous les contrôlez tous. Les autres suivent. Les pratiques spirituelles ne sont pas faites pour atteindre Dieu mais pour dissoudre ce qui couvre cette pureté en nous ; la bouche est le principal organe des sens que l’on puisse contrôler. Je peux réduire mon discours et mes repas.

Mon point pivot, fixe, c’est mon amour pour Mâ et ça ne bouge jamais et tout tourne autour.

Vos questions je n’y ai jamais pensé avant. Elles deviennent mes questions. Je dois y penser, trouver la réponse. C’est pour cela qu’il y a émotion. Mâ est avec moi. Ces questions sont comme des élèves pour moi.

" N’abandonnez que ce qui vous abandonne. " Les choses dont vous n’avez plus besoin s’en vont automatiquement. Un petit garçon aime son ours en peluche. Un jour il ne s’en occupe plus mais il est passionné par l’équitation…

" Je suis vous " " L’espace entre vous et moi est moi. " Mâ

L’espace a les mêmes qualités que l’amour (profondeur, invisibilité…)

Le monde existe si je suis là pour en faire l’expérience. Le monde est là pour moi au présent.

C’est parce que je perds mon unicité que je suis triste… Cette unicité est incomparable.

Mâ n’est pas une déesse pour moi. Ce n’est peut-être pas faux de le dire mais pour moi elle est ma mère. Elle est un être humain parfait peut-être, en tout cas un être humain qui n’a pas fait de faute durant toute sa vie. Pour moi, Mâ n’a pas tel ou tel niveau spirituel. Je ne pourrais en juger que de mon point de vue. Mâ est ma mère ! et j’ai besoin de Mâ, pas de Dieu.

La vie est un grand livre.

Mâ n’a jamais étudié mais elle était pleine de sagesse. Elle voyait la vie comme elle était.

Notre vie nous donne des réponses, les écritures nous embrouillent.

Pourquoi nous aimons faire des pèlerinages ? Notre vie est en elle-même un pèlerinage vers la joie. Nous sommes tous des pèlerins, croyants et incroyants ( si je ne crois pas en Dieu je crois au communisme, à l’amour ou autre...) Nous allons vers un lieu saint pour le voir, le sentir, l’aimer parce que nous avons ce lieu à l’intérieur mais nous n’avons pas le moyen de le sentir.

Un homme a besoin de toujours partager l’amour, la peine. Il ne peut pas vivre seul. Je suis heureux tout seul à Dhaulchina mais si quelqu’un vient et que je peux partager je suis encore plus heureux !

 

Je suis la voie de la bhakti, la dévotion. J’ai d’abord établi une relation humaine (ça peut être fils, ami…) ensuite je la purifie. Je pars de l’humain parce que je connais la relation de fils, mari, mère…. Et par la pratique je l’élève sur un plan divin. C’est une part de la dévotion. J’ai établi une relation et quand je pose la question who are you. Je coupe la relation. Je ne peux plus sublimer cette relation, il n’y en a plus.

Sadhana vient du sanscrit : swa +dhan, c’est à dire soi-même + trésor : retrouver son trésor.

Swami Ramdas était un maître très exclusif. Il disait, je suis Ram, venez avec moi, nous irons ensemble jusqu’à Ram.

Mâ était très inclusive. Elle disait au chrétien suit le Christ,…Boudha,….Allah

Il n’y avait que sur un seul plan qu’elle était très exclusive : sur le plan de la relation avec elle. Avec Mâ, il n’y a que Mâ ! On n’a pas besoin de Dieu ! Oubliez ça !

Une histoire : Dans les trains, Mâ arrivait dans un compartiment, au milieu de personnes qu’elle ne connaissait pas. Imaginez des jeunes hommes ! Elle était si belle, si attirante. Ils parlaient de choses et d’autres. Ils auraient voulu lui adresser la parole. En général, ils entamaient la conversation et Mâ parlait. Ils restaient suspendu à ses lèvres. Ils se rendaient compte que c’était une personne spirituelle même s’il ne la connaissait pas. Quand ils devaient descendre, Mâ demandait : " Vous ne donnez rien ? (c’est la tradition en Inde de donner quelque chose aux moines errants. Les gens cherchaient dans leur porte-monnaie. Elle disait : " non, non, je vous demande juste du temps. " " Combien de temps ? "  " Juste cinq minutes par jour mais toujours à la même heure. "

Mâ appelait les gens, Mataji ou Pitaji, mère ou père, sauf les enfants auxquels elle disait   amis.

Mâ demandait souvent 5, 10, 15 minutes par jours pour elle, toujours à la même heure, l’heure exacte très précisément. C’est la meilleure des pratiques. Elle est suffisante. Aucune autre pratique n’est nécessaire. Mais en fait c’est très difficile. Même pour un ermite c’est très difficile.

Offrir 5 minutes à Mâ, c’est s’offrir 5 minutes à soi-même. On ne le fait jamais c’est difficile. Offrir vraiment, sans rien attendre, pas de reconnaissance, pas de gain, pas de résultat. Ce n’est pas un investissement ! Peut-être attendre juste que cela fasse plaisir à Dieu et à Mâ.

Vous devez être en alerte au moins 30 mn avant. Je vous raconte une autre histoire : Il y avait un prince près d’Almora, un chasseur, cruel, buveur… mais il aimait beaucoup Mâ. Un jour elle lui a demandé s’il accepterait de lui donner quelque chose : 5 mn chaque jour à heure fixe, pour la vie. Il lui a dit, vous ne m’avez jamais rien demandé, alors d’accord. Une nuit, il était à la chasse au tigre, il avait tendu un piège et soudain le léopard est arrivé, il allait tirer mais c’était l’heure. Le léopard avait vu le chasseur. L’homme a laissé son fusil, il a fermé les yeux et pendant 5 mn il a pensé à Mâ. Après 5 mn, le léopard était parti. Quand Mâ l’a revu, elle lui a demandé, alors le léopard ?

Jamais Mâ n’a rejeté personne parce qu’elle voyait Dieu partout.

Je dois m’aimer moi-même. C’est à dire que je ne dois pas me blesser, m’abandonner, me faire de la peine.

C’est très long de trouver la pratique spirituelle qui vous convient. Pendant onze ans, j’ai cherché, j’ai pratiqué différentes choses avec sincérité. Il faut du temps pour trouver. Il faut choisir ce que l’on aime le plus, ce à quoi on fait confiance et on ne s’examine jamais assez profondément pour le savoir. Mâ m’avait dit : " Je ne t’obligerais jamais à prendre l’initiation mais si tu la veux, alors j’accepterai. " Moi je n’avais pas besoin d’un mantra. J’en avais un. C’était simple et bien comme ça. C’était Mâ elle-même qui me l'avait donné tout en me disant : "ce n'est pas ton initiation, et je ne suis pas ton guru". Mais c'était tout ce dont j'avais besoin. En fait, j'ai quand même préféré réciter mon premier mantra que j'avais reçu des lèvres mêmes de Mâ. J'étais aussi son enfant c'est peut-être cela pour cela qu'elle m'a dit : "je ne suis pas ton guru". Même les gens qui considèrent Mâ comme leur guru lui disent quand même :  Mâ.

Un soir donc Mâ m’a dit : " Demain, tu prendras l’initiation. " J’étais bouleversé. J’ai pleuré devant Mâ. Est-ce que Mâ pouvait être une menteuse ? Est-ce que je m’étais trompé ? Mâ m’a expliqué que je voulais cette initiation mais que je ne le savais pas. Je n’avais pas écouté assez profondément.

Tout ce que nous faisons porte des fruits mais nous ne savons pas lesquels, ni quand ils prendront forme. La transformation spirituelle est très lente et très profonde.

On raconte qu’un jour un passeur faisait traverser un grand fleuve en Inde. Arrivé au milieu du fleuve, l’orage éclate, la tempête se lève. Le bateau se remplit d’eau. Un sadhu sur le bateau puise l’eau du fleuve avec son pot et verse l’eau dans le bateau ; Les passagers sont furieux et ne comprennent rien. ! Finalement le bateau arrive presque à quai. Le sadhu commence à écoper… Les gens lui demandent pourquoi il écope maintenant alors que tout va bien ; Il répond qu’il essaie toujours d’aider Dieu dans son dessein.

Dans notre tradition, on dit " Laisse mon cœur battre avec le tien aussi longtemps que je serai en vie. "

Vous avez besoin d’un bon professeur pour tout…. Mais pas pour la dévotion. L’amour est la seule chose avec laquelle je suis né. C’est ma Vie. La racine de ma vie. Je suis le produit de l’amour de mes parents. D’abord allons en nous et trouvons l’amour en nous. Mâ n’a jamais attendu qu’on l’aime mais j’attends l’amour de Mâ… Je pense parfois que Mâ ne m’aime pas. C’est une erreur. J’ai commencé à aimer Mâ quand je l’ai rencontré mais elle m’a dit qu’elle m’aimait avant que je ne vienne. " (Je savais que vous viendriez. ")

Essayez de diminuer votre attente et vous flotterez dans l’amour.

Il y a toute une part de la dévotion que nous n’avons pas besoin d’apprendre. Nous naissons avec.

Un jour je devais aller faire une pouja à Delhi pour une fête particulière, c’était une pouja particulière. La veille Mâ m’a demandé de venir. Elle m’a montré comment couper les pommes de terre pour cette pouja. Les pommes de terre étaient coupées magnifiquement. Elle m’a dit : " La pouja commence maintenant. Quoi qu’on fasse si on le fait pour Mâ, avec amour c’est une pouja. " Un jour je parlais de Mâ avec deux occidentaux… Les gens croyaient que je parlais mais je faisais attention à mes mots, mes réponses… C’était une pouja.

 

Quel est le rapport entre perfection et bonheur ?

Une histoire : un jour un grand violoncelliste va jouer en concert. Il accorde son instrument dans sa loge, il joue. C’est parfait. Tous les bons musiciens seraient d’accord. Il a soif. Il n’y a pas d’eau dans sa loge. Il descend un instant au bar du théâtre. Il laisse son violoncelle. Un petit garçon entre dans sa loge. Il joue du violoncelle. Pour de bons musiciens ce serait de la mauvaise musique mais lui y a mis tout son cœur et il trouve la musique très belle. Il est très heureux. Où est la plus grande perfection ? Tout est parfait, cela dépend de notre regard. Notre vie est une magnifique composition. La vie de Mâ était la plus belle composition qu’il soit. Il y avait de la beauté dans tous ses gestes.

 

Un jour trois brahmacharis, " novices ",   Baskarananda, Nirvanananda et Nirmalananda devait prendre le sannyas. Ils devaient donc changer de nom. Leurs noms de naissance étaient : Bharat, Kusum et Tapan. C’était du temps de Mâ. Elle était présente. Ils ont décidé que leurs nouveaux noms commenceraient par un nom en relation avec celui de Mâ quand elle était jeune fille: Nirmalananda, et ils voulaient donc que cela commence par nir-…. Des pandits s’étaient réunis pour examiner le rituel et être sûr que tout se passe selon les écritures. Mais ils ont dit que ces nouveaux noms n’étaient pas possibles car le nom devait commencer par la lettre de l’ancien prénom. Mâ leur a expliqué qu’ils devaient changer de noms. Deux d’entre eux ont refusé absolument ! Mâ était ennuyée, elle voulait trouver un arrangement alors elle a demandé aux pandits si ce ne serait pas possible que l’un d’entre eux soit en accord avec les règles et que les deux autres puissent faire différemment. Ils ont accepté. Elle a demandé au futur Baskarananda s’il serait d’accord de laisser le nom qu’il voulait. Puisque c’était Mâ qui le demandait,  il a accepté.

Le jour où j’ai pris le sannyas, je connaissais la règle. Je m’appelais Shanti donc j’avais choisi un nom commençant par s, un nom peu courant, " moderne ", que j’aimais beaucoup, Shambhavananda. Cela fait référence à Shambhu et sa parèdre Shambhavi. Dans ma pratique quotidiennne, je me concentre sur le Shri Yantra, qui est associé à Shambhavi. De plus, il y a la shambhavi mudra dans le Shivaïsme du Cachemire ou on a les yeux ouverts, sans ciller, mais on a l’attention portée à l’intérieur. C’est une pratique de l’unité du monde externe et interne qui me parle.

C’était Baskarananda qui devait me donner mon nouveau nom. A 4 heures du matin, nous sommes dans le Gange glacé jusqu’à la taille. Baskarananda me donne le nom de Nirgunananda. Je suis furieux. Ce n’est pas celui que j’avais choisi ! Alors toujours dans l’eau, il me raconte cette histoire. Il m’a donné le nom qu’il n’avait pu se donner à lui même… Et cela pourrait continuer…

 

3) Mémoires

Les chagrins qui viennent du passé sont-ils inévitables ?

A Calcutta, il y a un endroit qui a toujours servi de décharge d’ordures. Depuis 300 ans que Calcutta existe, cette décharge existe.

Il y a quelque temps, un ami m’a fait visiter le quartier de la décharge, le quartier de Dhatta. J’y ai vu une cité toute neuve, des maisons et des jardins plus beaux et plus propres que tous les autres quartiers de la ville. J’ai pensé que si j’habitais là et que je creusais la terre dans mon jardin, je retrouverai des ordures ! Mais pourquoi ferai-je cela, alors que je peux vivre très agréablement en laissant les ordures sous la terre ?

On ne pourra jamais effacer les souvenirs que nous avons dans nos mémoires mais on peut construire sa vie belle et joyeuse en laissant la tristesse du passé à sa place, sans la ressortir sans arrêt.

Pour moi aussi, la mort de Marol a été un choc. La première fois nous nous sommes rencontrés juste pendant un quart d’heure. Je savais que Marol était un écrivain, un poète, un dessinateur, quelqu’un de génial… Je désirais le rencontrer. Nous avons parlé de notre vision de Mâ. Nous avions chacun une vision différente mais je l’ai écouté, je n’ai pas rejeté son point de vue (je me suis identifié à lui un moment) et il a fait de même.

Marol, je ne sais pas pourquoi m’aimait beaucoup, il disait que j’étais son frère, son ami, son professeur… et moi aussi quelque chose m’attirait très fortement en lui. Il m’a donné beaucoup plus que je n’attendais…

La dernière fois que je l’ai vu à Paris, il était très malade et j’ai su qu’il ne vivrait pas mais on ne peut pas dire cela à quelqu’un. Ensuite, il m’a téléphoné une ou deux fois par jour, il me joignait dans tous les endroits où je me trouvais : En Suisse, à Delhi, à Almora… Hélas le dernier jour, il n’a pas réussi à me joindre. J’ai appris sa mort par Jacques Vigne qui m’a téléphoné et puis j’ai eu le fax de France. Ma mère de 96 ans était morte en juillet. J’ai eu un choc et puis j’ai tout de suite essayé de me souvenir des bons moments passés avec lui, dans son appartement à Paris. Marol est vivant dans ma mémoire et je peux être avec lui quand je veux.

Ce qui nous rend vraiment heureux, c’est d’avoir une relation avec nous-mêmes. Mais tout seul, nous ne pouvons avoir de relation avec nous-mêmes. Nous ne pouvons pas ressentir l’amour que nous avons dans notre propre cœur sans aimer quelqu’un. Alors nous avons des relations et nous existons dans les autres comme dans des miroirs. Le miroir Marol s’est cassé, mais il y a beaucoup d’autres miroirs.

Si j’aime quelqu’un, c’est moi que j’aime, ma propre capacité d’aimer que je ressens. J’oublie que j’ai tout le bonheur en moi et je vais le chercher dans le monde extérieur.

J’aime qu’on me dise mes qualités…ça me rend heureux…

Quand Mâ est partie, j’étais très malheureux. J’ai pleuré et j’ai voulu me suicider en me jetant dans le vide. Nous étions en montagne. Quelqu’un m’a rattrapé et m’a sauvé. Maintenant, je sais que j’aime Mâ davantage que quand elle était là avec son corps. Elle est là quand je veux. Elle est dans ma mémoire. Elle peut être là quand je veux. Avec Marol c’est pareil, je n’ai plus besoin d’aller à Paris… Le passé peut devenir présent quand je veux.

Comme dans les haïkus, le passé redevient présent.

Si un mauvais souvenir ou un choc arrive, vous devez être en alerte et pensez tout de suite que le but de votre vie, c’est d’être heureux, de vous aimer, de vous rendre heureux (et pas d’aimer les autres dans l’espoir qu’ils vous aiment en retour). Si un mauvais souvenir ou quelque chose de triste arrive, vous devez trouver en vous un souvenir meilleur, quelque chose qui vous rende heureux. C’est le but de votre vie. Il y a de la joie à l’intérieur de vous, de belles choses, un trésor dans votre mémoire. Vous pouvez choisir un bon souvenir.

Jean-Claude vous aime, donc il vous veut heureux. Vous aimez Jean-Claude donc vous le voulez heureux. C’est en étant heureuse que vous le rendrez heureux. 

 

Qu’est-ce que fait Marol ?

Le corps de Marol a été brûlé, Marol ne fait plus aucune action avec son corps. Avec son corps subtil une chose est sûre, il est avec Mâ et je sais qu’avec Mâ on est heureux. Vous aimez Mâ ? Oui, alors vous aimez son corps, son esprit et aussi ses paroles. Mâ disait qu’elle est partout. Elle est donc avec Marol.

Qu’est-ce que pense Marol ?

Quand Marol était là, vous ne saviez pas non plus ce qu’il pensait. Vous saviez juste ce qu’il en exprimait.

Comment avoir des échanges avec Marol ?

L’amour n’attend rien. Il n’est pas question d’échanges en amour. Bien sûr, seules les grandes âmes peuvent faire cela, mais nous pouvons essayer.

 

 Mâ disait que l’on devait se comporter comme des enfants mais nous avons grandi et dans notre mémoire, il y a aussi un adolescent et un adulte. Mais il y a aussi un enfant et quand vous voulez, vous pouvez sélectionner cet enfant et être heureux comme lui simplement.

 

4) Emotions

Désir, colère, avidité, tentation, illusion, ego, jalousie. Tous les problèmes viennent de là (politiques, sociaux, familiaux…)

1.      le désir

 Le désir n’est pas mauvais en lui-même. On le rend mauvais. Le désir spirituel est bon. Si je désire et que je n’ai pas ce que je désire, c’est mauvais (ça rend triste d’aller vers l’impossible.) Par exemple, si je veux voler, c’est impossible. Nous connaissons notre limitation. Si je vais au delà de mes limites ça ne va plus.

2-la colère

L’avidité est la mère de la colère. Je veux et je ne l’obtiens pas… Le désir a une mère. Il est l’enfant de la compagnie. Si j’ai envie de quelque chose et que je l’ai près de moi alors je le veux. Si il est loin, je ne le désire plus (comme le chocolat qu’on ne trouve qu’à deux heures d’ici.)

Si vous êtes en colère vous vous battez avec Dieu. C’est bien, vous vous rappelez de Dieu !

 

3 – l’avidité

Il y a une différence entre désir et avidité. L’avidité augmente avec le besoin. J’ai assez d’argent pour continuer ma vie mais j’en veux plus. L’avidité est la mère du désir. Un enfant est tenté par une flamme, il veut la prendre mais je suis aussi tenté d’être avec Mâ, avec mes amis, c’est bien…

 

4 ego, egoïsme

C’est dans la nature humaine de projeter mon moi. Ce n’est pas mal. En général on parle de soi plus que l’on est (ma vie comme un conte de fée) alors les autres me parlent comme si j’étais une autre personne. La projection n’est pas mauvaise mais projeter plus que je ne suis c’est mauvais. Souvent pour prouver que j’ai raison, je prouve à l’autre qu’il a tort et l’autre est triste. Si je vous traite au même niveau que moi, on est ami. Vous pouvez éprouver de la peine si je vous mets en bas. Dans l’amitié, il n’est pas question de pitié.

Sans ego, je n’existe pas mais je peux tenter de me mettre au même niveau que l’autre, sans me considérer comme supérieur à lui .

 

5) La jalousie

La jalousie est parfois l’expression de l’amour. Une mère a deux enfants. Un de cinq ans, puis un nouveau-né arrive. Le petit de cinq ans pense que sa mère ne l’aime plus parce qu’elle donne plus d’attention au plus petit. Il aime le bébé mais il est jaloux de l’amour que sa mère lui donne. Mais l’amour d’une mère est illimité. L’enfant doit comprendre la nature de l’amour.

Mes relations de colère, de tentation, d’avidité, d’illusion, d’ego, de jalousie… avec Mâ, c’est bien ! Vous êtes avec Mâ.

Si je suis une voie, je dois poursuivre aussi loin que je peux. La vie est trop courte pour essayer ici ou là. J’essaye ça 6 mois, ça ne marche pas alors, je change…

Pour choisir sa voie c’est simple : Imaginons que dans votre ville il y ait cinq églises. Quand vous passez devant chacune, vous faites un signe de croix mais le dimanche vous allez dans une église particulière. Nous avons toujours une préférence.

 

Comme nous l’avons dit, le terme sadhana vient du sanskrit : swa (moi) et dhan (richesse). J’essaie toujours de trouver des richesses à l’extérieur et je ne profite pas du trésor intérieur.

Tapasha vient de tap (manger quelque chose d’intolérable / saha (tolérer, profiter avec plaisir.) Quelle chose intolérable ? Quand je nage dans le sens du courant c’est facile, mais si je nage à contre courant vers la source,  c’est difficile.

Quelqu’un casse des cailloux. Il va avoir de l’argent à la fin de la journée. Avec, il achète de quoi manger. Il a besoin de casser des cailloux pour manger. Son travail est pour lui une peine.

Un sadhu veut acheter des fleurs pour Mâ. Il va aussi casser des cailloux pour avoir de l’argent, mais il sera heureux de travailler.

Mâ était assise avec moi et d’autres pour un satsang. " Shanti me dit Mâ, va me chercher un verre d’eau. " J’étais très heureux de le faire. Mais si un autre me le demande, je le fais mais je me sens mal !

Vous devez être heureux.

Les émotions sont vos instruments, des instruments humains. Elles ne disparaîtront pas. Vous pouvez les utiliser sur votre chemin spirituel. Pour le reste vous n’êtes pas obligés de les faire grandir…

Mâ est la première qui a employé le terme : le jeu de la sadhana. (sadhana ka khel) Pourquoi je joue, pour y trouver du plaisir. Je ne parle pas de compétition. On prend beaucoup de sérieux, on peine dans la sadhana. Alors, non ce n’est pas de la sadhana. Si vous ressentez de la souffrance dans votre jeu, ce n’est pas du jeu. Si vous mélangez plaisir et souffrance, ce n’est pas un plaisir, pas du tout ! 

Dans la vie professionnelle, une personne a du succès s’il est sérieux et sincère (en général) et au contraire s’il n’est pas sérieux il risque de perdre sa place. Je prends ma profession au sérieux. Je choisis ma vocation en fonction de ce que j’aime. Si vous ne le faites pas vous ne serez jamais heureux. Dans ma classe intermédiaire je pouvais choisir pour la suite de mes études de travailler surtout math ou physique ou chimie ou biologie. J’ai choisi chimie et plus tard biochimie parce que je me sentais intéressé par cette matière. Dans la vie spirituelle c’est pareil.

La vie professionnelle peut être spirituelle mais la vie spirituelle ne peut être professionnelle.

La chance n’existe pas. Ce que je désire je l’ai. Si vous êtes habitué à être attaché à la chance, vous commettez une injustice. Je n’ai jamais pensé que j’avais rencontré Mâ par chance. Dans le cœur de mon cœur, il y a un désir de pureté, de rencontrer l’incarnation de Dieu.

Nous avons des potentialités. Si le serpent a perdu ses pattes, c’est parce qu’il ne s’en servait pas. Essayer de passer un examen et le rater ce n’est pas la même chose que de ne pas essayer… Entraînez vos oreilles à entendre la nom de Dieu. Essayez, c’est tout.

Dix amis traverse une rivière à la nage. Le responsable demande : " Est-ce qu’on est tous là ? " Il compte il n’en trouve que 9 (il s’oublie lui-même). Un sadhu passe par là et compte tous les dix. " Vous êtes tous là ! "

Je trouve de la bonté dans les autres et pas en moi ! Je ne m’apprécie pas. J’ai l’impression d’être inférieur. Comment pouvez-vous reconnaître votre bonté. La bonté est en moi sinon je ne pourrais pas la reconnaître chez les autres. La surestimation de soi est mauvaise, la sous-estimation est pire. Je porte la bonté en moi mais je ne la sens pas, je ne la vois pas. " Vous êtes les enfants de l’immortalité, Goûtez cette immortalité. " J’ai hérité de cette immortalité, elle est mon père et ma mère. On peut demander à Dieu : " Aide-moi à reconnaître ma bonté. "

Si vous aimez quelqu’un, vous essayez de vous souvenir de lui ; mais si vous vous souvenez de sa colère, ça vous rend triste, ça ne va pas. C’est pour cela que quand on répète le nom de quelqu’un on choisit une personne qui ne nous a pas fait de mal.

Mâ écrivait. J’ai une lettre d’elle. Des amis l’ont reproduite sur internet.

La peur est un état mental. Nous sommes nés avec la peur, nous mourrons avec la peur. C’est un instrument de la sadhana. La peur sert à approcher de Dieu.

A sa naissance, l’enfant pleure parce que tout est nouveau, ce nouvel environnement lui donne un très fort sentiment d’insécurité. Vous pouvez l’utilisez. Même les dieux ont peur…

L’amour neutralise la peur. Essayer d’aimer quelqu’un dont vous avez peur et vous en aurez moins peur.

La peur de la mort. Personne ne veut mourir. Mais peur ou pas peur on meurt, alors pourquoi ne pas faire confiance. Pourquoi perdre votre temps avec ce qui est inévitable. Mâ a dit : " Si vous n’avez pas peur de la mort, la mort n’existe plus telle que nous la pensons. La mort doit mourir ".

 

" Oh mort

Vous êtes pour moi le seigneur Krishna.

Oh mort

Donne moi le nectar de l’immortalité. "

R. Tagore

 

La peur est toujours dans le futur. Même quand on dit je ne veux pas revivre tel événement du passé. Est-ce que quelqu’un dit : " J’ai peur de mon passé ? " Ca n’a pas de sens. Aimez le présent. J’ai peur que quelque chose m’arrive demain. Dans le moment présent il n’y a rien de terrible. Si vous aimez le moment présent, la mort mourra. La mort est une conception du futur. Yama est le fils du soleil. C’est le Dieu de la mort. Dieu a 12 fidèles, dont fait partie Yama. Est-ce que je peux avoir peur de quelqu’un qui se consacre à Dieu ? Essayez de vivre maintenant et soyez heureux. La mort doit pouvoir entrer dans nos vies. Dans le Mahabarata, Ganga bénit son fils et lui dit tu mouras quand tu le décideras. Ganga aimait beaucoup Krishna. Il attendu que ce soit l’heure de la mort de Krishna et il est mort. Imaginez que cette possibilité vous soit octroyée, que feriez-vous ?

Une femme faisait la cuisine pour Mâ. C’était toute sa sadhana. Elle était malade et allait mourir. On devait partir avec Mâ pour Bénarès. Mâ était âgée et elle ne pouvait plus marcher seule. Mâ était seule sur la terrasse. Tout à coup elle s’est levée, elle a descendu l’escalier et elle a couru à 100 m de là auprès de cette femme. Mâ lui a dit (juste deux mots)… la femme a souri et elle est morte.

Il ne faut pas seulement faire des efforts, mais qu’ils soient  sincères et effectués de tout cœur.

Quelle est la place de la grâce ? La grâce est partout, tout le temps. Mâ l’a dit. La grâce est Dieu. Dieu est la grâce. Le soleil brille, vous êtes en vie… Quelle grâce voulez-vous ? Il y a de l’eau… Vous en voulez plus. La vie dépend de la grâce.

" Demandez-moi une bénédiction. " " Etre sans désir… "

 

5) Pratique

On ne peut pas pratiquer la méditation, dhyâna, elle vient si elle veut. Par contre, on peut pratiquer la contemplation, ou concentration, dhârana.

La contemplation, c’est focaliser son attention sur quelque chose. Par exemple, si je mange du chocolat, je peux être tout à fait présent au goût du chocolat, me concentrer sur le goût du chocolat et je suis content. Si tout à coup je pense que ma grande-tante de Calcutta qui aime tant le chocolat n’est pas avec moi, je ne peux plus me réjouir. J’ai de la peine et je ne profite pas du chocolat. Je ne suis pas heureux alors que c’est le but de la vie.

Si je regarde une photo de Mâ ou un paysage, mes yeux et mon esprit vont d’une chose à une autre et mon esprit est instable, cette instabilité perturbe ma joie.

Si je regarde une photo de Mâ où elle est en pied, très vite mon regard et mon esprit vont d’un point à un autre et finalement comme au cinéma ou avec une braise qu’on tourne au bout d’un bâton, j’ai l’illusion d’une image stable mais en réalité il y a une multitude d’images reliées.

Donc dans la contemplation, le but est de focaliser sur une seule partie, puis sur un seul point (le corps, la figure, les yeux, un œil, la pupille, un point). Quand on arrive sur un point, il n’y a plus d’objet et l’esprit est absolument calme. Il ne peut plus aller d’une chose à l’autre, il est stable et cette stabilité donne la joie.

On peut faire la même chose sur un pilier ou sur un arbre. Le pilier est mieux parce qu’il bouge moins.

Il vaut mieux contempler non seulement quelque chose que l’on aime, mais avec lequel, il n’y a aucun mauvais souvenir (colère, tristesse…) qui puisse resurgir au moment de la contemplation. C’est pour ça que je préfère contempler Mâ. Je n’ai absolument aucun mauvais souvenir avec elle.

Les chrétiens le font avec Marie ou la croix.

Quand l’esprit est stable (point), la méditation peut venir.

On peut contempler avec les yeux mais aussi avec l’odorat, le goût, le toucher, les sons.

Il y a aussi une contemplation du silence, on l’appelle le yoga du son, le nada-yoga. Le silence est rempli de bruits même si on se bouche les oreilles, on se parle, une voix parle… Ce yoga du son est difficile, je l’ai pratiqué pendant 12 ans. Maintenant je le pratique rarement, mon esprit est devenu plus clair.

Dans le silence il y a des bruits aigus, graves, forts, doux, instables mais il y a aussi un son stable que l’on peut entendre. C’est un son éternel qui existe dans l’univers. On l’appelle aussi anâhata nâda, quand il est perçu continuellement, cela favorise l'éveil spontané de la kundalini.

Le problème avec l’amour, c’est que nous en faisons un marchandage. Je te donne alors tu me donnes. Un jour quelqu’un a demandé à Mâ, Mâ est-ce que vous nous aimez comme nous vous aimons ? Cette question que tous les amoureux se posent n’a rien à voir avec l’amour. C’est une question qui a pour base le doute. Le doute et l’amour sont aussi opposés que possible.

L’amour n’a rien à voir avec la tristesse, le doute… c’est la joie éternelle absolue.

On ne peut pas éliminer l’attente, on peut la réduire. Il y a ce que l’on désire, et ce dont on a besoin. Ce dont on a besoin est suffisant pour le matériel.

Pour l’amour on a tout à l’intérieur pour être heureux. On est unique, aimé, avec beaucoup de bons souvenirs. Pour les mauvais, il suffit de les mettre à leur place.

 

A propos de l’effort

On appelle effort ce que l’on est capable de faire. Si on essaie de faire quelque chose qui n’est pas dans notre capacité, on n’est pas heureux et on n’y arrive pas.

Si un arbre tombe sur un chemin, on peut passer à côté.

Si le but de notre vie est de réussir une grande chose, on n’est pas sûr d’y arriver, alors il vaut mieux se réjouir aussi de chaque moment.

 A propos d’un retour dans la nuit

C’est sans doute la première fois que ces vieux arbres de l’Himalaya voient des humains la nuit. Est-ce que quelque chose était inhabituel ? Cela fait des centaines de fois que je prends ce chemin. Ce soir j’ai perdu l’ancien chemin que je suis toujours pour rentrer et j’en ai trouvé un nouveau. La nouveauté est toujours là dans les choses anciennes qui nous ennuient. C’est une réponse à votre question sur l’amour. Mais en découvrant chaque jour quelque chose de nouveau en celui qu’on aime, en inventant une nouvelle manière de l’aimer, ça peut nous aider beaucoup. Il y a un temple à Brindavan (le lieu de naissance de Krishna) que l’on décore chaque jour différemment. Des gens n’ont jamais quitté Brindavan de leur vie pour le découvrir chaque matin.

Cet oiseau est mon compagnon depuis 15 ans que je suis là. Je l’entends toutes les nuits. Je ne sais pas s’il y en a un ou plusieurs, si certains sont morts et d’autres sont nés…

La relation corps – esprit

Vous avez remarqué que certains malaises prennent plus d’importance la nuit. Si vous avez des boutons ils vous grattent, votre réveil vous ne l’entendez pas pendant la journée et la nuit, il vous empêche de dormir (moi je l’enferme dans une boîte). C’est parce que votre esprit n’est pas occupé que vous sentez la nuit ce que vous ne sentez pas le jour. Le corps est comme une antenne, il capte tout mais l’esprit, lui c’est la télécommande qui permet de choisir un souvenir. La tristesse, la souffrance si vous voulez ou un meilleur programme si vous préférez. Savoir faire ces choix est une pratique spirituelle. Jusqu’à notre mort, le corps et l’esprit sont très liés. Le corps est une antenne et l’esprit représente le poste de télévision et la télécommande.

Patience

Mâ ne heurtait jamais les gens autour d’elle. Elle ne les blessait pas.

Pourquoi nous disputons-nous ? Par exemple l’un dit une chose et l’autre dit que c’est faux .

Imaginons une famille, la mère, le père et le fils. Si le fils dit " c’est ma mère " et le père dit " c’est mon épouse ", ils ont raison tous les deux. S’ils se disputent parce que leurs vérités sont différentes, c’est idiot. C’est pourtant ce que nous faisons souvent.

Il y a plusieurs façons de heurter quelqu’un : physiquement, avec nos mots mais aussi avec notre regard.

On peut ne pas nier la vérité de l’autre sans être obligé de l’adopter pour nous. On peut parler, la trouver intéressante mais ne pas en avoir besoin. Par exemple je peux regarder de jolis vêtements pour femme, les trouver beaux mais je n’en ai pas besoin pour moi.

Mâ n’était jamais triste.

Pour être heureux, nous pouvons accepter de nous abandonner à certaines données. Nous croyons en Dieu, il a fait la nature et la vie d’une certaine façon. Il est plus fort que nous.

L’art est-il une pratique spirituelle ?

Prenons un exemple : un peintre peint une madone, un autre une peinture érotique. Ils le font en étant très attentifs, présents. Les deux peintures sont réussies. Maintenant vous montrez ces deux peintures à un moine. Il vous dit que l’une est spirituelle et l’autre pas.

Maintenant disons que les deux tableaux ont eu la même femme pour modèle et cette femme a un petit garçon de 5 ans dans l’innocence de l’âge. Il dira que sur les deux tableaux, il y a sa mère et qu’ils sont beaux tous les deux.

Pourquoi voulons nous toujours séparer (comme à Berlin, d’un côté les communistes et de l’autre les capitalistes) et quand le mur tombe, il reste des allemands, voire des humains ? Pourquoi vouloir séparer ce qui est spirituel et ce qui ne l’est pas. Tout est spirituel. Il y a en Inde dans le sud, des grottes décorées magnifiquement avec des dieux et des déesses et en même temps des scènes érotiques.

Je n'ai jamais posé aucune question spirituelle  à Mâ :

Un jour, elle m'a demandé comment allait ma pratique spirituelle. Je faisais du japa, mais pas de méditation, car j'ai trouvé que j'en ai été incapable parce que je ne l’avais jamais pratiquée. Elle m’a dit : "Tu l’as déjà beaucoup pratiquée quand tu étais chimiste de renom. Pour devenir un grand chimiste, tu était obligé de savoir te concentrer, c'est ce que tu faisais dans laboratoire ". Ma vie de chimiste était déjà un début de chemin spirituel.

A propos de l’intuition

L’intuition est une pensée plus profonde que la pensée logique qui relie simplement cause et effet. Elle est basée sur l’instinct animal sans mental que l’on reçoit à la naissance et sur notre expérience. La vraie intuition est difficile à différencier de la pensée simple. Elle vient en général dans un moment de contemplation. L’intuition est meilleure conseillère que la pensée mais elle est difficile à reconnaître.

A propos de la grâce

On peut être profondément heureux sans avoir rien pratiquer comme exercice spirituel. Cela s’appelle la grâce sans cause, ahetuki kripa. En fait, la grâce est toujours sans cause, gratuite, mais nous ne la comprenons pas. La grâce est comme une pluie continue, tenez votre bol à l'endroit, et il se remplira. Elle est aussi présente que la lumière du soleil, mais c'est à nous d'ouvrir les yeux. Mâ disait : "même la feuilles d'un arbre ne tremble pas sans Sa volonté."

 A propos de la foi

Regardons la question de croire. C’est la question de la foi. Des gens pensent que si vous priez bien, Dieu sera bon pour vous. Mais s’il se passe quelque chose de désagréable dans leur vie, ils n’ont plus la foi. Ce n’est pas comme ça ! La joie est à l’intérieur de nous et si l’on est dans le malheur on peut voir ce qui arrive avec les yeux d’un croyant.

Quand j’étais avec Mâ, (moi et d’autres), quand elle me disait de partir pour quelques jours ou même comme c’est arrivé d’aller dans ma chambre pour faire du japa alors qu’elle recevait des gens et parlait avec eux, je pleurais. Si j’avais pu rester avec Mâ 24h sur 24 je l’aurais fait. Dès qu’elle n’était plus là elle me manquait . Quand elle est partie, je voulais qu‘elle revienne avec son corps physique. J’étais stupide. Maintenant, je suis moins stupide. Je peux être avec Mâ quand je veux. Elle ne peut plus m’envoyer trois jours dans un autre ashram sans elle. Je suis plus heureux maintenant…

J’aime être indépendante. Me sentir libre de mes pratiques surtout spirituellement.

Je ne réponds pas. J’analyse votre question. Vous parlez d’indépendance. Qu’est-ce que l’indépendance ? C‘est la liberté, ne pas être dépendant. Mais si quelqu’un vous dit de faire quelque chose, vous serez en colère, vous ne serez plus libre : vous serez dépendante de votre colère. Ce n’est pas l’indépendance. Vous voulez faire ce que vous voulez, donc vous êtes dépendante de ce que vous voulez. Etre indépendant de nos désirs, être libre de notre colère, de notre peur,…même de l’amour.

Dans ce monde on est toujours dépendant de quelque chose ou de quelqu’un, ce n’est pas là notre demeure. Vous habitez Paris. C’est chez vous. Vous êtes venue à Dhaulchina pour la paix. Votre vraie demeure c’est la paix, c’est l’indépendance profonde, la liberté, la joie. On aime la liberté par qu’elle est en nous.

Vous savez que l’indépendance est en vous mais vous voulez y goûter, la sentir. Ce sont les pratiques spirituelles qui nous permettent de la goûter.

On sait (c’est écrit dans tous les grands textes, le Coran…) que le bonheur est en nous. Mais comment y goûter ? Pour venir à Dhaulchina vous m’avez demandé si je pouvais organiser votre voyage. Je l’ai fait. Vous auriez pu venir sans mon aide mais cela aurait été moins confortable. Il y a un autre lieu-dit, Dhaula-dévi, pas très loin d’ici, beaucoup de gens se trompent et perdent une journée de voyage. Pour goûter à l’indépendance un guide, un aide qui ait l’expérience, et la confiance en ce guide sont indiqués. C’est plus confortable.

Toutes les pratiques spirituelles que je fais, c’est pour être heureux. Si une pratique vous rend triste vous ne devez pas la faire ! Moi je ne mange plus de céréales, donc pas de riz. Quand j’ai arrêté, j’ai toujours gardé un paquet de riz dans ma cuisine. Si le riz m’avait manqué, j’en aurais mangé.

Vous pouvez ne pas avoir besoin de ci ou ça, mais pas ne pas aimer… Si je vous offre quelque chose et que vous ne l’aimez pas ou que vous n’en avez pas besoin, vous pouvez me dire : je n’en ait pas besoin, c’est tout à fait correct mais si vous me dites : je n’aime pas ça, je risque d’être blessé…

 

La nourriture et l’esprit sont très liés. Je ne dis pas que c’est bien ou mal d’être végétarien mais si vous mangez de la viande et qu’ensuite vous essayer de méditer, vous aurez du mal. Avec de la nourriture végétarienne ce sera plus facile. C’est tout.

Il y a trois buts pour lesquels nous mangeons : satisfaction, métabolisme (chaleur du corps), nutrition.

Avant même de manger si la nourriture est joliment présentée, on est déjà content.

Pourquoi on ne mange pas les animaux. Si j’ai un ami animal, chien ou cochon… je ne pourrais pas le manger et pas non plus le tuer (pour moi , il a une âme, il me comprend). Donc par solidarité avec ce chien, je ne mangerai pas les autres qui peuvent être des amis et donc pas non plus les autres animaux.

A propos de la nourriture pure ou impure, Mâ ne mangeait jamais quelque chose dont on ne savait pas l’origine. Elle mangeait du riz cultivé avec amour et sans produit chimique bien sûr.

Quand je rentrais du travail, ma mère m’avait préparé mon repas. Je pouvais dire en mangeant mon repas si ma mère avait eu l’esprit troublé ou si elle était paisible en préparant ce repas même si elle était souriante à mon arrivée.

Pour Mâ qui était totalement pure, si celui qui lui donnait à manger n’avait pas les mains propres, passées à l’eau, elle pouvait attraper une infection.

Nous ne connaissons pas l’origine de notre nourriture. Il y a dedans des produits chimiques et toutes sortes de choses mauvaises dues à l’état d’esprit de ceux qui l’ont préparée. Voilà pourquoi aussi nous allons mal.

 

Qu’est-ce qu’une pouja ? C’est quelque chose que l’on fait pour plaire, pour faire plaisir, à quelqu’un qu’on aime. En Inde et dans tous les pays du monde, l’invité est le représentant de Dieu. Alors on fait ce que l’on peut pour lui être agréable : une tasse de thé, des fruits, de l’encens… Si on cueille une fleur pour l’offrir à celle ou à celui qu’on aime alors je crois qu’on peut la cueillir (ce n’est pas tout à fait comme tuer un animal, l’arbre, les racines restent vivantes). C’est un sacrifice de fleur, en l’offrant avec amour, il atteint son but.

Restez là où vous êtes et changez de point de vue. Vous ne changerez pas le monde mais vous pouvez changer d’attitude.

 

A propos de l’abandon

Au Bengale, il y a un grand érudit. Il s’appelait Sannyal de son nom civil, et Shivaram Kinkar Yogatrayananda de son nom religieux. Il n’a écrit qu’un livre mais son introduction seulement représente trois volumes ! Il n’y a pas une science dont il ne parle pas : math, physique, bio… Peu de gens le connaissent mais il était ami de Ramakrishna et celui-ci envoyait ses disciples prendre des leçons chez lui. Vivekananda et Abhedananda (qui s’appelait Kali à cette époque) y sont allés.

Ce professeur avait une nombreuse famille, 35 personnes en tout, qu’il devait nourrir jour après jour. Mais il n’avait pas le temps de travailler tant que cela pour gagner de l’argent, il écrivait, il faisait sa sadhana, il savait que la vie est courte. Il était médecin (allopathe, homéopathe, aryurvédique). Donc il s’est dit, je vais recevoir les malades le matin et je garderai l’après-midi pour mes pratiques spirituelles. De plus, il ne demandait rien aux malades. Chacun donnait ce qu’il pouvait, quelque fois rien, quelque fois beaucoup. C’était comme ça. Quelque fois sa famille et lui-même souffraient de la faim. Mais il disait ne vouloir rien accepter des autres.  " C’est à Dieu que nous devons nous abandonner, c’est ce que disent les écritures. "

Un jour ses étudiants étaient avec lui. Le futur Abhedananda était avec là. Le facteur est arrivé avec une lettre et la lui a remise. Le professeur a lu puis il a mis la lettre dans sa poche et il s’est mis à pleurer. Lui qui n’avait pas pleuré le jour de la crémation d’un de ses fils de 5 ou 6 ans, maintenant ses larmes coulaient ! Les étudiants étaient étonnés lui qui était toujours joyeux. Ils lui ont proposé de partir. Vivekananda a demandé : qu’est-ce qui ne va pas avec la lettre. Le professeur a raconté son contenu :

Un tailleur de Bénarès qu’il ne connaissait pas lui écrivit en commençant sa lettre par : « gentleman inconnu, si vous recevez ma lettre, dites-le moi…Je ne suis qu’un pauvre tailleur. Chaque matin, je vais au Gange prendre de l’eau, je l’offre au temple à Vishwanath et puis je vais à ma boutique. Le soir avant de rentrer chez moi, je vais saluer le Seigneur Vishwanath et c’est tout.

Une nuit, j’ai fait un rêve. Le Seigneur Vishwanath m’est apparu et m’a dit qu’il y avait à Calcutta un de ses fidèles et sa famille qui depuis sept jours n’avaient pas mangé. Ils ont juste de l’eau à boire. Personne n’est au courant. Pourriez-vous lui envoyer de l’argent de ma part. J’ai dit oui dans le rêve et j’ai demandé le nom et l’adresse de ce dévot. Quand je me suis réveillé je me souvenais de l’adresse, je l’ai noté puis j’ai écrit cette lettre que je vous envoie avec 500 Rps, (une somme considérable pour l’époque) ».

Shivaram continua : « Voici un homme qui ne se contente pas de parler de l’abandon à Dieu mais qui la pratique, qui l’a compris. Je prie depuis si longtemps pour la vision de Shiva, et c’est à ce tailleur illettré qu’il est apparu. Voilà la raison de mes larmes ! »

Dans la vie nous sommes malheureux quand nous n’avons pas ce que nous voulons. Mais parfois nous avons ce que nous n’avons pas demandé et nous sommes heureux…

Que nous le voulions ou non, nous nous abandonnons. Par exemple tout à l’heure je ne savais pas ce que j’allais vous dire ni quel thème j’allais aborder. Je ne m’étais pas préparé à vous parlez de l’abandon. Vous n’aviez pas de question particulière à me poser. Que s’est-il passé ?

Votre présence m’a donné envie de parler d’abandon. Dans le cœur du cœur de l’un d’entre vous quelqu’un voulait entendre parler d’abandon.

Pour s’abandonner, il faut quelqu’un ou quelque chose à qui s’abandonner. Si quelqu’un me menace avec son pistolet, je lève les bras pour me rendre. Dans ce cas, je m’abandonne à ma peur de mourir, pas à Dieu.

Comment s’abandonner à l’autre sans le connaître ? ni savoir ce qu’il souhaite. C’est impossible.

On ne peut s’abandonner qu’en connaissant l’autre. On le connaît en s’identifiant à lui. Qu’est-ce que veut dire s’identifier ?

Exemple mathématique : Si je prends deux triangles à angles droits, ils ont quelque chose de commun mais je ne peux pas dire qu’ils soient totalement identiques. Pour être identiques, ils doivent être exactement les mêmes. On doit pouvoir les mettre l’un sur l’autre et les confondre.

Donc si je veux connaître l’autre pour m’abandonner à lui. Je dois le connaître totalement. Et pour le connaître en totalité alors je dois m’identifier à lui, donc à Dieu ; connaître la volonté de Dieu et s’y abandonner. Mâ disait : " Je suis vous "

Quand quelqu’un arrivait, Mâ demandait toujours : " Are you all right ? " C’était si doux à entendre que tout allait bien effectivement. Ensuite elle disait : " Avez-vous mangé ? non ? Alors allez d’abord prendre votre repas et puis revenez me voir. "

Un jour, j’étais depuis très peu de temps avec elle. Elle m’a dit : " Demain c’est un jour particulier (de la lune) Ce jour là on ne mange pas de céréales. Alors, j’ai pensé que j’allais essayer aussi. Le matin je n’ai rien mangé. J’écrivais des lettres pour Mâ. Tout d’un coup vers 10 heures, elle m’a dit " c’est l’heure du déjeuner, va manger. " Je lui ai dit que c’était le jour d’ékadashi, le onzième jour de la lune (on fait un jeûne partiel ce jour-là). Elle m’a demandé si je n’avais rien mangé depuis le matin. Voyant que non, elle a fait appeler tout un tas de personnes, ils m’ont arrangé de quoi m’asseoir dans la chambre de Mâ. Des jeunes femmes m’ont servi à manger. Tout le monde me regardait. J’étais perplexe, intimidé. J’ai mangé la nourriture d’ékadashi sous le regard de Mâ. Ce n’était pas de la nourriture, chaque bouchée était une bouchée d’amour !

 

Comment le gourou aide-t-il son disciple ?

 

 Il y a une confusion à propos de la relation gourou-disciple. On dit souvent que le gourou teste son disciple. Mais en fait, il n’en a pas besoin, il voit bien où il en est. Par contre, il lui donne des manières de contacter son énergie intérieure et de l’éveiller pleinement.

 

Est-ce que les relations que nous avons dans le monde aident à notre développement spirituel ?

On fait en général une distinction entre la relation à Dieu, donc de qualité divine et les relations « mondaines » qui sont dans la sphère de Mâya. Cependant, si on veut à tout prix quitter le monde d’ici-bas, on risque fort de se créer un monde « là-bas » qui est imaginaire. Par rapport à la notion ordinaire de détachement, il y a comme une autre face de la pièce : voir en Dieu l’essence de toutes les relations, c’est le sens d’une des prières les plus répétées dans l’hindouisme : « Tu es réellement ma mère, Tu es mon père, Tu es mon frère, Tu es mon compagnon… ». Les relations de famille habituelles aboutissent souvent à des disputes, mais si l’on sait aller à la racine, à l’essence d’une relation donnée, on trouve Dieu.

Eknath avait une grande dévotion pour la forme de Vishnou adorée à Pandarpur qui s’appelle Vittal-Panduranga. Sans cesse, son nom était sur ses lèvres. Par ailleurs, il servait avec beaucoup de cœur aussi son vieux père qui était infirme. Un jour qu’il était occupé à cette tâche, il vit que son Seigneur était apparu à la porte. Il lui dit familièrement : « Attends un peu que j’ai fini, tu peux par exemple te reposer sur cette brique qu’il y a juste là ! ». Jusqu’à ce jour, la statue de Vittal dans le temple de Pandarpur repose sur une brique, qu’on dit être cette brique…

Il y a une autre histoire qui va dans le même sens. Un yogui faisait beaucoup d’austérités, il avait obtenu certains pouvoirs mais n’avait pas bien maîtrisé la colère. Une fois qu’il méditait sous un arbre, un oiseau se soulagea au-dessus de lui et arrosa son crâne chauve. Furieux, il lui lança un tel regard de colère que l’oiseau fut instantanément réduit en cendres. Quelques jours plus tard, il va pour mendier dans une famille qu’il connaissait. La femme là-bas était entièrement dévouée à son mari infirme. Elle le fit attendre avant de lui donner l’aumône, car elle était prise par les soins qu’elle prodiguait au mari.  Quand elle arriva enfin, l’ascète lui envoya un regard courroucé. « Ne crois pas m’impressionner, je ne suis pas comme l’oiseau sur la branche de l’autre jour ! » dit-elle. « Comment es-tu au courant ? » « Comme ça ! Je ne fais pas d’austérités, mais je suis entièrement absorbée dans ce que je fais, je sais ce que je sais, et je vois ce que je vois… »

 

6)Silence

 

Le silence et la solitude sont différents du silence de l’esprit. Le vrai silence veut dire samadhi. Tous mes troubles viennent de ma mémoire, des interactions que j’ai eues. Je ne peux pas les effacer. D’abord on pense, ensuite on parle. La plupart du temps on ne sait pas ce que signifie ce qu’on dit. 80% de ce qu’on dit dans une journée n’est pas nécessaire. Nous parlons par habitude. 95% de mes paroles n’ont rien à voir avec le but de ma vie. Esprit, parole, action pour atteindre notre but. Le créateur nous a fait comme ça. Les yeux pour le regard… J’utilise beaucoup d’énergie pour parler. Si je ne parle pas je préserve mon énergie. Dans la solitude, personne ne vous parle, vous préservez votre énergie. Mais vous vous parlez à vous-même et penser consomme beaucoup d’énergie. Un homme ne peut vivre sans penser. Ne pas parler est un moment de solitude. Dans l’ashram de Mâ à 20h45 tout le monde se tait pour un quart d’heure. Rester muet est une technique de concentration. Vous devez avoir peur de parler. Pendant trois ans, je n’ai parlé qu’à Mâ. Mais même alors être en présence de questions crée un trouble. La solitude aide à restreindre votre parole. Le vrai silence est le samadhi, votre esprit n’est plus troublé. Il y a aussi une pratique où non seulement on n’ouvre pas la bouche pour parler mais on ignore toute question posé par les autres. Si nous ne parlons pas, il y a une possibilité de silence pour l’esprit.

La parole est le principal instrument de relation. Donc c’est avec la parole qu’on se fait des amis et des ennemis. " Les muets n’ont pas d’ennemis. " dit un proverbe bengali. Je peux vivre sans ami, je préfère vivre sans ennemi.

La bouche est le seul organe des sens qui a deux fonctions : savourer et parler. Le créateur nous a donné le sommeil profond, pour vivre chaque jour un vrai moment de silence.

Je comprends avec mon intelligence, la compréhension est dans mon intelligence associée avec ma mémoire. Par contre, pour sentir nous n’avons pas besoin de mémoire.

L’intuition est différente du ressenti. L’intuition est l’intelligence la plus profonde.

Mâ disait : " Vous avez assez joui de votre intelligence. "

Pour être professeur lisez des livres. Pour être disciple, servez-vous juste de ce dont vous avez besoin, de ce qui vous est utile sur le chemin. Nous aimons voir Mâ comme un professeur et pourtant Mâ a dit : " Ce corps n’est pas un guru. " La vie de Mâ montre le chemin.

Soyez comme un enfant, un enfant est un apprenti.

Vous n’apprenez pas pour montrer votre supériorité. Si vous le faites c’est de la tromperie pour le monde. Vous devez utiliser votre connaissance et votre énergie pour protéger les autres.

" Oubliez la philosophie et aimez-moi. " disait Mâ.

Un professeur est celui qui donne son expérience. C’est une personne originale. Où sont nos profs ? Si je ne peux pas utiliser mon savoir à quoi ça sert. Si vous prenez Mâ comme une confidente, elle sera toujours là.

Fixer votre rôle, qu’est-ce que vous voulez être et faire dans la vie.

Pour devenir intelligent vous avez besoin d’un guide. Pour aimer vous n’avez pas besoin de guide, ni d’intermédiaire. " Soyez saoul de nectar et perdez-vous vous-même. "

Vous entendez votre discours intérieur. Vous vous parlez de ce qui est dans votre mémoire, très profondément, plus profondément que quand vous parlez à quelqu’un. Vous pouvez utilisez cela pour l’introspection, c’est une aide.

Dans le silence je parle mais il y aussi un moment où le silence parle. Vous pouvez écouter le son du silence : nada en sanscrit. Le nada n’a pas de grammaire. Quand le silence parle, vous ne le comprenez pas, vous le sentez, je n’ai pas besoin de comprendre. Je suis heureux.

 

7) Amour

Parfois mon cœur est comme une pierre. Je ne peux aimer rien ni personne.

Votre cœur n’est JAMAIS une pierre. Il est immense comme l’univers. A l’instant vous pouvez penser à la France, être en France en pensée. Le cœur c’est aussi l’esprit. Enfin, le cœur et l’esprit ne sont pas les mêmes mais on ne sait pas ce que c’est que le cœur. Le cœur et l’esprit sont dans le cerveau. Il y a des choses qui viennent se mettre entre votre cœur et le monde. Ce sont des perturbations comme les nuages devant la montagne aujourd’hui. Si les perturbations se calment, si vous trouvez la stabilité, le cœur est là, ouvert, joyeux.

Dieu est-t-il loin ? Dieu est à l’intérieur de vous, il est partout. C’est vous qui l’éloignez. Quand vous rencontrez une personne pour la première fois, elle peut vous être antipathique ou sympathique mais c’est quand vous avez une relation avec elle, que vous vous parlez, que vous savez si elle est vraiment sympathique ou antipathique. C’est en ayant cette relation que vous savez. Pour être proche de Dieu, il faut avoir une interaction avec lui

 

. De quoi dépend le résultat de notre dévotion ?

Résultat veut dire dévotion. Voilà un histoire pour illustrer cela. Un dévot de Ganesh aime Ganesh. Après quelques années, il n’a pas de résultat. Il remplace Ganesh par Krishna. Il range la statue de Ganesh sur une étagère au-dessus de son autel. Il brûle de l’encens devant Krishna mais pour empêcher Ganesh de profiter de l’odeur de l’encens, il met du coton dans les narines de Ganesh. Alors Ganesh dit : Je suffoque, enlève le coton. Le dévot demande à Ganesh : " Je vous ai suivi 12 ans et vous ne m’avez jamais dit une parole. C’est quand je vous laisse que vous me parlez. Seriez-vous jaloux de Krishna ? " " Je suis une forme du dieu Krishna, répond Ganesh, comment pourrais-je en être jaloux !" " Alors pourquoi ne m’avez-vous pas parler avant ? " " Aujourd’hui, tu m’as considéré comme vivant en me mettant du coton dans le nez, tu as été sincère ! "

Comment peut-on aimer sans rien attendre ? Ce n’est pas humain !

Est-ce que j’attends quelque chose de mon miroir, de mon image ? Non je n’attends rien et pourtant j’aime mon image. C’est l’essence de l’amour. Personne ne m’a dit d’aimer mon image et pourtant je l’aime.

 

En Orient, on calme son esprit en faisant du japa. On concentre son ouïe sur un nom, le nom d’un dieu ou d’une déesse en général (tous les noms ont un son mais tous les sons ne sont pas des noms). En se concentrant sur quel Dieu réciter son japa ? Celui que l’on préfère, le Dieu de ma vie ; C’est dans la nature humaine, quand j’aime quelqu’un, j’aime être avec lui physiquement et mentalement. J’aime me souvenir de lui, d’elle tout le temps. C’est un fait de la vie.

Je peux focaliser sur son nom, ou sur sa forme (une image dans ma mémoire ou une photo). Une mère a un bébé. Elle a beaucoup à faire mais son attention est toujours avec lui parce qu’elle aime son enfant.

Les objets de notre amour changent pas notre amour. Ses objets varient, pas lui. Pour l’instant je ne suis pas capable d’aimer entièrement une personne ou un objet (ou ne pas l’aimer). Mon amour ou mon désamour ne sont pas permanents.

Dans les Véda on peut lire que l’amour est unique, il est le même pour notre nourriture et pour Dieu. La connaissance d’un objet ne dépend pas seulement de notre perception de base, mais aussi de notre structure mentale qui interprète cette perception. En ce sens, une connaissance ainsi qu’une relation à deux est toujours personnelle. Par exemple, la plupart des brahmacharinis de l’ashram de Mâ adorent Krishna et récitent à la base le même mantra. Cependant, certaines le voient comme leur enfant (laddou Gopal, l’enfant à quatre pattes qui tient une confiserie appelée laddou dans la main), d’autres comme un adolescent jouant de la flûte et d’autres encore comme directement le compagnon de Radha. On doit aller à la racine de cette singularité, de cette spécificité relationnelle.

Pour faire japa, je n’ai pas besoin de préparation. J’ai juste besoin d’amour or je suis né avec l’amour, je suis un produit de l’amour.

Mon esprit va de ci, de là. Pourquoi ? Il est à la recherche de l’amour.

Mâ n’avait pas besoin des écritures parce qu’elle avait en elle toutes les expériences. Moi j’emploie parfois les écritures par manque de confiance en moi, parce que je n’ai pas suffisamment d’expériences.

Comment développer mon amour ? L’amour n’est pas une faculté alors vous n’avez pas besoin de la développer. Développer l’amour n’est pas le point. L’éclairer est le point. Vous devez clarifier la jungle de votre mental. Je déteste quelqu’un, à la racine de ce sentiment est l’amour : l’amour pour moi. L’amour est couvert, je dois juste l’enlever. L’amour est en moi. Quand je le sens, il n’y a plus de problème.

Qu’est-ce que le l’amour ? Un état mental. Ce n’est pas une action, l’amour peut se transformer en action. Nous aimons pour être heureux et pourtant ça finit souvent en chagrin. La peine ne peut pas être le résultat de l’amour. L’amour ne donne pas de chagrin. Nous avons une vue intellectuelle de l’amour. Si l’amour était une action, il y aurait changement mais l’amour est stable, constant par définition. Une action commence et finit et l’amour est éternel. Si l’amour est un état intérieur, je le porte toujours. Je projette mon amour pour quelqu’un pour sentir, pour voir, mon propre amour. Sinon nous ne le sentons pas. Nous pouvons sentir celui des autres mais le nôtre si nous ne le projetons pas, nous ne le sentons pas.

L’amour est vôtre ; il vous est particulier. Si vous imaginez deux couples mère-fille, vous ne pouvez pas les interchanger.

Bhakti vient du sanscrit (en sanscrit les racines de tous les noms sont des verbes). Bhakti vient du verbe « partager ».

Un autre nom de l’amour est dévotion. Quand je donne quelque chose, j’en ai moins. Mais quand je donne de l’amour, je n’en ai pas moins. Alors pourquoi est-ce que j’attends quelque chose de l’extérieur  en retour? Un guru assis devant ses disciples peut dire I love you. Le même guru dans sa chambre à un seul disciple dira I love you. Du point de vue du Guru il n’y a pas de différence, du point de vue du disciple, il y a une différence… L’amour, la transmission est omnidirectionnelle, pas unidirectionnelle c’est une radiation. Mais la réception de l’amour est unidirectionnelle. Si vous êtes transmetteur, vous êtes omnidirectionnel. Si vous êtes récepteur vous êtes unidirectionnel, entre les deux il n’y a rien. Vous ne pouvez pas être les deux en même temps. Il faut choisir.

Comment je peux aimer Dieu ? Comment commencer, par où ? Là où je suis. Je peux dire à Dieu, tu es ma mère, mon père, mon compagnon… Je ne sais rien de Dieu, mais je sais ce qu’est mon amour pour ma mère, pour mon père, mon compagnon… Charité bien ordonné commence par soi-même. (begins at home).

La bhakti c’est vivre sans séparation avec lui. " Vous commencez à la maison ". La seule relation avec laquelle vous êtes née, c’est celle avec votre mère. Ma mère m’introduit au père et au monde.

On fait toutes les pratiques pour se connaître et on commence par là où on en est. Quand on dit à Dieu : je veux une maison, je veux une voiture, ce n’est pas futile, c’est bon parce qu’à ce moment là on se souvient de Dieu.

Si je veux connaître toute la création, c’est impossible. C’est pourquoi il est écrit dans les upanishads : si vous connaissez la source, vous connaissez tout. Mon but est de connaître Dieu. Oh God, I want You. Et quand vous êtes avec Dieu vous êtes avec tout. Je veux la chose que j’aime le plus. Ce que j’aime le plus c’est moi-même ;

Il y a trois formes pour représenter Dieu : la forme grossière : une sculpture ou une peinture ; le yantra, la forme subtile ; le mantra la forme causale (graine). Aum est la graine de tous les mantras, ensuite il y a sept extensions et ensuite tous les autres.

 

Nous avons de nombreuses interactions avec le monde qui nous entoure. Le vent souffle fort ou doucement… que vous le notiez ou non. J’ai tout le temps des interactions. Notre cerveau est un pot ! Si la poubelle est pleine vous pouvez la vider mais nous ne pouvons pas vider notre cerveau. Aucune pratique spirituelle ne nous permet de vider notre mémoire.

Nous aimons la pureté, la divinité, la beauté, la vérité, la sincérité, la compassion … parce que tout cela est en nous, tout cela est nous-même et l’incarnation de Dieu. Une histoire : Un pauvre reçoit un prêt. Quelque temps plus tard celui qui lui a prêté de l’argent vient sonner chez lui pour récupérer son argent. Le pauvre envoie son fils à la porte pour dire que son père n'est pas là. Quelques temps plus tard, le père voit son fils sortir d’un cinéma à l’heure où il devrait être à l’école. Quand le fils rentre le père demande où il était. Le fils ment. Le père furieux le punit et lui dit qu’il est un menteur ! Même un menteur n’aime pas le mensonge.

L’ignorance que nous appelons maya… Dieu lui-même est le roi de maya. La séparation du pur et de l’impur est ma propre création. J’ai une pensée très limitée. Ma vie est mon meilleur professeur. Mâ m’aide à faire de moi un bon professeur de moi-même.

Je suis unique. Vous êtes unique. Quand je dis que je vois Marie ou François d’Assise dans Mâ. Vous comparez et il est impossible de comparer deux personnes uniques. C’est un non-sens. Cela fait toujours de la peine d’être comparé. Si je vais à Assise, je me prosterne devant la tombe de François. J’aime Saint François. En Europe dans les églises je me prosterne devant Marie. J’aime Marie. Mais je ne peux pas comparer François et Mâ. Deux époques, un hommes, une femme… Ils sont uniques donc incomparables.

Il y a cinq modes d’interactions avec le monde que je connais : la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût. Nos perceptions sont liées à notre esprit. Les cellules visuelles d’une personne qui vient de mourir fonctionnent encore, elles perçoivent la lumière, elles peuvent être clonées. Nos perceptions sont donc en lien avec notre esprit. Et notre esprit nous ne le connaissons pas. Lao-Tseu avait un intendant très dévoué depuis des années. Il venait chaque matin et repartait le soir. Un matin, le serviteur arrive. Il est très perturbé : " Tout va mal, mon esprit est malade ! " " Comme c’est étrange, dit Lao Tseu, vous êtes mon disciple proche depuis des années et votre esprit est malade. S’il vous plaît, montrez-moi votre maladie. " " Mais je ne peux pas, je ne sais pas où est mon esprit. " a répondu le disciple. " bien, alors cherchez-le. " a demandé Lao Tseu. Le serviteur a cherché avec beaucoup de concentration, jusqu’au jour où le samadhi est venu !

Je me sens bien, puis je me sens mal parce que mon esprit s’accorde avec une chose et puis saute à une autre… et c’est la seule racine de nos troubles (drifting : aller à la dérive). C’est l’habitude de la pensée. Je peux le voir avec mon esprit. C’est un paradoxe. On ne peut sentir son existence que comme cela. Si l’esprit est tranquille on ne le sent pas. Je vois des feuilles, et puis après des papillons. Donc pour calmer l’esprit il nous faut quelque chose que nous aimons beaucoup. La chose que j’aime le plus, je veux être avec. Je me sens bien, veut dire que je me sens bien avec cet objet ou cette personne. Si vous aimez une personne vous l’aimez en totalité, vous souhaitez la voir, la toucher, l’entendre parler, sentir son odeur…

 

 

 

Y a t-il un yantra de Mâ ? Les yantras sont décrits dans nos écritures. Les écritures ont 2000 ans. Mâ est très récente. Ca dépend comment vous considérez Mâ. Si Mâ est l’incarnation d’une déesse, Durga, Kali…il existe des yantras comme le Shree yantra de Lalita.

Un guru c’est celui qui vous apprend quelque chose. Ce n’est pas forcément une personne. Cela peut être la nature, le silence, un enfant. Le guru est celui qui –selon l’étymologie traditionnelle- dissout (ru) l’obscurité (gu). Sur les images en Inde on voit souvent un jeune guru et des vieux disciples. (Cela peut correspondre à Dattatreya enseignant en silence les quatre vieux fils de Brahma, ou bien au jeune Shankaracharya avec ses quatre principaux disciples qui étaient plus âgés que lui). Les doutes sont toujours vieux et la dissolution de ses doutes la solution ; quand vous n’avez pas de doute vous vous sentez jeune. Mâ paraissait toujours jeune parce qu’elle n’avait pas de doute.

Il n’y a pas d’autoroute pour la spiritualité ; vous choisirez ce qui vous convient.

Le guru peut induire de l’énergie, aider à énergétiser, enrichir l’uranium…mais après c’est la réaction en chaîne. Le guru ne peut en aucun cas donner la réalisation. Si le but du disciple est la réalisation personnelle, pourquoi la demander à un autre ? Le guru vous dit " you are That " et un jour vous réalisez I amThat.

Pour faire briller un diamant vous avez besoin de soleil.

On aime vivre avec nos problèmes. Qu’est-ce que réaliser la vérité ultime ? C’est une expérience. Pour faire une expérience vous avez besoin de votre psychologie, vos perceptions, votre mémoire, votre intelligence. Sans tout cela, pas d’expérience.

Prier est un comportement humain normal. Mâ ne priait jamais … Pourquoi ? Elle était un être humain normal. Je prie parce que je ne peux pas stabiliser ma relation : je la veux plus intense, plus… La prière est l’expression de ma non satisfaction du présent. Je n’aime pas le présent. Mâ, était toujours présente ! Toujours satisfaite de ce qu’elle est, toujours en samadhi.

 

Est-ce que vous avez eu peur de Mâ ? Comment aurais-je peur de l’amour. On parle de la peur qu’inspire Dieu. Mais ce n’est pas cela dont il s’agit. Il s’agit de mettre quelques limites à nos agissements pour ne pas nous faire de mal. Comme un père met des limites à son enfant pour qu’il ne soit pas en danger.

J’aime Mâ. Je la prie. J’ai besoin d’un résultat, d’indications. Par exemple si je fais une marche, j’ai besoin de panneaux tous les 2 kms.

S’il y a un défaut, c’est de penser qu’il y a un défaut.

J’essaie d’aimer Mâ. Je n’ai pas de feed back. Comment continuer, je suis fatigué. Je vous dis mon point de vue. Il y a un seul défaut en moi, c’est que je me sens défectueux et je me sers de ce défaut contre moi.

On oscille entre croire et ne pas croire. Il n’y a pas de conviction. Je ne peux pas fixer mon esprit en général. Est-ce que vous croyez que Mâ vous aime ?

La grâce se déverse sans cesse il faut mettre le bol à l’endroit.

Notre instrument est l’amour. Qu’est-ce que l’amour ? Est-ce que l’amour est un attachement ou une relation ? Dans une relation vous êtes libre, pas dans un attachement. L’amour n’est pas un objet mais on en fait un objet. Un objet change mais l’amour ne change pas. C’est une relation, un sentiment. On ne peut pas toucher l’amour mais on peut être touché par l’amour. Vous pouvez toucher votre amoureux pas l’amour. Quand je fais de l’amour mon amour, je le dilue, j’y mets l’attente et la réciprocité. J’aime avec la peur de le perdre. Je ne peux pas perdre l’amour. L ’amour n’est pas un objet. S’il devient un objet je deviens jaloux… Quand j’ai peur dans l’amour, je perds le goût de l’amour. S’il y a une pilule amère dans ma bouche, le miel ne peut pas être senti.

Mâ a dit : " Je suis toujours avec vous. " Qu’est ce que l’attente. L’attente veut dire : j’ai un manque, un vide en moi. J’attends d’être plein. J’attends que Mâ m’aime mais je sais que Mâ m’aime ! C’est une contradiction. Pourquoi j’oublie la grâce . J’ai couvert mon cœur avec un parapluie et dans mon cœur j’ai un très fort désir d’amour. L’amour est la solution, on le sait mais on fait de l’amour un problème. Je me fais une vie hyperactive, pourquoi ?

Mâ n’a jamais demandé à quelqu’un de venir. Elle n’a jamais dit non quand il venait.

Un jour une femme qui traduisait mes propos m’a demandé : comment connaître l’amour de Mâ. Elle est mère, je ne le suis pas. Je l’ai revue l’année suivante, elle était mariée. Et avait un enfant.

Krishna avait été adopté par Yashoda. C’était un enfant absolument imprévisible. Un jour il était allé avec des adultes au bord de la rivière. Il a commencé à manger du sable. Ceux qui étaient là n’ont pas pu l’arrêter alors ils ont appelé sa mère. Elle est arrivée avec une baguette pour le frapper et elle lui a demandé s’il avait mangé du sable. Krishna ne tremblait même pas car il savait que cette femme agissait par amour.